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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 29 mars 2023 - Vol. 47 N° 8

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d’une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d’un projet de grossesse pour autrui


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures vingt minutes)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour à tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant à la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression, ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse par autrui.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements...

La Secrétaire : ...Oui, M. le Président. Monsieur Zanetti est remplacé par... Monsieur Zanetti, Jean-Lesage est remplacé par Monsieur Cliche-Rivard, Saint-Henri-Sainte-Anne.

Le Président (M. Bachand) :Et on le souhaite la bienvenue. Merci beaucoup.

Alors nous allons entendre ce matin deux groupes, deux... oui, la professeure Isabel Côté, mais d'abord des gens qu'on connaît bien à la Commission des institutions, alors les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Alors, merci beaucoup, Me Tessier. Alors, je vous laisse présenter les gens qui vous accompagnent. Et, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Merci beaucoup.

M. Tessier (Philippe-André) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés, alors donc, Philippe-André Tessier, Président de la Commission. Je suis accompagné de Madame Myrlande Pierre, vice-présidente responsable du mandat Charte, de Me Karina Montminy et Monsieur Samuel Blouin, tous deux à la direction de la recherche de la Commission.

Le projet de loi sous étude interpelle hautement la Commission à deux titres. D'abord en tant que défenseur des droits des enfants, la Commission assure la protection de l'intérêt de l'enfant ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus tant par la Charte des droits et libertés de la personne que par la Loi sur la protection de la jeunesse. Le projet de loi suscite également un très grand intérêt pour la Commission dans son rôle de promotion et de défense des droits des femmes qui leur sont accordés également par la Charte.

Rappelons que la Commission avait formulé des recommandations dans son mémoire sur le projet de loi numéro deux sur la grossesse pour autrui, adopté et rendu public en janvier 2022. Faute de temps, celui-ci n'avait pu être déposé au moment des consultations particulières. Parce que plusieurs éléments de notre analyse demeurent applicables aux nouvelles dispositions et pour faciliter le travail des députés, nous avons reproduit les extraits pertinents de notre précédent mémoire en annexe des présentes notes de présentation qui vous ont été transmises.

D'entrée de jeu, nous tenons à rappeler que nous demeurons convaincus de la pertinence des modifications proposées au Code civil qui visent à reconnaître la GPA au Québec et hors Québec, ainsi que celles proposées aux autres lois pour donner plein effet à cette reconnaissance. Celles-ci constitueraient un puissant moyen d'accroître la protection des droits et de l'intérêt de l'enfant qui en est issu ainsi que des droits de la femme ou de la personne qui a accepté de lui donner naissance.

Or, pour qu'il en soit vraiment ainsi, le projet de loi doit proposer un régime qui respecte intégralement les principes qui légitiment la GPA. le premier principe a trait à l'interdiction de la commercialisation de la GPA. Celui-ci sous-tend l'interdiction de la vente d'enfants et la non-instrumentalisation du corps des femmes. Le deuxième principe concerne la sauvegarde de l'autonomie procréative des femmes. Et le troisième est à l'effet que l'enfant né de la GPA a droit à l'établissement d'une filiation qui soit respectueuse de son intérêt et de l'ensemble de ses droits. Ces principes reconnus en droit international s'inscrivent dans le prolongement de plusieurs droits garantis par la Charte.

La Commission identifie certaines failles dans le projet de loi qui, selon elle, risqueraient de mener à des pratiques de GPA qui dérogeraient à ces principes et ces... et, par conséquent, qui contreviendraient aux droits consacrés par la Charte. Et c'est dans cette perspective que nous formulons quelques recommandations afin de bonifier le projet.

Selon nous... Selon ce projet, les normes entourant le remboursement ou le paiement de certains frais à la femme qui a accepté de donner naissance à un enfant seraient déterminées par règlements du gouvernement. Or, la disposition habilitante du Code civil ne prévoirait aucun critère permettant de baliser ces normes. Compte tenu du caractère impératif voulant que la GPA ne doive en aucun cas équivaloir à une vente d'enfant ni à l'instrumentalisation du corps de la femme à des fins commerciales, le législateur peut envoyer un message très clair aux parties impliquées au sujet des frais remboursables. Ce message doit inévitablement cibler les intermédiaires qui peuvent, par exemple, être des agences de procréation assistée, des professionnels du droit ou des professionnels de la santé.

Leur rôle dans le processus de GPA, souvent central, a été jugé problématique, est dénoncé ailleurs dans le monde, mais aussi ici, au Québec et au Canada. Ainsi, afin d'éviter la marchandisation des pratiques de GPA, la Commission recommande de modifier l'article 541.3 du Code civil qui serait introduit par le projet de loi afin de préciser que seuls les remboursements ou paiements des frais raisonnables et détaillés de la femme qui a accepté de donner naissance à un enfant seraient admissibles.

Elle l'invite de même à modifier le projet de loi pour y ajouter un mécanisme de contrôle indépendant en cas de désaccord des parties sur les frais remboursables. Un tel changement répondrait aussi aux recommandations de la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la vente et l'exploitation sexuelle des enfants. Les mêmes considérations s'appliqueraient au remboursement ou paiement des frais destinés aux intermédiaires.

Je cède maintenant la parole à ma collègue.

Mme Pierre (Myrlande) : Alors, bonjour. Toujours dans l'objectif d'éviter l'exploitation et l'instrumentalisation du corps des femmes, la Commission ne peut qu'insister sur l'importance du rôle du gouvernement en regard des pratiques transfrontalières de la GPA. La Commission recommande à cet effet au gouvernement de prendre tous les moyens appropriés pour encadrer les pratiques des acteurs qui seraient appelés à intervenir dans le processus d'autorisation préalable de projets parentaux impliquant des parties...

Mme Pierre (Myrlande) : ...domiciliées hors du Québec.

Ceux-ci devraient prendre en considération les écarts qui peuvent exister entre les conditions de vie des parties concernées. De tels écarts peuvent notamment être constatés lorsqu'il existe des risques d'exploitation de femmes porteuses se trouvant dans des pays aux économies émergentes. Bien que des inégalités économiques, de classe sociale, de race et de genre puissent être observées au Québec, ces disparités peuvent être d'autant plus grandes dans le cas de la GPA transnationale. En présence de telles disparités, il y a un risque d'atteintes au droit à l'égalité réelle des femmes porteuses domiciliées hors du Québec. À l'instar du Barreau du Québec, la commission se préoccupe du respect de leurs droits au niveau international. Les écarts dans les conditions de vie peuvent aussi être constatés dans des pays où les droits reproductifs ne sont pas respectés. Alors, dans ces circonstances, d'importants risques d'atteintes aux droits de la femme qui a accepté de donner naissance à l'enfant existent et sont bien documentés.

Soucieuse de l'importance d'assurer la protection de la femme contre l'instrumentalisation de son corps pourrait faire l'objet et les atteintes à son autonomie procréative, la commission veut également attirer votre attention sur la qualité du consentement requis de la femme afin qu'aucune filiation de l'enfant ne soit établie à son égard. Alors, son consentement doit être libre et éclairé et donné à chaque étape du projet parental. Or, cela ne sera possible que si elle reçoit préalablement toute l'information pertinente lui permettant de connaître et de comprendre les éventualités qui peuvent survenir lors de la GPA. Et, en définitive, il faut que la femme soit en mesure de les accepter en toute connaissance de cause et sans compromis de ses droits.

La commission considère par ailleurs qu'il est nécessaire d'uniformiser le type d'information à fournir aux parties lors des rencontres préalables à l'élaboration de la convention de grossesse.

Insistons particulièrement sur les informations qui devraient être données en matière de santé, incluant celles relatives à une interruption de grossesse. Et, à ce propos, la récente étude produite par le Conseil du statut de la femme met clairement en lumière que les femmes porteuses et des donneuses d'ovules du Canada considèrent avoir été suffisamment informées des risques pour leur santé associés aux procédures médicales.

La commission recommande par conséquent de modifier l'article 541.11 du Code civil qui serait introduit par l'article 18 du projet de loi afin de prévoir la nature des informations qui devraient être abordées lors des rencontres préalables à l'élaboration de la convention de grossesse pour autrui. Cela devrait notamment comprendre des informations de nature juridique, c'est-à-dire les droits reconnus aux parties, incluant ceux protégés par la charte.

M. Tessier (Philippe-André) : Une dernière considération en lien avec la question de la GPA. Compte tenu de l'importance des enjeux que soulève la GPA, la commission estime qu'il serait nécessaire, pour le gouvernement, d'évaluer l'impact de la mise en œuvre des dispositions visant à l'encadrer qui seraient introduites dans la législation québécoise. Donc, elle recommande que le projet de loi soit modifié pour prévoir une telle évaluation afin de mesurer la portée de la loi advenant son adoption.

En dernier lieu, on souhaite aborder brièvement les dispositions du projet de loi concernant l'enfant issu d'une agression sexuelle. La commission salue l'intention du gouvernement d'accroître la protection du droit des femmes... qui a donné naissance à un enfant suite à une agression sexuelle. Il en va de même de la protection qui serait accordée à l'enfant qui en serait issu.

Nous sommes conscients de la nécessité d'agir pour répondre à certaines situations spécifiques pour lesquelles l'établissement de la paternité a été jugé problématique. Compte tenu des courts délais, malheureusement, nous ne pouvons que vous soumettre quelques-unes de nos interrogations.

Selon l'état des connaissances, les agressions sexuelles ont fréquemment lieu en contexte conjugal. Cela étant, en cas de contestation de la filiation à l'égard du père, on peut se demander comment seraient équilibrés les droits de la charte susceptible de s'appliquer. D'un côté, il pourrait y avoir les droits de la femme qui a donné naissance à l'enfant à la suite d'une agression sexuelle, par exemple, son droit à l'intégrité, à la liberté. De l'autre côté, il pourrait y avoir le droit des conjoints qui ont les mêmes droits, obligations et responsabilités et qui doivent assumer ensemble la direction morale et matérielle de la famille et l'éducation des enfants communs. Puis, en plus de ça, s'ajouterait les droits de l'enfant à la protection, à la sécurité, à l'attention que ses parents qui en tiennent... ou que ses parents qui y tiennent lieu peuvent lui donner.

• (11 h 30) •

D'ailleurs, on peut se demander comment serait évalué l'intérêt de l'enfant...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Tessier (Philippe-André) : ...par exemple, dans un cas où un enfant se retrouve avec une filiation différente de ses frères ou de ses sœurs, tout en ayant les mêmes géniteurs. Plus largement, la commission se demande quel sera l'effet de l'entrée en vigueur prochaine du droit à la connaissance de ses origines, à l'article 39.1 de la charte, sur la mise en œuvre des droits qui seraient reconnus spécifiquement à l'enfant issu d'une agression sexuelle. Considérant que l'enfant serait titulaire de droits en matière de filiation et de succession, quel serait l'effet pour la mère de l'exercice de ce droit pour... par l'enfant? Autrement dit, quelles seraient les obligations de la mère quant à la mise en œuvre de ce droit de l'enfant? Voilà quelques questions que nous nous posons.

Nous vous remercions de votre attention et nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Me Tessier, Mme Pierre, Me Montminy, Monsieur Blouin, bonjour, merci de participer aux travaux de la commission. Vous me permettrez également de saluer le nouveau député de Saint-Henri–Sainte-Anne qui se joint à nous pour nos travaux. Alors, vous allez voir, c'est un pur plaisir de travailler avec nous. Peut-être que vous aviez eu un petit peu moins de plaisir dans le passé, mais là c'est nouveau, vous allez voir, comme parlementaire, ça va être très agréable, je n'en doute pas. Alors, vous êtes le bienvenu.       

Alors, Me Tessier, sur la question du viol et d'un enfant issu de l'agression sexuelle, vous dites : Écoutez, on a plus de questions que de réponses, dans votre mémoire. Cependant, vous dites quand même : Il faut faire la pondération entre les droits de la femme qui a été victime du viol et celui de l'agresseur, un peu. Vous dites : Il faut prendre ça en considération. Moi, je vous dirais que la démarche juridique qui a été entreprise dans le cadre du projet de loi n° 12, c'est assez clair, c'est qu'on trouve que ce comportement-là n'est pas acceptable. Puis, très clairement, le législateur s'exprime pour dire : Le choix que nous faisons, c'est que les femmes qui ont été violées, puis qu'il y a un enfant qui est issu de l'agression sexuelle, on leur laisse le choix, soit d'établir la filiation, si elles le souhaitent, mais surtout de pouvoir s'opposer à la filiation puis d'avoir des mécanismes pour le faire et facilitant en matière de déchéance de l'autorité parentale. La commission est d'accord avec ça?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, tout à fait. Puis, juste pour bien clarifier. Ici, il s'agit d'une question qui... dans sa mise en application, et je pense qu'il y a trop d'intervenants qui sont venus en commission parlementaire pour le souligner. Ici, c'est aussi l'entrée en vigueur prochaine de 39.1, la charte qui prévoit un droit à la connaissance des origines, dans p.l. 2 et dans p.l. 12, ces éléments-là sont là. Donc, il y a aussi des questions en lien avec le droit de l'enfant, les droits de la mère. Parce qu'évidemment, ici, il n'y a personne qui remet en cause la volonté du gouvernement, et certainement pas la commission, de protéger les mères qui auraient subi une telle agression. Mais ici il faut comprendre aussi que les droits de l'enfant pourraient être différents des droits consentis à la mère. Et c'est ces éléments-là qui manquent quand même un peu d'analyse qui, malheureusement, nous n'avons pas pu faire avec toute la... avec tout le temps que nous avons... donc, dont nous avons disposé.

M. Jolin-Barrette : Mais vous conviendrez avec moi qu'on ne veut pas forcer une mère qui a été violée... on ne veut pas lui conférer d'obligation légale, nécessairement, de dire à son enfant qu'elle a été violée. C'est un choix, je vous dirais, familiale, un choix intime qui appartient à la victime de violence conjugale.

M. Tessier (Philippe-André) : Comme on peut vous répéter, on comprend la nécessité d'agir pour répondre à certaines... à certains cas, à certaines préoccupations qui sont tout à fait légitimes. On fait juste faire remarquer, en tout respect, là, au législateur qu'il y a certains éléments là-dedans, dans l'application concrète de ces dispositions-là, les voies de recours. Mais je vous invite et j'invite la commission à référer aux autres acteurs qui ont témoigné devant elle, qui ont analysé ça beaucoup plus en détail. Je vous avoue, honnêtement, que je n'ai pas d'autre question pour vous aujourd'hui, M. le ministre, avec tout le respect que je vous dois.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être juste une question sur... vous soulevez la question de l'intérêt de l'enfant, là, sur ce sujet-là, là. Dans le fond, l'objectif d'insérer le critère de l'intérêt de l'enfant lorsqu'une filiation a déjà été établie, donc, exemple, madame est victime de violence conjugale, de violence sexuelle dans le cadre d'une relation conjugale, de vie commune, un enfant est issu d'une agression sexuelle durant cette période de vie commune là. Et Madame réussit à s'extirper de la relation toxique après deux, trois, quatre, cinq, six ans. Là, la filiation avait été établie à l'égard de Monsieur. Monsieur s'était occupé de l'enfant, faisait vie commune avec Madame. Donc, on établit ce critère-là de «intérêt de l'enfant» pour le tribunal. Donc, ce n'est pas... ce n'est pas un droit absolu en faveur de l'enfant, exercé par madame en tant que tutrice de l'enfant, de briser la filiation. Il faut que ça soit entériné par le tribunal. Ça, sur ce point-là, est-ce que vous avez des précisions à nous apporter sur la façon dont on devrait cerner l'intérêt de l'enfant...

M. Tessier (Philippe-André) : ...Toujours en lien avec cette partie-là du projet de loi, nous, sur la mécanique, comme... Comme... comme je l'ai indiqué précédemment, là, outre le fait de dire qu'évidemment d'assujettir le tout au contrôle du tribunal, c'est une... c'est une... une bonne chose. On n'a pas d'autres observations à ce moment-ci.

M. Jolin-Barrette : O.K.  Sur... Je pense que vous vous êtes prononcés sur les... dans le cadre de la grossesse pour autrui, là, sur les séances d'information préalables, là, je pense que vous aviez des commentaires sur la nature des informations qui devraient être transmises dans le cadre de ces deux rencontres de séance d'information là, à la fois pour les parents d'intention, à la fois pour les mères porteuses. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre point de vue à cet effet-là?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Bien, évidemment, ici, encore une fois, il s'agit d'un équilibre des droits. Puis, bon, là, on protège les droits de la femme. Bien, le consentement libre et éclairé de la femme qui consent à participer, donc, à une GPA , sont déterminants, et donc c'est pour ça que la Commission encourage et recommande au législateur de prévoir de façon explicite le type d'information qui devrait être fourni aux parties lors de rencontres préalables. Ça ne veut pas dire de prévoir un script détaillé, on se comprend bien, il faut laisser un espace, lors de ces rencontres-là, à des échanges et des discussions, mais à tout le moins qu'il y ait des éléments minimaux qui soient prévus : en matière de santé, donc l'interruption de grossesse, les droits reconnus aux parties en... justement, notamment en matière de la charte. Parce qu'il faut comprendre, ce sont des enjeux juridiques complexes qui ne sont pas à la portée de tous, et c'est important d'avoir quelqu'un qui vient le préciser et le baliser, et, ce quelqu'un là, bien, c'est le législateur dans le cadre du présent projet de loi.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez eu un commentaire également sur les balises relativement au remboursement des dépenses. C'est très clair que ça ne peut pas être de la rémunération. Nous, on va le préciser, notamment, par règlements, les modalités. Mais est-ce que vous avez des craintes relativement au remboursement des dépenses dans le cadre d'un contrat de grossesse pour autrui?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, la principale préoccupation de la Commission, c'est la question des intermédiaires. Le projet de loi, selon nous, devrait viser également les intermédiaires parce que, ça, des frais raisonnables et détaillés pourraient leur être payés. Il faut comprendre que... toujours la même chose, les principes qui guident la Commission dans son analyse, tant le p.l. no 2 que le p.l. no 12, la non-commercialisation de la GPA, la sauvegarde de l'autonomie procréative de la femme et le droit à l'enfant d'une... l'établissement d'une filiation. Donc, lorsqu'on regarde ces éléments-là et on remarque que les intermédiaires ne sont pas assujettis, bien, elle se pose, cette question-là, en lien avec la question de la commercialisation et l'autonomie procréative de la femme. Et donc cet élément de préoccupation là, on tenait à le... à le resoumettre en termes de recommandations, qui était présent dans p.l. no 2 et qui est présent également dans p.l. no 12.

M. Jolin-Barrette : Puis vous, juste pour qu'on comprenne bien, lorsque vous abordez la question de l'intermédiaire, faites-vous référence à une notion d'agence ou à tout autre intermédiaire de service dans le cadre d'une convention de gestation pour autrui?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, il faut savoir qu'il y a différentes façons de procéder. Et c'est pour ça que... Puis d'ailleurs, on l'a souligné, ça peut être effectivement, comme vous le dites, une agence, ça peut être également un professionnel du droit ou de la santé qui pourrait être appelé à jouer un rôle d'intermédiaire. On ne veut pas, donc, présumer des formes ou des parties qui vont jouer, qui vont vouloir jouer ce genre de rôle là, d'intermédiaire. Il y en a que c'est à travers des agences, il y en a d'autres que ça pourrait être à travers des professionnels soit du droit ou de la santé. Quant à nous, il faudrait couvrir l'ensemble de ces intermédiaires-là, encore une fois, protéger les droits de la femme qui participent à une GPA et empêcher la commercialisation de la GPA.

M. Jolin-Barrette : Et donc, nous, on confie ce rôle-là au notaire, notamment, en faisant en sorte que le notaire va être responsable de gérer les dépenses par le biais de son compte en fidéicommis. Donc, ça va être lui qui va administrer, dans le fond, les dépenses admissibles, justement, pour faire en sorte que la mère porteuse puisse avoir accès aux sommes qui lui sont dues dans le cadre de sa grossesse.

• (11 h 40) •

Je voulais vous demander, sur une question plus large, là, avant de céder la parole à mes collègues, on a eu des groupes qui sont venus nous dire qu'on devrait avoir un encadrement encore plus restrictif dans le cadre du projet de loi. Il y en a d'autres qui nous disaient : un peu plus de souplesse. Qu'est-ce que vous pensez, relativement au projet de loi, est-ce qu'on devrait resserrer les critères? Notamment, sur la question des grossesses pour autrui à l'étranger, je serais curieux d'entendre la commission à cet effet-là...

Mme Pierre (Myrlande) : ...et si vous permettez, M. le ministre, M. le Président, alors, oui, effectivement, la commission a des préoccupations particulières ou concrètes qui reposent sur des pratiques qui sont documentées, là, de la grossesse pour autrui dans d'autres pays. Donc, il faut prendre en considération les disparités qui existent entre différents États, notamment les disparités entre les pays du Nord et du Sud, les écarts qui peuvent exister... bien, au sein des sociétés, au sein même de la société québécoise, mais tout particulièrement en ce qui concerne les pratiques de la GPA, donc, transfrontalières, prendre en considération les disparités socioéconomiques qui existent pour éviter justement qu'il y ait commercialisation ou instrumentalisation du corps des femmes, mais surtout pour assurer l'égalité réelle dans ces pratiques-là.

M. Jolin-Barrette : Et êtes-vous d'accord avec moi que... le mécanisme qu'on a mis dans le cadre du projet de loi en faisant en sorte que c'est l'État québécois qui va avoir une liste d'États désignés avec des règles comparatives, qu'on ne peut pas vraiment aller plus loin que ça, que nous... Dans le fond, le ministre va accréditer en disant : Bien, écoutez, c'est un système qui répond aux bonnes pratiques ou aux normes d'équivalence québécoises. Est-ce que vous considérez qu'on devrait faire... Bien, en fait, est-ce qu'il y a une façon de faire plus que ce qu'on fait dans le projet de loi?

M. Blouin (Samuel) : Oui. En complément, oui, on a noté que, notamment, à l'article 541.31 qui serait ajouté au Code civil, il y aurait des considérations d'ordre public et d'intérêt et de droits des parties qui seraient prises en considération dans le processus de désignation des États. Mais c'est plutôt... Notre préoccupation est au niveau de la mise en œuvre. Donc, on comprend que le gouvernement compte se donner des moyens d'assurer cette surveillance-là, mais on a des préoccupations avec les États qui autorisent une GPA commerciale, les États où les droits reproductifs des femmes ne seraient pas respectés, ou encore les États qui ont une économie émergente, où... dans la disparité économique, pourrait être très importante. Donc, on voudrait s'assurer que ces considérations-là soient présentes, par exemple, à l'étape de la...

M. Jolin-Barrette : Mais je vous rassure, si ce n'est pas équivalent, ils ne seront pas sur la liste des États désignés, c'est clair, ça.

M. Blouin (Samuel) : Oui, c'est...

M. Jolin-Barrette : C'est clair, ça, c'est clair. O.K. Bien, je vous remercie. Je vais céder la parole à mes collègues. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Je vous rappelle qu'il reste 4 min 35 s du côté gouvernemental. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré.

Mme Bourassa : Merci. Vous avez déjà répondu à quelques-unes de mes questions avec M. le ministre, mais j'aimerais vous entendre sur la reconnaissance du droit à la connaissance des origines de l'enfant. Je sais que vous, vous aviez parlé de cet aspect-là. Quelle est votre position face à ça, dans une GPA?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, pour ce qui est du droit à la connaissance des origines, donc, pour ce qui est de la commission, on accueille positivement de cet élargissement parce qu'encore une fois, c'est la même chose, il va assurer la réalisation de plusieurs droits garantis par notre charte. Donc, il faut reconnaître le droit à l'enfant, peu importe la structure familiale et les circonstances qui entourent sa naissance, à la connaissance de ses origines. Ça participe également... j'y faisais référence tout à l'heure, du nouvel article 39.1 qui a été ajouté à la charte par p.l. n 2, mais qui n'est pas encore entré en vigueur.

Mme Bourassa : Parfait. Et vous parliez aussi du délai durant lequel la mère, après la naissance, peut transférer l'autorité parentale, bon, vous parliez de l'importance d'accorder un délai. Selon vous, sept jours à 30 jours qui est prévu présentement, est-ce que c'est assez, est-ce que c'est comptable?

Mme Montminy (Karina) : Oui. À l'occasion du projet de loi n° 2, nous avions estimé que ça offrait des garanties, là, qui étaient nécessaires ou qui permettaient de respecter le... toujours, l'autonomie de la mère, son consentement, d'aller s'assurer que cette... pendant cette période-là. Donc, oui, on pourrait vous dire, là, qu'on n'avait pas émis de commentaire, là, qui allait à l'encontre de cette proposition.

Mme Bourassa : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour à vous quatre, merci pour votre temps. Question rapide sur les agences. Vous l'avez abordé rapidement. Est-ce que vous seriez d'avis qu'il faudrait les interdire?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, écoutez, la chose qui est importante, c'est qu'il faut comprendre que les données probantes que l'on dispose... donc on dispose. Et notamment il y a un rapport de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la vente, l'exploitation sexuelle des enfants. Elle-même a réclamé que les pratiques...

M. Tessier (Philippe-André) : ...le Congrès a recommandé aux États qui pratiquent la GPA que les frais soient raisonnables et détaillés parce que sinon ils peuvent être considérés comme des paiements déguisés. Et donc, nous, c'est là-dessus qu'on attire la vigilance du législateur en ce qui a trait aux intermédiaires parce qu'évidemment le message clair doit être, à notre avis, indiqué dans la législation que ces éléments-là s'appliquent également aux agences.

O.K. Donc, il faut vraiment, encore une fois, donner plus de robustesse, peut-être répondre aussi à un élément de discrétion, tout à l'heure, auquel je n'ai pas répondu. Vous avez compris l'intention de notre mémoire d'ajouter des éléments de robustesse, d'ajouter des éléments législatifs très clairs, des indices législatifs très clairs et demander à la Commission d'être favorable à ces indices-là. Et donc, un de ces indices-là, c'est justement de viser explicitement les agences ou les autres types d'intermédiaires qui pourraient agir.

Une voix : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Alors, merci. Merci, M. le Président. Permettez-moi à mon tour de saluer mon collègue de Saint-Henri-Sainte-Anne qui en est à sa première commission. Alors, M. le député, ça me fait plaisir. Merci beaucoup, Me Tessier pour votre participation aux travaux de la commission ainsi que Mme Pierre, Me Montminy et M. Blouin. J'ai lu avec attention votre mémoire.

J'aurai quelques questions pour vous. La première, c'est en lien avec l'article 523 du projet, en fait du Code civil. C'est l'article 8 du projet de loi qui va modifier l'article 523. L'article 523 actuel dans le Code civil, pour la preuve de la filiation. On parle de filiation tant paternelle que maternelle qui se prouve par l'acte de naissance. Ce qu'on veut maintenant, ce que législateur veut faire, c'est la filiation de l'enfant, c'est-à-dire à l'égard de la mère ou du parent par le fait de lui avoir donné naissance. Donc, on semble... En fait, on semble préférer ou mettre de l'emphase sur le fait que la femme porteuse pourrait évidemment être reconnue par la filiation. Est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait enlever? Le laisser comme ça, est-ce que ça pose un problème, selon vous, au niveau de la filiation?

Mme Montminy (Karina) : Bien, on ne s'est pas positionné directement sur cette disposition-là, mais c'est sur l'ensemble des garanties qui doivent être offertes à toutes les étapes. Je pense que c'est vraiment l'essence de notre message. Là, c'est vraiment le consentement. Est-ce qu'il y a des... D'autres y ont peut-être vu, là, des risques. Nous, on a offert, là, des... L'ensemble des garanties en fonction, autant de nos dispositions dans notre dans le droit interne, avec la Charte des droits et libertés de la personne, que les prescriptions du droit international. Donc, c'est... Il faut toujours s'assurer qu'à toutes les étapes, parce que, ça, c'est une... c'est un risque potentiel de la femme qui pourrait exister à l'égard de son consentement et à ce que, finalement, la filiation soit établie contre sa volonté.

C'est pour s'assurer qu'ailleurs dans le projet de loi qu'on prévoit les garanties nécessaires, là, pour qu'elle ne se retrouve pas dans une telle situation ni pour l'enfant, donc de se retrouver dans une filiation qui est pour l'enfant, qui n'est pas respectueuse de ses droits ni de son intérêt, si ce n'est pas le désir de la femme qui a porté l'enfant d'en être la mère légale.

• (11 h 50) •

M. Morin : Je vous remercie. Au niveau... Au niveau de la convention de grossesse pour la femme porteuse, vous l'avez mentionné, il faut préserver les droits de la femme. Ça m'apparaît évident. Maintenant, évidemment, c'est complexe. Vous le reconnaissez également. Certaines associations ou personnes qui sont venues en commission nous ont suggéré que ça pouvait être important d'avoir ou de demander un avis juridique avant aux différentes parties, en plus du fait que la convention serait un acte notarié, pour s'assurer que toutes les personnes comprennent bien les obligations, leurs droits, ce dans quoi ils vont s'engager. D'autres nous ont dit que le notaire pouvait être la personne qui allait informer tout le monde.

J'aimerais vous entendre là-dessus parce qu'évidemment, on veut préserver les droits de tout le monde dans le cadre de ce processus-là. Est-ce que vous avez une position? Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Juste pour, encore une fois, préciser que nous avons...

M. Tessier (Philippe-André) : ...on a... pris connaissance, là, de certains des mémoires qui ont été déposés... de la comparution de la commission. Et évidemment, sans se prononcer directement sur ces questions-là, il faut encore une fois se ramener à quel est le rôle de la Commission. Et le rôle de la Commission, c'est de s'assurer de la conformité et de conseiller le législateur sur la conformité avec la Charte.

Maintenant, ce qu'on vous dit, et on revient au message général : ...encadrement qui vient donner plus de robustesse, qui vient bonifier et assure des protections et des garanties, tant à la mère porteuse qu'aux différentes parties impliquées, sont de nature à assurer justement le plein respect des droits. Et donc c'est sûr et certain que, lorsqu'on parle de dispositions qui viennent encadrer... Mieux encadrer, vous aurez compris que, nous, on parle d'avoir des éléments plus clairs dans la loi sur le type d'information fournie, et tout. Donc, ces genres d'éléments là, évidemment, peuvent être lus en conjonction avec ces éléments-là, mais nous ne nous sommes pas prononcés spécifiquement sur la nécessité d'avoir un avis juridique. Mais c'est des éléments que je peux... comme réponse...

M. Morin : Je vous remercie. Le projet de loi, et on l'a évoqué un peu plus tôt, permet qu'il y ait une convention de grossesse et qu'il y ait une femme porteuse qui soit à l'extérieur du Québec, dans d'autres pays, et le ministre nous dit : Bien, écoutez, il va y avoir des règlements, on va faire une évaluation, et, évidemment, il faudrait que les droits de la femme porteuse soient respectés dans l'autre pays.

Cependant, quand on regarde l'étendue des droits et la situation juridique au Québec, que ce soit au niveau, par exemple, d'une interruption volontaire de grossesse ou même du type de congés qui peuvent être accordés à une personne, il y a à peu près peu ou pas de pays qui offre le même type de garantie et de protection.

Alors, pour protéger les droits des femmes, est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait interdire ou restreindre vraiment davantage? Parce que je ne vois pas comment, sincèrement, le gouvernement va être capable de trouver un équivalent ailleurs.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, peut-être... Juste pour fournir certains éléments de réponse, puis peut-être ma collègue pourra compléter, c'est vraiment pour vous dire : Encore une fois, la position de la commission eu égard à ces genres de convention là, c'est encore une fois d'assurer des garanties minimales.

Maintenant, dans l'application ou dans l'effectivité, il ne faut pas non plus présumer de l'état du droit ou de l'évolution de d'autres sociétés ou de conditions. Donc, effectivement, l'important, c'est de prévoir au Québec des règles très claires, très explicites, qui viennent donner des garanties que l'État avec lequel il y a convention, bien, il respecte ces éléments-là, sans en faire une interdiction formelle, comme il existe dans d'autres juridictions. C'est ce qu'on comprend de l'intention du législateur.

Et donc, pour la Commission, tant et aussi longtemps que ces éléments-là et ces garanties-là sont respectés et que l'on a cette robustesse-là, réglementaire, comme prévu dans le projet de loi actuel, bien, nous, on s'est déclarés en accord avec ces éléments-là, toujours en assurant cet équilibre-là. Puis peut-être ma collègue peut compléter.

Mme Pierre (Myrlande) : Bien, pour compléter, je dirais, tout en restant à l'affût de tout type d'écarts qui peuvent exister, donc particulièrement dans les situations suivantes, je vais en énumérer quelques-unes : par exemple, les États autorisant la GPA commerciale, par exemple, auquel cas le gouvernement devrait être en mesure de s'assurer de pouvoir faire respecter et de surveiller l'application de son cadre légal prévoyant une GPA à titre gratuit, par exemple, les États qui ne respectent pas le droit à l'autonomie procréative des femmes, auquel cas les femmes ou, bien, les personnes porteuses pourraient se voir contraintes d'accepter des risques inacceptables pour leur santé sans pouvoir obtenir des soins appropriés ou prendre les décisions qu'elles estiment nécessaires, dont l'interruption, par exemple, volontaire de grossesse. Un autre élément qui devrait aussi être une préoccupation, prenons, par exemple, les États dont l'économie est émergente, je l'ai mentionné précédemment, auquel cas les inégalités économiques importantes pouvant exister entre les parties sont susceptibles de placer la femme ou la personne en situation de vulnérabilité et de l'exposer à des pressions financières...

Mme Pierre (Myrlande) : ...au mépris de ses droits. Donc, nous, on voudrait vraiment porter ces éléments à votre attention dans le cadre de cet exercice, ce qui nous apparaît évidemment fondamental pour assurer l'égalité réelle pour ces femmes. Parce qu'il peut y avoir un déséquilibre en termes de pouvoir économique et situation particulièrement vulnérable pour des femmes qui se retrouvent, justement, dans des économies émergentes. Alors, voilà.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le député. M. le député de Saint-Henri–Sainte-Anne, pour une période de 3 min 18 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. D'abord, merci de l'accueil, chers collègues. J'avais davantage l'habitude d'être à l'autre bout de la table. Donc, ça va être très différent cette fois-ci, mais merci de votre accueil, merci à la commission. Merci, Me Tessier, madame Pierre, Me Montminy et M. Blouin, merci de votre présentation.

J'aurais une question à la suite de votre mémoire. En fait, dans le mémoire, vous parlez, dans le cadre d'une GPA, évidemment, d'une convention préalable de GPA telle qu'on la connaît, telle que proposée. Vous vous proposez d'avoir un mécanisme indépendant en cas de contrôle... en fait, en cas de désaccord sur les indemnités remboursables. Comment on assure le consentement complet et permanent de la mère dans la convention si, finalement,il y a une décision qui est imposée par un mécanisme indépendant? Je me demande comment on va balancer ça. Et, si... Finalement, s'il y a un désaccord, est-ce qu'il n'y a pas perte de consentement? Et donc quel est l'impact de cette potentielle discorde?

M. Tessier (Philippe-André) : C'était une excellente question pour une... donc, bienvenue, effectivement, vous aussi en commission parlementaire, M. le député. Donc, essentiellement, ce qu'on... on juste remettre en lumière. On s'entend que, dans la convention, la résiliation unilatérale est toujours possible également. Donc, il y a des éléments. Cela dit, il faut aussi prévoir les cas de désaccord. Et ce qu'on constate, c'est que, généralement, lorsqu'il y a... on regarde un peu les différents mécanismes qui existent à... quand on fait l'exercice, comparer. On voit qu'il y a souvent, peut-être, des fois, des éléments ou des mécanismes de contrôle qui sont mis en place pour régir ces potentiels désaccords, sur les frais, pas sur le consentement ou sur la participation, hein? Mais vraiment, encore une fois, nous, on revient sur les frais... ce sur quoi la Rapporteuse spéciale des Nations-Unies s'est prononcée en faisant ses constats à travers le monde. Et donc, c'est là-dessus qu'on attire l'attention du législateur. Comme on le sait, malheureusement, des fois, des meilleures parties du monde, les meilleures conventions du monde entraînent malheureusement des litiges. Il faut prévoir, potentiellement, ces cas-là, en ce qui a trait aux frais.

M. Cliche-Rivard : Et, j'imagine, vous avez une idée, vous parlez d'arbitrage, vous parlez d'envoyer ça à la Cour supérieure? Qu'est-ce que vous avez comme idée à ce niveau-là?

M. Tessier (Philippe-André) : Encore une fois, ce n'est pas le rôle de la commission de recommander des mécanismes. Ce qu'on dit, c'est qu'effectivement il en existe différents. L'idée, encore une fois, on veut que ces mécanismes-là soit simples, souples et accessibles aux parties.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :...Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Oui. Merci, M. le Président. Bienvenue parmi nous à notre nouveau collègue. Je lui assure que le bout de la table est quand même très agréable, bien qu'on a moins de temps pour intervenir. Mais bon.

Une voix : ...

Mme Nichols : Oui, oui, il n'en tient qu'à moi de me... Enfin, bon, c'est un autre sujet. Je n'ai pas beaucoup de temps, je vais faire ça rapidement, ça pourrait être plus long. Juste, par rapport à la recommandation numéro un, le droit à la connaissance, à la connaissance des origines de l'enfant né d'un projet parental, là, d'une GPA, je n'étais pas certaine d'avoir compris quelle était la recommandation, parce qu'hier on a Me Browns, là, qui nous a parlé qu'elle avait fait vraiment, là, beaucoup, des milliers, des milliers de conventions. Vous, comment vous voyez ça? Où pourrait... Où on pourrait contenir ces informations-là? Parce qu'évidemment il y a beaucoup de données qui restent... qui restent confidentielle.

• (12 heures) •

M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être, je vais céder la parole à ma collègue, mais simplement pour vous dire qu'il n'est pas de la prétention de la commission d'agir ici en tant qu'expert en droit familial. Notre expertise, c'est la conformité avec la Charte des droits et libertés de la personne. Cela dit, je passe la parole à ma collègue.

Mme Montminy (Karina) : Si je comprends bien, peut-être que vous référez à ce moment-là à notre première recommandation qui était dans le projet de loi n° 2, et il nous semble que nous ne sommes pas revenus sur cette recommandation précisément, puisqu'elle nous semble avoir été répondue. On semble y avoir répondu dans le projet de loi n° 12. Donc, pour nous, il y avait une... un des scénarios qui n'était pas couvert, là, par le projet de loi n° 2 et on estime que, là, avec la nouvelle formulation et l'ajout qui a été fait par le projet... dans le projet de loi n° 12...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Montminy (Karina) : ...cette recommandation-là, là, n'était plus... n'était plus... avait été suivie, si on peut dire.

Mme Nichols : Bien, c'est un sujet qui est revenu quand même hier, là, quand on parlait des informations qui pourraient être contenues dans la convention, de rendre les conventions accessibles parce qu'il y a beaucoup d'information. Ça fait que je comprends que votre position reste... Oui. Là, j'ai coupé, hein?

Mme Montminy (Karina) : Ah! O.K., je viens de... Oui, c'est sur la confidentialité des informations qui pourraient être transmises à ce moment-là au directeur de l'état civil, par exemple, je pense, qu'est-ce qui a été question. Sur cette question-là précisément, on ne s'était pas prononcé, toutefois, sur... mais on peut rappeler, toutefois, rapidement qu'il y a toujours l'article 5 de la charte qui doit prévaloir, c'est-à-dire s'assurer du respect au droit de la vie privée de toute personne et de faire... de s'assurer qu'en conséquence, il y ait toujours des mécanismes et des règles d'encadrement pour éviter toute situation où il pourrait il y avoir des atteintes.

Mme Nichols : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup d'avoir été avec nous. C'est très très très apprécié. Puis on se dit à bientôt, bien sûr.

Alors, cela dit, je suppose les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 02)

(Reprise à 12 h 04)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir de recevoir la professeure Isabel Côté, Chaire de recherche du Canada sur la procréation pour autrui et liens familiaux, Département de travail social, Université du Québec en Outaouais. Alors, merci beaucoup. Donc, la parole est à vous pour 10 minutes. Après ça, on aura une période d'échange avec les membres. La parole est à vous, maître... professeur.

Mme Côté (Isabel) : Parfait. Je vous remercie beaucoup. Je remercie beaucoup de l'invitation qui nous a été faite à mon collègue et moi de venir partager nos réflexions, là, sur le p.l. 12. Je dis mon collègue et moi, comme vous constatez, il n'est pas là parce que, malheureusement, nos collègues de l'Université Laval sont toujours en grève. Néanmoins, les réflexions que je présente aujourd'hui sont le fruit du travail que l'on conduit ensemble depuis une dizaine d'années maintenant, des publications que nous avons en commun. Puis c'est la même chose pour le mémoire qui a été déposé, là, c'est le fruit, vraiment, de nos travaux communs.

Donc, aujourd'hui, pour situer juste brièvement nos expertises, le professeur Lavoie et moi, conduisons des travaux sur... qui visent, en fait, à documenter l'expérience des personnes dont les enfants sont issus de la procréation pour autrui. Dans le cadre de nos travaux, on s'intéresse à l'ensemble des parties concernées, à savoir les donneurs et les donneuses de gamètes, évidemment les femmes porteuses, on s'intéresse aussi aux parents d'intention, mais aussi on s'intéresse aux enfants, ce qui est particulièrement novateur, là, puisqu'il y a très peu d'études qui sont conduites sur ces enfants-là actuellement.

Donc, aujourd'hui, je vais attirer votre attention sur cinq éléments particuliers, au moment de ma présentation, outre ce qu'il y a dans mon rapport, tout d'abord sur les conditions préalables à l'établissement de la filiation, ensuite, sur l'habilitation des professionnels qui vont intervenir dans ce champ, sur l'importance de circonscrire le rôle des agences, sur la question des origines aussi, et finalement sur l'importance de soutenir la recherche.

Donc, tout d'abord, concernant les conditions préalables, nous saluons le fait que le projet de loi n° 12 propose un processus formalisé qui oblige les parties à rencontrer un professionnel du domaine psychosocial préalablement à la mise en œuvre d'une grossesse pour autrui...

Mme Côté (Isabel) : ...Néanmoins, nous pensons qu'une simple rencontre d'information telle que libellée actuellement s'avère insuffisante pour créer les conditions nécessaires pour bien accompagner les personnes impliquées dans un projet de GPA. En effet, une simple rencontre d'information risque de conduire à la mise en place d'une pratique standardisée qui propose un modèle générique visant à cocher une liste d'éléments à couvrir avec la femme porteuse et les parents d'intention, et ce, sans égard aux besoins spécifiques de chacune des parties, lesquelles vont différer évidemment en fonction des contextes. Il importe donc que les conventions ne soient pas formatées sur un modèle unique. Ici, nous saluons le fait que chaque partie soit vue séparément. Nous pensons qu'il importe de compléter le processus par une mise en commun des discussions qui vont avoir été tenues de part et d'autre. En effet, nos recherches et les recherches conduites sur le sujet de la GPA indiquent que c'est le développement d'une vision commune qui constitue la meilleure façon d'éviter les malentendus, désaccords ou déceptions. Enfin, plus qu'une simple... plutôt qu'une simple attestation, nous proposons que les professionnels doivent fournir un rapport qui va détailler les aspects éthiques, relationnels et sociaux qui auront été négociés et qui pourront ensuite être enchâssés dans la convention.

Ça me conduit au deuxième élément, soit l'habilitation des professionnels qui vont intervenir dans ce champ-là. Nous recommandons que seuls les membres de l'Ordre des psychologues et l'Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec soient habilités à faire ces rencontres-là. Et ça, c'est tout à fait conforme... en conformité, en fait, avec l'article 10.2 de la Loi sur les activités cliniques de recherche en matière de procréation assistée, qui stipule déjà, là, que seuls les membres de ces deux ordres-là peuvent évaluer les personnes, là, en vue des rencontres psychosociales préalablement au don de gamètes.

Actuellement, par contre, il faut savoir qu'aucun cursus universitaire en travail social ou en psychologie n'offre de formation approfondie sur les enjeux liés à la procréation pour autrui. C'est pourquoi nous jugeons essentiel pour les professionnels du domaine psychosocial de détenir une certification pour éviter évidemment que n'importe qui s'improvise spécialiste de la GPA, ce qui irait évidemment à l'encontre de l'objectif visé.

Par ailleurs, il importe à notre avis que les professionnels qui vont intervenir et les notaires soient dans l'obligation d'exercer de manière indépendante et autonome des agences de GPA ou des cliniques de fertilité. Et cette mesure va permettre, à notre avis, d'assurer l'expression du consentement libre et éclairé de la femme porteuse et d'éviter que les parents d'intention, qui vont être évidemment considérés comme les clients de ces cliniques ou agences-là, soient favorisés à son détriment.

Et donc ça me conduit au troisième élément, l'importance de circonscrire le rôle des agences privées oeuvrant dans le domaine de la GPA. Le laisser-faire qu'on observe ailleurs au pays, notamment en Ontario, n'est absolument pas le modèle à suivre. D'ailleurs, depuis le dépôt du PL 2, on a constaté la mise en œuvre, le développement d'offres de services pour faciliter ou pour mettre... faciliter, en fait, les ententes de GPA, offres de services qui sont conduites... qui sont mises en plan, par exemple, par des personnes concernées. C'est-à-dire, moi, j'ai déjà eu des enfants par GPA, donc j'ouvre une agence, là, pour aider les gens qui veulent avoir des enfants par GPA. Donc, on peut présumer que les compétences professionnelles de ces personnes-là sont sujettes à caution.

• (12 h 10) •

Donc, il faut savoir aussi que, dans le champ des professions en santé mentale, le Québec s'est doté, à la fin des années 2000, d'une loi visant à encadrer l'exercice de la psychothérapie en réaction à ce qui était jugé à l'époque comme le Far West de la psychothérapie, où n'importe qui pouvait s'improviser psychothérapeute, avec les conséquences, évidemment, qu'on sait pour les personnes qui les consultaient. Donc, on pense que de manière autonome... pardon, de manière analogue, Québec doit réfléchir au rôle des intermédiaires privés et encadrer leurs services pour s'assurer de la qualité des services offerts et ainsi, évidemment, mieux protéger le public.

Concernant la question des origines, il importe de faire la différence entre l'anonymat et le secret lorsqu'il est question des origines. Pour que l'enfant conçu par don puisse se saisir de son droit à connaître ses origines, il faut deux éléments. Le premier, qu'il sache qu'il soit né par un don de gamètes, et, ensuite, que les informations concernant le donneur ou la donneuse soient disponibles lorsqu'il les demande. Donc, si nous nous réjouissons que l'article 542.2 donne la pleine latitude aux parents quant à la divulgation, il importe néanmoins que des mécanismes soient mis en place pour les soutenir. Actuellement, les parents qui veulent avoir des enfants grâce à un don de gamètes doivent rencontrer une personne préalablement au don. Et, au moment de cette rencontre-là, c'est bien avant que l'enfant soit conçu. Donc, les parents reçoivent des informations, lesquelles varient en fonction des intervenants consultés. Et là, bien, une fois que l'enfant est né, c'est là que toutes les craintes et les questionnements concernant la divulgation émergent. Et on sait déjà que plus on a des craintes par rapport au...

Mme Côté (Isabel) : ...moins il y a de chances qu'on dévoile rapidement. Et, plus on dévoile tardivement, plus ça a un impact négatif sur les enfants, évidemment. Un autre élément qu'on sait aussi, c'est que, quand on ne sait pas comment faire, bien... puis qu'on retarde le dévoilement, on reste pris dans ce secret-là, et là on ne sait pas trop comment s'en sortir.

Donc, c'est pourquoi on propose que les parents puissent avoir jusqu'à trois rencontres gratuites offertes par une personne habilitée suite à la naissance de l'enfant, pour les aider à discuter de la question des origines si les parents rencontrent, évidemment, des enjeux par rapport à ça. J'en profite, encore une fois, pour réitérer l'importance d'avoir des intervenants habilités et certifiés à intervenir dans ce champ-là pour éviter, encore une fois, que n'importe qui s'improvise spécialiste de ces enjeux qui sont très délicats.

En ce qui concerne, plus spécifiquement, l'accès aux origines, en fait, le fait de ne pas avoir accès à des informations nominatives concernant le tiers donneur, malgré le droit de connaître les origines, est perçu comme étant particulièrement frustrant et douloureux pour les personnes concernées. Actuellement, on a un projet en cours, là, qui porte sur les personnes qui ont appris à l'âge adulte avoir été issues d'un don de gamètes et qui cherchent les informations concernant leur donneur et qui n'ont pas accès à ces informations-là, même dans un contexte où, par exemple, ils viennent d'un pays qui a aboli... bien, en fait, qui a donné un droit aux origines. Pourquoi? Parce que, dans certaines juridictions comme la nôtre, ici, bien, on fait... devant l'absence de donneurs locaux, on doit importer du sperme des banques étasuniennes. Et, quand on importe le sperme des banques étasuniennes, bien, on a le choix d'avoir des donneurs à identité ouverte ou des donneurs à identité fermée.

Or, certaines juridictions qui ont donné un droit aux origines, notamment, par exemple, l'Angleterre, et qui doivent importer du sperme des États-Unis, interdit absolument l'importation de donneurs à identité fermée, donc seulement le donneur à identité ouverte est permis. Et c'est pourquoi nous recommandons que, pour avoir... donner un réel droit aux origines aux personnes conçues par don, que seuls les dons à donneur à identité ouverte soient permis. De toute façon, c'est illusoire de penser que l'anonymat est viable à long terme, là, considérant la multiplication des tests d'ADN ou les sites de généalogie en ligne.

Enfin, le dernier aspect que je veux porter à votre attention est l'importance de soutenir la recherche sur ces enjeux-là. Dans notre mémoire, nous avons identifié certaines pistes de recherche qui ont en commun de mieux documenter les réalités des personnes concernées, notamment les enfants sur lesquels il y a très peu de recherche actuellement, d'évaluer la pertinence des mesures mises en place de sorte à améliorer les pratiques d'intervention, les programmes de formation et les politiques publiques. Le soutien à la recherche s'avère fondamental pour que cela puisse s'appuyer sur des bases scientifiques solides dans un souci de favoriser le mieux-être des enfants, des femmes porteuses, des donneurs, donneuses de gamètes et des parents d'intention. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment, Pre Côté. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, bonjour, madame Côté, heureux de vous retrouver en commission parlementaire. On se voit une fois par année, alors, bienvenue. J'aimerais ça qu'on continue sur votre propos relativement à l'identité du donneur, identité ouverte, identité fermée. Nous, ce qu'on prévoit, dans le projet de loi, c'est que, lorsque l'information est disponible, on doit la rendre disponible pour l'enfant qui est nu... et qui est né par la procréation assistée. Puis, corrigez-moi, si je comprends bien votre propos, là. Vous, vous dites : Ça devrait être uniquement des donneurs ouverts. Il y a beaucoup de gens au Québec qui ont recours à des banques américaines. Et là notre législation... la portée de notre législation, elle est limitée, extraterritorialement. Comment on va faire ça? Est-ce que ça ne va pas faire en sorte que les Québécois n'auront plus vraiment accès à cette... à ces banques de sperme là ou à ces banques d'ovules, si on exige que ça soit uniquement des donneurs avec des données ouvertes?

Mme Côté (Isabel) : Pas nécessairement, parce qu'en fait l'ensemble des banques offrent des dons, que ce soit... On a le choix, hein? On peut choisir un donneur à identité fermée, un donneur à identité ouverte. Une recherche que je conduis sur 36 familles, on constate que c'est les parents, en fait hétérosexuels, qui sont beaucoup plus réticents aux donneés... aux donneurs à identité ouverte, là. Alors, aucun d'entre eux n'avait choisi un donneur à identité ouverte. Et, si les mères le regrettaient maintenant, les pères étaient très contents que ça reste à identité fermée, alors que les couples lesboparentaux ou les femmes soloparentales avaient, elles, choisi majoritairement des donneurs à identité ouverte. Donc, on peut importer des banques étasuniennes, des donneurs qui acceptent que des données nominatives les concernant soient disponibles, là, à partir de l'âge de 18 ans, comme on peut même laisser à la discrétion de la clinique, ce que plusieurs des parents hétérosexuels qu'on a rencontrés ont fait, là, la liberté de choisir à leur place le donneur et d'exiger un donneur à identité fermée, ou, en tout cas, avec le moins d'informations possible le concernant. Donc, par exemple, si on prend l'Angleterre...

Mme Côté (Isabel) : ...qu'ils ont fait en Angleterre. Bon, c'est sûr que, là, c'est régi, là, au point de vue fédéral, sauf que quand, par exemple, des parents utilisent un donneur d'une banque étasunienne, bien, seuls des donneurs à identité ouverte sont mis à la disponibilité des parents.

M. Jolin-Barrette : O.K.. Puis il n'y a pas d'enjeu que les banques se vident.

Mme Côté (Isabel) : Bien, en fait...

M. Jolin-Barrette : Dans le fond, je dirais, est-ce que la disponibilité de la ressource va être garantie? Je vais dire ça comme ça.

Mme Côté (Isabel) : Malheureusement, c'est en dehors de ma sphère de compétence.

M. Jolin-Barrette : Non, mais on fait des blagues, là, mais au Québec puis au Canada, les banques sont peu garnies parce que... la vérité, parce que ce n'est pas rémunéré. Auparavant, c'était rémunéré, il y avait plus de gens qui fournissaient du matériel génétique, qui contribuait. Il y a fort probablement un lien là-dedans. Aux États-Unis, ça peut être rémunéré. Donc...

Mme Côté (Isabel) : En fait, c'est une excellente question. Il y a certaines études qui ont été conduites au Danemark, par exemple, où on s'est aperçu qu'il y avait une très grande baisse de dons de sperme de personnes danoises et donc on importait du sperme étasunien. Et là les Danois ont décidé de riposter en publicisant, si on veut, l'importance de donner puis de rendre ça un petit peu plus, comment je pourrais dire, je ne veux pas dire de banal, en fait, de banaliser le don, et tout ça, le recours au don, ce qui a fait en sorte que les banques ont pu se rétablir beaucoup en misant, c'est vrai, sur l'identité danoise, là. Ça avait... ça été fait avec beaucoup d'humour et on a vu une augmentation des dons.

Est-ce que c'est parce que les donneurs ne sont pas rémunérés qu'il y a une baisse? Bon, il y a plusieurs... il y en a qui disent oui, il y en a qui disent non. Considérant l'offre non négligeable de don de sperme qui se transige sur les réseaux sociaux, on peut se demander pourquoi ces hommes-là préfèrent les réseaux sociaux plutôt que d'aller en clinique. Bien, une des hypothèses qu'on a, c'est parce qu'ils ne correspondent pas aux profils. Ils sont, par exemple, un peu trop vieux, ou des trucs comme ça, ou les cliniques sont trop loin de leur résidence, ou encore parce que, justement, c'est anonyme et ça ne leur convient pas. Des petites études à petit échantillon, justement, que Kévin et moi on a conduit, bien, ça démontrait que l'idée pourquoi on passait par le biais des réseaux sociaux, c'était entre autres pour ça. Donc, est-ce que ça va avoir pour effet de diminuer l'offre, la disponibilité des donneurs à identité ouverte, si tout le monde veut ça? Je ne sais pas. Mais peut-être aussi que ça va inciter les banques à beaucoup plus, comment je pourrais dire, informer les donneurs de l'importance eux-mêmes d'être à identité ouverte. D'ailleurs, une autre recherche que je conduis actuellement avec une stagiaire postdoctorale sur des donneurs qui avaient donné à identité fermée voilà 20, 30 ans et qui ont été retrouvées actuellement par des personnes issues de leurs dons grâce au site de généalogie en ligne, bien, ces hommes-là, ce qu'ils nous disent, c'est qu'il regrette d'avoir fait des dons à identité fermée, en fait, et que maintenant qu'ils sont père, maintenant qu'ils ont vieilli, maintenant qu'ils qui ont été sensibilisés à ces enjeux-là, bien, avoir su, ils auraient donné à identité ouverte, là, davantage.

M. Jolin-Barrette : Vous avez dit tout à l'heure : Chez les couples hétérosexuels, beaucoup d'hommes préfèrent avoir un donneur à identité fermée. Pouvez-vous expliquer le phénomène? Pourquoi?

• (12 h 20) •

Mme Côté (Isabel) : Bien, pour plusieurs raisons. Je vous dirais parce qu'évidemment la question de la stérilité masculine, ça reste un enjeu important. Ça reste un enjeu qui est très stigmatisant aussi. Puis je pense que les hommes ont peu d'espace pour discuter de ça, même entre eux, l'infertilité. Les femmes en parlent beaucoup. Sur les groupes de soutien, on voit beaucoup de femmes qui vont là même pour parler de leur conjoint, alors qu'eux-mêmes sont très peu présents. Alors, les hommes que j'ai rencontrés, qui, eux, dédramatisaient effectivement leur stérilité, étaient beaucoup plus à même d'avoir choisi... d'avoir voulu choisir un donneur à identité ouverte, mais cette fois-là, dans cette situation-là, c'est la conjointe qui avait fait obstacle à ça. Ça, c'est une des raisons. L'autre raison, c'est parce qu'on ne sait pas trop comment s'y prendre. Est-ce que cette personne-là va venir prendre ma place, en fait? Est-ce que cette personne-là va être valorisée plus que moi dans la vie de mon enfant? La question des mots aussi. Ces hommes-là sont souvent mêlés parce que, souvent, on va utiliser le mot «père» pour parler d'un donneur, alors que, bon, ce n'est pas un père, évidemment. Donc, c'est assez complexe, je vous dirais, mais je pense que c'est entre autres parce que ces blessures-là sont importantes.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous, vous recommandez qu'une mère porteuse ait déjà eu des grossesses préalables. Pourquoi?

Mme Côté (Isabel) : Bien, tout simplement parce que les données disponibles que nous avons actuellement semblent démontrer que, bien que ce soit un phénomène très rare, il peut quand même y avoir des enjeux liés, par exemple à l'accouchement, des enjeux qui peuvent avoir des impacts futurs sur...

Mme Côté (Isabel) : ...la fertilité de la femme, bon, dont une... une méta-analyse, là, que j'ai citée dans le mémoire. Donc, par mesure de prudence, je... on propose, là, que les femmes aient pu avoir une expérience de grossesse préalable. Aussi souvent, les grossesses, on peut présumer que ça va être quelque chose d'idyllique, de vraiment... qu'on va être contente... Tu sais, les images qu'on nous envoie des femmes enceintes, c'est toujours ça, hein, des femmes heureuses qui se frottent la bedaine avec des belles images d'Épinal. Puis il y a des femmes qui découvrent qu'une fois enceinte, bien, c'est plus difficile qu'elle pensait, c'est moins agréable qu'elle pensait aussi. Donc, par mesure de prudence, c'est la raison pour laquelle, là, on préconise une grossesse préalable.

M. Jolin-Barrette : Une sous-question. Mais, d'un autre côté, si l'État fait ça, on vient enlever un peu une autonomie à la femme, de dire : Qu'est-ce que je fais avec mon corps? J'ai le droit de disposer de mon corps comme je le veux aussi. Donc, l'État, vient, en quelque sorte, contrôler. Qu'est-ce que vous faites avec cet argument-là?

Mme Côté (Isabel) : C'est un excellent argument. Effectivement, il y a une incongruence avec ça puis un peu ce que je parle un peu plus loin sur l'importance de respecter l'autonomie reproductive des femmes. J'en suis consciente. Toutefois, je me dis : Bien, si, par exemple, suite à un accouchement pour autrui, ça résulte à... le fait qu'on ne puisse plus porter un enfant pour soi par la suite, c'est par mesure de prudence, là, de préconiser cette mesure-là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie pour votre présence en commission.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Charlevoix–Côte-de-Beaupré.

Mme Bourassa : Oui. Merci beaucoup. J'aimerais vous entendre sur le règlement sur le remboursement que pourrait recevoir une femme porteuse. Vous parliez également du fait qu'elle n'a pas à prendre ses propres congés pour le projet des parents d'intention. Puis on ne veut pas non plus que ce soit en fonction de la générosité des parents d'intention qu'elle soit rémunérée. C'est quoi, votre position? Qu'est-ce qui serait le mieux, selon vous?

Mme Côté (Isabel) : Bien. Tout d'abord, elle ne sera pas rémunérée. Ça, c'est certain. Donc, c'est quelque chose qui est clair. Nous, ce qu'on propose, c'est qu'on s'enligne sur les règlements fédéraux, là, sur... en matière de procréation assistée, pour déterminer les dépenses, mais qu'il y ait aussi des maximums, des minimums prévus, là, par règlement pour, justement, éviter, là, qu'il y ait une disparité très grande entre différents parents et différentes femmes porteuses.

Pour les congés, je vais vous expliquer pourquoi. C'est tout simplement parce que... et puis il va falloir amender, c'est plus complexe que ça. Je donnais, justement, une conférence là-dessus à des groupes syndicaux, les... Il va falloir amender probablement d'autres lois, parce que, quand on est conventionnés, nos congés de maladie, il faut qu'on les prenne avant d'exiger du sans solde. Donc, ça fait en sorte que, des fois, bien, s'il faut aller à des rendez-vous, par exemple, moi, je suis en Outaouais. Donc, si on a une femme porteuse de l'Outaouais, elle doit se rendre à Montréal. Bon, l'aller-retour, plus le suivi, on a une journée de travail de perdue, puis que la petite dernière manque une semaine d'école parce qu'elle a une grosse gastro carabinée, bien, à la fin, on se ramasse qu'on a pris des congés pour ça puis qu'on n'en a plus, donc. Pour moi, c'est important que tous les jours qui doivent être pris en vue du projet soient rémunérés par... bien, soient remboursés, compensés à côté, de telle sorte à ne pas qu'elle ait à piger dans sa propre banque, là, à elle de congés.

Mme Bourassa : Encore une fois, j'aimerais vous entendre sur le fait que la mère porteuse doit être... la femme porteuse doit être la seule à pouvoir décider pendant la grossesse de son alimentation, de son style de vie, du sport qu'elle va faire. Vous, vous aimeriez que ça soit plus réglementé, plus encadré?

Mme Côté (Isabel) : Oui, exactement, que ce soit clairement identifié dans les conventions. Pourquoi? Parce qu'actuellement on constate que ce ne l'est pas. Et d'ailleurs les agences qui remettent des contrats formatés, nous, on en a vu, plusieurs, que des parents d'intention nous remettaient ou des femmes porteuses nous remettaient. Premièrement, ces contrats-là, les parents d'intention ne les comprenaient pas. Et ils se retrouvaient avec toutes sortes d'impératifs, comme dans une situation, par exemple, la femme porteuse n'avait pas le droit de boire des boissons gazeuses sucrées. Puis là j'ai demandé aux parents d'intention : Mais pourquoi? Mais je ne sais pas, c'était dedans, là, tu sais. Être obligé de ne pas pouvoir manger de fast food, ne pas faire de moto, ne pas prendre ses enfants dans ses bras pour ne pas risquer de fausse couche, je veux dire, à un moment donné.

Donc, dans ce... Puis ces contrats-là ont été quand même effectués par des personnes du milieu juridique, là. Donc, il faut quand même que ça soit clairement mentionné en termes d'autonomie dans les actes conventionnés, là, qu'il n'y a rien qu'on peut dire, pendant la grossesse de la femme, ne serait-ce aussi, en termes de ses propres soins de santé, ou même son désir de mettre fin à la GPA. Donc, les parents, dans les rencontres préalables qu'on va avoir avec des intervenants certifiés, j'en suis certaine, vont pouvoir discuter préalablement de ça, que le... si on a un besoin de contrôle absolu sur la grossesse de quelqu'un d'autre, peut-être que ce type de projet là, ce n'est pas pour nous.

Mme Bourassa : J'ai-tu encore un peu de temps? Merci, parce que c'est vrai que ça nous éclaire votre expérience, il y a certains détails qui sont assez intéressants. J'aimerais parler de la communication, parce que c'est sûr que, si c'est nouveau, il faut vulgariser. Vous parliez, justement, qu'il faut mettre les informations disponibles à l'intention des parents...

Mme Bourassa : ...des deux parties. Il a un projet de recherche qui serait prévu pour documenter justement ce phénomène qui est encore un peu souterrain pour l'instant. Mais qu'est ce que vous voyez dans cette campagne de promotion là? Dans ces outils, qu'est-ce qu'il... où est-ce qu'il faudrait afficher l'information? À qui?

Mme Côté (Isabel) : Bien, déjà, Éducaloi, je pense qu'il fait un très bon travail, là, de vulgarisation juridique, mais qu'il y ait aussi des campagnes qui soient plus ciblées sur les réseaux, sur les différents sites, actuellement, qui existent sur les réseaux sociaux, en lien avec la procréation pour autrui. Parce que même à l'égard de la loi no 84, il y a les donneurs connus, par exemple, il y a énormément de fausses... de fausses informations qui circulent. Les gens comprennent peu leurs droits et responsabilités par rapport à ça. Donc, à mon avis, je pense que ça mérite, là, d'avoir plus de... c'est ça, de publicité là-dessus, là.

Mme Bourassa : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre présence. Sur les agences, vous parliez de votre... d'une... de votre position. Vous avez abordé un certain encadrement. Pouvez-vous développer davantage sur votre position des agences?

Mme Côté (Isabel) : Oui. En fait, les agences sont là, nécessairement, souvent pour mettre... pour discuter justement de ces... de ces situations-là avec les parents d'intention, avec les femmes porteuses. Ce que les intervenants en psychosocial vont faire, ils sont là pour faire des conventions, ce que les notaires vont faire. Donc, il va arriver un intermédiaire supplémentaire qui, à notre avis, à ce stade-ci, n'est peut-être pas si important que ça. Il va rester quoi comme rôle? Bien, il va rester le rôle d'un peu... d'entremetteur, ce qui est interdit aussi par la loi fédérale.

Donc, à notre avis, c'est important vraiment d'encadrer ça parce que ce qu'on constate, c'est qu'il y a une très grande disparité dans les différentes agences. Il y a Me Brown, hier, qui en parlait. Bon, il y a certaines agences qui fonctionnent d'une certaine façon. Il y en a d'autres qui fonctionnent n'importe comment. Et actuellement, comme je vous disais, on voit déjà une offre de services très chère qui est disponible sur les réseaux sociaux. Bien, en tout cas, qui est offert, là, alors que la loi n'est même pas encore en place, pour justement soutenir les parents qui veulent avoir des enfants par GPA, alors qu'on peut se demander : Mais c'est quoi les qualités professionnelles de ces personnes-là?

Donc, pour nous, évidemment, les agences méritent d'être très circonscrites, même si les femmes porteuses, il y en a qui apprécient avoir des agences. Pourquoi? Notamment pour la question financière du remboursement des dépenses, parce qu'il y a quelqu'un qui va médier ça. Donc, on n'a pas besoin d'avoir ces discussions-là avec les parents d'intention, et donc juste avoir avec eux les aspects relationnels, ce qui les intéresse davantage d'ailleurs, ces femmes-là.

Donc, là, il y a le notaire qui va faire cette... ce travail-là. Donc, c'est la raison pour laquelle, nous, on propose, là, de les encadrer très strictement, là, au niveau de ce qu'ils peuvent offrir comme services.

Mme Haytayan : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Me Côté. Merci. Merci d'être là. Pour continuer sur le même sujet de l'encadrement parce qu'évidemment il y a des parents d'intention, il y a la femme porteuse. On veut respecter les droits de tout le monde mais les parents d'intention ont un projet. Ils vont avoir à travailler, évidemment, à avoir un contrat, une convention avec la femme porteuse. Si jamais il y a des conditions et que... dans la convention puis que la femme porteuse ne les respecte pas, qu'il arrive quelque chose, par exemple pendant la grossesse, pour vous, les parents d'intention, à ce moment-là, est ce qu'ils auraient un recours? Comment... Comment ça va se régler? Est-ce qu'on va aller en médiation? Ça pose un problème, visiblement. On ne peut pas tout interdire à la femme porteuse. Donc, avez-vous... Avez-vous réfléchi à ça? Est-ce qu'il y a des suggestions que vous pouvez avoir pour nous, dans un cas comme ça?

Mme Côté (Isabel) : Elle ne respecte pas les ententes qui seraient, par exemple...

• (12 h 30) •

M. Morin : Bien, par exemple, je ne sais pas, moi, il y a des... Dans la convention, on dit que la femme porteuse ne peut pas faire tel, ou tel, ou tel sport. Ça peut représenter un danger. Elle en fait pareil. Et là, il arrive... Ou bien l'enfant a une malformation ou il y a une interruption, là, de la grossesse. Donc, dans des cas comme ça, dans vos études, c'est-tu des choses que vous avez rencontrées? Qu'est-ce qui arrive dans ces cas-là?

Mme Côté (Isabel) : Bien, en fait, ça devrait être complètement interdit d'avoir ça dans une convention. Tout d'abord, nous, c'est ce qu'on propose, là, que ça ne soit pas du tout mentionné. Cela dit, il faut savoir que les femmes porteuses qu'on a rencontrées, souvent, elles vont dire : Bien, tu sais, c'est leur enfant, mais c'est ma grossesse. Elles ont eu des enfants préalablement. Elles sont très soucieuses, évidemment, de prendre soin... de prendre soin d'elles pendant la grossesse pour s'assurer, évidemment, que le bébé se développe bien. Mais elles sont critiques par rapport à ces questions-là, quand elles ont ce type de demande là.

D'ailleurs, les projets de gestation pour autrui qui se déroulent moins bien et qui ne persistent pas à long terme, les recherches démontrent, notamment les nôtres aussi, c'est quand les parents sont trop contrôlants pendant la grossesse, d'où l'importance d'agir en amont.

Maintenant, s'il y avait des conflits pendant la grossesse, par exemple, ce qu'on peut constater, ce qu'on a...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Côté (Isabel) : ...a constaté dans nos recherches, il y a un pairage qui se fait. Les femmes porteuses s'entendent super bien avec les parents d'intention puis, en cours de route pour une raison qu'on ne sait pas trop quoi, la relation semble en tout cas se détériorer légèrement. Je pense que la personne qui était là au départ, la personne habilitée, qui les a rencontrées de part et d'autre, qui a fait une mise en commun, devrait pouvoir les rerencontrer à nouveau pour dire : Bien, au début, on avait discuté de ça, qu'est-ce qui ne va pas, dans une optique de médiation pour assurer effectivement que ça aille mieux.

Par contre, une recherche dans laquelle je participe avec des collègues canadiennes auprès de 174 femmes porteuses démontre que 90 ou 92 % d'entre elles disent avoir des relations excellentes, très bonnes, bonnes, après la naissance de l'enfant, là.

M. Morin : Bien. Puis dans les conventions... parce qu'il y a plusieurs personnes ou groupes qui nous en ont parlé, évidemment. Seriez-vous en faveur, en termes d'encadrement, qu'on prévoit, par exemple, des assurances pour la femme porteuse...

Mme Côté (Isabel) : Bien sûr.

M. Morin : ...ou qu'on évite une relation, par exemple, employeur-employé avec la femme porteuse pour que son consentement soit évidemment éclairé puis qu'elle ne sente pas de pression? On sait que ça peut même être plus grave si, par exemple, des gens ont des employés chez eux qui ont un statut précaire, que ce soit en immigration ou autrement. Donc, vos suggestions là-dessus?

Mme Côté (Isabel) : C'est une excellente question. Oui, pour les assurances évidemment, là, assurances invalidité, assurances vie, c'est nécessaire, évidemment aux frais des parents d'intention.

Pour la question de l'employeur, je serais un petit peu plus mitigée par rapport à ça. Évidemment, quand on parle d'aide à domicile, là, on est au-delà de l'employeur, hein? La personne, elle a l'emprise totale, hein? L'aide à domicile habite là, travaille là, je veux dire. Là, on est complètement ailleurs, et la personne n'est pas non plus tout le temps citoyenne canadienne. Donc, évidemment, pour moi, ça serait tout à fait inapropos, là, d'avoir... inapproprié d'avoir une femme porteuse de cette... dans ce contexte-là.

Par contre, dans le sens employeur-employé, nous, on en a rencontré dans des contextes syndiqués, où, par exemple, il travaille pour le gouvernement fédéral, où une personne est... bon, et ça ne pose pas nécessairement d'enjeux comme tels. On a même rencontré l'inverse aussi, où une employeuse... en fait, une personne en situation hiérarchique supérieure a agi comme femme porteuse.

Donc, dans un contexte où là, on aurait des... la médiation au départ, je pense que le rôle de l'intervenant habileté, je tape toujours sur le clou, puisse déterminer effectivement si on est dans un contexte de consentement vicié, là.

M. Morin :Bien. Puis... Puis, vous l'avez mentionné dans votre témoignage, c'est quand même un projet qui est complexe. Il y a une foule, évidemment, de choses dont on doit prendre en considération. Des intervenants nous ont dit que ce ne serait pas une mauvaise chose que les parents d'intention ou la femme porteuse obtiennent même un avis juridique indépendant avant de s'engager dans la convention puis le processus de gestation. Quelle est votre opinion là-dessus?

Mme Côté (Isabel) : Moi, je pense que la multiplication des personnes qui sont susceptibles d'intervenir dans le cadre de la mise en place d'un projet risque d'être plus problématique qu'autre chose, si vous voulez mon opinion. Dans les cas de séparation, on a déjà mis en place des processus de médiation, où on travaille avec deux parties qui sont en séparation, en conflit, et, pourtant, le processus fonctionne bien pour beaucoup de personnes. Et là on n'est pas dans un contexte de conflit. Donc, je pense que les personnes qui seraient, justement, aptes à faire ce genre de rencontre là, le notaire qui est là pour les deux parties aussi équitablement est suffisant.

Cela dit, je doute fort que les personnes qui s'engageraient là-dedans n'aient pas eux-mêmes le réflexe d'aller avoir un avis juridique, mais ça, ça sera à leur discrétion, si on veut.

M. Morin : Écoutez, je vous remercie. Parce qu'en fait, ce qu'on a entendu, c'est que les gens n'ont pas nécessairement ce réflexe-là non plus, donc ce n'est pas évident. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée, par exemple, d'avoir de la part de l'État, après trois ans ou cinq ans d'adoption de la loi, parce que, compte tenu de la majorité du gouvernement, on peut penser que la loi va être éventuellement adoptée - on va essayer de la corriger le mieux possible, mais quand même, le résultat est un peu connu - qu'il y ait dans la loi véritablement un protocole ou un processus d'évaluation pour voir ce que ça fait, puis que là on ait vraiment des chiffres, des statistiques? Est-ce qu'une période de trois ans ou cinq ans ou l'idée même de ce que j'énonce, est-ce que, pour vous, c'est quelque chose qui serait important pour la société québécoise?

Mme Côté (Isabel) : Bien, tout à fait. C'est ce qu'on a écrit d'ailleurs dans le mémoire, là, l'importance de financer la recherche là-dessus, notamment sur ce processus-là, pour savoir si ça convient aux parties, si, effectivement, par la suite, les femmes sont plus outillées pour connaître leurs droits, si, à long terme, on s'aperçoit que ça a créé une plus grande satisfaction à l'égard du processus, si le maintien des relations sont... sont maintenues...

Mme Côté (Isabel) : ...parce que, comme je vous le disais, c'est là qu'on sait si... c'est quand la relation harmonieuse que les relations se maintiennent à long terme et que les enfants, même 20 ans plus tard, une recherche, là, qui vient de sortir en mars 2023, sur une étude longitudinale, les enfants sont rendus à 20 ans et il y en a encore une grande partie d'entre eux qui ont des contacts avec leur femme porteuse.

M. Beauchemin : Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Pre Côté. Salutations au Pr Lavoie. Je lui partage maa solidarité. Dans votre mémoire, vous parlez de... vous vous désolez, en fait, tous les deux de l'absence du concept de pluriparenté dans le projet de loi, mais vous n'en avez pas parlé aujourd'hui. Donc, j'aurais peut-être voulu vous entendre sur la question.

Mme Côté (Isabel) : Bien, à mon avis, c'est une occasion manquée, de ne pas avoir ajouté la pluriparenté dans le projet de loi alors qu'on réforme le droit de la famille. Je pense qu'il y a des obstacles qui... bien, en fait, je pense que la société est quand même rendue à ce... rendu là. Il y a un article qui va sortir sous peu dans la Revue de droit de l'Université de Sherbrooke, conduit par une professeure de l'Université de UBC, RégineTremblay, sur l'analyse, justement, des différentes provinces qui ont permis la pluriparenté et qui déconstruit, en fait, les a priori qu'on a, les mythes qu'on a, à savoir que ça risque de causer, par exemple, plus de conflits, etc. Sur les... il y a aucun conflit actuellement qui est enregistré, là, au Canada qui implique plusieurs parents. Lors du p.l. 2, il y a 14 mémoires qui ont été déposés, hein, sur la plus... qui abordaient la question de la pluriparenté, dont un qui était complètement consacré à ça, et, sur les 14 mémoires, un seul était contre, hein? Les 13 autres avaient été en faveur de ça. Donc je pense qu'on est rendu là et je pense surtout qu'on peut choisir d'encadrer la pluriparenté selon un modèle qui va nous convenir, en tirant profit de ce qui a été fait dans les trois autres provinces, un peu comme on fait, là, avec la GPA, en fait, hein? La façon dont on encadre la GPA, c'est complètement différent de ce qui se fait au Canada, et, à mon avis, on a quelque chose de vraiment super intéressant. Et, dans cette optique-là, la pluriparenté, on aurait pu faire ça, on aurait pu y réfléchir ensemble, on aurait pu créer un projet qui nous ressemble ici...

M. Cliche-Rivard : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Pas d'autre question? Merci. Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Oui, merci, M. le Président. Merci, Pre Côté, d'être parmi nous. Je voulais profiter de votre expertise. Dans les... vous nous avez parlé, là, des cinq points sur lesquels vous mettez l'accent dans votre mémoire. Dans le résumé des conditions préalables pour établir la filiation, vous recommandez, entre autres, là, qu'un tuteur ou une tutrice soit désigné dans la convention notariée. Est-ce que c'est des cas où ça a déjà posé problème?

Mme Côté (Isabel) : Bien non, mais, en fait, c'est parce qu'en lisant le libellé, on s'est dit : Bien, ce serait très dommage qu'un enfant dont les parents décèdent pendant le processus soit confié à la protection de la jeunesse. Et d'ailleurs, dans certaines pratiques, c'est déjà le cas. Par exemple, une femme seule qui veut avoir un enfant par donneur de sperme dans les cliniques, les cliniques vont les inciter très fortement à avoir déjà un tuteur à l'enfant, si jamais il leur arrivait quelque chose au moment de quand l'enfant est très jeune, là, vu qu'il n'y a pas d'autres parents pour suppléer. Alors, à mon sens, c'est assez simple, compte tenu que les notaires font déjà, bon, ça dans le cadre des testaments, de pouvoir ajouter une personne tutrice à l'enfant.

Mme Nichols : Oui. Bien, je trouvais que c'était une excellente recommandation, puis, oui, étant donné que ça risque d'être un document notarié. Donc, merci beaucoup pour votre mémoire.

M. Cliche-Rivard : Sur ce, professeur Côté, merci beaucoup d'avoir été avec nous. L'Outaouais, c'est une très belle région, pour y avoir résidé quelques années.

Alors, sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 40)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 05)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. Et ceux qui ont eu la chance, à l'extérieur, à Québec, il fait un très beau soleil. Cela dit, nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression, ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.

Cet après-midi, nous allons débuter avec Mme Andréane Letendre. Très content de vous avoir avec nous. Alors, comme vous le savez, 10 minutes de présentation, après ça on a un échange avec les membres de la commission. La parole est à vous. Merci.

Mme Letendre (Andréane) : Merci. Merci de me recevoir. Donc, je me présente. Je m'appelle Andréane Letendre. Je suis née en 1983 dans une famille avec des parents hétérosexuels qui ont fait appel à un don de gamètes pour me concevoir. J'ai été informée de ce fait à l'âge de 12 ans et, à ce jour, je ne connais toujours pas mes origines biologiques. Être conçue par don de gamètes a eu un impact considérable sur ma manière de voir la vie et fait partie de mon identité.

Le projet de loi n° 12 a suscité chez moi et chez beaucoup de personnes conçues par don de gamètes un grand intérêt. Mon intervention aujourd'hui vise à apporter un éclairage sur le vécu concret des personnes issues de la procréation assistée, de même qu'apporter certains commentaires sur le projet de loi n° 12...

Mme Letendre (Andréane) : ...on voit souvent l'enfant né d'une procréation assistée comme un bébé qui comble ses parents d'intention de joie après avoir été ardemment désiré. On ne pense pas que ce bébé est une personne à part entière qui a ses intérêts, ses besoins et qui grandira très rapidement. À travers les enjeux soulevés par les différentes procédures de procréation assistée, on oublie souvent que les intérêts de l'enfant peuvent différer de ceux des adultes qui contribuent à le mettre au monde.

À l'heure actuelle, il est impossible de savoir combien il y a de personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie. Au Québec, la majorité de ces personnes ignorent totalement qu'un tiers a participé à leur conception, beaucoup l'apprennent de manière fortuite, par exemple lors de résultats de tests médicaux, ou se le voient révélé dans un contexte difficile comme une séparation ou un décès.

Bien qu'on suggère aux parents de divulguer les informations au sujet de leur conception aux enfants, beaucoup de parents d'intention ne le disent tout simplement pas à leur enfant, surtout chez les couples hétérosexuels. Il y a tout un tabou associé à l'infertilité et aux moyens de pallier celles-ci, ainsi qu'une peur du rejet qui peut s'installer d'un côté comme de l'autre. Il en résulte beaucoup de conflits de loyauté et de questionnements existentiels qui causent de la détresse psychologique chez les descendants de la procréation assistée.

L'anonymat, c'est une pratique inutile et dépassée. Lorsqu'on a instauré l'insémination artificielle avec tiers-donneur, on a calqué le modèle de l'adoption qui avait cours à l'époque : un processus caché, entouré de secrets et de mystères qui devait servir à protéger l'enfant d'un abandon risqué, voire d'un infanticide, dans une société où la maternité en dehors des normes n'était pas acceptée. Le contexte a évolué depuis, mais il me semble qu'on ne se soit pas préoccupé du fait que jamais le secret entourant la conception avec un tiers donneur n'a servi les intérêts des enfants.

La pratique du don de gamète anonyme nous prive de renseignements d'une valeur cruciale. On ne peut justifier de nous priver d'information médicale exacte et à jour, de savoir si nous sommes génétiquement liés à des frères et des sœurs ou à des cousins au premier degré. On ne peut justifier de retenir une information qui constitue l'un des fondements de notre identité.

L'anonymat des donneurs permet à l'industrie de la fertilité de nier nos intérêts tout en appliquant une logique marchande à la procréation. L'anonymat permet de couvrir les erreurs et les abus médicaux qui surviennent inévitablement, par exemple, les «donneurs en série» ou l'utilisation de matériel génétique différent de ce qui était demandé par les parents d'intention, comme on a pu le voir dans certains cas médiatisés et même judiciarisés récemment.

Le don de gamètes au Québec. À l'heure actuelle, il n'y a pas de banque de sperme ou d'ovules québécoise. Les parents d'intention qui souhaitent utiliser les gamètes d'une tierce partie sont invités à choisir un donneur ou une donneuse dans les catalogues des principales banques, majoritairement, en provenance des États-Unis. Une fois le produit sélectionné, un nombre de doses défini est commandé ou réservé en fonction du projet parental et des chances de succès de l'intervention. Il n'y a aucune limite absolue par rapport au nombre de descendants que peuvent engendrer les donneurs; seulement des barèmes en fonction de territoires desservis, lesquels peuvent être terriblement étendus. Le respect de ces barèmes n'est d'ailleurs pas contrôlé par un organisme indépendant. Les paillettes peuvent être stockées dans l'azote liquide pour une durée quasi illimitée et voyagent comme lettre à la poste.

La plupart des juridictions d'où proviennent les gamètes utilisés dans le système de santé québécois offrent soit l'anonymat complet des donneurs, soit des donneurs identifiables lorsque le descendant atteint l'âge de 18 ans. Bien que la deuxième option soit nettement meilleure que la première, je suis d'avis qu'afin de contrer les nombreux effets pervers de l'anonymat des donneurs de gamètes, nous devrions avoir accès à des donneurs identifiables dès la naissance de l'enfant, tel que le propose le projet de loi n° 12.

On pourrait croire qu'il est difficile de vraiment contrôler quelque paramètre que ce soit dans le don de gamètes sur notre territoire. Malgré la diversité d'arrangements possibles en procréation amicalement assistée, je crois que la majorité des procréations assistées sont réalisées via le système de santé québécois, remboursées en tout ou en partie par la RAMQ. Au-delà d'une nécessaire réforme du droit de la famille qui prend en compte le bien de l'enfant dans les nouvelles réalités en matière de procréation assistée, c'est par là, je pense, que le législateur devrait passer pour établir ce qui est conforme aux valeurs de la société québécoise dans ce domaine.

• (15 h 10) •

En lisant le projet de loi n° 12, je comprends bien que l'intention du législateur, c'est de placer les intérêts de l'enfant comme point central devant guider nos choix et nos décisions. C'est dans cette optique qu'il a intégré, avec le projet de loi n° 2 adopté l'an dernier, à la Charte des droits et libertés de la personne le droit de connaître ses origines. Je vois, dans le projet de loi n° 12, la concrétisation de ce choix et je m'en réjouis. Toutefois, j'aimerais apporter quelques commentaires pour éviter que le projet de loi ne rate sa cible, notamment en ce qui concerne la divulgation de ses origines à l'enfant issu d'une procréation assistée, à l'utilisation du matériel génétique provenant de l'extérieur du Québec puis les modalités de refus de contact qui peut être exprimé.

Au niveau de la divulgation, comme je l'ai mentionné plus haut, la majorité des personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie n'est pas au courant de ce fait...

Mme Letendre (Andréane) : ...bien qu'une majorité de parents d'intention soient sensibilisés à l'importance de révéler à leur enfant les circonstances de sa conception, une trop grande proportion évite d'aborder le sujet ou annonce la nouvelle trop tardivement. Le premier alinéa de l'article 542.2, qui serait ajouté au Code civil du Québec, avec le projet de loi douze, se lirait ainsi: «Il appartient aux parents de l'enfant de l'informer du fait qu'il est issu d'une procréation impliquant la contribution d'un tiers.»

Je suis d'accord que le fait de transmettre cette information est un acte très intime et délicat qui doit se faire au sein de chaque famille, selon les valeurs et les convictions de chacun. Il est difficile de contraindre les parents à révéler à leur enfant qu'il est issu d'une procréation assistée impliquant le matériel génétique d'un tiers. Selon la plupart des experts, la meilleure pratique serait de dire tôt, souvent, et dans un contexte émotionnellement sécuritaire, ce qui va dans le sens d'une révélation familiale, idéalement. Cependant, afin de donner accès à leurs origines aux personnes conçues par don de gamètes, il est essentiel qu'elles soient informées de ce fait.

Le législateur devrait donc prévoir un mécanisme qui assure que l'information sera transmise dans les cas où la trajectoire de vie de l'enfant ne lui permettra pas d'être informé dans les meilleures conditions qui soient, par exemple, en cas de décès des parents, si l'enfant est confié à la protection de la jeunesse, quelque chose comme ça. De plus, je suis d'avis que cette révélation est du devoir du parent ou du tuteur, beaucoup plus qu'un simple choix. Si la manière de l'annoncer peut être laissée à la discrétion du parent, il doit, néanmoins, donner l'information afin de respecter le droit de son enfant à connaître ses origines. En réalité, il n'y a aucun recours qui va être possible pour un enfant à qui les parents n'auraient pas révélé la vérité sur ses origines. Je crois tout de même qu'il est important que la loi soit claire à ce sujet. Ce n'est pas acceptable de garder un pareil secret de son enfant.

En ce qui concerne le matériel génétique provenant d'autres juridictions, selon moi, c'est le problème le plus important. Comme je l'ai mentionné plus haut, la majorité du matériel génétique utilisé en procréation assistée au Québec est importé de juridictions qui n'offrent pas nécessairement de donneur à identité ouverte dès la naissance de l'enfant. Or, à la fin du premier alinéa de l'article 542.15, on mentionne que, dans le cas d'un projet parental impliquant l'utilisation de matériel reproductif provenant de l'extérieur du Québec, les parents d'intention seraient responsables de transmettre l'information qu'ils détiennent au directeur de l'état civil s'ils détiennent une quelconque information. Ce passage permettrait aux cliniques de fertilité et aux agences de continuer d'opérer en utilisant du matériel génétique qui ne respecte pas le droit de connaître ses origines, qui sera inscrit à la charte québécoise dès juin 2024.

On ne peut évidemment pas forcer les parents d'intention à transmettre une information qu'ils ne peuvent pas avoir. On peut en revanche obliger les cliniques de fertilité québécoises à utiliser du matériel génétique qui respecte notre cadre législatif et nos valeurs. Au niveau des cliniques et des agences, on n'en parle pas beaucoup, je trouve, dans le projet de loi, en matière de conception avec la part d'une tierce partie, ce sont elles qui détiennent le plus d'informations sur les conceptions qui ont déjà eu lieu par le passé. L'accès à ces informations nous est toujours refusé, car elle fait partie du dossier médical de nos parents. De plus, beaucoup de ces dossiers sont déjà détruits. Si c'est dans l'intention du législateur, nous donner accès à nos origines, peu importe le moment où on a été conçu, il faudrait obliger les cliniques à conserver et à transmettre l'information qu'elles détiennent déjà au registre qui sera créé,

Au niveau du refus de contact, bien, je suis totalement en faveur de la possibilité pour un donneur ou une donneuse d'émettre un refus de contact avec la descendance qu'il ou elle a engendré. Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, ce que nous souhaitons avoir avant tout, c'est une information et non une relation. Je suis toutefois d'avis qu'on devrait donner l'information complète aux donneurs lorsqu'ils doivent choisir d'émettre ou non un refus de contact. Ils doivent savoir combien de descendants sont nés grâce à leur don. Accepter de rencontrer trois personnes, ce n'est pas la même décision qu'accepter d'en rencontrer 350. La taille de la cohorte issue d'un même donneur devrait également être divulguée aux descendants après l'identification du donneur. C'est l'une des informations les plus importantes que nous souhaiterions avoir pour des raisons évidentes.

En conclusion, j'aimerais exprimer combien l'adoption de ce projet de loi représente beaucoup pour moi, ainsi que pour plusieurs personnes conçues par don de gamètes. Je vous remercie d'avoir pris le temps d'entendre un point de vue qui est peu représenté dans la sphère publique.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment, Mme Letendre. Monsieur le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, monsieur le Président. Bonjour, madame Letendre. Merci beaucoup de participer aux travaux de la commission parlementaire et puis de venir nous donner votre point de vue sur le projet de loi douze. Je voulais vous entendre davantage sur les agences. Vous nous dites, elles sont absentes du projet de loi, et je vous dirais que c'est d'une façon consciente. On ne souhaite pas favoriser le recours aux agences. On vient vraiment mettre un encadrement pour indiquer quelle est la voie légale, quelle est la voie judiciaire au processus de grossesse pour autrui.

Donc, on ne souhaite pas encourager le recours aux agences, mais j'aimerais vous entendre davantage, votre opinion en lien avec les agences...

Mme Letendre (Andréane) : ...Bien, au niveau des agences puis des cliniques, souvent, ça va être des... ce que j'entends ce qui se fait à l'extérieur du Québec, puis ce qui risque d'arriver aussi ici, c'est que ça va être des projets un peu comme clé en main, on va aller... parce que ça... ça devient comme un peu compliqué de respecter toutes les petits détails qu'il y a au niveau de la loi, puis tout ça, puis c'est quand même un projet très important, je pense, pour les familles qui veulent avoir des enfants, donc on risque d'avoir énormément de ces cliniques et de ces agences-là.

Moi, ce que j'ai comme expérience, comme personne conçue par don de gamètes, c'est que je ne suis pas la cliente de ces agences-là. Donc, quand je veux avoir des... des informations, ou quoi que ce soit, je me suis toujours fait répondre avec condescendance au niveau des cliniques de fertilité. Puis ces agences-là ont toujours une logique marchande, c'est un... c'est une business, même si ça crée des familles puis que c'est quelque chose... même si c'est payé par le gouvernement, ça reste que ces agences-là ont comme objectif de faire de l'argent, puis le produit, en quelque sorte, ça se trouve à être nous, c'est les personnes conçues par don de gamètes. Ça fait qu'à quelque part, je pense qu'il faut nous protéger aussi, en tant que descendant de la procréation assistée, de cet appétit, je dirais, mercantile, là, des agences puis des cliniques, parce qu'ils vont toujours trouver une façon de réaliser la procréation assistée de la manière la plus rentable possible et en oubliant un peu, je pense, l'intérêt de l'enfant là-dedans, parce qu'eux autres, leur intérêt, c'est que leurs clients, qui se trouvent à être les parents d'intention, soient satisfaits.

M. Jolin-Barrette : Puis vous dites, dans votre mémoire, que vous avez peur qu'ils deviennent comme des gros lobbies aussi, là, les...

Mme Letendre (Andréane) : Bien oui, parce que c'est un peu ça qui se passe dans les autres juridictions, par exemple aux États-Unis, et tout ça. Ils ont quand même un gros... ils ont quand même assez de pouvoir au niveau de la procréation assistée. Souvent, on ne réussit pas, nous, les personnes conçues par don de gamètes à s'exprimer dans les... dans différentes consultations, ça fait que, tu sais, j'ai l'impression qu'ils attendent juste de pouvoir, comme, se lancer au Québec, là, de manière plus ouverte, là, avec... tu sais, avec comme la légalisation de la gestation pour autrui, il y a quand même des risques que ça devienne quand même un marché particulier, là.

M. Jolin-Barrette : De votre point de vue, là, que... qu'est-ce que vous nous suggérez en lien avec les agences?

Mme Letendre (Andréane) : Bien, c'est que... En fait, le projet de loi est bien construit en soi. Tu sais, de vraiment y aller avec qu'est-ce qu'on voudrait que ce soit. Sauf qu'ils vont toujours trouver la petite faille qui va permettre... Par exemple, comme moi, mon intérêt, c'est que les personnes conçues par don de gamètes aient accès à leurs origines. Et puis comme j'ai mentionné dans mon... dans mon mémoire, il y a une possibilité que... tu sais, en ce moment, il... il n'y a pas de banque de sperme au Québec, là, donc si les gens veulent avoir... veulent impliquer un tiers dans leur projet... dans leur projet parental, ils vont aller à l'extérieur du Québec, aux États-Unis, ou dans d'autres juridictions qui, eux, n'offrent pas des donneurs à identité ouverte dès la naissance, ce qui est comme dans le projet de loi n° 12. Puis à... en fait, c'est au niveau de l'article, je pense, c'est 542.15 qui permet, dans le fond, tu sais, pour... dans le fond, c'est un article, je pense qu'il y a comme qui permet de... de contourner pour les gens qui font la procréation amicalement assistée de donner, dans le fond, l'information qu'ils ont. Puis aussi les parents qui vont aller acheter, mettons, des paillettes à l'extérieur du Québec, bien, ils n'auront pas nécessairement toute cette information-là. En soi, je ne pense pas qu'on puisse empêcher tout, tout, tout ce qui va se faire dans toutes les sphères, mais au niveau de la procréation amicalement assistée, ou bien d'acheter... aller acheter à l'extérieur du Québec. Sauf que ce qui est fait au Québec dans nos cliniques québécoises, il faudrait que ça respecte notre cadre législatif. Puis, avec le... tu sais, c'est à la fin, dans le fond, de... tu sais, c'est quand même un très, très gros paragraphe, là, à la fin, ils disent que, finalement, les parents vont être responsables de transmettre cette information-là s'ils l'ont, mais, tu sais, ils ne l'auront pas, ils vont l'avoir acheté aux États-Unis, puis aux États-Unis, la... ce que la clinique prévoit, c'est que c'est à 18 ans qu'ils peuvent avoir l'identification du donneur. Nous, ce qu'on veut, c'est que ce soit dès la naissance qu'on puisse savoir l'identification du donneur pour plusieurs raisons. Tus sais, 18 ans, c'est très, très tard, là.

• (15 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Mais il y a certaines banques qui sont à informations ouvertes, par contre.

Mme Letendre (Andréane) : Je ne le sais pas si c'est quelque chose qui est possible d'avoir. La plupart du temps, ils vont dire : Le donneur est ouvert, mais à partir de 18 ans. Il y a comme toujours le 18 ans qui est là. Puis, tu sais, le 18 ans, là, quand on pense que le sperme peut être congelé dans l'azote liquide pour une durée indéterminée, quand l'enfant est rendu à 18 ans, il est comme trop tard parce que ça peut faire très longtemps que le don a eu lieu. Puis, en même temps, bien, ça permet... si on découvre, par exemple, des erreurs médicales ou des problèmes...

Mme Letendre (Andréane) : ...bien, si on attend à 18 ans pour se rendre compte qu'il y avait 500 descendants, dans cette cohorte-là, il est trop tard pour radier le médecin. Il a probablement déjà pris sa retraite, tu sais, c'est ça.

M. Jolin-Barrette : Puis, dans le fond, vous disiez : Un des enjeux, c'est qu'il y a peu de banques de sperme, supposons, au Québec, notamment.

Mme Letendre (Andréane) : On n'en a pas. On n'a pas de banque de sperme. Tu sais, on va utiliser...

M. Jolin-Barrette : Mais je pense qu'il y en a deux, seulement.

Mme Letendre (Andréane) : Oui. On va utiliser... Dans le fond, ils vont acheter du sperme qui provient de l'extérieur du pays, puis ils vont le conserver ici, dans... tu sais, dans, mettons... dans des banques ici. Mais il n'y a pas vraiment de donneurs québécois ou, en tout cas, c'est très rare, s'il y en a. Récemment, dans les recherches que j'avais faites, ce n'était pas des banques, là, qui recrutent au Québec puis qui sont actives au Québec, là.

M. Jolin-Barrette : Puis, moi, ce qu'on me dit, c'est qu'il y a 50 donneurs dans deux banques au Québec, ce qui n'est pas beaucoup.

Mme Letendre (Andréane) : O.K., mais, tu sais, c'est très peu par rapport à ce qui est réellement... ce qui est réellement fait, là, comme procréation assistée au Québec, là. La majorité du temps, on se fait... tu sais, quand on va dans une clinique de fertilité, on se fait transmettre les catalogues des grandes banques de sperme qui sont à l'extérieur de la province.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis vous, de ce que je saisis de votre propos, le point le plus important, c'est que les gens qui sont issus de la grossesse pour autrui et de la procréation assistée, c'est qu'ils puissent connaître leurs origines, c'est l'élément le plus fondamental pour vous?

Mme Letendre (Andréane) : Oui, qu'ils puissent connaître leurs origines et qu'ils soient informés de ce fait-là, parce que c'est quelque chose que, tu sais, si on considère qu'il faut que les personnes conçues par don de gamètes aient accès à leurs origines, si c'est dans la Charte québécoise, bien, à ce moment-là, si on n'est pas au courant de ce fait-là, on ne peut pas avoir accès à nos origines. Donc, on ne l'a pas, ce droit-là. C'est important qu'on soit informés de ça.

C'est pour ça que, tu sais... J'expliquais, c'est un peu difficile, tu sais, de forcer les parents à le dire à leur enfant. Par contre, si ça relève du devoir du parent, à un moment donné, il faut que ça rentre dans les mœurs puis que ça devienne naturel qu'il faut avertir... Il faut le dire à son enfant parce qu'il a le droit d'avoir accès à cette information-là.

M. Jolin-Barrette : Puis, oui, ça sera dans la charte. C'est prévu dans les limites prévues par la loi, par le Code civil du Québec. Vous, dans le monde idéal, là, vous souhaiteriez que chaque famille qui a recours, justement, à un don de force génétique le dise à son enfant. Je vous pose la question : Est-ce que vous croyez qu'on devrait forcer les parents à le faire? Parce que c'est...

Mme Letendre (Andréane) : Je ne sais pas comment on pourrait le faire.

M. Jolin-Barrette : C'est délicat, là, tout ça, là, puis, tu sais, chaque histoire familiale est...

Mme Letendre (Andréane) : C'est très délicat, puis c'est des discussions que j'ai eues vraiment avec différentes personnes conçues par don de gamètes. Puis les avis sont comme un peu partagés entre ceux qui ont été informés jeunes et ceux qui ne l'ont pas été. Ceux qui ne l'ont pas été disent, la plupart du temps : Bien, nous, on aimerait ça que ce soit inscrit sur... tu sais, je ne sais pas, inscrit sur le certificat de naissance. Je trouve que c'est une information qui est peut-être très personnelle à mettre sur un certificat de naissance. Quoique c'est quand même un document personnel aussi, tu sais. Tu sais, on se questionnait : Est-ce que on envoie une lettre alors que... quand l'enfant atteint 14 ans pour pour qu'il reçoit cette... qu'il reçoive cette information-là. Je ne sais pas c'est quoi, ça.

M. Jolin-Barrette : Mais ça pourrait être un choc aussi pour l'enfant de juste recevoir : Vous avez 14 ans...

Mme Letendre (Andréane) : Exactement.

M. Jolin-Barrette : Vous recevez une lettre. Ah! finalement, l'ovule puis le sperme...

Mme Letendre (Andréane) : La personne que vous avez cru qui était votre parent biologique ne l'est pas. Si les parents l'ont informé par... auparavant, c'est une lettre qui va arriver, puis ils vont faire, comme : Bien, je le savais déjà, tu sais, il n'y a rien là. S'ils n'ont pas été informés, bien oui, ça peut être un choc. Est-ce que c'est mieux de l'apprendre avec un choc ou c'est mieux de ne pas l'apprendre pantoute? C'est ça aussi qui est une question.   Moi, je pense que c'est mieux de l'apprendre avec un choc que de ne pas le savoir, mais c'est mon opinion personnelle. Je ne le sais pas si elle est partagée partout, mais je pense que c'est... Pour que le droit aux origines existe, il faut que la personne soit informée de ça. De dire : Il appartient aux parents, bien, moi, je dirais plus : Il est du devoir du parent de la... tu sais, parce qu'en soit, tu sais, si on veut faire un recours par après, contre nos parents, parce qu'ils ne l'ont pas dit. Bien, tu sais, c'est un peu impossible.

Je veux dire, tu n'auras pas la capacité avant l'âge de 18 ans, puis, à ce moment-là, tu sais, il va être comme trop tard pour être capable de poursuivre tes parents. On n'enverra pas la DPJ chez les familles qui ne l'annoncent pas. Tu sais, à quelque part, il y a comme pas vraiment de pogne quelque part, à part juste de dire que c'est moralement quelque chose qui...

Mme Letendre (Andréane) : ...doit être fait.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, je vous remercie, Mme Letendre. Je vais céder la parole à mes collègues. Bien, je vous remercie pour votre témoignage, parce que ça illustre très bien, je pense, ce que les gens, dans votre situation, ont vécu comme mélange d'émotions aussi, puis comme désir aussi de connaître leurs origines. Donc, je pense que vous éclairez la commission. C'est vraiment un témoignage apprécié. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Donc, il reste cinq minutes 18 secondes, Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.

Mme Bourassa : Bonjour. Merci beaucoup. Merci beaucoup. Merci pour votre témoignage. J'aimerais aborder la question des donneurs et des banques, effectivement, qui sont majoritairement à l'étranger. Est- ce que vous croyez que, si on force un donneur à devoir éventuellement fournir des informations sur lui, ça ne diminue la possibilité de donneur? Parce que, pour l'instant, au Québec, il y a une pénurie de donneurs blonds aux yeux bleus. Il semble que ce soit populaire. Est-ce que vous croyez effectivement que ça pourrait avoir un impact là-dessus?

Mme Letendre (Andréane) : Ce qui a été fait dans les juridictions, qui ont levé l'anonymat... On parle de l'Angleterre, la Suède, l'Australie aussi, certaines régions de l'Australie. Je pense même maintenant, c'est dans toute l'Australie. Mais il n'y a pas eu de baisse de donneurs. Il n'y a pas eu moins de donneurs qui ont fait des dons. Il y a eu peut-être un changement au niveau des profils de donneurs. Donc on prend... on pense qu'on a plus de donneurs qui le font pour des raisons qui sont plus louables, des gens qui ont vraiment l'intention de contribuer au projet parental d'autrui, que des gens qui le font un peu comme, soit pour... Bien, dans d'autres juridictions, on s'entend que les donneurs peuvent être rémunérés, ce qui n'est pas le cas au Canada. Je ne pense pas que le fait de savoir qu'on peut... que nos informations puissent être transmises... d'autant plus qu'il y a la possibilité d'un refus de contact qui existe, je ne pense pas que ça va faire baisser le nombre de donneurs. Je pense que, ce qui joue plus là-dessus, c'est au niveau de la rémunération des donneurs, puis, à ce moment-là, là on entre dans la juridiction au niveau du fédéral, puis c'est interdit de toute façon au Canada, mais le fait de lever l'anonymat, ça ne va pas faire ça.

Et la deuxième affaire que j'ai à dire là-dessus, c'est qu'on ne peut pas gérer cette question-là comme si c'était une question d'offre et de demande. On ne peut pas se mettre à faire de la procréation assistée, justement, dans une logique marchande en disant : On a besoin... On a une pénurie. Il y a un manque de donneurs, ça fait qu'on va comme élastifier notre morale pour être capable d'en avoir plus. Je pense que, si on fait de la procréation assistée, il faut le faire en respectant nos valeurs puis en faisant en sorte qu'on respecte l'intérêt de l'enfant avant tout.

Mme Bourassa : J'ai une question délicate. Vous répondez seulement si vous voulez. Est-ce que vous avez des frères et des sœurs?

Mme Letendre (Andréane) : J'ai un frère.

Mme Bourassa : Qu'est-ce que vous pensez du fait qu'un parent... des parents qui ont eu des enfants de manière naturelle et qui désirent un autre enfant, et que ça ne fonctionne pas, et que cet enfant-là décide... les parents décident d'avoir recours effectivement à des dons, soit de gamètes, soit d'ovules. Révéler la naissance d'un enfant fait différemment que la manière que son frère a été fait, vous ne croyez pas que ça pourrait mettre une dynamique dans la famille ou peut-être que l'enfant issu d'un donneur se sentirait moins légitime, moins aimé, peut-être mis de côté? Qu'est-ce que vous faites avec ces situations-là?

Mme Letendre (Andréane) : Ce qui est problématique, je pense, c'est quand il y a un secret. Tu sais, il y a toujours une possibilité... Moi, je l'ai toujours ressenti avant de le savoir qu'il y avait quelque chose qui clochait chez nous. Je n'étais pas capable de dire : Bien, j'ai-tu adopté. Ah non! J'ai des photos de ma mère enceinte, tu sais. Mais, tu sais, on le ressent. Puis, quand il y a un secret ou un tabou, c'est malsain dans une famille. Ça fait que je pense que, quand les parents prennent la décision d'utiliser la procréation assistée pour avoir un enfant, bien, ça fait partie des choses qu'ils doivent considérer avant de le faire. Puis, tu sais, étant donné que... puis en sachant qu'ils sont obligés... qu'ils devraient le dire à l'enfant, bien, tu sais, si tu n'es pas capable de dealer avec ce que ça risque de provoquer, peut-être qu'il y a un problème un peu plus important, ce n'est peut être pas une bonne idée de le faire, tu sais. Moi, je suis bien contente d'être vivante, là, aujourd'hui. C'est ça, je dis, tu sais. Je ne suis comme pas en train de dire que je n'ai pas demandé à venir au monde, mais c'est un peu ça, mais je suis bien heureuse d'être là, là.

• (15 h 30) •

Mme Bourassa : Parfait. Et dernière question très rapide. Concernant l'information... Tu sais, je vous confirme que présentement, quand les gens, les familles fréquentent les cliniques, il n'y a pas de «tutorial» ou de manuel sur comment éventuellement annoncer que son enfant a été conçu d'une manière unique. J'aime mieux le mot unique que spécial. Où est-ce que cette information là, selon vous, devrait arriver? Est-ce que c'est lorsque... dans les cliniques, par exemple, comme Procréa, Fertilys, où ils donnent des services? Est-ce que c'est sur internet en amont? Est-ce que c'est lors de la convention avec le notaire? Quand est-ce que cette information-là devrait arriver pour aider? Et est-ce qu'on a besoin...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Bourassa : ...pour soutenir les parents dans cette annonce-là éventuelle.

Le Président (M. Bachand) :Rapidement, parce que le temps passe vite, s'il vous plaît. Merci.

Mme Letendre (Andréane) : Je n'ai pas... je n'ai pas d'endroit particulier où est-ce que ça, ça devrait être fait. Par contre, je pense que c'est un peu partout dans le processus, il faut que ce soit répété. Comme on dit, il faut le dire aux enfants tôt et souvent, bien, il va falloir le dire aux parents tôt et souvent aussi.

Mme Bourassa : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, merci, M. le Président. Bonjour, Madame Letendre. Merci pour votre témoignage. En fait, votre témoignage est très important parce que c'est un projet de loi qui soulève, effectivement, différentes... différentes questions, alors... alors j'apprécie. Je comprends que, pour vous, l'idée, c'est que c'est superimportant pour l'enfant de connaître, de savoir qu'il est, par exemple, issu de la procréation assistée. Maintenant, vous avez eu déjà des questions là-dessus. Ce n'est pas toujours facile pour les familles d'en parler.

Donc, est-ce que vous pensez que ce serait important d'avoir un soutien, par exemple, psychologique à l'enfant? Parce que je comprends que l'enfant veut le savoir ou, en fait, vous, vous vouliez le savoir, mais il y a peut-être un impact après. Donc, pensez-vous que c'est quelque chose qui pourrait être utile pour l'enfant, au moins de lui offrir ce service-là?

Mme Letendre (Andréane) : Oui, oui, absolument. Tu sais, moi, les contacts que j'ai avec des personnes conçues par don de gamètes, c'est souvent des gens qui traversent une espèce de crise, puis on se rend compte qu'on a tous passé par là. Puis je ne sais pas comment c'est aujourd'hui, l'offre à ce niveau-là, mais ça prend quand même des intervenants qui sont formés à la situation particulière des personnes conçues par don de gamètes. Alors, je vois maintenant, ça va mieux. Je ne vous voyais pas dans l'écran.

Donc, oui, c'est ça. Donc, c'est ça, c'est d'avoir des personnes qui sont spécialisées là-dedans, parce qu'il y a beaucoup de faux pas, je dirais, ou d'erreurs que des intervenants peuvent commettre en nous disant : Bien, arrête d'y penser. Tu as été tellement désirée, tu sais, tu devrais être reconnaissante envers tes parents. Tu sais ça, je les ai entendus en boucle, tu sais, vraiment. Tes parents ont tellement travaillé fort pour t'avoir, tu sais. C'est sûr, tu sais, c'est sûr qu'il y a... Ça fait qu'à quelque part, tu sais, il faut qu'on soit entendus. Je pense que, souvent, ce qu'on a besoin... on a besoin d'en parler à quelqu'un, puis on a besoin d'en parler à quelqu'un pour qui c'est correct qu'on n'ait peut-être pas les émotions que nos parents souhaitaient qu'on ait par rapport à ça.

Ça fait que ça prend, oui, des... peut-être des intervenants, que ce soit des psychologues, ou peu importe, qui sont formés à ce niveau-là. Parce que la plupart des gens que je connais, en tout cas, ceux qui m'ont contactée, j'en ai beaucoup qui ont eu des problèmes assez importants tout au long de leur vie, en fonction de différents... de différents événements dans des décès, les séparations des parents, ça revient souvent. Puis c'est comme un complexe qui reste comme ancré un peu en nous parce que c'est quelque chose qui reste toujours un peu fragile.

M. Morin : Oui, je vous comprends. Évidemment, on peut toujours suggérer des modifications au gouvernement dans le cadre de nos travaux. Je vous entends puis je perçois que, pour vous, c'était vraiment un besoin important de le savoir. Maintenant, pour nous aider dans notre travail, puis on en a un peu parlé un peu plutôt, mais ça serait quand, la meilleure façon, puis comment? Parce que je comprends, vous nous avez dit que, dans le cadre d'un, par exemple, d'une situation conflictuelle, ce n'est sûrement pas l'idéal, là, par exemple, des parents qui séparent. Puis, en plus, en passant, bien, bingo, vous avez été conçu...

Mme Letendre (Andréane) : Ça peut être une arme. C'est ça. 

M. Morin : ...ça fait que là... Bon. Mais comment on ferait... Puis, à ce moment-là, l'obligation, on l'impose au gouvernement ou sur les parents, au directeur de l'état civil qui est le gouvernement? Est-ce que vous avez des idées là-dessus pour nous aider dans notre travail de législateur?

Mme Letendre (Andréane) : Bien, je pense que ça doit d'abord et avant tout... Tu sais, comme je disais, il n'y a pas vraiment possibilité d'avoir un recours d'une manière ou d'une autre si on n'est pas informé. C'est bien malaisant de poursuivre ses parents à cause de ça, là, tu sais, ça ne marche pas, là, tu sais. Donc, tu sais, c'est sûr que l'information soit disponible au niveau du registre, si l'enfant se pose des questions, bien, il peut avoir accès au niveau du registre pour voir qu'est-ce qu'il en est.

Ensuite, au niveau de l'information des parents avant, quand ils sont au moment de... au niveau du projet parental, mais aussi en postnatal. Les parents qui ont un enfant, dans les premières années de vie de l'enfant, il faudrait qu'il y ait quelque chose qui puisse les appuyer, qui puisse, au niveau, je ne sais pas, peut-être du suivi, tu sais, se faire...

Mme Letendre (Andréane) : ...accompagné pour que ce soit quelque chose de normal de dire à son enfant. C'est quelque chose qui doit être normal, qui doit pouvoir sortir devant... à l'école, devant la famille, devant les amis. Il faut que ce soit quelque chose de connu et qu'on soit comme que ce ne soit pas quelque chose qui soit honteux parce que, quand c'est caché, bien, nous, on le ressent comme si c'était une honte. Puis, tu sais, c'est notre conception, là, qu'on parle, ça fait que c'est un peu «touchy» de ce côté-là.

C'est sûr que si, au niveau de la loi, ça fait partie du devoir et que ça n'est pas seulement laissé à la discrétion des parents, même s'il n'y a pas de recours, je pense que c'est au niveau de la d'inciter quelque chose que ça devienne au niveau de la morale de la société, là. Je ne sais pas trop comment formuler ça, que ce soit quelque chose qui doive être fait, que ce ne soit pas quelque chose qui soit laissé au choix du parent. Souvent, tu sais, les gens... Je ne sais pas si quelqu'un se présente pour faire un projet parental dans le système de santé aujourd'hui, s'il dit : Moi, j'ai l'intention que ça paraisse le moins possible, je n'ai pas l'intention d'avertir mon enfant. Je ne sais pas si cette personne-là ne devrait pas avoir minimalement, tu sais, quelqu'un qui lui dit : Bien là, peut-être que votre projet parental, vous devriez y repenser à deux fois, là, tu sais.

M. Morin :Oui, je comprends. Donc, est-ce que c'est quelque chose qu'on pourrait mettre, par exemple, dans la convention de grossesse, donc le contrat que les parents ont avec la femme porteuse, de dire : Bien, à un moment donné, vous allez devoir le dire après la naissance de l'enfant, quand il va être en mesure de comprendre évidemment? Est-ce que ça pourrait être une option?

Mme Letendre (Andréane) : Ça pourrait être une option au niveau de la convention de grossesse, mais il faut penser aussi au don de sperme parce que ça se fait énormément aussi, ça fait que... puis là, le don de sperme, là, ce n'est pas très encadré, là, par rapport... versus la convention de grossesse pour autrui puis, à ce niveau-là, ça peut être beaucoup plus caché qu'une convention de grossesse pour autrui. Tu sais, si... C'est certain que dans le cas d'un couple homosexuel qui a des enfants à quelque part, il n'y aura pas le choix de l'annoncer parce qu'il y a comme des évidences un jour qu'il va être obligé de dire à son enfant. Par contre, dans le cas des parents hétérosexuels, avec le tabou de l'infertilité, c'est très, très difficile pour les parents de l'annoncer à leur enfant, puis ça, ça prend dans l'offre de services au niveau de l'infertilité. Je pense qu'il doit y avoir quelque chose.

M. Morin :Parfait. Bien, je vous remercie beaucoup. Je ne sais pas si ma collègue de Robert-Baldwin a une question. Non. Ça va.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme Letendre, pour votre présentation. Dans votre mémoire, vers la fin, vous dites : «Après l'identification du donneur, la taille de la cohorte est une des informations les plus importantes que nous souhaitons avoir», puis là, vous dites «pour des raisons évidentes», là. Mais éclairez-moi un peu. Quelles sont ces raisons évidentes?

Mme Letendre (Andréane) : Oui. Bien, on se demande toujours :Est-ce que j'ai 500 frères et soeurs qui se baladent dans la nature, moi? C'est quelque chose qu'on ne sait pas. Puis on s'en rend compte quand... tu sais, c'est parce qu'on pense, bien, autrefois, les familles avaient des très grands... un très grand nombre d'enfants, mais ces enfants-là se connaissaient entre eux. Donc, on se retrouve avec... Tu sais, si j'ai 500 frères et soeurs qui se baladent dans la nature, les risques d'inceste accidentels sont là. Les risques de rencontre que mes enfants rencontrent un cousin au premier degré qui s'ignore totalement sont là, tu sais. Puis en même temps, bien, c'est vraiment... Tu sais, la plupart du temps, on veut savoir, un, c'est qui qui a contribué à ma naissance. Deux, combien j'ai de demi-frères et de demi-soeurs qui se baladent dans la nature? C'est très difficile de savoir ça. Je comprends que, tu sais d'agir d'un point de vue légal là-dessus, c'est... d'autant plus que la plupart des donneurs sont de l'extérieur du pays, bien, tu sais... puis qu'il n'y a pas de norme qui existe aux niveaux national puis international. Des donneurs en série, il y en a toujours eu puis il y en aura toujours. Ça fait que si minimalement on est capable de savoir la taille de la cohorte, tu sais, c'est déjà quelque chose. Je pense qu'entre nous, des fois, on aimerait ça se connaître aussi entre demi-frères, demi-sœurs. Mais... mais pour l'instant, juste le fait d'annoncer combien d'enfants...Tu sais, s'il y a un donneur québécois hypothétiquement a... sait qu'il y a une descendance qui veut le contacter, bien, il doit savoir s'il impose un refus de contact ou non, est-ce que j'impose un refus de contact à trois personnes ou à 350 personnes. C'est sûr que s'il y en a 350, ça ne lui tentera peut-être pas de rencontrer tous, là, et ça en fait pas mal.

• (15 h 40) •

M. Cliche-Rivard : Puis je sais que vous dites qu'il faut absolument savoir. J'aimerais ça quel, pour vous... tu sais, détaillez-moi, vraiment, pour vous, le plus grand préjudice de ne pas le savoir, c'est quoi? En quoi ça affecte? Des fois, on dit qu'est ce qu'on ne sait pas, ne nous fait pas mal nécessairement. Je pense que vous, vous dites absolument le contraire. Ça fait que c'est quoi le gros, le gros dilemme ou le gros problème que vous voyez de ne pas savoir?

Mme Letendre (Andréane) : La première chose, c'est que c'est au niveau médical. Je pense que c'est la chose qui parle au plus, au plus grand nombre. Au niveau médical, moi, je connais... 

Mme Letendre (Andréane) : ...ce n'est pas la... Même si, tu sais, on dit que les donneurs ont été testés, puis tout ça, puis qu'on leur a posé un questionnaire exhaustif, moi, quand j'ai été conçue, il n'y avait aucun test qui existait pour le VIH sida. Fait que tu sais, comme il n'a pas été testé, mon donneur, pour ça. C'est déjà une chose que... Tu sais, éventuellement, la science évolue. Puis un dossier médical, là, c'est quelque chose qui évolue en continu. Ton historique médical n'est pas le même quand tu as 20 ans que quand tu as 45 ans puis que quand tu en as 65. Ça fait que, tu sais, de savoir si éventuellement une maladie se développe, puis de savoir qu'il faudrait que je passe des tests régulièrement pour ce genre de maladie là, je trouve que c'est important.

Il y a aussi au niveau de... Bien, pour savoir, tu sais, ce qui est l'inceste accidentel, de savoir à qui je suis relié. Est-ce que quand, moi, je me suis mariée, est ce que je me mariais avec quelqu'un qui était parent avec moi, puis je ne le savais pas? Je n'en ai aucune idée. Puis au-delà de tout ça, il y a le fait de savoir qu'on est des êtres humains, puis qu'on est plus que juste le produit d'une industrie, puis que notre bien-être est plus important que des considérations financières ou mercantiles au niveau de l'industrie de la fertilité, tu sais.

De pouvoir se rattacher à quelque chose de profondément humain, de savoir d'où on vient, de s'inscrire dans une lignée, dans une génération, au niveau biologique, c'est quelque chose qui... ça vient nous chercher dans les tripes. C'est difficile de l'expliquer de manière rationnelle, mais c'est quelque chose qui est vraiment important pour nous autres.

M. Cliche-Rivard : Donc, c'est vraiment indissociable pour vous, un, de le savoir, mais de savoir c'est qui, en même temps, là. Pour vous d'avoir juste l'obligation de divulgation sans savoir qui est la personne en question, ça ne vous amènera pas grand-chose. Donc, vous dites, vraiment, les deux doivent être indissociables sinon ça ne sert à rien.

Mme Letendre (Andréane) : Ça va le faire.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup.

Mme Letendre (Andréane) : Oui, c'est ça. Ça prend les deux.

Le Président (M. Bachand) :Sur ce, Mme Letendre, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Ça a été plus qu'intéressant. Alors, sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci. À bientôt...

(Suspension de la séance à 15 h 43)

 (Reprise à 15 h 48)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir madame Mona Greenbaum de la Coalition des familles LGT... LGBT+, je ne sais pas s'il y a un chiffre à la fin, là, je ne veux pas être... je ne veux pas être en portfolio avec vous, là, mais merci beaucoup d'être avec nous après-midi.

Alors, comme vous le savez, vous avez 10 minutes de présentation, puis après ça on aura un échange avec les membres. La parole est à vous.

Mme Greenbaum (Mona) : Merci beaucoup. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires. Merci de votre invitation à venir présenter notre mémoire. Je m'appelle Mona Greenbaum. Je suis la directrice générale de la Coalition des familles LGBT+, qui est un organisme qui représente les futurs parents ainsi que les parents lesbiennes, gays, bisexuels, trans et leurs enfants depuis maintenant 25 ans. La coalition félicite le gouvernement d'avoir déposé un deuxième projet de loi sur la réforme de droit familial. Les lois en place ne s'appliquent que difficilement à certaines nouvelles réalités familiales. Légiférer afin de baliser les constellations familiales actuelles et ainsi mieux protéger les familles et surtout les enfants est tout à fait approprié.

Nous sommes d'accord avec la majorité des articles proposés sur la grossesse pour autrui ainsi que sur l'accès aux origines dans le projet de loi 12. Comme expliqué dans notre mémoire et à l'occasion de consultations pour le projet de loi deux, nous n'avons que quelques demandes de modifications concernant la grossesse pour autrui. Nous souhaiterions que les personnes porteuses soient dans l'obligation d'avoir déjà vécu une grossesse avant d'en vivre une pour autrui. Nous pensons aussi que la filiation des parents d'intention devrait être accordée dès la naissance de l'enfant, comme c'est le cas en Colombie-Britannique. Cela diminuerait le stress des parents et de la personne porteuse et servirait l'intérêt de toutes les parties impliquées, dont les enfants. Nos arguments se trouvent dans notre mémoire.

• (15 h 50) •

Aujourd'hui, nous souhaitons vous parler de notre grande déception de constater que la plurifiliation est absente de cette réforme, laissant dans l'oubli les familles pluriparentales, malgré qu'elles existent déjà au Québec. Plusieurs mythes et arguments ont été soulevés pour justifier cette lacune, examinons-les ensemble. Dans le mémoire déposé par Schirm et Tremblay Avocats pour le projet de loi deux, il est affirmé que la pluriparenté ne devrait pas être reconnue puisqu'elle poserait trop de problèmes en cas de conflit, plus particulièrement en cas de rupture. La complexité du sujet ne devrait pas être une raison jugée valable pour ignorer la pluriparenté. Il s'agit de donner à des enfants la reconnaissance légale de leur famille existante. Si nous jugeons des conflits possibles, c'est exactement ce qui devrait nous motiver à protéger les enfants des répercussions néfastes qu'ils pourraient subir. Ces familles existent et vont continuer d'exister avec ou sans encadrement légal.

Fait intéressant, le 18 mars dernier, la Colombie-Britannique a fêté le 10ᵉ anniversaire de son Family Law Act, qui reconnaît et encadre les familles pluriparentales à l'extérieur du paradigme conjugal. Depuis 2013, cette loi a inspiré l'Ontario et la Saskatchewan à inclure les familles pluriparentales dans leurs législations...

Mme Greenbaum (Mona) :  ...en 10 ans, aucune décision n'a été répertoriée où il était question d'un conflit entre les parents... entre les parents au sujet du temps parental ou des responsabilités parentales. Aucun cas de jurisprudence n'expose un litige acrimonieux mettant en péril le meilleur intérêt l'enfant.

Cependant, si un problème surgissait pour ces familles, les tribunaux sauraient le régler. De plus, malgré la possibilité que les parents en couple vivent des divorces extrêmement acrimonieux, personne ne suggère que les familles biparentales ne devraient plus être encadrées juridiquement. Au contraire, un cadre juridique est en place pour les soutenir et des lois existent pour gérer les conflits et protéger les plus vulnérables.

Pour en revenir aux familles pluriparentales, une de leurs caractéristiques principales, c'est le degré de planification, de négociation et de communication des attentes entre les parents d'intention. Le partage des rôles, le partage des temps de garde, les méthodes éducatives, etc. sont réfléchis d'emblée. C'est normal puisque la prémisse du projet parental exige qu'il y ait une organisation familiale en dehors du modèle de la famille nucléaire traditionnelle. Souvent, des accords sont même prévus en cas de séparation ou de déménagement, afin d'assurer la pérennité de la famille. Nous sommes loin des cas de divorce que les médiations ne... apaiser et qui doivent passer par les tribunaux.

Un deuxième argument qui a été avancé est que reconnaître les familles pluriparentales serait dans l'intérêt des parents, mais pas dans celui de l'enfant. Comment serait-ce possible? Le modèle familial pluriparental est composé de parents et d'enfants. Nécessairement, le bien-être des eux dépend du bien-être des autres, et vice versa. Prenons comme hypothèse que les deux parents légaux d'un enfant déménagent à l'étranger sans prévenir l'autre parent qui n'a aucun droit quant à cet enfant aux yeux de la loi. Est-ce que c'est vraiment dans l'intérêt de l'enfant de perdre le soutien moral, physique et économique d'un de ses parents? Nous croyons qu'il est absolument dans l'intérêt de tout... de l'intérêt de l'enfant que tous ses parents soient reconnus. C'est exactement pour cela qu'un encadrement légal est essentiel.

Un troisième argument qui a été mis de l'avant est que la société a fait le choix de reconnaître uniquement les familles biparentales. Commençons par dire que les droits humains et les droits de l'enfant ne devraient jamais être une question de choix populaire. Ensuite, pour le public, ce qu'est une famille pluriparentale n'est pas clair. Il faut éduquer la population avant de dire qu'elle a fait un choix. Lorsque les familles pluriparentales seront connues, les Québécoises et les Québécois seront plus à l'aise avec celles-ci. Ce fut le cas pour les familles homoparentales. En 2002, quand les familles homoparentales ont été légalement reconnues, seulement 10 % de la population était à l'aise avec l'idée qu'un enfant soit élevé par deux femmes ou deux hommes. En 2014, déjà, ce chiffre était monté à 85 %. Attendre que la majorité fasse un choix en faveur des minorités n'est pas possible parce que les inégalités subies par les minorités demeurent dans les angles morts de la majorité. En tant que société démocratique, nous nous attendons à ce que notre gouvernement tienne compte de chacun des individus qui composent notre société. Ce serait une erreur de penser que le droit et le Code civil ne doivent répondre qu'aux intérêts de la majorité. D'ailleurs, ne serait-ce pas incohérent avec l'énergie investie pour inclure des règles sur la grossesse pour autrui, une autre configuration familiale minoritaire?

Un dernier argument mis l'avant pour exclure les familles pluriparentales du présent projet de loi est qu'aucune recherche ne démontre qu'il est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir plus que deux parents. On attend toujours que le ministre nous trouve une étude qui dit que ce type de famille est préjudiciable aux intérêts des enfants. Mais, même si c'était le cas, serait-ce une raison pour les abandonner?

La question n'est pas de savoir si nous devons ou non permettre à ces familles d'exister. Elles existent. La question est de savoir si les enfants de ces familles doivent ou non bénéficier, comme les autres enfants, de la protection qu'apporterait la reconnaissance légale de tous leurs parents. Actuellement, au Québec, un enfant dans une famille pluriparentale risque de perdre contact avec un de ses parents en cas de litige.

Imaginons le cas d'un couple de femmes lesbiennes qui fondent une famille avec leur meilleur ami. L'enfant est élevé par ses deux mères et son père, mais seules les mères possèdent la filiation légale. Si elles le souhaitent, les mères peuvent décider de couper les liens entre le père et l'enfant. Le père aura très peu de recours et soit impliqué...

Mme Greenbaum (Mona) : ...et de... qu'il soit impliqué depuis trois mois ou 13 ans auprès de son enfant. Est-ce que, dans l'intérêt de l'enfant, qu'il soit possible de couper les ponts entre lui et un de ses parents, c'est exactement pour cela qu'un encadrement légal est essentiel?

Ayant vécu les changements sociaux apportés par la reconnaissance de l'homoparentalité, nous soulignons la portée symbolique et sociale d'avoir un modèle familial reconnu légalement. Le bien-être des familles homoparentales s'est considérablement amélioré en 20 ans. Il est essentiel pour les enfants de sentir que leur famille est acceptée et respectée, car leur identité et leur estime de soi sont étroitement liées à leurs parents. En nommant la pluriparentalité, en donnant des mots et des concepts juridiques à une réalité familiale, nous pourrions donner aux gens des outils leur permettant de s'identifier et de se faire respecter, comme ce fut le cas pour les familles homoparentales.

Les lois doivent refléter et encadrer ce qui existe et non prescrire ce qui devrait exister en matière de filiation. Si l'enfant est réellement au centre des préoccupations québécoises, le Québec doit encadrer les familles qui existent et non seulement les familles traditionnelles. En 2002, le Québec était un leader lorsqu'il est devenu l'une des premières juridictions au monde à reconnaître les familles homoparentales. Il doit retrouver ce courage et reconnaître les familles pluriparentales. Merci de votre écoute.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Mme Greenbaum, bonjour. Merci d'être présente en commission parlementaire pour le projet de loi no 12. On s'est vu sur le projet de loi no 2, notamment. Écoutez, quelques questions. Débutons par... pour la grossesse pour autrui. Vous dites : Nous, on souhaite qu'il y ait une expérience préalable de grossesse. Pourquoi?

Mme Greenbaum (Mona) : Oui. Mais ayant vécu deux grossesses, je pense que c'est... L'expérience de grossesse, c'est quelque chose qu'on ne peut pas comprendre si on ne l'avait pas déjà vécu. Donc, pour nous, c'est important que... Si on veut que la gestatrice prenne une décision qui est vraiment éclairée, qu'elle a cette expérience pour être capable de vraiment décider, comme, consciemment qu'est ce qu'elle fait?

M. Jolin-Barrette : Puis il y a un groupe avant vous qui nous a dit la même chose également. Puis je leur ai posé la question suivante que je vais vous poser à vous aussi.

Mme Greenbaum (Mona) : O.K.

M. Jolin-Barrette : L'État viendrait dire à une femme : Vous ne pouvez pas exercer certaines activités reproductives. Alors, nous, on viendrait dire aux femmes : Vous n'avez pas l'entière autonomie sur votre corps. Je comprends que c'est motivé par des questions d'intérêt d'avoir vécu une expérience... Mais supposons que c'est un choix, là. Une femme, supposons, qui ne veut pas avoir d'enfant mais qui, elle, veut le faire à titre altruiste pour sa sœur ou pour toute autre personne. Alors, nous, on lui interdirait?

Mme Greenbaum (Mona) : Oui. Mais, en fait, on n'interdit pas qu'elle fait un enfant pour elle-même, mais on met certaines balises pour la protéger, comme... comme, dans le projet de loi, vous avez mis que la femme doit avoir 21 ans. Donc, j'imagine que l'idée derrière ça, c'est qu'elle a une certaine maturité pour être capable de prendre la décision. Donc, je trouve que c'est un peu dans la même lignée.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais je retiens votre suggestion. Sur la question de la filiation dès la naissance. Donc, dans le fond, nous, ce qu'on a prévu, c'est que la mère porteuse peut à tout moment décider de conserver l'enfant ou d'interrompre le projet parental. Suite à l'accouchement, elle ne peut pas donner son consentement à... au fait de... Bien, enfin, l'enfant peut être remis dès la naissance, mais la tutelle légale... pas la tutelle, pardon, le lien de filiation doit s'opérer simplement sept jours après l'accouchement. Vous, vous dites : Ça devrait se faire dès que l'enfant voit le jour, dès sa naissance.

• (16 heures) •

Mme Greenbaum (Mona) : Oui. Mais en toujours donnant un 30 jours pour que la gestatrice conteste. Donc, ça, c'est... Je pense que ça donne une opportunité. C'est juste que ça enlève le fardeau du dos de la gestatrice et puis aussi toute l'anxiété autour des parents. Donc, c'est ce qu'on fait en Colombie-Britannique, en fait. Donc, l'idée, c'est que dès la naissance, c'est automatique, les parents d'intention, ils ont toujours voulu l'enfant, ils ont eu le projet parental, et puis sont face au plan. Et puis, pendant la grossesse, la personne qui porte l'enfant est toujours sur le même côté. Donc, c'est juste comme à l'accouchement, quand c'est une période tellement importante pour les parents de s'attacher à l'enfant, qu'il n'y aura pas cette mini anxiété autour, dans les...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Greenbaum (Mona) : ...premiers sept jours. Et puis, si la gestratrice veut contester, rien ne l'empêche. Donc, elle peut le faire dans cette période, mais ce n'est pas... le fardeau ne sera pas sur elle de dire qu'elle donne le consentement parce qu'elle l'a déjà fait contractuellement.

M. Jolin-Barrette : Il y a des accouchements qui se passent bien, mais d'autres qui sont plus difficiles. Comment, à ce moment-là, si on ne laisse pas de période tampon, on peut s'assurer que le consentement est vraiment éclairé?

Mme Greenbaum (Mona) : Mais je pense qu'elle a toute cette grossesse, elle n'a jamais eu de projet parental, donc encore là, même si la grossesse a été difficile, je ne vois pas ce qui l'empêcherait comme dans les premiers jours de 30 jours, à dire : Je veux contester. Et en même temps, si on pense que cette grossesse... cet accouchement a été difficile, donc ça va encore plus augmenter l'anxiété des parents. Est-ce qu'elle va être capable de consentir parce qu'elle est malade, supposons, après l'accouchement? Donc, c'est sûr que c'est comme... Ce n'est pas qu'on enlève les droits, on juste... on transfère l'automatisme. Donc, tout de suite quand l'enfant est né, les parents d'intention, qui un des deux et souvent aussi un parent biologique, peut comme avoir cette filiation tout de suite, mais rien n'empêche... Là, je sais ce qu'est la réalité, c'est que la recherche au Canada nous dit qu'il n'y a pas eu des contestations par la gestatrice. Donc, c'est un peu.

M. Jolin-Barrette : J'en suis conscient. Il y a peu de cas qui font état que la mère porteuse ne donne pas suite aux proches et au projet parental. Mais je trouve qu'on est dans une situation... On devrait tout de même prévoir le cas, comme on le fait dans le projet de loi, où on laisse une marge de manœuvre à la femme qui vient d'accoucher pour pouvoir donner un consentement libre et éclairé.

Mme Greenbaum (Mona) : Est-ce que ça, c'est quelque chose que les gestatrices ont demandé?

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, on n'a pas entendu de gestatrice ici, en commission parlementaire. Mais il faut prévoir l'encadrement pour maintenant et pour le futur aussi. Donc, au niveau des règles d'ordre public déjà, l'enfant est remis. Les choix relativement, supposons, aux soins de l'enfant sont transférés dès le moment de la naissance.

Mme Greenbaum (Mona) : Donc l'autorité parentale, O.K.

M. Jolin-Barrette : L'autorité parentale. Sauf que ça m'apparaît plus prudent quand même de donner un certain délai. Exemple en Ontario, c'est de cette façon-là qu'ils fonctionnent.

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, oui. Mais en fait, comme peut-être, c'est le plus prudent pour nous, on pense que ça va créer de l'anxiété chez les parents d'intention et même chez la gestatrice. Comme on trouve que comme les premières semaines de la vie de l'enfant sont des... c'est une période très précieuse et ça sera comme une bonne idée de pas comme créer une anxiété qui, dans tous les cas, en tout cas, ce n'est pas comme quelque chose réel qui existe. On ne voit pas de cas des gestatrice qui veulent garder le bébé. Donc, que ça, c'est notre idée. Mais je pense que c'est la meilleure façon de réagir, de se demander si ça, c'est un souhait des gestatrices. Mais ce n'est pas ça. Moi, je n'ai pas fait une consultation rigoureuse non plus, mais les trois ou quatre gestatrices à qui j'ai parlé n'ont pas exprimé ce besoin.

M. Jolin-Barrette : Mais vous ne trouvez pas que si on donnait suite à votre proposition, c'est comme si ça forçait l'équivalent à la mère porteuse de se sentir obligée? Parce que dans le fond, là, elle serait mise devant le fait accompli parce que, dès le moment où à la couche, le bébé, il s'en va. C'est à ça que ça revient là tout de suite.

Mme Greenbaum (Mona) : Mais...

M. Jolin-Barrette : Je comprends pour les parents d'intention que durant... puis avec le cadre légal que nous avons, qu'on est en train de développer, il n'y a pas de certitude pour les parents d'intention. Je comprends que pour les parents d'intention, de leur point de vue, si j'étais leur représentant, c'est ce que je dirais. Je dirais : Bie, écoutez, il y a un projet parental, on attend l'enfant pendant neuf mois, plus les démarches préalables avant ça. O a investi beaucoup d'énergie. Je veux avoir mon enfant. Là, le législateur, ce qu'il est en train de dire : Oui, mais la mère porteuse a toujours priorité. Ça fait que je comprends que ça génère une zone d'anxiété. Ça fait partie du risque d'avoir recours à un projet parental. Mais, d'un autre côté, si on prend le point de vue de la mère porteuse, si on lui dit : Bien dès qu'on accouche, le bébé s'en va. Elle aussi, ça peut lui... même dans son psychologique, durant la grossesse, ça peut l'affecter aussi. On essaie de trouver un...

M. Jolin-Barrette : ...un équilibre.

Mme Greenbaum (Mona) : Bien, je comprends. Et puis peut-être ça, c'est où est l'équilibre. Moi, j'exprime le point de vue des parents d'intention. Puis c'est sûr, avec tout ce que vous mettez en place en termes de consentement éclairé, avec le suivi psychosocial, et tout, comme, je pense que ça ne mettrait pas de la pression sur la gestatrice parce que le projet est déjà clair. Donc, c'est plutôt... comme, elle a toute cette période quand elle prend cette décision pendant la grossesse. Donc là, s'il n'y a aucune expression de regret dans cette période-là, donc, je ne trouve pas que ça va mettre un fardeau sur la gestatrice que le plan est exécuté dès la naissance de l'enfant, mais, comme, c'est un point de vue.

M. Jolin-Barrette : Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous indiquez que vous souhaitez empêcher la grossesse pour autrui à l'international?

Mme Greenbaum (Mona) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Pourquoi?

Mme Greenbaum (Mona) : Bien, c'est parce que nous, on veut que la grossesse pour autrui soit, vraiment une pratique très éthique, et c'est impossible pour nous au Canada de savoir qu'est-ce qui se passe dans les autres pays. Donc, on pense qu'ici, au Canada, ça peut être bien encadré, ce qu'on essaie de faire maintenant ici au Québec, et que ça soit dans l'intérêt de toutes les parties. Ailleurs, on n'a aucune idée. C'est une boîte noire, donc... et puis on a tous entendu des histoires d'horreur dans, comme, des pays comme l'Inde ou d'autres pays. Mais il y a des pays intermédiaires où c'est plus flou. Donc nous, comme organisme, on pense que c'est un risque et puis on veut que toutes les parties soient respectées dans la pratique de GPA.

M. Jolin-Barrette : Dernière sous-question : Faites-vous une différence entre l'international, mais l'international au Canada, donc...

Mme Greenbaum (Mona) : Moi, non.

M. Jolin-Barrette : ...entre l'Ontario puis le Québec?

Mme Greenbaum (Mona) : Non.

M. Jolin-Barrette : Non. O.K.

Mme Greenbaum (Mona) : Je pense qu'on est O.K. au Canada.

M. Jolin-Barrette : C'est pour faire plaisir à mon nouveau collègue de Saint-Henri-Sainte-Anne.

Mme Greenbaum (Mona) : Donc, non...

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous, c'est au Canada, là.

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, c'est ça pour tout le Canada. Je pense que, comme, on a un cadre éthique déjà dans les autres provinces canadiennes, donc c'est correct.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie.

Mme Greenbaum (Mona) : O.K. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre temps. Merci d'être ici. Deux questions. Sur la GPA, vous avez parlé du préGPA pour la personne porteuse, comme quoi vous considérez qu'une grossesse avant un projet de GPA, c'est idéal, à votre avis. Est-ce que... Au-delà de ça, est-ce que, pour vous, à votre avis, il y aurait un maximum de projets de GPA pour une personne porteuse aussi?

Mme Greenbaum (Mona) : Bien, notre suggestion n'est pas qu'il y ait une autre GPA avant, mais qu'il y ait une grossesse.

Mme Haytayan : ...oui, oui, bien compris, oui.

Mme Greenbaum (Mona) : Oui. O.K.. Donc, la question est : Est-ce qu'on suggère qu'il y ait un maximum de projets GPA par gestatrice? Ouf! Moi je pense que c'est... Je ne sais pas. Je n'ai jamais réfléchi à ça, mais j'imagine que c'est plutôt une question individuelle que les cliniques de fertilité peuvent déterminer si ça serait une grossesse à risque après, comme, cinq, six GPA. Comme, ça dépend si ça va bien psychologiquement, il y aura, comme, les rencontres psychosociales aussi. Donc, si ça va bien physiquement et psychologiquement, donc, je ne vois pas de limite, mais c'est cas par cas.

Mme Haytayan : O.K. Merci. Est-ce que j'ai le temps, M. le Président pour une autre question?

Le Président (M. Bachand) :...

Mme Haytayan : À la lumière de votre mémoire, le meilleur intérêt de l'enfant... Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur votre définition du meilleur intérêt de l'enfant en lien avec les droits des parents d'intention et des droits de la personne porteuse?

• (16 h 10) •

Mme Greenbaum (Mona) : Oui. Bien, en fait, comme, pour nous, comme pour vous, comme dans ce projet de loi, c'est l'enfant... l'intérêt de l'enfant qui prime, ça, c'est... qui est le plus important. Et puis, donc, ça veut dire que cet enfant, c'est... tous les soins autour de cet enfant sont pris en compte, que ses parents sont légalement reconnus, que ses parents sont soutenus pour être capables de prendre soin de l'enfant, qu'on répond à tous ces besoins, que ça soit physique, psychologique, financier, émotionnel, etc.

Mme Haytayan : D'accord.

Mme Greenbaum (Mona) : Est-ce que c'est ça que vous cherchez comme question? Je ne suis pas certaine de comprendre.

Mme Haytayan : Oui, oui. Oui.

Mme Greenbaum (Mona) : O.K.

Mme Haytayan : Donc, sans nécessairement mettre l'emphase ni privilégier uniquement les droits des parents d'intention.

Mme Greenbaum (Mona) : Non, c'est... Pour nous, l'enfant est le plus important, mais c'est sûr que.

Mme Greenbaum (Mona) :  ...le bien-être de l'enfant est très lié au bien être des parents. Donc, si les parents ne vont pas bien, ça va affecter l'enfant, donc. Ça, c'est une des raisons qu'on parle de... comme cette période d'une semaine où la filiation n'est pas comme garantie tout de suite, qui peut créer un stress chez les parents d'intention.

Mme Haytayan : Et l'importance aussi des droits de la personne porteuse, évidemment

Mme Greenbaum (Mona) : Oui.

Mme Haytayan : O.K. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonjour, madame Greenbaum, merci pour votre témoignage et puis pour votre mémoire. J'aurais quelques questions pour vous. Dans le projet de loi, actuellement, la femme porteuse peut décider, et M. le ministre y faisait référence tout à l'heure, entre sept jours et 30 jours, d'évidemment garder ou remettre l'enfant. Vous suggérez plutôt de le remettre immédiatement aux parents, mais de laisser une période de 30 jours. Puis vous dites : Ça pourrait être une période où la personne, la femme porteuse pourrait contester, finalement.

Vous ne trouvez pas que ça peut générer quand même pas mal de stress chez les parents qui ont conçu le projet? Parce que, même s'ils ont l'enfant dès la naissance, ils vont quand même regarder, là, leur calendrier pendant 30 jours pour savoir si la femme porteuse va intenter une poursuite pour conserver la filiation ou pas. Donc, trouvez-vous que le délai de 30 jours, c'est trop long, est-ce qu'on devrait le raccourcir? Parce qu'au départ, si c'est prévu dans la convention, il me semble que ça devrait être clair entre les parties.

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, mais, en fait, à ma compréhension, si on met les 30 jours ou non dans la loi, comme, rien n'empêche cette personne porteuse à aller devant les tribunaux, même après un an. Donc, je sais que c'est plutôt symbolique. Et puis, pour nous, ce qui est important, c'est que les droits des parents, la filiation est établie tout de suite.

M. Morin : O.K. Parfait. Quand on regarde le projet de loi comme tel, notamment à l'article 541.11, le législateur veut que les conjoints qui forment le projet parental rencontrent un professionnel pour l'informer sur les implications psychosociales. Et, au fond, c'est le ministre qui va décider quel professionnel va être éventuellement désigné pour être capable de rencontrer les conjoints qui ont formé le projet. Est-ce que vous trouvez que c'est trop large? Est-ce que ça devrait être plus précis? Est-ce qu'on devrait en dire plus? Est-ce qu'on devrait identifier des ordres professionnels particuliers qui sont spécialisés là-dedans, ou si on laisse l'article 541.11 comme il est présentement?

Mme Greenbaum (Mona) : Mais j'imagine que... Moi, je n'ai pas une opinion très précise sur ça, honnêtement, sur quel type de professionnels. Et puis j'imagine que ça va être quelque chose qui va être bien réfléchi au ministère de la santé et services sociaux. Donc, personnellement, je suis à l'aise avec ça.

M. Morin : Vous avez... Vous nous avez dit clairement que, pour vous et votre organisme, l'intérêt de l'enfant était ce qui primait. Moi, je voulais... J'aimerais ça avoir votre commentaire sur 541.14. Parce que, dans le projet de loi, on dit que "après sa naissance, l'enfant est confié, sauf s'il y a opposition de la femme ou de la personne qui a donné naissance, à la seule personne ou au conjoint qui ont formé le projet parental. En cas de décès ou d'impossibilité d'agir de cette personne, là, c'est le conjoint, l'enfant est confié au directeur de la protection de la jeunesse. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, plutôt que de décider qu'il va être nécessairement confier au Directeur de la protection de la jeunesse, dans l'article, faire en sorte qu'il pourrait y avoir d'autres personnes qui pourraient s'occuper de l'enfant et non pas nécessairement la DPJ?

Mme Greenbaum (Mona) : Non, je pense que c'est très important que ce soit la DPJ, en fait, parce que, comme, si les parents d'intention ne sont pas là, ça sera qui? Si ce n'est pas décidé d'avance, il faut regarder qu'est-ce qui est dans l'intérêt de l'enfant.

M. Morin :Effectivement. Donc, la convention de grossesse pourrait prévoir, par exemple, un tuteur ou une tutrice, et non pas nécessairement la DPJ.

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, mais peut-être, si une chose dramatique comme ça survient, et puis une chose dramatique comme ça arrive, donc ce sera comme que la DPJ va regarder ce qui était dans la convention, qui était notariée, pour voir, mais juste comme... Je ne sais pas comment on peut...

Mme Greenbaum (Mona) : ...comme juste faire un transfert, comme ça, dans une situation dramatique, comme ça, sans que la DPJ ait un certain contrôle, je ne sais pas, car c'est des circonstances vraiment, vraiment exceptionnelles. Mais, encore là, je suis à l'aise avec cette idée-là.

M. Morin :Parfait. Dernière question. Ce n'est pas en lien spécifiquement avec la convention de grossesse, mais dans le projet de loi, et peut-être que vous n'avez pas regardé cette question-là, mais on parle de la responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle à 542.33 et, finalement, on fait reposer sur les épaules de la mère le fait d'éventuellement s'adresser aux tribunaux pour obtenir une indemnité de la personne qui aurait commis l'agression. Est-ce que vous pensez que c'est correct qu'on impose ça à la mère ou si l'État ne devrait pas pallier à cette situation-là en donnant une indemnité?

Mme Greenbaum (Mona) : Honnêtement, je n'ai pas de commentaires sur ça. On a regardé les choses qui affectent spécifiquement à la communauté LGBT dans ça. Donc, il y a certaines portions de la loi... Même si, en principe, je suis très d'accord avec ce qui est mis de l'avant pour les enfants qui sont produits après un viol, mais, ici, je n'ai pas d'opinion, honnêtement. Si vous voulez me poser des questions sur la pluriparentalité, par contre, je suis là.

M. Morin : Oui, mais ça... Ça, je vous... Je vous remercie, mais... mais je vous dirais qu'à ce niveau-là votre position est très claire. Vous avez très bien répondu aux questions. Et d'ailleurs, la position que vous prenez dans votre mémoire est aussi très claire. Alors, je vous remercie, M. le Président. Je ne sais pas si ma collègue, la députée de Baldwin... Non, c'est clair, hein? Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci. Et moi, je vais vous la poser, ma question.

Mme Greenbaum (Mona) : C'est... C'est le député de ma circonscription.

M. Cliche-Rivard : Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale. Dites-moi! Et ce serait quoi le grand préjudice de maintenir le statu quo, et de ne pas légiférer, et de ne pas reconnaître la pluriparentalité?

Mme Greenbaum (Mona) : Oui. Bien, comme mentionné, c'est sûr que quand un parent qui n'est pas légalement reconnu, il y a... il peut y avoir toutes sortes de problèmes. Donc, l'enfant peut perdre le soutien de ce parent. Il peut perdre l'accès au parent aussi. Mais aussi, comme je l'ai mentionné à la fin, c'est très important symboliquement aussi. Puis on a vu ça il y a 20 ans, plus que 20 ans avec la reconnaissance des familles homoparentales, ça a fait une énorme différence pour nos familles quand l'État a reconnu nos familles. Donc, on veut la même chose pour les familles pluriparentales parce que ces familles existent. Ce n'est pas une question de comme est-ce qu'on décide qu'on va donner permission à ces familles d'exister ou non. Ces familles sont déjà là. Donc, nous, on pense que cette reconnaissance légale va aussi mener à une reconnaissance sociale.

M. Cliche-Rivard : Il y a des intervenants avant vous qui ont parlé de mettre une obligation pour que l'enfant sache qu'il est issu d'un projet GPA. Est-ce que vous avez une position là-dessus? Est-ce qu'on devrait obliger les parents à divulguer à l'enfant son origine?

Mme Greenbaum (Mona) : Bien, c'est sûr que, dans la communauté LGBT, c'est très rare qu'on peut cacher cette information, même si on le veut. Mais, en général, nous, comme organisme, on est très... on est très... Notre politique, en fait notre... pas notre politique, mais notre vision, c'est que les enfants doivent avoir toutes les informations possibles sur leurs origines et qu'on ne cache rien. C'est très important parce qu'en fait ce qu'on voit, que ce soit avec la procréation assistée, la GPA, c'est que ce n'est pas comme ces processus qui font des problèmes pour les enfants ou les dysfonctions dans les familles, c'est les secrets.

M. Cliche-Rivard : Est-ce que vous avez une position sur l'âge minimum de 21 ans pour participer au projet ou... Vous pensez que c'est raisonnable?

Mme Greenbaum (Mona) : Je pense que c'est raisonnable, oui.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme Greenbaum, ç'a été un grand plaisir de vous avoir avec nous. Très instructif. Merci infiniment. Sur ce sujet, je suspends les travaux quelques instants. Merci. À bientôt.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

(Reprise à 16 h 23)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Ça fait plaisir d'accueillir Mme Manon Monastesse, la directrice générale à la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes. Merci, encore une fois, d'être avec nous cet après-midi. Vous connaissez les règles, un petit 10 minutes de présentation... une période d'échange avec les membres. Alors, la parole est à vous.

Mme Monastesse (Manon) : Merci. Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes les députées, MM. les députés, merci beaucoup de nous donner l'occasion de pouvoir témoigner devant la commission.

Alors, tout d'abord, nous voulons souligner, encore une fois, la suite de la loi sur l'implantation des tribunaux spécialisés. L'engagement politique et la volonté législative du gouvernement québécois quant à la réforme en profondeur de la loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression, ainsi que le droit des mères porteuses et des enfants issus du projet de grossesse pour autrui, le projet de loi n° 12. Nous saluons, de ce fait, la volonté de changement social et d'amélioration des conditions de vie, de liberté, de sécurité des femmes violentées, de leurs enfants dans un contexte de violence familiale, conjugale et sexuelle, tels que stipulés par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Alors, bien des changements importants ont été effectués depuis la mise en chantier de la politique gouvernementale d'intervention en matière de violence conjugale, en 1995, ainsi que les différents plans d'action et politiques en matière d'agression et d'exploitation sexuelle. Nous sommes à la croisée des chemins. La réforme en profondeur du droit de la famille du Code civil, longtemps attendue, propose certains amendements en termes d'une prise en compte de la violence familiale dans l'évaluation de l'intérêt de l'enfant, en lien avec la détermination des droits de garde, entre autres. Ces changements structurants amélioreront de façon notable la prise en compte de la violence familiale, conjugale et sexuelle par les tribunaux via le projet de loi n° 12 et le projet de loi n° 2.

Rappelons que ce n'est que depuis 1983 que le viol au sein du mariage est considéré comme un crime au Canada. Le projet de loi n° 12 va encore plus loin et propose de retirer à l'agresseur toute emprise sur sa victime et l'enfant provenant de l'agression sexuelle, tout en le responsabilisant financièrement pour ce viol. Le projet de loi n° 12 marque une fois de plus cette volonté du gouvernement de protéger les femmes violentées et leurs enfants en... en introduisant, pardon, des dispositions concernant la possibilité de s'opposer à l'établissement de la filiation en...

Mme Monastesse (Manon) : ...de violences sexuelles. Cependant, le projet de loi n° 12 semble avoir été réfléchi dans un contexte spécifique d'agression sexuelle, faisant référence à l'agression sexuelle vécue par Océane et la demande ultérieure de l'agresseur de faire valoir ses droits sur l'enfant. Nous saluons le courage dont a fait preuve Océane afin que le législateur légifère dans le but d'empêcher de tels recours injustifiables. Toutefois, la situation d'Océane ne représente qu'un cas de figure et le projet de loi devrait prendre en compte toutes les formes d'agressions sexuelles, notamment celles perpétrées dans un contexte de violence conjugale et familiale qui sont plus complexes en termes de démonstration de la preuve. Ce que nous explorons dans ce mémoire très largement inspiré du mémoire de Me Michaël Lessard, qui a témoigné hier, avec qui nous avons partagé nos réflexions qu'il a judicieusement rendues en langage juridique. Voilà.

Le Président (M. Bachand) :Vous êtes très efficace, c'est bien, ça. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président, Mme Monastesse, bonjour, toujours un plaisir de vous retrouver.

Mme Monastesse (Manon) : Bonjour, et le plaisir est partagé.

M. Jolin-Barrette : Bon. Donc je comprends que vous voudriez qu'on soit plus large pour les cas d'agression sexuelle. Pouvez-vous m'expliquer ce que... qu'est ce que vous voulez dire toutes les formes d'agression sexuelle dans le cadre du contexte conjugal, pour la filiation?

Mme Monastesse (Manon) : Oui, tout à fait. Alors, c'est important de comprendre que, et c'est un des et une des recommandations, que les relations sexuelles en contexte où il y a de la violence conjugale et souvent familiale, ce sont... À proprement parler, selon la définition de l'agression sexuelle. Ce sont des agressions sexuelles car elles ne sont pas consentantes et souvent ce sont également une des formes du contrôle coercitif qui va s'exercer via l'agression sexuelle qui est la relation sexuelle dans un dans un contexte de violence conjugale.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous voulez me... Dites-moi, si je comprends bien ce que vous me dites, c'est que, s'il y a présence de violence conjugale, supposons, durant une période, là, d'une année complète, bien, tous les rapports sexuels durant cette année-là, même si la femme qui est victime de violence conjugale pense que les relations sexuelles qu'elle a sont volontaires, au fond, ils ne le sont pas parce qu'elle est victime de violence conjugale. Donc, ce n'est pas parce que — je vais faire ça cru, là — ce n'est pas parce qu'un soir monsieur ne la bat pas puis qu'elle a une relation sexuelle avec lui, que cette relation sexuelle-là, elle est consentante p parce que, ce que vous dites, c'est qu'elle est viciée à la base. C'est ça?

Mme Monastesse (Manon) : Tout à fait, tout à fait. Et la définition du contrôle coercitif, qui s'exerce effectivement souvent dans un contexte de violence conjugale, une des formes de contrôle coercitif sévissant les relations sexuelles qui semblent être consentantes, mais qui ne le sont pas, qui sont vraiment un outil également de contrôle coercitif.

• (16 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Donc, si on suit votre raisonnement, vous nous dites : Il faudrait étendre, non pas à la relation sexuelle qui est génératrice de la naissance de l'enfant, même si madame ne la considère pas comme étant un viol parce qu'elle était consentante, supposons, sur cette relation-là. Mais vous dites : Il faut regarder le continuum pour dire si l'enfant a été conçu, supposons, entre le 1ᵉʳ janvier puis le 31 décembre de cette année-là où il y avait de la violence conjugale constante, donc peu importe que monsieur pouvait penser qu'il y avait un consentement libre et éclairé à l'acte sexuel, à ce moment-là, ça devrait être considéré comme un viol, et donc la disposition qu'on insère dans le projet de loi devrait donner suite au bris de filiation. Est-ce que je comprends?

Mme Monastesse (Manon) : Tout à fait, que la présomption d'agression sexuelle...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme Monastesse (Manon) : ...en contexte de violence conjugale est tout à fait plausible. De considérer la relation sexuelle comme une présomption d'agression sexuelle, en contexte de violence conjugale, et c'est documenté dans la littérature, et c'est ce que les femmes... les milliers de femmes que nous soutenons, que nous hébergeons, nous relatent également.

M. Jolin-Barrette : Je serais curieux de savoir. Est-ce que, dans votre expérience, parmi les femmes que vous hébergez, des cas comme celui d'Océane, vous en vivez fréquemment, des femmes qui donnent naissance à un enfant à la suite d'agressions sexuelles?

Mme Monastesse (Manon) : Ah! tout à fait. Ou c'est aussi toute la question de la grossesse forcée, où un conjoint dans le cadre d'un contrôle... d'une situation de contrôle coercitif, de violence conjugale et familiale va forcer la grossesse, donc il n'y a pas de consentement. Toute la notion de consentement est très importante dans un contexte de violence conjugale, et c'est pour ça qu'on parle, que c'est un levier. C'est une expression du contrôle coercitif, donc il n'y a pas de consentement. Et effectivement ce sont des situations que l'on rencontre. Et puis aussi on peut avoir en tête le jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire de Chantal Daigle aussi. Alors, c'est un cas très explicite du pourquoi madame Daigle demandait un avortement. Parce qu'elle voulait se protéger elle-même et elle voulait protéger un futur enfant à naître, constatant que monsieur exerçait beaucoup de violence conjugale, et qu'elle ne voulait pas exposer l'enfant à naître à un père qui serait violent.

M. Jolin-Barrette : Êtes-vous en mesure de quantifier le nombre de femmes que vous aidez, supposons, annuellement qui donnent naissance à un enfant suite à une agression sexuelle?

Mme Monastesse (Manon) : Non. On ne... C'est une question qui est délicate, vous conviendrez, mais on peut... Dans toutes les femmes... les milliers de femmes qu'on accueille et qu'on reçoit également en service externe, c'est quand même 36 % d'entre elles qui vont parler des violences sexuelles qu'elles ont vécues et, entre autres, cette question, justement, de la conception, de la grossesse forcée en situation de violence conjugale et de contrôle coercitif.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vais vous poser une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Je veux juste qu'on revienne sur votre intervention précédente, sur la notion des agressions sexuelles dans le cadre de la relation conjugale. Vous savez que, bon... En fait, je voudrais vous demander : Comment est-ce qu'on réconcilie ça, supposons, avec le droit, avec le Code criminel, qui fait en sorte qu'une agression sexuelle, bien, c'est... dans le fond, c'est un toucher non désiré à connotation sexuelle, là. Je le résume, là. Me Morin serait meilleur que moi pour exprimer le détail de la disposition du code criminel, mais grosso modo, je ne me trompe pas trop. Alors, comment est-ce qu'on réconcilie ça sur l'agression sexuelle, Code criminel versus ce qui est vécu, là, par les femmes, avec ce que vous nous décrivez.

Mme Monastesse (Manon) : Bien, au cœur de l'encadrement de l'agression sexuelle, il y a toute la notion de consentement. Et nous ce que nous amenons, c'est que la question du consentement dans un contexte de violence conjugale, c'est un consentement qui est totalement vicié et qui va s'exercer sous l'emprise du conjoint violent et sous l'emprise du contrôle coercitif qu'il va exercer. Donc, le consentement est tout à fait vicié et il est très questionnable... contexte. Et toutes les études démontrent que, quand on parle de contrôle coercitif, où un conjoint va exercer un contrôle total sur toutes les sphères de la vie, bien, l'agression sexuelle, la relation...

Mme Monastesse (Manon) : ...relation sexuelle non consentante est une des formes majeures de l'exercice de ce contrôle coercitif.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie, Mme Monastesse.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Il vous reste...

Mme Monastesse (Manon) : Bien, merci à vous.

Le Président (M. Bachand) :Du côté gouvernemental, il reste un peu plus de sept minutes. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré.

Mme Bourassa : Bonjour. Je vais rester dans le même angle que M. le ministre. J'aimerais vraiment clarifier. Donc, si... Parce qu'on le sait, la violence conjugale, ce sont des petits cycles, donc il y a la phase de la lune de miel également. Donc, le couple ne vaut pas 100 % du temps pas bien, peu importe la violence. Et si les deux parents ont le projet d'avoir un enfant, il y a... il y a de la violence conjugale là-dedans, sans nécessairement avoir de viol, là, tu sais, que l'homme bat la femme, et tout ça, vous, votre point serait que la mère peut quand même demander la désaffiliation du père là-dessus?

Mme Monastesse (Manon) : Oui, tout à fait. Parce que, même, on sait que, comme vous le dites si bien, le cycle de la violence, la période de lune de miel, plus la violence va s'exercer, va... et va s'amplifier, la lune de miel va durer de moins en moins longtemps. Alors, ça, c'est prouvé. Et, même s'il y a une lune de miel, on est toujours... Et c'est très important, vous en conviendrez, de voir la violence conjugale non pas comme des infractions au Code criminel qu'on voit de façon ponctuelle, mais il faut toujours voir le contexte de violence conjugale. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on peut vraiment parler du fait que le consentement soit vicié. C'est souvent : oui, les femmes vont avoir des relations sexuelles pour atténuer ou pour tenter de compenser le contexte de violence, de faire tomber la tension, mais on ne peut pas penser que c'est un consentement libre et éclairé. On n'est déjà pas... Quand on parle du contrôle coercitif, bien, c'est une privation de la liberté, c'est une privation de toutes les libertés. Donc, on ne peut pas concevoir que la relation sexuelle est libre et consentie. Et, quand même, on a quand même des leviers dans le Code criminel. Quand je parle du viol en contexte conjugal, il existe depuis 1983. Et on sait, en cour criminelle, c'est rarement invoqué et rarement utilisé, alors...

Mme Bourassa : Bien, justement, contrairement à mes collègues, je ne suis pas juriste, je ne suis pas avocate, mais je crains que ça soit difficile à prouver. S'il n'y a pas de violence au moment de l'acte sexuel, comment est-ce qu'on peut prouver soit devant une cour ou prouver, justement, qu'il y a eu... au final, que l'enfant est issu d'une relation toxique, violente?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, justement, c'est ce qu'il faut... il faut démontrer le contexte, le contexte de la violence conjugale et utiliser les outils que nous donne l'évaluation du contrôle coercitif. C'est documenté, les grands spécialistes de l'explication de l'utilisation du contrôle coercitif vont parler, justement, d'une des formes les plus sévères, c'est justement l'utilisation des relations sexuelles afin d'augmenter ou de mieux contrôler une conjointe, là. Alors, il faut documenter la situation, c'est évident.

• (16 h 40) •

Mme Bourassa : Et j'ai une dernière question concernant l'indemnité ou, du moins, le montant que la personne violée qui est tombée enceinte pourrait recevoir. Selon vous, est-ce que c'est important que ce soit un montant une fois pour éviter, justement, le contact avec l'agresseur? Quelles peuvent être les conséquences psychologiques que la victime reste en contact avec l'agresseur?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, on le voit quand c'est la question des aliments pour les enfants, la question de la perception automatique, ce n'est pas... oui, ça a été réfléchi afin qu'il y ait le moins possible de contact, mais nous, de notre expérience et de l'expérience des femmes, ce n'est pas un contexte idéal parce qu'il reste toujours des contacts. Et souvent un conjoint va revenir à la charge en démontrant que, oui, il pourvoit aux besoins d'un enfant, et ça maintient certains liens, et il y a de nombreux obstacles, justement, à la perception automatique avec des conjoints qui ont des comportements violents.

Pour nous, la meilleure voie, c'est vraiment...

Mme Monastesse (Manon) : ...via la LAPVIC, parce que là, il n'y a plus d'intermédiaire et c'est... Et il y a des dispositions aussi pour des... justement, des enfants qui sont nés d'une... dans un contexte d'agression sexuelle, il y a déjà des dispositions dans la LAPVIC, et le ministre est subrogé aussi. Alors, le ministère lui-même peut revenir contre l'agresseur et pour les remboursements. Donc, pour nous, la meilleure solution c'est de demander une indemnisation via la LAPVIC.

Mme Bourassa : Merci beaucoup pour les réponses.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Il reste un peu moins de deux minutes. Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci de votre présence.

Est-ce qu'à votre avis on devrait renforcer l'article 606 du CCQ, du Code civil du Québec, donc, sur la déchéance de l'autorité parentale?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, pour nous, quand on parle d'agressions sexuelles, ça serait vraiment de... de... de... L'établissement, là, de... de refuser, de pouvoir vraiment couper la filiation. Parce que, ce qu'on voit dans la pratique, c'est que même dans des situations très graves où il y a violence conjugale, où il y a violence familiale, l'utilisation de la déchéance parentale est extrêmement difficile, est extrêmement difficile, même si elle est invoquée dans des situations très graves, là, où il y a des agressions, des agressions, de la violence familiale envers les enfants. Ce sont des situations où est-ce que c'est encore malheureusement très difficile d'évoquer la déchéance parentale. Et nous savons par expérience qu'il y a des juges que, pour quelle que soit la situation, ne vont pas utiliser la... ne vont pas... Ne vont pas être d'accord avec l'utilisation de la déchéance, de prononcer la déchéance parentale.

Mme Haytayan : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonjour, Madame Monastesse. Heureux de vous revoir en commission parlementaire. Si j'ai bien compris, M. le ministre a posé des questions, au fond, quand vous parlez du contrôle coercitif dans un contexte de violences conjugales, c'est que, pour vous, et puis pour le concept, ça vient attaquer, donc vicier le consentement que la personne peut donner. Donc, ça va faire en sorte que s'il se passe des agressions sexuelles pendant que la personne vit cette période-là, elle ne donne pas un consentement éclairé, donc elle est victime d'agression sexuelle. C'est bien ça?

Mme Monastesse (Manon) : Oui, parce que la nature même du contrôle coercitif, c'est d'enlever toute liberté fondamentale à la victime. Donc, de par ce fait, il n'y a pas de consentement, il n'y a même pas de consentement. Alors, c'est clair, c'est comme ça, et c'est tout à fait ce que les femmes nous relatent. Et c'est tout ce que... Dans notre pratique, au quotidien, c'est ce qu'on voit.

M. Morin : Et je comprends de votre mémoire, et je vous en remercie, que, pour vous, l'aide financière qui serait donnée par l'État ou un organisme de l'État, vous mentionnez LAPVIC, par exemple, à la page sept de votre mémoire, ce serait beaucoup plus efficace que ce qui est proposé à 542.33 du projet de loi, OÙ là, on demande à la victime de l'agression sexuelle, qui a gardé l'enfant, finalement, de s'adresser aux tribunaux pour obtenir une indemnité. Esr-ce que je vous comprends bien?

Mme Monastesse (Manon) : Tout à fait, tout à fait. Et c'est la façon, c'est la... de cette façon aussi, c'est qu'il n'y ait aucun... Justement, d'avoir à... à justifier et... justifier la demande et de n'avoir aucun contact avec l'agresseur. Et, comme on le dit, il y a toujours moyen, pour le gouvernement, pour le ministre, de revenir et de pouvoir demander à l'agresseur de rembourser les sommes. C'est ce qui se fait d'ailleurs avec l'aide sociale. Quand des femmes violentées quittent un conjoint qui les a parrainées, elles ont droit à l'aide sociale, et l'aide sociale, de leur côté, vont demander que les sommes versées soient remboursées par le...

Mme Monastesse (Manon) : ...conjoint violent.

M. Morin : Oui, cependant... Et votre position, en fait, vous l'exprimez très clairement. Sauf que, cependant, il faudrait... En fait, je présume, parce qu'on parle de la loi visant à aider des personnes victimes d'infractions criminelles. Donc, il faudrait quand même qu'à un moment donné, même avec le système gouvernemental, la victime soit capable de démontrer qu'elle a, donc, vécu dans un tel climat et que, si elle a eu des relations sexuelles, bien, à ce moment-là, le consentement était vicié. Donc, elle a... Donc, elle a été agressée sexuellement. Il faut quand même que la victime soit capable de démontrer quelque chose. Êtes-vous d'accord avec moi là -dessus?

Mme Monastesse (Manon) : Bien oui, tout à fait. Et le fait qu'elle ait recouru à des services, que ce soit via des organismes comme les maisons d'hébergement ou les CALACS, elle peut documenter ce fait même... ce faisant, le fait, la position à l'effet qu'elle a été victime d'agression sexuelle, le fait d'avoir recours à des services spécialisés.

M. Morin : Parfait. Et donc, ça permettrait... bon, parce qu'on a utilisé son nom, je comprends que c'est un nom fictif. Ça permettrait de régler la situation dramatique qu'a vécue Océane, mais de le faire d'une façon étatique.

Moi, j'aimerais attirer votre attention sur une autre... une autre problématique dont on a parlé beaucoup cette semaine, et c'est... c'est un nom fictif aussi, c'est la situation ou le cas d'Isabelle. Et là on parle de déchéance d'autorité parentale. Vous avez parlé... vous l'avez évoqué, tantôt, vous avez dit que c'était excessivement difficile. Est-ce qu'il serait approprié, selon vous, dans ces cas-là, de prévoir ou de rédiger une présomption qui ferait en sorte que ce serait beaucoup plus facile pour le tribunal d'enlever l'autorité parentale à un parent qui aurait, par exemple, commis une agression sexuelle?

Mme Monastesse (Manon) : Oui, c'est une avenue qui est possible, mais, à ma compréhension du droit, une déchéance parentale n'est pas illimitée dans le temps. Elle peut être... elle peut être à nouveau possible... je veux dire, le lien... réhabiliter le lien parental, dans un cas de déchéance parentale, c'est possible aussi, là, ce n'est pas indéfini dans le temps. En tout cas, moi, je n'ai jamais vu des situations de déchéance parentale qui perduraient pendant des années dans le temps, là.

M. Morin : Mais ça serait quelque chose qui aiderait, évidemment, les victimes qui se ramassent dans cette situation-là.

Mme Monastesse (Manon) : Oui. Pour nous, la question de pouvoir, justement, couper, de façon permanente, le lien de filiation est une avenue qui nous semble plus en phase avec les besoins des victimes. Mais disons que oui, on pourrait convenir à une possibilité d'une déchéance parentale, mais il ne faudrait pas que ça soit juste pour six mois ou pour un an, comme j'ai eu l'occasion, au cours de mes 30 dernières années, de le voir.  Là, ça serait vraiment très problématique, mais on espère, avec les nouvelles dispositions de la loi 2, qui vient encadrer l'intérêt de l'enfant de façon très précise, avec des critères très précis dans le cadre, c'est ça, de l'intérêt de l'enfant en contexte de violence familiale. On pourrait espérer que l'évaluation, là, de... justement, de la déchéance parentale soit plus efficace qu'elle l'est présentement.

• (16 h 50) •

M. Morin :Parfait. Je vous remercie beaucoup, madame. Je ne sais pas si ma collègue a des questions? Oui, oui.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Robert-Baldwin, s'il vous plaît.

Mme Garceau : Juste une question, compte tenu du temps. Bonjour, Mme Monastesse. Je pense qu'il y a un point est très important dans votre mémoire que vous n'avez pas discuté avec nous, et j'aimerais que vous ayez la possibilité de le faire. Je trouve que c'est un point important, et je sais que vous avez eu des échanges avec Me Lessard au niveau de l'inférence négative, et que vous voulez prévoir, dans la loi, quelque chose spécifique, compte tenu que... et nous savons très bien qu'il y a plusieurs victimes qui ne dénoncent pas, l'agression sexuelle, pour différentes raisons. Et nous savons pourquoi et...

Mme Garceau : ...certains tribunaux associent la dénonciation à l'aliénation parentale, et donc j'aimerais vous entendre là-dessus au niveau de qu'est-ce que vous souhaiter de prévoir dans la loi concernant l'inférence négative.

Mme Monastesse (Manon) : Oui. Merci beaucoup, Mme Garceau de poser la question. Effectivement, c'est un point tout à fait central. Et effectivement, ce qu'on voit, vous l'avez vu dans votre pratique, on le voit à tous les jours, le fait même souvent devant les tribunaux de la famille et on a... on vous a soumis une étude... un rapport de recherche sur cette question. Le fait d'invoquer la violence familiale, qu'il n'y ait pas eu, entre autres, de condamnation au criminel, ou quoi que ce soit, déjà, en partant, le fait d'invoquer la violence conjugale, il y a des conséquences négatives où effectivement on voit... au lieu de voir la volonté de protection de la mère, on voit la volonté de mettre un terme entre les liens entre l'enfant et le père et... et, de ce fait, le fait de vouloir invoquer une agression sexuelle en contexte de violence conjugale, on anticipe fortement qu'il va y avoir une inférence négative de la volonté de la mère de protéger... de se protéger et de protéger l'enfant. Et effectivement, on demande une disposition qui va tenir compte de ces inférences négatives.

Mme Garceau : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de Saint-Henri Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation. Je me demandais comment vous pensez, ou comment ça va fonctionner l'établissement ou la démonstration de la violence conjugale ou de l'agression sexuelle dans un contexte d'absence de procès ou de jugement criminel ou même d'un acquittement au criminel, comment on va conjuguer tout ça, selon vous?

Mme Monastesse (Manon) : Mais je crois qu'avec les travaux qui ont été faits sur la démonstration du contrôle coercitif, il va falloir faire effectivement la preuve que la violence conjugale a un impact sur la question du consentement libre et éclairé. C'est déjà bien commenté dans la littérature et il va faire... il va falloir faire appel à une démonstration dans ce sens, ce qui est quand même... pour nous qui sommes sur le terrain, et quand on entend les femmes nous parler de leur expérience, c'est quand même quelque chose que l'on peut documenter, là, facilement. Et le fait qu'une femme soit suivie par nos services ou les services des CALACS, des services spécialisés, bien, ça permet aussi de... de... d'effectivement de... d'amener une preuve en ce sens. Et là, bien sûr, on n'est pas... on n'est pas au criminel, donc c'est la prépondérance aussi de la preuve qui n'est pas celle... qui n'est pas celle du tribunal... du tribunal criminel et pénal, mais il y a quand même une disposition, comme je le... je le rappelle, que, dans le Code criminel, on... quand même depuis 83, on parle du viol conjugal. Donc, il y a une reconnaissance législative à cet effet.

M. Cliche-Rivard : On sait à quel point il y a peu de dénonciations, finalement, on sait à quel point beaucoup de femmes décident, finalement, de ne pas porter plainte dans plusieurs séries de contexte, pensez-vous qu'elles vont aller de l'avant avec cette démarche-là pour exercer ces droits-là, ou vous pensez qu'on va se retrouver dans le même problème qu'en matière criminelle?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, écoutez, je trouve que, nous, on est toujours très positives, sinon je pense que je changerais d'emploi, mais je crois qu'avec quand même les nombreuses modifications à la loi n° 2, avec la loi n° 12, j'ai quand même bon espoir que ça donne des leviers qui puissent permette de prouver, de justifier d'inférer l'intérêt de l'enfant. Là, on parle aussi de l'intérêt de l'enfant et de l'intérêt de l'enfant en contexte de violence familiale, mais le tout, disons, toutes les modifications qui sont prévues vont nous permettre de soutenir le fait de démontrer le contraire...

Mme Monastesse (Manon) : ...de violences conjugales, de violences familiales et de violences sexuelles, beaucoup plus facilement parce qu'on va avoir reconnu, entre autres, des impacts de la violence conjugale sur les femmes et les enfants.

M. Cliche-Rivard : Et à votre avis, là, suivant la sanction de la loi telle qu'elle est présentement, est-ce que vous pensez qu'il y a beaucoup de femmes qui vont s'en saisir a posteriori, là, qu'il y a beaucoup de dossiers que vous avez en tête ou les gens autour de vous qui attendent ça de manière pressante pour mettre en marche des démarches?

Mme Monastesse (Manon) : Oui, je pense que, quand même, il y a plusieurs femmes qui vont vouloir invoquer cette disposition-là parce que c'est leur réalité, effectivement.

M. Cliche-Rivard : Merci.

Mme Monastesse (Manon) : Et on se rappelle quand même de la situation de Mme Daigle aussi. Bien sûr, il y a eu un avortement, mais je veux dire, ce qui a été démontré devant la Cour suprême, c'est justement l'impact de la violence conjugale sur l'enfant à naître... l'enfant à naître, qui a été quand même démontré dans ce jugement.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre travail aussi. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Oui, effectivement. Mme Monastesse, merci beaucoup d'avoir été avec nous, mais surtout, comme disait le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, merci pour tout le travail que vous faites. Cela dit, la commission va suspendre ses travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 58)


 
 

17 h (version non révisée)

(Reprise à 17 h 23)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir Monsieur... Maître Houle et Maître Martineau de l'Association professionnelle des notaires du Québec. C'est eux, les responsables de publicité que vous avez vue à la télévision, là, avec le... Alors, c'est vous autres, les responsables de ça. Bravo! Alors, la parole est à vous. Comme vous savez, 10 minutes de présentation, après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Maître, à vous la parole.

M. Houle (Kevin) : Donc, merci. Mmes et MM. les députés, bonjour. Merci pour cette invitation. Donc, nous voudrions... Bien, d'abord, permettez-moi de me présenter. Donc, je suis Kevin Houle, président de l'Association professionnelle des notaires du Québec, donc l'APNQ. Je suis accompagné de maître Tania Marineau, notaire en pratique privée.

Donc, nous voudrions tout d'abord remercier la Commission des institutions de nous avoir invités à partager notre point de vue sur le projet de loi n° 12, qui vise notamment à réformer le droit de la famille en matière de filiation, la protection des enfants nés d'une agression sexuelle et les droits des mères porteuses et les enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.

D'emblée, nous voudrions exprimer notre soutien au projet de loi n° 12, qui, à nos yeux, constitue une réforme significative du droit de la famille. En tant que juristes de proximité, nous connaissons bien les préoccupations entourant le droit de la famille et les moyens pour lesquels on peut réformer celui-ci. L'APNQ est un organisme à but non lucratif national, donc, fondé en 1997 et dédié à la défense des intérêts socioéconomiques de ses membres, des notaires. Regroupant quelque 1 550 notaires répartis sur l'ensemble du territoire québécois, soit près de 50 % des membres de la profession notariale, l'APNQ œuvre au rayonnement du notariat et prône l'implication et les atouts des notaires, ces juristes polyvalents, à la fois officiers publics impartiaux et conseillers juridiques.

Selon l'APNQ, la modification des dispositions légales quant aux conventions de grossesse pour autrui est plus que nécessaire en droit actuel. En modifiant l'article du Code civil qui prévoit la nullité de ces conventions et en balisant de façon claire les ententes permises, cela viendrait élargir l'inégalité qui existe actuellement pour les enfants nés suivant une telle convention et qui se voyaient refuser leur filiation d'intention pour seul motif que les étapes prévues dans la jurisprudence n'étaient pas toutes respectées.

Donc, d'abord, permettez-nous de vous dire que l'APNQ appuie la précision apportée quant à l'impossibilité de dissocier la fratrie lorsque plusieurs enfants naissent d'un tel projet parental. L'APNQ ne peut que saluer et approuver ce remplacement.

Maintenant, en ce qui concerne la prépondérance de l'acte notarié et autres formes de document afin de bien protéger les parties au contrat de grossesse pour autrui, incluant implicitement l'enfant à naître, et d'assurer le respect des formalités requises, l'APNQ salue le choix du législateur de privilégier l'acte notarié en minutes, obligeant ainsi l'intervention d'un officier public. Selon nous, les conditions de fond et de forme imposées pour une telle convention permettent d'éviter des abus envers la femme ou la personne qui portera l'enfant, mais surtout pour assurer la filiation de l'enfant à naître dans un contexte totalement déjudiciarisée. C'est le point principal.

Donc, d'abord, les avantages de l'acte notarié en minutes : conseil juridique indépendant et impartial et vérification du consentement. Effectivement...

M. Houle (Kevin) : ...l'acte notarié en minute permet d'assurer que toutes les parties reçoivent obligatoirement des conseils juridiques impartiaux, et ce, nonobstant, qui paiera les honoraires du notaire. En tant qu'officier public, le notaire est tenu obligatoirement de conseiller toutes les parties à l'acte, de vérifier leur capacité et leur consentement. En un mot, le notaire a un devoir de conseil très large et important. Cette vérification obligatoire réduit le risque qu'une des parties à l'acte l'ait signé sous contrainte ou sans en avoir compris la portée.

D'autres intervenants ont mentionné ici qu'il serait nécessaire, pour les parties, un tel contrat d'avoir recours à un conseiller juridique impartial avant de signer une telle entente. Au Québec, on appelle ça un notaire. Rappelons aussi que, même si un tel contrat est fait sous forme notariée, rien n'empêche une partie de consulter un avocat ou un autre notaire si le besoin y est.

Maintenant. Au-delà de la sémantique, permettez-moi de vous expliquer en quoi consiste le devoir de conseil du notaire dans un tel dossier. En somme, il va expliquer les droits et les obligations des deux parties, mère porteuse, parent d'intention, il ira même, lui-même, jusqu'à leur exposé, avant même qu'on lui pose la question, ce qu'il adviendra, par exemple, si la mère porteuse décidait de garder l'enfant suite à l'accouchement, qu'adviendra-t-il si l'enfant est malheureusement... souffre d'un handicap, qu'adviendra-t-il si les parents décident de ne pas donner suite au contrat. Ce que nous voulons vous dire, c'est que le notaire est habitué, il est formé pour faire face à des questions pouvant être malaisantes, et ce, même en présence de l'autre partie.

Le notariat existe depuis des siècles, il a fait ses preuves. Le notaire doit expliquer le droit en faisant fi des intérêts, et les gens le savent lorsqu'ils consultent un notaire. C'est ce qu'on appelle un conseil juridique impartial. Nous ne voyons aucun problème avec cela, c'est même rassurant de voir que le législateur désire imposer la forme notariée.

Au niveau de la vérification des formalités requises, le notaire vérifiera le respect des formalités requises, surtout en ce qui concerne l'attestation de consultation psychologique, entre autres... psychosociale, laquelle pouvant être même annexée à l'acte notarié afin d'en assurer la conservation. De plus, selon les termes actuels du projet de loi, la femme ou la personne qui portera l'enfant doit avoir au moins 21 ans et les parents d'intention doivent rester au Québec depuis au moins 12 mois. C'est le genre d'éléments que les notaires pourront confirmer

D'autres intervenants ont amené l'idée que le contrat de grossesse pour autrui soit fait sur la base d'un simple formulaire. Comme vous le savez, le but, pour le législateur, est de déjudiciariser le processus. Une des principales conditions est que le contrat soit signé avant le début de la grossesse. Tentons d'imaginer une seule seconde comment traiterions-nous un tel contrat si finalement une des parties signe le formulaire après l'autre, c'est-à-dire, donc, pas à la même date, mais une fois la grossesse commencée. Bien que les témoins soient requis, leur signature n'a pas du tout la même que celle d'un notaire. Et, puisque les témoins ne sont pas des notaires formés, il se pourrait que ces témoins signent un formulaire sans pour autant confirmer ou valider la date. Ces le genre de choses n'arriverait pas dans le cadre d'un contrat sous forme notariée en minute. Il serait catastrophique, pour l'enfant à naître, de penser que le contrat sous forme de formulaire puisse être contesté après coup, après la naissance, sur simple fait, par exemple, que les conditions n'avaient pas été respectées. Rappelons que c'est une forme, une méthode administrative et que l'officier public... l'intervention de l'officier public s'avère très nécessaire.

Au niveau du droit de la preuve, maintenant, l'acte notarié en minute est un acte authentique et fait preuve de son contenu, et le document qui bénéficie du plus grand avantage en ce qui concerne le droit de la preuve. Sous réserve de l'inscription en feu... en faux, pardon, procédure rare et ayant des conditions strictes, le contenu et les énoncés dans l'acte seront à l'abri des contestations.

L'acte notarié apparaît donc ici comme étant l'acte par excellence pour assurer le respect des conditions, dont la date du contrat antérieure à la grossesse, et d'en faire preuve à l'égard... devant tous.

Au niveau de la conservation, maintenant, c'est un avantage, les actes notariés sont conservés dans le greffe du notaire, et le greffe est régi par une stricte réglementation protégeant ainsi les minutes, les originaux de pertes, ou de destructions, ou altérations. De plus, le notaire peut aussi émettre des copies authentiques longues ou sous forme d'extraits. Rappelons, effectivement, que la copie a la même force légale que l'original.

• (17 h 30) •

Ces copies peuvent aussi prendre la forme d'extraits. Effectivement, ces extraits permettraient d'assurer la remise d'une copie authentique sous forme d'extrait de la convention de grossesse pour autrui à qui de droit, tout en retirant de ces copies les sections confidentielles qui pourraient ne pas être obligatoires, par exemple, lors de l'envoi de la copie au directeur de l'état civil.

Maintenant, au niveau de l'acte sous serment plutôt qu'un simple document reçu devant témoins. En ce qui concerne l'article 541.9, nous savons, ce sont des dates de rigueur, soit entre le septième, le 30 ᵉ jour depuis la naissance de l'accouchement de la mère porteuse. L'APNQ suggère de remplacer la mention «devant témoins» par la mention «sous serment», et il en serait de même pour le troisième alinéa de 541.14.

Ces éléments sont sur la base uniquement... ou sont plutôt... ces... Ces suggestions, pardon, sont émises sur la base que le contrat lui-même de mère porteuse ait été fait sous la forme notariée avec toutes les explications qui auraient été reçues par la mère porteuse en amont, bien évidemment.

Au niveau du secret professionnel, attendu au secret professionnel auquel est tenu le notaire, il est primordial d'établir clairement les conditions entourant la demande d'émission d'une copie authentique de convention de grossesse pour autrui notariée, par le Directeur de l'état civil. Nous considérons que le législateur a été avisé de faire prévoir à l'article...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Houle (Kevin) : ...16, paragraphe 3° du Code civil, que le directeur l'état civil est une autorité ayant un intérêt pour demander une copie au dépositaire du greffe. Mais nous nous interrogeons cependant sur la confidentialité devant entourer un tel document. Le dépôt d'une copie conforme intégrale de la convention de grossesse pour autrui. Est-il réellement nécessaire versus un extrait, comme je vous disais ou expliquais un petit peu plus tôt? Nous doutons que l'ensemble des informations dans le contrat soit nécessaire pour répondre aux questionnements de l'enfant, notamment quant à la connaissance de ses origines. Il faudrait aussi établir les éléments qui devraient se retrouver dans l'extrait à remettre au Directeur de l'état civil si cette méthode est choisie.

Au niveau, maintenant, du compte en fidéicommis des notaires, afin d'éviter les conflits qui pourraient survenir concernant les sommes détenues en fidéicommis, l'APNQ souhaite que le législateur consigne clairement les sommes à débourser, la fréquence, les autorisations nécessaires et les pièces justificatives requises, exemple une facture, bref, dans un règlement à venir ou si ce règlement devrait être arrimé avec le règlement actuel sur la comptabilité en fidéicommis des notaires.

Au niveau de la médiation familiale, l'APNQ pense qu'il serait nécessaire de permettre aux parties impliquées dans un projet parental impliquant une grossesse pour autrui de bénéficier d'heures de médiation familiale subventionnées comme les dossiers d'adoption. À cette fin, le Règlement sur la médiation familiale pourrait être amendé afin d'élargir la portée des heures payées par le ministère pour inclure les conflits en matière de grossesse pour autrui.

En ce qui concerne, avant la conclusion, la langue donc du contrat, bien que l'APNQ salue l'importance accordée à la langue française dans le projet de loi, nous suggérons que les parties puissent, d'un commun accord expresse, demander que la convention de grossesse pour autrui soit rédigée en anglais puisqu'il s'agit d'une convention entre particuliers qui n'est pas destinée à être publiée et lue sur un registre consultable par toute la population. Nous ne pensons toutefois pas qu'une version française doive être remise au préalable advenant qu'elle soit rédigée en anglais, la raison étant qu'il ne s'agit pas d'un contrat d'adhésion. Cette règle vise principalement les contrats d'adhésion, comme on l'a vu dans le projet de loi n° 96, la modification en ce qui concerne la Charte de langue française.

En conclusion, l'APNQ tient à exprimer sa satisfaction face à la démarche du gouvernement de procéder à la présente consultation particulière visant à débuter le titanesque chantier de la réforme du droit de la famille au Québec. Les notaires québécois constatent régulièrement, depuis plusieurs années, que les règles du droit de la famille ne répondent plus aux attentes et aux modes de vie des familles du Québec. L'APNQ a donc soumis ses analyses et recommandations en lien avec la présente consultation particulière dans le but de l'atteinte des protections maximales recherchées pour les citoyens et en plaçant l'intérêt de l'enfant au cœur de ses préoccupations. Le notaire est déjà déjà au cœur de la vie des justiciables depuis des siècles et le droit de la famille faisant partie du quotidien des notaires, l'APNQ tient à exprimer aux membres de la Commission des institutions son désir de collaborer à la mise en œuvre du projet de loi n° 12 et de ses règlements d'application et des recommandations proposées dans le présent mémoire. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Houle. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Me Houle, Me Marino, bonjour, merci d'être présents, à l'Assemblée nationale, sur les consultations du projet de loi n° 12.

M. Houle (Kevin) : ...plaisir.

M. Jolin-Barrette : Bien, d'entrée de jeu, vous avez parlé du compte en fidéicommis et puis des sommes qui doivent y être présentes afin de garantir, dans le fond, les déboursés pour la mère porteuse. Vous nous invitez à développer un règlement qui détermine de quelle façon les sommes doivent être déboursées. Je voudrais vous demander : Est-ce que ce serait préférable, selon vous, uniquement que ce soit un dépôt de garantie? Donc, exemple, il y a une convention de grossesse pour autrui. Donc, les parties prévoient que, je ne sais pas, il y a 10 000 $, 15 000 $, 20 000 $ qui sont versés dans le compte en fidéicommis du notaire pour garantir l'obligation. Les parties conviennent entre elles de quelle façon les paiements de déboursés pour les vitamines, les vêtements de maternité, les remboursements de taxi, les vêtements, sont octroyés entre eux, premier scénario ou deuxième scénario, les sommes sont versées dans le compte en fidéicommis du notaire, mais c'est le notaire qui administre les dépenses. Donc, c'est-à-dire que la mère porteuse s'adresse au notaire instrumentant de la convention. Elle dit : Bien, cher maître, aujourd'hui, ou une fois par semaine, ou une fois par mois, envoie le relevé de ses factures, et dit : Bien, veuillez me rembourser, voici... Et vous, vous décaissez l'argent du compte en fidéicommis. Comment vous voyez ça?

M. Houle (Kevin) : Les deux options peuvent être possibles, mais il faut comprendre que la première option effectivement, vous comprenez, ce serait un dépôt de garantie. Donc, on comprend qu'à la base, si c'est cette option-là, ça veut dire que les deux parties se sont entendues que les déboursements se feraient entre elles, admettons et que, si jamais ça n'avait pas lieu, le notaire devrait intervenir, pourrait être peut-être même autorisé pour procéder au paiement de ce que l'autre partie n'a pas payé. Donc, ce serait peut être la meilleure méthode afin de limiter l'intervention du notaire en ce qui concerne l'implication au quotidien ou mensuellement, ou à chaque semaine. Mais ce que je suis porté à vous dire, c'est que les deux méthodes peuvent être réalistes. Ça dépend toujours de l'intention du législateur à savoir de quelle manière est-ce qu'il veut que le notaire intervienne systématiquement dans le paiement...

M. Houle (Kevin) : ...le résultat, c'est qu'en bout de piste il faut que la mère porteuse soit protégée en ce qui concerne les sommes disponibles. D'une manière ou d'une autre, elle sera protégée parce que les sommes seront dans le... du notaire.

M. Jolin-Barrette : O.K. J'ai une question opérationnelle pour le notaire dans l'éventualité où c'est un dépôt de garantie qui est dans le compte du notaire. Dans le fond, le notaire, là, la mère porteuse lui dit : Écoutez, je n'ai pas été remboursée, les parents d'intention ne veulent pas me rembourser. Le notaire, comment il procède généralement dans une situation comme celle-là? Bien, je sais que ce n'est pas une situation avérée, mais supposons, là, que la situation surviendrait. Alors, comment survenait... Comment est-ce que... Le notaire valide avec les parents d'intention? Comment... Ça serait quoi, la mécanique?

M. Houle (Kevin) : Bien, si on fait le parallèle... Oui, si on fait le parallèle avec les autres retenues qu'on peut faire dans d'autres secteurs du droit, à la base, s'il y a une retenue, c'est parce qu'il y a eu une convention de retenue. Donc, le notaire va préparer une convention dans laquelle les parties, bien, signent la convention avec le notaire à titre de dépositaire... des commissaires. Et, dans cette convention de retenue là, on indique de quelle manière les déboursés seront faits, de quelle manière le notaire sera automatiquement autorisé d'avance pour faire les paiements x, y, z. Donc, à partir de là, dans cette situation-là, on irait voir la convention ou le règlement, là, s'il y avait un règlement, ou sinon une convention qui serait nécessairement écrite, signée par les parties avec le notaire pour dire : Notaire, tel déboursé était déjà autorisé, je n'ai pas reçu le paiement, payez-moi.

C'est certain qu'à partir de là le problème, justement, dans le cadre où il n'y a pas un règlement, c'est que, si jamais l'autre partie dit : Bien, oui, je l'ai payé, mais je n'ai pas la preuve, admettons, ou : Bien, je n'ai pas payé parce que je ne suis pas d'accord. Ça fait que c'est pour éviter ces interprétations-là. Si un règlement pouvait être balisé avec des termes clairs, à savoir qu'est-ce qui est payé ou non, de manière à enlever d'une certaine manière la discrétion des parties de dire : Moi, je ne suis plus d'accord ou je n'interprète pas ce mot-là comme étant cette dépense-là... Donc, à partir de là, on ne peut pas arriver dans cette situation-là, quant à travailler sur un nouveau modèle, là, de droit.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question du fait que tous les consentements devraient être donnés par acte notarié, vous dites : On devrait exclure, dans le fond, le consentement sous seing privé devant deux témoins. Je donne un exemple : une mère porteuse qui veut faire une interruption volontaire de grossesse. Vous ne trouvez pas ça un peu lourd de devoir aller chez le notaire, supposant que c'est une situation d'urgence, le fait de l'obliger à voir... à aller voir son notaire?

M. Houle (Kevin) : Je peux rectifier simplement que la convention de mère porteuse devrait être... devrait être sous forme notariée, mais on ne demande pas à ce que toutes les conventions soient notariées. La différence, c'est qu'on a demandé à ce qu'il n'y ait pas... ce ne soit pas uniquement devant tes deux témoins mais devant un commissaire au minimum assermentation pour confirmer la date et l'identité de la personne, point.

M. Jolin-Barrette : Donc, exemple, pour mettre fin à la convention.

M. Houle (Kevin) : Pour mettre fin à la convention, encore là, il y a deux choses. C'est que, si la convention doit être modifiée, bien, les termes actuels du Code civil mentionnent que, s'il y a des conditions de forme pour un acte, par exemple notarié en minutes, toute modification devra suivre la même forme, donc notariée. Donc, le Code civil est déjà de cette manière-là ainsi. Donc, si on peut... si on considère que cette cessation-là est une modification du contrat lui-même notarié, il faudra se questionner à savoir si lui-même doit être sous forme notariée. Donc, ça serait peut-être à établir aujourd'hui au lieu de faire jurisprudence ou tenter de...

M. Jolin-Barrette : Non, mais ce n'est pas l'intention. Parce que, dans le projet de loi, on prévoit clairement qu'ils peuvent le faire sous seing privé.

M. Houle (Kevin) : Oui, mais, à partir de là, c'est sous seing privé, on revient avec le fait que ça devrait être au minimum avec un commissaire pour être certain qu'on identifie la personne correctement.

M. Jolin-Barrette : Qu'on identifie la personne correctement?

M. Houle (Kevin) : Qui signe le document, effectivement.

M. Jolin-Barrette : Vous voulez dire les témoins ou...

Mme Marineau (Tania) : ...on dirait que je ne suis pas certaine lequel que vous parlez. Pour le consentement, on autorise sous seing privé pour être certain... sous serment pour être certain que le consentement a été donné à telle date, telle heure et que c'est la bonne personne qui a signé. Pour la modification au contrat, dans le projet de loi, ce n'est pas prévu sous seing privé, vous avez seulement enlevé la modification par acte notarié, mais le Code civil prévoit déjà qu'on devra continuer sous forme notariée si le contrat initial est notarié.

• (17 h 40) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous suis. Sur la question des heures de médiation payées lors de conflits en matière de grossesse pour autrui, ça, c'est préalablement à la naissance?

M. Houle (Kevin) : Bien, ce qu'on suggère, nous autres, en ce qui concerne cet élément-là, ce serait préalablement dans le sens où, effectivement, s'il y avait un problème, une discorde ou un différend quelconque, bref, que les règles s'appliquent actuellement pour l'adoption puissent applicables mutatis mutandis en ce qui concerne les conventions de mère porteuse.

M. Jolin-Barrette : O.K., mais suite à la naissance.

M. Houle (Kevin) : Bien, ici, actuellement, les règles d'adoption, c'est suite... Parce qu'il y a deux choses. Les règles d'adoption, je vous avoue que je ne connais pas particulièrement les règles d'adoption, c'est... je ne me suis pas penché sur cette question-là, mais ce qui est important, c'est que les gens qui participent à un projet de convention...

M. Houle (Kevin) : ...porteuses puissent bénéficier des mêmes droits en ce qui concerne le processus de médiation. Donc, rendu là, est-ce que c'est après la naissance ou avant? Je pense que c'est un choix du... En ce qui nous concerne, je pense que ce devrait être tout le long du processus.

M. Jolin-Barrette : O.K. Avez-vous une opinion sur le volet sur les agressions sexuelles puis le lien de filiation qu'on a inclus dans le cadre du projet de loi?

M. Houle (Kevin) : Oui. On est d'accord avec ce que la Chambre des notaires a appuyé en ce qui concerne tous les questionnements. Par exemple, est-ce qu'on y va plutôt selon l'intention du législateur à couper le lien de filiation ou plutôt une déchéance de l'autorité parentale? S'il y a déchéance, ça signifie que dans le futur, il pourrait y avoir l'annulation, entre guillemets, de cette déchéance de l'autorité parentale.

Donc, à partir de là, nous, ce qui nous chicote le plus, ou avec quoi qu'on est d'accord aussi, c'est que dans le... on comprend que l'intention du législateur, c'est qu'il y ait une déchéance avec une compensation, par exemple, potentielle, mais que cette compensation-là, effectivement, que les mères, ou du moins les personnes... les premières personnes ne fassent pas jurisprudence ou doivent faire jurisprudence, qu'on se colle effectivement sur...

M. Jolin-Barrette : Qu'il y ait des lignes directrices.

M. Houle (Kevin) : ...les lignes directrices, là, en ce qui concerne les pensions, oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parce que, dans le fond, c'est l'un ou l'autre. Parce que s'il y a déchéance de l'autorité parentale, il n'y aura pas rupture du lien de filiation, mais ça va quand même donner ouverture aux tables de pension alimentaire. Si là, il y a rupture du lien de filiation, à ce moment-là, ça ouvre le recours à l'indemnité.

M. Houle (Kevin) : ...

M. Jolin-Barrette : Excellent. Écoutez, je vous remercie grandement pour votre présence. J'ai des collègues qui veulent vous poser des questions. Merci pour votre participation.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré.

Mme Bourassa : Bonjour. Merci de votre présence. J'aimerais juste vous entendre sur la question de la succession. Si, effectivement, il y a rupture du lien, c'est quoi votre opinion par rapport à ce que l'enfant pourrait quand même avoir accès à la succession d'un père qu'il n'a pas côtoyé ni connu?

M. Houle (Kevin) : Bien, d'abord, on part avec la prémisse qu'au Québec il y a toujours eu une liberté de tester. Donc, à partir de là, il faut comprendre qu'advenant le cas où l'intention du législateur est réellement que l'enfant conserve un lien de filiation avec le père agresseur, appelons-le comme ça, là, le père agresseur, bien, nécessairement, si les règles générales de droit s'appliqueraient, donc le père agresseur pourrait déshériter cet enfant-là. Donc, si c'est ça l'intention du législateur, on n'y arrive pas autrement que s'il y a une compensation qui est permise quand même. Ça fait qu'on ne parlerait pas nécessairement d'un héritier en ce sens, là, à moins qu'on veuille changer la règle générale.

Mme Bourassa : Puis, selon vous, qu'est-ce qui ferait le plus de sens?

M. Houle (Kevin) : On va laisser les législateurs se questionner.

Mme Bourassa : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être ici avec nous. Pouvez-vous nous parler de votre rôle dans les projets de GPA, notamment les conventions?

M. Houle (Kevin) : Notre rôle? Bien, notre rôle...

Mme Haytayan : Le rôle des notaires, oui.

M. Houle (Kevin) : Comme notaire. Bien, d'abord, c'est un peu ce que je disais d'entrée de jeu, c'est que notre rôle... D'abord, on est des conseillers juridiques, donc impartiaux et officiers publics. Donc, notre rôle, ça va être nécessairement d'être un partenaire du projet de A à Z. Donc, nécessairement, quand les parties, quelles qu'elles soient, nous contactent, on est déjà au courant du dossier, on est au courant des intentions, on est au courant du type de personnes qui est devant nous. Donc, on va être le conseiller juridique d'une part et d'autres. Et notre rôle de notaire nous permet de donner des conseils à l'un et à l'autre. Oui, on peut penser qu'ils peuvent avoir des intérêts opposés, mais c'est comme ça que nous sommes formés. C'est de cette manière-là que le notariat existe, c'est de pouvoir donner des conseils de manière impartiale à l'un et à l'autre. Donc, c'est d'agir comme conseiller juridique, et, encore une fois, je le répète, peu importe qui paie nos honoraires. Donc, c'est d'agir comme conseiller juridique, mais surtout un partenaire du projet, parce qu'effectivement on donne une réponse à l'autre partie tout en sachant les interrogations de l'autre partie. On va pouvoir lui répondre aussi à cette partie-là.

Mme Marineau (Tania) : ...déjà les clients dans leur contrat de mère porteuse. C'est sûr que pour l'instant, ils ne peuvent pas être signés notarié étant donné la nullité de ces contrats, mais ces contrats-là finissent en adoption pour qu'on puisse réaliser les contrats de mère porteuse qui existent présentement. Et les notaires, justement, peuvent faire de l'adoption, donc on est déjà habitués, là, dans ce genre de processus-là de... pour accompagner les clients et s'assurer que les conventions respectent, en ce moment, les principes de la jurisprudence, et plus tard, ce sera pour respecter tous les principes, là, que le législateur mettra en place.

M. Houle (Kevin) : ...déjà toutes les parties au projet d'adoption. C'est déjà le cas actuellement, là.

Mme Haytayan : Merci.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.

M. Lemieux : Pour combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) :Quatre minutes grosso modo.

M. Lemieux : Vous êtes trop bon pour moi.

Le Président (M. Bachand) :Ça me fait plaisir.

M. Lemieux : Bonjour.

M. Houle (Kevin) : Bonjour.

M. Lemieux : Vous avez dit pendant votre présentation, à deux moments, presque trois... il y en avait un, c'était sous-entendu un petit peu : D'autres ont dit ici... Effectivement, c'est un peu le jour de la marmotte, pas parce qu'on avait parlé de ça avec le projet de loi n° 2, quoiqu'effectivement... Bien, je ne sais pas ce qu'il a le ministre dans ses projets de loi, mais les notaires gagnent à tout coup, et c'est un peu...

M. Houle (Kevin) : La société gagne à tout coup.

M. Lemieux : Ah! d'accord...

M. Lemieux : ...mais... ce n'est pas l'éléphant dans la pièce, mais c'est clair que vous répondiez par la bande à ce qui avait été dit avant. Mais, disons-le carrément, les avocats ne sont pas très... les avocats, attention, pas tous les avocats, pas tout le monde, mais les représentations de la part des avocats, c'est : Bien là, attendez un pe, là, on est capables de faire ça, nous autres aussi. Alors, allons-y carrément, hein, ouvrons l'éléphant dans la pièce, puis... Est-ce que ça marcherait si les deux pouvaient, ou ça peut seulement marcher si c'est oubedon les notaires oubedon les avocats?

Mme Marineau (Tania) : Si on y va avec le projet de loi n° 8, qui vient de passer, c'est vraiment de désengorger les tribunaux. Donc, on a une façon administrative devant notaire avec un officier public compétent, conseiller juridique. Donc, c'est pour... toute la société que ça viendrait avantager, que le notaire s'en occupe et que ça ne finisse pas devant la cour, justement. Donc, c'est l'avantage du notaire qu'on a au Québec, c'est qu'on peut faire les choses de façon administrative.

M. Lemieux : Mais le p.l. 8, je comprenais... Dans le fond, ce n'est pas le jour de la marmotte là, mais c'est deux fois des notaires. Mais, dans ce cas-ci, est-ce que ça peut être l'un ou l'autre, ou ça pourrait être l'un et l'autre?

M. Houle (Kevin) : Bien, dans ce cas-ci, ce qui... en lien avec ça, c'est parce que, considérant que c'est une méthode dite administrative, qu'on ne veut pas aller devant les tribunaux, et considérant que c'est une méthode dite administrative qui implique ou impose ou amène une filiation, qui est un nouveau... tout ça est quand même de droit nouveau, c'est important d'avoir un officier public, qui est quand même l'État dans le milieu privé, aux termes juridiques, et où l'officier public sera le responsable du dossier, de s'assurer que toutes les conditions aient été respectées, et non pas à un moment donné, si un jour je décide d'appeler mon conseiller juridique, lui, il va faire ce que je lui demande parce que mon mandat sera le suivant. Dans ce cas-ci, le notaire aura un mandat implicite. C'est toujours comme ça qu'on fonctionne comme officier public. Ce n'est pas nécessairement... Par exemple, là, l'exemple classique : j'achète une maison. Le client ne va pas me dire : Là, notaire, il faut que tu fasses l'examen de titre, assure-toi qu'il y a de l'argent dans le compte in trust, là, par le vendeur... Non, je sais comment ça fonctionne. Donc, nécessairement, à partir du moment où j'agis comme officier public, il y a un mandat implicite qui m'est accordé. Et c'est de cette façon-là que le notaire agit comme officier public, et c'est de cette façon-là qu'on assure que cette procédure-là soit complètement déjudiciarisée, que tout le monde soit protégé et que les conditions aient été respectées et qu'on ne le voit pas, s'il y avait non-respect des conditions, après coup.

M. Lemieux : Parlons-en, des conditions. Celle qui est probablement la plus interpellante pour Monsieur et madame Tout-le-Monde, c'est-à-dire qu'on a une femme porteuse qui se rend à terme, puis qui décide, entre le septième et le 30 jours, de garder l'enfant, est-ce que vous pensez que ce que vous allez avoir fait en amont avec les deux parties va vous permettre de dénouer ça? On nous dit qu'il n'y en a pas tant que ça, en fait, c'est rarissime, mais ça fait partie, pour le grand public, de la dernière frontière à franchir, éventuellement, dans la manière d'aborder ce sujet.

M. Houle (Kevin) : Bien, à partir du moment où les gens signent un contrat, à partir du moment où le notaire, parce qu'il en a l'obligation, aura expliqué tous les tenants et aboutissants, qu'est-ce qui va advenir si telle situation arrive, qu'est-ce qui va advenir si telle situation arrive, bien, il n'y a personne qui peut dire : Je ne le savais pas, ou il n'y a personne qui va pouvoir dire : Bien, pourquoi tu fais ça? Tu n'avais pas le droit. Bien, moi je pensais que tu pouvais. Ah! bien, moi... Il n'y aura pas de ouï-dire. Donc, la personne qui porte l'enfant puis qui décide... qui prend cette décision-là, bien, elle va le savoir, qu'elle a le droit, et les parents d'intention vont savoir que ça peut arriver. Et ça ne sera pas nécessairement une cause qui va faire en sorte qu'ils vont vouloir réclamer quelque chose à la mère, à moins qu'il y ait une question de dol, parce que c'était un contrat à moitié, à moins qu'il y ait une question de fraude, entre guillemets, mais au-delà de ça, le notaire aura tout expliqué, clairement établi les risques, entre guillemets, d'une part, et d'autre.

M. Lemieux : Merci beaucoup, monsieur, dame. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :  Merci, M. le député de Saint-Jean. M. le député d'Acadie, s'il vous plaît.

• (17 h 50) •

M. Morin :Merci. Merci, M. le Président. Merci, Maître Houle maître Marineau d'être avec nous aujourd'hui. Écoutez, j'ai trouvé la question de mon collègue le député de Saint-Jean très intéressante. Puis j'aimerais qu'on continue à parler de l'éléphant dans la pièce un peu, si vous permettez. Dans votre pratique, est-ce que vous en rédigez, des conventions pour les mères porteuses?

Mme Marineau (Tania) : Ça m'est arrivé, oui. Moi, je suis spécialisée en droit de la famille et adoption, filiation.

M. Morin :D'accord. Donc, vous avez une expérience là-dedans. Excellent. Dans le projet de loi, on dit que la convention pour grossesse doit être notariée, mais, à 541.9, on dit que le consentement peut être donné par acte notarié en minutes ou sous sein privé. Donc, est-ce que vous voyez là une incohérence entre les deux dispositions du projet de loi?

M. Houle (Kevin) : Bien, c'est un peu ce que je disais tantôt, c'est-à-dire que nous... que ça devrait être sous forme notariée ou avec un commissaire à l'assermentation...

M. Houle (Kevin) : ...Le fait que ce ne soit pas obligatoirement notarié, c'est parce que la prémisse, c'est que le contrat lui-même aura été fait sous forme notariée. Donc, les explications et ce qui va s'en venir, à ce moment-là, auraient été déjà expliqués, vous comprenez? Donc, ce qu'il reste à baliser, c'est l'identité de la personne.

M. Morin : O.K. Maintenant, si on revient à la convention de grossesse, on a entendu aussi en commission des avocats. Et une avocate en particulier, qui a pratiqué dans ce domaine-là, qui en a rédigé des milliers et qui, finalement, a consacré sa vie à rédiger ce genre de convention-là. Je comprends que, bien, on peut reconnaître qu'elle a quand même une expérience là-dedans. Donc, si le projet de loi est adopté tel qu'il est, bon, évidemment, elle va probablement être obligée de former... Fermer sa pratique. Puis en quoi... Puis elle nous a dit qu'il n'y avait pas de problème avec les conventions qu'elle rédigeait. Donc, en quoi ça devient si important, d'avoir une convention de grossesse uniquement par acte notarié puisque la réalité actuelle au Québec fait en sorte que ce n'est pas le cas puis que ça fonctionne bien?

M. Houle (Kevin) : Bien, d'abord, il ne faut pas oublier que même si le contrat est sous forme notariée, les parties peuvent quand même consulter un avocat ou un notaire, donc sa pratique va être quand même... le conseil va demeurer là, là, la révision ou quoi que ce soit va demeurer là à titre de conseiller juridique à part entière. Mais je ne parlerai pas pour elle, là. Mais, ce qui est important, c'est qu'à partir du moment où la raison pour laquelle le législateur déciderait... a décidé d'avoir un acte ou un contrat sous forme notariée, ce n'est pas nécessairement pour faire en sorte... Ou c'est plutôt, je reprends ma réponse, c'est plutôt pour s'assurer qu'aucun élément ne puisse survenir, un défaut ne puisse survenir. Parce qu'on parle de nécessairement de ne pas commercialiser l'enfant à naître, de faire en sorte que toutes les conditions soient respectées, mais aussi de faire en sorte que le lien de filiation ne soit quasiment pas contestable, vous comprenez? Donc, ce sont ces éléments-là qui sont pris en compte lorsque le législateur demande à ce qu'un document soit notarié.

Si on prend le pendant, par exemple, le testament. Un testament sous forme notariée, pourquoi que c'est tant important et intéressant, c'est... je n'ai pas, je vous avoue, je n'ai pas les chiffres parfaitement, là, avec moi, mais c'est des milliers de dossiers qui seraient présentés à la cour pour fins d'homologation des testaments, s'il n'y avait pas de testament notarié, qui, lui, est exécutoire dès le moment où la personne décède.

Pourquoi je fais le parallèle, c'est simplement pour vous dire qu'il y a des... Pourquoi le testament notarié est important, alors qu'il y a d'autres méthodes qui sont possibles, bien, c'est parce que les gens favorisent cette méthode-là parce que ce n'est pas contestable, tout est expliqué, et c'est le patrimoine complet. Alors, pourquoi qu'on ne ferait pas la même chose pour un lien de filiation avec un enfant à naître, de vouloir s'assurer que ça soit béton en ce qui concerne le document, le consentement, les risques. On parle d'argent, on parle... il y a de l'aspect social là-dedans, donc, comme je vous le disais tantôt, le notaire va être le chef d'orchestre du dossier, s'assurer que toutes les conditions ont été respectées. Le mandat est implicite au notaire.

Mme Marineau (Tania) : C'est des milliers de dossiers qui ne seront pas présentés à la cour, dans le cas de cette collègue-là, parce qu'ils vont être réglés chez le notaire, directement avec le directeur de l'état civil. Donc, c'est vraiment... La cour va être désengorgée en... Parce qu'autrement ça doit finir en adoption, et l'adoption se fait devant un juge. Donc, tous les milliers de dossiers que la collègue a faits, elle a été devant la cour par la suite pour faire reconnaître l'entente, la filiation entre les parties. Donc, de cette façon-là, on va éliminer de devoir aller à la cour pour faire reconnaître la filiation.

M. Houle (Kevin) : Et, au niveau des honoraires aussi, les parties vont bénéficier d'un seul conseiller juridique qui va lui donner tous les... qui doit lui donner tous les conseils juridiques. Le notaire doit le faire. Donc, à partir de là, même s'il y a une partie qui est peut-être moins fortunée que l'autre, elle aura automatiquement droit aux conseils juridiques du notaire.

M. Morin :Bien. Vous avez fait référence au projet de loi huit. Puis l'argument qu'on nous a dit pour nous permettre... Pour permettre aux notaires d'accéder à la profession, c'est qu'il y avait justement un grand nombre d'avocats qui ne plaident pas nécessairement. Donc, ils étaient habitués de conseiller différentes parties, de rédiger des contrats, et cetera. et le notaire, au fond, les notaires font à peu près la même chose. Donc, c'est un argument en faveur de la possibilité pour les notaires d'accéder à la magistrature.

Si on transpose ça avec quelques adaptations dans le PL 12, vous avez des avocats qui font des contrats dans leur bureau, qui conseillent les parties, on nous a même dit que ce n'était pas contesté à la cour, ça allait très bien. Donc, pourquoi est-ce que vous tenez tant à ce que ça soit fait par acte notarié?

M. Houle (Kevin) : C'est d'abord, ici, il faut se questionner, à savoir quel est l'intention du législateur, est-ce que c'est de s'assurer un contrat qui est au... au plus haut de la force probante, au niveau de la preuve, de s'assurer que les parties reçoivent un conseil juridique impartial. L'intention du législalteur, si l'intention du législateur est de s'assurer que le document ne soit quasiment pas contestable et que les... qu'on s'assure qui... Justement, que les questions soient posées au bon moment aux parties et... Parce que vous savez que les éléments pour contester un contrat, ça peut être un vice de consentement, l'objet est illégal, il y a plein d'éléments qu'on apprend, là, à l'université. Bon. Puis à partir de là, le notaire revoit indirectement ces éléments-là et s'assure de crever l'abcès...

M. Houle (Kevin) : ...pour être certain qu'il n'y aura plus d'éléments potentiels, en bout de piste, si jamais ça arrive. Donc, ici, je pense qu'il faut que tous se questionner à savoir : Est-ce que le législateur a comme intention principale de protéger les citoyens et citoyennes dans ce type de contrat là où un enfant est en jeu, principalement, et une femme qui portera un enfant?

M. Morin : D'accord. J'ai également d'autres questions pour vous au niveau de la convention puis de l'encadrement des agences. Est-ce que vous avez des suggestions à faire à ce sujet-là au législateur pour s'assurer qu'évidemment l'intérêt de tout le monde va être bien... va être protégé? Et est-ce qu'il y a des clauses que vous êtes prêts à suggérer qui devraient apparaître dans les conventions pour protéger la femme porteuse?

M. Houle (Kevin) : On n'a pas vraiment étudié ce dossier-là.

M. Morin : Ce dossier-là.

M. Houle (Kevin) : Non.

M. Morin :D'accord. Bien. Pour les grossesses à l'étranger, le projet de loi le permet, il y a plusieurs groupes qui nous ont dit que ce n'était pas souhaitable, parce qu'évidemment on ne contrôle pas le droit à l'étranger. Il y a un risque d'exploitation des femmes porteuses là-bas. Est-ce que vous avez des suggestions ou une opinion là-dessus? Est-ce qu'on devrait le permettre ou ne pas le permettre, puis se concentrer sur des conventions ou des femmes porteuses qui sont uniquement, par exemple, au Canada ou au Québec?

M. Houle (Kevin) : Me Marineau pourra compléter, si nécessaire, mais je veux juste dire, d'entrée de jeu, qu'en ce qui nous concerne, on a rappelé à la commission qu'il existe une union du notariat latin où les... nécessairement, il y a du notariat à travers le monde, puis que, nécessairement, il pourrait y avoir des ententes entre les différents États. Et on laisserait nécessairement au ministère responsable à savoir quel État ou quel pays, là, est autorisé, entre guillemets, pour permettre ce genre de transaction là.

Mais je reviens à la base où le notaire doit s'assurer de la capacité, la qualité, l'identité des personnes, donner les conseils légaux. Donc, dans un cas comme celui-ci, nécessairement, le notaire, avant de signer un tel acte, si jamais il y avait une personne à l'étranger, devra obtenir d'un avocat ou notaire là-bas, à l'étranger, une confirmation que cette personne-là est légalement capable de signer un contrat comme celui-là, selon les lois de l'État où elle est, vous comprenez? Donc, ça aussi, ça fait partie du mandat implicite dont on parle depuis le début, d'un notaire, ce n'est pas écrit nulle part, mais ça l'est indirectement, mais ce que je vous dis, c'est que le notaire a tous ces éléments-là en tête systématiquement à partir du moment où on fait un acte notarié.

M. Morin : O.K. Puis un avocat ne les aurait pas?

M. Houle (Kevin) : Bien, je ne suis pas avocat.

M. Morin : Donc, il n'y a pas d'avocat à l'étranger qui pourrait le conseiller, l'avocat qui fait la convention sous seing privé au Québec, ça n'existe pas, ça?

M. Houle (Kevin) : Bien, ça existe, mais est-ce que l'avocat a nécessairement le mandat implicite de s'assurer de cet élément-là versus moi, comme notaire, qui fait un acte authentique? Vous poserez la question à l'avocat.

M. Morin : D'accord. Au niveau de la section V, l'article 542.33, la responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle. Le projet de loi prévoit une indemnité, mais évidemment fait reposer sur la victime de l'agression sexuelle, le fait de le prouver, de le démontrer. On dit, dans le projet de loi, que l'agression sexuelle peut être prouvée par la production d'un jugement, qui en reconnaît l'existence, évidemment, mais ce n'est pas toutes les femmes qui vont dénoncer l'agression. Est-ce que vous pensez que ce régime-là ne fait... n'est pas trop lourd sur les épaules de la victime et si un régime étatique qui viendrait compenser ne serait pas préférable?

Mme Marineau (Tania) : Bien oui, on trouvait que le fardeau était lourd sur la victime de devoir prouver son agression pour pouvoir faire valoir ses droits. Mais, comme solution, on laisserait le législateur peut-être revoir cette... ce fardeau de preuve.

M. Houle (Kevin) : Parce qu'effectivement on comprend que d'avoir un jugement au criminel... Mais, encore là, il faut se questionner : est-ce que le jugement au criminel peut faire effet au niveau du droit civil? Puis... mais, effectivement, ce qu'on ne veut pas, c'est que la femme doive avoir ce fardeau-là, tout en sachant que les femmes ne dénoncent pas ça en dedans de quatre jours, là, donc.

• (18 heures) •

M. Morin : D'accord. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Robert-Baldwin, deux minutes.

Mme Garceau : Deux minutes. Vous êtes experts dans ce domaine, donc je suis très intéressée au niveau de quel genre de clause est-ce que vous mettez dans ce genre de convention? Est-ce que, dans le projet de loi, on devrait préciser certaines clauses qu'on devrait avoir dans la convention?

Mme Marineau (Tania) : Évidemment, présentement, les conventions ressemblent un peu à la loi fédérale. C'est surtout ces clauses-là qui sont prévues concernant, justement, comment qu'on peut compenser et non rémunérer une mère porteuse. Justement, il faut... c'est surtout rétablir le droit dans le contrat pour que les parties comprennent bien que, si l'enfant... comme que mon collègue disait, si l'enfant est malade, la famille doit le prendre quand même. S'il y a plusieurs enfants, la famille doit prendre tous les enfants. Donc, c'est plusieurs clauses comme ça, qu'on ne peut pas séparer la fratrie, justement, comme que le...


 
 

18 h (version non révisée)

Mme Marineau (Tania) : ...le législateur a déjà pensé. Sinon des clauses qui n'ont pas... bien, l'âge, la capacité, tout ça, ça a déjà été pensé, mais ça serait surtout par rapport au point de qu'est-ce qui peut être remboursé pour ne pas que ça tourne en rémunération qui serait bien encadrée dans les contrats.

Mme Garceau : Je veux préciser au niveau de... en cas de décès des parents d'intention, est-ce qu'il y a une clause qui prévoit qu'un tuteur, tutrice serait nommé en cas de...

Mme Marineau (Tania) : Bien, pour que... en ce moment, comment que ça fonctionne, les contrats de mère porteuse, c'est que le père, habituellement, le... lui peut être père au certificat de naissance. Donc, par la suite, si la mère d'intention décède... pas... excusez, si la mère porteuse décède, lui peut signer le consentement d'adoption en faveur de sa conjointe. Donc, puisqu'avec le processus d'adoption présentement, on fonctionne par consentement entre... en faveur de la conjointe d'intention, même s'il y a un décès, il faut que le père soit au certificat de naissance pour qu'on puisse procéder, dans tous les cas.

Mme Garceau : Là, juste préciser, je vais vous dire l'article 541.14, et donc c'est très spécifique parce que là ça serait dans un cas où les deux conjoints ou la personne seule... là je ne parle pas de la de la femme porteuse, son décès, je parle des... des parents d'intention, que les deux décèdent, il y a la naissance de l'enfant, est-ce que vous prévoyez dans vos conventions, en cas de décès des parents d'intention, un genre de clause de testament que l'enfant, au lieu d'être confié à la DPJ, serait confié à... au tuteur, tutrice nommé par les conjoints dans la convention, est-ce que ça vous le prévoyez?

Mme Marineau (Tania) : C'est... bien, ce n'est pas possible dans la loi présentement. C'est la mère biologique qui va devoir conserver l'enfant et le confier à la DPJ parce qu'autrement, on ne peut pas prévoir d'avance à qui va un l'enfant. C'est elle, elle est toujours en vie, c'est son enfant, elle est au certificat de naissance, c'est elle qui a l'autorité parentale seule.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Henri Saint-Jacques... Saint-Jacques? Sainte-Anne, pardon.

M. Cliche-Rivard : Merci. Merci pour votre présentation. Vous parliez qu'au niveau des versements, remboursements de la somme en dépôt de garantie, là, vous vouliez que ce soit plus clair, ou vous parliez de dicter un règlement, est-ce que ça ne pourrait pas simplement être tout fait clairement dans la convention préalable plutôt qu'aller par règlement?

M. Houle (Kevin) : Oui, oui, mais ce que... l'élément que je voulais apporter... aborder tantôt, c'est surtout le fait qu'on veut être certain que le notaire soit lié... Il faut... il ne faut pas oublier que le notaire agit comme officier public, donc d'une manière impartiale. Si une partie dit O.K. puis... malgré que ce soit écrit, qu'après ça on vient dire, l'autre dit : Oui, bien, finalement, je ne suis pas d'accord pour des raisons xy, regarde, il y a tels, tels éléments. Là, le notaire est quand même au milieu... n'est pas le juge, il ne peut pas trancher : Bien, toi, ce que tu me dis, ça ne m'intéresse pas, je vais pencher pour elle. En faisant ça, je prends parti, vous comprenez, donc le règlement ferait en sorte que, nécessairement, c'est l'État, c'est le législateur qui vient dire aux parties que le notaire va faire ça. Donc, si dans cinq jours, six mois, tu es moins d'accord ou tu interprètes différemment tout d'un coup ce mot-là, le fait que tu dises non au notaire, ne va pas nécessairement emporter un différend. C'est surtout cet aspect-là. On veut être certain que ça puisse être déboursé fluidement, excusez-moi l'expression.

M. Cliche-Rivard : Donc, ce serait privilégié par règlement plutôt que par la convention.

M. Houle (Kevin) : Oui.

M. Cliche-Rivard : O.K. Vous parlez aussi de déposer... de ne pas déposer la copie intégrale de la convention, mais plutôt un extrait, quels seraient les éléments minimums qui devraient être dans l'extrait?

M. Houle (Kevin) : Bien, on comprend qu'ici, l'intérêt, c'est s'assurer... l'aspect génétique, là, donc toutes les maladies ou quoi que ce soit qui pourraient... que l'enfant devrait consulter. Donc, c'est minimalement cet élément-là qu'on va y retrouver, j'imagine, dans cet extrait-là, mais ce qu'on suggère, parce qu'il ne faut pas oublier que l'extrait ferait en sorte que le Directeur de l'état civil va l'avoir, mais l'enfant pourrait le consulter aussi. Donc, les aspects financiers, monétaires, mais on... je ne pense pas que ça soit nécessaire que ça se rende au Directeur de l'état civil, vous comprenez, mais il reste que... Voilà.

M. Cliche-Rivard : C'est important quand même qu'il y a l'extrait, par contre, pour vous... il faut qu'il y ait un document, il faut...

M. Houle (Kevin) : Oui, puis l'extrait est une... est un document authentique, est une copie authentique qui fait preuve de son contenu, mais on vient... on enlèverait au minimum les éléments monétaires, financiers. Puis, encore là, rien n'empêche que le législateur, ou par un règlement, ou peu importe pourrait nous indiquer qu'est-ce que le Directeur de l'état civil désire voir dans cet extrait, au minimum.

M. Cliche-Rivard : Vous parlez aussi de modifier le règlement pour des heures de médiation familiale. Quand il y a un conflit, on parle aussi que, dans toute la réalisation du projet, il doit y avoir un consentement constant de la mère porteuse, comment on va régir ça si, finalement, il n'y a plus de consentement puis s'il y a... finalement, il doit aller à l'arbitrage, ou comment on va gérer le conflit à l'intérieur?

M. Houle (Kevin) : Oui, bien, rendu là, il faut se...

M. Houle (Kevin) : ...questionné à savoir pour quelle raison est ce que la mère porteuse ne veut plus non plus, tu sais, ce n'est peut-être pas nécessairement qu'elle ne veut plus. Ça fait qu'il faut vraiment aller en amont. C'est un peu ça, la médiation aussi, voir derrière quelle est la raison réelle, mais si, en bout de ligne, elle ne veut plus, bien, elle ne veut plus. C'est un peu ça aussi, là, l'aspect de l'acte notarié fait en sorte que les parties vont être au courant que, nécessairement, il y a des risques dans ce projet-là. Risque entre guillemets, O.K. il faut s'entendre, là. Mais c'est... Il faut comprendre que ce n'est pas une promesse d'achat d'un immeuble où tu t'en vas en action en passation de titre, vous comprenez? Ce n'est pas ça qui va arriver, là.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Sur ce, Me Marineau et Me Houle, merci beaucoup d'avoir été avec nous. C'est très apprécié. Donc, avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendues lors des audiences publiques. Cela dit, la commission ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux au mardi 4 avril à 9 h 45, où elle va entreprendre un nouveau mandat. Belle soirée. À bientôt.

(Fin de la séance à 18 h 07)


 
 

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