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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 28 mars 2023 - Vol. 47 N° 7

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d’une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d’un projet de grossesse pour autrui


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Intervenants par tranches d'heure

  • 10 h

    • Bachand, André
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Bourassa, Kariane
    • Lemieux, Louis
    • Morin, André Albert
  • 10 h 30

    • Morin, André Albert
    • Bachand, André
    • Nichols, Marie-Claude
  • 11 h

    • Bachand, André
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Haytayan, Céline
    • Morin, André Albert
    • Garceau, Brigitte B.
    • Nichols, Marie-Claude
  • 11 h 30

    • Nichols, Marie-Claude
    • Bachand, André
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Bourassa, Kariane
    • Morin, André Albert
  • 12 h

    • Morin, André Albert
    • Bachand, André
    • Garceau, Brigitte B.
    • Zanetti, Sol
    • Nichols, Marie-Claude
  • 15 h 30

    • Bachand, André
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Bourassa, Kariane
    • Lemieux, Louis
  • 16 h

    • Lemieux, Louis
    • Bachand, André
    • Morin, André Albert
    • Zanetti, Sol
    • Jolin-Barrette, Simon
  • 16 h 30

    • Bachand, André
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Morin, André Albert
    • Zanetti, Sol
    • Nichols, Marie-Claude
  • 17 h

    • Bachand, André
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Haytayan, Céline
    • Bourassa, Kariane
    • Garceau, Brigitte B.
  • 17 h 30

    • Bachand, André
    • Zanetti, Sol
    • Nichols, Marie-Claude

 

Journal des débats

10 h (version révisée)

(Dix heures deux minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite la bienvenue.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que le droit des mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président, aucun remplacement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bachand) :Merci. Alors, nous entendrons aujourd'hui Me Michel Tétrault, l'Association des jeunes... des juristes progressistes, mais nous allons d'abord commencer avec Me Kirouack, de l'Association des avocats et avocates en droit de la famille... en droit familial du Québec, pardon.

Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, grand plaisir. Alors, vous connaissez les règles, un petit 10 minutes de présentation, puis après ça on aura un échange avec les membres de la commission. Me Kirouack, la parole est à vous.

Association des avocats et avocates en droit familial du Québec (AAADFQ)

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Alors, merci à tous. Vous devez avoir reçu tant le mémoire de l'association que le tableau comparatif qui se trouve comme être la suite de ce que l'association avait pondu en regard du projet de loi n° 2. Avant que j'oublie, la présidente de l'association s'excuse, elle a été demandée devant la Cour supérieure ce matin, donc elle ne peut pas être présente par voie de vidéoconférence. Je n'entends pas couvrir tous les points du mémoire, mais je vous dirais ce qui est le plus important, vu le temps relativement court.

Donc, on va commencer par l'article 113.1 qui prévoit... qui extrait dorénavant une obligation à la mère qui a donné naissance de déclarer la filiation à l'égard de son enfant. Avec égard, on comprend mal la discrimination d'une telle disposition. Si tant est qu'il doive y avoir une obligation à la loi, pourquoi est-ce que ce n'est pas à l'égard des deux parents et juste à l'égard des mères?

Et on va recouper immédiatement avec le nouvel article 523, que vous trouverez à la page 12 du mémoire, puisque le législateur entend ainsi insérer toute une série de nouvelles règles, et je m'attarde à la première proposition, c'est-à-dire que la filiation, désormais, s'établirait à l'égard de la mère gestante, soit la mère qui a donné naissance, OK, indépendamment de la réalité juridique. Et je vais recouper tout de suite, parce que le projet de loi, effectivement, couvre la question des grossesses pour autrui, cas de figure n° 1, parce qu'on sait que le projet de loi permet, n'est-ce pas, à la mère porteuse de changer d'idée jusqu'à la 30e journée suivant la naissance.

Cas de figure n° 1, elle est enceinte suite au don de sperme du père prospectif, OK, ou par insémination artificielle. Donc, dans ces cas-là, on va se ramasser avec la règle de la filiation par le sang, qui sera la mère légale, la mère porteuse qui a donné naissance et le père prospectif par le biais des règles de la filiation.

Scénario n° 2, toujours en vertu de 523 qui est devant vous, la mère porteuse porte l'ovule, n'est-ce pas, et le sperme qui ont fait l'embryon, qui ont été implantés de la part du couple prospectif. La mère porteuse n'a donc aucun lien génétique avec l'enfant, et pourtant 523 vient nous dire que la mère légale sera la mère qui a accouché, donc la mère porteuse, et on se ramasse avec le même scénario, le père prospectif pourra, lui, établir sa filiation puisque cela aurait été son sperme... scénario numéro... et la mère prospective dont c'est l'ovule n'aura aucun statut légal.

On pousse le raisonnement. Troisième scénario : la mère porteuse devient enceinte suite à un <embryon...

Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...suite à un >embryon, effectivement, qui a été implanté de l'ovule de la mère prospective et du sperme d'un donneur, et on se ramasse dans la situation où la mère porteuse sera la seule mère légale puisque la mère prospective n'a pas donné naissance, et pourtant, c'est son enfant génétique, la mère porteuse n'ayant aucun lien génétique directement ou indirectement avec la filiation.

Je comprends que, dans tout temps, la filiation légale ne recherchait pas nécessairement la réalité biologique, mais je vous soumets que c'est impensable d'avoir un enfant qui est né des gamètes du couple prospectif, avec laquelle la mère porteuse n'a aucun lien, et c'est la mère porteuse qui va devenir la mère légale. On a le même problème ici. 113.1 et 523, c'est la mère prospective ou c'est la mère, à 113.1, à qui on donne des obligations qui ne semblent pas s'appliquer à l'autre membre du couple.

Par ailleurs, et toujours en lien avec l'article 523, l'autre question, c'est : Si l'article 523 nous dit qu'effectivement la filiation se prouve, et je sais qu'il est au deuxième rang après l'acte de naissance, bien là, qu'est-ce qui se passe des filiations en matière d'adoption? L'acte de naissance en fera foi. Mais on a quand même un article 523 où le bât blesse en matière d'adoption.

Pour ce qui est de l'autre parent, c'est-à-dire, il y aurait l'insertion d'une nouvelle règle, et je dois vous dire que l'association est un peu embêtée, le législateur viendrait insérer, n'est-ce pas, la déclaration par l'autre parent, n'est-ce pas, la déclaration de naissance, qui n'est, avec égard, qu'un simple formulaire administratif qui est envoyé au Directeur de l'état civil pour que celui-ci dresse, sans délai, et c'est ce que prévoit l'article, n'est-ce pas, l'acte de naissance. Au surplus, lors de l'adoption du projet de loi n° 2, le législateur a, et avec raison, on s'en réjouit, permis désormais, n'est-ce pas, aux conjoints de fait de déclarer la naissance à l'égard de l'autre parent dans la déclaration de naissance. Donc, d'une part, on a toute une série de déclarations de naissance où l'autre parent n'aura pas, effectivement, reconnu, et, deux, on comprend difficilement l'insertion, pour une très courte période, dans un mode de preuve, d'un formulaire administratif dont le seul objectif est de dresser l'acte de naissance. Il y a une difficulté. Et je soumets au législateur qu'effectivement il y aurait lieu de réfléchir sur cette question.

Pour ce qui est de la possession d'état, qui fait en sorte que... la possession d'état et l'acte de naissance, je vais vous dire, l'association n'est pas nécessairement en accord avec le fait qu'on a choisi le 24 mois de la fourchette jurisprudentielle qui est du 16 au 24. 16 mois permettait aussi aux tribunaux, je vous dirais, selon les faits... Parce que 24 mois, ça veut dire que le père génétique pourrait arriver la veille du deuxième anniversaire et réclamer sa filiation à l'égard d'un enfant qu'il n'a jamais vu, que l'enfant n'a jamais vu, qu'il n'y a aucun lien de quelque nature que ce soit. Ça nous semble une période longue et on eut préféré que le législateur garde ce qui a été développé en jurisprudence et permettant ainsi une espèce de discrétion à l'égard de quels sont les faits au dossier.

Section II. De la filiation des enfants issus d'une procréation impliquant la contribution d'un tiers. L'article 13 du projet de loi viendrait modifier l'article 538, et, avec égard, le fait que le législateur veut remplacer l'expression actuelle de «forces génétiques» par «matériel reproductif» crée problème, d'une part. Et, je vous dirais, M. le ministre, là, je ne pense pas qu'il est l'intention du législateur d'écarter le don d'embryons, puisque c'est permis spécifiquement au règlement québécois, mais il faut comprendre que l'article 3 sur la procréation assistée définit ce qu'est du matériel reproductif et le matériel reproductif n'inclut pas l'embryon congelé. Or, on sait qu'il y a effectivement des dons d'embryons surnuméraires, et cette expression-là peut ou pourrait, à tout le moins, créer problème.

• (10 h 10) •

On constate aussi que le législateur inscrit une présomption à l'égard des naissances gémellaires et on croit que, dans ces cas-là, c'est pour pouvoir couvrir tous les cas de superfécondation hétéropaternelle. Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, je vais vous expliquer qu'il arrive parfois que la nature fasse en sorte qu'une femme produise deux ovules, n'est-ce pas, lors de son cycle, qui sont fécondés par deux hommes différents, OK? Donc, à ce moment-là, ce que je comprends, c'est qu'à partir du moment où la <règle...

Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...à ce moment-là, ce que je comprends, c'est qu'à partir du moment où la >règle s'applique on ne pourrait pas ouvrir le débat quant à une disparité au niveau de la paternité.

Le don par relation sexuelle. Écoutez, je félicite le projet de loi de finalement écarter l'espace, là, la zone floue, le flou artistique qu'on avait, à savoir qu'en matière de don par relation sexuelle chacune des parties pouvait comme changer d'idée durant la première année. On pense que c'est à bon escient que cette portion-là de l'article va disparaître, et on s'en réjouit parce que, sans ça, on n'est pas certains de qui, effectivement, sont les parents de cet enfant-là, passé une certaine période.

De la même façon que, si vous allez... Les articles 539.1 à 541 sont abrogés. Je dois vous dire que, de... sur la même idée, l'abrogation de 539.1 et de 578.1, on félicite le législateur. On avait toujours trouvé difficile d'essayer de comprendre la portée et l'application de cet article, qui ne s'applique, je vous le répète, qu'en matière de conjoints de même sexe. OK.

Pour ce qui est maintenant du projet parental impliquant une grossesse pour autrui, et au risque de répéter certains des propos que nous avons obtenus lors du projet de loi n° 2, mais, depuis ce temps-là, on a eu plus de temps, donc j'ai fait plus de recherches. Je remercie, d'ailleurs, qu'on ait eu plus de délais pour savoir quand aura lieu la commission parlementaire, ça permet d'organiser nos fins de semaine. OK. Vous savez, les données réelles sur combien on a de mères porteuses sont difficiles à trouver, OK, qui... qui, effectivement, fait quoi. On sait, par ailleurs, que... Il y a plusieurs articles dans les journaux récemment. J'ai appris qu'apparemment des gens de l'étranger venaient ici, effectivement, pour faire des enfants par grossesse pour autrui. OK. Par contre, ce qu'on sait, c'est qu'il y a des risques inhérents à toute femme, effectivement, de mener à bien une grossesse, un certain pourcentage de dépression, effectivement, prénatale, c'est-à-dire durant la grossesse, 10 % à 20 % qui auront une dépression post-partum. Cette proportion augmente à 30 % quand on parle des jeunes femmes qui ont moins de 25 ans. Et une à deux femmes sur 1 000 feront une psychose post-partum. 15 % des femmes ont des symptômes de bipolarité, alors qu'en... dans la population, en générale, c'est 1 % à 2 %. Et à cela s'ajoute que le taux de mortalité périnatale chez les femmes augmente...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Kirouack. On est...

Mme Kirouack (Marie Christine) : ...et ne diminue pas.

Le Président (M. Bachand) : ...on est maintenant rendus à la période d'échange.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Nous devons donc tenir pour acquis qu'il y a effectivement des contrats, des conventions de grossesse pour autrui où la mère porteuse va décéder. C'est statistiquement...

Le Président (M. Bachand) :Merci, maître. On est déjà rendus à la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, Me Kirouack.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bonjour.

M. Jolin-Barrette : Merci de venir en commission parlementaire. Vous êtes une habituée maintenant. Merci également pour le mémoire fort volumineux, on va le... prendre analyse. Puis merci d'avoir fait l'analyse article par article, que vous avez jointe, également, donc, ça va nous aider là-dedans.

Juste pour continuer sur ce que vous disiez par rapport aux conditions des mères porteuses, là, vous disiez : Il y a des risques, notamment, à la grossesse pour autrui, notamment des risques de mortalité plus grande, risques de dépression post-partum, des impacts aussi. La position de l'association, est-ce que vous préféreriez qu'on ne permette pas la conclusion de contrats de grossesse pour autrui, connaissant le risque et connaissant aussi le fait que ça se fait? Nous, on a pris l'approche où est-ce qu'on veut l'encadrer, mais pas l'encourager, en mettant des règles très strictes.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : La position de l'association, c'est que le projet de loi ne va pas assez loin, OK? Pour nous, les parents prospectifs, qui, par ailleurs, ne courent aucun risque de quelque nature que ce soit, devraient être tenus de prendre une assurance vie au bénéfice des enfants et/ou du conjoint ou de la conjointe de la mère porteuse et devraient être tenus de prendre une assurance invalidité sur leurs propres deniers. Il y a lieu de garantir, cette femme-là, que, si elle devient invalide, partiellement, complètement, de façon temporaire, effectivement elle puisse bénéficier de prestations d'invalidité.

M. Jolin-Barrette : Et cette prestation-là d'invalidité ou cette assurance vie là, vous la chiffreriez à quel montant? Parce qu'on sait qu'en matière d'assurance on analyse la santé de la personne, on analyse les facteurs de risques également puis le montant est corrélatif de la... en fait, de la prime... bien, pas de la prime, mais du montant versé de l'assurance, donc dans...

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Je n'en ai aucune idée, M. le ministre. Mais, je vais vous dire, à la limite, ce n'est pas terriblement pertinent à partir du moment où j'ai des parties qui <signent...

Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...parties qui >signent une convention qu'une personne va subir tous les risques, qu'ils en assument financièrement, ces risques-là.

M. Jolin-Barrette : Mais il y a un enjeu financier aussi pour les parents d'intention si, supposons, c'est assuré pour 2 millions de dollars.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Je comprends ce que vous dites, M. le ministre, mais moi, moi, OK, probablement mes réflexes de juriste, je vais vers la partie, effectivement, OK, qui va avoir à assumer ces risques-là, si les parents prospectifs, OK, n'ont pas les moyens de payer ça, bien, il faudra trouver une autre solution, OK, que ce soit un régime étatique, que ça soit quoi que ce soit. Mais je ne vois pas pourquoi c'est la mère porteuse à qui on devrait dire : Bien, c'est vous qui allez prendre les risques et, si vous êtes invalide, bien, vous assurez. Je m'excuse, là, mais je n'irai pas là.

M. Jolin-Barrette : Sur la question, justement, de la convention de grossesse pour autrui, l'association est contre le fait que ça soit une convention notariée. Pourquoi?

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Absolument. Et l'association, en plus, est à l'effet que non seulement ça ne devrait pas être une convention notariée, mais il devrait être obligatoire, comme le demande d'ailleurs le centre de reproduction de McGill, que chacune des parties ait des conseillers juridiques indépendants vu l'ensemble des enjeux.

M. Jolin-Barrette : Et pourquoi pas la convention notariée? C'est quoi... C'est quoi, l'enjeu avec le fait d'avoir un tiers neutre?

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Écoutez, les avocats font des conventions en matière de procréation assistée depuis des décennies, alors je ne vois pas pourquoi on perdrait un champ de compétence qu'on a toujours eu. Et, par ailleurs, je juge important que chacune des parties, c'est-à-dire le couple prospectif et la mère porteuse, ait les conseils de conseillers juridiques indépendants.

M. Jolin-Barrette : Mais il n'y a rien qui empêche les parties d'aller conseiller... d'aller chercher un conseil juridique indépendant aussi, même dans le cadre de la convention. Mais... Parce que, là, vous m'amenez un argument corporatiste de la part du fait que les avocats en font...

Mme Kirouack (Marie-Christine) : C'est bizarre, hein, M. le ministre...

Le Président (M. Bachand) :S'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il vous plaît! Parce que, juste, il faut vous entendre individuellement. M. le ministre, oui, allez-y.

M. Jolin-Barrette : Allez-y.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Avec égard, M. le ministre, OK, vous avez un projet de loi où on décréterait que, du jour au lendemain, je ne peux plus faire des conventions. Je ne suis pas sûre que c'est corporatif de soulever le fait : Comment se fait-il que je suis compétente aujourd'hui puis que je ne le serai plus si le projet de loi passe? Je le flippe, là. Je veux dire, l'argument contraire, c'est que c'est très corporatiste pour les notaires de demander que ça soit un acte notarié. Je ne suis pas sûre que...

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, il y a des garanties juridiques en lien avec l'acte notarié, notamment l'âge de la femme, le fait que la déclaration ne puisse pas être antidatée non plus. Il y a certains arguments qui militent en faveur d'une convention notariée aussi.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Vous présumez qu'on ne vérifie pas l'âge des clients qu'on a, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas ça que j'ai dit, mais, au Québec...

Mme Kirouack (Marie Christine) : Mais c'est parce que...

M. Jolin-Barrette : ...au Québec, théoriquement, le contrat est nul présentement. Donc, vous me dites : On a développé une expertise de convention entre les parties pour la grossesse pour autrui sur des contrats qui n'étaient pas exécutoires. C'est ça que je comprends.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Ce que je vous dis, c'est qu'effectivement on a une expertise, effectivement on en fait. Me Brown, qui est ici, en fait depuis les années 80. Et je ne vois pas pourquoi, tout à coup, on perdrait une compétence. Et le fait de soulever ça n'est pas corporatiste pour moi, par ailleurs.

Et, pendant qu'on est sur la convention, qu'elle soit notariée ou sous seing privé, on se pose sérieusement la question de savoir pourquoi il faut que ça soit envoyé au Directeur de l'état civil. Ça inclut des informations terriblement sensibles et confidentielles aux parties. Quant à nous, effectivement, là, la déclaration comme quoi que la mère porteuse reconnaît, n'est-ce pas, que son lien de filiation ou acquiesce à ce que son lien de filiation soit présumé n'avoir jamais existé est suffisant.

M. Jolin-Barrette : L'autre aspect sur la convention notariée, c'est qu'il y a une force probante en matière de preuve aussi, ce qui n'est pas le cas avec une convention entre deux parties uniquement lorsque ce n'est pas notarié.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Oui, mais là vous parlez d'un débat devant les tribunaux, et là on va se ramasser une inscription en faux à savoir ce qui relève de... n'est-ce pas, ce que le notaire a mission de constater et ce qui ne relève pas de sa mission.

M. Jolin-Barrette : Mais essayons d'éviter de se retrouver devant les tribunaux. Je voulais vous entendre sur la question des agressions sexuelles menant à la naissance d'un enfant issu d'une agression sexuelle, votre opinion entre la rupture du lien de filiation versus la déchéance de l'autorité parentale. Qu'est-ce que vous privilégiez?

• (10 h 20) •

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Écoutez, il est clair que nous privilégions, c'est ce qui est retenu par beaucoup de forums, effectivement, et beaucoup de législatures, c'est-à-dire, qu'il y ait une reconnaissance du lien de filiation et qu'il y ait du même coup, n'est-ce pas, le retrait de l'ensemble... une déchéance de l'autorité parentale complète et non révisable, et je vais plus loin, et une ordonnance de protection en vertu de 509 et de non-communication. D'ailleurs, il y aurait lieu de modifier 509 qui permet juste une durée de trois ans de telles ordonnances. Ça a l'avantage d'être <simple...

Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...d'être >simple, de donner à l'enfant immédiatement tous les droits liés à sa filiation. Ça ne reconnaît au père aucun droit en termes d'accès et de garde, d'information ou de quelque nature que ce soit, parce qu'on a une déchéance d'autorité parentale complète. On a des difficultés avec ce qui est proposé, notamment, parce que, là, on propose une indemnité auquel l'agresseur devrait contribuer au besoin à... Est-ce que c'est une pension alimentaire? Non, ce n'en est pas une. Est-ce que, donc, ça disparaîtrait avec la faillite? Oui. Est-ce que ça implique l'indemnité, qu'elle soit versée de façon forfaitaire? Dans son libellé actuel, oui, si je fais un pendant avec les autres indemnités qu'on trouve au Code civil.

Par ailleurs, pour ce qui est de la capacité d'hériter ab intestat de l'enfant, vous savez, un des devoirs du liquidateur en vertu du Code civil, c'est de chercher les successibles. Avec égard, M. le ministre, si cet article-là rentre en vigueur tel quel, tous les liquidateurs au Québec d'une succession d'un de cujus mâle devront faire un avis public cherchant ses enfants dont le lien de filiation n'est pas reconnu parce que ça fait partie de leurs obligations. Dans de vastes cas, n'est-ce pas, les proches de la famille ou le liquidateur ne sait pas si monsieur a ou n'a pas agressé quelqu'un et si un enfant est ou n'en est pas né. Ça me semble compliqué, tout l'ensemble des règles en matière de liquidation successorale, inutilement, alors qu'on aurait pu faire directement quelque chose de très simple. Parce que, l'obligation alimentaire, on sait comment ça se calcule, parce qu'en plus, à la limite, c'est révisable sur toute forme de changement et non pas ce qui est prévu au projet de loi, là, s'il y a un changement important et ce type de choses là.

M. Jolin-Barrette : Mais, en fait, je vous dirais deux choses. Actuellement, là, lorsqu'il y a une succession, là, par dévolution légale, là, bien, on ne sait pas, les messieurs, s'ils ont eu d'autres enfants. C'est le cas d'un liquidateur actuellement...

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Oui.

M. Jolin-Barrette : ...on ne sait pas si monsieur avait des activités extraconjugales puis il a eu des enfants.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Oui. Je vous l'accorde, mais, en ce moment, il y a des secrets d'alcôve.

M. Jolin-Barrette : Écoutez, je vous dirais que chaque cas est un cas d'espèce, puis ça dépend de chaque famille, puis, comme on dit, tout le monde a sa réalité, ça fait que ce n'est pas tant différent.

Sur la question de la filiation puis de la pension alimentaire, il y a beaucoup de groupes qui nous ont dit : Écoutez, ce qu'on veut éviter, c'est qu'il y ait le maintien d'un contact ou d'un contrôle entre le violeur et la femme qui est agressée sexuellement. Donc, on est partis notamment de là pour faire en sorte justement d'éviter qu'il y ait une récurrence au niveau de la pension, si on utilisait la pension alimentaire avec montant qui est versé, supposons, aux deux semaines. Donc, l'indemnité vise justement à faire ça. Par ailleurs, il y a l'IVAC également qui verse un montant, une somme pour un enfant qui est issu du viol.

Puis ce qu'on nous disait aussi, c'est que, dans cette situation-là, on voulait laisser le choix aux femmes de dire : Est-ce que, oui, je maintiens la filiation avec déchéance d'autorité parentale, où est-ce qu'on facilite le recours, là, il pourrait y avoir ouverture à la pension alimentaire, ou on lui donne le choix aussi de dire : Bien, écoutez, non, je ne veux pas qu'il y ait de lien de filiation puis je veux que ça soit complètement coupé aussi? Tu sais, on vient donner une certaine autonomie à la femme qui a été violée relativement à ça. Donc, elle aura le choix de prendre la voie qui lui convient le mieux en fonction de sa situation particulière. Parce que moi, je les comprends aussi de dire : Bien, je ne veux plus aucun contact puis je ne veux pas juste la déchéance d'autorité parentale.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bien, c'est-à-dire qu'à partir du moment où il y a déchéance complète d'autorité parentale puis qu'en plus il y a 509 il n'y en a pas, de contact, et madame pourra toujours décider qu'elle ne retourne pas devant le tribunal pour faire modifier la pension alimentaire. Vous... Vous me direz que, dans l'autre sens, ce sera toujours partir... possible au père de le faire s'il y a un changement de circonstances. Oui, effectivement. Mais, vous savez, le code prévoit aussi qu'une pension alimentaire, ça peut être payé par somme globale et... Or, dans le cadre, à ce moment-là, puis ça s'est fait par le passé, on peut faire un calcul actuariel et dire : Voici, c'est le quantum que ça prend pour mener cet enfant-là à terme.

M. Jolin-Barrette : OK. J'ai des collègues qui veulent vous poser des questions. Alors, merci beaucoup, Me Kirouack, pour votre présence aujourd'hui.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Donc, il reste cinq minutes. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.

Mme Bourassa : Bonjour. Merci de votre présence en présentiel, toujours plaisant. J'aimerais qu'on parle de l'état psychologique, peut-être, des parents. Est-ce que vous croyez qu'une évaluation psychosociale des parties pourrait être suffisante plutôt que des séances d'information, comme certaines personnes le suggèrent?

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bien, écoutez, si vous regardez au mémoire, je me suis posé la question à force de réfléchir sur l'incongruité suivante : si je veux adopter un <enfant...

Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...adopter un >enfant au Québec, que ce soit une adoption québécoise ou que ce soit une adoption, n'est-ce pas, à l'international, le code prévoit que je devrai, effectivement, avoir une évaluation psychosociale. À partir du moment où le code permettrait que, par convention, n'est-ce pas, je puisse obtenir la filiation d'un enfant avec lequel je n'ai aucun lien génétique, OK, on se comprend, là, on ne soulève pas la question, là, où il y a un lien, effectivement, génétique, là, ce n'est pas là qu'on va, on s'est posé la question : Comment se fait-il? C'est deux poids, deux mesures, alors que c'est la même chose. Dans les deux cas, on va confier, effectivement, à des tierces parties un enfant avec lequel ils n'ont aucun lien et, dans les deux cas, on a des parents prospectifs qui voudraient vraiment, effectivement, devenir parents, OK?

Par ailleurs, pour ce qui est de la séance d'information, effectivement, qui est prévue, au mémoire, vous verrez qu'on recommande plutôt ce qui est prévu au centre de reproduction de McGill, qu'on a trouvé fort intéressant, où, effectivement, il y a une espèce de deux rencontres où, effectivement, il va y avoir toutes sortes de discussions, c'est quoi, vos attentes, c'est quoi, vos attentes par rapport à la mère porteuse, par rapport à cet enfant-là. Il va y avoir des discussions de même nature avec la mère porteuse, quant aux conséquences, pour elle, de ce choix-là par rapport aux enfants qu'elle peut déjà avoir. Et, dans certains cas, leur guide, effectivement, prévoit qu'il va y avoir une troisième rencontre, où les trois principaux acteurs seront en présence, pour pouvoir, effectivement, discuter, là, de l'impact et comment ils voient ça. Tu sais, je vais vous donner un exemple, là : Est-ce que les parents prospectifs s'entendent d'être à tous les rendez-vous médicaux, tu sais?

Mme Bourassa : Et j'ai des questions concernant le consentement de la mère porteuse. En fait, qu'est-ce que vous pensez du délai pour changer d'avis après la naissance?

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Écoutez, le 30 jours nous va. C'est plutôt dans le cas où elle change d'idée, où je trouve que, là, on a un sérieux problème, parce qu'on permet, effectivement, à quelqu'un de mettre au monde un enfant qui n'est pas le sien, dont elle sera, dans certains cas, la seule mère, et le bât blesse, là.

Mme Bourassa : Puis, dans votre expérience, est-ce que ça arrive souvent, qu'il y ait des personnes qui changent d'idées, des parents d'intention ou des mères porteuses?

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Ah! ça, ce sera plus Me Brown qui va être capable de vous répondre à ça.

Mme Bourassa : Parfait, merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Jean, pour deux minutes, s'il vous plaît.

M. Lemieux : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Me Kirouac, j'avoue que c'est en entendant le ministre vous dire qu'on essayait, dans ce projet de loi là, d'encadrer de façon très stricte que j'ai réécouté ce que vous étiez en train de dire et ce que le ministre était en train de dire et, à cet égard, j'ai hâte qu'on en arrive à l'étude détaillée pour comprendre les ramifications de tout ça, puis, là-dessus, votre mémoire est plus que détaillé. Merci de nous aider.

Je voulais vous demander... Ça n'a rien à voir avec ce que vous avez dit jusqu'ici. Les mères porteuses... Puis c'est parce qu'on en avait parlé dans le projet de loi n° 2. Finalement, ça a été scindé, puis on n'a pas conclu là-dessus. Il y avait un argument, je ne me souviens pas qui l'avait fait, pour dire : une mère porteuse ne devrait pas en être à son premier enfant, elle devrait avoir déjà accouché avant d'être mère porteuse. Puis il y avait une discussion aussi sur le nombre maximal de projets de grossesse qu'on pouvait avoir. Pouvez-vous, dans le temps qui nous reste, nous donner un peu votre vision de ça?

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Sur la question de... C'est une des recommandations. Le centre de reproduction de McGill, parce qu'on se comprend, hein, il n'y a pas énormément de documentation, là, à travers le monde, mais, effectivement, c'est une de... ils soulignent très fortement que, la mère porteuse, sa famille devrait déjà être finie, genre, elle a fait les enfants qu'elle voulait avoir et/ou qu'elle en, effectivement, ait eu au moins un, pour, je vous dirais, s'engager en toute connaissance de cause, ça, qu'est-ce que vivre une grossesse, qu'est-ce qu'émotivement ça peut être, effectivement, là, de sentir la vie dans son ventre, et ce type de choses là. Donc, oui. Est-ce qu'on pense que ça devrait être une des recommandations? Je pense que oui. Est-ce qu'il devrait y avoir un nombre maximal? Oui aussi, mais de la même façon qu'il devrait y avoir un nombre maximal de donneurs de sperme.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Kirouack. M. le député d'Acadie, s'il vous plaît.

• (10 h 30) •

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Me Kirouack, merci pour le mémoire que votre association a produit, qui est très exhaustif, et votre témoignage ce matin. M. le ministre a déjà abordé certains thèmes que je voulais aborder... je voulais aborder avec vous. Je vais commencer par le premier, parce que, ça, vous en parlez dans votre mémoire. Mais, écoutez, je vais être très transparent, un des avantages qu'on a, dans l'opposition, suite aux témoignages qu'on entend en commission, c'est éventuellement de proposer les <amendements...

>


 
 

10 h 30 (version révisée)

<19253 M. Morin : ...c'est éventuellement de proposer les >amendements pour bonifier un projet de loi, s'assurer qu'il est conforme à ce que... à ce qui va être le mieux pour la population, finalement. Et vous, vous soulignez, puis effectivement, dans le projet de loi, il n'y a rien. Le contrat, la convention de grossesse, elle est... c'est à titre gratuit, sauf que... oui. Puis là, je vois que vous avez... Mais théoriquement c'est ça, mais je comprends qu'il peut y avoir une compensation pour certaines dépenses engagées. Puis il y a toute la question aussi des agences, et... et je voudrais vous entendre là-dessus, parce que le projet de loi, ça n'en parle pas. Puis, évidemment, on comprend toute la sensibilité de tout cet exercice-là, on essaie de protéger tout le monde. Donc, avez-vous des recommandations sur l'encadrement, par exemple, qui devrait être fait des agences? Est-ce que ça devrait continuer? Est-ce qu'on devrait les interdire? Est-ce que c'est bon, pas bon? J'aimerais ça si vous pouviez nous éclairer là-dessus.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bien, écoutez, j'ai lu les journaux des derniers jours comme vous, là, on a appris toutes sortes de choses intéressantes. Je constate que, comme en matière d'adoption internationale, il semble que les tierces parties, n'est-ce pas, sont ceux qui font de l'argent, alors que les principaux intervenants, effectivement, là, n'y trouvent pas... On va être clairs, par ailleurs, la loi fédérale interdit de rétribuer les mères porteuses, OK, en termes d'espèces sonnantes, là. Oui, les dépenses, oui, la perte de salaire. Est-ce que, de facto, il y a des sommes occultes qui sont versées parfois? J'en suis certaine, OK? J'ai eu à régler, moi, des débats de filiations après coup, où il était évident qu'il y avait des sommes qui avaient été échangées.

L'autre question que je me suis posée hier soir, c'est : à partir du moment où la mère porteuse n'a aucun lien génétique avec l'enfant... Parce que je vais vous faire deux catégories, là. C'est l'enfant biologique de la mère porteuse, catégorie numéro un, la mère porteuse n'a aucun lien biologique avec l'enfant. N'est-il pas possible qu'à partir du moment où elle a jusqu'à 30 jours pour dire oui, que peut-être qu'il y a une demande de : Ça va coûter 50 000 $ ou ça va coûter 100 000 $, que je dise oui, puisque je suis la seule qui a le pouvoir, soit de mettre fin au contrat ou d'y donner suite? Donc, est-ce que, ça, ça peut ouvrir effectivement la porte, je vous dirais, à des demandes illégales que des sommes soient inversées? Ça me semble clair.

M. Morin : OK. Et, selon vous, ça, c'est un cas de figure qui pourrait survenir. Donc, en fait, d'une certaine façon, la mère porteuse pourrait dire : Écoutez, mon... le fait que je redonne l'enfant, parce qu'elle peut le garder aussi, là, mais elle va le... elle pourrait le... le monnayer, finalement?

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Oui. En fait, tout ça... Et je comprends que le projet de loi a une espèce de phare, balance plus en faveur de la mère porteuse pour toutes sortes de bonnes raisons. OK? Mais ce que je vous soulève, c'est qu'à partir du moment où 523 serait modifié, tout à coup j'ai une mère porteuse, qui n'est pas la mère biologique, j'ai deux parents prospectifs, OK, et tout à coup, bien, elle va pouvoir faire juste : c'est le mien, je le garde, je l'ai vu, il est mignon. Et donc on a ce problème-là ici, OK? Et à cela s'ajoute qu'effectivement, à partir du moment où je pourrais monnayer, ah, pas officiellement, on se comprend, OK?

M. Morin : Non, non, bien sûr.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : OK. Mais il y a eu des dossiers où ça s'est vu.

M. Morin : Donc, est-ce qu'il serait... Parce que ma compréhension du projet de loi, à 523, c'est qu'il y a... il y a une présomption en faveur, en fait, de la mère porteuse. Est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait modifier, renverser? Est-ce qu'il devrait y avoir une... en fait, une présomption en faveur des parents comme tels? Qu'est-ce qui serait le mieux?

Mme Kirouack (Marie-Christine) : En fait, je vais vous dire, là, la... ma position et la position de l'association, c'est qu'on devrait écarter du projet de loi toute la modification prévue à 523. OK? Et on devrait garder effectivement, là, l'acte de naissance fait foi, à défaut de quoi c'est la possession constante d'état. Ça aurait l'avantage, je vais vous dire, que faire en sorte que : Oh! La présomption en faveur de la femme qui accouche n'existe plus. Ça veut dire que dans mon cas de figure où elle refuse de consentir, et elle a complètement le droit de le faire, bien, où est-ce qu'on se ramasse : filiation par le sang, possibilité pour le couple prospectif effectivement de demander un test d'empreintes génétiques. Et on aurait, à ce moment-là, comprenez-vous, dans le cas où j'ai la mère prospective, dont c'est l'ovule, ou le couple dont c'est, effectivement, et l'ovule et le sperme, bien, il n'y a pas de <problème...

Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...dont c'est, effectivement, et l'ovule et le sperme, bien, il n'y a pas de >problème. OK. Puis ça éviterait tout le problème où on écarte, tout à coup, la mère prospective qui est aussi la mère génétique du résultat final. Il y a quelque chose d'un peu incongru alors que je porte un enfant pour autrui et qu'effectivement j'ai signé une convention, si je n'ai pas de lien génétique avec l'enfant et qu'il n'est pas mon enfant, que je puisse, par le biais du nouveau 523, faire : C'est le mien.

M. Morin : C'est ça. Parce qu'en fait ma compréhension, puis je pense que, vous l'avez très bien exprimé, c'est que la mère porteuse pourrait ne pas avoir aucun lien génétique, mais... et donc signe, évidemment, une convention, c'est l'idée du projet de loi, donc elle sait dans quoi elle s'engage, mais, à la toute fin, même si elle n'a aucun lien génétique, elle dit : Bien, écoutez, moi, finalement, je le garde, puis je l'enregistre, puis il n'y a pas... il n'y a pas de souci, le projet de loi va permettre ça, puis là les deux parents vont rester — woup! — complètement à l'extérieur.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bien, soit juste le père va être reconnu soit... et, auquel cas, la mère... la mère ne le sera pas, là.

M. Morin : C'est ça. Exact. Merci, merci bien. Est-ce qu'il y aurait lieu d'encadrer plus à fond la convention ou insérer, par exemple, dans la convention, certains... certains éléments qui pourraient être d'ordre public? Vous avez parlé de l'assurance ou de l'assurance vie qui pourraient être prises, mais moi, il y a d'autres éléments qui me viennent en tête. Si, par exemple, il y a des parents qui ont des employés ou des domestiques à la maison puis qui font des pressions pour qu'une de ces personnes-là devienne une mère porteuse, là, ça devient très difficile parce que vous avez une espèce de lien d'autorité puis en plus, surtout si la personne, mettons ça encore pire, n'a peut-être pas un statut de citoyen canadien, là ça devient hypercomplexe, est-ce que ce ne serait pas approprié d'insérer, dans le projet de loi, un énoncé clair à l'effet que ça, ça ne serait pas permis?

Mme Kirouack (Marie-Christine) : En fait, c'est soulevé spécifiquement dans notre mémoire, cette question-là, notamment à l'égard, n'est-ce pas, des aides-domestiques, en vertu, là, du programme spécial de l'immigration qui permet à ces femmes-là de demander, effectivement, leur résidence permanente par la suite.

M. Morin : Exact.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Nous sommes d'opinion qu'il ne devrait jamais y avoir de lien d'emploi ou un lien... et on va aller plus loin que ça, là, un lien contractuel de travail, c'est sûr, OK, on va la payer comme travailleuse autonome, là, OK, donc... et ça, ça devrait être très clair, les personnes ne devraient pas pouvoir être liées à de cette façon-là. Et j'irais plus loin que ça, pas non plus la fille ou la sœur de la dame qui travaille là, en vertu... OK. Donc, on devrait s'assurer qu'il ne puisse pas y avoir effectivement de pression, et notamment si je pense à la catégorie, effectivement, des gens qui viennent travailler comme aide-domestique, tu sais, leur possibilité de rester ici et d'avoir un avenir meilleur dépend effectivement de ce lien-là. Alors, oui, il y a toute une possibilité de chantage.

M. Morin : Excellent. Donc, ça, je vous... je vous remercie. Vous avez pris, votre association, une position très claire et, en fait, je trouve ça intéressant, et je vais me sortir du corporatisme, là, on y a fait référence tantôt, notaire ou avocat. Moi, je suis avocat, mais je ne suis pas ici comme avocat, mais je suis ici parce que je veux que la législation soit meilleure.

La convention doit être notariée. Quand j'ai lu le projet de loi, bon, c'est très clair, pas la question du consentement, ça, ça va être sous seing privé. Puis on a entendu plusieurs groupes qui — dont l'ordre professionnel des notaires — qui nous disaient : Oui, c'est un acte authentique, il n'y a pas de problème de preuve, c'est sûr que le document ne sera pas antidaté. Et vous, dans... avec votre association, vous prenez une position, puis vous l'avez exprimée tantôt, ferme à l'effet que, non, ça pourrait être fait sous seing privé. On nous disait : Écoutez, ça va être plus facile pour établir l'âge de la personne puis le fait que ce n'est pas antidaté. Mais j'ai une question pour vous, ça peut vous paraître étonnante, mais, tu sais, dans votre pratique ou en général, faites-vous ça souvent, des actes antidatés?

• (10 h 40) •

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bien, c'est parce que je pense que je... un, je commettrais une faute professionnelle si je faisais ça. Ça fait que la question ne se pose pas, là, je n'antidaterai jamais un document.

M. Morin : Merci. C'est ce que... c'est ce que je souhaitais entendre, parce qu'il me semble, qu'on soit notaire ou avocat, là, il n'y a pas de différence, on ne fait pas des actes <antidatés...

M. Morin : ...ou avocat, là, il n'y a pas de différence, on ne fait pas des actes >antidatés, là, mais... OK. Parfait. Donc, au fond... Puis qu'est-ce que... Comment contourner toute la question? Parce que c'est sûr qu'un acte notarié, c'est un acte authentique, là. Un acte sous seing privé, bien là, ce n'est pas les mêmes règles de preuve, on s'entend là-dessus. Est-ce que, pour vous, ça pose un problème majeur?

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Pour nous, ça ne pose pas de problème majeur de quelque nature que ce soit, là, c'est la convention des parties, et on se comprend, là, c'est dans les cas où ça va être soumis en déclaration judiciaire.

M. Morin : D'accord. Je vous... je vous remercie. J'aimerais aussi attirer... Puis j'aurais une ou deux questions pour vous en lien avec l'article 542.33 du projet de loi, qui traite de la responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle. Je comprends... je comprends l'idée, l'essence du projet de loi. Maintenant, et dites-moi si vous êtes d'accord avec ma lecture de cet article-là, présentement, une dame qui a été victime d'un viol, qui garde l'enfant, l'enfant vient au monde. Donc, dans l'état de 542.33, c'est elle qui va devoir s'adresser aux tribunaux et qui va devoir faire la preuve, évidemment, qu'elle a été victime d'un viol. Je comprends que ça peut être prouvé par la production d'un jugement. Mais ça va être à elle, donc, de s'adresser à la cour, et de faire la preuve, et de faire la preuve de l'indemnité, et puis après ça, bien, être capable d'éclairer le tribunal quant au montant qui va être accordé. Est-ce que ma lecture est correcte?

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Votre lecture est tout à fait correcte.

M. Morin : Trouvez-vous que c'est juste pour la femme ou si on ne devrait pas penser à un mécanisme autre où l'État interviendrait pour la soulager de ce fardeau-là? Est-ce que, par exemple, l'enfant pourrait être une victime... reconnu victime d'un acte criminel, et donc recevoir une indemnité par exemple de l'IVAC, ce qui aiderait, plutôt que d'imposer ce fardeau-là à la mère?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Écoutez, il est certain...

Le Président (M. Bachand) : Très rapidement, Me Kirouack, le temps file. Merci.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...que d'avoir une indemnité de la part de l'IVAC, là, pourrait être des plus intéressants par rapport à ça, et oui je trouve que, quand je lis cet article-là, le fardeau de la preuve est extrêmement élevé parce que je tiens pour acquis est que la vaste majorité des femmes ne réclameront pas ça et n'iront pas devant nos tribunaux, également, OK? Je tiens aussi pour acquis que, dans la vaste majorité des cas, et on le sait, c'est connaissance d'office, la majorité des femmes ne vont pas à la police, pour toutes sortes de raisons, OK? Alors...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil, pour 4 min 18 s, s'il vous plaît.

M. Morin : Parfait. Merci, M. le Président.

Mme Nichols : Continuez, Me Kirouack, là. Alors?

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Donc, statistiquement, on le sait, OK, la majorité des agressions sexuelles ne sont pas dénoncées aux autorités policières, pour toutes sortes de considérants sociaux. Donc, ça veut dire qu'on demanderait à une mère, effectivement, d'aller devant les tribunaux, de déclarer qu'elle a été agressée sexuellement, de subir un contre-interrogatoire des plus serrés, d'avoir à avoir un actuaire pour pouvoir prouver quel type d'indemnité... Je trouve qu'on en demande beaucoup à la victime d'agression sexuelle.

Mme Nichols : Oui, puis je pense que... je pense que l'intention, entre autres, du ministre, c'est d'éviter tout ça, là, d'éviter tout ça. Donc, merci de le porter à notre attention. Merci, là, Me Kirouack, d'être ici aujourd'hui.

J'avais aussi plusieurs questions qui ont été abordées entre autres avec 523, l'assurance vie, les conventions. Je suis plus, plus restreinte dans... dans le temps, mais je voulais juste revenir sur... Le ministre avait parlé... Entre autres, à un moment donné, on arrivait avec la différence... donner le choix à la mère, là, une mère qui est victime d'un viol, puis on lui avait... on voulait lui donner le choix entre la pension alimentaire ou d'aller chercher l'indemnité. Par rapport à l'indemnité, avez-vous des recommandations à nous faire? Parce qu'évidemment ce n'est pas les tables qui peuvent nécessairement s'appliquer, puis on ne sait pas non plus...

Mme Kirouack (Marie-Christine) : La difficulté, quand on veut insérer au code quelque chose qui est totalement nouveau, OK, et parce que j'ai été en pratique privée beaucoup d'années, vu mes cheveux blancs, c'est qu'on sait qu'on en a pour 10 ans de jurisprudence avant de savoir effectivement où commence l'article, où finit l'article, quelle est la nature «de», comment ça devrait ultimement se calculer. Parce qu'il est clair que, oui, on parle d'une contribution à cause d'un enfant, là, mais on ne parle pas de pension alimentaire. Donc, les barèmes, que ce soient les barèmes provinciaux ou les barèmes fédéraux, n'est-ce pas, ne s'appliqueraient pas. Ça implique aussi que je veux bien, là, condamner quelqu'un à une indemnité globale, là, mais la capacité de payer n'y est peut-être pas, puis à ce moment-là, même si la personne, elle ne fait pas faillite, on va se ramasser sur la portion des sommes saisissables, effectivement, sur les <revenus...

Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...sommes saisissables, effectivement, sur les >revenus de quelqu'un. Tout ça semble lourd, alors qu'on aurait pu juste aller clairement dans des règles qu'on connaît et qu'on sait déjà comment appliquer.

Mme Nichols : Puis, quand vous parlez des règles qu'on connaît, vous parlez des...

Mme Kirouack (Marie-Christine) : En matière de filiation puis de tout ce qui découle.

Mme Nichols : Oui, en effet, en effet, il y avait une... il y a une problématique à cet effet-là, là, si on convient d'une indemnité, même pour aller chercher, là, le montant, le paiement, puis s'il y a un changement dans les revenus.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Oui, puis je vais vous dire, l'avantage d'aller par là, là, OK, c'est que je suis victime d'agression sexuelle, je ne suis pas obligée de m'en aller à la cour, hein, pour demander qu'on reconnaisse effectivement que l'agresseur est le père de mon enfant, de quelque nature que ce soit, je n'ai pas besoin d'aller devant le tribunal. Je ne suis pas tenue, OK? Par contre, ici, on regarde vraiment, là, le dossier, mais d'une grande tristesse de... qu'on... de l'été dernier, à partir du moment où la loi dirait clairement à un agresseur : oui, vous pouvez venir devant le tribunal pour faire reconnaître votre filiation, et le résultat final va être : oui, vous allez être sur l'acte de naissance, deux, vous n'aurez aucune autorité parentale, donc ça n'implique pas de garde, pas d'accès, pas le droit de savoir ce qui se passe avec l'enfant, pas de contact, et vous allez payer une pension alimentaire. J'ai le sentiment que dans les cas de certains de ces agresseurs plus caractériels que d'autres, en termes de... parce que, tu sais, il y a une espèce de recherche, là : Je vais te faire souffrir, je ne t'ai pas juste agressée. À partir du moment où, ultimement, ça va te coûter des sommes, tu vas présenter ça devant les tribunaux, puis au bout du compte, tu vas payer une pension alimentaire et tu n'auras rien du tout, j'ai tendance à penser que le message ferait en sorte que le nombre diminuerait ou deviendrait inexistant.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Ça va?

Mme Nichols : Oui. Merci, merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Kirouack. Merci beaucoup d'avoir été avec nous, ça a été un grand privilège. Merci beaucoup.

Mme Kirouack (Marie-Christine) : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 48)

(Reprise à 10 h 51)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les représentants et représentantes de l'Association des juristes progressistes. Bienvenue à vous quatre. Merci beaucoup d'être avec nous. C'est un grand, grand plaisir. Alors, avant de débuter, je vous inviterais à vous présenter et commencer votre exposé d'une dizaine de minutes et, après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.

Association des juristes progressistes (AJP)

Gauvin-Joyal (Laurence) : Merci, M. le Président. Bonjour, Mmes et MM. les députés. Merci au ministre pour l'invitation. Nous représentons ce matin l'Association des juristes progressistes, qui est un OBNL voué à la défense des droits déterminé à mettre le juridique au service des luttes pour la justice sociale.

À titre de représentant, représentantes, j'ai le plaisir de vous présenter Me Joey Hanna, avocat et enseignant à l'École du Barreau du Québec et au Département des sciences juridiques de l'UQAM, Me Valérie P. Costanzo, également avocate et actuellement doctorante en droit à l'Université d'Ottawa, et qui sera professeure, dès le 1er juin, au Département des sciences juridiques de l'UQAM, Céleste Trianon, étudiante en droit à l'UdeM, coordinatrice de la clinique juridique et également administratrice de l'AJP, et moi-même, Laurence Gauvin-Joyal, également administratrice de l'AJP et étudiante inscrite au Barreau du Québec.

Me Hana, je vous cède la parole.

M. Hanna (Joey) : Merci, M. le Président, M. le ministre. Je vais faire écho aux propos de ma collègue et vous remercier à mon tour pour l'invitation. Mon exposé va se décliner en deux points. D'abord, je vais traiter de notre proposition de reconnaissance de la pluriparenté, ensuite, je vais aborder les propositions en lien avec l'accessibilité à la GPA, et ce, davantage sous forme de questionnement.

Je vais commencer par vous dire que les configurations familiales fondées sur le désir d'élever un enfant en dehors du schéma biparental, elles existent et elles s'imposent d'ailleurs dans la réalité sociale actuelle. On n'a qu'à penser aux parties prenantes d'un projet de GPA, à une personne seule qui va adopter avec l'intention d'élever son enfant avec des amis, aux trouples et j'en passe. L'idée, ici, là, ce n'est pas de vous dresser un portrait exhaustif de l'ensemble des configurations qui sont possibles, mais bien de sensibiliser le législateur à, d'abord et avant tout, l'existence sociale des projets pluriparentaux et ensuite à traduire cette existence sociale en réalité juridique. Ce qu'on soutient essentiellement, c'est que la reconnaissance et l'encadrement légal de la pluriparenté, c'est nécessaire et c'est en harmonie avec la recherche du meilleur intérêt de l'enfant.

À l'heure actuelle, l'absence de reconnaissance légale de la pluriparenté, bien, ça va priver les enfants d'une protection contre les conséquences d'une possible séparation ou d'un décès. On peut penser à la situation où les parents civils, donc les parents qui ont un lien de filiation qui est reconnu, vont couper les liens avec le parent de fait. Ici, l'enfant serait privé du support affectif, social, économique, alimentaire de son parent de fait qui, quant à lui, serait tenu à l'écart des décisions découlant de l'autorité parentale qui, elle, s'articule par les parents reconnus.

Bref, vous avez le portrait, là, d'un besoin de protection auquel le législateur peut répondre et, à défaut de le faire, bien, ça a pour conséquence de placer des enfants et par ailleurs des parents en situation de vulnérabilité puisqu'ils ne peuvent pas pleinement jouir des protections offertes par le Code civil en raison de leur configuration familiale.

Je tiens à souligner qu'on a considéré la question, voire les inquiétudes soulevées par certains et certaines quant à l'articulation pratique et pragmatique de la pluriparenté. En gros, comment est-ce qu'on va gérer les litiges concernant la garde ou l'autorité parentale en contexte pluriparental? Bien, ce qu'on vous soumet, respectueusement, aujourd'hui, c'est que le Code contient déjà des outils qui sont tout à fait transposables et suffisants pour permettre aux tribunaux de trancher un litige en matière pluriparentale et que le critère de la recherche du meilleur intérêt de l'enfant, mais ce n'est pas incompatible avec la pluriparenté.

Permettez-moi donc de conclure notre première proposition en invitant le législateur à réfléchir à la question de la pluriparenté en considérant les quatre facteurs suivants : premièrement, le besoin de protection des enfants; deuxièmement, le besoin de reconnaître une réalité sociale déjà existante; troisièmement, le besoin d'accorder à cette réalité sociale les outils juridiques nécessaires pour s'articuler et s'inscrire dans ce... dans ce besoin de protection; et, finalement, le besoin de préserver, là, le principe d'égalité entre les enfants, et ce, sans égard au contexte, aux circonstances de leur naissance. Et, pour toutes ces raisons-là, on vous invite à reconnaître la pluriparenté.

Tout ceci m'amène à notre deuxième proposition, à savoir une GPA accessible. D'une part, il faut <souligner...

M. Hanna (Joey) : ...D'une part, il faut >souligner que, dans la mouture actuelle du projet de loi, l'accès à la GPA est réservé aux personnes seules ou aux conjointes, ce qui a pour effet de laisser derrière, bien, des coparentalités platoniques, des couples qui refusent de faire vie commune ou qui ne peuvent pas être juridiquement qualifiés de conjoints, conjointes. Encore une fois, ces réalités-là, bien, elles existent, et on doit en prendre compte afin que tous les parents puissent accomplir le projet de GPA en conformité avec la loi et non pas dans la clandestinité. Ainsi, on se pose la question s'il ne vaut pas mieux d'offrir un soutien législatif plutôt que de maintenir des parents, des familles dans la marginalité.

Sur un tout autre ordre d'idées, notre mémoire soulève plusieurs angles morts et des questionnements quant aux dispositions relatives à la GPA. Je pense à l'absence de définitions, de détails des enjeux qui vont être discutés lors de la rencontre préalable au projet de GPA, aux implications psychosociales, éthiques qui découlent de ces rencontres-là, à la manière dont l'État va assurer l'accessibilité de ces rencontres-là, notamment, l'accessibilité financière.

Toutes ces questions-là habitent notre mémoire et justifient les recommandations qu'on vous fait et que vous trouverez, là, plus amplement à la page 17. Mais, vu le temps qui m'est imparti, je vais céder la parole à ma collègue.

Gauvin-Joyal (Laurence) : Merci. On aimerait également attirer votre attention sur l'expression «la femme ou la personne qui donne naissance», qui est largement utilisée dans le projet de loi n° 12. Donc, puisque les femmes sont juridiquement incluses dans la catégorie de personnes, sa mention expresse semble a priori redondante, voire inutile. Or, s'il advenait que les tribunaux aient à interpréter ladite expression, il y aurait une présomption selon laquelle l'intention législative était de produire un effet au regard du principe d'interprétation de l'effet utile. Rappelons-nous que chaque terme, chaque phrase, chaque alinéa doit être présumé avoir été rédigé délibérément en vue de produire un effet. Partant du constat qu'il ne semble pas encore possible pour les femmes trans d'incuber avec succès un foetus, la catégorie «femmes» ne peut que signifier les femmes cisgenres au regard du contexte législatif. Par conséquent, «les autres personnes» désignent la diversité des personnes trans qui ont la capacité biologique de porter un enfant. Ainsi, de par cette distinction, on voit que le projet de loi a pour effet de créer deux catégories juridiques distinctes de personnes pouvant donner naissance, les femmes cis et les femmes trans.

La grossesse est avant tout une expérience de corps, un fait biologique qui concerne toute personne pouvant donner naissance. Alors, comment justifier ce besoin de les distinguer au regard de leur identité de genre, si ce n'est pas pour produire un traitement différentiel et par le fait même discriminatoire à l'égard des personnes trans? Par conséquent, nous vous invitons à ne conserver que l'expression «personnes qui donnent naissance», puisqu'elle incarne à la fois la posture inclusive recherchée et permet d'éviter une mise en œuvre discriminatoire. Je cède la parole à Céleste.

Trianon (Céleste) : Parfait. M. le ministre, il me paraît également important de soulever quelques remarques quant à la langue prévue aux futurs articles 541.12 et 541.30. Les obligations linguistiques prévues par le projet de loi pourraient constituer un obstacle pour les personnes non francophones qui désirent porter un enfant pour autrui. Le législateur devrait s'abstenir de légiférer dans ce sens si son désir est de protéger le parent ayant donné naissance. Sinon, afin d'assurer un accès équitable à toutes les personnes visées par la loi, les coûts relatifs à l'obtention de traductions certifiées, voire même l'obtention de la traduction elle-même, devraient également être couverts par la RAMQ ou autrement par le gouvernement.

J'aimerais également souligner nos préoccupations quant à l'invitation de Pour les droits des femmes du Québec aux présentes auditions. Ce groupe qui s'autoréclame féministe dépense plus de son temps à l'histoire des personnes trans, de leurs familles et de la grossesse pour autrui que toute autre chose. Le groupe qui réclame que l'identité de genre, c'est un débat contagieux et dangereux qui viole à répétition le droit à la dignité de certaines de nos membres et de nos administratrices... À cet égard, nous trouvons ça impensable qu'une place leur a été réservée dans le cadre des présentes auditions. Je vous cède la parole.

• (11 heures) •

Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors, le dernier point qui est abordé dans le mémoire qui vous est présenté, c'est celui de la filiation des enfants nés d'une agression sexuelle, avec des propositions qui vont plus loin dans la mesure où on est en train de créer du droit nouveau. D'ailleurs, on salue une initiative de vouloir assurer une meilleure protection des personnes victimes d'agressions sexuelles et des enfants qui en sont issus.

Les propositions qu'on apporte sont celles de protéger davantage et d'aller plus loin. Et nous sommes ici aujourd'hui, notamment, pour réfléchir ensemble. On l'a entendu dans... à travers les interventions de plusieurs personnes dans les dernières journées de consultations, qu'en créant du droit nouveau, il y a également des vides, il y a des questions nouvelles, il y a des éléments qu'on n'a pas encore définis, et on est disposés à le faire ensemble aujourd'hui, que ce soit par rapport à la pluriparenté mais également dans un contexte de filiation d'enfants issus d'une agression sexuelle. On cherche à faciliter le <rejet...

>


 
 

11 h (version révisée)

<      Mme Costanzo (Valérie P.) :...on cherche à faciliter le >rejet d'un recours de l'agresseur en réclamation de paternité, notamment en créant un rejet de plein droit, en facilitant l'accès à l'information par le Directeur de l'état civil, qui pourrait faire enquête pour faire ce rejet, et non pas mettre le fardeau sur les épaules des personnes victimes.

Il y a plusieurs présomptions qu'on vous suggère, que ce soit dans un contexte d'opposer une réclamation de filiation, de demander le retrait de la filiation ou encore de demander la déchéance de l'autorité parentale. On pourra vous donner des exemples plus en détail. En créant des présomptions, on va permettre à des victimes de ne pas avoir à faire une démonstration à nouveau quand il y a un jugement criminel qui existe déjà, de présumer qu'un contexte de violence conjugale qui donne lieu à une conception d'un enfant est également une agression sexuelle au sens de la loi. Et on estime que, si on est largement d'accord sur le fait qu'en contexte d'agression sexuelle la honte doit changer de camp, on pense aussi que le fardeau judiciaire doit changer de camp.

Alors, merci encore de l'invitation. Au plaisir d'échanger avec vous, nous sommes disposés, là, pour vos questions.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Laurence Gauvin-Joyal, Me Hanna, Me Costanzo, Céleste Trianon, bonjour, merci d'être présents en commission parlementaire pour l'Association des juristes progressistes.

D'entrée de jeu, j'aurais envie de continuer, Me Costanzo, sur les recommandations que vous faisiez relativement au cas où une femme a été violée et qu'il y a un enfant qui est issu de ce viol-là. Vous dites : Il faut faciliter le recours de la mère. Je suis d'accord avec vous. C'est ce qu'on tente de faire dans le cadre du projet de loi. En fait, le premier élément, c'est de lui laisser le choix. Donc, est-ce que... s'il y a établissement de la filiation, le recours en déchéance soit dans le même véhicule procédural. Donc, on l'inclut de cette façon-là, également. Même chose, le jugement en matière criminelle peut être versé pour faire preuve dans le cadre de l'instance civile, le fardeau de preuve est moins élevé en matière civile. Ça, c'est s'il y a rupture du lien de filiation.

Quels éléments supplémentaires vous rajouteriez pour faciliter la vie de la femme qui a été violée?

Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors, quelques-unes... D'ailleurs, c'est vrai, vous avez tout à fait raison, on va dans la même lignée que le PL n° 12 et on salue, là, déjà, les propositions qui sont faites. Dans un contexte où il y a un jugement criminel, et il n'y a pas encore de filiation établie à l'égard de l'agresseur, et que l'agresseur fait une démarche pour établir cette filiation, ce qu'on propose, par exemple, c'est qu'en intentant le recours il y ait l'obligation de mettre en cause le Directeur de l'état civil, que le Directeur de l'état civil doit faire enquête, pourrait rechercher dans le plumitif criminel de l'agresseur la culpabilité qui a été reconnue, informer le tribunal, déposer au greffe ces jugements pour rejeter de plein droit la demande. Alors, on vise surtout à faciliter, pour ne pas que la personne victime ait à faire des démarches supplémentaires, encore une fois, judiciaires pour faire... pour créer ce rejet. Alors, on veut, disons, opérationnaliser, sur le plan procédural, cette initiative. Dans la mesure...

M. Jolin-Barrette : Mais j'aurais une question là-dessus : Qu'est-ce qui arrive si jamais madame veut, supposons, qu'il y ait établissement de la filiation? Dans le fond, il n'y a pas eu établissement de la filiation. Il y a eu un jugement criminel, puis là on est dans le flou, là. Actuellement, il n'y a rien, mais que, finalement, quand la demande émane du violeur, finalement, madame dit : Bien oui, je le veux, parce que... je veux une déchéance, mais je veux avoir les aliments puis je veux avoir les droits successoraux. Qu'est-ce que vous faites, dans ce modèle-là, avec ce que vous nous proposez?

Mme Costanzo (Valérie P.) : Bien, il y aurait peut-être un devoir de conseil à faire, à ce moment-là, c'est-à-dire, la femme en question va être... va faire partie des personnes qui reçoivent les procédures, donc pourra également prendre la parole, mais, dans le devoir de conseil, on prévoit d'autres mesures qui sont possibles dans le projet de loi n° 12, notamment une indemnité. On pourra en rediscuter plus tard, là, qu'est-ce que cette indemnité, spécifiquement, comment est-ce qu'on en fait la demande pour... Si une femme ne s'y oppose pas, bien, elle pourra signifier, effectivement, là, son consentement, mais, à ce moment-là, s'il y a consentement, les démarches judiciaires, s'il y a... bon, c'est une déclaration tardive, finalement, de filiation. Alors, bon, on peut laisser cet espace, cette agentivité à une femme, éventuellement, d'indiquer qu'elle accepte. Je veux bien y croire, hypothétiquement.

Dans ce qu'on peut voir et dans la pratique, puis Me Hanna aussi aura des exemples à donner, ce qu'on voit souvent, c'est que les femmes qui ne veulent pas avoir un lien avec l'agresseur qui... seraient probablement heureuses d'obtenir un soutien économique, un soutien social pour la chose sans qu'il y ait un partage de l'autorité parentale qui découle du lien de filiation. Bien honnêtement et sous toute réserve, je serais curieuse et je serais étonnée de <savoir...

Mme Costanzo (Valérie P.) : ...et je serais étonnée de >savoir qu'il y a des femmes qui veulent que le lien de filiation soit établi. Ce n'est pas impossible, prévoyant effectivement que cela soit et qu'on laisse une certaine... un pouvoir décisionnel à ces femmes-là, mais, sinon, je pense que les autres alternatives répondent davantage aux besoins.

M. Jolin-Barrette : OK. Puis, vous disiez, Me Hanna avait des exemples.

M. Hanna (Joey) : Bien, c'est-à-dire...

Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors, moi... Allez-y.

M. Hanna (Joey) : Pardon. Excusez-moi, je m'invite dans la question, ici, là. Je n'ai pas d'exemple concret. Cela dit, je peux... je peux vous dire qu'en pratique, essentiellement, c'est plus l'inverse qui arrive. Essentiellement, donc, les femmes victimes vont vouloir couper tous les liens, plutôt que de vouloir reconnaître ces liens-là. C'est ce que j'ai reçu dans mon bureau à l'époque où je pratiquais à l'aide juridique en matière familiale.

Donc, je ne vous dis pas que la question, elle est théorique, je la prends, je pense que l'agentivité de la femme, bien, c'est un concept qui est très important. Cela dit, j'ai plus l'impression que c'est l'effet inverse ou, du moins, c'est la situation inverse qui risque d'arriver, plutôt que la reconnaissance, le désir de reconnaissance par une femme.

M. Jolin-Barrette : Parce que, dans le fond, vous, vous militez davantage à ce qu'il y ait une rupture du lien de filiation, dans ce cas-là, plutôt qu'une déchéance de l'autorité parentale. Parce que, voyez-vous, on reçoit des membres du Barreau, certains nous disent : Non, on devrait aller vers la déchéance uniquement, ne faites pas de rupture du lien de filiation. Vous, vous êtes à l'opposé, également. Donc, je constate qu'il y a plusieurs situations, puis l'ensemble des membres du Barreau, ils n'ont pas une solution unique et une opinion unique là-dessus.

Peut-être une question sur... Et j'ai été un peu surpris que, dans le cadre de la grossesse pour autrui, vous recommandiez de rendre facultative la séance d'information pour les parents d'intention et pour la mère porteuse. Pourquoi voulez-vous rendre facultative cette séance d'information là?

Mme Costanzo (Valérie P.) : Je vous dirais que cette proposition a été formulée dans la mesure où on était beaucoup en posture d'attente par rapport à quelle serait cette séance d'information, spécifiquement. Alors, dans l'attente d'avoir plus d'information, on a soulevé cette idée d'avoir une séance qui était facultative. On comprend et on reconnaît tout à fait la nécessité que des informations soient données, que les gens comprennent, soient en connaissance de cause, qu'il y ait un consentement libre et éclairé, mais peut-être qu'à ce stade on pourrait renverser la situation et se placer en posture d'écoute pour avoir un peu plus d'information sur qu'est-ce que cette séance qui est réfléchie par rapport à l'information psychosociale et éthique de cette rencontre-là, parce que, dans le flou, on se pose des questions.

M. Jolin-Barrette : Bien, parce qu'un des objectifs, c'est justement de préparer les gens aux conséquences, puis aux impacts du projet parental, puis aux questions, de pouvoir répondre aux questions de la mère porteuse, puis que la décision soit prise. Lorsque je fais une convention de grossesse pour autrui, que je puisse le faire d'une façon éclairée, puis que j'aie toutes les réponses à toutes mes questions, puis que je puisse savoir dans quoi je m'embarque aussi.

Puis, voyez-vous, il y a le parallèle aussi. On s'est questionnés à savoir, quand vous êtes en matière d'adoption, notamment adoption internationale, vous avez une évaluation psychosociale... On a décidé, dans le cadre du projet de loi n° 2 puis dans le cadre du projet de loi n° 12, de ne pas aller vers l'évaluation psychosociale des parents, parce que certains nous disent, bon : Il y a une grande différence entre l'adoption et la grossesse pour autrui, considérant qu'en matière d'adoption, théoriquement, l'enfant, il a une rupture avec son parent, c'est une situation qui est particulière, bon. La grossesse pour autrui, on pourrait dire la même chose aussi parce que, bon, l'enfant a été avec la mère porteuse durant l'ensemble de la grossesse, mais on a décidé quand même d'aller vers la séance d'information, qui est une exigence moins élevée que l'évaluation psychosociale.

Qu'est-ce que vous pensez de ça? Parce que, là, vous, vous êtes comme en attente de voir qu'est-ce qu'il y aurait dedans. L'idée, c'est que chaque partie puisse savoir qu'est-ce que ça... qu'est-ce que ça a comme impacts psychologiques, physiques, notamment, pour la mère porteuse. Alors, comment vous voyez ça, par rapport à l'adoption?

Mme Costanzo (Valérie P.) : On est favorables à cette avenue qui a été retenue, c'est-à-dire ne pas en faire une évaluation, mais bien une séance d'information. Absolument. Tout à fait d'accord avec ça.

M. Jolin-Barrette : OK. Parlons de la pluriparenté. Vous, vous êtes en faveur qu'il y ait plus de deux parents.

M. Hanna (Joey) : Tout à fait. C'est notre proposition.

M. Jolin-Barrette : Expliquez-moi ça.

• (11 h 10) •

M. Hanna (Joey) : Bien, en fait, je pense qu'il y a plusieurs arguments qu'on peut soulever ici. Je les ai articulés de la manière suivante : d'abord, un besoin de protéger les enfants; deuxièmement, un argument subsidiaire ou, du moins, qui découle de ce besoin de protection, c'est d'éviter de placer des parents ou des enfants dans une situation de vulnérabilité, donc, de les priver, là, de droits qui sont prévus au code, de lien affectif, psychologique, physique, matériel et <monétaire...

M. Hanna (Joey) : ...physique, matériel et >monétaire; et, troisièmement, pour consacrer le principe d'égalité entre les enfants, et ce, sans égard aux circonstances de leur naissance. Donc, pour ces trois grands arguments là, on milite en faveur, là, de la reconnaissance de la pluriparenté ici.

Mme Costanzo (Valérie P.) : Je vais aller plus loin, si vous me permettez. Alors, on veut permettre que la pluriparenté soit reconnue en droit. Ce n'est pas nécessairement en faire la promotion. Il y a d'autres États qui ont reconnu l'existence de la pluriparenté, et la réalité, c'est qu'il n'y a pas tant de familles qui font appel à ce type de configuration familiale, mais c'est reconnu, et c'est encadré, et ça répond à un besoin réel.

Ça créé une certaine résistance, on le reconnaît, mais de la même manière qu'il y a 20 ans, dans un contexte d'une réforme qui était absolument progressiste, qui permettait, par exemple, à des couples homoparentals de devenir parents, il y avait une grande résistance dans la population, et une des idées ou une des questions qui étaient soulevées, c'est : On n'a pas fait la démonstration que c'était dans l'intérêt de l'enfant et, 20 ans plus tard, on ne regrette pas de l'avoir fait. C'est effectivement dans l'intérêt des enfants. Leurs besoins sont répondus d'une manière qui est différente, mais qui est tout à fait adaptée, et on pense que c'est le même principe qui devrait s'appliquer avec la pluriparenté aujourd'hui.

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous dirais que j'émets certains doutes par rapport à ça, parce que je me demande on répond aux besoins de qui. Est-ce qu'on répond vraiment aux besoins de l'enfant ou aux besoins des gens qui forment ce projet parental là? Alors, si tout va bien, je suis d'accord avec vous, c'est plein de gens qui s'occupent de l'enfant, mais quand la chicane, elle pogne, là, s'il y a quatre parents, l'enfant, là, il va avoir quatre maisons. Qui va décider du consentement médical, les sorties à l'école? Il va avoir huit «sets» de grands-parents. Il n'y aura pas assez de journées de Noël dans le temps des fêtes, là.

Mme Costanzo (Valérie P.) : «...love». Mais, cela étant, puis on reconnaît qu'il y a cette inquiétude qui existe — ça veut dire plus à aimer, là, pour la traduction — on reconnaît des inquiétudes. Ceci étant, c'est vrai qu'il y a une configuration qui est nécessaire, les parents... Alors, dans les propositions que vous avez dans notre mémoire, on a réfléchi à des manières d'anticiper des enjeux. Alors, si, dans le cadre d'une GPA, il y a un couple et une amie qui a accepté de porter l'enfant d'autrui qui décident de faire un projet triparental, par exemple, dans l'aménagement de ce projet, qui doit être notarié, selon le PL n° 1, il pourrait également prévoir l'aménagement, de comment va s'exercer l'autorité parentale et comment est-ce que l'autorité parentale s'exercerait en cas de rupture, en cas de séparation. On pourrait prévoir à l'avance.

Je reviens aussi à votre question initiale, c'est-à-dire : C'est pour les besoins de qui, ça, est-ce c'est les parents ou c'est les enfants? Bien, c'est le même genre de question qu'on posait aussi il y a 20 ans puis qu'on posait il y a 50 ans dans un contexte de divorce. L'un n'est pas nécessairement opposé à l'autre, il peut y avoir une interrelation entre les deux. On pense qu'il y en a une. Et, oui, ça fait plus de parents, mais ça fait aussi plus de parents qui se soucient d'un même enfant.

Ce n'est pas exclu... Puis on ne veut pas nécessairement avoir un discours angélique que tout va toujours bien aller, au contraire, comme on le voit dans les cours supérieures du Québec, même juste à deux, ça peut faire de grands conflits, mais on pense quand même que les règles qui existent peuvent répondre aux besoins.

Et, si on reprend l'exemple de quatre parents avec un enfant qui va être à quatre endroits en même temps, ce n'est pas nécessairement ça qu'on dit. Le critère de l'intérêt de l'enfant pourrait prévoir qu'il y ait deux parents ou qu'il y en ait quatre, qu'un des parents ait une garde exclusive de cet enfant et que les autres parents aient des accès, aient des droits de visite, aient un regard sur certaines décisions qui sont prises, mais le noyau va rester l'enfant, et le droit actuel peut répondre à ça aussi.

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est une discussion qui mérite d'être faite. Écoutez, mes collègues veulent poser des questions. Alors, je vous remercie grandement pour votre présentation à la Commission des institutions aujourd'hui, c'est apprécié.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la députée de Laval-des-Rapides.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour à vous quatre. Merci pour votre temps. Merci d'être là.

Vous disiez un peu plus tôt que vous proposiez de renforcer l'article 606, déchéance de l'autorité parentale. Est-ce que vous pouvez développer là-dessus, nous en parler, de votre proposition? Merci.

Mme Costanzo (Valérie P.) : Oui, avec plaisir. Bonjour. Alors, une des avenues que nous avons... Alors, on pense que... D'abord, pour le contexte, actuellement, il y a la possibilité de demander une déchéance de l'autorité parentale. C'est un chemin de croix, c'est très difficile, et, pour ça, Me Hanna aurait des exemples à donner. On veut prévoir, par exemple, une présomption simple, qu'une agression sexuelle ou qu'un contexte de violence qui a mené à une agression sexuelle soit retenu d'emblée comme un motif qui justifie la déchéance de l'autorité <parentale...

Mme Costanzo (Valérie P.) : ...la déchéance de l'autorité >parentale et qui est dans l'intérêt de l'enfant. Alors, il n'y aurait pas une démonstration qu'il y aurait à faire. Parce que sachez que la déchéance de l'autorité parentale est un motif qui est considéré comme exceptionnel par la loi et par les tribunaux. La Cour d'appel a dit que c'était une mesure qui est draconienne. Alors, le fardeau à surmonter, le fardeau de preuve, est très élevé, et on veut faciliter en créant une présomption, justement, que l'agression sexuelle est un motif grave. C'est dans l'intérêt de l'enfant s'il y avait une demande de déchéance de l'autorité parentale. C'est ce qu'on prévoit, notamment.

M. Hanna (Joey) : Et je me permets de rajouter, si vous me permettez, que, pour nous, l'intérêt de l'enfant et l'intérêt de la mère, la mère victime, notamment, c'est interrelié. Et le fardeau de preuve en matière de déchéance, bien, essentiellement, il faut prouver deux notions, c'est-à-dire, le «motif grave» et «c'est dans l'intérêt de l'enfant». Ce qu'on voit... Il y a des courants jurisprudentiels qui viennent distinguer, là, la violence faite à l'enfant versus la violence faite à la mère, ici. Et, pour nous, bien, tout ça, c'est interrelié, donc la mère victime, la mère victime d'agression sexuelle, bien, c'est l'enfant également qui en est victime. Et donc tout ça, c'est interrelié ensemble, et on ne cherche pas à distinguer ces deux cas de figure là.

Donc, on veut simplifier la vie des personnes victimes, ici, et leur éviter, justement, ce chemin de croix que j'ai vu, dans ma pratique, en accompagnant des femmes dans le cadre de cette demande-là, qui est un fardeau, ma foi, assez important puisqu'elle est une mesure draconienne, une mesure un peu de «last resort», si on... de dernier recours en droit. Voilà.

Mme Haytayan : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Acadie.

M. Morin : Oui. Merci. Merci, M. le Président. Bonjour. Merci. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire, également.

Il y a plusieurs éléments, mais il y en a un, entre autres, dans votre mémoire qui a attiré mon attention, mais j'aimerais vous donner l'opportunité, peut-être, de développer davantage. Et c'est à la page 22 de votre mémoire, quand vous parlez de la reconnaissance de l'existence du contrôle coercitif dans un contexte de violence sexuelle et conjugale. Et la recommandation que vous faites, c'est... en fait, ce serait, donc, de faire en sorte qu'on ajouterait une disposition et reconnaître l'existence.

Est-ce que, pour vous, on le reconnaîtrait ou on l'ajouterait pour faire échec à la filiation ou si c'est un concept qu'on pourrait également ajouter à 542.33, quand on parle... du projet de loi, quand on parle de la responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle? Donc, je trouve votre... En fait, c'est un concept, bon, qui est connu, votre proposition est superintéressante, mais, d'une façon pratique, comment on pourrait, finalement, bonifier le projet de loi puis comment pouvez-vous nous aider là-dessus?

Mme Costanzo (Valérie P.) : Merci pour cette question. Je pense effectivement que c'est une bonne idée. Alors, c'est une présomption qu'on soumet, là, dans un contexte de violence conjugale, de contrôle coercitif qui mènerait, là, dans ce contexte-là, à la conception d'un enfant. On prévoit une présomption simple, que ce soit une agression sexuelle au sens d'une demande de retrait de la filiation ou d'une demande de déchéance de l'autorité parentale. Ça pourrait être transposable aussi à d'autres égards, dans la mesure où ça sert l'intérêt des personnes victimes et des enfants, absolument.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. J'aimerais également vous entendre, parce qu'on a eu plusieurs mémoires, plusieurs témoins... Dans le projet de loi, présentement, la convention de grossesse, elle doit être faite par acte notarié, et plusieurs personnes nous ont dit : Bien, l'acte notarié, c'est parfait, ça permet de... évidemment, c'est un acte authentique. D'autres nous ont dit : Non, ça pourrait être fait sous seing privé, il y a déjà des avocats qui rédigent ce genre de clauses là. Est-ce que vous pouvez nous éclairer là-dessus? Pour vous, est-ce que ça fait une différence, ça ne fait pas de différence? Avez-vous une préférence? Parce qu'à un moment donné, bien, peut-être qu'on aura des recommandations à faire à M. le ministre là-dessus.

Mme Costanzo (Valérie P.) : C'est une autre bonne question. Je vais vous dire que ce n'est pas un sujet dont on a abordé dans le détail, avec l'Association des juristes progressistes. Par contre, la discussion, on la connaît. Un des enjeux des actes notariés, c'est notamment le niveau de formalité, l'accès à cette possibilité-là. On pense que les actes sous seing privé pourraient être plus accessibles pour d'autres types de familles, avec des réalités socioéconomiques qui sont différentes et devraient être considérées effectivement dans la réflexion, là, autour du projet de loi n° 12.

• (11 h 20) •

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Autre élément. Dans la convention de grossesse, dans le projet de loi actuel, si j'ai bien lu, il y a... il n'y a pas beaucoup d'éléments qui pourraient, éventuellement, par exemple, protéger la mère porteuse. Est-ce que vous pensez qu'il y a des <choses...

M. Morin : ...qu'il y a des >choses qu'on devrait ajouter, qui devraient être incluses obligatoirement, par exemple, dans la convention de grossesse, et je vous donne certains exemples : qu'arrive-t-il si la mère porteuse tombe malade, qu'elle ne peut plus travailler après? Devrait-elle avoir eu un enfant avant ou pas? Est-ce qu'on devrait interdire certains, si vous me permettez l'expression, choix de mère porteuse? C'est-à-dire qu'une personne qui travaillerait pour un couple, par exemple, dans son domicile, est-que ça devrait être interdit que cette personne-là devienne la mère porteuse du couple? J'aimerais ça, si vous pouviez nous éclairer là-dessus. Puis qu'est-ce que vous pouvez partager avec nous à ce sujet-là?

Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors, à ce stade, j'aurais envie de dire qu'on veut bien réfléchir à voix haute avec vous, que ça n'a pas fait l'objet d'une discussion étendue, puis on serait même limités à parler en mon nom personnel plutôt que de parler au nom de l'association. C'est sûr qu'il y a plusieurs enjeux de rapports de force qui doivent être pris en considération. Il faut faire attention au contrôle du corps des femmes. Tu sais, s'il y a un contexte... en fonction du niveau de vie d'une femme, on ne va pas se mettre à contrôler ce qu'elle consomme, ce qu'elle ne consomme pas, au même égard qu'on ne le ferait pas pour une femme qui porte... ou une personne qui porte un enfant hors le contexte d'une GPA. Alors, je pense qu'il y a des choses qui sont transversales, peu importe le contexte de cette grossesse.

Pour les autres enjeux, on veut bien... vous avez accès à nos courriels, on veut bien poursuivre cette réflexion-là, mais, pour l'instant, je pense qu'on s'en tiendrait à ça.

M. Morin : Je vous remercie. J'aimerais aussi que vous puissiez nous éclairer en lien... Et là c'est avec l'article 542.33 du projet de loi, qui s'intitule «De la responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle.» On comprend, on comprend l'idée. Maintenant, ma compréhension, c'est que, présentement, ce serait à la mère qui a été victime d'un viol, qui a eu l'enfant... pardon, de s'adresser aux tribunaux. D'abord, de faire la preuve, sauf s'il y a déjà eu, évidemment, un jugement qui en reconnaît l'existence, mais, après ça, d'établir le paiement d'une indemnité. Est-ce que, selon vous, c'est trop demander à une femme qui a déjà été victime d'un viol? Est-ce que l'État ne devrait pas prévoir un mécanisme de compensation automatique ou est-ce qu'il ne devrait pas y avoir des grilles de compensation qui feraient en sorte que ça pourrait éclairer le tribunal puis venir en aide, au fond, à la femme qui a été victime de l'agression sexuelle? Puis, si vous pouviez nous donner quelques paramètres ou vos réflexions là-dessus, moi, j'apprécierais grandement.

Mme Costanzo (Valérie P.) : Avec plaisir. Alors, pour réfléchir à voix haute à cette question, c'est sûr qu'on est en train de créer du droit nouveau, et ça fait partie justement de qu'est-ce qui est soulevé et de l'intérêt des commissions parlementaires d'identifier les angles morts puis de pouvoir, ensuite de ça, les préciser et apporter, là, des solutions qui sont concrètes.   Quand... Dans un contexte où est-ce qu'il y a un jugement criminel qui reconnaît l'agression sexuelle, ce sera effectivement plus facile. On pense que l'article 542.33, tel que proposé, est une alternative. On pourrait penser à d'autres alternatives, comme vous nous avez soulevées, par exemple, qu'on reconnaisse la femme comme victime d'acte criminel, qu'elle bénéficie d'une immunité en son nom personnel, mais qu'on reconnaisse également, par exemple, l'enfant qui est issu de l'agression sexuelle également comme une victime en vertu de cette même loi, et qu'on puisse établir des barèmes en fonction de ça.

C'est sûr qu'on pourrait regarder, hein, il y a des personnes qui vont défendre... et c'est un peu ce que le ministre soulevait tout à l'heure, il y a des personnes, notamment des juristes, qui défendent encore que le mécanisme de déchéance est suffisant parce que le lien de filiation est présent, donne un droit alimentaire, permet d'obtenir une pension alimentaire pour l'enfant. À notre avis, ce n'est pas suffisant, et c'est bien d'avoir d'autres avenues possibles pour s'adapter aux désirs des... aux besoins des enfants puis à l'agentivité ou le choix que les personnes victimes, les parents victimes auront fait.

M. Morin : Je vous remercie. Je ne sais pas si ma collègue la députée de Robert-Baldwin a des questions ou des précisions.

Le Président (M. Bachand) :...Robert-Baldwin, s'il vous plaît.

Mme Garceau : Oui. Merci. Merci beaucoup. C'était fort intéressant. J'aimerais revenir au niveau de vos recommandations, et la reconnaissance de la pluriparenté, et les enjeux pratiques de cette reconnaissance-là. Nous savons très bien que, quand tout va bien, c'est merveilleux, mais là on se retrouve dans le contexte quand les choses vont mal, et d'où vient l'importance de qu'est-ce qui est dans l'intérêt de l'enfant, lorsqu'il y a un conflit entre non seulement juste deux parents, mais, si on reconnaît la pluriparenté, on est en train de regarder plusieurs parents. J'aimerais vous entendre là-dessus, au <niveau...

Mme Garceau : ...vous entendre là-dessus, au >niveau de l'intérêt de l'enfant lorsqu'il y a plusieurs parents dans un conflit devant les tribunaux?

M. Hanna (Joey) : Oui, je vais me permettre, si vous permettez, Me Costanzo. Je ne vais pas répéter tout ce qui a déjà été dit, puis je pense que c'était très sagement souligné par ma collègue, là, l'intérêt de l'enfant, c'est un concept qui est transposable en matière de pluriparenté. Et, oui, en matière de litiges, là, en matière de conflits, on pourrait en venir, ultimement, à une déclaration judiciaire, à un octroi d'une garde exclusive à un parent ici.

Je vais peut-être vous... mettre mes lunettes de praticien ici, là, et de vous dire que j'ai entendu les mêmes réserves quant à l'articulation, le pratico-pratique de comment ça va se passer en cas de conflit. Et j'aimerais peut-être vous soumettre trois objections ou trois nuances, trois commentaires. D'abord, en vous disant que les avocats, les avocates, un peu comme les médecins, bien, quand on pratique en litige familial, qu'est-ce qu'on entend, qu'est-ce qu'on voit, ce sont les bobos. Les gens qui se rendent dans nos bureaux, dans... c'est parce que ça va mal, c'est rare que c'est l'inverse. Donc, on est peut-être un peu, là, biaisés par notre perception du litige et du caractère acrimonieux et cette espèce d'usure de la pratique. Donc, je pense qu'il faut être prudents un peu avec le raisonnement de la pente fatale qui nous dit que, bien, si, avec deux parents, ça va... ça peut être acrimonieux, imaginez trois, quatre, cinq. Donc, ça, c'est l'argument de prudence.

À cette... à ce premier commentaire-là, je vais nuancer mon propos en vous disant que moi, dans ma pratique, pour un dossier que j'amenais devant le tribunal, à procès, bien, j'en réglais neuf. Et puis je ne vois pas pourquoi est-ce qu'avec... dans un contexte de pluriparenté, ce ne serait pas applicable également. Je pense qu'avec un bon accompagnement juridique et psychosocial, M. et Mme Tout-le-monde finissent par comprendre les tenants et aboutissants d'une séparation et arrivent à faire des compromis dans le meilleur intérêt de leurs enfants. Et je pense, avec égard pour l'opinion contraire, que, bien, les familles pluriparentales seraient à même de considérer ces mêmes méthodes là et en venir à des règlements en matière de litiges et de conflits. Donc, essentiellement, ce sont mes commentaires ici.

Et comme a dit tantôt ma collègue, je pense que le contexte de la GPA, ça se prête très bien à la reconnaissance de la pluriparenté. Et à lire le projet de loi, je constate qu'on s'enligne vers un régime de GPA qui est formalisé, qui va être conventionnel, ici, donc on invite les gens à prendre au sérieux le projet dans lequel ils vont... ils vont se lancer. Bien, tant qu'à faire, on pourrait très bien prévoir également l'après-projet, s'il y a rupture, s'il y a conflit. Que va-t-il advenir de la garde, des démembrements de l'autorité parentale? Et je pense que, bref, le contexte de GPA, ça se prête bien à articuler, là, concrètement, pratico-pratique, qu'est-ce qu'on fait en... suivant la rupture... je ne veux pas dire du couple, là, mais de l'union, ici, ou de la famille, bref.

Mme Garceau : Donc, on irait plus loin, si vous me permettez, dans le cadre de la convention de GPA, un petit peu comme des contrats... je ne veux pas dire un contrat de mariage, mais des contrats, comme on appelle, le «prenup», dans le fait où on va détailler qu'est-ce qui se passe au niveau de l'autorité parentale, l'exercice de l'autorité parentale, les droits d'accès, et tout ça, dans le cadre de la convention GPA. C'est votre suggestion?

M. Hanna (Joey) : C'est-à-dire, ce n'est pas notre suggestion principale, c'est une suggestion subsidiaire qu'on vous fait et qu'on détaille dans le mémoire à la page 12. Et ce qu'on vous dit, essentiellement, c'est que le contexte de GPA pourrait se prêter à une reconnaissance de la pluriparenté. Et, bien, on a, dans le cadre de ce contexte de GPA là, cette convention qui pourrait prévoir les aménagements de l'autorité parentale pendant le contexte familial, mais également postérieurement à la rupture. Donc, ce serait une avenue à envisager si jamais on voulait faire un pas vers la reconnaissance de la pluriparenté, selon nous.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

• (11 h 30) •

Mme Nichols : Oui. Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci d'être parmi nous. Merci pour votre mémoire aussi.

Petite question par rapport au consentement de la mère porteuse. Il y a des délais qui sont prévus dans le projet de loi n° 12. Supposons, là, la mère porteuse qui change d'idée ou... Que pensez-vous, là, du délai, là, qui est prévu dans le projet de loi?

Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors, le délai prévu n'a pas fait l'objet d'un immense débat, dans la <mesure...

>


 
 

11 h 30 (version révisée)

<      Mme Costanzo (Valérie P.) :...d'un immense débat, dans la >mesure où on considère que c'est raisonnable, le délai qui est prévu. On sait qu'il y a certains intervenants, intervenantes qui ont suggéré un plus long délai. On n'a pas tendance à aller dans cette voie-là, dans la mesure où, éventuellement, il y a un enfant qui est né et qui a besoin de stabilité, de créer un lien d'attachement, et ainsi de suite. Alors, on considère que le délai qui est suggéré est raisonnable.

Mme Nichols : Parfait. Merci. J'avais une autre question aussi en lien avec l'indemnité puis la prescription. Puis je ne pense pas non plus... Je ne sais pas si vous l'avez... si vous avez élaboré un... ou s'il y a une position plus précise, là, mais... Parce qu'on voit que le législateur, il entend imposer une prescription plus courte pour la succession. Je me demandais si vous aviez une position ou des recommandations à nous faire à cet effet-là.

Mme Costanzo (Valérie P.) : En toute humilité, pas à ce stade. Mais on serait, évidemment, disponibles, là, à pouvoir en discuter davantage dans le futur, mais, pour l'instant, là, on n'aurait pas de commentaire à faire à ce sujet.

Mme Nichols : Parfait. Puis avez-vous regardé les dispositions testamentaires? Aviez-vous certains avis, là, quand on rentre dans la partie successorale, là? Parce que c'est quand même une partie, aussi, importante, suite à une certaine reconnaissance. Est-ce que vous aviez un avis à nous soumettre?

Mme Costanzo (Valérie P.) : Bien, écoutez, peut-être Me Hanna aurait plus à dire que moi. On considère que les dispositions testamentaires ont un objectif qui est tout à fait louable, là, et on... sur le principe, on est d'accord avec la chose. Dans l'articulation, on n'a pas de commentaire spécifique à faire, Me Hanna, à moins que vous ayez un ajout à ce sujet.

M. Hanna (Joey) : Je n'ai pas d'ajout, malheureusement. Pas à ce stade-ci, en tout cas.

Mme Nichols : Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Alors, à mon tour de vous remercier d'avoir été avec nous. Ça a été très, très, très apprécié. Et, cela dit, bien, on se dit à bientôt.

(Changement d'organisme)

Et, en attendant, bien, on accueille nos nouveaux invités, Me Tétrault et Me Brown. Alors donc, vous connaissez les règles. On a 10 minutes de présentation et, après ça, période d'échange avec les membres. Me Tétrault, la parole est à vous.

M. Michel Tétrault

M. Tétrault (Michel) : Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, merci de l'invitation.

Si vous allez à la page 3 de notre mémoire, je vais tenter, c'est une obligation de moyens, de passer au travers des points saillants, effectivement, là, qu'il me semblait important de soulever.

Sur «La filiation se prouve par l'acte de naissance», j'endosse totalement les commentaires de Me Kirouack, à savoir que c'est ce qui est reconnu par la jurisprudence, par la doctrine et surtout par la loi, si elle n'est pas modifiée, et on devrait s'en tenir à ça, effectivement, au lieu d'un formulaire administratif. Je vous souligne, et ça va aussi en lien avec l'obligation de déclarer la filiation : Est-ce qu'on va demander au personnel médical, au moment de l'accouchement ou ailleurs, dans un autre moment, de contraindre? Quant à moi, ce n'est pas leur travail, d'aucune façon. Il est très possible que la dame qui accouche dise : Effectivement, ce n'est pas mon enfant, j'agis à titre de femme porteuse et je ne le déclarerai pas. Je pense que, le personnel médical, je n'ai pas besoin de vous faire une longue démonstration, on va l'employer à d'autre chose actuellement qu'à tenter de remplir un formulaire administratif qui, ensuite, servira au DEC, je n'en disconviens pas, mais ce n'est pas de cette façon-là qu'on devrait préparer ou qu'on devrait présenter une preuve, effectivement, relativement à la filiation.

Autre élément : le projet parental et la nécessité d'un écrit. On parle beaucoup de... de procréation assistée et plus particulièrement le fait des femmes porteuses, mais les autres situations où il peut y avoir un projet parental, par exemple par l'apport de relations sexuelles, par apport de ce qu'on appelait à l'époque de l'insémination de cuisine, ça, il n'y a pas de document, il n'y a pas d'écrit pour ça. On dirait qu'on a mis tout l'accent, et je peux le comprendre, sur la question des femmes porteuses, mais il me semble que, quand on a un projet parental... ce qui permet d'éviter la situation suivante, où vous avez une dame qui dit : Non, non, j'ai eu une relation sexuelle, mais c'était pour mon projet à moi, et monsieur qui dit : Bien, non, non, c'était mon enfant aussi, c'était... Bon. Donc, il me semble qu'un écrit, aussi simple soit-il, permettrait d'éviter les litiges que nous avons actuellement devant les tribunaux. Et ça m'apparaît tout aussi important pour un projet parental qui n'implique pas nécessairement une femme porteuse que pour les autres.

Je passe ensuite aux dispositions relatives... Ah! la nécessité de l'écrit notarié. Écoutez, vous avez à ma gauche, <géographiquement...

M. Tétrault (Michel) : ...vous avez à ma gauche, >géographiquement parlant, Me Doreen Brown, avocate émérite et qui est vraisemblablement, au Québec, celle qui a fait le plus de conventions relativement à des grossesses pour autrui. Donc, je vous inviterai, lors de la période des questions... J'entendais tout à l'heure le ministre qui demandait : Oui, mais quel montant d'assurance? Elle va pouvoir vous dire c'est quoi. Donc, ça, c'est dans un premier temps.

Par rapport à la... Je reviens à ma nécessité de l'écrit notarié, il y a une question de cohérence, hein, parce que j'entends les mots «corporatiste», «corporatiste», là. Nous avons une personne ici qui est une avocate, qui, depuis... je ne veux pas trahir son âge, depuis plusieurs dizaines d'années, fait des conventions pour... de grossesses pour autrui, et effectivement on se rend compte qu'il y a une compétence. Peut-on se priver d'une compétence? Pour moi, la réponse vient de soi, ce qui n'empêcherait pas les notaires d'en faire, ceux qui ont des compétences. Mais je ne vois pas pourquoi on doit retirer, entre guillemets, du marché... surtout qu'il y en a certains dans les journaux, ou certaines, qui disent que le Québec va devenir une... un lieu industriel pour la... les femmes porteuses, je ne suis pas convaincu qu'on peut se permettre ça.

Dans un deuxième temps, celui-là plus juridique, on ne me reproche pas... on ne me reprochera pas d'être corporatiste, quand vous passez à travers le projet de loi, si vous allez à 541.9, 541.14, 541.8, vous vous rendez compte que, bien là, dans ces situations-là, même si c'est... on est en matière de femmes porteuses, ah! bien, ça peut être notarié ou une déclaration assermentée devant témoins. Pourquoi, pour certains documents, ça doit être notarié, pour d'autres pas? Et j'ajoute, à 541.8, si ma mémoire est bonne : Quand une mère porteuse, femme porteuse décide en cours de grossesse de mettre fin, dire : Non, moi, ça ne fonctionne plus, c'est un simple papier sous seing privé. Je trouve que ce n'est pas moins important que d'autres documents. La convention, c'est important. À la fin, quand elle donne son consentement, c'est important, quand elle décide de transférer l'autorité parentale aux parents à la fin ou à l'aboutissement du processus. Pourtant, dans ces cas-là, on a dit : Bien oui, ça peut être une déclaration assermentée avec deux témoins. Là, je ne sais pas s'il y a des trucs moins importants que d'autres, on pourra probablement m'en informer, mais, quant à moi, je ne vois pas pourquoi.

Troisièmement, les dispositions relatives à la gestation pour autrui, je dirai deux choses, connaissant les limites de ma compétence. Un : un membre de la commission a soulevé la question des agences. Bien, évidemment, on n'en parle pas du tout dans le projet de loi. Les agences, ça existe dans d'autres provinces et c'est essentiel. Je vais vous rappeler de mauvais souvenirs et je vais trahir mon âge. Vous vous rappellerez peut-être de la belle époque de l'adoption à l'international quand il y avait des agences privées. Ça allait tellement bien que nous avons créé le... le secrétariat international à l'adoption, qui chapeautait tout ça, et qui chapeaute, évidemment, toujours, mais là il n'y a à peu près plus d'agences privées au niveau de l'adoption, je parle à l'international. Si on ne veut pas que ça devienne quelque chose qui ressemble au far west, je pense qu'on doit les contrôler, qu'on doit les surveiller, que ce serait une très bonne idée que cet organisme-là qui supervise les agences, peu importe qui qu'il soit... bien, qu'il ait des pouvoirs, justement, d'intégrer et d'inclure dans les conventions ce qu'on doit avoir.

On parlait d'assurance tout à l'heure. L'assurance, c'est prévu dans les dépenses qu'on peut prévoir dans la convention, mais, si on ne rattache pas à ça une obligation puis un montant ou un quantum, là ça devient de la négo, et je ne suis pas convaincu que, pour ce type de question là, c'est-à-dire la protection directe de la femme porteuse et de l'enfant qu'elle porte... ça peut donner lieu à une dérive dans certains cas. Donc, s'il y a des agences, on devrait les surveiller.

• (11 h 40) •

Ensuite, il y a la question de... du dépôt auprès du DEC de toutes les conventions aux fins de procréation avec femme porteuse. Est-ce nécessaire? Et là je mets en opposition toute la question de la vie privée, parce qu'on dit que, même si le <processus...

M. Tétrault (Michel) : ...qu'on dit que, même si le >processus ne se rend pas à la fin, la convention doit quand même être déposée auprès du DEC. Là, je me dis : Bien oui, mais on fait quoi avec ça? Le projet n'a pas abouti, il n'y a pas de raison qu'on dépose, parce que, dans ces conventions-là, pour ceux et celles qui ont eu la chance de les consulter, il y a tout, il y a tout... bien, il y en a où il y a tout, il y en a d'autres où il y en a moins tout, mais il y a tout. Donc, à partir de ce moment-là, est-ce qu'il n'y a pas moyen de dire : Parfait, vous allez déposer un document, et voilà ce qu'on va retrouver?

Je joins à ça la question du profil que l'on doit ajouter. Vous savez, il est question de mettre le profil des gens dans la convention. Bien, si ce qu'on veut, c'est permettre qu'en cas de recherche des origines on puisse avoir des détails, bien, calquons-nous sur l'adoption. En adoption... Écoutez, il y a 40 ans, en adoption, les infos qu'on avait dans les formulaires, on va s'entendre, là, on n'était pas là, mais, maintenant, il y a moyen d'avoir... Mais est-ce qu'il y a moyen de faire en sorte... Parce que je vous rappellerai que, si, surtout, il y a eu un refus de contact au niveau du parent qui... la femme qui a servi comme mère porteuse, bien, si on donne beaucoup, beaucoup, beaucoup d'information, là, dans la... dans le profil, bien, écoutez, quelqu'un qui est un peu habile avec les réseaux sociaux ou qui va contacter Ancestry va être capable de retracer, et ce refus de contact là vaut quoi? Voilà. Donc, la question de la convention auprès du DEC, dans tous les cas, j'aurais tendance à nuancer.

L'intérêt de l'enfant et la... Non, pardon, la possibilité de consulter un procureur indépendant. Écoutez, ça me semble évident qu'on doit vérifier à la base s'il n'y a pas... Quand on parlait tout à l'heure, bien, il ne faudrait pas qu'il y ait de lien d'emploi entre... avec la femme porteuse, il ne faudrait pas qu'il y ait un lien d'autorité, il n'y a pas 27 façons de le vérifier. Et, en droit, souvent, quand on a de telles situations où les intérêts des deux parties peuvent être conflictuels, c'est quoi, notre solution? On renvoie. Et c'est comme quand on représente deux clients. Quand on fait une représentation conjointe, si, à un moment donné, on se rend compte qu'il y a un différend, qu'est-ce qu'on fait? Vous allez voir votre avocat, vous allez voir votre avocat. Et ça, bien...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Tétrault. On doit... On est rendus à la période d'échange, alors sûrement que vous allez pouvoir continuer sur d'autres sujets. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, merci, M. le Président. Me Tétrault, Me Brown, merci d'être en commission parlementaire, de venir témoigner à la Commission des institutions.

Quelques éléments en lien avec ce que vous avez dit, notamment sur la... que la convention doit être transmise au Directeur de l'état civil lorsqu'il n'y a pas... en fait, lorsque le projet parental n'est pas mené à terme. Bien, ce n'est pas la convention qui est transmise, c'est la déclaration, à l'article 1, alinéa 2°. Donc, oui, il y aura la déclaration avec les renseignements, mais la convention ne sera pas transmise.

M. Tétrault (Michel) : Parfait.

M. Jolin-Barrette : Autre point, à 523, là, quand on parle de la filiation, là, là on est dans le régime de la filiation par la reconnaissance ou par le sang, on n'est pas dans le régime de la gestation... bien, de la grossesse pour autrui, qui est vraiment un autre régime complètement distinct.

M. Tétrault (Michel) : Totalement.

M. Jolin-Barrette : Donc, pour la grossesse pour autrui, c'est l'autre régime qui va s'appliquer, et non pas celui-là.

Sur la question, vous dites, du formalisme rattaché à la... à l'acte notarié, pour la conclusion de la convention, vous nous avez dit tantôt : Il y a des situations... Je ne vois pas dans quelle situation pour quoi est-ce qu'on ne devrait pas repasser devant le notaire si, à l'origine, on passe devant le notaire. Prenons l'exemple dans l'éventualité où la mère porteuse met fin à sa grossesse pour des questions urgentes ou des questions de santé. On attend qu'elle soit sur le lit d'hôpital, puis on ne l'opère pas, on n'intervient pas tant que le notaire n'est pas arrivé? Ça n'aurait pas de sens de dire : On oblige à passer devant le notaire absolument sur certaines situations. Je ne sais pas comment vous voyez ça, là. Mais je comprends l'argument, tantôt, que Me Kirouack nous disait pour dire : Bien, nous, on en fait, tout ça, mais le notaire, c'est un tiers neutre qui est là pour conseiller les deux parties aussi. Alors, il est où, l'enjeu sur le fait de confier ça au notaire?

M. Tétrault (Michel) : Encore une fois, c'est de se priver d'une compétence, d'une large compétence. Me Brown pourra en dire plus que moi là-dessus. Au moment où on se parle, bien, il n'y a pas beaucoup, en termes de notaires, de gens qui font cela. Et là nous avons des gens <compétents...

M. Tétrault (Michel) : ...en termes de notaires, de gens qui font cela. Et là nous avons des gens >compétents.

Et ça me permet d'arriver à un autre point qui m'apparaît important. On a discuté tout à l'heure de la possibilité qu'il y ait une formation. Ça ne devrait pas être une possibilité. Écoutez, on va demander à la personne qui reçoit ces gens-là de parler de psychosocial, de... Il faut qu'il y ait une formation. Ça se fait, par exemple, en médiation. Il faudrait qu'on ait la même chose. Et je vous suis quand vous nous dites : Bien là, peut-être que l'expertise psychosociale, on va une coche plus loin. Et je pense qu'effectivement il y a moyen, avec une formation adéquate, que les personnes, notaires, avocats, soient en mesure de fournir aux gens quels sont... et, si jamais il y a une mésentente ou une incompréhension, on les envoie... on les envoie voir un procureur indépendant ou une personne, je pense à ce que disait Me Kirouack, au centre de l'Université McGill, où il y a des gens qui ont étudié la question, mais je pense qu'on ne peut pas se reposer uniquement sur nos connaissances. Ce n'est pas dans notre cursus, là, hein, on va s'entendre. À l'université, là, il n'y a pas de cours sur l'intérêt de l'enfant et sur ce qui arrive et ce qui se produit par rapport à l'enfant, à la mère porteuse et aux parents.

M. Jolin-Barrette : Mais j'ai deux questions, juste pour éclaircir. La première : Donc, vous, vous êtes en faveur d'une formation psychosociale pour les parents d'intention et pour la mère porteuse, pas d'une évaluation psychosociale?

M. Tétrault (Michel) : Voilà.

M. Jolin-Barrette : OK. Deuxième question, puis là je fais peut-être appel à Me Brown : Pouvez-vous me décrire le type de convention que vous faisiez? Comment ça fonctionne dans la mécanique actuelle, là, considérant que ce n'est pas un contrat qui est exécutoire?

Mme Brown (Doreen) : Oui, ce n'est pas exécutoire. À ce que je sache, le contrat n'a jamais été contesté nulle part au Canada. Ça, c'est numéro un. Dans les autres provinces, je pense que c'est exécutoire, mais on ne sait jamais. Comme vous savez, il y a quatre parents dans une province, en Ontario, six parents en Colombie-Britannique. Qu'est-ce qui va se passer si c'est contesté? Normalement, je reçois des clients. Si je représente le couple, les parents d'intention ou la femme porteuse, je donne un avis légal, on parle du fait que... Et tout le monde est au courant qu'ici, au Québec, le contrat n'est pas exécutoire.

Mais je dois vous dire que je rédige les contrats depuis 1984, je n'ai jamais eu un problème avec les contrats, je n'ai jamais eu une femme porteuse qui a changé d'idée, et c'est toujours la femme porteuse qui me pose la question : Qu'est-ce que je ferais si les parents d'intention ne prennent pas l'enfant? C'est très clair. Et ils rencontrent des psychologues chacun. Et je sais que la question était soulevée, même dans le contrat, pendant la grossesse. Si la femme porteuse ou ses enfants ont besoin de parler à un psychologue, c'est les parents d'intention qui vont payer pour ce... un service qui est là ainsi que l'assurance vie, qui est normalement alentour de 500 000 $, pour protéger la famille de la femme porteuse si elle décède. Et c'est les parents d'intention qui paient pour, et ça dure deux ans, une année après la grossesse, après la naissance.

M. Jolin-Barrette : OK. Qu'est-ce que vous leur dites, comme avis légal, aux clients que vous servez quand ils viennent vous voir justement pour ce type de contrat là?

Mme Brown (Doreen) : Je dis que ce n'est... Au Québec, ce n'est pas exécutoire au Québec, mais il y avait la cause, le jugement où j'ai plaidé devant la Cour d'appel en 2015, et c'est tout à fait légal, le contrat est légal, mais pas exécutoire. Et j'explique tout de suite à mes clients, si ce sont des parents d'intention, que, si la femme porteuse change d'idée, elle décide de garder l'enfant, on va aller à la cour, mais, effectivement, on ne... on ne pourrait pas gagner à cause du fait que le contrat n'est pas exécutoire. Mais la femme porteuse n'est pas la... la mère biologique de l'enfant. C'est... Normalement, ça peut être l'épouse, si c'est un couple hétérosexuel, ou une donneuse d'ovules qui est la mère. Ça veut dire quoi? De porter un enfant, est-ce que ça fait une mère? C'est pour cette raison que moi, j'utilise toujours le mot «femme porteuse». Ce n'est pas une mère.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Est-ce que, dans le cadre de votre pratique... Vous nous avez dit : Ça m'est... Combien de contrats vous avez faits, supposons, depuis 1984, vous diriez?

Mme Brown (Doreen) : Beaucoup, beaucoup.

M. Jolin-Barrette : On parle de dizaines, de centaines?

Mme Brown (Doreen) : Non, plus que ça, beaucoup plus que ça.

M. Jolin-Barrette : Des milliers?

Mme Brown (Doreen) : Oui, au moins.

M. Jolin-Barrette : OK. Puis toujours en lien avec de la procréation assistée?

• (11 h 50) •

Mme Brown (Doreen) : Oui. Bien, en 1984, c'était une insémination. Alors, en 1984, c'était vraiment une mère porteuse parce que c'étaient les ovules de la mère, de la mère <porteuse...

Mme Brown (Doreen) : ... les ovules de la mère, de la mère >porteuse.

M. Jolin-Barrette : OK. Est-ce que... Est-ce que vous avez fait, comme on dit, «amicalement assistée»?

Mme Brown (Doreen) : Il y a toujours un autre avocat. Quand... Quand vous dites «amicalement assistée», je ne comprends...

M. Jolin-Barrette : Bien, je voulais dire : sans avoir recours, supposons, à de l'insémination ou... par voie naturelle.

Mme Brown (Doreen) : Ah! ils ne m'ont pas dit, mais des fois... je pense que peut-être des fois oui.

M. Jolin-Barrette : OK. Et donc, sur l'ensemble des dossiers que vous avez traités, ce n'est jamais arrivé qu'une mère porteuse garde l'enfant?

Mme Brown (Doreen) : Jamais.

M. Jolin-Barrette : OK. Donc, qu'est-ce que vous pensez du délai de sept, 30 jours qu'on a mis dans le projet de loi?

Mme Brown (Doreen) : Pour une adoption, la femme porteuse a toujours... Quand le nom de la femme porteuse est inscrit sur le certificat de naissance et on va à la cour pour faire l'adoption, il faut qu'elle signe un consentement, et elle a 30 jours de retirer le consentement et avant l'ordonnance de placement. Je sais que, dans les autres provinces, ça peut être à l'intérieur... je pense que c'est sept jours. Pour moi, les femmes avec qui je travaille, les femmes porteuses avec qui je travaille, ils ont déjà pris une décision. Et, même pendant la grossesse, il y a toujours une relation entre la femme porteuse et les parents d'intention. Et, pour moi, ce n'est pas nécessaire de garder un délai de 30 jours. Pour moi, sept jours est assez long. Et je dois vous dire qu'il y a plusieurs femmes porteuses qui veulent voir l'enfant... tenir l'enfant dans ses bras au moins une fois. Et je n'ai jamais eu de problème, je n'ai jamais eu une femme porteuse ou un autre avocat qui représente la femme porteuse qui disent : Elle veut garder l'enfant, elle veut voir l'enfant, elle veut partager la garde, jamais.

M. Jolin-Barrette : OK. Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues : Sur la question de la rupture du lien de filiation, là, en... lorsqu'il y a une agression sexuelle puis que l'enfant en est issu, où vous situez-vous là-dessus?

M. Tétrault (Michel) : Bien, écoutez, il y a deux... deux... Un, je tiens à souligner la rapidité avec laquelle ça a été amené suite au témoignage que, vraisemblablement, tout le monde a pu lire. Écoutez, ça dépend de la victime. Il m'apparaît difficile de dire : Ça, ça va être mieux, et ça, ça va être pire ou ça va... Si la victime... Et je considère que l'enfant qui naît est aussi la victime de ça, parce que je vais arriver à une autre... un complément de réponse. Si c'est le choix, bien, écoutez, il n'y aura pas de filiation, il n'y en aura pas. S'il n'y a pas de filiation, il n'y a pas d'autorité parentale. Parfait, beau choix. Si la mère, la victime de l'agression, décide qu'il y aura un lien de filiation, il n'y aura pas d'autorité parentale d'aucune façon, non réversible. Je pense qu'il y a moyen d'écrire ça dans deux paragraphes souples, et ça donne à la victime le choix.

L'autre élément : pour ceux et celles... parce que j'ai réfléchi un peu à la question, là, ceux et celles qui disent : Oui, mais là, si l'enfant veut retrouver ses origines, et tout le reste, il n'y a pas de lien de filiation, écoutez, retrouver ses origines puis le lien de filiation, c'est deux trucs qui sont différents. Et ce n'est pas parce que je n'aurai pas de lien de filiation d'établi que je ne pourrai pas retrouver qui serait le père, évidemment en ayant quelques informations.        Donc, moi, je pense que, pour respecter la victime dans le processus, on doit laisser deux options. Et, si vous en choisissez une, facile, il n'y a pas d'autorité parentale. Si vous choisissez l'autre, avec filiation, c'est une déchéance non réversible.

M. Jolin-Barrette : Bien là, dans le projet de loi, il y a les deux, actuellement.

M. Tétrault (Michel) : C'est pour ça que...

M. Jolin-Barrette : OK.

M. Tétrault (Michel) : Sauf qu'il y a une question qui... que je soulève, la question de : en fonction de l'intérêt de l'enfant. Je rappelle que normalement, en matière de filiation, l'intérêt de... en matière de filiation par le sang et autres, l'intérêt de l'enfant, ce n'est pas un enjeu. En adoption, c'en est un, mais, en matière de filiation régulière, l'intérêt de l'enfant... Et je m'en voudrais qu'en plus d'avoir à passer par un procès, et tout le reste, que le tribunal dise : Bien, écoutez... parce que des collègues qui ont passé avant ont dit : Vous savez qu'il y a une frange de la jurisprudence où on dit que, si l'enfant n'a pas subi la chose, n'en a pas eu connaissance, ce n'est pas vraiment de la violence. Je m'en voudrais énormément de lire un peu la même chose à propos de cet article-là puis que le tribunal dise : Écoutez... et le père s'est réhabilité, l'agresseur est mieux, c'est... Ça...

M. Jolin-Barrette : Mais là on est dans un cas où la filiation avait été établie puis on est dans un cas où est-ce que l'intérêt de l'enfant est considéré, que, <supposons...

M. Jolin-Barrette : ...la filiation avait été établie puis on est dans un cas où est-ce que l'intérêt de l'enfant est considéré, que, >supposons, ça arrive cinq ans plus tard, le père s'est occupé de l'enfant, supposons, pendant cinq ans, puis là ensuite, donc, c'est un personnage qui est présent aussi.

M. Tétrault (Michel) : C'est un personnage qui est présent, mais ça n'enlève pas le reste.

M. Jolin-Barrette : Ah! bien, je suis d'accord avec vous.

M. Tétrault (Michel) : Et l'autre élément, déchéance, la même chose. Écoutez, si vous regardez la... les décisions des tribunaux au niveau de la déchéance, on se rappelle que la déchéance, là, la Cour suprême l'a dit, c'est la peine capitale pour un parent, OK, c'est la peine capitale. Bien, considérant les conséquences et les actes qui ont été posés, par rapport à l'autorité parentale, ce n'est pas une mauvaise idée, ce n'est pas une mauvaise idée.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

M. Jolin-Barrette : Excellent. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, il reste un peu plus de trois minutes.

Mme Bourassa : Merci beaucoup. J'aimerais revenir sur une partie de votre témoignage, notamment quand vous parlez des agences. Vous avez dit : Elles sont essentielles, mais ça peut devenir le far west, qu'il faut surveiller pour éviter qu'il y ait des dérives. Je veux juste bien comprendre. Est-ce que vous voulez qu'on les interdise ou qu'on les encadre?

M. Tétrault (Michel) : Non, non, qu'on les encadre. Ça existe dans d'autres provinces, mais ce qu'on veut éviter, c'est exactement ce qui s'était passé en adoption internationale alors qu'il y avait des agences un peu partout et qu'il n'y avait pas vraiment de contrôle. Et là, bien, vous aviez des gens qui se rendaient à des places, qui n'avaient pas le bon enfant qu'ils devaient avoir, bon, bref, qui devaient rester... Ce qu'on veut éviter, c'est ça. Et, quant à moi, c'est une garantie supplémentaire par rapport au pouvoir qu'on donne à cette agence-là de vérifier des choses et de s'assurer...

Mme Bourassa : Est-ce que ça serait une obligation de passer par une agence ou on pourrait aussi...

M. Tétrault (Michel) : Non, non, absolument pas, on n'est pas obligé. Dans les autres provinces, on y va si on veut, mais on sait que, si on va voir une agence... Parce qu'une agence, bon, en Ontario, là, c'est entre 10 000 $ et 20 000 $. Et, eux, ce qu'ils font, c'est qu'évidemment ils font, on me passera l'expression, un tout-compris, hein? Donc, ils s'occupent de toutes sortes de choses et ils font... Bon.

Donc, oui, ce n'est pas une obligation de passer par les agences, sauf que... D'autant plus qu'auparavant il y a des mesures qui sont mises en place pour que les gens soient bien informés, pour qu'ils puissent avoir accès à un procureur indépendant, par exemple. Donc, ce n'est pas, effectivement, une nécessité que... parce que, sans ça, bien, écoutez, ouvrons un secrétaire... un secrétariat à... tout simplement. Mais, non, je ne veux pas contraindre les gens.

Mme Bourassa : J'ai encore un petit peu de temps. Donc, j'aimerais juste revenir sur le bout, dans votre mémoire, où vous parlez, effectivement, des... de l'assurance vie, notamment en cas d'invalidité de la mère porteuse... de la femme porteuse ou en cas de décès, même, la responsabilité des parents d'intention envers la progéniture de la mère. Est-ce que vous aimeriez que ce soit obligatoire, l'assurance vie?

M. Tétrault (Michel) : Absolument, absolument.

Mme Bourassa : Puis, dans les autres provinces, ça ressemble à quoi?

Mme Brown (Doreen) : C'est la même chose. Je travaille avec des avocats partout au Canada, et c'est inclus dans tous les contrats, une assurance vie et invalidité, c'est toujours là.

Mme Bourassa : Et ce serait pour deux ans, donc un an après la naissance...

Mme Brown (Doreen) : Oui, oui. Normalement, oui.

Mme Bourassa : Parfait.

Le Président (M. Bachand) :Parfait. Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie.

• (12 heures) •

M. Morin : ...merci beaucoup d'être là. Merci pour votre mémoire. J'ai quelques questions. À l'article 8 du projet de loi, à l'article 523, on veut changer, finalement, certains principes de filiation en favorisant la mère ou le parent qui donne naissance, donc ça pourrait être la femme porteuse. Avez-vous... Ce n'est pas le cas présentement. Est-ce qu'on devrait aller dans cette direction-là ou si on devrait rester comme on est puis qu'il n'y ait pas, finalement, une espèce de... d'être en faveur de la femme porteuse mais plutôt que ce soient les parents d'intention?

M. Tétrault (Michel) : Bien, effectivement, c'est parce qu'évidemment le législateur ne parlant pas pour ne rien dire, si on met une présomption, ça pourrait être interprété comme disant : On avantage ou on interprète dans ce sens-là. Donc, par rapport aux présomptions, là, je n'ai pas tendance à y aller... en tout cas, à 523, là, pas tendance à y aller.

M. Morin : D'accord. Je vous remercie. Puisque vous êtes là, Me Brown... Merci, merci beaucoup. Puis on bénéficie de votre grande expérience là-dedans. Bon, je comprends qu'un contrat ou une convention pour grossesse, ce n'est pas exécutoire au Québec présentement, mais ça n'empêche pas que la pratique est très répandue. Vous avez témoigné à cet effet-là. Donc, dans votre pratique, comme un contrat type, comment... comment vous procédez? Est-ce que vous suggérez, par exemple, aux parents qui ont ce projet d'aller consulter un <avocat...

>


 
 

12 h (version révisée)

<19253 M. Morin : ...projet d'aller consulter un >avocat, d'avoir un avis juridique autre, même chose pour la femme porteuse, est-ce que vous incluez obligatoirement des clauses d'assurance? Vous le recommandez, etc.? Comment... comment ça... ça fonctionne? Puis, compte tenu de votre pratique, votre expérience, est-ce qu'il y a des choses dans le projet de loi qui... qui manquent, où on... où on rate carrément la... la cible?

Mme Brown (Doreen) : OK. Normalement, très souvent, je reçois des clients qui sont référés par une agence. Il y a plusieurs agences au Canada et il y a des agences qui me réfèrent des... des clients. Ça peut être des parents d'intention, ça pourrait être une femme porteuse. Normalement, les clients que je reçois sont domiciliés au Québec ou il y a des clients qui viennent d'ailleurs, qui viennent de la France, et la... la femme porteuse peut être d'ici. C'est possible que je représente une ou l'autre.

Je... je veux ajouter aussi qu'il y a deux agences qui remboursent la femme porteuse. Et ils ont un système de comptabilité qui est vraiment excellent. Parce que la femme porteuse doit produire des reçus pour qu'elle soit remboursée de... de certains frais. Moi, je... je ne paie jamais. Je... je ne touche pas l'argent. C'est... Ce n'est pas à moi à... à le faire.

Dans tous les contrats, on insiste que les clauses de... d'assurance vie et invalidité soient dans le contrat. Je dois vous dire que les... J'ai déjà eu des clients qui me disent : Mais pourquoi est-ce qu'il faut mettre ça dans un contrat? Je dis : C'est parce qu'on le met et c'est obligatoire. Et si, moi, je ne le mets pas, l'avocat de la femme porteuse va le mettre ou, si moi, je reçois une... un contrat d'un autre avocat, je... et ce n'est pas dans le contrat, j'insiste que ce soit là. C'est déjà arrivé, ça... ça arrive même encore aujourd'hui, où une femme porteuse décède ou elle vient invalide, donc il faut avoir ça dans le contrat.

M. Morin : Et est-ce que vous prévoyez des clauses où il n'y aurait pas de lien d'emploi ou... ou d'autorité entre les... les parents et... et la femme porteuse?

Mme Brown (Doreen) : Oui, bien, il y a un lien d'emploi. Non, non, on ne le met pas, excusez-moi. Je n'ai pas compris au début. Mais, non, on... ça ne m'est... jamais arrivé, mais je pense que c'est une très, très bonne idée de l'inclure dans... dans un contrat. Et, dans le futur, je vais le faire.

M. Morin : Merci. Dans le projet de loi, ma... ma compréhension, c'est qu'un... un couple, qu'ils vivent à... à l'extérieur du Québec ou qu'ils ne sont pas citoyens canadiens, s'ils veulent concevoir ce projet-là au Québec, devront être domiciliés au Québec depuis un an. Par ailleurs, l'inverse ne semble pas être vrai, c'est-à-dire qu'un couple de Québécois pourrait avoir un contrat avec une mère porteuse à... à l'étranger.

Mme Brown (Doreen) : Oui.

M. Morin : Il y aurait une liste, semble-t-il, de... de pays qui sont... sont reconnus. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée? Est-ce qu'on ne devrait pas limiter ça uniquement aux gens qui sont au Canada? Est-ce que ça ne risque pas d'engendrer des conflits de droit international privé, abondamment?

Mme Brown (Doreen) : Non, non. Et je parle, par exemple, pour la France. J'ai déjà reçu plusieurs fois des couples de même sexe de la France. Je m'informe tout de suite auprès des avocats en France, comment ça fonctionne, et je suis la loi, je suis les avis des avocats en France. Normalement, ça fonctionne que l'enfant est né, et le nom du... du papa génétique apparaît sur le certificat de naissance. Et il n'y a pas de mère sur le certificat de naissance. C'est marqué... Et, depuis 2017, ici au Québec, il y avait un jugement rendu par la Cour d'appel, ce n'est plus nécessaire de mettre le nom de la femme qui a accouché. On met simplement «mère non déclarée», on envoie au... au DEC, avec la déclaration de naissance, un document signé par la femme porteuse disant : Je ne veux pas que mon nom apparaisse, et avec une photo de son passeport.

M. Morin : Très bien. Bien, écoutez, je vous... je vous remercie beaucoup. Ma... ma collègue, la... la députée de Robert-Baldwin, a peut-être des questions pour vous. Merci, merci...

Le Président (M. Bachand) :...allez-y.

Mme Garceau : Oui. Merci. Compte tenu que vous avez cette grande expérience, les deux, en droit de la famille, merci beaucoup d'être ici et pour votre mémoire.

Me Brown, je voulais savoir, au niveau des clauses, une clause pénale, si jamais... si vous en avez eu dans vos conventions, si jamais les parents d'intention décident de mettre un terme au contrat. Est-ce que vous avez déjà prévu des... des <clauses...

Mme Garceau : ...terme au contrat. Est-ce que vous avez déjà prévu des... des >clauses où les parents vont devoir indemniser la mère porteuse?

Mme Brown (Doreen) : Bien, s'ils... s'ils décident de ne pas continuer avec... avec le contrat?

Mme Garceau : Oui, exactement, oui.

Mme Brown (Doreen) : Oui. Eh bien, c'est dans le contrat. Si elle ne tombe pas enceinte, si le transfert ne fonctionne pas, ils... ils peuvent mettre terme au contrat après... normalement ça peut être trois ou quatre essais, ou ils peuvent continuer le contrat eux-mêmes. Ça peut... Ils peuvent se dire : Bon, on va continuer.

Mme Garceau : Dans le cas où la femme porteuse est enceinte et les parents décident quelques mois plus tard : On n'est plus intéressés?

Mme Brown (Doreen) : Ça ne m'est jamais arrivé.

Mme Garceau : OK. Donc, il y a... Vous ne prévoyez pas, dans la convention, une clause concernant le retrait de consentement des parents lors de la grossesse?

Mme Brown (Doreen) : Non, parce que quand ils signent, ils sont responsables de toutes les dépenses jusqu'à la naissance. Et c'est une autre raison pour laquelle j'aime travailler avec des agences, parce que c'est les agences, qu'ils ont, comme j'ai dit, un système de comptabilité. Et ils prennent l'argent en fidéicommis, et c'est l'agence qui rembourse la femme porteuse jusqu'à la naissance de l'enfant.

Mme Garceau : Si vous me permettez, Me Tétrault, concernant l'indemnité, la question... pas pension alimentaire, mais l'indemnité en cas, là, de... d'agression sexuelle, au niveau de... de demandes concernant l'enfant, c'est quoi votre opinion à ce sujet?

M. Tétrault (Michel) : Bon. Dans un premier temps, je vous remercie de la question. Écoutez, je l'ai lu plusieurs fois, c'est peut-être mon problème, mais je ne sais pas qu'est-ce qu'on veut dire. Je comprends qu'on...

Mme Garceau : C'est pour ça que je vous pose la question.

M. Tétrault (Michel) : Je comprends que nous devons couvrir les besoins de l'enfant. Or, pour moi, quand on me parle de besoins de l'enfant, est-ce que ce sont des aliments? Puis là on me parle un peu plus loin de contribution, puis là, on parle d'indemnité. C'est.... c'est de quoi qu'on me parle, là? Est-ce qu'on veut me parler de l'obligation alimentaire? Est-ce qu'on veut me parler du préjudice, 1457, dommages et intérêts? Est-ce que c'est un melting-pot?

Bon, si on y va avec les besoins ordinaires, là, les nécessités... pas les... oui, nécessités de la vie pour l'enfant, je retiens la LIVAC. Je retiens la LIVAC pour une raison fondamentale : la solvabilité. Parce que je peux bien fixer, moi, une pension alimentaire avec les meilleurs critères, mais si mon débiteur alimentaire ou l'agresseur, bon, n'a plus de capacité de payer... Bon. Évidemment, l'autre avantage qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'évidemment ça fait en sorte que la victime n'est pas obligée d'aller plaider.

Là où j'ai une petite difficulté, c'est qu'évidemment il... Je comprends et nous comprenons tous que l'enfant serait une victime, donc tout le monde aurait des indemnités. Est-ce que les... l'indemnisation par la LIVAC est suffisante? C'est comme pour la... la CNESST, la SAAQ : ce n'est pas toujours suffisant, mais on est sûrs qu'on va recevoir quelque chose. Et ça, ça... ça vaut quelque chose. Donc...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Tétrault. On doit continuer, le temps avance rapidement. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour vos présentations.

Sur le critère, là, de... du fait que les gens doivent habiter... les parents d'intention doivent habiter au Québec depuis plus d'un an, qu'est-ce que vous en pensez?

• (12 h 10) •

M. Tétrault (Michel) : Bien, écoutez, il n'y a pas longtemps... et c'est ce qui avait amené le projet de loi n° 2, vous vous souviendrez peut-être du jugement du juge Morrison. Le jugement Morrison... On exigeait deux choses, hein, quand venait le temps de changer des noms puis tout le reste : c'étaient la citoyenneté et le domicile. Lui, il a dit : La citoyenneté, ce n'est pas une nécessité, domicile, ça me semble raisonnable. Ça me semble raisonnable.

M. Zanetti : OK. Et aussi est-ce qu'il y a des façons, selon vous, par lesquelles on pourrait éviter le fait qu'il y ait comme une... une rémunération irrégulière, là, qui se ferait de façon informelle? Est-ce qu'il y a une façon légalement d'empêcher ça, par exemple?

M. Tétrault (Michel) : Ah, bien, écoutez, on peut toujours prévoir que, si on le découvre, on prendra des recours, mais, vous savez, ce qu'on appelle, là, les revenus non fiscalisés, là, comment on fait pour le découvrir? Quand on... Woup! quand on attrape, parfait, on va cotiser. On peut prévoir après le fait. Et, dans un deuxième temps, qui va être intéressé à le faire, si, comme le souligne Me Brown, il n'y a pas beaucoup de... de plaintes ou de problèmes dans ce que j'appelle, moi, le service après vente? Tout le monde est <heureux...

M. Tétrault (Michel) : ...problèmes dans ce que j'appelle, moi, le service après-vente? Tout le monde est >heureux : Qui va aller divulguer? Qui... Écoutez, je pense que les gens de l'Agence du revenu seraient probablement mieux équipés que moi pour vous répondre, voir s'ils ont des techniques. On peut sanctionner après le fait, mais encore une fois, comment découvrir ça?

M. Zanetti : Merci. Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Oui, merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci d'apporter votre oeil... votre oeil, votre expertise. Merci à Me Brown. C'est vraiment enrichissant pour nous autres de savoir que vous avez déjà fait plusieurs... des milliers de contrats dans ce... dans ce domaine-là précisément.

J'ai deux questions. On en a parlé un petit peu plus tôt, la reconnaissance de ces ententes-là à l'extérieur du Québec. Je me demande, c'est... c'est... tu sais, c'est reconnu, ce n'est pas reconnu. Où est la difficulté? C'est souvent nos tribunaux qui sont appelés à les interpréter, mais est-ce que, des fois, ils sont appelés aussi à l'étranger à... à interpréter un contrat qui a été passé ici, si c'est un parent à l'étranger? Il a été passé ici, je le sais, là, mais est-ce qu'il y a des clauses qui prévoient que...

Mme Brown (Doreen) : Comme je vous ai dit, je consulte toujours l'avocat du pays. Normalement, c'est la France... qui est surprenant que c'est... ils ne peuvent pas passer un contrat avec femme porteuse en France, mais ils peuvent adopter l'enfant et de... de recevoir une adoption plénière en France, si c'est deux hommes ou... Alors, je consulte toujours les avocats du pays et, comme je vous dis, c'est normalement la France.

Autrement, non. Partout au Canada, c'est le... c'est la loi fédérale qui... qui... et les lois provinciales aussi. Et, la plupart des autres provinces, ça devient très facile. Je sais que récemment il y a même eu un jugement du... du Nouveau-Brunswick, à Brunswick, où il n'y avait aucun lien génétique entre ni la femme porteuse ni les parents d'intention. Et le juge a rendu un jugement favorable, en déclarant que les parents d'intention sont les parents de l'enfant, en disant : C'était l'intention des parties quand ils ont conclu le contrat.

Mme Nichols : Droit successoral, est-ce que c'est prévu dans les ententes? Est-ce que c'est... Est-ce que, dans les ententes, il y a des... il y a des clauses à cet effet-là?

Mme Brown (Doreen) : C'est une bonne question. Normalement, non, parce que, quand... Ici, au Québec, on... on a passé... même ce matin, j'ai passé avec une adoption, et c'est l'enfant de... des parents d'intention. Une adoption, ça... c'est votre enfant. Ils ont les mêmes droits, les mêmes obligations.

M. Tétrault (Michel) : ...par rapport à évidemment... l'insémination post-mortem. C'est... c'est prévu dans le... Il n'y a pas moyen d'avoir un écrit quelque... quelque part de la part du défunt comme quoi, si jamais, bon... Parce que c'est une question, là. On le sait qu'en jurisprudence maintenant on se bat parfois pour des ovules ou du matériel génétique. Est-ce que ce n'est pas possible que ce soit dans le testament ou ailleurs? Que... Qu'on ne se base juste sur : Bien, il faudra démontrer son intention?

Je reviens à ce que je vous disais sur le projet parental, là, 538.1. C'est tellement plus simple. Donc, on devrait avoir... Parce que c'est un élément important. Si on sait qu'on a déposé, entre guillemets, des choses, là, et que ce matériel-là est là, bien, il faut qu'on prévoie. Est-ce qu'on ne pourrait pas le mettre dans le contrat? Peut-être, mais qu'on ait un écrit au lieu de se baser... Parce que ça a des conséquences, pas juste sur le fait qu'on va utiliser le matériel, mais si ça ajoute des enfants au niveau de la succession puis... Tu sais, des questions qu'il faut se poser.

Mme Nichols : C'est pour ça que je me demandais si c'était déjà prévu dans certains cas, là. Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, Me Brown, Me Tétrault, merci beaucoup d'avoir été avec nous.

La commission suspend ses travaux quelques instants avant de se réunir en séance de travail. À Tantôt.

(Suspension de la séance à 12 h 15)


 
 

15 h 30 (version révisée)

(Reprise à 15 h 37)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi à tout le monde.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.

Alors, on débute notre après-midi avec les représentants de la Fédération du Québec pour le planning des naissances. Merci beaucoup d'être avec nous. Comme vous le savez, vous avez 10 minutes de présentation. Après ça, on a un échange avec les membres.

 Alors, la parole est à vous. Merci.

Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN)

Mme Legault (Jess) : Merci beaucoup. Donc, pour commencer, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités aujourd'hui pour vous présenter la position de la FQPN sur le projet de loi n° 12, surtout en ce qui concerne le droit des femmes, et des personnes gestatrices, et les enfants issus d'un projet de gestation pour autrui.

Donc, moi, je m'appelle Jessica Legault. Je suis la coordonnatrice générale de la FQPN et responsable du dossier avortement, et je suis ici avec ma collègue Gwendoline Lüthi, qui est responsable du dossier AcSexe+ à la FQPN.

Donc, la Fédération du Québec pour le planning des naissances est un regroupement féministe de défense de droits et d'éducation populaire en matière de santé sexuelle et reproductive. Notre mandat est de sensibiliser, d'informer et d'encourager la réflexion critique en santé sexuelle et reproductive et de promouvoir le libre choix dans une perspective d'intersectionnalité et de justice reproductive.

Je vous présenterai les réflexions de mon équipe, ainsi que notre conseil d'administration, mais le court délai entre notre invitation et ma présence aujourd'hui ne m'a pas permis de consulter tous nos membres. Donc, notre position se restreint vraiment à l'équipe et à notre conseil d'administration. Heureusement, on peut aussi compter sur l'expertise de quelques-uns de nos membres, qui ont aussi reçu l'invitation pour participer à cette commission, donc le RQCALACS et la Coalition des familles LGBT+, pour offrir leur riche perspective sur le projet de loi. La FQPN se penchera particulièrement aujourd'hui sur les enjeux autour des femmes et personnes gestatrices, car nous faisons confiance à la Coalition des familles LGBT+ de bien représenter les... les enjeux spécifiques aux parents d'intention.

Avant de commencer vraiment, j'aimerais noter que nous reconnaissons que la GPA est un sujet délicat, qui ne fait pas l'unanimité ni dans la société ni dans les cercles féministes plus restreints de la santé sexuelle et reproductive. Nous apprécions le soin avec lequel cette loi a été développée pour encadrer une pratique qui existe depuis le début des temps, et même lorsqu'il existe... même lorsqu'il existe des restrictions légales ou sociétales. Nos réflexions et questionnements sont ancrés dans une approche centrée sur l'agentivité des femmes et des personnes gestatrices, en prêtant une attention au déséquilibre de pouvoir qui peut exister entre elles et les parents d'intention. Dans cette perspective, cette présentation est divisée en trois parties pour partager, premièrement, les éléments du projet de loi sur lesquels nous sommes d'accord, ensuite, les éléments qui, selon nous, devraient être bonifiés, et enfin les éléments qui nous préoccupent.

• (15 h 40) •

Pour commencer, nous soulignons l'importance de l'article qui permet à la femme ou la personne gestatrice de mettre fin unilatéralement à la convention de gestation pour autrui à n'importe quel moment avant la naissance de l'enfant. L'autonomie de la personne qui décide de vivre une grossesse pour autrui n'est pas complète sans la possibilité d'interrompre cette grossesse sans pénalité. Par ailleurs, nous apprécions l'absence de... de précisions et de... spécificités reliées aux frais qui peuvent être remboursés dans le cadre d'une convention de GPA. Ceci permet une plus grande flexibilité, accommodant les différents contextes des personnes gestatrices et des parents d'intention. Ensuite, la possibilité d'accéder à une indemnisation pour les pertes de revenus pendant la grossesse, ainsi que les 18 semaines de congés payés par le RQAP sont deux autres éléments qui permettront de diminuer le risque que la personne gestatrice soit indûment lésée par le processus. Enfin, le fait que l'enfant soit confié directement aux parents d'intention dès la naissance et que l'autorité parentale leur soit accordée immédiatement reconnaît que le rôle parental appartient uniquement à ces derniers.

Le projet de loi, tel qu'il existe, comprend quelques éléments que la FQPN aimerait voir bonifier pour le bien-être des personnes impliquées dans le projet de GPA. Dans l'article 541.11, le projet de loi exige que les <parents...

Mme Legault (Jess) : ...dans le projet de GPA. Dans l'article 541.11, le projet de loi exige que les >parents d'intention et la personne gestatrice rencontrent séparément un ou une professionnelle habilitée à les informer sur les implications psychosociales du projet de GPA et sur les questions éthiques que cela implique. Nous souhaitons avoir des précisions quant à la formation requise pour dispenser ces services, ainsi que la liste des ordres professionnels désignés par le ministère de... le ministre de la Justice pour entreprendre ce rôle de conseil. La FQPN recommande que le suivi psychosocial soit accessible et disponible tout au long du processus, et que ce ne soit pas limité à une seule rencontre avant la signature de la convention, et que la santé mentale de la personne gestatrice soit une préoccupation centrale au processus. Considérant le bilan physique et mental tout au long de n'importe quelle grossesse, il est important de s'assurer que la personne qui entreprend une grossesse pour autrui, avec tout ce que ça peut impliquer, ait accès à un accompagnement psychosocial avant, pendant et après la grossesse. Il s'agit... il s'agit d'une façon de réduire et de prévenir les situations de coercition des parents d'intention envers cette... la personne gestatrice.

Dans la même veine, l'absence d'un article indiquant clairement que la personne enceinte dispose d'une autonomie corporelle complète tout au long de la grossesse et de l'accouchement nous préoccupe. Considérant la forte probabilité que les parents d'intention aient des préférences concernant l'alimentation, le niveau d'exercice ou les décisions médicales de la personne gestatrice, il semble extrêmement important de clarifier qu'une convention de gestation pour autrui ne peut pas légalement inclure des restrictions quant aux habitudes de vie de la personne gestatrice. En effet, il semble pertinent de réitérer le jugement de la Cour suprême canadienne qui affirme que, je cite : «La femme enceinte et l'enfant à naître ne forment qu'une seule personne et rendre une ordonnance visant à protéger le foetus empiéterait radicalement sur les libertés fondamentales de la mère, tant en ce qui concerne le choix d'un mode de vie que sa manière d'être et l'endroit où elle choisit de vivre.» Fin de la citation. La FQPN recommande donc qu'un article soit ajouté au projet de loi pour clairement interdire la présence de restrictions, dans la convention... convention de gestation pour autrui, qui pourraient brimer la pleine autonomie de la femme ou de la personne gestatrice avant ou pendant la grossesse et l'accouchement.

Le dernier élément nous préoccupant est la couverture RAMQ de la personne gestatrice domiciliée au Québec. Comme vous le savez, il existe plusieurs scénarios dans lesquels une personne peut résider légalement au Québec pour plus d'un an sans avoir accès à l'assurance maladie provinciale, notamment les étudiantes internationales ou les personnes avec un visa de programme vacances-travail. Bien que le ministère de la Santé et des Services sociaux étudie la question de la gratuité des soins périnataux pour les femmes et personnes sans RAMQ... sans accès à la RAMQ au Programme fédéral de santé intérimaire, il existe des séquelles de traitements de fertilité et de grossesse qui se manifestent sur le court, moyen et long terme. Que ce soit, par exemple, pour les traitements de physiothérapie ou de taux... les taux plus élevés du cancer du sein, il est possible que la personne gestatrice ait besoin d'une couverture de santé... de soins de santé au-delà de la grossesse. La présence de ce fardeau médical doit faire partie des rencontres psychosociales avant la signature de la convention de GPA pour que la personne gestatrice ait tous les éléments afin de prendre une décision éclairée. La FQPN recommande aussi que la personne gestatrice soit accordée une couverture RAMQ tout au long du processus de la GPA et tant qu'elle vivra au Québec.

Au coeur du débat sur la GPA se trouve la question de l'agentivité de la femme ou de la personne gestatrice. Le projet de loi n° 12 inclut un grand nombre d'articles qui reconnaissent cette agentivité, tout en cherchant à minimiser la possibilité de coercition ou d'exploitation de la personne gestatrice domiciliée au Québec. Ces éléments perdent de l'ampleur ou disparaissent complètement dans les articles sur la GPA hors Québec. Par exemple, la rencontre psychosociale pour la personne gestatrice n'est plus un prérequis pour la signature de la convention de GPA si elle vit à l'étranger. Bien que le projet de loi stipule que les projets de GPA peuvent seulement être reconnus si la personne gestatrice réside dans un État, et je cite, «un État étranger où les règles [de la pratique ] et les pratiques en matière de grossesse pour autrui ne contreviennent pas à l'ordre public», fin de la citation, et assurent que la sécurité et l'intégrité de toutes les parties impliquées dans le projet... Il nous semble impossible que les mêmes protections contre l'exploitation des femmes et personnes gestatrices soient garanties à l'étranger.

Sans le cadre et les lignes directrices adéquates autour de la pratique de la GPA, cette loi risque de reproduire involontairement les dynamiques de pouvoir et de participer à l'exploitation des femmes à l'étranger. L'histoire de la GPA nous indique que, dans les dernières décennies, les intermédiaires ont profité du désir parental profond et ont créé des situations misérables pour les femmes dans leur pays. On pense... on pense, entre autres, au pensionnat pour gestatrices en Inde, bien qu'elles soient maintenant accessibles... inaccessibles aux parents québécois.

L'article du projet de loi qui réitère le droit à... à l'interruption de grossesse pour la personne <gestatrice...

Mme Legault (Jess) : ...réitère le droit à... à l'interruption de grossesse pour la personne >gestatrice domiciliée au Québec ne se retrouve pas dans les articles sur la GPA à l'étranger, puisqu'évidemment une loi québécoise n'a aucune juridiction sur le droit à l'avortement à l'étranger. Nous nous demandons donc comment assurer que la personne gestatrice à l'étranger détienne une agentivité équivalente à sa consœur au Québec si elle ne peut pas, elle aussi, mettre fin unilatéralement à la convention de grossesse pour autrui. Nous ne souhaitons pas participer à la création d'un système de hiérarchisation de la vie et de la santé des personnes gestatrices. Nous pensons que toutes les personnes qui décident de s'engager dans un processus de gestation pour autrui à titre de personne enceinte méritent le même traitement sans restriction quant à leur lieu de domicile. La FQPN recommande donc que l'accès à l'avortement sans restriction sur la raison ni la... le stade de la grossesse soit un des critères d'évaluation des États étrangers si la GPA hors Québec est maintenue.

Pour conclure, j'aimerais réitérer l'appréciation de la FQPN pour l'encadrement que ce projet de loi offre autour de la pratique de la gestation pour autrui pour permettre une protection et une valorisation de toutes les personnes impliquées dans ces projets. Nous demeurons actives dans notre lutte pour l'autonomie et le respect des droits sexuels et reproductifs, la reconnaissance du droit de choisir d'avoir ou de ne pas avoir d'enfant, de les élever dans un environnement sain, sans violence et avec les ressources nécessaires et pour favoriser la prise de pouvoir et l'autonomie de chacun et chacune face à leur santé sexuelle et reproductive. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Vous êtes bonne, honnêtement, là, vous êtes parfaite. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, Mme Legault, Mme Lüthi. Bonjour, merci d'être en commission parlementaire aujourd'hui sur le projet de loi n° 12.

D'entrée de jeu, sur le dernier point, là, que vous avez soulevé, relativement à l'interruption volontaire de grossesse, c'était notre intention, justement, d'avoir, sur la liste des États accrédités, ceux qui ont des règles entourant la grossesse pour autrui équivalentes à celles du Québec. Donc, c'est sûr que ça va faire partie du critère d'analyse pour faire en sorte que, justement, la mère porteuse, en tout temps, puisse avoir le plein contrôle et l'autonomie de son corps. Donc, ça fait partie des détails. Puis l'objectif, aussi, du projet de loi, c'est justement de faire en sorte qu'on évite la marchandisation du corps de la femme et qu'on s'assure de protéger les mères porteuses également, les enfants aussi.

Est-ce que, dans le cadre du projet de loi, il y a des éléments particuliers que vous nous dites : Vous devriez aller plus loin pour protéger la femme qui porte l'enfant?

Mme Legault (Jess) : Bien, je pense que la question de l'avortement, c'est une... c'est comme assez central pour nous, ça fait vraiment partie de l'optique à travers laquelle on examine la loi, surtout qu'il y a très peu d'autres pays où le droit à l'avortement est aussi bien protégé qu'au Canada. Donc, ce serait très difficile pour nous de trouver un pays où les gestatrices auraient la même... les mêmes protections que les femmes au Québec, étant donné qu'au Québec on n'a pas de restriction sur la raison ou le stade de grossesse pour interrompre une grossesse. Et il y a... on a fait... on a cherché puis on n'a pas trouvé un autre pays qui a les mêmes...

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous nous dites, c'est que, s'il n'y a pas exactement le même équivalent qu'au Québec, supposons... Supposons, prenons un État américain qui aurait... qui permettrait l'interruption volontaire de grossesse, mais avec certains paramètres, vous, ce que vous nous dites, c'est qu'on ne devrait pas permettre la grossesse pour autrui. Dans le fond, on ne devrait pas permettre la reconnaissance de la grossesse pour autrui dans cet État-là. Je ne vous parle pas d'un État... supposons un État plus... comment je dirais ça?

Mme Legault (Jess) : Je ne le sais pas. J'attends pour voir comment vous allez dire ça.

• (15 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Plus libéral que certains autres États.

Mme Legault (Jess) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Je dirais ça comme ça, pas au sens libéral... pas au sens de mes estimés collègues, là, au sens de libéral, libéral.

Mme Legault (Jess) : J'ai bien compris. Non, je pense que, la FQPN, notre position c'est, non, aucune restriction autour de l'avortement. Donc, c'est aussi une façon de s'assurer que la personne qui entre dans un contrat est capable de sortir d'un contrat, que, si on... si on la met dans une situation où la personne a le plein contrôle et l'agentivité dans cette situation-là, l'avortement et tous les... Il y a d'autres éléments aussi, le suivi psychosocial, accès à la... le régime....

Mme Lüthi (Gwendoline) : D'assurance maladie.

Mme Legault (Jess) : L'assurance maladie, mais aussi l'assurance parentale par après, les 18 semaines, là, c'est incroyable, on adore ça, mais la personne à l'étranger ne va pas avoir accès à ça.

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est sûr qu'on a un régime intéressant au niveau des congés parentaux au <Québec...

M. Jolin-Barrette : ...des congés parentaux au >Québec. Puis je suis heureux que vous le souligniez puis que... vous soulignez que le... dans le projet de loi, également, si généreuse.

Tout à l'heure, vous avez abordé, là, la question de la RAMQ, là. Il est où, votre questionnement par rapport à la RAMQ? Parce que, normalement, tout le monde est couvert par la RAMQ, là, lorsqu'ils sont domiciliés au Québec, là.

Mme Legault (Jess) : Non, ils ne le sont pas, pas nécessairement, si tu es ici en statut d'étudiante, ou en PVT, ou il y a plein de scénarios où les personnes qui sont domiciliées au Québec légalement, qu'elles n'ont pas accès à la RAMQ.

M. Jolin-Barrette : Mais, dans un cas, supposons d'étudiant, dans le fond, c'est une résidence, ce n'est pas domicilié, théoriquement, là.

Mme Legault (Jess) : Ah! bien, moi, je voyais dans la... Moi... c'est peut-être une compréhension différente dans le sens qu'ils sont ici pour...

M. Jolin-Barrette : Parce que, quand vous êtes, supposons, étudiant étranger, là, vous résidez, supposons, vous venez étudier, là, je ne sais pas, à l'Université de Sherbrooke, là, à Sherbrooke, vous résidez au Québec durant la période de vos études, bien, la loi fait en sorte que vous devez être domiciliés.

Mme Legault (Jess) : OK. Parfait.

M. Jolin-Barrette : Donc, dans le fond, le domicile, supposons, de la femme... de l'étudiante qui serait est à Sherbrooke, supposons que c'est une étudiante anglaise, bien, son domicile demeure en Angleterre, mais son... sa résidence... durant le moment où elle est au Québec, elle a un statut de résident, mais son domicile...

Mme Legault (Jess) : Demeure.

M. Jolin-Barrette : ...demeure dans son pays d'origine aussi. C'est... Puis, dans le fond, c'est une des conditions pourquoi est-ce qu'on a mis la notion de domicile puis pendant un an aussi. C'est pour être certain que la personne veuille demeurer ici, au Québec. On n'a pas pris le critère de la citoyenneté, on a pris le critère du domicile. Cependant, l'objectif est le suivant : ça fait que, théoriquement, les gens devraient être couverts par la RAMQ, à moins que vous nous souleviez d'autres exceptions qui est avec l'encadrement qu'on a mis dans le projet de loi.

Mme Legault (Jess) : On ne va pas parler de frontières en ce moment. Donc, on ne va pas... Je pense qu'il n'y en a pas d'autres, là.

Mme Lüthi (Gwendoline) : Non.

M. Jolin-Barrette : Bien, en tout cas, vous pourrez écrire à la commission pour nous dire également. Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions. Je vais leur céder la parole. Merci beaucoup pour votre passage en commission parlementaire.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.

Mme Bourassa : Oui. On va commencer avec une question plus pour faire connaissance. Je sais que ça date quand même de plusieurs années, mais. dans La Gazette des femmes, votre ancienne coordonnatrice générale, donc, mentionnait que vous aviez des sérieuses réserves à l'égard de la procréation assistée. J'aimerais savoir, à la base, avant de parler du GPA, votre position sur la procréation assistée.

Mme Legault (Jess) : Donc, c'est vrai que ça date, puis je pense que je sais... je ne sais pas si c'est la... si c'est la publication de 2014 ou de 2006, mais c'est vrai que ça nous prédate à nous deux. On a des... encore, je pense que la procréation assistée, il y a... on a des sérieuses questions à se poser sur la surmédicalisation et les taux de réussite qui sont assez bas comparés à le... l'effet que ça peut avoir sur le corps de la personne qui subit les traitements.

Et on défend toujours le libre-choix de chaque personne et le droit d'avoir ou de ne pas avoir d'enfant. Donc, à l'individu, on défend le choix, absolument, mais on a des questionnements et des réserves vis-à-vis la science qui est... tu sais, à ce moment-là où, certainement, qui n'était pas aussi avancée qu'aujourd'hui et qu'on n'avait pas nécessairement les études qui démontraient l'efficacité de ces traitements-là, mais c'était comme présenté aux familles comme une panacée qui... et ça donnait des faux espoirs. Donc, c'est... Je pense qu'on continue dans cette, peut-être, lignée là de pensée, de questionner puis de permettre l'autonomie de chaque famille, de faire leur choix, de personnes individuelles ou... mais c'est... je pense que c'est surtout dans cette veine-là.

Mme Bourassa : Donc, vous comprenez que, pour des personnes en situation soit médicale, des personnes stériles, ça peut sembler une des seules issues, la procréation assistée, parfois.

Mme Legault (Jess) : Absolument.

Mme Bourassa : Parfait. Parce que, dans le fond, cette pensée-là venait avec le fait que vous ne vouliez pas qu'il y ait une marchandisation du corps de la femme. Alors, la question des agences, la dame qu'on a vue ce matin, on a vu quelqu'un ce matin qui nous disait avoir assisté près de 1 000 dossiers, là, de procréation assistée. J'aimerais savoir, vous, est-ce que les agences, on les garde, on les interdit, on réglemente? Quelle est votre position face à ça?

Mme Legault (Jess) : Les agences?

Mme Bourassa : Les agences entourant la GPA?

Mme Legault (Jess) : Je ne connais pas assez... oui, je ne connais pas assez pour me <prononcer...

Mme Legault (Jess) : ...assez pour me >prononcer là-dessus.

Mme Bourassa : Vous n'avez pas statué.

Mme Legault (Jess) : Oui.

Mme Bourassa : Parfait. Désolée, j'ai plein de questions. Vous parlez de la pluriparenté, j'aimerais savoir : Est-ce que vous avez des études qui mentionnent que c'est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir une pluriparentalité?

Mme Legault (Jess) : Est-ce que moi, j'ai mentionné la...

Mme Bourassa : Bien, dans votre... encore une fois, c'est une publication qui date du 7 février 2023, de votre organisation, où vous défendiez un peu cette position-là.

Mme Legault (Jess) : Ah! c'est sur Facebook. Oui. Bien, nous autres, on se rallie à la position de notre membre... de nos membres, à la Coalition des familles LGBT. Donc, on soutient leur position sur ce point-là.

Mme Bourassa : Puis, selon vous, est-ce que vous avez, c'est ça, des documents qui montrent que c'est dans l'intérêt de l'enfant? Parce que, pour l'instant, bon, ce n'est pas dans dans les projets, justement, parce que ce n'était pas dans... Il n'y a rien qui prouve...

Mme Legault (Jess) : Ah! nous autres, on ne revendique pas que ce soit inclus dans le projet de loi n° 12. Donc, ce n'est pas... ça ne fait pas partie de ce qu'on avait préparé pour aujourd'hui. Oui.

Mme Bourassa : Parfait, merci.

Le Président (M. Bachand) :Du côté gouvernemental, M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mmes Legault et Lüthi. Vous étiez en train de faire le portrait de votre réaction très, on peut le dire, «féministe».

Mme Legault (Jess) : Ah! vous n'avez pas besoin de mettre des...

M. Lemieux : Non, mais je les mettais pour montrer que c'est... bon, sur l'ensemble du projet de loi. Nous, ça fait déjà un petit bout de temps qu'on est... qu'on est là-dedans, et il y a des positions fondamentales, on dirait même philosophiques, sur certains aspects qui ont plus d'écho dans la population. Évidemment, quand on regarde l'ensemble de l'oeuvre, l'ensemble du projet de loi, c'est pondéré, c'est modéré, c'est modulé, mais il y a quand même des choses qui frappent. Une des choses qui frappe, c'est... et vous, avez dit la «femme porteuse», parce que j'ai appris, ce matin, qu'il ne faut pas dire «mère porteuse», c'est femme porteuse, peut décider de se faire avorter si elle en a besoin. Elle peut aussi décider de garder l'enfant...

Mme Legault (Jess) : Oui.

M. Lemieux : ...jusqu'à 30 jours après la naissance. Ça, pour vous, c'est un peu, beaucoup, parfait, pas correct?

Mme Legault (Jess) : Moi, j'enlèverais le moratoire de sept jours, mais là, si on parle pour parler...

M. Lemieux : Oui, on est là pour jaser, là. Vous enlèveriez le moratoire de sept jours?

Mme Legault (Jess) : Parce que je pense que c'est d'avoir le droit de renoncer dès la... dès la naissance et dans... fini avec la chose devrait être une option, mais je ne l'ai pas inclus dans mes revendications. On ne l'a pas inclus parce que ça ne nous semblait pas... On voulait garder ça plus court, donc qu'on ne voulait pas non plus... Il y a d'autres choses qu'on rajouterait, mais, pour... le 30 jours, on n'a pas d'objection au 30 jours d'avoir le... mais j'enlèverais le moratoire de sept jours.

M. Lemieux : Aidez-moi à comprendre le comment ou le pourquoi du comment. Vous enlèveriez le sept jours, ça donnerait quoi de plus ou de moins?

Mme Legault (Jess) : Bien, moi, je me mets dans la place de quelqu'un qui vient d'accoucher, que j'ai déjà fait. Donc, j'ai... je me dis qu'il y a d'autres choses... tu sais, il y a plein... Tu sais, j'avais lu le projet de loi n° 2 et je vois qu'il y a eu des changements avec lesquels j'ai été très d'accord depuis. Donc, félicitations! Mais oui, le... moi, je me... le sept jours est resté, et, pour moi, je me dis, si j'étais dans cette situation-là, il y aurait plein d'émotions, il y aurait plein de... disons, ton corps vient de faire quelque chose d'extraordinaire, tu as besoin de te reposer et tu n'as peut-être pas le goût de ressortir après sept jours. Je ne sais pas, moi, je me dis que, si c'était possible de le faire à l'hôpital, ou à la maison de naissance, ou à la maison, ou «whatever» quand est-ce que tu accouches, je pense que ce serait une option qui pourrait être bénéfique pour certaines personnes, mais d'avoir l'option d'attendre aussi, c'est... Oui?

Mme Lüthi (Gwendoline) : Dans le fond, c'est pour donner plus de choix à la personne. Au lieu... pourquoi attendre sept jours alors qu'elle pourrait le faire tout de suite si elle le désire? C'est juste pour étendre le choix, en fait.

Mme Legault (Jess) : Oui.

M. Lemieux : Le faire au sens de garder l'enfant?

• (16 heures) •

Mme Lüthi (Gwendoline) : Non, au sens de...

Mme Legault (Jess) : Résilier, oui.

Mme Lüthi (Gwendoline) : Oui, donner...

M. Lemieux : D'accord. Donc, si... Bien, justement elle est dans... elle n'est pas en choc, parce que ce n'est pas un état de choc, mais elle est bouleversée, comme vous dites, son corps vient de faire quelque chose d'exceptionnel, ce n'est pas une bonne idée de dire : On va prendre sept jours, là, pour se calmer puis on va y penser?

Mme Lüthi (Gwendoline) : Si elle est accompagnée par un intervenant ou une intervenante psychosociale, tout au long de la grossesse et à la fin à l'accouchement, peut-être que ça peut être une très bonne idée de faire intervenir une personne à ce moment-là.

M. Lemieux : Il me reste combien de temps pour jaser, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) :...

M. Lemieux : Parfait. Deux autres trucs, vous avez dit — puis je reviendrai à la décision de garder l'enfant — vous avez dit : Il y a beaucoup d'autres détails ou, en tout cas, il y a des détails dans le projet de loi n° 2 qui ont été modifiés. Qu'est-ce qu'il y a d'autres dont vous ne nous avez pas parlé puis avez fait : «Yes!»

Mme Legault (Jess) : Ah! Là, je ne le sais plus, là, <attends...

>


 
 

16 h (version révisée)

<      Mme Legault (Jess) :...Là, je ne sais plus, là, >attends, je n'avais pas... Je n'ai pas comparé les deux lois, mais il y avait des points qu'on avait ressortis, quand on avait étudié le projet de loi n° 2, quand on est retournés pour relire le projet de loi n° 12, qui n'étaient plus là. Donc, il y avait des... mais là je ne me rappelle plus, là, si...

M. Lemieux : OK, mais ce n'est pas grave. Je voulais juste savoir s'il y a quelque chose en particulier qui vous avait intéressé. Êtes-vous de celles qui pensaient que, parce que, justement, le projet de loi n° 2 a été scindé, puis là on recommence, ça a fait du bien dans le débat... pas le débat, mais, dans le public, il y a eu comme une espèce de... ça a percolé un petit peu, on s'est fait à l'idée, parce qu'il y a des choses dedans qui ne sont pas évidentes, là.

Mme Legault (Jess) : Ah non! Nous autres, on a trouvé ça superévident. Ah! c'est possible, je n'y avais pas pensé, mais c'est sûr que, nous, ça fait depuis octobre 2021 qu'on en parle dans l'organisation puis qu'on essaie de trouver un moment pour aller chercher nos membres pour en discuter, mais, vous voyez, nos positions d'il y a 10 ans datent... 10, 15 ans, ça date. Donc, c'est un débat qui...

M. Lemieux : Mais la science aussi a...

Mme Legault (Jess) : Et la science a évolué.

M. Lemieux : Voilà.

Mme Legault (Jess) : La situation internationale a évolué. Donc, c'est comme... Nous, on voit ça comme un moment, un enjeu extraordinaire, autour duquel on peut vraiment venir réfléchir, et pas juste s'appuyer sur qu'est-ce qu'on a déjà fait, mais de vraiment, à la lumière d'aujourd'hui, remettre les choses en question.

M. Lemieux : Il me reste très peu de temps. Une dernière question, marchandisation, qui a été évoquée tout à l'heure, pour quelque chose dans le passé, là, est-ce que c'est une question qu'il faut se poser quand on pense au nombre de fois qu'une femme pourrait être une femme porteuse?

Mme Legault (Jess) : Oh là là! Vous avez dit que vous n'avez pas beaucoup de temps...

M. Lemieux : Non, mais vous êtes ici pour répondre à des questions difficiles.

Mme Legault (Jess) : Non, mais vous avez dit que vous n'avez pas beaucoup de temps.

M. Lemieux : Bien, je ne sais pas, vous regarderez le président, là, il va vous dire ça.

Mme Legault (Jess) : Non, mais je pense que la question se pose, mais c'est une raison pour laquelle on a de la difficulté avec la GPA à l'étranger, c'est qu'on n'a pas... Il y a certains éléments qu'on ne peut pas contrôler à l'étranger de la même façon qu'on peut contrôler ici, justement, de s'assurer que la personne fait un choix éclairé et fait un choix libre...

Mme Lüthi (Gwendoline) : Libre et éclairé.

Mme Legault (Jess) : ...oui, et bien informé. Donc, c'est... et on... La marchandisation, c'est une question qui ne fait même pas l'unanimité à l'intérieur de... bien, sur laquelle que moi... Même moi, j'ai de la difficulté, mais je reconnais l'agentivité des femmes et des personnes qui vont choisir ce choix et qui n'ont pas besoin d'être rémunérées pour le faire ou qui, justement, aimeraient être rémunérées. Donc, c'est un débat qui va continuer, j'ai l'impression.

M. Lemieux : Merci, mesdames.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci d'être là. J'aurai quelques questions.

Une question un peu plus générale, on en a parlé, mais, pour vous, dans l'ensemble, est-ce que, dans ce projet de loi, la loi devrait encadrer davantage la convention de grossesse pour la femme porteuse, pour la protéger davantage, pour ne pas qu'elle soit exploitée? On a parlé, par exemple, d'une question d'assurance. Si ça se fait par contrat, peut-être qu'il y en a qui vont le prévoir, peut-être qu'il y en a qui ne vont pas le prévoir. Est-ce qu'il faudrait aussi empêcher qu'il y ait un lien, par exemple, d'emploi entre le couple qui veut avoir, en fait, éventuellement, un enfant puis la mère porteuse pour la protéger? Parce qu'il peut y avoir des situations où la femme porteuse, évidemment, va se sentir... surtout si elle vient de l'étranger puis elle n'est pas citoyenne canadienne. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez des recommandations ou des suggestions qu'on pourrait, éventuellement, dans le cadre d'amendements à proposer au gouvernement, mettre en place pour la protéger davantage?

Mme Legault (Jess) : Bien, moi, je vais parler un peu puis... Pour moi, bien, j'en avais glissé un mot tantôt, c'est tout ce qui concerne l'agentivité de la personne ou de la femme gestatrice avant, durant et après la grossesse, donc, vraiment, toutes les questions médicales, les questions de son alimentation, de son taux de... niveau d'exercice et toutes les questions autour des saines habitudes de vie, on a de la misère, dans notre société, de laisser n'importe quelle personne enceinte faire ses propres choix. Tout le monde a une opinion sur tout, tout le temps. Une fois que tu as un bedon, voilà, tu es... place à l'opinion publique.

Donc, c'est très... c'est fort probable que les <parents...

Mme Legault (Jess) : ...c'est fort probable que les >parents d'intention aient une volonté de vouloir que leur enfant soit en pleine santé, tu sais, de mettre toutes les chances de leur côté, que les choses aillent bien, mais on ne peut pas mettre une situation où la personne enceinte ait des restrictions autour de ses activités qu'elle n'a pas décidées elle-même. Donc, c'est là où, dans la convention de GPA, j'aime... on aimerait voir qu'il y ait plus de... que ce soit clairement écrit que ces restrictions-là ne pourraient pas être incluses dans la convention.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Si on revient à la GPA, mais à l'étranger, est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait permettre ou interdire tout simplement? Parce que, quand on regarde la liste des autres États, bon, que ce soit aux États-Unis, en Europe, ailleurs, bon, très, très, très peu... je n'ai pas fait une liste exhaustive, mais j'ai besoin de votre conseil là-dessus, très, très, très peu offrent les mêmes avantages qu'au Québec. Donc, une fois que la personne, le projet a commencé, la convention est signée, la femme est enceinte, ça devient quasiment impossible. Je comprends que le but, c'est que le ministère va dresser une liste, mais l'équivalent n'existerait à peu près pas nulle part. Donc, c'est-tu quelque chose qu'on devrait permettre, parce qu'évidemment il y a peut-être des femmes qui vont se faire exploiter, ou simplement l'interdire?

Mme Legault (Jess) : Ça, c'est dur, mais, pour l'instant, je ne vois pas comment on peut faire la GPA à l'étranger en s'assurant qu'il ne va pas y avoir d'exploitation. Donc, c'est là la difficulté, parce qu'il y a plein de critères qui sont dans la loi, qui sont des critères qui pourraient, tu sais, aller jusqu'à la capacité d'une loi québécoise qui pourrait protéger à l'étranger, mais il y a des limites à qu'est-ce qu'on peut faire avec une loi québécoise, et c'est pour ça qu'on... je ne vois pas d'issue qui nous permet de dire : Voilà, dans ces États-là ou dans cette situation-là, on va être certaines que les personnes ne seront pas exploitées. Et, de la même façon qu'on ne peut pas absolument garantir à 100 % que les femmes et les personnes ici ne vont pas être exploitées, bien, j'ai l'impression qu'on a... la loi réduit assez les chances d'exploitation... les risques d'exploitation.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Et puis ça ne traite pas directement de la GPA, mais le projet de loi veut aussi tenter de résoudre toute la question de la responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle. C'est l'article 542.33, là, du projet de loi, sauf que, dans le projet de loi, la loi dit que ça va être finalement à la mère qui a été victime d'un viol, qui a gardé l'enfant, de demander, finalement, le paiement d'une indemnité, et puis il faut évaluer les besoins de l'enfant, de sa naissance jusqu'à l'atteinte de son autonomie.

Je comprends que la loi mentionne que, si c'est prouvé par la production d'un jugement, bien, on en reconnaît l'existence, mais ce n'est pas toujours le cas, parce qu'on sait que ce n'est pas toutes les femmes qui vont dénoncer qu'elles ont été victimes d'un viol. Est-ce que vous pensez que ça impose un fardeau... Je comprends ce que le législateur veut faire, mais est-ce que ça impose un fardeau trop lourd sur les épaules de la femme et est-ce qu'il n'y aurait pas moyen, peut-être, de la compenser autrement, que ce soit par une action étatique, plutôt que de l'obliger à faire toute cette preuve-là à la cour?

Mme Legault (Jess) : Je ne me sens pas équipée pour répondre à cette question-là. On est... C'est vraiment hors de notre champ d'expertise. Je suis vraiment désolée.

• (16 h 10) •

M. Morin : OK, parfait, puis je vous remercie. Merci beaucoup. Moi, M. le Président, je n'ai pas d'autre question. Je ne sais pas si ma collègue de Robert-Baldwin a des questions. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Ça va pour l'instant? Merci. Alors, M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre présentation. C'est vraiment apprécié.

Vous dites, dans votre deuxième recommandation, qu'il faudrait qu'un article soit ajouté au projet de loi pour clairement interdire la présence de restrictions dans la convention de gestation pour autrui qui pourraient brimer la pleine autonomie de la femme ou de la personne gestatrice avant ou pendant la grossesse et à l'accouchement. À quel... à quel scénario, par exemple, vous pensez? Puis comment est-ce qu'on pourrait, disons, réduire cette possibilité-là?

Mme Legault (Jess) : Bien, nous autres, on pensait justement... comme dans une conversation... une convention de GPA qui pourrait avoir... que les parents d'intention voudraient que la personne mange bio pendant toute la grossesse ou que la personne, à l'accouchement... va avoir un accouchement sans <médicament...

Mme Legault (Jess) : ...va avoir un accouchement sans >médicament ou avec une sage-femme versus un médecin. Tu sais, comme, il pourrait y avoir ces genres de choix là qui seraient, de préférence, selon certaines études ou... tu sais, comme, ils pourraient amener de la science pour décider si c'est ça qu'ils veulent pour leur enfant, et, si la personne est d'accord, tant mieux, mais ça ne peut pas être inclus dans une convention, étant donné que seule la personne enceinte a le droit de l'autonomie sur son corps.

M. Zanetti : OK, parfait, je comprends bien. Est-ce qu'il y a d'autres choses dont vous n'avez pas eu l'occasion de parler ou que... sur lesquelles vous n'avez pas pu développer suffisamment et que vous voudriez... sur lesquelles vous voudriez développer davantage?

Mme Legault (Jess) : Moi, j'ai une question à propos des... les prestations de RQAP pour les parents d'intention. En comparant le nombre de semaines pour les parents qui font une adoption versus les parents d'intention dans la GPA, il y a un 13 semaines de moins qui est qui donné aux parents d'intention à la GPA, puis je sais qu'il y a le 18 semaines qu'il y a... accordé à la mère, à la personne gestatrice, mais c'était un questionnement, pourquoi les parents d'intention ont moins de semaines.

M. Zanetti : OK, bien, je ne peux pas vous répondre, mais je suis content quand même...

Mme Legault (Jess) : Non? Je fais juste lancer ça.

M. Zanetti : Je vais transmettre votre question, puis on aura les échanges à ce sujet-là. Je vous remercie beaucoup. Si vous avez d'autres choses à ajouter, allez-y. Sinon, bien, moi, ça va être... ça va faire le tour.

Le Président (M. Bachand) :Alors, écoutez, merci beaucoup. Merci infiniment d'avoir été avec nous.

Alors, je vais suspendre les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 13)

(Reprise à 16 h 17)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre s'il vous plaît! la commission reprend ses travaux. Alors, il me fait plaisir d'accueillir les représentantes de l'organisation Pour les droits des femmes du Québec. Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Alors, je vous cède la parole. Comme vous le savez, c'est 10 minutes de présentation, et je vous invite d'abord à vous présenter.

Alors, la parole est à vous. Merci.

Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec)

Mme Houle (Alexandra) : Parfait. Merci. Nous vous remercions pour cette invitation. Je me présente, je m'appelle Alexandra Houle. Je suis accompagnée de Michèle Sirois et d'Athena Davis.

La question des mères porteuses nous tient à cœur car la mission principale de Pour les droits des femmes du Québec, aussi appelée PDF Québec, est la défense de la dignité des droits des femmes. Avec les grossesses pour autrui, auxquelles nous nous référons avec l'acronyme mieux connu de GPA, c'est aussi la défense des droits des enfants qui nous préoccupe. Nous avons tous vu ces articles dans les médias, qui se plaisent à raconter les histoires de couples populaires ayant choisi la GPA plutôt que l'adoption. Le journal La Presse révélait cette semaine que cette industrie génère des milliards de dollars et est en expansion.

L'industrie de la GPA est un commerce international qui rémunère des mères porteuses influenceuses sur les réseaux sociaux. Celles-ci font la promotion d'un soi-disant mode de vie très glamour des mères porteuses auprès d'un public de jeunes femmes influençables au Québec et ailleurs. Rares sont les médias qui vont voir la réalité des mères porteuses géorgiennes, ukrainiennes, colombiennes ou kényanes. Elles n'ont pratiquement pas le droit de critiquer ou dénoncer les problèmes de l'industrie. Elles sont réduites au silence par des clauses de leur contrat. C'est sur les réseaux sociaux qu'elles prendront la liberté de documenter leur vie de mère porteuse. Elles s'exprimeront sur les ravages des traitements médicaux qui leur sont imposés, de l'impact psychologique de l'abandon de leur bébé et sur les situations de harcèlement qu'elles vivent au quotidien de la part des clients qui commanditent le bébé à naître.

Pourquoi le marché de la GPA existe-t-il? La réponse réside dans le désir d'avoir des enfants qui ont un lien génétique avec le père. C'est, en réalité, une idée aussi vieille que le patriarcat. On désire des enfants pour assurer sa descendance. C'est la même idée que la série télévisée des Servantes écarlates, mais avec l'aide de la technologie. Du désir d'enfant, on glisse facilement vers le droit à l'enfant, même si tout le monde s'en défend. En effet, les gens ressentent une véritable compassion envers les personnes ou les couples qui souffrent du fait de ne pas avoir d'enfant. Le lobby de la GPA milite actuellement pour faire reconnaître le concept d'infertilité sociale. De cette façon, la GPA serait le remède à cette infertilité.

• (16 h 20) •

L'article 541 du Code civil du Québec a été inscrit dans la loi par Gil Rémillard, ministre libéral de la Justice et juriste reconnu. Il disait : «Ce que nous voulons faire respecter comme principe, c'est qu'on ne peut pas vendre son corps pour la gestation, pour faire un enfant.» Présumer un droit à l'enfant est porteur de dérives vers une marchandisation des êtres humains. Nous sommes, nous aussi, touchés par l'infertilité et les souffrances que celle-ci peut causer. Cependant, le désir des uns, aussi valide qu'il soit, ne peut pas avoir comme conséquence la transformation de l'enfant en objet plutôt qu'en sujet.

Nous vous invitons à voir la réalité de la GPA en visitant le site Web d'une agence de procréation assistée. On peut y passer une commande d'un enfant dont les caractéristiques sont choisies, une sorte d'enfant à la carte, et on ajoute le produit sélectionné au panier comme une marchandise. Nous vous invitons aussi à prendre connaissance d'exemples réels des dérives de la GPA dans les pays qui ont tenté de l'encadrer, les cas d'enfants commandés et remis à des criminels et des pédophiles, des exemples de commandes de multiples enfants 12, 21, voire plus, des cas d'enfants abandonnés en orphelinat parce qu'ils ne sont pas conformes aux attentes des clients. D'ailleurs, en 2018, la <moitié...

Mme Houle (Alexandra) : ...D'ailleurs, en 2018, la >moitié des enfants en orphelinats en Ukraine étaient des enfants rejetés de la GPA.

Si nous inscrivons dans la loi le principe d'un contrat notarié pour obtenir un enfant, nous acceptons que l'enfant soit un objet de contrat. Il faut maintenir la nullité de tout contrat qui tenterait d'établir par une entente entre adultes l'obtention d'un enfant. PDF Québec se propose d'inscrire clairement dans la loi québécoise que le droit à l'enfant n'existe pas, n'a jamais existé et ne souffre d'aucune exception. PDF Québec propose de maintenir l'article 541 actuel, propose des bonifications de cet article pour protéger les enfants et les femmes des dérives les plus flagrantes de la GPA et propose un moratoire sur toute disposition législative ouvrant la porte à la GPA. Nous sommes convaincus que le ministre a véritablement l'intérêt de l'enfant à cœur. Malheureusement, dans le cas de la GPA, il nous semble qu'il considère l'intérêt de l'enfant seulement quand celui-ci a été remis à ses commanditaires, ces étrangers qui se disent ses parents.

Notre mémoire expose la réalité de l'industrie de la GPA. C'est une industrie transnationale qui met de l'avant une gestation qui n'aurait rien à voir avec la maternité. Les liens entre le fœtus et la mère sont niés. Les psychologues des agences aident les femmes à se dissocier du bébé, au mépris de toute considération pour leur santé psychologique et de l'effet de cette dissociation sur l'enfant à naître. Où est l'intérêt de l'enfant d'être séparé de sa mère à la naissance?

Des recherches menées par... sur 150 000 enfants séparés de leurs mères célibataires en Australie, dans les années 50 à 80, font un constat de la souffrance vécue par les enfants brutalement privés de leur mère. Un enfant ne comprend pas un contrat, mais il ressent l'abandon. Gabor Maté, un médecin spécialiste dans le traitement des addictions et du trauma, déclare qu'avec l'adoption à la naissance vous ressentez une peine immense, même si les parents adoptifs sont dans la salle d'accouchement. Comment en sommes-nous arrivés là? Comment arriver à glorifier la capacité d'une mère de donner son enfant après avoir vécu les années où l'Église, au Québec, séparait les bébés des filles-mères?

Le projet de loi n° 12 adopte le point de vue de l'industrie de la GPA. D'autres pays ont choisi de se battre contre la marchandisation des femmes et des enfants, comme la Suisse, qui a simplement inscrit dans sa Constitution fédérale : «Le don d'embryons et de toutes les formes de maternité de substitution sont interdits.» Le comité consultatif sur la réforme du droit de la famille présente la GPA comme un phénomène inéluctable, notamment pour répondre au problème d'hommes gais qui ne peuvent pas avoir d'enfant par un autre moyen.

La juriste Suzanne Guillet a posé sa dissidence. Elle voyait clairement, il y a presque 10 ans de cela, les problèmes posés par le commerce international. Elle écrivait : «Il apparaît que, peu importent les circonstances, le contrat de mère porteuse serait au-dessus de toutes les lois, vu le droit absolu de l'enfant à sa filiation. La recommandation de l'ajout de "sans autre considération ni toute autre considération éthique", notamment la commercialisation qui a présentement cours, permettra l'aveuglement de la communauté juridique sur tout ce phénomène de commercialisation. On érige en droit absolu pour tous le désir d'avoir un enfant par tous les moyens mis à leur disposition car, peu importent les circonstances, la filiation de l'enfant sera reconnue à l'égard des parents d'intention.»

Nous sommes d'accord avec Me Guillet et nous regrettons que le comité ait choisi la voie de l'encadrement de la pratique, encadrement extrêmement souple, qui va ouvrir la voie aux GPA commerciales. Le projet de loi n° 12 permettrait à des étrangers d'obtenir des bébés faits au Québec et aux Québécois de se faire faire des bébés à l'étranger, ce qui va ouvrir la porte à tous les abus du commerce de la GPA. Nous regrettons que le ministre ait choisi d'ouvrir la voie à la GPA transfrontalière. Nous ne sommes pas rassurées par l'affirmation que seuls les États qui auront reçu l'aval du gouvernement du Canada ou d'un ministre québécois pourront être acceptés.

Malgré les nombreux scandales rapportés dans des pays comme l'Inde, la Thaïlande ou le Népal, le ministère canadien des Affaires étrangères collaborait pour aider les citoyens canadiens à obtenir des enfants par GPA dans ces pays. Les organisations internationales, les chercheurs et journalistes d'enquête qui travaillent sur ce sujet écrivent que la GPA transnationale est la négation de toute tentative de régulation et d'encadrement de la GPA par les États. Le Québec et le Canada n'ont, en réalité, aucun contrôle sur les conditions de production des enfants qui seraient destinés à leurs citoyens.

Le projet de loi n° 12 impose la gratuité, alors que ce concept n'est pas applicable en réalité. Les agences encouragent les femmes à demander des remboursements pour une multitude de choses. Le remplacement du revenu est très large, des sommes d'argent transitent par des comptes étrangers, des cadeaux sont faits et, bien sûr, il y a des paiements au noir.

Le projet de loi suppose le consentement de la <mère...

Mme Houle (Alexandra) : ...le consentement de la >mère lorsqu'elle a une rencontre d'information avec un professionnel et qu'elle signe un contrat. La mère porteuse de l'étranger n'a évidemment pas droit à cette rencontre, mais elle signe aussi un document pour indiquer son consentement. Aucune réflexion n'est offerte sur la possibilité qu'une femme puisse participer à sa propre exploitation ou la possibilité qu'une femme puisse consentir pour l'enfant, un autre être humain pourtant porteur de droits.

PDF Québec formule plusieurs propositions pour condamner fermement la GPA commerciale et pour établir des sanctions pour les contrevenants à ce principe. PDF Québec propose de faire une analyse complète de la pratique de la GPA, incluant l'analyse du commerce, une analyse différenciée selon les sexes, une analyse de l'intérêt de l'enfant à être produit sous un tel contrat, etc. Nous pensons qu'il existe en réalité un consensus au Québec contre l'exploitation des femmes et la marchandisation des enfants. Ceci n'est pas une question partisane, mais une question de droits humains.

M. le ministre, membres de la commission et députés du Québec, vous êtes le dernier rempart pour la protection des enfants et des femmes du Québec. Nous vous demandons instamment de compléter l'analyse du comité consultatif et de ne pas précipiter le Québec dans les bras d'une industrie qui exploite la vulnérabilité des femmes et ignore totalement la vie des enfants. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Mme Davis, Mme Houle, Mme Sirois, bonjour. Merci d'être présentes à l'Assemblée nationale pour exposer le point de vue de PDF Québec sur le projet de loi n° 12.

De ma compréhension, c'est qu'idéalement vous souhaiteriez qu'on interdise complètement la grossesse pour autrui. C'est bien ça?

Mme Sirois (Michèle) :Est-ce que vous croyez... Je vais vous renvoyer une autre question à votre question. Est-ce que vous êtes sûrs que vous allez contrôler... qu'il y aura vraiment... Vous avez mis «gratuité» et «consentement». Est-ce que vous allez pouvoir garantir aux citoyens que, oui, vous avez tous les instruments en main pour garantir la gratuité et le consentement éclairé? Alors, nous, si vous pouvez garantir ça pour les années à venir, on va réfléchir à ça, mais, pour l'instant, M. le ministre, on ne voit pas comment vous allez pouvoir le faire quand, actuellement, le gouvernement canadien a une loi depuis 2004, et il ne peut pas la faire appliquer, ou il ne veut pas, on ne le sait pas, mais on constate qu'elle n'est pas appliquée. Donc, on a des garde-fous, des clignotants jaunes et orange qui disent «danger».

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Oui, allez-y.

Mme Houle (Alexandra) : Oui, parfait. On a aussi constaté que, dans les pays qui ont tenté de légiférer la GPA, ça n'a pas plus fonctionné, il y a quand même des dérives. Par exemple, la Géorgie ont... c'est légal, la GPA, là-bas, mais la qualité de vie des mères porteuses est horrible, là, c'est des femmes qui sont devenues mères porteuses par défaut. Oui, elles consentent à devenir mères porteuses, mais est-ce qu'elles ont d'autres options? Ce sont des femmes qui sont victimes de violence conjugale, qui ont plusieurs enfants à charge, qui fuient un mari violent, puis les agences de GPA, là-bas, leur proposent un logement puis tout le kit, là. Donc, c'est sûr que, même si on essaie de légiférer, il n'y a rien qui empêche à cette industrie-là de se poser comme dans d'autres pays, là.

• (16 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Un des objectifs que nous avons, c'est véritablement l'encadrement puis, justement, éviter ce que vous souhaitez éviter vous aussi, soit la marchandisation du corps de la femme. Moi, je me retrouve, comme ministre, dans une situation où, actuellement, au Québec, j'ai des enfants, à chaque année, qui naissent issus d'un projet parental, d'un projet de grossesse pour autrui. Les enfants qui naissent de ces projets-là se retrouvent à ne pas avoir les mêmes droits que les enfants issus de la procréation naturelle. On est dans une situation où ça existe. Soit qu'on se ferme les yeux puis qu'on laisse les choses aller depuis des années et des années...

Vous faisiez référence au fait que Gil Rémillard a mis, dans le Code civil, en 1991, le fameux article qui fait en sorte que les contrats sont nuls de nullité absolue, mais la réalité a changé aussi, parfois. À l'époque, on ne reconnaissait pas les familles homoparentales. Maintenant, c'est reconnu dans notre droit. Alors, la situation change, et je pense que le droit doit s'adapter aussi pour protéger les mères porteuses puis protéger les enfants. Puis, je suis d'accord avec vous, on ne veut pas des situations qui se produisent, comme dans d'autres États dans le monde, où est-ce que les femmes sont considérées comme de la marchandise, comme uniquement un récipient, et c'est pour ça qu'on essaie de mettre un encadrement qui fait en sorte, justement, que le consentement, il est libre et éclairé, que ça va être présent devant un notaire. C'est lui qui va faire la convention notariée pour s'assurer qu'il y ait <absence...

>


 
 

16 h 30 (version révisée)

<15359 M. Jolin-Barrette : ...un notaire. C'est lui qui va faire la convention notariée pour s'assurer qu'il y ait >absence de vulnérabilité de la mère porteuse puis qu'elle puisse avoir l'entière autonomie de son corps.

Alors, moi, je suis ouvert aux suggestions pour, justement, protéger les mères porteuses, mais je pense que si on ne vient pas encadrer, si on ne vient pas légiférer... C'est un phénomène qui existe présentement. Alors, lorsque vous me dites : Pouvez-vous garantir qu'il y aura... que vous serez en mesure d'évaluer le consentement, bien, je vous dirais, les deux chemins que nous utilisons, la voie légale, qui est par convention notariée, et la voie judiciaire, subsidiairement, si ce n'est pas l'un, si ce n'est pas l'autre, ce qui se passe actuellement, avec le consentement spécial, ça ne se pourra plus, là, il y a un verrou des deux côtés. Ça fait que tout le monde, au Québec, qui va vouloir avoir recours à la grossesse pour autrui, va savoir que, si vous ne respectez pas ces paramètres-là d'ordre public, bien, vous ne pourrez pas avoir l'enfant issu de votre projet parental aussi. On essaie d'encadrer le plus possible, justement, pour éviter la vulnérabilité des femmes. Mais je suis ouvert aux suggestions pour encadrer davantage.

Le Président (M. Bachand) : Allez-y.

Mme Sirois (Michèle) :Vous parlez d'une situation où l'industrie... Parce qu'on voit, pour l'instant, seulement des projets individuels, hein, des parents qui rêvent d'enfants, qui s'en vont, éventuellement, chez un notaire. Mais ce qu'on ne voit pas, c'est l'industrie qui est derrière et qui est à l'oeuvre depuis de nombreuses années. C'est-à-dire que, depuis au moins une dizaine d'années, sinon plus, la stratégie du fait accompli et, je dirais, le manque de courage des juges qui ont accepté de reculer sur les lois puis de dire : Bon, cet enfant, il ne devrait pas... ne devrait pas avoir... reconnaître la filiation, ils ont cédé, et il y avait une stratégie, c'était évident, la stratégie du fait accompli. Et je trouve dommage qu'à cause de ces cas, qui se sont multipliés et que les juges ont laissé se multiplier... que le gouvernement n'ait pas mis la fin de... une fin de non-recevoir à cette pression d'une industrie qui existe à travers le monde et pour dire non à la GPA.

Là, on est pris avec, effectivement, des enfants. Nous, vous avez vu, c'est dans notre mémoire, on avait une solution. C'est-à-dire que les parents qui commandent... des clients, plutôt, qui commandent des enfants, ils n'ont jamais eu d'évaluation de leur capacité parentale, comme c'est le cas pour les enfants... les parents pour... adoptifs. Mais les seules évaluations qu'il y a, c'est une évaluation financière : Ont-ils les capacités de payer? Ah! s'ils ont les capacités de payer, c'est OK. Nous, on dit : Oui, l'enfant a droit à une filiation, comme tous les enfants, ils ont le droit, ils ne peuvent pas rester comme orphelins. Mais qui sont les meilleurs parents? Les parents qui ont des sous ou les parents qui ont été évalués pour leurs capacités financières? Eh bien, ça en serait une, des solutions. Cet enfant, au lieu de dire : Vous avez contourné la loi qui disait de ne pas payer de mère porteuse et à l'étranger et ici, il y a des moyens aussi, eh bien, au lieu de ça, au lieu de les récompenser, de dire : Bien, OK, d'abord, vous avez fait un enfant, c'est la stratégie du fait accompli. Eh bien, l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est d'être avec la personne qui l'a commandé, comme un... qui a passé un contrat. Même si le contrat est notarié et qu'on veut appeler ça une convention, c'est quand même un contrat. Et est-ce que c'est l'intérêt supérieur de l'enfant? Et... bien, moi... nous, nous disons que non, et ce n'est surtout pas l'intérêt des femmes qui deviennent un instrument de production.

Alors, le consentement éclairé, là, eh bien, on pourrait en reparler, mais il y a beaucoup d'éléments qui montrent que les femmes disent une chose officiellement et, quand elles sont sur leur Facebook, elles montrent qu'elles sont déprimées, qu'elles ont eu un gros choc émotif à laisser l'enfant. Alors, où est le consentement éclairé?

M. Jolin-Barrette : Mais je... je... je comprends votre appréhension, puis c'est pour ça... puis c'est un sujet très sensible puis au niveau éthique également, j'en conviens. Sauf qu'on cherche une voie de passage, justement, pour faire en sorte qu'on puisse répondre à la réalité aussi. Qu'est-ce qu'on fait avec un enfant qui naît? Supposons, là, que les contrats sont... demeurent nuls de nullité <absolue...

M. Jolin-Barrette : ...demeurent nuls de nullité >absolue, puis qu'on interdirait complètement... on interdisait, on le remettrait à la protection de la jeunesse, l'enfant. Alors... Bien, c'est une question que je pose. Je vous donne des cas d'exemple : des gens qui ont des cancers, qui deviennent infertiles et qui ont recours à une mère porteuse, et même, dans l'éventualité, il y a différents scénarios où c'est de la procréation amicalement assistée. Est-ce que ça aussi...

C'est beaucoup des valeurs éthiques. Je comprends votre sensibilité par rapport à la marchandisation du corps de la femme, j'en suis, et c'est ce qu'on essaie de faire le plus possible dans le projet de loi. Mais la réalité, c'est que... Me Brown, qui est venue tantôt, nous a dit : J'ai fait des milliers de contrats depuis 1984, des milliers à elle seule. Alors, il y a plein d'enfants qui se retrouvent avec pas le droit à la connaissance de leurs origines, pas leur filiation, puis nous, on est là, on sait que le phénomène se produit. Notre capacité d'intervention, elle est légale. Alors, en dirigeant vers des voies bien verrouillées pour dire que l'adoption spéciale, maintenant, sur consentement spécial, ne sera plus possible, bien, ça force les parents d'intention à avoir un projet parental qui va être encadré.

Dans le fond, on est en train non pas de favoriser, non pas d'encourager la grossesse pour autrui, mais on vient le baliser dans le souci qu'à la fois la mère porteuse et l'enfant, si c'est un projet qui va de l'avant, ce soit fait d'une façon qui soit éthique, qui soit au vu et au su de tous et que la mère porteuse ne se retrouve pas dans une situation isolée. C'est ça, notre objectif que nous avons, mais je comprends que vous avez des suggestions pour nous.

Mme Davis (Athena) : Oui. Alors, deux choses, pour l'encadrement, il semble y avoir plusieurs modèles dans le monde. Il y a un modèle d'interdiction, la France, l'Italie, l'Espagne, la Suisse, etc., les pays nordiques, il y a un modèle d'interdiction qui existe. Il y a un modèle d'encadrement, ces modèles d'encadrement sont plus ou moins souples, et il y a aussi des États qui ne disent rien, tout simplement.

Le Québec semble faire le choix d'un encadrement et, de surcroît, un encadrement très souple qui, par exemple, consacre la possibilité d'avoir des mères porteuses à l'étranger. Dès lors... on a entendu les intervenantes avant, dès lors que vous avez des mères porteuses à l'étranger, soyons clairs, nous perdons le contrôle. À l'étranger, ce sont des mafias locales, ce sont des cliniques étrangères, ce sont des groupes étrangers, ce sont des intérêts étrangers, il y a des femmes migrantes, il y a des femmes prostituées qui sont prises pour les GPA, il y a toutes sortes de cas de figure.

Et avec toute la bienveillance qu'on peut avoir au Québec et notre volonté de protéger les femmes, il est impossible de protéger une mère porteuse à l'étranger pour un législateur québécois. Dès lors que vous ouvrez le projet PL n° 12 à la mère porteuse à l'étranger, on est dans le commerce. C'est pour ça que je dis «souple». Si vous vouliez vraiment avoir un modèle d'encadrement restrictif, la première des choses à faire, c'est de ne pas avoir de mères porteuses à l'extérieur du Québec, c'est aussi de ne pas avoir de clients à l'extérieur du Québec. Déjà, ça mettrait un encadrement beaucoup plus strict.

Pour revenir à votre question initiale, M. le ministre, PDF Québec, comme organisation, pense effectivement que la GPA, le concept même de la GPA, qui nie la maternité et qui nie les droits de l'enfant, n'est pas une bonne chose et qu'on devrait l'interdire.

• (16 h 40) •

Ce n'est pas, cependant, ce que nous vous proposons dans ce mémoire. Nous vous proposons de garder l'article 541 qui, on le sait... c'est le statu quo actuel, donc il y a des GPA qui se font au Québec sous 541. Nous vous proposons tout de même... il y a trois de nos recommandations qui proposent de bonifier un petit peu 541. Et surtout nous vous proposons de faire un moratoire et de faire des analyses réelles de la situation dans le monde, du commerce, une analyse éthique et non pas juste juridique parce que... Probablement que le comité consultatif avait le mandat de faire une analyse essentiellement juridique. Nous pensons qu'il faut faire une analyse éthique, à la limite philosophique, sociale sur le phénomène de la GPA.

Un mot sur les familles homoparentales, parce que j'en suis, j'ai adopté ma fille avec ma conjointe à l'époque. Elle est arrivée d'Haïti dans les premiers avions après le tremblement de terre. J'ai bien connu... Et je suis tout à fait empathique vis-à-vis du désir d'enfant d'une famille qui ne peut pas en avoir. Bon, pour tout vous avouer, j'étais un peu trop vieille aussi pour en avoir moi-même, donc on était... on ne pouvait pas en faire, même si on était un couple de femmes. Et donc je comprends tout à fait le <désir...

Mme Davis (Athena) : ...comprends tout à fait le >désir, je comprends tout à fait la souffrance de renoncer à avoir un enfant, ça aurait été très difficile. Nous avons choisi l'adoption.

Et je peux vous dire sincèrement, et je ne suis pas la seule de la... enfin, je dis, de la communauté homosexuelle, je ne suis pas sûre qu'il y ait une communauté homogène, mais, bon, je ne suis pas la seule à dire que je suis contre la GPA. Vous verrez dans notre mémoire que... nous vous citons Gary Powell, qui est un... un homosexuel anglais qui lutte contre la GPA, Susan Hawthorne, qui écrit contre également. Donc, ce n'est pas vrai que c'est un... une demande universelle de la communauté homosexuelle. Nous reconnaissons que certains d'entre nous le... oui, font du lobby, et d'autres reconnaissent que c'est une exploitation de la femme et que ce n'est pas acceptable pour l'enfant.

Je connais tout du syndrome d'abandon parce que j'ai adopté une fille. Elle a été séparée de sa mère. Donc, j'ai été formée et informée là-dessus par Dr Jean-François Chicoine, que probablement beaucoup de gens connaissent ici, Johanne Lemieux aussi, qui est une sommité québécoise sur l'adoption. Je n'aurais jamais voulu imposer une GPA à un enfant. L'adoption est un... est un... un mécanisme humain pour sauver des enfants de crimes, de catastrophes, de guerres, etc., c'est normal. La GPA, c'est un crime organisé, c'est... c'est l'abandon organisé, programmé d'un enfant par contrat. Et effectivement, là, nous serons contre.

Mais, si nous faisons un moratoire et un vrai débat dans la société québécoise et de vraies analyses, nous aurons notre... notre... nous présenterons notre point de vue, d'autres groupes présenteront leur point de vue, et nous pourrons, je pense, prendre une décision beaucoup plus éclairée à l'avenir entre interdiction totale, encadrement, type d'encadrement. La suite, on verra. C'est ça qu'on vous propose, de refaire nos devoirs.

Je finis en vous disant que le rapport du comité consultatif date déjà d'il y a 10 ans. Et je pense que les intervenantes qui ont parlé tantôt disaient : Il y a beaucoup de choses qui ont changé depuis 10 ans, des pays qui ont fermé à la GPA, des abus qui ont été découverts. Tout le monde sait ce qui s'est passé en Ukraine. Je pense qu'on devrait peut-être refaire nos devoirs avant de plonger dans une... dans un projet de loi pour changer toute la loi de la filiation au Québec.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Il reste quelques secondes. Commentaires?

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Vous m'aviez dit, Mme Sirois : On n'a pas été invitées sur le projet de loi n° 2, mais maintenant vous l'avez été sur le projet de loi n° 12, alors vous avez pu vous exprimer.

Mme Sirois (Michèle) : Et je vous remercie.

M. Jolin-Barrette : Ça fait plaisir.

Le Président (M. Bachand) :Bon, merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, monsieur...

Le Président (M. Bachand) :Oui, monsieur...

M. Zanetti : ...que dire : La GPA est un crime organisé est quelque chose comme prêter des intentions indignes à des gens, ça fait que, peut-être, si on pouvait juste...

Le Président (M. Bachand) :Oui, mais je pense que... c'était quand même un commentaire général, on n'a pas associé ça à un groupe très, très, très spécifique, alors je vais laisser aller. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Oui. Bien, très brièvement, la position de PDF Québec a été exprimée très clairement. Je vous remercie d'avoir été là, c'est très clair. Donc, je n'ai pas de question, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Alors, M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Merci. Merci pour votre présence. Votre point de vue, je pense, est... par, disons, son originalité, important au débat. Vous parlez souvent de l'intérêt de l'enfant comme étant la chose qui est, au fond, le socle, hein, puis je suis parfaitement d'accord avec vous là-dessus, puis je pense que tout le monde est d'accord, l'intérêt de l'enfant est l'affaire la plus importante au monde. Comment le définissez-vous?

Des voix : ...

Mme Sirois (Michèle) :Première chose, je ne qualifierais pas la position de PDF Québec d'originale, mais on est conscients qu'on est à contre-courant, OK? Il y a une différence. On ne cherche pas l'originalité, on cherche à... justement, que les droits des enfants...

L'article 35 de la Convention internationale des droits de l'enfant dit que, sous aucune forme, un enfant... il ne peut pas y avoir de traite, de vente d'enfants, etc., sous quelque forme que ce soit. C'est pour ça, nous autres, entre autres, cet article, il est si important et se retrouve dans notre mémoire. Je pensais que, tout à l'heure, c'était ce à quoi vous faisiez référence par l'article 35. Eh bien, on s'aperçoit que ce ne sont pas les personnes qui sont remplies de bonnes intentions, en plus de désirs et de rêves... On comprend la situation. Sauf que, derrière ça, il existe un marché qui est prévu pour 2030, c'est-à-dire d'ici 7 ans, 130 milliards de <dollars...

Mme Sirois (Michèle) : ...7 ans, 130 milliards de >dollars. Il y a des intérêts énormes en arrière, qui sont prêts à aller partout. Et on voit que tous les pays qui ont ouvert la porte aux étrangers qui sont venus faire des GPA, exemple, en Inde ou en Thaïlande, au Népal, et autres, eh bien, ça a dérivé. Et les portes se ferment. Quand on dit oui, la porte se ferme parce que les scandales arrivent.

Et moi, là, je me dis : Est-ce que j'aimerais être associée aux scandales qui s'en viennent, parce que pourquoi on ferait exception? L'intention est bonne d'encadrer, je suis sûre de la bonne foi de toutes les personnes qui y ont pensé. Mais, quand on sait les rapports de pouvoir, les rapports... une industrie qui peut être prédatrice et qui... Prenons l'exemple de l'Inde, quand les scandales sont arrivés, qu'est-ce qu'on fait? Ils ont dit : On ferme l'accès aux étrangers. Et qu'est-ce qu'elles ont fait, les entreprises qui faisaient les cliniques, et autres? Elles sont allées au Kenya. Elles vont déménager. Mais, entre-temps, il va y avoir beaucoup de personnes qui vont souffrir.

Et je pourrais finir avec le dicton qui dit : L'enfer est pavé de bonnes intentions, mais, pire que ça...

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci. Je vais céder la parole, parce que le temps...

Mme Sirois (Michèle) :Est-ce que je pourrais juste finir ma phrase?

Le Président (M. Bachand) :Rapidement, oui.

Mme Sirois (Michèle) :Mais l'enfer... Le problème, avec les bonnes intentions du projet de loi n° 12, c'est que c'est l'enfer des autres qu'on est en train de paver. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Je comprends. Je réitère ma question parce que je pense qu'elle va être cruciale dans le débat de société qu'on va avoir. Parce que vous affirmez, tu sais, assez solidement, à plusieurs reprises, mettons : Ça, c'est dans l'intérêt de l'enfant, ça, ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant. Qu'est-ce qu'est l'intérêt de l'enfant, pour PDF?

Mme Houle (Alexandra) : Bien, je vous répondrais par cette question : Quel est l'intérêt de l'enfant à être séparé de sa mère à la naissance?

M. Zanetti : Une question n'est pas une réponse. Quel est l'intérêt de l'enfant?

Le Président (M. Bachand) :...s'il vous plaît, dans le respect. Oui, allez-y, M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Exact. Bien, je veux juste... Une question ne sera pas utile pour nous dans nos débats. Donc, si vous avez une définition de l'intérêt de l'enfant, j'aimerais ça.

Mme Davis (Athena) : Écoutez, je vous invite à lire les écrits de Dr Chicoine, de Johanne Lemieux. Un enfant n'a aucun intérêt à être séparé de sa mère à la naissance, à 10 jours, à 20 jours, à 30 jours, à deux ans, aucun intérêt. Cela crée un choc d'abandon, ça a des conséquences sur l'adulte tout au long de sa vie. Nous avons d'innombrables études sur ce sujet. Nous n'avons pas besoin de recréer ces blessures et ces chocs d'abandon à des bébés québécois pour savoir ce que ça va donner. Tout est déjà documenté dans la littérature, en psychologie, dans la littérature sur l'adoption médicale, etc.

Donc, vous avez des gens qui sont beaucoup plus susceptibles de se suicider. Au Danemark, une étude danoise va dire que 17 % de ces enfants-là... il y a 17 % de plus de suicides des adolescents séparés de leurs parents... de leur mère, parce que, bon, c'est sûr que le père, il y a toujours une présomption, mais on va dire séparés de la mère. Il y a des problèmes médicaux extrêmement importants. Ils ne vivent pas l'abandon de la même manière que les autres personnes parce qu'ils ont déjà été abandonnés.

En plus, ces bébés de la GPA sont souvent abandonnés plusieurs fois parce qu'ils sont abandonnés à la naissance, mais il y en a beaucoup qui restent dans les limbes, coincés, que ce soit en Géorgie, en Ukraine, au Kenya, ici. Il y a une... Je pense qu'il y a un bébé de la GPA qui était destiné à des clients français qui est resté au Québec pendant deux mois, donc il a été abandonné plus tard. Il y a des enfants qui sont en crèche et en orphelinat qui sont abandonnés à plusieurs reprises. La littérature va nous dire, encore une fois, que plus un enfant subit de nombres d'abandons, plus le traumatisme est grand.

Alors, oui, l'intérêt de l'enfant, il n'est jamais d'être séparé de sa mère qui l'a porté.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

Mme Davis (Athena) : Et, comme disait Michèle...

Le Président (M. Bachand) :M. le député, oui.

Mme Davis (Athena) : ...il n'est certainement pas l'intérêt d'être vendu...

Le Président (M. Bachand) :Le temps va rapidement. Désolé. Il faut que les réponses soient plus courtes, s'il vous plaît.

Mme Davis (Athena) : Excusez-moi. Allez-y.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Jean-Lesage.

• (16 h 50) •

M. Zanetti : Est-ce que... les études auxquelles vous faites référence, qui montrent les conséquences négatives d'un point de vue psychologique sur le développement de l'enfant... qui sont issus de GPA, est-ce que vous pourriez les déposer à la commission, par exemple?

Mme Davis (Athena) : Alors, ce ne sont pas des études sur des cas de GPA, les enfants sont trop petits, ce sont des bébés actuellement, parce que c'est une technologie tout à fait récente. Les études sont faites sur des enfants qui ont été séparés de leur mère, ce qui est exactement la même chose, un enfant de la GPA, il est séparé de sa mère. Est-ce qu'on s'entend là-dessus?

M. Zanetti : Bien, c'est... vous faites référence à des cas, par exemple, d'adoption, des...

Mme Davis (Athena) : Bien, de sa mère porteuse... Je veux dire, l'enfant par GPA, est-ce qu'on s'entend au moins sur les faits qu'un enfant produit par GPA est séparé de sa mère porteuse?

M. Zanetti : Oui, je comprends, mais les études, dans le fond, ne portent pas sur ça, celles dont vous parlez.

Mme Davis (Athena) : Elles portent sur la <séparation...

M. Zanetti : ...parlez.

Mme Davis (Athena) : Elles portent sur la >séparation mère-enfant.

M. Zanetti : Dans quel contexte?

Mme Sirois (Michèle) :Moi, j'aimerais...

Mme Davis (Athena) : Quel que soit le contexte.

Le Président (M. Bachand) :...une petite minute 30 secondes, si vous voulez y aller, oui.

Mme Sirois (Michèle) :J'aimerais que vous... Vous avez sûrement consulté l'étude du Conseil du statut de la femme, qui dit : Nous n'avons tellement pas... tellement pas de données. Et c'est là qu'on demande : principe de précaution. Parce que vous parlez des droits des... on parle des droits des enfants, mais souvent individuellement. Mais le droit des enfants, collectif, de ne pas devenir des marchandises... Il suffit... Dans notre mémoire, vous allez trouver une adresse de Canam... et tout le restant, là, vous irez voir. Eh bien, si vous allez voir, vous allez voir que vous allez pouvoir commander un bébé et l'ajouter au panier comme un produit d'Amazon. C'est là-dedans qu'on s'en va. Et la moindre question éthique devrait questionner le droit collectif et la dignité, le droit à la dignité des enfants, de l'ensemble des enfants. Est-ce qu'on peut en faire un produit, une marchandise? Non, nous disons. Et la même chose...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

Mme Sirois (Michèle) :...instrumentaliser le ventre d'une femme... Parce qu'on n'a pas vu de cas de femmes riches qui portent des enfants, mais on voit des femmes qui ont des besoins économiques et qui portent des enfants, de sorte que s'illusionner que c'est le consentement éclairé puis gratuit, c'est un leurre.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Oui. Merci, M. le Président. J'ai pris connaissance de votre mémoire, des 12 recommandations. J'ai entendu aussi, là, les... vos points de vue, les propos que vous avez, là, pour compléter... compléter, là, les différentes réponses. Moi, tout est clair pour moi, donc je n'aurai pas de... je n'aurai pas d'autre question. Je vous remercie d'être... d'être passées parmi nous. Je vous remercie d'avoir partagé l'expérience aussi au niveau de l'adoption. Donc, merci de votre présence.

Le Président (M. Bachand) :Alors, à mon tour de vous remercier d'avoir été avec nous cet après-midi.

Sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 53)

(Reprise à 16 h 57)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Juste avant d'aller plus loin, j'aurais besoin d'un consentement pour ajouter un cinq minutes à la séance.

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Bachand) :Consentement. Merci beaucoup.

Alors, on accueille nos invités, qu'on connaît bien, Me Michaël Lessard et Me Suzanne Zaccour. Alors, merci beaucoup d'être ici. Alors, je vous laisse la parole, pour un exposé de 10 minutes.

À vous la parole. Merci.

Mme Suzanne Zaccour et M. Michaël Lessard

Mme Zaccour (Suzanne) : Merci. Bonjour. Je m'appelle Suzanne Zaccour. Je suis chercheuse en droit de la famille et responsable de la réforme féministe du droit pour l'Association nationale Femmes et Droit. Et aujourd'hui je suis ici pour m'exprimer autant en mon nom personnel que pour l'association. Et par ailleurs notre mémoire a été également appuyé par le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

Alors, je suis accompagnée de mon collègue Me Michaël Lessard, qui est avocat et doctorant en droit et qui entrera en fonction à titre de professeur de droit à l'Université de Sherbrooke en juin prochain. Et nous sommes vraiment honorés d'être ici et d'avoir été invités à commenter le projet de loi. Donc, merci pour votre temps et votre attention.

J'aimerais commencer, si vous me le permettez, là où tout a commencé. Commençons avec Océane. Le cas d'Océane a choqué tout le Québec. Mais pourquoi? Pourquoi, alors qu'Océane peut toujours demander une garde complète, peut demander la déchéance du père? Pourquoi avons-nous tous et toutes été frappés par son histoire, au point, dans votre cas, de vouloir modifier le Code civil pour répondre à la situation? C'est, en fait, je vous le soumets, parce qu'on ne veut pas voir Océane obligée de retourner en cour pour débattre avec son violeur de l'intérêt de l'enfant à avoir un père agresseur. Ça, c'est le problème qu'on cherche à résoudre. Or, le projet de loi amène le critère de l'intérêt de l'enfant pour retirer la filiation, à l'article 544.22. Donc, au lieu de débattre des qualités du père... des qualités de père de l'agresseur d'Océane à l'étape de la déchéance ou de la garde, on fait le même débat, mais pour déterminer la filiation. En d'autres mots, on ne règle pas le problème, on le déplace.

• (17 heures) •

Je vous invite à réfléchir à la question suivante : Qu'est-ce qu'on protège? Qu'est-ce qu'on gagne en tant que société en invitant un tribunal à forcer un lien père-enfant malgré une conception par agression sexuelle? Je dis «forcer» le lien père-enfant, parce que le recours ne sera entrepris que si la mère et l'enfant ne veulent pas de l'agresseur dans leur vie. D'ailleurs, ça a fait l'objet de beaucoup de débats dans les derniers jours. C'est le choix de la mère, donc respectons cette demande.

Je comprends, on l'a entendu aussi, que vous craignez peut-être que l'enfant perde un parent significatif. Or, souvenons-nous que l'enfant peut, à tout moment et pour n'importe quelle raison, demander à rétablir le lien de filiation. En ce sens, la discrétion judiciaire de refuser de retirer le lien de filiation est, à notre avis, une précaution inutile. Mais c'est pire que ça, c'est que cette disposition aura des conséquences néfastes. D'une part, les agresseurs vont aller à procès systématiquement, parce que le résultat de la demande n'est pas prévisible. La première conséquence de la discrétion, c'est la contestation. D'autre part, des victimes et des enfants seront forcés de côtoyer des pères violents, ça, c'est sûr. Il y a des juges qui vont dire : Un enfant a besoin d'un <père...

>


 
 

17 h (version révisée)

<      Mme Zaccour (Suzanne) :...dire : Un enfant a besoin d'un >père. Ils vont dire : Le père, il ne lui a rien fait, à l'enfant. Ils vont dire : C'était juste une agression sexuelle, une fois, est-ce que la mère ne peut pas passer à autre chose? C'est sûr qu'on va entendre ce genre de discours explicite ou implicite. Donc, ce projet de loi, c'est une belle idée, mais il ne fonctionne, il ne sauve Océane que si le retrait de la filiation est tout simplement à la demande de l'enfant. Donc, c'est la recommandation que nous vous soumettons.

J'aimerais maintenant parler d'un deuxième problème, un deuxième obstacle auquel Océane va faire face. Donc, supposons qu'elle perde son recours, soit en retrait de la filiation ou si elle décide de laisser la filiation, supposons qu'elle perd son recours en déchéance. À sa sortie de prison, le père demande la garde de l'enfant. Océane s'y oppose, mais il y a un problème, et peut-être que vous me voyez venir, ce problème, c'est que le juge trouve qu'Océane est aliénante. En effet, non seulement Océane a-t-elle dit à son enfant que monsieur était un agresseur, ce que les juges punissent sévèrement, en plus, elle a essayé de lui faire retirer la filiation, elle a essayé de priver l'enfant de son père. Le tribunal leur donne la garde partagée. Océane voit son violeur toutes les semaines.

Si vous pensez, devant ce cas fictif, que, voyons! un tribunal ne donnera pas la garde à un homme qui sort de prison pour violence sexuelle, je vais vous dire : Poursuivez vos consultations. Des mères perdent la garde même quand la violence du père est prouvée, même quand le père est condamné au criminel et même quand le père n'a jamais pris soin de l'enfant ou été en contact avec l'enfant. C'est des cas qu'on voit et c'est des cas qui vont se produire.

Ce projet de loi, il encourage les mères à deux choses, entre autres : un, parler à l'enfant de la violence du père, c'est le recours de l'enfant, il faut qu'il soit au courant, et deux, exercer des recours : filiation, déchéance, indemnité. Et c'est pourquoi nous proposons, dans nos mémoires, une addition très concrète au projet de loi pour empêcher les tribunaux de tirer des inférences négatives, autrement dit, de punir les mères qui font exactement ça, donc, parler à l'enfant de la violence du père ou exercer un recours. Les décisions sur l'enfant doivent être prises selon son intérêt et non pas pour punir un parent qui exerce ses droits.

M. Lessard (Michaël) : Le cas d'Océane a permis de révéler de graves problèmes que vivent les victimes d'agression sexuelle en droit de la famille. Pourtant, il faut faire attention aussi, on a parlé du cas d'Océane en détail, mais il faut faire attention aussi à ne pas se limiter aux faits du cas d'Océane lorsqu'on vise à dessiner les grands traits d'une loi qui va s'appliquer à l'ensemble du Québec. Et donc il faut permettre aux victimes d'agression sexuelle d'avoir accès aux mêmes protections, peu importe leur situation.

Et là je pense surtout au contexte de la violence conjugale. Dans le contexte de la violence conjugale, il pourrait être difficile pour une victime d'agression sexuelle de demander le retrait de la filiation et l'indemnité selon l'état actuel du projet de loi n° 12. Comment peut-elle démontrer au tribunal que l'enfant issu d'une agression sexuelle provient bien de l'agression sexuelle de son conjoint violent si, au sein de la relation, il y a certaines relations qui seraient consentantes, alors que d'autres seraient des agressions sexuelles? Nous considérons qu'il s'agit là d'imposer à la victime un fardeau trop élevé. En même temps, nous considérons aussi que, dans le contexte de la violence conjugale, on peut présumer qu'une vaste part des relations sexuelles sont des agressions sexuelles, que le consentement, s'il y en a un, a été souvent vicié par des menaces ou par le contrôle qu'exerce le conjoint sur sa victime.

Nous proposons donc d'établir dans la loi une présomption selon laquelle une relation sexuelle qui a lieu au sein d'une relation violente est une agression sexuelle. Donc, si la victime démontre au tribunal l'existence de la violence conjugale, le conjoint violent pourrait alors être entendu pour tenter de renverser la présomption, et ce devrait être au conjoint violent de prouver que, malgré la situation de violence, de contrôle, de coercition, la victime a tout de même consenti pleinement aux relations sexuelles.

Pour conclure, vous trouverez dans nos mémoires plusieurs propositions intéressantes pour bonifier le projet de loi n° 12. D'ailleurs, considérant les récents articles de Patrick Lagacé sur la déchéance de l'autorité parentale, que vous avez sûrement vus, hier et avant-hier, j'aimerais souligner que nous proposons tous deux des mécanismes de <suspension...

M. Lessard (Michaël) : ...j'aimerais souligner que nous proposons tous deux des mécanismes de >suspension de l'autorité parentale en cas d'accusation criminelle. Vous trouverez ces recommandations à la page 17 de nos mémoires respectifs. Il nous fera aussi plaisir d'en parler avec vous.

Nous sommes maintenant à votre disposition pour toute question, que ce soit sur ce qui nous a occupés dans notre présentation, soit l'enfant issu d'un viol, que tout autre élément soulevé dans nos mémoires.

Le Président (M. Bachand) : Merci à vous deux. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Me Zaccour, Me Lessard, merci d'être présents en commission parlementaire, c'est un plaisir de vous retrouver.

Je débuterais peut-être sur le cas d'Océane, justement, parce que, Me Zaccour, vous avez dit tout à l'heure, bon, en détaillant la situation : Il faut que l'enfant soit au courant, tout ça. Avec le projet de loi, là, un cas qui surviendrait... qui survenait, comme ça a été le cas d'Océane, suite à l'adoption du projet de loi... monsieur, est en prison, fait... a violé madame et réclame la paternité. Un coup que le projet de loi est adopté, lorsque la demande en reconnaissance de filiation, elle rentre, automatiquement madame, elle peut s'objecter puis, dans le cadre de ce recours-là, peut demander l'indemnité. Ça fait que, ça, c'est le premier cas de figure. Ça fait que, dans le fond, ça se termine là, ou madame accepte la filiation, mais, dans la même requête, dans la même demande de monsieur, fait une demande reconventionnelle facilitée — on l'a mis dans l'article — avec déchéance de l'autorité parentale, si jamais elle voulait avoir une pension alimentaire. Ça fait qu'on laisse le choix à madame de soit bloquer la filiation complètement soit de faire en sorte d'accepter la filiation, mais avec déchéance de l'autorité parentale.

Dans l'autre cas qui s'applique, l'autre cas de figure, si jamais il y avait eu, dans le fond, la naissance de l'enfant dans le cadre d'un contexte conjugal, puis c'est un couple, et que, là, madame était sous l'emprise de monsieur, violence sexuelle, violence conjugale, l'enfant est issu du viol, mais qu'à l'hôpital monsieur est là puis force madame à signer les papiers, puis tout ça, puis que madame s'extirpe finalement de la relation deux, trois, quatre, cinq ans plus tard, là, on vient permettre à madame, encore une fois au nom de l'enfant, de venir couper la filiation, mais avec le critère de l'intérêt de l'enfant, parce que, bon, monsieur a été en contact avec l'enfant durant plusieurs années.

Ça fait que, là, j'aimerais vous entendre sur ce critère-là de l'intérêt de l'enfant. Est-ce qu'une... Puis là je dis deux, trois, quatre ans, ça peut être pendant 10 ans, là. Est-ce que ce critère-là, qui doit être évalué par le tribunal, vous considérez que c'est un... le critère de l'intérêt de l'enfant... Puis là je vous réitère... je vous réfère aussi à l'année passée, au projet de loi n° 2, où dans... on a modifié l'article 33, où on est venus définir que l'intérêt de l'enfant, ça prenait en compte la violence familiale, incluant la violence conjugale. Ça fait que j'aimerais ça, vous entendre sur cette notion-là de l'intérêt de l'enfant, suite au deuxième cas de figure, là, que je vous ai présenté.

Mme Zaccour (Suzanne) : Oui. Merci pour la question. Effectivement, maintenant, l'intérêt de l'enfant tient compte de la violence familiale, y compris conjugale. Donc, une violence sexuelle qui n'est pas conjugale, Océane, par exemple, n'est pas forcément couverte, mais ça, c'était peut-être un...

M. Jolin-Barrette : Bien non, mais c'est couvert. C'est couvert, ça rentre dans la violence familiale.

Mme Zaccour (Suzanne) : Bien, c'est-à-dire, ce n'est pas une violence ni envers l'enfant ni envers la conjointe, donc il pourrait y avoir des enjeux d'interprétation. Ce n'est pas une violence... On avait demandé à définir la violence familiale, ça n'a pas été fait. Donc, ce sera peut-être à débattre devant les tribunaux.

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est un «y compris».

Mme Zaccour (Suzanne) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Mais de la... Supposons une agression sexuelle envers madame dans le cadre d'un couple...

• (17 h 10) •

Mme Zaccour (Suzanne) : Oui, si c'est un couple, mais si ce n'est pas un couple... Océane, c'était, je pense, son colocataire.

M. Jolin-Barrette : Je comprends.

Mme Zaccour (Suzanne) : Donc, ce ne serait pas familial. Mais je veux répondre plus précisément, là, sur la question de l'intérêt de l'enfant et du parent significatif.

Donc, je vous renvoie un petit peu les réponses qui ont été données aujourd'hui et dans les derniers jours, sur la pluriparenté. Quand tout va bien, tout va bien. Donc, si le père, c'est un très bon père, aimant, attentionné, significatif, il a changé des couches, et tout ça, il n'y a pas de problème. L'enfant ne demandera pas le retrait de la filiation, la mère non plus. Si la mère le demande contre la volonté de l'enfant, il y a d'autres possibilités, là, quant à l'exercice des droits de tutrice. Donc, si tout va bien, ils s'entendent et les parents conviennent, hors du tribunal, comme c'est le cas pour la plupart des couples, donc, se séparent, garde partagée ou autre arrangement, tout va bien. Si la mère demande... ou l'enfant demande, plutôt, à faire retirer la filiation, c'est généralement que tout ne va pas bien, et, si on arrive devant les tribunaux, tout ne va pas bien. Donc, on peut présumer que le père est... le père, qui est agresseur sexuel, est <violent...

Mme Zaccour (Suzanne) : ...qui est agresseur sexuel, est >violent. Ce n'est pas... ce n'est pas un très... une très grande... ce n'est pas «a stretch», mais donc on peut... C'est la situation. Donc, la mère et l'enfant s'opposent pour se protéger. Et là on va voir des juges qui disent, même si l'enfant ne veut pas, même si la mère ne veut pas, en fait... et on sait pourquoi ils vont dire ça, ils vont vous dire : L'enfant est aliéné, donc il faut forcer le contact. Donc, c'est là que l'intérêt de l'enfant est un critère problématique.

Cela dit, si vraiment vous dites : Bien, imaginez, on retire le lien de filiation, mais c'était une erreur, l'enfant peut ramener le lien de filiation lui-même, à sa demande, mais, même à ça, ça ne nous rassure pas, ce n'est pas assez, dans le cas où il y a vraiment un lien, là, entre le père et l'enfant, le tribunal peut toujours ordonner du temps parental à quelqu'un qui n'est pas père, donc un parent de fait, donc ce serait une autre échappatoire.

Donc, quand on a autant d'échappatoires et qu'on sait à quel point la discrétion judiciaire sur l'intérêt de l'enfant, c'est problématique, pourquoi rajouter ce débat? Si le but était d'épargner à Océane de faire ce débat, pourquoi en faire la discrétion? Le principe, derrière ce projet de loi, c'est : l'agression sexuelle ne fonde pas la filiation. Donc, amenons ce principe jusqu'au bout. Et, comme je le disais, s'il y a un cas d'exception, rien n'empêche le tribunal d'ordonner du temps parental, mais peut être que les membres de la commission conviendront qu'un père agresseur... un débat devant le tribunal, l'enfant ne veut pas, la mère ne veut pas, il y a peut-être une bonne raison pour ne pas vouloir ce lien de filiation et peut-être qu'on peut respecter cette demande.

M. Jolin-Barrette : Je suis curieux de vous entendre, ça fait deux fois que vous le dites dans le cadre de votre intervention, au niveau de la discrétion judiciaire. Vous semblez dire, par vos propos, qu'il y a un enjeu avec les décisions qui sont rendues par les tribunaux. Est-ce que... C'est quoi, l'enjeu? Est-ce que c'est un enjeu de formation, c'est un enjeu de... Selon vous, quelle est la problématique, lorsque vous nous parlez de... que ce sont les tribunaux, ultimement, qui décident en fonction des faits qui sont mis devant eux? J'aimerais ça vous entendre...

M. Lessard (Michaël) : Bien, peut-être, rapidement, je pense qu'il y a un changement de culture judiciaire qu'on voit présentement, où il semble... il semble difficile pour certains juges de voir le lien entre la violence conjugale ou, dans le contexte qui nous occupe, même la violence sexuelle et l'enfant. Donc, on voit beaucoup de jugements, et fort heureusement de moins en moins, où on va se dire : Oui, mais la violence conjugale, c'est quelque chose qui occupe seulement le père violent puis la mère victime et ça n'a pas un impact sur les enfants. Et ça peut sembler étrange de le souligner comme ça, mais on en voit beaucoup, des jugements, on voit même des juges qui vont dire : Oui, l'enfant a été témoin de la violence, parfois, l'enfant a dû s'interposer pour empêcher le père d'être violent envers la mère victime, mais on considère que le père, somme toute, généralement, n'est pas un mauvais parent.

Donc, il semble difficile pour les juges de faire le lien où, en fin de compte, la violence conjugale, c'est une décision parentale. C'est exposer l'enfant à de la violence, c'est également... c'est également priver la mère de ressources qu'elle pourrait donner à l'enfant, soit une disponibilité émotive, une santé, une disponibilité financière, également. Donc, il semble difficile pour les juges de voir ça. Je crois que c'est quelque chose que le projet de loi n° 2 a permis de changer en envoyant un signal clair vers les tribunaux, mais quand on regarde l'ensemble de la jurisprudence, on est quand même très inquiet, inquiète par la dissociation que les juges font entre la violence conjugale et la violence familiale, plus généralement.

M. Jolin-Barrette : Mais là, dans le projet de loi n° 2, on dit «violence familiale, y compris violence conjugale», ça fait que ça répond.

Mme Zaccour (Suzanne) : C'est un critère parmi beaucoup d'autres. Donc, ça, c'est la préoccupation qu'on avait au moment de l'adoption du projet de loi n° 2. Donc, c'est un critère, certes, mais pour compléter aussi sur la réponse, là, on a une grande culture du père à tout prix, devant les tribunaux, et de la garde partagée. Même, c'est un peu perçu comme le mécanisme par défaut, et toute mère qui demande une garde exclusive, qui demande à déménager, elle est immédiatement suspecte.

Donc, par exemple, je vous réfère à un article de Fiona Kelly qui s'appelle Enforcing a Parent/Child Relationship at All Cost?. C'est des décisions canadiennes, mais qui montrent un peu... Peu importe ce que le père fait, condamnation criminelle, violence sur l'enfant, condamnations répétées, répétées, répétées, le père a fait de la prison, les juges ne vont à peu près jamais jusqu'à mettre fin au contact. On va dire : On va superviser pendant 10 ans. Donc, ça, ce serait un autre élément, la culture du père à tout prix. Donc, on va dire : Oui, il y a eu de la violence conjugale, mais, d'un autre côté, un enfant a besoin de son père, ou, d'un autre côté, il est repentant, ou, d'un autre côté, il y a toutes sortes d'autres critères, l'âge, la proximité géographique, etc.

Et le troisième, peut-être, élément, parce que vous demandiez c'est quoi, les causes de notre <inquiétude...

Mme Zaccour (Suzanne) : ...parce que vous demandiez c'est quoi, les causes de notre >inquiétude : les évaluateurs et évaluatrices en matière de garde, c'est aussi documenté que ces personnes perçoivent souvent les mères victimes de violence comme immédiatement suspectes. Une mère victime de violence, on la soupçonne, peut-être qu'elle veut évincer le père.

Donc, ça, c'est les raisons qui nous font croire que la discrétion judiciaire, dans un cas aussi clair... On n'est pas vraiment dans beaucoup de nuances de gris, là, enfant conçu par agression sexuelle, on est dans vraiment très, très précis, on n'a pas besoin de s'ajouter tous ces débats. C'est notre proposition.

M. Jolin-Barrette : OK. Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues qui souhaitent vous poser des questions, là. Je dénote de vos propos que vous semblez avoir peu confiance dans les tribunaux relativement à ce type de dossiers.

Mme Zaccour (Suzanne) : C'est de l'expérience. Si vous parlez... Les femmes... les femmes sont tellement désespérées qu'elles m'écrivent, comme chercheuse, et qu'elles me disent : J'ai lu vos articles, et elles n'arrivent pas à se faire représenter, et c'est des femmes qui sont victimes de violence et qui n'ont pas vu leurs enfants depuis des années. Donc, on n'est même pas à est-ce que les tribunaux vont accepter de retirer la filiation d'un enfant, on n'est même pas là, on est à est-ce qu'on peut convaincre un tribunal de ne pas donner une garde complète au père violent. Ça, c'est où est-ce qu'on en est avec les tribunaux. Et, comme je dis, ce n'est pas seulement les juges, c'est les évaluations qu'ils et elles reçoivent, qui sont souvent... c'est très médicalisant. Si cette enfant ne voit pas son père, elle ne pourra jamais... elle ne pourra jamais être une femme accomplie. Donc, c'est tout ça qui est largement documenté, mais, effectivement, je suis assez sceptique.

Et, en matière de filiation, généralement, ce n'est pas discrétionnaire. Le rôle de l'Assemblée, c'est de dire : Voilà les règles qu'on considère dans l'intérêt de l'enfant, en matière de filiation, et elles sont appliquées. Donc, effectivement, vous avez raison de dire que je suis sceptique. Je serais heureuse d'être convaincue autrement, mais, pour le moment... C'est pour ça que vous légiférez. Sinon, on dirait : Bien, Océane, elle a juste à retourner parler de déchéance, et, de toute façon, son... l'agresseur n'aura jamais la garde. Mais on ne peut pas dire ça, c'est pour ça qu'on a... qu'il faut intervenir.

M. Jolin-Barrette : OK. Je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Donc, prochaine intervenante, Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être ici. Merci pour votre temps.

Au sujet de la GPA, sur la GPA, est-ce que vous considérez que l'autonomie décisionnelle de la femme est respectée tout au long du projet?

Mme Zaccour (Suzanne) : Alors, ce que je... Je veux juste faire une préface, qu'on n'a pas pu mettre autant de temps sur les dispositions sur la GPA. Juste la filiation et l'indemnité, plus on creusait, plus on avait de choses à dire, mais j'ai quand même une modification proposée dans mon mémoire, qui est de permettre à la mère porteuse de consentir à remettre l'enfant à un seul ou une seule des conjoints. Donc, supposons que le couple de parents d'intention se sépare en contexte de violence conjugale, alors là, la mère porteuse, soit elle remet l'enfant aux deux parents, sachant ce dont on vient de parler, ou elle le garde, donc... Et, bon, je note aussi d'autres préoccupations qui ont été soulevées pendant les consultations, sur les conseils juridiques indépendants, etc.

Je me permettrais peut-être aussi, c'est un peu hors de propos de ce projet de loi, mais la principale préoccupation, en matière de gestation pour autrui, je pense que c'est que des femmes le fassent parce qu'elles n'ont pas le choix, parce qu'elles n'ont pas de revenus, et qu'elles se fassent rémunérer ainsi. Donc, mon organisation avance également aussi la position qu'un revenu minimum garanti permettrait d'assurer plus d'autonomie, plus de choix aux femmes dans toutes leurs décisions, y compris les décisions reproductives. Donc, je me permets ce petit aparté, également.

• (17 h 20) •

Mme Haytayan : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.

Mme Bourassa : Oui, bonjour. J'aimerais vous entendre sur les indemnités. Parce que, bon, on comprend qu'il n'y a pas de rémunération, mais est-ce que vous êtes en accord avec la disposition concernant les indemnités?

M. Lessard (Michaël) : Bien, par rapport aux indemnités, on pense que c'est une proposition qui est très intéressante, avec laquelle on devrait aller de l'avant. Il y a certains éléments qu'on soulève dans nos mémoires pour bonifier la proposition. Notamment, on pense qu'il pourrait y avoir un seuil minimal pour le montant de l'indemnité. Ça permettrait... bien, ça éviterait déjà aux victimes de faire une preuve qui peut être assez coûteuse, assez impressionnante, notamment en ayant des expertises actuarielles.

Ça permettrait aussi un point d'ancrage pour faire des négociations. Donc, il y a un seuil minimal. Plutôt que d'aller à procès, peut-être qu'un agresseur voudra négocier puis en arriver à une entente, donc ça évite du temps pour tout le monde. S'il n'y a pas de seuil minimal, ça donne un incitatif à aller à procès puis tenter le plus possible de diminuer le montant d'une indemnité.

D'autres intervenants, intervenantes l'ont aussi soulevé, l'importance de s'assurer que l'indemnité soit payée, mais aussi s'assurer qu'il y ait une sorte d'intermédiaire pour ne pas que ce soit la victime qui, une fois qu'elle a un jugement, en fait, elle court pour... après l'agresseur pour tenter de faire exécuter le jugement. Donc, nous <pensons...

M. Lessard (Michaël) : ...l'agresseur pour tenter de faire exécuter le jugement. Donc, nous >pensons qu'on pourrait imaginer un système comme celui de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires pour faire des retenues à la source, et là où Revenu Québec sert d'intermédiaire, en fin de compte, entre les parents, donc, ici, entre la victime et son agresseur.

Mais un autre élément aussi qu'il semble important de souligner, c'est que, pour nous, à la lecture du projet de loi, il n'était pas clair de savoir quelle était la part qui était imputable à l'agresseur, au niveau de l'indemnité. Donc, on parle de contribuer aux besoins de l'enfant, et la notion de contribuer suggérait qu'il n'allait pas être responsable à 100 % des besoins de l'enfant. Donc, on se demande quelles seraient les raisons derrière. Peut-être qu'en fin de compte vous croyez que ça doit être à 100 %; ça pourrait être bien de le préciser.

Si l'agresseur ne doit pas payer à 100 % les besoins de l'enfant, c'est quoi, le message qu'on envoie, essentiellement? On dit que la mère est responsable pour payer pour les besoins de l'enfant, mais pourquoi est-ce qu'elle l'est si elle a été victime d'une agression sexuelle, donc, qu'elle a subi un acte qui n'a pas été consenti? Est-ce qu'en d'autres termes on la pénalise pour le fait de ne pas avoir procédé à un avortement? Est-ce qu'on dit... Bien, en fait, on comprend que la relation sexuelle n'était pas choisie, mais le fait de procéder à la grossesse, de donner naissance serait son choix et donc on la punirait pour ce choix-là? C'est quelque chose qui nous inquiète que de voir soit un incitatif pour l'avortement dans la loi ou une pénalisation pour ne pas y avoir procédé. On pense qu'en fait la faute, elle est seulement dans les mains de l'agresseur, donc c'est lui qui devrait être responsable, entièrement, financièrement.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci beaucoup à vous deux. Très, très important, et j'apprécie beaucoup vos mémoires, surtout concernant l'aspect, Me Zaccour... parce que je comprends, également, j'ai fait 30 ans en droit de la famille, donc la discrétion judiciaire en matière de garde et surtout en matière de violence conjugale, je la connais très bien.

On a eu des interventions d'autres groupes, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, au niveau de la déchéance de l'autorité parentale et de préciser qu'un motif grave serait la violence conjugale ou l'agression sexuelle, et donc qui ferait en sorte que, dans l'intérêt de l'enfant, motif grave, il y aurait déchéance de l'autorité parentale. Et donc, pour répondre à votre... la problématique de la discrétion judiciaire, j'aimerais vous entendre là-dessus, si vous croyez que ce serait une bonne piste, dans ce projet de loi, de solution.

Mme Zaccour (Suzanne) : Bien oui, bien, on comprend aussi qu'il y a déjà certains changements qui ont été faits au niveau de la déchéance. C'est sûr que, déjà, on pourrait se demander pourquoi il faut le motif grave et l'intérêt de l'enfant, et est-ce que ce n'est pas un peu l'intérêt de l'enfant, là où le bât blesse? Encore une fois, on n'arrive pas à convaincre des juges que ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant d'avoir une garde complète chez le père violent, donc, effectivement, si on peut faciliter... Bien, c'est ça, le critère de l'intérêt de l'enfant va poser problème à tous ces niveaux.

Et je pensais, quand ce projet de loi a été annoncé : Enfin, on a une solution pour y échapper parce qu'on a, au moins, dans certains cas très, très précis, un recours qui ne peut pas être détourné, un petit peu, par le système, en filiation, mais on reste encore avec cette même idée, et, bon, des juges peuvent dire : Oui, c'est grave, la violence, mais il est repentant, ce n'était pas si pire, c'est juste arrivé une fois, etc. Et je vais laisser mon collègue compléter aussi sur...

M. Lessard (Michaël) : Bien, un autre élément qui peut poser problème lorsqu'on regarde la jurisprudence, c'est que la notion du motif grave, elle est habituellement comprise comme étant un manquement parental au rôle de parent. Et donc nous, on craint que l'agression sexuelle qui se ferait sur la mère ne soit pas conçue comme un manquement au rôle de parent, parce que, bon, comme on le disait un peu plus tôt, on le voit qu'au niveau de la violence conjugale, bien, ça n'a pas été perçu comme un manquement au rôle parental. On voit une certaine évolution, mais l'agression sexuelle pourrait être encore comprise comme étant distincte de la notion de la violence conjugale ou de la violence familiale. Par ailleurs, la violence conjugale sous-entend qu'on est entre deux conjoints, conjointes, ce qui n'est pas le cas d'Océane, par exemple.

Mais si je peux en profiter pour <renchérir...

M. Lessard (Michaël) : ...d'Océane, par exemple.

Mais si je peux en profiter pour >renchérir sur la notion de la déchéance, on voit aussi des problèmes par rapport à la gestion de la déchéance parentale. C'est que c'est un processus qui est très long, puis je parlais un peu plus tôt des articles de Patrick Lagacé qui nous montrent que ça peut prendre plusieurs années. Ça demande aussi une preuve importante et coûteuse pour demander la déchéance de l'autorité parentale, et il y a tout un laps de temps entre le moment de crise, où, dans ce contexte-là, on apprenait que le père avait fait des agressions sexuelles envers deux de ses enfants et le moment où on peut obtenir la déchéance de l'autorité parentale, il peut se passer plusieurs mois, plusieurs années.

Et donc ce qu'on propose, c'est entre le moment de crise et le moment où on peut avoir un débat, au fond, d'avoir une suspension qui serait, donc, temporaire de l'autorité parentale, dans des contextes très précis, ce qui empêcherait au parent allégué comme violent d'avoir un certain contrôle puis une certaine surveillance de ses enfants, de demander des accès, de savoir où l'enfant est puis surtout si l'enfant est en... par exemple, en maison d'hébergement, et donc de tenter de retrouver sa conjointe, dans ce contexte-là, d'aller chercher l'enfant à l'école, de communiquer avec l'enfant. Et donc, pour éviter ces différents mécanismes de contrôle, de surveillance, potentiellement de manipulation, on pourrait suspendre temporairement l'autorité parentale lorsqu'on est face à une situation de crise, par exemple, lorsqu'il y a des accusations criminelles qui sont portées ou lorsque la famille part pour aller en maison d'hébergement pour victimes de violence. Dans ce type de situation là.

Le Président (M. Bachand) :...de Robert-Baldwin, oui.

Mme Garceau : Oui. J'essaie de comprendre, je suis en train de regarder toute cette question-là, de suspension temporaire de l'autorité parentale. Donc, ce serait dans un aspect, comme, de sauvegarde, c'est ça que vous voulez dire, en termes d'urgence?

M. Lessard (Michaël) : Exact. On a... Ici, il s'agit d'appliquer un principe de précaution. Donc, on est face à deux choix, soit... en fin de compte, soit on a le régime par défaut qu'on a présentement, où on laisse les deux, conjoints, conjointes... ou les deux parents, plutôt, exercer ensemble l'autorité parentale, ou soit, lorsqu'on est face à une situation de crise, on va suspendre temporairement l'autorité parentale d'un des deux pour qu'on puisse... qu'ensuite on puisse avoir le débat au fond.

Donc, il s'agit ici de... Il va toujours y avoir soit trop de protection, peut-être que ça s'appliquera à des personnes qui n'en ont pas besoin, auquel cas on ira devant le tribunal puis on pourra demander le rétablissement des accès, par exemple, en attendant le débat au fond, ou soit on n'aura pas assez de protection, comme c'est le cas présentement, où il y a des personnes qui sont dans des situations de crise, qui n'ont pas les protections.

Avec le projet de loi n° 2, on a déjà vu que l'Assemblée nationale était sensible à la question en adoptant l'article 103.1, qui permet d'avoir accès à des services de santé ou des services sociaux sans nécessiter d'avoir l'accord des deux parents, parce que, des fois, le parent violent refusait que l'enfant ait accès à des services de santé, ou des services sociaux, ou des thérapies, par exemple. Ici, on propose d'aller plus loin et donc de retirer d'autres mécanismes de contrôle que le parent violent aurait.

• (17 h 30) •

Mme Garceau : Comment est-ce qu'on diminue la discrétion judiciaire? Parce que je vous ai écouté, tous les deux, je ne pense pas, d'après vous, d'après ce que vous avez écrit et vos représentations, que le projet de loi n° 12 répond à la problématique de situation de violence, d'agression sexuelle et le droit de l'agresseur d'avoir des droits d'accès, de prendre des décisions au niveau de l'enfant. C'est quoi, la solution au problème, d'après vous?

Mme Zaccour (Suzanne) : On a publié, l'un et l'autre, divers mémoires, dans les dernières années, avec toutes sortes de recommandations. On s'est concentrés, pour cette fois-ci, sur ce qui rentrait, là, dans le cadre de ce mémoire. Comme on l'a dit plus tôt, une... bien, retirer le critère de l'intérêt de l'enfant pour la filiation et une présomption qu'en contexte de violence conjugale, c'est probablement une agression sexuelle. Il y a aussi d'autres éléments, au niveau de la preuve, qui peuvent faciliter les choses, même si des problèmes, il en restera toujours, mais on essaie toujours de prendre un morceau à chaque fois qu'on vient. Donc, par exemple, en droit criminel, on a développé des protections spécifiques qui disent: Bien, on ne peut pas poser des questions sur le passé sexuel de la victime pour dire : Oui, mais toi, tu as beaucoup de relations sexuelles, comme... donc les preuves du passé sexuel de la victime. Donc, ça, c'est un élément de protection qui pourrait être ajouté, pas juste quand l'enfant est conçu par agression <sexuelle...

>


 
 

17 h 30 (version révisée)

<      Mme Zaccour (Suzanne) :...pas juste quand l'enfant est conçu par agression >sexuelle, mais tous les recours civils en matière d'agression sexuelle.

Et j'ai aussi... on a aussi noté un élément qui est assez spécifique. Mais supposons que la victime, elle a 14 ans, elle est sous l'âge du consentement, et là le projet de loi dit : Il faut absolument prouver l'agression sexuelle par témoignage, et ensuite seulement on peut faire un prélèvement, la victime de 14 ans, on fait le prélèvement, on voit que c'est le géniteur de l'enfant, on sait qu'il y a eu agression sexuelle parce que la victime était sous l'âge du consentement, bon, évidemment, si le géniteur était plus âgé, donc ce sont des morceaux pour faciliter la preuve, réduire le problème de la discrétion judiciaire. Mais, bien sûr, si vous demandez : Généralement, est-ce qu'on a tout réglé?, non. Moi, je pense que la violence conjugale devrait être un critère prépondérant. Tant que ça va être un critère parmi 10, 15, 20 autres, comme sous l'article 33, comme sur... sur le divorce, tant que c'est un critère parmi tant d'autres, on ne règle pas le problème.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

M. Lessard (Michaël) : ...

Le Président (M. Bachand) :Rapidement, Me Lessard, s'il vous plaît.

M. Lessard (Michaël) : Oui. Parfait. Bien, juste un autre point qui est important en amont de tout ça, c'est aussi celui de libérer la parole. Et on voit beaucoup de victimes de violence conjugale qui ont peur de dénoncer la violence en raison des inférences négatives dont on parlait. D'ailleurs, il serait intéressant, là, d'en parler avec vos autres intervenants, intervenantes demain pour voir leur expérience sur le terrain. Mais il y a des victimes qui, tout simplement, ne vont pas dénoncer la violence conjugale au sein d'une instance en droit de la famille parce qu'elles ont peur des inférences négatives et parfois même qu'elles se le font recommander par leurs avocats, leurs avocates parce que trop difficile parfois à prouver, il va avoir des inférences négatives.

Donc, si on peut tout simplement mettre dans la loi qu'on ne peut pas tirer d'inférences négatives du simple fait de dénoncer la violence conjugale, ce serait déjà un grand pas pour libérer la parole pour ces victimes-là et leur faire un chemin dans les instances de droit civil.

Une voix : Intéressant. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Est-ce que vous trouvez que le projet de loi ratisse assez large au point de vue du retrait de la filiation?

Mme Zaccour (Suzanne) : Bien, je dirais que, c'est sûr, c'est un projet qui est étroit, donc on parle seulement de l'enfant conçu par agression sexuelle, c'est-à-dire si un enfant est conçu par relation sexuelle et ensuite le père agresse la mère par la suite. On n'est pas dans le domaine du projet de loi. Et on comprend que l'idée, c'était de faire quand même une solution restreinte à un problème précis.

Par contre, je pense qu'il y a un scénario qui a été oublié, c'est une grossesse forcée, donc un enfant qui est conçu par relation sexuelle, par accident, par exemple, et la mère veut avorter, et on sait la coercition reproductive, c'est vraiment très, très important, très présent, donc le conjoint force la mère à ne pas avorter et mener la grossesse à terme. Donc, la logique est exactement la même : n'eût été de l'action du géniteur, l'enfant n'existerait pas. Et, si on avait respecté l'autonomie corporelle de la mère, l'enfant n'existerait pas. Donc, quant à moi, on est dans le même cas de figure.

Donc, pour ça, on recommande de dire qu'en cas de grossesse forcée, qui doit être démontrée, bien entendu, on est dans la même situation, c'est pareil, donc droit au retrait de la filiation et droit à l'indemnité, parce que cet enfant n'aurait pas vu naissance. Et peut-être que la mère ne veut pas le placer en adoption pour toutes sortes de raisons qu'on peut comprendre, mais au moins qu'elle aurait le droit aux mêmes protections.

M. Zanetti : Merci. Puis, pour ce qui est de... vous en avez un peu parlé, là, mais la question de la déchéance d'autorité parentale, comment est-ce qu'il serait possible de rendre ça, disons, plus... plus simple ou moins complexe?

M. Lessard (Michaël) : Donc, ce qui serait intéressant, c'est d'avoir un mécanisme où l'autorité parentale soit suspendue de manière automatique dans certains cas de figure. Je donnais quelques exemples : quand un parent est visé par un acte... par une accusation d'acte criminel, quand le parent est assujetti à des ordonnances soit criminelles soit de protection en contexte civile, quand l'enfant réside dans une maison d'hébergement. Donc, ce qui est intéressant dans ces contextes-là, c'est qu'on pourrait avoir une suspension qui soit automatique, qui soit temporaire juste par cet état de fait, ce qui empêcherait, en fin de compte, l'agresseur de réclamer ces droits-là et qui mettrait sur lui le fardeau de s'adresser au tribunal. Donc, c'est là où... Ce qui est intéressant... C'est que c'est sûr qu'il va y avoir un moment où on va devoir aller devant le tribunal pour plaider, au fond, pour avoir une déchéance d'autorité parentale, mais ce qu'on veut éviter, c'est mettre sur la victime le fardeau financier de le faire, autant pour le développement des expertises, mais aussi toute la charge mentale de le trouver.

Ce qui est intéressant dans les <articles...

M. Lessard (Michaël) : ...de le trouver.

Ce qui est intéressant dans les >articles de Patrick Lagacé, ce qu'on nous révélait, c'est... on avait un cas de figure qui était classique... bon, pas classique, mais un cas d'école, en termes de déchéance de l'autorité parentale. Un parent agresse sexuellement ses enfants, c'est sûr qu'on peut avoir une déchéance de l'autorité parentale, ou presque, si on s'en fie à la jurisprudence. Par contre, la victime n'était pas capable de trouver d'avocat ou d'avocate pour la représenter avant un certain... avant d'avoir fait plusieurs recherches pour en trouver. La victime aussi, ça lui a pris un certain temps avant d'apprendre l'existence de la déchéance de l'autorité parentale. Donc, tout le poids était mis sur elle pour les démarches. Et ça a pris tant et tellement de temps que le père agresseur, qui était condamné à trois ans de prison, a eu le temps de sortir de prison avant qu'on ait pu avoir la déchéance.

Le Président (M. Bachand) :Merci.

M. Lessard (Michaël) : Ici, ce qu'on propose...

Le Président (M. Bachand) :En terminant.

M. Lessard (Michaël) : ...c'est de renverser le fardeau financier et mental.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Oui. Vous aviez terminé votre propos?

M. Lessard (Michaël) : Oui.

Mme Nichols : Parfait. Moi, j'ai seulement qu'une question, en lien avec l'article 542.37. On parlait, entre autres, de la prescription. La prescription est... on dit que, dans le cas du décès de l'agresseur, là, est établie de six mois pour demander l'indemnité. Moi, ce que je comprends, c'est que vous souhaiteriez que ça soit la prescription de trois ans, là, qui s'applique.

M. Lessard (Michaël) : Oui, tout à fait. Puis peut-être que ça sera un peu technique, mon explication, mais ce que je comprends de l'indemnité, ici, c'est qu'on n'est pas en matière alimentaire, ça, ça me semble clair, selon les différentes discussions que la commission a eues et selon la rédaction du projet de loi, où on voit qu'à certains moments on oppose l'indemnité et tout ce qui est créance et dette alimentaire. Si on n'est pas en termes alimentaires, on est, selon moi, en droit des obligations, on est dans la responsabilité civile. L'agression sexuelle, c'est une faute civile qui peut donner droit à des dommages. Et on sait que, depuis l'adoption... la modification de 2926.1 du Code civil, toutes les réparations de dommages pour agression sexuelle sont imprescriptibles, mais, quand l'agresseur décède, après on a un trois ans pour demander la réparation des dommages. Et donc, dans ce contexte-ci, il me semble qu'on devrait appliquer la même logique. Si l'agresseur décède, on devrait avoir un trois ans pour demander une réparation des dommages, ici, le dommage étant l'imposition d'un besoin financier de l'enfant plutôt que d'avoir un délai de six mois. Moi, à mon sens, je m'explique mal la distinction. Pourquoi la victime, elle, elle a un trois ans pour l'ensemble des dommages, mais l'indemnité, elle, ce serait juste un six mois pour exactement la même faute civile?

Mme Zaccour (Suzanne) : Est-ce que c'est possible de compléter?

Mme Nichols : Oui.

Mme Zaccour (Suzanne) : Je pense que la volonté de ce projet de loi, c'est de donner plus aux victimes d'agression sexuelle, et il y a deux endroits où on donne moins : un, c'est cette prescription, donc c'est un retrait de droit, et je ne pense pas qu'il n'y a personne ici qui veut retirer des droits, et l'autre, c'est la contribution aux besoins financiers. Donc, dans un recours civil ordinaire, l'agresseur paie tous ses dommages. Donc, c'est deux endroits qu'on a identifiés. On a vraiment une perte de droits.

Et j'aimerais dire quelque chose, ce n'est pas exactement sur la prescription, mais c'est dans cette même logique de dire que, bon, on donne plus de temps, les actions sont imprescriptibles, le verrou de filiation est atténué, cette idée qu'on peut changer d'avis sur la GPA. Donc, toute cette direction et l'endroit où je vois vraiment qu'on dit : Non, ça, ça doit être définitif, c'est le fait de remettre le lien de filiation à la demande de l'enfant quand il a été enlevé. Donc ça, c'est aussi quelque chose... on dit : Pourquoi est-ce qu'on va vers plus de flexibilité? Pour tout le reste, on enlève le lien de filiation, ce n'est pas définitif. Mais, si on remet ça, ça doit être définitif. Donc, c'est un autre endroit où peut-être qu'on pourrait donner un petit peu de lousse pour rechanger d'idée, notamment s'il y a eu des pressions ou si, finalement, le père est dangereux.

Mme Nichols : C'est un bon point. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup à vous deux d'être venus nous voir aujourd'hui. Me Lessard, bienvenue dans les Cantons-de-l'Est, en Estrie.

Alors, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au mercredi 29 mars 2023, à 8 heures, où elle va se réunir en séance de travail pour un autre mandat. Merci. Belle soirée.

(Fin de la séance à 17 h 40)


 
 

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