(Dix
heures deux minutes)
Le
Président (M. Bachand) :
À l'ordre,
s'il vous plaît! Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite la
bienvenue.
La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille
en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la
suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression
ainsi que le droit des mères porteuses et des enfants issus d'un projet de
grossesse pour autrui.
Avant de débuter, Mme
la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Non, M. le Président, aucun remplacement.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Alors,
nous entendrons aujourd'hui Me Michel Tétrault, l'Association des
jeunes... des juristes progressistes, mais nous allons d'abord commencer avec
Me Kirouack, de l'Association des avocats et avocates en droit de la
famille... en droit familial du Québec, pardon.
Merci
beaucoup d'être avec nous ce matin, grand plaisir. Alors, vous connaissez les
règles, un petit 10 minutes de
présentation, puis après ça on aura un échange avec les membres de la
commission. Me Kirouack, la parole est à vous.
Association des avocats et avocates en droit
familial du Québec (AAADFQ)
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Alors,
merci à tous. Vous devez avoir reçu tant le mémoire de l'association que
le tableau comparatif qui se trouve comme être la suite de ce que l'association
avait pondu en regard du projet de loi n° 2. Avant que j'oublie, la
présidente de l'association s'excuse, elle a été demandée devant la Cour
supérieure ce matin, donc elle ne peut pas être présente par voie de
vidéoconférence. Je n'entends pas couvrir tous les points du mémoire, mais je
vous dirais ce qui est le plus important, vu le temps relativement court.
Donc,
on va commencer par l'article 113.1 qui prévoit... qui extrait dorénavant
une obligation à la mère qui a donné naissance de déclarer la filiation
à l'égard de son enfant. Avec égard, on comprend mal la discrimination d'une
telle disposition. Si tant est qu'il doive y
avoir une obligation à la loi, pourquoi est-ce que ce n'est pas à l'égard des
deux parents et juste à l'égard des mères?
Et on va recouper
immédiatement avec le nouvel article 523, que vous trouverez à la
page 12 du mémoire, puisque le
législateur entend ainsi insérer toute une série de nouvelles règles, et je
m'attarde à la première proposition, c'est-à-dire
que la filiation, désormais, s'établirait à l'égard de la mère gestante, soit
la mère qui a donné naissance, OK, indépendamment de la réalité juridique. Et
je vais recouper tout de suite, parce que le projet de loi, effectivement,
couvre la question des grossesses pour
autrui, cas de figure n° 1, parce qu'on sait que le projet de loi permet,
n'est-ce pas, à la mère porteuse de changer d'idée jusqu'à la
30e journée suivant la naissance.
Cas
de figure n° 1, elle est enceinte suite au don de sperme du
père prospectif, OK, ou par insémination artificielle. Donc, dans ces
cas-là, on va se ramasser avec la règle de la filiation par le sang, qui sera
la mère légale, la mère porteuse qui a donné naissance et le père prospectif
par le biais des règles de la filiation.
Scénario n° 2, toujours en vertu de 523 qui est devant vous, la mère
porteuse porte l'ovule, n'est-ce pas, et le sperme qui ont fait l'embryon, qui
ont été implantés de la part du couple prospectif. La mère porteuse n'a donc
aucun lien génétique avec l'enfant, et pourtant 523 vient nous dire que la mère
légale sera la mère qui a accouché, donc la
mère porteuse, et on se ramasse avec le même scénario, le père prospectif
pourra, lui, établir sa filiation puisque cela aurait été son sperme...
scénario numéro... et la mère prospective dont c'est l'ovule n'aura aucun
statut légal.
On pousse le
raisonnement. Troisième scénario : la mère porteuse devient enceinte suite
à un embryon, effectivement, qui a été implanté de l'ovule de la mère
prospective et du sperme d'un donneur, et on se ramasse dans la situation où la mère porteuse sera la seule
mère légale puisque la mère prospective n'a pas donné naissance, et pourtant,
c'est son enfant génétique, la mère porteuse n'ayant aucun lien génétique
directement ou indirectement avec la filiation.
Je comprends que,
dans tout temps, la filiation légale ne recherchait pas nécessairement la
réalité biologique, mais je vous soumets que
c'est impensable d'avoir un enfant qui est né des gamètes du couple prospectif,
avec laquelle la mère porteuse n'a aucun lien, et c'est la mère porteuse
qui va devenir la mère légale. On a le même problème ici. 113.1 et 523, c'est
la mère prospective ou c'est la mère, à 113.1, à qui on donne des obligations
qui ne semblent pas s'appliquer à l'autre membre du couple.
Par
ailleurs, et toujours en lien avec l'article 523, l'autre question,
c'est : Si l'article 523 nous dit qu'effectivement
la filiation se prouve, et je sais qu'il est au deuxième rang après l'acte
de naissance, bien là, qu'est-ce qui se passe des filiations en matière d'adoption? L'acte de naissance
en fera foi. Mais on a quand même un article 523 où le bât blesse
en matière d'adoption.
Pour ce qui est de
l'autre parent, c'est-à-dire, il y aurait l'insertion d'une nouvelle règle, et
je dois vous dire que l'association est un peu embêtée, le législateur
viendrait insérer, n'est-ce pas, la déclaration par l'autre parent, n'est-ce
pas, la déclaration de naissance, qui n'est, avec égard, qu'un simple
formulaire administratif qui est envoyé au Directeur de l'état civil pour que
celui-ci dresse, sans délai, et c'est ce que prévoit l'article, n'est-ce pas,
l'acte de naissance. Au surplus, lors de l'adoption du projet de loi n° 2,
le législateur a, et avec raison, on s'en réjouit, permis désormais, n'est-ce pas, aux conjoints de fait de
déclarer la naissance à l'égard de l'autre parent dans la déclaration de naissance. Donc, d'une part, on a toute une série
de déclarations de naissance où l'autre parent n'aura pas, effectivement,
reconnu, et, deux, on comprend difficilement l'insertion, pour une très courte
période, dans un mode de preuve, d'un formulaire
administratif dont le seul objectif est de dresser l'acte de naissance. Il y a
une difficulté. Et je soumets au législateur qu'effectivement il y aurait lieu
de réfléchir sur cette question.
Pour ce qui est de la
possession d'état, qui fait en sorte que... la possession d'état et l'acte de
naissance, je vais vous dire, l'association n'est pas nécessairement en accord
avec le fait qu'on a choisi le 24 mois de la fourchette jurisprudentielle
qui est du 16 au 24. 16 mois permettait aussi aux tribunaux, je vous
dirais, selon les faits... Parce que
24 mois, ça veut dire que le père génétique pourrait arriver la veille du
deuxième anniversaire et réclamer sa filiation à l'égard d'un enfant
qu'il n'a jamais vu, que l'enfant n'a jamais vu, qu'il n'y a aucun lien de
quelque nature que ce soit. Ça nous semble
une période longue et on eut préféré que le législateur garde ce qui a été
développé en jurisprudence et permettant ainsi une espèce de discrétion
à l'égard de quels sont les faits au dossier.
Section II. De
la filiation des enfants issus d'une procréation impliquant la contribution
d'un tiers. L'article 13 du projet de loi viendrait modifier
l'article 538, et, avec égard, le fait que le législateur veut remplacer
l'expression actuelle de «forces génétiques» par «matériel reproductif» crée
problème, d'une part. Et, je vous dirais, M.
le ministre, là, je ne pense pas qu'il est l'intention du législateur d'écarter
le don d'embryons, puisque c'est permis spécifiquement au règlement
québécois, mais il faut comprendre que l'article 3 sur la procréation
assistée définit ce qu'est du matériel
reproductif et le matériel reproductif n'inclut pas l'embryon congelé. Or, on
sait qu'il y a effectivement des dons d'embryons surnuméraires, et cette
expression-là peut ou pourrait, à tout le moins, créer problème.
• (10 h 10) •
On constate aussi que
le législateur inscrit une présomption à l'égard des naissances gémellaires et
on croit que, dans ces cas-là, c'est pour
pouvoir couvrir tous les cas de superfécondation hétéropaternelle. Pour ceux
qui ne savent pas ce que c'est, je
vais vous expliquer qu'il arrive parfois que la nature fasse en sorte qu'une femme
produise deux ovules, n'est-ce pas, lors de son cycle, qui sont
fécondés par deux hommes différents, OK? Donc, à ce moment-là, ce que je
comprends, c'est qu'à partir du moment où la règle s'applique on ne pourrait
pas ouvrir le débat quant à une disparité au niveau de la paternité.
Le don par relation
sexuelle. Écoutez, je félicite le projet de loi de finalement écarter l'espace,
là, la zone floue, le flou artistique qu'on avait, à savoir qu'en matière de
don par relation sexuelle chacune des parties pouvait comme changer d'idée
durant la première année. On pense que c'est à bon escient que cette portion-là
de l'article va disparaître, et on s'en réjouit parce que, sans ça, on n'est
pas certains de qui, effectivement, sont les parents de cet enfant-là, passé
une certaine période.
De la même façon que,
si vous allez... Les articles 539.1 à 541 sont abrogés. Je dois vous dire
que, de... sur la même idée, l'abrogation de 539.1 et de 578.1, on félicite le
législateur. On avait toujours trouvé difficile d'essayer de comprendre la
portée et l'application de cet article, qui ne s'applique, je vous le répète,
qu'en matière de conjoints de même sexe. OK.
Pour ce qui est
maintenant du projet parental impliquant une grossesse pour autrui, et au
risque de répéter certains des propos que nous avons obtenus lors du projet de
loi n° 2, mais, depuis ce temps-là, on a eu plus de temps, donc j'ai fait plus de recherches. Je
remercie, d'ailleurs, qu'on ait eu plus de délais pour savoir quand aura lieu la commission parlementaire, ça permet d'organiser
nos fins de semaine. OK. Vous savez, les données réelles sur combien on a de mères porteuses sont difficiles à
trouver, OK, qui... qui, effectivement, fait quoi. On sait, par ailleurs,
que... Il y a plusieurs articles dans les journaux récemment. J'ai appris
qu'apparemment des gens de l'étranger venaient
ici, effectivement, pour faire des enfants par grossesse pour autrui. OK. Par
contre, ce qu'on sait, c'est qu'il y a des risques inhérents à toute femme,
effectivement, de mener à bien une grossesse, un certain pourcentage de
dépression, effectivement, prénatale, c'est-à-dire durant la grossesse,
10 % à 20 % qui auront une dépression post-partum. Cette proportion
augmente à 30 % quand on parle des jeunes femmes qui ont moins de
25 ans. Et une à deux femmes sur 1 000 feront une psychose
post-partum. 15 % des femmes ont des symptômes de bipolarité, alors
qu'en... dans la population, en générale,
c'est 1 % à 2 %. Et à cela s'ajoute que le taux de mortalité
périnatale chez les femmes augmente...
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup,
Me Kirouack. On est...
Mme Kirouack
(Marie Christine) : ...et ne diminue pas.
Le
Président (M. Bachand) : ...on est maintenant rendus à la
période d'échange.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Nous
devons donc tenir pour acquis qu'il y a effectivement des contrats, des
conventions de grossesse pour autrui où la mère porteuse va décéder. C'est
statistiquement...
Le Président (M. Bachand) : Merci,
maître. On est déjà rendus à la période d'échange. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, Me Kirouack.
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Bonjour.
M.
Jolin-Barrette : Merci de venir en commission parlementaire. Vous êtes
une habituée maintenant. Merci également pour le mémoire fort volumineux, on va
le... prendre analyse. Puis merci d'avoir fait l'analyse article par article,
que vous avez jointe, également, donc, ça va nous aider là-dedans.
Juste
pour continuer sur ce que vous disiez par rapport aux conditions des mères
porteuses, là, vous disiez : Il y a des risques, notamment, à la grossesse
pour autrui, notamment des risques de mortalité plus grande, risques de
dépression post-partum, des impacts aussi. La position de l'association,
est-ce que vous préféreriez qu'on ne permette pas la conclusion de contrats de
grossesse pour autrui, connaissant le risque et connaissant aussi le fait que
ça se fait? Nous, on a pris l'approche où est-ce qu'on veut l'encadrer, mais
pas l'encourager, en mettant des règles très strictes.
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : La position de l'association, c'est que le projet
de loi ne va pas assez loin, OK? Pour nous, les parents prospectifs, qui, par
ailleurs, ne courent aucun risque de quelque nature que ce soit, devraient être
tenus de prendre une assurance vie au bénéfice des enfants et/ou du conjoint ou
de la conjointe de la mère porteuse et devraient être tenus de prendre une
assurance invalidité sur leurs propres deniers. Il y a lieu de garantir, cette femme-là, que, si elle devient
invalide, partiellement, complètement, de façon temporaire, effectivement
elle puisse bénéficier de prestations d'invalidité.
M.
Jolin-Barrette : Et cette prestation-là d'invalidité ou cette
assurance vie là, vous la chiffreriez à quel montant?
Parce qu'on sait qu'en matière d'assurance on analyse la santé de la personne,
on analyse les facteurs de risques également puis le montant est
corrélatif de la... en fait, de la prime... bien, pas de la prime, mais du
montant versé de l'assurance, donc dans...
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Je n'en ai aucune idée, M. le ministre. Mais, je
vais vous dire, à la limite, ce n'est pas
terriblement pertinent à partir du moment où j'ai des parties qui signent une
convention qu'une personne va subir tous les risques, qu'ils en assument
financièrement, ces risques-là.
M.
Jolin-Barrette : Mais il y a un enjeu financier aussi pour les parents
d'intention si, supposons, c'est assuré pour 2 millions de dollars.
Mme Kirouack (Marie-Christine) :
Je comprends ce que vous dites, M. le ministre, mais moi, moi, OK,
probablement mes réflexes de juriste, je vais vers la partie, effectivement,
OK, qui va avoir à assumer ces risques-là, si les parents prospectifs, OK,
n'ont pas les moyens de payer ça, bien, il faudra trouver une autre solution,
OK, que ce soit un régime étatique, que ça soit quoi que ce soit. Mais je ne
vois pas pourquoi c'est la mère porteuse à qui on devrait dire : Bien,
c'est vous qui allez prendre les risques et, si vous êtes invalide, bien, vous
assurez. Je m'excuse, là, mais je n'irai pas là.
M. Jolin-Barrette : Sur la question,
justement, de la convention de grossesse pour autrui, l'association est contre
le fait que ça soit une convention notariée. Pourquoi?
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Absolument. Et l'association, en plus, est à
l'effet que non seulement ça ne devrait pas
être une convention notariée, mais il devrait être obligatoire, comme le
demande d'ailleurs le centre de reproduction
de McGill, que chacune des parties ait des conseillers juridiques indépendants
vu l'ensemble des enjeux.
M.
Jolin-Barrette : Et pourquoi pas la convention notariée? C'est quoi...
C'est quoi, l'enjeu avec le fait d'avoir un tiers neutre?
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Écoutez, les avocats font des conventions en
matière de procréation assistée depuis des décennies, alors je ne vois pas
pourquoi on perdrait un champ de compétence qu'on a toujours eu. Et, par
ailleurs, je juge important que chacune des parties, c'est-à-dire le couple
prospectif et la mère porteuse, ait les conseils de conseillers juridiques
indépendants.
M.
Jolin-Barrette : Mais il n'y a rien qui empêche les parties d'aller
conseiller... d'aller chercher un conseil juridique
indépendant aussi, même dans le cadre de la convention. Mais... Parce que, là,
vous m'amenez un argument corporatiste de la part du fait que les
avocats en font...
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : C'est bizarre, hein, M. le ministre...
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît, s'il vous
plaît, s'il vous plaît! Parce que, juste, il faut vous entendre
individuellement. M. le ministre, oui, allez-y.
M.
Jolin-Barrette : Allez-y.
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Avec égard, M. le ministre, OK, vous avez un
projet de loi où on décréterait que, du jour au lendemain, je ne peux plus
faire des conventions. Je ne suis pas sûre que c'est corporatif de soulever le
fait : Comment se fait-il que je suis compétente aujourd'hui puis que je
ne le serai plus si le projet de loi passe? Je le flippe, là. Je veux dire,
l'argument contraire, c'est que c'est très corporatiste pour les notaires de
demander que ça soit un acte notarié. Je ne suis pas sûre que...
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, il y a des garanties juridiques en
lien avec l'acte notarié, notamment l'âge de la femme, le fait que la
déclaration ne puisse pas être antidatée non plus. Il y a certains arguments
qui militent en faveur d'une convention notariée aussi.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Vous
présumez qu'on ne vérifie pas l'âge des clients qu'on a, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Ce n'est pas ça que j'ai dit, mais, au Québec...
Mme Kirouack
(Marie Christine) : Mais c'est parce que...
M. Jolin-Barrette :
...au Québec, théoriquement, le contrat est nul présentement. Donc, vous me
dites : On a développé une expertise de convention entre les parties pour
la grossesse pour autrui sur des contrats qui n'étaient pas exécutoires. C'est
ça que je comprends.
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Ce que je vous dis, c'est qu'effectivement on a
une expertise, effectivement on en fait. Me Brown, qui est ici, en fait depuis
les années 80. Et je ne vois pas pourquoi, tout à coup, on perdrait une
compétence. Et le fait de soulever ça n'est pas corporatiste pour moi, par
ailleurs.
Et, pendant qu'on est
sur la convention, qu'elle soit notariée ou sous seing privé, on se pose
sérieusement la question de savoir pourquoi il faut que ça soit envoyé au Directeur
de l'état civil. Ça inclut des informations terriblement sensibles et
confidentielles aux parties. Quant à nous, effectivement, là, la déclaration
comme quoi que la mère porteuse reconnaît, n'est-ce pas, que son lien de
filiation ou acquiesce à ce que son lien de filiation soit présumé n'avoir
jamais existé est suffisant.
M.
Jolin-Barrette : L'autre aspect sur la convention notariée, c'est
qu'il y a une force probante en matière de
preuve aussi, ce qui n'est pas le cas avec une convention entre
deux parties uniquement lorsque ce n'est pas notarié.
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Oui, mais là vous parlez d'un débat devant les
tribunaux, et là on va se ramasser une inscription en faux à savoir ce qui
relève de... n'est-ce pas, ce que le notaire a mission de constater et ce qui
ne relève pas de sa mission.
M.
Jolin-Barrette : Mais essayons d'éviter de se retrouver devant les
tribunaux. Je voulais vous entendre sur la question des agressions sexuelles
menant à la naissance d'un enfant issu d'une agression sexuelle, votre opinion
entre la rupture du lien de filiation versus la déchéance de l'autorité
parentale. Qu'est-ce que vous privilégiez?
• (10 h 20) •
Mme Kirouack (Marie-Christine) :
Écoutez, il est clair que nous privilégions, c'est ce qui est retenu par
beaucoup de forums, effectivement, et beaucoup de législatures, c'est-à-dire,
qu'il y ait une reconnaissance du lien de filiation et qu'il y ait du même
coup, n'est-ce pas, le retrait de l'ensemble... une déchéance de l'autorité
parentale complète et non révisable, et je
vais plus loin, et une ordonnance de protection en vertu de 509 et de
non-communication. D'ailleurs, il y aurait lieu de modifier 509 qui permet
juste une durée de trois ans de telles ordonnances. Ça a l'avantage
d'être simple, de donner à l'enfant immédiatement tous les droits liés à sa
filiation. Ça ne reconnaît au père aucun droit en termes d'accès et de garde,
d'information ou de quelque nature que ce soit, parce qu'on a une déchéance
d'autorité parentale complète. On a des difficultés avec ce qui est proposé,
notamment, parce que, là, on propose une indemnité auquel l'agresseur devrait
contribuer au besoin à... Est-ce que c'est une pension alimentaire? Non, ce
n'en est pas une. Est-ce que, donc, ça disparaîtrait avec la faillite? Oui.
Est-ce que ça implique l'indemnité, qu'elle soit versée de façon forfaitaire?
Dans son libellé actuel, oui, si je fais un pendant avec les autres indemnités
qu'on trouve au Code civil.
Par ailleurs, pour ce
qui est de la capacité d'hériter ab intestat de l'enfant, vous savez, un des
devoirs du liquidateur en vertu du Code civil, c'est de chercher les
successibles. Avec égard, M. le ministre, si cet article-là rentre en vigueur tel quel, tous les liquidateurs
au Québec d'une succession d'un de cujus mâle devront faire un avis public
cherchant ses enfants dont le lien de filiation n'est pas reconnu parce que ça
fait partie de leurs obligations. Dans de vastes
cas, n'est-ce pas, les proches de la famille ou le liquidateur ne sait pas si
monsieur a ou n'a pas agressé quelqu'un et si un enfant est ou n'en est
pas né. Ça me semble compliqué, tout l'ensemble des règles en matière de
liquidation successorale, inutilement, alors
qu'on aurait pu faire directement quelque chose de très simple. Parce que,
l'obligation alimentaire, on sait comment ça se calcule, parce qu'en
plus, à la limite, c'est révisable sur toute forme de changement et non pas ce
qui est prévu au projet de loi, là, s'il y a un changement important et ce type
de choses là.
M.
Jolin-Barrette : Mais, en fait, je vous dirais deux choses.
Actuellement, là, lorsqu'il y a une succession, là, par dévolution
légale, là, bien, on ne sait pas, les messieurs, s'ils ont eu d'autres enfants.
C'est le cas d'un liquidateur actuellement...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Oui.
M. Jolin-Barrette : ...on ne sait
pas si monsieur avait des activités extraconjugales puis il a eu des enfants.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Oui.
Je vous l'accorde, mais, en ce moment, il y a des secrets d'alcôve.
M.
Jolin-Barrette : Écoutez, je vous dirais que chaque cas est un cas
d'espèce, puis ça dépend de chaque famille, puis, comme on dit, tout le
monde a sa réalité, ça fait que ce n'est pas tant différent.
Sur la question de la filiation puis de la
pension alimentaire, il y a beaucoup de groupes qui nous ont dit :
Écoutez, ce qu'on veut éviter, c'est qu'il y ait le maintien d'un contact ou
d'un contrôle entre le violeur et la femme qui est agressée sexuellement. Donc,
on est partis notamment de là pour faire en sorte justement d'éviter qu'il y
ait une récurrence au niveau de la pension,
si on utilisait la pension alimentaire avec montant qui est versé, supposons,
aux deux semaines. Donc, l'indemnité vise justement à faire ça. Par
ailleurs, il y a l'IVAC également qui verse un montant, une somme pour un
enfant qui est issu du viol.
Puis ce qu'on nous disait aussi, c'est que, dans
cette situation-là, on voulait laisser le choix aux femmes de dire : Est-ce que, oui, je maintiens la
filiation avec déchéance d'autorité parentale, où est-ce qu'on facilite le
recours, là, il pourrait y avoir ouverture à la pension alimentaire, ou
on lui donne le choix aussi de dire : Bien, écoutez, non, je ne veux pas
qu'il y ait de lien de filiation puis je veux que ça soit complètement coupé
aussi? Tu sais, on vient donner une certaine
autonomie à la femme qui a été violée relativement à ça. Donc, elle aura le
choix de prendre la voie qui lui convient le mieux en fonction de sa
situation particulière. Parce que moi, je les comprends aussi de dire :
Bien, je ne veux plus aucun contact puis je ne veux pas juste la déchéance
d'autorité parentale.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bien,
c'est-à-dire qu'à partir du moment où il y a déchéance complète d'autorité
parentale puis qu'en plus il y a 509 il n'y en a pas, de contact, et madame
pourra toujours décider qu'elle ne retourne
pas devant le tribunal pour faire modifier la pension alimentaire. Vous... Vous
me direz que, dans l'autre sens, ce
sera toujours partir... possible au père de le faire s'il y a un changement de
circonstances. Oui, effectivement. Mais, vous savez, le code prévoit aussi
qu'une pension alimentaire, ça peut être payé par somme globale et... Or, dans
le cadre, à ce moment-là, puis ça s'est fait par le passé, on peut faire
un calcul actuariel et dire : Voici, c'est le quantum que ça prend pour
mener cet enfant-là à terme.
M.
Jolin-Barrette : OK. J'ai des collègues qui veulent vous poser des
questions. Alors, merci beaucoup, Me Kirouack, pour votre présence
aujourd'hui.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci. Donc, il reste
cinq minutes. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme
Bourassa : Bonjour. Merci de votre présence en présentiel,
toujours plaisant. J'aimerais qu'on parle de l'état psychologique, peut-être,
des parents. Est-ce que vous croyez qu'une évaluation psychosociale des parties
pourrait être suffisante plutôt que des séances d'information, comme
certaines personnes le suggèrent?
Mme
Kirouack (Marie-Christine) : Bien, écoutez, si vous regardez au mémoire, je me
suis posé la question à force de
réfléchir sur l'incongruité suivante : si je veux adopter un enfant au
Québec, que ce soit une adoption québécoise ou que ce soit une adoption,
n'est-ce pas, à l'international, le code prévoit que je devrai, effectivement,
avoir une évaluation psychosociale. À partir du moment où le code permettrait
que, par convention, n'est-ce pas, je puisse obtenir la filiation d'un enfant
avec lequel je n'ai aucun lien génétique, OK, on se comprend, là, on ne soulève
pas la question, là, où il y a un lien, effectivement, génétique, là, ce n'est
pas là qu'on va, on s'est posé la question : Comment se fait-il? C'est
deux poids, deux mesures, alors que c'est la même chose. Dans les deux cas, on
va confier, effectivement, à des tierces
parties un enfant avec lequel ils n'ont aucun lien et, dans les deux cas, on a
des parents prospectifs qui voudraient vraiment, effectivement, devenir
parents, OK?
Par ailleurs, pour ce qui est de la séance
d'information, effectivement, qui est prévue, au mémoire, vous verrez qu'on recommande plutôt ce qui est prévu au
centre de reproduction de McGill, qu'on a trouvé fort intéressant, où,
effectivement, il y a une espèce de deux rencontres où, effectivement, il
va y avoir toutes sortes de discussions, c'est quoi, vos attentes, c'est quoi,
vos attentes par rapport à la mère porteuse, par rapport à cet enfant-là. Il va
y avoir des discussions de même nature avec la mère porteuse, quant aux
conséquences, pour elle, de ce choix-là par rapport aux enfants qu'elle peut
déjà avoir. Et, dans certains cas, leur guide, effectivement, prévoit qu'il va
y avoir une troisième rencontre, où les trois principaux acteurs seront en
présence, pour pouvoir, effectivement, discuter, là, de l'impact et comment ils voient ça. Tu sais, je vais vous
donner un exemple, là : Est-ce que les parents prospectifs s'entendent
d'être à tous les rendez-vous médicaux, tu sais?
Mme Bourassa : Et j'ai des questions
concernant le consentement de la mère porteuse. En fait, qu'est-ce que vous
pensez du délai pour changer d'avis après la naissance?
Mme
Kirouack (Marie-Christine) : Écoutez, le 30 jours nous va. C'est
plutôt dans le cas où elle change d'idée, où
je trouve que, là, on a un sérieux problème, parce qu'on permet, effectivement,
à quelqu'un de mettre au monde un enfant qui n'est pas le sien, dont
elle sera, dans certains cas, la seule mère, et le bât blesse, là.
Mme Bourassa :
Puis, dans votre expérience,
est-ce que ça arrive souvent, qu'il y ait des personnes qui changent
d'idées, des parents d'intention ou des mères porteuses?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Ah!
ça, ce sera plus Me Brown qui va être capable de vous répondre à ça.
Mme
Bourassa : Parfait, merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Saint-Jean, pour deux minutes, s'il
vous plaît.
M. Lemieux : Oui.
Merci beaucoup, M. le Président. Me Kirouac, j'avoue que c'est en
entendant le ministre vous dire qu'on essayait, dans ce projet de loi là,
d'encadrer de façon très stricte que j'ai réécouté ce que vous étiez en train de dire et ce que le ministre était en
train de dire et, à cet égard, j'ai hâte qu'on en arrive à l'étude détaillée
pour comprendre les ramifications de tout ça, puis, là-dessus, votre mémoire
est plus que détaillé. Merci de nous aider.
Je voulais vous
demander... Ça n'a rien à voir avec ce que vous avez dit jusqu'ici. Les mères
porteuses... Puis c'est parce qu'on en avait
parlé dans le projet de loi n° 2. Finalement, ça a été scindé, puis on n'a
pas conclu là-dessus. Il y avait un argument, je ne me souviens pas qui
l'avait fait, pour dire : une mère porteuse ne devrait pas en être à son premier enfant, elle devrait avoir déjà accouché
avant d'être mère porteuse. Puis il y avait une discussion aussi sur le nombre maximal
de projets de grossesse qu'on pouvait avoir. Pouvez-vous, dans le temps qui
nous reste, nous donner un peu votre vision de ça?
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Sur la question de... C'est une des
recommandations. Le centre de reproduction de McGill, parce qu'on se comprend,
hein, il n'y a pas énormément de documentation, là, à travers le monde, mais, effectivement, c'est une de... ils
soulignent très fortement que, la mère porteuse, sa famille devrait déjà être
finie, genre, elle a fait les enfants
qu'elle voulait avoir et/ou qu'elle en, effectivement, ait eu au moins un,
pour, je vous dirais, s'engager en toute connaissance de cause, ça, qu'est-ce
que vivre une grossesse, qu'est-ce qu'émotivement ça peut être,
effectivement, là, de sentir la vie dans son ventre, et ce type de choses là.
Donc, oui. Est-ce qu'on pense que ça devrait être une des recommandations? Je
pense que oui. Est-ce qu'il devrait y avoir un nombre maximal? Oui aussi, mais
de la même façon qu'il devrait y avoir un nombre maximal de donneurs de sperme.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Kirouack.
M. le député d'Acadie, s'il vous plaît.
• (10 h 30) •
M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour,
Me Kirouack, merci pour le mémoire que votre association a produit,
qui est très exhaustif, et votre témoignage ce matin. M. le ministre a déjà
abordé certains thèmes que je voulais aborder... je voulais aborder avec vous.
Je vais commencer par le premier, parce que, ça, vous en parlez dans votre
mémoire. Mais, écoutez, je vais être très transparent, un des avantages qu'on
a, dans l'opposition, suite aux témoignages qu'on entend en commission, c'est éventuellement
de proposer les amendements pour bonifier un projet de loi, s'assurer qu'il est
conforme à ce que... à ce qui va être le mieux pour la population, finalement.
Et vous, vous soulignez, puis effectivement, dans le projet de loi, il n'y a
rien. Le contrat, la convention de grossesse, elle est... c'est à titre
gratuit, sauf que... oui. Puis là, je vois que vous avez... Mais théoriquement
c'est ça, mais je comprends qu'il peut y avoir
une compensation pour certaines dépenses engagées. Puis il y a toute la
question aussi des agences, et... et
je voudrais vous entendre là-dessus, parce que le projet de loi, ça n'en parle
pas. Puis, évidemment, on comprend toute la sensibilité de tout cet
exercice-là, on essaie de protéger tout le monde. Donc, avez-vous des recommandations
sur l'encadrement, par exemple, qui devrait être fait des agences? Est-ce que
ça devrait continuer? Est-ce qu'on devrait les interdire? Est-ce que c'est bon,
pas bon? J'aimerais ça si vous pouviez nous éclairer là-dessus.
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Bien, écoutez, j'ai lu les journaux des derniers
jours comme vous, là, on a appris toutes
sortes de choses intéressantes. Je constate que, comme en matière d'adoption
internationale, il semble que les
tierces parties, n'est-ce pas, sont ceux qui font de l'argent, alors que les
principaux intervenants, effectivement, là, n'y trouvent pas... On va être clairs, par ailleurs, la loi fédérale
interdit de rétribuer les mères porteuses, OK, en termes d'espèces
sonnantes, là. Oui, les dépenses, oui, la perte de salaire. Est-ce que, de
facto, il y a des sommes occultes qui sont versées parfois? J'en suis certaine,
OK? J'ai eu à régler, moi, des débats de filiations après coup, où il était
évident qu'il y avait des sommes qui avaient été échangées.
L'autre question que
je me suis posée hier soir, c'est : à partir du moment où la mère porteuse
n'a aucun lien génétique avec l'enfant... Parce que je vais vous faire deux
catégories, là. C'est l'enfant biologique de la mère porteuse, catégorie numéro
un, la mère porteuse n'a aucun lien biologique avec l'enfant. N'est-il pas
possible qu'à partir du moment où elle a jusqu'à 30 jours pour dire oui,
que peut-être qu'il y a une demande de : Ça va coûter 50 000 $
ou ça va coûter 100 000 $, que je dise oui, puisque je suis la seule
qui a le pouvoir, soit de mettre fin au contrat
ou d'y donner suite? Donc, est-ce que, ça, ça peut ouvrir effectivement la
porte, je vous dirais, à des demandes illégales que des sommes soient
inversées? Ça me semble clair.
M. Morin : OK.
Et, selon vous, ça, c'est un cas de figure qui pourrait survenir. Donc, en
fait, d'une certaine façon, la mère porteuse pourrait dire : Écoutez,
mon... le fait que je redonne l'enfant, parce qu'elle peut le garder aussi, là,
mais elle va le... elle pourrait le... le monnayer, finalement?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Oui.
En fait, tout ça... Et je comprends que le projet de loi a une espèce de phare,
balance plus en faveur de la mère porteuse pour toutes sortes de bonnes
raisons. OK? Mais ce que je vous soulève, c'est qu'à partir du moment où 523
serait modifié, tout à coup j'ai une mère porteuse, qui n'est pas la mère
biologique, j'ai deux parents prospectifs, OK, et tout à coup, bien, elle va
pouvoir faire juste : c'est le mien, je le garde, je l'ai vu, il est mignon. Et donc on a ce problème-là ici, OK?
Et à cela s'ajoute qu'effectivement, à partir du moment où je pourrais
monnayer, ah, pas officiellement, on se comprend, OK?
M. Morin : Non, non, bien sûr.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : OK.
Mais il y a eu des dossiers où ça s'est vu.
M. Morin : Donc, est-ce qu'il
serait... Parce que ma compréhension du projet de loi, à 523, c'est qu'il y
a... il y a une présomption en faveur, en fait, de la mère porteuse. Est-ce que
c'est quelque chose qu'on devrait modifier, renverser?
Est-ce qu'il devrait y avoir une... en fait, une présomption en faveur des
parents comme tels? Qu'est-ce qui serait le mieux?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : En
fait, je vais vous dire, là, la... ma position et la position de l'association,
c'est qu'on devrait écarter du projet de loi toute la modification prévue à
523. OK? Et on devrait garder effectivement,
là, l'acte de naissance fait foi, à défaut de quoi c'est la possession
constante d'état. Ça aurait l'avantage, je vais vous dire, que faire en
sorte que : Oh! La présomption en faveur de la femme qui accouche n'existe
plus. Ça veut dire que dans mon cas de figure où elle refuse de consentir, et
elle a complètement le droit de le faire, bien, où est-ce qu'on se
ramasse : filiation par le sang, possibilité pour le couple prospectif
effectivement de demander un test d'empreintes génétiques. Et on aurait, à ce
moment-là, comprenez-vous, dans le cas où j'ai la mère prospective, dont c'est l'ovule, ou le couple dont c'est,
effectivement, et l'ovule et le sperme, bien, il n'y a pas de problème. OK.
Puis ça éviterait tout le problème où on écarte, tout à coup, la mère
prospective qui est aussi la mère génétique du résultat final. Il y a quelque chose d'un peu incongru alors que je porte un
enfant pour autrui et qu'effectivement j'ai signé une convention, si je
n'ai pas de lien génétique avec l'enfant et qu'il n'est pas mon enfant, que je
puisse, par le biais du nouveau 523, faire : C'est le mien.
M. Morin : C'est ça. Parce qu'en
fait ma compréhension, puis je pense que, vous l'avez très bien exprimé, c'est que la mère porteuse pourrait ne pas avoir
aucun lien génétique, mais... et donc signe, évidemment, une convention,
c'est l'idée du projet de loi, donc elle sait dans quoi elle s'engage, mais, à
la toute fin, même si elle n'a aucun lien génétique,
elle dit : Bien, écoutez, moi, finalement, je le garde, puis je
l'enregistre, puis il n'y a pas... il n'y a pas de souci, le projet de
loi va permettre ça, puis là les deux parents vont rester — woup! — complètement
à l'extérieur.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bien,
soit juste le père va être reconnu soit... et, auquel cas, la mère... la mère
ne le sera pas, là.
M. Morin : C'est ça. Exact. Merci,
merci bien. Est-ce qu'il y aurait lieu d'encadrer plus à fond la convention ou insérer, par exemple, dans la convention,
certains... certains éléments qui pourraient être d'ordre public? Vous avez
parlé de l'assurance ou de l'assurance vie qui pourraient être prises, mais
moi, il y a d'autres éléments qui me viennent en tête. Si, par exemple, il y a
des parents qui ont des employés ou des domestiques à la maison puis qui font
des pressions pour qu'une de ces personnes-là devienne une mère porteuse, là,
ça devient très difficile parce que vous avez une espèce de lien d'autorité puis
en plus, surtout si la personne, mettons ça encore pire, n'a peut-être pas un
statut de citoyen canadien, là ça devient hypercomplexe, est-ce que ce ne
serait pas approprié d'insérer, dans le projet de loi, un énoncé clair à
l'effet que ça, ça ne serait pas permis?
Mme
Kirouack (Marie-Christine) : En fait, c'est soulevé spécifiquement dans notre
mémoire, cette question-là, notamment à l'égard, n'est-ce pas, des
aides-domestiques, en vertu, là, du programme spécial de l'immigration qui
permet à ces femmes-là de demander, effectivement, leur résidence permanente
par la suite.
M.
Morin : Exact.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Nous sommes d'opinion qu'il ne devrait jamais y avoir de lien d'emploi ou un lien... et on va aller plus loin
que ça, là, un lien contractuel de travail, c'est sûr, OK, on va la payer comme
travailleuse autonome, là, OK, donc... et ça, ça devrait être très clair, les
personnes ne devraient pas pouvoir être liées à de cette façon-là. Et j'irais
plus loin que ça, pas non plus la fille ou la soeur de la dame qui travaille
là, en vertu... OK. Donc, on devrait s'assurer qu'il ne puisse pas y avoir
effectivement de pression, et notamment si je pense à la catégorie, effectivement, des gens qui viennent
travailler comme aide-domestique, tu sais, leur possibilité de rester ici
et d'avoir un avenir meilleur dépend effectivement de ce lien-là. Alors, oui,
il y a toute une possibilité de chantage.
M.
Morin : Excellent. Donc, ça, je vous... je vous remercie. Vous avez
pris, votre association, une position très
claire et, en fait, je trouve ça intéressant, et je vais me sortir du
corporatisme, là, on y a fait référence tantôt, notaire ou avocat. Moi,
je suis avocat, mais je ne suis pas ici comme avocat, mais je suis ici parce
que je veux que la législation soit meilleure.
La convention doit
être notariée. Quand j'ai lu le projet de loi, bon, c'est très clair, pas la
question du consentement, ça, ça va être sous seing privé. Puis on a entendu
plusieurs groupes qui — dont
l'ordre professionnel des notaires — qui nous disaient : Oui,
c'est un acte authentique, il n'y a pas de problème de preuve, c'est sûr que le
document ne sera pas antidaté. Et vous, dans... avec votre association, vous
prenez une position, puis vous l'avez exprimée
tantôt, ferme à l'effet que, non, ça pourrait être fait sous seing privé. On
nous disait : Écoutez, ça va être plus facile pour établir l'âge de
la personne puis le fait que ce n'est pas antidaté. Mais j'ai une question pour
vous, ça peut vous paraître étonnante, mais, tu sais, dans votre pratique ou en
général, faites-vous ça souvent, des actes antidatés?
• (10 h 40) •
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Bien, c'est parce que je pense que je... un, je
commettrais une faute professionnelle si je faisais ça. Ça fait que la question
ne se pose pas, là, je n'antidaterai jamais un document.
M. Morin : Merci.
C'est ce que... c'est ce que je souhaitais entendre, parce qu'il me semble,
qu'on soit notaire ou avocat, là, il n'y a
pas de différence, on ne fait pas des actes antidatés, là, mais... OK. Parfait.
Donc, au fond... Puis qu'est-ce que... Comment contourner toute la
question? Parce que c'est sûr qu'un acte notarié, c'est un acte authentique, là. Un acte sous seing privé, bien
là, ce n'est pas les mêmes règles de preuve, on s'entend là-dessus. Est-ce que,
pour vous, ça pose un problème majeur?
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Pour nous, ça ne pose pas de problème majeur de
quelque nature que ce soit, là, c'est la
convention des parties, et on se comprend, là, c'est dans les cas où ça va être
soumis en déclaration judiciaire.
M. Morin : D'accord. Je vous... je vous remercie. J'aimerais
aussi attirer... Puis j'aurais une ou deux questions pour vous en lien avec
l'article 542.33 du projet de loi, qui traite de la responsabilité
financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle.
Je comprends... je comprends l'idée, l'essence du projet de loi. Maintenant, et
dites-moi si vous êtes d'accord avec ma lecture de cet article-là,
présentement, une dame qui a été victime d'un viol, qui garde l'enfant, l'enfant vient au monde. Donc, dans l'état de
542.33, c'est elle qui va devoir s'adresser aux tribunaux et qui va devoir faire la preuve, évidemment,
qu'elle a été victime d'un viol. Je comprends que ça peut être prouvé par la
production d'un jugement. Mais ça va être à elle, donc, de s'adresser à la
cour, et de faire la preuve, et de faire la preuve de l'indemnité, et puis
après ça, bien, être capable d'éclairer le tribunal quant au montant qui va
être accordé. Est-ce que ma lecture est correcte?
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Votre lecture est tout à fait correcte.
M. Morin : Trouvez-vous
que c'est juste pour la femme ou si on ne devrait pas penser à un mécanisme
autre où l'État interviendrait pour la
soulager de ce fardeau-là? Est-ce que, par exemple, l'enfant pourrait être une
victime... reconnu victime d'un acte
criminel, et donc recevoir une indemnité par exemple de l'IVAC, ce qui
aiderait, plutôt que d'imposer ce fardeau-là à la mère?
Mme Kirouack
(Marie Christine) : Écoutez, il est certain...
Le
Président (M. Bachand) :
Très
rapidement, Me Kirouack, le temps file. Merci.
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : ...que d'avoir une indemnité de la part de l'IVAC,
là, pourrait être des plus intéressants par rapport à ça, et oui je trouve que,
quand je lis cet article-là, le fardeau de la preuve est extrêmement élevé parce
que je tiens pour acquis est que la vaste majorité des femmes ne réclameront
pas ça et n'iront pas devant nos tribunaux,
également, OK? Je tiens aussi pour acquis que, dans la vaste majorité des cas,
et on le sait, c'est connaissance
d'office, la majorité des femmes ne vont pas à la police, pour toutes sortes de
raisons, OK? Alors...
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil, pour
4 min 18 s, s'il vous plaît.
M. Morin : Parfait.
Merci, M. le Président.
Mme Nichols :
Continuez, Me Kirouack, là. Alors?
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Donc, statistiquement, on le sait, OK, la majorité
des agressions sexuelles ne sont pas
dénoncées aux autorités policières, pour toutes sortes de considérants sociaux.
Donc, ça veut dire qu'on demanderait
à une mère, effectivement, d'aller devant les tribunaux, de déclarer qu'elle a
été agressée sexuellement, de subir un contre-interrogatoire des plus serrés,
d'avoir à avoir un actuaire pour pouvoir prouver quel type d'indemnité...
Je trouve qu'on en demande beaucoup à la victime d'agression sexuelle.
Mme
Nichols : Oui, puis je pense que... je pense que l'intention, entre
autres, du ministre, c'est d'éviter tout ça, là, d'éviter tout ça. Donc, merci
de le porter à notre attention. Merci, là, Me Kirouack, d'être ici aujourd'hui.
J'avais aussi
plusieurs questions qui ont été abordées entre autres avec 523, l'assurance
vie, les conventions. Je suis plus, plus restreinte dans... dans le temps, mais
je voulais juste revenir sur... Le ministre avait parlé... Entre autres, à un moment donné, on arrivait avec la
différence... donner le choix à la mère, là, une mère qui est victime d'un
viol, puis on lui avait... on voulait lui donner le choix entre la pension
alimentaire ou d'aller chercher l'indemnité. Par
rapport à l'indemnité, avez-vous des recommandations à nous faire? Parce
qu'évidemment ce n'est pas les tables qui peuvent nécessairement
s'appliquer, puis on ne sait pas non plus...
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : La difficulté, quand on veut insérer au code
quelque chose qui est totalement nouveau, OK, et parce que j'ai été en pratique
privée beaucoup d'années, vu mes cheveux blancs, c'est qu'on sait qu'on en a pour 10 ans de jurisprudence avant de savoir
effectivement où commence l'article, où finit l'article, quelle est la
nature «de», comment ça devrait ultimement se calculer. Parce qu'il est clair
que, oui, on parle d'une contribution à cause d'un enfant, là, mais on ne parle
pas de pension alimentaire. Donc, les barèmes, que ce soient les barèmes provinciaux ou les barèmes fédéraux,
n'est-ce pas, ne s'appliqueraient pas. Ça implique aussi que je veux
bien, là, condamner quelqu'un à une indemnité globale, là, mais la capacité de
payer n'y est peut-être pas, puis à ce moment-là, même si la personne, elle ne
fait pas faillite, on va se ramasser sur la portion des sommes saisissables, effectivement, sur les revenus de quelqu'un. Tout
ça semble lourd, alors qu'on aurait pu juste aller clairement dans des
règles qu'on connaît et qu'on sait déjà comment appliquer.
Mme Nichols :
Puis, quand vous parlez des règles qu'on connaît, vous parlez des...
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : En matière de filiation puis de tout ce qui
découle.
Mme Nichols : Oui, en effet, en effet, il y avait une... il y a
une problématique à cet effet-là, là, si on convient d'une indemnité,
même pour aller chercher, là, le montant, le paiement, puis s'il y a un
changement dans les revenus.
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Oui, puis je vais vous dire, l'avantage d'aller
par là, là, OK, c'est que je suis victime d'agression sexuelle, je ne suis pas
obligée de m'en aller à la cour, hein, pour demander qu'on reconnaisse
effectivement que l'agresseur est le père de mon enfant, de quelque nature que
ce soit, je n'ai pas besoin d'aller devant le tribunal. Je ne suis pas tenue,
OK? Par contre, ici, on regarde vraiment, là, le dossier, mais d'une grande
tristesse de... qu'on... de l'été dernier, à partir du moment où la loi dirait
clairement à un agresseur : oui, vous pouvez venir devant le tribunal pour
faire reconnaître votre filiation, et le résultat final va être : oui, vous
allez être sur l'acte de naissance, deux, vous n'aurez aucune autorité
parentale, donc ça n'implique pas de garde, pas d'accès, pas le droit de savoir
ce qui se passe avec l'enfant, pas de contact, et vous allez payer une pension
alimentaire. J'ai le sentiment que dans les
cas de certains de ces agresseurs plus caractériels que d'autres, en termes
de... parce que, tu sais, il y a une espèce de recherche, là : Je
vais te faire souffrir, je ne t'ai pas juste agressée. À partir du moment où,
ultimement, ça va te coûter des sommes, tu vas présenter ça devant les
tribunaux, puis au bout du compte, tu vas payer une pension alimentaire et tu
n'auras rien du tout, j'ai tendance à penser que le message ferait en sorte que
le nombre diminuerait ou deviendrait inexistant.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Ça va?
Mme Nichols :
Oui. Merci, merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup,
Me Kirouack. Merci beaucoup d'avoir été avec nous, ça a été un grand
privilège. Merci beaucoup.
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Je suspends les
travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
10 h 48)
(Reprise à 10 h 51)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Alors, il nous fait
plaisir d'accueillir les représentants et représentantes de l'Association des
juristes progressistes. Bienvenue à vous quatre. Merci beaucoup d'être avec
nous. C'est un grand, grand plaisir. Alors, avant de débuter, je vous inviterais à vous présenter et commencer votre
exposé d'une dizaine de minutes et, après ça, on aura un échange avec
les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.
Association
des juristes progressistes (AJP)
Gauvin-Joyal (Laurence) : Merci, M.
le Président. Bonjour, Mmes et MM. les députés. Merci au ministre pour l'invitation. Nous représentons ce matin
l'Association des juristes progressistes, qui est un OBNL voué à la défense
des droits déterminé à mettre le juridique au service des luttes pour la
justice sociale.
À titre de représentant, représentantes, j'ai le
plaisir de vous présenter Me Joey Hanna, avocat et enseignant à l'École du
Barreau du Québec et au Département des sciences juridiques de l'UQAM,
Me Valérie P. Costanzo, également
avocate et actuellement doctorante en droit à l'Université d'Ottawa, et qui
sera professeure, dès le 1er juin, au Département des sciences juridiques de l'UQAM, Céleste Trianon,
étudiante en droit à l'UdeM, coordinatrice de la clinique juridique et également administratrice de l'AJP, et moi-même,
Laurence Gauvin-Joyal, également administratrice de l'AJP et étudiante
inscrite au Barreau du Québec.
Me Hana, je vous cède la parole.
M. Hanna (Joey) : Merci, M. le
Président, M. le ministre. Je vais faire écho aux propos de ma collègue et vous
remercier à mon tour pour l'invitation. Mon exposé va se décliner en deux
points. D'abord, je vais traiter de notre
proposition de reconnaissance de la pluriparenté, ensuite, je vais aborder les
propositions en lien avec l'accessibilité à la GPA, et ce, davantage
sous forme de questionnement.
Je vais commencer par vous dire que les
configurations familiales fondées sur le désir d'élever un enfant en dehors du
schéma biparental, elles existent et elles s'imposent d'ailleurs dans la
réalité sociale actuelle. On n'a qu'à penser aux parties prenantes d'un projet
de GPA, à une personne seule qui va adopter avec l'intention d'élever son
enfant avec des amis, aux trouples et j'en passe. L'idée, ici, là, ce n'est pas
de vous dresser un portrait exhaustif de l'ensemble des configurations qui sont
possibles, mais bien de sensibiliser le législateur à, d'abord et avant tout,
l'existence sociale des projets pluriparentaux et ensuite à traduire cette
existence sociale en réalité juridique. Ce qu'on soutient essentiellement,
c'est que la reconnaissance et l'encadrement légal de la pluriparenté, c'est
nécessaire et c'est en harmonie avec la recherche du meilleur intérêt de l'enfant.
À l'heure actuelle, l'absence de reconnaissance
légale de la pluriparenté, bien, ça va priver les enfants d'une protection
contre les conséquences d'une possible séparation ou d'un décès. On peut penser
à la situation où les parents civils, donc les parents qui ont un lien de
filiation qui est reconnu, vont couper les liens avec le parent de fait. Ici,
l'enfant serait privé du support affectif, social, économique, alimentaire de
son parent de fait qui, quant à lui, serait tenu à l'écart des décisions
découlant de l'autorité parentale qui, elle, s'articule par les parents
reconnus.
Bref, vous avez le portrait, là, d'un besoin de
protection auquel le législateur peut répondre et, à défaut de le faire, bien,
ça a pour conséquence de placer des enfants et par ailleurs des parents en
situation de vulnérabilité puisqu'ils ne peuvent pas pleinement jouir des
protections offertes par le Code civil en raison de leur configuration
familiale.
Je tiens à souligner qu'on a considéré la
question, voire les inquiétudes soulevées par certains et certaines quant à
l'articulation pratique et pragmatique de la pluriparenté. En gros, comment
est-ce qu'on va gérer les litiges concernant la garde ou l'autorité parentale
en contexte pluriparental? Bien, ce qu'on vous soumet, respectueusement,
aujourd'hui, c'est que le Code contient déjà des outils qui sont tout à fait
transposables et suffisants pour permettre aux
tribunaux de trancher un litige en matière pluriparentale et que le critère de
la recherche du meilleur intérêt de l'enfant, mais ce n'est pas
incompatible avec la pluriparenté.
Permettez-moi donc de conclure notre première
proposition en invitant le législateur à réfléchir à la question de la
pluriparenté en considérant les quatre facteurs suivants : premièrement,
le besoin de protection des enfants; deuxièmement, le besoin de reconnaître une
réalité sociale déjà existante; troisièmement, le besoin d'accorder à cette
réalité sociale les outils juridiques nécessaires pour s'articuler et
s'inscrire dans ce... dans ce besoin de protection; et, finalement, le besoin de préserver, là, le principe d'égalité entre les
enfants, et ce, sans égard au contexte, aux circonstances de leur
naissance. Et, pour toutes ces raisons-là, on vous invite à reconnaître la
pluriparenté.
Tout ceci m'amène à notre deuxième proposition,
à savoir une GPA accessible. D'une part, il faut souligner que, dans la mouture actuelle du projet de loi,
l'accès à la GPA est réservé aux personnes seules ou aux conjointes, ce qui
a pour effet de laisser derrière, bien, des coparentalités platoniques, des
couples qui refusent de faire vie commune ou
qui ne peuvent pas être juridiquement qualifiés de conjoints, conjointes.
Encore une fois, ces réalités-là, bien, elles existent, et on doit en
prendre compte afin que tous les parents puissent accomplir le projet de GPA en
conformité avec la loi et non pas dans la
clandestinité. Ainsi, on se pose la question s'il ne vaut pas mieux d'offrir un
soutien législatif plutôt que de maintenir des parents, des familles
dans la marginalité.
Sur un tout autre ordre d'idées, notre mémoire
soulève plusieurs angles morts et des questionnements quant aux dispositions relatives à la GPA. Je pense à
l'absence de définitions, de détails des enjeux qui vont être discutés lors de
la rencontre préalable au projet de GPA, aux
implications psychosociales, éthiques qui découlent de ces rencontres-là, à la
manière dont l'État va assurer l'accessibilité de ces rencontres-là, notamment,
l'accessibilité financière.
Toutes ces questions-là habitent notre mémoire
et justifient les recommandations qu'on vous fait et que vous trouverez, là,
plus amplement à la page 17. Mais, vu le temps qui m'est imparti, je vais
céder la parole à ma collègue.
Gauvin-Joyal (Laurence) : Merci. On
aimerait également attirer votre attention sur l'expression «la femme ou la
personne qui donne naissance», qui est largement utilisée dans le projet de loi
n° 12. Donc, puisque les femmes sont
juridiquement incluses dans la catégorie de personnes, sa mention expresse
semble a priori redondante, voire inutile. Or, s'il advenait que les
tribunaux aient à interpréter ladite expression, il y aurait une présomption
selon laquelle l'intention législative était de produire
un effet au regard du principe d'interprétation de l'effet utile.
Rappelons-nous que chaque terme, chaque
phrase, chaque alinéa doit être présumé avoir été rédigé délibérément en vue de
produire un effet. Partant du constat qu'il ne semble pas encore possible pour
les femmes trans d'incuber avec succès un foetus, la catégorie «femmes» ne
peut que signifier les femmes cisgenres au regard du contexte législatif. Par
conséquent, «les autres personnes» désignent
la diversité des personnes trans qui ont la capacité biologique de porter un
enfant. Ainsi, de par cette distinction, on voit que le projet de loi a pour
effet de créer deux catégories juridiques distinctes de personnes
pouvant donner naissance, les femmes cis et les femmes trans.
La grossesse est avant tout une expérience de
corps, un fait biologique qui concerne toute personne pouvant donner naissance.
Alors, comment justifier ce besoin de les distinguer au regard de leur identité
de genre, si ce n'est pas pour produire un
traitement différentiel et par le fait même discriminatoire à l'égard des
personnes trans? Par conséquent, nous vous invitons à ne conserver que
l'expression «personnes qui donnent naissance», puisqu'elle incarne à la fois
la posture inclusive recherchée et permet d'éviter une mise en oeuvre
discriminatoire. Je cède la parole à Céleste.
Trianon (Céleste) : Parfait. M. le
ministre, il me paraît également important de soulever quelques remarques quant à la langue prévue aux futurs
articles 541.12 et 541.30. Les obligations linguistiques prévues par le
projet de loi pourraient constituer un obstacle pour les personnes non
francophones qui désirent porter un enfant pour autrui. Le législateur
devrait s'abstenir de légiférer dans ce sens si son désir est de protéger le
parent ayant donné naissance. Sinon, afin
d'assurer un accès équitable à toutes les personnes visées par la loi, les
coûts relatifs à l'obtention de traductions certifiées, voire même
l'obtention de la traduction elle-même, devraient également être couverts par
la RAMQ ou autrement par le gouvernement.
J'aimerais
également souligner nos préoccupations quant à l'invitation de Pour les droits
des femmes du Québec aux présentes auditions. Ce groupe qui
s'autoréclame féministe dépense plus de son temps à l'histoire des personnes trans, de leurs familles et de la grossesse pour
autrui que toute autre chose. Le groupe qui réclame que l'identité de genre,
c'est un débat contagieux et dangereux qui
viole à répétition le droit à la dignité de certaines de nos membres et de nos
administratrices... À cet égard, nous trouvons ça impensable qu'une place leur a été réservée dans le
cadre des présentes auditions. Je vous cède la parole.
• (11 heures) •
Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors,
le dernier point qui est abordé dans le mémoire qui vous est présenté, c'est
celui de la filiation des enfants nés d'une agression sexuelle, avec des
propositions qui vont plus loin dans la mesure
où on est en train de créer du droit nouveau. D'ailleurs, on salue une
initiative de vouloir assurer une meilleure protection des personnes
victimes d'agressions sexuelles et des enfants qui en sont issus.
Les propositions qu'on apporte sont celles de
protéger davantage et d'aller plus loin. Et nous sommes ici aujourd'hui, notamment, pour réfléchir ensemble.
On l'a entendu dans... à travers les interventions de plusieurs personnes
dans les dernières journées de
consultations, qu'en créant du droit nouveau, il y a également des vides, il y
a des questions nouvelles, il y a des éléments qu'on n'a pas encore définis, et
on est disposés à le faire ensemble aujourd'hui, que ce soit par rapport
à la pluriparenté mais également dans un contexte de filiation d'enfants issus
d'une agression sexuelle. On cherche à
faciliter le rejet d'un recours de l'agresseur en réclamation de paternité,
notamment en créant un rejet de plein droit, en facilitant l'accès à
l'information par le Directeur de l'état civil, qui pourrait faire enquête pour
faire ce rejet, et non pas mettre le fardeau sur les épaules des personnes
victimes.
Il y a plusieurs présomptions qu'on vous
suggère, que ce soit dans un contexte d'opposer une réclamation de filiation,
de demander le retrait de la filiation ou encore de demander la déchéance de
l'autorité parentale. On pourra vous donner des exemples plus en détail. En
créant des présomptions, on va permettre à des victimes de ne pas avoir à faire
une démonstration à nouveau quand il y a un jugement criminel qui existe déjà,
de présumer qu'un contexte de violence
conjugale qui donne lieu à une conception d'un enfant est également une
agression sexuelle au sens de la loi. Et on estime que, si on est
largement d'accord sur le fait qu'en contexte d'agression sexuelle la honte
doit changer de camp, on pense aussi que le fardeau judiciaire doit changer de
camp.
Alors, merci
encore de l'invitation. Au plaisir d'échanger avec vous, nous sommes disposés,
là, pour vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :
Merci beaucoup. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Laurence
Gauvin-Joyal, Me Hanna, Me Costanzo, Céleste Trianon, bonjour, merci
d'être présents en commission parlementaire pour l'Association des juristes
progressistes.
D'entrée de
jeu, j'aurais envie de continuer, Me Costanzo, sur les recommandations que vous
faisiez relativement au cas où une femme a été violée et qu'il y a un enfant qui
est issu de ce viol-là. Vous dites : Il faut faciliter le recours
de la mère. Je suis d'accord avec vous. C'est ce qu'on tente de faire dans le
cadre du projet de loi. En fait, le premier élément,
c'est de lui laisser le choix. Donc, est-ce que... s'il y a établissement de la
filiation, le recours en déchéance soit dans le même véhicule procédural. Donc, on l'inclut de cette façon-là,
également. Même chose, le jugement en matière criminelle peut être versé
pour faire preuve dans le cadre de l'instance civile, le fardeau de preuve est
moins élevé en matière civile. Ça, c'est s'il y a rupture du lien de filiation.
Quels éléments supplémentaires vous rajouteriez
pour faciliter la vie de la femme qui a été violée?
Mme
Costanzo (Valérie P.) : Alors, quelques-unes... D'ailleurs, c'est vrai,
vous avez tout à fait raison, on va dans la même lignée que le
PL n° 12 et on salue, là, déjà, les propositions qui sont faites.
Dans un contexte où il y a un jugement criminel, et il n'y a pas encore de filiation établie à
l'égard de l'agresseur, et que l'agresseur fait une démarche pour établir cette filiation, ce qu'on propose,
par exemple, c'est qu'en intentant le recours il y ait l'obligation de mettre en cause le Directeur de l'état civil, que
le Directeur de l'état civil doit faire enquête, pourrait rechercher dans le
plumitif criminel de l'agresseur la culpabilité qui a été reconnue,
informer le tribunal, déposer au greffe ces jugements pour rejeter de plein
droit la demande. Alors, on vise surtout à faciliter, pour ne pas que la
personne victime ait à faire des démarches
supplémentaires, encore une fois, judiciaires pour faire... pour créer ce
rejet. Alors, on veut, disons, opérationnaliser,
sur le plan procédural, cette initiative. Dans la mesure...
M. Jolin-Barrette : Mais j'aurais
une question là-dessus : Qu'est-ce qui arrive si jamais madame veut,
supposons, qu'il y ait établissement de la filiation? Dans le fond, il n'y a
pas eu établissement de la filiation. Il y a eu un jugement criminel, puis là on est dans le flou, là. Actuellement, il
n'y a rien, mais que, finalement, quand la demande émane du violeur, finalement, madame dit :
Bien oui, je le veux, parce que... je veux une déchéance, mais je veux avoir
les aliments puis je veux avoir les droits successoraux. Qu'est-ce que vous
faites, dans ce modèle-là, avec ce que vous nous proposez?
Mme
Costanzo (Valérie P.) : Bien, il y aurait peut-être un devoir de conseil à
faire, à ce moment-là, c'est-à-dire, la femme en question va être... va
faire partie des personnes qui reçoivent les procédures, donc pourra également prendre la parole, mais, dans le devoir de
conseil, on prévoit d'autres mesures qui sont possibles dans le projet de loi
n° 12, notamment une indemnité.
On pourra en rediscuter plus tard, là, qu'est-ce que cette indemnité,
spécifiquement, comment est-ce qu'on
en fait la demande pour... Si une femme ne s'y oppose pas, bien, elle pourra
signifier, effectivement, là, son consentement,
mais, à ce moment-là, s'il y a consentement, les démarches judiciaires, s'il y
a... bon, c'est une déclaration tardive, finalement, de filiation.
Alors, bon, on peut laisser cet espace, cette agentivité à une femme,
éventuellement, d'indiquer qu'elle accepte. Je veux bien y croire,
hypothétiquement.
Dans ce qu'on peut voir et dans la pratique,
puis Me Hanna aussi aura des exemples à donner, ce qu'on voit souvent, c'est que les femmes qui ne veulent pas
avoir un lien avec l'agresseur qui... seraient probablement heureuses
d'obtenir un soutien économique, un soutien social pour la chose sans qu'il y
ait un partage de l'autorité parentale qui
découle du lien de filiation. Bien honnêtement et sous toute réserve, je serais
curieuse et je serais étonnée de savoir qu'il y a des femmes qui veulent
que le lien de filiation soit établi. Ce n'est pas impossible, prévoyant
effectivement que cela soit et qu'on laisse
une certaine... un pouvoir décisionnel à ces femmes-là, mais, sinon, je pense
que les autres alternatives répondent davantage aux besoins.
M. Jolin-Barrette : OK. Puis, vous
disiez, Me Hanna avait des exemples.
M. Hanna (Joey) : Bien, c'est-à-dire...
Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors,
moi... Allez-y.
M. Hanna (Joey) :
Pardon. Excusez-moi, je m'invite
dans la question, ici, là. Je n'ai pas d'exemple concret. Cela dit, je peux...
je peux vous dire qu'en pratique, essentiellement, c'est plus l'inverse qui
arrive. Essentiellement, donc, les femmes victimes vont vouloir couper tous les
liens, plutôt que de vouloir reconnaître ces liens-là. C'est ce que j'ai reçu
dans mon bureau à l'époque où je pratiquais à l'aide juridique en matière
familiale.
Donc, je ne vous dis pas que la question, elle
est théorique, je la prends, je pense que l'agentivité de la femme, bien, c'est un concept qui est très
important. Cela dit, j'ai plus l'impression que c'est l'effet inverse ou, du
moins, c'est la situation inverse qui risque d'arriver, plutôt que la
reconnaissance, le désir de reconnaissance par une femme.
M. Jolin-Barrette : Parce que, dans
le fond, vous, vous militez davantage à ce qu'il y ait une rupture du lien de
filiation, dans ce cas-là, plutôt qu'une déchéance de l'autorité parentale.
Parce que, voyez-vous, on reçoit des membres du Barreau, certains nous
disent : Non, on devrait aller vers la déchéance uniquement, ne faites pas
de rupture du lien de filiation. Vous, vous êtes à l'opposé, également. Donc,
je constate qu'il y a plusieurs situations, puis l'ensemble des membres du
Barreau, ils n'ont pas une solution unique et une opinion unique là-dessus.
Peut-être une question sur... Et j'ai été un peu
surpris que, dans le cadre de la grossesse pour autrui, vous recommandiez de
rendre facultative la séance d'information pour les parents d'intention et pour
la mère porteuse. Pourquoi voulez-vous rendre facultative cette séance
d'information là?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Je vous
dirais que cette proposition a été formulée dans la mesure où on était beaucoup
en posture d'attente par rapport à quelle serait cette séance d'information,
spécifiquement. Alors, dans l'attente d'avoir plus d'information, on a soulevé
cette idée d'avoir une séance qui était facultative. On comprend et on reconnaît tout à fait la nécessité que des
informations soient données, que les gens comprennent, soient en connaissance
de cause, qu'il y ait un consentement libre
et éclairé, mais peut-être qu'à ce stade on pourrait renverser la situation et
se placer en posture d'écoute pour avoir un peu plus d'information sur
qu'est-ce que cette séance qui est réfléchie par rapport à l'information psychosociale et éthique de cette rencontre-là,
parce que, dans le flou, on se pose des questions.
M. Jolin-Barrette : Bien, parce
qu'un des objectifs, c'est justement de préparer les gens aux conséquences,
puis aux impacts du projet parental, puis aux questions, de pouvoir répondre
aux questions de la mère porteuse, puis que la décision soit prise. Lorsque je fais une
convention de grossesse pour autrui, que je puisse le faire d'une façon éclairée,
puis que j'aie toutes les réponses à toutes mes questions, puis que je
puisse savoir dans quoi je m'embarque aussi.
Puis,
voyez-vous, il y a le parallèle aussi. On s'est questionnés à savoir, quand
vous êtes en matière d'adoption, notamment adoption internationale, vous
avez une évaluation psychosociale... On a décidé, dans le cadre du projet de loi n° 2 puis dans le cadre du projet de loi n° 12,
de ne pas aller vers l'évaluation psychosociale des parents, parce que
certains nous disent, bon : Il y a une grande différence entre l'adoption
et la grossesse pour autrui, considérant qu'en matière d'adoption, théoriquement, l'enfant, il a une rupture avec son
parent, c'est une situation qui est particulière, bon. La grossesse pour
autrui, on pourrait dire la même chose aussi parce que, bon, l'enfant a été
avec la mère porteuse durant l'ensemble de
la grossesse, mais on a décidé quand même d'aller vers la séance d'information,
qui est une exigence moins élevée que l'évaluation psychosociale.
Qu'est-ce
que vous pensez de ça? Parce que, là, vous, vous êtes comme en attente de voir
qu'est-ce qu'il y aurait dedans.
L'idée, c'est que chaque partie puisse savoir qu'est-ce que ça... qu'est-ce que
ça a comme impacts psychologiques, physiques, notamment, pour la mère
porteuse. Alors, comment vous voyez ça, par rapport à l'adoption?
Mme Costanzo (Valérie P.) : On
est favorables à cette avenue qui a été retenue, c'est-à-dire ne pas en faire
une évaluation, mais bien une séance d'information. Absolument. Tout à
fait d'accord avec ça.
M. Jolin-Barrette : OK. Parlons de la
pluriparenté. Vous, vous êtes en faveur qu'il y ait plus de deux parents.
M. Hanna
(Joey) : Tout à fait. C'est notre proposition.
M.
Jolin-Barrette : Expliquez-moi ça.
• (11 h 10) •
M. Hanna
(Joey) : Bien, en fait, je pense qu'il y a plusieurs arguments qu'on
peut soulever ici. Je les ai articulés de la
manière suivante : d'abord, un besoin de protéger les enfants;
deuxièmement, un argument subsidiaire ou, du moins, qui découle de ce besoin de protection, c'est d'éviter de
placer des parents ou des enfants dans une situation de vulnérabilité,
donc, de les priver, là, de droits qui sont prévus au code, de lien affectif,
psychologique, physique, matériel et monétaire; et, troisièmement, pour
consacrer le principe d'égalité entre les enfants, et ce, sans égard aux circonstances de leur naissance. Donc, pour ces
trois grands arguments là, on milite en faveur, là, de la reconnaissance
de la pluriparenté ici.
Mme Costanzo
(Valérie P.) : Je vais aller plus loin, si vous me permettez. Alors,
on veut permettre que la pluriparenté soit
reconnue en droit. Ce n'est pas nécessairement en faire la promotion. Il y a
d'autres États qui ont reconnu l'existence
de la pluriparenté, et la réalité, c'est qu'il n'y a pas tant de familles qui
font appel à ce type de configuration familiale, mais c'est reconnu, et
c'est encadré, et ça répond à un besoin réel.
Ça créé une certaine
résistance, on le reconnaît, mais de la même manière qu'il y a 20 ans,
dans un contexte d'une réforme qui était
absolument progressiste, qui permettait, par exemple, à des couples
homoparentals de devenir parents, il
y avait une grande résistance dans la population, et une des idées ou une des
questions qui étaient soulevées, c'est : On n'a pas fait la
démonstration que c'était dans l'intérêt de l'enfant et, 20 ans plus tard,
on ne regrette pas de l'avoir fait. C'est
effectivement dans l'intérêt des enfants. Leurs besoins sont répondus d'une
manière qui est différente, mais qui est tout à fait adaptée, et on
pense que c'est le même principe qui devrait s'appliquer avec la pluriparenté
aujourd'hui.
M.
Jolin-Barrette : Bien, je vous dirais que j'émets certains doutes par
rapport à ça, parce que je me demande on
répond aux besoins de qui. Est-ce qu'on répond vraiment aux besoins de l'enfant
ou aux besoins des gens qui forment ce projet parental là? Alors, si tout va
bien, je suis d'accord avec vous, c'est plein de gens qui s'occupent de
l'enfant, mais quand la chicane, elle pogne, là, s'il y a quatre parents,
l'enfant, là, il va avoir quatre maisons. Qui va
décider du consentement médical, les sorties à l'école? Il va avoir huit «sets»
de grands-parents. Il n'y aura pas assez de journées de Noël dans le temps des
fêtes, là.
Mme Costanzo
(Valérie P.) : «...love». Mais, cela étant, puis on reconnaît qu'il y
a cette inquiétude qui existe — ça veut dire plus à aimer, là, pour la
traduction — on
reconnaît des inquiétudes. Ceci étant, c'est vrai qu'il y a une configuration qui est nécessaire, les parents... Alors, dans les
propositions que vous avez dans notre mémoire, on a réfléchi à des
manières d'anticiper des enjeux. Alors, si, dans le cadre d'une GPA, il y a un
couple et une amie qui a accepté de porter
l'enfant d'autrui qui décident de faire un projet triparental, par exemple,
dans l'aménagement de ce projet, qui
doit être notarié, selon le PL n° 1, il pourrait également prévoir l'aménagement, de
comment va s'exercer l'autorité parentale et comment est-ce que l'autorité
parentale s'exercerait en cas de rupture, en cas de séparation. On pourrait prévoir
à l'avance.
Je reviens aussi à
votre question initiale, c'est-à-dire : C'est pour les besoins de qui, ça,
est-ce c'est les parents ou c'est les enfants? Bien, c'est le même genre de
question qu'on posait aussi il y a 20 ans puis qu'on posait il y a 50 ans dans un contexte de divorce.
L'un n'est pas nécessairement opposé à l'autre, il peut y avoir une interrelation
entre les deux. On pense qu'il y en a une.
Et, oui, ça fait plus de parents, mais ça fait aussi plus de parents qui se
soucient d'un même enfant.
Ce n'est pas exclu... Puis
on ne veut pas nécessairement avoir un discours angélique que tout va toujours
bien aller, au contraire, comme on le voit dans les cours supérieures du
Québec, même juste à deux, ça peut faire de grands conflits, mais on pense
quand même que les règles qui existent peuvent répondre aux besoins.
Et, si on reprend l'exemple de quatre parents
avec un enfant qui va être à quatre endroits en même temps, ce n'est pas
nécessairement ça qu'on dit. Le critère de l'intérêt de l'enfant pourrait
prévoir qu'il y ait deux parents ou qu'il y en ait quatre, qu'un des parents
ait une garde exclusive de cet enfant et que les autres parents aient des
accès, aient des droits de visite, aient un regard sur certaines décisions qui
sont prises, mais le noyau va rester l'enfant, et le droit actuel peut répondre
à ça aussi.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est une
discussion qui mérite d'être faite. Écoutez, mes collègues veulent poser des
questions. Alors, je vous remercie grandement pour votre présentation à la
Commission des institutions aujourd'hui, c'est apprécié.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous quatre. Merci pour votre temps. Merci d'être là.
Vous disiez un peu plus tôt que vous proposiez
de renforcer l'article 606, déchéance de l'autorité parentale. Est-ce que
vous pouvez développer là-dessus, nous en parler, de votre proposition? Merci.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Oui,
avec plaisir. Bonjour. Alors, une des avenues que nous avons... Alors, on pense
que... D'abord, pour le contexte, actuellement, il y a la possibilité de
demander une déchéance de l'autorité parentale. C'est un chemin de croix, c'est
très difficile, et, pour ça, Me Hanna aurait des exemples à donner. On
veut prévoir, par exemple, une présomption simple, qu'une agression sexuelle ou
qu'un contexte de violence qui a mené à une agression sexuelle soit retenu
d'emblée comme un motif qui justifie la déchéance de l'autorité parentale et
qui est dans l'intérêt de l'enfant. Alors, il n'y aurait pas une démonstration
qu'il y aurait à faire. Parce que sachez que la déchéance de l'autorité
parentale est un motif qui est considéré comme exceptionnel par la loi et par
les tribunaux. La Cour d'appel a dit que c'était une mesure qui est
draconienne. Alors, le fardeau à surmonter, le fardeau de preuve, est très
élevé, et on veut faciliter en créant une présomption, justement, que
l'agression sexuelle est un motif grave. C'est dans l'intérêt de l'enfant s'il
y avait une demande de déchéance de l'autorité parentale. C'est ce qu'on
prévoit, notamment.
M. Hanna (Joey) : Et je me permets
de rajouter, si vous me permettez, que, pour nous, l'intérêt de l'enfant et
l'intérêt de la mère, la mère victime, notamment, c'est interrelié. Et le
fardeau de preuve en matière de déchéance, bien, essentiellement, il faut
prouver deux notions, c'est-à-dire, le «motif grave» et «c'est dans l'intérêt
de l'enfant». Ce qu'on voit... Il y a des courants jurisprudentiels qui
viennent distinguer, là, la violence faite à l'enfant versus la violence faite
à la mère, ici. Et, pour nous, bien, tout ça, c'est interrelié, donc la mère
victime, la mère victime d'agression sexuelle, bien, c'est l'enfant également
qui en est victime. Et donc tout ça, c'est interrelié ensemble, et on ne
cherche pas à distinguer ces deux cas de figure là.
Donc, on veut simplifier la vie des personnes
victimes, ici, et leur éviter, justement, ce chemin de croix que j'ai vu, dans
ma pratique, en accompagnant des femmes dans le cadre de cette demande-là, qui
est un fardeau, ma foi, assez important
puisqu'elle est une mesure draconienne, une mesure un peu de «last resort», si
on... de dernier recours en droit. Voilà.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député
d'Acadie.
M. Morin : Oui. Merci. Merci, M. le
Président. Bonjour. Merci. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire,
également.
Il y a plusieurs éléments, mais il y en a un,
entre autres, dans votre mémoire qui a attiré mon attention, mais j'aimerais
vous donner l'opportunité, peut-être, de développer davantage. Et c'est à la
page 22 de votre mémoire, quand vous parlez de la reconnaissance de
l'existence du contrôle coercitif dans un contexte de violence sexuelle et
conjugale. Et la recommandation que vous faites, c'est... en fait, ce serait,
donc, de faire en sorte qu'on ajouterait une disposition et reconnaître
l'existence.
Est-ce que, pour vous, on le reconnaîtrait ou on
l'ajouterait pour faire échec à la filiation ou si c'est un concept qu'on pourrait également ajouter à 542.33,
quand on parle... du projet de loi, quand on parle de la responsabilité
financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle? Donc,
je trouve votre... En fait, c'est un concept,
bon, qui est connu, votre proposition est superintéressante, mais, d'une façon
pratique, comment on pourrait, finalement, bonifier le projet de loi
puis comment pouvez-vous nous aider là-dessus?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Merci
pour cette question. Je pense effectivement que c'est une bonne idée. Alors,
c'est une présomption qu'on soumet, là, dans un contexte de violence conjugale,
de contrôle coercitif qui mènerait, là, dans
ce contexte-là, à la conception d'un enfant. On prévoit une présomption simple,
que ce soit une agression sexuelle au sens d'une demande de retrait de
la filiation ou d'une demande de déchéance de l'autorité parentale. Ça pourrait être transposable aussi à d'autres égards, dans la
mesure où ça sert l'intérêt des personnes victimes et des enfants, absolument.
M.
Morin : Parfait. Je vous remercie. J'aimerais également
vous entendre, parce qu'on a eu plusieurs mémoires, plusieurs témoins...
Dans le projet de loi, présentement, la convention de grossesse, elle doit être
faite par acte notarié, et plusieurs
personnes nous ont dit : Bien, l'acte notarié, c'est parfait, ça permet
de... évidemment, c'est un acte authentique. D'autres nous ont
dit : Non, ça pourrait être fait sous seing privé, il y a déjà des avocats
qui rédigent ce genre de clauses là. Est-ce que vous pouvez nous éclairer
là-dessus? Pour vous, est-ce que ça fait une différence, ça ne fait pas de
différence? Avez-vous une préférence? Parce qu'à un moment donné, bien,
peut-être qu'on aura des recommandations à faire à M. le ministre là-dessus.
Mme Costanzo (Valérie P.) : C'est
une autre bonne question. Je vais vous dire que ce n'est pas un sujet dont on a
abordé dans le détail, avec l'Association des juristes progressistes. Par
contre, la discussion, on la connaît. Un des
enjeux des actes notariés, c'est notamment le niveau de formalité, l'accès à
cette possibilité-là. On pense que les actes
sous seing privé pourraient être plus accessibles pour d'autres types de
familles, avec des réalités socioéconomiques qui sont différentes et
devraient être considérées effectivement dans la réflexion, là, autour du
projet de loi n° 12.
• (11 h 20) •
M. Morin : Parfait. Je vous remercie.
Autre élément. Dans la convention de grossesse, dans le projet de loi actuel,
si j'ai bien lu, il y a... il n'y a pas beaucoup d'éléments qui pourraient,
éventuellement, par exemple, protéger la mère porteuse. Est-ce que vous pensez
qu'il y a des choses qu'on devrait ajouter, qui devraient être incluses
obligatoirement, par exemple, dans la convention de grossesse, et je vous donne
certains exemples : qu'arrive-t-il si la mère porteuse tombe malade,
qu'elle ne peut plus travailler après? Devrait-elle avoir eu un enfant avant ou
pas? Est-ce qu'on devrait interdire certains, si vous me permettez
l'expression, choix de mère porteuse? C'est-à-dire qu'une personne qui
travaillerait pour un couple, par exemple, dans son domicile, est-que ça
devrait être interdit que cette personne-là devienne la mère porteuse du
couple? J'aimerais ça, si vous pouviez nous éclairer là-dessus. Puis qu'est-ce
que vous pouvez partager avec nous à ce sujet-là?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors, à
ce stade, j'aurais envie de dire qu'on veut bien réfléchir à voix haute avec
vous, que ça n'a pas fait l'objet d'une discussion étendue, puis on serait même
limités à parler en mon nom personnel plutôt que de parler au nom de
l'association. C'est sûr qu'il y a plusieurs enjeux de rapports de force qui
doivent être pris en considération. Il faut faire attention au contrôle du
corps des femmes. Tu sais, s'il y a un contexte... en fonction du niveau de vie
d'une femme, on ne va pas se mettre à contrôler ce qu'elle consomme, ce qu'elle
ne consomme pas, au même égard qu'on ne le ferait pas pour une femme qui
porte... ou une personne qui porte un enfant hors le contexte d'une GPA. Alors,
je pense qu'il y a des choses qui sont transversales, peu importe le contexte
de cette grossesse.
Pour les autres enjeux, on veut bien... vous
avez accès à nos courriels, on veut bien poursuivre cette réflexion-là, mais,
pour l'instant, je pense qu'on s'en tiendrait à ça.
M. Morin : Je vous remercie.
J'aimerais aussi que vous puissiez nous éclairer en lien... Et là c'est avec
l'article 542.33 du projet de loi, qui s'intitule «De la responsabilité
financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle.» On comprend, on comprend l'idée. Maintenant,
ma compréhension, c'est que, présentement, ce serait à la mère qui a été
victime d'un viol, qui a eu l'enfant... pardon, de s'adresser aux tribunaux.
D'abord, de faire la preuve, sauf s'il y a déjà eu, évidemment, un jugement qui
en reconnaît l'existence, mais, après ça, d'établir le paiement d'une indemnité. Est-ce que, selon vous, c'est trop demander
à une femme qui a déjà été victime d'un viol? Est-ce que l'État ne devrait pas
prévoir un mécanisme de compensation automatique ou est-ce qu'il ne devrait pas
y avoir des grilles de compensation qui feraient en sorte que ça pourrait
éclairer le tribunal puis venir en aide, au fond, à la femme qui a été victime
de l'agression sexuelle? Puis, si vous pouviez nous donner quelques paramètres
ou vos réflexions là-dessus, moi, j'apprécierais grandement.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Avec
plaisir. Alors, pour réfléchir à voix haute à cette question, c'est sûr qu'on
est en train de créer du droit nouveau, et ça fait partie justement de
qu'est-ce qui est soulevé et de l'intérêt des commissions parlementaires
d'identifier les angles morts puis de pouvoir, ensuite de ça, les préciser et
apporter, là, des solutions qui sont concrètes. Quand... Dans un contexte où
est-ce qu'il y a un jugement criminel qui reconnaît l'agression sexuelle, ce sera effectivement plus facile. On pense que
l'article 542.33, tel que proposé, est une alternative. On pourrait penser à d'autres alternatives, comme
vous nous avez soulevées, par exemple, qu'on reconnaisse la femme comme victime d'acte criminel, qu'elle bénéficie
d'une immunité en son nom personnel, mais qu'on reconnaisse également, par
exemple, l'enfant qui est issu de l'agression sexuelle également comme une
victime en vertu de cette même loi, et qu'on puisse établir des barèmes en
fonction de ça.
C'est sûr qu'on pourrait regarder, hein, il y a
des personnes qui vont défendre... et c'est un peu ce que le ministre soulevait tout à l'heure, il y a des
personnes, notamment des juristes, qui défendent encore que le mécanisme de
déchéance est suffisant parce que le lien de filiation est présent, donne un
droit alimentaire, permet d'obtenir une pension alimentaire pour
l'enfant. À notre avis, ce n'est pas suffisant, et c'est bien d'avoir d'autres
avenues possibles pour s'adapter aux désirs des... aux besoins des enfants puis
à l'agentivité ou le choix que les personnes victimes, les parents victimes
auront fait.
M. Morin : Je
vous remercie. Je ne sais pas si ma collègue la députée de Robert-Baldwin a des
questions ou des précisions.
Le Président (M.
Bachand) : ...Robert-Baldwin, s'il vous
plaît.
Mme Garceau : Oui. Merci. Merci
beaucoup. C'était fort intéressant. J'aimerais revenir au niveau de vos
recommandations, et la reconnaissance de la pluriparenté, et les enjeux
pratiques de cette reconnaissance-là. Nous savons très bien que, quand tout va
bien, c'est merveilleux, mais là on se retrouve dans le contexte quand les
choses vont mal, et d'où vient l'importance de qu'est-ce qui est dans l'intérêt
de l'enfant, lorsqu'il y a un conflit entre non seulement juste deux parents,
mais, si on reconnaît la pluriparenté, on est en train de regarder plusieurs
parents. J'aimerais vous entendre là-dessus, au niveau de l'intérêt de l'enfant
lorsqu'il y a plusieurs parents dans un conflit devant les tribunaux?
M. Hanna (Joey) : Oui, je vais me
permettre, si vous permettez, Me Costanzo. Je ne vais pas répéter tout ce
qui a déjà été dit, puis je pense que c'était très sagement souligné par ma
collègue, là, l'intérêt de l'enfant, c'est un concept qui est transposable en
matière de pluriparenté. Et, oui, en matière de litiges, là, en matière de
conflits, on pourrait en venir, ultimement, à une déclaration judiciaire, à un
octroi d'une garde exclusive à un parent ici.
Je vais peut-être vous... mettre mes lunettes de
praticien ici, là, et de vous dire que j'ai entendu les mêmes réserves quant à l'articulation, le
pratico-pratique de comment ça va se passer en cas de conflit. Et j'aimerais
peut-être vous soumettre trois objections ou trois nuances, trois commentaires.
D'abord, en vous disant que les avocats, les avocates, un peu comme les
médecins, bien, quand on pratique en litige familial, qu'est-ce qu'on entend,
qu'est-ce qu'on voit, ce sont les bobos. Les gens qui se rendent dans nos
bureaux, dans... c'est parce que ça va mal, c'est rare que c'est l'inverse. Donc, on est peut-être un peu, là, biaisés par
notre perception du litige et du caractère acrimonieux et cette espèce
d'usure de la pratique. Donc, je pense qu'il faut être prudents un peu avec le
raisonnement de la pente fatale qui nous dit que, bien, si, avec deux parents,
ça va... ça peut être acrimonieux, imaginez trois, quatre, cinq. Donc, ça,
c'est l'argument de prudence.
À cette... à ce premier commentaire-là, je vais
nuancer mon propos en vous disant que moi, dans ma pratique, pour un dossier
que j'amenais devant le tribunal, à procès, bien, j'en réglais neuf. Et puis je
ne vois pas pourquoi est-ce qu'avec... dans un contexte de pluriparenté, ce ne
serait pas applicable également. Je pense qu'avec un bon accompagnement
juridique et psychosocial, M. et Mme Tout-le-monde finissent par comprendre les
tenants et aboutissants d'une séparation et
arrivent à faire des compromis dans le meilleur intérêt de leurs enfants. Et je
pense, avec égard pour l'opinion contraire, que, bien, les familles
pluriparentales seraient à même de considérer ces mêmes méthodes là et en venir à des règlements en matière de litiges et de
conflits. Donc, essentiellement, ce sont mes commentaires ici.
Et comme a
dit tantôt ma collègue, je pense que le contexte de la GPA, ça se prête très
bien à la reconnaissance de la pluriparenté. Et à lire le projet de loi, je
constate qu'on s'enligne vers un régime de GPA qui est formalisé, qui va
être conventionnel, ici, donc on invite les gens à prendre au sérieux le projet
dans lequel ils vont... ils vont se lancer. Bien,
tant qu'à faire, on pourrait très bien prévoir également l'après-projet, s'il y
a rupture, s'il y a conflit. Que va-t-il advenir de la garde, des
démembrements de l'autorité parentale? Et je pense que, bref, le contexte de
GPA, ça se prête bien à articuler, là,
concrètement, pratico-pratique, qu'est-ce qu'on fait en... suivant la
rupture... je ne veux pas dire du couple, là, mais de l'union, ici, ou
de la famille, bref.
Mme Garceau : Donc, on irait plus
loin, si vous me permettez, dans le cadre de la convention de GPA, un petit peu
comme des contrats... je ne veux pas dire un contrat de mariage, mais des
contrats, comme on appelle, le «prenup»,
dans le fait où on va détailler qu'est-ce qui se passe au niveau de l'autorité
parentale, l'exercice de l'autorité parentale, les droits d'accès, et
tout ça, dans le cadre de la convention GPA. C'est votre suggestion?
M. Hanna (Joey) : C'est-à-dire, ce
n'est pas notre suggestion principale, c'est une suggestion subsidiaire qu'on
vous fait et qu'on détaille dans le mémoire à la page 12. Et ce qu'on vous
dit, essentiellement, c'est que le contexte de GPA pourrait se prêter à une
reconnaissance de la pluriparenté. Et, bien, on a, dans le cadre de ce contexte de GPA là, cette convention qui pourrait
prévoir les aménagements de l'autorité parentale pendant le contexte
familial, mais également postérieurement à la rupture. Donc, ce serait une
avenue à envisager si jamais on voulait faire un pas vers la reconnaissance de
la pluriparenté, selon nous.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée
de Vaudreuil, s'il vous plaît.
• (11 h 30) •
Mme
Nichols : Oui. Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci
d'être parmi nous. Merci pour votre mémoire aussi.
Petite question par rapport au consentement de
la mère porteuse. Il y a des délais qui sont prévus dans le projet de loi n° 12. Supposons, là, la mère
porteuse qui change d'idée ou... Que pensez-vous, là, du délai, là, qui est
prévu dans le projet de loi?
Mme
Costanzo (Valérie P.) : Alors, le délai prévu n'a pas fait l'objet d'un
immense débat, dans la mesure où on considère que c'est raisonnable, le
délai qui est prévu. On sait qu'il y a certains intervenants, intervenantes qui
ont suggéré un plus long délai. On n'a pas tendance à
aller dans cette voie-là, dans la mesure où, éventuellement, il y a un enfant qui est né et qui a besoin de stabilité,
de créer un lien d'attachement, et ainsi de suite. Alors, on considère que le
délai qui est suggéré est raisonnable.
Mme Nichols : Parfait. Merci.
J'avais une autre question aussi en lien avec l'indemnité puis la prescription.
Puis je ne pense pas non plus... Je ne sais pas si vous l'avez... si vous avez
élaboré un... ou s'il y a une position plus précise,
là, mais... Parce qu'on voit que le législateur, il entend imposer une
prescription plus courte pour la succession. Je me demandais si vous
aviez une position ou des recommandations à nous faire à cet effet-là.
Mme
Costanzo (Valérie P.) : En toute humilité, pas à ce stade. Mais on serait,
évidemment, disponibles, là, à pouvoir en discuter davantage dans le futur,
mais, pour l'instant, là, on n'aurait pas de commentaire à faire à ce sujet.
Mme Nichols : Parfait. Puis
avez-vous regardé les dispositions testamentaires? Aviez-vous certains avis,
là, quand on rentre dans la partie successorale, là? Parce que c'est quand même
une partie, aussi, importante, suite à une certaine reconnaissance. Est-ce que
vous aviez un avis à nous soumettre?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Bien,
écoutez, peut-être Me Hanna aurait plus à dire que moi. On considère que les dispositions testamentaires ont un
objectif qui est tout à fait louable, là, et on... sur le principe, on est
d'accord avec la chose. Dans l'articulation, on n'a pas de commentaire
spécifique à faire, Me Hanna, à moins que vous ayez un ajout à ce sujet.
M. Hanna (Joey) : Je n'ai pas
d'ajout, malheureusement. Pas à ce stade-ci, en tout cas.
Mme Nichols : Parfait. Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci. Alors, à mon tour
de vous remercier d'avoir été avec nous. Ça a été très, très, très
apprécié. Et, cela dit, bien, on se dit à bientôt.
(Changement d'organisme)
Et, en
attendant, bien, on accueille nos nouveaux invités, Me Tétrault et
Me Brown. Alors donc, vous connaissez les règles. On a
10 minutes de présentation et, après ça, période d'échange avec les
membres. Me Tétrault, la parole est à vous.
M. Michel Tétrault
M. Tétrault
(Michel) : Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de
la commission, merci de l'invitation.
Si vous allez
à la page 3 de notre mémoire, je vais tenter, c'est une obligation de
moyens, de passer au travers des points saillants, effectivement, là,
qu'il me semblait important de soulever.
Sur «La filiation se prouve par l'acte de
naissance», j'endosse totalement les commentaires de Me Kirouack, à savoir que
c'est ce qui est reconnu par la jurisprudence, par la doctrine et surtout par
la loi, si elle n'est pas modifiée, et on devrait s'en tenir à ça,
effectivement, au lieu d'un formulaire administratif. Je vous souligne, et ça
va aussi en lien avec l'obligation de
déclarer la filiation : Est-ce qu'on va demander au personnel médical, au
moment de l'accouchement ou ailleurs, dans un autre moment, de
contraindre? Quant à moi, ce n'est pas leur travail, d'aucune façon. Il est très possible que la dame qui
accouche dise : Effectivement, ce n'est pas mon enfant, j'agis à titre de
femme porteuse et je ne le déclarerai pas. Je pense que, le personnel
médical, je n'ai pas besoin de vous faire une longue démonstration, on va
l'employer à d'autre chose actuellement qu'à tenter de remplir un formulaire
administratif qui, ensuite, servira au DEC,
je n'en disconviens pas, mais ce n'est pas de cette façon-là qu'on devrait
préparer ou qu'on devrait présenter une preuve, effectivement,
relativement à la filiation.
Autre élément : le projet parental et la
nécessité d'un écrit. On parle beaucoup de... de procréation assistée et plus
particulièrement le fait des femmes porteuses, mais les autres situations où il
peut y avoir un projet parental, par exemple
par l'apport de relations sexuelles, par apport de ce qu'on appelait à l'époque
de l'insémination de cuisine, ça, il n'y a pas de document, il n'y a pas
d'écrit pour ça. On dirait qu'on a mis tout l'accent, et je peux le comprendre,
sur la question des femmes porteuses, mais il me semble que, quand on a un
projet parental... ce qui permet d'éviter la situation suivante, où vous avez
une dame qui dit : Non, non, j'ai eu une relation sexuelle, mais c'était
pour mon projet à moi, et monsieur qui dit : Bien, non, non, c'était mon
enfant aussi, c'était... Bon. Donc, il me semble qu'un écrit, aussi simple
soit-il, permettrait d'éviter les litiges que nous avons actuellement devant
les tribunaux. Et ça m'apparaît tout aussi important pour un projet parental
qui n'implique pas nécessairement une femme porteuse que pour les autres.
Je passe ensuite aux dispositions relatives...
Ah! la nécessité de l'écrit notarié. Écoutez, vous avez à ma gauche,
géographiquement parlant, Me Doreen Brown, avocate émérite et qui est
vraisemblablement, au Québec, celle qui a fait le plus de conventions
relativement à des grossesses pour autrui. Donc, je vous inviterai, lors de la période des questions... J'entendais tout à
l'heure le ministre qui demandait : Oui, mais quel montant d'assurance?
Elle va pouvoir vous dire c'est quoi. Donc, ça, c'est dans un premier
temps.
Par rapport à la... Je
reviens à ma nécessité de l'écrit notarié, il y a une question de cohérence,
hein, parce que j'entends les mots
«corporatiste», «corporatiste», là. Nous avons une personne ici qui est une
avocate, qui, depuis... je ne veux pas trahir son âge, depuis plusieurs
dizaines d'années, fait des conventions pour... de grossesses pour autrui, et effectivement on se rend compte qu'il y
a une compétence. Peut-on se priver d'une compétence? Pour moi, la réponse
vient de soi, ce qui n'empêcherait pas les notaires d'en faire, ceux qui ont
des compétences. Mais je ne vois pas
pourquoi on doit retirer, entre guillemets, du marché... surtout qu'il y en a
certains dans les journaux, ou certaines, qui disent que le Québec va
devenir une... un lieu industriel pour la... les femmes porteuses, je ne suis
pas convaincu qu'on peut se permettre ça.
Dans un deuxième temps, celui-là plus juridique,
on ne me reproche pas... on ne me reprochera pas d'être corporatiste, quand
vous passez à travers le projet de loi, si vous allez à 541.9, 541.14, 541.8,
vous vous rendez compte que, bien là, dans
ces situations-là, même si c'est... on est en matière de femmes porteuses, ah!
bien, ça peut être notarié ou une déclaration assermentée devant
témoins. Pourquoi, pour certains documents, ça doit être notarié, pour d'autres
pas? Et j'ajoute, à 541.8, si ma mémoire est bonne : Quand une mère
porteuse, femme porteuse décide en cours de grossesse de mettre fin, dire :
Non, moi, ça ne fonctionne plus, c'est un simple papier sous seing privé. Je
trouve que ce n'est pas moins important que d'autres documents. La convention,
c'est important. À la fin, quand elle donne son consentement, c'est important,
quand elle décide de transférer l'autorité parentale aux parents à la fin ou à
l'aboutissement du processus. Pourtant, dans ces cas-là, on a dit : Bien
oui, ça peut être une déclaration assermentée avec deux témoins. Là, je ne sais
pas s'il y a des trucs moins importants que d'autres, on pourra probablement
m'en informer, mais, quant à moi, je ne vois pas pourquoi.
Troisièmement,
les dispositions relatives à la gestation pour autrui, je dirai deux choses,
connaissant les limites de ma compétence. Un : un membre de la
commission a soulevé la question des agences. Bien, évidemment, on n'en parle
pas du tout dans le projet de loi. Les agences, ça existe dans d'autres
provinces et c'est essentiel. Je vais vous rappeler
de mauvais souvenirs et je vais trahir mon âge. Vous vous rappellerez peut-être
de la belle époque de l'adoption à l'international quand il y avait des
agences privées. Ça allait tellement bien que nous avons créé le... le
secrétariat international à l'adoption, qui chapeautait tout ça, et qui
chapeaute, évidemment, toujours, mais là il n'y a à peu près plus d'agences
privées au niveau de l'adoption, je parle à l'international. Si on ne veut pas
que ça devienne quelque chose qui ressemble
au far west, je pense qu'on doit les contrôler, qu'on doit les surveiller, que
ce serait une très bonne idée que cet
organisme-là qui supervise les agences, peu importe qui qu'il soit... bien,
qu'il ait des pouvoirs, justement, d'intégrer et d'inclure dans les
conventions ce qu'on doit avoir.
On parlait d'assurance tout à l'heure. L'assurance,
c'est prévu dans les dépenses qu'on peut prévoir dans la convention, mais, si
on ne rattache pas à ça une obligation puis un montant ou un quantum, là ça
devient de la négo, et je ne suis pas
convaincu que, pour ce type de question là, c'est-à-dire la protection directe
de la femme porteuse et de l'enfant qu'elle porte... ça peut donner lieu
à une dérive dans certains cas. Donc, s'il y a des agences, on devrait les
surveiller.
• (11 h 40) •
Ensuite, il y a la question de... du dépôt
auprès du DEC de toutes les conventions aux fins de procréation avec femme
porteuse. Est-ce nécessaire? Et là je mets en opposition toute la question de
la vie privée, parce qu'on dit que, même si le processus ne se rend pas à la
fin, la convention doit quand même être déposée auprès du DEC. Là, je me dis : Bien oui, mais on fait quoi
avec ça? Le projet n'a pas abouti, il n'y a pas de raison qu'on dépose, parce
que, dans ces conventions-là, pour ceux et celles qui ont eu la chance de les
consulter, il y a tout, il y a tout... bien, il y en a où il y a tout, il y en
a d'autres où il y en a moins tout, mais il y a tout. Donc, à partir de ce
moment-là, est-ce qu'il n'y a pas moyen de dire : Parfait, vous allez déposer
un document, et voilà ce qu'on va retrouver?
Je joins à ça la question du profil que l'on
doit ajouter. Vous savez, il est question de mettre le profil des gens dans la convention. Bien, si ce qu'on veut, c'est
permettre qu'en cas de recherche des origines on puisse avoir des détails,
bien, calquons-nous sur l'adoption. En adoption... Écoutez, il y a 40 ans,
en adoption, les infos qu'on avait dans les formulaires, on va s'entendre, là,
on n'était pas là, mais, maintenant, il y a moyen d'avoir... Mais est-ce qu'il
y a moyen de faire en sorte... Parce que je
vous rappellerai que, si, surtout, il y a eu un refus de contact au niveau du
parent qui... la femme qui a servi comme mère porteuse, bien, si on
donne beaucoup, beaucoup, beaucoup d'information, là, dans la... dans le
profil, bien, écoutez, quelqu'un qui est un peu habile avec les réseaux sociaux
ou qui va contacter Ancestry va être capable de retracer, et ce refus de
contact là vaut quoi? Voilà. Donc, la question de la convention auprès du DEC,
dans tous les cas, j'aurais tendance à nuancer.
L'intérêt de l'enfant et la... Non, pardon, la
possibilité de consulter un procureur indépendant. Écoutez, ça me semble
évident qu'on doit vérifier à la base s'il n'y a pas... Quand on parlait tout à
l'heure, bien, il ne faudrait pas qu'il y ait de lien d'emploi entre... avec la
femme porteuse, il ne faudrait pas qu'il y ait un lien d'autorité, il n'y a pas
27 façons de le vérifier. Et, en droit, souvent, quand on a de telles
situations où les intérêts des deux parties peuvent être conflictuels, c'est
quoi, notre solution? On renvoie. Et c'est comme quand on représente deux
clients. Quand on fait une représentation conjointe, si, à un moment donné, on
se rend compte qu'il y a un différend, qu'est-ce qu'on fait? Vous allez voir
votre avocat, vous allez voir votre avocat. Et ça, bien...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Tétrault. On
doit... On est rendus à la période d'échange, alors sûrement que vous allez
pouvoir continuer sur d'autres sujets. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors,
merci, M. le Président. Me Tétrault, Me Brown, merci d'être en commission
parlementaire, de venir témoigner à la Commission des institutions.
Quelques
éléments en lien avec ce que vous avez dit, notamment sur la... que la
convention doit être transmise au Directeur de l'état civil lorsqu'il n'y a pas... en fait, lorsque le projet
parental n'est pas mené à terme. Bien, ce n'est pas la convention qui est
transmise, c'est la déclaration, à l'article 1, alinéa 2°. Donc, oui,
il y aura la déclaration avec les renseignements, mais la convention ne
sera pas transmise.
M. Tétrault (Michel) : Parfait.
M.
Jolin-Barrette : Autre
point, à 523, là, quand on parle de la filiation, là, là on est dans le régime
de la filiation par la reconnaissance ou par le sang, on n'est pas dans
le régime de la gestation... bien, de la grossesse pour autrui, qui est
vraiment un autre régime complètement distinct.
M. Tétrault (Michel) : Totalement.
M. Jolin-Barrette : Donc, pour la
grossesse pour autrui, c'est l'autre régime qui va s'appliquer, et non pas
celui-là.
Sur la question, vous dites, du formalisme
rattaché à la... à l'acte notarié, pour la conclusion de la convention, vous
nous avez dit tantôt : Il y a des situations... Je ne vois pas dans quelle
situation pour quoi est-ce qu'on ne devrait pas repasser devant le notaire si,
à l'origine, on passe devant le notaire. Prenons l'exemple dans l'éventualité
où la mère porteuse met fin à sa grossesse pour des questions urgentes ou des
questions de santé. On attend qu'elle soit sur le lit d'hôpital, puis on ne
l'opère pas, on n'intervient pas tant que le notaire n'est pas arrivé? Ça
n'aurait pas de sens de dire : On oblige à passer devant le notaire
absolument sur certaines situations. Je ne sais pas comment vous voyez ça, là.
Mais je comprends l'argument, tantôt, que Me Kirouack nous disait pour
dire : Bien, nous, on en fait, tout ça, mais le notaire, c'est un tiers
neutre qui est là pour conseiller les deux parties aussi. Alors, il est où,
l'enjeu sur le fait de confier ça au notaire?
M.
Tétrault (Michel) : Encore une fois, c'est de se priver d'une
compétence, d'une large compétence. Me Brown pourra en dire plus que moi
là-dessus. Au moment où on se parle, bien, il n'y a pas beaucoup, en termes de
notaires, de gens qui font cela. Et là nous avons des gens compétents.
Et ça me permet d'arriver à un autre point qui
m'apparaît important. On a discuté tout à l'heure de la possibilité qu'il y ait
une formation. Ça ne devrait pas être une possibilité. Écoutez, on va demander
à la personne qui reçoit ces gens-là de parler de psychosocial, de... Il faut
qu'il y ait une formation. Ça se fait, par exemple, en médiation. Il faudrait
qu'on ait la même chose. Et je vous suis quand vous nous dites : Bien là,
peut-être que l'expertise psychosociale, on va une coche plus loin. Et je pense
qu'effectivement il y a moyen, avec une formation adéquate, que les personnes,
notaires, avocats, soient en mesure de fournir aux gens quels sont... et, si
jamais il y a une mésentente ou une incompréhension, on les envoie... on les
envoie voir un procureur indépendant ou une personne, je pense à ce que disait
Me Kirouack, au centre de l'Université McGill, où il y a des gens qui ont
étudié la question, mais je pense qu'on ne peut pas se reposer uniquement sur
nos connaissances. Ce n'est pas dans notre cursus, là, hein, on va s'entendre.
À l'université, là, il n'y a pas de cours sur l'intérêt de l'enfant et sur ce
qui arrive et ce qui se produit par rapport à l'enfant, à la mère porteuse et
aux parents.
M. Jolin-Barrette : Mais j'ai deux
questions, juste pour éclaircir. La première : Donc, vous, vous êtes en
faveur d'une formation psychosociale pour les parents d'intention et pour la
mère porteuse, pas d'une évaluation psychosociale?
M. Tétrault (Michel) : Voilà.
M. Jolin-Barrette : OK. Deuxième
question, puis là je fais peut-être appel à Me Brown : Pouvez-vous me
décrire le type de convention que vous faisiez? Comment ça fonctionne dans la
mécanique actuelle, là, considérant que ce n'est pas un contrat qui est
exécutoire?
Mme Brown (Doreen) : Oui, ce n'est
pas exécutoire. À ce que je sache, le contrat n'a jamais été contesté nulle part au Canada. Ça, c'est numéro un. Dans
les autres provinces, je pense que c'est exécutoire, mais on ne sait jamais.
Comme vous savez, il y a quatre parents dans une province, en Ontario, six
parents en Colombie-Britannique. Qu'est-ce qui va se passer si c'est contesté?
Normalement, je reçois des clients. Si je représente le couple, les parents
d'intention ou la femme porteuse, je donne un avis légal, on parle du fait
que... Et tout le monde est au courant qu'ici, au Québec, le contrat n'est pas
exécutoire.
Mais je dois vous dire que je rédige les
contrats depuis 1984, je n'ai jamais eu un problème avec les contrats, je n'ai jamais eu une femme porteuse qui a changé
d'idée, et c'est toujours la femme porteuse qui me pose la question :
Qu'est-ce que je ferais si les parents d'intention ne prennent pas l'enfant?
C'est très clair. Et ils rencontrent des psychologues chacun. Et je sais
que la question était soulevée, même dans le contrat, pendant la grossesse. Si
la femme porteuse ou ses enfants ont besoin de parler à un psychologue, c'est
les parents d'intention qui vont payer pour ce... un service qui est là ainsi
que l'assurance vie, qui est normalement alentour de 500 000 $, pour
protéger la famille de la femme porteuse si elle décède. Et c'est les parents
d'intention qui paient pour, et ça dure deux ans, une année après la grossesse,
après la naissance.
M.
Jolin-Barrette : OK. Qu'est-ce que vous leur dites, comme avis légal,
aux clients que vous servez quand ils viennent vous voir justement pour ce type
de contrat là?
Mme Brown (Doreen) : Je dis que ce
n'est... Au Québec, ce n'est pas exécutoire au Québec, mais il y avait la
cause, le jugement où j'ai plaidé devant la Cour d'appel en 2015, et c'est tout
à fait légal, le contrat est légal, mais pas exécutoire. Et j'explique tout de
suite à mes clients, si ce sont des parents d'intention, que, si la femme
porteuse change d'idée, elle décide de garder l'enfant, on va aller à la cour,
mais, effectivement, on ne... on ne pourrait pas gagner à cause du fait que le
contrat n'est pas exécutoire. Mais la femme porteuse n'est pas la... la mère
biologique de l'enfant. C'est... Normalement, ça peut être l'épouse, si c'est
un couple hétérosexuel, ou une donneuse d'ovules qui est la mère. Ça veut dire
quoi? De porter un enfant, est-ce que ça fait une mère? C'est pour cette raison
que moi, j'utilise toujours le mot «femme porteuse». Ce n'est pas une mère.
M. Jolin-Barrette : Je comprends.
Est-ce que, dans le cadre de votre pratique... Vous nous avez dit : Ça
m'est... Combien de contrats vous avez faits, supposons, depuis 1984, vous
diriez?
Mme Brown (Doreen) : Beaucoup,
beaucoup.
M. Jolin-Barrette : On parle de
dizaines, de centaines?
Mme Brown (Doreen) : Non, plus que
ça, beaucoup plus que ça.
M. Jolin-Barrette : Des milliers?
Mme Brown (Doreen) : Oui, au moins.
M. Jolin-Barrette : OK. Puis
toujours en lien avec de la procréation assistée?
• (11 h 50) •
Mme Brown (Doreen) : Oui. Bien, en
1984, c'était une insémination. Alors, en 1984, c'était vraiment une mère
porteuse parce que c'étaient les ovules de la mère, de la mère porteuse.
M. Jolin-Barrette : OK. Est-ce
que... Est-ce que vous avez fait, comme on dit, «amicalement assistée»?
Mme Brown (Doreen) : Il y a toujours
un autre avocat. Quand... Quand vous dites «amicalement assistée», je ne
comprends...
M.
Jolin-Barrette : Bien, je voulais dire : sans avoir recours,
supposons, à de l'insémination ou... par voie naturelle.
Mme Brown (Doreen) : Ah! ils ne
m'ont pas dit, mais des fois... je pense que peut-être des fois oui.
M. Jolin-Barrette : OK. Et donc, sur
l'ensemble des dossiers que vous avez traités, ce n'est jamais arrivé qu'une
mère porteuse garde l'enfant?
Mme Brown (Doreen) : Jamais.
M. Jolin-Barrette : OK. Donc,
qu'est-ce que vous pensez du délai de sept, 30 jours qu'on a mis dans le
projet de loi?
Mme Brown (Doreen) : Pour une
adoption, la femme porteuse a toujours... Quand le nom de la femme porteuse est
inscrit sur le certificat de naissance et on va à la cour pour faire
l'adoption, il faut qu'elle signe un consentement, et elle a 30 jours de
retirer le consentement et avant l'ordonnance de placement. Je sais que, dans
les autres provinces, ça peut être à l'intérieur... je pense que c'est sept
jours. Pour moi, les femmes avec qui je travaille, les femmes porteuses avec
qui je travaille, ils ont déjà pris une décision. Et, même pendant la
grossesse, il y a toujours une relation entre la femme porteuse et les parents
d'intention. Et, pour moi, ce n'est pas nécessaire de garder un délai de
30 jours. Pour moi, sept jours est assez long. Et je dois vous dire qu'il
y a plusieurs femmes porteuses qui veulent voir l'enfant... tenir l'enfant dans
ses bras au moins une fois. Et je n'ai jamais eu de problème, je n'ai jamais eu une femme porteuse ou un autre
avocat qui représente la femme porteuse qui disent : Elle veut garder
l'enfant, elle veut voir l'enfant, elle veut partager la garde, jamais.
M. Jolin-Barrette : OK. Peut-être
une dernière question avant de céder la parole à mes collègues : Sur la
question de la rupture du lien de filiation, là, en... lorsqu'il y a une
agression sexuelle puis que l'enfant en est issu, où vous situez-vous
là-dessus?
M. Tétrault (Michel) : Bien,
écoutez, il y a deux... deux... Un, je tiens à souligner la rapidité avec
laquelle ça a été amené suite au témoignage
que, vraisemblablement, tout le monde a pu lire. Écoutez, ça dépend de la
victime. Il m'apparaît difficile de dire :
Ça, ça va être mieux, et ça, ça va être pire ou ça va... Si la victime... Et je
considère que l'enfant qui naît est aussi la victime de ça, parce que je vais
arriver à une autre... un complément de réponse. Si c'est le choix, bien,
écoutez, il n'y aura pas de filiation, il n'y en aura pas. S'il n'y a pas de
filiation, il n'y a pas d'autorité parentale. Parfait, beau choix. Si la mère,
la victime de l'agression, décide qu'il y aura un lien de filiation, il n'y aura pas d'autorité parentale d'aucune
façon, non réversible. Je pense qu'il y a moyen d'écrire ça dans deux paragraphes
souples, et ça donne à la victime le choix.
L'autre élément : pour ceux et celles...
parce que j'ai réfléchi un peu à la question, là, ceux et celles qui disent : Oui, mais là, si l'enfant veut
retrouver ses origines, et tout le reste, il n'y a pas de lien de filiation,
écoutez, retrouver ses origines puis le lien de filiation, c'est deux
trucs qui sont différents. Et ce n'est pas parce que je n'aurai pas de lien de filiation d'établi que je ne pourrai pas
retrouver qui serait le père, évidemment en ayant quelques informations.
Donc, moi, je pense que, pour respecter la
victime dans le processus, on doit laisser deux options. Et, si vous en choisissez une, facile, il n'y a pas d'autorité
parentale. Si vous choisissez l'autre, avec filiation, c'est une déchéance non
réversible.
M. Jolin-Barrette : Bien là, dans le
projet de loi, il y a les deux, actuellement.
M. Tétrault (Michel) : C'est pour ça
que...
M. Jolin-Barrette : OK.
M. Tétrault (Michel) : Sauf qu'il y
a une question qui... que je soulève, la question de : en fonction de
l'intérêt de l'enfant. Je rappelle que normalement, en matière de filiation,
l'intérêt de... en matière de filiation par le sang et autres, l'intérêt de
l'enfant, ce n'est pas un enjeu. En adoption, c'en est un, mais, en matière de
filiation régulière, l'intérêt de l'enfant... Et je m'en voudrais qu'en plus
d'avoir à passer par un procès, et tout le reste, que le tribunal dise :
Bien, écoutez... parce que des collègues qui ont passé avant ont dit :
Vous savez qu'il y a une frange de la jurisprudence où on dit que, si l'enfant
n'a pas subi la chose, n'en a pas eu connaissance, ce n'est pas vraiment de la
violence. Je m'en voudrais énormément de lire un peu la même chose à propos de
cet article-là puis que le tribunal dise : Écoutez... et le père s'est
réhabilité, l'agresseur est mieux, c'est... Ça...
M.
Jolin-Barrette : Mais là on est dans un cas où la filiation avait
été établie puis on est dans un cas où est-ce que l'intérêt de l'enfant est
considéré, que, supposons, ça arrive cinq ans plus tard, le père s'est occupé
de l'enfant, supposons, pendant cinq ans, puis là ensuite, donc, c'est
un personnage qui est présent aussi.
M. Tétrault (Michel) : C'est un
personnage qui est présent, mais ça n'enlève pas le reste.
M. Jolin-Barrette : Ah! bien, je
suis d'accord avec vous.
M. Tétrault (Michel) : Et l'autre
élément, déchéance, la même chose. Écoutez, si vous regardez la... les
décisions des tribunaux au niveau de la déchéance, on se rappelle que la
déchéance, là, la Cour suprême l'a dit, c'est la peine capitale pour un parent,
OK, c'est la peine capitale. Bien, considérant les conséquences et les actes
qui ont été posés, par rapport à l'autorité parentale, ce n'est pas une
mauvaise idée, ce n'est pas une mauvaise idée.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
M. Jolin-Barrette : Excellent. Je
vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré,
il reste un peu plus de trois minutes.
Mme Bourassa : Merci beaucoup.
J'aimerais revenir sur une partie de votre témoignage, notamment quand vous
parlez des agences. Vous avez dit : Elles sont essentielles, mais ça peut
devenir le far west, qu'il faut surveiller pour
éviter qu'il y ait des dérives. Je veux juste bien comprendre. Est-ce que vous
voulez qu'on les interdise ou qu'on les encadre?
M. Tétrault (Michel) : Non, non,
qu'on les encadre. Ça existe dans d'autres provinces, mais ce qu'on veut
éviter, c'est exactement ce qui s'était passé en adoption internationale alors
qu'il y avait des agences un peu partout et
qu'il n'y avait pas vraiment de contrôle. Et là, bien, vous aviez des gens qui
se rendaient à des places, qui n'avaient pas le bon enfant qu'ils
devaient avoir, bon, bref, qui devaient rester... Ce qu'on veut éviter, c'est
ça. Et, quant à moi, c'est une garantie
supplémentaire par rapport au pouvoir qu'on donne à cette agence-là de vérifier
des choses et de s'assurer...
Mme Bourassa : Est-ce que ça serait
une obligation de passer par une agence ou on pourrait aussi...
M. Tétrault (Michel) : Non, non,
absolument pas, on n'est pas obligé. Dans les autres provinces, on y va si on
veut, mais on sait que, si on va voir une agence... Parce qu'une agence, bon,
en Ontario, là, c'est entre 10 000 $ et 20 000 $. Et, eux, ce qu'ils font, c'est
qu'évidemment ils font, on me passera l'expression, un tout-compris, hein?
Donc, ils s'occupent de toutes sortes de choses et ils font... Bon.
Donc,
oui, ce n'est pas une obligation de passer par les agences, sauf que...
D'autant plus qu'auparavant il y a des
mesures qui sont mises en place pour que les gens soient bien informés, pour
qu'ils puissent avoir accès à un procureur indépendant, par exemple. Donc, ce n'est pas, effectivement, une
nécessité que... parce que, sans ça, bien, écoutez, ouvrons un
secrétaire... un secrétariat à... tout simplement. Mais, non, je ne veux pas
contraindre les gens.
Mme
Bourassa : J'ai encore un petit peu de temps. Donc, j'aimerais juste
revenir sur le bout, dans votre mémoire, où
vous parlez, effectivement, des... de l'assurance vie, notamment en cas
d'invalidité de la mère porteuse... de
la femme porteuse ou en cas de décès, même, la responsabilité des parents
d'intention envers la progéniture de la mère. Est-ce que vous aimeriez
que ce soit obligatoire, l'assurance vie?
M. Tétrault
(Michel) : Absolument, absolument.
Mme
Bourassa : Puis, dans les autres provinces, ça ressemble à quoi?
Mme Brown
(Doreen) : C'est la même chose. Je travaille avec des avocats partout
au Canada, et c'est inclus dans tous les contrats, une assurance vie et
invalidité, c'est toujours là.
Mme
Bourassa : Et ce serait pour deux ans, donc un an après la naissance...
Mme Brown
(Doreen) : Oui, oui. Normalement, oui.
Mme
Bourassa : Parfait.
Le
Président (M. Bachand) : Parfait. Merci
beaucoup. M. le député de l'Acadie.
• (12 heures) •
M. Morin : ...merci
beaucoup d'être là. Merci pour votre mémoire. J'ai quelques questions. À
l'article 8 du projet de loi, à
l'article 523, on veut changer, finalement, certains principes de
filiation en favorisant la mère ou le parent qui donne naissance, donc
ça pourrait être la femme porteuse. Avez-vous... Ce n'est pas le cas
présentement. Est-ce qu'on devrait aller dans cette direction-là ou si on
devrait rester comme on est puis qu'il n'y ait pas, finalement, une espèce
de... d'être en faveur de la femme porteuse mais plutôt que ce soient les
parents d'intention?
M. Tétrault
(Michel) : Bien, effectivement, c'est parce qu'évidemment le
législateur ne parlant pas pour ne rien
dire, si on met une présomption, ça pourrait être interprété comme
disant : On avantage ou on interprète dans ce sens-là. Donc, par rapport
aux présomptions, là, je n'ai pas tendance à y aller... en tout cas, à 523, là,
pas tendance à y aller.
M. Morin : D'accord.
Je vous remercie. Puisque vous êtes là, Me Brown... Merci, merci beaucoup.
Puis on bénéficie de votre grande expérience
là-dedans. Bon, je comprends qu'un contrat ou une convention pour grossesse, ce
n'est pas exécutoire au Québec présentement, mais ça n'empêche pas que la
pratique est très répandue. Vous avez témoigné à cet effet-là. Donc, dans votre
pratique, comme un contrat type, comment... comment vous procédez? Est-ce que
vous suggérez, par exemple, aux parents qui ont ce projet d'aller consulter un
avocat, d'avoir un avis juridique autre,
même chose pour la femme porteuse, est-ce que vous incluez obligatoirement des
clauses d'assurance? Vous le recommandez, etc.? Comment... comment ça...
ça fonctionne? Puis, compte tenu de votre pratique, votre expérience, est-ce
qu'il y a des choses dans le projet de loi qui... qui manquent, où on... où on
rate carrément la... la cible?
Mme Brown (Doreen) : OK. Normalement,
très souvent, je reçois des clients qui sont référés par une agence. Il y a
plusieurs agences au Canada et il y a des agences qui me réfèrent des... des
clients. Ça peut être des parents d'intention, ça pourrait être une
femme porteuse. Normalement, les clients que je reçois sont domiciliés au
Québec ou il y a des clients qui viennent
d'ailleurs, qui viennent de la France, et la... la femme porteuse peut être d'ici.
C'est possible que je représente une ou l'autre.
Je... je veux ajouter
aussi qu'il y a deux agences qui remboursent la femme porteuse. Et ils ont un
système de comptabilité qui est vraiment
excellent. Parce que la femme porteuse doit produire des reçus pour qu'elle
soit remboursée de... de certains frais. Moi, je... je ne paie jamais. Je... je
ne touche pas l'argent. C'est... Ce n'est pas à moi à... à le faire.
Dans
tous les contrats, on insiste que les clauses de... d'assurance vie et
invalidité soient dans le contrat. Je dois vous dire que les... J'ai déjà eu
des clients qui me disent : Mais pourquoi est-ce qu'il faut mettre ça dans
un contrat? Je dis : C'est parce qu'on
le met et c'est obligatoire. Et si, moi, je ne le mets pas, l'avocat de la femme
porteuse va le mettre ou, si moi, je reçois une... un contrat d'un autre
avocat, je... et ce n'est pas dans le contrat, j'insiste que ce soit là. C'est
déjà arrivé, ça... ça arrive même encore aujourd'hui, où une femme porteuse
décède ou elle vient invalide, donc il faut avoir ça dans le contrat.
M. Morin :
Et est-ce que vous prévoyez des clauses où il n'y aurait pas de lien
d'emploi ou... ou d'autorité entre les... les parents et... et la femme
porteuse?
Mme Brown
(Doreen) : Oui, bien, il y a un lien d'emploi. Non, non, on ne le met
pas, excusez-moi. Je n'ai pas compris au début. Mais, non, on... ça ne m'est...
jamais arrivé, mais je pense que c'est une très, très bonne idée de l'inclure
dans... dans un contrat. Et, dans le futur, je vais le faire.
M. Morin : Merci. Dans le
projet de loi, ma... ma compréhension, c'est qu'un... un couple, qu'ils vivent
à... à l'extérieur du Québec ou qu'ils ne sont pas citoyens canadiens, s'ils
veulent concevoir ce projet-là au Québec, devront
être domiciliés au Québec depuis un an. Par ailleurs, l'inverse ne semble pas
être vrai, c'est-à-dire qu'un couple de Québécois pourrait avoir un
contrat avec une mère porteuse à... à l'étranger.
Mme Brown (Doreen) : Oui.
M. Morin : Il y aurait une
liste, semble-t-il, de... de pays qui sont... sont reconnus. Est-ce que vous
pensez que c'est une bonne idée? Est-ce
qu'on ne devrait pas limiter ça uniquement aux gens qui sont au Canada? Est-ce
que ça ne risque pas d'engendrer des conflits de droit international privé,
abondamment?
Mme Brown (Doreen) : Non, non.
Et je parle, par exemple, pour la France. J'ai déjà reçu plusieurs fois des couples de même sexe de la France. Je m'informe
tout de suite auprès des avocats en France, comment ça fonctionne, et je
suis la loi, je suis les avis des avocats en France. Normalement, ça fonctionne
que l'enfant est né, et le nom du... du papa
génétique apparaît sur le certificat de naissance. Et il n'y a pas de mère sur
le certificat de naissance. C'est marqué... Et, depuis 2017, ici au
Québec, il y avait un jugement rendu par la Cour d'appel, ce n'est plus
nécessaire de mettre le nom de la femme qui
a accouché. On met simplement «mère non déclarée», on envoie au... au DEC, avec
la déclaration de naissance, un document signé par la femme porteuse
disant : Je ne veux pas que mon nom apparaisse, et avec une photo de son
passeport.
M. Morin : Très bien. Bien,
écoutez, je vous... je vous remercie beaucoup. Ma... ma collègue, la... la
députée de Robert-Baldwin, a peut-être des questions pour vous. Merci, merci...
Le
Président (M. Bachand) : ...allez-y.
Mme Garceau : Oui. Merci.
Compte tenu que vous avez cette grande expérience, les deux, en droit de la
famille, merci beaucoup d'être ici et pour votre mémoire.
Me Brown, je voulais savoir, au niveau des
clauses, une clause pénale, si jamais... si vous en avez eu dans vos
conventions, si jamais les parents d'intention décident de mettre un terme au
contrat. Est-ce que vous avez déjà prévu des... des clauses où les parents vont
devoir indemniser la mère porteuse?
Mme Brown (Doreen) : Bien, s'ils...
s'ils décident de ne pas continuer avec... avec le contrat?
Mme Garceau : Oui, exactement, oui.
Mme Brown (Doreen) : Oui. Eh bien,
c'est dans le contrat. Si elle ne tombe pas enceinte, si le transfert ne
fonctionne pas, ils... ils peuvent mettre terme au contrat après... normalement
ça peut être trois ou quatre essais, ou ils peuvent continuer le contrat
eux-mêmes. Ça peut... Ils peuvent se dire : Bon, on va continuer.
Mme Garceau : Dans le cas où la
femme porteuse est enceinte et les parents décident quelques mois plus
tard : On n'est plus intéressés?
Mme Brown (Doreen) : Ça ne m'est
jamais arrivé.
Mme Garceau : OK. Donc, il y a...
Vous ne prévoyez pas, dans la convention, une clause concernant le retrait de
consentement des parents lors de la grossesse?
Mme Brown (Doreen) : Non, parce que
quand ils signent, ils sont responsables de toutes les dépenses jusqu'à la
naissance. Et c'est une autre raison pour laquelle j'aime travailler avec des
agences, parce que c'est les agences, qu'ils
ont, comme j'ai dit, un système de comptabilité. Et ils prennent l'argent en
fidéicommis, et c'est l'agence qui rembourse la femme porteuse jusqu'à
la naissance de l'enfant.
Mme
Garceau : Si vous me permettez, Me Tétrault, concernant
l'indemnité, la question... pas pension alimentaire, mais l'indemnité en cas, là, de... d'agression
sexuelle, au niveau de... de demandes concernant l'enfant, c'est quoi votre
opinion à ce sujet?
M.
Tétrault (Michel) : Bon. Dans un premier temps, je vous remercie de la
question. Écoutez, je l'ai lu plusieurs fois, c'est peut-être mon
problème, mais je ne sais pas qu'est-ce qu'on veut dire. Je comprends qu'on...
Mme Garceau : C'est pour ça que je
vous pose la question.
M.
Tétrault (Michel) : Je comprends que nous devons couvrir les besoins
de l'enfant. Or, pour moi, quand on me parle
de besoins de l'enfant, est-ce que ce sont des aliments? Puis là on me parle un
peu plus loin de contribution, puis là, on parle d'indemnité. C'est...
c'est de quoi qu'on me parle, là? Est-ce qu'on veut me parler de l'obligation
alimentaire? Est-ce qu'on veut me parler du préjudice, 1457, dommages et
intérêts? Est-ce que c'est un melting-pot?
Bon,
si on y va avec les besoins ordinaires, là, les nécessités... pas les... oui,
nécessités de la vie pour l'enfant, je retiens la LIVAC. Je retiens la
LIVAC pour une raison fondamentale : la solvabilité. Parce que je peux
bien fixer, moi, une pension alimentaire
avec les meilleurs critères, mais si mon débiteur alimentaire ou l'agresseur,
bon, n'a plus de capacité de payer... Bon. Évidemment, l'autre avantage
qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'évidemment ça fait en sorte que la victime
n'est pas obligée d'aller plaider.
Là où j'ai une petite
difficulté, c'est qu'évidemment il... Je comprends et nous comprenons tous que
l'enfant serait une victime, donc tout le monde aurait des indemnités. Est-ce
que les... l'indemnisation par la LIVAC est suffisante?
C'est comme pour la... la CNESST, la SAAQ : ce n'est pas toujours
suffisant, mais on est sûrs qu'on va recevoir quelque chose. Et ça,
ça... ça vaut quelque chose. Donc...
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup,
Me Tétrault. On doit continuer, le temps avance rapidement. M. le député de
Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Merci,
M. le Président. Merci beaucoup pour vos présentations.
Sur
le critère, là, de... du fait que les gens doivent habiter... les parents d'intention
doivent habiter au Québec depuis plus d'un an, qu'est-ce que vous en
pensez?
• (12 h 10) •
M. Tétrault (Michel) : Bien, écoutez, il n'y a
pas longtemps... et c'est ce qui avait amené le projet de loi n° 2, vous vous souviendrez peut-être du jugement du juge Morrison.
Le jugement Morrison... On exigeait deux choses, hein, quand venait le temps de changer des noms puis tout le
reste : c'étaient la citoyenneté et le domicile. Lui, il a dit :
La citoyenneté, ce n'est pas une nécessité, domicile, ça me semble raisonnable.
Ça me semble raisonnable.
M. Zanetti : OK.
Et aussi est-ce qu'il y a des façons, selon vous, par lesquelles on pourrait
éviter le fait qu'il y ait comme une... une rémunération irrégulière, là, qui
se ferait de façon informelle? Est-ce qu'il y a une façon légalement d'empêcher
ça, par exemple?
M. Tétrault
(Michel) : Ah, bien, écoutez, on peut toujours prévoir que, si on le
découvre, on prendra des recours, mais, vous savez, ce qu'on appelle, là, les
revenus non fiscalisés, là, comment on fait pour le découvrir? Quand on...
Woup! quand on attrape, parfait, on va cotiser. On peut prévoir après le fait.
Et, dans un deuxième temps, qui va être
intéressé à le faire, si, comme le souligne Me Brown, il n'y a pas
beaucoup de... de plaintes ou de problèmes dans ce que j'appelle, moi, le service après vente? Tout le monde est heureux : Qui va aller divulguer? Qui... Écoutez,
je pense que les gens de l'Agence du revenu seraient probablement mieux
équipés que moi pour vous répondre, voir s'ils ont des techniques. On peut
sanctionner après le fait, mais encore une fois, comment découvrir ça?
M. Zanetti : Merci.
Je n'ai pas d'autre question.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols :
Oui, merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci d'apporter votre oeil...
votre oeil, votre expertise. Merci à Me
Brown. C'est vraiment enrichissant pour nous autres de savoir que vous avez
déjà fait plusieurs... des milliers de contrats dans ce... dans ce
domaine-là précisément.
J'ai deux questions.
On en a parlé un petit peu plus tôt, la reconnaissance de ces ententes-là à
l'extérieur du Québec. Je me demande,
c'est... c'est... tu sais, c'est reconnu, ce n'est pas reconnu. Où est la
difficulté? C'est souvent nos tribunaux qui sont appelés à les
interpréter, mais est-ce que, des fois, ils sont appelés aussi à l'étranger
à... à interpréter un contrat qui a été passé ici, si c'est un parent à
l'étranger? Il a été passé ici, je le sais, là, mais est-ce qu'il y a des
clauses qui prévoient que...
Mme Brown
(Doreen) : Comme je vous ai dit, je consulte toujours l'avocat du
pays. Normalement, c'est la France... qui est surprenant que c'est... ils ne
peuvent pas passer un contrat avec femme porteuse en France, mais ils peuvent
adopter l'enfant et de... de recevoir une adoption plénière en France, si c'est
deux hommes ou... Alors, je consulte toujours les avocats du pays et, comme je
vous dis, c'est normalement la France.
Autrement, non.
Partout au Canada, c'est le... c'est la loi fédérale qui... qui... et les lois
provinciales aussi. Et, la plupart des autres provinces, ça devient très
facile. Je sais que récemment il y a même eu un jugement du... du Nouveau-Brunswick,
à Brunswick, où il n'y avait aucun lien génétique entre ni la femme porteuse ni
les parents d'intention. Et le juge a rendu
un jugement favorable, en déclarant que les parents d'intention sont les
parents de l'enfant, en disant : C'était l'intention des parties
quand ils ont conclu le contrat.
Mme Nichols :
Droit successoral, est-ce que
c'est prévu dans les ententes? Est-ce que c'est... Est-ce que, dans les
ententes, il y a des... il y a des clauses à cet effet-là?
Mme
Brown (Doreen) : C'est une bonne question. Normalement, non, parce
que, quand... Ici, au Québec, on... on a passé... même ce matin, j'ai passé
avec une adoption, et c'est l'enfant de... des parents d'intention. Une
adoption, ça... c'est votre enfant. Ils ont les mêmes droits, les mêmes
obligations.
M. Tétrault
(Michel) : ...par rapport à évidemment... l'insémination post-mortem.
C'est... c'est prévu dans le... Il n'y a pas moyen d'avoir un écrit quelque...
quelque part de la part du défunt comme quoi, si jamais, bon... Parce que c'est
une question, là. On le sait qu'en jurisprudence maintenant on se bat parfois
pour des ovules ou du matériel génétique. Est-ce que ce n'est pas possible que
ce soit dans le testament ou ailleurs? Que... Qu'on ne se base juste sur :
Bien, il faudra démontrer son intention?
Je reviens à ce que
je vous disais sur le projet parental, là, 538.1. C'est tellement plus simple.
Donc, on devrait avoir... Parce que c'est un élément important. Si on sait
qu'on a déposé, entre guillemets, des choses, là, et que ce matériel-là est là,
bien, il faut qu'on prévoie. Est-ce qu'on ne pourrait pas le mettre dans le
contrat? Peut-être, mais qu'on ait un écrit au lieu de se baser... Parce que ça
a des conséquences, pas juste sur le fait qu'on va utiliser le matériel, mais
si ça ajoute des enfants au niveau de la succession puis... Tu sais, des
questions qu'il faut se poser.
Mme Nichols :
C'est pour ça que je me demandais si c'était déjà prévu dans certains cas,
là. Parfait. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Sur ce, Me Brown, Me Tétrault, merci beaucoup d'avoir été avec nous.
La commission suspend
ses travaux quelques instants avant de se réunir en séance de travail. À
Tantôt.
(Suspension de la séance à
12 h 15)
(Reprise à 15 h 37)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
après-midi à tout le monde.
Nous poursuivons les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de
filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression
sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des
mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.
Alors, on débute
notre après-midi avec les représentants de la Fédération du Québec pour le
planning des naissances. Merci beaucoup d'être avec nous. Comme vous le savez,
vous avez 10 minutes de présentation. Après ça, on a un échange avec les
membres. Alors, la parole est à vous. Merci.
Fédération du Québec pour le planning des naissances
(FQPN)
Mme Legault
(Jess) : Merci beaucoup. Donc, pour commencer, j'aimerais vous
remercier de nous avoir invités aujourd'hui pour vous présenter la position de
la FQPN sur le projet de loi n° 12, surtout en ce qui concerne le droit
des femmes, et des personnes gestatrices, et les enfants issus d'un projet de
gestation pour autrui.
Donc, moi, je
m'appelle Jessica Legault. Je suis la coordonnatrice générale de la FQPN et
responsable du dossier avortement, et je
suis ici avec ma collègue Gwendoline Lüthi, qui est responsable du dossier
AcSexe+ à la FQPN.
Donc, la Fédération
du Québec pour le planning des naissances est un regroupement féministe de
défense de droits et d'éducation populaire
en matière de santé sexuelle et reproductive. Notre mandat est de sensibiliser,
d'informer et d'encourager la réflexion critique en santé sexuelle et
reproductive et de promouvoir le libre choix dans une perspective
d'intersectionnalité et de justice reproductive.
Je vous présenterai
les réflexions de mon équipe, ainsi que notre conseil d'administration, mais le
court délai entre notre invitation et ma
présence aujourd'hui ne m'a pas permis de consulter tous nos membres. Donc,
notre position se restreint vraiment
à l'équipe et à notre conseil d'administration. Heureusement, on peut aussi
compter sur l'expertise de
quelques-uns de nos membres, qui ont aussi reçu l'invitation pour participer à
cette commission, donc le RQCALACS et la Coalition des familles LGBT+,
pour offrir leur riche perspective sur le projet de loi. La FQPN se penchera particulièrement aujourd'hui sur les enjeux autour
des femmes et personnes gestatrices, car nous faisons confiance à la
Coalition des familles LGBT+ de bien représenter les... les enjeux spécifiques
aux parents d'intention.
Avant de commencer
vraiment, j'aimerais noter que nous reconnaissons que la GPA est un sujet
délicat, qui ne fait pas l'unanimité ni dans
la société ni dans les cercles féministes plus restreints de la santé sexuelle
et reproductive. Nous apprécions le soin avec lequel cette loi a été développée
pour encadrer une pratique qui existe depuis le début des temps, et même lorsqu'il existe... même lorsqu'il
existe des restrictions légales ou sociétales. Nos réflexions et
questionnements sont ancrés dans une approche centrée sur l'agentivité
des femmes et des personnes gestatrices, en prêtant une attention au
déséquilibre de pouvoir qui peut exister entre elles et les parents
d'intention. Dans cette perspective, cette
présentation est divisée en trois parties pour partager, premièrement, les
éléments du projet de loi sur lesquels nous sommes d'accord, ensuite,
les éléments qui, selon nous, devraient être bonifiés, et enfin les éléments
qui nous préoccupent.
• (15 h 40) •
Pour commencer, nous soulignons l'importance de
l'article qui permet à la femme ou la personne gestatrice de mettre fin
unilatéralement à la convention de gestation pour autrui à n'importe quel
moment avant la naissance de l'enfant. L'autonomie de la
personne qui décide de vivre une grossesse pour autrui n'est pas complète sans
la possibilité d'interrompre cette grossesse sans pénalité. Par ailleurs, nous
apprécions l'absence de... de précisions et de... spécificités reliées aux
frais qui peuvent être remboursés dans le cadre d'une convention de GPA. Ceci
permet une plus grande flexibilité, accommodant les différents contextes des
personnes gestatrices et des parents d'intention. Ensuite, la possibilité
d'accéder à une indemnisation pour les pertes de revenus pendant la grossesse,
ainsi que les 18 semaines de congés payés par le RQAP sont deux autres
éléments qui permettront de diminuer le risque que la personne gestatrice soit
indûment lésée par le processus. Enfin, le fait que l'enfant soit confié directement
aux parents d'intention dès la naissance et que l'autorité parentale leur soit
accordée immédiatement reconnaît que le rôle parental appartient uniquement à
ces derniers.
Le projet de loi, tel qu'il existe, comprend
quelques éléments que la FQPN aimerait voir bonifier pour le bien-être des
personnes impliquées dans le projet de GPA. Dans l'article 541.11, le
projet de loi exige que les parents d'intention et la personne gestatrice
rencontrent séparément un ou une professionnelle habilitée à les informer sur
les implications psychosociales du projet de GPA et sur les questions éthiques
que cela implique. Nous souhaitons avoir des précisions quant à la formation
requise pour dispenser ces services, ainsi que la liste des ordres
professionnels désignés par le ministère de... le ministre de la Justice pour
entreprendre ce rôle de conseil. La FQPN recommande que le suivi psychosocial
soit accessible et disponible tout au long du processus, et que ce ne soit pas
limité à une seule rencontre avant la signature de la convention, et que la
santé mentale de la personne gestatrice soit une préoccupation centrale au
processus. Considérant le bilan physique et mental tout au long de n'importe
quelle grossesse, il est important de s'assurer que la personne qui entreprend
une grossesse pour autrui, avec tout ce que ça peut impliquer, ait accès à un
accompagnement psychosocial avant, pendant et après la grossesse. Il s'agit...
il s'agit d'une façon de réduire et de prévenir les situations de coercition
des parents d'intention envers cette... la personne gestatrice.
Dans la même veine, l'absence d'un article
indiquant clairement que la personne enceinte dispose d'une autonomie
corporelle complète tout au long de la grossesse et de l'accouchement nous
préoccupe. Considérant la forte probabilité que les parents d'intention aient
des préférences concernant l'alimentation, le niveau d'exercice ou les
décisions médicales de la personne gestatrice, il semble extrêmement important
de clarifier qu'une convention de gestation pour autrui ne peut pas légalement
inclure des restrictions quant aux habitudes de vie de la personne gestatrice.
En effet, il semble pertinent de réitérer le jugement de la Cour suprême
canadienne qui affirme que, je cite :
«La femme enceinte et l'enfant à naître ne forment qu'une seule personne et
rendre une ordonnance visant à protéger le foetus empiéterait
radicalement sur les libertés fondamentales de la mère, tant en ce qui concerne
le choix d'un mode de vie que sa manière d'être et l'endroit où elle choisit de
vivre.» Fin de la citation. La FQPN recommande donc qu'un article soit ajouté au projet de loi pour clairement interdire
la présence de restrictions, dans la convention... convention de
gestation pour autrui, qui pourraient brimer la pleine autonomie de la femme ou
de la personne gestatrice avant ou pendant la grossesse et l'accouchement.
Le dernier élément nous préoccupant est la
couverture RAMQ de la personne gestatrice domiciliée au Québec. Comme vous le savez, il existe plusieurs scénarios dans lesquels
une personne peut résider légalement au Québec pour plus d'un an sans
avoir accès à l'assurance maladie provinciale, notamment les étudiantes
internationales ou les personnes avec un visa de programme vacances-travail.
Bien que le ministère de la Santé et des Services sociaux étudie la question de
la gratuité des soins périnataux pour les femmes et personnes sans RAMQ... sans
accès à la RAMQ au Programme fédéral de santé intérimaire, il existe des
séquelles de traitements de fertilité et de grossesse qui se manifestent sur le
court, moyen et long terme. Que ce soit, par exemple, pour les traitements de
physiothérapie ou de taux... les taux plus élevés du cancer du sein, il est
possible que la personne gestatrice ait besoin d'une couverture de santé... de
soins de santé au-delà de la grossesse. La présence de ce fardeau médical doit
faire partie des rencontres psychosociales avant la signature de la convention
de GPA pour que la personne gestatrice ait tous les éléments afin de prendre
une décision éclairée. La FQPN recommande aussi que la personne gestatrice soit
accordée une couverture RAMQ tout au long du processus de la GPA et tant
qu'elle vivra au Québec.
Au coeur du débat sur la GPA se trouve la
question de l'agentivité de la femme ou de la personne gestatrice. Le projet de
loi n° 12 inclut un grand nombre d'articles qui reconnaissent cette
agentivité, tout en cherchant à minimiser la possibilité de coercition ou d'exploitation
de la personne gestatrice domiciliée au Québec. Ces éléments perdent de l'ampleur ou disparaissent complètement
dans les articles sur la GPA hors Québec. Par exemple, la rencontre
psychosociale pour la personne gestatrice n'est plus un prérequis pour la
signature de la convention de GPA si elle vit à l'étranger. Bien que le
projet de loi stipule que les projets de GPA peuvent seulement être reconnus si
la personne gestatrice réside dans un État, et je cite, «un État étranger où
les règles [de la pratique ] et les pratiques en matière de grossesse pour autrui ne contreviennent pas à
l'ordre public», fin de la citation, et assurent que la sécurité et l'intégrité
de toutes les parties impliquées dans
le projet... Il nous semble impossible que les mêmes protections contre
l'exploitation des femmes et personnes gestatrices soient garanties à
l'étranger.
Sans le cadre et les lignes directrices
adéquates autour de la pratique de la GPA, cette loi risque de reproduire
involontairement les dynamiques de pouvoir et de participer à l'exploitation
des femmes à l'étranger. L'histoire de la GPA
nous indique que, dans les dernières décennies, les intermédiaires ont profité
du désir parental profond et ont créé des situations misérables pour les
femmes dans leur pays. On pense... on pense, entre autres, au pensionnat pour
gestatrices en Inde, bien qu'elles soient maintenant accessibles...
inaccessibles aux parents québécois.
L'article du projet de loi qui réitère le droit
à... à l'interruption de grossesse pour la personne gestatrice domiciliée au Québec ne se retrouve pas dans les
articles sur la GPA à l'étranger, puisqu'évidemment une loi québécoise
n'a aucune juridiction sur le droit à l'avortement à l'étranger. Nous nous
demandons donc comment assurer que la personne gestatrice
à l'étranger détienne une agentivité équivalente à sa consoeur au Québec si
elle ne peut pas, elle aussi, mettre fin unilatéralement à la convention de
grossesse pour autrui. Nous ne souhaitons pas participer à la création d'un
système de hiérarchisation de la vie et de la santé des personnes gestatrices.
Nous pensons que toutes les personnes qui décident de s'engager dans un
processus de gestation pour autrui à titre de personne enceinte méritent le
même traitement sans restriction quant à leur lieu de domicile. La FQPN
recommande donc que l'accès à l'avortement sans restriction sur la raison ni
la... le stade de la grossesse soit un des critères d'évaluation des États
étrangers si la GPA hors Québec est maintenue.
Pour conclure, j'aimerais réitérer
l'appréciation de la FQPN pour l'encadrement que ce projet de loi offre autour de la pratique de la gestation pour autrui
pour permettre une protection et une valorisation de toutes les personnes
impliquées dans ces projets. Nous demeurons actives dans notre lutte pour
l'autonomie et le respect des droits sexuels et reproductifs, la reconnaissance
du droit de choisir d'avoir ou de ne pas avoir d'enfant, de les élever dans un environnement sain, sans violence et avec les
ressources nécessaires et pour favoriser la prise de pouvoir et l'autonomie
de chacun et chacune face à leur santé sexuelle et reproductive. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Vous êtes bonne, honnêtement,
là, vous êtes parfaite. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, Mme Legault, Mme Lüthi. Bonjour,
merci d'être en commission parlementaire aujourd'hui sur le projet de
loi n° 12.
D'entrée de jeu, sur le dernier point, là, que
vous avez soulevé, relativement à l'interruption volontaire de grossesse, c'était notre intention, justement,
d'avoir, sur la liste des États accrédités, ceux qui ont des règles entourant
la grossesse pour autrui équivalentes à celles du Québec. Donc, c'est sûr que
ça va faire partie du critère d'analyse pour faire en sorte que, justement, la
mère porteuse, en tout temps, puisse avoir le plein contrôle et l'autonomie de
son corps. Donc, ça fait partie des détails.
Puis l'objectif, aussi, du projet de loi, c'est justement de faire en sorte
qu'on évite la marchandisation du
corps de la femme et qu'on s'assure de protéger les mères porteuses également,
les enfants aussi.
Est-ce que, dans le cadre du projet de loi, il y
a des éléments particuliers que vous nous dites : Vous devriez aller plus
loin pour protéger la femme qui porte l'enfant?
Mme Legault (Jess) : Bien, je pense
que la question de l'avortement, c'est une... c'est comme assez central pour nous, ça fait vraiment partie de l'optique à
travers laquelle on examine la loi, surtout qu'il y a très peu d'autres pays
où le droit à l'avortement est aussi bien protégé qu'au Canada. Donc, ce serait
très difficile pour nous de trouver un pays où les gestatrices auraient la
même... les mêmes protections que les femmes au Québec, étant donné qu'au
Québec on n'a pas de restriction sur la raison ou le stade de grossesse pour
interrompre une grossesse. Et il y a... on a fait... on a cherché puis on n'a
pas trouvé un autre pays qui a les mêmes...
M. Jolin-Barrette : Donc, ce que
vous nous dites, c'est que, s'il n'y a pas exactement le même équivalent qu'au Québec, supposons... Supposons, prenons un
État américain qui aurait... qui permettrait l'interruption volontaire de grossesse, mais avec certains paramètres, vous,
ce que vous nous dites, c'est qu'on ne devrait pas permettre la grossesse
pour autrui. Dans le fond, on ne devrait pas permettre la reconnaissance de la
grossesse pour autrui dans cet État-là. Je ne vous parle pas d'un État...
supposons un État plus... comment je dirais ça?
Mme Legault (Jess) : Je ne le sais
pas. J'attends pour voir comment vous allez dire ça.
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Plus libéral que
certains autres États.
Mme Legault (Jess) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Je dirais ça
comme ça, pas au sens libéral... pas au sens de mes estimés collègues, là, au
sens de libéral, libéral.
Mme Legault (Jess) : J'ai bien
compris. Non, je pense que, la FQPN, notre position c'est, non, aucune
restriction autour de l'avortement. Donc, c'est aussi une façon de s'assurer
que la personne qui entre dans un contrat est capable de sortir d'un contrat,
que, si on... si on la met dans une situation où la personne a le plein
contrôle et l'agentivité dans cette situation-là, l'avortement et tous les...
Il y a d'autres éléments aussi, le suivi psychosocial, accès à la... le
régime...
Mme Lüthi (Gwendoline) : D'assurance
maladie.
Mme
Legault (Jess) : L'assurance maladie, mais aussi l'assurance
parentale par après, les 18 semaines, là, c'est incroyable, on
adore ça, mais la personne à l'étranger ne va pas avoir accès à ça.
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est sûr qu'on a un régime intéressant au
niveau des congés parentaux au Québec. Puis je suis heureux que vous le
souligniez puis que... vous soulignez que le... dans le projet de loi,
également, si généreuse.
Tout à
l'heure, vous avez abordé, là, la question de la RAMQ, là. Il est où, votre
questionnement par rapport à la RAMQ? Parce que, normalement, tout le monde est
couvert par la RAMQ, là, lorsqu'ils sont domiciliés au Québec, là.
Mme
Legault (Jess) : Non, ils ne le sont pas, pas nécessairement, si tu es
ici en statut d'étudiante, ou en PVT, ou il
y a plein de scénarios où les personnes qui sont domiciliées au Québec
légalement, qu'elles n'ont pas accès à la RAMQ.
M.
Jolin-Barrette : Mais, dans un cas, supposons d'étudiant, dans le
fond, c'est une résidence, ce n'est pas domicilié, théoriquement, là.
Mme Legault
(Jess) : Ah! bien, moi, je voyais dans la... Moi... c'est peut-être
une compréhension différente dans le sens qu'ils sont ici pour...
M.
Jolin-Barrette : Parce que, quand vous êtes, supposons, étudiant
étranger, là, vous résidez, supposons, vous venez étudier, là, je ne sais pas,
à l'Université de Sherbrooke, là, à Sherbrooke, vous résidez au Québec durant
la période de vos études, bien, la loi fait en sorte que vous devez être
domiciliés.
Mme Legault
(Jess) : OK. Parfait.
M.
Jolin-Barrette : Donc, dans le fond, le domicile, supposons, de la
femme... de l'étudiante qui serait est à Sherbrooke, supposons que c'est une
étudiante anglaise, bien, son domicile demeure en Angleterre, mais son... sa
résidence... durant le moment où elle est au Québec, elle a un statut de
résident, mais son domicile...
Mme Legault
(Jess) : Demeure.
M.
Jolin-Barrette : ...demeure dans son pays d'origine aussi. C'est...
Puis, dans le fond, c'est une des conditions pourquoi est-ce qu'on a mis la
notion de domicile puis pendant un an aussi. C'est pour être certain que la
personne veuille demeurer ici, au Québec. On n'a pas pris le critère de la
citoyenneté, on a pris le critère du domicile. Cependant, l'objectif est le suivant : ça fait que, théoriquement,
les gens devraient être couverts par la RAMQ, à moins que vous nous
souleviez d'autres exceptions qui est avec l'encadrement qu'on a mis dans le
projet de loi.
Mme Legault
(Jess) : On ne va pas parler de frontières en ce moment. Donc, on ne
va pas... Je pense qu'il n'y en a pas d'autres, là.
Mme Lüthi
(Gwendoline) : Non.
M. Jolin-Barrette : Bien, en tout cas, vous
pourrez écrire à la commission pour nous dire également. Je sais que j'ai
des collègues qui veulent poser des questions. Je vais leur céder la parole.
Merci beaucoup pour votre passage en commission parlementaire.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la
députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme
Bourassa : Oui. On va commencer avec une question plus pour faire
connaissance. Je sais que ça date quand même de plusieurs années, mais, dans La
Gazette des femmes, votre ancienne coordonnatrice générale, donc, mentionnait que vous aviez des sérieuses réserves
à l'égard de la procréation assistée. J'aimerais savoir, à la base, avant de
parler du GPA, votre position sur la procréation assistée.
Mme Legault
(Jess) : Donc, c'est vrai que ça date, puis je pense que je sais... je
ne sais pas si c'est la... si c'est la publication de 2014 ou de 2006, mais
c'est vrai que ça nous prédate à nous deux. On a des... encore, je pense que la procréation assistée, il y a... on a des
sérieuses questions à se poser sur la surmédicalisation et les taux de réussite
qui sont assez bas comparés à le... l'effet que ça peut avoir sur le
corps de la personne qui subit les traitements.
Et on défend toujours
le libre-choix de chaque personne et le droit d'avoir ou de ne pas avoir
d'enfant. Donc, à l'individu, on défend le choix, absolument, mais on a des
questionnements et des réserves vis-à-vis la science qui est... tu sais, à ce
moment-là où, certainement, qui n'était pas aussi avancée qu'aujourd'hui et
qu'on n'avait pas nécessairement les études qui démontraient l'efficacité de
ces traitements-là, mais c'était comme présenté aux familles comme une panacée
qui... et ça donnait des faux espoirs. Donc, c'est... Je pense qu'on continue
dans cette, peut-être, lignée là de pensée, de questionner puis de permettre
l'autonomie de chaque famille, de faire leur choix, de personnes individuelles
ou... mais c'est... je pense que c'est surtout dans cette veine-là.
Mme Bourassa :
Donc, vous comprenez que, pour
des personnes en situation soit médicale, des personnes stériles, ça
peut sembler une des seules issues, la procréation assistée, parfois.
Mme Legault
(Jess) : Absolument.
Mme
Bourassa : Parfait. Parce que, dans le fond, cette pensée-là venait
avec le fait que vous ne vouliez pas qu'il y ait une marchandisation du corps
de la femme. Alors, la question des agences, la dame qu'on a vue ce matin, on a
vu quelqu'un ce matin qui nous disait avoir assisté près de 1 000 dossiers,
là, de procréation assistée. J'aimerais savoir, vous, est-ce que les agences,
on les garde, on les interdit, on réglemente? Quelle est votre position face à
ça?
Mme Legault
(Jess) : Les agences?
Mme Bourassa : Les agences entourant
la GPA?
Mme Legault (Jess) : Je ne connais
pas assez... oui, je ne connais pas assez pour me prononcer là-dessus.
Mme Bourassa : Vous n'avez pas
statué.
Mme Legault (Jess) : Oui.
Mme Bourassa : Parfait. Désolée,
j'ai plein de questions. Vous parlez de la pluriparenté, j'aimerais
savoir : Est-ce que vous avez des études qui mentionnent que c'est dans
l'intérêt de l'enfant d'avoir une pluriparentalité?
Mme Legault (Jess) : Est-ce que moi,
j'ai mentionné la...
Mme Bourassa : Bien, dans votre...
encore une fois, c'est une publication qui date du 7 février 2023, de
votre organisation, où vous défendiez un peu cette position-là.
Mme Legault (Jess) : Ah! c'est sur Facebook.
Oui. Bien, nous autres, on se rallie à la position de notre membre... de nos
membres, à la Coalition des familles LGBT. Donc, on soutient leur position sur
ce point-là.
Mme Bourassa : Puis, selon vous,
est-ce que vous avez, c'est ça, des documents qui montrent que c'est dans
l'intérêt de l'enfant? Parce que, pour l'instant, bon, ce n'est pas dans dans
les projets, justement, parce que ce n'était pas dans... Il n'y a rien qui
prouve...
Mme Legault (Jess) : Ah! nous
autres, on ne revendique pas que ce soit inclus dans le projet de loi n° 12. Donc, ce n'est pas... ça ne fait pas partie de ce
qu'on avait préparé pour aujourd'hui. Oui.
Mme Bourassa : Parfait, merci.
Le Président (M.
Bachand) : Du côté gouvernemental, M. le
député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le
Président. Bonjour, Mmes Legault et Lüthi. Vous étiez en train de faire le
portrait de votre réaction très, on peut le dire, «féministe».
Mme Legault (Jess) : Ah! vous n'avez
pas besoin de mettre des...
M. Lemieux : Non, mais je les
mettais pour montrer que c'est... bon, sur l'ensemble du projet de loi. Nous,
ça fait déjà un petit bout de temps qu'on est... qu'on est là-dedans, et il y a
des positions fondamentales, on dirait même philosophiques, sur certains
aspects qui ont plus d'écho dans la population. Évidemment, quand on regarde
l'ensemble de l'oeuvre, l'ensemble du projet de loi, c'est pondéré, c'est
modéré, c'est modulé, mais il y a quand même des choses qui frappent. Une des
choses qui frappe, c'est... et vous, avez dit la «femme porteuse», parce que
j'ai appris, ce matin, qu'il ne faut pas dire «mère porteuse», c'est femme
porteuse, peut décider de se faire avorter si elle en a besoin. Elle peut aussi
décider de garder l'enfant...
Mme Legault (Jess) : Oui.
M.
Lemieux : ...jusqu'à
30 jours après la naissance. Ça, pour vous, c'est un peu, beaucoup,
parfait, pas correct?
Mme Legault (Jess) : Moi,
j'enlèverais le moratoire de sept jours, mais là, si on parle pour parler...
M. Lemieux : Oui, on est là pour
jaser, là. Vous enlèveriez le moratoire de sept jours?
Mme Legault (Jess) : Parce que je
pense que c'est d'avoir le droit de renoncer dès la... dès la naissance et dans... fini avec la chose devrait être une
option, mais je ne l'ai pas inclus dans mes revendications. On ne l'a pas
inclus parce que ça ne nous semblait pas... On voulait garder ça plus court,
donc qu'on ne voulait pas non plus... Il y a d'autres choses qu'on
rajouterait, mais, pour... le 30 jours, on n'a pas d'objection au
30 jours d'avoir le... mais j'enlèverais le moratoire de sept jours.
M.
Lemieux : Aidez-moi à comprendre le comment ou le pourquoi
du comment. Vous enlèveriez le sept jours, ça donnerait quoi de plus ou
de moins?
Mme Legault (Jess) : Bien, moi, je me mets
dans la place de quelqu'un qui vient d'accoucher, que j'ai déjà fait. Donc,
j'ai... je me dis qu'il y a d'autres choses... tu sais, il y a plein... Tu
sais, j'avais lu le projet de loi n° 2 et je vois qu'il y a eu des changements avec lesquels j'ai été très
d'accord depuis. Donc, félicitations! Mais oui, le... moi, je me... le sept jours est resté, et, pour moi, je me
dis, si j'étais dans cette situation-là, il y aurait plein d'émotions, il y
aurait plein de... disons, ton corps
vient de faire quelque chose d'extraordinaire, tu as besoin de te reposer et tu
n'as peut-être pas le goût de ressortir après sept jours. Je ne sais
pas, moi, je me dis que, si c'était possible de le faire à l'hôpital, ou à la maison de naissance, ou à la maison, ou «whatever»
quand est-ce que tu accouches, je pense que ce serait une option qui
pourrait être bénéfique pour certaines personnes, mais d'avoir l'option
d'attendre aussi, c'est... Oui?
Mme Lüthi (Gwendoline) : Dans le fond, c'est pour
donner plus de choix à la personne. Au lieu... pourquoi attendre sept jours
alors qu'elle pourrait le faire tout de suite si elle le désire? C'est juste
pour étendre le choix, en fait.
Mme Legault
(Jess) : Oui.
M. Lemieux : Le
faire au sens de garder l'enfant?
• (16 heures) •
Mme Lüthi
(Gwendoline) : Non, au sens de...
Mme Legault
(Jess) : Résilier, oui.
Mme Lüthi
(Gwendoline) : Oui, donner...
M. Lemieux : D'accord. Donc, si... Bien, justement elle est dans...
elle n'est pas en choc, parce que ce n'est pas un état de choc, mais elle est
bouleversée, comme vous dites, son corps vient de faire quelque chose
d'exceptionnel, ce n'est pas une bonne idée de dire : On va prendre sept
jours, là, pour se calmer puis on va y penser?
Mme Lüthi
(Gwendoline) : Si elle est accompagnée par un intervenant ou une
intervenante psychosociale, tout au long de la grossesse et à la fin à
l'accouchement, peut-être que ça peut être une très bonne idée de faire
intervenir une personne à ce moment-là.
M. Lemieux : Il
me reste combien de temps pour jaser, M. le Président?
Le
Président (M. Bachand) : ...
M. Lemieux :
Parfait. Deux autres trucs, vous avez dit — puis je reviendrai à la
décision de garder l'enfant — vous
avez dit : Il y a beaucoup d'autres détails ou, en tout cas, il y a des
détails dans le projet de loi n° 2 qui ont été modifiés. Qu'est-ce qu'il y a
d'autres dont vous ne nous avez pas parlé puis avez fait : «Yes!»
Mme
Legault (Jess) : Ah! Là, je
ne le sais plus, là, attends, je n'avais pas... Je n'ai pas comparé les deux
lois, mais il y avait des points qu'on avait ressortis, quand on avait
étudié le projet de loi n° 2, quand on est retournés
pour relire le projet de loi n° 12, qui n'étaient plus là. Donc, il y
avait des... mais là je ne me rappelle plus, là, si...
M. Lemieux : OK,
mais ce n'est pas grave. Je voulais juste savoir s'il y a quelque chose en
particulier qui vous avait intéressé. Êtes-vous de celles qui pensaient que, parce
que, justement, le projet de loi n° 2 a été scindé, puis là on recommence, ça a fait du bien dans le
débat... pas le débat, mais, dans le public, il y a eu comme une espèce
de... ça a percolé un petit peu, on s'est fait à l'idée, parce qu'il y a des choses
dedans qui ne sont pas évidentes, là.
Mme Legault
(Jess) : Ah non! Nous autres, on a trouvé ça superévident. Ah! c'est
possible, je n'y avais pas pensé, mais c'est
sûr que, nous, ça fait depuis octobre 2021 qu'on en parle dans l'organisation
puis qu'on essaie de trouver un
moment pour aller chercher nos membres pour en discuter, mais, vous voyez, nos
positions d'il y a 10 ans datent... 10, 15 ans, ça date. Donc,
c'est un débat qui...
M. Lemieux : Mais
la science aussi a...
Mme Legault (Jess) :
Et la science a évolué.
M. Lemieux : Voilà.
Mme Legault
(Jess) : La situation internationale a évolué. Donc, c'est comme...
Nous, on voit ça comme un moment, un enjeu extraordinaire, autour duquel on
peut vraiment venir réfléchir, et pas juste s'appuyer sur qu'est-ce qu'on a
déjà fait, mais de vraiment, à la lumière d'aujourd'hui, remettre les choses en
question.
M. Lemieux : Il
me reste très peu de temps. Une dernière question, marchandisation, qui a été
évoquée tout à l'heure, pour quelque chose dans le passé, là, est-ce que c'est
une question qu'il faut se poser quand on pense au nombre de fois qu'une femme
pourrait être une femme porteuse?
Mme Legault
(Jess) : Oh là là! Vous avez dit que vous n'avez pas beaucoup de
temps...
M. Lemieux : Non,
mais vous êtes ici pour répondre à des questions difficiles.
Mme Legault (Jess) : Non, mais vous
avez dit que vous n'avez pas beaucoup de temps.
M. Lemieux : Bien, je ne sais pas,
vous regarderez le président, là, il va vous dire ça.
Mme Legault (Jess) : Non, mais je
pense que la question se pose, mais c'est une raison pour laquelle on a de la
difficulté avec la GPA à l'étranger, c'est qu'on n'a pas... Il y a certains
éléments qu'on ne peut pas contrôler à l'étranger de la même façon qu'on peut
contrôler ici, justement, de s'assurer que la personne fait un choix éclairé et
fait un choix libre...
Mme Lüthi (Gwendoline) : Libre et
éclairé.
Mme Legault (Jess) : ...oui, et bien
informé. Donc, c'est... et on... La marchandisation, c'est une question qui ne
fait même pas l'unanimité à l'intérieur de... bien, sur laquelle que moi...
Même moi, j'ai de la difficulté, mais je reconnais l'agentivité des femmes et
des personnes qui vont choisir ce choix et qui n'ont pas besoin d'être
rémunérées pour le faire ou qui, justement, aimeraient être rémunérées. Donc,
c'est un débat qui va continuer, j'ai l'impression.
M. Lemieux : Merci, mesdames.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député.
M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci, M. le
Président. Bonjour, mesdames. Merci d'être là. J'aurai quelques questions.
Une question un peu plus générale, on en a
parlé, mais, pour vous, dans l'ensemble, est-ce que, dans ce projet de loi, la
loi devrait encadrer davantage la convention de grossesse pour la femme
porteuse, pour la protéger davantage, pour ne pas qu'elle soit exploitée? On a
parlé, par exemple, d'une question d'assurance. Si ça se fait par contrat,
peut-être qu'il y en a qui vont le prévoir, peut-être qu'il y en a qui ne vont
pas le prévoir. Est-ce qu'il faudrait aussi empêcher qu'il y ait un lien, par
exemple, d'emploi entre le couple qui veut avoir, en fait, éventuellement, un
enfant puis la mère porteuse pour la protéger? Parce qu'il peut y avoir des
situations où la femme porteuse, évidemment, va se sentir... surtout si elle
vient de l'étranger puis elle n'est pas citoyenne canadienne. Donc, j'aimerais
vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez des recommandations ou des
suggestions qu'on pourrait, éventuellement, dans le cadre d'amendements à
proposer au gouvernement, mettre en place pour la protéger davantage?
Mme Legault (Jess) : Bien, moi, je
vais parler un peu puis... Pour moi, bien, j'en avais glissé un mot tantôt,
c'est tout ce qui concerne l'agentivité de la personne ou de la femme
gestatrice avant, durant et après la grossesse, donc, vraiment, toutes les
questions médicales, les questions de son alimentation, de son taux de...
niveau d'exercice et toutes les questions autour des saines habitudes de vie,
on a de la misère, dans notre société, de laisser n'importe quelle personne
enceinte faire ses propres choix. Tout le monde a une opinion sur tout, tout le
temps. Une fois que tu as un bedon, voilà, tu es... place à l'opinion publique.
Donc, c'est très... c'est fort probable que les
parents d'intention aient une volonté de vouloir que leur enfant soit en pleine
santé, tu sais, de mettre toutes les chances de leur côté, que les choses
aillent bien, mais on ne peut pas mettre une situation où la personne enceinte
ait des restrictions autour de ses activités qu'elle n'a pas décidées elle-même. Donc, c'est là où, dans la convention de
GPA, j'aime... on aimerait voir qu'il y ait plus de... que ce soit clairement
écrit que ces restrictions-là ne pourraient pas être incluses dans la
convention.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Si on revient à la GPA, mais à l'étranger, est-ce que c'est quelque
chose qu'on devrait permettre ou interdire tout simplement? Parce que, quand on
regarde la liste des autres États, bon, que ce soit aux États-Unis, en Europe, ailleurs,
bon, très, très, très peu... je n'ai pas fait une liste exhaustive, mais j'ai besoin de votre conseil là-dessus, très,
très, très peu offrent les mêmes avantages qu'au Québec. Donc, une fois que la personne, le projet a commencé, la
convention est signée, la femme est enceinte, ça devient quasiment impossible.
Je comprends que le but, c'est que le ministère va dresser une liste,
mais l'équivalent n'existerait à peu près pas nulle part. Donc, c'est-tu quelque chose qu'on devrait permettre, parce qu'évidemment
il y a peut-être des femmes qui vont se faire exploiter, ou simplement
l'interdire?
Mme
Legault (Jess) : Ça, c'est dur, mais, pour l'instant, je ne vois
pas comment on peut faire la GPA à l'étranger en s'assurant qu'il ne va pas y
avoir d'exploitation. Donc, c'est là la difficulté, parce qu'il y a plein de
critères qui sont dans la loi, qui sont des critères qui pourraient, tu
sais, aller jusqu'à la capacité d'une loi québécoise qui pourrait protéger à
l'étranger, mais il y a des limites à qu'est-ce qu'on peut faire avec une loi
québécoise, et c'est pour ça qu'on... je ne vois pas d'issue qui nous permet de
dire : Voilà, dans ces États-là ou dans cette situation-là, on va être
certaines que les personnes ne seront pas exploitées. Et, de la même façon
qu'on ne peut pas absolument garantir à 100 % que les femmes et les
personnes ici ne vont pas être exploitées, bien, j'ai l'impression qu'on a...
la loi réduit assez les chances d'exploitation... les risques d'exploitation.
M. Morin : Parfait.
Je vous remercie. Et puis ça ne traite pas directement de la GPA, mais le
projet de loi veut aussi tenter de résoudre toute la question de la
responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression
sexuelle. C'est l'article 542.33, là, du projet de loi, sauf que, dans le
projet de loi, la loi dit que ça va être finalement à la mère qui a été victime
d'un viol, qui a gardé l'enfant, de demander, finalement, le paiement d'une
indemnité, et puis il faut évaluer les besoins de l'enfant, de sa naissance
jusqu'à l'atteinte de son autonomie.
Je comprends
que la loi mentionne que, si c'est prouvé par la production d'un jugement,
bien, on en reconnaît l'existence, mais ce n'est pas toujours le cas,
parce qu'on sait que ce n'est pas toutes les femmes qui vont dénoncer qu'elles
ont été victimes d'un viol. Est-ce que vous pensez que ça impose un fardeau...
Je comprends ce que le législateur veut
faire, mais est-ce que ça impose un fardeau trop lourd sur les épaules de la
femme et est-ce qu'il n'y aurait pas
moyen, peut-être, de la compenser autrement, que ce soit par une action
étatique, plutôt que de l'obliger à faire toute cette preuve-là à la
cour?
Mme Legault (Jess) : Je ne me sens
pas équipée pour répondre à cette question-là. On est... C'est vraiment hors de
notre champ d'expertise. Je suis vraiment désolée.
• (16 h 10) •
M. Morin : OK, parfait, puis je vous
remercie. Merci beaucoup. Moi, M. le Président, je n'ai pas d'autre question.
Je ne sais pas si ma collègue de Robert-Baldwin a des questions. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :
Ça va pour l'instant?
Merci. Alors, M. le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le Président.
Bonjour. Merci pour votre présentation. C'est vraiment apprécié.
Vous dites, dans votre deuxième recommandation,
qu'il faudrait qu'un article soit ajouté au projet de loi pour clairement
interdire la présence de restrictions dans la convention de gestation pour
autrui qui pourraient brimer la pleine
autonomie de la femme ou de la personne gestatrice avant ou pendant la
grossesse et à l'accouchement. À quel... à quel scénario, par exemple,
vous pensez? Puis comment est-ce qu'on pourrait, disons, réduire cette
possibilité-là?
Mme
Legault (Jess) : Bien, nous autres, on pensait justement... comme
dans une conversation... une convention de GPA qui pourrait avoir... que les parents d'intention voudraient que
la personne mange bio pendant toute la grossesse ou que la personne, à
l'accouchement... va avoir un accouchement sans médicament ou avec une
sage-femme versus un médecin. Tu sais,
comme, il pourrait y avoir ces genres de choix là qui seraient, de préférence,
selon certaines études ou... tu sais, comme, ils pourraient amener de la
science pour décider si c'est ça qu'ils veulent pour leur enfant, et, si la
personne est d'accord, tant mieux, mais ça ne peut pas être inclus dans une
convention, étant donné que seule la personne enceinte a le droit de
l'autonomie sur son corps.
M.
Zanetti : OK, parfait, je comprends bien. Est-ce qu'il y a
d'autres choses dont vous n'avez pas eu l'occasion de parler ou que... sur lesquelles vous n'avez pas
pu développer suffisamment et que vous voudriez... sur lesquelles vous
voudriez développer davantage?
Mme Legault (Jess) : Moi, j'ai une
question à propos des... les prestations de RQAP pour les parents d'intention. En comparant le nombre de semaines
pour les parents qui font une adoption versus les parents d'intention
dans la GPA, il y a un 13 semaines de moins qui est qui donné aux parents
d'intention à la GPA, puis je sais qu'il y a le
18 semaines qu'il y a... accordé à la mère, à la personne gestatrice, mais
c'était un questionnement, pourquoi les parents d'intention ont moins de
semaines.
M. Zanetti : OK, bien, je ne peux
pas vous répondre, mais je suis content quand même...
Mme Legault (Jess) : Non? Je fais
juste lancer ça.
M. Zanetti : Je vais transmettre
votre question, puis on aura les échanges à ce sujet-là. Je vous remercie
beaucoup. Si vous avez d'autres choses à ajouter, allez-y. Sinon, bien, moi, ça
va être... ça va faire le tour.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, écoutez, merci beaucoup.
Merci infiniment d'avoir été avec nous.
Alors, je vais suspendre les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 13)
(Reprise à 16 h 17)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre s'il vous plaît! la commission reprend ses
travaux. Alors, il me fait plaisir d'accueillir les représentantes de
l'organisation Pour les droits des femmes du Québec. Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Alors, je vous cède la
parole. Comme vous le savez, c'est 10 minutes de présentation, et je vous
invite d'abord à vous présenter.
Alors, la parole est à vous. Merci.
Pour les droits des femmes du
Québec (PDF Québec)
Mme Houle
(Alexandra) : Parfait. Merci. Nous vous remercions pour cette
invitation. Je me présente, je m'appelle Alexandra Houle. Je suis accompagnée
de Michèle Sirois et d'Athena Davis.
La question des mères
porteuses nous tient à coeur car la mission principale de Pour les droits des
femmes du Québec, aussi appelée PDF Québec, est la défense de la dignité des
droits des femmes. Avec les grossesses pour autrui, auxquelles nous nous référons
avec l'acronyme mieux connu de GPA, c'est aussi la défense des droits des
enfants qui nous préoccupe. Nous avons tous vu ces articles dans les médias,
qui se plaisent à raconter les histoires de couples populaires ayant choisi la
GPA plutôt que l'adoption. Le journal La Presse révélait cette semaine
que cette industrie génère des milliards de dollars et est en expansion.
L'industrie de la GPA
est un commerce international qui rémunère des mères porteuses influenceuses
sur les réseaux sociaux. Celles-ci font la promotion d'un soi-disant mode de
vie très glamour des mères porteuses auprès d'un public de jeunes femmes
influençables au Québec et ailleurs. Rares sont les médias qui vont voir la
réalité des mères porteuses géorgiennes,
ukrainiennes, colombiennes ou kényanes. Elles n'ont pratiquement pas le droit
de critiquer ou dénoncer les problèmes de l'industrie. Elles sont
réduites au silence par des clauses de leur contrat. C'est sur les réseaux
sociaux qu'elles prendront la liberté de documenter leur vie de mère porteuse.
Elles s'exprimeront sur les ravages des
traitements médicaux qui leur sont imposés, de l'impact psychologique de
l'abandon de leur bébé et sur les situations de harcèlement qu'elles
vivent au quotidien de la part des clients qui commanditent le bébé à naître.
Pourquoi le marché de
la GPA existe-t-il? La réponse réside dans le désir d'avoir des enfants qui ont
un lien génétique avec le père. C'est, en réalité, une idée aussi vieille que
le patriarcat. On désire des enfants pour assurer sa descendance. C'est la même
idée que la série télévisée des Servantes écarlates, mais avec l'aide de
la technologie. Du désir d'enfant, on glisse facilement vers le droit à
l'enfant, même si tout le monde s'en défend. En effet, les gens ressentent une véritable compassion envers les
personnes ou les couples qui souffrent du fait de ne pas avoir d'enfant.
Le lobby de la GPA milite actuellement pour faire reconnaître le concept
d'infertilité sociale. De cette façon, la GPA serait le remède à cette
infertilité.
• (16 h 20) •
L'article 541 du
Code civil du Québec a été inscrit dans la loi par Gil Rémillard, ministre
libéral de la Justice et juriste reconnu. Il
disait : «Ce que nous voulons faire respecter comme principe, c'est qu'on
ne peut pas vendre son corps pour la
gestation, pour faire un enfant.» Présumer un droit à l'enfant est porteur de
dérives vers une marchandisation des
êtres humains. Nous sommes, nous aussi, touchés par l'infertilité et les
souffrances que celle-ci peut causer. Cependant, le désir des uns, aussi
valide qu'il soit, ne peut pas avoir comme conséquence la transformation de
l'enfant en objet plutôt qu'en sujet.
Nous vous invitons à
voir la réalité de la GPA en visitant le site Web d'une agence de procréation
assistée. On peut y passer une commande d'un enfant dont les caractéristiques
sont choisies, une sorte d'enfant à la carte, et on ajoute le produit
sélectionné au panier comme une marchandise. Nous vous invitons aussi à prendre
connaissance d'exemples réels des dérives de la GPA dans les pays qui ont tenté
de l'encadrer, les cas d'enfants commandés et remis à des criminels et des
pédophiles, des exemples de commandes de multiples enfants 12, 21, voire
plus, des cas d'enfants abandonnés en orphelinat parce qu'ils ne sont pas conformes
aux attentes des clients. D'ailleurs, en 2018, la moitié des enfants en
orphelinats en Ukraine étaient des enfants rejetés de la GPA.
Si nous inscrivons
dans la loi le principe d'un contrat notarié pour obtenir un enfant, nous
acceptons que l'enfant soit un objet de contrat. Il faut maintenir la nullité
de tout contrat qui tenterait d'établir par une entente entre adultes
l'obtention d'un enfant. PDF Québec se propose d'inscrire clairement dans la
loi québécoise que le droit à l'enfant
n'existe pas, n'a jamais existé et ne souffre d'aucune exception. PDF Québec
propose de maintenir l'article 541 actuel, propose des
bonifications de cet article pour protéger les enfants et les femmes des
dérives les plus flagrantes de la GPA et
propose un moratoire sur toute disposition législative ouvrant la porte à la
GPA. Nous sommes convaincus que le ministre a véritablement l'intérêt de
l'enfant à coeur. Malheureusement, dans le cas de la GPA, il nous semble qu'il
considère l'intérêt de l'enfant seulement quand celui-ci a été remis à ses
commanditaires, ces étrangers qui se disent ses parents.
Notre mémoire expose
la réalité de l'industrie de la GPA. C'est une industrie transnationale qui met
de l'avant une gestation qui n'aurait rien à voir avec la maternité. Les liens
entre le foetus et la mère sont niés. Les psychologues des agences aident les
femmes à se dissocier du bébé, au mépris de toute considération pour leur santé
psychologique et de l'effet de cette dissociation sur l'enfant à naître. Où est
l'intérêt de l'enfant d'être séparé de sa mère à la naissance?
Des recherches menées
par... sur 150 000 enfants séparés de leurs mères célibataires en
Australie, dans les années 50 à 80, font un constat de la souffrance vécue
par les enfants brutalement privés de leur mère. Un enfant ne comprend pas un
contrat, mais il ressent l'abandon. Gabor Maté, un médecin spécialiste dans le
traitement des addictions et du trauma, déclare qu'avec l'adoption à la
naissance vous ressentez une peine immense, même si les parents adoptifs sont dans la salle d'accouchement. Comment en
sommes-nous arrivés là? Comment arriver à glorifier la capacité d'une
mère de donner son enfant après avoir vécu les années où l'Église, au Québec,
séparait les bébés des filles-mères?
Le projet de loi
n° 12 adopte le point de vue de l'industrie de la GPA. D'autres pays ont
choisi de se battre contre la marchandisation des femmes et des enfants, comme
la Suisse, qui a simplement inscrit dans sa Constitution fédérale : «Le don d'embryons et de toutes
les formes de maternité de substitution sont interdits.» Le comité consultatif
sur la réforme du droit de la famille présente la GPA comme un phénomène
inéluctable, notamment pour répondre au problème d'hommes gais qui ne peuvent
pas avoir d'enfant par un autre moyen.
La
juriste Suzanne Guillet a posé sa dissidence. Elle voyait clairement, il y a
presque 10 ans de cela, les problèmes
posés par le commerce international. Elle écrivait : «Il apparaît que, peu
importent les circonstances, le contrat de mère porteuse serait
au-dessus de toutes les lois, vu le droit absolu de l'enfant à sa filiation. La
recommandation de l'ajout de "sans autre considération ni toute autre
considération éthique", notamment la commercialisation qui a présentement cours, permettra l'aveuglement de la
communauté juridique sur tout ce phénomène de commercialisation. On
érige en droit absolu pour tous le désir d'avoir un enfant par tous les moyens
mis à leur disposition car, peu importent les circonstances, la filiation de
l'enfant sera reconnue à l'égard des parents d'intention.»
Nous sommes d'accord
avec Me Guillet et nous regrettons que le comité ait choisi la voie de
l'encadrement de la pratique, encadrement extrêmement souple, qui va ouvrir la
voie aux GPA commerciales. Le projet de loi n° 12 permettrait à des étrangers d'obtenir des bébés faits au Québec et aux
Québécois de se faire faire des bébés à l'étranger, ce qui va ouvrir la porte à tous les abus du commerce
de la GPA. Nous regrettons que le ministre ait choisi d'ouvrir la voie à la GPA
transfrontalière. Nous ne sommes pas rassurées par l'affirmation que seuls les
États qui auront reçu l'aval du gouvernement du Canada ou d'un ministre
québécois pourront être acceptés.
Malgré les nombreux
scandales rapportés dans des pays comme l'Inde, la Thaïlande ou le Népal, le
ministère canadien des Affaires étrangères collaborait pour aider les citoyens
canadiens à obtenir des enfants par GPA dans ces pays. Les organisations internationales, les chercheurs et journalistes
d'enquête qui travaillent sur ce sujet écrivent que la GPA transnationale est la négation de toute
tentative de régulation et d'encadrement de la GPA par les États. Le Québec et
le Canada n'ont, en réalité, aucun contrôle sur les conditions de production
des enfants qui seraient destinés à leurs citoyens.
Le projet de loi
n° 12 impose la gratuité, alors que ce concept n'est pas applicable en
réalité. Les agences encouragent les femmes à demander des remboursements pour
une multitude de choses. Le remplacement du revenu est très large, des sommes
d'argent transitent par des comptes étrangers, des cadeaux sont faits et, bien
sûr, il y a des paiements au noir.
Le projet de loi
suppose le consentement de la mère lorsqu'elle a une rencontre d'information
avec un professionnel et qu'elle signe un contrat. La mère porteuse de
l'étranger n'a évidemment pas droit à cette rencontre, mais elle signe aussi un
document pour indiquer son consentement. Aucune réflexion n'est offerte sur la
possibilité qu'une femme puisse participer à
sa propre exploitation ou la possibilité qu'une femme puisse consentir pour
l'enfant, un autre être humain pourtant porteur de droits.
PDF Québec formule
plusieurs propositions pour condamner fermement la GPA commerciale et pour
établir des sanctions pour les contrevenants
à ce principe. PDF Québec propose de faire une analyse complète de la pratique
de la GPA, incluant l'analyse du commerce, une analyse différenciée
selon les sexes, une analyse de l'intérêt de l'enfant à être produit sous un tel contrat, etc. Nous pensons qu'il existe en
réalité un consensus au Québec contre l'exploitation des femmes et la marchandisation des enfants. Ceci
n'est pas une question partisane, mais une question de droits humains.
M.
le ministre, membres de la commission et députés du Québec, vous êtes le
dernier rempart pour la protection des
enfants et des femmes du Québec. Nous vous demandons instamment de compléter
l'analyse du comité consultatif et de ne pas précipiter le Québec dans
les bras d'une industrie qui exploite la vulnérabilité des femmes et ignore
totalement la vie des enfants. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le
Président. Mme Davis, Mme Houle, Mme Sirois, bonjour. Merci
d'être présentes à l'Assemblée nationale pour exposer le point de vue de
PDF Québec sur le projet de loi n° 12.
De ma compréhension,
c'est qu'idéalement vous souhaiteriez qu'on interdise complètement la grossesse
pour autrui. C'est bien ça?
Mme
Sirois (Michèle) : Est-ce que vous
croyez... Je vais vous renvoyer une autre question à votre question. Est-ce que vous êtes sûrs que vous allez
contrôler... qu'il y aura vraiment... Vous avez mis «gratuité» et «consentement».
Est-ce que vous allez pouvoir garantir aux citoyens que, oui, vous avez tous
les instruments en main pour garantir la gratuité
et le consentement éclairé? Alors, nous, si vous pouvez garantir ça pour les
années à venir, on va réfléchir à ça, mais, pour l'instant, M. le
ministre, on ne voit pas comment vous allez pouvoir le faire quand,
actuellement, le gouvernement canadien a une loi depuis 2004, et il ne peut pas
la faire appliquer, ou il ne veut pas, on ne le sait pas, mais on constate qu'elle n'est pas appliquée.
Donc, on a des garde-fous, des clignotants jaunes et orange qui disent
«danger».
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Oui, allez-y.
Mme Houle
(Alexandra) : Oui, parfait. On a aussi constaté que, dans les pays qui
ont tenté de légiférer la GPA, ça n'a pas plus fonctionné, il y a quand même
des dérives. Par exemple, la Géorgie ont... c'est légal, la GPA, là-bas, mais la qualité de vie des mères porteuses
est horrible, là, c'est des femmes qui sont devenues mères porteuses par
défaut. Oui, elles consentent à devenir
mères porteuses, mais est-ce qu'elles ont d'autres options? Ce sont des femmes
qui sont victimes de violence conjugale, qui ont plusieurs enfants à charge,
qui fuient un mari violent, puis les agences de GPA, là-bas, leur proposent un
logement puis tout le kit, là. Donc, c'est sûr que, même si on essaie de
légiférer, il n'y a rien qui empêche à cette industrie-là de se poser comme
dans d'autres pays, là.
• (16 h 30) •
M.
Jolin-Barrette : Un des objectifs que nous avons, c'est véritablement
l'encadrement puis, justement, éviter ce que vous souhaitez éviter vous aussi,
soit la marchandisation du corps de la femme. Moi, je me retrouve, comme
ministre, dans une situation où, actuellement, au Québec, j'ai des enfants, à
chaque année, qui naissent issus d'un projet parental, d'un projet de grossesse
pour autrui. Les enfants qui naissent de ces projets-là se retrouvent à ne pas
avoir les mêmes droits que les enfants issus de la procréation naturelle. On
est dans une situation où ça existe. Soit qu'on se ferme les yeux puis qu'on
laisse les choses aller depuis des années et des années...
Vous faisiez référence au fait que Gil Rémillard
a mis, dans le Code civil, en 1991, le fameux article qui fait en sorte que les
contrats sont nuls de nullité absolue, mais la réalité a changé aussi, parfois.
À l'époque, on ne reconnaissait pas les familles homoparentales. Maintenant,
c'est reconnu dans notre droit. Alors, la situation change, et je pense que le
droit doit s'adapter aussi pour protéger les mères porteuses puis protéger les
enfants. Puis, je suis d'accord avec vous, on ne veut pas des situations qui se
produisent, comme dans d'autres États dans le monde, où est-ce que les femmes
sont considérées comme de la marchandise, comme uniquement un récipient, et
c'est pour ça qu'on essaie de mettre un
encadrement qui fait en sorte, justement, que le consentement, il est libre et
éclairé, que ça va être présent devant un notaire. C'est lui qui va
faire la convention notariée pour s'assurer qu'il y ait absence de
vulnérabilité de la mère porteuse puis qu'elle puisse avoir l'entière autonomie
de son corps.
Alors, moi, je suis ouvert aux suggestions pour,
justement, protéger les mères porteuses, mais je pense que si on ne vient pas
encadrer, si on ne vient pas légiférer... C'est un phénomène qui existe
présentement. Alors, lorsque vous me dites : Pouvez-vous garantir qu'il y
aura... que vous serez en mesure d'évaluer le consentement, bien, je vous
dirais, les deux chemins que nous utilisons, la voie légale, qui est par
convention notariée, et la voie judiciaire, subsidiairement, si ce n'est pas
l'un, si ce n'est pas l'autre, ce qui se passe actuellement, avec le consentement
spécial, ça ne se pourra plus, là, il y a un verrou des deux côtés. Ça fait que
tout le monde, au Québec, qui va vouloir avoir recours à la grossesse pour
autrui, va savoir que, si vous ne respectez pas ces paramètres-là d'ordre
public, bien, vous ne pourrez pas avoir
l'enfant issu de votre projet parental aussi. On essaie d'encadrer le plus
possible, justement, pour éviter la vulnérabilité des femmes. Mais je
suis ouvert aux suggestions pour encadrer davantage.
Le Président (M.
Bachand) : Allez-y.
Mme Sirois (Michèle) : Vous parlez d'une situation où l'industrie... Parce qu'on
voit, pour l'instant, seulement des projets individuels, hein, des parents qui
rêvent d'enfants, qui s'en vont, éventuellement, chez un notaire. Mais ce qu'on ne voit pas, c'est
l'industrie qui est derrière et qui est à l'oeuvre depuis de nombreuses années.
C'est-à-dire que, depuis au moins une
dizaine d'années, sinon plus, la stratégie du fait accompli et, je dirais, le
manque de courage des juges qui ont accepté de reculer sur les lois puis
de dire : Bon, cet enfant, il ne devrait pas... ne devrait pas avoir...
reconnaître la filiation, ils ont cédé, et il y avait une stratégie, c'était
évident, la stratégie du fait accompli. Et je trouve dommage qu'à cause de ces cas,
qui se sont multipliés et que les juges ont laissé se multiplier... que le
gouvernement n'ait pas mis la fin de... une fin de non-recevoir à cette
pression d'une industrie qui existe à travers le monde et pour dire non à la
GPA.
Là, on est pris avec, effectivement, des
enfants. Nous, vous avez vu, c'est dans notre mémoire, on avait une solution. C'est-à-dire que les parents qui
commandent... des clients, plutôt, qui commandent des enfants, ils n'ont jamais
eu d'évaluation de leur capacité parentale, comme c'est le cas pour les
enfants... les parents pour... adoptifs. Mais les seules évaluations qu'il y a, c'est une évaluation financière :
Ont-ils les capacités de payer? Ah! s'ils ont les capacités de payer,
c'est OK. Nous, on dit : Oui, l'enfant a droit à une filiation, comme tous
les enfants, ils ont le droit, ils ne peuvent pas rester comme orphelins. Mais
qui sont les meilleurs parents? Les parents qui ont des sous ou les parents qui ont été évalués pour leurs capacités
financières? Eh bien, ça en serait une, des solutions. Cet enfant, au lieu de
dire : Vous avez contourné la loi qui disait de ne pas payer de
mère porteuse et à l'étranger et ici, il y a des moyens aussi, eh bien, au lieu de ça, au lieu de les
récompenser, de dire : Bien, OK, d'abord, vous avez fait un enfant, c'est
la stratégie du fait accompli. Eh
bien, l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est d'être avec la personne qui l'a
commandé, comme un... qui a passé un contrat. Même si le contrat est
notarié et qu'on veut appeler ça une convention, c'est quand même un contrat. Et est-ce que c'est l'intérêt supérieur
de l'enfant? Et... bien, moi... nous, nous disons que non, et ce n'est surtout
pas l'intérêt des femmes qui deviennent un instrument de production.
Alors, le consentement éclairé, là, eh bien, on
pourrait en reparler, mais il y a beaucoup d'éléments qui montrent que les femmes disent une chose
officiellement et, quand elles sont sur leur Facebook, elles montrent qu'elles
sont déprimées, qu'elles ont eu un gros choc émotif à laisser l'enfant. Alors,
où est le consentement éclairé?
M. Jolin-Barrette : Mais je... je...
je comprends votre appréhension, puis c'est pour ça... puis c'est un sujet très sensible puis au niveau éthique également,
j'en conviens. Sauf qu'on cherche une voie de passage, justement, pour
faire en sorte qu'on puisse répondre à la réalité aussi. Qu'est-ce qu'on fait
avec un enfant qui naît? Supposons, là, que les contrats sont... demeurent nuls
de nullité absolue, puis qu'on interdirait complètement... on interdisait, on
le remettrait à la protection de la jeunesse, l'enfant. Alors... Bien, c'est
une question que je pose. Je vous donne des cas d'exemple : des gens qui ont des cancers, qui deviennent infertiles
et qui ont recours à une mère porteuse, et même, dans l'éventualité, il
y a différents scénarios où c'est de la procréation amicalement assistée.
Est-ce que ça aussi...
C'est beaucoup des valeurs éthiques. Je
comprends votre sensibilité par rapport à la marchandisation du corps de la
femme, j'en suis, et c'est ce qu'on essaie de faire le plus possible dans le
projet de loi. Mais la réalité, c'est que... Me Brown, qui est venue
tantôt, nous a dit : J'ai fait des milliers de contrats depuis 1984, des
milliers à elle seule. Alors, il y a plein d'enfants qui se retrouvent avec pas
le droit à la connaissance de leurs origines, pas leur filiation,
puis nous, on est là, on sait que le phénomène se produit. Notre capacité
d'intervention, elle est légale. Alors, en
dirigeant vers des voies bien verrouillées pour dire que l'adoption spéciale,
maintenant, sur consentement spécial, ne sera plus possible, bien, ça
force les parents d'intention à avoir un projet parental qui va être encadré.
Dans le fond, on est en train non pas de
favoriser, non pas d'encourager la grossesse pour autrui, mais on vient le
baliser dans le souci qu'à la fois la mère porteuse et l'enfant, si c'est un
projet qui va de l'avant, ce soit fait d'une façon qui soit éthique, qui soit
au vu et au su de tous et que la mère porteuse ne se retrouve pas dans une
situation isolée. C'est ça, notre objectif que nous avons, mais je comprends
que vous avez des suggestions pour nous.
Mme Davis (Athena) : Oui. Alors,
deux choses, pour l'encadrement, il semble y avoir plusieurs modèles dans le monde. Il y a un modèle d'interdiction, la
France, l'Italie, l'Espagne, la Suisse, etc., les pays nordiques, il y a un
modèle d'interdiction qui existe. Il y a un modèle d'encadrement, ces modèles
d'encadrement sont plus ou moins souples, et il y a aussi des États qui
ne disent rien, tout simplement.
Le Québec semble faire le choix d'un encadrement
et, de surcroît, un encadrement très souple qui, par exemple, consacre la
possibilité d'avoir des mères porteuses à l'étranger. Dès lors... on a entendu
les intervenantes avant, dès lors que vous
avez des mères porteuses à l'étranger, soyons clairs, nous perdons le contrôle.
À l'étranger, ce sont des mafias locales, ce sont des cliniques
étrangères, ce sont des groupes étrangers, ce sont des intérêts étrangers, il y a des femmes migrantes, il y a des femmes
prostituées qui sont prises pour les GPA, il y a toutes sortes de cas de
figure.
Et avec toute la bienveillance qu'on peut avoir
au Québec et notre volonté de protéger les femmes, il est impossible de
protéger une mère porteuse à l'étranger pour un législateur québécois. Dès lors
que vous ouvrez le projet PL n° 12 à la mère porteuse à l'étranger,
on est dans le commerce. C'est pour ça que je dis «souple». Si vous vouliez
vraiment avoir un modèle d'encadrement restrictif, la première des choses à
faire, c'est de ne pas avoir de mères porteuses à l'extérieur du Québec, c'est
aussi de ne pas avoir de clients à l'extérieur du Québec. Déjà, ça mettrait un
encadrement beaucoup plus strict.
Pour revenir à votre question initiale, M. le
ministre, PDF Québec, comme organisation, pense effectivement que la GPA,
le concept même de la GPA, qui nie la maternité et qui nie les droits de
l'enfant, n'est pas une bonne chose et qu'on devrait l'interdire.
• (16 h 40) •
Ce n'est pas, cependant, ce que nous vous
proposons dans ce mémoire. Nous vous proposons de garder l'article 541
qui, on le sait... c'est le statu quo actuel, donc il y a des GPA qui se font
au Québec sous 541. Nous vous proposons tout de même... il y a trois de nos
recommandations qui proposent de bonifier un petit peu 541. Et surtout nous vous proposons de faire un moratoire et de
faire des analyses réelles de la situation dans le monde, du commerce, une
analyse éthique et non pas juste juridique parce que... Probablement que le
comité consultatif avait le mandat de faire
une analyse essentiellement juridique. Nous pensons qu'il faut faire une
analyse éthique, à la limite philosophique, sociale sur le phénomène de
la GPA.
Un mot sur les familles homoparentales, parce
que j'en suis, j'ai adopté ma fille avec ma conjointe à l'époque. Elle est
arrivée d'Haïti dans les premiers avions après le tremblement de terre. J'ai
bien connu... Et je suis tout à fait empathique vis-à-vis du désir d'enfant
d'une famille qui ne peut pas en avoir. Bon, pour tout vous avouer, j'étais un
peu trop vieille aussi pour en avoir moi-même, donc on était... on ne pouvait
pas en faire, même si on était un couple de femmes. Et donc je comprends tout à
fait le désir, je comprends tout à fait la souffrance de renoncer à avoir un
enfant, ça aurait été très difficile. Nous avons choisi l'adoption.
Et je peux vous dire sincèrement, et je ne suis
pas la seule de la... enfin, je dis, de la communauté homosexuelle, je ne suis
pas sûre qu'il y ait une communauté homogène, mais, bon, je ne suis pas la
seule à dire que je suis contre la GPA. Vous
verrez dans notre mémoire que... nous vous citons Gary Powell, qui est
un... un homosexuel anglais qui lutte contre la GPA,
Susan Hawthorne, qui écrit contre également. Donc, ce n'est pas vrai que
c'est un... une demande universelle de la communauté homosexuelle. Nous
reconnaissons que certains d'entre nous le... oui, font du lobby, et d'autres
reconnaissent que c'est une exploitation de la femme et que ce n'est pas
acceptable pour l'enfant.
Je connais tout du syndrome d'abandon parce que
j'ai adopté une fille. Elle a été séparée de sa mère. Donc, j'ai été formée et informée là-dessus par
Dr Jean-François Chicoine, que probablement beaucoup de gens connaissent
ici, Johanne Lemieux aussi, qui est une sommité québécoise sur l'adoption. Je
n'aurais jamais voulu imposer une GPA à un
enfant. L'adoption est un... est un... un mécanisme humain pour sauver des
enfants de crimes, de catastrophes, de guerres, etc., c'est normal. La
GPA, c'est un crime organisé, c'est... c'est l'abandon organisé, programmé d'un
enfant par contrat. Et effectivement, là, nous serons contre.
Mais, si nous faisons un moratoire et un vrai
débat dans la société québécoise et de vraies analyses, nous aurons notre...
notre... nous présenterons notre point de vue, d'autres groupes présenteront
leur point de vue, et nous pourrons, je pense, prendre une décision beaucoup
plus éclairée à l'avenir entre interdiction totale, encadrement, type
d'encadrement. La suite, on verra. C'est ça qu'on vous propose, de refaire nos
devoirs.
Je finis en vous disant que le rapport du comité
consultatif date déjà d'il y a 10 ans. Et je pense que les intervenantes
qui ont parlé tantôt disaient : Il y a beaucoup de choses qui ont changé
depuis 10 ans, des pays qui ont fermé à la GPA, des abus qui ont été
découverts. Tout le monde sait ce qui s'est passé en Ukraine. Je pense qu'on
devrait peut-être refaire nos devoirs avant de plonger dans une... dans un
projet de loi pour changer toute la loi de la filiation au Québec.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Il reste
quelques secondes. Commentaires?
M.
Jolin-Barrette : Bien, je vous remercie pour votre présence en
commission parlementaire. Vous m'aviez dit,
Mme Sirois : On n'a pas été invitées sur le projet de loi n° 2, mais maintenant vous l'avez été sur le projet de loi n° 12,
alors vous avez pu vous exprimer.
Mme
Sirois (Michèle) : Et je vous remercie.
M.
Jolin-Barrette : Ça fait plaisir.
Le
Président (M. Bachand) : Bon, merci beaucoup.
M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci,
monsieur...
Le Président
(M. Bachand) : Oui, monsieur...
M. Zanetti : ...que
dire : La GPA est un crime organisé est quelque chose comme prêter des
intentions indignes à des gens, ça fait que, peut-être, si on pouvait juste...
Le Président (M. Bachand) : Oui, mais je pense que... c'était quand même un commentaire général, on
n'a pas associé ça à un groupe très, très, très spécifique, alors je vais
laisser aller. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Oui.
Bien, très brièvement, la position de PDF Québec a été exprimée très
clairement. Je vous remercie d'avoir été là, c'est très clair. Donc, je n'ai
pas de question, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Alors, M.
le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Oui.
Merci. Merci pour votre présence. Votre point de vue, je pense, est... par,
disons, son originalité, important au débat. Vous parlez souvent de l'intérêt
de l'enfant comme étant la chose qui est, au fond, le socle, hein, puis je suis
parfaitement d'accord avec vous là-dessus, puis je pense que tout le monde est
d'accord, l'intérêt de l'enfant est l'affaire la plus importante au monde.
Comment le définissez-vous?
Des voix : ...
Mme
Sirois (Michèle) : Première chose, je ne
qualifierais pas la position de PDF Québec d'originale, mais on est
conscients qu'on est à contre-courant, OK? Il y a une différence. On ne cherche
pas l'originalité, on cherche à... justement, que les droits des enfants...
L'article 35 de
la Convention internationale des droits de l'enfant dit que, sous aucune forme,
un enfant... il ne peut pas y avoir de traite, de vente d'enfants, etc., sous
quelque forme que ce soit. C'est pour ça, nous autres, entre autres, cet
article, il est si important et se retrouve dans notre mémoire. Je pensais que,
tout à l'heure, c'était ce à quoi vous faisiez référence par l'article 35.
Eh bien, on s'aperçoit que ce ne sont pas les personnes qui sont remplies de
bonnes intentions, en plus de désirs et de rêves... On comprend la situation.
Sauf que, derrière ça, il existe un marché qui est prévu pour 2030,
c'est-à-dire d'ici 7 ans, 130 milliards de dollars. Il y a des
intérêts énormes en arrière, qui sont prêts à aller partout. Et on voit que
tous les pays qui ont ouvert la porte aux étrangers qui sont venus faire des
GPA, exemple, en Inde ou en Thaïlande, au Népal, et autres, eh bien, ça a
dérivé. Et les portes se ferment. Quand on dit oui, la porte se ferme parce que
les scandales arrivent.
Et moi, là, je me
dis : Est-ce que j'aimerais être associée aux scandales qui s'en viennent,
parce que pourquoi on ferait exception? L'intention est bonne d'encadrer, je
suis sûre de la bonne foi de toutes les personnes qui y ont pensé. Mais, quand
on sait les rapports de pouvoir, les rapports... une industrie qui peut être
prédatrice et qui... Prenons l'exemple de l'Inde, quand les scandales sont
arrivés, qu'est-ce qu'on fait? Ils ont dit : On ferme l'accès aux étrangers. Et qu'est-ce qu'elles ont fait, les
entreprises qui faisaient les cliniques, et autres? Elles sont allées au Kenya.
Elles vont déménager. Mais, entre-temps, il va y avoir beaucoup de
personnes qui vont souffrir.
Et je pourrais finir
avec le dicton qui dit : L'enfer est pavé de bonnes intentions, mais, pire
que ça...
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Merci. Je
vais céder la parole, parce que le temps...
Mme
Sirois (Michèle) : Est-ce que je pourrais
juste finir ma phrase?
Le
Président (M. Bachand) : Rapidement, oui.
Mme
Sirois (Michèle) : Mais l'enfer... Le
problème, avec les bonnes intentions du projet de loi n° 12, c'est que
c'est l'enfer des autres qu'on est en train de paver. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Merci. M.
le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M.
Zanetti : Je comprends. Je réitère ma question parce que je pense
qu'elle va être cruciale dans le débat de société qu'on va avoir. Parce que
vous affirmez, tu sais, assez solidement, à plusieurs reprises, mettons :
Ça, c'est dans l'intérêt de l'enfant, ça, ce n'est pas dans l'intérêt de
l'enfant. Qu'est-ce qu'est l'intérêt de l'enfant, pour PDF?
Mme Houle
(Alexandra) : Bien, je vous répondrais par cette question : Quel
est l'intérêt de l'enfant à être séparé de sa mère à la naissance?
M. Zanetti : Une
question n'est pas une réponse. Quel est l'intérêt de l'enfant?
Le
Président (M. Bachand) : ...s'il vous
plaît, dans le respect. Oui, allez-y, M. le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Exact.
Bien, je veux juste... Une question ne sera pas utile pour nous dans nos
débats. Donc, si vous avez une définition de l'intérêt de l'enfant, j'aimerais
ça.
Mme Davis (Athena) : Écoutez, je vous invite à
lire les écrits de Dr Chicoine, de Johanne Lemieux. Un enfant
n'a aucun intérêt à être séparé de sa mère à la naissance, à 10 jours, à
20 jours, à 30 jours, à deux ans, aucun intérêt. Cela crée un choc
d'abandon, ça a des conséquences sur l'adulte tout au long de sa vie. Nous
avons d'innombrables études sur ce sujet. Nous n'avons pas besoin de recréer
ces blessures et ces chocs d'abandon à des bébés québécois pour savoir ce que
ça va donner. Tout est déjà documenté dans la littérature, en psychologie, dans
la littérature sur l'adoption médicale, etc.
Donc,
vous avez des gens qui sont beaucoup plus susceptibles de se suicider. Au
Danemark, une étude danoise va dire que 17 % de ces enfants-là...
il y a 17 % de plus de suicides des adolescents séparés de leurs
parents... de leur mère, parce que, bon,
c'est sûr que le père, il y a toujours une présomption, mais on va dire séparés
de la mère. Il y a des problèmes
médicaux extrêmement importants. Ils ne vivent pas l'abandon de la même manière
que les autres personnes parce qu'ils ont déjà été abandonnés.
En plus, ces bébés de
la GPA sont souvent abandonnés plusieurs fois parce qu'ils sont abandonnés à la
naissance, mais il y en a beaucoup qui
restent dans les limbes, coincés, que ce soit en Géorgie, en Ukraine, au Kenya,
ici. Il y a une... Je pense qu'il y a
un bébé de la GPA qui était destiné à des clients français qui est resté au
Québec pendant deux mois, donc il a
été abandonné plus tard. Il y a des enfants qui sont en crèche et en orphelinat
qui sont abandonnés à plusieurs reprises. La littérature va nous dire,
encore une fois, que plus un enfant subit de nombres d'abandons, plus le
traumatisme est grand.
Alors, oui, l'intérêt
de l'enfant, il n'est jamais d'être séparé de sa mère qui l'a porté.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Mme Davis
(Athena) : Et, comme disait Michèle...
Le
Président (M. Bachand) : M. le député,
oui.
Mme Davis
(Athena) : ...il n'est certainement pas l'intérêt d'être vendu...
Le
Président (M. Bachand) : Le temps va
rapidement. Désolé. Il faut que les réponses soient plus courtes, s'il vous
plaît.
Mme Davis
(Athena) : Excusez-moi. Allez-y.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de
Jean-Lesage.
• (16 h 50) •
M. Zanetti : Est-ce que... les études auxquelles vous faites
référence, qui montrent les conséquences négatives d'un point de vue
psychologique sur le développement de l'enfant... qui sont issus de GPA, est-ce
que vous pourriez les déposer à la commission, par exemple?
Mme Davis
(Athena) : Alors, ce ne sont pas des études sur des cas de GPA, les
enfants sont trop petits, ce sont des bébés actuellement, parce que c'est une
technologie tout à fait récente. Les études sont faites sur des enfants qui ont
été séparés de leur mère, ce qui est exactement la même chose, un enfant de la
GPA, il est séparé de sa mère. Est-ce qu'on s'entend là-dessus?
M. Zanetti : Bien,
c'est... vous faites référence à des cas, par exemple, d'adoption, des...
Mme Davis (Athena) : Bien, de sa mère
porteuse... Je veux dire, l'enfant par GPA, est-ce qu'on s'entend au moins
sur les faits qu'un enfant produit par GPA est séparé de sa mère porteuse?
M. Zanetti : Oui,
je comprends, mais les études, dans le fond, ne portent pas sur ça, celles dont
vous parlez.
Mme Davis (Athena) : Elles portent
sur la séparation mère-enfant.
M. Zanetti : Dans
quel contexte?
Mme Sirois
(Michèle) : Moi, j'aimerais...
Mme Davis (Athena) : Quel que
soit le contexte.
Le Président
(M. Bachand) : ...une petite minute
30 secondes, si vous voulez y aller, oui.
Mme Sirois
(Michèle) : J'aimerais que vous... Vous
avez sûrement consulté l'étude du Conseil du statut de la femme, qui dit : Nous
n'avons tellement pas... tellement pas de données. Et c'est là qu'on
demande : principe de précaution. Parce que vous parlez des droits des...
on parle des droits des enfants, mais souvent individuellement. Mais le droit
des enfants, collectif, de ne pas devenir des marchandises... Il suffit... Dans
notre mémoire, vous allez trouver une adresse de Canam... et tout le restant,
là, vous irez voir. Eh bien, si vous allez voir, vous allez voir que vous allez
pouvoir commander un bébé et l'ajouter au panier comme un produit d'Amazon.
C'est là-dedans qu'on s'en va. Et la moindre
question éthique devrait questionner le droit collectif et la dignité, le droit
à la dignité des enfants, de l'ensemble des enfants. Est-ce qu'on peut
en faire un produit, une marchandise? Non, nous disons. Et la même chose...
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup.
Mme Sirois
(Michèle) : ...instrumentaliser le ventre d'une femme... Parce
qu'on n'a pas vu de cas de femmes riches
qui portent des enfants, mais on voit des femmes qui ont des besoins
économiques et qui portent des enfants, de sorte que s'illusionner que
c'est le consentement éclairé puis gratuit, c'est un leurre.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci
beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Oui.
Merci, M. le Président. J'ai pris connaissance de votre mémoire, des
12 recommandations. J'ai entendu aussi, là, les... vos points de
vue, les propos que vous avez, là, pour compléter... compléter, là, les
différentes réponses. Moi, tout est clair pour moi, donc je n'aurai pas de...
je n'aurai pas d'autre question. Je vous remercie
d'être... d'être passées parmi nous. Je vous remercie d'avoir partagé
l'expérience aussi au niveau de l'adoption. Donc, merci de votre
présence.
Le Président
(M. Bachand) : Alors, à mon tour de
vous remercier d'avoir été avec nous cet après-midi.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 53)
(Reprise à 16 h 57)
Le Président (M.
Bachand) :
À l'ordre, s'il vous
plaît! Juste avant d'aller plus loin, j'aurais besoin d'un consentement pour
ajouter un cinq minutes à la séance.
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Bachand) : Consentement. Merci beaucoup.
Alors, on accueille nos invités, qu'on connaît
bien, Me Michaël Lessard et Me Suzanne Zaccour. Alors, merci beaucoup
d'être ici. Alors, je vous laisse la parole, pour un exposé de 10 minutes.
À vous la parole. Merci.
Mme Suzanne Zaccour et
M. Michaël Lessard
Mme Zaccour (Suzanne) : Merci.
Bonjour. Je m'appelle Suzanne Zaccour. Je suis chercheuse en droit de la
famille et responsable de la réforme féministe du droit pour l'Association
nationale Femmes et Droit. Et aujourd'hui je suis ici pour m'exprimer autant en
mon nom personnel que pour l'association. Et par ailleurs notre mémoire a été
également appuyé par le Regroupement des maisons pour femmes victimes de
violence conjugale.
Alors, je suis accompagnée de mon collègue
Me Michaël Lessard, qui est avocat et doctorant en droit et qui entrera en
fonction à titre de professeur de droit à l'Université de Sherbrooke en juin
prochain. Et nous sommes vraiment honorés d'être ici et d'avoir été invités à
commenter le projet de loi. Donc, merci pour votre temps et votre attention.
J'aimerais commencer, si vous me le permettez,
là où tout a commencé. Commençons avec Océane. Le cas d'Océane a choqué tout le
Québec. Mais pourquoi? Pourquoi, alors qu'Océane peut toujours demander une
garde complète, peut demander la déchéance du père? Pourquoi avons-nous tous et
toutes été frappés par son histoire, au point,
dans votre cas, de vouloir modifier le Code
civil pour répondre à la situation?
C'est, en fait, je vous le soumets, parce qu'on ne veut pas voir Océane
obligée de retourner en cour pour débattre avec son violeur de l'intérêt de l'enfant à avoir un père
agresseur. Ça, c'est le problème qu'on cherche à résoudre. Or, le projet de loi
amène le critère de l'intérêt de l'enfant pour retirer la filiation, à
l'article 544.22. Donc, au lieu de débattre des qualités du père... des
qualités de père de l'agresseur d'Océane à l'étape de la déchéance ou de la
garde, on fait le même débat, mais pour déterminer la filiation. En d'autres
mots, on ne règle pas le problème, on le déplace.
• (17 heures) •
Je vous invite à réfléchir à la question
suivante : Qu'est-ce qu'on protège? Qu'est-ce qu'on gagne en tant que société en invitant un tribunal à forcer un lien
père-enfant malgré une conception par agression sexuelle? Je dis «forcer»
le lien père-enfant, parce que le recours ne sera entrepris que si la mère et
l'enfant ne veulent pas de l'agresseur dans leur vie. D'ailleurs, ça a fait
l'objet de beaucoup de débats dans les derniers jours. C'est le choix de la
mère, donc respectons cette demande.
Je comprends, on l'a entendu aussi, que vous
craignez peut-être que l'enfant perde un parent significatif. Or,
souvenons-nous que l'enfant peut, à tout moment et pour n'importe quelle
raison, demander à rétablir le lien de filiation. En ce sens, la discrétion
judiciaire de refuser de retirer le lien de filiation est, à notre avis, une
précaution inutile. Mais c'est pire que ça,
c'est que cette disposition aura des conséquences néfastes. D'une part, les
agresseurs vont aller à procès systématiquement, parce que le résultat
de la demande n'est pas prévisible. La première conséquence de la discrétion,
c'est la contestation. D'autre part, des victimes et des enfants seront forcés
de côtoyer des pères violents, ça, c'est sûr. Il y a des juges qui vont
dire : Un enfant a besoin d'un père. Ils vont dire : Le père, il ne
lui a rien fait, à l'enfant. Ils vont dire : C'était juste une agression
sexuelle, une fois, est-ce que la mère ne peut pas passer à autre chose? C'est
sûr qu'on va entendre ce genre de discours explicite ou implicite. Donc, ce
projet de loi, c'est une belle idée, mais il
ne fonctionne, il ne sauve Océane que si le retrait de la filiation est tout
simplement à la demande de l'enfant. Donc, c'est la recommandation que
nous vous soumettons.
J'aimerais maintenant parler d'un deuxième
problème, un deuxième obstacle auquel Océane va faire face. Donc, supposons qu'elle perde son recours, soit en
retrait de la filiation ou si elle décide de laisser la filiation, supposons
qu'elle perd son recours en déchéance. À sa sortie de prison, le père demande
la garde de l'enfant. Océane s'y oppose, mais il y a un problème, et
peut-être que vous me voyez venir, ce problème, c'est que le juge trouve
qu'Océane est aliénante. En effet, non
seulement Océane a-t-elle dit à son enfant que monsieur était un agresseur, ce
que les juges punissent sévèrement, en plus, elle a essayé de lui faire
retirer la filiation, elle a essayé de priver l'enfant de son père. Le tribunal
leur donne la garde partagée. Océane voit son violeur toutes les semaines.
Si vous pensez, devant ce cas fictif, que,
voyons! un tribunal ne donnera pas la garde à un homme qui sort de prison pour
violence sexuelle, je vais vous dire : Poursuivez vos consultations. Des
mères perdent la garde même quand la
violence du père est prouvée, même quand le père est condamné au criminel et
même quand le père n'a jamais pris soin de l'enfant ou été en contact avec
l'enfant. C'est des cas qu'on voit et c'est des cas qui vont se produire.
Ce projet de loi, il encourage les mères à deux
choses, entre autres : un, parler à l'enfant de la violence du père, c'est le recours de l'enfant, il faut qu'il
soit au courant, et deux, exercer des recours : filiation, déchéance,
indemnité. Et c'est pourquoi nous proposons, dans nos mémoires, une
addition très concrète au projet de loi pour empêcher les tribunaux de tirer des inférences négatives,
autrement dit, de punir les mères qui font exactement ça, donc, parler à l'enfant
de la violence du père ou exercer un
recours. Les décisions sur l'enfant doivent être prises selon son intérêt et
non pas pour punir un parent qui exerce ses droits.
M. Lessard (Michaël) : Le cas
d'Océane a permis de révéler de graves problèmes que vivent les victimes
d'agression sexuelle en droit de la famille. Pourtant, il faut faire attention
aussi, on a parlé du cas d'Océane en détail, mais il faut faire attention aussi
à ne pas se limiter aux faits du cas d'Océane lorsqu'on vise à dessiner les
grands traits d'une loi qui va s'appliquer à
l'ensemble du Québec. Et donc il faut permettre aux victimes d'agression sexuelle
d'avoir accès aux mêmes protections, peu importe leur situation.
Et là je pense surtout au contexte de la
violence conjugale. Dans le contexte de la violence conjugale, il pourrait être
difficile pour une victime d'agression sexuelle de demander le retrait de la
filiation et l'indemnité selon l'état actuel
du projet de loi n° 12. Comment peut-elle démontrer au tribunal que
l'enfant issu d'une agression sexuelle provient bien de l'agression sexuelle de
son conjoint violent si, au sein de la relation, il y a certaines relations
qui seraient consentantes, alors que
d'autres seraient des agressions sexuelles? Nous considérons qu'il s'agit là
d'imposer à la victime un fardeau
trop élevé. En même temps, nous considérons aussi que, dans le contexte de la
violence conjugale, on peut présumer
qu'une vaste part des relations sexuelles sont des agressions sexuelles, que le
consentement, s'il y en a un, a été souvent vicié par des menaces ou par
le contrôle qu'exerce le conjoint sur sa victime.
Nous proposons donc d'établir dans la loi une
présomption selon laquelle une relation sexuelle qui a lieu au sein d'une relation violente est une agression
sexuelle. Donc, si la victime démontre au tribunal l'existence de la violence
conjugale, le conjoint violent pourrait alors être entendu pour tenter de
renverser la présomption, et ce devrait être au conjoint violent de
prouver que, malgré la situation de violence, de contrôle, de coercition, la
victime a tout de même consenti pleinement aux relations sexuelles.
Pour conclure, vous trouverez dans nos mémoires
plusieurs propositions intéressantes pour bonifier le projet de loi n° 12.
D'ailleurs, considérant les récents articles de Patrick Lagacé sur la déchéance
de l'autorité parentale, que vous avez
sûrement vus, hier et avant-hier, j'aimerais souligner que nous proposons tous
deux des mécanismes de suspension de l'autorité parentale en cas
d'accusation criminelle. Vous trouverez ces recommandations à la page 17
de nos mémoires respectifs. Il nous fera aussi plaisir d'en parler avec vous.
Nous sommes maintenant à votre disposition pour
toute question, que ce soit sur ce qui nous a occupés dans notre présentation,
soit l'enfant issu d'un viol, que tout autre élément soulevé dans nos mémoires.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci à
vous deux. M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Me Zaccour, Me
Lessard, merci d'être présents en commission parlementaire, c'est un
plaisir de vous retrouver.
Je débuterais peut-être sur le cas d'Océane,
justement, parce que, Me Zaccour, vous avez dit tout à l'heure, bon, en détaillant la situation : Il faut que
l'enfant soit au courant, tout ça. Avec le projet de loi, là, un cas qui
surviendrait... qui survenait, comme
ça a été le cas d'Océane, suite à l'adoption du projet de loi... monsieur, est
en prison, fait... a violé madame et réclame la paternité. Un coup que
le projet de loi est adopté, lorsque la demande en reconnaissance de filiation, elle rentre, automatiquement madame,
elle peut s'objecter puis, dans le cadre de ce recours-là, peut demander
l'indemnité. Ça fait que, ça, c'est le premier cas de figure. Ça fait que, dans
le fond, ça se termine là, ou madame accepte
la filiation, mais, dans la même requête, dans la même demande de monsieur,
fait une demande reconventionnelle facilitée — on
l'a mis dans l'article — avec
déchéance de l'autorité parentale, si jamais elle voulait avoir une pension
alimentaire. Ça fait qu'on laisse le choix à madame de soit bloquer la
filiation complètement soit de faire en sorte d'accepter la filiation, mais
avec déchéance de l'autorité parentale.
Dans l'autre cas qui s'applique, l'autre cas de
figure, si jamais il y avait eu, dans le fond, la naissance de l'enfant dans le cadre d'un contexte conjugal,
puis c'est un couple, et que, là, madame était sous l'emprise de monsieur,
violence sexuelle, violence conjugale, l'enfant est issu du viol, mais qu'à
l'hôpital monsieur est là puis force madame à signer les papiers, puis tout ça,
puis que madame s'extirpe finalement de la relation deux, trois, quatre, cinq ans plus tard, là, on vient permettre à
madame, encore une fois au nom de l'enfant, de venir couper la filiation, mais avec le critère de l'intérêt de l'enfant, parce
que, bon, monsieur a été en contact avec l'enfant durant plusieurs années.
Ça fait que, là, j'aimerais vous entendre sur ce
critère-là de l'intérêt de l'enfant. Est-ce qu'une... Puis là je dis deux, trois, quatre ans, ça peut être pendant
10 ans, là. Est-ce que ce critère-là, qui doit être évalué par le
tribunal, vous considérez que c'est un... le critère de l'intérêt de
l'enfant... Puis là je vous réitère... je vous réfère aussi à l'année passée, au projet de loi n° 2,
où dans... on a modifié l'article 33, où on est venus définir que
l'intérêt de l'enfant, ça prenait en compte la violence familiale,
incluant la violence conjugale. Ça fait que j'aimerais ça, vous entendre sur
cette notion-là de l'intérêt de l'enfant, suite au deuxième cas de figure, là,
que je vous ai présenté.
Mme Zaccour (Suzanne) : Oui. Merci
pour la question. Effectivement, maintenant, l'intérêt de l'enfant tient compte
de la violence familiale, y compris conjugale. Donc, une violence sexuelle qui
n'est pas conjugale, Océane, par exemple, n'est pas forcément couverte, mais
ça, c'était peut-être un...
M. Jolin-Barrette : Bien non, mais
c'est couvert. C'est couvert, ça rentre dans la violence familiale.
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien,
c'est-à-dire, ce n'est pas une violence ni envers l'enfant ni envers la conjointe, donc il pourrait y avoir des enjeux
d'interprétation. Ce n'est pas une violence... On avait demandé à définir
la violence familiale, ça n'a pas été fait. Donc, ce sera peut-être à débattre
devant les tribunaux.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est un «y
compris».
Mme Zaccour (Suzanne) : Oui.
M.
Jolin-Barrette : Mais de la... Supposons une agression sexuelle
envers madame dans le cadre d'un couple...
• (17 h 10) •
Mme Zaccour (Suzanne) : Oui, si
c'est un couple, mais si ce n'est pas un couple... Océane, c'était, je pense,
son colocataire.
M. Jolin-Barrette : Je comprends.
Mme Zaccour (Suzanne) : Donc, ce ne
serait pas familial. Mais je veux répondre plus précisément, là, sur la
question de l'intérêt de l'enfant et du parent significatif.
Donc, je vous renvoie un petit peu les réponses
qui ont été données aujourd'hui et dans les derniers jours, sur la
pluriparenté. Quand tout va bien, tout va bien. Donc, si le père, c'est un très
bon père, aimant, attentionné, significatif, il a changé des couches, et tout
ça, il n'y a pas de problème. L'enfant ne demandera pas le retrait de la
filiation, la mère non plus. Si la mère le demande contre la volonté de
l'enfant, il y a d'autres possibilités, là, quant à l'exercice des droits de
tutrice. Donc, si tout va bien, ils s'entendent et les parents conviennent,
hors du tribunal, comme c'est le cas pour la plupart des couples, donc, se
séparent, garde partagée ou autre arrangement, tout va bien. Si la mère
demande... ou l'enfant demande, plutôt, à faire retirer la filiation, c'est
généralement que tout ne va pas bien, et, si on arrive devant les tribunaux,
tout ne va pas bien. Donc, on peut présumer que le père est... le père, qui est agresseur sexuel, est violent. Ce n'est pas...
ce n'est pas un très... une très grande... ce n'est pas «a stretch», mais donc
on peut... C'est la situation. Donc, la mère
et l'enfant s'opposent pour se protéger. Et là on va voir des juges qui disent,
même si l'enfant ne veut pas, même si la
mère ne veut pas, en fait... et on sait pourquoi ils vont dire ça, ils vont
vous dire : L'enfant est aliéné, donc il faut forcer le contact. Donc,
c'est là que l'intérêt de l'enfant est un critère problématique.
Cela dit, si vraiment vous dites : Bien,
imaginez, on retire le lien de filiation, mais c'était une erreur, l'enfant
peut ramener le lien de filiation lui-même, à sa demande, mais, même à ça, ça
ne nous rassure pas, ce n'est pas assez, dans le cas où
il y a vraiment un lien, là, entre le père et l'enfant, le tribunal peut
toujours ordonner du temps parental à quelqu'un qui n'est pas père, donc un
parent de fait, donc ce serait une autre échappatoire.
Donc, quand on a autant d'échappatoires et qu'on
sait à quel point la discrétion judiciaire sur l'intérêt de l'enfant, c'est problématique, pourquoi rajouter
ce débat? Si le but était d'épargner à Océane de faire ce débat, pourquoi
en faire la discrétion? Le principe, derrière ce projet de loi, c'est :
l'agression sexuelle ne fonde pas la filiation. Donc, amenons ce principe
jusqu'au bout. Et, comme je le disais, s'il y a un cas d'exception, rien
n'empêche le tribunal d'ordonner du temps parental, mais peut être que les
membres de la commission conviendront qu'un père agresseur... un débat devant
le tribunal, l'enfant ne veut pas, la mère ne veut pas, il y a peut-être une
bonne raison pour ne pas vouloir ce lien de filiation et peut-être qu'on peut
respecter cette demande.
M. Jolin-Barrette : Je suis
curieux de vous entendre, ça fait deux fois que vous le dites dans le cadre de votre
intervention, au niveau de la discrétion judiciaire. Vous semblez dire, par vos
propos, qu'il y a un enjeu avec les
décisions qui sont rendues par les tribunaux. Est-ce que... C'est quoi,
l'enjeu? Est-ce que c'est un enjeu de formation, c'est un enjeu de...
Selon vous, quelle est la problématique, lorsque vous nous parlez de... que ce
sont les tribunaux, ultimement, qui décident en fonction des faits qui sont mis
devant eux? J'aimerais ça vous entendre...
M. Lessard (Michaël) : Bien,
peut-être, rapidement, je pense qu'il y a un changement de culture judiciaire
qu'on voit présentement, où il semble... il semble difficile pour certains
juges de voir le lien entre la violence conjugale ou, dans le contexte qui nous
occupe, même la violence sexuelle et l'enfant. Donc, on voit beaucoup de jugements, et fort heureusement de moins en moins,
où on va se dire : Oui, mais la violence conjugale, c'est quelque chose
qui occupe seulement le père violent puis la mère victime et ça n'a pas un impact
sur les enfants. Et ça peut sembler étrange de le souligner comme ça, mais on
en voit beaucoup, des jugements, on voit même des juges qui vont dire : Oui, l'enfant a été témoin de la violence,
parfois, l'enfant a dû s'interposer pour empêcher le père d'être violent envers
la mère victime, mais on considère que le père, somme toute, généralement,
n'est pas un mauvais parent.
Donc, il semble difficile pour les juges de
faire le lien où, en fin de compte, la violence conjugale, c'est une décision
parentale. C'est exposer l'enfant à de la violence, c'est également... c'est
également priver la mère de ressources qu'elle pourrait donner à l'enfant, soit
une disponibilité émotive, une santé, une disponibilité financière, également. Donc, il semble difficile pour les
juges de voir ça. Je crois que c'est quelque chose que le projet de loi n° 2
a permis de changer en envoyant un
signal clair vers les tribunaux, mais quand on regarde l'ensemble de la
jurisprudence, on est quand même très inquiet, inquiète par la dissociation
que les juges font entre la violence conjugale et la violence familiale, plus
généralement.
M. Jolin-Barrette : Mais
là, dans le projet de loi n° 2, on dit «violence familiale, y compris violence
conjugale», ça fait que ça répond.
Mme Zaccour (Suzanne) : C'est
un critère parmi beaucoup d'autres. Donc, ça, c'est la préoccupation qu'on
avait au moment de l'adoption du projet de loi n° 2. Donc, c'est un
critère, certes, mais pour compléter aussi sur la réponse, là, on a une grande
culture du père à tout prix, devant les tribunaux, et de la garde partagée.
Même, c'est un peu perçu comme le mécanisme
par défaut, et toute mère qui demande une garde exclusive, qui demande à déménager,
elle est immédiatement suspecte.
Donc, par exemple, je vous réfère à un article
de Fiona Kelly qui s'appelle Enforcing a Parent/Child Relationship at All
Cost?. C'est des décisions canadiennes, mais qui montrent un peu... Peu
importe ce que le père fait, condamnation
criminelle, violence sur l'enfant, condamnations répétées, répétées, répétées,
le père a fait de la prison, les juges ne vont à peu près jamais jusqu'à
mettre fin au contact. On va dire : On va superviser pendant 10 ans.
Donc, ça, ce serait un autre élément, la culture du père à tout prix. Donc, on
va dire : Oui, il y a eu de la violence conjugale, mais, d'un autre côté,
un enfant a besoin de son père, ou, d'un autre côté, il est repentant, ou, d'un
autre côté, il y a toutes sortes d'autres critères, l'âge, la proximité
géographique, etc.
Et le troisième, peut-être, élément, parce que
vous demandiez c'est quoi, les causes de notre inquiétude : les
évaluateurs et évaluatrices en matière de garde, c'est aussi documenté que ces
personnes perçoivent souvent les mères
victimes de violence comme immédiatement suspectes. Une mère victime de
violence, on la soupçonne, peut-être qu'elle veut évincer le père.
Donc, ça, c'est les raisons qui nous font croire
que la discrétion judiciaire, dans un cas aussi clair... On n'est pas vraiment
dans beaucoup de nuances de gris, là, enfant conçu par agression sexuelle, on
est dans vraiment très, très précis, on n'a pas besoin de s'ajouter tous ces
débats. C'est notre proposition.
M. Jolin-Barrette : OK. Peut-être
une dernière question avant de céder la parole à mes collègues qui souhaitent
vous poser des questions, là. Je dénote de vos propos que vous semblez avoir
peu confiance dans les tribunaux relativement à ce type de dossiers.
Mme Zaccour (Suzanne) : C'est de
l'expérience. Si vous parlez... Les femmes... les femmes sont tellement
désespérées qu'elles m'écrivent, comme chercheuse, et qu'elles me disent :
J'ai lu vos articles, et elles n'arrivent pas à
se faire représenter, et c'est des femmes qui sont victimes de violence et qui
n'ont pas vu leurs enfants depuis des années. Donc, on n'est même pas à
est-ce que les tribunaux vont accepter de retirer la filiation d'un enfant, on
n'est même pas là, on est à est-ce
qu'on peut convaincre un tribunal de ne pas donner une garde complète au père
violent. Ça, c'est où est-ce qu'on en est avec les
tribunaux. Et, comme je dis, ce n'est pas seulement les juges, c'est les
évaluations qu'ils et elles reçoivent, qui
sont souvent... c'est très médicalisant. Si cette enfant ne voit pas son père,
elle ne pourra jamais... elle ne pourra jamais être une femme accomplie. Donc,
c'est tout ça qui est largement documenté, mais, effectivement, je suis
assez sceptique.
Et, en matière de filiation, généralement, ce
n'est pas discrétionnaire. Le rôle de l'Assemblée, c'est de dire : Voilà
les règles qu'on considère dans l'intérêt de l'enfant, en matière de filiation,
et elles sont appliquées. Donc, effectivement, vous avez raison de dire que je
suis sceptique. Je serais heureuse d'être convaincue autrement, mais, pour le
moment... C'est pour ça que vous légiférez. Sinon, on dirait : Bien,
Océane, elle a juste à retourner parler de déchéance,
et, de toute façon, son... l'agresseur n'aura jamais la garde. Mais on ne peut
pas dire ça, c'est pour ça qu'on a... qu'il faut intervenir.
M. Jolin-Barrette : OK. Je vous
remercie pour votre présence en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Donc, prochaine
intervenante, Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être ici. Merci pour votre temps.
Au sujet de la GPA, sur la GPA, est-ce que vous
considérez que l'autonomie décisionnelle de la femme est respectée tout au long
du projet?
Mme Zaccour (Suzanne) : Alors, ce
que je... Je veux juste faire une préface, qu'on n'a pas pu mettre autant de temps sur les dispositions sur la GPA. Juste la
filiation et l'indemnité, plus on creusait, plus on avait de choses à dire,
mais j'ai quand même une modification proposée dans mon mémoire, qui est de
permettre à la mère porteuse de consentir à remettre l'enfant à un seul ou une
seule des conjoints. Donc, supposons que le couple de parents d'intention se
sépare en contexte de violence conjugale, alors là, la mère porteuse, soit elle
remet l'enfant aux deux parents, sachant ce dont on vient de parler, ou elle le
garde, donc... Et, bon, je note aussi d'autres préoccupations qui ont été
soulevées pendant les consultations, sur les conseils juridiques indépendants,
etc.
Je me permettrais peut-être aussi, c'est un peu
hors de propos de ce projet de loi, mais la principale préoccupation, en
matière de gestation pour autrui, je pense que c'est que des femmes le fassent
parce qu'elles n'ont pas le choix, parce qu'elles n'ont pas de revenus, et
qu'elles se fassent rémunérer ainsi. Donc, mon organisation avance également
aussi la position qu'un revenu minimum garanti permettrait d'assurer plus
d'autonomie, plus de choix aux femmes dans toutes leurs décisions, y compris
les décisions reproductives. Donc, je me permets ce petit aparté, également.
• (17 h 20) •
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Oui, bonjour.
J'aimerais vous entendre sur les indemnités. Parce que, bon, on comprend qu'il
n'y a pas de rémunération, mais est-ce que vous êtes en accord avec la
disposition concernant les indemnités?
M. Lessard (Michaël) : Bien, par
rapport aux indemnités, on pense que c'est une proposition qui est très
intéressante, avec laquelle on devrait aller de l'avant. Il y a certains
éléments qu'on soulève dans nos mémoires pour bonifier la proposition.
Notamment, on pense qu'il pourrait y avoir un seuil minimal pour le montant de
l'indemnité. Ça permettrait... bien, ça éviterait déjà aux victimes de faire
une preuve qui peut être assez coûteuse, assez impressionnante, notamment en
ayant des expertises actuarielles.
Ça permettrait aussi un point d'ancrage pour
faire des négociations. Donc, il y a un seuil minimal. Plutôt que d'aller à
procès, peut-être qu'un agresseur voudra négocier puis en arriver à une
entente, donc ça évite du temps pour tout le monde. S'il n'y a pas de seuil minimal,
ça donne un incitatif à aller à procès puis tenter le plus possible de diminuer
le montant d'une indemnité.
D'autres intervenants, intervenantes l'ont aussi
soulevé, l'importance de s'assurer que l'indemnité soit payée, mais aussi
s'assurer qu'il y ait une sorte d'intermédiaire pour ne pas que ce soit la
victime qui, une fois qu'elle a un jugement, en fait, elle court pour... après
l'agresseur pour tenter de faire exécuter le jugement. Donc, nous pensons qu'on
pourrait imaginer un système comme celui de la Loi facilitant le paiement des
pensions alimentaires pour faire des retenues à la source, et là où Revenu
Québec sert d'intermédiaire, en fin de compte, entre les parents, donc, ici,
entre la victime et son agresseur.
Mais un autre élément aussi qu'il semble
important de souligner, c'est que, pour nous, à la lecture du projet de loi, il n'était pas clair de savoir quelle
était la part qui était imputable à l'agresseur, au niveau de l'indemnité. Donc,
on parle de contribuer aux besoins de l'enfant, et la notion de contribuer
suggérait qu'il n'allait pas être responsable à 100 % des besoins de
l'enfant. Donc, on se demande quelles seraient les raisons derrière. Peut-être
qu'en fin de compte vous croyez que ça doit être à 100 %; ça pourrait être
bien de le préciser.
Si l'agresseur ne doit pas payer à 100 %
les besoins de l'enfant, c'est quoi, le message qu'on envoie, essentiellement?
On dit que la mère est responsable pour payer pour les besoins de l'enfant,
mais pourquoi est-ce qu'elle l'est si elle a
été victime d'une agression sexuelle, donc, qu'elle a subi un acte qui n'a pas
été consenti? Est-ce qu'en d'autres termes on la
pénalise pour le fait de ne pas avoir procédé à un avortement? Est-ce qu'on
dit... Bien, en fait, on comprend que la
relation sexuelle n'était pas choisie, mais le fait de procéder à la grossesse,
de donner naissance serait son choix et donc on la punirait pour ce
choix-là? C'est quelque chose qui nous inquiète que de voir soit un incitatif pour l'avortement dans la loi ou une
pénalisation pour ne pas y avoir procédé. On pense qu'en fait la faute, elle est
seulement dans les mains de l'agresseur, donc c'est lui qui devrait être
responsable, entièrement, financièrement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée
de Robert-Baldwin.
Mme Garceau : Merci beaucoup à vous
deux. Très, très important, et j'apprécie beaucoup vos mémoires, surtout
concernant l'aspect, Me Zaccour... parce que je comprends, également, j'ai fait
30 ans en droit de la famille, donc la discrétion judiciaire en matière de
garde et surtout en matière de violence conjugale, je la connais très bien.
On a eu des interventions d'autres groupes, puis
j'aimerais vous entendre là-dessus, au niveau de la déchéance de l'autorité
parentale et de préciser qu'un motif grave serait la violence conjugale ou
l'agression sexuelle, et donc qui ferait en sorte que, dans l'intérêt de
l'enfant, motif grave, il y aurait déchéance de l'autorité parentale. Et donc, pour répondre à votre... la
problématique de la discrétion judiciaire, j'aimerais vous entendre là-dessus,
si vous croyez que ce serait une bonne piste, dans ce projet de loi, de
solution.
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien oui,
bien, on comprend aussi qu'il y a déjà certains changements qui ont été faits
au niveau de la déchéance. C'est sûr que, déjà, on pourrait se demander
pourquoi il faut le motif grave et l'intérêt de l'enfant, et est-ce que ce
n'est pas un peu l'intérêt de l'enfant, là où le bât blesse? Encore une fois,
on n'arrive pas à convaincre des juges que ce n'est pas dans l'intérêt de
l'enfant d'avoir une garde complète chez le père violent, donc, effectivement,
si on peut faciliter... Bien, c'est ça, le critère de l'intérêt de l'enfant va
poser problème à tous ces niveaux.
Et je pensais, quand ce projet de loi a été
annoncé : Enfin, on a une solution pour y échapper parce qu'on a, au
moins, dans certains cas très, très précis, un recours qui ne peut pas être
détourné, un petit peu, par le système, en filiation,
mais on reste encore avec cette même idée, et, bon, des juges peuvent
dire : Oui, c'est grave, la violence, mais il est repentant, ce n'était
pas si pire, c'est juste arrivé une fois, etc. Et je vais laisser mon collègue
compléter aussi sur...
M. Lessard (Michaël) : Bien, un
autre élément qui peut poser problème lorsqu'on regarde la jurisprudence, c'est
que la notion du motif grave, elle est habituellement comprise comme étant un
manquement parental au rôle de parent. Et
donc nous, on craint que l'agression sexuelle qui se ferait sur la mère ne soit
pas conçue comme un manquement au
rôle de parent, parce que, bon, comme on le disait un peu plus tôt, on le voit
qu'au niveau de la violence conjugale, bien, ça n'a pas été perçu comme
un manquement au rôle parental. On voit une certaine évolution, mais
l'agression sexuelle pourrait être encore comprise comme étant distincte de la
notion de la violence conjugale ou de la violence familiale. Par ailleurs, la
violence conjugale sous-entend qu'on est entre deux conjoints, conjointes, ce
qui n'est pas le cas d'Océane, par exemple.
Mais si je peux en profiter pour renchérir sur
la notion de la déchéance, on voit aussi des problèmes par rapport à la gestion
de la déchéance parentale. C'est que c'est un processus qui est très long, puis
je parlais un peu plus tôt des articles de
Patrick Lagacé qui nous montrent que ça peut prendre plusieurs années. Ça
demande aussi une preuve importante et coûteuse pour demander la
déchéance de l'autorité parentale, et il y a tout un laps de temps entre le
moment de crise, où, dans ce contexte-là, on apprenait que le père avait fait
des agressions sexuelles envers deux de ses
enfants et le moment où on peut obtenir la déchéance de l'autorité parentale,
il peut se passer plusieurs mois, plusieurs années.
Et donc ce qu'on propose, c'est entre le moment
de crise et le moment où on peut avoir un débat, au fond, d'avoir une
suspension qui serait, donc, temporaire de l'autorité parentale, dans des
contextes très précis, ce qui empêcherait au parent allégué comme violent
d'avoir un certain contrôle puis une certaine surveillance de ses enfants, de
demander des accès, de savoir où l'enfant est puis surtout si l'enfant est
en... par exemple, en maison d'hébergement, et donc de tenter de retrouver sa
conjointe, dans ce contexte-là, d'aller chercher l'enfant à l'école, de communiquer avec l'enfant. Et donc, pour éviter
ces différents mécanismes de contrôle, de surveillance, potentiellement
de manipulation, on pourrait suspendre temporairement l'autorité parentale
lorsqu'on est face à une situation de crise, par exemple, lorsqu'il y a des
accusations criminelles qui sont portées ou lorsque la famille part pour aller
en maison d'hébergement pour victimes de violence. Dans ce type de situation
là.
Le Président (M.
Bachand) : ...de Robert-Baldwin, oui.
Mme
Garceau : Oui. J'essaie de comprendre, je suis en train de
regarder toute cette question-là, de suspension temporaire de l'autorité parentale. Donc, ce serait dans un aspect,
comme, de sauvegarde, c'est ça que vous voulez dire, en termes
d'urgence?
M. Lessard
(Michaël) :
Exact.
On a... Ici, il s'agit d'appliquer un principe de précaution. Donc, on
est face à deux choix, soit... en fin de
compte, soit on a le régime par défaut qu'on a présentement, où on laisse les deux, conjoints,
conjointes... ou les deux parents, plutôt, exercer ensemble l'autorité
parentale, ou soit, lorsqu'on est face à une situation de crise, on va suspendre
temporairement l'autorité parentale d'un des deux pour qu'on puisse...
qu'ensuite on puisse avoir le débat au fond.
Donc,
il s'agit ici de... Il va toujours y avoir soit trop de protection, peut-être
que ça s'appliquera à des personnes qui n'en ont pas besoin, auquel cas on ira
devant le tribunal puis on pourra demander le rétablissement des accès, par
exemple, en attendant le débat au fond, ou soit on n'aura pas assez de
protection, comme c'est le cas présentement, où il y a des personnes qui sont
dans des situations de crise, qui n'ont pas les protections.
Avec le projet de loi
n° 2, on a déjà vu que l'Assemblée nationale était sensible à la question
en adoptant l'article 103.1, qui permet d'avoir accès à des services de
santé ou des services sociaux sans nécessiter d'avoir l'accord des deux
parents, parce que, des fois, le parent violent refusait que l'enfant ait accès
à des services de santé, ou des services sociaux, ou des thérapies, par
exemple. Ici, on propose d'aller plus loin et donc de retirer d'autres
mécanismes de contrôle que le parent violent aurait.
• (17 h 30) •
Mme Garceau :
Comment est-ce qu'on diminue la discrétion judiciaire? Parce que je vous ai
écouté, tous les deux, je ne pense pas,
d'après vous, d'après ce que vous avez écrit et vos représentations, que le
projet de loi n° 12 répond à la problématique de situation de
violence, d'agression sexuelle et le droit de l'agresseur d'avoir des droits
d'accès, de prendre des décisions au niveau de l'enfant. C'est quoi, la
solution au problème, d'après vous?
Mme Zaccour
(Suzanne) : On a publié, l'un et l'autre, divers mémoires, dans les
dernières années, avec toutes sortes de recommandations. On s'est concentrés,
pour cette fois-ci, sur ce qui rentrait, là, dans le cadre de ce mémoire. Comme
on l'a dit plus tôt, une... bien, retirer le critère de l'intérêt de l'enfant
pour la filiation et une présomption qu'en contexte de violence conjugale,
c'est probablement une agression sexuelle. Il y a aussi d'autres éléments, au
niveau de la preuve, qui peuvent faciliter les choses, même si des problèmes,
il en restera toujours, mais on essaie toujours de prendre un morceau à chaque
fois qu'on vient. Donc, par exemple, en droit criminel, on a développé des
protections spécifiques qui disent: Bien, on ne peut pas poser des questions
sur le passé sexuel de la victime pour dire : Oui, mais toi, tu as
beaucoup de relations sexuelles, comme... donc les preuves du passé sexuel de
la victime. Donc, ça, c'est un élément de protection qui pourrait être ajouté,
pas juste quand l'enfant est conçu par agression sexuelle, mais tous les
recours civils en matière d'agression sexuelle.
Et j'ai aussi... on a
aussi noté un élément qui est assez spécifique. Mais supposons que la victime,
elle a 14 ans, elle est sous l'âge du consentement, et là le projet de loi
dit : Il faut absolument prouver l'agression sexuelle par témoignage, et
ensuite seulement on peut faire un prélèvement, la victime de 14 ans, on
fait le prélèvement, on voit que c'est le géniteur de l'enfant, on sait qu'il y
a eu agression sexuelle parce que la victime était sous l'âge du consentement,
bon, évidemment, si le géniteur était plus âgé, donc ce sont des morceaux pour
faciliter la preuve, réduire le problème de la discrétion judiciaire. Mais,
bien sûr, si vous demandez : Généralement, est-ce qu'on a tout réglé?, non. Moi, je pense que la violence
conjugale devrait être un critère prépondérant. Tant que ça va être un critère
parmi 10, 15, 20 autres, comme sous
l'article 33, comme sur... sur le divorce, tant que c'est un critère parmi
tant d'autres, on ne règle pas le problème.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci.
M. Lessard
(Michaël) : ...
Le
Président (M. Bachand) : Rapidement, Me
Lessard, s'il vous plaît.
M. Lessard
(Michaël) : Oui. Parfait. Bien, juste un autre point qui est important
en amont de tout ça, c'est aussi celui de libérer la parole. Et on voit
beaucoup de victimes de violence conjugale qui ont peur de dénoncer la violence
en raison des inférences négatives dont on parlait. D'ailleurs, il serait
intéressant, là, d'en parler avec vos autres intervenants, intervenantes demain
pour voir leur expérience sur le terrain. Mais il y a des victimes qui, tout simplement,
ne vont pas dénoncer la violence conjugale au sein d'une instance en droit de
la famille parce qu'elles ont peur des inférences négatives et parfois même
qu'elles se le font recommander par leurs avocats, leurs avocates parce que
trop difficile parfois à prouver, il va avoir des inférences négatives.
Donc, si on peut tout
simplement mettre dans la loi qu'on ne peut pas tirer d'inférences négatives du
simple fait de dénoncer la violence conjugale, ce serait déjà un grand pas pour
libérer la parole pour ces victimes-là et leur faire un chemin dans les
instances de droit civil.
Une voix : Intéressant.
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre
présentation. Est-ce que vous trouvez que le projet de loi ratisse assez
large au point de vue du retrait de la filiation?
Mme Zaccour
(Suzanne) : Bien, je dirais que, c'est sûr, c'est un projet qui est
étroit, donc on parle seulement de l'enfant conçu par agression sexuelle,
c'est-à-dire si un enfant est conçu par relation sexuelle et ensuite le père agresse la mère par la suite. On n'est pas
dans le domaine du projet de loi. Et on comprend que l'idée, c'était de
faire quand même une solution restreinte à un problème précis.
Par contre, je pense qu'il
y a un scénario qui a été oublié, c'est une grossesse forcée, donc un enfant
qui est conçu par relation sexuelle, par accident, par exemple, et la mère veut
avorter, et on sait la coercition reproductive, c'est vraiment très, très
important, très présent, donc le conjoint force la mère à ne pas avorter et
mener la grossesse à terme. Donc, la logique est exactement la même :
n'eût été de l'action du géniteur, l'enfant n'existerait pas. Et, si on avait respecté l'autonomie corporelle de la
mère, l'enfant n'existerait pas. Donc, quant à moi, on est dans le même cas
de figure.
Donc, pour ça, on recommande de dire qu'en cas
de grossesse forcée, qui doit être démontrée, bien entendu, on est dans la même situation, c'est pareil, donc
droit au retrait de la filiation et droit à l'indemnité, parce que cet enfant
n'aurait pas vu naissance. Et peut-être que
la mère ne veut pas le placer en adoption pour toutes sortes de raisons qu'on
peut comprendre, mais au moins qu'elle aurait le droit aux mêmes protections.
M.
Zanetti : Merci. Puis, pour ce qui est de... vous en avez un
peu parlé, là, mais la question de la déchéance d'autorité parentale, comment
est-ce qu'il serait possible de rendre ça, disons, plus... plus simple ou moins
complexe?
M. Lessard (Michaël) : Donc, ce qui
serait intéressant, c'est d'avoir un mécanisme où l'autorité parentale soit suspendue de manière automatique dans certains
cas de figure. Je donnais quelques exemples : quand un parent est
visé par un acte... par une accusation d'acte criminel, quand le parent est
assujetti à des ordonnances soit criminelles soit
de protection en contexte civile, quand l'enfant réside dans une maison
d'hébergement. Donc, ce qui est intéressant dans ces contextes-là, c'est
qu'on pourrait avoir une suspension qui soit automatique, qui soit temporaire
juste par cet état de fait, ce qui empêcherait, en fin de compte, l'agresseur
de réclamer ces droits-là et qui mettrait sur lui le fardeau de s'adresser au
tribunal. Donc, c'est là où... Ce qui est intéressant... C'est que c'est sûr
qu'il va y avoir un moment où on va devoir aller devant le tribunal pour
plaider, au fond, pour avoir une déchéance d'autorité parentale, mais ce qu'on
veut éviter, c'est mettre sur la victime le fardeau financier de le faire,
autant pour le développement des expertises, mais aussi toute la charge mentale
de le trouver.
Ce qui est intéressant dans les articles de
Patrick Lagacé, ce qu'on nous révélait, c'est... on avait un cas de figure qui
était classique... bon, pas classique, mais un cas d'école, en termes de
déchéance de l'autorité parentale. Un parent agresse sexuellement ses enfants,
c'est sûr qu'on peut avoir une déchéance de l'autorité parentale, ou presque,
si on s'en fie à la jurisprudence. Par contre, la victime n'était pas capable
de trouver d'avocat ou d'avocate pour la représenter avant un certain... avant d'avoir
fait plusieurs recherches pour en trouver. La victime aussi, ça lui a pris un
certain temps avant d'apprendre l'existence de la déchéance de l'autorité
parentale. Donc, tout le poids était mis sur elle pour les démarches. Et ça a
pris tant et tellement de temps que le père agresseur, qui était condamné à
trois ans de prison, a eu le temps de sortir de prison avant qu'on ait pu avoir
la déchéance.
Le Président (M.
Bachand) : Merci.
M. Lessard (Michaël) : Ici, ce qu'on
propose...
Le Président (M.
Bachand) : En terminant.
M. Lessard (Michaël) : ...c'est de
renverser le fardeau financier et mental.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée
de Vaudreuil.
Mme Nichols : Oui. Vous aviez
terminé votre propos?
M. Lessard (Michaël) : Oui.
Mme
Nichols : Parfait. Moi, j'ai seulement qu'une question, en
lien avec l'article 542.37. On parlait, entre autres, de la prescription.
La prescription est... on dit que, dans le cas du décès de l'agresseur, là, est
établie de six mois pour demander
l'indemnité. Moi, ce que je comprends, c'est que vous souhaiteriez que ça soit
la prescription de trois ans, là, qui s'applique.
M. Lessard (Michaël) : Oui, tout à
fait. Puis peut-être que ça sera un peu technique, mon explication, mais ce que
je comprends de l'indemnité, ici, c'est qu'on n'est pas en matière alimentaire,
ça, ça me semble clair, selon les différentes discussions que la commission a
eues et selon la rédaction du projet de loi, où on voit qu'à certains moments
on oppose l'indemnité et tout ce qui est créance et dette alimentaire. Si on
n'est pas en termes alimentaires, on est, selon moi, en droit des obligations,
on est dans la responsabilité civile. L'agression sexuelle, c'est une faute civile qui peut donner droit à des dommages. Et on
sait que, depuis l'adoption... la modification de 2926.1 du Code civil,
toutes les réparations de dommages pour agression sexuelle sont
imprescriptibles, mais, quand l'agresseur décède, après on a un trois ans pour
demander la réparation des dommages. Et donc, dans ce contexte-ci, il me semble
qu'on devrait appliquer la même logique. Si l'agresseur décède, on devrait
avoir un trois ans pour demander une réparation des dommages, ici, le dommage étant l'imposition d'un besoin financier
de l'enfant plutôt que d'avoir un délai de six mois. Moi, à mon sens, je
m'explique mal la distinction. Pourquoi la victime, elle, elle a un trois ans
pour l'ensemble des dommages, mais l'indemnité, elle, ce serait juste un six
mois pour exactement la même faute civile?
Mme Zaccour
(Suzanne) : Est-ce que c'est possible de compléter?
Mme Nichols : Oui.
Mme Zaccour (Suzanne) : Je pense que
la volonté de ce projet de loi, c'est de donner plus aux victimes d'agression
sexuelle, et il y a deux endroits où on donne moins : un, c'est cette prescription,
donc c'est un retrait de droit, et je ne pense pas qu'il n'y a personne ici qui
veut retirer des droits, et l'autre, c'est la contribution aux besoins financiers. Donc, dans un recours civil ordinaire,
l'agresseur paie tous ses dommages. Donc, c'est deux endroits qu'on a
identifiés. On a vraiment une perte de droits.
Et j'aimerais dire quelque chose, ce n'est pas
exactement sur la prescription, mais c'est dans cette même logique de dire que,
bon, on donne plus de temps, les actions sont imprescriptibles, le verrou de
filiation est atténué, cette idée qu'on peut changer d'avis sur la GPA. Donc,
toute cette direction et l'endroit où je vois vraiment qu'on dit : Non, ça, ça doit être définitif, c'est
le fait de remettre le lien de filiation à la demande de l'enfant quand il a
été enlevé. Donc ça, c'est aussi quelque chose... on dit : Pourquoi
est-ce qu'on va vers plus de flexibilité? Pour tout le reste, on enlève le lien de filiation, ce n'est pas
définitif. Mais, si on remet ça, ça doit être définitif. Donc, c'est un autre
endroit où peut-être qu'on pourrait donner un petit peu de lousse pour
rechanger d'idée, notamment s'il y a eu des pressions ou si, finalement, le
père est dangereux.
Mme Nichols : C'est un bon point.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Alors, merci
beaucoup à vous deux d'être venus nous voir aujourd'hui. Me Lessard, bienvenue
dans les Cantons-de-l'Est, en Estrie.
Alors, compte
tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au
mercredi 29 mars 2023, à 8 heures, où elle va se
réunir en séance de travail pour un autre mandat. Merci. Belle soirée.
(Fin de la séance à 17 h 40)