Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mercredi 22 mars 2023
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Vol. 47 N° 6
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d’une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d’un projet de grossesse pour autrui
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Intervenants par tranches d'heure
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Morin, André Albert
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Nichols, Marie-Claude
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Zanetti, Sol
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Bourassa, Kariane
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Schmaltz, Valérie
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Morin, André Albert
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Zanetti, Sol
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Zanetti, Sol
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Bachand, André
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Nichols, Marie-Claude
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Haytayan, Céline
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Schmaltz, Valérie
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Morin, André Albert
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Zanetti, Sol
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Nichols, Marie-Claude
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Haytayan, Céline
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Schmaltz, Valérie
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Morin, André Albert
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Morin, André Albert
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Bachand, André
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Zanetti, Sol
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Nichols, Marie-Claude
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Schmaltz, Valérie
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Haytayan, Céline
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Morin, André Albert
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Zanetti, Sol
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Nichols, Marie-Claude
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Nichols, Marie-Claude
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Schmaltz, Valérie
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Haytayan, Céline
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Morin, André Albert
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Bachand, André
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Morin, André Albert
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Zanetti, Sol
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Schmaltz, Valérie
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Morin, André Albert
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Zanetti, Sol
11 h (version révisée)
(Onze heures quatorze minutes)
Le Président (M.
Bachand) :Bonjour à tous et à toutes.
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de
filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression
sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des
mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel) est remplacée par Mme Gendron
(Châteauguay); M. Lemieux (Saint-Jean), par Mme Picard (Soulanges).
Remarques préliminaires
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Ce matin, nous
allons débuter par les remarques préliminaires, puis après nous entendrons, par
la suite, les organismes suivants : le Réseau des centres d'aide aux
victimes d'actes criminels et le Conseil du statut de la femme.
Avant de débuter, je pense qu'il est
important de le dire, permettez-moi de commencer nos auditions avant d'apporter
des précisions étant donné la nature des propos discutés dans le cadre de ces
consultations. Dans ce contexte, je vous invite à la prudence lorsque vous êtes
amenés à évoquer un cas en particulier afin d'éviter de dévoiler des
renseignements personnels ou confidentiels concernant les personnes impliquées.
En conséquence, je vous invite donc à amorcer les discussions sur le projet de
loi tout en faisant preuve de prudence.
Sur ce, pour les remarques préliminaires, M.
le ministre, pour six minutes.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Oui.
M. le Président, chers collègues, c'est avec enthousiasme que nous entamons
aujourd'hui les consultations particulières sur le projet de loi n° 12
portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant
la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des
personnes victimes de cette agression ainsi que les <droits...
M. Jolin-Barrette :
...matière de filiation et visant la protection des enfants
nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette
agression ainsi que les >droits des mères porteuses et des enfants
issus d'un projet de grossesse pour autrui.
Le droit de la famille concerne et touche
directement chacun d'entre nous à différents niveaux. Nous avons toutes et tous
été l'enfant de quelqu'un, et peut-être songeons-nous aujourd'hui à fonder une
famille ou bien, pour plusieurs d'entre nous, nous sommes déjà parents. Nous
voulons tous ce qu'il y a de mieux pour nos enfants. C'est à eux que nous
pensons quand nous partons travailler le matin, c'est leur bien-être, leur
sécurité et leur avenir que nous avons en tête lorsque nous prenons des
décisions, et c'est ce que nous devons avoir en tête tout au long de nos
travaux sur cette réforme.
Nous aborderons, au cours des prochains
jours, des sujets délicats mais essentiels. Avec le projet de loi n° 12,
nous donnons suite au projet de loi n° 2, qui posait les premiers jalons
d'une importante réforme du droit de la famille lors du précédent mandat. En
plus de reprendre les mesures du projet de loi n° 2 qui n'ont pu être
étudiées, notamment la question de la grossesse pour autrui et la connaissance
des origines en matière de procréation assistée, le projet de loi n° 12
vient corriger une aberration.
L'été dernier, une situation ignoble a été
mise en lumière grâce au témoignage d'une courageuse jeune femme. C'est le cri
du cœur d' Océane, cette jeune femme qui a donné naissance à un enfant à la
suite d'un viol et qui n'a pu empêcher l'agresseur d'établir sa paternité, qui
a permis de lever le voile sur une importante faille dans la loi. Grâce à
Océane, nous venons corriger cela et nous assurer qu'aucune mère n'ait à vivre avec
la peur au ventre qu'un jour leur agresseur cherche à avoir des droits sur leur
enfant.
Avec le projet de loi n° 12, il sera
possible pour une mère dont l'enfant est issu d'un viol de refuser à
l'agresseur l'établissement de sa paternité. Celle-ci pourra également être
retirée si la filiation est déjà établie.
Par ailleurs, nous ne voulons surtout pas
que l'enfant et la mère soient pénalisés financièrement par cette décision.
L'agresseur pourra ainsi être tenu, même en l'absence d'un lien de filiation, à
verser à la mère une indemnité pour l'aider à subvenir aux besoins de l'enfant.
D'autre part, le projet de loi propose un
important rattrapage en ce qui concerne la grossesse pour autrui. Malgré que
des enfants naissent d'une grossesse pour autrui chaque année au Québec, ce
processus n'était ni reconnu ni encadré légalement, contrairement à la majorité
des autres États fédérés du Canada. Le projet de loi institue donc un processus
clair, prévisible et sécuritaire.
En résumé, la femme qui porte l'enfant
conserve l'entière autonomie de disposer de son corps comme elle l'entend. La
femme qui porte l'enfant peut résilier la convention de grossesse pour autrui
unilatéralement en tout temps. La rémunération est interdite, mais le
remboursement de certaines dépenses est admissible. Et les parents d'intention
qui changeraient d'idée en cours de route ne peuvent pas abandonner l'enfant.
Les parents d'intention et la femme qui
prévoit porter l'enfant devront participer à une séance d'information préalable
dans le but de permettre à tous de prendre une décision éclairée. Ainsi, une
convention, dont le contenu sera balisé par règlement, devra être conclue
devant un notaire. Le cadre que nous mettons en place permet de protéger à la
fois le droit des enfants à naître et ceux de la mère porteuse.
Le troisième et dernier volet principal du
projet de loi concerne la connaissance des origines en matière de procréation
assistée. L'accès à la connaissance de ses origines est un besoin fondamental
des enfants. Les experts s'entendent pour dire que celui-ci peut être
déterminant pour le cheminement et le développement de l'identité de chacun.
Rappelons que le projet de loi n° 2,
sanctionné en juin dernier, est venu élargir les règles sur la connaissance des
origines en matière d'adoption. Soulignons aussi que le droit à la connaissance
des origines est devenu un droit fondamental inscrit à la Charte des droits et
libertés de la personne, la charte québécoise.
Dans le projet de loi n° 12, nous
légiférons pour assurer que les enfants qui naîtront d'un don de gamètes ou
d'une grossesse pour autrui puissent, eux aussi, avoir accès à la connaissance
de leurs origines. En somme, nous voulons que tous les enfants puissent
connaître leurs origines et leurs histoires, peu importe la façon dont ils ont
été conçus.
En terminant, nous pourrons entendre au
cours des prochains jours différents experts et groupes se prononcer et nous
partager leurs savoirs sur les grands volets de la réforme. Nous entamons ces
consultations avec ouverture et en ayant toujours en tête l'intérêt de nos
enfants. Je le réitère, les enfants sont ce que nous avons de plus précieux, et
c'est leur intérêt qui doit primer dans toutes les décisions. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député d'Acadie, pour 3 min 36 s,
s'il vous plaît.
M. André Albert Morin
M. Morin : Merci. Merci,
M. le Président. Avec ma collègue la députée de Robert-Baldwin, on est heureux
de pouvoir participer à nouveau aux travaux de la commission sur les
institutions dans le cadre d'un projet de loi qui est, effectivement, très,
très important et qui vise à régulariser, finalement, une situation, parce que,
comme vous le savez, dans le Code civil actuel, toutes les conventions en
matière de grossesse pour autrui, évidemment, sont nulles. Donc, M. le ministre
le soulignait, c'est une réalité qui existe dans les autres provinces du
Canada, et on est d'avis qu'il faut, effectivement, que le législateur
québécois s'intéresse à cette question.
• (11 h 20) •
Je tiens à souligner la présence du Pr
Roy, ancien collègue, distingué chercheur dans le domaine du droit de la
famille. Alors, ça me fait plaisir de le revoir.
Et je vous dirais que ce projet de loi est
un pas dans la bonne <direction...
M. Morin :
...Alors,
ça me fait plaisir de le revoir.
Et je vous dirais que ce projet de loi
est un pas dans la bonne >direction. Vous l'avez mentionné d'emblée, M.
le Président, on va travailler avec des concepts qui sont très importants et
qui... je pense, qu'il ne faut pas mettre en opposition, c'est-à-dire le droit
des femmes à disposer de leurs corps et l'intérêt supérieur de l'enfant. Je
pense qu'il faut travailler puis y voir une interrelation et non pas une
opposition.
Donc, ce projet de loi va tenter,
évidemment, de régler ces situations-là. Cependant, il y a des questions qui se
posent, et c'est la raison pour laquelle, compte tenu du contexte, et des
textes mêmes, et de l'objet du projet de loi, on est heureux de voir qu'on va
entendre plusieurs groupes en commission parlementaire pour augmenter,
accroître, finalement, non seulement notre connaissance, mais s'assurer que le
projet de loi sera le meilleur pour l'ensemble des Québécoises et des
Québécois.
Il y a des questions qui restent cependant
un peu en suspens, puis on aura probablement la chance ou l'opportunité d'en
débattre, par exemple : Est-ce que, dans le cas d'une convention de
grossesse pour autrui, on devrait le permettre lors d'une première grossesse ou
pas? Quel sera le... tout le soutien, les conseils psychologiques qui viendront,
et éthiques, éclairer toutes les personnes qui voudront se lancer, évidemment, dans
un tel projet?
Je suis aussi conscient qu'il faudra
s'assurer, et ça, ça m'apparaît hyperimportant, de bien informer la population
quand, éventuellement, il y aura des modifications au Code civil en ce sens. Pourquoi?
Bien, parce qu'il y a sûrement des gens qui vont tenter de se lancer seuls,
sans conseil juridique à tout le moins, dans cette aventure, dans ce projet, et
donc il faudrait s'assurer que tout soit fait conformément et que les gens,
dans la population, soient bien conscients de ce en quoi ils s'engagent.
Et, à ce moment-là, on peut s'interroger.
On sait que la convention de grossesse sera faite, ou, en fait, selon le projet
de loi, par acte notarié. Est-ce que ça devrait être uniquement un acte notarié?
Est-ce qu'il pourrait y avoir d'autres véhicules juridiques? Est-ce qu'il
serait important, pour bien renseigner la population, de demander aux couples,
aux gens qui veulent avoir ce projet-là d'obtenir, par exemple, un avis
juridique avant, pour être bien conscients de toutes les implications que cela
implique? C'est autant, je pense, de questions, de débats que nous pourrons
avoir dans le cadre des travaux de la commission. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député. Mme...
députée de Vaudreuil, pardon.
Mme Marie-Claude Nichols
Mme Nichols : Merci. Merci,
M. le Président. Alors, bien contente de participer au projet de loi n° 12.
Le droit de la famille, c'est un droit superimportant, c'est un droit qui est
délicat, c'est un droit qui, disons-le, est humain, très humain et, évidemment,
un droit qui est souvent très émotif. Donc, j'imagine qu'il y aura beaucoup
d'émotion, là, durant les travaux du projet de loi n° 12, mais c'est, du
moins, un projet de loi qui, je pense, est essentiel, parce que le droit de la
famille est aussi un droit qui évolue. Et je pense qu'il y a certains...
certaines notions, là, qui se doivent d'être mises à jour. Comme le disait M.
le ministre, là, des situations comme le cas de la jeune Océane, je pense que
ça mérite qu'on s'y attarde puis qu'on mette nos lois à jour.
Comme la plupart, là, des collègues ici et
comme les groupes, là, qui participeront, qu'on entendra lors des auditions,
bien, ça me fera plaisir... Je suis avocate en droit familial, comme ma
collègue de Robert-Baldwin, donc il me fera plaisir, moi aussi, là, de pouvoir
apporter, là, une certaine... une certaine expertise. Puis je suis certaine que
tous ensemble, bien, on va trouver le droit chemin ou, en fait, une façon
d'améliorer le bien-être de notre population.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Et voilà maintenant
le député de Jean-Lesage. M. le député, très heureux de vous voir ce matin.
Alors, la parole est à vous. Je sais que c'est un petit peu à la dernière
seconde, mais je vous laisse faire vos remarques préliminaires, M. le député.
M. Zanetti : Merci, M.
le Président. Je ne ferai pas de remarques préliminaires.
Le Président (M.
Bachand) :Mais je voulais vous donner la
chance, M. le député de Jean-Lesage. Alors, merci beaucoup.
Auditions
Alors, nous allons maintenant débuter avec
notre premier... nos premiers témoins. Alors, je souhaite la bienvenue, bien
sûr, aux représentants, représentantes du Réseau de centres d'aide aux victimes
d'actes criminels. Encore une fois, merci beaucoup d'être avec nous ce matin.
Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Après ça,
on aura une période d'échange avec les membres. Donc, je vous invite d'abord à
vous présenter et à débuter votre exposé. Merci.
Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes
criminels (Réseau des CAVAC)
Mme Villeneuve (Marie-Christine) :
Eh bien, bonjour, tout le monde, mesdames, messieurs. Merci de nous donner
l'opportunité de prendre la parole aujourd'hui puis de se faire entendre au
sujet du projet de loi n° 12. Donc, je me nomme Marie-Christine Villeneuve.
Je suis coordonnatrice aux communications et aux relations <publiques...
Mme Villeneuve
(Marie-Christine) :
...je me nomme
Marie-Christine Villeneuve. Je suis coordonnatrice aux communications et aux
relations >publiques du Réseau des CAVAC.
D'entrée de jeu, peut-être vous dresser un
bref portrait de ce que... de ce qu'est le Réseau des CAVAC. Donc, le réseau
est composé de 17 centres d'aide aux victimes d'actes criminels, qui sont
situés un peu partout au Québec, qui offrent des services gratuits et
confidentiels d'abord, évidemment, aux personnes qui sont victimes directement
d'un crime, ensuite à leurs proches, mais aussi aux témoins d'infractions
criminelles, qui peuvent vivre beaucoup de conséquences. Donc, ces services-là
sont disponibles peu importe l'âge, peu importe le sexe, l'identité de genre
des personnes, peu importe le moment où le crime a lieu et peu importe si la
personne a porté plainte ou non à la police, qu'il y ait un suspect qui ait été
identifié ou non.
On offre un très large éventail de
services, donc l'intervention post-traumatique, l'intervention psychosociale. On
offre également tout l'accompagnement dans le processus judiciaire, la
préparation à un témoignage, l'information sur les droits et recours. On va
aussi pouvoir assister les personnes victimes pour ce qui est de remplir les
différents formulaires, par exemple pour une indemnisation à l'IVAC. On offre
également, dans le cas où on juge qu'il y a un besoin, une orientation vers une
ressource qui sera plus spécialisée ou encore complémentaire à ce qu'on peut
offrir.
L'an dernier, nos équipes ont offert, là,
environ... des services à environ un peu plus de 66 300 personnes, et
ces services-là sont offerts par des équipes d'intervention qui sont composées
principalement de sexologues, de criminologues, de travailleurs et
travailleuses sociaux, de psychoéducatrices également, qui sont membres de
leurs ordres professionnels. Et ces équipes-là sont en place dans les sièges
sociaux, évidemment, mais aussi dans les palais de justice, dans les postes de
police, donc sont là de façon permanente, ce qui permet vraiment une proximité
avec nos partenaires puis de faire en sorte qu'il y ait une excellente
collaboration, une proximité avec ces partenaires-là. Ça constitue donc, chacun
de ces endroits-là, là, 185 portes d'entrée pour les personnes qui ont
accès à nos services.
Donc, comme plusieurs, il faut dire que le
Réseau des CAVAC a été très ébranlé par la situation d' Océane, mentionnée un
petit peu plus tôt, qui a été exposée dans les médias l'été dernier,
particulièrement par cette incongruité dans la loi qui permet ce genre de
situation là, qui ouvre la porte à cette souffrance-là et même... voire à la
continuité de l'agression. Donc, en raison de notre mission, en raison de la
mission du Réseau des CAVAC, on a été interpelés par les conséquences pour les
personnes victimes qui se voient de cette façon-là imposer la présence de leurs
agresseurs dans leur vie et dans celle de leurs enfants. Et on a été interpelés
par les enjeux qui ont donc été mis en lumière par cette prise de parole là.
Donc, c'est vraiment relativement aux
mesures proposées spécifiquement à cet égard-là dans le projet de loi n° 12
qu'on va prendre la parole aujourd'hui et non pas sur les autres dispositions,
là, qui sont prévues au projet de loi. On va s'attarder plus précisément à la
filiation puis à la responsabilité financière, là, relative à un enfant qui est
issu d'une agression sexuelle.
Au Réseau des CAVAC, on est d'avis que le
droit à l'établissement de la filiation devrait être la volonté unique de la
personne victime ou encore de l'enfant qui est issu de l'agression et que ça ne
devrait jamais être un droit pour la personne qui a commis l'agression, étant
donné, là, l'ampleur des impacts pour les personnes victimes, les impacts de ce
crime-là. Par contre, on ne voudrait pas que l'enfant soit privé des droits qui
accompagnent la filiation puis on juge donc nécessaire qu'il puisse se
prévaloir de ses droits s'il le désire, et ce, sans prescription quant au
moment d'en faire la demande.
Finalement, tant que la personne... en
fait, tant pour la personne victime que pour l'enfant qui est issu de
l'agression sexuelle, bien, ces gens-là devraient pouvoir bénéficier de tout
soutien nécessaire, notamment au niveau légal, au niveau psychosocial, en lien
avec les enjeux puis les répercussions que l'exercice des droits qui sont
prévus dans le projet de loi n° 12 pourrait générer.
Donc, pour analyser plus en profondeur les
mesures de filiation et de responsabilité financière, je vais tout de suite
passer la parole à mes collègues. Je suis accompagnée aujourd'hui... j'ai
oublié de le dire, mais de Dave Lysight, qui est directeur général du CAVAC-Mauricie,
et de Jenny Charest, directrice générale du CAVAC-Montréal. Donc, je passe la
parole à mon collègue Dave Lysight.
• (11 h 30) •
M. Lysight (Dave) : Concernant
la filiation, notre souhait serait qu'une personne ayant commis une agression
sexuelle ne puisse, en aucun cas, requérir à l'établissement de sa filiation
auprès d'un enfant issu de cette agression. Nous comprenons évidemment que
cette agression doit, tout d'abord, être prouvée afin de contrer une telle
requête. Dans l'éventualité où une personne ayant commis l'agression a été reconnue
coupable, celle-ci... devant un tribunal criminel, n'y aurait-il pas la
possibilité de créer un automatisme afin de faire en sorte qu'il ne soit tout <simplement
pas possible...
>
11 h 30 (version révisée)
< M. Lysight (Dave) :
...criminel,
n'y aurait-il pas la possibilité de créer un automatisme afin de faire en sorte
qu'il ne soit tout >simplement pas possible pour cette personne de
requérir à l'établissement de la filiation, de prévoir la création d'une passerelle
entre les différentes instances judiciaires afin bloquer ce type de demande?
Nous sommes en faveur de la mesure
permettant de contester la filiation initialement établie entre une personne
ayant commis une agression sexuelle et l'enfant issu de cette agression. Il
n'est pas rare qu'une personne victime prenne plusieurs années avant de
dévoiler ce qu'elle a vécu. Il est, donc, important et essentiel de tenir en compte
tous les aspects sensibles à cette problématique, qui sont observables dans notre
pratique et documentés abondamment en littérature, notamment dans le délai relatif
qui est possible entre l'agression et l'apparition des symptômes, des
conséquences, la force nécessaire également de dévoiler ainsi que dans un
contexte... et la nature de l'agression. Cette mesure est, donc, en cohérence
avec la réalité des personnes victimes et aux mesures permettant leur
rétablissement.
Dans le même sens, l'imprescriptibilité en
matière d'actions relatives à la filiation nous semble alors tout à fait
appropriée. Cette disposition fait, d'ailleurs, écho aux modifications des
dernières années relatives à l'abolition de la prescription en matière de
recours civil ou encore en matière d'indemnisation des personnes victimes
d'infractions criminelles d'ordre sexuel.
Nous considérons important et pertinent
que les mesures relatives à la filiation ne soient pas tributaires que simplement
d'une condamnation de la personne ayant commis l'agression sexuelle par un
tribunal d'instance criminelle. En effet, il est bien connu et documenté que
plusieurs victimes d'agression sexuelle ne dénoncent pas ce qu'elles ont vécu
aux autorités.
Il nous semble ainsi approprié que les
dispositions législatives proposées mentionnent explicitement qu'un jugement reconnaissant
l'existence d'une agression sexuelle pourra faciliter la preuve devant une
instance civile. Cependant, et nous soulignons que nous ne sommes pas juristes,
nous avons des préoccupations quant à l'évaluation ou au traitement qui serait
fait, devant un tribunal civil, d'un acquittement en matière criminelle. Nous
comprenons que le fardeau de la preuve est différent des deux instances. Un
acquittement devant une instance criminelle ne signifie pas nécessairement
qu'une agression n'a pas eu lieu. Il sera, donc, important et primordial d'en
tenir compte.
Nous comprenons que la survenance de cette
agression sexuelle devra être démontrée soit par prépondérance de preuve, selon
les mêmes principes qu'une personne victime qui pourrait... qui poursuivrait la
personne l'ayant agressée devant un tribunal civil.
Ces enjeux de preuve nous préoccupent,
dans un contexte où ce type d'agression se produit dans presque tous les cas
dans l'intimité, à l'abri des regards de témoins qui pourraient corroborer les faits.
Finalement, nous comprenons la prise en
compte de l'intérêt de l'enfant à l'article 542.22, mais il nous semble
que, dans le cas particulier d'une naissance à la suite d'une agression
sexuelle, l'intérêt de la personne victime devrait également être pris en
compte. Encore plus dans la situation où la personne victime est titulaire de
l'autorité parentale et qu'elle a la garde de l'enfant, particulièrement
lorsque l'enfant est en bas âge et n'a jamais eu de contact avec l'auteur du
crime. En raison du contexte si particulier de la naissance de cet enfant, le
bien-être de cette personne victime qui est central et l'intérêt de l'enfant devraient
être nécessairement pris en compte et en considération.
Il est également essentiel que la personne
victime ou l'enfant issu d'une agression sexuelle soient informés de la
possibilité que le jugement sur la filiation autorise le changement de nom
auprès de la Direction de l'état civil. Le fait de porter le nom de l'agresseur
peut être très dommageable, voire un élément de revictimisation quotidien
autant pour la personne victime que pour l'enfant né des suites de l'agression.
Il nous semblerait approprié de prévoir
des mesures visant les mêmes objectifs que les articles 542.2, 542.9, al. 1,
en matière de procréation assistée, pour l'enfant issu d'une agression sexuelle
dont la filiation est établie. Nous comprenons bien qu'il n'y a ici pas d'enjeu
d'informations détenues par une tierce organisation qui pourraient... dont l'information
pourrait être malencontreusement divulguée à l'enfant. Cependant, nous avons le
souci que, lorsque l'information sera transmise à l'enfant, si elle l'est,
qu'elle le soit en réponse à ses besoins, de façon adéquate, toujours en
respect de son âge, de ses étapes de développement, mais surtout avec le
soutien nécessaire pour la personne victime, mais aussi pour l'enfant.
Il nous semble impératif, et ce, même si
ça ne fait pas l'objet du projet de loi actuel qui est en étude, que cet enfant
soit <considéré...
M. Lysight (Dave) :
...Il
nous semble impératif, et ce, même si ça ne fait pas l'objet du projet de loi
actuel qui est en étude, que cet enfant soit >considéré comme une
personne victime au sens de la Loi visant à aider les personnes victimes
d'infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Très bon
timing. Honnêtement, vous êtes bien... vous avez bien fait ça. M. le ministre,
période d'échange, pour une période de 16 min 30 s.
M. Jolin-Barrette : Merci,
M. le Président. Mme Charest, M. Lysight, Mme Villeneuve, merci
de votre présentation et de vous rendre disponibles, que le Réseau des centres
d'aide aux victimes d'actes criminels vienne présenter son point de vue en
commission parlementaire.
D'entrée de jeu, je vous remercie, parce
que vous apportez un éclairage et votre expertise relativement au soutien aux
personnes qui sont victimes, avec le réseau, dans toutes les régions du Québec.
Puis je peux dire que vos intervenants, je le constate depuis que je suis
ministre de la Justice, font un très bon travail d'accompagnement, de soutien,
et je pense qu'on... il faut le saluer. Vous êtes une référence auprès des
personnes victimes, vous les aidez notamment à ce qu'à la cour, ça se passe
bien aussi, puis votre présence est extrêmement sécurisante pour les personnes
victimes. Alors, je tiens à vous remercier.
Dans le cadre du projet de loi n° 12,
ce qu'on souhaite faire, c'est vraiment donner le choix à la personne qui est
victime du viol de déterminer, en sa qualité de tutrice de l'enfant, quelle est
la meilleure option pour sa situation familiale, ce qu'elle souhaite. C'est
pour ça que, dans le projet de loi, il y a différents scénarios qui peuvent
être envisagés par la personne victime de viol.
Je donne un exemple. Il pourrait y arriver
que la personne victime elle-même décide de vouloir établir la filiation de son
enfant avec monsieur. Mais, par contre, on est venu faciliter le recours à la
déchéance de l'autorité parentale automatiquement pour faire en sorte qu'il n'y
ait pas de lien de garde et d'autorité parentale sur l'enfant, ce qui voudrait
dire que, dans ce cas-ci, la victime pourrait demander une pension alimentaire
régulière à monsieur. Ça pourrait être un choix qui est envisagé par la
victime.
Dans l'éventualité où madame ne veut pas
avoir... qu'un lien de filiation soit établi entre son enfant et l'auteur de
l'infraction criminelle, bien là, à ce moment-là, c'est là que le mécanisme d'indemnité
s'applique. Donc, objection à la filiation, mécanique d'indemnité, mais
également sur les droits successoraux de l'enfant, où est-ce qu'on voulait
s'assurer que l'enfant ne perde pas ses droits successoraux.
J'aurais une question pour vous, où on est
dans le scénario sur le critère de l'intérêt de l'enfant, parce que vous avez
dit, dans vos propos : Le critère s'ajoute lorsqu'il y a déjà
établissement de filiation. Exemple, en matière de violence conjugale, où il y
a un viol conjugal, puis que les parties sont ensemble depuis un certain temps,
puis que madame ne réussit pas à s'extirper de la relation toxique depuis
plusieurs années. Mais supposons qu'elle réussit à le faire après trois ans, à
ce moment-là, l'enfant connaît son père, a établi des liens, vit... font vie
commune, supposons, et c'est pour ça qu'on est venu mettre le critère de
l'intérêt de l'enfant pour briser la filiation. Mais, vous, ce que vous nous
dites, c'est que l'intérêt de la victime devrait être pris en considération,
même si la filiation, elle était déjà établie. C'est bien ça que j'ai compris?
M. Lysight (Dave) : Tout à
fait.
M. Jolin-Barrette : OK.
Mme Charest (Jenny) : Oui,
tout à fait, si vous me permettez. En fait, l'intérêt de la personne victime...
En fait, la personne victime, c'est aussi dans l'intérêt de l'enfant, parce
que, plus la personne victime va arriver à favoriser son rétablissement, plus
elle va être en mesure aussi de soutenir l'enfant. Et une personne victime qui
est directement en lien avec un agresseur, on peut parler que ça peut limiter
ses compétences parentales aussi et ça peut limiter la capacité d'offrir à son
enfant l'environnement le plus facile et le plus optimal pour son
développement.
M. Jolin-Barrette : OK.
Mme Charest (Jenny) : Alors,
oui, c'est clair. Si je peux me permettre, justement, un des éléments qui nous
est apparu et dont on n'a pas eu le temps de parler au niveau du financement,
hein, des mesures financières qui nous apparaissaient quand même très, très
pertinentes, mais un des éléments qu'on voyait qui manquait, justement, c'était
le bout de... on parle de l'intérêt de l'enfant, la personne victime n'a pas de
prescription pour faire différentes actions en lien avec sa victimisation; quand
on parle de l'enfant issu d'une agression sexuelle, il y a une prescription
liée au fait qu'il est mineur.
• (11 h 40) •
Donc, la personne adulte qui serait issue
d'une agression sexuelle n'a pas les mêmes droits dans le projet de loi actuel
que si elle était mineure, que sa mère, en fait... parce que cette personne-là,
un des éléments qu'on se disait, c'est qu'elle n'est pas, actuellement, en tout
cas, selon notre compréhension, <reconnue...
Mme Charest (Jenny) :
...disait,
c'est qu'elle n'est pas actuellement, en tout cas, selon notre compréhension, >reconnue
comme une personne victime au sens de la LAPVIC, donc elle n'a pas droit à
toutes les indemnisations de l'IVAC. Donc, on pense à une situation, par
exemple, où l'agression sexuelle devient connue seulement à l'âge adulte, donc
un jeune homme, une jeune femme qui apprend que, finalement, sa naissance est
issue d'un viol. Et ça, on le voit régulièrement chez une personne victime qui
ne me nomme pas, ça peut être dans un contexte conjugal, comme aussi dans un
contexte où c'est un lien autre, je dirais, et qui ne s'est pas poursuivi, mais
cette personne-là, nous, on le constate, va avoir beaucoup d'impacts, va avoir
exactement les mêmes réactions, les mêmes conséquences qu'une personne victime.
Alors, je pense que, dans les éléments...
les mesures qui ont été choisies, qui ont été identifiées sont très novatrices
et pertinentes, mais je pense qu'il faut aussi avoir une attention particulière
par rapport à cette situation-là, dans la perspective de reconnaissance de
personnes victimes.
Mme Villeneuve (Marie-Christine) :
Oui, Jenny, puis peut-être juste pour ajouter, parce que, dans le cas où,
effectivement, la personne adulte l'apprend à l'âge adulte, non seulement elle
n'a pas de recours au niveau du projet de loi qui est prévu présentement, mais
elle n'est pas reconnue comme une personne victime, donc elle se retrouve un
peu, là, sans aide, à ce moment-là. Puis, comme Jenny l'a indiqué, les
conséquences peuvent être très importantes pour cette personne-là qui apprend
une nouvelle qui peut complètement chambouler sa vie, on le comprend.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
juste pour apporter certaines précisions, sous la loi sur l'indemnisation des
personnes victimes, dans le fond, l'enfant peut présenter une demande de
qualification en tant qu'enfant de la personne victime. Donc, il y a des offres
de soutien psychologique, notamment, psychothérapique, puis certaines aides
financières qui sont offertes en tant que soutien de la personne qui est
victime, donc qui est au niveau de sa cellule familiale. Ce n'est pas lui qui
est victime de l'infraction criminelle, mais je comprends ce que vous demandez,
vous voudriez qu'on le considère comme personne victime directement.
L'autre point...
Mme Charest (Jenny) : Oui,
parce que...
M. Jolin-Barrette : Allez-y,
allez-y.
Mme Charest (Jenny) : Oui,
oui, tout à fait, vous avez raison, on ne dit pas du tout qu'il n'y a pas de
soutien, mais on pense que cette personne-là devrait être considérée de la même
façon, que le fait d'être issu d'une agression sexuelle devrait être considéré
comme une victimisation directe.
M. Jolin-Barrette : OK.
Sur l'autre point, quand vous disiez : Il y a une prescription
relativement au fait que, exemple, l'indemnité, elle est prescrite... en fait,
il y a un délai de prescription de trois ans en haut de 18 ans, mais, en
fait, jusqu'à 18 ans, le titulaire de l'autorité parentale, c'est lui qui
présente la demande. Au-delà de 18 ans, bien, en fait, c'est si la
personne, elle est à charge, donc, il peut aller avec trois ans de
rétroactivité. Ça fait que, exemple, supposons que l'enfant a 21 ans et là
présente sa demande à ce moment-là, bien, il va couvrir sa période antérieure
quand même, de 18, 19, 20 ans, 21 ans et plus, pour le futur également,
jusqu'à son 25e anniversaire, supposons qu'il est à charge aussi. Ça fait
que je tiens à vous rassurer sur ce volet-là également.
Je serais curieux de savoir, est-ce que,
selon votre expérience, vous, vous avez vécu, dans vos réseaux, ce genre de situation
là qui a été vécu par Océane, sur le terrain, là, des victimes comme ça, des
enfants issus puis des gens qui tentaient d'établir leur filiation qui avaient
agressé sexuellement une femme.
M. Lysight (Dave) : De notre
côté, je vous dirais que c'est... comme ma consœur Jenny le mentionnait,
effectivement, c'est des situations qui nous arrivent quand même assez
fréquemment, mais... comment je pourrais vous dire, on ne... les personnes
victimes qui ont... comment je pourrais dire, qui ont eu ce type de situation,
en fait, ça prend vraiment énormément de courage, énormément de détermination
avant de pouvoir frapper à la porte, dans le fond, parce que, justement,
c'est... comme je le nommais tout à l'heure, tu sais, c'est tout le caractère
intime, hein, de tout ça. Puis je ne sais pas si Jenny voudrait rajouter
quelque chose.
Mme Charest (Jenny) : Oui.
En fait, j'ai envie de vous dire qu'il y a toutes sortes de situations, et ce
qu'on constate beaucoup dans nos services, ce sont des personnes qui réalisent
avoir été victimes d'une agression, c'est... la personne ne l'a pas réalisé
tout de suite. On le voit beaucoup, dans les dernières années, avec le
phénomène de #moiaussi où les gens mettent des mots sur des situations, alors
que ces personnes-là vivaient des conséquences depuis plusieurs années mais
n'avaient pas été en mesure d'identifier que c'était en lien avec ça. Et ça, on
le constate régulièrement.
Vous avez parlé de violence conjugale,
donc de violence sexuelle à l'intérieur de situations de violence conjugale, ça,
on l'a de manière presque quotidienne, où les gens doivent vivre avec les
impacts de ça. Une fois que la personne, comme vous l'avez dit, est sortie de
la <relation...
Mme Charest (Jenny) :
...vivre
avec les impacts de ça. Une fois que la personne, comme vous l'avez dit, est
sortie de la >relation, le fait de voir et d'identifier la violence
sexuelle comme étant au cœur du couple et des conséquences qui ont été vécues,
je pense que c'est hyperimportant de s'assurer, en fait, que ces personnes-là,
lorsqu'elles décident, les femmes victimes de poursuivre et d'aller chercher
les éléments, quand on parlait tantôt de passerelle, de s'assurer aussi qu'on
facilite le parcours de cette personne-là qui réalise qu'elle a été victime et
qui veut faire valoir ses droits.
Donc, oui, on le constate régulièrement.
Comme Océane, une situation comme celle-là, on ne l'a pas constatée, nous, à
Montréal. C'est quand même... c'est assez rare. Mais, en même temps, combien de
personnes ne sont pas venues nous voir et l'ont vécu et n'osaient pas aller sur
la place publique ou aller consulter, ne connaissant pas leurs droits en fait?
Donc, j'ai envie de vous dire que le fait de proposer un projet de loi comme
celui-là, ça va faire en sorte que ces personnes-là vont venir consulter.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Écoutez, je vous remercie. Je sais que mes collègues souhaitent vous poser des
questions. Alors, un grand merci pour votre présence en commission
parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Oui,
merci beaucoup. Merci beaucoup de votre temps pour un sujet aussi sensible.
Bon, vous avez dit que c'est malheureusement fréquent qu'il y ait des
grossesses qui sont issues d'actes criminels, d'actes sexuels. Le Québec n'en
fait pas exception, mais ça doit se voir ailleurs. Alors, j'aimerais savoir,
est-ce qu'il y a d'autres États ou d'autres endroits où on a utilisé une
gestion financière pour limiter le contact entre les victimes puis les
agresseurs? Est-ce que ça a été... Comment c'était structuré? Est-ce que ça a
été un succès? Est-ce que vous avez des références extérieures?
Mme Villeneuve (Marie-Christine) :
Je ne sais pas si mes collègues ont une réponse, Jenny, mais je ne crois
pas qu'on ait fait cet exercice-là.
Mme Charest (Jenny) : Non.
J'ai envie de vous dire qu'on n'est pas allés fouiller si ça existait ailleurs,
on est plus allés, nous, dans la perspective de comment faire pour mettre en
place différentes modalités pour faciliter les choses, parce que ce qu'on
constate parfois, c'est que, quand un droit est là mais trop compliqué à faire
valoir ou trop compliqué dans le quotidien de la personne, bien, ça va arriver
fréquemment que la personne va finalement décider de ne pas tenter de le faire
valoir, ce droit-là. Et ce qu'on constate, c'est que ça ne va pas répondre non
plus au droit au rétablissement.
La loi sur l'aide aux personnes victimes
d'infractions criminelles vise à favoriser le rétablissement. Alors, on se dit
que, si des droits sont mis en place, mais qu'on ne facilite pas les choses, ça
va être plus complexe. Mais on pourrait certainement aller voir si ça existe
ailleurs pour trouver des façons, parce qu'on pense que c'est vraiment un
élément qui pourrait faire en sorte que les personnes utiliseraient ces
mécanismes-là et iraient plus faire valoir leurs droits, et ça redonnerait un
certain pouvoir aux personnes victimes.
Rappelons-nous que, quand on parle de
violence sexuelle, on parle quand même de pouvoir, on parle d'abus. Donc, il
faut aussi tenir compte de ça dans notre façon de mettre en place, là, tout ce
qui est possible pour soutenir.
Mme Bourassa : Il reste
quelques minutes. J'aimerais vous entendre sur la proposition que ce soit un
montant unique et non un genre de pension alimentaire pour éviter, justement,
le contact victime-agresseur. À quel point c'est important de limiter dans le
temps les contacts entre la victime et l'agresseur?
• (11 h 50) •
Mme Charest (Jenny) : Je
peux y aller encore. En fait, on a envie de vous dire que ce qu'on constate,
c'est qu'il y a toutes sortes de situations. On l'a vu, justement, avec IVAC où,
parfois, c'est des forfaits ou, parfois, c'est, justement... c'était une rente
auparavant, et tout. On aurait envie... j'aurais envie de dire que ça dépend de
la situation, qu'un montant pourrait ne pas répondre à tous les besoins d'un
enfant. Ça pourrait faire en sorte que la personne va l'utiliser, et, ensuite,
l'enfant... Si on pense à l'intérêt de l'enfant pendant 18 ans, est-ce
qu'il va avoir accès à cet argent-là ou va pouvoir être soutenu de manière plus
concrète pendant plus longtemps? Mais, dans certaines situations, il vaut mieux
que ce soit un montant unique, et la personne, à ce moment-là, pourra le gérer.
Mais c'est pour ça qu'on s'enlignait, nous, plus vers une façon de faire qui
favoriserait de limiter le lien entre la personne... le père et la personne
victime, mais qui pourrait continuer de répondre aux besoins de l'enfant.
Un enfant peut vivre toutes sortes de
choses aussi dans sa vie, peut se retrouver avec une maladie. Un enfant qui est
<issu...
Mme Charest (Jenny) :
Un
enfant peut vivre toutes sortes de choses aussi dans sa vie, peut se retrouver
avec une maladie. Un enfant qui est >issu d'une agression sexuelle, on
peut penser qu'il n'est pas nécessairement toujours dans les meilleures
conditions, donc d'aller à une fois plutôt que sur une longue période pour
assurer de répondre aux besoins de cet enfant-là n'est pas toujours la bonne
façon...
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Le temps est très...
Mme Charest (Jenny) :
...mais c'est une façon pour limiter le lien, c'est clair.
Le Président (M.
Bachand) :...passe très rapidement. Mme
la députée de Laval-des-Rapides, pour 1 min 30 s.
Mme Schmaltz : Vimont.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Vimont. Non,
mais c'est parce que j'avais...
Mme Schmaltz : OK.
Parfait. En fait, vous savez, souvent, quand un enfant est adopté, on lui dit
très rapidement, quand un enfant est issu d'une insémination, la même chose, au
même titre qu'un enfant dont le père est décédé, on lui apprend très
rapidement, là, les... ce genre d'événement là. Pensez-vous qu'un enfant issu,
on va dire, par un viol, devrait être rapidement mis au courant de cet état de
fait? Justement, peut-être pour... je sais que c'est votre deuxième
préoccupation par rapport à l'âge, là, notamment, est-ce que ça ferait en sorte
que ce serait peut-être plus facile de... d'évoluer là-dedans, là, pour le
reste...
Le Président (M.
Bachand) :En 30 secondes, s'il vous
plaît. Merci. Désolé.
Mme Villeneuve (Marie-Christine) :
Je ne sais pas si... Je peux peut-être débuter rapidement, là, puis mes
collègues compléteront, mais je pense qu'il faut, dans cette situation-là,
prendre compte aussi la position où la personne victime... Dans les exemples
que vous donnez, ce sont des personnes qui n'ont pas été victimes d'un crime,
donc qui sont dans une situation autre où le traumatisme qui a été suscité par
le crime ne vient pas jouer dans la situation. Donc, oui, il faut prendre en
compte est-ce que l'enfant est prêt, est-ce que ce serait bénéfique pour lui
d'apprendre cette nouvelle-là, mais il faut aussi considérer que la personne
qui est victime, elle aussi vit toutes sortes d'émotions et toutes sortes de
conséquences en lien avec le crime, donc l'origine, finalement, de... du
problème, si je peux dire ça comme ça. Donc, c'est une situation qui est
différente, et, à ce moment-là, je pense qu'il faut quand même prendre en
compte la personne victime et ce qu'elle ressent.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Je cède
maintenant la parole au député de l'Acadie pour 9 min 54 s.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Merci d'être là et de nous aider dans notre réflexion en ce qui a
trait à ce projet de loi. J'aimerais comprendre, mais, enfin, j'espère que vous
allez pouvoir m'éclairer. Une personne est victime d'une agression sexuelle,
dans ce cas-ci, une femme, donc elle peut déposer une demande pour être
indemnisée en vertu de la loi. C'est exact? Et ça, ça peut s'échelonner sur
plusieurs années, tout dépendant de son traumatisme et de ce qui peut être fait
pour l'aider à survivre à cet événement. C'est exact?
Mme Charest (Jenny) : Oui.
M. Morin : Merci.
Mme Charest (Jenny) : C'est
exact pour le régime d'indemnisation, oui.
M. Morin : Parfait. Si
cette femme victime d'agression sexuelle a un enfant, est-ce que l'enfant, lui,
se qualifie, selon la loi, pour être aussi indemnisé?
Mme Charest (Jenny) : Ce
qu'on comprend actuellement, c'est que cet enfant peut obtenir un soutien
psychologique, il y a certains éléments, mais il est perçu comme un proche,
donc une victime indirecte, et peut recevoir, mais pas la même chose que la
personne victime qui est, à ce moment-là, sa mère.
M. Morin : Je comprends
que, donc, dans le régime législatif, il ne pourrait pas recevoir, par exemple,
les mêmes indemnités ou montants que la victime elle-même. C'est exact?
Mme Charest (Jenny) : C'est
notre compréhension de la loi, en fait.
M. Morin : Et, si la
personne, si l'enfant, on lui apprend qu'il a été victime d'un crime mais une
fois rendu à l'âge adulte, et qu'il a des séquelles, est-ce qu'il peut être
indemnisé en vertu de la loi?
Mme Charest (Jenny) : Ce
serait probablement, puis vous pourrez me corriger, là, si je me trompe, ce
serait probablement à titre de proche et non pas de victime directe. Et c'est
exactement ce qu'on soulignait, nous, en fait, la distinction qui crée, pour
nous, une différence entre la personne victime et l'enfant, donc, pour
s'assurer que cette personne-là puisse recevoir le même... les mêmes
prestations, les mêmes services, qu'il ait les mêmes droits, en fait, pour
aider à son rétablissement.
Mme Villeneuve (Marie-Christine) :
On est conscient, c'est ça, que ça ne fait pas nécessairement partie du
sujet en tant que tel du projet de loi, mais, en révisant tout ça, on trouve
qu'effectivement il faudrait que cette personne-là soit aussi considérée comme
une personne victime directement du crime, là.
M. Morin : D'accord.
C'est un excellent point, parce que, quand on regarde le projet de loi, et peut-être
que je comprends mal la <mécanique...
M. Morin :
...
D'accord.
C'est un excellent point,
parce que, quand on regarde le
projet
de loi, et
peut-être que
je comprends mal la >mécanique du
projet de loi, mais, quand on regarde l'article 19, notamment à
l'article 542.33, et qu'on parle de la responsabilité financière visant
les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle, donc je comprends que
l'enfant qui naît suite à une agression sexuelle, et dont, par exemple, la mère
a des besoins pour élever cet enfant-là, cet enfant-là a des besoins, donc,
l'option qui est prévue dans le projet de loi, en fait, c'est de... qu'il ait
éventuellement une indemnité, mais ce ne sera pas en vertu de votre loi, donc
ils vont devoir s'adresser aux tribunaux de droit commun.
Mme Charest (Jenny) : Oui.
Bien, en fait, c'était notre compréhension et c'était, justement, les
articles 542.33 et 542.34 qui nous ont interpelés, parce qu'en fait le
projet de loi, on le trouve très, très pertinent et complet. Et nous, on s'est
attardés sur certains éléments qui, dans notre pratique et notre expérience,
nous sont apparus comme étant peut-être moins... répondant moins aux besoins.
Parce qu'on peut quand même penser qu'une personne va l'apprendre... là, on
comprend que ça peut aller jusqu'à 25 ans. Mais de voir quelqu'un qui
apprend qu'il est issu d'un... qu'elle est issue d'un viol, même si c'est à
35 ans, on peut penser que cette personne-là ne sera plus en mesure de
travailler pendant une période, peut avoir exactement les mêmes symptômes, peut
être en stress post-traumatique. Donc, on trouvait qu'il y avait une petite
limite à ce niveau-là dans le projet de loi, qu'on aimerait voir changer pour
s'assurer qu'on réponde entièrement à ce qu'on disait. Et, oui, on parle de
l'intérêt de l'enfant, mais de l'enfant devenu adulte, qui finalement ne
pouvait pas savoir. Mais, en fait, dans notre réalité, ce qu'on dit, c'est que
les gens vont nous nommer : Je savais qu'il y avait quelque chose, mais je
ne savais pas quoi. Et ça, on le constate régulièrement.
M. Morin : Exact. Et
donc dans le cas, par exemple, d'un enfant qui serait adulte, qui a des
séquelles, bon, vous avez dit, par exemple, qu'il ne peut pas travailler, donc
cette personne-là ne peut pas être indemnisée en vertu de votre loi, donc il
faut absolument qu'il s'en remette aux tribunaux de droit commun. Et on dit
dans la loi ou dans le projet de loi, jusqu'à l'atteinte de son autonomie et,
évidemment, on parle de contribuer en parlant d'une indemnité. Et là ma
compréhension du projet de loi, c'est qu'il y aura un débat judiciaire pour
déterminer quelle est l'indemnité.
Si la mère, par exemple, vit dans la
précarité ou n'a pas d'argent, on espère que le régime d'aide juridique va
pouvoir l'aider, parce que, sinon, elle ne sera pas indemnisée par vous, en
fait, pas l'enfant; elle, comme victime, oui, mais l'enfant, pas nécessairement.
Puis, si elle n'a pas d'argent puis l'aide juridique ne l'aide pas, bien, il
n'y aura pas d'indemnité. Est-ce que je comprends... vous comprenez ça comme
moi ou s'il y a quelque chose que j'échappe?
Mme Villeneuve (Marie-Christine) :
Bien, en fait, quand vous parlez d'indemnité pour l'enfant qui est issu du
viol, comme on mentionnait, il ne sera pas perçu comme une personne directe,
mais il va quand même pouvoir avoir accès à un certain soutien, avoir accès à
une certaine indemnité, mais comme proche de la personne victime, donc comme
proche de la personne qui a été agressée sexuellement, qui a été victime du
viol, mais effectivement pas à la hauteur puis de l'ampleur que la personne
victime, ce à quoi elle pourrait avoir accès, là.
M. Morin : Parfait. Je
vous remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Jean-Lesage,
s'il vous plaît.
M. Zanetti : Oui, merci,
M. le Président. Merci à vous d'être présents pour nous faire part de votre
avis et votre expérience sur tout ce qu'il se passe. J'ai deux questions pour
vous. J'ai combien de temps, M. le Président, hein?
Le Président (M.
Bachand) :Un peu plus de trois minutes.
M. Zanetti : Trois
minutes. Parfait. La première, ça porte sur ce que vous dites à la page 5
de votre mémoire, dans le paragraphe du milieu de la conclusion... attendez,
pas 5, 7, vous dites : «Cet enfant ne devrait toutefois d'aucune façon
être privé des droits auxquels il aurait autrement droit si la filiation était
établie, s'il le désire, et ce, sans prescription quant au moment d'en faire la
demande.» Quel droit de plus, là, est-ce qu'il aurait, si la filiation est
établie? Puis dans quel genre de circonstances vous pensez que l'enfant
pourrait vouloir ça?
• (12 heures) •
Mme Villeneuve (Marie-Christine) :
Bien, je pense que ça fait référence vraiment à l'aspect financier de la
chose, c'est-à-dire que, quand la filiation est établie, il peut y avoir un
certain accès, comme pour... si on parle en termes de pension alimentaire.
Donc, à ce moment-là, on ne voudrait pas que de... avec ce projet de loi là,
quand on permet, en fait, à la personne victime, à l'enfant de ne pas vouloir
aller de l'avant avec la <filiation...
>
12 h (version révisée)
< Mme Villeneuve
(Marie-Christine) :
...de loi là, quand on permet, en fait, à la
personne victime, à l'enfant de ne pas vouloir aller de l'avant avec la >filiation,
qu'elle soit privée de cet aspect financier là, donc du droit à cette ressource
financière là. Donc, à ce moment-là, ça devrait être vraiment au... par rapport
au désir de la personne victime et de l'enfant. Puis on précise : sans
prescription, encore une fois, de pouvoir avoir accès à cette... je donne comme
exemple pension alimentaire ou autre droit qui pourrait venir avec la filiation.
Mais peut-être que mes collègues veulent compléter, là.
Mme Charest (Jenny) : Oui.
Bien, c'est exactement ça, quand on parlait de non-prescription, donc de voir le
projet de loi dans une perspective où c'est : on ne doit pas limiter l'enfant,
peu importe son âge, peu importe qu'il y ait filiation ou non, dans la
perspective d'assurer qu'il a un certain droit. Parce qu'on constate que des
personnes peuvent se retrouver avec toutes sortes d'autres problématiques et ne
pas être si autonomes, finalement, ou à avoir des problèmes de santé mentale. C'est
des choses qu'on constate. Là, on parle d'expérience, on n'est pas allé voir
dans la littérature. Mais, spontanément, je penserais que ça ressort aussi, où
il y a d'autres situations précaires où les gens se retrouvent, là. Et une
personne issue d'un viol, dans un milieu plus difficile, pourrait avoir besoin
d'un soutien autre, peu importe son âge.
M. Zanetti : Merci. J'ai
30 secondes. Je vous pose ma dixième question super vite : Vous
parlez d'un automatisme qui... un mécanisme automatif qui pourrait être utilisé
pour empêcher la possibilité, là, que l'auteur de l'agression demande la
filiation, comment ça s'opérationnaliserait? Puis à partir de quels critères
on... cet automatisme-là serait déclenché?
M. Lysight (Dave) : Je pense
que la voie des tribunaux spécialisés est déjà une voie, déjà en partant, là,
par rapport à qu'est-ce qui pourra se faire. Parce que c'est en construit,
comme vous le savez, actuellement avec les projets pilotes qui sont en place. Mais,
effectivement, je pense que ça pourrait être une voie, là, qui pourrait être
exploitée davantage, là.
Le Président (M.
Bachand) : ...député. Oui.
M. Zanetti : Ah! bon. Bien,
continuez si vous avez d'autres choses à dire.
Mme Charest (Jenny) : Oui.
Bien, en fait, on se disait : À partir du moment où les choses sont
prouvées, à partir du moment où les éléments sont clairs, est-ce qu'il n'y
aurait pas une façon de faire, quand une personne fait la demande, pour avoir
un registre qui fait en sorte que déjà cette demande est bloquée à partir du
moment où on a l'information? Je pense qu'il y aurait une réflexion à faire
pour voir quels sont les mécanismes qui pourraient être mis en place pour
assurer que l'information circule d'un ministère à l'autre quand il y a déjà
une accusation, quand les choses sont prouvées. C'est clair que, pour nous, on comprend
bien que la... ce doit se faire dans le cadre légal, mais on sait que ça
existe, donc que cette personne-là pourrait être bloquée dès le départ. Et ne pas
apporter la situation à la personne victime et lui faire vivre d'autres choses,
une revictimisation ou une victimisation secondaire... Parce que ce qu'on
entend souvent, ce type de choses là va faire en sorte que les gens n'ont plus,
après, confiance dans le système de justice. Et c'est ça qu'on veut éviter.
Mme Villeneuve (Marie-Christine) :
Je pense que, par l'automatisme aussi, ce qu'on veut éviter, c'est que la
personne victime ait cette démarche-là aussi qui s'ajoute, là, sur ses épaules
parce que ça peut être lourd à porter aussi. Donc, par un automatisme, lorsque,
comme Jenny l'a dit, les choses sont déjà constatées, sont déjà établies, si on
peut aller de l'avant tout de suite et, en bloquant cette demande-là, ça peut
peut-être enlever un petit poids, là, sur les épaules de la personne victime.
M. Zanetti : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :...Mme la députée de Vaudreuil, pour 4 min 48 s.
Mme Nichols : Ah! merci
beaucoup, merci beaucoup, M. le Président. Bien, d'abord, je tiens à vous
remercier. Merci de votre participation aux consultations particulières. Ça apporte
évidemment un éclairage.
J'ai compris votre position sur la
notion... bien, sur l'intérêt de la personne victime, là, qui devait être
évidemment, là, pris en compte. Ça, ça va, ça, j'ai compris votre position.
Là où j'avais une question, puis vous en....
vous l'avez abordée, là, avec le ministre, puis, peut-être, si vous pouviez me
résumer, c'était en lien avec la prescription. Il y a le... Dans la partie où
vous parlez de la responsabilité financière, là, vous vous interrogez, entre
autres, à savoir pourquoi les recours prévus aux articles, là, 542.33, 542.34
sont imprescriptibles. J'aimerais ça que vous puissiez nous résumer votre position.
Mme Charest (Jenny) : Oui.
Bon. En fait, c'est que, justement, on parle de la prescription s'arrête
quand... jusqu'à l'autonomie de l'enfant issu du viol. Donc, pour nous, la <notion...
Mme Charest (Jenny) :
...on
parle de... la prescription s'arrête quand... jusqu'à l'autonomie de l'enfant
issu du viol. Donc, pour nous, la >notion d'autonomie est très large,
qu'est-ce que ça veut dire. Et on trouvait que ça limitait l'accès à un droit,
du fait que cette personne-là n'est pas reconnue comme une personne victime,
alors que finalement, le fait d'être issu d'une agression sexuelle, c'est pour
nous une victimisation. Donc, c'est vraiment cet élément-là qui fait qu'on
pense que certaines personnes pourraient se retrouver à ne pas avoir de droits
et à avoir les mêmes conséquences que la personne victime ou qu'un autre enfant
qui aurait appris la situation, mais à l'intérieur des délais. Donc, cette
prescription-là, pour nous, pourrait causer un préjudice et cause aussi une
iniquité à l'intérieur pour les personnes victimes du même crime, en fait.
Mme Nichols : Puis vous
suggérez le retrait de cette prescription-là ou de lui donner plus de
l'encadrer autrement?
Mme Villeneuve (Marie-Christine) :
Bien, en fait, comme c'est le cas pour la personne victime, il n'y a pas de
période de prescription. Donc, ce qu'on souhaitait, nous, c'est qu'il n'y ait
pas de période de prescription non plus pour l'enfant qui est issu du viol.
Mme Charest (Jenny) : Et,
en fait, qu'on se concentre plus sur les conséquences et les besoins de cette
personne victime là, qui sont liés à l'agression sexuelle. Donc, c'est ça le
cadre, pour nous, qui devrait primer.
Mme Nichols : Et que, vu
qu'on est dans la section de responsabilité financière, quand vous parlez des
conséquences, c'est-à-dire que les conséquences soient financièrement, qu'il y
ait un montant associé à ces conséquences-là. C'est ce qu'on comprend?
Mme Charest (Jenny) : Associé
aux conséquences, mais, oui, en fait, associé à la réalité de la personne :
si elle n'est plus autonome, si elle n'est plus en mesure de vaquer à ses
occupations, si elle a eu besoin d'arrêter ses études, parce que ça, on le voit
aussi. Donc, d'aller en fonction de répondre et s'assurer du rétablissement de
la personne. Donc, oui, on parle d'un volet financier, mais financier dans une
perspective d'aider la personne à se rétablir et de le faire en fonction de la
filiation. Donc, c'est un droit, un enfant peut avoir le droit d'être soutenu
par son parent, donc... le fait de mettre une prescription, pour nous, ça
limitait.
Mme Nichols : Très bien.
Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, écoutez,
merci beaucoup d'avoir été avec nous. Ça a été extrêmement intéressant. Puis,
comme le disait le ministre, d'entrée de jeu, vous faites un travail absolument
remarquable sur le terrain, alors continuez. Puis, encore une fois, on se dit :
À bientôt! Merci. Au revoir.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 09)
(Reprise à 12 h 13)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les
représentants du Conseil du statut de la femme, dont Me Louise Cordeau et
Mme Mélanie Julien. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Alors,
vous connaissez les règles : un petit 10 minutes de présentation de
votre part, et, après ça, nous aurons une période d'échange avec les membres de
la commission. Alors, je vous cède la parole, Me Cordeau.
Conseil du statut de la femme (CSF)
Mme Cordeau
(Louise) :Bonjour. Alors, merci. Je suis
accompagnée de Mme Mélanie Julien, qui est directrice de la recherche et
de l'analyse au conseil.
Alors, il nous fait plaisir aujourd'hui de
vous présenter notre mémoire sur le projet de loi n° 12.
Évidemment, il concentre son analyse sur deux sujets qui soulèvent des enjeux
majeurs pour les femmes : les grossesses pour autrui et les enfants nés à
la suite d'une agression sexuelle.
En premier lieu, le projet de loi vise à
reconnaître les grossesses pour autrui et à les encadrer. Le conseil salue
cette intention qui donne suite à la recommandation qu'il formule depuis 2016 :
des couples gais, des couples infertiles et des personnes seules ont recours à
des femmes porteuses, il faut donc baliser les pratiques pour s'assurer qu'elles
respectent la dignité et l'intégrité des femmes de même que l'intérêt des
enfants qui sont issus de ces grossesses.
Encadrer le recours à une femme porteuse
comporte plusieurs enjeux. Je me permets d'évoquer quelques faits pour mieux
contextualiser le sujet et en souligner son importance.
Nous savons que les grossesses pour autrui
se concrétisent par procréation assistée, par insémination artisanale ou par
relation sexuelle. Dans six des neuf centres de procréation assistée au Québec,
près de 150 cycles de fécondation in vitro ont été entrepris auprès de
femmes porteuses entre 2013 et 2020.
Des messages incitant les femmes à porter
un enfant pour autrui circulent sur Internet. Selon un sondage réalisé dans l'ensemble
du Canada auprès de 184 femmes porteuses, la moitié d'entre elles avaient
complété deux, trois, quatre, voire cinq grossesses pour autrui et 40 % de
ces grossesses avaient été entreprises pour des parents d'intention étrangers.
Bien que la majorité des expériences de
grossesse pour autrui rapportées soient positives, les difficultés rencontrées
dans certains cas entraînent des conséquences délétères pour les femmes
concernées.
Et finalement certaines femmes porteuses
considèrent avoir été insuffisamment informées des risques associés aux
traitements de fécondation in vitro.
C'est, donc, avec de tels faits en tête
que le conseil a analysé les dispositions prévues au projet de loi n° 12. Bien <que...
Mme Cordeau
(Louise) :
...avec de tels faits en
tête que le conseil a analysé les dispositions prévues au projet de loi
n° 12. Bien >que le conseil soit en faveur de
plusieurs d'entre elles, il fait valoir aujourd'hui aux membres de cette
commission que certaines améliorations méritent d'être apportées afin de mieux
assurer le respect, la dignité et la santé des femmes qui acceptent de porter
un enfant pour autrui.
Le projet de loi énonce des dispositions
générales qui doivent être respectées pour tout projet parental impliquant une
grossesse pour autrui. Et, pour mémoire, la femme porteuse doit avoir au moins
21 ans, les parents d'intention doivent être domiciliés au Québec, et une
entente doit être conclue entre les parties. L'acte doit être gratuit, bien que
la femme porteuse puisse recevoir une indemnisation pour ses pertes de revenus
et un remboursement pour les dépenses liées à la grossesse.
Si ces dispositions générales ne sont pas
respectées, la filiation de l'enfant ne pourrait pas être établie à l'égard des
parents d'intention. La femme porteuse serait, donc, reconnue comme la mère
légale de l'enfant, même si ce n'est pas sa volonté, une situation, vous en
conviendrez, lourde de conséquences pour elle.
Cette situation surviendrait notamment si
une femme donnait naissance à un enfant en vue de le remettre à des personnes
qui ne sont pas domiciliées au Québec. Cette condition relative au domicile des
parents d'intention vise à dissuader des personnes étrangères à se tourner vers
le Québec pour trouver une femme porteuse. L'intention du législateur est
louable, car, dans les faits, des personnes étrangères recourent à des femmes
résidant au Canada pour porter leur enfant. Je vous le rappelle :
40 % des grossesses pour autrui au Canada sont réalisées pour des parents
d'intention étrangers.
L'enjeu avec le projet de loi est
complexe. Il faut s'assurer du respect des dispositions générales sans
pénaliser indûment des femmes qui, pour toutes sortes de raisons, ont porté un
enfant pour autrui alors que l'une ou l'autre des dispositions générales
n'aurait pas été respectée. Dans ce contexte, il nous apparaît nécessaire de
prévenir de tels projets en amont. Par exemple, de l'information claire et
vulgarisée sur ce qui est permis au Québec et sur ce qui ne l'est pas devrait
être rendue publique. De plus, les médecins devraient s'assurer de la
conformité du projet parental avant de prodiguer des traitements de procréation
assistée à la femme porteuse. Le conseil recommande d'ajouter cette
responsabilité à la loi sur les activités cliniques en matière de procréation
assistée.
Il nous apparaît, de plus, impératif que
les femmes qui ont porté un enfant pour autrui sans qu'ait été respectée l'une
ou l'autre des dispositions générales puissent demander au tribunal de modifier
la filiation de l'enfant. Le projet de loi n° 12
devrait, donc, être amendé en ce sens.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit des
dispositions visant à informer les femmes qui envisagent de porter un enfant
pour autrui et à s'assurer de leur consentement éclairé. Le conseil le disait
pour le projet de loi n° 2, il le réitère pour le
projet de loi n° 12 : Cette démarche devrait
être enrichie. Nous considérons que les professionnels doivent jouer un rôle
plus grand que celui d'informer. Ces personnes doivent pouvoir soutenir chacune
des parties dans les nombreuses décisions qu'elles ont à prendre et les
conseiller dans leur réflexion. Le conseil recommande, donc, d'étoffer le rôle
des professionnels tel qu'il est écrit au projet de loi.
• (12 h 20) •
Une autre étape est déterminante pour
s'assurer du consentement éclairé des femmes porteuses : la consultation
en procréation assistée. En effet, les centres de procréation assistée ont une
responsabilité majeure en matière d'information transmise aux femmes qui se
présentent à eux pour concevoir un enfant en vue de le remettre à des parents
d'intention. Cette information doit porter sur les procédures auxquelles elles
devront se soumettre et sur les risques qu'elles comportent pour leur santé
physique et psychologique.
Or, des femmes porteuses interrogées dans
de récentes études empiriques disent avoir été insuffisamment informées des
risques associés aux traitements de fécondation in vitro qui leur ont été
prodigués. Actuellement, il n'y a pas au Québec de lignes directrices pour
encadrer les décisions des médecins de prodiguer ou non des traitements de
fécondation in vitro à une femme porteuse, des lignes directrices qui puissent
couvrir à la fois les aspects médicaux, mais aussi les dimensions éthiques et
psychosociales. Pourtant, le Collège des médecins le réclame depuis 2015. Le comité
<central...
Mme Cordeau
(Louise) :
...les dimensions
éthiques et psychosociales. Pourtant, le Collège des médecins le réclame depuis
2015. Le comité >central d'éthique en matière de procréation
médicalement assistée, qui a été institué en 2021, a l'expertise et l'autorité
d'élaborer et de diffuser de telles lignes directrices en matière de grossesse
pour autrui. Le conseil recommande, donc, au ministre de la Santé et des
Services sociaux de lui en confier le mandat.
Enfin, l'état de situation sur les
grossesses pour autrui au Québec repose sur des données parcellaires. On ne
sait pas, par exemple, combien de projets sont réalisés, et aucune étude n'a
été menée sur la santé à long terme des femmes porteuses. Nous considérons
qu'il ne faut pas seulement permettre l'accès à des données anonymisées à des
fins de recherche comme le prévoit le projet de loi. Il faut aussi s'engager à
rendre de telles données accessibles afin de veiller à la production des
connaissances nécessaires au suivi de nos encadrements législatifs. Le conseil
recommande d'en confier la responsabilité au ministre de l'Emploi et de la
Solidarité sociale.
En second lieu, le projet de loi prévoit
des dispositions dans le cas où un enfant naît d'une agression sexuelle. Il
offre la possibilité aux mères concernées de refuser l'établissement de la
filiation de leur enfant envers l'agresseur ou de la faire retirer. Il oblige
aussi l'agresseur à assumer une responsabilité financière envers l'enfant, et
ce, malgré l'absence de lien de filiation. Le conseil salue ces dispositions.
Il s'interroge toutefois sur la manière dont elles seront mises en œuvre. D'abord,
quelle forme prendra l'indemnité? Est-ce une somme récurrente versée à la mère
chaque mois, chaque année? Comment le montant sera-t-il établi? De quelle façon
ces sommes seront transférées et remises à la mère? Et comment l'enfant
pourra-t-il se prévaloir de son droit de succession envers l'agresseur?
En conclusion, vous comprendrez que le conseil
est préoccupé par toutes ces questions parce qu'il souhaite éviter que la mise
en œuvre de ces dispositions offre une brèche à l'agresseur pour exercer une
emprise sur la femme qu'il a agressée. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme Cordeau, Mme Julien, bonjour. C'est un
plaisir de... de vous retrouver en commission parlementaire à presque un an
d'intervalle.
Bien, en fait, je tiens à vous rassurer.
Commençons tout d'abord par les... en fait, l'opposition au lien de filiation pour
l'agresseur. Notamment, vous avez soulevé la question des successions. L'objectif
étant, lorsqu'on a créé, en fait, la proposition législative qu'on met de
l'avant, c'est de faire en sorte de laisser l'autonomie à la femme qui a été
violée de décider est-ce que, oui ou non, elle veut établir la filiation pour
son enfant. Ça pourrait arriver, certaines situations, que oui, mais avec
déchéance de l'autorité parentale. C'est pour ça qu'on fait en sorte que le
mécanisme de la déchéance de l'autorité parentale soit facilitée à l'intérieur
du même recours : pour, supposons, établir une pension alimentaire, mais
avec déchéance de l'autorité parentale, que ce soit régulier. Premier cas de
figure.
On voulait aussi éviter que l'enfant perde
des droits successoraux. La mécanique des droits successoraux, elle est celle
qui est applicable au Code civil du Québec. Donc, bien entendu, il va falloir
que l'enfant soit informé qu'il est issu... Mais là la question à laquelle nous
avons réfléchi, et on ne voulait pas créer une obligation sur la femme qui a
été victime de l'agression sexuelle de devoir le dévoiler, on... bien, je
considérais que ça rentrait dans la sphère d'autonomie de la mère, de raconter
ou non son histoire à l'enfant, et on ne voulait pas mettre une obligation
légale à la mère de dévoiler ce fait-là envers son enfant. Je pense que c'est
extrêmement intime et que, dans chaque famille, bien, il faut laisser
l'autonomie à la femme de décider. Mais, si l'enfant l'apprend, ou le sait, ou sa
mère décide de lui transmettre cette information-là, la mécanique des droits
successoraux normaux s'applique, bien entendu, la question de la dévolution
légale aussi : dans le testament, est écrit : À tous mes enfants.
Donc, il y a des différents cas de figure qui sont présents pour que les droits
successoraux s'appliquent.
Pour ce qui est du montant d'indemnité,
alors, bien entendu, c'est pour répondre aux besoins de l'enfant. Il faut déjà
dire que, dans le régime d'indemnisation de la loi de l'IVAC, il y a une pension alimentaire qui est nommément prévue
pour la femme qui est violée, dont un enfant est issu du <viol...
M. Jolin-Barrette :
...il
y a une pension alimentaire qui est nommément prévue pour la femme qui est
violée, dont un enfant est issu du >viol. Donc, déjà, l'État assume ses
responsabilités. C'est un montant de plusieurs centaines de dollars par mois
qui est versé en surplus de l'indemnité qu'elle reçoit en tant que victime.
Donc, tout le long de la vie durant de l'enfant, elle reçoit une indemnité. Mais
c'est en supplément, dans le fond, qu'on vient créer cette indemnité-là.
Mais je serais intéressé à vous entendre :
Croyez-vous qu'on devrait venir définir clairement quel est le montant? Parce
que, là, on laissait l'opportunité au tribunal d'analyser, en fonction de la
situation, cette indemnité-là. Mais est-ce que vous souhaitez... est-ce que le
conseil souhaite qu'on vienne préciser dans le code ou par voie réglementaire
quel doit être le montant de l'indemnité dans un cas comme ça?
Mme Cordeau (Louise) :
En fait, le conseil n'a pas réfléchi de façon spécifique au
montant ou à la mécanique autour du montant. Mais, de façon logique, de définir
une indemnité, la façon dont c'est écrit dans la loi, c'est assez large. C'est
assez vaste, comment le tribunal va interpréter cette notion d'indemnité.
Alors, on n'a pas pris position à savoir quel montant, de quelle façon. Est-ce
qu'il faut que le revenu, par exemple, de l'agresseur soit évalué comme on le
fait en matière de pension alimentaire? Tu sais, quand on commence à poser ces
questions-là, on en a plusieurs lorsqu'on parle d'indemnités de nature
alimentaire pour répondre aux besoins d'un intérêt d'un enfant. On ne s'est pas
arrêtées sur le montant ni sur le mécanisme, mais on trouve ça important qu'on
y réfléchisse pour faire en sorte que la mère n'ait pas un fardeau de preuve
immense, dans ce domaine-là, de savoir où il travaille, combien il gagne. On...
Bon. On sait comment ça se passe, là.
M. Jolin-Barrette : L'autre
enjeu que nous avions en développant la solution législative, c'est le fait
aussi qu'à partir du moment où il y a rupture du lien de filiation, il y a une
non-reconnaissance du lien de filiation, on ne souhaite pas non plus faire en
sorte qu'il y ait des contacts fréquents, supposons, aux deux semaines, avec
l'indemnité qui serait payée par l'agresseur, comme si c'était une pension
alimentaire. Parce que ce que les victimes nous disent, c'est, justement :
On ne veut plus rien avoir à faire avec l'agresseur, donc, d'où l'objectif
d'avoir un montant forfaitaire à un événement, à un moment donné, qui est
révisable si jamais il y avait une situation particulière dans la vie de
l'enfant, supposons, une maladie se développait pour l'enfant, un handicap
survenait aussi. Donc, l'idée, ce n'est pas de maintenir le lien entre
l'agresseur et la victime.
Ça fait que ça partie des réflexions que nous
avons. Mais je comprends que vous nous dites : Il faut que ce soit un
petit peu plus défini.
Mme Cordeau
(Louise) :Je pense que oui, parce que,
même si on parle d'indemnité, c'est en fonction aussi des capacités de payer de
l'agresseur. Là, je n'entrerai pas dans les détails, mais ça aussi, est-ce
qu'on va en tenir compte? Est-ce que ça va être un montant forfaitaire? Je
pense qu'il faut donner quelques balises de plus. Mais je suis d'accord pour
qu'on évite de maintenir un lien entre la femme qui a été violée et son
agresseur qui, comme on vient de le dire, pourrait maintenir l'emprise aussi
sur la femme qui a été agressée.
• (12 h 30) •
M. Jolin-Barrette : OK. Je
passe sur le volet de la grossesse pour autrui puis ensuite je vais céder la
parole à mes collègues.
Entre le projet de loi n° 2
puis celui-ci, la réflexion du conseil a évolué aussi. Là, désormais, vous ne
recommandez plus d'avoir une grossesse préalable. Malgré le fait... vous dites :
Dans notre étude qu'on a obtenue, la majorité des mères porteuses ont eu... l'ont
fait plus... à plusieurs reprises, là vous nous dites : Ça ne devrait plus
être une exigence légale d'avoir une grossesse préalable avant d'être mère
porteuse.
Mme Cordeau
(Louise) :En fait, lorsqu'on s'est
présentées devant la commission pour le projet de loi n° 2, on se souvient
que le projet de loi était quand même assez volumineux. Et on a, pour la
première expérience d'accouchement... on avait regardé des informations qui
venaient des comités d'éthique, Mme Julien pourra vous en parler plus en
détail, qui venaient aussi de femmes de femmes qui avaient porté des enfants
pour autrui qui le recommandaient.
Suite au dépôt de notre étude sur les
grossesses pour autrui, qui est très, très récente, où on a approfondi le
sujet, comme je vous ai donné d'entrée de jeu, il y a certains faits qui nous
sont apparus. On a dû constater que les informations que l'on possède, que les
données que l'on possède sont très fragmentaires, sont très parcellaires.
Et, dans ce contexte-là, ce qu'on dit,
c'est qu'on préfère laisser la liberté de choix à la femme qui désire porter un
enfant pour autrui, à condition qu'elle soit bien informée, à condition que
toutes les conditions générales soient respectées, et qu'on préfère dire à des
comités d'éthique qui sont formés, qui ont la compétence pour évaluer les <impacts...
>
12 h 30 (version révisée)
< Mme Cordeau
(Louise)T :
...à des comités d'éthique
qui sont formés, qui ont la compétence pour évaluer les >impacts sur la
santé, à la fois physique et psychologique, des femmes à moyen et à long terme,
de poursuivre leurs études dans ce domaine et peut-être de modifier,
éventuellement, la législation, si on s'apercevait qu'effectivement une
première expérience d'accouchement est nettement préférable. Mais, à ce stade-ci,
les données sont assez minces pour qu'on puisse continuer de demander ou d'affirmer
le besoin d'avoir une première expérience d'accouchement.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie beaucoup pour votre passage en commission. Je vais laisser la parole
à mes collègues. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides,
s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Oui.
Merci, M. le Président. Merci à vous deux pour votre temps. Vous disiez... vous
mentionniez tout à l'heure qu'il y a un grand nombre de GPA où les parents d'intention
se retrouvent à l'étranger, à l'extérieur du Québec. Est-ce que vous avez une
idée de ce pourcentage? Puis aussi quelles seraient vos recommandations pour
protéger tant la personne porteuse que l'enfant issu de la GPA en question?
Mme Cordeau
(Louise) :Mme Julien est bien
outillée pour répondre à votre question.
Mme Julien (Mélanie) : En
fait, les données, comme le disait Mme Cordeau, sont très parcellaires en
matière de grossesses pour autrui. Il n'y a pas d'études qui sont
spécifiquement réalisées en contexte québécois. Les données qu'on a réussi à
trouver, nous, concernent davantage l'ensemble du Canada. Le sondage le plus
macro qui a été réalisé a été mené dans l'ensemble du Canada, donc auprès de
près de 200 femmes porteuses. Et c'est dans ce sondage-là qu'ils montrent
que près de la moitié de ces femmes-là ont porté un enfant pour des parents d'intention
hors Canada. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'effectivement il y a une certaine
attractivité. Il y a, d'ailleurs, plusieurs spécialistes qui notent le fait que
le Canada suscite quand même un certain attrait pour des parents d'intention
étrangers qui souhaitent trouver une femme porteuse.
Alors, on comprend que le législateur,
avec le projet de loi, de par l'inscription du domicile des parents d'intention
au Québec, vise à restreindre ce genre de cas de figure là. La préoccupation du
conseil, c'est de dire : Il faudrait les prévenir en amont, informer les
femmes adéquatement... de ce qui va advenir si jamais elle porte un enfant pour
des parents d'intention non domiciliés au Québec, pour éviter qu'elle se
retrouve à être forcée d'être reconnue comme étant la mère légale de l'enfant,
si ce n'est pas sa volonté.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Vimont.
Mme Schmaltz : Merci. Merci.
Bonjour, mesdames. Très intéressant, d'ailleurs, votre mémoire, là, toutes les
questions que vous soulevez. J'ai plusieurs questions, mais je vais juste en
poser une, ça concerne les risques qui sont liés, donc, aux GPA. Vous parlez,
justement... Vous venez juste de soulever le fait qu'une première grossesse
pourrait ne pas être un facteur pour les parents désireux d'avoir un enfant.
Sauf que je me questionne à savoir, en faisant ça, est-ce qu'on ouvre davantage
la porte au marché noir? Parce que je pense que vous êtes au courant que ça
existe, de la vente, que ce soit des ovules ou, bon... ou des jeunes étudiantes,
des fois, qui vont porter un enfant puis qui ne seront peut-être pas
nécessairement encadrées par la loi. Est-ce qu'on devrait être beaucoup plus...
je ne sais pas, je ne veux pas employer le mot «sévère», mais comment qu'on
peut encadrer cette portion-là qui est existante? Parce que, là, ce qu'on
parle, c'est quelque chose qui est encadré, mais il y a aussi tout le revers,
là, tout le côté noir, là, de la chose, là.
Mme Cordeau
(Louise) :Lorsqu'on parle de fécondation
in vitro, on l'a évoqué tantôt, je l'ai évoqué dans mes quelques remarques
préliminaires, il y a des cliniques, il y a des médecins qui procèdent aux
actes. Et nous croyons qu'une des façons de contrer ou, en tout cas, d'amoindrir
le risque, serait de confier aux médecins la responsabilité de s'assurer que
ces règles, ces règles éthiques, que ces règles en matière de santé et de
sécurité des femmes que même les... à partir du moment où une législation serait
adoptée, que les conditions relatives à la législation seraient respectées.
Alors, il y a un acte médical, soit, mais
il y a aussi une responsabilité professionnelle des médecins que l'on envisage
pour contrer ces gestes-là, qui ne seraient pas souhaités et pas conformes à la
loi non plus.
Mme Julien (Mélanie) : En
complément, peut-être que ce que j'ajouterais, c'est que, Mme Cordeau le
disait, il y a beaucoup d'informations qui circulent sur Internet, des
informations qui sont plus ou moins applicables au contexte québécois. Ce qu'on
souhaite, c'est qu'en dotant le Québec de balises, d'encadrement en matière de
grossesse pour autrui... on souhaite qu'il y ait de l'information vulgarisée
qui soit très claire, qui soit fournie à l'ensemble des femmes pour savoir qu'est-ce
qui est permis, qu'est-ce qui est autorisé en contexte québécois et qu'est-ce
qui ne l'est pas, pour faire contrepoids à ces <informations...
Mme Julien (Mélanie) :
...autorisé
en contexte québécois et qu'est-ce qui ne l'est pas, pour faire contrepoids à
ces >informations parfois erronées, là, qui circulent sur Internet puis
essayer de tempérer le genre de situations, là, auxquelles vous faites
référence.
Mme Schmaltz : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Est-ce qu'il y a
d'autres questions du côté gouvernemental? Ça va? Merci. M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Merci. Merci,
M. le Président. On a vu, dans le projet de loi, que la convention de grossesse
va être faite par acte notarié, la convention comme telle. Est-ce que vous
pensez... parce que vous parlez de l'information et de toutes les conséquences,
est-ce que vous pensez qu'en plus de la convention, obtenir un avis juridique
sur l'ensemble des conséquences possibles pour les personnes concernées par le
projet serait un avantage?
Mme Cordeau
(Louise) :On ne l'a pas évalué de cette
façon-là. On a évalué les dispositions qui sont présentes dans le projet de
loi. Je pense que, déjà, d'avoir un acte notarié, d'avoir une procédure qui est
formelle pour les parties et d'avoir, en amont, de l'information et peut-être
le soutien accru de professionnels, comme on l'a mentionné, nous semble
souhaitable pour le moment.
Mme Julien (Mélanie) : En
complément, j'ajouterais que, dans le mémoire, on insiste beaucoup aussi sur la
formation de ces professionnels-là qui auront à intervenir auprès de femmes
porteuses ou de femmes qui envisagent, en fait, de porter un enfant pour autrui
et aussi des différents juristes, là, qui sont appelés à intervenir dans ces
contextes-là. Il y a des questions éthiques et des questions psychosociales qui
sont vraiment, vraiment sérieuses. Alors, il va falloir doter, là, les
professionnels en question, là, de la formation nécessaire pour intervenir
adéquatement dans ces situations-là.
M. Morin : Je vous
remercie, c'est un excellent point que vous soulevez, mais on parle beaucoup
d'information. Pour nous aider dans notre réflexion, cette information-là, elle
devrait être donnée, selon vous, par qui? Le ministère de la Justice, le Conseil
du statut de la femme, les ordres professionnels? Avez-vous des suggestions?
Tout ce monde-là?
Mme Julien (Mélanie) : En
fait, dans le mémoire, ce qu'on demande, c'est aux ordres professionnels et aux
universités, aux unités d'enseignement et de recherche qui forment les... qui
ont à offrir de la formation initiale et formation continue de ces professionnels-là,
qu'ils développent des contenus qui sont appropriés, là, qui sont vraiment en
lien avec les enjeux liés aux grossesses pour autrui.
M. Morin : Oui, puis,
ça, je vous suis très bien, pour les étudiants ou étudiantes qui vont devenir membres
d'un ordre professionnel, mais, quand on parle, par exemple, de la mère, de
celle qui va porter l'enfant ou des personnes qui veulent se lancer dans ce
projet-là, eux aussi doivent être avisés. Parce que, je pense, la collègue, la
députée de Vimont, faisait référence au... tu sais, il y a un marché autre.
Donc, est-ce que vous avez des suggestions à faire pour qui, comment on devrait
informer les gens? Est-ce que vous, au conseil, vous avez une responsabilité,
un programme qui ferait en sorte que vous pourriez rendre cette information-là
disponible ou pas?
• (12 h 40) •
Mme Cordeau
(Louise) :On aimerait bien le faire, ce
n'est cependant pas dans notre mandat, mais je pense que... Évidemment, une
fois la loi adoptée, le ministère de la Justice va avoir une responsabilité. Je
pense aussi que l'information doit circuler dans toutes les cliniques qui
offrent de la fécondation in vitro. L'information doit être aussi auprès des
professionnels, qui auront, en amont, à rencontrer les parties. Donc, je pense,
même si on veut tout éviter, tout baliser, tout encadrer, c'est difficile, mais
il faut que ça passe par une information vulgarisée.
De quelle façon? Plusieurs moyens. Est-ce
que c'est une grande campagne d'information publique? Est-ce que c'est à travers,
je ne sais pas, moi, les cégeps, les universités? Je pense qu'il faut réfléchir
à un mode de communication qui soit massif puis qui soit aussi ciblé en
fonction des lieux où ces personnes-là pourraient se retrouver en vue d'une
grossesse pour autrui.
M. Morin : Je vous
remercie. Maintenant, est-ce que vous pensez qu'on devrait limiter le nombre de
grossesses pour autrui qu'une mère porteuse pourrait avoir?
Mme Cordeau
(Louise) :On ne s'est pas penchées sur
ces éléments-là.
Mme Julien (Mélanie) : C'est
le genre de questions auxquelles pourrait réfléchir le comité central d'éthique
en matière de procréation médicalement assistée, par exemple, quels enjeux
pourraient survenir. Alors, je pense que cette instance-là serait tout à fait
habilitée, là, à établir des... à réfléchir à ces questions-là et s'il y aurait
lieu de baliser.
M. Morin : Mais, compte
tenu de votre mandat, de votre mission puis de l'éclairage que vous nous
donnez, vous pensez que cette question-là mérite, à tout le moins, une
réflexion?
Mme Cordeau
(Louise) :...plusieurs <questions...
M. Morin :
...pensez
que cette question-là mérite, à tout le moins, une réflexion?
Mme Cordeau
(Louise) :
...plusieurs >questions
qui méritent réflexion, on est au début d'une réflexion. On vise un encadrement,
mais, nous, ce qu'on... ce dont on est conscientes, c'est qu'il faut continuer
à approfondir les connaissances, qui sont très, très, très minces, actuellement,
dans ce domaine.
M. Morin : Merci. Merci
beaucoup. Vous avez parlé de personnes qui veulent se lancer dans ce projet
mais qui sont domiciliées hors Canada. Ça peut arriver. Est-ce que, pour vous,
c'est quelque chose qu'on devrait encadrer davantage ou même interdire?
Mme Cordeau
(Louise) :Bien, c'est-à-dire que les
dispositions générales du projet de loi ne le permettent pas, puisqu'il faut
être domicilié au Québec depuis au moins un mois... un an, excusez-moi, pas un
mois, mais un an. Donc, la loi, en soi, l'interdit.
Maintenant, nous, notre préoccupation,
c'est une préoccupation quant à la femme qui va porter un enfant pour autrui.
Si l'ensemble des règles et des conditions ne sont pas respectées, la filiation
ne sera pas reconnue à l'égard des parents d'intention, et ça, ça nous
préoccupe. Donc, la femme qui aurait porté un enfant pour autrui deviendrait la
mère légale de l'enfant, même si ce n'est pas son souhait, et c'est... On
prévoit les dispositions dans le projet de loi pour des parents... une femme
qui porte un enfant pour des parents d'intention domiciliés au Québec, une
femme non domiciliée au Québec qui porterait un enfant pour des parents d'intention
au Québec, mais il n'y a pas de disposition pour une femme domiciliée au Québec
qui porterait un enfant pour des parents non domiciliés au Québec.
M. Morin : D'accord. Je
vous remercie. Et dernière question : Dans le projet de loi, l'article 13,
dans l'article 538, on parle de la procréation assistée, on parle
d'insémination artisanale ou par relation sexuelle. Et, en fait, je dois vous
dire que je comprends très bien, je conçois bien les trois cas de figure, mais
moi, je suis un petit peu arrêté sur la terminologie «insémination artisanale».
Est-ce que ce ne serait pas préférable de parler de procréation artisanale ou,
si le mot «insémination», avec votre expérience, vos connaissances, ça ne pose
pas de problème?
Mme Cordeau (Louise) :Ce n'est pas un élément qu'on a... qui nous a paru
problématique, là.
M. Morin : OK. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. D'autres questions du
côté de l'opposition? Est-ce qu'il y a d'autres questions? Sinon, M. le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Oui, j'ai
un peu plus trois minutes, c'est ça?
Le Président (M.
Bachand) :...vous avez du temps.
M. Zanetti : OK,
parfait. Justement, sur cette question-là, la question de qu'est-ce qui arrive
si le contrat, en quelque sorte, n'est pas respecté, bon, on suppose que ce qui
a été dit, c'est-à-dire, si le contrat n'est respecté, eh bien, dans ce
temps-là, les parents d'intention ne seront pas reconnus comme tels, c'est un
peu comme un encadrement pour avoir un incitatif à respecter le contrat, mais
vous dites : Il y a un effet pervers à ça parce qu'on peut créer plus de
problèmes à la mère porteuse, bon.
Comment est-ce qu'on pourrait encadrer
autrement? Puis qu'est-ce que vous proposeriez qui arrive... Dans le fond,
c'est que, si le contrat n'est pas respecté, il faudrait que, peu importe, que
le contrat soit respecté ou pas, les parents d'intention seront toujours
reconnus comme tels. Non? OK. Bien, je vous laisse développer là-dessus.
Mme Julien (Mélanie) : En
fait, on fait plutôt référence, non pas au respect du contrat... on fait plutôt
référence aux dispositions générales à tout projet impliquant une grossesse
pour autrui. Ce sont les dispositions qui sont énumérées, là, au début de la
section sur les grossesses pour autrui dans le projet de loi n° 12. Alors,
si l'une ou l'autre de ces dispositions générales là ne sont pas respectées...
n'est pas respectée, le projet parental impliquant une grossesse pour autrui ne
serait pas reconnu, auquel cas, nous, notre interprétation du projet de loi,
c'est qu'automatiquement ce serait la femme porteuse qui serait reconnue comme
étant la mère légale de l'enfant.
On ne dit pas qu'automatiquement, dans ces
cas-là, il devrait toujours y avoir filiation reconnue envers les parents
d'intention, mais on dit, d'une part, prévenons, en amont, de s'assurer du
respect des dispositions générales puis, en aval, offrons la possibilité à une
femme porteuse, qui... en fait, une femme qui a porté un enfant pour autrui alors
que l'une ou l'autre des dispositions générales n'ait pas été respectée,
qu'elle puisse se tourner vers un tribunal pour demander de faire modifier la
filiation, porte de sortie qu'on n'a pas trouvée dans le projet de loi
n° 12, donc, pour éviter que le fardeau... qu'il soit trop lourd sur la
femme porteuse qui aurait été dans cette situation-là.
M. Zanetti : Dans le
fond, <l'idée...
Mme Julien (Mélanie) :
...qui
aurait été dans cette situation-là.
M. Zanetti :
Dans
le fond, >l'idée, c'est de lui permettre de... je ne suis pas sûr de
bien saisir, là, lui permettre de faire modifier la filiation pour se désigner
comme mère si elle le veut, mais pas que ce soit fait d'office, c'est ça?
Mme Julien (Mélanie) : Nous,
ce qu'on comprend, c'est que, d'office, ce serait elle qui serait reconnue
comme étant la mère légale. Alors, on demande à ce qu'elle puisse faire
modifier cette filiation-là pour qu'elle soit établie à l'égard de... et
peut-être effectivement les parents d'intention, ou autre... Ce serait au
tribunal, là, d'établir quelle serait la meilleure... la meilleure façon de
reconnaître cet enfant-là.
M. Zanetti : OK, parce
que c'est ça, il ne faut pas que l'enfant tombe sans filiation, mais, dans le
fond, ce serait... on remettrait ça entre les mains du tribunal au lieu de le
prévoir dans la loi à l'avance.
Mme Julien (Mélanie) : Parce
que ce qu'on comprend, c'est que la femme, dans ces cas de figure là, elle
pourrait toujours se tourner vers l'adoption générale, elle pourrait vouloir
confier l'enfant en adoption générale, sauf que, s'il y a un parent, un père
d'intention dont le nom figure à l'acte de naissance, il pourrait s'opposer à
ce que la femme porteuse confie cet enfant-là à l'adoption générale. Alors ça
peut créer certaines situations délicates, de sorte que ce qu'on souhaite,
c'est que la femme puisse se tourner, dans ce cas de figure là, vers un
tribunal pour exposer la situation puis qu'il y ait une meilleure décision qui
soit prise, plutôt qu'il y ait un automatisme puis qu'on ne puisse pas changer
cette filiation-là.
M. Zanetti : OK. Parce
que... Est-ce que ça arrive, par exemple? Bien, je comprends aussi que ces
choses-là sont peu documentées, surtout quand ce n'est pas encadré, puis tout
ça, là, mais est-ce qu'on pense que... Est-ce que, par exemple, là, le fait de,
pour une mère qui décide, finalement : OK, non, ça ne marche plus avec les
parents d'intention, là, je vais donner l'enfant en adoption. Est-ce que ça,
c'est quelque chose qui est un scénario qui arrive? Puis est-ce que c'est comme
une situation dans laquelle on ne veut pas obliger les femmes à se retrouver,
finalement?
Mme Cordeau
(Louise) :Bien, il ne faudrait pas que la
filiation soit reconnue à l'égard du père. Pour qu'elle puisse dire : Je
souhaite que mon enfant soit adopté, que je n'aie pas de filiation à son égard,
il ne faut pas non plus qu'il y ait une filiation à l'égard d'un des parents
d'intention.
M. Zanetti : OK, je
comprends.
Mme Cordeau
(Louise) :Et c'est là que ça devient
extrêmement délicat.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Mme la
députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Merci, M.
le Président. J'ai seulement une petite question à aborder avec vous, on en a
parlé quand même... C'est ça quand on est la dernière, là, on a souvent déjà
abordé plusieurs des sujets. Vous parlez... on parlait de rendre disponibles
les données, les données anonymes, là, sur les GPA pour les fins de recherche,
entre autres. Vous voyez ça comment? Un registre ou...
Mme Julien (Mélanie) : Bien,
en fait, avec le projet de loi, dans le projet de loi n° 12, il y a déjà
une responsabilité qui est confiée au ministre de l'Emploi et de la Solidarité
sociale de tenir un registre sur ces projets-là qui impliquent la contribution
d'une tierce personne. Il est également prévu au projet de loi de permettre à
un tribunal de rendre accessibles les données anonymisées issues de ce
registre-là à des fins de recherche.
Nous, ce que le conseil, on dit, c'est
qu'il ne faut pas juste permettre à un tribunal d'autoriser l'accès à ces
données-là, il faut qu'il y ait un engagement qui soit pris pour qu'on ait
accès à de telles données, pour pouvoir suivre l'évolution de la situation. Par
ailleurs, on sait que le ministère... le ministre de la Santé et des Services
sociaux doit rendre publiques des données issues des centres de procréation
assistée dans son rapport annuel de gestion, données que... On est toujours en
attente, on devrait éventuellement les voir figurer dans le rapport annuel du
ministère de la Santé et des Services sociaux, mais ces données-là sont
uniquement liées aux centres de procréation assistée, alors qu'on sait qu'il y
a des grossesses pour autrui qui ne passent pas... des enfants qui sont conçus
sans passer par la fécondation in vitro. Alors, le registre serait beaucoup
plus complet. Alors, on se dit que ces données-là devraient être accessibles à
des fins de recherche, et qu'on soutienne la recherche, en fait, sur ce
phénomène-là pour en suivre l'évolution au Québec, puis qu'on puisse s'ajuster
aux besoins nos législations.
Mme Nichols : Donc, on
comprend qu'on devrait définir qui aurait accès... on comprend, c'est pour les
fins de recherche, là, évidemment, là, mais de mieux définir qui aurait accès.
Mme Julien (Mélanie) : De
s'engager, en fait, à les rendre accessibles à des fins de recherche.
Mme Nichols : Parfait.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Me Cordeau, Mme Julien,
merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui, c'est très, très, très
apprécié.
Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à
15 heures. Bon lunch. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 50)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 02)
Le Président (M.
Bachand) :Bon après-midi. À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, nous poursuivons les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de
filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression
sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des
mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse par... pour
autrui.
Cet après-midi, nous entendrons le Barreau
du Québec, le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les
agressions à caractère sexuel, la Chambre des notaires, mais il nous fait
plaisir à commencer avec Me Sylvie Schirm, accompagnée de Me Tremblay. Alors,
bienvenue à la commission. On est très content de vous avoir avec nous. Alors,
je vous laisse la parole pour votre présentation. Après ça, on aura un échange
avec les membres. Merci beaucoup.
Mmes Sylvie Schirm et Marie-Elaine
Tremblay
Mme Schirm (Sylvie) : Alors,
bonjour, tout le monde. M. le ministre, membres de la commission, tout d'abord,
nous vous remercions sincèrement pour l'invitation. C'est toujours un honneur
de venir à cette institution qu'est l'Assemblée nationale, là où les lois sont
conçues, et on espère pouvoir humblement aider à l'accouchement de ce projet de
loi n° 12. On a déjà exposé notre position sur la question des mères
porteuses dans notre mémoire qui a été produit en décembre 2021. Alors, aujourd'hui,
on voudrait vraiment porter des commentaires sur ce qu'on appelle la loi
Océane.
Les juristes qu'on est, on a souvent une tendance
de rester un peu ancrés dans le cadre législatif existant, d'essayer d'interpréter
et de travailler avec qu'est-ce qui est sur la table, mais il faut quand même
rester ouvert aux réalités de notre société qui est en mouvance constante.
Personne ne conteste que la législation ne suit pas toujours la société à la
même vitesse, mais nous ne devons pas craindre d'entamer des changements et des
modifications à notre loi, car le droit doit être au service des justiciables
et non pas l'inverse. Ici, dans cette enceinte qu'est l'Assemblée nationale,
nous devrons être plus que jamais à l'affût des besoins des justiciables et ne
jamais oublier ce devoir. Cela nous amène, donc, à faire des changements dans
notre loi, des changements qui peuvent être considérés comme avant-gardistes,
innovateurs, mais qui peuvent aussi causer des remous.
Nul ne peut contester le fait que le
Québec entier a été outré de la situation d'Océane, outré du fait qu'une
victime de viol doit composer pour le reste de sa vie avec son agresseur, outré
que cet agresseur puisse demander des droits à l'égard de l'enfant né de ce
geste odieux, outré que notre Code civil ne prévoyait pas la protection pour
une telle situation. Et qui est la victime? Outre la mère qui a subi le viol, l'enfant
est aussi victime de cette situation. Comment ne pas considérer l'impact que
cela peut avoir, que cette relation peut avoir sur l'enfant? Obliger la mère de
mettre de côté la violence qu'elle a subie afin de permettre une relation
père-fils dans une telle circonstance est inacceptable. Ce projet de loi
protégera d'abord et avant tout l'enfant de cette situation et lui donnera
également les pouvoirs.
Je désire souligner le fait que notre
intervention ici se fait à titre de praticiennes sur le terrain. Ce sont les
avocats en droit de la famille qui traitent toutes ces questions devant les
tribunaux et en conseillant nos clients et clientes. C'est nous qui voyons la
réalité dans la vie quotidienne des justiciables. À première vue, l'un pourrait
conclure que le recours en déchéance d'autorité parentale serait une solution
disponible à la mère d'un enfant issu d'une agression sexuelle, surtout suite à
la modification qu'on a eue de l'article où on a ajouté la question de la
violence, mais ce n'est pas nécessairement la solution appropriée à un tel cas.
Un recours en déchéance maintient le lien de filiation entre l'enfant et
l'agresseur, mais surtout <préserve...
Mme Schirm (Sylvie) :
...mais
ce n'est pas nécessairement la solution appropriée à un tel cas. Un recours en
déchéance maintient le lien de filiation entre l'enfant et l'agresseur, mais
surtout >préserve à l'agresseur le pouvoir de demander la révision du
jugement en cas de déchéance de l'autorité parentale. Donc, la femme victime
aura ainsi à encore une fois faire face à son agresseur dans le cadre d'un
litige, qui peut s'avérer fort acrimonieux et même répétitif, car l'agresseur a
comme but de contrôler sa victime et de continuer d'exercer ce contrôle.
De plus, nous comprenons également qu'en
l'absence du lien de filiation seul celui qui commet une agression sexuelle
aura une obligation alimentaire. On parle ici de l'indemnité envers l'enfant,
mais non l'inverse. En matière de déchéance de l'autorité parentale, la
situation sera différente, puisque le tribunal a le pouvoir d'en décider
autrement. Et cette dispense pour l'enfant envers son père pourrait être levée
après sa majorité. Nous croyons, donc, que la protection du nouveau recours
prévu au projet de loi n° 12 est meilleure pour l'enfant issu d'une
agression sexuelle pour ainsi éviter que l'agresseur puisse demander des
aliments à l'enfant issu de son crime.
Enfin, en tant qu'avocate œuvrant
exclusivement en droit de la famille, nous désirons porter... attirer votre
attention sur le fait que le nouveau recours permettant de contester la
filiation puisse être utilisé à mauvais escient. En effet, devant le peu et
sinon l'absence de balises législatives quant au fardeau de preuve de la partie
demanderesse, le contexte du litige familial découlant d'une séparation est
propice à l'utilisation de ce recours par une mère désirant s'approprier de
l'enfant comme un des moyens pour ostraciser le père de sa vie. Nous sommes
réalistes que cette possibilité existe, mais c'est exact que cette possibilité
existe aussi par le biais de la déchéance de l'autorité parentale, mais nous
croyons pertinent de soulever cette possibilité. Évidemment, il s'agira d'une
question de preuve, et nous sommes rassurées que le tribunal doit trancher dans
l'intérêt de l'enfant.
• (15 h 10) •
En ce qui a trait à la responsabilité
financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle, nous
saluons la décision du ministre de la Justice de mettre en place des mesures
pour minimiser les interactions entre la femme ayant été victime d'une
agression sexuelle et son agresseur. En effet, le paiement d'un montant
forfaitaire permettra de limiter au minimum les interactions concernant les
aliments dus à un enfant. Et on sait très bien que, dans le cas de déchéance,
l'obligation alimentaire est toujours là. Donc, la porte est ouverte à des
modifications ou des retours à la cour, des demandes de changement, des
demandes d'annulation, des demandes de non-paiement, qui, donc, va faire en
sorte que le litige va se maintenir et que les relations entre l'agresseur et
sa victime vont forcément être toujours là, devant les tribunaux.
Cependant, en tant que praticiennes...
parce que la première chose qu'on fait quand on regarde une loi ou une disposition,
c'est de dire : Et comment est-ce qu'on va faire ça? Qu'est-ce qu'on va
plaider? Nous constatons l'absence de critères, ou de facteurs, ou de balises
permettant de déterminer l'indemnité ainsi payable. Alors, on comprend qu'on
parle d'une indemnité et non pas d'une pension alimentaire, mais ceci laisse
présager des litiges sur les questions, à savoir : Dans quelle mesure les
moyens financiers de la mère seront considérés? Dans quelle mesure,
l'indemnité, est-ce qu'elle est liée ou non à la capacité de payer du débiteur?
Le cas échéant, est-ce qu'on pourrait tenir compte, et, si oui, dans quelle
mesure, des contributions que le débiteur aurait effectuées au besoin de
l'enfant antérieurement à la demande? Comment évaluer les besoins d'un enfant
jusqu'à l'atteinte de son... autonomie? Et on sait que c'est fini, le temps de
18 ans pour l'autonomie d'un enfant. Et, si c'était le cas, il y a 25 ou
30 ans, aujourd'hui, on sait très bien que l'autonomie d'un enfant peut
aller jusqu'à au moins, minimalement, le premier bac. Donc, on parle d'une
période qui est quand même assez longue. Est-ce qu'une preuve d'expert sera
nécessaire ou une preuve actuarielle, ce qui, évidemment, va alourdir le
processus pour arriver à ce... à établir l'indemnité?
Alors, nous craignons qu'en l'absence de
barèmes législatifs s'instaurera une importante disparité dans les indemnités
accordées dans les différents dossiers. Alors, nous recommandons l'adoption par
le législateur d'un règlement d'application prévoyant des barèmes de...
quantums, pardon, <d'indemnités...
Mme Schirm (Sylvie) :
...dans
les différents dossiers. Alors, nous recommandons l'adoption par le législateur
d'un règlement d'application prévoyant des barèmes de... quantums, pardon, >d'indemnités,
que nous présumons être sans impact fiscal, mais lesquels ne tiendraient pas
compte des revenus ni du parent créancier ni ceux du débiteur.
Et, je veux rappeler, c'est en 1997 qu'on
a modifié la loi, parce qu'auparavant, malheureusement, je suis assez vieille
pour m'en rappeler, auparavant, on plaidait la pension alimentaire des enfants
avec des budgets, on faisait un budget de l'enfant. Alors, il y avait des
jugements qui variaient énormément, et c'est pour ça qu'on a instauré les
tables, ce qui permettait d'avoir une certaine égalité selon les revenus des
parents. Alors, il ne faut pas oublier ce phénomène-là, et il faut éviter que
cela se reproduise dans le cas de l'indemnité.
D'autre part, on comprend que le projet de
loi prévoit la possibilité de modifier l'indemnité, mais uniquement en cas de
changement important dans l'état de santé de l'enfant, en raison des
circonstances inconnues ou imprévisibles lors de son établissement initial.
Alors, nous soumettons qu'il existe plusieurs facteurs, outre ceux reliés à la
santé de l'enfant, qui risquent de survenir de manière imprévue et influer sur
ses besoins. Nous ne croyons pas qu'il faille limiter la possibilité de
révision de l'indemnité uniquement à des cas découlant de... des soucis de
santé de l'enfant. Nous recommandons de prévoir plutôt, de manière générale,
que, s'il survient un changement important en raison de circonstances
inconnues, imprévues ou imprévisibles au moment du jugement, il sera possible
pour l'enfant de demander au tribunal d'ordonner le paiement d'une indemnité
supplémentaire.
Finalement, l'indemnité qui est prévue ici
est clairement prévue au bénéfice de l'enfant issu d'une agression sexuelle,
mais est payable à sa tutrice légale, soit à la victime de l'agression. Pour
éviter tout conflit quant au véritable créancier de l'indemnité, nous
recommandons de mentionner, dans le texte des articles 542.33 et 542.34,
qu'il s'agit d'un «recours exercé pour l'enfant mineur par la victime
d'agression sexuelle à titre de tutrice légale», de la même façon qu'on le fait
dans 586, CCQ.
Alors, nous espérons que nos commentaires
et suggestions peuvent aider le législateur à adopter la législation actuelle,
le tout dans le meilleur intérêt des enfants du Québec. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. Donc, M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Bon après-midi, Me Schirm, Me Tremblay, merci beaucoup
d'être présents à nouveau en commission parlementaire. Vous êtes assidues sur
le droit de la famille, alors c'est toujours un plaisir de vous recevoir.
Bien, parlons-en, justement, de cette
indemnité-là. Je comprends que vous souhaiteriez qu'on vienne donner un pouvoir
habilitant au règlement pour déterminer par voie réglementaire quelles
devraient être les modalités financières associées à cette indemnité-là pour
répondre aux besoins de l'enfant.
Mme Schirm (Sylvie) : Je
crois que... peut-être qu'est-ce qu'on devrait avoir, c'est un genre de barème,
et là je ne suis pas actuaire, mais peut-être qu'il y aura lieu de regarder un
peu qu'est-ce qu'on fait au niveau des accidents du travail, qu'est-ce qu'on
fait ailleurs dans notre législation pour établir les montants d'indemnité, mais
le but, c'est d'éviter non seulement la disparité dans les jugements, là, mais
aussi d'éviter le retour à la cour de façon incessante et d'éviter également
qu'on puisse avoir une situation d'inégalité face à des parents qui ont des
moyens différents. Et donc le barème va aussi éviter, surtout, la nécessité
d'une preuve d'expert, parce que, sinon, comment est-ce que je vais venir à la
cour puis dire : Voici combien coûte mon enfant et voici qu'est-ce que je
prévois que le coût d'un enfant peut avoir pour les prochains 20 ans ou 25 ans,
peu importe?
C'est vraiment dans cet aspect-là qu'il
faudra regarder peut-être un barème selon les revenus des... Est-ce qu'on tient
compte des revenus? Est-ce qu'on tient compte de la situation de l'enfant? C'est
toujours un risque en faisant ça, parce que l'indemnité ne signifie pas des
aliments, l'indemnité, c'est payer pour compenser un geste. Alors, c'est...
M. Jolin-Barrette : Oui,
parce que c'est tout le défi que nous avions de faire en sorte d'indemniser
adéquatement, mais, puisque... En fait, cette mécanique-là va rentrer en
vigueur à partir du moment où il n'y a pas de lien de filiation qui s'établit.
Puis là, nous, ce qu'on souhaitait faire, ce n'était pas de pénaliser
financièrement la mère de l'enfant rattachée à ça, mais on ne veut certainement
pas qu'il y ait une relation continue entre l'agresseur et la mère. Donc, on
souhaitait que ce soit un montant unique, forfaitaire, révisable, si jamais il
arrivait quelque chose dans la vie de l'enfant, mais pas à chaque année ou à
chaque deux ans. L'idée, c'est de faire en sorte : on règle les affaires
une fois, au moment où madame s'oppose à l'établissement de la filiation. Dans
les <scénarios...
M. Jolin-Barrette :
...c'est
de faire en sorte : on règle les affaires une fois, au moment où madame
s'oppose à l'établissement de la filiation. Dans les >scénarios alternatifs
qui sont à la... en matière de disponibilité des scénarios, il y a toujours la
possibilité pour madame aussi d'établir la filiation, mais d'avoir le recours
en déchéance de l'autorité parentale, qui est facilité dans le cadre du projet
de loi qu'on met. Mais ce n'est pas simple de trouver une solution pour
répondre à cette problématique-là. J'étais curieux de savoir si... Est-ce que,
dans votre pratique, vous avez déjà été confrontées à une situation similaire?
Mme Schirm (Sylvie) : Non,
mais des sommes globales pour enfants, qui sont très rares, qui sont très
rares, on en a déjà plaidé. Il y a une réticence des tribunaux, je dirais,
parce qu'il y a en place un régime de pension alimentaire. Alors, sommes
globales pour un enfant, ça existe, mais il faut quand même l'évaluer. Il faut
tenir compte... De toute façon, la pension alimentaire des enfants est non
imposable, ça fait que ça ne change pas rien au niveau fiscal, mais on... c'est
difficile pour les tribunaux de pouvoir évaluer un montant en remplacement
d'une pension alimentaire. Alors, des sommes globales pour enfants, la
jurisprudence est très pauvre à ce niveau-là.
Et c'est sûr que, dans ce cas-là, dans
les... parce que c'est une question alimentaire pour l'enfant, on va
certainement évaluer les capacités de payer des deux parents et les besoins
de... et le niveau de vie, là, si vous voulez, de l'enfant chez les deux
parents. Alors, c'est pour ça que la première question qui nous est soulevée,
c'est : OK, l'indemnité, qui va le décider? Comment? Est-ce qu'on va
laisser les tribunaux arriver à des principes ou établir un certain principe?
Peut-être. Ça va prendre quand même du temps, puis il risque d'y avoir une
disparité. Donc, je pense qu'on a besoin, peut-être, un peu plus autour...
M. Jolin-Barrette : ...de
règlement.
Mme Schirm (Sylvie) : Oui,
oui, oui, pour pouvoir guider les tribunaux dans ce sens-là.
M. Jolin-Barrette : Parce
que, vous le dites bien aussi, la difficulté avec ça, c'est de prévoir
l'avenir. Parce que, dans l'éventualité où, supposons, c'était lié au revenu
des parents, bien, le revenu qui est au jour un n'est pas le même qu'au
jour 10, mais l'indemnité va être donnée au jour un l'année, supposons, où
ça... le recours va être entrepris devant le tribunal. Puis il n'est pas
révisable, il serait révisable uniquement pour une question de santé de
l'enfant ou pour un motif important. Donc, c'est tout le défi, mais je retiens
votre suggestion de donner un pouvoir habilitant au ministre pour établir des
lignes directrices pour guider. Je pense que c'est sage, c'est une suggestion
qui est sage.
Je voulais vous demander, la... lorsqu'on
parle de grossesse pour autrui, puis le sujet va venir dans le cadre des
consultations, je voudrais savoir ce que vous pensez de la pluriparenté. Le
fait qu'il y ait... Dans le projet de loi, on limite à uniquement deux parents.
Qu'est-ce que vous pensez des situations où il y a certains groupes qui vont
nous demander d'élargir et d'avoir plus de deux parents? Donc, ça veut dire
l'autorité parentale qui est détenue par plus de deux parents, trois, quatre,
cinq, six.
• (15 h 20) •
Mme Schirm (Sylvie) : Écoutez,
c'est... pour les praticiens en droit de la famille, pour nous, là, c'est
inquiétant, inquiétant parce qu'on voit la situation, évidemment, quand ça ne
va pas bien. Moi, je n'ai pas des gens qui vont très bien, puis ils sont
heureux dans mon bureau. J'ai des gens où le litige, le conflit de garde
existe. Et c'est les conflits les plus difficiles, les plus pénibles, souvent
très dispendieux, très déchirants et émotivement difficiles pour tout le monde.
Moi, je trouve qu'on demande déjà beaucoup à nos enfants avec la question de la
garde partagée, par exemple, entre deux parents. Et je ne suis pas contre la
garde partagée, mais je pense que nos enfants ont de la résilience, mais il y a
une limite aussi à qu'est-ce qu'on peut faire.
La situation de la pluriparenté, la
triparenté, c'est qu'on fait quoi quand il y a un litige et quand le couple, ou
les trois personnes, ou les quatre personnes ne sont plus ensemble et ne vivent
plus en harmonie? Alors, on va partager cet enfant-là de quelle façon? Et,
quand je parle de partager, ce n'est pas juste le temps ou le calendrier, je
parle aussi de comment on va partager les décisions, comment on va partager
l'autorité parentale. Qui va choisir le médecin? Qui va choisir l'école? Qui va
décider quelles sont les activités que cet enfant va faire? Tout ça, déjà,
quand il y a deux parents séparés, c'est un défi. Il y a des gens qui
réussissent à s'entendre, tant mieux, mais cet enfant-là est déjà demandé de
s'adapter à deux environnements différents, avec souvent des règles
différentes, avec les familles recomposées, avec les nouveaux conjoints,
nouvelles conjointes, et là on va ajouter une troisième personne qui va
participer à la décision. Et c'est qui qui va décider? C'est deux vont voter
contre un? Un contre... Qui va prendre la décision importante dans la vie de
cet enfant-là? On va le partager comment? On va faire quoi avec Noël? On va
faire quoi avec l'été? C'est ça, la réalité que nous, on voit. Puis je <comprends...
Mme Schirm (Sylvie) :
...on
va le partager comment? On va faire quoi avec Noël? On va faire quoi avec
l'été? C'est ça, la réalité que nous, on voit. Puis je >comprends que
quelqu'un peut dire : Bien, moi, j'agis comme parent et je veux être sur
le certificat de naissance, mais, si on veut être sur un certificat de
naissance, c'est parce qu'on veut exercer des droits. Et, si on veut exercer
des droits, dans ce cas-là, c'est parce qu'on prévoit que, peut-être un jour, il
y aura une rupture et que, peut-être un jour, la famille heureuse sous le même
toit n'existera plus.
Alors, il faut vraiment regarder ça du
point de vue de l'enfant. Et je vous dirai que je mettrai quiconque au défi de
voir comment cela pourrait être géré. Je ne sais pas comment un tribunal
pourrait en juger, à partager entre trois ou entre quatre des décisions de tous
les jours. Et cet enfant-là va vivre à combien d'adresses? Puis le litige,
quand il est là... Si tout va bien et même si on se sépare en harmonie, on n'a
pas besoin d'un jugement puis on n'a pas besoin d'un certificat de naissance.
Et, si ça ne se passe pas comme ça, bien, il faut penser à l'enfant qui va
vivre au centre de ce litige-là. C'est le plus difficile, c'est le plus
dommageable, pour l'enfant, de vivre cette situation-là de conflit parental.
Alors, imaginez un troisième qui s'ajoute à ça. Je vous dirai que je ne crois
pas que c'est dans l'intérêt de l'enfant de permettre cette situation-là.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Et, si vous me permettez, ce qu'on entend beaucoup, c'est, bien, si,
effectivement il y a un projet parental... disons que c'est trois, là, parce
qu'on peut se poser la question, on arrête à combien, mais présumons que c'est
trois, le troisième parent qui ne serait pas sur le certificat, ce qu'on
entend, c'est : Oui, mais, s'il y a rupture de ce milieu familial là,
l'enfant va perdre contact avec moi, alors que, dans les faits, ce qu'on sait,
c'est qu'il existe des recours. Si, effectivement, il n'y a pas d'entente puis
qu'une personne serait évacuée parce qu'elle n'est pas sur le certificat de
naissance, il existe des recours, des droits d'accès pour des tiers. Ça existe
déjà. On n'a pas besoin de rajouter un parent sur un certificat de naissance
pour pouvoir permettre ça.
Mme Schirm (Sylvie) : Et
cette personne-là ne fera pas partie aux décisions, et donc, au moins, on va
limiter le conflit le plus possible.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Écoutez, je vous remercie pour votre présence en commission. Je sais que j'ai
des collègues qui veulent vous poser des questions. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Alors, il reste six...
un peu plus de six minutes. Mme la députée de Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci. Merci,
M. le Président. Merci à vous deux pour votre temps, très intéressant. Une
question par rapport à l'autonomie décisionnelle de la femme. Donc, la personne
porteuse pendant la grossesse, pendant le projet de GPA, à votre avis, est-ce
que vous croyez que cette personne est protégée à toute étape de la GPA? Est-ce
que c'est suffisamment encadré, selon vous?
Mme Schirm (Sylvie) : Nous,
on avait recommandé qu'il y ait des consultations avec des avocats, mais,
justement...
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Avant, avant la...
Mme Schirm (Sylvie) :
...avant, avant la conception, avant, justement, pour permettre à tout le monde,
dans ce projet-là, d'avoir une opinion, d'avoir une consultation privée sur la
question. Parce que peut-être qu'il y a des questions qu'on veut poser qu'on
n'osera pas poser devant... en présence de la mère porteuse, parce que,
justement, on est dans une situation où on ne veut surtout pas du conflit puis
on veut amener tout ça à terme.
Moi, je trouve qu'où est-ce qu'elle est
protégée c'est le fait de pouvoir mettre fin à la grossesse en tout moment,
entièrement. Ça, je trouve que c'est important puis je trouve qu'on ne devra
certainement pas changer ça. Nous, on avait suggéré que, vu toutes les étapes
de cette démarche-là qui doivent être faites même avant la conception, on
considérait qu'il y avait suffisamment de temps pour la mère de donner son
consentement à ce projet-là et on considérait que le fait qu'elle puisse le
retirer dans les sept à 30 jours... pas avant sept jours puis dans les 30 jours,
on considérait que cela était... n'était pas nécessaire à cette étape-là, vu
qu'on pense... Bon, bien, on a l'idée de le faire, on a les rencontres, on a la
rencontre avec le notaire, on a... si c'est un cas d'insémination, tout qu'est-ce
que... Cela prend du temps. Alors qu'on trouvait que le temps était suffisant
pour que la mère porteuse ait le temps de réfléchir à ça, qu'elle n'avait pas
besoin d'un autre délai, mais c'était ça, notre opinion, à l'époque, et ce
l'est encore aujourd'hui, mais je crois que... le fait qu'elle puisse, elle,
décider de mettre fin à la grossesse, c'est... on n'a absolument rien contre
cette démarche-là.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, Mme la députée de
Vimont, s'il vous plaît.
Mme Schmaltz : Merci, M.
le Président. Bonjour, mesdames. J'ai une question concernant la... le laps de
temps qu'on accorde dans une dénonciation. Je m'explique. Souvent, des femmes
vont prendre quelques années, ça peut arriver qu'elles ne vont pas dénoncer
immédiatement leur agresseur, pour toutes sortes de raisons, parce que ça peut
être un viol conjugal, parce que ça pourrait être une agression qui est
arrivée, puis, pour toutes sortes de raisons, elles ne vont pas le <dénoncer...
Mme Schmaltz :
...que
ça peut être un viol conjugal, parce que ça pourrait être une agression qui est
arrivée, puis, pour toutes sortes de raisons, elles ne vont pas le >dénoncer.
Est-ce que vous pensez qu'il y a un laps de temps qu'on doit encadrer avant
qu'une dénonciation puisse se faire? Je pense que la loi l'autorise, il n'y a
pas de date.
Mme Schirm (Sylvie) : Il
n'y a pas de date. Je pense que non. Je pense que, de toute façon, il faut
considérer que tout ça est relié à un enfant, hein? Alors, le laps de temps, à
mon avis, ne devrait pas exister pour faire ce recours-là, justement dans le
contexte dans lequel on sait que les femmes ne portent pas toujours plainte,
que ce n'est pas tous les viols qui sont dénoncés, que ce n'est pas toutes les
agressions qui sont dénoncées.
C'est certain qu'au niveau de praticiens
sur le terrain c'est une question de preuve, hein, puis c'est une question de
la parole de l'un contre la parole de l'autre, un peu comme la violence
conjugale. Sauf qu'en cas de violence conjugale, quand c'est répétitif, etc.,
parfois on a des témoins, ou on a des dossiers médicaux, ou on a d'autres
choses. Ça se peut qu'on ait un dossier médical ou ça se peut qu'on n'en ait
pas. Alors, à mon avis, on ne devrait pas avoir un laps de temps pour faire
cette démarche-là, mais ça va jusqu'à la majorité de l'enfant, de toute façon.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Et ça va jouer, je présume, aussi dans l'appréciation de ce qui est dans
l'intérêt de l'enfant ou de ce qui ne l'est pas. Si, par exemple, c'est dénoncé
alors que l'enfant a 14 ans, bien, de toute évidence, ça va avoir des
répercussions sur sa vie si lui a été en contact avec son père.
Mme Schmaltz : Donc,
est-ce qu'on peut envisager qu'à partir d'un certain âge ce n'est pas conseillé,
justement? Parce qu'il y a le lien qui a été établi déjà à la base.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Bien, ce sera au tribunal d'évaluer qu'est-ce qui est dans l'intérêt de
l'enfant.
Mme Schmaltz : Ah!
D'accord. OK. Parfait. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour, d'abord, votre mémoire, puis le fait que vous
puissiez partager avec nous votre expérience pratique de ce dont on parle.
C'est déjà un projet de loi qui... en fait, qui est complexe. Il y a de
multiples facettes, donc votre expertise est d'autant plus louable et valable.
Alors, je tiens à vous remercier beaucoup.
J'aurais quelques questions pour vous.
Dans le projet de loi, à l'article 1, en fait, qui réfère à l'article 113
du Code civil, quand on parle du projet parental impliquant une grossesse pour
autrui, on dit que la convention de grossesse pour autrui doit être notariée.
Cependant, plus loin dans le projet de loi, quand on parle de la filiation à
541.9 ou le renoncement à la filiation, là, on parle d'un document notarié ou
d'un document sous seing privé. Dans les deux cas, est-ce que vous pensez qu'il
y en a un qui mérite plus d'être notarié que l'autre? Est-ce que c'est un
manque de cohérence? Est-ce que les deux devraient être notariés ou pas notariés?
Est-ce qu'on devrait donner l'option dans les deux cas? Puis quels sont les
avantages ou les inconvénients?
Mme Schirm (Sylvie) : Si
je comprends bien, c'est le consentement qui... Le 541.9, le consentement n'est
pas nécessairement notarié.
M. Morin : Exact.
Mme Schirm (Sylvie) : OK,
tandis que le projet doit être notarié.
M. Morin : Exact. C'est
ma compréhension.
• (15 h 30) •
Mme Schirm (Sylvie) : Et,
à mon avis, il y a une nuance à faire, effectivement, parce que, le projet
notarié, c'est une question de preuve, hein?
M. Morin : Oui.
Mme Schirm (Sylvie) : Un
acte notarié, au Québec, là, fait preuve de... mais, en tout cas, c'est certain
que, nous, comme praticiens, si quelqu'un vient avec un contrat notarié, j'ai
un fardeau de moins de la preuve à faire que si je n'en ai pas. Alors, je
trouve qu'il y a une nuance, mais le consentement, est-ce que c'est nécessaire
d'être notarié? Je ne crois pas que c'est vraiment si grave que ça, que ce soit
notarié ou sous seing privé.
M. Morin : OK. Parfait, je
vous remercie. Maintenant, si on revient à l'article 542.33, ça, c'est
l'article 19, je pense, du projet de loi, si je ne me trompe pas, oui,
c'est ça, où on parle de la responsabilité financière visant les besoins d'un
enfant issu d'une agression sexuelle. Vous l'avez évoqué puis, dans votre
mémoire, vous en parlez, mais, moi, ce qui m'intéresse, c'est vraiment le côté
pratico-pratique. Parce que, si le projet de loi est adopté... et, compte tenu
de la composition du gouvernement actuel, il a de fortes chances d'être adopté,
avec 90 députés, n'est-ce pas? Ceci étant, après ça, évidemment, ce qu'on
veut comme législateurs, c'est de s'assurer que ça va avoir une application,
mais que les gens vont s'y retrouver puis que ça va être utile pour les gens
aussi. Je comprends l'idée, mais corrigez-moi si je fais erreur, mais, dans le
projet tel qu'il est là, si, admettons, la victime du viol qui a eu l'enfant
veut aller chercher une indemnité de la personne qui l'a violée, elle va devoir
s'adresser à la cour. Ce n'est pas <automatique...
Mme Schirm (Sylvie) :
Non, non...
>
15 h 30 (version révisée)
<19253
M. Morin :
...veut aller chercher une indemnité de la personne qui l'a violée,
elle va devoir s'adresser à la cour. Ce n'est pas >automatique.
Mme Schirm (Sylvie) : Non,
non.
M. Morin : Et donc, et
donc, admettons, prenons le cas de figure, la personne a dénoncé, la
personne... l'agresseur a été accusé, il a été condamné au criminel, la
personne a eu un jugement, une condamnation. Bon, donc là, c'est clair que le
viol a été établi, mais ça, ça ne donne pas une indemnité. Donc là, la mère, en
fait, qui a été victime, est obligée de s'adresser à nouveau à la cour. Puis
là, évidemment, le défendeur, ça va être l'agresseur, et donc de refaire une
preuve devant le tribunal civil, n'est-ce pas?
Mme Schirm (Sylvie) : Oui,
mais, de toute façon, elle va vouloir s'adresser à la cour pour contester la
filiation si la filiation est déjà établie.
M. Morin : OK.
Mme Schirm (Sylvie) : Donc,
le recours est... Est-ce qu'on va le faire en deux étapes? Ça se peut qu'un
juge va d'abord décider est-ce qu'il y a lieu de rompre le lien de filiation.
Parce qu'il doit quand même décider dans l'intérêt de l'enfant, puis il va
avoir une preuve à faire, évidemment. Et il peut décider, dans un deuxième
temps : Bon, si oui, quel est le montant de l'indemnité? Est-ce qu'on fera
une audience en deux étapes? C'est possible, mais c'est sûr que, de toute
façon, si le nom est sur le certificat de naissance, ce recours-là doit être
entamé. Alors, on peut l'entamer et demander, en même temps, dans la procédure.
Je verrai très bien ça, de demander l'indemnité à ce moment-là.
M. Morin : Au même
moment.
Mme Schirm (Sylvie) : Oui.
M. Morin : Et, quand on
parle, dans le projet de loi, d'une indemnité, puis je pense que vous y avez
fait référence, ce n'est pas comme une pension alimentaire, ce n'est pas un
montant qui est versé à tous les mois. Donc, c'est un montant.
Mme Schirm (Sylvie) : C'est
un montant. Il est possible — moi, je l'apparente un peu à qu'est-ce
qu'on appelle une somme globale ou une somme forfaitaire — il est
possible, peut-être, pour la cour, de décider que l'indemnité sera versée en
deux versements, par exemple, mais pas rien qui s'approche, là, d'une pension
alimentaire qui sera périodique, etc., sur 18 ans ou dans le temps. Alors,
c'est sûr que, quand on a la notion d'indemnité, on sort un peu, là, de qu'est-ce
qui est la pension alimentaire pour enfants.
M. Morin : Et évidemment
le projet de loi ne parle pas de 18 ans ou 21 ans, parle de l'autonomie.
Mme Schirm (Sylvie) : Et
voilà.
M. Morin : Et ça, vous y
avez fait référence aussi. Donc, ça, ça peut être 17, 18, 20, 21, 22, quelqu'un
qui va à l'école, à l'université, ça peut être un peu plus.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Bien, normalement, l'autorité, ce n'est jamais en bas de 18 ans, là, selon...
pour les barèmes de la pension alimentaire.
M. Morin : Exact.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Mais, si, après la majorité, un enfant n'est pas indépendant financièrement
pour cause de maladie, parce qu'il est aux études à temps plein, là, à ce
moment-là, techniquement, il est encore à charge. Donc l'autonomie, ça fait
référence à ça.
M. Morin : Exact, mais
ce n'est pas très précis.
Mme Schirm (Sylvie) : Pardon?
M. Morin : Ce n'est pas
très précis, cependant.
Mme Schirm (Sylvie) : Non,
mais la jurisprudence de nos jours... Puis c'est pour ça que j'ai parlé tantôt
qu'il y a 20 ans, c'était au-dessus de 18 ans, puis bonjour, ou, des
fois, il y a des gens qui nous appellent : Mon fils a 18 ans, est-ce
que je peux arrêter de payer la pension? Ce n'est pas le chiffre magique
nécessairement, on voudrait, mais ce n'est pas le cas. Alors, il y a tout cet
aspect-là. Donc, la jurisprudence est quand même pas mal établie sur c'est quoi,
l'autonomie. Et, d'habitude, puis là c'est un peu mon interprétation, un
premier bac, là, c'est... on donne la chance à l'enfant d'obtenir un premier
bac et on va tenir compte, par exemple, dans ce cas-là, de certains de ses
revenus. Mais là, ici, on ne parle pas de ça, on parle vraiment de l'indemnité.
M. Morin : Puis
évidemment ce montant-là, vous l'avez fait référence... vous y avez fait
référence, il va falloir, à un moment donné, des experts, je veux dire, la
demanderesse ne peut pas juste dire à la cour : Moi, ça me prend 300 000 $,
puis on s'en va avec ça.
Mme Schirm (Sylvie) : C'est
pour ça qu'on a besoin de barèmes ou de...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Il faut faire la preuve autrement, c'est difficile.
M. Morin : Tout à fait.
Absolument. Et là, si le défendeur, qui est l'agresseur sexuel, vous y avez
fait référence, n'a pas sa capacité de payer ou n'a pas de capacité de payer,
il n'en a pas, bien, bien, la demanderesse va avoir un beau jugement, puis ça
va l'encadrer, puis ça va finir là.
Mme Schirm (Sylvie) : C'est
le sort qui arrive dans certains cas, même avec les pensions alimentaires. Mais,
si on ne tient pas compte... puis, à mon avis, l'indemnité ne doit pas tenir
compte nécessairement de la capacité de payer, mais le jugement est là pour
longtemps. Alors, un jugement est aussi inscrit dans les registres de crédits,
etc., donc, il y a un impact sur la vie de cette personne-là, puis il y a des
recours quand même pour pouvoir recouvrir le montant du jugement. Mais c'est
certain qu'il peut y avoir des cas où est-ce qu'on n'a pas encore de jugement.
M. Morin : Puis la
problématique, la demanderesse, dans un cas comme ça, n'aura pas nécessairement
recours à l'aide juridique, donc ça va être autant de frais pour elle?
Mme Schirm (Sylvie) : Pas
nécessairement. Moi, je ne vois pas pourquoi elle n'aura pas recours à l'aide
juridique.
M. Morin : Mais ça
dépend de ses revenus.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Ça dépend de sa situation...
Mme Schirm (Sylvie) : Oui,
certainement, mais, si la personne est admissible à l'aide juridique, ça, c'est
sûr qu'à mon avis elle peut exercer le recours. Est-ce que le fait d'aller chercher
une indemnité empêcherait l'utilisation de l'aide juridique, je ne suis pas
certaine.
M. Morin : OK. Mais sauf
que, pour la majorité des Québécoises qui ont un revenu souvent qui est un peu
en haut de l'aide juridique, <pas tout le temps...
Mme Schirm (Sylvie) :
...de l'aide juridique, je ne suis pas certaine.
M. Morin :
OK.
Mais sauf que pour la majorité des Québécoises qui ont un revenu souvent qui
est un peu en haut de l'aide juridique, >pas tout le temps, mais qui ne
sont pas dans les 400 000 $, 700 000 $, 1 million, là,
bien, ça va générer des frais...
Mme Schirm (Sylvie) : C'est
sûr.
M. Morin : ...un temps
de cour, parce qu'on sait que nos tribunaux sont assez débordés par les temps
qui courent. Donc, ce n'est pas simple.
Mme Schirm (Sylvie) : Aucun
recours n'est simple.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Savez-vous ce qui est intéressant dans ce que vous dites, parce que la Cour
d'appel nous interdit, en tant qu'avocat en droit de la famille, de prendre un
dossier en pourcentage lorsqu'il est question d'aliments. On ne pourrait pas,
par exemple, dire : Je vais prendre 20 % de la pension alimentaire
que tu vas aller chercher. Par contre, quand c'est une indemnité, peut-être que
ce serait possible, là, parce que, techniquement, la Cour d'appel parle
d'aliments. Si ce ne sont pas des aliments, un avocat pourrait très bien dire :
On va t'obtenir une indemnité puis aller te chercher un pourcentage. Alors là,
dépendamment de ce qui est souhaité, soit qu'on empêche ça ou qu'on le permet.
Mme Schirm (Sylvie) : On
ne peut pas le faire sur le patrimoine familial non plus, mais on peut très
bien, dans un cas comme.. de... un avocat peut négocier un mandat sur une
question de pourcentage.
M. Morin : Exact, ce ne
serait pas interdit...
Mme Schirm (Sylvie) : À
mon avis, non.
M. Morin : ...dans un
cas comme ça. Et là il n'y a rien qui empêche ça présentement.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Pas à ma connaissance, non.
M. Morin : OK. Parfait. Écoutez,
je vous remercie...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Et, juste... Vous avez posé tantôt la question, il va falloir faire la
preuve du viol...
M. Morin : Oui.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
...il y a quand même 542.29 qui dit qu'on pourra faire la preuve par le
dépôt. Dans votre exemple, il y avait déjà un jugement en chambre criminelle.
549.29 prévoit que le dépôt pourra faire la preuve du viol. Donc, on présume
que toute cette étape-là, tout ce pan-là de la preuve, pourra être évité, là, ce
n'est pas... On n'aura pas à le faire deux fois, là.
M. Morin : Non. Ça, vous
avez tout à fait raison. Je vous remercie. Merci, M. le Président.
Le Président
(M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup.
M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Oui, merci,
M. le Président. Sur la question de l'indemnité, là, au fond, si je comprends
bien, dans votre interprétation, le projet de loi, en parlant d'indemnité, il
exclut la formule récurrente qui s'assimile à une pension alimentaire. Est-ce
que vous estimez que ça devrait être changé, c'est-à-dire que ça devrait être
une pension alimentaire, vous estimez que c'est mieux que ce soit une
indemnité?
Mme Schirm (Sylvie) : Non,
non, non, parce que, justement, le but, c'est de couper les liens. Si on veut
enlever la filiation, là, si on permet d'enlever la filiation, si une victime
veut ne plus avoir de lien, et on va à ce point-là de demander que la filiation
n'existe plus, c'est certain qu'on ne veut pas être devant les tribunaux, aux
deux ans ou avant, avec l'agresseur qui va venir demander non seulement une
modification de la... si c'était le cas de pension, la pension, mais de
demander les revenus de madame, combien est-ce qu'elle gagne, envoyer des
citations à comparaître à son employeur, demander copie de sa carte de crédit,
toute l'invasion de la vie privée qui existe dans ce cas-là, c'est, justement,
qu'est-ce qu'on veut éviter.
M. Zanetti : OK. Et
est-ce que... C'est sûr que, si, mettons, le montant d'indemnité est fixé à un
niveau qui dépasse la capacité de payer du défendeur, bien là, les liens seront
rompus, parce qu'à un moment donné ça va être comme une...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Il va falloir forcer... pendant des années, peut-être.
M. Zanetti : C'est ça,
forcer... Bon. Mais c'est comme un moindre... C'est le moins pire des mals
finalement.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Exact.
M. Zanetti : OK. Une
autre question, c'est : Est-ce qu'il existe quelque chose, parce que...
Est-ce qu'il y aurait une façon d'éviter de s'en remettre aux tribunaux pour
fixer ce montant-là? Y a-tu une formule qui existe sur laquelle pourrait... le
projet de loi pourrait arrimer l'indemnité qui est prévue au projet de loi? Y
a-tu comme... ou si n'a pas le choix, il va falloir faire du cas par cas?
Mme Schirm (Sylvie) : Bien,
à mon avis, on n'a pas le choix, parce qu'on veut éviter le contact entre ces
deux personnes-là. Alors, ce n'est certainement pas un cas de médiation. Ce
n'est pas un cas non plus du service qui existe, là, où est-ce qu'on peut
demander de réviser la pension alimentaire quand on est tous les deux d'accord,
etc. Ça ne se prête pas à ça.
M. Zanetti : OK. Donc,
la nécessité, l'impératif, l'objectif de couper les liens nous dirigent vers
une solution comme celle-là, puis pas le choix, les tribunaux, même avec les
coûts que ça entraîne. Je comprends.
Mme Schirm (Sylvie) : Parce
que l'autre choix, c'est de rester dans le cadre qui existe, qui est la
déchéance de l'autorité parentale dont j'ai parlé tantôt. Puis, avec la pension
alimentaire, bien là, on n'a pas rien vraiment réglé à ce niveau-là.
• (15 h 40) •
M. Zanetti : Pouvez-vous
m'expliquer ça? Je ne suis pas sûr de comprendre.
Mme Schirm (Sylvie) : C'est-à-dire,
si on fait une déchéance d'autorité parentale, le lien de filiation continue
d'exister. On peut demander la révision. Le parent... le père agresseur peut
demander des aliments à l'enfant issu de l'agression. Le lien, au niveau de
l'obligation alimentaire, est encore là. Alors, tout est encore en place...
M. Zanetti : On ne coupe
pas.
Mme Schirm (Sylvie) : ...donc
on ne coupe pas le lien.
M. Zanetti : Je
comprends.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Puis on peut présumer que la victime pourra choisir son recours.
Mme Schirm (Sylvie) : Voilà!
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Si c'est une personne fortunée, avec un jugement qui pourrait être
exécutable, bien, on va peut-être choisir ce recours-là. Si, par exemple, la
personne est incarcérée, il n'a pas de moyens financiers, bien, peut-être qu'on
va y aller avec la déchéance puis on va revenir pour les aliments. Ce sera à
son choix.
M. Zanetti : Parce que
le jugement peut arriver plusieurs années après la naissance, là.
Mme Schirm (Sylvie) : Oui.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Oui. Et c'est là la question de savoir, pour déterminer l'indemnité, comme
disait Me Schirm plus tôt, est-ce qu'on considère s'il a contribué? Disons que
l'enfant a quatre ans, est-ce qu'il a contribué, les quatre premières années
financièrement? Est-ce qu'on le déduit de l'indemnité? Parce que ça peut être
fait aussi, ça peut se négocier entre avocats, ça peut être fait <volontairement
aussi...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
...financièrement? Est-ce qu'on le déduit de l'indemnité? Parce que
ça peut être fait aussi, ça peut se négocier entre avocats, ça peut être fait >volontairement
aussi, là.
M. Zanetti : Je
comprends. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci beaucoup, M. le
député. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Merci, M.
le Président. Deux questions. Ma première, c'est en lien avec le changement, puis
la deuxième, c'est la prescription... en tout cas, la façon que ce n'est pas
prescrit.
Une voix : ... oui, bonne
chance.
Mme Nichols : Exactement
ça. Mais autant pour la personne victime, contrairement, là, à l'enfant, ça
fait que je pourrai peut-être compléter avec ça. Mais le changement, c'est
parce que, dans les pensions alimentaires pour enfants, dès qu'il y a un
changement, puis là on sait qu'on peut y aller...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Significatif.
Mme Nichols : Significatif,
soit un changement de garde ou soit un changement important dans les revenus
des parents...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Ou dans la vie de l'enfant, dans l'état de l'enfant aussi. À l'heure
actuelle, une pension, c'est ça.
Mme Nichols : C'est ça.
Là, on peut demander un changement, tu sais, un changement, mais, dans... Je
regardais dans votre mémoire, vous recommandez de prévoir plutôt, de manière
générale, que, s'il survient un changement important en raison de circonstances
inconnues, imprévues, imprévisibles... Ces changements-là, vous faites
référence à l'enfant, pas nécessairement à la situation...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Exact.
Mme Schirm (Sylvie) : Exactement,
c'est aux besoins de l'enfant.
Mme Nichols : C'est ça,
aux besoins de l'enfant, mais, s'il y avait un changement important dans la
situation du... on va dire du paternel, il gagne à la loterie, je ne sais pas,
il...
Mme Schirm (Sylvie) : À
mon avis... bien, il va y avoir une interprétation à faire par rapport à ça,
mais, à mon avis, le but, c'est de limiter les interactions. Alors, ça prend...
C'est pour ça qu'on a parlé d'un changement très imprévisible, là, quelque
chose qu'on n'aurait pu jamais penser quand l'indemnité avait été fixée, mais
c'est par rapport à l'enfant, parce que l'indemnité, c'est pour les besoins de
l'enfant.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Ou, par exemple, s'il y a des barèmes qui sont établis, qui ne prennent pas
en considération les moyens des parents, mais bien qu'on détermine le coût de
base d'un enfant, par exemple, pour les 18 premières années, puis là on va
établir un certain barème selon l'âge de l'enfant. L'indemnité correspondra à
ce barème-là, mais, si jamais, finalement, l'enfant a des problèmes de santé
majeurs, mais ça peut être d'autres sortes de problèmes aussi, qui font en
sorte que l'indemnité, de toute évidence, n'est pas suffisante, bien là, on
pourra demander une indemnité additionnelle, qui là devra faire l'objet d'une
preuve d'expertise.
Mme Schirm (Sylvie) : Mais
qui sera quand même assez restreint, là, ce n'est pas quelque chose qui va...
Mme Nichols : Mais pas
nécessairement de prévoir une ouverture s'il y a un changement dans la
situation financière...
Mme Schirm (Sylvie) : Non,
non, non, parce qu'on parle d'indemnité et non pas de pension alimentaire.
Mme Nichols : OK. Parfait.
C'est sûr que, tu sais, comme les pensions alimentaires, là, ça sera difficile,
là, d'avoir un recours pour aller chercher ces montants-là, que ce soit une
fois, deux fois ou... Ce sera quelque chose qu'on passera par un percepteur des
pensions alimentaires, on verra, là, évidemment, c'est des discussions qui
auront lieu ici.
Relativement à la prescription, je
m'interrogeais, entre autres, puis il y a eu d'autres groupes aussi avant, là,
542.33 puis 542.34, pourquoi les recours qui sont prévus à ces nouveaux
articles là sont imprescriptibles pour la personne victime contrairement à
l'enfant issu de l'agression sexuelle? Est-ce que vous le voyez comme ça ou
vous l'interprétez...
Mme Schirm (Sylvie) : Excusez-moi,
c'est 542.33.
Mme Nichols : Oui, puis
542.34. Je me demandais, est-ce que c'est des... est-ce que ça préoccupe, entre
autres, la limite du recours pour que...
Mme Schirm (Sylvie) : Non.
Mme Nichols : Non, on ne
le voit pas.
Mme Schirm (Sylvie) : Non,
non, «imprescriptible, action, réclamation...» Non, puis, d'ailleurs, on donne
l'opportunité à l'enfant, si jamais la mère décide de ne pas exercer ce
recours-là... ce qui est possible, parce que quelqu'un qui a vécu ça veut
peut-être dire : Je ne veux même pas faire une demande... Je peux faire
une demande de rompre le lien de filiation, mais je ne veux pas faire de
demande d'indemnité, c'est très... c'est possible, ça. À ce moment-là, l'enfant
a le recours qu'il peut faire à la majorité.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Le temps passe
rapidement en agréable compagnie. Alors, merci beaucoup.
Et puis on suspend quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 45)
(Reprise à 15 h 49)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les
représentants de la Chambre des notaires du Québec. Donc, Me Potvin et Me
Boily, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Comme vous savez, vous avez
10 minutes de présentation. Alors, je vous laisse débuter immédiatement. À
vous la parole.
Chambre des notaires du Québec (CNQ)
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
merci beaucoup. Bonjour à tous. Alors, M. le Président, M. le ministre de la
Justice et notaire général, Mmes, MM. les députés, au nom de la Chambre des notaires,
je vous remercie pour votre invitation à cette consultation particulière qui
porte sur le projet de loi n° 12.
• (15 h 50) •
Après l'adoption d'une partie du projet de
loi n° 2 l'automne dernier, le présent projet de loi représente une autre
étape dans la réforme du droit de la famille au Québec, tant réclamée par la chambre,
et ce, depuis bon nombre d'années. Je tiens, donc, à remercier le ministre pour
son travail continu dans ce dossier et son engagement à faire avancer cette
réforme bien nécessaire.
Tout d'abord, la chambre tient à saluer
l'importance qu'accorde le législateur aux principes de l'intérêt de l'enfant,
le plaçant ainsi au coeur des préoccupations. C'est également ce qui a guidé
les travaux de la chambre et la rédaction des différentes propositions et
recommandations faites dans notre mémoire. Ce principe est tellement important
aux yeux de la chambre qu'il devrait être enchâssé dans la Charte des droits et
libertés de la personne afin de guider toutes les décisions qui les concernent.
On élève, donc, au rang de valeur juridique et sociale, pour notre société, les
droits des enfants, qui sont ainsi garantis. Alors, nous faisons ainsi écho à
la proposition du notaire et Pr Alain Roy, expert en droit de la famille,
que je salue aujourd'hui, que je remercie pour son travail engagé dans ce
domaine.
La chambre félicite le législateur, qui
innove en permettant l'établissement légal du lien de filiation en faveur des
parents d'intention, un processus simple et complètement déjudiciarisé qui
prévoit dorénavant la validité d'une convention de grossesse pour autrui, une
avancée concrète pour l'intérêt de l'enfant issu <d'un tel projet...
Mme Potvin (Hélène) :
...un
processus simple et complètement déjudiciarisé qui prévoit dorénavant la
validité d'une convention de grossesse pour autrui, une avancée concrète pour
l'intérêt de l'enfant issu >d'un tel projet parental. La filiation a
beaucoup d'impacts sociaux, humains, civils et juridiques. C'est pour cette
raison que nous appuyons les nouvelles dispositions... législatives, pardon,
qui visent à ne pas restreindre à un délai fixe le droit pour un enfant de
réclamer ou de contester sa filiation. Ainsi, chaque personne vivant une
situation où sa filiation représente un enjeu au cours de sa vie pourra
dorénavant la vivre sans discrimination quant à son âge.
La chambre salue également le fait qu'un
enfant issu d'une agression sexuelle puisse dorénavant contester sa filiation
avec l'agresseur ou s'opposer à ce qu'une telle filiation soit établie. Ici
aussi, on place l'intérêt supérieur de l'enfant avant tout. Il en est de même
de la protection financière de l'enfant dans le cas où il est issu de la
violence. Nous comprenons qu'un des objectifs des nouvelles dispositions
législatives proposées consiste à éviter qu'une filiation puisse être établie
entre l'agresseur et l'enfant. Pour cette raison, nous croyons qu'il serait
plus cohérent, avec les dispositions actuelles du Code civil du Québec, en
matière de succession, de ne pas considérer cet enfant comme un descendant au
premier degré. La dévolution légale d'une succession repose sur les liens de
parenté qui, eux, reposent sur la filiation.
Toutefois, l'enfant issu d'une agression
sexuelle ne doit pas être laissé sans ressource pour autant. C'est pour cette
raison que la Chambre des notaires propose des alternatives aux dispositions
proposées dans le projet de loi. Si l'objectif du législateur est de veiller à
ce que l'enfant ne soit pas laissé dans le besoin, il serait envisageable
d'ajouter l'enfant parmi les créanciers alimentaires de l'agresseur, tant de
son vivant qu'à son décès. En revanche, si l'objectif du législateur est plutôt
de s'assurer que l'enfant reçoive une portion du patrimoine de l'agresseur à
son décès, nous croyons que l'enfant devrait avoir la possibilité d'obtenir une
portion déterminée de la succession à titre d'indemnité, laquelle pourrait être
fixée, d'ailleurs, par la loi. Cette indemnité pourrait être d'ordre public, ce
qui ferait en sorte que l'agresseur ne pourrait pas la contourner grâce à des
dispositions testamentaires.
Le projet de loi n° 12 vient
reconnaître les projets parentaux qui ont recours à la grossesse pour autrui.
Étant donné les risques et les enjeux, tant juridiques qu'éthiques, qui peuvent
être associés à ces projets, la chambre appuie sans réserve l'adoption des
dispositions législatives et réglementaires visant à les encadrer. Cet encadrement
est bien nécessaire afin d'assurer la sécurité juridique des parties et plus
particulièrement celle de la personne donnant naissance et à l'enfant à naître.
Pour parvenir à établir ce cadre, le législateur fait appel aux notaires,
officiers publics impartiaux, conseillers juridiques et experts en droit de la
famille, obtenir la garantie que la date de la convention est antérieure à la
conception de l'enfant à naître, et ce, de façon certaine, est cruciale. Elle
permet ainsi à l'État d'assurer la primauté des intérêts supérieurs de l'enfant
et éviter la marchandisation de l'enfant déjà conçu en tout respect de la convention
internationale relative aux droits de l'enfant. La convention de grossesse pour
autrui par acte notarié en minutes fera preuve de son contenu, dont la date
certaine de l'écrit, de l'identité des parties, de la validité d'un
consentement libre et éclairé et de la véracité des éléments qui y sont
contenus.
L'acte notarié est inattaquable dans son
essence que, si les formalités imposées à sa confection n'ont pas été
respectées. Aucune protection équivalente n'existe pour l'écrit sous seing
privé, peu importe qu'on en multiplie les témoins à sa signature. L'acte
notarié est plus qu'un simple contrat, il est le résultat d'un accompagnement.
Le notaire pourra vulgariser aux parties l'encadrement juridique imposé à ce
type de convention et pourra bien les conseiller. Ceci représente le gage de
cet encadrement recherché par le législateur. Le notaire, juriste de proximité,
près des personnes et des familles, est donc le professionnel tout indiqué pour
assumer la responsabilité que le législateur entend lui confier. Un récent
sondage est, d'ailleurs, venu affirmer que 84 % des Québécoises et des
Québécois considèrent que la convention de grossesse pour autrui devrait être
faite sous la forme notariée afin de mieux protéger les parties à la convention
ainsi que l'enfant à naître.
D'ailleurs, et en ce qui concerne la
convention grossesse pour autrui, notre mémoire... expose plus précisément les
clauses qui pourraient s'y retrouver. On y propose plusieurs éléments qui
feront de cette convention un document précis, personnalisé et sécuritaire,
alors je vous y réfère. Par ailleurs, et une fois signé, les parties pourraient
vouloir y apporter des modifications, et ce, <pour différentes raisons...
Mme Potvin (Hélène) :
...un
document précis, personnalisé et sécuritaire, alors je vous y réfère. Par
ailleurs, et une fois signé, les parties pourraient vouloir y apporter des
modifications, et ce, >pour différentes raisons. Alors, il nous apparaît
essentiel de prévoir cette éventualité. En conséquence, la chambre recommande
au législateur de prévoir expressément une disposition légale qui vient
permettre la modification de la convention de grossesse pour autrui par acte
notarié en minutes.
De plus, et en guise de complément à la
convention de grossesse pour autrui, nous croyons que les dispositions
relatives au dépôt en fidéicommis, qui étaient prévues dans l'ancien projet de
loi n° 2, devraient être reprises dans le présent
projet de loi. Ce dépôt ajoute une garantie supplémentaire à cette démarche. De
cette manière, la femme ou la personne qui a accepté de donner naissance aura
la garantie qu'elle obtiendra ce qui lui est dû et, pour les parents
d'intention, l'assurance qu'ils pourront respecter leurs obligations
financières, bref, se libérer l'esprit des considérations monétaires afin de se
concentrer sur le côté humain du projet.
Autre situation, il nous apparaît
essentiel que l'intérêt de l'enfant soit placé au-dessus de toute autre
considération, c'est le consentement de soins du nouveau-né dans le cadre d'une
grossesse pour autrui. La chambre est d'avis que le législateur doit éliminer
toute ambiguïté quant à la personne ou aux personnes qui doivent consentir ou
refuser les soins de santé au nouveau-né. Or, le fait de confier l'enfant
emporte de plein droit la délégation de l'exercice de l'autorité parentale, et
ce... et la tutelle aux parents d'intention, sauf s'il y a opposition de la
femme ou de la personne qui lui a donné naissance. Cette situation de fait,
difficile à déterminer dans certains cas, peut entraîner des conséquences
graves et importantes pour l'enfant. Alors, la chambre recommande ainsi au
législateur de préciser qui sera le détenteur de l'autorité parentale pendant
la période entre la naissance et la signature du consentement de cette personne,
à ce que son lien de filiation soit réputé n'avoir jamais existé et que ce lien
soit établi à l'égard des parents d'intention.
À l'instar de l'encadrement rigoureux qui
est exigé lors d'un projet parental se déroulant au Québec, il est essentiel
que l'État encadre le projet parental hors du Québec, de manière à lui fournir
des garanties similaires. À cet effet, pour éviter tout contournement facile de
la loi, la chambre recommande que les parents d'intention soient obligés de
signer une déclaration solennelle par acte notarié en minutes, à l'effet qu'ils
s'engagent à conclure une convention de grossesse avec la femme ou la personne
qui acceptera de donner naissance à l'enfant avant la grossesse projetée. Cette
déclaration serait ainsi transmise au ministre avec la demande pour
autorisation prévue au projet de loi. Cette déclaration solennelle par acte
notarié donnera ainsi une garantie fiable aux analystes de l'État qui auront à
traiter ces dossiers.
En terminant, la chambre remercie le
ministre de la Justice et notaire général pour sa confiance envers les
notaires, confirmant ainsi sa vision d'un système de justice plus humain qui
tend à se déjudiciariser. En privilégiant l'acte notarié, il fait ainsi
profiter pleinement à la population des avantages que prévoit le droit civil,
spécificité propre au Québec, rappelons-le, et la Chambre des notaires du
Québec, donc, demeure disponible pour la mise en œuvre du projet de loi. Et on
va... Soyez assurés que nous allons nous assurer de la formation et de l'encadrement
des notaires qui exerceront cette matière... en cette matière. Alors, je vous
remercie pour votre attention, et nous sommes disponibles pour vos questions.
• (16 heures) •
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Potvin. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci,
M. le Président. Me Potvin, Me Boily, merci de participer à nos travaux. C'est
toujours un plaisir de vous retrouver. D'entrée de jeu, allons-y sur l'acte
notarié. En fait, il y a certains groupes qui nous disent : Vous devriez
obliger avant... Bien, en fait, première chose, je reviens. Il y en a qui nous
disent : Il ne devrait pas y avoir d'acte notarié. Ça fait que, un,
pourquoi c'est important d'avoir un acte notarié? Deuxième question, certains
nous disent : Vous devriez obliger les parties, avant d'aller chez le
notaire ou, s'il n'y a pas de notaire, d'avoir uniquement un formulaire,
d'avoir recours à un conseiller juridique indépendant, que ce soit avocat ou
notaire. Donc, qu'est-ce que vous pensez de ces deux éléments-là?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
dans un premier temps, c'est sûr qu'il faut... On sait qu'une naissance d'un
enfant qui est issu d'un projet parental, donc qui fait appel à une grossesse,
donc, qui est faite par une personne tierce, c'est un événement hors de
l'ordinaire, on en convient tous. Alors, c'est une situation, comme je le
disais, qui a beaucoup d'impacts humains, sociaux, financiers, juridiques.
Alors, c'est sûr qu'on doit encadrer cette démarche-là puis on doit offrir aux
personnes qui sont impliquées avec... ainsi qu'à l'enfant à naître, bien sûr,
les meilleures conditions possible pour sa réalisation.
Alors, notre droit civil offre la possibilité,
pour la population, de bénéficier d'un document qui a la plus haute sécurité
juridique qui soit, donc, l'acte <notarié...
>
16 h (version révisée)
< Mme Potvin (Hélène) :
...ainsi
qu'à l'enfant à naître, bien sûr, les meilleures conditions possibles pour sa
réalisation.
Alors, notre droit civil offre la
possibilité pour la population de bénéficier d'un document qui est de la plus
haute sécurité juridique qui soit, donc l'acte >notarié. Alors, pourquoi
nos citoyens ne peuvent pas bénéficier de cette protection-là? Alors, l'acte
authentique, le contrat notarié, est vraiment soumis à des normes rigoureuses.
Alors, il fait foi de son contenu, entre autres de l'exactitude de la date, et
ici, on le sait, c'est important, il faut s'assurer que le projet parental est
antérieur à la grossesse. Alors, cette date-là, elle est vraiment importante,
et c'est une façon, l'acte notarié, de venir la prouver hors de tout doute.
Alors, c'est sûr aussi que ce qu'on
veut... Ce que je disais, tout à l'heure, aussi, c'est que l'acte notarié, c'est
le résultat d'un accompagnement. Alors, on va s'assurer que les parties qui
signent ont vraiment compris l'étendue de leurs droits, l'étendue de leurs
responsabilités. Alors, nous, on pense que c'est vraiment le meilleur gage pour
assurer la sécurité de cette transaction-là.
Mme Boily (Catherine) : ...peut-être
ajouter... Donc, finalement, pour résumer, l'acte notarié, d'une part, il est
authentique, hein, oublions-le pas. C'est le seul acte privé, donc, de droit
privé, qui est authentique, donc, que son contenu vaut à l'égard de tous, et,
comme disait Me Potvin, la date, ici, c'est primordial de donner à l'État les
garanties que cette date-là soit, je dirais... qu'on puisse la prouver hors de
tout doute. Vous savez, quand le notaire signe son acte, on est certain que la
date, là, c'est la date à laquelle ça a été signé. Elle ne... L'acte ne sera
pas antidaté. On va avoir la garantie qu'il est signé telle date. On comprend l'importance...
Ici, vous avez une dame, une femme ou une personne qui accepte de participer à
ce projet-là, imaginez si la conception a lieu avant la signature de la
convention, et, par la suite, les parents d'intention décident de ne pas signer
pour x raison, voyez-vous la difficulté? Donc, il faut absolument que cette
date-là ait... l'État obtienne les certitudes. Donc, ça, c'est très important
de le comprendre.
Puis, en même temps, bien, le notaire,
comme disait Me Potvin, c'est le conseiller juridique. C'est le conseiller
juridique qui va être là. Puis, pour répondre à la question du ministre au
niveau du conseil juridique indépendant, bien, écoutez, au départ, le conseil
juridique indépendant, c'est un peu un concept de common law, si je pourrais
dire. C'est un concept qui existe dans des situations où on a une partie qui
est représentée et on veut s'assurer que les deux parties, ils ont... ils
obtiennent des conseils, je vous dirais, là, objectifs et non biaisés, et, au
Québec, en droit civil, on a le notaire, et le notaire, il est impartial. Le
notaire, il va donner des conseils juridiques aux deux parties. C'est son
obligation. Donc, il n'y a pas d'inquiétude à avoir de ce côté-là. Le notaire
va pouvoir jouer le rôle auprès des deux parties concernées.
M. Jolin-Barrette : OK.
J'aimerais ça vous entendre, vous l'avez abordé un petit peu tout à l'heure,
sur la question en matière de viol, là, pour les droits successoraux.
Pouvez-vous me réexpliquer votre proposition en lien avec le fait... parce que,
vous savez, ce qu'on a... ce qu'on tente de faire comme solution, c'est... Lorsqu'il
n'y a pas de filiation, normalement, ça emporte les droits successoraux. On
souhaite maintenir, dans le fond, les droits de l'enfant qui est issu du viol.
Votre proposition est à l'effet de... juste pour qu'on comprenne bien.
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, d'une part, vous comprenez qu'on est tout à fait d'accord à ce qu'il y
ait un dédommagement, qu'il y ait une indemnité qui soit accordée à la
personne, à l'enfant qui est issu d'une agression ou une violence sexuelle.
Ce...
M. Jolin-Barrette : ...là-dessus,
est-ce que vous croyez qu'on doit venir donner un pouvoir habilitant pour qu'on
vienne spécifier les modalités de l'indemnité?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, c'est ça, donc, l'affaire, ça dépend de l'objectif du législateur, parce
que, si l'objectif du législateur, c'est de combler les besoins de l'enfant, à
ce moment-là, bien, nous, ce qu'on vous dit... d'avoir une obligation
alimentaire et non une indemnité, là, parce que, là, le projet de loi prévoit
une indemnité, ça...
M. Jolin-Barrette : C'est
une indemnité pour répondre aux besoins?
Mme Boily (Catherine) : Exactement.
Donc, si vous voulez... si le législateur veut accorder... veut s'assurer que
l'enfant, c'est <ses besoins qui sont...
Mme Boily (Catherine) :
...donc,
si vous voulez... si le législateur veut accorder... veut s'assurer que
l'enfant, c'est >ses besoins qui sont...
Une voix : ...
Mme Boily (Catherine) : ...qui
sont répondus, merci, donc, à ce moment-là, nous autres, on vous dit :
Bien, allez... au lieu d'aller avec une indemnité, allez-y avec toute la
mécanique actuelle, d'obligation alimentaire, qui existe. Donc, on n'aurait, à
ce moment-là, pas besoin d'inventer une nouvelle indemnité. Cela étant dit, si
l'objectif du législateur, c'est d'indemniser la personne en fonction des
circonstances de sa naissance et non pas uniquement en fonction de ses besoins,
donc, c'est en fonction du fait qu'elle est née dans des circonstances
particulières, si c'est ça, ce qu'on vous dit, bien, à ce moment-là, allez-y
avec un pourcentage puis, oui, balisez avec un pourcentage qui pourrait même
être une disposition d'ordre public. Donc, de cette façon-là, bien, c'est
certain qu'on s'assure qu'il n'y a pas de possibilité, exemple, par testament
ou... que l'enfant n'obtienne pas cette indemnité-là, parce qu'actuellement...
Oui, allez-y.
M. Jolin-Barrette : Mais,
juste pour séparer les deux, là, l'indemnité c'est une chose, c'est une créance
envers l'auteur du viol, moi, je veux vous entendre sur les dispositions
testamentaires. Dans le fond, dans le projet de loi, ce qu'on fait, on dit :
L'enfant qui est issu du viol devient un successible, dans le fond, même s'il
n'y a pas de lien de filiation. Vous, votre proposition par rapport à ça, c'est
de lui réserver un montant. C'est ça?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
c'est de dire...
M. Jolin-Barrette : En pourcentage?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
dans le fond, nous autres, ce qu'on vous dit, c'est qu'actuellement, si vous
considérez qu'il est un enfant au premier degré, un descendant au premier
degré, on met toutes les règles de la succession applicables. Donc, en
dévolution légale, vous le savez, donc, si lui, il est déjà décédé, à ce
moment-là, ses enfants pourraient venir en représentation. Est-ce que c'est ça
qu'on veut? Si ce n'est pas ça qu'on veut, nous, on vous dit : Allez-y au
plus simple.
M. Jolin-Barrette : C'est
ça qui s'applique. Dans le fond, les règles de dévolution légale s'appliquent.
Mme Boily (Catherine) : Exactement.
Donc, nous, on vous dit que, pour pouvoir protéger l'entièreté de ces
enfants-là, peu importe les... peu importe qu'il y ait un testament ou pas de
testament, moi... ce qu'on vous dit, c'est que... privilégier une indemnité
avec un pourcentage x de la succession. Donc, à ce moment-là, l'enfant... L'enfant
issu d'une agression, à ce moment-là, s'il y a un testament par l'agresseur qui
donnerait tout à son frère, par exemple, bien, à ce moment-là, cet enfant-là va
quand même avoir un pourcentage de la succession, mais, comme c'est mentionné
actuellement, il n'aurait pas accès à un pourcentage de la succession.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais, comme dans n'importe quelle succession, tout le monde est habilité à
laisser ses biens à qui il le veut. Ça fait que, là, ça serait une
contravention à la liberté de tester.
Mme Boily (Catherine) : Bien,
ça serait...
M. Jolin-Barrette : Ce
n'est pas ça qu'on voulait. On voulait faire en sorte que tous les enfants... Dans
le fond, supposons qu'il n'y a pas de testament, bien, c'est séparé entre tous
les enfants ou tous ses héritiers... ou que, si dans son testament, il dit :
Bien, à mes enfants, Gérard et Gertrude, et à tous les enfants à naître, bien,
qu'ils soient couverts par ça aussi, bien, parce que ce n'est pas le concept
d'indemnité, c'est le... L'indemnité, elle est là pour le parent... bien, pour
la mère, pour les besoins de l'enfant. La succession, c'est juste pour qu'il
ait droit à ses droits successoraux.
Mme Boily (Catherine) : Oui,
sauf que la... Oui, je suis d'accord avec vous, mais, comme on vous dit, c'est
que l'indemnité permet, à ce moment-là. d'accorder un pourcentage de la
succession, peu importe la situation successorale du défunt. C'est ce qu'on
vous dit.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que... Juste une question avant de céder la parole parce que mes collègues
veulent vous poser des questions. Donc, juste rapidement, est-ce que, dans le
code, c'est prévu... il y a d'autres cas, d'exemples où les successions
viennent préciser des cas d'indemnité en matière successorale?
Mme Boily (Catherine) : Pas
à ma connaissance, là, je ne sais pas, je ne suis pas... Peut-être que Me Roy
serait meilleur pour répondre que nous, là, à ce niveau-là, n'étant pas une
experte en droit successoral, désolée.
• (16 h 10) •
M. Jolin-Barrette : OK,
excellent. Bien, écoutez, je vous remercie beaucoup pour votre présence en
commission parlementaire. Je sais que mes collègues veulent vous poser des
questions.
Le Président (M. Bachand) :...M. le ministre. Mme la députée de Vimont, s'il vous
plaît.
Mme Schmaltz : ...vous
parlez de... Vous recommandez que les parents d'intention signent une
déclaration officielle avant la grossesse. J'imagine que, dans cette
déclaration officielle, vous allez élaborer tous les droits et obligations du
parent d'intention, mais je me demandais : Est-ce que la femme a le devoir
aussi d'avoir une déclaration... aurait peut-être le <devoir aussi
d'avoir une déclaration officielle...
Mme Schmaltz :
...déclaration...
aurait peut-être le >devoir aussi d'avoir une déclaration officielle?
Est-ce que, des deux côtés, c'est envisagé ou c'est juste uniquement les
parents d'intention qui doivent avoir ce genre de formulaire, là...
Mme Potvin (Hélène) : Dans
la grossesse hors Québec, hein, c'est dans la grossesse pour autrui hors
Québec?
Mme Schmaltz : Oui.
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, nous, notre... On comprend, ici, on a... La femme ou la personne qui
accepte de donner naissance est située hors Québec. Donc, c'est certain que
c'est difficile de lui obliger à signer une déclaration notariée si elle est
située hors Québec. Par contre, pour les parents d'intention qui sont ici, qui
sont domiciliés ici, nous, ce qu'on dit au législateur : Bien, donnons,
encore une fois, une certitude à l'État. La meilleure preuve à l'État quant à
la conception de l'enfant va avoir lieu éventuellement après la signature de la
convention, parce que, là, la convention hors Québec n'étant pas encadrée de la
même façon, et donnant, finalement, beaucoup de responsabilités sur les épaules,
finalement, des analystes de l'État qui auront à analyser les projets, nous, on
vous dit : Bien, en ayant cette déclaration-là par les parents
d'intention, on vient, à tout le moins, garantir que la conception aura lieu
par la suite de la signature éventuelle de la convention.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de
Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci, M.
le Président. Bonjour, mesdames. Merci pour votre temps. Comment voyez-vous le
fait qu'on permette aux notaires de gérer les comptes en fidéicommis pour des
projets de GPA? Puis est-ce que ce rôle-là... Pourquoi ce rôle-là, attribué aux
notaires, est important, à votre avis?
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
d'abord, le dépôt est un dépôt en garantie. Donc, on comprend que c'est pour
garantir l'exécution des obligations. Alors, ce n'est pas un montant qui va
servir nécessairement à payer la personne qui va donner naissance. Alors, c'est
certain que cette... Les notaires sont habitués d'avoir des montants en
garantie comme ça. Donc, c'est sûr que ça vient assurer... Comme je le disais
dans mon allocution, ça vient assurer l'exécution des obligations. Ce qui nous
préoccupe, c'est que ça semble être, maintenant... ne plus être obligatoire,
d'être, donc, facultatif. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait que ce
soit obligatoire, parce qu'on ne veut pas que les conditions financières
viennent jouer dans ce projet-là. Alors, c'est là pour garantir... Le processus
va se dérouler on ne sait pas sur combien de temps, un an, deux ans, trois ans.
Alors, on veut être certains qu'à la fin du processus la personne qui a... qui doit
recevoir des montants les a, et donc le montant va servir, va être là, vraiment,
en garantie.
Mme Boily (Catherine) : Il
faut empêcher les parties à avoir des inquiétudes qu'ils pourraient ne pas
avoir. Donc, les considérations financières, si on peut avoir une liberté
d'esprit, si on peut avoir un confort, un réconfort qu'on n'a pas à se
préoccuper de ce côté-là, bien, c'est ça que le dépôt en garantie donne. Il
donne ce confort-là. Il donne cette garantie-là, finalement. Écoutez, il y a
assez de stress, aussi beaucoup d'impacts émotifs, d'impacts humains dans ces
projets-là. Donc, le côté financier, bien, il va être garanti. Donc, on n'aura
pas de préoccupation, autant pour la mère, de ne pas avoir... La femme ou la
personne qui porte l'enfant n'aura pas à avoir à s'inquiéter qu'elle sera, ou
non, payée, parce que, même de bonne foi, les parents d'intention, il pourrait
arriver qu'ils aient un problème financier, qu'ils auraient de la difficulté...
Donc, ça donne aussi le confort aux parents d'intention que, finalement, ils
vont être capables d'avoir leur... d'avoir... de pouvoir payer et respecter
leur engagement, là.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Alors, bon après-midi, maîtres. Je suis content de vous revoir en
commission parlementaire.
Une première question, le gouvernement,
avec son projet de loi, a pris la décision d'appliquer ces dispositions-là en
prenant pour acquis qu'on est dans la parentalité. Il y a des groupes, des
associations qui parlent de pluriparentalité, et cela, présentement, ce n'est
pas permis, mais j'aimerais, avec votre expérience, vous entendre là-dessus.
Est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait étendre à la pluriparentalité ou
pas? Quels sont les avantages ou les inconvénients? Ça m'éclairerait. Je vous
remercie.
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
c'est une question existentielle que nous n'avons pas traitée, M. Morin.
Alors, nous, on n'a pas fait de travaux. On ne s'est pas... On n'a pas formé le
groupe <d'experts. On n'a pas analysé...
Mme Potvin (Hélène) :
...de
travaux, on ne s'est pas... On n'a pas formé le groupe >d'experts. On
n'a pas analysé la question.
M. Morin : Parfait. Je
vous remercie. Autre chose, vous avez parlé du rôle du notaire. La convention
de grossesse pourrait être notariée. Je vous entends très bien. Maintenant,
bon, êtes-vous d'accord avec moi que c'est... ça répond à un besoin, ce projet
de loi là, mais c'est quand même un peu technique? Donc, qu'est-ce que vous
suggérez, en tant qu'ordre professionnel, pour qu'éventuellement les notaires
puissent informer les parties qui vont avoir à travailler avec un notaire, puis
la population en général, pour que les gens comprennent bien les tenants et
aboutissants de ces modifications-là?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
c'est certain que c'est du droit nouveau. Alors, pour nous, la Chambre des
notaires... Les notaires, on est quand même familiers avec le droit nouveau. Donc,
ça nous est arrivé dans le passé. Alors, c'est certain qu'il doit y avoir des
formations de base, un encadrement, bien entendu, de l'accompagnement de la chambre
auprès de nos membres. Alors, il y a beaucoup de notaires, des centaines de
notaires, voire des milliers de notaires, qui travaillent en droit de la
famille, alors qui sont familiers avec... par exemple, qui font de l'adoption.
Alors, on peut comprendre que c'est... On
peut penser que ces notaires-là vont venir aussi travailler dans ce droit
nouveau là. Alors, pour nous, c'est certain qu'on doit travailler, justement, à
faire des formations. Notre rôle... Nous sommes en protection du public. Alors,
c'est notre rôle aussi d'informer le public sur ces nouveautés, sur les risques
de telles situations, des risques sur le non-respect des conditions, des lois.
Alors, pour nous, c'est vraiment dans notre mission, vraiment, c'est
d'accompagner le public dans tous... dans la connaissance... une meilleure
connaissance de leurs droits et leurs obligations.
M. Morin : Et puis je
comprends que, pour les notaires, c'est important, mais est-ce que vous voyez
aussi un rôle pour informer le public en général? Parce que j'ai vu... Au même
moment où on étudiait le projet de loi n° 8, la chambre a publié,
finalement, à la télé des annonces qui étaient fort originales, là. Alors, une campagne
de publicité, est-ce que c'est quelque chose que vous... que vous prévoyez
faire aussi si ce projet de loi là devient une loi?
Mme Potvin (Hélène) : La
campagne, ce n'était pas initié par la Chambre des notaires, mais...
M. Morin : Ah! OK, c'est
une association de notaires?
Mme Potvin (Hélène) : C'est
une association de notaires.
M. Morin : On finit par
s'y perdre. Je suis désolé.
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
donc, nous... c'est ça, nous...
M. Morin : Elle était
très bonne. J'avoue que, ça, je suis d'accord, elle était très bonne.
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
ils vont être contents d'entendre ça. Nous, c'est ça, nous, notre publicité,
nos communications grand public, alors c'est toujours dans notre mission de
protection du public, meilleure connaissance des droits, accessibilité. Alors,
nous, nos orientations, c'est toujours là-dedans. Alors, c'est sûr que ça fait
partie de notre mission de suivre l'évolution du droit et de venir informer nos
concitoyens, effectivement, de leur... de ces possibilités-là, maintenant, de
conclure un tel genre d'acte de convention.
M. Morin : Je vous
remercie. J'aimerais avoir votre opinion sur une disposition du projet de loi,
quand on regarde l'article 18, et c'est 541.14, qui dit : «Après sa
naissance, l'enfant est confié, sauf s'il y a opposition de la femme ou de la
personne qui lui a donné naissance, à la personne seule ou au conjoint ayant
formé le projet parental. En cas de décès ou d'impossibilité d'agir de cette
personne ou de ces conjoints, l'enfant est confié au directeur de la protection
de la jeunesse.» Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est trop restrictif? À
moins qu'il y ait quelque chose que je ne comprends pas, ne pourrait-on pas
confier l'enfant à des parents autres qu'à la DPJ?
• (16 h 20) •
Mme Boily (Catherine) : ...on
ne s'est pas posé la question à ce niveau-là, est-ce que c'est trop lourd ou
pas lourd, hein? Les dispositions doivent être là pour l'intérêt de l'enfant.
Nous, on croit que de confier l'enfant, à ce moment-là, au directeur de la
protection de la jeunesse, bien, c'est tout à fait adéquat. Dans l'intérêt de
l'enfant, il faut qu'il... Il faut que quelqu'un prenne soin de l'enfant, c'est
certain, mais, dans... en parlant du consentement des soins... consentement aux
soins, devrais-je dire, on avait quand même une préoccupation à cet effet-là,
on l'a écrit dans notre mémoire, parce que le fait de confier l'enfant, surtout
le fait de pouvoir contester, c'est certain que ça amène une évaluation de
fait, une évaluation de situation que le personnel médical pourrait avoir à
être confronté... Donc, pour nous, c'est important que la disposition soit très,
très claire et sans ambiguïté pour aider le personnel médical à <savoir à
qui se retourner...
Mme Boily (Catherine) :
...soit
très claire et sans ambiguïté pour aider le personnel médical à >savoir
à qui se retourner pour obtenir le consentement, là.
M. Morin : Puis, selon
vous, est-ce que c'est un élément qu'on pourrait prévoir dans la convention,
s'il y a des parents dans la plus grande famille qui sont là, puis éviter la
DPJ?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, on ne s'est pas posé la question, mais il faut faire attention aussi
de ne pas élargir les personnes impliquées, non plus, dans une convention...
qui ne seraient pas parties, hein? La convention, elle est entre une mère et...
bien, une femme, une personne, là, qui décide de se prêter à la situation et
les parents d'intention. Donc là, ça veut dire qu'on... Tu sais, je ne sais
pas, mais il me semble que j'aurais une réserve à cet effet-là, là.
M. Morin : Bien, il me
reste combien de temps, M. le Président? Deux minutes? Parfait. J'attire votre
attention sur la page 21 sur 32 de votre mémoire, en ce qui a trait à la
langue de l'acte notarié. Les notaires, quand ils rédigent des actes notariés,
est-ce qu'ils sont obligés de les rédiger en français?
Mme Potvin (Hélène) : Non,
non. Alors, c'est ça, l'acte, pour être authentique, a deux...peut être écrit
en deux langues, donc le français et l'anglais, qui donnent l'authenticité de
l'acte, mais, non, si les deux parties le souhaitent, ils peuvent être... L'acte
peut être rédigé dans une langue autre que le français, mais, par contre, il y
a des restrictions, donc, où on ne peut pas publier l'acte, donc, l'inscrire au
registre dans une langue autre que le...
M. Morin : Ça, je le
comprends. Oui, je vous en prie?
Mme Boily (Catherine) : Oui,
c'est ça. Donc, ce qu'il faut comprendre ici, c'est que l'acte est authentique,
doit être écrit en anglais ou en français, OK? Ça, c'est clair. Cela étant dit,
notre recommandation qu'on fait ici, pour nous, ce qui est important, c'est que
la disposition ou l'alinéa de la disposition, là, du projet de loi soit en lien
avec ce que la Charte de la langue française mentionne. Actuellement, le
paragraphe qui est mentionné ici, qu'il faut qu'une version en français soit
remise aux parties avant, bien, ce que ça fait, c'est que, dans la Charte de la
langue française, cette disposition-là n'est utilisée que pour les contrats
d'adhésion. Donc, on comprend, les contrats d'adhésion, c'est lorsqu'une partie...
tu sais, une partie va obliger des stipulations et qu'il n'y a pas de
possibilité de négociation.
Donc, à ce moment-là, ici, on n'est pas du
tout en termes de contrat d'adhésion, aucunement. Donc, on dit : Bien,
pourquoi, dans la charte, cette demande-là, elle n'est faite que pour les
contrats d'adhésion, tandis qu'ici on vient, dans un contrat de gré à gré,
prévoir la même disposition? On dit : Bien, qu'on fasse comme dans la
charte. Dans la Charte de la langue française, avec le projet de loi n° 96,
c'est que, pour certains contrats de gré à gré, on demande qu'il y ait une
disposition expresse, donc une volonté expresse, qui soit par écrit, pour que
les parties choisissent une autre langue que le français.
Donc, dans le cas qui nous occupe ici,
bien, ce que le notaire ferait, à ce moment-là, c'est d'ajouter une clause que,
pour obtenir le consentement exprès des parties... comme quoi ils acquiescent
que l'acte soit en anglais. Donc, ce qu'on demande, dans le fond, c'est que ça
soit les mêmes dispositions qu'il y a dans la charte de la langue, là,
française.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci, M. le
député. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Oui, merci.
J'aimerais beaucoup, si vous pouviez, bon, d'abord, donner peut-être un exemple
concret de problèmes qui pourraient survenir si ce n'étaient pas des actes
notariés, les différentes conventions aux contrats. Si on n'allait pas de
l'avant avec votre recommandation, qu'est-ce qu'on pourrait... concrètement, là,
à quoi on pourrait faire face comme problèmes?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
la date, je l'ai dit tout à l'heure, on le répète, la date, l'acte notarié
confirme que l'acte est situé, exemple, 1er avril, OK? Donc, si l'acte
n'est pas notarié, qu'il y ait 15, 20 témoins, mettez-en, il n'a pas la
force probante comme l'acte notarié. Il ne donne pas les mêmes garanties à
l'État. L'acte n'est pas authentique. Donc, à ce moment-là, on n'a aucune <garantie
que le...
Mme Boily (Catherine) :
...n'est
pas authentique. Donc, à ce moment-là, on n'a aucune >garantie que le contrat
ne serait pas antidaté à une date. Vous comprenez? Bien, c'est parce que, si
mon contrat est antidaté, ça veut dire que la personne serait déjà enceinte, OK?
C'est ça. Donc, la personne serait déjà enceinte au moment où on signe le
contrat, mais, parce que la loi mentionne, puis avec raison, qu'il faut que la
convention soit signée avant de débuter le projet et les démarches de
procréation, bien, ce que ça veut dire, ça veut dire que, là, la femme serait
déjà enceinte, mais là on décide, nous autres, d'antidater notre contrat pour
respecter, finalement, la loi, sauf qu'on comprend que, là, on ne veut pas être
dans une circonstance où on est plutôt dans un contexte d'adoption, où là la
femme enceinte chercherait, par exemple, à trouver des parents à un enfant.
Donc, ça, c'est très, très, très important, là.
M. Zanetti : Pourquoi
quelqu'un aurait avantage à procéder comme ça plutôt que par l'adoption si elle
est déjà enceinte?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
c'est parce qu'on comprend qu'ici c'est un processus déjudiciarisé qui n'a pas
besoin, à ce moment-là, des tribunaux, qui est beaucoup plus simple, qui est
moins complexe, et avec raison, et, ça, on est tout à fait... On salue,
justement, là, la mise en place d'un procédé qui est très... qui est
déjudiciarisé, finalement, là. Donc, oui, il y aurait avantage... On veut absolument
éviter ça, là, donc.
M. Zanetti : ...adoption,
mais mettons que je me mets... Pourquoi la personne qui est enceinte dirait :
Ah! plutôt que de donner mon enfant en adoption, je vais plutôt faire un
contrat de GPA antidaté?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, il peut y avoir plusieurs raisons, c'est qu'elle a trouvé des parents
d'intention, elle ne veut pas avoir son lien de filiation avec l'enfant. Il
peut y avoir différentes circonstances, là, qui amènent cette personne...
M. Zanetti : Puis est-ce
qu'il me reste du temps?
Le Président (M.
Bachand) :10 secondes.
M. Zanetti : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Merci, M.
le Président. Par rapport aux droits successoraux, les différentes dispositions
testamentaires, là, qu'on parlait un peu plus tôt, vous aviez répondu au
ministre, là... peut-être privilégier une indemnité puis même un pourcentage de
la succession. Étant donné que, quand on fait un testament, ça représente les
volontés, là, de la personne, est-ce qu'on pourrait dire que privilégier
l'indemnité puis le pourcentage de succession, ça pourrait s'appliquer dans un
cas où c'est la dévolution légale, c'est-à-dire dans un cas où il n'y a pas de
testament?
Mme Boily (Catherine) : Dans
les deux cas.
Mme Nichols : Ça fait
que c'est pour cette partie-là qu'il y avait cette suggestion-là. Parfait. Une
autre question, puis je ne le sais pas, peut-être que je me trompe, là, mais
est-ce qu'il y avait une certaine... est-ce qu'il y a une certaine réticence
quand on parle de... parce qu'on l'a vu, là, que le pourcentage... Il y a un
groupe, ce matin, qui nous disait qu'il y avait 40 %... 40 %, là, des
parents d'intention étaient souvent étrangers. Est-ce qu'il y a une certaine
réticence ou est-ce qu'il y aurait des recommandations pour peut-être un peu
plus réglementer ça? Puis je vous partage... C'est peut-être moi qui l'a, cette
inquiétude-là, puis je suis en train de la... de vous en donner le fardeau,
mais c'est parce qu'on le voit, là, un peu partout à travers le monde, des
fois, tu sais, on lit des histoires d'horreur à l'effet qu'il y a même des
catalogues qui circulent, que c'est plus facile dans d'autres pays, ça fait que...
Est-ce que c'est une inquiétude que vous partagez puis est-ce qu'il y a des
recommandations pour mieux encadrer ça?
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
pour nous, les... c'est sûr qu'à la lecture du projet de loi on voyait que les
parents d'intention doivent être domiciliés au Québec, alors, au moins depuis
un an? C'est ça. Alors, veux-tu continuer?
• (16 h 30) •
Mme Boily (Catherine) : Bien,
dans le fond, c'est qu'on ne s'est pas penchés sur cette question. Est-ce qu'on
partage cette préoccupation-là? Oui, je crois qu'on partage cette
préoccupation-là. On ne s'est pas penchés sur la situation étant donné que le
projet de loi... Comme disait Me Potvin, on est dans une circonstance où les
parents d'intention doivent être domiciliés au Québec. Donc, est-ce qu'on
voudrait élargir le projet de loi? Est-ce qu'on voudrait aller là? Nous, on ne
s'est pas penchés sur ça, mais est-ce qu'on partage la préoccupation? C'est
certain que, quand... oui, c'est certain qu'on la partage.
Mme Nichols : ...domicilié
au Québec depuis un an, c'est-à-dire avoir une adresse au Québec depuis un an,
bien, est-ce que ça ne devrait pas être d'avoir un statut de résidence
permanente? Est-ce que ça ne devrait pas être un peu plus...
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
un domicile... Il y a quand même des balises sur qu'est-ce qu'est un domicile,
vous le savez. Alors, il faut voir si, effectivement, c'est assez fort, ça. Je
pense que ça fait plus partie de votre travail, de voir, justement, est-ce ce
qu'on peut bonifier... est-ce qu'on doit ajouter des critères aux parents
d'intention pour être certain que le <projet...
>
16 h 30 (version révisée)
< Mme Potvin (Hélène) :
...est-ce
qu'on doit ajouter des critères aux parents d'intention pour être certain que
le >projet a vraiment lieu au Québec? Et c'est pour les bonnes raisons
qu'on le fait ici au Québec? Alors, effectivement, c'est des préoccupations qui
méritent d'être analysées en profondeur.
Mme Nichols : Merci.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, Me Potvin, Me Boily, merci d'avoir
été avec nous cet après-midi, très intéressant.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 32)
(Reprise à 16 h 36)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses
travaux.
Alors, il me fait plaisir d'accueillir les
représentantes du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre
les agressions à caractère sexuel. Donc, mesdames, merci beaucoup d'être avec
nous. <D'emblée...
Le Président
(M. Bachand) :
... lutte
contre les agressions à caractère sexuel. Donc, mesdames, merci beaucoup d'être
avec nous. >D'emblée, je vous invite à vous présenter puis, après, à
débuter votre exposé. Merci beaucoup. La parole est à vous.
Regroupement québécois des centres d'aide et de
lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS)
Mme Chénier (Justine) : Est-ce
que vous m'entendez bien? Super! Bien, mon nom est Justine Chénier, je suis
responsable aux communications, porte-parole officielle et cocoordonnatrice au
sein de notre regroupement. Gabrielle.
Mme Comtois (Gabrielle) : Mon
nom est Gabrielle Comtois, je suis analyste des enjeux politiques et juridiques
au sein du regroupement. Je suis également cocoordonnatrice et juriste de
profession.
Mme Chénier (Justine) : Merci.
Bonjour à toutes et à tous. Au nom du Regroupement québécois des centres d'aide
et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, le RQCALACS, et ses
membres, les CALACS, nous tenons d'abord à vous remercier de votre invitation
d'aujourd'hui à prendre part aux consultations concernant le projet de loi n° 12.
Ça fait plus de 40 ans que le
RQCALACS et ses CALACS luttent contre les violences faites aux femmes et aux
filles, plus spécifiquement contre les violences sexuelles, par le biais de la
prévention, de la défense de droits et de l'aide aux victimes et survivantes
d'agressions à caractère sexuel, via des services d'intervention féministes
intersectionnels pour toutes les femmes et les filles du Québec. Chaque année,
les CALACS font plus de 30 000 interventions auprès des femmes et des
filles ayant vécu des violences sexuelles à travers la province.
Nous vivons encore et, malheureusement,
dans une société où la plupart des femmes et des filles feront l'expérience de
la violence sexuelle au cours de leur vie. Les violences faites aux femmes et
aux filles doivent être comprises sous la forme d'un continuum. Leurs analyse
et compréhension doivent être liées non seulement entre elles et ne plus être
appréhendées en vase clos, au niveau des politiques publiques, mais, surtout et
surtout, les violences de genre et les violences sexistes doivent être
dénoncées et combattues. Toutes ces violences sont graves et ont des effets
importants sur la vie des femmes et des filles qui les subissent.
Au Québec, il existe une aberration, dans
le Code civil, celle de permettre à des hommes ayant agressé sexuellement une
femme qui tombe enceinte à la suite de l'agression et qui décide de poursuivre
sa grossesse, de demander la filiation et des droits parentaux sur cet enfant
né du viol. Comme groupe national féministe en violences sexuelles, nous
croyons qu'il s'agit ici d'une situation d'une violence inouïe pouvant,
ultimement, mettre en péril la sécurité et l'intégrité psychologique et physique
des femmes survivantes. Les membres élus ont la responsabilité d'assurer le
respect et la protection des droits des femmes au Québec en 2023, ainsi que
ceux de leurs enfants.
Aujourd'hui, nous tenons, donc, à saluer
le projet de loi n° 12 et ses articles concernant le
droit de filiation dans les cas d'agressions sexuelles ainsi que ceux qui
concernent les indemnités financières pour les enfants. On souhaite cependant
que plus de considération soit accordée, dans le projet de loi, aux femmes
victimes de violence.
Aujourd'hui, nous souhaitons d'abord
amplifier la voix des personnes survivantes. C'est un principe qui guide notre
travail quotidien. Nous allons porter la voix de celles qui ne sont pas là
aujourd'hui, celles qui ont encore trop peur de parler, celles qui tombent
entre les craques du système et qui ont demandé à être entendues. Des femmes
qui fréquentent nos centres ont accepté de raconter leurs histoires. À des fins
de confidentialité, nous ne répondrons à aucune question permettant de les
identifier.
• (16 h 40) •
Martine, 60 ans, souhaitait qu'on
raconte son histoire aujourd'hui. Martine a été agressée sexuellement par une
connaissance, dans sa vingtaine. Elle est tombée enceinte à la suite de cette
agression. Elle a décidé de garder l'enfant. Elle a gardé le secret pendant
plusieurs années sur l'identité du père. Plus tard dans la vie, l'agresseur a
revu l'enfant, devenu adolescent, par hasard et il a immédiatement constaté une
ressemblance. Martine a dû reconnaître qu'il était le père. Il a demandé des
liens avec l'enfant. Martine a été obligée de dévoiler les circonstances de la
conception à son enfant : un viol. Quelques semaines plus tard, il s'est
enlevé la vie, il avait moins de 16 ans. Pour Martine, elle pense que son
enfant ne pouvait pas vivre avec le fait qu'il était né d'un viol, cette
réalité lui était insurmontable. Est-ce que cette situation aurait pu être
évitée?
Lily, début vingtaine, est une jeune maman
d'un enfant d'un an et demi. Elle était dans une relation de violence conjugale
avec le père de son enfant. Son enfant est le résultat des agressions sexuelles
répétées commises à son égard. La relation a pris fin à l'annonce de sa
grossesse. Au moment de son accouchement, elle n'avait plus aucun contact avec
lui. Il n'est pas identifié comme le père, sur le certificat de naissance. Il a
appris cette naissance via des connaissances communes. Quand son enfant a eu un
an, elle a reçu une demande de l'avocat de monsieur pour demander qu'il soit
reconnu comme père et qu'il obtienne un droit de visite un week-end sur deux. À
la suite d'une situation particulière, elle a décidé à ce moment de porter
plainte contre lui pour l'ensemble de la relation de violence conjugale. Elle
vous a écrit ces mots :
«Chère commission, je me <sens seule
dans...
Mme Chénier (Justine) :
...
conjugale. Elle vous a écrit ces mots :
«Chère commission, je me >sens
seule dans le système de justice actuel puisque cet homme peut être dangereux
avec une femme, mais il n'est pas considéré comme un danger pour mon enfant.
Mon avocate et d'autres gens du système me disent que ça me concerne et pas mon
enfant. Je vis avec un sentiment d'injustice. S'il est déclaré non coupable,
l'homme qui m'a agressée et détruite peut s'en sortir sans aucune conséquence
et avoir des droits sur mon enfant, et moi, je devrais juste accepter sans rien
dire, parce que c'était son spermatozoïde. Rien n'est garanti, jamais. Même si
je dis la vérité, j'ai l'impression que ça ne veut rien dire. Les lois sont les
lois. Il y a une énorme faille dans le système.
«J'ai manqué de ne pas porter plainte et
de poursuivre les procédures, quand le procureur m'a dit : "Je veux
simplement t'avertir que ça se peut que tout le monde te croie, que tout le
monde sait que tu dis vrai, mais ça se peut qu'il soit quand même déclaré non
coupable." Et après? Je vis dans la peur parce que mon agresseur sait que
je l'ai dénoncé. J'ai automatiquement l'étiquette de la mère qui va empêcher un
père de voir son enfant, mais cela n'est pas le cas. Je veux simplement vivre
ma vie heureuse et en paix, mais j'ai l'impression que cet homme ne me laissera
jamais tranquille.»
Mme Comtois (Gabrielle) : Merci
à ma collègue, Justine Chénier, pour ces témoignages percutants.
Bien que notre regroupement soit favorable
au projet de loi n° 12, on désire cependant porter à
votre attention certains enjeux juridiques qu'on a identifiés, dans le but de
vous permettre de peut-être la bonifier.
Donc, premièrement, dans le cas des
violences sexuelles qui sont commises en contexte de violence conjugale, le
fait de devoir identifier spécifiquement la relation sexuelle non consentie
ayant mené à la conception d'un enfant représente un obstacle important pour
les personnes en situation de violence conjugale qui désireraient entreprendre
les démarches associées au projet de loi n° 12. Il ne
faut pas laisser ces cas-là passer entre les mailles du filet.
On propose, donc, d'amender le projet de
loi pour permettre à la magistrature de prendre en compte la notion de contrôle
coercitif comme facteur de violence conjugale dans le cadre de leurs jugements.
Pourquoi? Une dynamique de violence conjugale... Dans une dynamique de violence
conjugale, les comportements violents sont utilisés dans le but de créer une
relation de contrôle, d'emprise et de domination sur l'autre. Ce climat-là
prend souvent une dimension sexuelle. La coercition reproductive, c'est des
comportements de contrôle qui visent à interférer avec la trajectoire
reproductive ou contraceptive du partenaire.
Plus encore, il est crucial, selon nous,
qu'une définition du contrôle coercitif soit inscrite dans le Code civil du
Québec. Les juges doivent être formés par rapport à cette réalité-là, puis il
faut que les personnes survivantes soient en mesure de démontrer qu'il existait
un contexte général de violence dans lequel le consentement des victimes ne
pouvait pas être exercé librement au moment des faits. De plus, on considère
que la relation de pouvoir qui est exercée par les agresseurs envers les femmes
victimes, au travers de la relation avec les enfants, devrait être considérée
comme entrant dans la définition de «contrôle coercitif». De la même façon, la
coercition reproductive en milieu familial devrait être assimilée à de la
violence conjugale.
On propose, donc, un amendement au projet
de loi, comme par exemple l'ajout d'un article 33.1 où les législateurs
viendraient définir et prendre en compte les notions de contrôle coercitif et
de coercition reproductive.
Bien que le projet de loi n° 2
ait récemment permis de prendre en compte le contexte des violences conjugales
dans l'analyse de l'intérêt de l'enfant, il y a certaines lacunes qui
persistent concrètement sur le terrain, qu'on a pu constater. Donc, en ce
moment même, il y a certaines mères qui sont séparées de leur enfant dont la
garde est souvent confiée à leur agresseur sous prétexte de protéger les jeunes
contre l'aliénation parentale, un concept dont la validité scientifique est
contestée.
Ce que le RQCALACS propose comme piste de
solution aujourd'hui, c'est de rouvrir la Loi sur la protection de la jeunesse pour
éviter que les femmes soient séparées de leurs enfants dans des contextes où il
y a de la violence conjugale et sexuelle. En d'autres termes, il faut
promouvoir un alignement des actions et des approches de la DPJ avec le nouveau
projet de loi n° 12.
Finalement, les procédures liées au projet
de loi n° 12 impliquent nécessairement que la mère
doit dévoiler à son enfant qu'il est le produit d'une agression à caractère
sexuel. Comme le soulignait ma collègue, Justine Chénier, dans les témoignages
livrés plus tôt, il s'agit d'une discussion extrêmement difficile à avoir, puis
il est important de prévoir un accompagnement psychosocial ou un financement,
comme c'est prévu dans les dispositions sur les mères porteuses, pour
accompagner les mères qui vont devoir entreprendre ces démarches-là, puis de
s'assurer du bien être psychologique de leurs enfants.
Pour finir, nos recommandations
aujourd'hui visaient à partager certaines inquiétudes et certains
questionnements face à la forme actuelle du projet de loi n° 12,
mais on tient quand même à souligner l'importance d'un tel projet de loi pour la
protection des personnes survivantes et de leurs enfants. Aujourd'hui, les voix
des survivantes investissent les espaces de pouvoir. L'écho de leurs voix doit
avoir un impact. La balle est dans votre camp. Merci, ce sera tout.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre, s'il <vous plaît.
M. Jolin-Barrette :
Oui,
merci...
Mme Comtois (Gabrielle) :
...Merci,
ce sera tout.
Le Président (M.
Bachand) :
Merci beaucoup. M. le
ministre, s'il >vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Mme Chénier, Mme Comtois, merci d'être présents en
commission parlementaire aujourd'hui pour nous faire partager votre expertise
dans ce domaine-là. Parce que vous êtes... les CALACS sont répartis à la
grandeur du Québec puis, vous l'avez bien dit, je pense, tout à l'heure, vous
avez dit que vous faites 30 000 interventions par année avec des
victimes de violences sexuelles, alors je pense que c'est important de
souligner le travail que vous faites dans l'accompagnement.
Puis c'est intéressant de vous avoir,
aussi, parce que souvent, je le dis, en matière de violences sexuelles, il y a
peu de cas qui sont dénoncés et qui, par ailleurs, se retrouvent dans le
système de justice. Donc, nous, ce qu'on essaie de faire depuis quelques
années, c'est, justement, de donner l'accompagnement requis, mais aussi de
faire en sorte d'adapter le système de justice à la réalité des personnes
victimes et de prendre en compte les besoins particuliers de chacune des
victimes.
Dans le cadre du projet de loi n° 12... Bien, en fait, vous nous avez indiqué deux
exemples, deux situations d'exemple, le premier, très, très malheureux, avec le
décès de la personne. Dans le deuxième cas que vous avez souligné, vous avez
dit, dans le fond : La dame était dans une relation de violence conjugale,
viol, puis, vous avez dit, bon, dans ce cas là, monsieur n'était pas sur le
certificat de naissance. Donc, dans ces cas-là, il y a deux situations, au
projet de loi, auxquelles on répond.
La première, un peu celle d'Océane, de cet
été, puis un peu le cas auquel vous faisiez référence, à l'effet que, lorsque
la filiation n'est pas établie, si jamais il y a demande, requête en filiation,
de la part de l'agresseur sexuel, à ce moment-là, dès ce moment-là où madame
reçoit signification de la requête, elle peut s'objecter. Puis, dans le fond,
sa preuve, on a décidé de le faire, que ce soit dans le cadre d'un tribunal
criminel, donc hors de tout doute raisonnable, mais aussi en matière civile,
pour diminuer le fardeau de preuve relativement à la démonstration d'agression
sexuelle.
Puis, parallèlement à ça, à partir de ce
moment-là où ça s'enclenche, bien là, la victime, elle a le choix, elle a le
choix : Est-ce que je m'oppose à la filiation ou non? Si je m'oppose à la
filiation, elle tombe sur le régime de : J'ai le droit à une indemnité
pour les besoins de l'enfant, on protège les droits successoraux de mon enfant.
Si elle dit : Bien, écoutez, moi, c'est correct que, monsieur, la
filiation, soit là, mais, dans le même recours, maintenant, on vient faciliter
le recours à la déchéance de l'autorité parentale, puis là ça donne ouverture à
une pension alimentaire régulière, mais, à cause de la déchéance parentale, il
n'y a pas de droit de garde, il n'y aura pas de droit de visite, puis tout ça.
Ça fait qu'on vient simplifier le processus pour madame.
À l'inverse, c'est possible, elle-même, si
elle s'est fait violer, d'elle-même saisir le tribunal pour dire : Je veux
établir la paternité, puis de requérir ces différentes modalités-là. Ou
elle-même peut saisir le tribunal pour dire : J'ai été violée, mon enfant
est né de cette agression-là, je ne veux pas de filiation, mais je veux
l'indemnité puis je veux que les droits successoraux s'appliquent. Ça fait que
premier cas de figure qui répond à votre deuxième situation d'exemple.
• (16 h 50) •
Dans l'autre cas, supposons que vous êtes
dans une situation où il y a violence conjugale, le père... bien, l'agresseur
contrôle madame jusque dans la chambre d'hôpital, supposons, puis que c'est lui
qui a rempli la déclaration de naissance, puis il fait signer madame, puis là
la filiation est établie, puis, dans l'année suivante, dans les deux ans, dans
les trois ans, madame réussit à s'extirper de la relation, là, elle peut venir
briser le lien de filiation qu'elle a été obligée de consentir, justement.
Donc... Puis il n'y a pas de délai pour briser ce lien de filiation là. Ça fait
que, si vous seriez dans une situation où ça fait huit, neuf ans, là, le lien de
filiation va devoir être examiné par le tribunal, par contre, en fonction de
l'intérêt de l'enfant. Mais on vient donner cette flexibilité-là, justement, à
la victime pour faire en sorte d'avoir ces différentes possibilités-là.
Est-ce que, parmi les scénarios que je
vous ai évoqués, selon vous, il y a des aspects qui ne sont pas couverts dans
les réalités que vous, vous voyez avec les victimes, là, dans vos centres?
Mme Chénier (Justine) : Bien,
en fait, je pense que l'objectif d'un peu... de l'argumentaire de ma collègue,
c'était aussi qu'en fait, dans la réalité du terrain, c'est sûr, que nos CALACS
voient, en fait, que nos intervenantes voient quotidiennement sur le terrain,
c'est qu'il y a beaucoup de femmes victimes, qu'on appelle les survivantes,
les... qui sont dans des situations, justement, de relation de pouvoir, de
relation de contrôle. Donc, en inscrivant la question du contrôle coercitif en
complément du projet de loi, c'est que ça obligerait nécessairement les juges à
en tenir compte. Puis le définir, ça permettrait d'encadrer la compréhension.
Tu sais, on s'est positionnées un <peu plus tôt...
Mme Chénier (Justine) :
...
permettrait d'encadrer la compréhension. Tu sais, on s'est positionnées, un
>peu plus tôt, on salue le projet de loi, mais on avait quand même
quelques suggestions. Je vais laisser ma collègue poursuivre sur le contrôle
coercitif.
Mme Comtois (Gabrielle) : Oui,
exactement. Donc, en 2023, au Québec, je pense que ça pourrait être une avancée
majeure pour les droits des femmes d'avoir le contrôle coercitif inscrit, parce
que ça permet de prendre en compte des éléments de contexte global, lors de
l'analyse de la magistrature face à ce type d'événement. Puis c'est vrai que
c'est des cas qu'on voit, malheureusement, quand même fréquemment sur le
terrain, dans nos centres au travers du Québec. Je pense que le projet de loi
est bien conçu. Comme on a dit, nos propositions, c'est des aspects de
bonification, mais je pense qu'en effet, là, ça permet de couvrir plusieurs,
plusieurs scénarios.
M. Jolin-Barrette : Je
serais curieux de savoir, dans les centres, là, selon votre expérience, combien
de cas par année vous avez, est-ce que c'est documenté... de femmes qui ont un
enfant suite à une agression sexuelle.
Mme Chénier (Justine) : On
n'est pas autorisées à le divulguer aujourd'hui, malheureusement. Les CALACS
ont des politiques très, très claires au niveau de la confidentialité, la tenue
des dossiers n'est pas autorisée à être diffusée. Puis, de toute façon, dans le
fond, les seules statistiques qu'on est autorisées à diffuser, c'est sur notre
volume de clientèle, pour nos bailleurs de fonds, simplement.
M. Jolin-Barrette : OK.
Mais je comprends que vous avez des cas?
Mme Chénier (Justine) : Oui,
beaucoup... Bien, beaucoup... quelques-uns.
Mme Comtois (Gabrielle) : De
toute façon on ne pourrait pas. Ça ne se fait pas, concrètement, là, que de
demander à une femme en suivi... Tu sais, on n'a pas de questionnaire, là, à
leur donner, puis leur demander...
M. Jolin-Barrette : Non,
non, ce n'est pas un questionnaire, mais c'est pour informer les parlementaires
que ce n'est pas qu'un cas. Parce qu'il y a le cas d'Océane qui a été
médiatisé, puis ce n'est pas un phénomène qui est beaucoup dans l'actualité.Mais je pense que c'est important de sensibiliser les parlementaires au
fait que ce n'est pas uniquement qu'une seule situation puis que la législation
va avoir un impact sur plusieurs femmes.
Mme Chénier (Justine) : Absolument.
Bien, écoutez, même... si ça peut être aidant, il faut quand même remonter, ça
fait plusieurs années que les CALACS demandent des projets de loi pour
davantage de protection pour les femmes victimes de violence sexuelle et
conjugale, tout comme d'autres regroupements. Ça fait quand même, c'est ça, un
certain moment que c'est des choses qu'on demande. Je pense que nos premières
demandes en ce sens remontaient au début des années 2000. Donc, il y a
quand même une façon de retracer tout ça. Tu sais, ce serait un peu dans votre
cour.
M. Jolin-Barrette : Sur
la question... Parce que les groupes avant vous sont venus nous parler de la
question de l'indemnité.Avez-vous des commentaires sur la question de
l'indemnité pour répondre aux besoins, là, de l'enfant?
Mme Comtois (Gabrielle) : Bien,
en fait, moi, j'aurais plus des questions pour vous que des commentaires, en
fait, à cet égard-là. En fait, on voulait savoir : Est-ce que ça va être
versé en une somme, en une fois? Est-ce que ça va être des versements comme la
pension alimentaire? Parce qu'on sait que, dans les faits, actuellement, pour
tout ce qui est pension alimentaire, les femmes ont de la difficulté à avoir
réellement accès à ces sommes-là parce que les pères, les autres parents ne paient
pas ou ont... trouvent toutes sortes de manières, en fait, de ne pas payer, au
final. Donc, on veut juste s'assurer que, dans les faits, s'il s'agit de
versements, qu'il va y avoir réellement un suivi puis que les femmes vont
réellement... les personnes survivantes vont réellement toucher à cet
argent-là.
M. Jolin-Barrette : Bien,
pour répondre à votre question, l'objectif de la disposition, c'est d'avoir un
montant à qu'une seule reprise, parce que ce qu'on m'a... lorsqu'on rencontre
les groupes, ce que je retiens beaucoup, c'est qu'on veut briser le lien entre
l'agresseur et la victime puis on ne veut pas que la victime ait à avoir un
lien de dépendance avec l'agresseur. Donc, c'est pour ça qu'on a fait ça avec
un seul versement sur l'indemnité.
Mme Comtois (Gabrielle) : Mais
j'ai juste, comme, une autre question par rapport à ça. Parce qu'on parle quand
même d'une somme... d'une très large somme, là, si c'est pour couvrir les
besoins d'un enfant jusqu'à ses 18 ans, là, quand même. Je ne pense pas
que tout le monde, dans la réalité, a, dans son compte en banque, une somme
aussi large à verser en un versement. Donc, de toute façon, il va falloir qu'il
y ait des versements qui soient faits...
M. Jolin-Barrette : En
fait, chaque cas est un cas d'espèce, je vous dirais. Donc, ça dépend vraiment
de la réalité de la personne. Mais les groupes avant vous nous ont suggéré
d'adopter des lignes directrices plus précises avec un montant minimal, ça fait
que c'est quelque chose qu'on va évaluer.
Écoutez, mes collègues souhaitent vous
poser des questions, alors je vous remercie grandement de votre présence en
commission parlementaire. Merci pour vos commentaires.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. Donc, du
côté gouvernemental, Mme la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Bonjour, <mesdames...
Le Président (M.
Bachand) :
...Donc, du côté
gouvernemental, Mme la députée de Vimont.
Mme Schmaltz :
Bonjour,
>mesdames, merci d'être présentes. Tantôt, vous avez parlé
d'accompagnement des victimes et vous avez souligné qu'il manquait peut-être de
ressources. C'est à quel niveau, quand vous parlez d'accompagnement? C'est un
accompagnement juridique? C'est un accompagnement psychologique? C'est à quel
niveau, l'accompagnement, finalement?
Mme Comtois (Gabrielle) : Les
CALACS font un accompagnement psychosocial des victimes d'agressions à
caractère sexuel. Donc, elles vont y... Elles vont aller vers le juridique
seulement et seulement si les victimes en font elles-mêmes la demande. Elles
vont respecter le parcours des survivantes, leur narratif puis leur processus
de guérison. Donc, on ne va pas faire nécessairement de l'accompagnement
juridique, on se situe au niveau du psychosocial en premier lieu.
Mme Chénier (Justine) : On
va aller dans la... On ne fait pas... Actuellement, on ne fait pas de défense
individuelle, on fait de la défense collective de droits. C'est très, très rare
qu'on fait de l'individuel. Puis ce qui est plus précisément au projet de loi,
c'est que, dans la partie sur les conventions sur les mères porteuses, il est
prévu des formes d'accompagnement psychosocial pour, par exemple, les enfants
dans cette situation-là. Mais, nous, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait
l'équivalent pour les enfants issus d'agressions sexuelles, parce qu'on le sait
que ça peut mener à des conséquences extrêmement graves. Et il faut quand même
ramener au fait que les ressources pour femmes, oui, et enfants, là, ont la
capacité de faire ce type d'intervention là, mais nos ressources sont
extrêmement occupées. Donc, en fait, il faudrait prévoir, dans la loi,
l'équivalent de ce qui est prévu pour les mères porteuses et leurs enfants,
pour les enfants issus du viol, en matière d'accompagnement et de ressources
disponibles.
Mme Schmaltz : Je ne sais
pas si j'ai des collègues qui ont d'autres questions. Sinon, j'en aurais une
autre.
Le Président (M.
Bachand) : Allez-y, allez-y.
Mme Schmaltz : Oui. OK.
J'ai entendu tantôt le mot «aliénation parentale». Pourriez-vous juste
développer? Parce que j'essaie de trouver le lien par rapport à l'agression
sexuelle versus l'aliénation parentale. Je n'ai pas saisi.
Mme Chénier (Justine) : Oui.
Bien, en fait, c'est ce qu'on souhaite éviter à tout prix, parce que c'est une
situation qui est observée sur le terrain, puis nos collègues en violence dans
les maisons d'hébergement pourront, évidemment, aborder dans le même sens que
nous, c'est qu'on veut éviter les situations où, par exemple, une femme a un
enfant avec un agresseur, que ce soit un conjoint violent ou un agresseur, et
que, par exemple, s'il y a une implication de la direction de la protection de
la jeunesse, que le concept d'aliénation parentale... qu'elle soit considérée
comme étant une mère aliénante, dans le sens qu'il y ait une révocation, par
exemple, de la DPJ ou des intervenants jeunesse, par exemple, des demandes de
la mère relatif à sa relation avec le père, au nom du fait qu'elle pourrait
être considérée comme une mère aliénante.
Nous, c'est une situation qu'on a observée
dans nos centres, que c'est déjà arrivé par le passé, et c'est un passé pas
très lointain, que des mères, par exemple, victimes de violence, pourraient...
vont perdre la garde de leur enfant avec la DPJ, sous prétexte que ce sont des
mères qui font de l'aliénation parentale. Au niveau de la littérature
scientifique et des études féministes, également appelées «gender studies», le
concept d'aliénation parentale, dans les dernières années, ça a été prouvé que
c'est un concept qui est surutilisé envers les femmes victimes de violence.
Donc, nous, en fait, on veut éviter que ça arrive, que ce soit avec...
notamment avec le PL n° 12. Donc, c'était un drapeau
rouge qu'on souhaitait lever avec vous aujourd'hui.
Le Président
(M. Bachand) :...s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M.
le Président. Merci à vous deux, merci pour votre temps et d'être ici avec
nous. Pourquoi permettre de retirer la filiation après plusieurs années, à
votre avis?
Mme Chénier (Justine) : C'est
une grande question. Je ne sais pas si tu voulais répondre...
• (17 heures) •
Mme Comtois (Gabrielle) : Bien,
je pense que, si c'est vraiment après plusieurs, plusieurs années, ça va être à
l'enfant de faire ce choix-là pour pour lui ou elle-même. Je pense que d'avoir
un lien de filiation avec une personne violente, une personne qui commet des
agressions, de la violence conjugale, ça peut avoir des impacts extrêmement
néfastes sur la vie et le développement des enfants et des adolescents. Puis je
pense qu'il y a amplement de raisons pourquoi ces personnes-là voudraient
rompre le lien de parenté avec leur parent violent.
Mme Haytayan : À votre
avis, c'est toujours le critère de l'intérêt de l'enfant qui prévaut, dans ce
cas-ci?
Mme Comtois (Gabrielle) : Le
critère de l'intérêt de l'enfant prévaut, mais il faut que, dans l'analyse de
l'intérêt de l'enfant, comme le prévoit le PL n° 2,
le contexte de violence conjugale soit pris en compte à tout prix.
Mme Chénier (Justine) : Et
le contexte, de façon générale, de violences commises envers la mère. Parce
qu'il y a beaucoup d'études qui existent qui démontrent que des enfants ou des
adolescents qui évoluent dans des contextes de violence intrafamiliale,
conjugale ou de violence générale envers la mère, leur développement est impacté.
Donc, en fait, c'est une simple lunette d'analyse à ajouter... bien, une simple...
une lunette d'analyse à ajouter.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Acadie.
M. Morin : ...Mmes Chénier
et Comtois, pour le partage <d'information...
>
17 h (version révisée)
<19309
Mme
Haytayan :
...merci.
Le Président (M.
Bachand) :
Merci. M. le député de l'Acadie.
M. Morin :
...merci
beaucoup, Mmes Chénier et Comtois, pour le partage >d'information,
pour les témoignages aussi que vous avez livrés. Je sais que vous faites un
travail qui est excessivement important, fondamental, mais aussi très
difficile. Alors, écoutez, bravo, bravo pour ça.
Moi, il y a un élément que vous avez
souligné et qui m'intéresse au plus haut point, j'aimerais savoir comment on peut,
d'une façon logique, l'intégrer dans le projet de loi, puis c'est quand vous
avez parlé de contrôle coercitif. Je comprends très bien le concept, là, mais,
si on veut l'insérer, quelle serait votre meilleure recommandation pour que ce
projet de loi là soit bonifié dans ce sens-là?
Mme Comtois (Gabrielle) : Dans
le fond, en ce moment, l'institut de santé publique du Québec a une définition
du contrôle coercitif déjà de prête et d'établie. Moi, à mon sens, c'est une
définition qui correspond bien aux standards, là, puis à la réalité qu'on voit
dans les narratifs des personnes survivantes. Donc, moi, ça serait tout à fait
une définition que je serais à l'aise.
Donc.... c'est ça, le contrôle coercitif,
là, comme je l'ai dit tout à l'heure, là, c'est vraiment de prendre en compte
le contexte global et les techniques de manipulation, les techniques d'établir
des relations de pouvoir, un climat de peur. Donc, moi, ça serait vraiment d'aller
regarder cette définition-là pour l'ajouter directement dans le projet de loi,
non seulement une définition, mais d'expliquer que ça doit faire partie du
contexte qui est apprécié par la magistrature.
M. Morin : Puis je
comprends que cette définition là, au fond, si on regarde le projet de loi, l'article 19,
particulièrement 542.33, ça pourrait permettre de définir, au sens de la loi,
ce que c'est qu'une agression sexuelle. Est-ce qu'on peut aller dans ce sens-là
ou pas? Ou quel serait un autre moyen qui permettrait d'envoyer un message
clair puis d'en même temps, bien, évidemment, sensibiliser les parties puis
éventuellement la magistrature, comme vous le soulignez?
Mme Comtois (Gabrielle) : Ça
pourrait être une opportunité incroyable de mettre une définition d'agression à
caractère sexuel, mais ça pourrait être également un terrain extrêmement
glissant et dangereux d'essayer de définir hermétiquement c'est quoi, une
agression à caractère sexuel. Puis, si jamais vous décidez d'aller de l'avant
avec ce type de définition là, je vous invite à aller chercher l'expertise des
groupes de femmes, justement, en lutte contre les agressions à caractère sexuel
pour le faire.
M. Morin : Et vous, vous
avez cette expertise-là aussi, ou il y a d'autres groupes que vous pouvez nous
suggérer qu'on pourrait éventuellement entendre ou contacter pour parfaire,
finalement... pour avoir une bonne compréhension globale?
Mme Chénier (Justine) : Bien,
en fait, le RQCALACS et les CALACS... En fait, nous, on est un regroupement. On
représente plus d'une vingtaine de CALACS à travers le Québec. On est le seul
groupe national en violence sexuelle au Québec, mais, idéalement, la compétence
est partout dans les groupes de femmes.
Au niveau, par exemple, des autres groupes
de femmes qu'on peut vous suggérer, il y a la Fédération des maisons d'hébergement
pour femmes victimes de violence, le regroupement des maisons d'hébergement
pour femmes victimes de violence conjugale, l'Alliance des maisons d'hébergement
de 2e étape et la Fédération des femmes du Québec. Nous avons aussi, plus
près de vous, le Conseil du statut de la femme pour de l'expertise davantage
juridique, mais avec la lunette d'analyse féministe, Juripop. Il y a énormément
d'organisations très, très actives au Québec, et c'est une grande chance que
nous avons.
M. Morin : Je vous
remercie. D'ailleurs, on a entendu le Conseil du statut de la femme un peu plus
tôt aujourd'hui. Ça a été très, très, très bénéfique. Écoutez, ça... je vous
remercie, je vous remercie infiniment.
J'aurais une autre question, parce que
vous l'avez évoqué, vous faites un travail hyperimportant : Votre
financement? Est-ce qu'il vous manque de l'argent pour remplir votre mission?
Mme Chénier (Justine) : Absolument.
La question du financement est un des chevaux de bataille de tous les
organismes communautaires à travers la province. On est également membre de la
campagne de sociofinancement appelée CA$$$H, comme beaucoup d'autres
groupes de femmes. Depuis la pandémie, on a observé, effectivement, une
augmentation des demandes d'aide qui fait en sorte que, dans nos centres, dans
nos CALACS, si une femme souhaite obtenir une rencontre avec une intervenante,
il y a certains CALACS qui ont des délais d'attente de deux ans. Deux ans, c'est
long quand t'as besoin <d'aide...
Mme Chénier (Justine) :
...il
y a certains CALACS qui ont des délais d'attente de deux ans. Deux ans, c'est
long quand t'as besoin >d'aide.
Maintenant, pourquoi ces délais sont aussi
longs? Effectivement, il y a les enjeux des financements, mais il y a aussi
l'enjeu d'un volume qui ne cesse d'augmenter parce que les femmes et les
personnes survivantes parlent davantage.
Est-ce que tu voulais compléter?
Mme Comtois (Gabrielle) : Tout
a été dit.
M. Morin : Et j'aurais
une dernière question. Hier, c'était jour de budget au Québec. Ça vous a aidé
ou pas du tout?
Mme Comtois (Gabrielle) : Malheureusement,
on n'a pas encore eu l'occasion de se pencher sur le récent budget adopté hier.
M. Morin : OK. Je vous
remercie. Je ne sais pas si ma collègue a des questions? Non? Merci.
Le Président (M.
Bachand) :...de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci. J'ai
combien de temps?
Le Président (M.
Bachand) :On va ajuster le temps, là,
autour de 4 min 30 s.
M. Zanetti : Merci.
Merci beaucoup pour votre présentation. Ma première question : Est-ce que
vous comptez déposer un mémoire écrit? Non?
Mme Chénier (Justine) : Non.
Malheureusement, on a des limites de temps, actuellement. On est seulement deux
personnes qui s'occupent du volet Plaidoyer, communication, défense de droits
individuels et collectifs pour l'ensemble du regroupement et ses membres.
M. Zanetti : Je
comprends pleinement votre situation. Peut-être qu'on pourra, si on veut avoir
des détails sur la formulation de certaines recommandations que vous avez
faites, on pourra vous contacter par courriel puis...
Mme Chénier (Justine) : Vous
pouvez nous contacter. Absolument, absolument. Courriel, téléphone, on est très
disponible.
M. Zanetti : Bon. Plus
simple. Parfait.
Sur la question... Vous avez soulevé
l'enjeu du montant de l'indemnité plus tôt. Ça a été soulevé auprès d'autres
intervenantes plus tôt ce matin, puis on nous dit : Dans le fond,
l'indemnité ne doit pas prendre la forme d'une pension alimentaire régulière
sur toute la vie... pas «toute la vie», mais plusieurs années, parce que
l'objectif ici, c'est de rompre le lien avec l'agresseur. Puis on ne veut pas
avoir un mécanisme qui maintient le lien avec l'agresseur, donc il faut que ça
soit un peu un montant d'un coup, une fois.
Mais, en même temps, vous soulevez la
difficulté que... comment est-ce qu'un montant d'un... Qui a les moyens de
payer un montant d'un coût, qui couvre les besoins d'un enfant jusqu'à ses
18 ans? Il y a un enjeu là. Mais, en fait, dans le fond, je fais juste
poser la même question que vous avez posée : Est-ce que vous, vous avez
des pistes de solution à ça ou est-ce qu'il y a des choses que vous auriez à
proposer comme mécanismes?
Mme Chénier (Justine) : Bien,
en termes de mécanisme, par exemple, de protection, dans l'objectif où on se
retrouve face à une situation que c'est dans l'impossibilité, en fait, que la
somme soit versée d'un coup, qu'il faut que ça se fasse à travers plusieurs
versements, il faudrait que, idéalement, pour assurer la sécurité de la mère et
de son enfant à tout prix, il faudrait que les transferts se fassent via le
tribunal, avec vraiment aucun contact entre les deux. Ça, ça pourrait être une
piste à considérer.
Sinon, idéalement, effectivement, il
pourrait y avoir, dans le cas où est-ce qu'on a des personnes, par exemple,
agresseurs qui ne sont pas en moyens financiers de subvenir à des sommes
importantes, ce qui pourrait être intéressant, ça serait, par exemple, que ces
personnes-là obtiennent de la bonification sous forme de crédits, par exemple,
d'une instance gouvernementale. Comme ça, la somme serait versée, tu sais, d'un
seul coup à la mère et à l'enfant. Mais la personne agresseur devrait payer,
par exemple, sur plusieurs versements. C'est ce qui me vient en tête en ce
moment.
Je ne sais pas si, Gabrielle, tu avais... Non?
M. Zanetti : Donc, un...
Mme Chénier (Justine) : Par
un tribunal, par exemple, s'il faut faire plusieurs versements, ou sinon par un
mécanisme de bonification, par exemple, gouvernemental, mais avec un crédit
pour les personnes agresseurs qui doivent rembourser, par exemple, avec des ententes
de paiement.
M. Zanetti : Avec une...
comme si, dans le fond, le gouvernement paie ce que l'agresseur doit d'un coup,
puis, après ça, l'agresseur doit rembourser une dette au gouvernement sur le
temps qui... auquel, bien, il s'entend en fonction de sa situation pour que ça
marche.
Mme Chénier (Justine) : Exactement,
exactement. Aussi, si c'est une personne, par exemple, qui est en moyens de
payer sur plusieurs années et non pas sur... d'une seule... la somme d'un seul
coup, vraiment d'avoir une entente avec les tribunaux pour que les transferts
monétaires se fassent via un système lié au tribunal, qu'il n'y ait pas de
contact entre la mère, l'enfant et l'agresseur. Ce serait une disposition à
réfléchir, à peaufiner, mais c'est une des pistes qu'on avait identifiées.
• (17 h 10) •
Mme Comtois (Gabrielle) : Puis
ça serait un bon moyen d'assurer que la femme survivante ait... obtienne l'aide
dont elle a besoin immédiatement.
M. Zanetti : Oui, c'est
ça.
Mme Chénier (Justine) : Parce
qu'avoir un enfant vient avec des coûts, particulièrement, puis certaines
femmes en situation de violence ou qui sortent de relations violentes, elles
peuvent se retrouver dans des grandes situations de précarité et de
vulnérabilité financière. Et c'est sûr que, nous, à titre de groupe qui
travaille par et pour les personnes survivantes, c'est des situations qu'on
cherche absolument à éviter.
M. Zanetti : Parfait.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, merci
beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. Très apprécié. Puis, encore une
fois, vous faites un très bon travail, les CALACS. Merci.
Alors, on suspend quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 11)
(Reprise à 17 h 17)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'avoir avec nous
le Barreau du Québec, les représentantes et représentant. Bien sûr, Me Claveau,
merci beaucoup d'être ici. Grand plaisir de vous recevoir. J'aimerais qu'avant
de débuter... présentez les gens qui sont avec vous et, après ça, débutez votre
exposé de 10 minutes. Merci beaucoup.
Barreau du Québec
Mme Claveau (Catherine) : Parfait.
Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je suis
Catherine Claveau, bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Nicolas
Le Grand Alary à ma gauche, qui est avocat au secrétariat de l'ordre et
affaires juridiques, et de Me Valérie Laberge, qui est membre de notre
groupe d'experts en droit de la famille au Barreau du Québec.
Alors, le Barreau du Québec vous remercie
de l'avoir invité à participer aux consultations entourant le projet de loi n° 12,
qui constitue un jalon important de la réforme du droit de la famille au
Québec. De prime abord, le Barreau du Québec salue le dépôt de ce projet de
loi. Nous formulons cependant certains commentaires afin de bonifier et
d'offrir... de le bonifier et d'offrir au législateur de meilleurs outils pour
assurer la protection du public, en particulier les personnes vulnérables.
Le Barreau du Québec soumet d'abord que le
style de rédaction de ce projet de loi ne s'harmonise pas avec celui du Code
civil du Québec. En effet, les dispositions du Code civil sont normalement
formulées en termes généraux et offrent des orientations quant aux règles
applicables en droit civil. Le projet de loi est quant à lui complexe, et
certaines dispositions peuvent porter à confusion. À titre d'exemple, en
matière de filiation, on y retrouve à deux reprises la même définition de la
possession d'état.
Poursuivons sur le thème de filiation. Le
projet de loi comprend des modifications intéressantes qui témoignent de
l'intention du législateur de moderniser le droit de la famille, notamment en
revoyant les critères applicables en matière de procréation assistée.
Par ailleurs, le projet de loi propose une
règle particulière lorsque l'un des parents d'intention est décédé au moment de
la réalisation d'une procréation assistée. Sans se prononcer sur le bien-fondé
de la règle, le Barreau du Québec tient à souligner qu'il existe un conflit
potentiel entre la Loi sur la procréation assistée adoptée par le fédéral et
les modifications apportées au Code civil du Québec par ce projet de loi qui
concerne la procréation assistée faite de façon posthume. En effet, le libellé
propose... le libellé proposé nous laisse croire que des situations permises en
vertu de la loi québécoise seraient interdites par la loi fédérale réglementant
la procréation assistée. Afin d'éviter toute ambiguïté, nous suggérons, donc,
de revoir ces dispositions à la lumière des exigences prévues par la loi
fédérale.
Le Barreau du Québec appuie la
reconnaissance juridique des grossesses pour autrui afin de s'assurer de la
stabilité juridique relative aux droits et obligations concernant les enfants
qui en sont issus. Ce faisant, nous reconnaissons la pertinence pour le
législateur d'imposer la conclusion d'une convention entre les parties. En
effet, nous sommes d'avis que l'imposition d'une convention écrite permet aux
parties de mieux connaître leurs droits et obligations. Nous estimons cependant
que le législateur devrait aller plus loin et nous soumettons qu'un avis
juridique d'un juriste indépendant devrait être obtenu par chacune des parties
à la convention avant sa signature.
• (17 h 20) •
Nous sommes, en effet, d'avis que la
rédaction actuelle du projet de loi laisse présumer qu'il ne peut y avoir
d'intérêts opposés des parties à la convention du fait que celles-ci partagent
une intention commune de mener à terme le projet parental. En assimilant ainsi
les droits et intérêts de la personne qui donnera naissance à l'enfant à ceux
des parents d'intention, le projet de loi semble faire fi des besoins
particuliers de cette dernière qui peuvent différer des autres parties.
Nous proposons également que la convention
de grossesse pour autrui soit un formulaire établi par le gouvernement qui
détaillerait les droits et obligations des parents d'intention et de la femme
qui donnera naissance à l'enfant. La forme de ce formulaire pourrait
s'apparenter à celle d'un bail de logement. Ainsi, afin de mieux protéger le
public, ce formulaire devrait expliciter les clauses qui sont contraires à
l'ordre public et ainsi non exécutoires.
Le Barreau du Québec est d'avis que
l'utilisation d'un tel formulaire signé devant deux témoins indépendants
pourrait réduire les coûts et la complexité inhérents à la conclusion d'un acte
authentique. Cependant, les parties qui le souhaitent pourraient toujours
utiliser la possibilité de conclure cette convention par acte notarié, si c'est
vraiment leur <volonté...
Mme Claveau (Catherine) :
...qui le souhaitent pourraient toujours utiliser la possibilité de
conclure cette convention par acte notarié, si c'est vraiment leur >volonté.
En proposant d'utiliser ce formulaire et en requérant que chacune des parties
obtienne un avis juridique indépendant, le Barreau du Québec a pour objectif de
protéger les personnes potentiellement vulnérables, soit la personne donnant
naissance à l'enfant mais également les parents d'intention eux-mêmes et
l'enfant à naître.
Quant au remboursement des frais, le
projet de loi prévoit le paiement de certains frais déterminés par règlement et
à l'indemnisation, le cas échéant, de la perte de revenus de travail. Nous
sommes favorables à une réglementation la plus complète possible des frais
pouvant être payés ou remboursés, et ce, dans un souci de clarté et de
prévisibilité.
Le projet de loi prévoit également la
prise en compte du droit de l'État où est domiciliée la personne qui donnera
naissance lorsque cette dernière est domiciliée hors du Québec. Avec le
Règlement sur le remboursement relatif à la procréation assistée, il coexistera
des régimes d'encadrement des frais et d'indemnisation à l'international et à
l'intérieur du Canada. Par souci de clarté, nous invitons le législateur à
prendre en compte cette situation dans l'édiction de la future réglementation
québécoise.
Le Barreau du Québec appuie l'objectif du
projet de loi qui vise à protéger les enfants nés à la suite d'une agression
sexuelle. Nous formulons toutefois certains commentaires pour le bonifier afin
de nous assurer que celui-ci réponde aux attentes formulées par la population
québécoise ainsi qu'aux enjeux vécus par les personnes victimes d'agressions
sexuelles.
Par exemple, les nouveaux articles du Code
civil du Québec proposent de permettre à l'enfant né à la suite d'une agression
sexuelle de contester l'établissement d'un lien de filiation entre lui et la
personne qui a commis l'agression.
Le Barreau du Québec soumet qu'une autre
façon de procéder serait de modifier le mécanisme de déchéance de l'autorité
parentale afin de clarifier qu'il s'applique aux enfants issus d'une agression
sexuelle.
En effet, le Code civil du Québec permet
actuellement la déchéance de l'autorité parentale, qui, et j'ouvre les
guillemets, «peut être prononcée par le tribunal[...], si des motifs
graves et l'intérêt de l'enfant justifient une telle mesure, notamment en
raison de la présence de violence familiale, y compris conjugale».
Cette déchéance a pour effet de retirer au
parent les droits qu'il a envers l'enfant, notamment en ce qui a trait à la
garde, à la surveillance et à l'éducation. Le parent doit toutefois encore
assumer ses obligations envers l'enfant. En clair, il doit contribuer à ses
besoins et continuer à payer une pension alimentaire.
Le régime de la déchéance de l'autorité
parentale est prévu au Code civil du Québec depuis de nombreuses années, et les
critères jurisprudentiels applicables sont bien établis et stables.
Le projet de loi modifie aussi le Code
civil du Québec en prévoyant le droit, pour un enfant né à la suite d'une
agression sexuelle, de recevoir une indemnité de la part du parent agresseur.
Le Barreau du Québec salue l'ajout de cette mesure, mais notre lecture du Code
civil du Québec nous laisse croire que cette indemnité correspondra à un
montant forfaitaire et que la victime sera responsable de procéder à
l'exécution du jugement afin d'être payée par l'agresseur.
Nous proposons plutôt que les règles
applicables à la fixation des pensions alimentaires s'appliquent à la
détermination du montant de cette indemnité. En procédant de cette façon, les
montants de l'indemnité seront payés par versements et seront prévisibles, car
établis selon un barème préexistant. De plus, les règles applicables à sa
révision seront prévues et connues, ce qui aurait le potentiel de réduire les
litiges.
Enfin, le Programme de perception des
pensions alimentaires de Revenu Québec pourrait s'appliquer également, ce qui
permettra à la victime de ne pas avoir à faire exécuter le jugement par
elle-même, donc aussi d'éviter les contacts avec l'agresseur.
En terminant, le Barreau du Québec tient à
réitérer qu'il accueille favorablement le projet de loi, bien qu'il ne
constitue qu'une partie de la réforme du droit de la famille. En effet, ce
projet de loi n'a pas traité de toute la question des protections accordées aux
conjoints de fait, alors que cette question continue d'avoir un impact important
sur les familles québécoises.
Nous estimons également que la réflexion
reliée à la notion de pluriparentalité doit se poursuivre, compte tenu des
nouvelles formes de familles québécoises, notamment celles issues des couples de
parents de même sexe.
Pour le Barreau du Québec, il est
essentiel, donc, que l'important chantier législatif sur la réforme du droit de
la famille soit un véritable projet sociétal pour le Québec, ses familles et
ses enfants. D'autres commentaires, évidemment, se trouvent dans notre mémoire.
Nous vous remercions pour votre attention
et nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Claveau. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, Me Claveau, Mme la bâtonnière, Me Laberge, Me Le Grand Alary.
Merci pour votre présence ici, en commission parlementaire. J'ai quelques
questions, notamment celle relativement à la déchéance de l'autorité parentale.
Pour être bien sûr, là, de comprendre ce que vous proposez, est-ce que vous
souhaitez qu'on inscrive comme motif, à 606, de déchéance du <droit...
M. Jolin-Barrette :
...de
comprendre ce que vous proposez, est-ce que vous souhaitez qu'on inscrive comme
motif, à 606, de déchéance du >droit parental, le fait que le viol est
un motif de déchéance d'autorité parentale, le fait que l'enfant est issu d'un
viol?
Mme Claveau (Catherine) : Je
vais laisser Me Laberge répondre à ça.
Mme Laberge (Valérie) : Je
peux la prendre. Donc, oui, nous, on est tout à fait favorables à ce que vous
souhaitez faire, là, c'est-à-dire d'empêcher le parent d'un enfant qui est
conçu dans le cadre d'une agression sexuelle d'exercer des droits parentaux.
Donc, pour nous, c'est simplement que ça passe par la déchéance.
Alors, nous, ce qu'on vous encourage à
faire, c'est modifier l'article existant, qui ouvre déjà une porte. Mais on
pourrait y aller encore plus clairement, si c'est ça, l'intention du
législateur, et d'ajouter... Nous, on n'est pas fermées, là, à cette idée que,
notamment, le jugement, en soi, fasse la preuve de l'agression pour éviter à la
victime d'avoir à répéter ça. Mais, pour nous, le mécanisme approprié, c'est
vraiment plus la déchéance, qui va permettre à la personne victime de
l'agression de bénéficier, puis à l'enfant aussi, là, de bénéficier de toutes
les protections que lui offre le Code civil, notamment au niveau alimentaire,
avec les pensions alimentaires qu'on connaît pour enfants, qui sont tellement
faciles à appliquer — c'est une des plus belles choses de notre
système juridique actuel, là, donc pourquoi en priver cet enfant-là — et
également tout le statut d'héritier, etc. Donc, pour nous, ça répond aux
besoins, de faire cette modification-là.
M. Jolin-Barrette : Donc,
juste pour bien comprendre, la position du Barreau est à l'effet que, dans le
fond, vous dites : Vous ne devriez pas donner l'option de la rupture du
lien de filiation, mais simplement mentionner, dans le fond, précisément sur la
déchéance d'autorité parentale, que ça peut entraîner la déchéance de
l'autorité parentale le fait d'avoir été agressé sexuellement, puis qu'il a un
enfant qui est issu de l'agression sexuelle. Donc, ça deviendrait un motif de...
un motif nommé de déchéance d'autorité parentale.
Mme Laberge (Valérie) : Oui.
Puis, avec ce que vous mettez aussi, que ça se prouve par jugement. Puis, à ce
moment-là, si on est presque certain qu'il va y avoir une déchéance d'autorité
parentale au bout de ça, pourquoi, à ce moment-là, est-ce qu'on voudrait faire
reconnaître la filiation?
M. Jolin-Barrette : L'enjeu,
dans le fond, rattaché à ça, puis on a réfléchi au scénario que vous proposez,
c'est notamment le fait que la déchéance d'autorité parentale n'est pas
permanente. Donc, ça fait en sorte que, théoriquement, ça pourrait revenir.
Après ça, sur le... beaucoup de victimes
nous disent : Écoutez, moi, je ne veux même pas avoir le nom de
l'agresseur sur le certificat de naissance. Je veux éliminer ça complètement. Puis
je ne veux pas être, à chaque fois que je retourne à l'école puis je présente
le certificat de naissance ou l'acte de naissance, que le nom de monsieur soit
là.
Mme Laberge (Valérie) : Justifier
ça.
M. Jolin-Barrette : C'est
ça. Ça, avec ces arguments-là, qu'est-ce que vous...
Mme Laberge (Valérie) : Qu'est-ce
qu'on a à répondre là-dessus?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Laberge (Valérie) : Bien,
on y a pensé, nous aussi. Ça va bien, on pense aux mêmes choses.
M. Jolin-Barrette : Bon!
Une communauté d'esprits.
Mme Laberge (Valérie) : Exact.
Non, mais, pour nous, en fait... Puis vous êtes le législateur, là. Il n'y a
rien qui vous empêche de donner une petite twist, là, à la déchéance d'autorité
parentale dans un contexte particulier comme celui-ci pour faire en sorte que ce
sera permanent. Et, si on dit qu'à ce moment-là il y aura déchéance — non,
mais mettons qu'on dit ça — on peut se poser la question : Quel
parent va avoir intérêt à faire reconnaître son lien de filiation? Nous, on
pense que ça ne se produira, en pratique, presque jamais. Parce que l'intérêt
de faire reconnaître ta paternité ou ta parentalité, c'est de pouvoir exercer
tes droits parentaux, au final. Mais là, si on dit : Même si tu la fais
reconnaître, tu ne pourras pas les exercer, à ce moment-là, pour nous, c'est
clair que c'est dissuasif. Et là c'est, donc, la victime qui va faire le choix :
Est-ce que, oui ou non, je déclare la paternité de cette personne-là puis je
fais bénéficier des protections?
• (17 h 30) •
M. Jolin-Barrette : OK. Poursuivons
la discussion. Dans le fond, avec l'approche que vous amenez, c'est dans une
logique, supposons, du fait que le parent veule exercer des droits. Mais, sur
l'approche, supposons, identitaire, tu sais, qui est moins légale, mais qui est
identitaire, ça, qu'est-ce que vous faites avec ça? Parce que ça pourrait
arriver. On a eu le cas d'Océane cet été, mais on pourrait avoir le cas
d'autres agresseurs qui disent : Bien, moi, je veux avoir la filiation
établie. Je ne veux pas nécessairement que... aller le voir la fin de semaine,
ou le prendre, ou le garder, mais c'est mon enfant puis... Tu sais, c'est une
forme de contrôle aussi. C'est ça que, dans le fond, dans le cas d'Océane,
l'agresseur voulait faire. Puis on pourrait se retrouver dans une situation
avec des quérulents qui reviennent tout le temps.
Puis, tu sais, l'autre élément, c'est la
pension alimentaire. Le fait d'avoir une pension alimentaire, le lien aussi,
qui est révisable, c'est ça que ça amène aussi. C'est comme s'il y avait encore
un lien entre la victime, son agresseur, alors que nous, on nous dit :
Bien, les victimes ne veulent plus du tout avoir de lien avec l'agresseur.
Mme Laberge (Valérie) : Mais
le lien, en pratique, il... Tu sais, on en fait, là, des déchéances d'autorité
parentale quand même plus souvent qu'on voudrait, là, malheureusement. Ça reste
qu'il y a des... en pratique, là, c'est des jugements qui vont juste subsister
puis des pensions alimentaires qui vont être <perçues ou pas...
>
17 h 30 (version révisée)
< Mme Laberge (Valérie) :
...pratique,
là, c'est des jugements qui vont juste subsister puis des pensions alimentaires
qui vont être >perçues ou pas parce que, tu sais, l'argent ne rentrera
pas, puis c'est le ministère qui va exécuter, puis des fois ils vont recevoir
des chèques, puis d'autres fois non. Bien là, après ça, si on a une situation
de quérulence, bien, on a des dispositions dans notre code qui protègent les
gens contre la quérulence, puis ça reste que c'est... Pour nous, c'est assez
théorique, là, comme risque, puis ça... C'est que votre indemnité forfaitaire,
aussi, elle empêche l'enfant de bénéficier de l'augmentation du niveau de vie
de ce parent-là. Tu sais, on dit : Là, on prend la photo aujourd'hui, on
fait un forfait. Mais, tout d'un coup que la personne, elle a plus de sous à un
moment donné, là ça n'en tient pas compte.
Puis, également, il y a toute la question
de l'exécution, mais il y a surtout la question litigieuse. Puis ça, c'est
important, parce que les barèmes, ce qu'ils font... Ils sont arrivés en vigueur
en même temps que la médiation familiale. Puis la raison pour laquelle on les a
pris, c'est parce qu'ils objectivent la norme puis ils rendent ça très, très
facile d'application, ce qui fait qu'on a rarement besoin de plaider ça, alors
que, là, une somme forfaitaire comme celle-ci, dans des cas rares, quand même,
il faut se le dire — le cas d'Océane, c'est un cas terrible, mais c'est
un cas qui est quand même assez rare — bien, tu sais, moi, je trouve
que c'est mettre sur le dos des femmes qui sont victimes de ces agressions-là
de développer de la jurisprudence là-dessus, puis c'est quasiment une audition
garantie pendant... parce qu'on ne sait pas, on ne sait pas ça va être quoi,
les barèmes.
M. Jolin-Barrette : Donc,
je comprends que vous nous invitez à être plus précis puis à adopter un
règlement...
Mme Laberge (Valérie) : Bien...
M. Jolin-Barrette : ...pour
indiquer aux juges quels paramètres on souhaite avoir.
Mme Laberge (Valérie) : Bien,
je pense que les barèmes de fixation ont fait leurs preuves, puis, à un moment
donné, réinventer la roue, bien, je ne suis pas certaine de l'à-propos. Donc,
nous, ce qu'on vous invite à faire, c'est indiqué dans le mémoire, c'est que,
si vous rejetiez notre suggestion, qui est celle de passer par le mécanisme de
déchéance qui, pour nous, répond bien à la situation, bien, nous, on vous
invite à travailler avec les barèmes puis à les importer au lieu de travailler
avec l'indemnité forfaitaire, qui, pour nous, va créer plus de litiges, d'incertitude
puis, à la limite, d'injustice.
M. Jolin-Barrette : OK.
Bien, écoutez, j'accueille votre suggestion. Mais, par contre, je vais demeurer
sur ma position pour laisser le choix aux femmes qui ont été agressées de faire
le choix, parce qu'actuellement, avec la proposition législative que nous
avons, bien, les femmes qui ont été agressées sexuellement peuvent décider de
ne pas s'opposer à la filiation mais d'avoir la déchéance, peuvent décider
aussi de s'opposer à la filiation, d'avoir le montant forfaitaire. J'aime mieux
leur laisser le choix en fonction de la réalité qu'elles vivent, puis... de
décider du chemin qu'elles veulent avoir. Puis même, tu sais, dans le futur,
supposons que madame s'est objectée à la filiation, quand l'enfant va avoir 10 ans,
il pourrait dire : Bien, moi, je veux que mon lien soit établi ici, puis
il va pouvoir le faire, parce que, maintenant, la filiation est
imprescriptible, ou plus tard que le 30 ans. OK.
Je voulais vous entendre, là, sur la pluriparenté.
Nous, on a fait le choix très clairement que ça soit deux parents. Donc, il y a
eu des dossiers devant la Cour d'appel aussi. La position du Barreau, là, très
clairement, quelle est-elle?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
on n'a pas pris position sur ce sujet-là, compte tenu du fait, là, que... Notre
avis est à l'effet que cette notion-là risque d'évoluer avec la société. On a
bien compris qu'à ce stade-ci le législateur n'était pas prêt à ouvrir à plus
que deux parents. Donc, on n'a pas de position, là, à donner par rapport à ça.
M. Jolin-Barrette : OK.
Parce qu'on a des collègues membres du Barreau qui sont venus avant vous un peu
plus tôt cet après-midi puis qui nous disaient : Écoutez — bien,
je paraphrase, là — mais on ne considère pas nécessairement l'intérêt
de l'enfant lorsqu'on milite avec plus de deux parents avec l'autorité
parentale. Nous... Puis c'étaient des familialistes qui étaient là, qui étaient
à la cour fréquemment, puis ils nous indiquaient que, clairement, quand la chicane
est prise, déjà c'est pas mal compliqué avec deux parents. Je ne sais pas si
vous voulez commenter.
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
nous, on a entendu ça comme vous aussi. Je vais laisser mon collègue...
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui.
Rapidement, en fait, pour compléter ce que Mme la bâtonnière a dit, c'est qu'on
invite vraiment le législateur à faire cette réflexion, parce qu'il y a des
enjeux, notamment au niveau des familles issues de couples de parents de même
sexe, ou d'autres enjeux qui ont été soulevés, et là il y a un choix qui a été
fait de ne pas modifier, mais on invite le législateur à poursuivre la
réflexion et à réfléchir vraiment à l'ensemble de la notion, là, la différence
entre la parenté, la filiation, la parentalité notamment, là, ce qui avait été
soulevé dans la décision de la Cour d'appel, là, du juge Kasirer, qui avait
soulevé, là, l'ensemble de ces enjeux-là. C'est, donc, de faire une réflexion
vraiment globale sur les facettes de l'autorité parentale, la filiation et l'exercice
des attributs de l'autorité.
M. Jolin-Barrette : OK.
Une question sur.... Avant de céder la parole à mes collègues, une question sur
l'établissement, là, de recours à des conseils juridiques indépendants. Donc,
vous, vous proposez que les parties puissent... en fait, auraient un
formulaire, doivent consulter, auparavant, des <juristes, se font
conseiller, ensuite, complètent le formulaire...
M. Jolin-Barrette :
...consulter
auparavant des >juristes, se font conseiller, ensuite, complètent le
formulaire. Est-ce que, dans les... Puis ma question, elle est plus générale,
là. Peu importe que ce soit une convention notariée ou un formulaire, est-ce
qu'il y a des conditions impératives? En fait, je vais reposer ma question
d'une autre façon. Est-ce qu'il manque des conditions impératives dans la
convention de grossesse pour autrui que le législateur établit présentement, est-ce
que... ou dans le formulaire? Supposons qu'on allait vers un formulaire ou
l'acte notarié, là, mais, tu sais, quand on impose, supposons, 21 ans, le
fait de suivre une formation préalable séparée pour les parents d'intention,
pour la mère porteuse, est-ce qu'il y a d'autres modalités que vous dites, pour
l'ordre public, il manque des modalités impératives que les parties ne peuvent
pas déroger?
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Bien,
je vais y aller rapidement puis je laisserai Me Laberge compléter.
Je pense qu'on peut prendre la question
dans l'autre sens. C'est plus : Qu'est-ce qu'on doit prévoir qui doit être
interdit dans une telle convention? Donc, on les liste, spécifiquement, là,
dans notre mémoire, notamment, toutes les interdictions : de voyager;
d'avoir des relations sexuelles; exigences alimentaires disproportionnées; le
consentement anticipé, qui est, d'ailleurs, là, prévu, qui est interdit, la
délégation du consentement à des fins médicales, par exemple; ou d'autres
clauses punitives, là, qui seraient imposées à la femme qui portera l'enfant.
M. Jolin-Barrette : OK.
Merci. C'est précis.
Mme Laberge (Valérie) : Donc,
de notre côté... Bien, de mon côté, moi, ce que j'aurais peut-être à vous
apporter, c'est que, nous, la convention standardisée, puis pourquoi on pense
que c'est tellement un bon véhicule, c'est qu'on pense que c'est le meilleur
moyen d'assurer un contrôle de l'ordre public. Puis, dans le fond, qu'est-ce
qu'il y a de plus proche de l'ordre public que les mères porteuses, qui font,
en ce moment, contraste à l'ordre public, selon notre Code civil? Donc, pour
nous, c'est un mécanisme de contrôle d'ordre public important. Que le
législateur fasse un contrat type, l'analogie est très boiteuse, mais le bail
du logement, il a fait ses preuves, là, ce contrat type là avec lequel on doit
travailler quand on veut louer.
M. Jolin-Barrette : ...F,
par exemple.
Mme Laberge (Valérie) : Comment?
M. Jolin-Barrette : Moins
la clause F.
Des voix : ...
Mme Laberge (Valérie) :
Mais, ceci étant, tu sais... Puis là, nous, de la façon dont on le voit, c'est
que ce contrat-là, il comporterait certaines attestations au début, là. Donc,
oui, on a rencontré le travailleur social telle date, on a rencontré tel
conseiller juridique telle date, la grossesse est arrivée telle date. Puis là,
ensuite, bien, on irait avec : Bien, voici maintenant quelle est notre
entente, voici quel est le mode de procréation assistée qu'on a choisi. Parce
que ça, c'est superimportant que les gens soient bien informés, autant la mère,
la femme qui porte l'enfant, que les parents d'intention, de savoir : Bien
là, si j'ai le... si la mère qui porte l'enfant n'utilise pas le matériel
génétique des parents d'intention et que, finalement, elle change d'idée, bien
là, il n'y a pas de lien de filiation possible avec les parents d'intention.
Oups! C'est un petit peu différent si on y va avec du matériel génétique du
père. Mais ça, c'est important que la mère, la mère qui porte l'enfant, sache
ça. Et là, si... Puis, si on y va avec le matériel génétique de la mère, bien,
que... de la mère d'intention, bien, que celle-ci ne pourra pas avoir de lien
de filiation avec l'enfant, même s'il y a un retrait de consentement, alors
que, si c'est le père, oui.
Donc, pour nous, c'est le genre de chose qui
pourrait très bien s'inscrire à l'intérieur de ce contrat type là. On en
profite aussi pour être sûr qu'on passe l'information comme il faut, que c'est
clair, que c'est bien compris, que les frais sont définis, tu sais, que tout
est pas mal prédéfini et cadré. Donc... Puis, en plus, là, si les gens ont eu
des conseils juridiques indépendants, pour nous, c'est ça, la véritable
garantie d'un consentement éclairé, comme on le voit, là, dans la pratique, souvent.
Ça n'a rien à voir avec la convention notariée, ça. Tu sais, je veux dire, moi,
je suis avocate conjointe régulièrement dans une grande partie de ma pratique,
puis je suis prise quand je dois conseiller deux clients en même temps. Il y a
des choses que je ne peux pas dire, ou, comme je pourrais dire, si j'en
conseillais juste un, à cause du conflit d'intérêts. Donc, on n'a pas le même
chapeau. Puis c'est important que... Puis, les gens, ils ne nous posent pas les
mêmes questions quand ils viennent nous voir à deux que quand ils viennent nous
voir seuls. Donc, je pense que c'est primordial, ce volet-là. Puis ce n'est pas
pour rien que les avocats, on a ce réflexe rapide là. Ça n'a rien à voir avec
du chauvisme, là, c'est parce qu'on voit bien les effets que ça a. Puis, un
conseiller juridique, c'est aussi un notaire. Donc, pour nous, il n'y a pas de
problème, bien, tant que les conseils sont là. Ça fait que voilà.
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Mes
collègues...
Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Vimont, il reste 1 min 30 s
pour votre question et la réponse.
Mme Schmaltz : Parfait. Alors,
j'ai une question et je vais oser une remarque aussi.
Point de vue question, vous parlez qu'au
niveau du montant forfaitaire vous le voyez plutôt que ça soit payé par
versements, sous forme de pension alimentaire. Et là je vois qu'il y a un lien
avec Revenu. Je voudrais juste développer un petit peu là-dessus parce que je
ne suis pas sûre de bien saisir.
Et, en... La remarque que je vais oser
aussi, si vous permettez, j'ai lu tantôt... Bien, en fait, dans le... Dans
votre <mémoire, justement, au point des indemnités...
Mme Schmaltz :
...j'ai
lu tantôt... Bien, en fait, dans le... Dans votre >mémoire, justement, au
point des indemnités, vous parlez, à un moment donné, vous saluez l'ajout de la
nouvelle mesure, mais vous parlez du père de l'enfant né de l'agression
sexuelle. Pour moi, le père, c'est... Je ne sais pas, je trouve que c'est un
terme qui donne une filiation, là, qu'on ne voudrait peut-être pas. Je ne sais
pas, j'ai eu un petit... Je ne veux pas dire «malaise», là, quand même, le mot
est trop fort, mais j'ai trouvé que d'employer «le père», je ne sais pas. Ou on
parle d'un parent agresseur. Moi, je pense qu'on devrait peut-être enlever ces
termes-là, «parent» ou «père», là, parce que c'est donner trop à... Ils ne
méritent pas ça, disons, ce terme-là. Voilà, c'était ma petite remarque. On n'a
pas le temps?
Le Président (M. Bachand) :...en 30 secondes.
Des voix : ...
Le Président (M. Bachand) :...Me Claveau
Mme Claveau (Catherine) : ...que
c'est un processus qui existe actuellement, et c'est la pension alimentaire.
Puis, c'est ça, c'est... Pourquoi on propose ça, c'est que c'est tout déjà
réglé avec... Il y a une direction chez Revenu Québec qui s'occupe de la
perception, de la distribution. La mère va recevoir deux fois par mois, le
premier puis le 16 de chaque mois, un chèque bleu du gouvernement transmis par
Revenu Québec. Puis ils vont tout s'occuper d'aller saisir, chercher l'argent
chez le débiteur. Donc, c'est un processus qui existe actuellement puis qui a
fait ses preuves. C'est pour ça qu'on dit : Pourquoi ne pas embarquer?
Une voix : ...
Mme Claveau (Catherine) : Oui.
Puis c'est... Puis ça... Il y a vraiment une distance entre la victime et
l'agresseur avec ce processus-là. Donc, ça a fait ses preuves, puis on suggère
de l'utiliser pour ce genre de dossier là.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci,
M. le Président. Alors, bonjour. Merci. Merci d'être là. Merci pour votre
mémoire.
Ma première remarque est la suivante. Puis
j'ai trouvé ça très intéressant, ce que vous avez écrit à la page 2 en ce
qui a trait au type de rédaction. Est-ce qu'on pourrait même soutenir que ça
ressemble à de la rédaction de common law?
M. Le Grand Alary (Nicolas) : On
n'ira pas jusque-là, mais, effectivement, je pense qu'il y a un esprit, avec le
Code civil, de rédaction de dispositions simples. On peut penser à l'autorité
parentale, je pense. De mémoire, il y a quatre, cinq articles sur l'autorité
parentale. Là, on se ramasse avec des sections entières de... qui peuvent être
lourdes à comprendre. Puis on essaie d'avoir des lois qui puissent être
comprises par les justiciables ou dont l'esprit va être clair. Donc, c'est
toujours une volonté, pour le Barreau, là, de s'assurer de la clarté des
dispositions. Puis, si les avocats ou les notaires les lisent et ils ne sont
pas capables de comprendre le fond, bien, les justiciables non plus.
M. Morin : Je vous
remercie. Puis évidemment on veut préserver la rédaction de notre Code civil,
qui est une loi qui nous distingue et dont on est très fiers. Alors, merci pour
votre remarque. J'avais constaté la même chose, je trouvais ça un peu
inquiétant. Puis, effectivement, ce n'est pas toujours simple à lire, j'en
conviens avec vous.
J'ai quelques questions, parce que, ça, on
en a parlé beaucoup pendant toute la journée. Puis j'attire votre attention,
dans le projet de loi, c'est l'article 19, aux articles 542.33 et
suivants en ce qui a trait à la responsabilité financière visant les besoins
d'un enfant issu d'une agression sexuelle. Et ma compréhension, c'est que, de
cette façon-là, c'est la victime de l'agression qui va être obligée d'intenter
une action et qui va, donc, viser à obtenir une indemnité, puis, ça, bien,
jusqu'à tant que l'enfant atteigne son autonomie. Donc, ça, son autonomie,
évidemment, ce n'est pas nécessairement de 18 ans, là, ça peut être plus.
Et donc ça fait en sorte qu'on impose, finalement, à la victime d'entrer dans
un processus judiciaire qui pourrait nécessairement être long et coûteux. Et
puis il n'y a pas beaucoup de... il n'y a pas beaucoup de barèmes. Est-ce que
vous avez la même compréhension que moi? Et aussi je n'ai pas très bien compris
542.33.
Mme Laberge (Valérie) : Nous
avons la même compréhension.
M. Morin : D'accord.
Donc, à ce moment-là, et il y a d'autres groupes qui nous ont suggéré d'autres
avenues, mais j'aimerais ça avoir votre opinion là-dessus : Est-ce qu'il
ne serait pas plus simple, par exemple, pour l'État, une fois, évidemment que,
bon, l'agression sexuelle est prouvée, de l'État d'immédiatement compenser la
victime et son enfant et de faire en sorte qu'éventuellement cette somme-là
pourrait être récupérée de l'agresseur, mais ce serait l'État qui le ferait
plutôt que de laisser la victime de l'agression sexuelle le faire devant la
cour?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
c'est <certain que ça serait plus sain...
Mme Claveau (Catherine) :
Bien,
c'est >certain que ça serait plus sain, mais ce n'est pas une option à
laquelle on a... qu'on a imaginée dans nos solutions. C'est pour ça qu'on est
allé plus vers le processus de perception de pension alimentaire. Mais,
effectivement, si l'État est prêt à avancer les sommes puis, après ça, aller
chez l'agresseur pour se faire rembourser, on ne peut pas être contre la vertu.
Si l'État est volontaire pour faire ça, ça serait effectivement très bien.
M. Morin : Parfait. Et
contre l'efficacité aussi?
Mme Claveau (Catherine) : Effectivement.
M. Morin : OK. Parfait.
Je vous remercie. Moi, je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Je ne
sais pas si ma collègue a des questions.
Le Président (M. Bachand) :Ça va? M. le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : J'avais des
questions, mais elles ont trouvé leur réponse. Alors, je vous remercie.
Le Président (M. Bachand) :C'est beau?
M. Zanetti : Je n'en ai
pas plus.
Le Président (M. Bachand) :OK. Bon, bien, parlant d'efficacité, on est efficace. Merci
beaucoup d'avoir été avec nous, c'est très apprécié.
Cela dit, je suspends les travaux jusqu'à
mardi 28 mars 2023, à 10 heures. Merci. Belle soirée!
(Fin de la séance à 17 h 47)