(Onze heures quatorze minutes)
Le Président (M.
Bachand) : Bonjour à tous et à toutes.
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue.
La commission est réunie afin de procéder aux
consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de
filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression
sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des
mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel) est remplacée par Mme Gendron (Châteauguay); M. Lemieux
(Saint-Jean), par Mme Picard (Soulanges).
Remarques préliminaires
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Ce matin, nous
allons débuter par les remarques préliminaires, puis après nous
entendrons, par la suite, les organismes suivants : le Réseau des centres
d'aide aux victimes d'actes criminels et le Conseil du statut de la femme.
Avant de débuter, je pense qu'il est important
de le dire, permettez-moi de commencer nos auditions avant d'apporter des
précisions étant donné la nature des propos discutés dans le cadre de ces
consultations. Dans ce contexte, je vous
invite à la prudence lorsque vous êtes amenés à évoquer un cas en particulier
afin d'éviter de dévoiler des renseignements personnels ou confidentiels
concernant les personnes impliquées. En conséquence, je vous invite donc à
amorcer les discussions sur le projet de loi tout en faisant preuve de
prudence.
Sur ce, pour les remarques préliminaires, M. le
ministre, pour six minutes.
M. Simon
Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Oui. M. le
Président, chers collègues, c'est avec enthousiasme que nous entamons
aujourd'hui les consultations particulières sur le projet de loi n° 12
portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite
d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression
ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants
issus d'un projet de grossesse pour autrui.
Le droit de la famille concerne et touche
directement chacun d'entre nous à différents niveaux. Nous avons toutes et tous
été l'enfant de quelqu'un, et peut-être songeons-nous aujourd'hui à fonder une
famille ou bien, pour plusieurs d'entre
nous, nous sommes déjà parents. Nous voulons tous ce qu'il y a de mieux pour
nos enfants. C'est à eux que nous pensons quand nous partons travailler
le matin, c'est leur bien-être, leur sécurité et leur avenir que nous avons en
tête lorsque nous prenons des décisions, et c'est ce que nous devons avoir en
tête tout au long de nos travaux sur cette réforme.
Nous aborderons, au cours des prochains jours,
des sujets délicats mais essentiels. Avec le projet de loi n° 12, nous donnons suite au projet de loi n° 2, qui
posait les premiers jalons d'une importante réforme du droit de la
famille lors du précédent mandat. En plus de
reprendre les mesures du projet de loi n° 2 qui n'ont pu être étudiées,
notamment la question de la grossesse pour
autrui et la connaissance des origines en matière de procréation assistée, le projet
de loi n° 12 vient corriger une aberration.
L'été dernier, une situation ignoble a été mise
en lumière grâce au témoignage d'une courageuse jeune femme. C'est le cri du coeur d'
Océane, cette jeune femme qui a donné
naissance à un enfant à la suite d'un viol et qui n'a pu empêcher
l'agresseur d'établir sa paternité, qui a permis de lever le voile sur une
importante faille dans la loi. Grâce à
Océane, nous venons corriger cela et nous assurer qu'aucune mère n'ait à vivre
avec la peur au ventre qu'un jour leur agresseur cherche à avoir des
droits sur leur enfant.
Avec le
projet de loi n° 12, il sera possible pour une mère dont l'enfant est issu
d'un viol de refuser à l'agresseur l'établissement de sa paternité.
Celle-ci pourra également être retirée si la filiation est déjà établie.
Par ailleurs,
nous ne voulons surtout pas que l'enfant et la mère soient pénalisés
financièrement par cette décision. L'agresseur pourra ainsi être tenu,
même en l'absence d'un lien de filiation, à verser à la mère une indemnité pour
l'aider à subvenir aux besoins de l'enfant.
D'autre
part, le projet de loi propose un important rattrapage en ce qui concerne la
grossesse pour autrui. Malgré que des enfants naissent d'une grossesse
pour autrui chaque année au Québec, ce processus n'était ni reconnu ni encadré légalement, contrairement à la majorité des autres
États fédérés du Canada. Le projet de loi institue donc un processus clair,
prévisible et sécuritaire.
En résumé, la femme
qui porte l'enfant conserve l'entière autonomie de disposer de son corps comme
elle l'entend. La femme qui porte l'enfant
peut résilier la convention de grossesse pour autrui unilatéralement en tout
temps. La rémunération est interdite, mais le remboursement de certaines
dépenses est admissible. Et les parents d'intention qui changeraient d'idée en
cours de route ne peuvent pas abandonner l'enfant.
Les parents
d'intention et la femme qui prévoit porter l'enfant devront participer à une
séance d'information préalable dans le but de permettre à tous de prendre une
décision éclairée. Ainsi, une convention, dont le contenu sera balisé par règlement, devra être conclue
devant un notaire. Le cadre que nous mettons en place permet de protéger
à la fois le droit des enfants à naître et ceux de la mère porteuse.
Le troisième et
dernier volet principal du projet de loi concerne la connaissance des origines
en matière de procréation assistée. L'accès à la connaissance de ses origines
est un besoin fondamental des enfants. Les experts s'entendent pour dire que celui-ci peut être déterminant pour le
cheminement et le développement de l'identité de chacun.
Rappelons que le
projet de loi n° 2, sanctionné en juin dernier, est venu élargir les
règles sur la connaissance des origines en matière d'adoption. Soulignons aussi
que le droit à la connaissance des origines est devenu un droit fondamental
inscrit à la Charte des droits et libertés de la personne, la charte
québécoise.
Dans le projet de loi
n° 12, nous légiférons pour assurer que les enfants qui naîtront d'un don
de gamètes ou d'une grossesse pour autrui
puissent, eux aussi, avoir accès à la connaissance de leurs origines. En somme,
nous voulons que tous les enfants puissent connaître leurs origines et
leurs histoires, peu importe la façon dont ils ont été conçus.
En terminant, nous
pourrons entendre au cours des prochains jours différents experts et groupes se
prononcer et nous partager leurs savoirs sur les grands volets de la réforme.
Nous entamons ces consultations avec ouverture et en ayant toujours en tête l'intérêt
de nos enfants. Je le réitère, les enfants sont ce que nous avons de plus
précieux, et c'est leur intérêt qui doit primer dans toutes les décisions.
Merci, M. le Président.
• (11 h 20) •
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le
député d'Acadie, pour 3 min 36 s, s'il vous plaît.
M. André Albert Morin
M. Morin :
Merci. Merci, M. le Président. Avec ma collègue la députée de Robert-Baldwin,
on est heureux de pouvoir participer à nouveau aux travaux de la commission sur
les institutions dans le cadre d'un projet de loi qui est, effectivement, très, très important et qui vise à régulariser,
finalement, une situation, parce que, comme vous le savez, dans le Code
civil actuel, toutes les conventions en matière de grossesse pour autrui,
évidemment, sont nulles. Donc, M. le ministre le soulignait, c'est une réalité
qui existe dans les autres provinces du Canada, et on est d'avis qu'il faut,
effectivement, que le législateur québécois s'intéresse à cette question.
Je tiens à souligner
la présence du Pr Roy, ancien collègue, distingué chercheur dans le domaine du
droit de la famille. Alors, ça me fait plaisir de le revoir.
Et
je vous dirais que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction. Vous
l'avez mentionné d'emblée, M. le Président, on va travailler avec des
concepts qui sont très importants et qui... je pense, qu'il ne faut pas mettre
en opposition, c'est-à-dire le droit des
femmes à disposer de leurs corps et l'intérêt supérieur de l'enfant. Je pense
qu'il faut travailler puis y voir une interrelation et non pas une
opposition.
Donc, ce projet de
loi va tenter, évidemment, de régler ces situations-là. Cependant, il y a des
questions qui se posent, et c'est la raison pour laquelle, compte tenu du
contexte, et des textes mêmes, et de l'objet du projet de loi, on est heureux
de voir qu'on va entendre plusieurs groupes en commission parlementaire pour
augmenter, accroître, finalement, non seulement notre connaissance, mais
s'assurer que le projet de loi sera le meilleur pour l'ensemble des Québécoises
et des Québécois.
Il
y a des questions qui restent cependant un peu en suspens, puis on aura
probablement la chance ou l'opportunité d'en débattre, par exemple : Est-ce que, dans le cas d'une
convention de grossesse pour autrui, on devrait le permettre lors d'une
première grossesse ou pas? Quel sera le... tout le soutien, les conseils
psychologiques qui viendront, et éthiques, éclairer toutes les personnes qui
voudront se lancer, évidemment, dans un tel projet?
Je suis aussi
conscient qu'il faudra s'assurer, et ça, ça m'apparaît hyperimportant, de bien
informer la population quand,
éventuellement, il y aura des modifications au Code civil en ce sens. Pourquoi?
Bien, parce qu'il y a sûrement des gens qui vont tenter de se lancer
seuls, sans conseil juridique à tout le moins, dans cette aventure, dans ce
projet, et donc il faudrait s'assurer que tout soit fait conformément et que
les gens, dans la population, soient bien conscients de ce en quoi ils
s'engagent.
Et, à ce moment-là,
on peut s'interroger. On sait que la convention de grossesse sera faite, ou, en
fait, selon le projet de loi, par acte notarié. Est-ce que ça devrait être
uniquement un acte notarié? Est-ce qu'il pourrait y avoir d'autres véhicules
juridiques? Est-ce qu'il serait important, pour bien renseigner la population,
de demander aux couples, aux gens qui
veulent avoir ce projet-là d'obtenir, par exemple, un avis juridique avant,
pour être bien conscients de toutes les implications que cela implique?
C'est autant, je pense, de questions, de débats que nous pourrons avoir dans le
cadre des travaux de la commission. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup,
M. le député. Mme... députée de Vaudreuil, pardon.
Mme Marie-Claude Nichols
Mme Nichols :
Merci. Merci, M. le Président. Alors, bien contente de participer au projet
de loi n° 12. Le droit de la famille,
c'est un droit superimportant, c'est un droit qui est délicat, c'est un droit
qui, disons-le, est humain, très humain et, évidemment, un droit qui est
souvent très émotif. Donc, j'imagine qu'il y aura beaucoup d'émotion, là,
durant les travaux du projet de loi n° 12, mais c'est, du moins, un projet
de loi qui, je pense, est essentiel, parce que le droit de la famille est aussi
un droit qui évolue. Et je pense qu'il y a certains... certaines notions, là,
qui se doivent d'être mises à jour. Comme le disait M. le ministre, là, des
situations comme le cas de la jeune Océane, je pense que ça mérite qu'on s'y
attarde puis qu'on mette nos lois à jour.
Comme la plupart, là,
des collègues ici et comme les groupes, là, qui participeront, qu'on entendra
lors des auditions, bien, ça me fera plaisir... Je suis avocate en droit
familial, comme ma collègue de Robert-Baldwin, donc il me fera plaisir, moi aussi, là, de pouvoir apporter, là, une certaine...
une certaine expertise. Puis je suis certaine que tous ensemble, bien,
on va trouver le droit chemin ou, en fait, une façon d'améliorer le bien-être
de notre population.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Et voilà maintenant le député de Jean-Lesage. M. le député, très heureux de
vous voir ce matin. Alors, la parole est à vous. Je sais que c'est un petit peu
à la dernière seconde, mais je vous laisse faire vos remarques préliminaires,
M. le député.
M. Zanetti :
Merci, M. le Président. Je ne ferai pas de remarques préliminaires.
Le
Président (M. Bachand) : Mais je voulais
vous donner la chance, M. le député de Jean-Lesage. Alors, merci beaucoup.
Auditions
Alors,
nous allons maintenant débuter avec notre premier... nos premiers témoins.
Alors, je souhaite la bienvenue, bien
sûr, aux représentants, représentantes du Réseau de centres d'aide aux victimes
d'actes criminels. Encore une fois, merci beaucoup d'être avec nous ce
matin. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation.
Après ça, on aura une période d'échange avec les membres. Donc, je vous invite
d'abord à vous présenter et à débuter votre exposé. Merci.
Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels
(Réseau des CAVAC)
Mme Villeneuve
(Marie-Christine) : Eh bien, bonjour, tout le monde, mesdames,
messieurs. Merci de nous donner l'opportunité de prendre la parole aujourd'hui
puis de se faire entendre au sujet du projet de loi n° 12. Donc,
je me nomme Marie-Christine Villeneuve. Je suis coordonnatrice aux
communications et aux relations publiques du Réseau des
CAVAC.
D'entrée
de jeu, peut-être vous dresser un bref portrait de ce que... de ce qu'est le
Réseau des CAVAC. Donc, le réseau est
composé de 17 centres d'aide aux victimes d'actes criminels, qui sont
situés un peu partout au Québec, qui offrent des services gratuits et
confidentiels d'abord, évidemment, aux personnes qui sont victimes directement
d'un crime, ensuite à leurs proches, mais
aussi aux témoins d'infractions criminelles, qui peuvent vivre beaucoup de
conséquences. Donc, ces services-là sont disponibles peu importe l'âge, peu
importe le sexe, l'identité de genre des personnes, peu importe le moment où le crime a lieu et peu importe si la personne a
porté plainte ou non à la police, qu'il y ait un suspect qui ait été
identifié ou non.
On
offre un très large éventail de services, donc l'intervention post-traumatique,
l'intervention psychosociale. On offre également tout l'accompagnement
dans le processus judiciaire, la préparation à un témoignage, l'information sur
les droits et recours. On va aussi pouvoir assister les personnes victimes pour
ce qui est de remplir les différents formulaires, par exemple pour une
indemnisation à l'IVAC. On offre également, dans le cas où on juge qu'il y a un
besoin, une orientation vers une ressource qui sera plus spécialisée ou encore
complémentaire à ce qu'on peut offrir.
L'an dernier, nos
équipes ont offert, là, environ... des services à environ un peu plus de
66 300 personnes, et ces services-là sont offerts par des équipes
d'intervention qui sont composées principalement de sexologues, de
criminologues, de travailleurs et travailleuses sociaux, de psychoéducatrices
également, qui sont membres de leurs ordres professionnels. Et ces équipes-là
sont en place dans les sièges sociaux, évidemment, mais aussi dans les palais de justice, dans les postes de police, donc sont
là de façon permanente, ce qui permet vraiment une proximité avec nos
partenaires puis de faire en sorte qu'il y ait une excellente collaboration,
une proximité avec ces partenaires-là. Ça constitue donc, chacun de ces
endroits-là, là, 185 portes d'entrée pour les personnes qui ont accès à
nos services.
Donc, comme
plusieurs, il faut dire que le Réseau des CAVAC a été très ébranlé par la
situation d' Océane, mentionnée un petit peu
plus tôt, qui a été exposée dans les médias l'été dernier, particulièrement par
cette incongruité dans la loi qui permet ce genre de situation là, qui
ouvre la porte à cette souffrance-là et même... voire à la continuité de
l'agression. Donc, en raison de notre mission, en raison de la mission du
Réseau des CAVAC, on a été interpelés par les conséquences pour les personnes
victimes qui se voient de cette façon-là imposer la présence de leurs
agresseurs dans leur vie et dans celle de leurs enfants. Et on a été interpelés
par les enjeux qui ont donc été mis en lumière par cette prise de parole là.
Donc, c'est
vraiment relativement aux mesures proposées spécifiquement à cet égard-là dans
le projet de loi n° 12 qu'on va prendre la parole aujourd'hui et
non pas sur les autres dispositions, là, qui sont prévues au projet de loi. On va s'attarder plus
précisément à la filiation puis à la responsabilité financière, là, relative à
un enfant qui est issu d'une agression sexuelle.
Au Réseau des CAVAC, on est d'avis que le droit
à l'établissement de la filiation devrait être la volonté unique de la personne
victime ou encore de l'enfant qui est issu de l'agression et que ça ne devrait
jamais être un droit pour la personne qui a commis l'agression, étant donné,
là, l'ampleur des impacts pour les personnes victimes, les impacts de ce
crime-là. Par contre, on ne voudrait pas que l'enfant soit privé des droits qui
accompagnent la filiation puis on juge donc nécessaire qu'il puisse se
prévaloir de ses droits s'il le désire, et ce, sans prescription quant au
moment d'en faire la demande.
Finalement,
tant que la personne... en fait, tant pour la personne victime que pour
l'enfant qui est issu de l'agression sexuelle, bien, ces gens-là
devraient pouvoir bénéficier de tout soutien nécessaire, notamment au niveau
légal, au niveau psychosocial, en lien avec
les enjeux puis les répercussions que l'exercice des droits qui sont prévus
dans le projet de loi n° 12 pourrait générer.
Donc, pour
analyser plus en profondeur les mesures de filiation et de responsabilité
financière, je vais tout de suite passer la parole à mes collègues. Je
suis accompagnée aujourd'hui... j'ai oublié de le dire, mais de Dave Lysight,
qui est directeur général du CAVAC-Mauricie, et de Jenny Charest, directrice
générale du CAVAC-Montréal. Donc, je passe la parole à mon collègue Dave
Lysight.
• (11 h 30) •
M. Lysight
(Dave) : Concernant la filiation, notre souhait serait
qu'une personne ayant commis une agression sexuelle ne puisse, en aucun
cas, requérir à l'établissement de sa filiation auprès d'un enfant issu de
cette agression. Nous comprenons évidemment que cette agression doit, tout
d'abord, être prouvée afin de contrer une telle requête. Dans l'éventualité où
une personne ayant commis l'agression a été reconnue coupable, celle-ci...
devant un tribunal criminel, n'y aurait-il pas la possibilité de créer un
automatisme afin de faire en sorte qu'il ne soit tout simplement pas possible
pour cette personne de requérir à l'établissement de la filiation, de prévoir
la création d'une passerelle entre les différentes instances judiciaires afin
bloquer ce type de demande?
Nous sommes
en faveur de la mesure permettant de contester la filiation initialement
établie entre une personne ayant
commis une agression sexuelle et l'enfant issu de cette agression. Il n'est pas
rare qu'une personne victime prenne plusieurs années avant de dévoiler
ce qu'elle a vécu. Il est, donc, important et essentiel de tenir en compte tous
les aspects sensibles à cette problématique, qui sont observables dans notre
pratique et documentés abondamment en littérature, notamment dans le délai
relatif qui est possible entre l'agression et l'apparition des symptômes, des conséquences, la force nécessaire également
de dévoiler ainsi que dans un contexte... et la nature de l'agression.
Cette mesure est, donc, en cohérence avec la réalité des personnes victimes et
aux mesures permettant leur rétablissement.
Dans le même sens, l'imprescriptibilité en
matière d'actions relatives à la filiation nous semble alors tout à fait
appropriée. Cette disposition fait, d'ailleurs, écho aux modifications des
dernières années relatives à l'abolition de
la prescription en matière de recours civil ou encore en matière
d'indemnisation des personnes victimes d'infractions criminelles d'ordre
sexuel.
Nous considérons important et pertinent que les
mesures relatives à la filiation ne soient pas tributaires que simplement d'une condamnation de la personne ayant
commis l'agression sexuelle par un tribunal d'instance criminelle. En
effet, il est bien connu et documenté que plusieurs victimes d'agression
sexuelle ne dénoncent pas ce qu'elles ont vécu aux autorités.
Il nous semble ainsi approprié que les
dispositions législatives proposées mentionnent explicitement qu'un jugement
reconnaissant l'existence d'une agression sexuelle pourra faciliter la preuve
devant une instance civile. Cependant, et
nous soulignons que nous ne sommes pas juristes, nous avons des préoccupations
quant à l'évaluation ou au traitement qui serait fait, devant un
tribunal civil, d'un acquittement en matière criminelle. Nous comprenons que le fardeau de la preuve est différent des deux
instances. Un acquittement devant une instance criminelle ne signifie
pas nécessairement qu'une agression n'a pas eu lieu. Il sera, donc, important
et primordial d'en tenir compte.
Nous comprenons que la survenance de cette
agression sexuelle devra être démontrée soit par prépondérance de preuve, selon les mêmes principes qu'une
personne victime qui pourrait... qui poursuivrait la personne l'ayant
agressée devant un tribunal civil.
Ces enjeux de preuve nous préoccupent, dans un
contexte où ce type d'agression se produit dans presque tous les cas dans
l'intimité, à l'abri des regards de témoins qui pourraient corroborer les
faits.
Finalement, nous comprenons la prise en compte
de l'intérêt de l'enfant à l'article 542.22, mais il nous semble que, dans le cas particulier d'une
naissance à la suite d'une agression sexuelle, l'intérêt de la personne
victime devrait également être pris en compte. Encore plus dans la situation où
la personne victime est titulaire de l'autorité parentale et qu'elle a la garde
de l'enfant, particulièrement lorsque l'enfant est en bas âge et n'a jamais eu
de contact avec l'auteur du crime. En raison
du contexte si particulier de la naissance de cet enfant, le bien-être de cette
personne victime qui est central et l'intérêt de l'enfant devraient être
nécessairement pris en compte et en considération.
Il est également essentiel que la personne victime
ou l'enfant issu d'une agression sexuelle soient informés de la possibilité que
le jugement sur la filiation autorise le changement de nom auprès de la
Direction de l'état civil. Le fait de porter le nom de l'agresseur peut être
très dommageable, voire un élément de revictimisation quotidien autant pour la
personne victime que pour l'enfant né des suites de l'agression.
Il nous
semblerait approprié de prévoir des mesures visant les mêmes objectifs que les
articles 542.2, 542.9, al. 1, en matière de procréation
assistée, pour l'enfant issu d'une agression sexuelle dont la filiation est
établie. Nous comprenons bien qu'il n'y a ici pas d'enjeu d'informations
détenues par une tierce organisation qui pourraient... dont l'information
pourrait être malencontreusement divulguée à l'enfant. Cependant, nous avons le
souci que, lorsque l'information sera transmise à
l'enfant, si elle l'est, qu'elle le soit en réponse à ses besoins, de façon
adéquate, toujours en respect de son âge, de ses étapes de
développement, mais surtout avec le soutien nécessaire pour la personne
victime, mais aussi pour l'enfant.
Il nous semble impératif, et ce, même si ça ne
fait pas l'objet du projet de loi actuel qui est en étude, que cet enfant soit considéré comme une personne victime
au sens de la Loi visant à aider les personnes victimes d'infractions
criminelles et à favoriser leur rétablissement.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Très bon timing.
Honnêtement, vous êtes bien... vous avez bien fait ça. M. le ministre,
période d'échange, pour une période de 16 min 30 s.
M. Jolin-Barrette : Merci,
M. le Président. Mme Charest, M. Lysight, Mme Villeneuve, merci
de votre présentation et de vous rendre disponibles, que le Réseau des
centres d'aide aux victimes d'actes criminels vienne présenter son point de vue
en commission parlementaire.
D'entrée de jeu, je vous remercie, parce que
vous apportez un éclairage et votre expertise relativement au soutien aux
personnes qui sont victimes, avec le réseau, dans toutes les régions du Québec.
Puis je peux dire que vos intervenants, je le constate depuis que je suis
ministre de la Justice, font un très bon travail d'accompagnement, de soutien, et je pense qu'on... il faut le saluer.
Vous êtes une référence auprès des personnes victimes, vous les aidez
notamment à ce qu'à la cour, ça se passe bien aussi, puis votre présence est
extrêmement sécurisante pour les personnes victimes. Alors, je tiens à vous
remercier.
Dans le cadre du projet de loi n° 12, ce
qu'on souhaite faire, c'est vraiment donner le choix à la personne qui est
victime du viol de déterminer, en sa qualité de tutrice de l'enfant, quelle est
la meilleure option pour sa situation familiale, ce qu'elle souhaite. C'est
pour ça que, dans le projet de loi, il y a différents scénarios qui peuvent
être envisagés par la personne victime de viol.
Je donne un exemple. Il pourrait y arriver que
la personne victime elle-même décide de vouloir établir la filiation de son
enfant avec monsieur. Mais, par contre, on est venu faciliter le recours à la
déchéance de l'autorité parentale automatiquement pour faire en sorte qu'il n'y
ait pas de lien de garde et d'autorité parentale sur l'enfant, ce qui voudrait
dire que, dans ce cas-ci, la victime pourrait demander une pension alimentaire
régulière à monsieur. Ça pourrait être un choix qui est envisagé par la
victime.
Dans
l'éventualité où madame ne veut pas avoir... qu'un lien de filiation soit
établi entre son enfant et l'auteur de l'infraction criminelle, bien là,
à ce moment-là, c'est là que le mécanisme d'indemnité s'applique. Donc,
objection à la filiation, mécanique d'indemnité, mais également sur les droits
successoraux de l'enfant, où est-ce qu'on voulait s'assurer que l'enfant ne
perde pas ses droits successoraux.
J'aurais une question pour vous, où on est dans
le scénario sur le critère de l'intérêt de l'enfant, parce que vous avez dit,
dans vos propos : Le critère s'ajoute lorsqu'il y a déjà établissement de
filiation. Exemple, en matière de violence conjugale, où il y a un viol
conjugal, puis que les parties sont ensemble depuis un certain temps, puis que
madame ne réussit pas à s'extirper de la relation toxique depuis plusieurs
années. Mais supposons qu'elle réussit à le faire
après trois ans, à ce moment-là, l'enfant connaît son père, a établi des liens,
vit... font vie commune, supposons, et c'est pour ça qu'on est venu
mettre le critère de l'intérêt de l'enfant pour briser la filiation. Mais,
vous, ce que vous nous dites, c'est que l'intérêt de la victime devrait être
pris en considération, même si la filiation, elle était déjà établie. C'est
bien ça que j'ai compris?
M. Lysight (Dave) : Tout à fait.
M. Jolin-Barrette : OK.
Mme Charest
(Jenny) : Oui, tout à fait, si vous me permettez. En fait,
l'intérêt de la personne victime... En fait, la personne victime, c'est
aussi dans l'intérêt de l'enfant, parce que, plus la personne victime va
arriver à favoriser son rétablissement, plus elle va être en mesure aussi de
soutenir l'enfant. Et une personne victime qui est directement en lien avec un
agresseur, on peut parler que ça peut limiter ses compétences parentales aussi
et ça peut limiter la capacité d'offrir à son enfant l'environnement le plus
facile et le plus optimal pour son développement.
M. Jolin-Barrette : OK.
• (11 h 40) •
Mme Charest (Jenny) : Alors,
oui, c'est clair. Si je peux me permettre, justement, un des éléments qui nous
est apparu et dont on n'a pas eu le temps de parler au niveau du financement,
hein, des mesures financières qui nous apparaissaient quand même très, très
pertinentes, mais un des éléments qu'on voyait qui manquait, justement, c'était
le bout de... on parle de l'intérêt de l'enfant, la personne victime n'a pas de
prescription pour faire différentes actions en lien avec sa victimisation;
quand on parle de l'enfant issu d'une agression sexuelle, il y a une
prescription liée au fait qu'il est mineur.
Donc, la personne
adulte qui serait issue d'une agression sexuelle n'a pas les mêmes droits dans
le projet de loi actuel que si elle était mineure, que sa mère, en fait...
parce que cette personne-là, un des éléments qu'on se disait, c'est qu'elle
n'est pas, actuellement, en tout cas, selon notre compréhension, reconnue comme
une personne victime au sens de la LAPVIC, donc elle n'a pas droit à toutes les
indemnisations de l'IVAC. Donc, on pense à une situation, par exemple, où
l'agression sexuelle devient connue seulement à l'âge adulte, donc un jeune
homme, une jeune femme
qui apprend que, finalement, sa naissance est issue d'un viol. Et ça, on le
voit régulièrement chez une personne victime qui ne me nomme pas, ça
peut être dans un contexte conjugal, comme aussi dans un contexte où c'est un
lien autre, je dirais, et qui ne s'est pas
poursuivi, mais cette personne-là, nous, on le constate, va avoir beaucoup
d'impacts, va avoir exactement les mêmes réactions, les mêmes conséquences
qu'une personne victime.
Alors, je pense que,
dans les éléments... les mesures qui ont été choisies, qui ont été identifiées
sont très novatrices et pertinentes, mais je pense qu'il faut aussi avoir une
attention particulière par rapport à cette situation-là, dans la perspective de
reconnaissance de personnes victimes.
Mme Villeneuve
(Marie-Christine) : Oui, Jenny, puis peut-être juste pour ajouter,
parce que, dans le cas où, effectivement, la
personne adulte l'apprend à l'âge adulte, non seulement elle n'a pas de recours
au niveau du projet de loi qui est prévu présentement, mais elle n'est
pas reconnue comme une personne victime, donc elle se retrouve un peu, là, sans
aide, à ce moment-là. Puis, comme Jenny l'a indiqué, les conséquences peuvent
être très importantes pour cette personne-là qui apprend une nouvelle qui peut
complètement chambouler sa vie, on le comprend.
M. Jolin-Barrette :
Peut-être juste pour apporter certaines précisions, sous la loi sur
l'indemnisation des personnes victimes, dans
le fond, l'enfant peut présenter une demande de qualification en tant qu'enfant
de la personne victime. Donc, il y a
des offres de soutien psychologique, notamment, psychothérapique, puis
certaines aides financières qui sont offertes en tant que soutien de la
personne qui est victime, donc qui est au niveau de sa cellule familiale. Ce
n'est pas lui qui est victime de l'infraction criminelle, mais je comprends ce
que vous demandez, vous voudriez qu'on le considère comme personne victime
directement.
L'autre point...
Mme Charest
(Jenny) : Oui, parce que...
M. Jolin-Barrette :
Allez-y, allez-y.
Mme Charest (Jenny) : Oui,
oui, tout à fait, vous avez raison, on ne dit pas du tout qu'il n'y a pas de
soutien, mais on pense que cette personne-là devrait être considérée de la même
façon, que le fait d'être issu d'une agression sexuelle devrait être considéré
comme une victimisation directe.
M. Jolin-Barrette :
OK. Sur l'autre point, quand vous disiez : Il y a une prescription
relativement au fait que, exemple,
l'indemnité, elle est prescrite... en fait, il y a un délai de prescription de
trois ans en haut de 18 ans, mais, en fait, jusqu'à 18 ans, le
titulaire de l'autorité parentale, c'est lui qui présente la demande. Au-delà
de 18 ans, bien, en fait, c'est si la
personne, elle est à charge, donc, il peut aller avec trois ans de
rétroactivité. Ça fait que, exemple, supposons que l'enfant a
21 ans et là présente sa demande à ce moment-là, bien, il va couvrir sa
période antérieure quand même, de 18, 19, 20 ans, 21 ans et plus,
pour le futur également, jusqu'à son 25e anniversaire, supposons qu'il est
à charge aussi. Ça fait que je tiens à vous rassurer sur ce volet-là également.
Je serais curieux de
savoir, est-ce que, selon votre expérience, vous, vous avez vécu, dans vos
réseaux, ce genre de situation là qui a été vécu par Océane, sur le terrain,
là, des victimes comme ça, des enfants issus puis des gens qui tentaient
d'établir leur filiation qui avaient agressé sexuellement une femme.
M. Lysight (Dave) : De notre côté, je vous
dirais que c'est... comme ma consoeur Jenny le mentionnait, effectivement, c'est des situations qui nous
arrivent quand même assez fréquemment, mais... comment je pourrais vous
dire, on ne... les personnes victimes qui ont... comment je pourrais dire, qui
ont eu ce type de situation, en fait, ça prend
vraiment énormément de courage, énormément de détermination avant de pouvoir
frapper à la porte, dans le fond, parce que, justement, c'est... comme
je le nommais tout à l'heure, tu sais, c'est tout le caractère intime, hein, de
tout ça. Puis je ne sais pas si Jenny voudrait rajouter quelque chose.
Mme Charest
(Jenny) : Oui. En fait, j'ai envie de vous dire qu'il y a toutes
sortes de situations, et ce qu'on constate beaucoup dans nos services, ce sont
des personnes qui réalisent avoir été victimes d'une agression, c'est... la personne ne l'a pas réalisé tout de suite. On le
voit beaucoup, dans les dernières années, avec le phénomène de #moiaussi où les gens mettent des mots sur des
situations, alors que ces personnes-là vivaient des conséquences depuis
plusieurs années mais n'avaient pas été en mesure d'identifier que c'était en
lien avec ça. Et ça, on le constate régulièrement.
Vous avez parlé de
violence conjugale, donc de violence sexuelle à l'intérieur de situations de
violence conjugale, ça, on l'a de manière presque quotidienne, où les gens
doivent vivre avec les impacts de ça. Une fois que la personne, comme vous
l'avez dit, est sortie de la relation, le fait de voir et d'identifier la
violence sexuelle comme étant au coeur du couple et des conséquences qui ont
été vécues, je pense que c'est hyperimportant de s'assurer, en fait, que ces personnes-là, lorsqu'elles décident,
les femmes victimes de poursuivre et d'aller chercher les éléments,
quand on parlait tantôt de passerelle, de s'assurer aussi qu'on facilite le
parcours de cette personne-là qui réalise qu'elle a été victime et qui veut
faire valoir ses droits.
Donc,
oui, on le constate régulièrement. Comme Océane, une situation comme celle-là,
on ne l'a pas constatée, nous, à Montréal. C'est quand même... c'est
assez rare. Mais, en même temps, combien de personnes ne sont pas venues nous
voir et l'ont vécu et n'osaient pas aller sur la place publique ou aller
consulter, ne connaissant pas leurs droits en fait? Donc, j'ai envie de vous
dire que le fait de proposer un projet de loi comme celui-là, ça va faire en
sorte que ces personnes-là vont venir consulter.
M. Jolin-Barrette :
Excellent. Écoutez, je vous remercie. Je sais que mes collègues souhaitent
vous poser des questions. Alors, un grand merci pour votre présence en
commission parlementaire.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le
ministre. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa :
Oui, merci beaucoup. Merci beaucoup de votre temps pour un sujet aussi
sensible. Bon, vous avez dit que c'est malheureusement fréquent qu'il y ait des
grossesses qui sont issues d'actes criminels, d'actes sexuels. Le Québec n'en
fait pas exception, mais ça doit se voir ailleurs. Alors, j'aimerais savoir,
est-ce qu'il y a d'autres États ou d'autres endroits où on a utilisé une
gestion financière pour limiter le contact entre les victimes puis les
agresseurs? Est-ce que ça a été... Comment c'était structuré? Est-ce que ça a
été un succès? Est-ce que vous avez des références extérieures?
Mme Villeneuve
(Marie-Christine) : Je ne sais pas si mes collègues ont une réponse,
Jenny, mais je ne crois pas qu'on ait fait cet exercice-là.
Mme Charest
(Jenny) : Non. J'ai envie de vous dire qu'on n'est pas allés fouiller
si ça existait ailleurs, on est plus allés, nous, dans la perspective de
comment faire pour mettre en place différentes modalités pour faciliter les
choses, parce que ce qu'on constate parfois, c'est que, quand un droit est là
mais trop compliqué à faire valoir ou trop
compliqué dans le quotidien de la personne, bien, ça va arriver fréquemment que
la personne va finalement décider de ne pas tenter de le faire valoir,
ce droit-là. Et ce qu'on constate, c'est que ça ne va pas répondre non plus au
droit au rétablissement.
La loi sur l'aide aux
personnes victimes d'infractions criminelles vise à favoriser le
rétablissement. Alors, on se dit que, si des
droits sont mis en place, mais qu'on ne facilite pas les choses, ça va être
plus complexe. Mais on pourrait certainement aller voir si ça existe
ailleurs pour trouver des façons, parce qu'on pense que c'est vraiment un
élément qui pourrait faire en sorte que les personnes utiliseraient ces
mécanismes-là et iraient plus faire valoir leurs droits, et ça redonnerait un
certain pouvoir aux personnes victimes.
Rappelons-nous que,
quand on parle de violence sexuelle, on parle quand même de pouvoir, on parle
d'abus. Donc, il faut aussi tenir compte de ça dans notre façon de mettre en
place, là, tout ce qui est possible pour soutenir.
Mme Bourassa : Il reste quelques
minutes. J'aimerais vous entendre sur la proposition que ce soit un
montant unique et non un genre de pension alimentaire pour éviter, justement,
le contact victime-agresseur. À quel point c'est important de limiter dans le
temps les contacts entre la victime et l'agresseur?
• (11 h 50) •
Mme Charest
(Jenny) : Je peux y aller encore. En fait, on a envie de vous dire que
ce qu'on constate, c'est qu'il y a toutes sortes de situations. On l'a vu,
justement, avec IVAC où, parfois, c'est des forfaits ou, parfois, c'est, justement... c'était une rente auparavant, et tout.
On aurait envie... j'aurais envie de dire que ça dépend de la situation,
qu'un montant pourrait ne pas répondre à tous les besoins d'un enfant. Ça
pourrait faire en sorte que la personne va l'utiliser,
et, ensuite, l'enfant... Si on pense à l'intérêt de l'enfant pendant
18 ans, est-ce qu'il va avoir accès à cet argent-là ou va pouvoir
être soutenu de manière plus concrète pendant plus longtemps? Mais, dans
certaines situations, il vaut mieux que ce
soit un montant unique, et la personne, à ce moment-là, pourra le gérer. Mais
c'est pour ça qu'on s'enlignait, nous, plus vers une façon de faire qui
favoriserait de limiter le lien entre la personne... le père et la personne
victime, mais qui pourrait continuer de répondre aux besoins de l'enfant.
Un enfant peut vivre
toutes sortes de choses aussi dans sa vie, peut se retrouver avec une maladie.
Un enfant qui est issu d'une agression
sexuelle, on peut penser qu'il n'est pas nécessairement toujours dans les
meilleures conditions, donc d'aller à une fois plutôt que sur une longue
période pour assurer de répondre aux besoins de cet enfant-là n'est pas
toujours la bonne façon...
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Le temps est très...
Mme Charest
(Jenny) : ...mais c'est une façon pour limiter le lien, c'est clair.
Le Président (M. Bachand) : ...passe très rapidement. Mme la députée de Laval-des-Rapides, pour 1 min 30 s.
Mme Schmaltz :
Vimont.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Vimont. Non, mais c'est parce que j'avais...
Mme Schmaltz : OK. Parfait. En fait,
vous savez, souvent, quand un enfant est adopté, on lui dit très
rapidement, quand un enfant est issu d'une
insémination, la même chose, au même titre qu'un enfant dont le père est
décédé, on lui apprend très
rapidement, là, les... ce genre d'événement là. Pensez-vous qu'un enfant issu,
on va dire, par un viol, devrait être rapidement mis au courant de cet
état de fait? Justement, peut-être pour... je sais que c'est votre deuxième
préoccupation par rapport à l'âge, là, notamment, est-ce que ça ferait en sorte
que ce serait peut-être plus facile de... d'évoluer là-dedans, là, pour le
reste...
Le Président (M.
Bachand) : En 30 secondes, s'il vous
plaît. Merci. Désolé.
Mme Villeneuve
(Marie-Christine) : Je ne sais pas si... Je peux peut-être débuter
rapidement, là, puis mes collègues compléteront, mais je pense qu'il faut, dans
cette situation-là, prendre compte aussi la position où la personne victime...
Dans les exemples que vous donnez, ce sont des personnes qui n'ont pas été
victimes d'un crime, donc qui sont dans une
situation autre où le traumatisme qui a été suscité par le crime ne vient pas
jouer dans la situation. Donc, oui,
il faut prendre en compte est-ce que l'enfant est prêt, est-ce que ce serait
bénéfique pour lui d'apprendre cette nouvelle-là, mais il faut aussi
considérer que la personne qui est victime, elle aussi vit toutes sortes
d'émotions et toutes sortes de conséquences en lien avec le crime, donc
l'origine, finalement, de... du problème, si je peux dire ça comme ça. Donc,
c'est une situation qui est différente, et, à ce moment-là, je pense qu'il faut
quand même prendre en compte la personne victime et ce qu'elle ressent.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède
maintenant la parole au député de l'Acadie pour 9 min 54 s.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Merci d'être là et de nous aider dans notre réflexion en ce qui a
trait à ce projet de loi. J'aimerais comprendre, mais, enfin, j'espère que vous
allez pouvoir m'éclairer. Une personne est victime
d'une agression sexuelle, dans ce cas-ci, une femme, donc elle peut déposer une
demande pour être indemnisée en vertu de la loi. C'est exact? Et ça, ça
peut s'échelonner sur plusieurs années, tout dépendant de son traumatisme et de
ce qui peut être fait pour l'aider à survivre à cet événement. C'est exact?
Mme Charest (Jenny) : Oui.
M. Morin : Merci.
Mme Charest (Jenny) : C'est
exact pour le régime d'indemnisation, oui.
M. Morin : Parfait.
Si cette femme victime d'agression sexuelle a un enfant, est-ce que l'enfant,
lui, se qualifie, selon la loi, pour être aussi indemnisé?
Mme Charest (Jenny) : Ce qu'on
comprend actuellement, c'est que cet enfant peut obtenir un soutien
psychologique, il y a certains éléments, mais il est perçu comme un proche,
donc une victime indirecte, et peut recevoir, mais pas la même chose que la
personne victime qui est, à ce moment-là, sa mère.
M. Morin : Je comprends que,
donc, dans le régime législatif, il ne pourrait pas recevoir, par exemple, les
mêmes indemnités ou montants que la victime elle-même. C'est exact?
Mme Charest (Jenny) : C'est
notre compréhension de la loi, en fait.
M. Morin : Et, si la personne,
si l'enfant, on lui apprend qu'il a été victime d'un crime mais une fois rendu
à l'âge adulte, et qu'il a des séquelles, est-ce qu'il peut être indemnisé en
vertu de la loi?
Mme Charest (Jenny) : Ce serait
probablement, puis vous pourrez me corriger, là, si je me trompe, ce serait
probablement à titre de proche et non pas de victime directe. Et c'est
exactement ce qu'on soulignait, nous, en fait, la distinction qui crée, pour
nous, une différence entre la personne victime et l'enfant, donc, pour
s'assurer que cette personne-là puisse recevoir le même... les mêmes
prestations, les mêmes services, qu'il ait les mêmes droits, en fait, pour
aider à son rétablissement.
Mme Villeneuve (Marie-Christine) : On
est conscient, c'est ça, que ça ne fait pas nécessairement partie du sujet en
tant que tel du projet de loi, mais, en révisant tout ça, on trouve
qu'effectivement il faudrait que cette personne-là soit aussi considérée comme
une personne victime directement du crime, là.
M. Morin : D'accord. C'est un
excellent point, parce que, quand on regarde le projet de loi, et peut-être que
je comprends mal la mécanique du projet de loi, mais, quand on regarde
l'article 19, notamment à l'article 542.33, et qu'on parle de la
responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression
sexuelle, donc je comprends que l'enfant qui naît suite à une agression
sexuelle, et dont, par exemple, la mère a des besoins pour élever cet
enfant-là, cet enfant-là a des besoins, donc, l'option qui est prévue dans le
projet de loi, en fait, c'est de... qu'il ait éventuellement une indemnité,
mais ce ne sera pas en vertu de votre loi, donc ils vont devoir s'adresser aux
tribunaux de droit commun.
Mme Charest
(Jenny) : Oui. Bien, en fait, c'était notre compréhension et
c'était, justement, les articles 542.33 et 542.34 qui nous ont
interpelés, parce qu'en fait le projet de loi, on le trouve très, très
pertinent et complet. Et nous, on s'est attardés sur certains éléments qui,
dans notre pratique et notre expérience, nous sont apparus comme étant peut-être moins... répondant moins aux besoins.
Parce qu'on peut quand même penser qu'une personne va l'apprendre... là,
on comprend que ça peut aller jusqu'à 25 ans. Mais de voir quelqu'un qui
apprend qu'il est issu d'un... qu'elle est issue d'un viol, même si c'est à
35 ans, on peut penser que cette personne-là ne sera plus en mesure de
travailler pendant une période, peut avoir exactement les
mêmes symptômes, peut être en stress post-traumatique. Donc, on trouvait qu'il y avait une petite limite à ce
niveau-là dans le projet de loi, qu'on aimerait voir changer pour s'assurer
qu'on réponde entièrement à ce qu'on disait. Et, oui, on parle de l'intérêt de
l'enfant, mais de l'enfant devenu adulte, qui finalement
ne pouvait pas savoir. Mais, en fait, dans notre réalité, ce qu'on dit, c'est
que les gens vont nous nommer : Je savais qu'il y avait quelque
chose, mais je ne savais pas quoi. Et ça, on le constate régulièrement.
M. Morin : Exact.
Et donc dans le cas, par exemple, d'un enfant qui serait adulte, qui a des
séquelles, bon, vous avez dit, par exemple, qu'il ne peut pas
travailler, donc cette personne-là ne peut pas être indemnisée en vertu de
votre loi, donc il faut absolument qu'il s'en remette aux tribunaux de droit
commun. Et on dit dans la loi ou dans le projet de loi, jusqu'à l'atteinte de
son autonomie et, évidemment, on parle de contribuer en parlant d'une
indemnité. Et là ma compréhension du projet de loi, c'est qu'il y aura un débat
judiciaire pour déterminer quelle est l'indemnité.
Si la mère, par exemple, vit dans la précarité
ou n'a pas d'argent, on espère que le régime d'aide juridique va pouvoir
l'aider, parce que, sinon, elle ne sera pas indemnisée par vous, en fait, pas
l'enfant; elle, comme victime, oui, mais l'enfant, pas nécessairement. Puis, si
elle n'a pas d'argent puis l'aide juridique ne l'aide pas, bien, il n'y aura
pas d'indemnité. Est-ce que je comprends... vous comprenez ça comme moi ou s'il
y a quelque chose que j'échappe?
Mme Villeneuve (Marie-Christine) : Bien,
en fait, quand vous parlez d'indemnité pour l'enfant qui est issu du viol,
comme on mentionnait, il ne sera pas perçu comme une personne directe, mais il
va quand même pouvoir avoir accès à un certain soutien, avoir accès à une
certaine indemnité, mais comme proche de la personne victime, donc comme proche
de la personne qui a été agressée sexuellement, qui a été victime du viol, mais
effectivement pas à la hauteur puis de l'ampleur que la personne victime, ce à quoi
elle pourrait avoir accès, là.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Jean-Lesage,
s'il vous plaît.
M. Zanetti : Oui, merci, M. le
Président. Merci à vous d'être présents pour nous faire part de votre avis et votre expérience sur tout ce qu'il se passe. J'ai
deux questions pour vous. J'ai combien de temps, M. le Président, hein?
Le Président (M.
Bachand) : Un peu plus de trois minutes.
M. Zanetti : Trois minutes.
Parfait. La première, ça porte sur ce que vous dites à la page 5 de votre
mémoire, dans le paragraphe du milieu de la
conclusion... attendez, pas 5, 7, vous dites : «Cet enfant ne devrait toutefois
d'aucune façon être privé des droits
auxquels il aurait autrement droit si la filiation était établie, s'il le
désire, et ce, sans prescription quant au moment d'en faire la demande.»
Quel droit de plus, là, est-ce qu'il aurait, si la filiation est établie? Puis
dans quel genre de circonstances vous pensez que l'enfant pourrait vouloir ça?
• (12 heures) •
Mme Villeneuve (Marie-Christine) : Bien,
je pense que ça fait référence vraiment à l'aspect financier de la chose, c'est-à-dire que, quand la filiation est
établie, il peut y avoir un certain accès, comme pour... si on parle en
termes de pension alimentaire. Donc, à ce moment-là, on ne voudrait pas que
de... avec ce projet de loi là, quand on permet, en fait, à la personne victime, à l'enfant de ne pas vouloir aller de
l'avant avec la filiation, qu'elle soit privée de cet aspect financier
là, donc du droit à cette ressource financière là. Donc, à ce moment-là, ça
devrait être vraiment au... par rapport au
désir de la personne victime et de l'enfant. Puis on précise : sans
prescription, encore une fois, de pouvoir avoir accès à cette... je
donne comme exemple pension alimentaire ou autre droit qui pourrait venir avec
la filiation. Mais peut-être que mes collègues veulent compléter, là.
Mme Charest
(Jenny) : Oui. Bien, c'est exactement ça, quand on parlait
de non-prescription, donc de voir le projet
de loi dans une perspective où c'est : on ne doit pas limiter l'enfant,
peu importe son âge, peu importe qu'il y ait filiation ou non, dans la perspective d'assurer qu'il a un certain
droit. Parce qu'on constate que des personnes peuvent se retrouver avec toutes sortes d'autres
problématiques et ne pas être si autonomes, finalement, ou à avoir des
problèmes de santé mentale. C'est des choses
qu'on constate. Là, on parle d'expérience, on n'est pas allé voir dans la
littérature. Mais, spontanément, je penserais que ça ressort aussi, où
il y a d'autres situations précaires où les gens se retrouvent, là. Et une personne issue d'un viol, dans un milieu plus
difficile, pourrait avoir besoin d'un soutien autre, peu importe son
âge.
M. Zanetti : Merci. J'ai
30 secondes. Je vous pose ma dixième question super vite : Vous
parlez d'un automatisme qui... un mécanisme automatif qui pourrait être utilisé
pour empêcher la possibilité, là, que l'auteur de l'agression demande la filiation, comment ça s'opérationnaliserait? Puis
à partir de quels critères on... cet automatisme-là serait déclenché?
M. Lysight
(Dave) : Je pense que la voie des tribunaux spécialisés est
déjà une voie, déjà en partant, là, par rapport à qu'est-ce qui pourra se faire. Parce que c'est en construit,
comme vous le savez, actuellement avec les projets pilotes qui sont en place. Mais, effectivement, je pense
que ça pourrait être une voie, là, qui pourrait être exploitée
davantage, là.
Le Président (M.
Bachand) : ...député. Oui.
M. Zanetti :
Ah! bon. Bien, continuez si vous avez d'autres choses à dire.
Mme Charest
(Jenny) : Oui. Bien, en fait, on se disait : À partir du moment
où les choses sont prouvées, à partir du moment où les éléments sont clairs,
est-ce qu'il n'y aurait pas une façon de faire, quand une personne fait la
demande, pour avoir un registre qui fait en sorte que déjà cette demande est
bloquée à partir du moment où on a l'information? Je pense qu'il y aurait une
réflexion à faire pour voir quels sont les mécanismes qui pourraient être mis en place pour assurer que l'information
circule d'un ministère à l'autre quand il y a déjà une accusation, quand
les choses sont prouvées. C'est clair que, pour nous, on comprend bien que
la... ce doit se faire dans le cadre légal, mais on sait que ça existe, donc
que cette personne-là pourrait être bloquée dès le départ. Et ne pas apporter
la situation à la personne victime et lui faire
vivre d'autres choses, une revictimisation ou une victimisation secondaire...
Parce que ce qu'on entend souvent, ce type de choses là va faire en
sorte que les gens n'ont plus, après, confiance dans le système de justice. Et
c'est ça qu'on veut éviter.
Mme Villeneuve
(Marie-Christine) : Je pense que, par l'automatisme aussi, ce qu'on
veut éviter, c'est que la personne victime ait cette démarche-là aussi qui
s'ajoute, là, sur ses épaules parce que ça peut être lourd à porter aussi.
Donc, par un automatisme, lorsque, comme Jenny l'a dit, les choses sont déjà
constatées, sont déjà établies, si on peut aller de l'avant tout de suite et,
en bloquant cette demande-là, ça peut peut-être enlever un petit poids, là, sur
les épaules de la personne victime.
M. Zanetti :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : ...Mme la députée
de Vaudreuil, pour 4 min 48 s.
Mme Nichols : Ah! merci beaucoup, merci
beaucoup, M. le Président. Bien, d'abord, je tiens à vous remercier.
Merci de votre participation aux consultations particulières. Ça apporte
évidemment un éclairage.
J'ai
compris votre position sur la notion... bien, sur l'intérêt de la personne
victime, là, qui devait être évidemment, là, pris en compte. Ça, ça va,
ça, j'ai compris votre position.
Là où j'avais une
question, puis vous en... vous l'avez abordée, là, avec le ministre, puis,
peut-être, si vous pouviez me résumer, c'était en lien avec la prescription. Il
y a le... Dans la partie où vous parlez de la responsabilité financière, là, vous vous interrogez, entre
autres, à savoir pourquoi les recours prévus aux articles, là, 542.33, 542.34
sont imprescriptibles. J'aimerais ça que vous puissiez nous résumer votre position.
Mme Charest
(Jenny) : Oui. Bon. En fait, c'est que, justement, on parle de la
prescription s'arrête quand... jusqu'à l'autonomie de l'enfant issu du viol.
Donc, pour nous, la notion d'autonomie est très large, qu'est-ce que ça veut dire. Et on trouvait que ça limitait l'accès
à un droit, du fait que cette personne-là n'est pas reconnue comme une
personne victime, alors que finalement, le fait d'être issu d'une agression
sexuelle, c'est pour nous une victimisation. Donc, c'est vraiment cet
élément-là qui fait qu'on pense que certaines personnes pourraient se retrouver
à ne pas avoir de droits et à avoir les mêmes conséquences que la personne
victime ou qu'un autre enfant qui aurait appris la situation, mais à
l'intérieur des délais. Donc, cette prescription-là, pour nous, pourrait causer
un préjudice et cause aussi une iniquité à l'intérieur pour les personnes
victimes du même crime, en fait.
Mme Nichols : Puis vous suggérez le
retrait de cette prescription-là ou de lui donner plus de l'encadrer autrement?
Mme Villeneuve
(Marie-Christine) : Bien, en fait, comme c'est le cas pour la personne
victime, il n'y a pas de période de prescription. Donc, ce qu'on souhaitait,
nous, c'est qu'il n'y ait pas de période de prescription non plus pour l'enfant
qui est issu du viol.
Mme Charest (Jenny) : Et,
en fait, qu'on se concentre plus sur les conséquences et les besoins de cette
personne victime là, qui sont liés à l'agression sexuelle. Donc, c'est ça le
cadre, pour nous, qui devrait primer.
Mme Nichols :
Et que, vu qu'on est dans la section de responsabilité financière, quand
vous parlez des conséquences, c'est-à-dire
que les conséquences soient financièrement, qu'il y ait un montant associé à
ces conséquences-là. C'est ce qu'on comprend?
Mme Charest
(Jenny) : Associé aux conséquences, mais, oui, en fait, associé à la
réalité de la personne : si elle n'est plus autonome, si elle n'est plus
en mesure de vaquer à ses occupations, si elle a eu besoin d'arrêter ses études, parce que ça, on le voit aussi. Donc,
d'aller en fonction de répondre et s'assurer du rétablissement de la
personne. Donc, oui, on parle d'un volet
financier, mais financier dans une perspective d'aider la personne à se
rétablir et de le faire en fonction de la filiation. Donc, c'est un
droit, un enfant peut avoir le droit d'être soutenu par son parent, donc... le
fait de mettre une prescription, pour nous, ça limitait.
Mme Nichols :
Très bien. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Alors, écoutez, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Ça a été extrêmement intéressant. Puis, comme le disait
le ministre, d'entrée de jeu, vous faites un travail absolument
remarquable sur le terrain, alors continuez. Puis, encore une fois, on se
dit : À bientôt! Merci. Au revoir.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 09)
(Reprise à 12 h 13)
Le Président (M. Bachand) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants du Conseil du statut de la femme, dont Me Louise Cordeau et Mme Mélanie
Julien. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Alors, vous connaissez les
règles : un petit 10 minutes de présentation de votre part, et, après
ça, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Alors,
je vous cède la parole, Me Cordeau.
Conseil du statut de la
femme (CSF)
Mme Cordeau
(Louise) : Bonjour. Alors, merci. Je suis accompagnée de
Mme Mélanie Julien, qui est directrice de la recherche et de
l'analyse au conseil.
Alors, il nous fait plaisir aujourd'hui de vous
présenter notre mémoire sur le projet de loi n° 12.
Évidemment, il concentre son analyse sur
deux sujets qui soulèvent des enjeux majeurs pour les femmes : les
grossesses pour autrui et les enfants nés à la suite d'une agression
sexuelle.
En premier
lieu, le projet de loi vise à reconnaître les grossesses pour autrui et à les
encadrer. Le conseil salue cette
intention qui donne suite à la recommandation qu'il formule depuis 2016 :
des couples gais, des couples infertiles et des personnes seules ont
recours à des femmes porteuses, il faut donc baliser les pratiques pour s'assurer
qu'elles respectent la dignité et l'intégrité des femmes de même que l'intérêt
des enfants qui sont issus de ces grossesses.
Encadrer le
recours à une femme porteuse comporte plusieurs enjeux. Je me permets d'évoquer
quelques faits pour mieux contextualiser le sujet et en souligner son
importance.
Nous savons
que les grossesses pour autrui se concrétisent par procréation assistée, par
insémination artisanale ou par relation sexuelle. Dans six des neuf
centres de procréation assistée au Québec, près de 150 cycles de
fécondation in vitro ont été entrepris auprès de femmes porteuses entre 2013 et
2020.
Des messages incitant les femmes à porter un
enfant pour autrui circulent sur Internet. Selon un sondage réalisé dans
l'ensemble du Canada auprès de 184 femmes porteuses, la moitié d'entre
elles avaient complété deux, trois, quatre,
voire cinq grossesses pour autrui et 40 % de ces grossesses avaient été
entreprises pour des parents d'intention étrangers.
Bien que la majorité des expériences de grossesse
pour autrui rapportées soient positives, les difficultés rencontrées dans
certains cas entraînent des conséquences délétères pour les femmes concernées.
Et finalement certaines femmes porteuses
considèrent avoir été insuffisamment informées des risques associés aux
traitements de fécondation in vitro.
C'est, donc,
avec de tels faits en tête que le conseil a analysé les dispositions prévues au
projet de loi n° 12. Bien que
le conseil soit en faveur de plusieurs d'entre elles, il fait valoir
aujourd'hui aux membres de cette commission que certaines améliorations
méritent d'être apportées afin de mieux assurer le respect, la dignité et la
santé des femmes qui acceptent de porter un enfant pour autrui.
Le projet de loi énonce des dispositions
générales qui doivent être respectées pour tout projet parental impliquant une
grossesse pour autrui. Et, pour mémoire, la femme porteuse doit avoir au moins
21 ans, les parents d'intention doivent
être domiciliés au Québec, et une entente doit être conclue entre les parties.
L'acte doit être gratuit, bien que la femme porteuse puisse recevoir une
indemnisation pour ses pertes de revenus et un remboursement pour les dépenses
liées à la grossesse.
Si ces
dispositions générales ne sont pas respectées, la filiation de l'enfant ne
pourrait pas être établie à l'égard des parents d'intention. La femme
porteuse serait, donc, reconnue comme la mère légale de l'enfant, même si ce
n'est pas sa volonté, une situation, vous en conviendrez, lourde de
conséquences pour elle.
Cette situation
surviendrait notamment si une femme donnait naissance à un enfant en vue de le
remettre à des personnes qui ne sont pas domiciliées au Québec. Cette
condition relative au domicile des parents d'intention vise à dissuader des personnes étrangères à se tourner
vers le Québec pour trouver une femme porteuse. L'intention du
législateur est louable, car, dans les
faits, des personnes étrangères recourent à des femmes résidant au Canada pour
porter leur enfant. Je vous le rappelle : 40 % des grossesses
pour autrui au Canada sont réalisées pour des parents d'intention étrangers.
L'enjeu avec le projet de loi est complexe. Il
faut s'assurer du respect des dispositions générales sans pénaliser indûment
des femmes qui, pour toutes sortes de raisons, ont porté un enfant pour autrui
alors que l'une ou l'autre des dispositions générales n'aurait pas été
respectée. Dans ce contexte, il nous apparaît nécessaire de prévenir de tels
projets en amont. Par exemple, de l'information claire et vulgarisée sur ce qui
est permis au Québec et sur ce qui ne l'est pas devrait être rendue publique.
De plus, les médecins devraient s'assurer de la conformité du projet parental
avant de prodiguer des traitements de procréation assistée à la femme porteuse.
Le conseil recommande d'ajouter cette responsabilité à la loi sur les activités
cliniques en matière de procréation assistée.
Il nous apparaît, de plus,
impératif que les femmes qui ont porté un enfant pour autrui sans qu'ait été
respectée l'une ou l'autre des dispositions générales puissent demander au
tribunal de modifier la filiation de l'enfant. Le projet de loi n° 12
devrait, donc, être amendé en ce sens.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit des
dispositions visant à informer les femmes qui envisagent de porter un enfant pour
autrui et à s'assurer de leur consentement éclairé. Le conseil le disait pour
le projet de loi n° 2, il le réitère pour le projet de loi n° 12 : Cette
démarche devrait être enrichie. Nous considérons que les professionnels
doivent jouer un rôle plus grand que celui d'informer. Ces personnes doivent
pouvoir soutenir chacune des parties dans les nombreuses décisions qu'elles ont
à prendre et les conseiller dans leur réflexion. Le conseil recommande, donc,
d'étoffer le rôle des professionnels tel qu'il est écrit au projet de loi.
• (12 h 20) •
Une autre
étape est déterminante pour s'assurer du consentement éclairé des femmes
porteuses : la consultation en
procréation assistée. En effet, les centres de procréation assistée ont une
responsabilité majeure en matière d'information transmise aux femmes qui se présentent à eux pour concevoir un enfant en
vue de le remettre à des parents d'intention. Cette information doit
porter sur les procédures auxquelles elles devront se soumettre et sur les
risques qu'elles comportent pour leur santé physique et psychologique.
Or, des femmes porteuses interrogées dans de
récentes études empiriques disent avoir été insuffisamment informées des risques associés aux traitements de
fécondation in vitro qui leur ont été prodigués. Actuellement, il n'y a
pas au Québec de lignes directrices pour encadrer les décisions des médecins de
prodiguer ou non des traitements de fécondation in vitro à une femme porteuse,
des lignes directrices qui puissent couvrir à la fois les aspects médicaux,
mais aussi les dimensions éthiques et psychosociales. Pourtant, le Collège des
médecins le réclame depuis 2015. Le comité central d'éthique en matière de
procréation médicalement assistée, qui a été institué en 2021, a l'expertise et
l'autorité d'élaborer et de diffuser de
telles lignes directrices en matière de grossesse pour autrui. Le conseil
recommande, donc, au ministre de la Santé et des Services sociaux de lui en
confier le mandat.
Enfin, l'état de situation sur les grossesses
pour autrui au Québec repose sur des données parcellaires. On ne sait pas, par
exemple, combien de projets sont réalisés, et aucune étude n'a été menée sur la
santé à long terme des femmes porteuses. Nous considérons qu'il ne faut pas
seulement permettre l'accès à des données anonymisées à des fins de recherche
comme le prévoit le projet de loi. Il faut aussi s'engager à rendre de telles
données accessibles afin de veiller à la
production des connaissances nécessaires au suivi de nos encadrements
législatifs. Le conseil recommande d'en confier la responsabilité au
ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale.
En second lieu, le projet de loi prévoit des
dispositions dans le cas où un enfant naît d'une agression sexuelle. Il offre la possibilité aux mères concernées de refuser
l'établissement de la filiation de leur enfant envers l'agresseur ou de la faire retirer. Il oblige aussi l'agresseur à
assumer une responsabilité financière envers l'enfant, et ce, malgré
l'absence de lien de filiation. Le conseil salue ces dispositions. Il
s'interroge toutefois sur la manière dont elles seront mises en oeuvre. D'abord, quelle forme prendra l'indemnité?
Est-ce une somme récurrente versée à la mère chaque mois, chaque année?
Comment le montant sera-t-il établi? De quelle façon ces sommes seront
transférées et remises à la mère? Et comment l'enfant pourra-t-il se prévaloir
de son droit de succession envers l'agresseur?
En conclusion, vous comprendrez que le conseil
est préoccupé par toutes ces questions parce qu'il souhaite éviter que la mise en oeuvre de ces dispositions
offre une brèche à l'agresseur pour exercer une emprise sur la femme
qu'il a agressée. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci,
M. le Président. Mme Cordeau, Mme Julien, bonjour. C'est un plaisir
de... de vous retrouver en commission parlementaire à presque un an
d'intervalle.
Bien, en fait, je tiens à vous rassurer.
Commençons tout d'abord par les... en fait, l'opposition au lien de filiation
pour l'agresseur. Notamment, vous avez soulevé la question des successions.
L'objectif étant, lorsqu'on a créé, en fait,
la proposition législative qu'on met de l'avant, c'est de faire en sorte de
laisser l'autonomie à la femme qui a été violée de décider est-ce que,
oui ou non, elle veut établir la filiation pour son enfant. Ça pourrait
arriver, certaines situations, que oui, mais avec déchéance de l'autorité
parentale. C'est pour ça qu'on fait en sorte que le mécanisme de la déchéance
de l'autorité parentale soit facilitée à l'intérieur du même recours :
pour, supposons, établir une pension alimentaire, mais avec déchéance de
l'autorité parentale, que ce soit régulier. Premier cas de figure.
On voulait aussi éviter que l'enfant perde des
droits successoraux. La mécanique des droits successoraux, elle est celle qui
est applicable au Code civil du Québec. Donc, bien entendu, il va falloir que
l'enfant soit informé qu'il est issu... Mais
là la question à laquelle nous avons réfléchi, et on ne voulait pas créer une
obligation sur la femme qui a été victime de l'agression sexuelle de
devoir le dévoiler, on... bien, je considérais que ça rentrait dans la sphère
d'autonomie de la mère, de raconter ou non son histoire à l'enfant, et on ne
voulait pas mettre une obligation légale à la mère de dévoiler ce fait-là
envers son enfant. Je pense que c'est extrêmement intime et que, dans chaque
famille, bien, il faut laisser l'autonomie à la femme de décider. Mais, si
l'enfant l'apprend, ou le sait, ou sa mère décide de lui transmettre cette
information-là, la mécanique des droits successoraux normaux s'applique, bien
entendu, la question de la dévolution légale aussi : dans le testament,
est écrit : À tous mes enfants. Donc, il y a des différents cas de figure
qui sont présents pour que les droits successoraux s'appliquent.
Pour ce qui est du montant d'indemnité, alors,
bien entendu, c'est pour répondre aux besoins de l'enfant. Il faut déjà dire que, dans le régime d'indemnisation
de la loi de l'IVAC, il y a une pension alimentaire qui est nommément
prévue pour la femme qui est violée, dont un enfant est issu du viol. Donc,
déjà, l'État assume ses responsabilités. C'est un montant
de plusieurs centaines de dollars par mois qui est versé en surplus de
l'indemnité qu'elle reçoit en tant que victime. Donc, tout le long de la vie
durant de l'enfant, elle reçoit une indemnité. Mais c'est en supplément, dans
le fond, qu'on vient créer cette indemnité-là.
Mais je serais intéressé à vous entendre :
Croyez-vous qu'on devrait venir définir clairement quel est le montant? Parce que, là, on laissait l'opportunité
au tribunal d'analyser, en fonction de la situation, cette indemnité-là.
Mais est-ce que vous souhaitez... est-ce que
le conseil souhaite qu'on vienne préciser dans le code ou par voie
réglementaire quel doit être le montant de l'indemnité dans un cas comme ça?
Mme Cordeau
(Louise) :
En fait, le conseil n'a pas réfléchi de façon
spécifique au montant ou à la mécanique autour du montant. Mais, de
façon logique, de définir une indemnité, la façon dont c'est écrit dans la loi,
c'est assez large. C'est assez vaste, comment le tribunal va interpréter cette
notion d'indemnité. Alors, on n'a pas pris position à savoir quel montant, de
quelle façon. Est-ce qu'il faut que le revenu, par exemple, de l'agresseur soit
évalué comme on le fait en matière de pension alimentaire? Tu sais, quand on
commence à poser ces questions-là, on en a plusieurs lorsqu'on parle
d'indemnités de nature alimentaire pour répondre aux besoins d'un intérêt d'un
enfant. On ne s'est pas arrêtées sur le montant ni sur le mécanisme, mais on
trouve ça important qu'on y réfléchisse pour faire en sorte que la mère n'ait
pas un fardeau de preuve immense, dans ce domaine-là, de savoir où il
travaille, combien il gagne. On... Bon. On sait comment ça se passe, là.
M. Jolin-Barrette : L'autre
enjeu que nous avions en développant la solution législative, c'est le fait
aussi qu'à partir du moment où il y a rupture du lien de filiation, il y a une
non-reconnaissance du lien de filiation, on ne souhaite pas non plus faire en sorte qu'il y ait des contacts fréquents,
supposons, aux deux semaines, avec l'indemnité qui serait payée par l'agresseur, comme si c'était une
pension alimentaire. Parce que ce que les victimes nous disent, c'est,
justement : On ne veut plus rien avoir à faire avec l'agresseur, donc,
d'où l'objectif d'avoir un montant forfaitaire à un événement, à un moment
donné, qui est révisable si jamais il y avait une situation particulière dans
la vie de l'enfant, supposons, une maladie se développait pour l'enfant, un
handicap survenait aussi. Donc, l'idée, ce n'est pas de maintenir le lien entre
l'agresseur et la victime.
Ça fait que ça partie des réflexions que nous
avons. Mais je comprends que vous nous dites : Il faut que ce soit un
petit peu plus défini.
Mme Cordeau
(Louise) : Je pense que oui, parce que,
même si on parle d'indemnité, c'est en fonction aussi des capacités de payer de
l'agresseur. Là, je n'entrerai pas dans les détails, mais ça aussi, est-ce
qu'on va en tenir compte? Est-ce que ça va être un montant forfaitaire? Je
pense qu'il faut donner quelques balises de plus. Mais je suis d'accord pour
qu'on évite de maintenir un lien entre la femme qui a été violée et son
agresseur qui, comme on vient de le dire, pourrait maintenir l'emprise aussi
sur la femme qui a été agressée.
• (12 h 30) •
M. Jolin-Barrette : OK. Je
passe sur le volet de la grossesse pour autrui puis ensuite je vais céder la
parole à mes collègues.
Entre le projet de loi n° 2
puis celui-ci, la réflexion du conseil a évolué aussi. Là, désormais, vous ne
recommandez plus d'avoir une grossesse préalable. Malgré le fait... vous
dites : Dans notre étude qu'on a obtenue, la majorité des mères porteuses
ont eu... l'ont fait plus... à plusieurs reprises, là vous nous dites : Ça
ne devrait plus être une exigence légale d'avoir une grossesse préalable avant
d'être mère porteuse.
Mme Cordeau
(Louise) : En fait, lorsqu'on s'est
présentées devant la commission pour le projet de loi n° 2, on se souvient que le projet de loi était quand
même assez volumineux. Et on a, pour la première expérience d'accouchement... on avait regardé des
informations qui venaient des comités d'éthique, Mme Julien pourra vous
en parler plus en détail, qui
venaient aussi de femmes de femmes qui avaient porté des enfants pour autrui
qui le recommandaient.
Suite au dépôt de notre étude sur les grossesses
pour autrui, qui est très, très récente, où on a approfondi le sujet, comme je
vous ai donné d'entrée de jeu, il y a certains faits qui nous sont apparus. On
a dû constater que les informations que l'on possède, que les données que l'on
possède sont très fragmentaires, sont très parcellaires.
Et, dans ce contexte-là, ce qu'on dit, c'est
qu'on préfère laisser la liberté de choix à la femme qui désire porter un enfant pour autrui, à condition qu'elle
soit bien informée, à condition que toutes les conditions générales
soient respectées, et qu'on préfère dire à des comités d'éthique qui sont
formés, qui ont la compétence pour évaluer les impacts sur la santé, à la fois
physique et psychologique, des femmes à moyen et à long terme, de poursuivre
leurs études dans ce domaine et peut-être de modifier, éventuellement, la
législation, si on s'apercevait qu'effectivement une première expérience
d'accouchement est nettement préférable. Mais, à ce stade-ci, les données sont
assez minces pour qu'on puisse continuer de demander ou d'affirmer le besoin
d'avoir une première expérience d'accouchement.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie beaucoup pour votre passage en commission. Je vais laisser la parole à
mes collègues. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides,
s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Oui. Merci, M.
le Président. Merci à vous deux pour votre temps. Vous disiez... vous
mentionniez tout à l'heure qu'il y a un grand nombre de GPA où les parents
d'intention se retrouvent à l'étranger, à l'extérieur du Québec. Est-ce que vous avez une
idée de ce pourcentage? Puis aussi quelles seraient vos recommandations
pour protéger tant la personne porteuse que l'enfant issu de la GPA en
question?
Mme Cordeau
(Louise) : Mme Julien est bien
outillée pour répondre à votre question.
Mme Julien
(Mélanie) : En fait, les données, comme le disait
Mme Cordeau, sont très parcellaires en matière de grossesses pour autrui. Il n'y a pas d'études qui
sont spécifiquement réalisées en contexte québécois. Les données qu'on a
réussi à trouver, nous, concernent davantage l'ensemble du Canada. Le sondage
le plus macro qui a été réalisé a été mené dans l'ensemble du Canada, donc
auprès de près de 200 femmes porteuses. Et c'est dans ce sondage-là qu'ils
montrent que près de la moitié de ces femmes-là ont porté un enfant pour des
parents d'intention hors Canada. Alors, c'est dans ce contexte-là
qu'effectivement il y a une certaine attractivité. Il y a, d'ailleurs,
plusieurs spécialistes qui notent le fait
que le Canada suscite quand même un certain attrait pour des parents
d'intention étrangers qui souhaitent trouver une femme porteuse.
Alors, on comprend que le législateur, avec le
projet de loi, de par l'inscription du domicile des parents d'intention au Québec, vise à restreindre ce genre
de cas de figure là. La préoccupation du conseil, c'est de dire : Il
faudrait les prévenir en amont, informer les femmes adéquatement... de ce qui
va advenir si jamais elle porte un enfant pour des parents d'intention non
domiciliés au Québec, pour éviter qu'elle se retrouve à être forcée d'être
reconnue comme étant la mère légale de l'enfant, si ce n'est pas sa volonté.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de
Vimont.
Mme Schmaltz : Merci. Merci.
Bonjour, mesdames. Très intéressant, d'ailleurs, votre mémoire, là, toutes les questions que vous soulevez. J'ai plusieurs
questions, mais je vais juste en poser une, ça concerne les risques qui
sont liés, donc, aux GPA. Vous parlez, justement... Vous venez juste de
soulever le fait qu'une première grossesse pourrait ne pas être un facteur pour les parents désireux d'avoir un enfant. Sauf
que je me questionne à savoir, en faisant ça, est-ce qu'on ouvre
davantage la porte au marché noir? Parce que je pense que vous êtes au courant
que ça existe, de la vente, que ce soit des ovules ou, bon... ou des jeunes
étudiantes, des fois, qui vont porter un enfant puis qui ne seront peut-être
pas nécessairement encadrées par la loi. Est-ce qu'on devrait être beaucoup
plus... je ne sais pas, je ne veux pas employer le mot «sévère», mais comment
qu'on peut encadrer cette portion-là qui est existante? Parce que, là, ce qu'on parle, c'est quelque chose qui est encadré,
mais il y a aussi tout le revers, là, tout le côté noir, là, de la chose,
là.
Mme Cordeau
(Louise) : Lorsqu'on parle de fécondation
in vitro, on l'a évoqué tantôt, je l'ai évoqué dans mes quelques remarques
préliminaires, il y a des cliniques, il y a des médecins qui procèdent aux
actes. Et nous croyons qu'une des façons de contrer ou, en tout cas,
d'amoindrir le risque, serait de confier aux médecins la responsabilité de s'assurer que ces règles, ces
règles éthiques, que ces règles en matière de santé et de sécurité des
femmes que même les... à partir du moment où une législation serait adoptée,
que les conditions relatives à la législation seraient respectées.
Alors, il y a un acte médical, soit, mais il y a
aussi une responsabilité professionnelle des médecins que l'on envisage pour
contrer ces gestes-là, qui ne seraient pas souhaités et pas conformes à la loi
non plus.
Mme Julien (Mélanie) : En
complément, peut-être que ce que j'ajouterais, c'est que, Mme Cordeau le disait, il y a beaucoup d'informations qui
circulent sur Internet, des informations qui sont plus ou moins applicables
au contexte québécois. Ce qu'on souhaite, c'est qu'en dotant le Québec de
balises, d'encadrement en matière de grossesse pour autrui... on souhaite qu'il
y ait de l'information vulgarisée qui soit très claire, qui soit fournie à
l'ensemble des femmes pour savoir qu'est-ce qui est permis, qu'est-ce qui est
autorisé en contexte québécois et qu'est-ce qui ne l'est pas, pour faire
contrepoids à ces informations parfois erronées, là, qui circulent sur Internet
puis essayer de tempérer le genre de situations, là, auxquelles vous faites
référence.
Mme Schmaltz : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Est-ce qu'il y a
d'autres questions du côté gouvernemental? Ça va? Merci. M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Merci. Merci, M. le
Président. On a vu, dans le projet de loi, que la convention de grossesse va être faite par acte notarié, la convention comme
telle. Est-ce que vous pensez... parce que vous parlez de l'information
et de toutes les conséquences, est-ce que vous pensez qu'en plus de la
convention, obtenir un avis juridique sur l'ensemble des conséquences possibles
pour les personnes concernées par le projet serait un avantage?
Mme Cordeau
(Louise) : On ne l'a pas évalué de cette façon-là. On a
évalué les dispositions qui sont présentes dans le projet de loi. Je pense que, déjà, d'avoir un acte notarié,
d'avoir une procédure qui est formelle pour les parties et d'avoir, en
amont, de l'information et peut-être le soutien accru de professionnels, comme
on l'a mentionné, nous semble souhaitable pour le moment.
Mme Julien
(Mélanie) : En complément, j'ajouterais que, dans le mémoire, on
insiste beaucoup aussi sur la formation de ces professionnels-là qui auront à
intervenir auprès de femmes porteuses ou de femmes qui envisagent, en fait, de porter un enfant pour autrui et aussi
des différents juristes, là, qui sont appelés à intervenir dans ces
contextes-là. Il y a des questions éthiques
et des questions psychosociales qui sont vraiment, vraiment sérieuses. Alors,
il va falloir doter, là, les professionnels en question, là, de la
formation nécessaire pour intervenir adéquatement dans ces situations-là.
M. Morin :
Je vous remercie, c'est un
excellent point que vous soulevez, mais on parle beaucoup d'information.
Pour nous aider dans notre réflexion, cette
information-là, elle devrait être donnée, selon vous, par qui? Le ministère
de la Justice, le Conseil du statut de la femme, les ordres professionnels?
Avez-vous des suggestions? Tout ce monde-là?
Mme Julien
(Mélanie) : En fait, dans le mémoire, ce qu'on demande, c'est aux
ordres professionnels et aux universités,
aux unités d'enseignement et de recherche qui forment les... qui ont à offrir
de la formation initiale et formation continue de ces professionnels-là,
qu'ils développent des contenus qui sont appropriés, là, qui sont vraiment en
lien avec les enjeux liés aux grossesses pour autrui.
M. Morin :
Oui, puis, ça, je vous suis très bien, pour les étudiants ou étudiantes qui
vont devenir membres d'un ordre
professionnel, mais, quand on parle, par exemple, de la mère, de celle qui va
porter l'enfant ou des personnes qui veulent se lancer dans ce
projet-là, eux aussi doivent être avisés. Parce que, je pense, la collègue, la
députée de Vimont, faisait référence au... tu sais, il y a un marché autre.
Donc, est-ce que vous avez des suggestions à faire pour qui, comment on devrait
informer les gens? Est-ce que vous, au conseil, vous avez une responsabilité,
un programme qui ferait en sorte que vous pourriez rendre cette information-là
disponible ou pas?
• (12 h 40) •
Mme Cordeau
(Louise) : On aimerait bien le faire, ce
n'est cependant pas dans notre mandat, mais je pense que... Évidemment, une
fois la loi adoptée, le ministère de la Justice va avoir une responsabilité. Je
pense aussi que l'information doit circuler dans toutes les cliniques qui
offrent de la fécondation in vitro. L'information doit être aussi auprès des
professionnels, qui auront, en amont, à rencontrer les parties. Donc, je pense,
même si on veut tout éviter, tout baliser, tout encadrer, c'est difficile, mais
il faut que ça passe par une information vulgarisée.
De quelle façon?
Plusieurs moyens. Est-ce que c'est une grande campagne d'information publique?
Est-ce que c'est à travers, je ne sais pas,
moi, les cégeps, les universités? Je pense qu'il faut réfléchir à un mode de
communication qui soit massif puis qui soit aussi ciblé en fonction des lieux
où ces personnes-là pourraient se retrouver en vue d'une grossesse pour autrui.
M. Morin :
Je vous remercie. Maintenant,
est-ce que vous pensez qu'on devrait limiter le nombre de grossesses
pour autrui qu'une mère porteuse pourrait avoir?
Mme Cordeau
(Louise) : On ne s'est pas penchées sur
ces éléments-là.
Mme Julien
(Mélanie) : C'est le genre de questions auxquelles pourrait réfléchir
le comité central d'éthique en matière de
procréation médicalement assistée, par exemple, quels enjeux pourraient
survenir. Alors, je pense que cette instance-là serait tout à fait
habilitée, là, à établir des... à réfléchir à ces questions-là et s'il y aurait
lieu de baliser.
M. Morin :
Mais, compte tenu de votre mandat, de votre mission puis de l'éclairage que
vous nous donnez, vous pensez que cette question-là mérite, à tout le moins,
une réflexion?
Mme Cordeau
(Louise) : ...plusieurs questions qui
méritent réflexion, on est au début d'une réflexion. On vise un encadrement,
mais, nous, ce qu'on... ce dont on est conscientes, c'est qu'il faut continuer
à approfondir les connaissances, qui sont très, très, très minces,
actuellement, dans ce domaine.
M. Morin :
Merci. Merci beaucoup. Vous avez parlé de personnes qui veulent se lancer
dans ce projet mais qui sont domiciliées hors Canada. Ça peut arriver. Est-ce
que, pour vous, c'est quelque chose qu'on devrait encadrer davantage ou même
interdire?
Mme Cordeau
(Louise) : Bien, c'est-à-dire que les
dispositions générales du projet de loi ne le permettent pas, puisqu'il faut
être domicilié au Québec depuis au moins un mois... un an, excusez-moi, pas un
mois, mais un an. Donc, la loi, en soi, l'interdit.
Maintenant,
nous, notre préoccupation, c'est une préoccupation quant à la femme qui va
porter un enfant pour autrui. Si l'ensemble des règles et des conditions
ne sont pas respectées, la filiation ne sera pas reconnue à l'égard des parents d'intention, et ça, ça nous préoccupe.
Donc, la femme qui aurait porté un enfant pour autrui deviendrait la mère légale de l'enfant, même si ce n'est pas son
souhait, et c'est... On prévoit les dispositions dans le projet de loi
pour des parents... une femme qui porte un
enfant pour des parents d'intention domiciliés au Québec, une femme non
domiciliée au Québec qui porterait un enfant pour des parents d'intention au
Québec, mais il n'y a pas de disposition pour une femme domiciliée au Québec
qui porterait un enfant pour des parents non domiciliés au Québec.
M. Morin :
D'accord. Je vous remercie. Et dernière question :
Dans le projet de loi, l'article 13, dans l'article 538, on
parle de la procréation assistée, on parle d'insémination artisanale ou par
relation sexuelle. Et, en fait, je dois vous dire que je
comprends très bien, je conçois bien les trois cas de figure, mais moi, je suis
un petit peu arrêté sur la terminologie «insémination artisanale». Est-ce que
ce ne serait pas préférable de parler de procréation artisanale ou, si le mot
«insémination», avec votre expérience, vos connaissances, ça ne pose pas de
problème?
Mme Cordeau
(Louise) : Ce n'est pas un élément qu'on
a... qui nous a paru problématique, là.
M. Morin :
OK. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. D'autres
questions du côté de l'opposition? Est-ce qu'il y a d'autres questions? Sinon,
M. le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti :
Oui, j'ai un peu plus trois minutes, c'est ça?
Le
Président (M. Bachand) : ...vous avez du
temps.
M. Zanetti :
OK, parfait. Justement, sur cette question-là, la question de qu'est-ce qui
arrive si le contrat, en quelque sorte, n'est pas respecté, bon, on suppose que
ce qui a été dit, c'est-à-dire, si le contrat n'est respecté, eh bien, dans ce temps-là, les parents d'intention ne
seront pas reconnus comme tels, c'est un peu comme un encadrement pour
avoir un incitatif à respecter le contrat, mais vous dites : Il y a un
effet pervers à ça parce qu'on peut créer plus de problèmes à la mère porteuse,
bon.
Comment est-ce qu'on
pourrait encadrer autrement? Puis qu'est-ce que vous proposeriez qui arrive...
Dans le fond, c'est que, si le contrat n'est
pas respecté, il faudrait que, peu importe, que le contrat soit respecté ou pas,
les parents d'intention seront toujours reconnus comme tels. Non? OK.
Bien, je vous laisse développer là-dessus.
Mme Julien (Mélanie) : En
fait, on fait plutôt référence, non pas au respect du contrat... on fait plutôt
référence aux dispositions générales à tout
projet impliquant une grossesse pour autrui. Ce sont les dispositions qui sont
énumérées, là, au début de la section sur les
grossesses pour autrui dans le projet de loi n° 12. Alors, si l'une ou
l'autre de ces dispositions générales là ne sont pas respectées... n'est
pas respectée, le projet parental impliquant une grossesse pour autrui ne
serait pas reconnu, auquel cas, nous, notre interprétation du projet de loi,
c'est qu'automatiquement ce serait la femme porteuse qui serait reconnue comme
étant la mère légale de l'enfant.
On ne dit pas
qu'automatiquement, dans ces cas-là, il devrait toujours y avoir filiation
reconnue envers les parents d'intention,
mais on dit, d'une part, prévenons, en amont, de s'assurer du respect des
dispositions générales puis, en aval, offrons la possibilité à une femme
porteuse, qui... en fait, une femme qui a porté un enfant pour autrui alors que
l'une ou l'autre des dispositions générales n'ait pas été respectée, qu'elle
puisse se tourner vers un tribunal pour demander de faire modifier la
filiation, porte de sortie qu'on n'a pas trouvée dans le projet de loi
n° 12, donc, pour éviter que le fardeau... qu'il soit trop lourd sur la
femme porteuse qui aurait été dans cette situation-là.
M. Zanetti :
Dans le fond, l'idée, c'est de lui permettre de... je ne suis pas sûr de
bien saisir, là, lui permettre de faire modifier la filiation pour se désigner
comme mère si elle le veut, mais pas que ce soit fait d'office, c'est ça?
Mme Julien (Mélanie) : Nous,
ce qu'on comprend, c'est que, d'office, ce serait elle qui serait reconnue
comme étant la mère légale. Alors, on
demande à ce qu'elle puisse faire modifier cette filiation-là pour qu'elle soit
établie à l'égard de... et peut-être effectivement les parents d'intention,
ou autre... Ce serait au tribunal, là, d'établir quelle serait la meilleure...
la meilleure façon de reconnaître cet enfant-là.
M. Zanetti : OK, parce que c'est ça,
il ne faut pas que l'enfant tombe sans filiation, mais, dans le fond, ce
serait... on remettrait ça entre les mains du tribunal au lieu de le prévoir
dans la loi à l'avance.
Mme Julien
(Mélanie) : Parce que ce qu'on comprend, c'est que la femme, dans ces
cas de figure là, elle pourrait toujours se tourner vers l'adoption générale,
elle pourrait vouloir confier l'enfant en adoption générale, sauf que, s'il y a
un parent, un père d'intention dont le nom figure à l'acte de naissance, il
pourrait s'opposer à ce que la femme porteuse confie cet enfant-là à l'adoption
générale. Alors ça peut créer certaines situations délicates, de sorte que ce
qu'on souhaite, c'est que la femme puisse se tourner, dans ce cas de figure là,
vers un tribunal pour exposer la situation puis qu'il y ait une meilleure
décision qui soit prise, plutôt qu'il y ait un automatisme puis qu'on ne puisse
pas changer cette filiation-là.
M. Zanetti :
OK. Parce que... Est-ce que ça arrive, par exemple? Bien, je comprends
aussi que ces choses-là sont peu
documentées, surtout quand ce n'est pas encadré, puis tout ça, là, mais est-ce
qu'on pense que... Est-ce que, par exemple,
là, le fait de, pour une mère qui décide, finalement : OK, non, ça ne
marche plus avec les parents d'intention, là, je vais donner l'enfant en
adoption. Est-ce que ça, c'est quelque chose qui est un scénario qui arrive?
Puis est-ce que c'est comme une situation dans laquelle on ne veut pas obliger
les femmes à se retrouver, finalement?
Mme Cordeau
(Louise) : Bien, il ne faudrait pas que la
filiation soit reconnue à l'égard du père. Pour qu'elle puisse dire : Je souhaite que mon enfant soit adopté, que
je n'aie pas de filiation à son égard, il ne faut pas non plus qu'il y
ait une filiation à l'égard d'un des parents d'intention.
M. Zanetti :
OK, je comprends.
Mme Cordeau (Louise) :
Et c'est là que ça devient extrêmement délicat.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci beaucoup. Mme la
députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. J'ai seulement une petite question à aborder avec vous, on en a
parlé quand même... C'est ça quand on est la dernière, là, on a souvent déjà
abordé plusieurs des sujets. Vous parlez... on parlait de rendre disponibles
les données, les données anonymes, là, sur les GPA pour les fins de recherche,
entre autres. Vous voyez ça comment? Un registre ou...
Mme Julien (Mélanie) : Bien, en
fait, avec le projet de loi, dans le projet de loi n° 12, il y a déjà une
responsabilité qui est confiée au ministre de l'Emploi et de la Solidarité
sociale de tenir un registre sur ces projets-là qui impliquent la contribution d'une tierce personne. Il est également
prévu au projet de loi de permettre à un tribunal de rendre accessibles
les données anonymisées issues de ce registre-là à des fins de recherche.
Nous, ce que le conseil, on dit, c'est qu'il ne
faut pas juste permettre à un tribunal d'autoriser l'accès à ces données-là, il faut qu'il y ait un engagement qui
soit pris pour qu'on ait accès à de telles données, pour pouvoir suivre
l'évolution de la situation. Par ailleurs, on sait que le ministère... le
ministre de la Santé et des Services sociaux doit rendre publiques des données
issues des centres de procréation assistée dans son rapport annuel de gestion,
données que... On est toujours en attente, on devrait éventuellement les voir
figurer dans le rapport annuel du ministère de la Santé et des Services
sociaux, mais ces données-là sont uniquement liées aux centres de procréation
assistée, alors qu'on sait qu'il y a des grossesses pour autrui qui ne passent
pas... des enfants qui sont conçus sans passer par la fécondation in vitro.
Alors, le registre serait beaucoup plus complet.
Alors, on se dit que ces données-là devraient être accessibles à des fins de
recherche, et qu'on soutienne la recherche, en fait, sur ce phénomène-là pour
en suivre l'évolution au Québec, puis qu'on puisse s'ajuster aux besoins nos
législations.
Mme Nichols : Donc, on comprend
qu'on devrait définir qui aurait accès... on comprend, c'est pour les fins de
recherche, là, évidemment, là, mais de mieux définir qui aurait accès.
Mme Julien (Mélanie) : De s'engager,
en fait, à les rendre accessibles à des fins de recherche.
Mme Nichols : Parfait. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Me Cordeau,
Mme Julien, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui, c'est très,
très, très apprécié.
Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à
15 heures. Bon lunch. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 50)
(Reprise à 15 h 02)
Le Président (M.
Bachand) : Bon après-midi. À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, nous poursuivons les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 12, Loi portant sur la réforme du
droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants
nés à la suite d'une agression sexuelle
et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères
porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse par... pour
autrui.
Cet
après-midi, nous entendrons le Barreau
du Québec, le Regroupement québécois
des centres d'aide et de lutte contre
les agressions à caractère sexuel, la Chambre des notaires, mais il nous fait
plaisir à commencer avec Me Sylvie Schirm,
accompagnée de Me Tremblay. Alors, bienvenue à la commission. On est très
content de vous avoir avec nous. Alors,
je vous laisse la parole pour votre présentation. Après ça, on aura un échange
avec les membres. Merci beaucoup.
Mmes Sylvie Schirm
et Marie-Elaine Tremblay
Mme Schirm
(Sylvie) : Alors, bonjour, tout le monde. M. le ministre,
membres de la commission, tout d'abord, nous vous remercions sincèrement
pour l'invitation. C'est toujours un honneur de venir à cette institution
qu'est l'Assemblée nationale, là où les lois sont conçues, et on espère pouvoir
humblement aider à l'accouchement de ce projet de loi n° 12. On a déjà
exposé notre position sur la question des mères porteuses dans notre mémoire
qui a été produit en décembre 2021. Alors, aujourd'hui, on voudrait vraiment
porter des commentaires sur ce qu'on appelle la loi Océane.
Les juristes
qu'on est, on a souvent une tendance de rester un peu ancrés dans le cadre
législatif existant, d'essayer d'interpréter et de travailler avec
qu'est-ce qui est sur la table, mais il faut quand même rester ouvert aux
réalités de notre société qui est en mouvance constante. Personne ne conteste
que la législation ne suit pas toujours la société à la
même vitesse, mais nous ne devons pas craindre d'entamer des changements et des
modifications à notre loi, car le droit doit
être au service des justiciables et non pas l'inverse. Ici, dans cette enceinte
qu'est l'Assemblée nationale, nous devrons être plus que jamais à
l'affût des besoins des justiciables et ne jamais oublier ce devoir. Cela nous
amène, donc, à faire des changements dans notre loi, des changements qui
peuvent être considérés comme avant-gardistes, innovateurs, mais qui peuvent
aussi causer des remous.
Nul ne peut contester le fait que le Québec
entier a été outré de la situation d'Océane, outré du fait qu'une victime de
viol doit composer pour le reste de sa vie avec son agresseur, outré que cet
agresseur puisse demander des droits à l'égard de l'enfant né de ce geste
odieux, outré que notre Code civil ne prévoyait pas la protection pour une
telle situation. Et qui est la victime? Outre la mère qui a subi le viol,
l'enfant est aussi victime de cette situation. Comment ne pas considérer l'impact que cela peut avoir, que cette
relation peut avoir sur l'enfant? Obliger la mère de mettre de côté la violence qu'elle a subie afin de
permettre une relation père-fils dans une telle circonstance est
inacceptable. Ce projet de loi protégera d'abord et avant tout l'enfant de
cette situation et lui donnera également les pouvoirs.
Je désire souligner le fait que notre
intervention ici se fait à titre de praticiennes sur le terrain. Ce sont les avocats en droit de la famille qui traitent toutes
ces questions devant les tribunaux et en conseillant nos clients et
clientes. C'est nous qui voyons la réalité dans la vie quotidienne des
justiciables. À première vue, l'un pourrait conclure que le recours en
déchéance d'autorité parentale serait une solution disponible à la mère d'un
enfant issu d'une agression sexuelle, surtout suite à la modification qu'on a
eue de l'article où on a ajouté la question de la violence, mais ce n'est pas nécessairement la solution appropriée à
un tel cas. Un recours en déchéance maintient le lien de filiation entre
l'enfant et l'agresseur, mais surtout préserve à l'agresseur le pouvoir de
demander la révision du jugement en cas de déchéance de l'autorité parentale.
Donc, la femme victime aura ainsi à encore une fois faire face à son agresseur
dans le cadre d'un litige, qui peut s'avérer fort acrimonieux et même
répétitif, car l'agresseur a comme but de contrôler sa victime et de continuer
d'exercer ce contrôle.
De plus, nous
comprenons également qu'en l'absence du lien de filiation seul celui qui commet
une agression sexuelle aura une obligation alimentaire. On parle ici de
l'indemnité envers l'enfant, mais non l'inverse. En matière de déchéance de l'autorité parentale, la situation
sera différente, puisque le tribunal a le pouvoir d'en décider
autrement. Et cette dispense pour l'enfant envers son père pourrait être levée
après sa majorité. Nous croyons, donc, que la protection du nouveau recours
prévu au projet de loi n° 12 est meilleure pour l'enfant issu d'une
agression sexuelle pour ainsi éviter que l'agresseur puisse demander des aliments
à l'enfant issu de son crime.
Enfin, en tant qu'avocate oeuvrant exclusivement
en droit de la famille, nous désirons porter... attirer votre attention sur le
fait que le nouveau recours permettant de contester la filiation puisse être
utilisé à mauvais escient. En effet, devant
le peu et sinon l'absence de balises législatives quant au fardeau de preuve de
la partie demanderesse, le contexte du litige familial découlant d'une
séparation est propice à l'utilisation de ce recours par une mère désirant s'approprier de l'enfant comme un des moyens pour
ostraciser le père de sa vie. Nous sommes réalistes que cette
possibilité existe, mais c'est exact que
cette possibilité existe aussi par le biais de la déchéance de l'autorité
parentale, mais nous croyons pertinent de soulever cette possibilité.
Évidemment, il s'agira d'une question de preuve, et nous sommes rassurées que
le tribunal doit trancher dans l'intérêt de l'enfant.
• (15 h 10) •
En ce qui a
trait à la responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une
agression sexuelle, nous saluons la décision du ministre de la Justice
de mettre en place des mesures pour minimiser les interactions entre la femme
ayant été victime d'une agression sexuelle et son agresseur. En effet, le
paiement d'un montant forfaitaire permettra de limiter au minimum les interactions
concernant les aliments dus à un enfant. Et on sait très bien que, dans le cas
de déchéance, l'obligation alimentaire est toujours là. Donc, la porte est
ouverte à des modifications ou des retours à la cour, des demandes de
changement, des demandes d'annulation, des demandes de non-paiement, qui, donc,
va faire en sorte que le litige va se maintenir et que les relations entre
l'agresseur et sa victime vont forcément être toujours là, devant les
tribunaux.
Cependant, en tant que praticiennes... parce que
la première chose qu'on fait quand on regarde une loi ou une disposition, c'est de dire : Et comment
est-ce qu'on va faire ça? Qu'est-ce qu'on va plaider? Nous constatons
l'absence de critères, ou de facteurs, ou de
balises permettant de déterminer l'indemnité ainsi payable. Alors, on comprend
qu'on parle d'une indemnité et non pas d'une pension alimentaire, mais ceci
laisse présager des litiges sur les questions, à savoir : Dans quelle
mesure les moyens financiers de la mère seront considérés? Dans quelle mesure,
l'indemnité, est-ce qu'elle est liée ou non
à la capacité de payer du débiteur? Le cas échéant, est-ce qu'on pourrait tenir
compte, et, si oui, dans quelle mesure, des contributions que le
débiteur aurait effectuées au besoin de l'enfant antérieurement à la demande?
Comment évaluer les besoins d'un enfant jusqu'à l'atteinte de son... autonomie?
Et on sait que c'est fini, le temps de
18 ans pour l'autonomie d'un enfant. Et, si c'était le cas, il y a 25 ou
30 ans, aujourd'hui, on sait très bien que l'autonomie d'un enfant
peut aller jusqu'à au moins, minimalement, le premier bac. Donc, on parle d'une
période qui est quand même assez longue. Est-ce qu'une preuve d'expert sera
nécessaire ou une preuve actuarielle, ce qui, évidemment, va alourdir le
processus pour arriver à ce... à établir l'indemnité?
Alors, nous craignons qu'en l'absence de barèmes
législatifs s'instaurera une importante disparité dans les indemnités accordées
dans les différents dossiers. Alors, nous recommandons l'adoption par le
législateur d'un règlement d'application prévoyant des barèmes de... quantums,
pardon, d'indemnités, que nous présumons être sans impact fiscal, mais lesquels
ne tiendraient pas compte des revenus ni du parent créancier ni ceux du
débiteur.
Et,
je veux rappeler, c'est en 1997 qu'on a modifié la loi, parce qu'auparavant,
malheureusement, je suis assez vieille pour m'en rappeler, auparavant,
on plaidait la pension alimentaire des enfants avec des budgets, on faisait un
budget de l'enfant. Alors, il y avait des jugements qui variaient énormément,
et c'est pour ça qu'on a instauré les tables, ce qui
permettait d'avoir une certaine égalité selon les revenus des parents. Alors,
il ne faut pas oublier ce phénomène-là, et il faut éviter que cela se
reproduise dans le cas de l'indemnité.
D'autre
part, on comprend que le projet de loi prévoit la possibilité de modifier
l'indemnité, mais uniquement en cas
de changement important dans l'état de santé de l'enfant, en raison des
circonstances inconnues ou imprévisibles lors de son établissement initial. Alors, nous soumettons qu'il existe
plusieurs facteurs, outre ceux reliés à la santé de l'enfant, qui
risquent de survenir de manière imprévue et influer sur ses besoins. Nous ne
croyons pas qu'il faille limiter la possibilité de révision de l'indemnité
uniquement à des cas découlant de... des soucis de santé de l'enfant. Nous
recommandons de prévoir plutôt, de manière générale, que, s'il survient un
changement important en raison de circonstances
inconnues, imprévues ou imprévisibles au moment du jugement, il sera possible
pour l'enfant de demander au tribunal d'ordonner le paiement d'une
indemnité supplémentaire.
Finalement,
l'indemnité qui est prévue ici est clairement prévue au bénéfice de l'enfant
issu d'une agression sexuelle, mais est
payable à sa tutrice légale, soit à la victime de l'agression. Pour éviter tout
conflit quant au véritable créancier de l'indemnité, nous recommandons
de mentionner, dans le texte des articles 542.33 et 542.34, qu'il s'agit
d'un «recours exercé pour l'enfant mineur par la victime d'agression sexuelle à
titre de tutrice légale», de la même façon qu'on le fait dans 586, CCQ.
Alors, nous espérons
que nos commentaires et suggestions peuvent aider le législateur à adopter la
législation actuelle, le tout dans le meilleur intérêt des enfants du Québec.
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment.
Donc, M. le ministre, vous avez la parole.
M. Jolin-Barrette :
Oui, merci, M. le Président. Bon après-midi, Me Schirm, Me Tremblay, merci
beaucoup d'être présents à nouveau en commission parlementaire. Vous êtes
assidues sur le droit de la famille, alors c'est toujours un plaisir de vous
recevoir.
Bien, parlons-en,
justement, de cette indemnité-là. Je comprends que vous souhaiteriez qu'on
vienne donner un pouvoir habilitant au
règlement pour déterminer par voie réglementaire quelles devraient être les
modalités financières associées à cette indemnité-là pour répondre aux
besoins de l'enfant.
Mme Schirm
(Sylvie) : Je crois que... peut-être qu'est-ce qu'on devrait avoir,
c'est un genre de barème, et là je ne suis
pas actuaire, mais peut-être qu'il y aura lieu de regarder un peu qu'est-ce
qu'on fait au niveau des accidents du travail,
qu'est-ce qu'on fait ailleurs dans notre législation pour établir les montants
d'indemnité, mais le but, c'est d'éviter non seulement la disparité dans
les jugements, là, mais aussi d'éviter le retour à la cour de façon incessante
et d'éviter également qu'on puisse avoir une situation d'inégalité face à des
parents qui ont des moyens différents. Et donc
le barème va aussi éviter, surtout, la nécessité d'une preuve d'expert, parce
que, sinon, comment est-ce que je vais venir à la cour puis dire :
Voici combien coûte mon enfant et voici qu'est-ce que je prévois que le coût
d'un enfant peut avoir pour les prochains 20 ans ou 25 ans, peu
importe?
C'est
vraiment dans cet aspect-là qu'il faudra regarder peut-être un barème selon les
revenus des... Est-ce qu'on tient
compte des revenus? Est-ce qu'on tient compte de la situation de l'enfant?
C'est toujours un risque en faisant ça, parce que l'indemnité ne
signifie pas des aliments, l'indemnité, c'est payer pour compenser un geste.
Alors, c'est...
M. Jolin-Barrette : Oui, parce que c'est tout
le défi que nous avions de faire en sorte d'indemniser adéquatement, mais, puisque... En fait, cette mécanique-là va
rentrer en vigueur à partir du moment où il n'y a pas de lien de
filiation qui s'établit. Puis là, nous, ce
qu'on souhaitait faire, ce n'était pas de pénaliser financièrement la mère de
l'enfant rattachée à ça, mais on ne veut certainement pas qu'il y ait
une relation continue entre l'agresseur et la mère. Donc, on souhaitait que ce
soit un montant unique, forfaitaire, révisable, si jamais il arrivait quelque
chose dans la vie de l'enfant, mais pas à chaque année ou à chaque deux ans.
L'idée, c'est de faire en sorte : on règle les affaires une fois, au moment
où madame s'oppose à l'établissement de la
filiation. Dans les scénarios alternatifs qui sont à la... en matière de
disponibilité des scénarios, il y a toujours
la possibilité pour madame aussi d'établir la filiation, mais d'avoir le
recours en déchéance de l'autorité parentale, qui est facilité dans le
cadre du projet de loi qu'on met. Mais ce n'est pas simple de trouver une
solution pour répondre à cette problématique-là. J'étais curieux de savoir
si... Est-ce que, dans votre pratique, vous avez déjà été confrontées à une
situation similaire?
Mme Schirm
(Sylvie) : Non, mais des sommes globales pour enfants, qui sont très
rares, qui sont très rares, on en a déjà plaidé. Il y a une réticence des
tribunaux, je dirais, parce qu'il y a en place un régime de pension alimentaire. Alors, sommes globales pour un
enfant, ça existe, mais il faut quand même l'évaluer. Il faut tenir
compte... De toute façon, la pension alimentaire des enfants est non imposable,
ça fait que ça ne change pas rien au niveau fiscal, mais on... c'est difficile
pour les tribunaux de pouvoir évaluer un montant en remplacement d'une pension
alimentaire. Alors, des sommes globales pour enfants, la jurisprudence est très
pauvre à ce niveau-là.
Et c'est sûr que,
dans ce cas-là, dans les... parce que c'est une question alimentaire pour
l'enfant, on va certainement évaluer les capacités de payer des deux parents et
les besoins de... et le niveau de vie, là, si vous voulez, de l'enfant chez les deux parents. Alors, c'est
pour ça que la première question qui nous est soulevée, c'est : OK,
l'indemnité, qui va le décider? Comment? Est-ce qu'on va laisser les tribunaux
arriver à des principes ou établir un certain principe? Peut-être. Ça va
prendre quand même du temps, puis il risque d'y avoir une disparité. Donc, je
pense qu'on a besoin, peut-être, un peu plus autour...
M. Jolin-Barrette : ...de
règlement.
Mme Schirm
(Sylvie) : Oui, oui, oui, pour pouvoir guider les tribunaux dans ce
sens-là.
M. Jolin-Barrette :
Parce que, vous le dites bien aussi, la difficulté avec ça, c'est de
prévoir l'avenir. Parce que, dans l'éventualité où, supposons, c'était lié au
revenu des parents, bien, le revenu qui est au jour un n'est pas le même qu'au
jour 10, mais l'indemnité va être donnée au jour un l'année, supposons, où
ça... le recours va être entrepris devant le
tribunal. Puis il n'est pas révisable, il serait révisable uniquement pour une
question de santé de l'enfant ou pour un motif important. Donc, c'est
tout le défi, mais je retiens votre suggestion de donner un pouvoir habilitant
au ministre pour établir des lignes directrices pour guider. Je pense que c'est
sage, c'est une suggestion qui est sage.
Je voulais vous
demander, la... lorsqu'on parle de grossesse pour autrui, puis le sujet va
venir dans le cadre des consultations, je voudrais savoir ce que vous pensez de
la pluriparenté. Le fait qu'il y ait... Dans le projet de loi, on limite à uniquement deux parents. Qu'est-ce que
vous pensez des situations où il y a certains groupes qui vont nous
demander d'élargir et d'avoir plus de deux parents? Donc, ça veut dire
l'autorité parentale qui est détenue par plus de deux parents, trois, quatre,
cinq, six.
• (15 h 20) •
Mme Schirm (Sylvie) : Écoutez,
c'est... pour les praticiens en droit de la famille, pour nous, là, c'est
inquiétant, inquiétant parce qu'on voit la situation, évidemment, quand ça ne
va pas bien. Moi, je n'ai pas des gens qui vont très bien, puis ils sont heureux dans mon bureau. J'ai des gens où le litige,
le conflit de garde existe. Et c'est les conflits les plus difficiles, les plus pénibles, souvent très
dispendieux, très déchirants et émotivement difficiles pour tout le
monde. Moi, je trouve qu'on demande déjà beaucoup à nos enfants avec la
question de la garde partagée, par exemple, entre deux parents. Et je ne suis
pas contre la garde partagée, mais je pense que nos enfants ont de la
résilience, mais il y a une limite aussi à qu'est-ce qu'on peut faire.
La situation de la
pluriparenté, la triparenté, c'est qu'on fait quoi quand il y a un litige et
quand le couple, ou les trois personnes, ou
les quatre personnes ne sont plus ensemble et ne vivent plus en harmonie?
Alors, on va partager cet enfant-là de quelle façon? Et, quand je parle
de partager, ce n'est pas juste le temps ou le calendrier, je parle aussi de
comment on va partager les décisions, comment on va partager l'autorité
parentale. Qui va choisir le médecin? Qui va choisir l'école? Qui va décider
quelles sont les activités que cet enfant va faire? Tout ça, déjà, quand il y a
deux parents séparés, c'est un défi. Il y a des gens qui réussissent à
s'entendre, tant mieux, mais cet enfant-là est déjà demandé de s'adapter à deux environnements différents, avec souvent des
règles différentes, avec les familles recomposées, avec les nouveaux
conjoints, nouvelles conjointes, et là on va ajouter une troisième personne qui
va participer à la décision. Et c'est qui
qui va décider? C'est deux vont voter contre un? Un contre... Qui va prendre la
décision importante dans la vie de cet enfant-là? On va le partager
comment? On va faire quoi avec Noël? On va faire quoi avec l'été? C'est ça, la
réalité que nous, on voit. Puis je comprends que quelqu'un peut dire :
Bien, moi, j'agis comme parent et je veux être sur le certificat de naissance,
mais, si on veut être sur un certificat de naissance, c'est parce qu'on veut
exercer des droits. Et, si on veut exercer des droits, dans ce cas-là, c'est
parce qu'on prévoit que, peut-être un jour, il y aura une rupture et que,
peut-être un jour, la famille heureuse sous le même toit n'existera plus.
Alors, il faut
vraiment regarder ça du point de vue de l'enfant. Et je vous dirai que je
mettrai quiconque au défi de voir comment cela pourrait être géré. Je ne sais
pas comment un tribunal pourrait en juger, à partager entre trois ou entre
quatre des décisions de tous les jours. Et cet enfant-là va vivre à combien
d'adresses? Puis le litige, quand il est là... Si tout va bien et même si on se
sépare en harmonie, on n'a pas besoin d'un jugement puis on n'a pas besoin d'un
certificat de naissance. Et, si ça ne se passe pas comme ça, bien, il faut
penser à l'enfant qui va vivre au centre de ce litige-là. C'est le plus
difficile, c'est le plus dommageable, pour l'enfant, de vivre cette
situation-là de conflit parental. Alors, imaginez un troisième qui s'ajoute à
ça. Je vous dirai que je ne crois pas que c'est dans l'intérêt de l'enfant de
permettre cette situation-là.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Et,
si vous me permettez, ce qu'on entend beaucoup, c'est, bien, si, effectivement
il y a un projet parental... disons que c'est trois, là, parce qu'on peut se
poser la question, on arrête à combien, mais présumons
que c'est trois, le troisième parent qui ne serait pas sur le certificat, ce
qu'on entend, c'est : Oui, mais, s'il y a rupture de ce milieu
familial là, l'enfant va perdre contact avec moi, alors que, dans les faits, ce
qu'on sait, c'est qu'il existe des recours. Si, effectivement, il n'y a pas
d'entente puis qu'une personne serait évacuée parce qu'elle n'est pas sur le
certificat de naissance, il existe des recours, des droits d'accès pour des
tiers. Ça existe déjà. On n'a pas besoin de rajouter un parent sur un
certificat de naissance pour pouvoir permettre ça.
Mme Schirm (Sylvie) :
Et cette personne-là ne fera pas partie aux décisions, et donc, au moins,
on va limiter le conflit le plus possible.
M. Jolin-Barrette :
Excellent. Écoutez, je vous remercie pour votre présence en commission. Je
sais que j'ai des collègues qui veulent vous poser des questions. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bachand) : Merci. Alors, il reste six... un peu plus de six minutes. Mme la députée
de Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan :
Merci. Merci, M. le Président. Merci à vous deux pour votre temps, très
intéressant. Une question par rapport à l'autonomie décisionnelle de la femme.
Donc, la personne porteuse pendant la grossesse, pendant le projet de GPA, à
votre avis, est-ce que vous croyez que cette personne est protégée à toute
étape de la GPA? Est-ce que c'est suffisamment encadré, selon vous?
Mme Schirm (Sylvie) :
Nous, on avait recommandé qu'il y
ait des consultations avec des avocats, mais, justement...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Avant,
avant la...
Mme Schirm (Sylvie) : ...avant,
avant la conception, avant, justement, pour permettre à tout le monde, dans ce
projet-là, d'avoir une opinion, d'avoir une consultation privée sur la
question. Parce que peut-être qu'il y a des questions qu'on veut poser qu'on
n'osera pas poser devant... en présence de la mère porteuse, parce que,
justement, on est dans une situation où on ne veut surtout pas du conflit puis
on veut amener tout ça à terme.
Moi, je
trouve qu'où est-ce qu'elle est protégée c'est le fait de pouvoir mettre fin à
la grossesse en tout moment, entièrement. Ça, je trouve que c'est
important puis je trouve qu'on ne devra certainement pas changer ça. Nous, on
avait suggéré que, vu toutes les étapes de cette démarche-là qui doivent être
faites même avant la conception, on considérait
qu'il y avait suffisamment de temps pour la mère de donner son consentement à
ce projet-là et on considérait que le fait qu'elle puisse le retirer
dans les sept à 30 jours... pas avant sept jours puis dans les
30 jours, on considérait que cela était... n'était pas nécessaire à cette
étape-là, vu qu'on pense... Bon, bien, on a l'idée de le faire, on a les
rencontres, on a la rencontre avec le notaire, on a... si c'est un cas
d'insémination, tout qu'est-ce que... Cela prend du temps. Alors qu'on trouvait que le temps était suffisant pour que la
mère porteuse ait le temps de réfléchir à ça, qu'elle n'avait pas besoin d'un autre délai, mais c'était
ça, notre opinion, à l'époque, et ce l'est encore aujourd'hui, mais je
crois que... le fait qu'elle puisse, elle,
décider de mettre fin à la grossesse, c'est... on n'a absolument rien contre
cette démarche-là.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Mme la députée de
Vimont, s'il vous plaît.
Mme Schmaltz : Merci, M. le
Président. Bonjour, mesdames. J'ai une question concernant la... le laps de
temps qu'on accorde dans une dénonciation. Je m'explique. Souvent, des femmes
vont prendre quelques années, ça peut arriver qu'elles ne vont pas dénoncer
immédiatement leur agresseur, pour toutes sortes de raisons, parce que ça peut être un viol conjugal, parce que ça pourrait
être une agression qui est arrivée, puis, pour toutes sortes de raisons,
elles ne vont pas le dénoncer. Est-ce que
vous pensez qu'il y a un laps de temps qu'on doit encadrer avant qu'une
dénonciation puisse se faire? Je pense que la loi l'autorise, il n'y a pas de
date.
Mme Schirm (Sylvie) : Il n'y a
pas de date. Je pense que non. Je pense que, de toute façon, il faut considérer
que tout ça est relié à un enfant, hein?
Alors, le laps de temps, à mon avis, ne devrait pas exister pour faire ce
recours-là, justement dans le contexte dans lequel on sait que les femmes ne
portent pas toujours plainte, que ce n'est pas tous les viols qui sont
dénoncés, que ce n'est pas toutes les agressions qui sont dénoncées.
C'est certain qu'au niveau de praticiens sur le
terrain c'est une question de preuve, hein, puis c'est une question de la parole de l'un contre la parole de
l'autre, un peu comme la violence conjugale. Sauf qu'en cas de violence conjugale, quand c'est répétitif, etc., parfois on
a des témoins, ou on a des dossiers médicaux, ou on a d'autres choses.
Ça se peut qu'on ait un dossier médical ou ça se peut qu'on n'en ait pas.
Alors, à mon avis, on ne devrait pas avoir un laps de temps pour faire cette
démarche-là, mais ça va jusqu'à la majorité de l'enfant, de toute façon.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Et
ça va jouer, je présume, aussi dans l'appréciation de ce qui est dans l'intérêt de l'enfant ou de ce qui ne l'est pas.
Si, par exemple, c'est dénoncé alors que l'enfant a 14 ans, bien, de
toute évidence, ça va avoir des répercussions sur sa vie si lui a été en
contact avec son père.
Mme Schmaltz : Donc, est-ce
qu'on peut envisager qu'à partir d'un certain âge ce n'est pas conseillé,
justement? Parce qu'il y a le lien qui a été établi déjà à la base.
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Bien, ce sera au tribunal d'évaluer qu'est-ce qui
est dans l'intérêt de l'enfant.
Mme Schmaltz : Ah! D'accord.
OK. Parfait. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour, d'abord, votre mémoire, puis le fait que vous
puissiez partager avec nous votre expérience pratique de ce dont on parle.
C'est déjà un projet de loi qui... en fait, qui est complexe. Il y a de
multiples facettes, donc votre expertise est d'autant plus louable et valable.
Alors, je tiens à vous remercier beaucoup.
J'aurais quelques questions pour vous. Dans le
projet de loi, à l'article 1, en fait, qui réfère à l'article 113 du Code civil, quand on parle du projet parental
impliquant une grossesse pour autrui, on dit que la convention de
grossesse pour autrui doit être notariée. Cependant, plus loin dans le projet
de loi, quand on parle de la filiation à 541.9 ou le renoncement à la
filiation, là, on parle d'un document notarié ou d'un document sous seing
privé. Dans les deux cas, est-ce que vous pensez
qu'il y en a un qui mérite plus d'être notarié que l'autre? Est-ce que c'est un
manque de cohérence? Est-ce que les deux devraient être notariés ou pas
notariés? Est-ce qu'on devrait donner l'option dans les deux cas? Puis quels
sont les avantages ou les inconvénients?
Mme Schirm
(Sylvie) : Si je comprends bien, c'est le consentement qui... Le
541.9, le consentement n'est pas nécessairement notarié.
M. Morin : Exact.
Mme Schirm (Sylvie) : OK,
tandis que le projet doit être notarié.
M. Morin : Exact. C'est ma
compréhension.
• (15 h 30) •
Mme Schirm (Sylvie) : Et, à mon
avis, il y a une nuance à faire, effectivement, parce que, le projet notarié,
c'est une question de preuve, hein?
M. Morin : Oui.
Mme Schirm (Sylvie) : Un acte
notarié, au Québec, là, fait preuve de... mais, en tout cas, c'est certain que,
nous, comme praticiens, si quelqu'un vient avec un contrat notarié, j'ai un
fardeau de moins de la preuve à faire que si
je n'en ai pas. Alors, je trouve qu'il y a une nuance, mais le consentement,
est-ce que c'est nécessaire d'être notarié? Je ne crois pas que c'est
vraiment si grave que ça, que ce soit notarié ou sous seing privé.
M. Morin : OK. Parfait, je vous
remercie. Maintenant, si on revient à l'article 542.33, ça, c'est
l'article 19, je pense, du projet de loi, si je ne me trompe pas, oui,
c'est ça, où on parle de la responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle.
Vous l'avez évoqué puis, dans votre mémoire, vous en parlez, mais, moi, ce qui m'intéresse, c'est vraiment le côté
pratico-pratique. Parce que, si le projet de loi est adopté... et, compte
tenu de la composition du gouvernement actuel, il a de fortes chances d'être
adopté, avec 90 députés, n'est-ce pas? Ceci étant, après ça, évidemment, ce qu'on veut comme législateurs, c'est de
s'assurer que ça va avoir une application, mais que les gens vont s'y retrouver puis que ça va être utile pour les gens
aussi. Je comprends l'idée, mais corrigez-moi si je fais erreur, mais,
dans le projet tel qu'il est là, si, admettons, la victime du viol qui a eu
l'enfant veut aller chercher une indemnité de la personne qui l'a violée, elle
va devoir s'adresser à la cour. Ce n'est pas automatique.
Mme Schirm (Sylvie) : Non, non.
M. Morin : Et
donc, et donc, admettons, prenons le cas de figure, la personne a dénoncé, la
personne... l'agresseur a été accusé, il a été condamné au criminel, la
personne a eu un jugement, une condamnation. Bon, donc là, c'est clair que le
viol a été établi, mais ça, ça ne donne pas une indemnité. Donc là, la mère, en
fait, qui a été victime, est obligée de s'adresser à nouveau à la cour. Puis
là, évidemment, le défendeur, ça va être l'agresseur, et donc de refaire une
preuve devant le tribunal civil, n'est-ce pas?
Mme Schirm (Sylvie) : Oui,
mais, de toute façon, elle va vouloir s'adresser à la cour pour contester la
filiation si la filiation est déjà établie.
M. Morin : OK.
Mme Schirm (Sylvie) : Donc, le
recours est... Est-ce qu'on va le faire en deux étapes? Ça se peut qu'un juge
va d'abord décider est-ce qu'il y a lieu de rompre le lien de filiation. Parce
qu'il doit quand même décider dans l'intérêt de l'enfant, puis il va avoir une
preuve à faire, évidemment. Et il peut décider, dans un deuxième temps : Bon, si oui, quel est le montant de l'indemnité?
Est-ce qu'on fera une audience en deux étapes? C'est possible, mais
c'est sûr que, de toute façon, si le nom est
sur le certificat de naissance, ce recours-là doit être entamé. Alors, on peut
l'entamer et demander, en même temps, dans la procédure. Je verrai très bien
ça, de demander l'indemnité à ce moment-là.
M. Morin : Au même moment.
Mme Schirm (Sylvie) : Oui.
M. Morin : Et, quand on parle,
dans le projet de loi, d'une indemnité, puis je pense que vous y avez fait
référence, ce n'est pas comme une pension alimentaire, ce n'est pas un montant
qui est versé à tous les mois. Donc, c'est un montant.
Mme Schirm (Sylvie) : C'est un
montant. Il est possible — moi,
je l'apparente un peu à qu'est-ce qu'on appelle
une somme globale ou une somme forfaitaire — il est possible, peut-être, pour la cour, de décider
que l'indemnité sera versée en deux versements,
par exemple, mais pas rien qui s'approche, là, d'une pension alimentaire qui
sera périodique, etc., sur 18 ans ou dans le temps. Alors, c'est
sûr que, quand on a la notion d'indemnité, on sort un peu, là, de qu'est-ce qui
est la pension alimentaire pour enfants.
M. Morin : Et évidemment le
projet de loi ne parle pas de 18 ans ou 21 ans, parle de l'autonomie.
Mme Schirm
(Sylvie) : Et voilà.
M. Morin :
Et ça, vous y avez fait référence aussi. Donc, ça, ça peut être 17, 18, 20,
21, 22, quelqu'un qui va à l'école, à l'université, ça peut être un peu plus.
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Bien, normalement, l'autorité, ce n'est jamais en bas
de 18 ans, là, selon... pour les barèmes de la pension alimentaire.
M. Morin :
Exact.
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Mais, si,
après la majorité, un enfant n'est pas indépendant financièrement pour
cause de maladie, parce qu'il est aux études à temps plein, là, à ce moment-là,
techniquement, il est encore à charge. Donc l'autonomie, ça fait référence à
ça.
M. Morin :
Exact, mais ce n'est pas très précis.
Mme Schirm
(Sylvie) : Pardon?
M. Morin :
Ce n'est pas très précis, cependant.
Mme Schirm
(Sylvie) : Non, mais la jurisprudence de nos jours... Puis c'est pour
ça que j'ai parlé tantôt qu'il y a
20 ans, c'était au-dessus de 18 ans, puis bonjour, ou, des fois, il y
a des gens qui nous appellent : Mon fils a 18 ans, est-ce que
je peux arrêter de payer la pension? Ce n'est pas le chiffre magique
nécessairement, on voudrait, mais ce n'est pas le cas. Alors, il y a tout cet
aspect-là. Donc, la jurisprudence est quand même pas mal établie sur c'est
quoi, l'autonomie. Et, d'habitude, puis là c'est un peu mon interprétation, un
premier bac, là, c'est... on donne la chance à l'enfant d'obtenir un premier
bac et on va tenir compte, par exemple, dans ce cas-là, de certains de ses
revenus. Mais là, ici, on ne parle pas de ça, on parle vraiment de l'indemnité.
M. Morin :
Puis évidemment ce montant-là, vous l'avez fait référence... vous y avez
fait référence, il va falloir, à un moment donné, des experts, je veux dire, la
demanderesse ne peut pas juste dire à la cour : Moi, ça me prend
300 000 $, puis on s'en va avec ça.
Mme Schirm
(Sylvie) : C'est pour ça qu'on a besoin de barèmes ou de...
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Il faut faire la preuve autrement, c'est difficile.
M. Morin :
Tout à fait. Absolument. Et là,
si le défendeur, qui est l'agresseur sexuel, vous y avez fait référence,
n'a pas sa capacité de payer ou n'a pas de capacité de payer, il n'en a pas,
bien, bien, la demanderesse va avoir un beau jugement, puis ça va l'encadrer,
puis ça va finir là.
Mme Schirm
(Sylvie) : C'est le sort qui arrive dans certains cas, même avec les
pensions alimentaires. Mais, si on ne tient pas compte... puis, à mon avis,
l'indemnité ne doit pas tenir compte nécessairement de la capacité de payer,
mais le jugement est là pour longtemps. Alors, un jugement est aussi inscrit
dans les registres de crédits, etc., donc,
il y a un impact sur la vie de cette personne-là, puis il y a des recours quand
même pour pouvoir recouvrir le montant du jugement. Mais c'est certain
qu'il peut y avoir des cas où est-ce qu'on n'a pas encore de jugement.
M. Morin :
Puis la problématique, la demanderesse, dans un cas comme ça, n'aura pas
nécessairement recours à l'aide juridique, donc ça va être autant de frais pour
elle?
Mme Schirm
(Sylvie) : Pas nécessairement. Moi, je ne vois pas pourquoi elle
n'aura pas recours à l'aide juridique.
M. Morin :
Mais ça dépend de ses revenus.
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Ça dépend de sa situation...
Mme Schirm
(Sylvie) : Oui, certainement, mais, si la personne est admissible à
l'aide juridique, ça, c'est sûr qu'à mon avis elle peut exercer le recours.
Est-ce que le fait d'aller chercher une indemnité empêcherait l'utilisation de
l'aide juridique, je ne suis pas certaine.
M. Morin :
OK. Mais sauf que, pour la majorité des Québécoises qui ont un revenu
souvent qui est un peu en haut de l'aide juridique, pas
tout le temps, mais qui ne sont pas dans les 400 000 $,
700 000 $, 1 million, là, bien, ça va générer des frais...
Mme Schirm (Sylvie) : C'est
sûr.
M. Morin :
...un temps de cour, parce qu'on sait que nos tribunaux sont assez débordés
par les temps qui courent. Donc, ce n'est pas simple.
Mme Schirm
(Sylvie) : Aucun recours n'est simple.
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Savez-vous ce qui est intéressant dans ce que vous
dites, parce que la Cour d'appel nous interdit, en tant qu'avocat en droit de
la famille, de prendre un dossier en pourcentage lorsqu'il est question
d'aliments. On ne pourrait pas, par exemple, dire : Je vais prendre
20 % de la pension alimentaire que tu vas aller chercher. Par contre,
quand c'est une indemnité, peut-être que ce serait possible, là, parce que,
techniquement, la Cour d'appel parle
d'aliments. Si ce ne sont pas des aliments, un avocat pourrait très bien
dire : On va t'obtenir une indemnité puis aller te chercher un
pourcentage. Alors là, dépendamment de ce qui est souhaité, soit qu'on empêche
ça ou qu'on le permet.
Mme Schirm
(Sylvie) : On ne peut pas le faire sur le patrimoine familial non
plus, mais on peut très bien, dans un cas comme.. de... un avocat peut négocier
un mandat sur une question de pourcentage.
M. Morin :
Exact, ce ne serait pas interdit...
Mme Schirm
(Sylvie) : À mon avis, non.
M. Morin :
...dans un cas comme ça. Et là il n'y a rien qui empêche ça présentement.
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Pas à ma connaissance, non.
M. Morin :
OK. Parfait. Écoutez, je vous remercie...
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Et, juste... Vous avez posé tantôt la question, il va
falloir faire la preuve du viol...
M. Morin :
Oui.
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : ...il y a quand même 542.29 qui dit qu'on pourra
faire la preuve par le dépôt. Dans votre
exemple, il y avait déjà un jugement en chambre criminelle. 549.29 prévoit que
le dépôt pourra faire la preuve du viol. Donc, on présume que toute
cette étape-là, tout ce pan-là de la preuve, pourra être évité, là, ce n'est
pas... On n'aura pas à le faire deux fois, là.
M. Morin :
Non. Ça, vous avez tout à fait raison. Je vous remercie. Merci, M. le
Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Merci
beaucoup. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti :
Oui, merci, M. le Président. Sur la question de l'indemnité, là, au fond,
si je comprends bien, dans votre
interprétation, le projet de loi, en parlant d'indemnité, il exclut la formule
récurrente qui s'assimile à une pension alimentaire. Est-ce que vous estimez que ça devrait être changé,
c'est-à-dire que ça devrait être une pension alimentaire, vous estimez
que c'est mieux que ce soit une indemnité?
Mme Schirm
(Sylvie) : Non, non, non, parce que, justement, le but, c'est de
couper les liens. Si on veut enlever la filiation, là, si on permet d'enlever
la filiation, si une victime veut ne plus avoir de lien, et on va à ce point-là de demander que la filiation n'existe
plus, c'est certain qu'on ne veut pas être devant les tribunaux, aux deux
ans ou avant, avec l'agresseur qui va venir demander non seulement une
modification de la... si c'était le cas de pension, la pension, mais de demander les revenus de madame, combien est-ce qu'elle
gagne, envoyer des citations à comparaître à son employeur, demander
copie de sa carte de crédit, toute l'invasion de la vie privée qui existe dans
ce cas-là, c'est, justement, qu'est-ce qu'on veut éviter.
M. Zanetti :
OK. Et est-ce que... C'est sûr que, si, mettons, le montant d'indemnité est
fixé à un niveau qui dépasse la capacité de payer du défendeur, bien là, les
liens seront rompus, parce qu'à un moment donné ça va être comme une...
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Il va falloir forcer... pendant des années,
peut-être.
M. Zanetti : C'est ça, forcer... Bon.
Mais c'est comme un moindre... C'est le moins pire des mals finalement.
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Exact.
M. Zanetti : OK.
Une autre question, c'est : Est-ce qu'il existe quelque chose, parce
que... Est-ce qu'il y aurait une
façon d'éviter de s'en remettre aux tribunaux pour fixer ce montant-là? Y a-tu
une formule qui existe sur laquelle pourrait... le
projet de loi pourrait arrimer l'indemnité qui est prévue au projet de loi? Y
a-tu comme... ou si n'a pas le choix, il va falloir faire du cas par cas?
Mme Schirm (Sylvie) : Bien, à
mon avis, on n'a pas le choix, parce qu'on veut éviter le contact entre ces
deux personnes-là. Alors, ce n'est certainement pas un cas de médiation. Ce
n'est pas un cas non plus du service qui existe, là, où est-ce qu'on peut
demander de réviser la pension alimentaire quand on est tous les deux d'accord,
etc. Ça ne se prête pas à ça.
M. Zanetti : OK. Donc, la
nécessité, l'impératif, l'objectif de couper les liens nous dirigent vers une
solution comme celle-là, puis pas le choix, les tribunaux, même avec les coûts
que ça entraîne. Je comprends.
Mme Schirm (Sylvie) : Parce que
l'autre choix, c'est de rester dans le cadre qui existe, qui est la déchéance
de l'autorité parentale dont j'ai parlé tantôt. Puis, avec la pension
alimentaire, bien là, on n'a pas rien vraiment réglé à ce niveau-là.
• (15 h 40) •
M. Zanetti : Pouvez-vous
m'expliquer ça? Je ne suis pas sûr de comprendre.
Mme Schirm
(Sylvie) : C'est-à-dire, si on fait une déchéance d'autorité
parentale, le lien de filiation continue d'exister. On peut demander la
révision. Le parent... le père agresseur peut demander des aliments à l'enfant
issu de l'agression. Le lien, au niveau de l'obligation alimentaire, est encore
là. Alors, tout est encore en place...
M. Zanetti : On ne coupe pas.
Mme Schirm (Sylvie) : ...donc
on ne coupe pas le lien.
M. Zanetti : Je comprends.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Puis
on peut présumer que la victime pourra choisir son recours.
Mme Schirm (Sylvie) : Voilà!
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Si c'est une personne fortunée, avec un jugement
qui pourrait être exécutable, bien,
on va peut-être choisir ce recours-là. Si, par exemple, la personne est
incarcérée, il n'a pas de moyens financiers, bien, peut-être qu'on va y
aller avec la déchéance puis on va revenir pour les aliments. Ce sera à son
choix.
M. Zanetti : Parce que le
jugement peut arriver plusieurs années après la naissance, là.
Mme Schirm (Sylvie) : Oui.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Oui.
Et c'est là la question de savoir, pour déterminer l'indemnité, comme disait Me
Schirm plus tôt, est-ce qu'on considère s'il a contribué? Disons que l'enfant a
quatre ans, est-ce qu'il a contribué, les
quatre premières années financièrement? Est-ce qu'on le déduit de l'indemnité?
Parce que ça peut être fait aussi, ça peut se négocier entre avocats, ça
peut être fait volontairement aussi, là.
M. Zanetti : Je comprends.
Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci. Merci beaucoup, M. le
député. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. Deux questions. Ma première, c'est en lien avec le changement, puis
la deuxième, c'est la prescription... en tout cas, la façon que ce n'est pas
prescrit.
Une voix : ... oui, bonne chance.
Mme Nichols : Exactement ça.
Mais autant pour la personne victime, contrairement, là, à l'enfant, ça fait
que je pourrai peut-être compléter avec ça. Mais le changement, c'est parce
que, dans les pensions alimentaires pour enfants, dès qu'il y a un changement,
puis là on sait qu'on peut y aller...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Significatif.
Mme Nichols : Significatif,
soit un changement de garde ou soit un changement important dans les revenus
des parents...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Ou
dans la vie de l'enfant, dans l'état de l'enfant aussi. À l'heure actuelle, une
pension, c'est ça.
Mme Nichols : C'est
ça. Là, on peut demander un changement, tu sais, un changement, mais, dans...
Je regardais dans votre mémoire, vous
recommandez de prévoir plutôt, de manière générale, que, s'il survient un
changement important en raison de circonstances inconnues, imprévues,
imprévisibles... Ces changements-là, vous faites référence à l'enfant, pas
nécessairement à la situation...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Exact.
Mme Schirm (Sylvie) : Exactement,
c'est aux besoins de l'enfant.
Mme Nichols : C'est ça, aux
besoins de l'enfant, mais, s'il y avait un changement important dans la
situation du... on va dire du paternel, il gagne à la loterie, je ne sais pas,
il...
Mme Schirm
(Sylvie) : À mon avis... bien, il va y avoir une
interprétation à faire par rapport à ça, mais, à mon avis, le but, c'est
de limiter les interactions. Alors, ça prend... C'est pour ça qu'on a parlé
d'un changement très imprévisible, là, quelque chose qu'on n'aurait pu jamais
penser quand l'indemnité avait été fixée, mais c'est par rapport à l'enfant,
parce que l'indemnité, c'est pour les besoins de l'enfant.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Ou,
par exemple, s'il y a des barèmes qui sont établis, qui ne prennent pas en
considération les moyens des parents, mais bien qu'on détermine le coût de base
d'un enfant, par exemple, pour les
18 premières années, puis là on va établir un certain barème selon l'âge
de l'enfant. L'indemnité correspondra à ce barème-là, mais, si jamais,
finalement, l'enfant a des problèmes de santé majeurs, mais ça peut être
d'autres sortes de problèmes aussi, qui font
en sorte que l'indemnité, de toute évidence, n'est pas suffisante, bien là, on
pourra demander une indemnité additionnelle, qui là devra faire l'objet
d'une preuve d'expertise.
Mme Schirm (Sylvie) : Mais qui
sera quand même assez restreint, là, ce n'est pas quelque chose qui va...
Mme Nichols : Mais
pas nécessairement de prévoir une ouverture s'il y a un changement dans la
situation financière...
Mme Schirm (Sylvie) : Non, non,
non, parce qu'on parle d'indemnité et non pas de pension alimentaire.
Mme Nichols : OK. Parfait.
C'est sûr que, tu sais, comme les pensions alimentaires, là, ça sera difficile,
là, d'avoir un recours pour aller chercher
ces montants-là, que ce soit une fois, deux fois ou... Ce sera quelque chose
qu'on passera par un percepteur des pensions
alimentaires, on verra, là, évidemment, c'est des discussions qui auront lieu
ici.
Relativement
à la prescription, je m'interrogeais, entre autres, puis il y a eu d'autres
groupes aussi avant, là, 542.33 puis
542.34, pourquoi les recours qui sont prévus à ces nouveaux articles là sont
imprescriptibles pour la personne victime contrairement à l'enfant issu
de l'agression sexuelle? Est-ce que vous le voyez comme ça ou vous
l'interprétez...
Mme Schirm (Sylvie) : Excusez-moi,
c'est 542.33.
Mme Nichols : Oui,
puis 542.34. Je me demandais, est-ce que c'est des... est-ce que ça préoccupe,
entre autres, la limite du recours pour que...
Mme Schirm (Sylvie) : Non.
Mme Nichols : Non, on ne le
voit pas.
Mme Schirm (Sylvie) : Non, non,
«imprescriptible, action, réclamation...» Non, puis, d'ailleurs, on donne l'opportunité à l'enfant, si jamais la mère décide
de ne pas exercer ce recours-là... ce qui est possible, parce que
quelqu'un qui a vécu ça veut peut-être dire : Je ne veux même pas faire
une demande... Je peux faire une demande de rompre le lien de filiation, mais
je ne veux pas faire de demande d'indemnité, c'est très... c'est possible, ça.
À ce moment-là, l'enfant a le recours qu'il peut faire à la majorité.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Le temps passe rapidement en agréable
compagnie. Alors, merci beaucoup.
Et puis on suspend quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 45)
(Reprise à 15 h 49)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir
d'accueillir les représentants de la Chambre des notaires du Québec. Donc, Me
Potvin et Me Boily, merci beaucoup d'être avec nous
aujourd'hui. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation.
Alors, je vous laisse débuter immédiatement. À vous la parole.
Chambre des notaires du Québec (CNQ)
Mme Potvin
(Hélène) : Alors, merci beaucoup. Bonjour à tous. Alors, M. le
Président, M. le ministre de la Justice et notaire général, Mmes, MM. les
députés, au nom de la Chambre des notaires, je vous remercie pour votre
invitation à cette consultation particulière qui porte sur le projet de loi
n° 12.
• (15 h 50) •
Après l'adoption
d'une partie du projet de loi n° 2 l'automne dernier, le présent projet de
loi représente une autre étape dans la réforme du droit de la famille au
Québec, tant réclamée par la chambre, et ce, depuis bon nombre d'années. Je
tiens, donc, à remercier le ministre pour son travail continu dans ce dossier
et son engagement à faire avancer cette réforme bien nécessaire.
Tout
d'abord, la chambre tient à saluer l'importance qu'accorde le législateur aux
principes de l'intérêt de l'enfant, le plaçant ainsi au coeur des
préoccupations. C'est également ce qui a guidé les travaux de la chambre et la
rédaction des différentes propositions et recommandations faites dans notre
mémoire. Ce principe est tellement important aux yeux de la chambre qu'il devrait être enchâssé dans la Charte des droits
et libertés de la personne afin de guider toutes les décisions qui les
concernent. On élève, donc, au rang de valeur juridique et sociale, pour notre
société, les droits des enfants, qui sont ainsi garantis. Alors, nous faisons
ainsi écho à la proposition du notaire et Pr Alain Roy, expert en droit de
la famille, que je salue aujourd'hui, que je remercie pour son travail engagé
dans ce domaine.
La chambre félicite
le législateur, qui innove en permettant l'établissement légal du lien de
filiation en faveur des parents d'intention, un processus simple et
complètement déjudiciarisé qui prévoit dorénavant la validité d'une convention
de grossesse pour autrui, une avancée concrète pour l'intérêt de l'enfant issu
d'un tel projet parental. La filiation a beaucoup d'impacts sociaux, humains,
civils et juridiques. C'est pour cette raison que nous appuyons les nouvelles
dispositions... législatives, pardon, qui visent à ne pas restreindre à un
délai fixe le droit pour un enfant de réclamer ou de contester sa filiation.
Ainsi, chaque personne vivant une situation où sa filiation représente un enjeu
au cours de sa vie pourra dorénavant la vivre sans discrimination quant à son
âge.
La chambre salue
également le fait qu'un enfant issu d'une agression sexuelle puisse dorénavant
contester sa filiation avec l'agresseur ou s'opposer à ce qu'une telle
filiation soit établie. Ici aussi, on place l'intérêt supérieur de l'enfant
avant tout. Il en est de même de la protection financière de l'enfant dans le
cas où il est issu de la violence. Nous comprenons qu'un des objectifs des
nouvelles dispositions législatives proposées consiste à éviter qu'une
filiation puisse être établie entre l'agresseur et l'enfant. Pour cette raison,
nous croyons qu'il serait plus cohérent, avec les dispositions actuelles du
Code civil du Québec, en matière de succession, de ne pas considérer cet enfant
comme un descendant au premier degré. La dévolution légale d'une succession
repose sur les liens de parenté qui, eux, reposent sur la filiation.
Toutefois, l'enfant
issu d'une agression sexuelle ne doit pas être laissé sans ressource pour
autant. C'est pour cette raison que la Chambre des notaires propose des
alternatives aux dispositions proposées dans le projet de loi. Si l'objectif du
législateur est de veiller à ce que l'enfant ne soit pas laissé dans le besoin,
il serait envisageable d'ajouter l'enfant parmi les créanciers alimentaires de
l'agresseur, tant de son vivant qu'à son décès. En revanche, si l'objectif du
législateur est plutôt de s'assurer que l'enfant reçoive une portion du
patrimoine de l'agresseur à son décès, nous croyons que l'enfant devrait avoir
la possibilité d'obtenir une portion déterminée de la succession à titre
d'indemnité, laquelle pourrait être fixée, d'ailleurs, par la loi. Cette
indemnité pourrait être d'ordre public, ce qui ferait en sorte que l'agresseur
ne pourrait pas la contourner grâce à des dispositions testamentaires.
Le projet de loi
n° 12 vient reconnaître les projets parentaux qui ont recours à la
grossesse pour autrui. Étant donné les risques et les enjeux, tant juridiques
qu'éthiques, qui peuvent être associés à ces projets, la chambre appuie sans
réserve l'adoption des dispositions législatives et réglementaires visant à les
encadrer. Cet encadrement est bien nécessaire afin d'assurer la sécurité
juridique des parties et plus particulièrement celle de la personne donnant
naissance et à l'enfant à naître. Pour parvenir à établir ce cadre, le
législateur fait appel aux notaires, officiers publics impartiaux, conseillers
juridiques et experts en droit de la famille, obtenir la garantie que la date
de la convention est antérieure à la conception de l'enfant à naître, et ce, de
façon certaine, est cruciale. Elle permet ainsi à l'État d'assurer la primauté
des intérêts supérieurs de l'enfant et éviter la marchandisation de l'enfant
déjà conçu en tout respect de la convention internationale relative aux droits
de l'enfant. La convention de grossesse pour autrui par acte notarié en minutes
fera preuve de son contenu, dont la date certaine de l'écrit, de l'identité des
parties, de la validité d'un consentement libre et éclairé et de la véracité
des éléments qui y sont contenus.
L'acte notarié est
inattaquable dans son essence que, si les formalités imposées à sa confection
n'ont pas été respectées. Aucune protection équivalente n'existe pour l'écrit
sous seing privé, peu importe qu'on en multiplie les témoins à sa signature.
L'acte notarié est plus qu'un simple contrat, il est le résultat d'un
accompagnement. Le notaire pourra vulgariser aux parties l'encadrement
juridique imposé à ce type de convention et pourra bien les conseiller. Ceci
représente le gage de cet encadrement recherché par le législateur. Le notaire,
juriste de proximité, près des personnes et des familles, est donc le
professionnel tout indiqué pour assumer la responsabilité que le législateur
entend lui confier. Un récent sondage est, d'ailleurs, venu affirmer que 84 %
des Québécoises et des Québécois considèrent que la convention de grossesse
pour autrui devrait être faite sous la forme notariée afin de mieux protéger
les parties à la convention ainsi que l'enfant à naître.
D'ailleurs,
et en ce qui concerne la convention grossesse pour autrui, notre mémoire...
expose plus précisément les clauses qui pourraient s'y retrouver. On y
propose plusieurs éléments qui feront de cette convention un document précis, personnalisé et sécuritaire, alors je vous y réfère.
Par ailleurs, et une fois signé, les parties pourraient vouloir y apporter des modifications, et ce, pour
différentes raisons. Alors, il nous apparaît essentiel de prévoir cette
éventualité. En conséquence, la chambre recommande au législateur de prévoir
expressément une disposition légale qui vient permettre la modification de la
convention de grossesse pour autrui par acte notarié en minutes.
De plus, et
en guise de complément à la convention de grossesse pour autrui, nous croyons
que les dispositions relatives au dépôt en fidéicommis, qui étaient
prévues dans l'ancien projet de loi n° 2, devraient
être reprises dans le présent projet de loi. Ce dépôt ajoute une garantie
supplémentaire à cette démarche. De cette manière, la femme ou la personne qui
a accepté de donner naissance aura la garantie qu'elle obtiendra ce qui lui est
dû et, pour les parents d'intention,
l'assurance qu'ils pourront respecter leurs obligations financières, bref, se
libérer l'esprit des considérations monétaires afin de se concentrer sur
le côté humain du projet.
Autre
situation, il nous apparaît essentiel que l'intérêt de l'enfant soit placé
au-dessus de toute autre considération, c'est le consentement de soins
du nouveau-né dans le cadre d'une grossesse pour autrui. La chambre est d'avis
que le législateur doit éliminer toute ambiguïté quant à la personne ou aux
personnes qui doivent consentir ou refuser les soins de santé au nouveau-né.
Or, le fait de confier l'enfant emporte de plein droit la délégation de
l'exercice de l'autorité parentale, et ce... et la tutelle aux parents
d'intention, sauf s'il y a opposition de la femme ou de la personne qui lui a donné naissance. Cette situation de
fait, difficile à déterminer dans certains cas, peut entraîner des
conséquences graves et importantes pour
l'enfant. Alors, la chambre recommande ainsi au législateur de préciser qui
sera le détenteur de l'autorité parentale pendant la période entre la
naissance et la signature du consentement de cette personne, à ce que son lien
de filiation soit réputé n'avoir jamais existé et que ce lien soit établi à
l'égard des parents d'intention.
À l'instar de l'encadrement rigoureux qui est
exigé lors d'un projet parental se déroulant au Québec, il est essentiel que
l'État encadre le projet parental hors du Québec, de manière à lui fournir des
garanties similaires. À cet effet, pour
éviter tout contournement facile de la loi, la chambre recommande que les
parents d'intention soient obligés de signer une déclaration solennelle
par acte notarié en minutes, à l'effet qu'ils s'engagent à conclure une
convention de grossesse avec la femme ou la
personne qui acceptera de donner naissance à l'enfant avant la grossesse
projetée. Cette déclaration serait
ainsi transmise au ministre avec la demande pour autorisation prévue au projet
de loi. Cette déclaration solennelle par acte notarié donnera ainsi une
garantie fiable aux analystes de l'État qui auront à traiter ces dossiers.
En terminant, la chambre remercie le ministre de
la Justice et notaire général pour sa confiance envers les notaires, confirmant
ainsi sa vision d'un système de justice plus humain qui tend à se
déjudiciariser. En privilégiant l'acte notarié, il fait ainsi profiter
pleinement à la population des avantages que prévoit le droit civil,
spécificité propre au Québec, rappelons-le, et la Chambre des notaires du
Québec, donc, demeure disponible pour la mise en oeuvre du projet de loi. Et on
va... Soyez assurés que nous allons nous assurer de la formation et de
l'encadrement des notaires qui exerceront cette matière... en cette matière.
Alors, je vous remercie pour votre attention, et nous sommes disponibles pour
vos questions.
• (16 heures) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Potvin. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Potvin, Me Boily, merci de participer à nos travaux. C'est
toujours un plaisir de vous retrouver. D'entrée de jeu, allons-y sur l'acte
notarié. En fait, il y a certains groupes qui nous disent : Vous devriez
obliger avant... Bien, en fait, première chose, je reviens. Il y en a qui nous
disent : Il ne devrait pas y avoir
d'acte notarié. Ça fait que, un, pourquoi c'est important d'avoir un acte
notarié? Deuxième question, certains
nous disent : Vous devriez obliger les parties, avant d'aller chez le
notaire ou, s'il n'y a pas de notaire, d'avoir uniquement un formulaire,
d'avoir recours à un conseiller juridique indépendant, que ce soit avocat ou
notaire. Donc, qu'est-ce que vous pensez de ces deux éléments-là?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
dans un premier temps, c'est sûr qu'il faut... On sait qu'une naissance d'un enfant qui est issu d'un projet parental, donc qui
fait appel à une grossesse, donc, qui est faite par une personne tierce,
c'est un événement hors de l'ordinaire, on en convient tous. Alors, c'est une
situation, comme je le disais, qui a beaucoup
d'impacts humains, sociaux, financiers, juridiques. Alors, c'est sûr qu'on doit
encadrer cette démarche-là puis on doit offrir aux personnes qui sont
impliquées avec... ainsi qu'à l'enfant à naître, bien sûr, les meilleures
conditions possible pour sa réalisation.
Alors, notre droit civil offre la possibilité,
pour la population, de bénéficier d'un document qui a la plus haute sécurité
juridique qui soit, donc, l'acte notarié. Alors, pourquoi nos citoyens ne
peuvent pas bénéficier de cette protection-là?
Alors, l'acte authentique, le contrat notarié, est vraiment soumis à des normes
rigoureuses. Alors, il fait foi de
son contenu, entre autres de l'exactitude de la date, et ici, on le sait, c'est
important, il faut s'assurer que le projet parental est antérieur à la grossesse. Alors, cette
date-là, elle est vraiment importante, et c'est une façon, l'acte notarié, de
venir la prouver hors de tout doute.
Alors, c'est sûr aussi que ce qu'on veut... Ce
que je disais, tout à l'heure, aussi, c'est que l'acte notarié, c'est le résultat d'un accompagnement. Alors, on va
s'assurer que les parties qui signent ont vraiment compris l'étendue de
leurs droits, l'étendue de leurs responsabilités. Alors, nous, on pense que
c'est vraiment le meilleur gage pour assurer la sécurité de cette
transaction-là.
Mme Boily (Catherine) : ...peut-être
ajouter... Donc, finalement, pour résumer, l'acte notarié, d'une part, il est
authentique, hein, oublions-le pas. C'est le seul acte privé, donc, de droit
privé, qui est authentique, donc, que son contenu
vaut à l'égard de tous, et, comme disait Me Potvin, la date, ici, c'est
primordial de donner à l'État les garanties que cette date-là soit, je dirais... qu'on puisse
la prouver hors de tout doute. Vous savez, quand le notaire signe son
acte, on est certain que la date, là, c'est la date à laquelle ça a été signé.
Elle ne... L'acte ne sera pas antidaté. On va avoir la garantie qu'il est signé telle date. On comprend l'importance... Ici,
vous avez une dame, une femme ou une personne qui accepte de participer
à ce projet-là, imaginez si la conception a lieu avant la signature de la
convention, et, par la suite, les parents
d'intention décident de ne pas signer pour x raison, voyez-vous la difficulté?
Donc, il faut absolument que cette date-là ait... l'État obtienne les
certitudes. Donc, ça, c'est très important de le comprendre.
Puis, en même
temps, bien, le notaire, comme disait Me Potvin, c'est le conseiller juridique.
C'est le conseiller juridique qui va être là. Puis, pour répondre à la
question du ministre au niveau du conseil juridique indépendant, bien, écoutez, au départ, le conseil juridique
indépendant, c'est un peu un concept de common law, si je pourrais dire.
C'est un concept qui existe dans des
situations où on a une partie qui est représentée et on veut s'assurer que les
deux parties, ils ont... ils obtiennent des conseils, je vous dirais,
là, objectifs et non biaisés, et, au Québec, en droit civil, on a le notaire,
et le notaire, il est impartial. Le notaire, il va donner des conseils
juridiques aux deux parties. C'est son obligation. Donc, il n'y a pas
d'inquiétude à avoir de ce côté-là. Le notaire va pouvoir jouer le rôle auprès
des deux parties concernées.
M. Jolin-Barrette : OK.
J'aimerais ça vous entendre, vous l'avez abordé un petit peu tout à l'heure,
sur la question en matière de viol, là, pour les droits successoraux.
Pouvez-vous me réexpliquer votre proposition en lien avec le fait... parce que,
vous savez, ce qu'on a... ce qu'on tente de faire comme solution, c'est...
Lorsqu'il n'y a pas de filiation, normalement, ça emporte les droits
successoraux. On souhaite maintenir, dans le fond, les droits de l'enfant qui
est issu du viol. Votre proposition est à l'effet de... juste pour qu'on
comprenne bien.
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, d'une part, vous comprenez qu'on est tout à fait d'accord à ce qu'il y ait un dédommagement, qu'il y ait une indemnité
qui soit accordée à la personne, à l'enfant qui est issu d'une agression
ou une violence sexuelle. Ce...
M. Jolin-Barrette : ...là-dessus,
est-ce que vous croyez qu'on doit venir donner un pouvoir habilitant pour qu'on
vienne spécifier les modalités de l'indemnité?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, c'est ça, donc, l'affaire, ça dépend de l'objectif du législateur,
parce que, si l'objectif du législateur,
c'est de combler les besoins de l'enfant, à ce moment-là, bien, nous, ce qu'on
vous dit... d'avoir une obligation alimentaire et non une indemnité, là,
parce que, là, le projet de loi prévoit une indemnité, ça...
M. Jolin-Barrette : C'est une
indemnité pour répondre aux besoins?
Mme Boily (Catherine) : Exactement.
Donc, si vous voulez... si le législateur veut accorder... veut s'assurer que
l'enfant, c'est ses besoins qui sont...
Une voix : ...
Mme Boily (Catherine) : ...qui
sont répondus, merci, donc, à ce moment-là, nous autres, on vous dit :
Bien, allez... au lieu d'aller avec une
indemnité, allez-y avec toute la mécanique actuelle, d'obligation alimentaire,
qui existe. Donc, on n'aurait, à ce moment-là, pas besoin d'inventer une
nouvelle indemnité. Cela étant dit, si l'objectif du législateur, c'est d'indemniser la personne en fonction des
circonstances de sa naissance et non pas uniquement en fonction de ses besoins, donc, c'est en fonction du fait
qu'elle est née dans des circonstances particulières, si c'est ça, ce
qu'on vous dit, bien, à ce moment-là, allez-y avec un pourcentage puis, oui,
balisez avec un pourcentage qui pourrait même être une disposition d'ordre
public. Donc, de cette façon-là, bien, c'est certain qu'on s'assure qu'il n'y a
pas de possibilité, exemple, par testament
ou... que l'enfant n'obtienne pas cette indemnité-là, parce qu'actuellement...
Oui, allez-y.
M. Jolin-Barrette : Mais, juste
pour séparer les deux, là, l'indemnité c'est une chose, c'est une créance envers l'auteur du viol, moi, je veux vous
entendre sur les dispositions testamentaires. Dans le fond, dans le projet de
loi, ce qu'on fait, on dit : L'enfant qui est issu du viol devient un
successible, dans le fond, même s'il n'y a pas de lien de filiation. Vous, votre
proposition par rapport à ça, c'est de lui réserver un montant. C'est ça?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
c'est de dire...
M. Jolin-Barrette : En
pourcentage?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
dans le fond, nous autres, ce qu'on vous dit, c'est qu'actuellement, si vous
considérez qu'il est un enfant au premier degré, un descendant au premier
degré, on met toutes les règles de la succession applicables. Donc, en
dévolution légale, vous le savez, donc, si lui, il est déjà décédé, à ce
moment-là, ses enfants pourraient venir en représentation. Est-ce que c'est ça
qu'on veut? Si ce n'est pas ça qu'on veut, nous, on vous dit : Allez-y au
plus simple.
M. Jolin-Barrette : C'est ça
qui s'applique. Dans le fond, les règles de dévolution légale s'appliquent.
Mme Boily
(Catherine) : Exactement. Donc, nous, on vous dit que, pour pouvoir
protéger l'entièreté de ces enfants-là, peu importe les... peu importe qu'il y
ait un testament ou pas de testament, moi... ce qu'on vous dit, c'est que... privilégier une indemnité avec un
pourcentage x de la succession. Donc, à ce moment-là, l'enfant... L'enfant
issu d'une agression, à ce moment-là, s'il y
a un testament par l'agresseur qui donnerait tout à son frère, par exemple,
bien, à ce moment-là, cet enfant-là va quand même avoir un pourcentage de la
succession, mais, comme c'est mentionné actuellement, il n'aurait pas accès à
un pourcentage de la succession.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais,
comme dans n'importe quelle succession, tout le monde est habilité à laisser
ses biens à qui il le veut. Ça fait que, là, ça serait une contravention à la
liberté de tester.
Mme Boily (Catherine) : Bien,
ça serait...
M. Jolin-Barrette : Ce n'est
pas ça qu'on voulait. On voulait faire en sorte que tous les enfants... Dans le
fond, supposons qu'il n'y a pas de
testament, bien, c'est séparé entre tous les enfants ou tous ses héritiers...
ou que, si dans son testament, il
dit : Bien, à mes enfants, Gérard et Gertrude, et à tous les enfants à
naître, bien, qu'ils soient couverts par ça aussi, bien, parce que ce
n'est pas le concept d'indemnité, c'est le... L'indemnité, elle est là pour le
parent... bien, pour la mère, pour les besoins de l'enfant. La succession,
c'est juste pour qu'il ait droit à ses droits successoraux.
Mme Boily
(Catherine) : Oui, sauf que la... Oui, je suis d'accord avec
vous, mais, comme on vous dit, c'est que l'indemnité permet, à ce moment-là. d'accorder un pourcentage de la
succession, peu importe la situation successorale du défunt. C'est ce
qu'on vous dit.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que... Juste une question avant de céder la parole parce que mes collègues
veulent vous poser des questions. Donc,
juste rapidement, est-ce que, dans le code, c'est prévu... il y a d'autres cas,
d'exemples où les successions viennent préciser des cas d'indemnité en matière
successorale?
Mme Boily
(Catherine) : Pas à ma connaissance, là, je ne sais pas, je ne
suis pas... Peut-être que Me Roy serait meilleur pour répondre que nous,
là, à ce niveau-là, n'étant pas une experte en droit successoral, désolée.
• (16 h 10) •
M. Jolin-Barrette : OK,
excellent. Bien, écoutez, je vous remercie beaucoup pour votre présence en
commission parlementaire. Je sais que mes collègues veulent vous poser des
questions.
Le Président (M.
Bachand) : ...M. le ministre. Mme la
députée de Vimont, s'il vous plaît.
Mme Schmaltz : ...vous parlez
de... Vous recommandez que les parents d'intention signent une déclaration
officielle avant la grossesse. J'imagine que, dans cette déclaration
officielle, vous allez élaborer tous les droits et obligations du parent d'intention, mais je me demandais : Est-ce
que la femme a le devoir aussi d'avoir une déclaration... aurait
peut-être le devoir aussi d'avoir une déclaration officielle? Est-ce que, des
deux côtés, c'est envisagé ou c'est juste uniquement les parents d'intention
qui doivent avoir ce genre de formulaire, là...
Mme Potvin
(Hélène) : Dans la grossesse hors Québec, hein, c'est dans la
grossesse pour autrui hors Québec?
Mme Schmaltz : Oui.
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, nous, notre... On comprend, ici, on a... La femme ou la personne qui accepte de donner naissance est située hors
Québec. Donc, c'est certain que c'est difficile de lui obliger à signer
une déclaration notariée si elle est située
hors Québec. Par contre, pour les parents d'intention qui sont ici, qui sont
domiciliés ici, nous, ce qu'on dit au législateur : Bien, donnons, encore
une fois, une certitude à l'État. La meilleure preuve à l'État quant à la
conception de l'enfant va avoir lieu éventuellement après la signature de la
convention, parce que, là, la convention
hors Québec n'étant pas encadrée de la même façon, et donnant, finalement,
beaucoup de responsabilités sur les épaules, finalement, des analystes
de l'État qui auront à analyser les projets, nous, on vous dit : Bien, en
ayant cette déclaration-là par les parents d'intention, on vient, à tout le moins,
garantir que la conception aura lieu par la suite de la signature éventuelle de
la convention.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de
Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci,
M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci pour votre temps. Comment voyez-vous
le fait qu'on permette aux notaires de gérer les comptes en fidéicommis pour
des projets de GPA? Puis est-ce que ce rôle-là... Pourquoi ce rôle-là, attribué
aux notaires, est important, à votre avis?
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
d'abord, le dépôt est un dépôt en garantie. Donc, on comprend que c'est pour
garantir l'exécution des obligations. Alors, ce n'est pas un montant qui va
servir nécessairement à payer la personne qui va donner naissance. Alors, c'est
certain que cette... Les notaires sont habitués d'avoir des montants en
garantie comme ça. Donc, c'est sûr que ça
vient assurer... Comme je le disais dans mon allocution, ça vient assurer
l'exécution des obligations. Ce qui nous préoccupe, c'est
que ça semble être, maintenant... ne plus être obligatoire, d'être, donc,
facultatif. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait que ce soit
obligatoire, parce qu'on ne veut pas que les conditions financières viennent
jouer dans ce projet-là. Alors, c'est là pour garantir... Le processus va se
dérouler on ne sait pas sur combien de temps, un an, deux ans, trois ans.
Alors, on veut être certains qu'à la fin du processus la personne qui a... qui
doit recevoir des montants les a, et donc le montant va servir, va être là,
vraiment, en garantie.
Mme Boily (Catherine) : Il faut
empêcher les parties à avoir des inquiétudes qu'ils pourraient ne pas avoir.
Donc, les considérations financières, si on peut avoir une liberté d'esprit, si
on peut avoir un confort, un réconfort qu'on n'a pas à se préoccuper de ce
côté-là, bien, c'est ça que le dépôt en garantie donne. Il donne ce confort-là.
Il donne cette garantie-là, finalement. Écoutez, il y a assez de stress, aussi
beaucoup d'impacts émotifs, d'impacts humains dans ces projets-là. Donc, le
côté financier, bien, il va être garanti. Donc, on n'aura pas de préoccupation,
autant pour la mère, de ne pas avoir... La femme ou la personne qui porte
l'enfant n'aura pas à avoir à s'inquiéter qu'elle sera, ou non, payée, parce
que, même de bonne foi, les parents d'intention, il pourrait arriver qu'ils
aient un problème financier, qu'ils auraient de la difficulté... Donc, ça donne
aussi le confort aux parents d'intention que, finalement, ils vont être
capables d'avoir leur... d'avoir... de pouvoir payer et respecter leur
engagement, là.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Merci,
M. le Président. Alors, bon après-midi, maîtres. Je suis content de vous revoir
en commission parlementaire.
Une première
question, le gouvernement, avec son projet de loi, a pris la décision
d'appliquer ces dispositions-là en
prenant pour acquis qu'on est dans la parentalité. Il y a des groupes, des
associations qui parlent de pluriparentalité, et cela, présentement, ce
n'est pas permis, mais j'aimerais, avec votre expérience, vous entendre
là-dessus. Est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait étendre à la
pluriparentalité ou pas? Quels sont les avantages ou les inconvénients? Ça
m'éclairerait. Je vous remercie.
Mme Potvin
(Hélène) : Alors, c'est une question existentielle que nous
n'avons pas traitée, M. Morin. Alors, nous, on n'a pas fait de travaux. On ne s'est pas... On n'a pas formé le
groupe d'experts. On n'a pas analysé la question.
M. Morin : Parfait.
Je vous remercie. Autre chose, vous avez parlé du rôle du notaire. La
convention de grossesse pourrait être notariée. Je vous entends très
bien. Maintenant, bon, êtes-vous d'accord avec moi que c'est... ça répond à un
besoin, ce projet de loi là, mais c'est quand même un peu technique? Donc,
qu'est-ce que vous suggérez, en tant qu'ordre professionnel, pour
qu'éventuellement les notaires puissent informer les parties qui vont avoir à
travailler avec un notaire, puis la population en général, pour que les gens
comprennent bien les tenants et aboutissants de ces modifications-là?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
c'est certain que c'est du droit nouveau. Alors, pour nous, la Chambre des
notaires... Les notaires, on est quand même familiers avec le droit nouveau.
Donc, ça nous est arrivé dans le passé. Alors, c'est certain qu'il doit y avoir
des formations de base, un encadrement, bien entendu, de l'accompagnement de la
chambre auprès de nos membres. Alors, il y a beaucoup de notaires, des
centaines de notaires, voire des milliers de notaires, qui travaillent en droit
de la famille, alors qui sont familiers avec... par exemple, qui font de
l'adoption.
Alors, on peut comprendre que c'est... On peut
penser que ces notaires-là vont venir aussi travailler dans ce droit nouveau
là. Alors, pour nous, c'est certain qu'on doit travailler, justement, à faire
des formations. Notre rôle... Nous sommes en protection du public. Alors, c'est
notre rôle aussi d'informer le public sur ces nouveautés, sur les risques de telles situations, des risques sur le
non-respect des conditions, des lois. Alors, pour nous, c'est vraiment
dans notre mission, vraiment, c'est
d'accompagner le public dans tous... dans la connaissance... une meilleure
connaissance de leurs droits et leurs obligations.
M. Morin : Et puis je comprends
que, pour les notaires, c'est important, mais est-ce que vous voyez aussi un
rôle pour informer le public en général? Parce que j'ai vu... Au même moment où
on étudiait le projet de loi n° 8, la chambre a publié, finalement, à la
télé des annonces qui étaient fort originales, là. Alors, une campagne de
publicité, est-ce que c'est quelque chose que vous... que vous prévoyez faire
aussi si ce projet de loi là devient une loi?
Mme Potvin (Hélène) : La
campagne, ce n'était pas initié par la Chambre des notaires, mais...
M. Morin : Ah! OK, c'est une
association de notaires?
Mme Potvin (Hélène) : C'est une
association de notaires.
M. Morin : On finit par s'y
perdre. Je suis désolé.
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
donc, nous... c'est ça, nous...
M. Morin :
Elle était très bonne. J'avoue que, ça, je suis d'accord, elle était très
bonne.
Mme Potvin
(Hélène) : Alors, ils vont être contents d'entendre ça. Nous, c'est
ça, nous, notre publicité, nos communications
grand public, alors c'est toujours dans notre mission de protection du public,
meilleure connaissance des droits,
accessibilité. Alors, nous, nos orientations, c'est toujours là-dedans. Alors,
c'est sûr que ça fait partie de notre mission de suivre l'évolution du
droit et de venir informer nos concitoyens, effectivement, de leur... de ces
possibilités-là, maintenant, de conclure un tel genre d'acte de convention.
M. Morin :
Je vous remercie. J'aimerais avoir votre opinion sur une disposition du
projet de loi, quand on regarde l'article 18, et c'est 541.14, qui
dit : «Après sa naissance, l'enfant est confié, sauf s'il y a opposition
de la femme ou de la personne qui lui a donné naissance, à la personne seule ou
au conjoint ayant formé le projet parental. En cas de décès ou d'impossibilité
d'agir de cette personne ou de ces conjoints, l'enfant est confié au directeur
de la protection de la jeunesse.» Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est trop
restrictif? À moins qu'il y ait quelque chose que je ne comprends pas, ne
pourrait-on pas confier l'enfant à des parents autres qu'à la DPJ?
• (16 h 20) •
Mme Boily
(Catherine) : ...on ne s'est pas posé la question à ce niveau-là,
est-ce que c'est trop lourd ou pas lourd, hein? Les dispositions doivent être
là pour l'intérêt de l'enfant. Nous, on croit que de confier l'enfant, à ce
moment-là, au directeur de la protection de la jeunesse, bien, c'est tout à
fait adéquat. Dans l'intérêt de l'enfant, il faut
qu'il... Il faut que quelqu'un prenne soin de l'enfant, c'est certain, mais,
dans... en parlant du consentement des soins... consentement aux soins,
devrais-je dire, on avait quand même une préoccupation à cet effet-là, on l'a
écrit dans notre mémoire, parce que le fait de confier l'enfant, surtout le
fait de pouvoir contester, c'est certain que ça amène une évaluation de fait, une
évaluation de situation que le personnel médical pourrait avoir à être
confronté... Donc, pour nous, c'est important que la disposition soit très,
très claire et sans ambiguïté pour aider le personnel médical à savoir à qui se
retourner pour obtenir le consentement, là.
M. Morin :
Puis, selon vous, est-ce que c'est un élément qu'on pourrait prévoir dans
la convention, s'il y a des parents dans la plus grande famille qui sont là,
puis éviter la DPJ?
Mme Boily
(Catherine) : Bien, écoutez, on ne s'est pas posé la question, mais il
faut faire attention aussi de ne pas élargir
les personnes impliquées, non plus, dans une convention... qui ne seraient pas
parties, hein? La convention, elle
est entre une mère et... bien, une femme, une personne, là, qui décide de se
prêter à la situation et les parents d'intention. Donc là, ça veut dire
qu'on... Tu sais, je ne sais pas, mais il me semble que j'aurais une réserve à
cet effet-là, là.
M. Morin :
Bien, il me reste combien de
temps, M. le Président? Deux minutes? Parfait. J'attire votre attention
sur la page 21 sur 32 de votre mémoire, en ce qui a trait à la langue de
l'acte notarié. Les notaires, quand ils rédigent des actes notariés, est-ce
qu'ils sont obligés de les rédiger en français?
Mme Potvin (Hélène) : Non, non. Alors, c'est ça,
l'acte, pour être authentique, a deux...peut être écrit en deux langues, donc le français et l'anglais, qui
donnent l'authenticité de l'acte, mais, non, si les deux parties le
souhaitent, ils peuvent être... L'acte peut
être rédigé dans une langue autre que le français, mais, par contre, il y a des
restrictions, donc, où on ne peut pas publier l'acte, donc, l'inscrire au
registre dans une langue autre que le...
M. Morin :
Ça, je le comprends. Oui, je vous en prie?
Mme Boily
(Catherine) : Oui, c'est ça. Donc, ce qu'il faut comprendre ici, c'est
que l'acte est authentique, doit être écrit en anglais ou en français, OK? Ça,
c'est clair. Cela étant dit, notre recommandation qu'on fait ici, pour nous, ce
qui est important, c'est que la disposition ou l'alinéa de la disposition, là,
du projet de loi soit en lien avec ce que la Charte de la langue française mentionne.
Actuellement, le paragraphe qui est mentionné ici, qu'il faut qu'une version en
français soit remise aux parties avant, bien, ce que ça fait, c'est que, dans
la Charte de la langue française, cette disposition-là n'est utilisée que pour
les contrats d'adhésion. Donc, on comprend, les contrats d'adhésion, c'est
lorsqu'une partie... tu sais, une partie va obliger des stipulations et qu'il
n'y a pas de possibilité de négociation.
Donc, à ce moment-là,
ici, on n'est pas du tout en termes de contrat d'adhésion, aucunement. Donc, on
dit : Bien, pourquoi, dans la charte,
cette demande-là, elle n'est faite que pour les contrats d'adhésion, tandis
qu'ici on vient, dans un contrat de gré à gré, prévoir la même
disposition? On dit : Bien, qu'on fasse comme dans la charte. Dans la
Charte de la langue française, avec le projet de loi n° 96, c'est que,
pour certains contrats de gré à gré, on demande qu'il y ait une disposition
expresse, donc une volonté expresse, qui soit par écrit, pour que les parties
choisissent une autre langue que le français.
Donc, dans le cas qui
nous occupe ici, bien, ce que le notaire ferait, à ce moment-là, c'est
d'ajouter une clause que, pour obtenir le
consentement exprès des parties... comme quoi ils acquiescent que l'acte soit
en anglais. Donc, ce qu'on demande,
dans le fond, c'est que ça soit les mêmes dispositions qu'il y a dans la charte
de la langue, là, française.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci, M. le député. M. le député de Jean-Lesage, s'il
vous plaît.
M. Zanetti :
Oui, merci. J'aimerais beaucoup, si vous pouviez, bon, d'abord, donner
peut-être un exemple concret de problèmes qui pourraient survenir si ce
n'étaient pas des actes notariés, les différentes conventions aux contrats. Si on n'allait pas de l'avant avec votre
recommandation, qu'est-ce qu'on pourrait... concrètement, là, à quoi on
pourrait faire face comme problèmes?
Mme Boily
(Catherine) : Bien, la date, je l'ai dit tout à l'heure, on le répète,
la date, l'acte notarié confirme que l'acte est situé, exemple, 1er avril,
OK? Donc, si l'acte n'est pas notarié, qu'il y ait 15, 20 témoins,
mettez-en, il n'a pas la force probante comme l'acte notarié. Il ne donne pas
les mêmes garanties à l'État. L'acte n'est pas authentique. Donc, à ce
moment-là, on n'a aucune garantie que le contrat ne serait pas antidaté à une
date. Vous comprenez? Bien, c'est parce que, si mon contrat est antidaté, ça
veut dire que la personne serait déjà enceinte, OK? C'est ça. Donc, la personne serait déjà enceinte au moment où on signe
le contrat, mais, parce que la loi mentionne, puis avec raison, qu'il faut que la convention soit
signée avant de débuter le projet et les démarches de procréation, bien,
ce que ça veut dire, ça veut dire que, là, la femme serait déjà enceinte, mais
là on décide, nous autres, d'antidater notre contrat pour respecter,
finalement, la loi, sauf qu'on comprend que, là, on ne veut pas être dans une circonstance
où on est plutôt dans un contexte d'adoption, où là la femme enceinte
chercherait, par exemple, à trouver des parents à un enfant. Donc, ça, c'est
très, très, très important, là.
M. Zanetti :
Pourquoi quelqu'un aurait avantage à procéder comme ça plutôt que par
l'adoption si elle est déjà enceinte?
Mme Boily
(Catherine) : Bien, c'est parce qu'on comprend qu'ici c'est un
processus déjudiciarisé qui n'a pas besoin, à ce moment-là, des tribunaux, qui
est beaucoup plus simple, qui est moins complexe, et avec raison, et, ça, on est tout à fait... On salue, justement, là,
la mise en place d'un procédé qui est très... qui est déjudiciarisé,
finalement, là. Donc, oui, il y aurait avantage... On veut absolument éviter
ça, là, donc.
M. Zanetti : ...adoption, mais mettons
que je me mets... Pourquoi la personne qui est enceinte dirait : Ah!
plutôt que de donner mon enfant en adoption, je vais plutôt faire un contrat de
GPA antidaté?
Mme Boily
(Catherine) : Bien, écoutez, il peut y avoir plusieurs raisons, c'est
qu'elle a trouvé des parents d'intention, elle ne veut pas avoir son lien de
filiation avec l'enfant. Il peut y avoir différentes circonstances, là, qui
amènent cette personne...
M. Zanetti :
Puis est-ce qu'il me reste du temps?
Le
Président (M. Bachand) : 10 secondes.
M. Zanetti :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Vaudreuil.
Mme Nichols :
Merci, M. le Président. Par rapport aux droits successoraux, les
différentes dispositions testamentaires, là,
qu'on parlait un peu plus tôt, vous aviez répondu au ministre, là... peut-être
privilégier une indemnité puis même un pourcentage de la succession.
Étant donné que, quand on fait un testament, ça représente les volontés, là, de
la personne, est-ce qu'on pourrait dire que privilégier l'indemnité puis le
pourcentage de succession, ça pourrait s'appliquer dans un cas où c'est la
dévolution légale, c'est-à-dire dans un cas où il n'y a pas de testament?
Mme Boily
(Catherine) : Dans les deux cas.
Mme Nichols :
Ça fait que c'est pour cette partie-là qu'il y avait cette suggestion-là.
Parfait. Une autre question, puis je ne le sais pas, peut-être que je me
trompe, là, mais est-ce qu'il y avait une certaine... est-ce qu'il y a une certaine réticence quand on parle de... parce
qu'on l'a vu, là, que le pourcentage... Il y a un groupe, ce matin, qui
nous disait qu'il y avait 40 %... 40 %, là, des parents d'intention
étaient souvent étrangers. Est-ce qu'il y a une certaine réticence ou est-ce
qu'il y aurait des recommandations pour peut-être un peu plus réglementer ça?
Puis je vous partage... C'est peut-être moi qui l'a, cette inquiétude-là, puis
je suis en train de la... de vous en donner le fardeau, mais c'est parce qu'on
le voit, là, un peu partout à travers le monde, des fois, tu sais, on lit des
histoires d'horreur à l'effet qu'il y a même des catalogues qui circulent, que
c'est plus facile dans d'autres pays, ça fait que... Est-ce que c'est une
inquiétude que vous partagez puis est-ce qu'il y a des recommandations pour
mieux encadrer ça?
Mme Potvin
(Hélène) : Bien, pour nous, les... c'est sûr qu'à la lecture du projet
de loi on voyait que les parents d'intention
doivent être domiciliés au Québec, alors, au moins depuis un an? C'est ça.
Alors, veux-tu continuer?
• (16 h 30) •
Mme Boily
(Catherine) : Bien, dans le fond, c'est qu'on ne s'est pas penchés sur
cette question. Est-ce qu'on partage cette préoccupation-là? Oui, je crois
qu'on partage cette préoccupation-là. On ne s'est pas penchés sur la situation
étant donné que le projet de loi... Comme disait Me Potvin, on est dans une
circonstance où les parents d'intention doivent être domiciliés au Québec.
Donc, est-ce qu'on voudrait élargir le projet de loi? Est-ce qu'on voudrait
aller là? Nous, on ne s'est pas penchés sur ça, mais est-ce qu'on partage la
préoccupation? C'est certain que, quand... oui, c'est certain qu'on la partage.
Mme Nichols :
...domicilié au Québec depuis un an, c'est-à-dire avoir une adresse au Québec
depuis un an, bien, est-ce que ça ne devrait pas être d'avoir un statut de
résidence permanente? Est-ce que ça ne devrait pas être un peu plus...
Mme Potvin (Hélène) : Bien, un
domicile... Il y a quand même des balises sur qu'est-ce qu'est un domicile,
vous le savez. Alors, il faut voir si, effectivement, c'est assez fort, ça. Je
pense que ça fait plus partie de votre travail, de voir, justement, est-ce ce qu'on peut bonifier... est-ce qu'on doit ajouter des critères aux parents d'intention pour être
certain que le projet a vraiment lieu au Québec? Et c'est pour les bonnes
raisons qu'on le fait ici au Québec? Alors, effectivement, c'est des
préoccupations qui méritent d'être analysées en profondeur.
Mme Nichols : Merci.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Sur
ce, Me Potvin, Me Boily, merci d'avoir été avec nous cet après-midi, très
intéressant.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 32)
(Reprise à 16 h 36)
Le Président
(M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux.
Alors, il me fait plaisir d'accueillir les
représentantes du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre
les agressions à caractère sexuel. Donc, mesdames, merci beaucoup d'être avec
nous. D'emblée, je vous invite à vous présenter puis, après, à débuter votre
exposé. Merci beaucoup. La parole est à vous.
Regroupement québécois
des centres d'aide et de lutte contre
les agressions à caractère sexuel (RQCALACS)
Mme Chénier
(Justine) : Est-ce que vous m'entendez bien? Super! Bien, mon
nom est Justine Chénier, je suis responsable
aux communications, porte-parole officielle et cocoordonnatrice au sein de
notre regroupement. Gabrielle.
Mme
Comtois (Gabrielle) : Mon nom est Gabrielle Comtois, je suis analyste
des enjeux politiques et juridiques au sein du regroupement. Je suis
également cocoordonnatrice et juriste de profession.
Mme Chénier (Justine) : Merci.
Bonjour à toutes et à tous. Au nom du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à
caractère sexuel, le RQCALACS, et ses membres, les CALACS, nous tenons d'abord à vous remercier de votre invitation
d'aujourd'hui à prendre part aux consultations concernant le projet de
loi n° 12.
Ça fait plus de 40 ans que le RQCALACS et
ses CALACS luttent contre les violences faites aux femmes et aux filles, plus spécifiquement contre les
violences sexuelles, par le biais de la prévention, de la défense de droits et
de l'aide aux victimes et survivantes
d'agressions à caractère sexuel, via des services d'intervention féministes
intersectionnels pour toutes les femmes et les filles du Québec. Chaque année,
les CALACS font plus de 30 000 interventions auprès des femmes et des
filles ayant vécu des violences sexuelles à travers la province.
Nous vivons encore et, malheureusement, dans une
société où la plupart des femmes et des filles feront l'expérience de la
violence sexuelle au cours de leur vie. Les violences faites aux femmes et aux
filles doivent être comprises sous la forme
d'un continuum. Leurs analyse et compréhension doivent être liées non seulement
entre elles et ne plus être appréhendées en vase clos, au niveau des
politiques publiques, mais, surtout et surtout, les violences de genre et les violences sexistes doivent être
dénoncées et combattues. Toutes ces violences sont graves et ont des
effets importants sur la vie des femmes et des filles qui les subissent.
Au Québec, il existe une aberration, dans le
Code civil, celle de permettre à des hommes ayant agressé sexuellement une
femme qui tombe enceinte à la suite de l'agression et qui décide de poursuivre
sa grossesse, de demander la filiation et des droits parentaux sur cet enfant
né du viol. Comme groupe national féministe en violences sexuelles, nous
croyons qu'il s'agit ici d'une situation d'une violence inouïe pouvant,
ultimement, mettre en péril la sécurité et l'intégrité psychologique et
physique des femmes survivantes. Les membres élus ont la responsabilité d'assurer
le respect et la protection des droits des femmes au Québec en 2023, ainsi que
ceux de leurs enfants.
Aujourd'hui, nous tenons, donc, à saluer le
projet de loi n° 12 et ses articles concernant le
droit de filiation dans les cas d'agressions
sexuelles ainsi que ceux qui concernent les indemnités financières pour les
enfants. On souhaite cependant que plus de considération soit accordée,
dans le projet de loi, aux femmes victimes de violence.
Aujourd'hui, nous souhaitons d'abord amplifier
la voix des personnes survivantes. C'est un principe qui guide notre travail
quotidien. Nous allons porter la voix de celles qui ne sont pas là aujourd'hui,
celles qui ont encore trop peur de parler, celles qui tombent entre les craques
du système et qui ont demandé à être entendues. Des femmes qui fréquentent nos
centres ont accepté de raconter leurs histoires. À des fins de confidentialité,
nous ne répondrons à aucune question permettant de les identifier.
• (16 h 40) •
Martine, 60 ans,
souhaitait qu'on raconte son histoire aujourd'hui. Martine a été agressée
sexuellement par une connaissance, dans sa vingtaine. Elle est tombée enceinte
à la suite de cette agression. Elle a décidé de garder l'enfant. Elle a gardé
le secret pendant plusieurs années sur l'identité du père. Plus tard dans la
vie, l'agresseur a revu l'enfant, devenu
adolescent, par hasard et il a immédiatement constaté une ressemblance. Martine
a dû reconnaître qu'il était le père.
Il a demandé des liens avec l'enfant. Martine a été obligée de dévoiler les
circonstances de la conception à son enfant : un viol. Quelques
semaines plus tard, il s'est enlevé la vie, il avait moins de 16 ans. Pour
Martine, elle pense que son enfant ne pouvait pas vivre avec le fait qu'il
était né d'un viol, cette réalité lui était insurmontable. Est-ce que cette
situation aurait pu être évitée?
Lily, début vingtaine, est une jeune maman d'un
enfant d'un an et demi. Elle était dans une relation de violence conjugale avec
le père de son enfant. Son enfant est le résultat des agressions sexuelles
répétées commises à son égard. La relation a
pris fin à l'annonce de sa grossesse. Au moment de son accouchement, elle
n'avait plus aucun contact avec lui. Il n'est pas identifié comme le
père, sur le certificat de naissance. Il a appris cette naissance via des connaissances communes. Quand son enfant a eu un
an, elle a reçu une demande de l'avocat de monsieur pour demander qu'il
soit reconnu comme père et qu'il obtienne un droit de visite un week-end sur
deux. À la suite d'une situation particulière,
elle a décidé à ce moment de porter plainte contre lui pour l'ensemble de la
relation de violence conjugale. Elle vous a écrit ces mots :
«Chère
commission, je me sens seule dans le système de justice actuel puisque cet
homme peut être dangereux avec une
femme, mais il n'est pas considéré comme un danger pour mon enfant. Mon avocate
et d'autres gens du système me disent que ça me concerne et pas mon
enfant. Je vis avec un sentiment d'injustice. S'il est déclaré non coupable,
l'homme qui m'a agressée et détruite peut s'en sortir sans aucune conséquence
et avoir des droits sur mon enfant, et moi,
je devrais juste accepter sans rien dire, parce que c'était son spermatozoïde.
Rien n'est garanti, jamais. Même si je dis la vérité, j'ai l'impression
que ça ne veut rien dire. Les lois sont les lois. Il y a une énorme faille dans
le système.
«J'ai manqué de ne pas porter plainte et de
poursuivre les procédures, quand le procureur m'a dit : "Je veux
simplement t'avertir que ça se peut que tout le monde te croie, que tout le
monde sait que tu dis vrai, mais ça se peut qu'il soit quand même déclaré non
coupable." Et après? Je vis dans la peur parce que mon agresseur sait que
je l'ai dénoncé. J'ai automatiquement l'étiquette de la mère qui va empêcher un
père de voir son enfant, mais cela n'est pas le cas. Je veux simplement vivre
ma vie heureuse et en paix, mais j'ai l'impression que cet homme ne me laissera
jamais tranquille.»
Mme Comtois (Gabrielle) : Merci à ma
collègue, Justine Chénier, pour ces témoignages percutants.
Bien que notre regroupement soit favorable au
projet de loi n° 12, on désire cependant porter à
votre attention certains enjeux juridiques qu'on a identifiés, dans le but de
vous permettre de peut-être la bonifier.
Donc,
premièrement, dans le cas des violences sexuelles qui sont commises en contexte
de violence conjugale, le fait de devoir identifier spécifiquement la
relation sexuelle non consentie ayant mené à la conception d'un enfant
représente un obstacle important pour les personnes en situation de violence
conjugale qui désireraient entreprendre les démarches associées au projet de
loi n° 12. Il ne faut pas laisser ces cas-là passer
entre les mailles du filet.
On propose, donc, d'amender le projet de loi
pour permettre à la magistrature de prendre en compte la notion de contrôle coercitif comme facteur de violence
conjugale dans le cadre de leurs jugements. Pourquoi? Une dynamique de
violence conjugale... Dans une dynamique de violence conjugale, les
comportements violents sont utilisés dans le but
de créer une relation de contrôle, d'emprise et de domination sur l'autre. Ce
climat-là prend souvent une dimension sexuelle. La coercition
reproductive, c'est des comportements de contrôle qui visent à interférer avec
la trajectoire reproductive ou contraceptive du partenaire.
Plus encore, il est crucial, selon nous, qu'une
définition du contrôle coercitif soit inscrite dans le Code civil du Québec. Les juges doivent être formés par
rapport à cette réalité-là, puis il faut que les personnes survivantes
soient en mesure de démontrer qu'il existait
un contexte général de violence dans lequel le consentement des victimes ne
pouvait pas être exercé librement au moment
des faits. De plus, on considère que la relation de pouvoir qui est exercée par
les agresseurs envers les femmes victimes, au travers de la relation avec les
enfants, devrait être considérée comme entrant dans la définition de «contrôle
coercitif». De la même façon, la coercition reproductive en milieu familial
devrait être assimilée à de la violence conjugale.
On propose, donc, un amendement au projet de
loi, comme par exemple l'ajout d'un article 33.1 où les législateurs
viendraient définir et prendre en compte les notions de contrôle coercitif et
de coercition reproductive.
Bien que le
projet de loi n° 2 ait récemment permis de prendre en compte le
contexte des violences conjugales dans l'analyse de l'intérêt de
l'enfant, il y a certaines lacunes qui persistent concrètement sur le terrain,
qu'on a pu constater. Donc, en ce moment
même, il y a certaines mères qui sont séparées de leur enfant dont la garde est
souvent confiée à leur agresseur sous prétexte de protéger les jeunes contre
l'aliénation parentale, un concept dont la validité scientifique est contestée.
Ce que le RQCALACS propose comme piste de
solution aujourd'hui, c'est de rouvrir la Loi sur la protection de la jeunesse
pour éviter que les femmes soient séparées de leurs enfants dans des contextes
où il y a de la violence conjugale et sexuelle. En d'autres termes, il faut
promouvoir un alignement des actions et des approches de la DPJ avec le nouveau
projet de loi n° 12.
Finalement, les procédures liées au projet de
loi n° 12 impliquent nécessairement que la mère doit
dévoiler à son enfant qu'il est le produit
d'une agression à caractère sexuel. Comme le soulignait ma collègue, Justine
Chénier, dans les témoignages livrés
plus tôt, il s'agit d'une discussion extrêmement difficile à avoir, puis il est
important de prévoir un accompagnement psychosocial ou un financement,
comme c'est prévu dans les dispositions sur les mères porteuses, pour accompagner les
mères qui vont devoir entreprendre ces démarches-là, puis de s'assurer du bien
être psychologique de leurs enfants.
Pour finir,
nos recommandations aujourd'hui visaient à partager certaines inquiétudes et
certains questionnements face à la forme actuelle du projet de loi n° 12, mais on tient quand même à souligner l'importance
d'un tel projet de loi pour la protection des personnes survivantes et de leurs
enfants. Aujourd'hui, les voix des survivantes investissent les espaces de
pouvoir. L'écho de leurs voix doit avoir un impact. La balle est dans votre
camp. Merci, ce sera tout.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci,
M. le Président. Mme Chénier, Mme Comtois, merci d'être présents en commission parlementaire aujourd'hui pour nous
faire partager votre expertise dans ce domaine-là. Parce que vous
êtes... les CALACS sont répartis à la grandeur du Québec puis, vous l'avez bien
dit, je pense, tout à l'heure, vous avez dit que vous faites
30 000 interventions par année avec des victimes de violences
sexuelles, alors je pense que c'est important de souligner le travail que vous
faites dans l'accompagnement.
Puis c'est
intéressant de vous avoir, aussi, parce que souvent, je le dis, en matière de
violences sexuelles, il y a peu de
cas qui sont dénoncés et qui, par ailleurs, se retrouvent dans le système de
justice. Donc, nous, ce qu'on essaie de faire depuis quelques années,
c'est, justement, de donner l'accompagnement requis, mais aussi de faire en
sorte d'adapter le système de justice à la réalité des personnes victimes et de
prendre en compte les besoins particuliers de chacune des victimes.
Dans le cadre du projet de loi n° 12...
Bien, en fait, vous nous avez indiqué deux exemples, deux situations d'exemple, le premier, très, très malheureux, avec
le décès de la personne. Dans le deuxième cas que vous avez souligné, vous avez dit, dans le fond : La dame était
dans une relation de violence conjugale, viol, puis, vous avez dit, bon,
dans ce cas là, monsieur n'était pas sur le certificat de naissance. Donc, dans
ces cas-là, il y a deux situations, au projet de loi, auxquelles on répond.
La première, un peu celle d'Océane, de cet été,
puis un peu le cas auquel vous faisiez référence, à l'effet que, lorsque la
filiation n'est pas établie, si jamais il y a demande, requête en filiation, de
la part de l'agresseur sexuel, à ce
moment-là, dès ce moment-là où madame reçoit signification de la requête, elle
peut s'objecter. Puis, dans le fond, sa preuve, on a décidé de le faire, que ce soit dans le cadre d'un tribunal
criminel, donc hors de tout doute raisonnable, mais aussi en matière
civile, pour diminuer le fardeau de preuve relativement à la démonstration
d'agression sexuelle.
Puis, parallèlement à ça, à partir de ce
moment-là où ça s'enclenche, bien là, la victime, elle a le choix, elle a le
choix : Est-ce que je m'oppose à la filiation ou non? Si je m'oppose à la
filiation, elle tombe sur le régime de : J'ai le droit à une indemnité
pour les besoins de l'enfant, on protège les droits successoraux de mon enfant.
Si elle dit : Bien, écoutez, moi, c'est correct que, monsieur, la
filiation, soit là, mais, dans le même recours, maintenant, on vient faciliter
le recours à la déchéance de l'autorité parentale, puis là ça donne ouverture à
une pension alimentaire régulière, mais, à cause de la déchéance parentale, il
n'y a pas de droit de garde, il n'y aura pas de droit de visite, puis tout ça.
Ça fait qu'on vient simplifier le processus pour madame.
À l'inverse, c'est possible, elle-même, si elle
s'est fait violer, d'elle-même saisir le tribunal pour dire : Je veux établir la paternité, puis de requérir ces différentes
modalités-là. Ou elle-même peut saisir le tribunal pour dire : J'ai
été violée, mon enfant est né de cette
agression-là, je ne veux pas de filiation, mais je veux l'indemnité puis je
veux que les droits successoraux
s'appliquent. Ça fait que premier cas de figure qui répond à votre deuxième
situation d'exemple.
Dans l'autre
cas, supposons que vous êtes dans une situation où il y a violence conjugale,
le père... bien, l'agresseur contrôle madame jusque dans la chambre
d'hôpital, supposons, puis que c'est lui qui a rempli la déclaration de
naissance, puis il fait signer madame, puis là la filiation est établie, puis,
dans l'année suivante, dans les deux ans, dans les trois ans, madame réussit à
s'extirper de la relation, là, elle peut venir briser le lien de filiation
qu'elle a été obligée de consentir,
justement. Donc... Puis il n'y a pas de délai pour briser ce lien de filiation
là. Ça fait que, si vous seriez dans une situation où ça fait huit, neuf
ans, là, le lien de filiation va devoir être examiné par le tribunal, par
contre, en fonction de l'intérêt de l'enfant. Mais on vient donner cette
flexibilité-là, justement, à la victime pour faire en sorte d'avoir ces
différentes possibilités-là.
Est-ce que, parmi les scénarios que je vous ai
évoqués, selon vous, il y a des aspects qui ne sont pas couverts dans les
réalités que vous, vous voyez avec les victimes, là, dans vos centres?
• (16 h 50) •
Mme Chénier (Justine) : Bien,
en fait, je pense que l'objectif d'un peu... de l'argumentaire de ma collègue,
c'était aussi qu'en fait, dans la réalité du terrain, c'est sûr, que nos CALACS
voient, en fait, que nos intervenantes voient quotidiennement sur le terrain,
c'est qu'il y a beaucoup de femmes victimes, qu'on appelle les survivantes, les... qui sont dans des situations, justement, de
relation de pouvoir, de relation de contrôle. Donc, en inscrivant la
question du contrôle coercitif en complément du projet de loi, c'est que ça
obligerait nécessairement les juges à en tenir compte. Puis le définir, ça
permettrait d'encadrer la compréhension. Tu sais, on s'est positionnées un peu
plus tôt, on salue le projet de loi, mais on avait quand même quelques
suggestions. Je vais laisser ma collègue poursuivre sur le contrôle coercitif.
Mme Comtois
(Gabrielle) : Oui, exactement. Donc, en 2023, au Québec, je pense que
ça pourrait être une avancée majeure pour les droits des femmes d'avoir le
contrôle coercitif inscrit, parce que ça permet de prendre en compte des
éléments de contexte global, lors de l'analyse de la magistrature face à ce
type d'événement. Puis c'est vrai que c'est
des cas qu'on voit, malheureusement, quand même fréquemment sur le terrain,
dans nos centres au travers du Québec. Je pense que le projet de loi est bien
conçu. Comme on a dit, nos propositions, c'est des aspects de
bonification, mais je pense qu'en effet, là, ça permet de couvrir plusieurs,
plusieurs scénarios.
M. Jolin-Barrette :
Je serais curieux de savoir, dans les centres, là, selon votre expérience,
combien de cas par année vous avez, est-ce que c'est documenté... de femmes qui
ont un enfant suite à une agression sexuelle.
Mme Chénier (Justine) : On
n'est pas autorisées à le divulguer aujourd'hui, malheureusement. Les
CALACS ont des politiques très, très claires au niveau de la confidentialité,
la tenue des dossiers n'est pas autorisée à être diffusée. Puis, de toute façon, dans le fond, les seules statistiques
qu'on est autorisées à diffuser, c'est sur notre volume de clientèle,
pour nos bailleurs de fonds, simplement.
M. Jolin-Barrette :
OK. Mais je comprends que vous avez des cas?
Mme Chénier
(Justine) : Oui, beaucoup... Bien, beaucoup... quelques-uns.
Mme Comtois
(Gabrielle) : De toute façon on ne pourrait pas. Ça ne se fait pas,
concrètement, là, que de demander à une femme en suivi... Tu sais, on n'a pas
de questionnaire, là, à leur donner, puis leur demander...
M. Jolin-Barrette :
Non, non, ce n'est pas un questionnaire, mais c'est pour informer les
parlementaires que ce n'est pas qu'un cas. Parce qu'il y a le cas d'Océane qui
a été médiatisé, puis ce n'est pas un phénomène qui est beaucoup dans
l'actualité.Mais je pense que c'est important de sensibiliser les
parlementaires au fait que ce n'est pas uniquement qu'une seule situation puis
que la législation va avoir un impact sur plusieurs femmes.
Mme Chénier
(Justine) : Absolument. Bien, écoutez, même... si ça peut être aidant,
il faut quand même remonter, ça fait plusieurs
années que les CALACS demandent des projets de loi pour davantage de protection
pour les femmes victimes de violence
sexuelle et conjugale, tout comme d'autres regroupements. Ça fait quand même,
c'est ça, un certain moment que c'est
des choses qu'on demande. Je pense que nos premières demandes en ce sens
remontaient au début des
années 2000. Donc, il y a quand même une façon de retracer tout ça. Tu
sais, ce serait un peu dans votre cour.
M. Jolin-Barrette :
Sur la question... Parce que les groupes avant vous sont venus nous parler
de la question de l'indemnité.Avez-vous
des commentaires sur la question de l'indemnité pour répondre aux besoins, là,
de l'enfant?
Mme Comtois
(Gabrielle) : Bien, en fait, moi, j'aurais plus des questions pour
vous que des commentaires, en fait, à cet égard-là. En fait, on voulait
savoir : Est-ce que ça va être versé en une somme, en une fois? Est-ce que
ça va être des versements comme la pension alimentaire? Parce qu'on sait que,
dans les faits, actuellement, pour tout ce qui est pension alimentaire, les
femmes ont de la difficulté à avoir réellement accès à ces sommes-là parce que
les pères, les autres parents ne paient pas ou ont... trouvent toutes sortes de
manières, en fait, de ne pas payer, au final. Donc, on veut juste s'assurer
que, dans les faits, s'il s'agit de versements, qu'il va y avoir réellement un
suivi puis que les femmes vont réellement... les personnes survivantes vont
réellement toucher à cet argent-là.
M. Jolin-Barrette : Bien, pour répondre à
votre question, l'objectif de la disposition, c'est d'avoir un montant à qu'une seule reprise, parce que ce qu'on
m'a... lorsqu'on rencontre les groupes, ce que je retiens beaucoup,
c'est qu'on veut briser le lien entre l'agresseur et la victime puis on ne veut
pas que la victime ait à avoir un lien de dépendance avec l'agresseur. Donc,
c'est pour ça qu'on a fait ça avec un seul versement sur l'indemnité.
Mme Comtois
(Gabrielle) : Mais j'ai juste, comme, une autre question par rapport à
ça. Parce qu'on parle quand même d'une somme... d'une très large somme, là, si
c'est pour couvrir les besoins d'un enfant jusqu'à ses 18 ans, là, quand même. Je ne pense pas que tout le monde, dans la
réalité, a, dans son compte en banque, une somme aussi large à verser en
un versement. Donc, de toute façon, il va falloir qu'il y ait des versements
qui soient faits...
M. Jolin-Barrette :
En fait, chaque cas est un cas d'espèce, je vous dirais. Donc, ça dépend
vraiment de la réalité de la personne. Mais les groupes avant vous nous ont
suggéré d'adopter des lignes directrices plus précises avec un montant minimal,
ça fait que c'est quelque chose qu'on va évaluer.
Écoutez, mes
collègues souhaitent vous poser des questions, alors je vous remercie
grandement de votre présence en commission parlementaire. Merci pour vos
commentaires.
Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. Donc, du côté gouvernemental, Mme la députée de
Vimont.
Mme Schmaltz :
Bonjour, mesdames, merci d'être présentes. Tantôt, vous avez parlé
d'accompagnement des victimes et vous avez souligné qu'il manquait peut-être de
ressources. C'est à quel niveau, quand vous parlez d'accompagnement? C'est un
accompagnement juridique? C'est un accompagnement psychologique? C'est à quel
niveau, l'accompagnement, finalement?
Mme Comtois
(Gabrielle) : Les CALACS font un accompagnement psychosocial des
victimes d'agressions à caractère sexuel. Donc, elles vont y... Elles vont
aller vers le juridique seulement et seulement si les victimes en font elles-mêmes la demande. Elles vont respecter le
parcours des survivantes, leur narratif puis leur processus de guérison. Donc, on ne va pas faire nécessairement
de l'accompagnement juridique, on se situe au niveau du psychosocial en
premier lieu.
Mme Chénier (Justine) : On va
aller dans la... On ne fait pas... Actuellement, on ne fait pas de défense
individuelle, on fait de la défense collective de droits. C'est très, très rare
qu'on fait de l'individuel. Puis ce qui est plus précisément au projet de loi,
c'est que, dans la partie sur les conventions sur les mères porteuses, il est
prévu des formes d'accompagnement psychosocial pour, par exemple, les enfants
dans cette situation-là. Mais, nous, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait
l'équivalent pour les enfants issus d'agressions sexuelles, parce qu'on le sait
que ça peut mener à des conséquences
extrêmement graves. Et il faut quand même ramener au fait que les ressources
pour femmes, oui, et enfants, là, ont
la capacité de faire ce type d'intervention là, mais nos ressources sont
extrêmement occupées. Donc, en fait, il faudrait prévoir, dans la loi,
l'équivalent de ce qui est prévu pour les mères porteuses et leurs enfants,
pour les enfants issus du viol, en matière d'accompagnement et de ressources
disponibles.
Mme Schmaltz :
Je ne sais pas si j'ai des collègues qui ont d'autres questions. Sinon,
j'en aurais une autre.
Le
Président (M. Bachand) : Allez-y, allez-y.
Mme Schmaltz : Oui. OK. J'ai entendu
tantôt le mot «aliénation parentale». Pourriez-vous juste développer?
Parce que j'essaie de trouver le lien par rapport à l'agression sexuelle versus
l'aliénation parentale. Je n'ai pas saisi.
Mme Chénier (Justine) : Oui.
Bien, en fait, c'est ce qu'on souhaite éviter à tout prix, parce que c'est une
situation qui est observée sur le terrain,
puis nos collègues en violence dans les maisons d'hébergement pourront,
évidemment, aborder dans le même sens que nous, c'est qu'on veut éviter les
situations où, par exemple, une femme a un enfant avec un agresseur, que ce
soit un conjoint violent ou un agresseur, et que, par exemple, s'il y a une
implication de la direction de la protection de la jeunesse, que le concept
d'aliénation parentale... qu'elle soit considérée comme étant une mère aliénante,
dans le sens qu'il y ait une révocation, par exemple, de la DPJ ou des
intervenants jeunesse, par exemple, des demandes de la mère relatif à sa
relation avec le père, au nom du fait qu'elle pourrait être considérée comme
une mère aliénante.
Nous,
c'est une situation qu'on a observée dans nos centres, que c'est déjà arrivé
par le passé, et c'est un passé pas
très lointain, que des mères, par exemple, victimes de violence, pourraient...
vont perdre la garde de leur enfant avec la DPJ, sous prétexte que ce
sont des mères qui font de l'aliénation parentale. Au niveau de la littérature
scientifique et des études féministes, également appelées «gender studies», le
concept d'aliénation parentale, dans les dernières années, ça a été prouvé que
c'est un concept qui est surutilisé envers les femmes victimes de violence.
Donc, nous, en fait, on veut éviter que ça arrive, que ce soit avec...
notamment avec le PL n° 12. Donc, c'était un drapeau
rouge qu'on souhaitait lever avec vous aujourd'hui.
Le
Président (M. Bachand) : ...s'il vous
plaît.
Mme Haytayan :
Merci, M. le Président. Merci à vous deux, merci pour votre temps et d'être
ici avec nous. Pourquoi permettre de retirer la filiation après plusieurs
années, à votre avis?
Mme Chénier (Justine) :
C'est une grande question. Je ne sais pas si tu voulais répondre...
• (17 heures) •
Mme Comtois
(Gabrielle) : Bien, je pense que, si c'est vraiment après plusieurs,
plusieurs années, ça va être à l'enfant de
faire ce choix-là pour pour lui ou elle-même. Je pense que d'avoir un lien de
filiation avec une personne violente, une personne qui commet des
agressions, de la violence conjugale, ça peut avoir des impacts extrêmement
néfastes sur la vie et le développement des enfants et des adolescents. Puis je
pense qu'il y a amplement de raisons pourquoi ces personnes-là voudraient
rompre le lien de parenté avec leur parent violent.
Mme Haytayan :
À votre avis, c'est toujours le critère de l'intérêt de l'enfant qui
prévaut, dans ce cas-ci?
Mme Comtois (Gabrielle) : Le critère de l'intérêt
de l'enfant prévaut, mais il faut que, dans l'analyse de l'intérêt de
l'enfant, comme le prévoit le PL n° 2, le contexte de
violence conjugale soit pris en compte à tout prix.
Mme Chénier
(Justine) : Et le contexte, de façon générale, de violences commises
envers la mère. Parce qu'il y a beaucoup
d'études qui existent qui démontrent que des enfants ou des adolescents qui
évoluent dans des contextes de violence intrafamiliale, conjugale ou de
violence générale envers la mère, leur développement est impacté. Donc, en
fait, c'est une simple lunette d'analyse à ajouter... bien, une simple... une
lunette d'analyse à ajouter.
Mme Haytayan :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M.
le député d'Acadie.
M. Morin :
...Mmes Chénier et Comtois, pour le partage d'information, pour les
témoignages aussi que vous avez livrés. Je sais que vous faites un travail qui
est excessivement important, fondamental, mais aussi très difficile. Alors,
écoutez, bravo, bravo pour ça.
Moi, il y a un élément que vous avez souligné et
qui m'intéresse au plus haut point, j'aimerais savoir comment on peut, d'une
façon logique, l'intégrer dans le projet de loi, puis c'est quand vous avez
parlé de contrôle coercitif. Je comprends
très bien le concept, là, mais, si on veut l'insérer, quelle serait votre
meilleure recommandation pour que ce projet de loi là soit bonifié dans
ce sens-là?
Mme
Comtois (Gabrielle) : Dans le fond, en ce moment, l'institut de santé publique
du Québec a une définition du contrôle coercitif déjà de prête et
d'établie. Moi, à mon sens, c'est une définition qui correspond bien aux
standards, là, puis à la réalité qu'on voit dans les narratifs des personnes
survivantes. Donc, moi, ça serait tout à fait une définition que je serais à
l'aise.
Donc... c'est ça, le contrôle coercitif, là,
comme je l'ai dit tout à l'heure, là, c'est vraiment de prendre en compte le contexte global et les techniques de
manipulation, les techniques d'établir des relations de pouvoir, un
climat de peur. Donc, moi, ça serait
vraiment d'aller regarder cette définition-là pour l'ajouter directement dans
le projet de loi, non seulement une définition, mais d'expliquer que ça
doit faire partie du contexte qui est apprécié par la magistrature.
M. Morin : Puis je comprends
que cette définition là, au fond, si on regarde le projet de loi,
l'article 19, particulièrement 542.33, ça pourrait permettre de définir,
au sens de la loi, ce que c'est qu'une agression sexuelle. Est-ce qu'on peut
aller dans ce sens-là ou pas? Ou quel serait un autre moyen qui permettrait
d'envoyer un message clair puis d'en même temps, bien, évidemment, sensibiliser
les parties puis éventuellement la magistrature, comme vous le soulignez?
Mme Comtois (Gabrielle) : Ça
pourrait être une opportunité incroyable de mettre une définition d'agression à
caractère sexuel, mais ça pourrait être également un terrain extrêmement
glissant et dangereux d'essayer de définir hermétiquement c'est quoi, une agression
à caractère sexuel. Puis, si jamais vous décidez d'aller de l'avant avec ce
type de définition là, je vous invite à aller chercher l'expertise des groupes
de femmes, justement, en lutte contre les agressions à caractère sexuel pour le
faire.
M. Morin : Et vous, vous avez
cette expertise-là aussi, ou il y a d'autres groupes que vous pouvez nous
suggérer qu'on pourrait éventuellement entendre ou contacter pour parfaire,
finalement... pour avoir une bonne compréhension globale?
Mme Chénier
(Justine) : Bien, en fait,
le RQCALACS et les CALACS... En fait, nous, on est un regroupement. On
représente plus d'une vingtaine de CALACS à travers le Québec. On est le seul
groupe national en violence sexuelle au Québec, mais, idéalement, la compétence
est partout dans les groupes de femmes.
Au niveau, par exemple, des autres groupes de
femmes qu'on peut vous suggérer, il y a la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes victimes de
violence, le regroupement des maisons d'hébergement pour femmes victimes
de violence conjugale, l'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape et
la Fédération des femmes du Québec. Nous avons aussi, plus près de vous, le Conseil du statut de la femme pour de l'expertise davantage juridique,
mais avec la lunette d'analyse féministe, Juripop. Il y a énormément
d'organisations très, très actives au Québec, et c'est une grande chance que
nous avons.
M. Morin : Je vous remercie.
D'ailleurs, on a entendu le Conseil du statut de la femme un peu plus tôt
aujourd'hui. Ça a été très, très, très bénéfique. Écoutez, ça... je vous
remercie, je vous remercie infiniment.
J'aurais une autre question, parce que vous
l'avez évoqué, vous faites un travail hyperimportant : Votre financement?
Est-ce qu'il vous manque de l'argent pour remplir votre mission?
Mme Chénier
(Justine) : Absolument. La
question du financement est un des chevaux de bataille de tous les
organismes communautaires à travers la province. On est également membre de la
campagne de sociofinancement appelée CA$$$H, comme beaucoup d'autres
groupes de femmes. Depuis la pandémie, on a observé, effectivement, une
augmentation des demandes d'aide qui fait en sorte que, dans nos centres, dans
nos CALACS, si une femme souhaite obtenir
une rencontre avec une intervenante, il y a certains CALACS qui ont des délais
d'attente de deux ans. Deux ans, c'est long quand t'as besoin d'aide.
Maintenant,
pourquoi ces délais sont aussi longs? Effectivement, il y a les enjeux des
financements, mais il y a aussi
l'enjeu d'un volume qui ne cesse d'augmenter parce que les femmes et les personnes
survivantes parlent davantage.
Est-ce que tu voulais compléter?
Mme Comtois (Gabrielle) : Tout a été
dit.
M. Morin : Et
j'aurais une dernière question. Hier, c'était jour de budget au Québec. Ça vous
a aidé ou pas du tout?
Mme Comtois (Gabrielle) : Malheureusement,
on n'a pas encore eu l'occasion de se pencher sur le récent budget adopté hier.
M. Morin : OK.
Je vous remercie. Je ne sais pas si ma collègue a des questions? Non? Merci.
Le Président (M.
Bachand) : ...de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci. J'ai
combien de temps?
Le Président (M.
Bachand) : On va ajuster le temps, là,
autour de 4 min 30 s.
M. Zanetti : Merci.
Merci beaucoup pour votre présentation. Ma première question : Est-ce que
vous comptez déposer un mémoire écrit? Non?
Mme Chénier (Justine) : Non.
Malheureusement, on a des limites de temps, actuellement. On est seulement deux
personnes qui s'occupent du volet Plaidoyer, communication, défense de droits
individuels et collectifs pour l'ensemble du regroupement et ses membres.
M. Zanetti : Je comprends
pleinement votre situation. Peut-être qu'on pourra, si on veut avoir des
détails sur la formulation de certaines recommandations que vous avez faites,
on pourra vous contacter par courriel puis...
Mme Chénier (Justine) : Vous
pouvez nous contacter. Absolument, absolument. Courriel, téléphone, on est très
disponible.
M. Zanetti : Bon. Plus simple.
Parfait.
Sur la question... Vous avez soulevé l'enjeu du
montant de l'indemnité plus tôt. Ça a été soulevé auprès d'autres intervenantes
plus tôt ce matin, puis on nous dit : Dans le fond, l'indemnité ne doit
pas prendre la forme d'une pension
alimentaire régulière sur toute la vie... pas «toute la vie», mais plusieurs
années, parce que l'objectif ici, c'est
de rompre le lien avec l'agresseur. Puis on ne veut pas avoir un mécanisme qui
maintient le lien avec l'agresseur, donc il faut que ça soit un peu un
montant d'un coup, une fois.
Mais, en même temps, vous soulevez la difficulté
que... comment est-ce qu'un montant d'un... Qui a les moyens de payer un
montant d'un coût, qui couvre les besoins d'un enfant jusqu'à ses 18 ans?
Il y a un enjeu là. Mais, en fait, dans le
fond, je fais juste poser la même question que vous avez posée : Est-ce
que vous, vous avez des pistes de solution à ça ou est-ce qu'il y a des
choses que vous auriez à proposer comme mécanismes?
Mme Chénier (Justine) : Bien,
en termes de mécanisme, par exemple, de protection, dans l'objectif où on se
retrouve face à une situation que c'est dans l'impossibilité, en fait, que la
somme soit versée d'un coup, qu'il faut que
ça se fasse à travers plusieurs versements, il faudrait que, idéalement, pour
assurer la sécurité de la mère et de son enfant à tout prix, il faudrait que les transferts se fassent via le
tribunal, avec vraiment aucun contact entre les deux. Ça, ça pourrait
être une piste à considérer.
Sinon, idéalement, effectivement, il pourrait y
avoir, dans le cas où est-ce qu'on a des personnes, par exemple, agresseurs qui
ne sont pas en moyens financiers de subvenir à des sommes importantes, ce qui
pourrait être intéressant, ça serait, par
exemple, que ces personnes-là obtiennent de la bonification sous forme de
crédits, par exemple, d'une instance
gouvernementale. Comme ça, la somme serait versée, tu sais, d'un seul coup à la
mère et à l'enfant. Mais la personne
agresseur devrait payer, par exemple, sur plusieurs versements. C'est ce qui me
vient en tête en ce moment.
Je ne sais pas si, Gabrielle, tu avais... Non?
M. Zanetti : Donc, un...
Mme Chénier (Justine) : Par un
tribunal, par exemple, s'il faut faire plusieurs versements, ou sinon par un
mécanisme de bonification, par exemple, gouvernemental, mais avec un crédit
pour les personnes agresseurs qui doivent rembourser, par exemple, avec des
ententes de paiement.
M. Zanetti : Avec une... comme si, dans le fond, le
gouvernement paie ce que l'agresseur doit d'un coup, puis, après ça, l'agresseur doit rembourser une dette au
gouvernement sur le temps qui... auquel, bien, il s'entend en fonction
de sa situation pour que ça marche.
Mme Chénier (Justine) : Exactement,
exactement. Aussi, si c'est une personne, par exemple, qui est en moyens de
payer sur plusieurs années et non pas sur... d'une seule... la somme d'un seul
coup, vraiment d'avoir une entente avec les tribunaux pour que les transferts
monétaires se fassent via un système lié au tribunal, qu'il n'y ait pas de
contact entre la mère, l'enfant et l'agresseur. Ce serait une disposition à
réfléchir, à peaufiner, mais c'est une des pistes qu'on avait identifiées.
• (17 h 10) •
Mme Comtois (Gabrielle) : Puis ça
serait un bon moyen d'assurer que la femme survivante ait... obtienne l'aide
dont elle a besoin immédiatement.
M. Zanetti : Oui, c'est ça.
Mme Chénier (Justine) : Parce
qu'avoir un enfant vient avec des coûts, particulièrement, puis certaines
femmes en situation de violence ou qui sortent de relations violentes, elles
peuvent se retrouver dans des grandes situations de précarité et de
vulnérabilité financière. Et c'est sûr que, nous, à titre de groupe qui
travaille par et pour les personnes survivantes, c'est des situations qu'on
cherche absolument à éviter.
M. Zanetti :
Parfait. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Alors, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. Très apprécié. Puis,
encore une fois, vous faites un très bon travail, les CALACS. Merci.
Alors, on suspend
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 11)
(Reprise à 17 h 17)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir
d'avoir avec nous le Barreau du Québec, les représentantes et représentant.
Bien sûr, Me Claveau, merci beaucoup d'être ici. Grand plaisir de vous
recevoir. J'aimerais qu'avant de débuter... présentez les gens qui sont avec
vous et, après ça, débutez votre exposé de 10 minutes. Merci beaucoup.
Barreau du Québec
Mme Claveau (Catherine) : Parfait.
Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés,
je suis Catherine Claveau, bâtonnière du
Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Nicolas Le Grand Alary à
ma gauche, qui est avocat au secrétariat de l'ordre et affaires juridiques, et
de Me Valérie Laberge, qui est membre de notre groupe d'experts en droit
de la famille au Barreau du Québec.
Alors, le Barreau du
Québec vous remercie de l'avoir invité à participer aux consultations entourant
le projet de loi n° 12, qui constitue
un jalon important de la réforme du droit de la famille au Québec. De prime
abord, le Barreau du Québec salue le dépôt de ce projet de loi. Nous
formulons cependant certains commentaires afin de bonifier et d'offrir... de le
bonifier et d'offrir au législateur de meilleurs outils pour assurer la
protection du public, en particulier les personnes vulnérables.
Le
Barreau du Québec soumet d'abord que le style de rédaction de ce
projet de loi ne s'harmonise pas avec celui du Code civil du Québec. En effet, les dispositions du Code civil sont
normalement formulées en termes généraux et offrent des orientations
quant aux règles applicables en droit civil. Le projet de loi est quant à lui
complexe, et certaines dispositions peuvent porter à confusion. À titre
d'exemple, en matière de filiation, on y retrouve à deux reprises la même
définition de la possession d'état.
Poursuivons
sur le thème de filiation. Le projet de loi comprend des modifications intéressantes
qui témoignent de l'intention du législateur de moderniser le droit de
la famille, notamment en revoyant les critères applicables en matière de
procréation assistée.
Par ailleurs, le
projet de loi propose une règle particulière lorsque l'un des parents
d'intention est décédé au moment de la réalisation d'une procréation assistée.
Sans se prononcer sur le bien-fondé de la règle, le Barreau du Québec tient à
souligner qu'il existe un conflit potentiel entre la Loi sur la procréation
assistée adoptée par le fédéral et les
modifications apportées au Code civil
du Québec par ce projet de loi qui
concerne la procréation assistée faite de façon posthume. En effet, le libellé propose... le libellé proposé nous
laisse croire que des situations permises en vertu de la loi québécoise
seraient interdites par la loi fédérale réglementant la procréation assistée.
Afin d'éviter toute ambiguïté, nous suggérons, donc, de revoir ces dispositions
à la lumière des exigences prévues par la loi fédérale.
Le Barreau du Québec
appuie la reconnaissance juridique des grossesses pour autrui afin de s'assurer
de la stabilité juridique relative aux droits et obligations concernant les
enfants qui en sont issus. Ce faisant, nous reconnaissons la pertinence pour le
législateur d'imposer la conclusion d'une convention entre les parties. En
effet, nous sommes d'avis que l'imposition d'une convention écrite permet aux
parties de mieux connaître leurs droits et obligations.
Nous estimons cependant que le législateur devrait aller plus loin et nous
soumettons qu'un avis juridique d'un juriste indépendant devrait être
obtenu par chacune des parties à la convention avant sa signature.
• (17 h 20) •
Nous sommes, en
effet, d'avis que la rédaction actuelle du projet de loi laisse présumer qu'il
ne peut y avoir d'intérêts opposés des
parties à la convention du fait que celles-ci partagent une intention commune
de mener à terme le projet parental. En assimilant ainsi les droits et
intérêts de la personne qui donnera naissance à l'enfant à ceux des parents
d'intention, le projet de loi semble faire fi des besoins particuliers de cette
dernière qui peuvent différer des autres parties.
Nous proposons
également que la convention de grossesse pour autrui soit un formulaire établi
par le gouvernement qui détaillerait les droits et obligations des parents
d'intention et de la femme qui donnera naissance à l'enfant. La forme de ce formulaire pourrait s'apparenter à celle d'un
bail de logement. Ainsi, afin de mieux protéger le public, ce formulaire
devrait expliciter les clauses qui sont contraires à l'ordre public et ainsi
non exécutoires.
Le Barreau du Québec est d'avis que l'utilisation d'un tel formulaire signé devant deux
témoins indépendants pourrait réduire
les coûts et la complexité inhérents à la conclusion d'un acte authentique.
Cependant, les parties qui le souhaitent
pourraient toujours utiliser la possibilité de conclure cette convention par
acte notarié, si c'est vraiment leur volonté. En proposant d'utiliser ce
formulaire et en requérant que chacune des parties obtienne un avis juridique
indépendant, le Barreau du Québec a pour objectif de protéger les personnes
potentiellement vulnérables, soit la personne donnant naissance à l'enfant mais
également les parents d'intention eux-mêmes et l'enfant à naître.
Quant au remboursement des frais, le projet de
loi prévoit le paiement de certains frais déterminés par règlement et à
l'indemnisation, le cas échéant, de la perte de revenus de travail. Nous sommes
favorables à une réglementation la plus complète possible des frais pouvant
être payés ou remboursés, et ce, dans un souci de clarté et de prévisibilité.
Le projet de
loi prévoit également la prise en compte du droit de l'État où est domiciliée
la personne qui donnera naissance lorsque cette dernière est domiciliée
hors du Québec. Avec le Règlement sur le remboursement relatif à la procréation assistée, il coexistera des régimes
d'encadrement des frais et d'indemnisation à l'international et à
l'intérieur du Canada. Par souci de clarté, nous invitons le législateur à
prendre en compte cette situation dans l'édiction de la future réglementation
québécoise.
Le Barreau du Québec appuie l'objectif du projet
de loi qui vise à protéger les enfants nés à la suite d'une agression sexuelle.
Nous formulons toutefois certains commentaires pour le bonifier afin de nous
assurer que celui-ci réponde aux attentes formulées par la population
québécoise ainsi qu'aux enjeux vécus par les personnes victimes d'agressions
sexuelles.
Par exemple,
les nouveaux articles du Code civil
du Québec proposent de permettre à
l'enfant né à la suite d'une agression
sexuelle de contester l'établissement d'un lien de filiation entre lui et la
personne qui a commis l'agression.
Le Barreau du Québec soumet qu'une autre façon
de procéder serait de modifier le mécanisme de déchéance de l'autorité
parentale afin de clarifier qu'il s'applique aux enfants issus d'une agression
sexuelle.
En effet, le Code civil du Québec permet actuellement
la déchéance de l'autorité parentale, qui, et j'ouvre les guillemets, «peut être prononcée par le
tribunal[...], si des motifs graves et l'intérêt de l'enfant justifient
une telle mesure, notamment en raison de la présence de violence
familiale, y compris conjugale».
Cette déchéance a pour effet de retirer au
parent les droits qu'il a envers l'enfant, notamment en ce qui a trait à la
garde, à la surveillance et à l'éducation. Le parent doit toutefois encore
assumer ses obligations envers l'enfant. En clair, il doit contribuer à ses
besoins et continuer à payer une pension alimentaire.
Le régime de la déchéance de l'autorité
parentale est prévu au Code civil du Québec depuis de nombreuses années, et les
critères jurisprudentiels applicables sont bien établis et stables.
Le projet de
loi modifie aussi le Code civil du
Québec en prévoyant le droit, pour un
enfant né à la suite d'une agression
sexuelle, de recevoir une indemnité de la part du parent agresseur. Le Barreau du Québec salue l'ajout de cette mesure, mais notre lecture du Code civil
du Québec nous laisse croire que cette indemnité correspondra à un montant
forfaitaire et que la victime sera responsable de procéder à l'exécution du
jugement afin d'être payée par l'agresseur.
Nous proposons plutôt que les règles applicables
à la fixation des pensions alimentaires s'appliquent à la détermination du
montant de cette indemnité. En procédant de cette façon, les montants de
l'indemnité seront payés par versements et
seront prévisibles, car établis selon un barème préexistant. De plus, les
règles applicables à sa révision seront prévues et connues, ce qui
aurait le potentiel de réduire les litiges.
Enfin, le
Programme de perception des pensions alimentaires de Revenu Québec pourrait s'appliquer également, ce qui permettra à la victime de
ne pas avoir à faire exécuter le jugement par elle-même, donc aussi d'éviter
les contacts avec l'agresseur.
En terminant, le Barreau du Québec tient à
réitérer qu'il accueille favorablement le projet de loi, bien qu'il ne constitue qu'une partie de la réforme du droit de
la famille. En effet, ce projet de loi n'a pas traité de toute la
question des protections accordées aux conjoints de fait, alors que cette
question continue d'avoir un impact important sur les familles québécoises.
Nous estimons également que la réflexion reliée
à la notion de pluriparentalité doit se poursuivre, compte tenu des nouvelles
formes de familles québécoises, notamment celles issues des couples de parents
de même sexe.
Pour le Barreau du Québec, il est essentiel,
donc, que l'important chantier législatif sur la réforme du droit de la famille
soit un véritable projet sociétal pour le Québec, ses familles et ses enfants.
D'autres commentaires, évidemment, se trouvent dans notre mémoire.
Nous vous
remercions pour votre attention et nous sommes maintenant disponibles pour
répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Claveau. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, Me Claveau, Mme la bâtonnière, Me Laberge, Me Le Grand Alary.
Merci pour votre présence ici, en commission
parlementaire. J'ai quelques questions, notamment celle relativement à la
déchéance de l'autorité parentale. Pour être bien sûr, là, de comprendre ce que
vous proposez, est-ce que vous souhaitez qu'on inscrive comme motif, à 606, de
déchéance du droit parental, le fait que le viol est un motif de déchéance
d'autorité parentale, le fait que l'enfant est issu d'un viol?
Mme Claveau (Catherine) : Je
vais laisser Me Laberge répondre à ça.
Mme Laberge (Valérie) : Je peux
la prendre. Donc, oui, nous, on est tout à fait favorables à ce que vous
souhaitez faire, là, c'est-à-dire d'empêcher le parent d'un enfant qui est
conçu dans le cadre d'une agression sexuelle d'exercer des droits parentaux.
Donc, pour nous, c'est simplement que ça passe par la déchéance.
Alors, nous, ce qu'on vous
encourage à faire, c'est modifier l'article existant, qui ouvre déjà une porte.
Mais on pourrait y aller encore plus
clairement, si c'est ça, l'intention du législateur, et d'ajouter... Nous, on
n'est pas fermées, là, à cette idée que, notamment, le jugement, en soi,
fasse la preuve de l'agression pour éviter à la victime d'avoir à répéter ça. Mais, pour nous, le mécanisme
approprié, c'est vraiment plus la déchéance, qui va permettre à la
personne victime de l'agression de bénéficier, puis à l'enfant aussi, là, de
bénéficier de toutes les protections que lui offre le Code civil, notamment au
niveau alimentaire, avec les pensions alimentaires qu'on connaît pour enfants,
qui sont tellement faciles à appliquer — c'est une des plus belles
choses de notre système juridique actuel, là, donc pourquoi en priver cet
enfant-là — et
également tout le statut d'héritier, etc. Donc, pour nous, ça répond aux
besoins, de faire cette modification-là.
M. Jolin-Barrette : Donc, juste
pour bien comprendre, la position du Barreau est à l'effet que, dans le fond,
vous dites : Vous ne devriez pas donner l'option de la rupture du lien de
filiation, mais simplement mentionner, dans le fond, précisément sur la
déchéance d'autorité parentale, que ça peut entraîner la déchéance de
l'autorité parentale le fait d'avoir été
agressé sexuellement, puis qu'il a un enfant qui est issu de l'agression
sexuelle. Donc, ça deviendrait un motif de... un motif nommé de
déchéance d'autorité parentale.
Mme Laberge (Valérie) : Oui.
Puis, avec ce que vous mettez aussi, que ça se prouve par jugement. Puis, à ce
moment-là, si on est presque certain qu'il va y avoir une déchéance d'autorité
parentale au bout de ça, pourquoi, à ce moment-là, est-ce qu'on voudrait faire
reconnaître la filiation?
M. Jolin-Barrette : L'enjeu,
dans le fond, rattaché à ça, puis on a réfléchi au scénario que vous proposez,
c'est notamment le fait que la déchéance
d'autorité parentale n'est pas permanente. Donc, ça fait en sorte que,
théoriquement, ça pourrait revenir.
Après ça, sur le... beaucoup de victimes nous
disent : Écoutez, moi, je ne veux même pas avoir le nom de l'agresseur sur
le certificat de naissance. Je veux éliminer ça complètement. Puis je ne veux
pas être, à chaque fois que je retourne à
l'école puis je présente le certificat de naissance ou l'acte de naissance, que
le nom de monsieur soit là.
Mme Laberge (Valérie) : Justifier
ça.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Ça, avec ces arguments-là, qu'est-ce que vous...
Mme Laberge (Valérie) : Qu'est-ce
qu'on a à répondre là-dessus?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Laberge (Valérie) : Bien,
on y a pensé, nous aussi. Ça va bien, on pense aux mêmes choses.
M. Jolin-Barrette : Bon! Une
communauté d'esprits.
Mme Laberge (Valérie) : Exact.
Non, mais, pour nous, en fait... Puis vous êtes le législateur, là. Il n'y a
rien qui vous empêche de donner une petite
twist, là, à la déchéance d'autorité parentale dans un contexte particulier
comme celui-ci pour faire en sorte que ce sera permanent. Et, si on dit qu'à ce
moment-là il y aura déchéance — non, mais mettons qu'on dit ça — on
peut se poser la question : Quel parent va avoir intérêt à faire
reconnaître son lien de filiation? Nous, on pense que ça ne se produira, en
pratique, presque jamais. Parce que l'intérêt de faire reconnaître ta paternité
ou ta parentalité, c'est de pouvoir exercer tes droits parentaux, au final.
Mais là, si on dit : Même si tu la fais reconnaître, tu ne pourras pas les
exercer, à ce moment-là, pour nous, c'est clair que c'est dissuasif. Et là
c'est, donc, la victime qui va faire le choix : Est-ce que, oui ou non, je
déclare la paternité de cette personne-là puis je fais bénéficier des
protections?
• (17 h 30) •
M. Jolin-Barrette : OK.
Poursuivons la discussion. Dans le fond, avec l'approche que vous amenez, c'est
dans une logique, supposons, du fait que le
parent veule exercer des droits. Mais, sur l'approche, supposons,
identitaire, tu sais, qui est moins légale, mais qui est identitaire, ça,
qu'est-ce que vous faites avec ça? Parce que ça pourrait arriver. On a eu le cas d'Océane cet été, mais on
pourrait avoir le cas d'autres agresseurs qui disent : Bien, moi, je
veux avoir la filiation établie. Je ne veux pas nécessairement que... aller le
voir la fin de semaine, ou le prendre, ou le garder, mais c'est mon enfant puis... Tu sais, c'est une forme de contrôle
aussi. C'est ça que, dans le fond, dans le cas d'Océane, l'agresseur voulait faire. Puis on pourrait se
retrouver dans une situation avec des quérulents qui reviennent tout le
temps.
Puis, tu sais, l'autre élément, c'est la pension
alimentaire. Le fait d'avoir une pension alimentaire, le lien aussi, qui est révisable, c'est ça que ça amène
aussi. C'est comme s'il y avait encore un lien entre la victime, son
agresseur, alors que nous, on nous dit : Bien, les victimes ne veulent
plus du tout avoir de lien avec l'agresseur.
Mme Laberge (Valérie) : Mais le
lien, en pratique, il... Tu sais, on en fait, là, des déchéances d'autorité parentale quand même plus souvent qu'on voudrait,
là, malheureusement. Ça reste qu'il y a des... en pratique, là, c'est des
jugements qui vont juste subsister puis des pensions alimentaires qui vont être
perçues ou pas parce que, tu sais, l'argent
ne rentrera pas, puis c'est le ministère qui va exécuter, puis des fois ils
vont recevoir des chèques, puis d'autres fois non.
Bien là, après ça, si on a une situation de quérulence, bien, on a des
dispositions dans notre code qui protègent les gens contre la quérulence, puis
ça reste que c'est... Pour nous, c'est assez théorique, là, comme risque, puis ça... C'est que votre indemnité forfaitaire,
aussi, elle empêche l'enfant de bénéficier de l'augmentation du niveau
de vie de ce parent-là. Tu sais, on dit : Là, on prend la photo
aujourd'hui, on fait un forfait. Mais, tout d'un coup que la personne, elle a
plus de sous à un moment donné, là ça n'en tient pas compte.
Puis, également, il y a toute la question de
l'exécution, mais il y a surtout la question litigieuse. Puis ça, c'est
important, parce que les barèmes, ce qu'ils font... Ils sont arrivés en vigueur
en même temps que la médiation familiale. Puis la raison pour laquelle on les a
pris, c'est parce qu'ils objectivent la norme puis ils rendent ça très, très
facile d'application, ce qui fait qu'on a rarement besoin de plaider ça, alors
que, là, une somme forfaitaire comme celle-ci, dans des cas rares, quand même,
il faut se le dire — le
cas d'Océane, c'est un cas terrible, mais c'est un cas qui est quand même assez
rare — bien,
tu sais, moi, je trouve que c'est mettre sur le dos des femmes qui sont
victimes de ces agressions-là de développer de la jurisprudence là-dessus, puis
c'est quasiment une audition garantie pendant... parce qu'on ne sait pas, on ne
sait pas ça va être quoi, les barèmes.
M. Jolin-Barrette : Donc,
je comprends que vous nous invitez à être plus précis puis à adopter un
règlement...
Mme Laberge (Valérie) : Bien...
M. Jolin-Barrette : ...pour
indiquer aux juges quels paramètres on souhaite avoir.
Mme Laberge
(Valérie) : Bien, je pense que les barèmes de fixation ont
fait leurs preuves, puis, à un moment donné, réinventer la roue, bien,
je ne suis pas certaine de l'à-propos. Donc, nous, ce qu'on vous invite à
faire, c'est indiqué dans le mémoire, c'est que, si vous rejetiez notre
suggestion, qui est celle de passer par le mécanisme de déchéance qui, pour
nous, répond bien à la situation, bien, nous, on vous invite à travailler avec
les barèmes puis à les importer au lieu de travailler avec l'indemnité
forfaitaire, qui, pour nous, va créer plus de litiges, d'incertitude puis, à la
limite, d'injustice.
M. Jolin-Barrette : OK.
Bien, écoutez, j'accueille votre suggestion. Mais, par contre, je vais demeurer
sur ma position pour laisser le choix
aux femmes qui ont été agressées de faire le choix, parce qu'actuellement, avec
la proposition législative que nous avons, bien, les femmes qui ont été
agressées sexuellement peuvent décider de ne pas s'opposer à la filiation mais
d'avoir la déchéance, peuvent décider aussi de s'opposer à la filiation,
d'avoir le montant forfaitaire. J'aime mieux leur laisser le choix en fonction
de la réalité qu'elles vivent, puis... de décider du chemin qu'elles veulent
avoir. Puis même, tu sais, dans le futur, supposons que madame s'est objectée à
la filiation, quand l'enfant va avoir 10 ans, il pourrait dire :
Bien, moi, je veux que mon lien soit établi ici, puis il va pouvoir le faire,
parce que, maintenant, la filiation est imprescriptible, ou plus tard que le
30 ans. OK.
Je voulais
vous entendre, là, sur la pluriparenté. Nous, on a fait le choix très
clairement que ça soit deux parents. Donc, il y a eu des dossiers devant
la Cour d'appel aussi. La position du Barreau, là, très clairement, quelle
est-elle?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
on n'a pas pris position sur ce sujet-là, compte tenu du fait, là, que... Notre
avis est à l'effet que cette notion-là risque d'évoluer avec la société. On a
bien compris qu'à ce stade-ci le législateur
n'était pas prêt à ouvrir à plus que deux parents. Donc, on n'a pas de
position, là, à donner par rapport à ça.
M. Jolin-Barrette : OK.
Parce qu'on a des collègues membres du Barreau qui sont venus avant vous un peu
plus tôt cet après-midi puis qui nous
disaient : Écoutez — bien,
je paraphrase, là — mais
on ne considère pas nécessairement l'intérêt de l'enfant lorsqu'on
milite avec plus de deux parents avec l'autorité parentale. Nous... Puis
c'étaient des familialistes qui étaient là,
qui étaient à la cour fréquemment, puis ils nous indiquaient que, clairement,
quand la chicane est prise, déjà c'est pas mal compliqué avec deux
parents. Je ne sais pas si vous voulez commenter.
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
nous, on a entendu ça comme vous aussi. Je vais laisser mon collègue...
M. Le
Grand Alary (Nicolas) : Oui. Rapidement, en fait, pour compléter ce que
Mme la bâtonnière a dit, c'est qu'on
invite vraiment le législateur à faire cette réflexion, parce qu'il y a des
enjeux, notamment au niveau des familles issues de couples de parents de
même sexe, ou d'autres enjeux qui ont été soulevés, et là il y a un choix qui a
été fait de ne pas modifier, mais on invite
le législateur à poursuivre la réflexion et à réfléchir vraiment à l'ensemble
de la notion, là, la différence entre la parenté, la filiation, la
parentalité notamment, là, ce qui avait été soulevé dans la décision de la Cour
d'appel, là, du juge Kasirer, qui avait soulevé, là, l'ensemble de ces
enjeux-là. C'est, donc, de faire une réflexion vraiment globale sur les
facettes de l'autorité parentale, la filiation et l'exercice des attributs de
l'autorité.
M. Jolin-Barrette :
OK. Une question sur... Avant de céder la parole à mes collègues, une
question sur l'établissement, là, de recours à des conseils juridiques
indépendants. Donc, vous, vous proposez que les parties puissent... en fait, auraient un formulaire, doivent consulter,
auparavant, des juristes, se font conseiller, ensuite, complètent le formulaire. Est-ce que, dans les... Puis ma
question, elle est plus générale, là. Peu importe que ce soit une
convention notariée ou un formulaire, est-ce qu'il y a des conditions
impératives? En fait, je vais reposer ma question d'une autre façon. Est-ce qu'il manque des conditions impératives dans la
convention de grossesse pour autrui que le législateur établit présentement, est-ce que... ou dans le formulaire?
Supposons qu'on allait vers un formulaire ou l'acte notarié, là, mais, tu sais, quand on impose, supposons,
21 ans, le fait de suivre une formation préalable séparée pour les
parents d'intention, pour la mère porteuse, est-ce qu'il y a d'autres modalités
que vous dites, pour l'ordre public, il manque des modalités impératives que
les parties ne peuvent pas déroger?
M. Le Grand Alary
(Nicolas) : Bien, je vais y aller rapidement puis je laisserai
Me Laberge compléter.
Je pense qu'on peut
prendre la question dans l'autre sens. C'est plus : Qu'est-ce qu'on doit
prévoir qui doit être interdit dans une telle convention? Donc, on les liste,
spécifiquement, là, dans notre mémoire, notamment, toutes les interdictions : de voyager; d'avoir des
relations sexuelles; exigences alimentaires disproportionnées; le
consentement anticipé, qui est, d'ailleurs,
là, prévu, qui est interdit, la délégation du consentement à des fins
médicales, par exemple; ou d'autres clauses punitives, là, qui seraient
imposées à la femme qui portera l'enfant.
M. Jolin-Barrette :
OK. Merci. C'est précis.
Mme Laberge (Valérie) : Donc,
de notre côté... Bien, de mon côté, moi, ce que j'aurais peut-être à vous
apporter, c'est que, nous, la convention standardisée, puis pourquoi on pense
que c'est tellement un bon véhicule, c'est qu'on pense que c'est le meilleur
moyen d'assurer un contrôle de l'ordre public. Puis, dans le fond, qu'est-ce
qu'il y a de plus proche de l'ordre public que les mères porteuses, qui font,
en ce moment, contraste à l'ordre public, selon notre Code civil? Donc, pour
nous, c'est un mécanisme de contrôle d'ordre public important. Que le
législateur fasse un contrat type, l'analogie est très boiteuse, mais le bail
du logement, il a fait ses preuves, là, ce contrat type là avec lequel on doit
travailler quand on veut louer.
M. Jolin-Barrette :
...F, par exemple.
Mme Laberge
(Valérie) : Comment?
M. Jolin-Barrette :
Moins la clause F.
Des voix : ...
Mme Laberge (Valérie) :
Mais, ceci étant, tu sais... Puis là, nous, de la façon dont on le voit, c'est
que ce contrat-là, il comporterait certaines attestations au début, là. Donc,
oui, on a rencontré le travailleur social telle date, on a rencontré tel conseiller juridique telle date, la grossesse est
arrivée telle date. Puis là, ensuite, bien, on irait avec : Bien,
voici maintenant quelle est notre entente, voici quel est le mode de
procréation assistée qu'on a choisi. Parce que ça, c'est superimportant que les
gens soient bien informés, autant la mère, la femme qui porte l'enfant, que les
parents d'intention, de savoir : Bien là, si j'ai le... si la mère qui
porte l'enfant n'utilise pas le matériel génétique des parents d'intention et
que, finalement, elle change d'idée, bien là, il n'y a pas de lien de filiation
possible avec les parents d'intention. Oups! C'est un petit peu différent si on
y va avec du matériel génétique du père. Mais ça, c'est important que la mère,
la mère qui porte l'enfant, sache ça. Et là, si... Puis, si on y va avec le
matériel génétique de la mère, bien, que...
de la mère d'intention, bien, que celle-ci ne pourra pas avoir de lien de
filiation avec l'enfant, même s'il y a un retrait de consentement, alors
que, si c'est le père, oui.
Donc, pour nous,
c'est le genre de chose qui pourrait très bien s'inscrire à l'intérieur de ce
contrat type là. On en profite aussi pour être sûr qu'on passe l'information
comme il faut, que c'est clair, que c'est bien compris, que les frais sont
définis, tu sais, que tout est pas mal prédéfini et cadré. Donc... Puis, en
plus, là, si les gens ont eu des conseils juridiques indépendants, pour nous,
c'est ça, la véritable garantie d'un consentement éclairé, comme on le voit,
là, dans la pratique, souvent. Ça n'a rien à voir avec la convention notariée,
ça. Tu sais, je veux dire, moi, je suis avocate conjointe régulièrement dans
une grande partie de ma pratique, puis je suis prise quand je dois conseiller
deux clients en même temps. Il y a des choses que je ne peux pas dire, ou,
comme je pourrais dire, si j'en conseillais juste
un, à cause du conflit d'intérêts. Donc, on n'a pas le même chapeau. Puis c'est
important que... Puis, les gens, ils ne nous posent pas les mêmes
questions quand ils viennent nous voir à deux que quand ils viennent nous voir
seuls. Donc, je pense que c'est primordial, ce volet-là. Puis ce n'est pas pour
rien que les avocats, on a ce réflexe rapide là. Ça n'a rien à voir avec du
chauvisme, là, c'est parce qu'on voit bien les effets que ça a. Puis, un
conseiller juridique, c'est aussi un notaire. Donc, pour nous, il n'y a pas de
problème, bien, tant que les conseils sont là. Ça fait que voilà.
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette :
Excellent. Je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire.
Mes collègues...
Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Vimont, il reste 1 min 30 s pour votre
question et la réponse.
Mme Schmaltz :
Parfait. Alors, j'ai une question et je vais oser une remarque aussi.
Point de vue question,
vous parlez qu'au niveau du montant forfaitaire vous le voyez plutôt que ça
soit payé par versements, sous forme de pension alimentaire. Et là je vois
qu'il y a un lien avec Revenu. Je voudrais juste développer un petit peu
là-dessus parce que je ne suis pas sûre de bien saisir.
Et, en... La remarque que je vais oser aussi, si
vous permettez, j'ai lu tantôt... Bien, en fait, dans le... Dans votre mémoire, justement, au point des indemnités,
vous parlez, à un moment donné, vous saluez l'ajout de la nouvelle mesure, mais vous parlez du père de l'enfant né de
l'agression sexuelle. Pour moi, le père, c'est... Je ne sais pas, je trouve que
c'est un terme qui donne une filiation, là, qu'on ne voudrait peut-être pas. Je
ne sais pas, j'ai eu un petit... Je ne veux
pas dire «malaise», là, quand même, le mot est trop fort, mais j'ai trouvé que
d'employer «le père», je ne sais pas.
Ou on parle d'un parent agresseur. Moi, je pense qu'on devrait peut-être
enlever ces termes-là, «parent» ou «père», là, parce que c'est donner
trop à... Ils ne méritent pas ça, disons, ce terme-là. Voilà, c'était ma petite
remarque. On n'a pas le temps?
Le Président
(M. Bachand) : ...en
30 secondes.
Des voix : ...
Le Président
(M. Bachand) : ...Me Claveau
Mme Claveau
(Catherine) : ...que c'est un processus qui existe actuellement,
et c'est la pension alimentaire. Puis, c'est ça, c'est... Pourquoi on
propose ça, c'est que c'est tout déjà réglé avec... Il y a une direction chez
Revenu Québec qui s'occupe de la perception,
de la distribution. La mère va recevoir deux fois par mois, le premier puis le
16 de chaque mois, un chèque bleu du
gouvernement transmis par Revenu Québec. Puis ils vont tout s'occuper d'aller
saisir, chercher l'argent chez le débiteur. Donc, c'est un processus qui existe
actuellement puis qui a fait ses preuves. C'est pour ça qu'on dit :
Pourquoi ne pas embarquer?
Une voix : ...
Mme Claveau
(Catherine) : Oui. Puis c'est... Puis ça... Il y a vraiment une
distance entre la victime et l'agresseur avec ce processus-là. Donc, ça
a fait ses preuves, puis on suggère de l'utiliser pour ce genre de dossier là.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le
député d'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci.
Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Merci. Merci d'être là. Merci pour
votre mémoire.
Ma première
remarque est la suivante. Puis j'ai trouvé ça très intéressant, ce que vous
avez écrit à la page 2 en ce qui
a trait au type de rédaction. Est-ce qu'on pourrait même soutenir que ça
ressemble à de la rédaction de common law?
M. Le Grand Alary (Nicolas) : On
n'ira pas jusque-là, mais, effectivement, je pense qu'il y a un esprit, avec le Code civil, de rédaction de dispositions
simples. On peut penser à l'autorité parentale, je pense. De mémoire, il y a
quatre, cinq articles sur l'autorité parentale. Là, on se ramasse avec des
sections entières de... qui peuvent être lourdes à comprendre. Puis on essaie d'avoir des lois qui puissent être comprises
par les justiciables ou dont l'esprit va être clair. Donc, c'est toujours une volonté, pour le Barreau,
là, de s'assurer de la clarté des dispositions. Puis, si les avocats ou
les notaires les lisent et ils ne sont pas capables de comprendre le fond,
bien, les justiciables non plus.
M. Morin : Je vous remercie.
Puis évidemment on veut préserver la rédaction de notre Code civil, qui est une
loi qui nous distingue et dont on est très fiers. Alors, merci pour votre
remarque. J'avais constaté la même chose, je trouvais ça un peu inquiétant.
Puis, effectivement, ce n'est pas toujours simple à lire, j'en conviens avec
vous.
J'ai quelques questions, parce que, ça, on en a
parlé beaucoup pendant toute la journée. Puis j'attire votre attention, dans le projet de loi, c'est
l'article 19, aux articles 542.33 et suivants en ce qui a trait à la
responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une
agression sexuelle. Et ma compréhension, c'est que, de cette façon-là, c'est la victime de l'agression qui va être obligée
d'intenter une action et qui va, donc, viser à obtenir une indemnité, puis,
ça, bien, jusqu'à tant que l'enfant atteigne
son autonomie. Donc, ça, son autonomie, évidemment, ce n'est pas
nécessairement de 18 ans, là, ça peut
être plus. Et donc ça fait en sorte qu'on impose, finalement, à la victime
d'entrer dans un processus judiciaire qui pourrait nécessairement être
long et coûteux. Et puis il n'y a pas beaucoup de... il n'y a pas beaucoup de
barèmes. Est-ce que vous avez la même compréhension que moi? Et aussi je n'ai
pas très bien compris 542.33.
Mme Laberge (Valérie) : Nous
avons la même compréhension.
M. Morin : D'accord.
Donc, à ce moment-là, et il y a d'autres groupes qui nous ont suggéré d'autres
avenues, mais j'aimerais ça avoir votre
opinion là-dessus : Est-ce qu'il ne serait pas plus simple, par exemple,
pour l'État, une fois, évidemment que, bon, l'agression sexuelle est
prouvée, de l'État d'immédiatement compenser la victime et son enfant et de faire en sorte qu'éventuellement
cette somme-là pourrait être récupérée de l'agresseur, mais ce serait
l'État qui le ferait plutôt que de laisser la victime de l'agression sexuelle
le faire devant la cour?
Mme Claveau
(Catherine) : Bien, c'est certain que ça serait plus sain, mais
ce n'est pas une option à laquelle on a... qu'on a imaginée dans nos
solutions. C'est pour ça qu'on est allé plus vers le processus de perception de
pension alimentaire. Mais, effectivement, si
l'État est prêt à avancer les sommes puis, après ça, aller chez l'agresseur
pour se faire rembourser, on ne peut pas être contre la vertu. Si l'État
est volontaire pour faire ça, ça serait effectivement très bien.
M. Morin : Parfait. Et contre
l'efficacité aussi?
Mme Claveau
(Catherine) : Effectivement.
M. Morin : OK. Parfait. Je vous
remercie. Moi, je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Je ne sais pas si
ma collègue a des questions.
Le Président
(M. Bachand) : Ça va? M. le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : J'avais des
questions, mais elles ont trouvé leur réponse. Alors, je vous remercie.
Le Président
(M. Bachand) : C'est beau?
M. Zanetti : Je n'en ai pas
plus.
Le Président
(M. Bachand) : OK. Bon, bien, parlant
d'efficacité, on est efficace. Merci beaucoup d'avoir été avec nous, c'est très
apprécié.
Cela dit, je suspends les travaux jusqu'à
mardi 28 mars 2023, à 10 heures. Merci. Belle soirée!
(Fin de la séance à 17 h 47)