(Onze
heures vingt minutes)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Bonjour à tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission des institutions ouverte.
La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille
en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la
suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression
ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d'un projet de
grossesse pour autrui.
Avant de débuter, Mme
la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Zanetti
est remplacé par... M. Zanetti
(Jean-Lesage) est remplacé par
M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bachand) : Et on lui
souhaite la bienvenue. Merci beaucoup.
Alors
nous allons entendre, ce matin, deux groupes, deux... oui, la Pre Isabel
Côté, mais d'abord des gens qu'on connaît
bien, à la Commission des institutions, alors, les représentants de la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse.
Alors,
merci beaucoup, Me Tessier. Alors, je vous laisse présenter les gens qui vous
accompagnent. Et, comme vous savez, vous avez 10 minutes de
présentation. Merci beaucoup.
Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Tessier
(Philippe-André) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM.
les députés, alors donc, Philippe-André Tessier, président de la commission. Je
suis accompagné de Mme Myrlande Pierre, vice-présidente responsable du mandat charte, de Me Karina
Montminy et M. Samuel Blouin, tous deux à la Direction de la recherche
de la commission.
Le projet de loi sous
étude interpelle hautement la commission à deux titres. D'abord, en tant que
défenseure des droits des enfants, la commission assure la protection de
l'intérêt de l'enfant ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui
sont reconnus tant par la Charte des droits et libertés de la personne que par
la Loi sur la protection de la jeunesse. Le projet de loi suscite également un très grand
intérêt pour la commission dans son rôle de promotion et de défense des
droits des femmes, qui leur sont accordés également par la charte.
Rappelons que la
commission avait formulé des recommandations dans son mémoire sur le projet de
loi n° 2 sur la
grossesse pour autrui, adopté et rendu public en janvier 2022. Faute de temps,
celui-ci n'avait pu être déposé au moment
des consultations particulières. Parce que plusieurs éléments de notre analyse
demeurent applicables aux nouvelles dispositions et pour faciliter le travail
des députés, nous avons reproduit les extraits pertinents de notre précédent mémoire
en annexe des présentes notes de présentation qui vous ont été transmises.
D'entrée de jeu, nous
tenons à rappeler que nous demeurons convaincus de la pertinence des modifications
proposées au Code civil qui visent à reconnaître la GPA au Québec et hors
Québec ainsi que celles proposées aux autres lois pour donner plein effet à
cette reconnaissance. Celles-ci constitueraient un puissant moyen d'accroître
la protection des droits et de l'intérêt de l'enfant qui en est issu ainsi que
des droits de la femme ou de la personne qui a accepté de lui donner naissance.
Or, pour qu'il en
soit vraiment ainsi, le projet de loi doit proposer un régime qui respecte
intégralement les principes qui légitiment
la GPA : le premier principe a trait à l'interdiction de la
commercialisation de la GPA, celui-ci sous-tend l'interdiction de la vente
d'enfants et la non-instrumentalisation du corps des femmes, le deuxième
principe concerne la sauvegarde de
l'autonomie procréative des femmes et le troisième est à l'effet que l'enfant
né de la GPA a droit à l'établissement d'une filiation qui soit
respectueuse de son intérêt et de l'ensemble de ses droits. Ces principes
reconnus en droit international s'inscrivent dans le prolongement de plusieurs
droits garantis par la charte.
La
commission identifie certaines failles dans le projet de loi qui, selon elle,
risqueraient de mener à des pratiques
de GPA qui dérogeraient à ces principes et ces... et par conséquent qui
contreviendraient aux droits consacrés par la charte, et c'est dans
cette perspective que nous formulons quelques recommandations afin de bonifier
le projet.
Selon ce
projet, les normes entourant le remboursement ou le paiement de certains frais
à la femme qui a accepté de donner naissance à un enfant seraient
déterminées par règlement du gouvernement. Or, la disposition habilitante du Code civil ne
prévoirait aucun critère permettant de baliser ces normes. Compte tenu du
caractère impératif voulant que la GPA ne doive en aucun cas équivaloir à une
vente d'enfant ni à l'instrumentalisation du corps de la femme à des fins commerciales, le législateur peut envoyer un
message très clair aux parties impliquées au sujet des frais remboursables.
Ce message doit inévitablement cibler des intermédiaires, qui peuvent, par
exemple, être des agences de procréation assistée, des professionnels du droit
ou des professionnels de la santé. Leur rôle dans le processus de GPA, souvent
central, a été jugé problématique, est dénoncé ailleurs dans le monde, mais
aussi ici, au Québec et au Canada.
Ainsi, afin d'éviter la marchandisation des
pratiques de GPA, la commission recommande de modifier l'article 541.3 du
Code civil qui serait introduit par le projet de loi afin de préciser que seuls
les remboursements ou paiements des frais raisonnables et détaillés de la femme
qui a accepté de donner naissance à un enfant seraient admissibles. Elle l'invite de même à modifier le projet de loi pour y
ajouter un mécanisme de contrôle indépendant en cas de désaccord des parties sur les frais remboursables. De tels
changements répondraient aussi aux recommandations de la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur
la vente et l'exploitation sexuelle des enfants. Les mêmes considérations
s'appliqueraient au remboursement ou paiement des frais destinés aux
intermédiaires.
Je cède maintenant la parole à ma collègue.
Mme Pierre
(Myrlande) : Alors, bonjour. Toujours dans l'objectif d'éviter
l'exploitation et l'instrumentalisation du corps des femmes, la
commission ne peut qu'insister sur l'importance du rôle du gouvernement en
regard des pratiques transfrontalières de la
GPA. La commission recommande à cet effet au gouvernement de prendre tous les
moyens appropriés pour encadrer les pratiques des acteurs qui seraient
appelés à intervenir dans le processus d'autorisation préalable de projets parentaux impliquant des parties domiciliées hors
du Québec. Ceux-ci devraient prendre en considération les écarts qui peuvent exister entre les
conditions de vie des parties concernées. De tels écarts peuvent notamment être
constatés lorsqu'il existe des risques d'exploitation de femmes porteuses se
trouvant dans des pays aux économies émergentes.
Bien que des
inégalités économiques, de classe sociale, de race et de genre puissent être
observées au Québec, ces disparités peuvent être d'autant plus grandes dans le
cas de la GPA transnationale. En présence de telles disparités, il y a
un risque d'atteintes au droit à l'égalité réelle des femmes porteuses
domiciliées hors du Québec.
À l'instar du
Barreau du Québec, la commission se préoccupe du respect de leurs droits au
niveau international. Les écarts dans les conditions de vie peuvent aussi être
constatés dans des pays où les droits reproductifs ne sont pas respectés. Alors, dans ces circonstances,
d'importants risques d'atteintes aux droits de la femme qui a accepté de donner
naissance à l'enfant existent et sont bien documentés.
Soucieuse de l'importance d'assurer la
protection de la femme contre l'instrumentalisation dont son corps pourrait
faire l'objet et les atteintes à son autonomie procréative, la commission veut
également attirer votre attention sur la
qualité du consentement requis de la femme afin qu'aucune filiation de l'enfant
ne soit établie à son égard. Alors, son consentement doit être libre, et
éclairé, et donné à chaque étape du projet parental. Or, cela ne sera possible
que si elle reçoit préalablement toute
l'information pertinente lui permettant de connaître et de comprendre les
éventualités qui peuvent survenir lors de la GPA. Et, en définitive, il
faut que la femme soit en mesure de les accepter en toute connaissance de cause
et sans compromis de ses droits.
La commission considère par ailleurs qu'il est
nécessaire d'uniformiser le type d'informations à fournir aux parties lors des
rencontres préalables à l'élaboration de la convention de grossesse.
Insistons particulièrement sur les informations
qui devraient être données en matière de santé, incluant celles relatives à une interruption de grossesse. Et, à
ce propos, la récente étude produite par le Conseil du statut de la femme met clairement en lumière que les
femmes porteuses et des donneuses d'ovules du Canada considèrent avoir été
suffisamment informées des risques pour leur santé associés aux procédures
médicales.
La commission recommande par conséquent de
modifier l'article 541.11 du Code civil qui serait introduit par l'article 18 du projet de loi afin de
prévoir la nature des informations qui devraient être abordées lors des rencontres
préalables à l'élaboration de la convention de grossesse pour autrui. Cela
devrait notamment comprendre des informations de nature juridique, c'est-à-dire
les droits reconnus aux parties, incluant ceux protégés par la charte.
• (11 h 30) •
M. Tessier (Philippe-André) : Une
dernière considération en lien avec la question de la GPA. Compte tenu de
l'importance des enjeux que soulève la GPA, la commission estime qu'il serait
nécessaire pour le gouvernement d'évaluer l'impact de la mise en oeuvre des
dispositions visant à l'encadrer qui seraient introduites dans la législation québécoise. Donc, elle recommande que le projet de
loi soit modifié pour prévoir une telle évaluation afin de mesurer la
portée de la loi advenant son adoption.
En dernier lieu, on souhaite aborder brièvement
les dispositions du projet de loi concernant l'enfant issu d'une agression sexuelle. La commission salue
l'intention du gouvernement d'accroître la protection du droit des femmes... qui a donné naissance à un enfant suite à une
agression sexuelle. Il en va de même de la protection qui serait accordée
à l'enfant qui en serait issu. Nous sommes
conscients de la nécessité d'agir pour répondre à certaines situations
spécifiques pour lesquelles
l'établissement de la paternité a été jugé problématique. Compte tenu des
courts délais, malheureusement, nous ne pouvons que vous soumettre
quelques-unes de nos interrogations.
Selon l'état des connaissances, les agressions
sexuelles ont fréquemment lieu en contexte conjugal. Cela étant, en cas de contestation de la filiation à
l'égard du père, on peut se demander comment seraient équilibrés les droits de
la charte susceptibles de s'appliquer. D'un côté, il pourrait y avoir les
droits de la femme qui a donné naissance à l'enfant à la suite d'une
agression sexuelle, par exemple son droit à l'intégrité, à la liberté. De
l'autre côté, il pourrait y avoir le droit
des conjoints, qui ont les mêmes droits, obligations et responsabilités et qui
doivent assumer ensemble la direction morale et
matérielle de la famille et l'éducation des enfants communs. Puis en plus de ça
s'ajouteraient les droits de l'enfant à la protection, à la sécurité, à
l'attention que ses parents qui en tiennent... ou que ses parents qui y
tiennent lieu peuvent lui donner.
D'ailleurs, on peut
se demander comment serait évalué l'intérêt de l'enfant, par exemple, dans un
cas où un enfant se retrouverait avec une filiation différente de ses frères ou
de ses soeurs, tout en ayant les mêmes géniteurs. Plus largement, la commission se demande quel sera l'effet de l'entrée en
vigueur prochaine du droit à la connaissance de ses origines, à
l'article 39.1 de la charte, sur la mise en oeuvre des droits qui seraient
reconnus spécifiquement à l'enfant issu d'une agression sexuelle. Considérant
que l'enfant serait titulaire de droit en matière de filiation et de succession, quel serait l'effet pour la mère de
l'exercice de ce droit pour... par l'enfant? Autrement dit, quelles seraient
les obligations de la mère quant à la mise
en oeuvre de ce droit de l'enfant? Voilà quelques questions que nous nous
posons.
Nous
vous remercions de votre attention et nous sommes maintenant disponibles pour
répondre à vos questions.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le
Président. Me Tessier, Mme Pierre, Me Montminy, M. Blouin, bonjour.
Merci de participer aux travaux de la
commission. Vous me permettrez également de saluer le nouveau député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
qui se joint à nous pour nos travaux. Alors, vous allez voir, c'est un pur
plaisir de travailler avec nous. Peut-être que vous aviez eu un petit peu moins
de plaisir dans le passé, mais là c'est nouveau, vous allez voir, comme
parlementaire, ça va être très agréable, je n'en doute pas. Alors, vous êtes le
bienvenu.
Alors,
Me Tessier, sur la question du viol et d'un enfant issu de l'agression
sexuelle, vous dites : Écoutez, on a plus de questions que de réponses,
dans votre mémoire. Cependant, vous dites quand même : Il faut faire la
pondération entre les droits de la femme qui a été victime du viol et
celui de l'agresseur, un peu, vous dites : Il faut prendre ça en
considération. Moi, je vous dirais que la démarche juridique qui a été
entreprise dans le cadre du projet de loi n° 12, c'est assez clair, c'est
qu'on trouve que ce comportement-là n'est pas acceptable, puis, très
clairement, le législateur s'exprime pour dire : Le choix que nous
faisons, c'est que, les femmes qui ont été violées, puis qu'il y a un enfant qui est issu de l'agression sexuelle, on leur
laisse le choix, soit d'établir la filiation, si elles le souhaitent, mais
surtout de pouvoir s'opposer à la filiation puis d'avoir des mécanismes
pour le faire et facilitant en matière de déchéance de l'autorité parentale. La
commission est d'accord avec ça?
M. Tessier
(Philippe-André) : Oui, tout à fait. Puis, juste pour bien clarifier,
s'il s'agit d'une question qui, dans sa mise en application, et je pense qu'il
y a d'autres intervenants qui sont venus en commission parlementaire pour le souligner, ici, c'est aussi l'entrée en
vigueur prochaine de 39.1 à la charte qui prévoit un droit à la connaissance
des origines, dans PL n° 2 et dans PL n° 12, ces éléments-là sont là. Donc, il y a aussi des
questions en lien avec le droit de l'enfant, les droits de la mère, parce
qu'évidemment, ici, il n'y a personne qui remet en cause la volonté du
gouvernement, et certainement pas la commission, de protéger les mères qui
auraient subi une telle agression, mais ici il faut comprendre aussi que les
droits de l'enfant pourraient être différents des droits consentis à la mère.
Et c'est ces éléments-là qui manquent, quand
même, un peu d'analyse qui... malheureusement, nous n'avons pas pu faire avec
toute la... avec tout le temps que nous avons, donc, dont nous avons disposé.
M. Jolin-Barrette :
Mais vous conviendrez avec moi qu'on ne veut pas forcer une mère qui a été
violée... on ne veut pas lui conférer d'obligation légale, nécessairement, de
dire à son enfant qu'elle a été violée. C'est un choix, je vous dirais,
familial, un choix intime qui appartient à la victime de violence conjugale.
M. Tessier
(Philippe-André) : Comme on peut vous répéter, on comprend la
nécessité... pour répondre à certaines... à certains cas, à certaines préoccupations
qui sont tout à fait légitimes. On fait juste faire remarquer, en tout respect,
là, au législateur qu'il y a certains éléments là-dedans, dans l'application
concrète de ces dispositions-là, les voies
de recours. Mais je vous invite et j'invite la commission à référer aux autres
acteurs qui ont témoigné devant elle, qui ont analysé ça beaucoup plus en
détail. Je vous avoue, honnêtement, que je n'ai pas d'autre question pour vous
aujourd'hui, M. le ministre, avec tout le respect que je vous dois.
M. Jolin-Barrette : OK. Peut-être juste une
question sur... vous soulevez la question de l'intérêt de l'enfant, là, sur ce sujet-là. Dans le fond, l'objectif
d'insérer le critère de l'intérêt de l'enfant, lorsqu'une filiation a déjà été
établie, donc, exemple, madame est victime de violence conjugale, de violence
sexuelle dans le cadre d'une relation conjugale, de vie commune, un enfant est
issu d'une agression sexuelle durant cette période de vie commune là, et madame
réussit à s'extirper de la relation toxique après deux, trois, quatre, cinq,
six ans, là la filiation avait été établie à l'égard de monsieur,
monsieur s'était occupé de l'enfant, faisait vie commune avec madame. Donc, on
établit ce critère-là d'intérêt de l'enfant pour le tribunal. Donc, ce n'est
pas... ce n'est pas un droit absolu en faveur de l'enfant, exercé par madame en
tant que tutrice de l'enfant, de briser la filiation, il faut que ça soit
entériné par le tribunal. Ça, sur ce point-là, est-ce que vous avez des
précisions à nous apporter sur la façon dont on devrait cerner l'intérêt de
l'enfant?
M. Tessier
(Philippe-André) : ...toujours en lien avec cette partie-là du projet
de loi, sur la mécanique, comme je l'ai indiqué précédemment, là, outre le fait
de dire qu'évidemment d'assujettir... au contrôle du tribunal, c'est une bonne
chose. On n'a pas d'autres observations à ce moment-ci.
M. Jolin-Barrette :
OK. Sur... Je pense que vous vous êtes prononcés sur les... dans le cadre
de la grossesse pour autrui, là, sur les séances d'information préalables, là,
je pense que vous aviez des commentaires sur la nature des informations qui
devraient être transmises dans le cadre de ces deux rencontres de séance
d'information là, à la fois pour les parents d'intention, à la fois pour les
mères porteuses. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre point de vue à cet
effet-là?
M. Tessier
(Philippe-André) : Oui. Bien, évidemment, ici, encore une fois, il
s'agit d'un équilibre des droits puis, bon, là on compare les droits de la
femme. Bien, le consentement libre et éclairé de la femme qui consent à
participer, donc, à une GPA sont déterminants, et donc c'est pour ça que la
commission encourage et recommande au législateur de prévoir de façon explicite
le type d'informations qui devraient être fournies aux parties lors de
rencontres préalables. Ça ne veut pas dire de prévoir un script détaillé, on se
comprend bien, il faut laisser un espace, lors de ces rencontres-là, à des
échanges et des discussions, mais, à tout le moins, qu'il y ait des éléments
minimaux qui soient prévus, en matière de
santé, donc, l'interruption de grossesse, les droits reconnus aux parties en...
justement, notamment en matière de la charte, parce qu'il faut
comprendre, ce sont des enjeux juridiques complexes qui ne sont pas à la portée
de tous, et c'est important d'avoir quelqu'un qui vient le préciser et le
baliser, et ce quelqu'un-là, bien, c'est le législateur, dans le cadre du
présent projet de loi.
M. Jolin-Barrette : OK. Vous avez eu un
commentaire également sur les balises relativement au remboursement des
dépenses. C'est très clair que ça ne peut pas être de la rémunération. Nous, on
va le préciser, notamment, par règlement, les modalités, mais est-ce que vous
avez des craintes relativement au remboursement des dépenses dans le cadre d'un
contrat de grossesse pour autrui?
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien, la principale préoccupation de la commission,
c'est la question des intermédiaires. Le
projet de loi, selon nous, devrait viser également les intermédiaires, parce
que, ça, des frais raisonnables et détaillés pourraient leur être payés.
Il faut comprendre que... tout le monde, la même chose, les principes qui
guident la commission dans son analyse, tant
le PL n° 2 que le PL n° 12, la non-commercialisation
de la GPA, la sauvegarde de l'autonomie procréative de la femme et le
droit à l'enfant d'une... d'établissement d'une filiation. Donc, lorsqu'on regarde ces éléments-là et on remarque que les
intermédiaires ne sont pas assujettis, bien, elle se pose, cette question-là en
lien avec la question de la non-commercialisation et l'autonomie procréative de
la femme. Et donc cet élément de préoccupation là, on tenait à le resoumettre
en termes de recommandation, qui était présent dans PL n° 2
et qui est présent également dans PL n° 12.
M. Jolin-Barrette :
Puis vous, juste pour qu'on comprenne bien, lorsque vous abordez la
question de l'intermédiaire, faites-vous référence à une notion d'agence ou à
tout autre intermédiaire de service dans le cadre d'une convention de gestation
pour autrui?
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien, il faut savoir qu'il y a différentes façons
de procéder, et c'est pour ça que... puis
d'ailleurs on l'a souligné, ça peut être, effectivement, comme vous le dites,
une agence, ça peut être également un professionnel du droit ou de la
santé qui pourrait être appelé à jouer un rôle d'intermédiaire. On ne veut pas,
donc, présumer des formes ou des parties qui vont jouer, qui vont vouloir jouer
ce genre de rôle là d'intermédiaire. Il y en a que c'est à travers des agences, il y en a d'autres que ça pourrait être
à travers des professionnels soit du droit ou de la santé. Quant à nous, il faudrait couvrir
l'ensemble de ces intermédiaires-là, encore une fois, protéger les droits de la
femme qui participent à une GPA et empêcher la commercialisation de la
GPA.
• (11 h 40) •
M. Jolin-Barrette :
Et donc nous, on confie ce rôle-là au notaire, notamment en faisant en
sorte que le notaire va être responsable de gérer les dépenses par le biais de
son compte en fidéicommis. Donc, ça va être lui qui va administrer, dans le fond, les dépenses admissibles, justement, pour
faire en sorte que la mère porteuse puisse avoir accès aux sommes qui
lui sont dues dans le cadre de sa grossesse.
Je voulais vous
demander, sur une question plus large, là, avant de céder la parole à mes
collègues, on a eu des groupes qui sont
venus nous dire qu'on devrait avoir un encadrement encore plus restrictif dans
le cadre du projet de loi. Il y en a
d'autres qui nous disaient : Un peu plus de souplesse. Qu'est-ce que vous
pensez, relativement au projet de loi,
est-ce qu'on devrait resserrer les critères, notamment sur la question des
grossesses pour autrui à l'étranger? Je serais curieux d'entendre la
commission à cet effet-là.
Mme Pierre
(Myrlande) : Si vous permettez, M. le ministre, M. le Président,
alors, oui, effectivement, la commission a des préoccupations particulières ou
concrètes qui reposent sur des pratiques qui sont documentées, là, de la
grossesse pour autrui dans d'autres pays. Donc, il
faut prendre en considération les disparités qui existent entre différents
États, notamment les disparités entre les pays du Nord et du Sud, les écarts
qui peuvent exister... bien, au sein des
sociétés, au sein même de la société québécoise, mais tout particulièrement en
ce qui concerne les pratiques de la GPA, donc, transfrontalière, prendre en
considération les disparités socioéconomiques qui existent pour éviter
justement qu'il y ait commercialisation ou instrumentalisation du corps des
femmes, mais surtout pour assurer l'égalité réelle dans ces
pratiques-là.
M. Jolin-Barrette : Et
êtes-vous d'accord avec moi que le mécanisme qu'on a mis dans le cadre du
projet de loi en faisant en sorte que c'est l'État québécois qui va avoir une
liste d'États désignés avec des règles comparatives, on
ne peut pas vraiment aller plus loin que ça, que nous... dans le fond, le
ministre va accréditer en disant : Bien, écoutez,
c'est un système qui répond aux bonnes pratiques ou aux normes d'équivalence
québécoises? Est-ce que vous considérez
qu'on devrait faire... Bien, en fait, est-ce qu'il y a une façon de faire plus
que ce qu'on fait dans le projet de loi?
M. Blouin (Samuel) : ...oui, en
complément, oui, on a noté que, notamment à l'article 541.31 qui serait ajouté au Code civil, il y aurait des
considérations d'ordre public, et d'intérêts, et de droits des parties qui
seraient prises en considération dans
le processus de désignation des États, mais c'est plutôt... notre préoccupation
est plutôt au niveau de la mise en
oeuvre. Donc, on comprend que le gouvernement compte se donner des moyens
d'assurer cette surveillance-là, mais on a des préoccupations avec les
États qui autorisent une GPA commerciale, les États où les droits reproductifs des femmes ne seraient pas respectés ou encore les
États qui ont une économie émergente, où la disparité économique pourrait être très importante. Donc, on voudrait
s'assurer que ces considérations-là soient présentes, par exemple, à l'étape
de la mise en oeuvre.
M. Jolin-Barrette : Mais
je vous rassure, si ce n'est pas équivalent, ils ne seront pas sur la liste des
États désignés, c'est clair, ça...
M. Blouin (Samuel) : Oui,
c'est...
M. Jolin-Barrette : ...c'est
clair. OK. Bien, je vous remercie. Je vais céder la parole à mes collègues.
Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci. Je vous rappelle qu'il
reste 4 min 35 s, du côté gouvernemental. Mme la députée
de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Merci. Vous avez
déjà répondu à quelques-unes de mes questions avec M. le ministre, mais j'aimerais vous entendre sur la
reconnaissance du droit à la connaissance des origines de l'enfant. Je sais que
vous aviez parlé de cet aspect-là. Quelle est votre position face à ça
dans une GPA?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
pour ce qui est du droit à la connaissance des origines, donc, pour ce qui est
de la commission, on accueille positivement de cet élargissement parce que,
encore une fois, c'est toujours la même chose, il va assurer la réalisation de
plusieurs droits garantis par notre charte. Donc, il faut reconnaître le droit
à l'enfant, peu importe la structure familiale et les circonstances qui
entourent sa naissance, à la connaissance de ses origines. Ça participe également, j'y faisais référence tout à l'heure, du
nouvel article 39.1, qui a été ajouté à la charte par PL n° 2, mais qui n'est pas encore entré en vigueur.
Mme Bourassa : Parfait.
Et vous parliez aussi du délai durant lequel la mère, après la naissance, peut
transférer l'autorité parentale, bon,
vous parliez de l'importance d'accorder un délai. Selon vous, le sept jours à
30 jours qui est prévu présentement, est-ce que c'est assez, est-ce
que c'est convenable?
Mme Montminy
(Karina) : Oui. À l'occasion du projet de loi n° 2, nous
avions estimé que ça offrait des garanties, là, qui étaient nécessaires ou qui permettaient de respecter le...
toujours, l'autonomie de la mère, son consentement, d'aller s'assurer que
cette... pendant cette période-là. Donc, oui, on pourrait vous dire, là, qu'on
n'avait pas émis de commentaire, là, qui allait à l'encontre de cette
proposition.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci,
M. le Président. Bonjour à vous quatre, merci pour votre temps. Question rapide
sur les agences, vous l'avez abordé rapidement : Est-ce que vous
seriez d'avis qu'il faudrait les interdire?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
écoutez, la chose qui est importante, c'est qu'il faut comprendre que les données probantes que l'on dispose... dont on
dispose, et notamment il y a un rapport, là, de la Rapporteuse spéciale
des Nations unies sur la vente, l'exploitation sexuelle des enfants, elle-même
a réclamé que les pratiques... elle a recommandé aux États qui... où l'on
pratique la GPA, que les frais soient raisonnables et détaillés parce que sinon
ils peuvent être considérés comme des paiements déguisés. Et donc, nous, c'est
là-dessus qu'on attire la vigilance du législateur en ce qui a trait aux
intermédiaires parce qu'évidemment le message clair doit être, à notre avis,
indiqué dans la législation que ces
éléments-là s'appliquent également aux agences, OK, donc, pour vraiment, encore
une fois, donner plus de robustesse, peut-être répondre aussi à un élément de
question, tout à l'heure, auquel je n'ai pas répondu, vous en aurez
compris de l'intention de notre mémoire, d'ajouter des éléments de robustesse,
d'ajouter des éléments législatifs très clairs, des indices législatifs très
clairs, ces éléments-là, la commission est favorable à ces indices-là. Et donc un de ces indices-là, c'est justement de
viser explicitement les agences ou les autres types d'intermédiaires qui pourraient
agir.
Mme Haytayan : Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Alors, merci, merci,
M. le Président. Permettez-moi, à mon tour, de saluer mon collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne, qui en est à sa première commission. Alors, M. le député, ça me fait
plaisir. Merci beaucoup, Me Tessier,
pour votre participation aux travaux de la commission ainsi que
Mme Pierre, Me Montminy et M. Blouin. J'ai lu avec attention
votre mémoire.
J'aurais quelques questions pour vous. La
première, c'est en lien avec l'article 523 du projet... en fait, du Code civil. C'est l'article 8 du projet de
loi qui va modifier l'article 523, l'article 523 actuel, dans le Code
civil, pour la preuve de la filiation. On parle de filiation, tant
paternelle que maternelle, qui se prouve par l'acte de naissance. Ce qu'on veut maintenant, ce que législateur veut
faire, c'est «la filiation de l'enfant s'établit à l'égard de la mère ou du
parent par le fait de lui avoir donné
naissance». Donc, on semble... en fait, on semble préférer ou mettre de
l'emphase... Le fait que la femme porteuse pourrait, évidemment, être
reconnue par la filiation, est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait
enlever? Le laisser comme ça, est-ce que ça pose un problème, selon vous, au
niveau de la filiation?
Mme Montminy (Karina) : Bien, on
ne s'est pas positionné directement sur cette disposition-là, mais c'est sur
l'ensemble des garanties qui doivent être offertes à toutes les étapes. Je
pense que c'est vraiment... l'essence de notre message, là, c'est vraiment le
consentement. Est-ce qu'il y a des... D'autres y ont peut-être vu, là, des
risques. Nous, on a offert, là, des... l'ensemble des garanties en fonction,
autant de nos dispositions dans notre... dans le droit interne avec la Charte des droits et libertés de la personne que les
prescriptions du droit international. Donc, c'est... Il faut toujours s'assurer qu'à toutes les étapes... parce
que ça, c'est une... et c'est un risque potentiel de la femme qui pourrait
exister à l'égard de son consentement et à
ce que, finalement, la filiation soit établie contre sa volonté, c'est pour
s'assurer qu'ailleurs dans le projet de loi on prévoie les garanties
nécessaires, là, pour qu'elle ne se retrouve pas dans une telle situation ni
pour l'enfant, donc, de se retrouver dans une filiation qui est pour l'enfant,
qui n'est pas respectueuse de ses droits ni de son intérêt, si ce n'est pas le
désir de la femme qui a porté l'enfant d'en être la mère légale.
• (11 h 50) •
M. Morin : Je vous remercie. Au
niveau de la convention de grossesse pour la femme porteuse, vous l'avez
mentionné, il faut préserver les droits de la femme, ça m'apparaît évident.
Maintenant, évidemment, c'est complexe, vous
le reconnaissez également. Certaines associations ou personnes qui sont venues
en commission nous ont suggéré que ça pouvait être important d'avoir ou
de demander un avis juridique avant aux différentes parties, en plus du fait que la convention serait un acte notarié, pour
s'assurer que toutes les personnes comprennent bien les obligations, leurs
droits, ce dans quoi ils vont s'engager. D'autres nous ont dit que le notaire
pouvait être la personne qui allait informer tout le monde. J'aimerais vous
entendre là-dessus, parce qu'évidemment on veut préserver les droits de tout le
monde dans le cadre de ce processus-là. Est-ce que vous avez une
position? Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui.
Juste pour, encore une fois, préciser que nous avons, effectivement, pris connaissance, là, de certains des mémoires qui ont
été déposés avant la comparution de la commission, et évidemment, sans se prononcer directement sur ces
questions-là, il faut, encore une fois, se ramener à quel est le rôle de la
commission, et le rôle de la
commission, c'est de s'assurer de la conformité et de conseiller le législateur
sur la conformité avec la charte.
Maintenant,
ce qu'on vous dit, et on revient au message général... encadrement qui vient
donner plus de robustesse, qui vient
bonifier et assure des protections et des garanties, tant à la mère porteuse
qu'aux différentes parties impliquées, sont
de nature à assurer, justement, le plein respect des droits. Et donc c'est sûr
et certain que, lorsqu'on parle de dispositions qui viennent encadrer...
mieux encadrer, vous aurez compris que nous, on parle d'avoir des éléments plus
clairs dans la loi sur le type d'information
fournie et tout. Donc, ces genres d'éléments là, évidemment, peuvent être lus
en conjonction avec ces éléments-là,
mais nous ne nous sommes pas prononcés spécifiquement sur la nécessité d'avoir
un avis juridique. Mais c'est des éléments que je peux... comme
réponse...
M. Morin : Je vous remercie. Le
projet de loi, et on l'a évoqué un peu plus tôt, permet qu'il y ait une convention
de grossesse et qu'il y ait une femme porteuse qui soit à l'extérieur du
Québec, dans d'autres pays, et le ministre nous dit : Bien, écoutez, il va
y avoir des règlements, on va faire une évaluation, puis évidemment il faudrait
que les droits de la femme porteuse soient respectés dans l'autre pays.
Cependant, quand on regarde l'étendue des droits
et la situation juridique au Québec, que ce soit au niveau, par exemple, d'une
interruption volontaire de grossesse ou même du type de congés qui
peuvent être accordés à une personne, il y a à peu près peu ou pas de pays qui
offrent le même type de garanties et de protections. Alors, pour protéger les
droits des femmes, est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait interdire ou
restreindre vraiment davantage? Parce que je ne vois pas comment, sincèrement,
le gouvernement va être capable de trouver un équivalent ailleurs.
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien, peut-être... juste pour fournir certains
éléments de réponse, puis peut-être ma collègue pourra compléter, c'est
vraiment pour vous dire, encore une fois, la position de la commission eu égard
à ces genres de convention là, c'est, encore
une fois, d'assurer des garanties minimales. Maintenant, dans l'application
ou dans l'effectivité, il ne faut pas non plus
présumer de l'État du droit ou l'évolution de d'autres sociétés ou de
conditions. Donc, effectivement,
l'important, c'est de prévoir, au Québec, des règles très claires, très
explicites qui viennent donner des garanties que l'État avec lequel il y
a convention, bien, il respecte ces éléments-là, sans en faire une interdiction
formelle comme il existe dans d'autres
juridictions. C'est ce qu'on comprend de l'intention du législateur. Et donc,
pour la commission, tant et aussi
longtemps que ces éléments-là et ces garanties-là sont respectés et que l'on a
cette robustesse-là réglementaire, comme prévu
dans le projet de loi actuel, bien, nous, on s'est déclarés en accord avec ces
éléments-là, toujours en assurant cet équilibre-là. Puis peut-être ma collègue
peut compléter.
Mme Pierre (Myrlande) : Bien,
pour compléter, je dirais, tout en restant à l'affût de tout type d'écarts qui peuvent exister, donc, particulièrement dans les
situations suivantes, je vais en énumérer quelques-unes, par exemple les États
autorisant la GPA commerciale, par exemple, auquel cas le gouvernement devrait
être en mesure de s'assurer de pouvoir faire
respecter et de surveiller l'application de son cadre légal prévoyant une GPA à
titre gratuit, par exemple les États qui ne respectent pas le droit à
l'autonomie procréative des femmes, auquel cas les femmes ou, bien, les
personnes porteuses pourraient se voir contraintes d'accepter des risques
inacceptables pour leur santé sans pouvoir obtenir des soins appropriés ou
prendre les décisions qu'elles estiment nécessaires, dont l'interruption, par
exemple, volontaire de grossesse.
Un autre
élément qui devrait aussi être une préoccupation, prenons, par exemple, les
États dont l'économie est émergente, je l'ai mentionné précédemment,
auquel cas les inégalités économiques importantes pouvant exister entre les parties sont susceptibles de placer la femme
ou la personne en situation de vulnérabilité et de l'exposer à des pressions
financières au mépris de ses droits. Donc, nous, on voudrait vraiment porter
ces éléments à votre attention dans le cadre de cet exercice, ce qui
nous apparaît vraiment fondamental pour assurer l'égalité réelle pour ces
femmes, parce qu'il peut y avoir un
déséquilibre, en termes de pouvoir économique et situations particulièrement
vulnérables, pour des femmes qui se retrouvent, justement, dans des
économies émergentes. Alors, voilà.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup,
M. le député. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
pour une période de 3 min 18 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. D'abord, merci de l'accueil, chers collègues. J'avais davantage
l'habitude d'être à l'autre bout de la
table, donc ça va être très différent cette fois-ci, mais merci de votre
accueil. Merci à la commission. Merci, Me Tessier, Mme Pierre, Me
Montminy et M. Blouin, merci de votre présentation.
J'aurais une question à la suite de votre
mémoire. En fait, dans le mémoire, vous parlez, dans le cadre d'une GPA, évidemment, d'une convention préalable de GPA
telle qu'on la connaît, telle que proposée. Vous, vous proposez d'avoir un mécanisme indépendant en cas de
contrôle... en fait, en cas de désaccord sur les indemnités remboursables. Comment
on assure le consentement complet et permanent de la mère dans la convention
si, finalement, il y a une décision qui est
imposée par un mécanisme indépendant? Je me demande comment on va balancer ça.
Et, si, finalement, s'il y a un
désaccord, est-ce qu'il n'y a pas perte de consentement? Et donc quel est
l'impact de cette potentielle discorde?
M. Tessier (Philippe-André) : C'est
une excellente question pour une... Donc, bienvenue, effectivement, vous aussi, en commission parlementaire, M. le
député. Donc, essentiellement, ce qu'on veut juste remettre en lumière, on
s'entend que, dans la convention, la résiliation unilatérale est toujours
possible également, donc il y a des éléments. Cela dit, il faut aussi
prévoir les cas de désaccord, et ce qu'on constate, c'est que, généralement,
lorsqu'il y a... on regarde un peu les
différents mécanismes qui existent à... quand on fait de l'exercice comparé, on
voit qu'il y a souvent, peut-être,
des fois, des éléments ou des mécanismes de contrôle qui sont mis en place pour
régir ces potentiels désaccords sur les frais, pas sur le consentement
ou sur la participation, hein? Mais vraiment, encore une fois, nous, on revient
sur les frais raisonnables, ce sur quoi la
Rapporteuse spéciale des Nations-Unies s'est prononcée en faisant ses constats
à travers le monde, et donc c'est là-dessus qu'on attire l'attention du
législateur.
Comme on le sait, malheureusement, des fois, les
meilleures parties du monde, les meilleures conventions du monde entraînent
malheureusement des litiges. Il faut prévoir, potentiellement, ces cas-là en ce
qui a trait aux frais.
M. Cliche-Rivard : Et,
j'imagine, vous avez une idée, vous parlez d'arbitrage, vous parlez d'envoyer
ça à la Cour supérieure. Qu'est-ce que vous avez comme idée à ce niveau-là?
M. Tessier (Philippe-André) : Encore
une fois, ce n'est pas le rôle de la commission de recommander des mécanismes. Ce qu'on dit, c'est qu'effectivement il
en existe différents. L'idée, encore une fois, on veut que ces mécanismes-là
soient simples, souples et accessibles aux parties.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Vaudreuil,
s'il vous plaît.
Mme Nichols : Oui, merci, M. le
Président. Bienvenue parmi nous à notre nouveau collègue. Je lui assure que le
bout de la table est quand même très agréable, bien qu'on a moins de temps pour
intervenir, mais, bon.
Une voix : ...
Mme Nichols : Oui, oui, il n'en
tient qu'à moi de me... enfin, bon, c'est un autre sujet. Je n'ai pas beaucoup de temps, je vais faire ça rapidement, ça pourrait
être plus long. Juste par rapport à la recommandation n° 1, le droit à la connaissance,
à la connaissance des origines de l'enfant né d'un projet parental, là, d'une
GPA, je n'étais pas certaine d'avoir compris quelle était la
recommandation, parce qu'hier on a eu Me Brown, là, qui nous a parlé qu'elle
avait fait vraiment, là, beaucoup, des milliers, des
milliers de conventions. Vous, comment vous voyez ça? Où on pourrait contenir
ces informations-là? Parce qu'évidemment il y a beaucoup de données qui restent
confidentielles.
• (12 heures) •
M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être,
je vais céder la parole à ma collègue, mais simplement pour vous dire qu'il n'est pas de la prétention de la commission
d'agir ici en tant qu'experts en droit familial. Notre expertise, c'est
la conformité avec la Charte des droits et libertés de la personne. Cela dit,
je passe la parole à ma collègue.
Mme Montminy
(Karina) : Si je comprends bien, peut-être que vous référez,
à ce moment-là, à notre première recommandation qui était dans le projet
de loi n° 2, et il nous semble que nous ne sommes pas revenus sur cette
recommandation précisément, puisqu'elle nous semble avoir été répondue, on
semble y avoir répondu dans le projet de loi n° 12. Donc, pour nous, il y
avait un des scénarios qui n'était pas couvert, là, par le projet de loi
n° 2, et on estime que, là, avec la nouvelle formulation et l'ajout qui a
été fait par le projet... dans le projet de loi n° 12, cette recommandation-là n'était plus... avait
été...
Mme Nichols : Bien, c'est un
sujet qui est revenu quand même hier, là, quand on parlait, là, des informations
qui pourraient être contenues dans la convention, de rendre les conventions
accessibles parce qu'il y a beaucoup d'information. Ça fait que je comprends
que votre position reste... Oui, là, j'ai coupé, hein?
Mme Montminy (Karina) : Ah! OK,
je viens de... Oui, c'est sur la confidentialité des informations qui pourraient être transmises, à ce moment-là, au Directeur de l'état civil, par exemple, je pense, qu'est-ce qui a été
question. Sur cette question-là précisément, on s'est... on ne s'était pas
prononcés, toutefois, sur... Mais on peut rappeler, toutefois, là,
rapidement, qu'il y a toujours l'article 5 de la charte qui doit
prévaloir, c'est-à-dire s'assurer du respect au droit de la vie privée de toute personne et de faire... de
s'assurer qu'en conséquence il y ait toujours des mécanismes et des règles
d'encadrement pour éviter toute situation où il pourrait il y avoir des
atteintes.
Mme Nichols : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Alors, merci
beaucoup d'avoir été avec nous, c'est très, très, très apprécié. Puis on se dit
à bientôt, bien sûr.
Alors, cela dit, je suppose les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 02)
(Reprise à 12 h 04)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Alors, il nous fait plaisir de recevoir la
Pre Isabel Côté, Chaire de recherche du Canada sur la procréation pour
autrui et liens familiaux, Département de travail social, Université du Québec
en Outaouais.
Alors, merci beaucoup. Donc, la parole est à
vous pour 10 minutes. Après ça, on aura une période d'échange avec les
membres. La parole est à vous, maître... professeure.
Mme Isabel Côté
Mme Côté (Isabel) : Parfait. Je
vous remercie beaucoup. Je vous remercie beaucoup de l'invitation qui nous a
été faite, à mon collègue et moi, de venir partager nos réflexions, là, sur le
PL n° 12. Je dis «mon collègue et moi», comme vous constatez, il n'est pas
là parce que, malheureusement, nos collègues de l'Université Laval sont
toujours en grève. Néanmoins, les réflexions que je présente aujourd'hui sont
le fruit du travail que l'on conduit ensemble depuis
une dizaine d'années maintenant, des publications que nous avons en commun.
Puis c'est la même chose pour le mémoire qui a été déposé, là, c'est le
fruit, vraiment, de nos travaux communs.
Donc, aujourd'hui, pour situer juste brièvement
nos expertises, le Pr Lavoie et moi conduisons des travaux sur... qui visent, en fait, à documenter
l'expérience des personnes dont les enfants sont issus de la procréation pour
autrui. Dans le cadre de nos travaux,
on s'intéresse à l'ensemble des parties concernées, à savoir les donneurs et
les donneuses de gamètes, évidemment les femmes porteuses, on
s'intéresse aussi aux parents d'intention, mais aussi on s'intéresse aux enfants, ce qui est particulièrement novateur,
là, puisqu'il y a très peu d'études qui sont conduites sur ces enfants-là,
actuellement.
Donc, aujourd'hui, je vais attirer votre
attention sur cinq éléments particuliers au moment de mon... de ma présentation, outre ce qu'il y a dans mon rapport.
Tout d'abord, sur les conditions préalables à l'établissement de... de la
filiation, ensuite sur l'habilitation des
professionnels qui vont intervenir dans ce champ, sur l'importance de
circonscrire le rôle des agences, sur la question des origines aussi et
finalement sur l'importance de soutenir la recherche.
Donc, tout d'abord, concernant les conditions
préalables, nous saluons le fait que le projet de loi n° 12 propose un processus formalisé qui oblige les
parties à rencontrer un professionnel du domaine psychosocial préalablement
à la mise en oeuvre d'une grossesse pour
autrui. Néanmoins, nous pensons qu'une simple rencontre d'information, tel que
libellé actuellement, s'avère insuffisante pour créer les conditions
nécessaires pour bien accompagner les personnes impliquées
dans un projet de GPA. En effet, une simple rencontre d'information risque de
conduire à la mise en place d'une pratique standardisée qui propose un modèle
générique visant à cocher une liste d'éléments à couvrir avec la femme porteuse et les parents d'intention,
et ce, sans égard aux besoins spécifiques de chacune des parties, lesquelles
vont différer, évidemment, en fonction des contextes. Il importe donc que les
conventions ne soient pas formatées sur un modèle unique.
Ici, nous saluons le fait que chaque partie soit
vue séparément. Nous pensons qu'il importe de compléter le processus par une
mise en commun des discussions qui vont avoir été tenues de part et d'autre. En
effet, nos recherches et les recherches conduites sur le sujet de la GPA
indiquent que c'est le développement d'une vision commune qui constitue la
meilleure façon d'éviter les malentendus, désaccords ou déceptions. Enfin, plus
qu'une simple... plutôt qu'une simple attestation, nous proposons que les
professionnels doivent fournir un rapport qui va détailler les aspects
éthiques, relationnels et sociaux qui auront été négociés et qui pourront
ensuite être enchâssés dans la convention.
Ça me conduit
au deuxième élément, soit l'habilitation des professionnels qui vont intervenir
dans ce champ-là. Nous recommandons
que seuls les membres de l'Ordre des psychologues et l'Ordre des travailleurs
sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec soient habilités
à faire ces rencontres-là. Et ça, c'est tout à fait conforme... en conformité, en fait, avec l'article 10.2 de
la Loi sur les activités cliniques de recherche en matière de procréation
assistée, qui stipule déjà, là, que
seuls les membres de ces deux ordres-là peuvent évaluer les personnes, là, en
vue des rencontres psychosociales préalablement au don de gamètes.
Actuellement, par contre, il faut savoir
qu'aucun cursus universitaire en travail social ou en psychologie n'offre de formation approfondie sur les enjeux
liés à la procréation pour autrui. C'est pourquoi nous jugeons essentiel
pour les professionnels du domaine psychosocial de détenir une certification
pour éviter, évidemment, que n'importe qui s'improvise spécialiste de la GPA, ce
qui irait, évidemment, à l'encontre de l'objectif visé.
Par ailleurs, il importe, à notre avis, que les
professionnels qui vont intervenir et les notaires soient dans l'obligation d'exercer de manière indépendante et
autonome des agences... des agences de GPA ou des cliniques de fertilité,
et cette mesure va permettre, à notre avis, d'assurer l'expression du
consentement libre et éclairé de la femme porteuse
et d'éviter que les parents d'intention, qui vont être, évidemment, considérés
comme les clients de ces cliniques ou agences-là, soient favorisés à son
détriment.
Et donc ça me
conduit au troisième élément, l'importance de circonscrire le rôle des agences
privées oeuvrant dans le domaine de la GPA. Le laisser-faire qu'on observe
ailleurs au pays, notamment en Ontario, n'est absolument pas le modèle à
suivre. D'ailleurs, depuis le dépôt du PL n° 2, on a constaté la mise
en oeuvre, le développement d'offres de service pour faciliter ou pour
mettre... faciliter, en fait, les ententes de GPA, offres de service qui sont
conduites, qui sont mises en plan, par
exemple, par des personnes concernées, c'est-à-dire : Moi, j'ai déjà eu
des enfants par GPA, donc j'ouvre une
agence, là, pour aider les gens qui veulent avoir des enfants par GPA, donc on
peut présumer que les compétences professionnelles de ces personnes-là
sont sujettes à caution.
• (12 h 10) •
Donc, il faut savoir aussi que, dans le champ
des professions en santé mentale, le Québec s'est doté, à la fin des années 2000, d'une loi visant à encadrer
l'exercice de la psychothérapie en réaction à ce qui était jugé, à l'époque,
comme le far west de la psychothérapie, où
n'importe qui pouvait s'improviser psychothérapeute, avec les conséquences,
évidemment, qu'on sait pour les personnes qui les consultaient. Donc, on pense
que de manière autonome... pardon, de manière analogue, Québec doit réfléchir
au rôle des intermédiaires privés et encadrer leurs services pour s'assurer de
la qualité des services offerts et ainsi, évidemment, mieux protéger le public.
Concernant la question des origines, il importe
de faire la différence entre l'anonymat et le secret lorsqu'il est question des
origines. Pour que l'enfant conçu par don puisse se saisir de son droit à
connaître ses origines, il faut deux
éléments : le premier, qu'il sache qu'il soit né par un don de gamètes et,
ensuite, que les informations concernant le donneur ou la donneuse soient disponibles lorsqu'il les demande.
Donc, si nous nous réjouissons que l'article 542.2 donne la pleine
latitude aux parents quant à la divulgation, il importe néanmoins que des
mécanismes soient mis en place pour les soutenir. Actuellement, les parents qui
veulent avoir des enfants grâce à un don de gamètes doivent rencontrer une
personne préalablement au don. Et au moment de cette rencontre-là, c'est bien
avant que l'enfant soit conçu, donc, les
parents reçoivent des informations, lesquelles varient en fonction des
intervenants consultés. Et là, bien, une
fois que l'enfant est né, c'est là que toutes les craintes et les questionnements
concernant la divulgation émergent. Et
on sait déjà que plus on a des craintes par rapport au dévoilement, moins il y
a de chances qu'on dévoile rapidement, et plus on dévoile tardivement,
plus ça a un impact négatif sur les enfants, évidemment.
Un autre élément qu'on sait aussi, c'est que,
quand on ne sait pas comment faire, bien, puis qu'on retarde le dévoilement, on
reste pris dans ce secret-là, et là on ne sait pas trop comment s'en sortir.
Donc, c'est pourquoi on propose que les parents puissent avoir jusqu'à trois
rencontres gratuites offertes par une personne habilitée suite à la naissance
de l'enfant pour les aider à discuter de la question des origines si les
parents rencontrent, évidemment, des enjeux par rapport à ça. J'en profite,
encore une fois, pour réitérer l'importance d'avoir des intervenants habilités
et certifiés à intervenir dans ce champ-là pour éviter, encore une fois, que
n'importe qui s'improvise spécialiste de ces enjeux qui sont très délicats.
En ce qui concerne plus spécifiquement l'accès
aux origines, en fait, le fait de ne pas avoir accès à des informations
nominatives concernant le tiers donneur malgré le droit de connaître les
origines est perçu comme étant particulièrement frustrant et douloureux pour
les personnes concernées. Actuellement, on a un projet en cours, là, qui porte
sur les personnes qui ont appris à l'âge adulte avoir été issues d'un don de
gamètes et qui cherchent des... les informations concernant leur donneur et qui
n'ont pas accès à ces informations-là, même dans un contexte où, par exemple, ils viennent d'un pays qui a aboli... bien, en
fait, qui a donné un droit aux origines. Pourquoi? Parce que, dans certaines
juridictions comme la nôtre, ici, bien, on fait... devant l'absence de donneurs
locaux, on doit importer du sperme des banques états-uniennes, et quand on
importe le sperme des banques états-uniennes, bien, on a le choix d'avoir des
donneurs à identité ouverte ou des donneurs à identité fermée. Or, certaines
juridictions qui ont donné un droit aux
origines, notamment, par exemple, l'Angleterre, et qui doivent importer du
sperme des États-Unis interdisent absolument l'importation de donneurs à
identité fermée, donc seulement le donneur à identité ouverte est permis. Et c'est pourquoi nous recommandons que, pour
avoir... donner un réel droit aux origines aux personnes conçues par don, seuls
les dons à donneur à identité ouverte soient permis. De toute façon, c'est
illusoire de penser que l'anonymat est viable à long terme, là, considérant la
multiplication des tests d'ADN ou les sites de généalogie en ligne.
Enfin, le dernier aspect que je veux porter à
votre attention est l'importance de soutenir la recherche sur ces enjeux-là.
Dans notre mémoire, nous avons identifié certaines pistes de recherche qui ont
en commun de mieux documenter les réalités des personnes concernées, notamment
les enfants, sur lesquels il y a très peu de recherche actuellement, d'évaluer
la pertinence des mesures mises en place de sorte à améliorer les pratiques
d'intervention, les programmes de formation et les politiques publiques. Le
soutien à la recherche s'avère fondamental pour que cela puisse s'appuyer sur
des bases scientifiques solides dans un souci de favoriser le mieux-être des
enfants, des femmes porteuses, des donneurs, donneuses de gamètes et des
parents d'intention. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment, Pre Côté. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
bonjour, Mme Côté, heureux de vous retrouver en commission parlementaire — on se
voit une fois par année — alors,
bienvenue. J'aimerais ça qu'on continue sur votre propos relativement à
l'identité du donneur : identité
ouverte, identité fermée. Nous, ce qu'on prévoit dans le projet de loi, c'est
que, lorsque l'information est disponible, on doit la rendre disponible
pour l'enfant qui est né par la procréation assistée.
Puis, corrigez-moi, si je comprends bien votre
propos, là, vous, vous dites : Ça devrait être uniquement des donneurs ouverts. Il y a beaucoup de gens au
Québec qui ont recours à des banques américaines, et là notre législation...
la portée de notre législation, elle est limitée, extraterritorialement.
Comment on va faire ça? Est-ce que ça ne va pas faire en sorte que les Québécois n'auront plus vraiment accès à cette...
à ces banques de sperme là ou à ces banques d'ovules, si on exige que ce
soient uniquement des donneurs avec des données ouvertes?
Mme Côté (Isabel) : Pas
nécessairement parce que, en fait, l'ensemble des banques offrent des dons, que
ce soit... On a le choix, hein, on peut choisir un donneur à identité fermée,
un donneur à identité ouverte. Une recherche que
je conduis sur 36 familles, on constate que c'est les parents, en fait,
hétérosexuels qui sont beaucoup plus réticents aux données... aux
donneurs à identité ouverte, là, alors, aucun d'entre eux n'avait choisi un
donneur à identité ouverte. Et, si les mères
le regrettaient maintenant, les pères étaient très contents que ça reste à
identité fermée, alors que les
couples... les couples lesboparentaux ou les femmes soloparentales avaient,
elles, choisi majoritairement des donneurs à identité ouverte. Donc, on
peut importer des banques états-uniennes des donneurs qui acceptent que des
données nominatives les concernant soient disponibles, là, à partir de l'âge de
18 ans, comme on peut même laisser à la discrétion
de la clinique, ce que plusieurs des parents hétérosexuels qu'on a rencontrés
ont fait, là, la liberté de choisir à leur place le donneur et d'exiger
un donneur à identité fermée ou, en tout cas, avec le moins d'informations
possible le concernant. Donc, par exemple, si on prend l'Angleterre, ce qu'ils
ont fait en Angleterre... bon, c'est sûr que, là, c'est régi, là, au point de
vue fédéral, sauf que, quand, par exemple, des parents utilisent un donneur
d'une banque états-unienne, bien, seuls des donneurs à identité ouverte sont
mis à la disponibilité des parents.
M. Jolin-Barrette : OK. Puis il
n'y a pas d'enjeu que les banques se vident?
Mme Côté (Isabel) : Bien, en
fait...
M. Jolin-Barrette : Dans le
fond, je dirais, la... est-ce que la disponibilité de la ressource va être
garantie? Je vais dire... je vais dire ça comme ça.
Mme Côté (Isabel) : Malheureusement,
c'est en dehors de ma sphère de compétence.
M. Jolin-Barrette : Non, mais
on fait des blagues, là, mais au Québec puis au Canada, les banques sont peu
garnies parce que... la vérité, parce que ce n'est pas rémunéré. Auparavant,
c'était rémunéré, il y avait plus de gens qui fournissaient du matériel
génétique, qui contribuaient. Il y a fort probablement un lien là-dedans. Aux États-Unis,
ça peut être rémunéré, donc...
Mme Côté (Isabel) : En fait,
c'est une excellente question. Il y a certaines études qui ont été conduites
en... au Danemark, par exemple, où on s'est aperçu qu'il y avait une très
grande baisse de dons de sperme de personnes danoises,
et donc on importait du sperme états-unien. Et là les Danois ont décidé de
riposter en publicisant, si on veut, l'importance de donner puis de
rendre ça un petit peu plus, comment je pourrais dire, je ne veux pas dire
de... banal, en fait, de banaliser le don,
et tout ça, le recours au don, ce qui a fait en sorte que les banques ont pu se
rétablir beaucoup en misant, c'est vrai, sur l'identité danoise, là,
les... ça été fait avec beaucoup d'humour, et on a vu une augmentation des
dons.
Est-ce que c'est parce que les
donneurs ne sont pas rémunérés qu'il y a une baisse? Bon, il y a plusieurs...
il y en a qui disent oui, il y en a qui disent non. Considérant l'offre non
négligeable de dons de sperme qui se transigent sur les réseaux sociaux, on peut se demander pourquoi ces
hommes-là préfèrent les réseaux sociaux plutôt que d'aller en clinique.
Bien, une des hypothèses qu'on a, c'est parce qu'ils ne correspondent pas aux
profils. Ils sont, par exemple, un peu trop
vieux, ou des trucs comme ça, ou les cliniques sont trop loin de leur
résidence, ou encore parce que, justement, c'est anonyme et ça ne leur convient pas. Des petites études à petit
échantillon, là, justement, que Kévin et moi, on a conduit, bien, ça
démontrait que l'idée pourquoi on passait par le biais des réseaux sociaux,
c'était entre autres pour ça.
Donc, est-ce que ça
va avoir pour effet de diminuer l'offre, la disponibilité des donneurs à
identité ouverte si tout le monde veut ça?
Je ne le sais pas. Mais peut-être aussi que ça va inciter les banques à
beaucoup plus, comment je pourrais dire, informer les donneurs de
l'importance eux-mêmes d'être à identité ouverte.
D'ailleurs,
une autre recherche, une autre recherche que je conduis, actuellement, avec une
stagiaire postdoctorale sur des donneurs qui avaient donné à identité
fermée voilà 20, 30 ans et qui ont été retrouvés, actuellement, par des
personnes issues de leurs dons grâce aux sites de généalogie en ligne, bien,
ces hommes-là, ce qu'ils nous disent, c'est
qu'ils regrettent d'avoir fait des dons à identité fermée, en fait, et que
maintenant qu'ils sont père, maintenant qu'ils ont vieilli, maintenant qu'ils qui ont été sensibilisés à ces enjeux-là,
bien, avoir su, ils auraient donné à identité ouverte, là, davantage.
M. Jolin-Barrette :
Vous avez dit, tout à l'heure : Chez les couples hétérosexuels,
beaucoup d'hommes préfèrent avoir un donneur à identité fermée. Pouvez-vous
expliquer le phénomène? Pourquoi?
• (12 h 20) •
Mme Côté
(Isabel) : Bien, pour plusieurs raisons. Je vous dirais parce que,
évidemment, la question de la stérilité masculine, ça reste un enjeu important.
Ça reste un enjeu qui est très stigmatisant aussi, puis je pense que les hommes
ont peu d'espace pour discuter de ça, même entre eux, l'infertilité. Les femmes
en parlent beaucoup. Sur les groupes de soutien, on voit beaucoup de femmes qui
vont là, même pour parler de leur conjoint, alors qu'eux-mêmes sont très peu
présents. Alors, les hommes que j'ai rencontrés, qui, eux, dédramatisaient
effectivement leur stérilité, étaient beaucoup plus à même d'avoir choisi...
d'avoir voulu choisir un donneur à identité ouverte, mais cette fois-là, dans
cette situation-là, c'est la conjointe qui avait fait obstacle à ça. Ça, c'est
une des raisons.
L'autre raison, c'est
parce qu'on ne sait pas trop comment s'y prendre. Est-ce que cette personne-là
va venir prendre ma place, en fait? Est-ce que cette personne-là va être
valorisée plus que moi dans la vie de mon enfant? La question des mots aussi. Ces hommes-là sont souvent mêlés parce que,
souvent, on va utiliser le mot «père» pour parler d'un donneur, alors
que, bon, ce n'est pas un père, évidemment.
Donc, c'est assez
complexe, je vous dirais, mais je pense que c'est, entre autres, parce que ces
blessures-là sont importantes.
M. Jolin-Barrette : OK. Peut-être une
dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous, vous recommandez
qu'une mère porteuse ait déjà eu des grossesses préalables. Pourquoi?
Mme Côté (Isabel) : Oui. Bien, tout
simplement parce que les données disponibles que nous avons, actuellement,
semblent démontrer que, bien que ce soit un phénomène très rare, il peut quand
même y avoir des enjeux liés, par exemple, à l'accouchement, des enjeux
qui peuvent avoir des impacts futurs sur la fertilité de la femme, bon, dont une méta-analyse, là, que j'ai citée dans le
mémoire. Donc, par mesure de prudence, je... on propose, là, que les femmes
aient pu avoir une expérience de grossesse préalable.
Aussi, souvent, les
grossesses, on peut présumer que ça va être quelque chose d'idyllique, de
vraiment... qu'on va être contentes, tu
sais, les images qu'on nous envoie des femmes enceintes, c'est toujours ça,
hein, des femmes heureuses qui se frottent la bedaine avec des belles
images d'Épinal. Puis il y a des femmes qui découvrent qu'une fois enceintes, bien, c'est plus difficile
qu'elles pensaient, c'est moins agréable qu'elles pensaient aussi. Donc, par
mesure de prudence, c'est la raison pour laquelle, là, on préconise une
grossesse préalable.
M. Jolin-Barrette :
Une sous-question. Mais, d'un autre côté, si l'État fait ça, on vient
enlever un peu une autonomie à la femme, de dire : Qu'est-ce que je fais
avec mon corps, j'ai le droit de disposer de mon corps comme je le veux aussi,
donc l'État, vient, en quelque sorte, contrôler. Qu'est-ce que vous faites avec
cet argument-là?
Mme Côté
(Isabel) : C'est un excellent argument. Effectivement, il y a une
incongruence avec ça puis un peu ce que je parle un peu plus loin sur
l'importance de respecter l'autonomie reproductive des femmes, j'en suis consciente. Toutefois, je me dis, bien, si, par
exemple, suite à un accouchement pour autrui, ça résulte à... le fait qu'on
ne puisse plus porter un enfant pour soi par la suite, c'est par mesure de
prudence, là, de préconiser cette mesure-là.
M. Jolin-Barrette :
OK. Je vous remercie pour votre présence en commission.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa :
Oui, merci beaucoup. J'aimerais vous entendre sur le règlement sur le
remboursement que pourrait recevoir une femme porteuse. Vous parliez également
du fait qu'elle n'a pas à prendre ses propres congés pour le projet des parents d'intention, puis on ne veut pas non plus que
ce soit en fonction de la générosité des parents d'intention qu'elle
soit rémunérée. C'est quoi, votre position? Qu'est-ce qui serait le mieux,
selon vous?
Mme Côté (Isabel) : Bien,
tout d'abord, elle ne sera pas rémunérée, ça, c'est certain, donc c'est quelque
chose qui est clair. Nous, ce qu'on
propose, c'est qu'on s'enligne sur les règlements fédéraux, là, sur... en
matière de procréation assistée pour déterminer les dépenses, mais qu'il
y ait aussi des maximums, des minimums prévus, là, par règlement pour, justement, éviter, là, qu'il y ait une
disparité très grande entre différents parents et différentes femmes porteuses.
Pour
les congés, je vais vous expliquer pourquoi, c'est tout simplement parce que...
et puis il va falloir amender, c'est plus complexe que ça. Je donnais,
justement, une conférence là-dessus à des groupes syndicaux, les... Il va falloir amender probablement d'autres lois parce
que, quand on est conventionnés, nos congés de maladie, il faut qu'on
les prenne avant d'exiger du sans-solde. Donc, ça fait en sorte que, des fois,
bien, s'il faut aller à des rendez-vous... Par
exemple, moi, je suis en Outaouais. Donc, si on a une femme porteuse de
l'Outaouais, elle doit se rendre à Montréal. Bon, l'aller-retour plus le suivi, on a une journée de travail de
perdue. Puis que la petite dernière manque une semaine d'école parce
qu'elle a une grosse gastro carabinée, bien, à la fin, on se ramasse qu'on a
pris des congés pour ça puis qu'on n'en a plus. Donc, pour moi, c'est important
que tous les jours qui doivent être pris en vue du projet soient rémunérés par... bien, soient remboursés,
compensés à côté, de telle sorte à ne pas qu'elle ait à piger dans sa propre
banque, là, à elle de congés.
Mme Bourassa :
Encore une fois, j'aimerais vous entendre sur le fait que la mère porteuse
doit être... la femme porteuse doit être la seule à pouvoir décider pendant la
grossesse de son alimentation, de son style de vie, du sport qu'elle va faire.
Vous, vous aimeriez que ce soit plus réglementé, plus encadré, là.
Mme Côté
(Isabel) : Oui, exactement, que ce soit clairement identifié dans les
conventions. Pourquoi? Parce qu'actuellement on constate que ce ne l'est pas.
Et d'ailleurs les agences qui remettent des contrats formatés, nous, on en a vu plusieurs que des parents d'intention
nous remettaient ou des femmes porteuses nous remettaient. Premièrement,
ces contrats-là, les parents d'intention ne les comprenaient pas et ils se
retrouvaient avec toutes sortes d'impératifs, comme
dans une situation, par exemple, la femme porteuse n'avait pas le droit de
boire des boissons gazeuses sucrées. Puis là j'ai demandé aux parents
d'intention : Mais pourquoi? Mais je ne sais pas, c'était dedans, là, tu
sais. Être obligée de ne pas pouvoir manger de fast-food, ne pas faire de moto,
ne pas prendre ses enfants dans ses bras pour ne pas risquer de fausse couche,
je veux dire, à un moment donné...
Donc, dans ce... Puis
ces contrats-là ont été quand même effectués par des personnes du milieu juridique,
là. Donc, il faut quand même que ce soit
clairement mentionné, en termes d'autonomie, dans les actes conventionnés, là,
qu'il n'y a rien qu'on peut dire pendant la grossesse de la femme, ne serait-ce
aussi en termes de ses propres soins de santé ou même son désir de mettre fin à
la GPA.
Donc, les parents,
dans les rencontres préalables qu'on va avoir avec des intervenants certifiés,
j'en suis certaine, vont pouvoir discuter
préalablement de ça, que le... si on est... on a un besoin de contrôle absolu sur
la grossesse de quelqu'un d'autre, peut-être que ce type de projet là,
ce n'est pas pour nous.
Mme Bourassa : J'ai-tu encore un peu de
temps? Merci. Parce que c'est vrai que ça nous éclaire, votre expérience,
et il y a certains détails qui sont assez intéressants.
J'aimerais parler de
la communication, parce que c'est sûr que, si c'est nouveau, il faut
vulgariser. Vous parliez, justement, qu'il faut mettre les informations
disponibles à l'intention des parents puis des deux parties. Il y a un projet
de recherche qui serait prévu pour documenter, justement, ce phénomène qui est
encore un peu souterrain pour l'instant.
Mais qu'est-ce que vous voyez dans cette campagne de promotion là, dans ces
outils? Qu'est-ce qu'il... Où est-ce qu'il faudrait afficher
l'information? À qui?
Mme Côté (Isabel) : Bien, déjà, Éducaloi, je
pense que... fait un très bon travail, là, de vulgarisation juridique, mais
qu'il y ait aussi des campagnes qui soient plus ciblées sur les réseaux, sur
les différents sites, actuellement, qui existent, sur les réseaux
sociaux en lien avec la procréation pour autrui, parce que, même à l'égard de
la loi n° 84 et les donneurs connus,
par exemple, il y a énormément de fausses informations qui circulent. Les gens
comprennent peu leurs droits et
responsabilités par rapport à ça. Donc, à mon avis, je pense que ça mérite, là,
d'avoir plus de... c'est ça, de publicité là-dessus, là.
Mme Bourassa :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme
la députée de Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan :
Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre présence. Sur les
agences, vous parliez de votre... d'une...
de votre position, vous avez abordé un certain encadrement. Pouvez-vous
développer davantage sur votre position des agences?
Mme Côté
(Isabel) : Oui. En fait, les agences sont là, nécessairement, souvent
pour mettre... pour discuter, justement, de ces situations-là avec les parents
d'intention, avec les femmes porteuses, ce que les intervenants en psychosocial
vont faire, ils sont là pour faire des conventions, ce que les notaires vont
faire. Donc, ils vont arriver à un
intermédiaire supplémentaire qui, à notre avis, à ce stade-ci, n'est peut-être
pas si important que ça. Il va rester quoi comme rôle? Bien, il va
rester le rôle, un peu, d'entremetteur, ce qui est interdit aussi par la loi
fédérale.
Donc,
à notre avis, c'est important vraiment d'encadrer ça, parce que ce qu'on
constate, c'est qu'il y a une très grande disparité dans les différentes
agences, il y a Me Brown, hier, qui en parlait. Bon, il y a certaines agences
qui fonctionnent d'une certaine façon, il y en a d'autres qui fonctionnent
n'importe comment. Et actuellement, comme je vous disais, on voit déjà une
offre de services très chère qui est disponible sur les réseaux sociaux, bien,
en tout cas, qui est offerte, là, alors que
la loi n'est même pas encore en place, pour, justement, soutenir les parents
qui veulent avoir des enfants par
GPA, alors qu'on peut se demander : Mais c'est quoi, les qualités
professionnelles de ces personnes-là?
Donc, pour nous,
évidemment, les agences méritent d'être très circonscrites, même si, les femmes
porteuses, il y en a qui apprécient avoir des agences. Pourquoi? Notamment pour
la question financière du remboursement des dépenses
parce qu'il y a quelqu'un qui va médier ça. Donc, on n'a pas besoin d'avoir ces
discussions-là avec les parents d'intention,
et donc juste à voir avec eux les aspects relationnels, ce qui les intéresse
davantage, d'ailleurs, ces femmes-là. Donc là, il y a le notaire qui va
faire cette... ce travail-là. Donc, c'est la raison pour laquelle, nous, on
propose, là, de les encadrer très strictement, là, au niveau de ce qu'ils
peuvent offrir comme services.
Mme Haytayan :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin :
Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Me Côté. Merci. Merci d'être là.
Pour
continuer sur le même sujet de l'encadrement, parce que, évidemment, il y a des
parents d'intention, il y a la femme
porteuse, on veut respecter les droits de tout le monde, mais les parents
d'intention ont un projet, ils vont avoir à travailler, évidemment, à...
avoir un contrat, une convention avec la femme porteuse. Si jamais il y a des
conditions et que... dans la convention puis
que la femme porteuse ne les respecte pas et qu'il arrive quelque chose, par
exemple, pendant la grossesse, pour vous, les parents d'intention, à ce
moment-là, est-ce qu'ils auraient un recours? Comment ça va se régler? Est-ce qu'on va aller en médiation? Ça pose un
problème, visiblement, on ne veut pas tout interdire à la femme porteuse. Donc, avez-vous réfléchi à ça?
Est-ce qu'il y a des suggestions que vous pouvez avoir pour nous dans un
cas comme ça?
Mme Côté
(Isabel) : Ne respecte pas les ententes qui seraient, par exemple?
• (12 h 30) •
M. Morin :
Bien, par exemple, je ne sais
pas, moi, il y a des... Dans la convention, on dit que la femme porteuse ne
peut pas faire tel, ou tel, ou tel sport, ça peut représenter un danger, elle
en fait pareil, et là il arrive... ou bien l'enfant a une malformation ou il y a une interruption, là,
de la grossesse. Donc, dans des cas comme ça, dans vos études, c'est-tu des
choses que vous avez rencontrées? Qu'est-ce qui arrive dans ces cas-là?
Mme Côté
(Isabel) : Bien, en fait, ça devrait être complètement interdit d'avoir
ça dans une convention. Tout d'abord, nous, c'est ce qu'on propose, là, que ce
ne soit pas du tout mentionné.
Cela
dit, il faut savoir que les femmes porteuses qu'on a rencontrées, souvent,
elles vont dire : Bien, tu sais, c'est leur enfant, mais c'est ma
grossesse. Elles ont eu des enfants préalablement. Elles sont très soucieuses,
évidemment, de prendre soin d'elles pendant la grossesse pour s'assurer,
évidemment, que le bébé se développe bien, mais elles sont critiques par
rapport à ces questions-là quand elles ont ce type de demande là.
D'ailleurs, les
projets de gestation pour autrui qui se déroulent moins bien et qui ne
persistent pas à long terme, les recherches démontrent, notamment les nôtres
aussi, c'est quand les parents sont trop contrôlants pendant la grossesse, d'où
l'importance d'agir en amont.
Maintenant, s'il y
avait des conflits pendant la grossesse, par exemple, ce qu'on peut constater,
ce qu'on a constaté dans nos recherches, il y a pairage qui se fait, les femmes
porteuses s'entendent super bien avec les parents d'intention, puis en cours de
route, pour une raison qu'on ne sait pas trop quoi, la relation semble, en tout
cas, se détériorer légèrement. Je pense que la personne qui était là au départ,
la personne habilitée qui les a rencontrées, de part et d'autre, qui a fait une mise en commun, devrait pouvoir les
rerencontrer à nouveau pour dire : Bien, au début, on avait discuté de ça, qu'est-ce qui ne va pas?,
dans une optique de médiation pour assurer, effectivement, que ça aille mieux.
Par contre, une
recherche dans laquelle je participe avec des collègues canadiennes auprès de
174 femmes porteuses démontre que
90 % ou 92 % d'entre elles disent avoir des relations excellentes,
très bonnes, bonnes après la naissance de l'enfant, là.
M. Morin :
Bien. Puis, dans les conventions, parce qu'il y a plusieurs personnes ou
groupes qui nous en ont parlé, évidemment,
seriez-vous en faveur, en termes d'encadrement, qu'on prévoie, par exemple, des
assurances pour la femme porteuse...
Mme Côté
(Isabel) : Bien sûr.
M. Morin :
...ou qu'on évite une relation, par exemple, employeur-employé avec la
femme porteuse pour que son consentement
soit, évidemment, éclairé puis qu'elle ne sente pas de pression? On sait que ça
peut même être plus grave si, par exemple, des gens ont des employés
chez eux qui ont un statut précaire, que ce soit en immigration ou autrement.
Donc, votre... vos suggestions là-dessus?
Mme Côté (Isabel) : C'est
une excellente question. Oui, pour les assurances, évidemment, là, assurance
invalidité, assurance vie, c'est nécessaire, évidemment, aux frais des
parents d'intention.
Pour la question de
l'employeur, je serais un petit peu plus mitigée par rapport à ça. Évidemment,
quand on parle d'aide à domicile, là, on est au-delà de l'employeur, hein? La
personne, elle a l'emprise totale, hein? L'aide à domicile habite là, travaille
là, je veux dire, là, on est complètement ailleurs. Et la personne n'est pas
non plus tout le temps citoyenne canadienne. Donc, évidemment, pour moi, ce
serait tout à fait inapropos, là, d'avoir... inapproprié d'avoir une femme
porteuse de cette... dans ce contexte-là.
Par contre, dans le
sens employeur-employé, nous, on en a rencontré, dans des contextes syndiqués
ou, par exemple, travail pour le gouvernement fédéral, où une personne est...
bon, et ça ne pose pas nécessairement d'enjeu comme
tel. On a même rencontré l'inverse aussi, où une employeuse... en fait, une
personne en situation hiérarchique supérieure a agi comme femme
porteuse. Donc, dans un contexte où, là, on aurait des... la médiation au
départ, je pense que le rôle de
l'intervenant habilité — je
tape toujours sur le clou — puisse
déterminer, effectivement, si on est dans un contexte de consentement
vicié, là.
M. Morin :
Bien. Puis, vous l'avez mentionné dans votre témoignage, c'est quand même
un projet qui est complexe, il y a une
foule, évidemment, de choses dont on doit prendre en considération. Des
intervenants nous ont dit que ce ne serait pas une mauvaise chose que
les parents d'intention ou la femme porteuse obtiennent même un avis juridique
indépendant avant de s'engager dans la convention puis le processus de
gestation. Quelle est votre opinion là-dessus?
Mme Côté
(Isabel) : Moi, je pense que la multiplication des personnes qui sont
susceptibles d'intervenir dans le cadre de
la mise en place d'un projet risque d'être plus problématique qu'autre chose,
si vous voulez mon opinion. Dans les cas de séparation, on a déjà mis en
place des processus de médiation où on travaille avec deux parties qui sont en
séparation, en conflit, et pourtant le processus fonctionne bien pour beaucoup
de personnes. Et là on n'est pas dans un contexte de conflit, donc je pense que
les personnes qui seraient, justement, aptes à faire ce genre de rencontre là,
le notaire qui est là pour les deux parties aussi, équitablement, est
suffisant. Cela dit, je doute fort que les personnes qui s'engageraient
là-dedans n'aient pas eux-mêmes le réflexe d'aller avoir un avis juridique,
mais ça, ce sera à leur discrétion, si on veut.
M. Morin :
Écoutez, je vous remercie, parce qu'en fait, ce qu'on a entendu, c'est que
les gens n'ont pas nécessairement ce réflexe-là non plus, alors donc, ce n'est
pas évident.
Qu'est-ce que vous
pensez de l'idée, par exemple, d'avoir, de la part de l'État, après trois ans
ou cinq ans d'adoption de la loi, parce que, compte tenu de la majorité du
gouvernement, on peut penser que la loi va être éventuellement adoptée, on va essayer de la corriger le mieux possible, mais,
quand même, le résultat est un peu connu... qu'il y ait dans la loi,
véritablement, un protocole ou un processus d'évaluation pour voir ce que ça
fait puis que, là, on ait vraiment
des chiffres, des statistiques? Est-ce qu'une période de trois ans ou cinq
ans... ou l'idée même de ce que j'énonce, est-ce que, pour vous, c'est
quelque chose qui serait important pour la société québécoise?
Mme Côté
(Isabel) : Bien, tout à fait. C'est ce qu'on a écrit, d'ailleurs, dans
le mémoire, là, l'importance de financer la
recherche là-dessus, notamment sur ce processus-là, pour savoir si ça convient
aux parties, si effectivement, par la suite, les femmes sont plus
outillées pour connaître leurs droits, si, à long terme, on s'aperçoit que ça a
créé une plus grande satisfaction à l'égard
du processus, si le maintien des relations... sont maintenues aussi, parce que,
comme je vous le disais, c'est là qu'on sait si... c'est quand la
relation est harmonieuse que les relations se maintiennent à long terme et que les enfants, même 20 ans
plus tard... une recherche, là, qui vient de sortir en mars 2023 sur une étude
longitudinale, les enfants sont rendus à 20 ans, et il y en a
encore une grande partie d'entre eux qui ont des contacts avec leurs femmes
porteuses.
M. Morin :
Parfait. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard :
Merci beaucoup, Pre Côté. Salutations au Pr Lavoie, je lui partage ma
solidarité.
Dans votre mémoire,
vous parlez de... vous vous désolez, en fait, tous les deux, de l'absence du
concept de pluriparenté dans le projet de
loi, mais vous n'en avez pas parlé aujourd'hui, donc j'aurais peut-être voulu
vous entendre sur la question.
Mme Côté
(Isabel) : Bien, à mon avis, c'est une occasion manquée, de ne pas
avoir ajouté la pluriparenté dans le projet
de loi, alors qu'on réforme le droit de la famille. Je pense qu'il y a des
obstacles qui... Bien, en fait, je pense que la société est quand même
rendue à ce... rendue là. Il y a un article qui va sortir sous peu dans la Revue
de droit de l'Université de Sherbrooke, conduit par une professeure de l'université...
de UBC, Régine Tremblay, sur l'analyse, justement, des différentes
provinces qui ont permis la pluriparenté, qui déconstruit, en fait, les a
priori qu'on a, les mythes qu'on a, à savoir que ça risque de causer, par
exemple, plus de conflits, etc. Sur les... il n'y a aucun conflit,
actuellement, qui a été enregistré, là, au Canada, qui implique plusieurs
parents.
Lors du PL n° 2, il y
a 14 mémoires qui ont été déposés, hein, sur la... qui abordaient la
question de la pluriparenté, dont un qui
était complètement consacré à ça, et, sur les 14 mémoires, un seul était
contre, hein, les 13 autres avaient... étaient en faveur de ça. Donc, je pense
qu'on est rendus là et je pense surtout qu'on peut choisir d'encadrer la pluriparenté
selon un modèle qui va nous convenir, en tirant profit de ce qui a été fait
dans les trois autres provinces, un peu comme on fait, là, avec la GPA, en
fait, hein? La façon dont on encadre la GPA, c'est complètement différent de ce qui se fait au Canada, et, à mon avis, on a
quelque chose de vraiment superintéressant. Et, dans cette optique-là, la
pluriparenté, on aurait pu faire ça, on
aurait pu y réfléchir ensemble, on aurait pu créer un projet qui nous
ressemble, ici.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Pas d'autres questions? Merci.
Mme la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Oui, merci, M. le
Président. Merci, Pre Côté, d'être parmi nous. Je voulais profiter de votre
expertise. Dans les... Vous nous avez parlé, là, des cinq points sur lesquels
vous mettez l'accent dans votre mémoire. Dans
le résumé des conditions préalables pour établir la filiation, vous
recommandez, entre autres, là, qu'un tuteur ou une tutrice soit désigné
dans la convention notariée. Est-ce que c'est des cas où ça a déjà posé
problème?
Mme Côté
(Isabel) : Bien, non, mais en fait c'est parce qu'en lisant
le libellé on s'est dit : Bien, ce serait très dommage qu'un enfant
dont les parents décèdent pendant le processus soit confié à la protection de
la jeunesse. Et d'ailleurs, dans certaines
pratiques, c'est déjà le cas. Par exemple, une femme seule qui veut avoir un
enfant par donneur de sperme dans les
cliniques, les cliniques vont les inciter très fortement à avoir déjà un tuteur
à l'enfant si jamais, bon, il leur arrivait quelque chose au moment
de... quand l'enfant est très jeune, là, vu qu'il n'y a pas d'autres parents
pour suppléer. Alors, à mon sens, c'est assez simple, compte tenu que les
notaires font déjà, bon, ça dans le cadre des testaments, de pouvoir ajouter
une personne tutrice à l'enfant.
Mme Nichols : Oui,
bien, je trouvais que c'était une excellente recommandation puis, oui, étant
donné que ça risque d'être un document notarié. Donc, merci beaucoup
pour votre mémoire.
Le
Président (M. Bachand) : Sur
ce, Pre Côté, merci beaucoup d'avoir été avec nous. L'Outaouais, c'est une
très belle région, pour y avoir résidé quelques années.
Alors, sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 40)
(Reprise à 15 h 05)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous
plaît! Bon après-midi. Et, ceux qui ont eu la chance, à l'extérieur, à
Québec, il fait un très beau soleil.
Cela dit, nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi
portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant
la protection des enfants nés à la suite d'une
agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les
droits des mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse
pour autrui.
Cet
après-midi, nous allons débuter avec Mme Andréane Letendre. Très content
de vous avoir avec nous. Alors, comme
vous le savez, 10 minutes de présentation, après ça on a un échange avec
les membres de la commission. La parole est à vous. Merci.
Mme Andréane
Letendre
Mme Letendre
(Andréane) : Merci. Merci de me recevoir. Donc, je me présente,
je m'appelle Andréane Letendre. Je suis née en 1983 dans une famille
avec des parents hétérosexuels qui ont fait appel à un don de gamètes pour me concevoir. J'ai été informée de ce fait à l'âge de
12 ans, et à ce jour je ne connais toujours pas mes origines biologiques.
Être conçue par don de gamètes a eu un
impact considérable sur ma manière de voir la vie et fait partie de mon
identité.
Le projet de loi n° 12 a suscité chez moi
et chez beaucoup de personnes conçues par don de gamètes un grand intérêt. Mon intervention aujourd'hui vise à
apporter un éclairage sur le vécu concret des personnes issues de la
procréation assistée, de même qu'apporter certains commentaires sur le projet
de loi n° 12. On voit souvent l'enfant né d'une procréation assistée comme
un bébé qui comble ses parents d'intention de joie après avoir été ardemment
désiré. On ne pense pas que ce bébé est une personne à part entière qui a ses
intérêts, ses besoins et qui grandira très rapidement.
À travers les enjeux soulevés par les différentes procédures de procréation
assistée, on oublie souvent que les intérêts de l'enfant peuvent
différer de ceux des adultes qui contribuent à le mettre au monde.
À l'heure actuelle, il est impossible de savoir
combien il y a de personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie au Québec. La majorité de ces personnes
ignorent totalement qu'un tiers a participé à leur conception. Beaucoup
l'apprennent de manière fortuite, par exemple lors de résultats de tests
médicaux, ou se le voient révélé dans un contexte difficile comme une
séparation ou un décès.
Bien qu'on
suggère aux parents de divulguer les informations au sujet de leur conception
aux enfants, beaucoup de parents
d'intention ne le disent tout simplement pas à leur enfant, surtout chez les
couples hétérosexuels. Il y a tout un tabou associé à
l'infertilité et aux moyens de pallier celle-ci ainsi qu'une peur du rejet qui
peut s'installer d'un côté comme de
l'autre. Il en résulte beaucoup de conflits de loyauté et de questionnements
existentiels qui causent de la détresse psychologique chez les
descendants de la procréation assistée.
L'anonymat, c'est une
pratique inutile et dépassée. Lorsqu'on a instauré l'insémination artificielle
avec tiers donneur, on a calqué le modèle de
l'adoption qui avait cours à l'époque, un processus caché, entouré de secret et
de mystère, qui devait servir à protéger l'enfant d'un abandon risqué,
voire d'un infanticide dans une société où la maternité en dehors des normes n'était pas acceptée. Le
contexte a évolué depuis, mais il me semble qu'on ne se soit pas préoccupé
du fait que jamais le secret entourant la conception avec un tiers donneur n'a
servi les intérêts des enfants.
La
pratique du don de gamètes anonyme nous prive de renseignements d'une valeur
cruciale. On ne peut justifier de nous priver d'informations médicales
exactes et à jour, de savoir si nous sommes génétiquement liés à des frères et
des soeurs ou à des cousins au premier degré. On ne peut justifier de retenir
une information qui constitue l'un des fondements de notre identité.
L'anonymat des
donneurs permet à l'industrie de la fertilité de nier nos intérêts tout en
appliquant une logique marchande à la procréation. L'anonymat permet de couvrir
les erreurs et les abus médicaux qui surviennent inévitablement, par exemple
les donneurs en série ou l'utilisation de matériel génétique différent de ce
qui était demandé par les parents
d'intention, comme on a pu le voir dans certains cas médiatisés et même
judiciarisés récemment.
Le don de gamètes au Québec. À l'heure actuelle, il
n'y a pas de banques de sperme ou d'ovules québécoises. Les parents d'intention
qui souhaitent utiliser les gamètes d'une tierce partie sont invités à choisir
un donneur ou une donneuse dans les
catalogues des principales banques, majoritairement en provenance des
États-Unis. Une fois le produit sélectionné, ils ont un nombre de doses
défini et commandé ou réservé en fonction du projet parental et des chances de
succès de l'intervention. Il n'y a aucune
limite absolue par rapport au nombre de descendants que peuvent engendrer les
donneurs, seulement des barèmes en fonction de territoires desservis,
lesquels peuvent être terriblement étendus. Le respect de ces barèmes n'est d'ailleurs pas contrôlé par un
organisme indépendant. Les paillettes peuvent être stockées dans l'azote
liquide pour une durée quasi illimitée et voyagent comme lettre à la poste.
La plupart des
juridictions d'où proviennent les gamètes utilisés dans le système de santé
québécois offrent soit l'anonymat complet des donneurs, soit des donneurs
identifiables lorsque le descendant atteint l'âge de 18 ans. Bien que la deuxième option soit nettement
meilleure que la première, je suis d'avis qu'afin de contrer les nombreux effets
pervers de l'anonymat des donneurs de
gamètes nous devrions avoir accès à des donneurs identifiables dès la naissance
de l'enfant, tel que le propose le projet de loi n° 12.
On
pourrait croire qu'il est difficile de vraiment contrôler quelque paramètre que
ce soit dans le don de gamètes sur notre territoire. Malgré la diversité
d'arrangements possibles en procréation amicalement assistée, je crois
que la majorité des procréations assistées sont réalisées via le système de
santé québécois, remboursées en tout ou en partie par la RAMQ. Au-delà d'une
nécessaire réforme du droit de la famille qui prend en compte le bien de
l'enfant dans les nouvelles réalités en
matière de procréation assistée, c'est par là, je pense, que le législateur
devrait passer pour établir ce qui est conforme aux valeurs de la
société québécoise dans ce domaine.
• (15 h 10) •
En lisant le projet
de loi n° 12, je comprends bien que l'intention du législateur, c'est de
placer les intérêts de l'enfant comme point central devant guider nos choix et
nos décisions. C'est dans cette optique qu'il a intégré, avec le projet de loi n° 2 adopté l'an dernier, à
la Charte des droits et libertés de
la personne le droit de connaître ses
origines. Je vois dans le projet de
loi n° 12 la concrétisation de ce choix et je m'en réjouis. Toutefois,
j'aimerais apporter quelques commentaires pour éviter que le projet de
loi ne rate sa cible, notamment en ce qui concerne la divulgation de ses origines à l'enfant issu d'une procréation
assistée, à l'utilisation du matériel génétique provenant de l'extérieur du
Québec puis les modalités de refus de contact qui peuvent être
exprimées.
Au niveau de la
divulgation, comme je l'ai mentionné plus haut, la majorité des personnes
conçues avec l'apport d'une tierce partie
n'est pas au courant de ce fait. Bien qu'une majorité de parents d'intention
soient sensibilisés à l'importance de révéler à leur enfant les
circonstances de sa conception, une trop grande proportion évite d'aborder le sujet ou annonce la nouvelle trop tardivement.
Le premier alinéa de l'article 542.2 qui serait ajouté au Code civil du
Québec avec le projet de loi n° 12 se lirait ainsi: «Il appartient au parent de
l'enfant de l'informer du fait qu'il est issu d'une procréation
impliquant la contribution d'un tiers.»
Je suis d'accord que
le fait de transmettre cette information est un acte très intime et délicat qui
doit se faire au sein de chaque famille
selon les valeurs et les convictions de chacun. Il est difficile de contraindre
les parents à révéler à leur enfant qu'il est issu d'une procréation
assistée impliquant le matériel génétique d'un tiers. Selon la plupart des experts, la meilleure pratique serait de le dire
tôt, souvent, et dans un contexte émotionnellement sécuritaire, ce qui va dans
le sens d'une révélation familiale, idéalement. Cependant, afin de donner accès
à leurs origines aux personnes conçues par don de gamètes, il est essentiel
qu'elles soient informées de ce fait.
Le législateur
devrait donc prévoir un mécanisme qui assure que l'information sera transmise
dans les cas où la trajectoire de vie de l'enfant ne lui permettra pas d'être
informé dans les meilleures conditions qui soient, par exemple, en cas de décès
des parents, si l'enfant est confié à la protection de la jeunesse, quelque
chose comme ça. De plus, je suis d'avis que
cette révélation est du devoir du parent ou du tuteur, beaucoup plus qu'un
simple choix. Si la manière de l'annoncer peut être laissée à la
discrétion du parent, il est... il doit néanmoins donner l'information afin de
respecter le droit de son enfant à connaître ses origines. En réalité, il n'y a
aucun recours qui va être possible pour un enfant à qui les parents n'auraient
pas révélé la vérité sur ses origines. Je crois tout de même qu'il est
important que la loi soit claire à ce sujet. Ce n'est pas acceptable de garder
un pareil secret de son enfant.
En ce qui concerne le
matériel génétique provenant d'autres juridictions, selon moi, c'est le
problème le plus important. Comme je l'ai mentionné plus haut, la majorité du
matériel génétique utilisé en procréation assistée au Québec
est importé de juridictions qui n'offrent pas nécessairement de donneur à
identité ouverte dès la naissance de l'enfant.
Or, à la fin du premier alinéa de l'article 542.15, on mentionne que, dans
le cas d'un projet parental impliquant l'utilisation de matériel
reproductif provenant de l'extérieur du Québec, les parents d'intention
seraient responsables de transmettre
l'information qu'ils détiennent au Directeur de l'état civil s'ils détiennent
une quelconque information. Ce passage permettrait aux cliniques de
fertilité et aux agences de continuer d'opérer en utilisant du matériel
génétique qui ne respecte pas le droit de connaître ses origines, qui sera
inscrit à la charte québécoise dès juin 2024. On ne peut évidemment pas forcer
les parents d'intention à transmettre une information qu'ils ne peuvent pas
avoir. On peut en revanche obliger les cliniques de fertilité québécoises à utiliser
du matériel génétique qui respecte notre cadre législatif et nos valeurs.
Au niveau des
cliniques et des agences, on n'en parle pas beaucoup, je trouve, dans le projet
de loi, en matière de conception avec l'apport d'une tierce partie, ce sont
elles qui détiennent le plus d'informations sur les conceptions qui ont déjà eu
lieu par le passé. L'accès à ces informations nous est toujours refusé, car
elle fait partie du dossier médical de nos parents. De plus, beaucoup de ces
dossiers sont déjà détruits. Si c'est dans l'intention du législateur de nous
donner accès à nos origines, peu importe le moment où on a été conçu, il
faudrait obliger les cliniques à conserver et à transmettre l'information
qu'elles détiennent déjà au registre qui sera créé.
Au niveau du refus de
contact, bien, je suis totalement en faveur de la possibilité pour un donneur
ou une donneuse d'émettre un refus de contact avec la descendance qu'il ou elle
a engendré. Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, ce que nous
souhaitons avoir avant tout, c'est une information et non une relation. Je suis
toutefois d'avis qu'on devrait donner
l'information complète aux donneurs lorsqu'ils doivent choisir d'émettre ou non
un refus de contact. Ils doivent
savoir combien de descendants sont nés grâce à leurs dons. Accepter de
rencontrer trois personnes, ce n'est pas la même décision qu'accepter
d'en rencontrer 350. La taille de la cohorte issue d'un même donneur devrait également être divulguée aux descendants.
Après l'identification du donneur, c'est l'une des informations les plus
importantes que nous souhaiterions avoir, pour des raisons évidentes.
En
conclusion, j'aimerais exprimer combien l'adoption de ce projet de loi
représente beaucoup pour moi ainsi que pour plusieurs personnes conçues par don
de gamètes. Je vous remercie d'avoir pris le temps d'entendre un point de
vue qui est peu représenté dans la sphère publique.
Le
Président (M. Bachand) : Merci
infiniment, Mme Letendre. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, M. le Président. Bonjour, Mme Letendre. Merci beaucoup de participer aux travaux
de la commission parlementaire et puis de venir nous donner votre point de vue
sur le projet de loi n° 12.
Je voulais vous
entendre davantage sur les agences. Vous nous dites : Elles sont absentes
du projet de loi, et je vous dirais que c'est d'une façon consciente, on ne
souhaite pas favoriser le recours aux agences. On vient vraiment mettre un
encadrement pour indiquer quelle est la voie légale, quelle est la voie
judiciaire au processus de grossesse pour autrui. Donc, on ne souhaite pas
encourager le recours aux agences, mais j'aimerais vous entendre davantage,
votre opinion en lien avec les agences.
Mme Letendre
(Andréane) : Bien, au niveau des agences puis des cliniques, souvent,
ça va être des... ce que j'entends, ce qui
se fait à l'extérieur du Québec puis ce qui risque d'arriver aussi ici, c'est
que ça va être des projets un peu comme clés en main, on va aller... C'est
parce que ça... Ça devient comme un peu compliqué de respecter tous les
petits détails qu'il y a au niveau de la loi, puis tout ça, puis c'est quand
même un projet très important, je pense, pour les familles qui veulent avoir
des enfants, donc on risque d'avoir énormément de ces cliniques et de ces
agences-là.
Moi, ce que j'ai
comme expérience comme personne conçue par don de gamètes, c'est que je ne suis
pas la cliente de ces agences-là. Donc,
quand je veux avoir des informations ou quoi que ce soit, je me suis toujours fait
répondre avec condescendance au
niveau des cliniques de fertilité. Puis ce... ces agences-là ont toujours une
logique marchande, c'est un... c'est une business. Même si ça crée des
familles puis que c'est quelque chose... même si c'est payé par le gouvernement,
ça reste que ces agences-là ont comme objectif de faire de l'argent, puis le
produit, en quelque sorte, ça se trouve à être nous, c'est les personnes
conçues par don de gamètes. Ça fait qu'à quelque part je pense qu'il faut nous protéger aussi, en tant que descendants de la
procréation assistée, de cet appétit, je dirais, mercantile, là, des agences
puis des cliniques, parce qu'ils vont toujours trouver une façon de réaliser la
procréation assistée de la manière la plus
rentable possible et en oubliant un peu, je pense, l'intérêt de l'enfant
là-dedans, parce qu'eux autres, leur intérêt, c'est que leurs clients,
qui se trouvent à être les parents d'intention, soient satisfaits.
M. Jolin-Barrette :
Puis vous dites dans votre mémoire que vous avez peur qu'ils deviennent
comme des gros lobbys aussi, là, les agences.
Mme Letendre
(Andréane) : Bien oui, parce que c'est un peu ça qui se passe dans les
autres juridictions, par exemple aux États-Unis, et tout ça, ils ont quand même
un gros... ils ont quand même assez de pouvoir au niveau de la procréation assistée. Souvent, on ne réussit
pas, nous, les personnes conçues par don de gamètes à s'exprimer dans les...
dans différentes consultations. Ça fait que, tu sais, j'ai l'impression qu'ils
attendent juste de pouvoir, comme, se lancer
au Québec, là, de manière plus ouverte, là, avec... Tu sais, avec, comme, la
légalisation de la gestation pour autrui, il y a quand même des risques
que ça devienne quand même un marché particulier, là.
M. Jolin-Barrette : De votre
point de vue, là, ce que... bien, qu'est-ce que vous nous suggérez en lien avec
les agences?
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
c'est que... En fait, le projet de loi est bien construit en soi, tu sais, de
vraiment y aller avec qu'est-ce qu'on
voudrait que ce soit, sauf qu'ils vont toujours trouver la petite faille qui va
permettre... Par exemple, comme, moi, mon intérêt, c'est que les
personnes conçues par don de gamètes aient accès à leurs origines. Et puis,
comme j'ai mentionné dans mon mémoire, il y a une possibilité que... Tu sais,
en ce moment, il n'y a pas de banques de
sperme au Québec, là, donc, si les gens veulent avoir... veulent impliquer un
tiers dans leur projet parental, ils
vont aller à l'extérieur du Québec, aux États-Unis ou dans d'autres
juridictions qui, elles, n'offrent pas des donneurs à identité ouverte
dès la naissance, ce qui est comme dans le projet de loi n° 12.
Puis en fait c'est au
niveau de l'article... je pense, c'est 542.15 qui permet, dans le fond, tu
sais, pour... Dans le fond, c'est un article, je pense qu'il y a comme... qui
permet de contourner pour les gens qui font de la procréation amicalement
assistée de donner, dans le fond, l'information qu'ils ont. Puis aussi les
parents qui vont aller acheter, mettons, des
paillettes à l'extérieur du Québec, bien, ils n'auront pas nécessairement toute
cette information-là. En soi, je ne
pense pas qu'on puisse empêcher tout, tout, tout qu'est-ce qu'il va se faire
dans toutes les sphères, mais au niveau de la procréation amicalement
assistée, ou bien d'acheter... aller acheter à l'extérieur du Québec, sauf que
ce qui est fait au Québec dans nos cliniques
québécoises, il faudrait que ça respecte notre cadre législatif. Puis, avec
le... Tu sais, c'est à la fin, dans
le fond, de... tu sais, c'est quand même un très, très gros paragraphe, là, à
la fin, ils disent que, finalement, les parents vont être responsables
de transmettre cette information-là s'ils l'ont. Mais, tu sais, ils ne l'auront
pas, ils vont l'avoir acheté aux États-Unis,
puis aux États-Unis la... ce que la clinique prévoit, c'est que c'est à
18 ans qu'ils peuvent avoir
l'identification du donneur. Nous, ce qu'on veut, c'est que ce soit dès la
naissance, qu'on puisse savoir l'identification du donneur pour
plusieurs raisons. Tu sais, 18 ans, c'est très, très tard, là.
• (15 h 20) •
M. Jolin-Barrette :
Mais il y a certaines banques qui sont à information ouverte, par contre.
Mme Letendre
(Andréane) : Je ne le sais pas, si c'est quelque chose qu'il est
possible d'avoir. La plupart du temps, ils
vont dire : Le donneur est ouvert, mais à partir de 18 ans. Il y a
comme toujours le 18 ans qui est là. Puis, tu sais, le 18 ans, là, quand on pense que le sperme peut être
congelé dans l'azote liquide pour une durée indéterminée, quand l'enfant
est rendu à 18 ans, il est comme trop tard parce que ça peut faire très
longtemps que le don a eu lieu. Puis en même temps, bien, tu sais, ça permet...
Si on découvre, par exemple, des erreurs médicales ou des problèmes, bien, si
on attend à 18 ans pour se rendre compte qu'il y avait
500 descendants dans cette cohorte-là, il est trop tard pour radier le
médecin, il a probablement déjà pris sa retraite, tu sais, c'est ça.
M. Jolin-Barrette : Puis, dans le fond, vous
disiez : Un des enjeux, c'est qu'il y a peu de banques de sperme,
supposons, au Québec, notamment.
Mme Letendre
(Andréane) : On n'en a pas.
M. Jolin-Barrette :
Oui? Il me semble...
Mme Letendre
(Andréane) : On n'a pas de banques de sperme. Tu sais, on va
utiliser...
M. Jolin-Barrette :
Je pense qu'il y en a deux, seulement.
Mme Letendre (Andréane) : Oui.
On va utiliser... Dans le fond, ils vont acheter du sperme qui provient de
l'extérieur du pays, puis ils vont le conserver ici, dans... tu sais, dans,
mettons... dans des banques ici, mais il n'y a pas vraiment de donneurs
québécois ou, en tout cas, c'est très rare, s'il y en a. Récemment, dans les
recherches que j'avais faites, ce n'étaient pas des banques, là, qui
recrutent au Québec puis qui sont actives au Québec, là.
M. Jolin-Barrette :
Puis, moi, ce qu'on me dit, c'est qu'il y a 50 donneurs dans deux
banques au Québec, ce qui n'est pas beaucoup.
Mme Letendre
(Andréane) : OK, mais, tu sais, c'est très peu par rapport à ce qui
est réellement... ce qui est réellement fait, là, comme procréation assistée au
Québec, là. La majorité du temps, on se fait... tu sais, quand on va dans une clinique de fertilité, on se fait transmettre
les catalogues des grandes banques de sperme qui sont à l'extérieur de
la province.
M. Jolin-Barrette : Puis, vous, de ce que je
saisis de votre propos, le point le plus important, c'est que les gens qui sont
issus de la grossesse par... pour autrui et de la procréation assistée, c'est
qu'ils puissent connaître leurs origines, c'est l'élément le plus
fondamental pour vous?
Mme Letendre
(Andréane) : Oui, qu'ils puissent connaître leurs origines et qu'ils
soient informés de ce fait-là, parce que
c'est quelque chose que, tu sais, si on considère qu'il faut que les personnes
conçues par don de gamètes aient accès à leurs origines, si c'est dans
la charte québécoise, bien, à ce moment-là, si on n'est pas au courant de ce
fait-là, on ne peut pas avoir accès à nos origines, donc, on ne l'a pas, ce
droit-là. C'est important qu'on soit informés de
ça. C'est pour ça que, tu sais, j'expliquais, c'est un peu difficile, tu sais,
de forcer les parents à le dire à leur enfant. Par contre, si ça relève
du devoir du parent, à un moment donné, il faut que ça rentre dans les moeurs
puis que ça devienne naturel qu'il faut
avertir... il faut le dire à son enfant parce qu'il a le droit d'avoir accès à
cette information-là.
M. Jolin-Barrette :
Puis, oui, ça sera dans la charte, c'est prévu, dans les limites prévues
par la loi, par le Code civil du Québec. Vous, dans le monde idéal, là, vous
souhaiteriez que chaque famille qui a recours, justement, à un don de... génétique le dise à son enfant. Je
vous pose la question : Est-ce que vous croyez qu'on devrait forcer les parents
à le faire? Parce que c'est...
Mme Letendre
(Andréane) : Je ne sais pas comment on pourrait le faire.
M. Jolin-Barrette :
C'est délicat, là, tout ça, là, puis, tu sais, chaque histoire familiale
est...
Mme Letendre (Andréane) : C'est
très délicat, puis c'est des discussions que j'ai eues vraiment avec
différentes personnes conçues par don
de gamètes, puis les avis sont comme un peu partagés entre ceux qui ont été informés
jeunes et ceux qui ne l'ont pas été. Ceux qui ne l'ont pas été disent, la
plupart du temps : Bien, nous, on aimerait ça que ce soit inscrit
sur... tu sais, je ne sais pas, inscrit sur le certificat de naissance. Je
trouve que c'est une information qui est peut-être très personnelle à mettre
sur un certificat de naissance, quoique c'est quand même un document personnel aussi, tu sais. Tu sais, on se questionnait :
Est-ce qu'on envoie une lettre alors que... quand l'enfant atteint 14 ans
pour qu'il reçoit cette... qu'il reçoive cette information-là? Je ne
sais pas c'est quoi.
M. Jolin-Barrette : Mais ça, ça pourrait être
un choc aussi pour l'enfant de juste recevoir... Vous avez 14 ans...
Mme Letendre
(Andréane) : Exactement.
M. Jolin-Barrette :
...vous recevez une lettre : Ah! finalement, l'ovule... le sperme...
Mme Letendre
(Andréane) : La personne que vous avez cru qu'il était votre parent
biologique ne l'est pas. Si les parents
l'ont informé par... auparavant, c'est une lettre qui va arriver, puis ils vont
faire, comme : Bien, je le savais déjà, tu sais, il n'y a rien là.
S'ils n'ont pas été informés, bien oui, ça peut être un choc. Est-ce que c'est
mieux de l'apprendre avec un choc ou c'est mieux de ne pas l'apprendre pantoute?
C'est ça aussi qui est une question. Moi, je pense que c'est mieux de
l'apprendre avec un choc que de ne pas le savoir, mais c'est mon opinion
personnelle. Je ne le sais pas si elle est partagée partout.
M. Jolin-Barrette :
OK.
Mme Letendre
(Andréane) : Mais je pense que c'est... pour que le droit aux origines
existe, il faut que la personne soit informée de ça. Ça fait que, tu sais, de
dire : Il appartient aux parents, bien, moi, je dirais plus : Il est
du devoir du parent de la... parce qu'en soi, tu sais, si on veut faire un
recours, par après, contre nos parents parce qu'ils
ne nous l'ont pas dit, bien, tu sais, c'est un peu impossible, je veux dire. Tu
n'auras pas la capacité avant l'âge de 18 ans
puis, à ce moment-là, tu sais, il va être comme trop tard pour être capable de
poursuivre tes parents. On n'enverra pas la DPJ chez les familles qui ne
l'annoncent pas. Tu sais, à quelque part, il n'y a comme pas vraiment de pogne
quelque part, à part juste de dire que c'est, moralement, quelque chose qui
doit être fait.
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, je vous remercie, Mme Letendre. Je vais céder la parole
à mes collègues, mais je vous remercie pour
votre témoignage parce que ça illustre très bien, je pense, ce que les gens
dans votre situation ont vécu comme mélange d'émotions aussi puis comme désir,
aussi, de connaître leurs origines. Donc, je pense que vous éclairez la
commission. C'est vraiment un témoignage apprécié. Je vous remercie.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Donc, il reste 5 min 18 s. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré,
s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Bonjour. Merci beaucoup.
Merci beaucoup. Merci pour votre témoignage. J'aimerais aborder la question des
donneurs et des banques, effectivement, qui sont majoritairement à l'étranger.
Est-ce que vous croyez que, si on force un donneur à devoir
éventuellement fournir des informations sur lui, ça ne diminue la possibilité
de donneurs? Parce que, pour l'instant, au Québec, il y a une pénurie de
donneurs blonds aux yeux bleus, il semble que ce soit populaire. Est-ce que
vous croyez effectivement que ça pourrait avoir un impact là-dessus?
Mme Letendre
(Andréane) : Ce qui a été fait dans les juridictions qui ont levé
l'anonymat, on parle de l'Angleterre, la Suède, l'Australie aussi, certains...
certaines régions de l'Australie, je pense même maintenant, c'est dans toute l'Australie, mais il n'y a pas eu de
baisse de donneurs, il n'y a pas eu moins de donneurs qui ont fait des dons.
Il y a eu peut-être un changement au niveau
des profils de donneurs. Donc, on prend... on pense qu'on a plus de donneurs
qui le font pour des raisons qui sont plus
louables, des gens qui ont vraiment l'intention de contribuer au projet parental
d'autrui que des gens qui le font un peu comme... soit pour... Bien, tu sais,
dans d'autres juridictions, on s'entend que les donneurs peuvent être
rémunérés, ce qui n'est pas le cas au Canada. Je ne pense pas que le fait de
savoir qu'on peut... que nos informations
puissent être transmites... transmises, d'autant plus qu'il y a la possibilité
d'un refus de contact qui existe, je ne pense pas que ça va faire
baisser le nombre de donneurs. Je pense que ce qui joue plus là-dessus, c'est au niveau de la rémunération des donneurs, puis,
à ce moment-là, là on entre dans la juridiction au niveau du fédéral,
puis c'est interdit, de toute façon, au Canada. Mais le fait de lever
l'anonymat, ça ne va pas faire ça.
Et la deuxième affaire que
j'ai à dire là-dessus, c'est qu'on ne peut pas gérer cette question-là comme si
c'était une question d'offre et de demande. On ne peut pas se mettre à faire de
la procréation assistée, justement, dans une
logique marchande en disant : On a besoin, on a une pénurie; il y a un
manque de donneurs, ça fait qu'on va comme élastifier notre morale pour
être capables d'en avoir plus. Je pense que, si on fait de la procréation
assistée, il faut le faire en respectant nos valeurs puis en faisant en sorte
qu'on respecte l'intérêt de l'enfant avant tout.
Mme Bourassa : J'ai
une question délicate, vous répondez seulement si vous voulez. Est-ce que vous
avez des frères et des soeurs?
Mme Letendre (Andréane) : J'ai
un frère.
Mme Bourassa : Qu'est-ce que
vous pensez du fait qu'un parent... des parents qui ont eu des enfants de manière naturelle, et qui désirent un autre
enfant, et que ça ne fonctionne pas, et que cet enfant-là décide... les parents
décident d'avoir recours, effectivement, à des dons, soit de gamètes, soit
d'ovules, révéler la naissance d'un enfant fait
différemment que la manière que son frère a été fait, vous ne croyez pas que ça
pourrait mettre une dynamique dans la famille où peut-être que l'enfant
issu d'un donneur se sentirait moins légitime, moins aimé, peut-être mis de
côté? Qu'est-ce que vous faites avec ces situations-là?
Mme Letendre (Andréane) : Ce
qui est problématique, je pense, c'est quand il y a un secret. Tu sais, il y a
toujours une possibilité... Moi, je l'ai toujours ressenti, avant de le savoir,
qu'il y avait quelque chose qui clochait chez
nous. Je n'étais pas capable de dire : Bien, j'ai-tu été adopté? Ah non,
j'ai des photos de ma mère enceinte, tu sais. Mais, tu sais, on le ressent. Puis, quand il y a un secret ou un tabou,
c'est malsain dans une famille. Ça fait que je pense que, quand les parents prennent la décision
d'utiliser la procréation assistée pour avoir un enfant, bien, ça fait partie
des choses qu'ils doivent considérer avant de le faire. Puis, tu sais,
étant donné que... puis en sachant qu'ils sont obligés, ils devraient le dire à l'enfant, bien, tu sais, si tu n'es pas capable
de dealer avec ce que ça risque de provoquer, peut-être qu'il y a un problème un peu plus important, ce
n'est peut-être pas une bonne idée de le faire, tu sais. Moi, je suis bien
contente d'être vivante, là, aujourd'hui.
C'est ça que je dis, tu sais. Je ne suis comme pas en train de dire que je n'ai
pas demandé à venir au monde, c'est un peu ça, mais je suis bien
heureuse d'être là, là.
• (15 h 30) •
Mme Bourassa : Parfait.
Et dernière question très rapide. Concernant l'information, tu sais, je vous
confirme que, présentement, quand les
gens, les familles fréquentent les cliniques, il n'y a pas de tutoriel ou de
manuel sur comment éventuellement annoncer que son enfant a été conçu
d'une manière unique — j'aime
mieux le mot «unique» que «spéciale». Où
est-ce que cette information-là, selon vous, devrait arriver? Est-ce que c'est
lorsque... dans les cliniques, par exemple, comme PROCREA, Fertilys, où ils
donnent des services? Est-ce que c'est sur Internet, en amont? Est-ce
que c'est lors de la convention avec le notaire? Quand est-ce que cette
information-là devrait arriver pour aider? Et est-ce qu'on a besoin d'information
pour soutenir les parents dans cette annonce-là éventuelle?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, parce que le temps
passe vite, s'il vous plaît. Merci.
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
oui, je n'ai pas d'endroit particulier où est-ce que ça, ça devrait être fait. Par contre, je pense que c'est un peu partout dans
le processus, il faut que ce soit répété. Comme on dit, il faut le dire aux enfants
tôt et souvent, bien, il va falloir le dire aux parents tôt et souvent aussi.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme Letendre. Merci pour votre témoignage. En fait, votre témoignage est très important parce que
c'est un projet de loi qui soulève, effectivement, différentes... différentes
questions, alors j'apprécie. Je comprends
que, pour vous, l'idée, c'est que c'est super important pour l'enfant de
connaître, de savoir qu'il est, par
exemple, issu de la procréation assistée. Maintenant, vous avez eu déjà des
questions là-dessus, ce n'est pas
toujours facile pour les familles d'en parler. Donc, est-ce que vous pensez que
ce serait important d'avoir un soutien,
par exemple, psychologique à l'enfant? Parce que je comprends que l'enfant veut
le savoir ou, enfin, vous, vous vouliez
le savoir, mais il y a peut-être un impact après. Donc, pensez-vous que c'est
quelque chose qui pourrait être utile pour l'enfant, au moins de lui
offrir ce service-là?
Mme Letendre
(Andréane) : Oui, oui, absolument. Tu sais, moi, les contacts
que j'ai avec des personnes conçues par don de gamètes, c'est souvent
des gens qui traversent une espèce de crise, puis on se rend compte qu'on a
tous passé par là. Puis je ne sais pas
comment c'est aujourd'hui, l'offre, tu sais, à ce niveau-là, mais ça prend
quand même des intervenants qui sont formés à la situation particulière
des personnes conçues par don de gamètes.
Alors, je vois maintenant, ça va mieux. Je ne
vous voyais pas dans l'écran.
Donc, oui, c'est ça. Donc, c'est ça, c'est
d'avoir des personnes qui sont spécialisées là-dedans, parce qu'on... qu'il y a beaucoup de faux pas, je dirais, ou
d'erreurs que des intervenants peuvent commettre en nous disant : Bien,
arrête d'y penser, tu as été tellement désirée, tu sais, tu devrais être
reconnaissante envers tes parents. Tu sais, ça, je les ai entendus
en boucle, là, tu sais, vraiment. Tes parents ont tellement travaillé fort pour
t'avoir, tu sais, c'est sûr qu'il... tu
sais, c'est sûr qu'il y a... Ça fait qu'à quelque part, tu sais, il faut qu'on
soit entendus. Je pense que, souvent, ce qu'on a besoin, c'est : on
a besoin d'en parler à quelqu'un puis on a besoin d'en parler à quelqu'un pour
qui c'est correct qu'on n'ait peut-être pas les émotions que nos parents
souhaitaient qu'on ait par rapport à ça.
Ça fait que ça prend,
oui, des... peut-être des intervenants, que ce soient des psychologues, ou peu
importe, qui sont formés à ce niveau-là,
parce que la plupart des gens que je connais, en tout cas ceux qui m'ont
contactée, j'en ai beaucoup qui ont eu des problèmes assez importants
tout au long de leur vie, en fonction de différents événements, dans des décès,
les séparations des parents, ça revient souvent, puis c'est comme un complexe
qui reste comme ancré un peu en nous parce que c'est quelque chose qui reste
toujours un peu fragile.
M. Morin :
Oui, je vous comprends.
Évidemment, le... on peut toujours suggérer des modifications au gouvernement dans le cadre de nos travaux. Je vous
entends puis je perçois que, pour vous, c'était vraiment un besoin
important, de le savoir. Maintenant, pour nous aider dans notre travail, puis
on en a un peu parlé un peu plus tôt, mais
ça serait quand, la meilleure façon, puis comment? Parce que, je comprends,
vous nous avez dit que, dans le cadre d'un...
par exemple, d'une situation conflictuelle, ce n'est sûrement pas l'idéal, là,
par exemple, des parents qui séparent, puis en plus, en passant, bien,
bingo! vous êtes... avez été conçu par un gamète...
Mme Letendre
(Andréane) : Tu sais, ça peut être une arme, c'est ça.
M. Morin :
...ça fait que, là... bon. Mais comment on ferait? Puis, à ce moment-là,
l'obligation, on l'impose au gouvernement ou sur les parents, au Directeur de
l'état civil, qui est le gouvernement? Est-ce que vous avez des idées là-dessus
pour nous aider dans notre travail de législateurs?
Mme Letendre
(Andréane) : Bien, je pense que ça doit d'abord et avant tout... Tu
sais, comme je disais, il n'y a pas vraiment possibilité d'avoir un recours
d'une manière ou d'une autre si on n'est pas informés. C'est bien malaisant de
poursuivre ses parents à cause de ça, là. Tu sais, ça ne marche pas, là, tu
sais. Donc, tu sais, c'est sûr que
l'information soit disponible au niveau du registre, si l'enfant se pose des
questions, bien, il peut avoir accès au niveau du registre pour voir
qu'est-ce qu'il en est.
Ensuite, au niveau de
l'information des parents avant, quand ils sont au moment de la... au niveau du
projet parental, mais aussi en postnatal.
Les parents qui ont un enfant, dans les premières années de vie de l'enfant, il
faudrait qu'il y ait quelque chose
qui puisse les appuyer, qui puisse, au niveau, je ne sais pas, peut-être du
suivi, tu sais, se faire accompagner pour que ce soit quelque chose de
normal de dire à son enfant. C'est quelque chose qui doit être normal, qui doit pouvoir sortir devant... à
l'école, devant la famille, devant les amis. Il faut que ce soit quelque chose
de connu puis qu'on soit comme... que
ce ne soit pas quelque chose qui soit honteux parce que, quand c'est caché,
bien, nous, on le ressent comme si c'était une honte puis, tu sais, c'est notre
conception, là, qu'on parle, ça fait que c'est un peu «touchy» de ce
côté-là.
C'est
sûr que, si au niveau de la loi, ça fait partie du devoir et que ça n'est pas
seulement laissé à la discrétion des parents, même s'il n'y a pas de recours,
je pense que c'est au niveau de la... d'inciter quelque chose que ça devienne
au niveau de la morale de la société, là, je ne sais pas trop comment formuler
ça, que ce soit quelque chose qui doive être
fait, que ce ne soit pas quelque chose qui soit laissé au choix du parent.
Souvent, tu sais, les gens... Je ne sais pas si quelqu'un se présente pour
faire un projet parental dans le système de santé aujourd'hui, s'il dit :
Moi, j'ai l'intention que ça paraisse
le moins possible, je n'ai pas l'intention d'avertir mon enfant. Je ne sais pas
si cette personne-là ne devrait pas avoir,
minimalement, tu sais, quelqu'un qui lui dit : Bien là, peut-être que,
votre projet parental, vous devriez y repenser à deux fois, là, tu sais.
M. Morin :
Oui, je comprends. Donc, est-ce que c'est quelque chose qu'on pourrait
mettre, par exemple, dans la convention de
grossesse, donc le contrat que les parents ont avec la femme porteuse, de dire :
Bien, à un moment donné, vous allez
devoir le dire après la naissance de l'enfant, quand il va être en mesure de
comprendre, évidemment? Est-ce que ça pourrait être une option?
Mme Letendre
(Andréane) : Ça pourrait être une option au niveau de la convention de
grossesse, mais il faut penser aussi au don de sperme parce que ça se fait
énormément aussi, ça fait que, tu sais... puis là, le don de sperme, là, ce n'est pas très encadré, là, par
rapport... versus la convention de grossesse pour autrui puis, à ce niveau-là,
ça peut être beaucoup plus caché qu'une convention de grossesse pour autrui. Tu
sais, si... C'est certain que, dans le cas
d'un couple homosexuel qui a des enfants, à quelque part, il n'y aura pas le
choix de l'annoncer parce qu'il y a comme des évidences un jour qu'il va
être obligé de dire à son enfant. Par contre, dans le cas des parents
hétérosexuels, avec le tabou de
l'infertilité, c'est très, très difficile pour les parents de l'annoncer à leur
enfant, puis ça, ça prend... dans l'offre de services au niveau de
l'infertilité, je pense qu'il doit y avoir quelque chose.
M. Morin :
Parfait. Bien, je vous remercie beaucoup. Je ne sais pas si ma collègue de
Robert-Baldwin a une question. Non? Ça va.
Le
Président (M. Bachand) : Donc, M. le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard :
Merci beaucoup, Mme Letendre, pour votre présentation. Dans votre
mémoire, vers la fin, vous dites «après
l'identification du donneur, la taille de la cohorte est une des informations
les plus importantes que nous souhaitons avoir», puis là vous dites
«pour des raisons évidentes», là. Mais éclairez-moi un peu, quelles sont ces
raisons évidentes?
Mme Letendre
(Andréane) : Oui. Bien, on se demande toujours : Est-ce que j'ai
500 frères et soeurs qui se baladent dans la nature, moi? C'est quelque
chose qu'on ne sait pas. Puis on s'en rend compte quand... tu sais, c'est parce
qu'on pense... bien, autrefois, les familles avaient des très grands... un très
grand nombre d'enfants, mais ces enfants-là se connaissaient entre eux. Donc,
on se retrouve avec... Tu sais, si j'ai 500 frères et soeurs qui se
baladent dans la nature, les risques
d'inceste accidentel sont là. Les risques de rencontre... que mes enfants
rencontrent un cousin au premier degré qui s'ignore totalement sont là,
tu sais. Puis en même temps, bien, c'est vraiment... Tu sais, la plupart du temps, on veut savoir, un, c'est qui
qui a contribué à ma naissance; deux, combien j'ai de demi-frères et de demi-soeurs
qui se baladent dans la nature. C'est très difficile de savoir ça. Je comprends
que, tu sais, d'agir d'un point de vue légal
là-dessus, c'est... d'autant plus que la plupart des donneurs sont de
l'extérieur du pays, bien, tu sais, ou... puis qu'il n'y a pas de norme qui
existe au niveau national puis international. Des donneurs en série, il y en a
toujours eu puis il y en aura toujours. Ça fait que, si, minimalement,
on est capables de savoir la taille de la cohorte, tu sais, c'est déjà quelque chose. Je pense qu'entre nous,
des fois, on aimerait ça se connaître aussi entre demi-frères, demi-soeurs.
Mais, pour l'instant, juste le fait
d'annoncer combien d'enfants... Tu sais, s'il y a un donneur québécois,
hypothétiquement, a... veut... doit... sait qu'il a une descendance qui
veut le contacter, bien, il doit savoir s'il impose un refus de contact ou non,
est-ce que j'impose un refus de contact à trois personnes ou à
350 personnes. C'est sûr que, s'il y en a 350, ça ne lui tentera peut-être
pas de rencontrer tous, toutes, là, tu sais, ça en fait pas mal.
• (15 h 40) •
M. Cliche-Rivard :
Puis je sais que vous dites qu'il faut absolument savoir. J'aimerais ça que
pour vous... tu sais, détaillez-moi
vraiment, pour vous, le plus grand préjudice de ne pas le savoir, c'est quoi.
En quoi ça affecte? Tu sais, qu'est-ce que... Des fois, on dit :
qu'est-ce qu'on ne sait pas ne nous fait pas mal, nécessairement. Je pense que
vous, vous dites absolument le contraire. Ça fait que c'est quoi, le gros, le
gros dilemme ou le gros problème que vous voyez de ne pas savoir?
Mme Letendre (Andréane) : La
première chose, c'est que c'est au niveau médical. Je pense que c'est la chose
qui parle au plus grand nombre, au niveau médical. Moi, je connais... ce n'est
pas la... même si, tu sais, on dit que les donneurs ont été testés, puis
tout ça, puis qu'on leur a posé un questionnaire exhaustif, moi, quand j'ai été
conçue, il n'y avait aucun test qui existait pour le VIH/sida, ça fait que, tu
sais, comme il n'a pas été testé, mon donneur, pour ça, c'est déjà une chose que... Tu sais, éventuellement, la science
évolue puis un dossier médical, là, c'est quelque chose qui évolue en
continu. Ton historique médical n'est pas le même quand tu as 20 ans que
quand tu as 45 ans puis que quand tu en
as 65. Ça fait que, tu sais, de savoir si éventuellement une maladie se
développe puis de savoir qu'il faudrait que je passe des tests
régulièrement pour ce genre de maladie là, je trouve que c'est important.
Il y a aussi au
niveau de... bien, pour savoir, tu sais, ce qui est l'inceste accidentel, de
savoir à qui je suis reliée. Est-ce que
quand, moi, je me suis mariée, est-ce que je me mariais avec quelqu'un qui
était parent avec moi, puis je ne le
savais pas? Je n'en ai aucune idée. Puis au-delà de tout ça, il y a le fait de
savoir qu'on est des êtres humains, puis qu'on est plus que juste le
produit d'une industrie, puis que notre bien-être est plus important que des
considérations financières ou mercantiles au niveau de l'industrie de la
fertilité, tu sais. De pouvoir se rattacher à quelque chose de profondément humain, de savoir d'où on vient, de s'inscrire
dans une lignée, dans une génération, au niveau biologique, c'est quelque chose
qui... ça vient nous chercher dans les tripes. C'est difficile de l'expliquer
de manière rationnelle, mais c'est quelque chose qui est vraiment
important pour nous autres.
M. Cliche-Rivard :
Donc, c'est vraiment indissociable pour vous, un, de le savoir, mais de
savoir c'est qui, en même temps, là. Pour
vous, d'avoir juste l'obligation de divulgation sans savoir qui est la personne
en question, ça ne vous amènera pas grand-chose, donc, vous dites, vraiment,
les deux doivent être indissociables, sinon ça ne sert à rien.
Mme Letendre
(Andréane) : Ça va le faire.
M. Cliche-Rivard :
Merci beaucoup.
Mme Letendre
(Andréane) : Oui, c'est ça, ça prend les deux.
Le Président
(M. Bachand) : Sur ce, Mme Letendre, merci beaucoup d'avoir
été avec nous. Ça a été plus qu'intéressant.
Alors, sur ce, je
suspends les travaux quelques instants. Merci. À bientôt...
(Suspension de la séance à 15
h 43)
(Reprise à 15 h 48)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir Mme Mona
Greenbaum, de la Coalition des familles LGT... LGBT+, puis je ne sais pas s'il
y a un chiffre à la
fin, là, je ne veux pas être... je ne veux pas être en contre... en portfolio
avec vous, là, mais merci beaucoup d'être
avec nous après-midi. Alors, comme vous le savez, vous avez 10 minutes de
présentation, puis après ça on aura un échange avec les membres. La
parole est à vous.
Coalition des familles LGBT+
Mme Greenbaum (Mona) : Merci
beaucoup. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires,
merci de votre invitation à venir présenter notre mémoire. Je m'appelle Mona
Greenbaum, je suis la directrice générale de
la Coalition des familles LGBT+, qui est un organisme qui représente les futurs
parents ainsi que les parents lesbiens,
gais, bisexuels, trans et leurs enfants depuis maintenant 25 ans. La
coalition félicite le gouvernement d'avoir déposé un deuxième projet de
loi sur la réforme de droit familial. Les lois en place ne s'appliquent que
difficilement à certaines nouvelles réalités familiales. Légiférer afin de
baliser les constellations familiales actuelles et ainsi mieux protéger les familles
et surtout les enfants est tout à fait approprié.
Nous sommes d'accord
avec la majorité des articles proposés sur la grossesse pour autrui ainsi que
sur l'accès aux origines dans le projet de loi n° 12. Comme expliqué dans
notre mémoire et à l'occasion de consultations pour le projet de loi n° 2,
nous n'avons que quelques demandes de modification concernant la grossesse pour
autrui. Nous souhaiterions que les personnes
porteuses soient dans l'obligation d'avoir déjà vécu une grossesse avant d'en
vivre une pour autrui. Nous pensons aussi que la filiation des parents
d'intention devrait être accordée dès la naissance de l'enfant, comme c'est le cas en Colombie-Britannique. Cela diminuerait
le stress des parents et de la personne porteuse et servirait l'intérêt
de toutes les parties impliquées, dont les enfants. Nos arguments se trouvent
dans notre mémoire.
• (15 h 50) •
Aujourd'hui, nous souhaitons vous parler de notre
grande déception de constater que la plurifiliation est absente de cette réforme, laissant dans l'oubli les
familles pluriparentales, malgré qu'elles existent déjà au Québec. Plusieurs
mythes et arguments ont été soulevés
pour justifier cette lacune, examinons-les ensemble. Dans le mémoire déposé par
Schirm & Tremblay Avocats pour le projet de loi n° 2, il est
affirmé que la pluriparenté ne devrait pas être reconnue puisqu'elle poserait
trop de problèmes en cas de conflit, plus particulièrement en cas de rupture.
La complexité du sujet ne devrait pas être une raison jugée valable pour
ignorer la pluriparenté. Il s'agit de donner à des enfants la reconnaissance légale de leur famille existante.
Si nous jugeons des conflits possibles, c'est exactement ce qui devrait nous motiver à protéger les enfants des
répercussions néfastes qu'ils pourraient subir. Ces familles existent et vont
continuer d'exister avec ou sans encadrement légal.
Fait
intéressant, le 18 mars dernier, la Colombie-Britannique a fêté le
10e anniversaire de son Family Law Act, qui reconnaît et encadre
les familles pluriparentales à l'extérieur du paradigme conjugal. Depuis 2013,
cette loi a inspiré l'Ontario et la
Saskatchewan à inclure les familles pluriparentales dans leur législation. En
10 ans, aucune décision n'a été
répertoriée où il était question d'un conflit entre les parents... entre les
parents au sujet du temps parental ou des responsabilités parentales.
Aucun cas de jurisprudence n'expose un litige acrimonieux mettant en péril le
meilleur intérêt l'enfant.
Cependant, si un
problème surgissait pour ces familles, les tribunaux sauraient le régler. De
plus, malgré la possibilité que les parents
en couple vivent des divorces extrêmement acrimonieux, personne ne suggère que
les familles biparentales ne
devraient plus être encadrées juridiquement. Au contraire, un cadre juridique
est en place pour les soutenir et des lois existent pour gérer les
conflits et protéger les plus vulnérables.
Pour
en revenir aux familles pluriparentales, une de leurs caractéristiques
principales, c'est le degré de planification, de négociation et de
communication des attentes entre les parents d'intention. Le partage des rôles,
le partage des temps de garde, les
méthodes éducatives, etc., sont réfléchis d'emblée. C'est normal, puisque la
prémisse du projet parental exige qu'il y ait une organisation familiale
en dehors du modèle de la famille nucléaire traditionnelle. Souvent, des
accords sont même prévus en cas de séparation ou de déménagement afin d'assurer
la pérennité de la famille. Nous sommes loin des cas de divorce que la
médiation ne suffit pas à apaiser et qui doivent passer par les tribunaux.
Un deuxième argument
qui a été avancé est que reconnaître les familles pluriparentales serait dans
l'intérêt des parents, mais pas dans celui
de l'enfant. Comment serait-ce possible? Le modèle familial pluriparental est
composé de parents et d'enfants. Nécessairement, le bien-être des uns dépend du
bien-être des autres et vice versa. Prenons comme hypothèse que les deux
parents légaux d'un enfant déménagent à l'étranger sans prévenir l'autre parent
qui n'a aucun droit quant à cet enfant aux
yeux de la loi, est-ce que c'est vraiment dans l'intérêt de l'enfant de perdre
le soutien moral, physique et
économique d'un de ses parents? Nous croyons qu'il est absolument dans
l'intérêt de tous... de l'intérêt de l'enfant que tous ses parents
soient reconnus. C'est exactement pour cela qu'un encadrement légal est
essentiel.
Un troisième argument
qui a été mis de l'avant est que la société a fait le choix de reconnaître
uniquement les familles biparentales. Commençons par dire que les droits
humains et les droits de l'enfant ne devraient jamais être une question de choix populaire. Ensuite, pour le
public, ce qu'est une famille pluriparentale n'est pas clair. Il faut éduquer
la population avant de dire qu'elle a fait un choix. Lorsque les familles
pluriparentales seront connues, les Québécoises et les Québécois seront plus à l'aise avec celles-ci. Ce fut le cas pour
les familles homoparentales. En 2002, quand les familles homoparentales
ont été légalement reconnues, seulement 10 % de la population était à
l'aise avec l'idée qu'un enfant soit élevé
par deux femmes ou deux hommes. En 2014, déjà, ce chiffre était monté à
85 %. Attendre que la majorité fasse un choix en faveur des
minorités n'est pas possible parce que les inégalités subies par les minorités
demeurent dans les angles morts de la majorité. En tant que société
démocratique, nous nous attendons à ce que notre gouvernement tienne compte de
chacun des individus qui composent notre société. Ce serait une erreur de
penser que le droit et le Code civil ne doivent répondre qu'aux intérêts de la
majorité. D'ailleurs, ne serait-ce pas incohérent avec l'énergie investie pour inclure des règles sur la grossesse pour autrui,
une autre configuration familiale minoritaire?
Un dernier argument mis
l'avant pour exclure les familles pluriparentales du projet... présent projet
de loi est qu'aucune recherche ne démontre
qu'il est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir plus que deux parents. On attend
toujours que le ministre nous trouve une
étude qui dit que ce type de famille est préjudiciable aux intérêts des enfants.
Mais, même si c'était le cas, serait-ce une raison pour les abandonner?
La question n'est pas de savoir si nous devons
ou non permettre à ces familles d'exister, elles existent; la question est de savoir si les enfants de ces
familles doivent ou non bénéficier, comme les autres enfants, de la protection
qu'apporterait la reconnaissance légale de tous leurs parents. Actuellement, au
Québec, un enfant dans une famille pluriparentale risque de perdre contact avec
un de ses parents en cas de litige.
Imaginons le cas d'un couple de femmes
lesbiennes qui fondent une famille avec leur meilleur ami. L'enfant est élevé par ses deux mères et son père, mais
seules les mères possèdent la filiation légale. Si elles le souhaitent, les
mères peuvent décider de couper les liens entre le père et l'enfant. Le
père aura très peu de recours, qu'il soit impliqué et de... qu'il soit impliqué
depuis trois mois ou 13 ans auprès de son enfant. Est-ce dans l'intérêt de
l'enfant qu'il soit possible de couper les
pots... ponts entre lui et un de ses parents? C'est exactement pour cela qu'un
encadrement légal est essentiel.
Ayant vécu les changements sociaux apportés par
la reconnaissance de l'homoparentalité, nous soulignons la portée symbolique et sociale d'avoir un modèle
familial reconnu légalement. Le bien-être des familles homoparentales
s'est considérablement amélioré en 20 ans. Il est essentiel pour les
enfants de sentir que leur famille est acceptée et respectée, car leur identité
et leur estime de soi sont étroitement liées à leurs parents. En nommant la
pluriparentalité, en donnant des mots et des concepts juridiques à une réalité
familiale, nous pourrions donner aux gens des outils leur permettant de
s'identifier et de se faire respecter, comme ce fut le cas pour les familles
homoparentales.
Les lois doivent refléter et encadrer ce qui
existe et non prescrire ce qui devrait exister en matière de filiation. Si l'enfant est réellement au centre des
préoccupations québécoises, le Québec doit encadrer les familles qui existent
et non seulement les familles
traditionnelles. En 2002, le Québec était un leader lorsqu'il est devenu l'une
des premières juridictions au monde à reconnaître les familles
homoparentales; il doit retrouver ce courage et reconnaître les familles
pluriparentales. Merci de votre écoute.
Le Président
(M. Bachand) : Merci infiniment. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme Greenbaum, bonjour. Merci d'être présente en
commission parlementaire pour le projet de loi n° 12. On s'est vus sur le projet de loi n° 2, notamment. Écoutez, quelques questions.
Débutons par... pour la grossesse pour autrui. Vous dites : Nous, on
souhaite qu'il y ait une expérience préalable de grossesse. Pourquoi?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
Mais ayant vécu deux grossesses, je pense que c'est... l'expérience de
grossesse, c'est quelque chose qu'on ne peut pas comprendre si on ne l'avait
pas déjà vécue. Donc, pour nous, c'est important que... si on veut que la
gestatrice prenne une décision qui est vraiment éclairée, qu'elle a cette
expérience pour être capable de vraiment décider, comme consciemment, qu'est-ce
qu'elle fait.
M. Jolin-Barrette : Puis
il y a un groupe avant vous qui nous a dit la même chose également, puis je
leur ai posé la question suivante que je vais vous poser à vous aussi.
Mme Greenbaum (Mona) : OK.
M. Jolin-Barrette : L'État
viendrait dire à une femme : Vous ne pouvez pas exercer certaines
activités reproductives, alors, nous,
on viendrait dire aux femmes : Vous n'avez pas l'entière autonomie sur
votre corps. Je comprends que c'est
motivé par des questions d'intérêt d'avoir vécu une expérience... Mais
supposons que c'est un choix, là, une femme, supposons, qui ne veut pas
avoir d'enfants mais qui, elle, veut le faire à titre altruiste pour sa soeur
ou pour toute autre personne, alors nous, on lui interdirait?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
mais en fait on n'interdit pas qu'elle fait un enfant pour elle-même, mais on met certaines balises pour la protéger, comme,
dans le projet de loi, vous avez mis que la femme doit avoir 21 ans. Donc,
j'imagine que l'idée derrière ça, c'est qu'elle a une certaine maturité pour
être capable de prendre la décision. Donc, je trouve que c'est un peu dans la
même lignée.
M. Jolin-Barrette : OK. Bien,
je retiens votre suggestion.
Mme Greenbaum (Mona) : OK.
M. Jolin-Barrette : Sur la question de la filiation dès la naissance,
donc, dans le fond, nous, ce qu'on a prévu, c'est que la mère porteuse peut, à
tout moment, décider de conserver l'enfant ou d'interrompre le projet parental.
Suite à l'accouchement, elle ne peut pas donner son consentement à... au fait
de... bien, enfin, l'enfant peut être remis dès la naissance, mais la tutelle légale... non pas la
tutelle, pardon, le lien de filiation doit s'opérer simplement sept jours après
l'accouchement. Vous, vous dites, ça devrait se faire dès que l'enfant voit le
jour, dès sa naissance.
• (16 heures) •
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui, mais en toujours donnant un 30 jours
pour que la gestatrice conteste. Donc, ça,
c'est... je pense que ça donne une opportunité. C'est juste que ça enlève le
fardeau du dos de la gestatrice et puis aussi toute l'anxiété autour des
parents. Donc, c'est ce qu'on fait en Colombie-Britannique, en fait. Donc,
l'idée, c'est que, dès la naissance, c'est
automatique, les parents d'intention, ils ont toujours voulu l'enfant, ils ont
eu le projet parental, et puis ça, c'est le plan. Et puis, pendant la
grossesse, la personne qui porte l'enfant est toujours sur le même côté. Donc, c'est juste, comme, à l'accouchement, quand
c'est une période tellement importante pour les parents de s'attacher à l'enfant, qu'il n'y aura pas cette mini-anxiété
autour, dans les premiers sept jours. Et puis, si la gestratrice veut contester,
rien ne l'empêche. Donc, elle peut le faire
dans cette période, mais ce n'est pas... le fardeau ne sera pas sur elle de dire
qu'elle donne le consentement parce qu'elle l'a déjà fait contractuellement.
M. Jolin-Barrette : Il
y a des accouchements qui se passent bien, mais d'autres qui sont plus
difficiles. Comment, à ce moment-là, si on ne laisse pas de période
tampon, on peut s'assurer que le consentement est vraiment éclairé?
Mme Greenbaum (Mona) : ...mais
je pense qu'elle a toute cette grossesse, elle n'a jamais eu de projet parental, donc, encore là, même si la grossesse
est difficile, je ne vois pas ce qui l'empêcherait, comme, dans les premiers
30 jours, à dire : Je veux contester.
Et en même temps, si on pense que cette grossesse... cet accouchement a été
difficile, donc ça va encore plus
augmenter l'anxiété des parents. Est-ce qu'elle va être capable de consentir,
parce qu'elle est malade, supposons, après l'accouchement? Donc, c'est
sûr que c'est comme... Ce n'est pas qu'on enlève les droits, juste on transfère
l'automatisme. Donc, tout de suite quand l'enfant est né, les parents
d'intention, qui sont... un des deux est souvent,
aussi, un parent biologique, peut comme avoir cette filiation tout de suite,
mais rien n'empêche... Là, je sais, la réalité, c'est que la recherche au
Canada nous dit qu'il n'y a pas eu des contestations par la gestatrice, donc
c'est un peu...
M. Jolin-Barrette : J'en suis
conscient, il y a peu de cas qui font état que la mère porteuse ne donne pas suite aux proches... au projet parental, mais je
trouve qu'on est dans une situation où on devrait tout de même prévoir le cas,
comme on le fait dans le projet de loi, où on laisse une marge de manoeuvre à
la femme qui vient d'accoucher pour pouvoir donner un consentement libre
et éclairé.
Mme Greenbaum (Mona) : Est-ce
que ça, c'est quelque chose que les gestatrices ont demandé?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, on n'a pas entendu de gestatrices ici, en commission parlementaire,
mais il faut prévoir l'encadrement pour
maintenant et pour le futur aussi. Donc, au niveau des règles d'ordre public,
déjà, l'enfant est remis. Les choix relativement, supposons, aux soins de
l'enfant sont transférés dès le moment de la naissance.
Mme Greenbaum (Mona) : Donc,
l'autorité parentale. OK.
M. Jolin-Barrette : L'autorité
parentale. Sauf que ça m'apparaît plus prudent, quand même, de donner un
certain délai. Exemple, en Ontario, c'est de cette façon-là qu'ils
fonctionnent.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
oui, mais en fait, comme, peut-être, c'est le plus prudent. Pour nous, on pense
que ça va créer de l'anxiété chez les parents d'intention et même chez la
gestatrice. On trouve que, comme, les premières semaines de la vie de l'enfant
sont des... c'est une période très précieuse, et ce sera, comme, une bonne idée
de ne pas, comme, créer une anxiété qui... Dans tous les cas, en tout cas, ce
n'est pas comme quelque chose réel, qui
existe, on ne voit pas de cas de gestatrices qui veulent garder le bébé. Donc,
c'est... ce serait notre idée. Mais je pense que la meilleure façon de réagir, c'est de demander si ça, c'est un
souhait des gestatrices, mais ce n'est pas ça. Moi, je n'ai pas fait une consultation rigoureuse non
plus, mais les trois ou quatre gestatrices avec qui j'ai parlé n'ont pas exprimé
ce besoin.
M. Jolin-Barrette : Mais vous
ne trouvez pas, si on donnait suite à votre proposition, c'est comme si ça
forçait l'équivalent à la mère porteuse, de se sentir obligée? Parce que, dans
le fond, là, elle serait mise devant le fait accompli,
parce que, dès le moment où elle accouche, le bébé, il s'en va — c'est
à ça que ça revient, là — tout
de suite. Je comprends, pour les parents d'intention, que durant... puis
avec le cadre légal que nous avons, qu'on est en train de développer, il n'y a pas de certitude pour les
parents d'intention. Je comprends que, pour les parents d'intention, de leur
point de vue, si j'étais leur représentant,
c'est ce que je dirais, je dirais : Bien, écoutez, il y a un projet
parental, on attend l'enfant pendant
neuf mois, plus les démarches préalables avant ça, on a investi beaucoup
d'énergie, je veux avoir mon enfant. Là, le législateur, ce qu'il est en
train de faire, il est en train de dire : Oui, mais la mère porteuse a toujours
priorité. Ça fait que je comprends que ça
génère une zone d'anxiété, ça fait partie du risque d'avoir recours à un projet
parental, mais, d'un autre côté, si on prend le point de vue de la mère
porteuse, si on lui dit : Bien, dès que tu accouches, le bébé s'en va, elle aussi, ça peut lui... même dans son
psychologique durant la grossesse, ça peut l'affecter aussi. On essaie
de trouver un équilibre.
Mme Greenbaum (Mona) : Mais je
comprends, et puis peut-être ça, c'est où est l'équilibre. Moi, j'exprime le point de vue des parents d'intention. Puis
c'est sûr, avec tout ce que vous mettez en place en termes d'un consentement
éclairé, avec le suivi psychosocial et tout,
comme, je pense que ça ne mettrait pas de la pression sur la gestatrice parce que
le projet est déjà clair. Donc, c'est plutôt, comme, elle a toute cette période
quand elle fait cette... quand elle prend cette décision pendant la grossesse, donc
là, s'il n'y a aucune expression de regret dans cette période-là, donc, je ne
trouve pas que ça va mettre un fardeau sur
la gestatrice que le plan est exécuté dès la naissance de l'enfant. Mais,
comme, c'est un point de vue.
M. Jolin-Barrette :
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues.
Vous indiquez que vous souhaitez empêcher la grossesse pour autrui à
l'international.
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui.
M. Jolin-Barrette :
Pourquoi?
Mme Greenbaum
(Mona) : Bien, c'est parce que nous, on veut que la grossesse pour
autrui soit vraiment une pratique très éthique, et c'est impossible pour nous,
au Canada, de savoir qu'est-ce qui se passe dans les autres pays. Donc, on pense qu'ici, au Canada, ça peut
être bien encadré, ce qu'on essaie de faire maintenant ici, au Québec, et
que ce soit dans l'intérêt de toutes les parties. Ailleurs, on n'a aucune idée,
c'est une boîte noire, donc. Et puis on a tous
entendu des histoires d'horreur dans, comme, des pays comme l'Inde ou d'autres
pays, mais il y a des pays intermédiaires
où c'est plus flou. Donc, nous, comme organisme, on pense que c'est un risque
et puis on veut que toutes les parties soient respectées dans une...
dans la pratique de GPA.
M. Jolin-Barrette : Une dernière
sous-question. Faites-vous une différence entre l'international, mais
l'international au Canada, donc...
Mme Greenbaum
(Mona) : Moi, non.
M. Jolin-Barrette :
...entre l'Ontario puis le Québec?
Mme Greenbaum
(Mona) : Non.
M. Jolin-Barrette :
Non? OK.
Mme Greenbaum
(Mona) : Je pense qu'on est OK au Canada.
M. Jolin-Barrette :
C'est pour faire plaisir à mon nouveau collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme Greenbaum
(Mona) : Donc, non.
M. Jolin-Barrette :
OK. Pour vous, c'est au Canada, là.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
c'est ça, pour tout le Canada. Je pense que, comme, on a un cadre éthique déjà dans
les autres provinces canadiennes, donc c'est correct.
M. Jolin-Barrette :
Je vous remercie.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la
députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan :
...bonjour. Merci pour votre temps, merci d'être ici.
Deux
questions. Sur la GPA, vous avez parlé du pré-GPA pour la personne porteuse,
comme quoi vous considérez qu'une grossesse avant un projet de GPA,
c'est idéal, à votre avis. Au-delà de ça, est-ce que, pour vous, à votre avis,
il y aurait un maximum de projets de GPA pour une personne porteuse aussi?
Mme Greenbaum (Mona) : Bien,
notre suggestion n'est pas qu'il y ait une autre GPA avant, mais qu'il y ait
une grossesse oui.
Mme Haytayan :
...oui, oui. Bien compris, oui.
Mme Greenbaum (Mona) : OK.
Donc, la question est : Est-ce qu'on suggère qu'il y ait un maximum de
projets GPA par gestatrice?
Mme Haytayan :
Par la suite.
Mme Greenbaum
(Mona) : Ouf! Moi, je pense que c'est... Je ne sais pas, je n'ai
jamais réfléchi à ça, mais j'imagine que c'est plutôt une question
individuelle, que les cliniques de fertilité peuvent déterminer si ce serait
une grossesse à risque après, comme, cinq,
six GPA. Comme, ça dépend si ça va bien psychologiquement. Il y aura, comme,
les rencontres psychosociales aussi. Donc, si ça va bien physiquement et
psychologiquement, donc, je ne vois pas de limite, mais c'est cas par cas.
Mme Haytayan :
OK, merci. Est-ce que j'ai le temps, M. le Président, pour une autre
question?
Le Président (M.
Bachand) : ...
Mme Haytayan : À la lumière de
votre mémoire, le meilleur intérêt de l'enfant... est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur votre définition du meilleur
intérêt de l'enfant en lien avec les droits des parents d'intention et des
droits de la personne porteuse?
• (16 h 10) •
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui. Mais en fait, comme, pour nous comme pour
vous, comme dans ce projet de loi, c'est l'enfant... l'intérêt de l'enfant qui
prime. Ça, c'est... qui est le plus important. Et puis donc ça veut dire que
cet enfant, c'est... tous les soins autour de cet enfant sont pris en
compte, que ses parents sont légalement reconnus, que ses parents sont soutenus
pour être capables de prendre soin de l'enfant, qu'on répond à tous ses
besoins, que ce soit physiques, psychologiques, financiers, émotionnels, etc.
Mme Haytayan : D'accord.
Mme Greenbaum
(Mona) : Est-ce que c'est ça que vous cherchez comme
question? Je ne suis pas certaine de comprendre.
Mme Haytayan : Oui,
oui, oui. Donc, sans nécessairement mettre l'emphase ni privilégier uniquement
les droits des parents d'intention.
Mme Greenbaum
(Mona) : Non, c'est... Pour nous, l'enfant est le plus
important. Mais c'est sûr que les... le bien-être de l'enfant est très lié au
bien-être des parents. Donc, si les parents ne vont pas bien, ça va affecter l'enfant. Ça, c'est une des raisons qu'on parle de, comme, cette période d'une
semaine où la filiation n'est pas, comme, garantie tout de suite, qui
peut créer un stress chez les parents d'intention.
Mme Haytayan : Et l'importance,
aussi, des droits de la personne porteuse, évidemment.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
c'est ça.
Mme Haytayan : OK. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme Greenbaum. Merci pour votre témoignage et puis
pour votre mémoire. J'aurais quelques questions pour vous. Dans le projet de
loi, actuellement, la femme porteuse peut décider,
et M. le ministre y faisait référence tout à l'heure, entre sept jours et
30 jours, de, évidemment, garder ou remettre l'enfant. Vous suggérez plutôt de le remettre
immédiatement aux parents, mais de laisser une période de 30 jours, puis
vous dites : Ça pourrait être une période où la personne, la femme
porteuse pourrait contester, finalement. Vous ne trouvez pas que ça peut
générer quand même pas mal de stress chez les parents qui ont conçu le projet?
Parce que, même s'ils ont l'enfant dès la naissance, ils vont quand même
regarder, là, leur calendrier pendant 30 jours pour savoir si la femme porteuse va intenter une
poursuite pour conserver la filiation ou pas. Donc, trouvez-vous que le délai
de 30 jours, c'est trop long? Est-ce qu'on devrait le raccourcir? Parce
qu'au départ, si c'est prévu dans la convention, il me semble que ça
devrait être clair entre les parties.
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui, mais en fait, à ma compréhension, si on met
les 30 jours ou non dans la loi, comme,
rien n'empêche cette personne porteuse à aller devant les tribunaux, même après
un an, donc je sais que c'est plutôt symbolique. Et puis, pour nous, ce
qui est important, c'est que les droits des parents... la filiation est établie
tout de suite.
M. Morin : OK,
parfait. Quand on regarde le projet de loi comme tel, notamment à
l'article 541.11, le législateur veut que les conjoints qui forment le
projet parental rencontrent un professionnel pour l'informer sur les
implications psychosociales, et, au fond, c'est le ministre qui va
décider quel professionnel va être éventuellement désigné pour être capable de rencontrer les conjoints qui ont
formé le projet. Est-ce que vous trouvez que c'est trop large? Est-ce que
ça devrait être plus précis? Est-ce qu'on devrait en dire plus? Est-ce qu'on
devrait identifier des ordres professionnels particuliers qui sont spécialisés
là-dedans ou si on laisse l'article 541.11 comme il est présentement?
Mme Greenbaum
(Mona) : Mais j'imagine que... Moi, je n'ai pas une opinion
très précise sur ça, honnêtement, sur quel type de professionnel, et
puis j'imagine que ça va être quelque chose qui va être bien réfléchi au
ministère de la Santé et Services sociaux. Donc, personnellement, je suis à
l'aise avec ça.
M. Morin : ...vous
avez... vous nous avez dit clairement que, pour vous et votre organisme,
l'intérêt de l'enfant était ce qui
primait. Moi, je voulais... j'aimerais ça avoir votre commentaire sur 541.14
parce que, dans le projet de loi, on dit qu'«après sa
naissance, l'enfant est confié, sauf s'il y a opposition de la femme ou de la
personne qui lui a donné naissance, à
la [seule personne] ou aux conjoints [qui ont] formé le projet parental. En cas
de décès ou d'impossibilité d'agir de cette personne ou de ces conjoints,
l'enfant est confié au directeur de la protection de la jeunesse.» Est-ce
qu'il n'y aurait pas lieu, plutôt que de décider qu'il va être nécessairement
confié au directeur de la protection de la jeunesse,
dans l'article, faire en sorte qu'il pourrait y avoir d'autres personnes qui
pourraient s'occuper de l'enfant et non pas nécessairement la DPJ?
Mme Greenbaum
(Mona) : Non, je pense que c'est très important que ce soit la DPJ, en
fait, parce que, comme, si les parents
d'intention ne sont pas là, ce sera qui si ce n'est pas décidé d'avance? Il
faut regarder qu'est-ce qui est dans l'intérêt de l'enfant.
M. Morin :
Effectivement. Donc, la convention de grossesse pourrait prévoir, par
exemple, un tuteur ou une tutrice et non pas nécessairement la DPJ.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
mais peut-être si une chose dramatique comme ça survient et puis qu'il y ait...
une chose dramatique comme ça arrive, donc ce sera, comme, que la DPJ va
regarder ce qui était dans la convention qui était notariée pour voir. Mais
juste, comme... Je ne sais pas comment on peut, comme, juste faire un transfert
comme ça, dans une situation dramatique comme ça, sans que la DPJ ait un
certain contrôle. Je ne sais pas, comme... C'est des circonstances vraiment, vraiment
exceptionnelles. Mais, encore là, je suis à l'aise avec cette idée-là.
M. Morin :
Parfait. Dernière question. Ce n'est pas en lien spécifiquement avec la
convention de grossesse, mais, dans le
projet de loi... et peut-être que vous n'avez pas regardé cette question-là,
mais on parle de la responsabilité financière visant les besoins d'un
enfant issu d'une agression sexuelle, à 542.33, et, finalement, on fait reposer
sur les épaules de la mère le fait
d'éventuellement s'adresser aux tribunaux pour obtenir une indemnité de la
personne qui aurait commis l'agression. Est-ce que vous pensez que c'est
correct qu'on impose ça à la mère ou si l'État ne devrait pas pallier à cette
situation-là en donnant une indemnité?
Mme Greenbaum
(Mona) : Honnêtement, je n'ai pas de commentaire sur ça. On a regardé
les choses qui affectent spécifiquement la
communauté LGBT dans ça. Donc, il y a certaines portions de la loi, même si, en
principe, je suis très d'accord avec ce qui est mis de l'avant pour les
enfants qui sont produits après un viol, mais ici, je n'ai pas d'opinion,
honnêtement. Si vous voulez me poser des questions sur la pluriparentalité, par
contre, je suis là.
M. Morin :
Oui, bien, ça... je vous remercie, mais je vous dirais qu'à ce niveau-là
votre position est très claire, vous avez
très bien répondu aux questions, puis d'ailleurs la position que vous prenez
dans votre mémoire est aussi très
claire. Alors, je vous remercie, M. le Président. Je ne sais pas si ma collègue
la députée de... Non, c'est clair, hein? Parfait. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard :
Merci. Et moi, je vais vous la poser, la question.
Mme Greenbaum
(Mona) : C'est le député de ma circonscription.
M. Cliche-Rivard : Alors, bienvenue à
l'Assemblée nationale. Dites-moi, ce serait quoi, le grand préjudice de
maintenir le statu quo, et de ne pas légiférer, et de ne pas reconnaître la
pluriparentalité?
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui, bien, comme mentionné, c'est sûr que, comme, un parent
qui n'est pas légalement reconnu, il y a...
il peut y avoir toutes sortes de problèmes. Donc, l'enfant peut perdre le
soutien de ce parent, peut perdre
l'accès au parent aussi. Mais aussi, comme j'ai mentionné à la fin, c'est très
important symboliquement aussi, puis
on a vu ça il y a 20 ans, plus que 20 ans, avec la reconnaissance des
familles homoparentales, ça a fait une énorme différence pour nos
familles quand l'État a reconnu nos familles. Donc, on veut la même chose pour
les familles pluriparentales, parce que ces familles existent. Ce n'est pas une
question de, comme, est-ce qu'on décide... on va donner permission à ces familles d'exister ou non, ces familles sont
déjà là. Donc, nous, on pense que cette reconnaissance légale va aussi
mener à une reconnaissance sociale.
M. Cliche-Rivard :
Il y a des intervenants avant vous qui ont parlé de mettre une obligation
pour que l'enfant sache qu'il est issu d'un projet GPA. Est-ce que vous avez
une position là-dessus? Est-ce qu'on devrait obliger les parents à divulguer à
l'enfant son origine?
Mme Greenbaum
(Mona) : Mais c'est sûr que, dans la communauté LGBT, c'est très rare
qu'on peut cacher cette information, même si on le veut. Mais en général nous,
comme organisme, on est très... notre politique... en fait, pas notre
politique, mais notre vision, c'est que les enfants doivent avoir toutes les
informations possibles sur leurs origines puis qu'on ne cache rien. C'est très
important parce qu'en fait, comme, ce qu'on voit, que ce soit avec la
procréation assistée, la GPA c'est que ce n'est pas, comme, ces processus qui
font des problèmes pour les enfants ou les dysfonctions dans les familles,
c'est les secrets.
M. Cliche-Rivard :
Est-ce que vous avez une position sur l'âge minimum de 21 ans pour
participer au projet ou... Vous pensez que c'est raisonnable?
Mme Greenbaum
(Mona) : Je pense que c'est raisonnable, oui.
M. Cliche-Rivard :
Parfait. Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme Greenbaum, ça a été un grand plaisir de vous
avoir avec nous, très instructif. Merci infiniment.
Sur ce, je suspends
les travaux quelques instants. Merci, à bientôt.
(Suspension de la séance à 16
h 20)
(Reprise à 16 h 23)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Il nous fait plaisir
d'accueillir Mme Manon Monastesse, la directrice générale de la Fédération
des maisons d'hébergement pour femmes. Merci,
encore une fois, d'être avec nous cet après-midi. Vous connaissez les règles,
un petit 10 minutes de présentation, après ça une période d'échange
avec les membres. Alors, la parole est à vous.
Fédération des maisons d'hébergement pour femmes (FMHF)
Mme Monastesse
(Manon) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes les députées,
MM. les députés, merci beaucoup de nous donner l'occasion de pouvoir témoigner
devant la commission.
Alors,
tout d'abord, nous voulons souligner, encore une fois, la suite de la loi sur
l'implantation des tribunaux spécialisés,
l'engagement politique et la volonté législative du gouvernement québécois
quant à la réforme en profondeur de la loi
portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant
la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des
personnes victimes de cette agression ainsi que le droit des mères porteuses et
des enfants issus du projet de grossesse
pour autrui, le projet de loi
n° 12. Nous saluons, de ce fait, la volonté de changement social et d'amélioration des conditions de vie, de
liberté et de sécurité des femmes violentées et de leurs enfants dans un contexte
de violence familiale, conjugale et sexuelle, tel que stipulé par
l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Alors,
bien des changements importants ont été effectués depuis la mise en chantier de
la politique gouvernementale d'intervention
en matière de violence conjugale en 1995 ainsi que les différents plans
d'action et politiques en matière d'agression et d'exploitation
sexuelle. Nous sommes à la croisée des chemins. La réforme en profondeur du
droit de la famille du Code civil, longtemps attendue, propose certains
amendements en termes d'une prise en compte de la violence familiale dans l'évaluation de l'intérêt de l'enfant en lien
avec la détermination des droits de garde, entre autres. Ces changements
structurants amélioreront de façon notable la prise en compte de la violence
familiale, conjugale et sexuelle par les tribunaux, via le projet de loi
n° 12 et le projet de loi n° 2.
Rappelons
que ce n'est que depuis 1983 que le viol au sein du mariage est considéré comme
un crime au Canada. Le projet de loi n° 12 va encore plus loin et
propose de retirer à l'agresseur toute emprise sur sa victime et l'enfant provenant de l'agression sexuelle, tout en le
responsabilisant financièrement pour ce viol. Le projet de loi n° 12
marque une fois de plus cette volonté du gouvernement de protéger les
femmes violentées et leurs enfants en introduisant des dispositions concernant
la possibilité de s'opposer à l'établissement de la filiation en contexte de
violence sexuelle.
Cependant, le projet
de loi n° 12 semble avoir été réfléchi dans un contexte spécifique
d'agression sexuelle, faisant référence à
l'agression sexuelle vécue par Océane et la demande ultérieure de l'agresseur
de faire valoir ses droits sur
l'enfant. Nous saluons le courage dont a fait preuve Océane afin que le
législateur légifère dans le but d'empêcher de tels recours injustifiables.
Toutefois, la situation d'Océane ne représente qu'un cas de figure, et le
projet de loi devrait prendre en compte
toutes les formes d'agressions sexuelles, notamment celles perpétrées en
contexte de violence conjugale et
familiale, qui sont plus complexes en termes de démonstration de la preuve, ce
que nous explorons dans ce mémoire,
très largement inspiré du mémoire de Me Michaël Lessard, qui a témoigné
hier, avec qui nous avons partagé nos réflexions, qu'il a judicieusement
rendues en langage juridique. Voilà.
Le
Président (M. Bachand) : Bon, vous êtes
très efficace, c'est bien, ça. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le
Président. Mme Monastesse, bonjour, toujours un plaisir de vous retrouver.
Mme Monastesse
(Manon) : Bonjour, et le plaisir est partagé.
M. Jolin-Barrette : Bon. Donc, je comprends
que vous voudriez qu'on soit plus larges pour les cas d'agression sexuelle. Pouvez-vous m'expliquer ce que...
qu'est-ce que vous voulez dire quand vous voulez dire «toutes les formes
d'agression sexuelle dans le cadre du contexte conjugal», pour la filiation?
Mme Monastesse
(Manon) : Oui, tout à fait. Alors, c'est important de comprendre
que... et c'est un des... une des recommandations que les relations sexuelles
en contexte où il y a de la violence conjugale et, souvent, familiale, ce sont... à proprement parler, selon
la définition de l'agression sexuelle, ce sont des agressions sexuelles, car
elles ne sont pas consentantes, et souvent ce sont également une des formes du
contrôle coercitif qui va s'exercer via l'agression sexuelle, qui est la
relation sexuelle dans un contexte de violence conjugale.
M. Jolin-Barrette : Donc, ce
que vous voulez... Dites-moi si je comprends bien. Ce que vous me dites, c'est que, s'il y a présence de violence conjugale,
supposons, durant une période, là, d'une année complète, bien, tous les rapports
sexuels durant cette année-là, même si la femme qui est victime de violence
conjugale pense que les relations sexuelles
qu'elle a sont volontaires, au fond, elles ne le sont pas parce qu'elle est
victime de violence conjugale. Donc, ce n'est pas parce que... je vais
faire ça cru, là, ce n'est pas parce qu'un soir monsieur ne la bat pas puis
qu'elle a une relation sexuelle avec lui,
que cette relation sexuelle là, elle est consentante, parce que ce que vous
dites, c'est qu'elle est viciée, à la base. C'est ça?
Mme Monastesse
(Manon) : Tout à fait, tout à fait. Et la définition du
contrôle coercitif, qui s'exerce, effectivement,
souvent dans un contexte de violence conjugale, une des formes du contrôle
coercitif, c'est via les relations sexuelles
qui semblent être consentantes, mais qui ne le sont pas, qui sont vraiment un
outil, également, de contrôle coercitif.
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Donc, si on
suit votre raisonnement, vous nous dites : Il faudrait étendre non pas à
la relation sexuelle qui est génératrice de
la naissance de l'enfant, même si madame ne la considère pas comme étant un
viol, parce qu'elle était consentante supposons, sur cette relation-là,
mais vous dites : Il faut regarder le continuum pour dire si l'enfant a été conçu, supposons, entre le
1er janvier puis le 31 décembre de cette année-là, où il y avait de
la violence conjugale constante,
donc, peu importe que monsieur pouvait penser qu'il y avait un consentement
libre et éclairé à l'acte sexuel, à ce moment-là, ça devrait être
considéré comme un viol, et donc la disposition qu'on insère dans le projet de
loi devrait donner suite au bris de filiation. Est-ce que je comprends?
Mme Monastesse (Manon) : Tout à
fait, que la présomption d'agression sexuelle en contexte de violence conjugale
est tout à fait plausible, de considérer la relation sexuelle comme une
présomption d'agression sexuelle en contexte
de violence conjugale. Et c'est documenté dans la littérature, et c'est ce que
les femmes, les milliers de femmes que
nous soutenons, que nous hébergeons nous relatent également.
M. Jolin-Barrette : Je serais
curieux de savoir, est-ce que, dans votre expérience, parmi les femmes que vous
hébergez, des cas comme celui d'Océane, vous en vivez fréquemment, des femmes
qui donnent naissance à un enfant à la suite d'agressions sexuelles?
Mme Monastesse (Manon) : Ah!
tout à fait, ou c'est aussi toute la question de la grossesse forcée, où un conjoint, dans le cadre d'un contrôle... d'une
situation de contrôle coercitif, de violence conjugale et familiale, va forcer
la grossesse, donc il n'y a pas de consentement. Toute la notion de
consentement est très importante dans un contexte de violence conjugale. Et c'est pour ça qu'on parle que c'est un levier,
c'est une expression du contrôle coercitif, donc il n'y a pas de
consentement. Et, effectivement, ce sont des situations que l'on rencontre.
Et puis aussi
on peut avoir en tête le jugement de la Cour suprême du Canada dans
l'affaire de Chantale Daigle aussi. Alors, c'est un cas très explicite du
pourquoi Mme Daigle demandait un avortement, parce qu'elle voulait se
protéger elle-même et elle voulait protéger
un futur enfant à naître, constatant que monsieur exerçait beaucoup de violence
conjugale et qu'elle ne voulait pas exposer l'enfant à naître à un père qui
serait violent.
M. Jolin-Barrette : Êtes-vous
en mesure de quantifier le nombre de femmes que vous aidez, supposons,
annuellement qui donnent naissance à un enfant suite à une agression sexuelle?
Mme Monastesse (Manon) : Non,
on ne... C'est une question qui est délicate, vous conviendrez, mais on peut... Dans toutes les femmes... les milliers de
femmes qu'on accueille et qu'on reçoit également en services externes, c'est quand même 36 % d'entre elles qui vont
parler des violences sexuelles qu'elles ont vécues et, entre autres, de...
entre autres, cette question,
justement, de la conception... la grossesse forcée en situation de violence
conjugale et de contrôle coercitif.
M. Jolin-Barrette : OK. Je vais
vous poser une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Je
veux juste qu'on revienne sur votre intervention précédente, sur la notion des
agressions sexuelles dans le cadre de la relation conjugale. Vous savez que...
Bon, en fait, je voudrais vous demander comment est-ce qu'on réconcilie ça, supposons, avec le droit, avec le Code criminel, qui fait en sorte qu'une agression sexuelle, bien, c'est... bien, dans
le fond, c'est un toucher non désiré
à connotation sexuelle, là. Je le résume, là. Me Morin serait meilleur que
moi pour exprimer le détail de la disposition du Code criminel, mais, grosso
modo, je ne me trompe pas trop. Alors, comment est-ce qu'on réconcilie ça sur l'agression
sexuelle, Code criminel versus ce qui est vécu, là, par les femmes, avec ce que
vous nous décrivez?
Mme Monastesse
(Manon) : Bien, au coeur de l'encadrement de l'agression
sexuelle, il y a toute la notion de consentement. Et, nous, ce que nous
amenons, c'est que la question du consentement dans un contexte de violence conjugale, c'est un consentement
qui est totalement vicié et qui va s'exercer sous l'emprise du conjoint violent
et sous l'emprise du contrôle coercitif qu'il va exercer. Donc, le
consentement est tout à fait vicié et très questionnable... en contexte. Et toutes les études démontrent que,
quand on parle de contrôle coercitif, où un conjoint va exercer un contrôle
total sur toutes les sphères de la vie,
bien, l'agression sexuelle, la relation sexuelle non consentante est une des
formes majeures de l'exercice de ce contrôle coercitif.
M. Jolin-Barrette : OK. Je vous
remercie, Mme Monastesse.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Il vous
reste...
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
merci à vous.
Le
Président (M. Bachand) :
Du côté gouvernemental, il reste
un peu plus de sept minutes. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Bonjour.
Je vais rester dans le même angle que M. le ministre, j'aimerais vraiment
clarifier. Donc, si... Parce qu'on le sait, la violence conjugale, ce
sont des petits cycles, donc il y a la phase de la lune de miel également.
Donc, le couple ne va pas 100 % du temps pas bien, peu importe la
violence. Et, si les deux parents ont le projet
d'avoir un enfant, il y a de la violence conjugale là-dedans, sans
nécessairement avoir de viol, là, tu sais, que l'homme bat la femme, et tout ça, vous, votre point serait
que la mère peut quand même demander la désaffiliation du père là-dessus?
Mme Monastesse
(Manon) : Oui, tout à fait, parce que, même, on sait que,
comme vous le dites si bien, le cycle de
la violence, la période de lune de miel, plus la violence va s'exercer, va...
et va s'amplifier, la lune de miel va durer de moins en moins longtemps.
Alors, ça, c'est prouvé. Et, même s'il y a une lune de miel, on est toujours...
Et c'est très important, vous en
conviendrez, de voir la violence conjugale non pas comme des infractions au
Code criminel qu'on voit de façon ponctuelle, mais il faut toujours voir
le contexte de violence conjugale. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on peut
vraiment parler du fait que le consentement soit vicié. C'est souvent :
oui, les femmes vont avoir des relations
sexuelles pour atténuer ou pour tenter de compenser le contexte de violence, de
faire tomber la tension, mais on ne
peut pas penser que c'est un consentement libre et éclairé. On n'est déjà
pas... Quand on parle du contrôle coercitif, bien, c'est une privation de la liberté, c'est une privation de toutes
les libertés. Donc, on ne peut pas concevoir que la relation sexuelle est libre et consentie. Et, quand même,
on a quand même des leviers dans le Code criminel. Quand je parle du viol en
contexte conjugal, il existe depuis 1983, et, on sait, en cour criminelle,
c'est rarement invoqué et rarement utilisé, alors...
Mme Bourassa : Bien,
justement, contrairement à mes collègues, je ne suis pas juriste, je ne suis
pas avocate, mais je crains que ça
soit difficile à prouver. S'il n'y a pas de violence au moment de l'acte
sexuel, comment est-ce qu'on peut prouver, soit devant une cour... ou
prouver, justement, qu'il y a eu... au final, que l'enfant est issu d'une
relation toxique, violente?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
justement, c'est ce qu'il faut... il faut démontrer le contexte, le contexte de la violence conjugale et utiliser les outils
que nous donne l'évaluation du contrôle coercitif. C'est documenté, les grands
spécialistes de l'explication de
l'utilisation du contrôle coercitif vont parler, justement, d'une des formes
les plus sévères, c'est justement l'utilisation des relations sexuelles afin
d'augmenter ou de mieux contrôler une conjointe, là. Alors, il faut
documenter la situation, c'est évident.
• (16 h 40) •
Mme Bourassa : Et j'ai une
dernière question concernant l'indemnité ou, du moins, le montant que la personne violée qui est tombée enceinte pourrait
recevoir. Selon vous, est-ce que c'est important que ce soit un montant
une fois pour éviter, justement, le contact avec l'agresseur? Quelles peuvent
être les conséquences psychologiques que la victime reste en contact avec
l'agresseur?
Mme Monastesse
(Manon) : Bien, on le voit quand c'est la question des
aliments pour les enfants, la question de la perception automatique, ce
n'est pas... oui, ça a été réfléchi afin qu'il y ait le moins possible de
contact, mais, nous, de notre expérience et de l'expérience des femmes, ce
n'est pas un contexte idéal parce qu'il reste toujours des contacts. Et souvent
un conjoint va revenir à la charge en démontrant que, oui, il pourvoit aux
besoins d'un enfant, et ça maintient certains liens, et il y a de nombreux
obstacles, justement, à la perception automatique avec des conjoints qui ont des comportements violents. Pour nous, la
meilleure voie, c'est vraiment via la LAPVIC, parce que, là, il n'y a plus d'intermédiaire et c'est... et il y a des
dispositions aussi pour des... justement, des enfants qui sont nés d'une...
dans un contexte d'agression sexuelle, il y a déjà des dispositions dans
la LAPVIC, et le ministre est subrogé aussi. Alors, le ministère lui-même peut revenir contre l'agresseur et pour les
remboursements. Donc, pour nous, la meilleure solution c'est de demander
une indemnisation via la LAPVIC.
Mme Bourassa : Merci beaucoup
pour les réponses.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci. Il reste un peu moins de
deux minutes. Mme la députée de Laval-des-Rapides,
s'il vous plaît.
Mme Haytayan :
Merci, M. le Président. Bonjour. Merci de votre présence.
Est-ce qu'à votre avis on devrait renforcer
l'article 606 du CCQ, du Code civil du Québec, donc, sur la déchéance de
l'autorité parentale?
Mme Monastesse (Manon) : Bien, pour
nous, quand on parle d'agressions sexuelles, ça serait vraiment... l'établissement, là, de refuser, de pouvoir
vraiment couper la filiation, parce que ce qu'on voit dans la pratique, c'est
que, même dans des situations très
graves où il y a violence conjugale, où il y a violence familiale, l'utilisation
de la déchéance parentale est extrêmement difficile, est extrêmement
difficile, même si elle est invoquée dans des situations très graves, là, où il y a des agressions, des
agressions, de la violence familiale envers les enfants, ce sont des situations
où est-ce que c'est encore
malheureusement très difficile d'évoquer la déchéance parentale. Et nous savons
par expérience qu'il y a des juges
que... pour quelle que soit la situation, ne vont pas utiliser la... ne vont
pas être d'accord avec l'utilisation de la déchéance, de prononcer la
déchéance parentale.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci,
M. le Président. Bonjour, Mme Monastesse, heureux de vous revoir en
commission parlementaire.
Si j'ai bien
compris, M. le ministre vous a posé des questions, au fond, quand vous parlez
du contrôle coercitif dans un contexte de violence conjugale, c'est que, pour
vous et puis pour le concept, ça vient attaquer, donc vicier le consentement que la personne peut donner, donc ça
va faire en sorte que, s'il se passe des agressions sexuelles pendant que la
personne vit cette période-là, elle ne donne pas un consentement éclairé, donc
elle est victime d'agression sexuelle, c'est bien ça?
Mme Monastesse
(Manon) : Oui, parce que la nature même du contrôle
coercitif, c'est d'enlever toute liberté fondamentale à la victime. Donc, de
par ce fait, il n'y a pas de consentement, il n'y a même pas de consentement.
Alors, c'est clair, c'est comme ça, et c'est
tout à fait ce que les femmes nous relatent, et c'est tout ce que... dans notre
pratique, au quotidien, c'est ce qu'on voit.
M. Morin : Et je comprends de
votre mémoire, et je vous en remercie, que, pour vous, l'aide financière qui
serait donnée par l'État ou un organisme de l'État, vous mentionnez la LAPVIC,
par exemple, à la page 7 de votre mémoire,
ce serait beaucoup plus efficace que ce qui est proposé à 542.33 du projet de
loi, où là on demande à la victime de
l'agression sexuelle qui a gardé l'enfant, finalement, de s'adresser aux
tribunaux pour obtenir une indemnité. Est-ce que je vous comprends bien?
Mme Monastesse (Manon) : Tout à
fait, tout à fait, et c'est la façon, c'est la... de cette façon aussi, c'est qu'il n'y ait aucun... justement, d'avoir à
justifier et... justifier la demande et de n'avoir aucun contact avec
l'agresseur. Et, comme on le dit, il y a toujours moyen pour le
gouvernement, pour le ministre de revenir et de pouvoir demander à l'agresseur
de rembourser les sommes. C'est ce qui se fait, d'ailleurs, avec l'aide
sociale. Quand des femmes violentées quittent un conjoint qui les a parrainées,
elles ont droit à l'aide sociale, et l'aide sociale, de leur côté, vont
demander que les sommes versées soient remboursées par le conjoint violent.
M. Morin : Oui. Cependant... et
votre position, en fait, vous l'exprimez très clairement, sauf que, cependant,
il faudrait... en fait, je présume, parce qu'on parle de la Loi visant à aider
des personnes victimes d'infractions criminelles, donc, qu'il faudrait quand
même qu'à un moment donné, même avec le système gouvernemental, la victime soit capable de démontrer qu'elle a, donc,
vécu dans un tel climat et que, si elle a eu des relations sexuelles, bien,
à ce moment-là, le consentement était vicié, donc elle a été agressée
sexuellement. On... Il faut quand même que la victime soit capable de démontrer
quelque chose. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?
Mme Monastesse (Manon) : Bien
oui, tout à fait, et le fait qu'elle ait recouru à des services, que ce soit
via des organismes comme les maisons d'hébergement ou les CALACS, elle peut
documenter ce fait même... ce faisant, le fait, la position à l'effet qu'elle a
été victime d'agression sexuelle, le fait d'avoir recours à des services
spécialisés.
M. Morin : Parfait. Et donc ça
permettrait — bon,
parce qu'on a utilisé son nom, je comprends que c'est un nom fictif — de
régler la situation dramatique qu'a vécue Océane, mais de le faire d'une façon
étatique.
Moi, j'aimerais attirer votre attention sur une
autre problématique dont on a parlé beaucoup cette semaine, et c'est un nom fictif aussi, c'est la situation ou le
cas d'Isabelle, et là on parle de déchéance d'autorité
parentale. Vous avez parlé... vous
l'avez évoqué tantôt, vous avez dit que c'était excessivement difficile. Est-ce
qu'il serait approprié, selon vous, dans ces cas-là, de prévoir ou de rédiger
une présomption qui ferait en sorte que ce serait beaucoup plus facile pour
le tribunal d'enlever l'autorité parentale à un parent qui aurait, par exemple,
commis une agression sexuelle?
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
c'est une avenue qui est possible. Mais, à ma compréhension du droit, une
déchéance parentale n'est pas illimitée dans le temps, elle peut être... elle
peut être à nouveau possible... je veux dire, le lien... réhabiliter le lien parental,
dans un cas de déchéance parentale, c'est possible aussi, là, ce n'est pas
indéfini dans le temps. En tout cas,
moi, je n'ai jamais vu des situations de déchéance parentale qui perduraient
pendant des années dans le temps, là.
M. Morin : Mais ça serait
quelque chose qui aiderait, évidemment, les victimes qui se ramassent dans
cette situation-là.
Mme Monastesse (Manon) : Oui.
Pour nous, la question de pouvoir, justement, couper de façon permanente le
lien de filiation est une avenue qui nous semble plus en phase avec les besoins
des victimes. Mais disons que, oui, on
pourrait convenir à une possibilité d'une déchéance parentale, mais il ne
faudrait pas que ça soit juste pour six mois ou pour un an,
comme j'ai eu l'occasion, au cours de mes 30 dernières années, de le voir,
là ça serait vraiment très problématique.
Mais on espère... avec les nouvelles dispositions de la loi n° 2, qui
vient encadrer l'intérêt de l'enfant de façon très précise, avec des
critères très précis dans le cadre, c'est ça, de l'intérêt de l'enfant en
contexte de violence familiale, on pourrait espérer que l'évaluation, là,
justement, de la déchéance parentale soit plus efficace qu'elle l'est
présentement.
• (16 h 50) •
M. Morin : Parfait.
Je vous remercie beaucoup, madame. Je ne sais pas si ma collègue a des
questions. Oui, voilà.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Robert-Baldwin,
s'il vous plaît.
Mme Garceau : Juste une
question, compte tenu du temps. Bonjour, Mme Monastesse. Je pense qu'il y
a un point très important dans votre mémoire que vous n'avez pas discuté avec
nous, et j'aimerais que vous ayez la possibilité de le faire. Je trouve, c'est
un point important, et je sais que vous avez eu des échanges avec
Me Lessard au niveau de l'inférence négative et que vous voulez prévoir
dans la loi quelque chose spécifique, compte tenu que... et nous savons très bien qu'il y a plusieurs
victimes qui ne dénoncent pas l'agression sexuelle pour différentes raisons
et nous savons pourquoi, et certains tribunaux associent la dénonciation à
l'aliénation parentale. Et donc je voulais... j'aimerais
vous entendre là-dessus, au niveau de qu'est-ce que vous souhaiter de prévoir
dans la loi concernant l'inférence négative.
Mme Monastesse
(Manon) : Oui. Merci beaucoup, Mme Garceau, de poser la
question. Effectivement, c'est un point tout à fait central. Et effectivement
ce qu'on voit — vous,
vous l'avez vu dans votre pratique — on
le voit à tous les jours, le fait
même, souvent, devant les tribunaux de la famille... et on a... on vous a
soumis une étude, un rapport de recherche
sur cette question, le fait d'invoquer la violence familiale, qu'il n'y ait pas
eu, entre autres, de condamnation au criminel, ou quoi que ce soit,
déjà, en partant, le fait d'invoquer la violence conjugale, il y a des
conséquences négatives où, effectivement, on voit... au lieu de voir la volonté
de protection de la mère, on voit la volonté de mettre un terme avec... entre
les liens entre l'enfant et le père et, de ce fait, le fait de vouloir invoquer
une agression sexuelle en contexte de
violence conjugale, on anticipe fortement qu'il va y avoir une inférence
négative de la volonté de la mère de
protéger... de se protéger et de protéger l'enfant, et effectivement on demande
une disposition qui va tenir compte de ces inférences négatives.
Mme Garceau : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Merci beaucoup pour votre présentation. Je me demandais comment vous pensez...
ou comment ça va fonctionner, l'établissement ou la démonstration de la
violence conjugale ou de l'agression sexuelle dans un contexte d'absence de procès ou de jugement au criminel ou même
d'un acquittement au criminel. Comment on va conjuguer tout ça, selon
vous?
Mme Monastesse (Manon) : Mais
je crois qu'avec les travaux qui ont été faits sur la démonstration du contrôle
coercitif il va falloir faire, effectivement, la preuve que la violence
conjugale a un impact sur la question du consentement libre et éclairé. C'est
déjà documenté dans la littérature, et il va faire... il va falloir faire appel
à une démonstration dans ce sens, ce qui est quand même... pour nous qui sommes
sur le terrain, et quand on entend les femmes nous parler de leur expérience,
c'est quand même quelque chose que l'on peut documenter, là, facilement.
Et le fait qu'une femme soit suivie par nos
services ou les services des CALACS, des services spécialisés, bien, ça permet
aussi, effectivement, d'amener une preuve en ce sens. Et là, bien sûr, on n'est
pas au criminel, donc c'est la
prépondérance, aussi, de la preuve qui n'est pas celle du tribunal, du tribunal
criminel et pénal, mais il y a quand même
une disposition, comme je le rappelle, que, dans le Code criminel, on... quand
même depuis 1983, on parle du viol conjugal, donc il y a une
reconnaissance législative à cet effet.
M. Cliche-Rivard : On sait à quel point il y a peu de dénonciations,
finalement, on sait à quel point beaucoup de femmes décident,
finalement, de ne pas porter plainte dans plusieurs séries de contexte,
pensez-vous qu'elles vont aller de l'avant avec cette démarche-là pour exercer
ces droits-là, ou vous pensez qu'on va se retrouver dans le même problème qu'en
matière criminelle?
Mme Monastesse
(Manon) : Bien, écoutez, je trouve que... nous, on est toujours très
positives, sinon je pense que je changerais d'emploi, mais je crois que...
avec, quand même, les nombreuses modifications à la loi n° 2, avec la loi n° 12,
j'ai quand même bon espoir que ça donne des leviers qui puissent permette de
prouver, de justifier, d'inférer l'intérêt
de l'enfant. Là, on parle aussi de l'intérêt de l'enfant et de l'intérêt de
l'enfant en contexte de violence familiale,
mais le tout, disons, toutes les modifications qui sont prévues, va nous
permettre de soutenir le fait de démontrer le contexte de violence conjugale, de violence familiale et de violence
sexuelle beaucoup plus facilement parce qu'on va avoir reconnu, entre
autres, des impacts de la violence conjugale sur les femmes et les enfants.
M. Cliche-Rivard : Et, à votre
avis, là, suivant la sanction de la loi telle qu'elle est présentement, est-ce
que vous pensez qu'il y a beaucoup de femmes
qui vont s'en saisir a posteriori, là, qu'il y a beaucoup de dossiers que vous
avez en tête ou des gens autour de vous qui attendent ça de manière pressante
pour mettre en marche des démarches?
Mme Monastesse
(Manon) : Oui, je pense que, quand même, il y a plusieurs
femmes qui vont vouloir invoquer cette disposition-là parce que c'est
leur réalité, effectivement.
M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup.
Mme Monastesse (Manon) : Et on
se rappelle quand même de la situation de Mme Daigle aussi. Bien sûr, il y a eu un avortement, mais, je veux dire, ce qui a
été démontré devant la Cour suprême, c'est justement l'impact de la
violence conjugale sur l'enfant à naître... l'enfant à naître, qui a été quand
même démontré dans ce jugement.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci beaucoup pour votre travail aussi. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, effectivement.
Mme Monastesse, merci beaucoup d'avoir été avec nous, mais surtout,
comme disait le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, merci pour tout le travail que
vous faites.
Cela dit, la commission va suspendre ses travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 58)
(Reprise à 17 h 23)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Il nous fait
plaisir d'accueillir monsieur... Me Houle et Me Martineau, de l'Association
professionnelle des notaires du
Québec. C'est eux, les responsables de la publicité que vous avez vue à la
télévision, là, avec le... dans le front. Alors, c'est vous autres, les responsables de ça. Bravo! Alors, la
parole est à vous. Comme vous savez, 10 minutes de présentation,
après ça on aura un échange avec les membres de la commission. Maître, à vous
la parole.
Association
professionnelle des notaires du Québec (APNQ)
M. Houle
(Kevin) : Donc, merci. Mmes et MM. les députés, bonjour,
merci pour cette invitation. Donc, nous voudrions... Bien, d'abord,
permettez-moi de me présenter. Donc, je suis Kevin Houle, président de
l'Association professionnelle des
notaires du Québec, donc, l'APNQ. Je suis accompagné de Me Tania Marineau,
notaire en pratique privée.
Donc, nous voudrions tout d'abord remercier la
Commission des institutions de nous avoir invités à partager notre point de vue
sur le projet de loi n° 12, qui vise notamment à réformer le droit de la
famille en matière de filiation, la protection des enfants nés d'une agression
sexuelle et les droits des mères porteuses et les enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui. D'emblée,
nous voudrions exprimer notre soutien au projet de loi n° 12, qui, à nos
yeux, constitue une réforme significative du droit de la famille. En tant que
juristes de proximité, nous connaissons bien les préoccupations
entourant le droit de la famille et les moyens pour lesquels on peut réformer
celui-ci.
L'APNQ est un organisme à but non lucratif
national, donc, fondé en 1997 et dédié à la défense des intérêts socioéconomiques de ses membres, des notaires.
Regroupant quelque 1 550 notaires répartis sur l'ensemble du
territoire québécois, soit près de 50 % des membres de la profession
notariale, l'APNQ oeuvre au rayonnement du notariat et prône l'implication et les atouts des notaires, ces
juristes polyvalents, à la fois officiers publics impartiaux et conseillers
juridiques.
Selon l'APNQ, la modification des dispositions
légales quant aux conventions de grossesse pour autrui est plus que nécessaire
en droit actuel. En modifiant l'article du Code civil qui prévoit la nullité de
ces conventions et en balisant de façon
claire les ententes permises, cela viendrait élargir l'inégalité qui existe
actuellement pour les enfants nés
suivant une telle convention et qui se voyaient refuser leur filiation
d'intention pour seul motif que les étapes prévues dans la jurisprudence
n'étaient pas toutes respectées.
Donc,
d'abord, permettez-nous de vous dire que l'APNQ appuie la précision apportée
quant à l'impossibilité de dissocier
la fratrie lorsque plusieurs enfants naissent d'un tel projet parental. L'APNQ
ne peut que saluer et approuver ce remplacement.
Maintenant, en ce qui concerne la prépondérance
de l'acte notarié et autres formes de documents afin de bien protéger les parties au contrat de grossesse pour
autrui, incluant implicitement l'enfant à naître, et d'assurer le respect
des formalités requises, l'APNQ salue le choix du législateur de privilégier
l'acte notarié en minute, obligeant ainsi l'intervention
d'un officier public. Selon nous, les conditions de fond et de forme imposées
pour une telle convention permettent
d'éviter des abus envers la femme ou la personne qui portera l'enfant, mais
surtout pour assurer la filiation de l'enfant à naître dans un contexte
totalement déjudiciarisé. C'est le point principal.
Donc,
d'abord, les avantages de l'acte notarié en minute : conseil juridique
indépendant et impartial et vérification du consentement. Effectivement, l'acte notarié en minute permet d'assurer
que toutes les parties reçoivent obligatoirement
des conseils juridiques impartiaux, et ce, nonobstant qui paiera les honoraires
du notaire. En tant qu'officier public, le
notaire est tenu obligatoirement de conseiller toutes les parties à l'acte, de
vérifier leur capacité et leur consentement. En un mot, le notaire a un
devoir de conseil très large et important. Cette vérification obligatoire
réduit le risque qu'une des parties à l'acte l'ait signé sous contrainte ou
sans en avoir compris la portée.
D'autres intervenants ont mentionné ici qu'il
serait nécessaire pour les parties à un tel contrat d'avoir recours à un conseiller juridique impartial avant de
signer une telle entente. Au Québec, on appelle ça un notaire. Rappelons aussi
que, même si un tel contrat est fait sous
forme notariée, rien n'empêche une partie de consulter un avocat ou un autre
notaire, si le besoin y est.
Maintenant,
au-delà de la sémantique, permettez-moi de vous expliquer en quoi consiste le
devoir de conseil du notaire dans un tel dossier. En somme, il va
expliquer les droits et les obligations des deux parties : mère porteuse, parent d'intention. Il ira même, lui-même, jusqu'à
leur exposer, avant même qu'on lui pose la question, ce qu'il adviendra,
par exemple, si la mère porteuse décidait de garder l'enfant suite à
l'accouchement, qu'adviendra-t-il si l'enfant, malheureusement, souffre d'un handicap, qu'adviendra-t-il si les parents
décident de ne pas donner suite au contrat. Ce que nous voulons vous
dire, c'est que le notaire est habitué, il est formé pour faire face à des
questions pouvant être malaisantes, et ce, même en présence de l'autre partie.
Le notariat
existe depuis des siècles, il a fait ses preuves. Le notaire doit expliquer le
droit en faisant fi des intérêts, et les
gens le savent lorsqu'ils consultent un notaire. C'est ce qu'on appelle un
conseil juridique impartial. Nous ne voyons aucun problème avec cela.
C'est même rassurant de voir que le législateur désire imposer la forme
notariée.
Au niveau de la vérification des formalités
requises, le notaire vérifiera le respect des formalités requises, surtout en ce qui concerne l'attestation de
consultation psychologique, entre autres... psychosociale, laquelle pourrait
être même annexée à l'acte notarié afin d'en assurer la conservation. De
plus, selon les termes actuels du projet de loi, la femme ou la personne qui portera l'enfant doit avoir au moins
21 ans, et les parents d'intention devraient rester au Québec
depuis au moins 12 mois. C'est le genre d'éléments que les notaires
pourront confirmer.
D'autres intervenants ont amené l'idée que le
contrat de grossesse pour autrui soit fait sur la base d'un simple formulaire. Comme vous le savez, le but pour le
législateur est de déjudiciariser le processus. Une des principales conditions
est que le contrat soit signé avant le début de la grossesse. Tentons
d'imaginer une seule seconde, comment traiterions-nous un tel contrat
si, finalement, une des parties signe le formulaire après l'autre,
c'est-à-dire, donc, pas à la même date, mais
une fois la grossesse commencée? Bien que des témoins soient requis, leur
signature n'a pas du tout la même force que celle d'un notaire. Et,
puisque les témoins ne sont pas des notaires formés, il se pourrait que ces
témoins signent un formulaire sans pour autant en confirmer ou valider la date.
C'est le genre de choses qui n'arriveraient pas dans le cadre d'un contrat sous forme notariée en minute. Il serait
catastrophique pour l'enfant à naître de penser que le contrat sous forme
de formulaire puisse être contesté après coup, après la naissance, sur simple
fait, par exemple, que les conditions n'avaient pas été respectées. Rappelons
que c'est une forme... une méthode administrative et que l'officier public...
l'intervention de l'officier public s'avère très nécessaire.
Au niveau du droit de la preuve, maintenant,
l'acte notarié en minute est un acte authentique et fait preuve de son contenu.
Il est le document qui bénéficie du plus grand avantage en ce qui concerne le
droit de la preuve. Sous réserve de
l'inscription en feu... en faux, pardon, procédure rare et ayant des conditions
strictes, le contenu et les énoncés dans
l'acte seront à l'abri des contestations. L'acte notarié apparaît donc ici
comme étant l'acte par excellence pour assurer le respect des
conditions, dont la date du contrat, antérieure à la grossesse, et d'en faire
preuve à l'égard... devant tous.
Au niveau de la conservation, maintenant, c'est
un avantage. Les actes notariés sont conservés dans le greffe du notaire, et le
greffe est régi par une stricte réglementation, protégeant ainsi les minutes,
les originaux, de perte, de destruction ou
altération. De plus, le notaire peut aussi émettre des copies authentiques
longues ou sous forme d'extraits. Rappelons, effectivement, que la copie
a la même force légale que l'original. Ces copies peuvent aussi prendre la forme d'extraits. Effectivement, ces extraits
permettraient d'assurer la remise d'une copie authentique, sous forme d'extrait,
de la convention de grossesse pour autrui à qui de droit, tout en retirant de
ces copies les sections confidentielles qui pourraient ne pas être
obligatoires, par exemple, lors de l'envoi de la copie au Directeur de l'état
civil.
• (17 h 30) •
Maintenant, au niveau de l'acte sous serment
plutôt qu'un simple document reçu devant témoin. En ce qui concerne l'article 541.9, nous savons, ce
sont des dates de rigueur, soit entre le septième et le 30e jour depuis la
naissance, suite à l'accouchement de
la mère porteuse. L'APNQ suggère de remplacer la mention «devant témoins» par
la mention «sous serment», et il en
serait de même pour le troisième alinéa de 541.14. Ces éléments sont sur la
base uniquement... ou sont plutôt...
ces suggestions, pardon, sont émises sur la base que le contrat lui-même de
mère porteuse ait été fait sous la
forme notariée, avec toutes les explications qui auraient été reçues par la
mère porteuse, en amont, bien évidemment.
Au niveau du secret professionnel, attendu le
secret professionnel auquel est tenu le notaire, il est primordial d'établir
clairement les conditions entourant la demande d'émission d'une copie
authentique de la convention de grossesse
pour autrui notariée par le Directeur
de l'état civil. Nous considérons que
le législateur a été avisé de faire prévoir, à l'article 116, paragraphe 3° du Code
civil, que le Directeur de l'état civil est une autorité ayant
l'intérêt pour demander une copie au notaire dépositaire du greffe. Mais nous nous
interrogeons cependant sur la confidentialité devant entourer un tel document. Le dépôt d'une copie conforme
intégrale de la convention de grossesse pour autrui est-elle réellement nécessaire versus un extrait, comme je vous disais ou
expliquais un petit peu plus tôt? Nous doutons que l'ensemble des informations dans le contrat soient
nécessaires pour répondre aux questionnements de l'enfant, notamment quant à la
connaissance de ses origines. Il
faudrait aussi établir les éléments qui devraient se retrouver dans l'extrait à
remettre au Directeur de l'état civil si cette méthode est choisie.
Au
niveau, maintenant, du compte en fidéicommis des notaires, afin d'éviter les
conflits qui pourraient survenir concernant les sommes détenues en fidéicommis,
l'APNQ souhaite que le législateur consigne clairement les sommes à débourser, la fréquence, les autorisations
nécessaires et les pièces justificatives requises — exemple, une facture — bref, dans un règlement à venir. Aussi, ce
règlement devrait être arrimé avec le règlement actuel sur la comptabilité en
fidéicommis des notaires.
Au
niveau de la médiation familiale, l'APNQ pense qu'il serait nécessaire de
permettre aux parties impliquées dans
un projet parental impliquant une grossesse pour autrui de bénéficier d'heures
de médiation familiale subventionnées comme
dans les dossiers d'adoption. À cette fin, le Règlement sur la médiation
familiale pourrait être amendé afin d'élargir la portée des heures
payées par le ministère pour inclure les conflits en matière de grossesse pour
autrui.
En ce qui concerne,
avant la conclusion, la langue, donc, du contrat, bien que l'APNQ salue
l'importance accordée à la langue française
dans le projet de loi, nous suggérons que les parties puissent, d'un commun
accord exprès, demander que la convention de grossesse pour autrui soit
rédigée en anglais puisqu'il s'agit d'une convention entre particuliers qui
n'est pas destinée à être publiée et lue sur un registre consultable par toute
la population. Nous ne pensons toutefois pas
qu'une version française doive être remise au préalable advenant qu'elle soit
rédigée en anglais, la raison étant qu'il ne s'agit pas d'un contrat
d'adhésion. Cette règle vise principalement les contrats d'adhésion, comme on
l'a vu dans le projet de loi n° 96, la modification en ce qui concerne la Charte
de la langue française.
En conclusion, l'APNQ
tient à exprimer sa satisfaction face à la démarche du gouvernement de procéder
à la présente consultation particulière
visant à débuter le titanesque chantier de la réforme du droit de la famille au
Québec. Les notaires québécois constatent régulièrement, depuis
plusieurs années, que les règles du droit de la famille ne répondent plus aux
attentes et aux modes de vie des familles du Québec. L'APNQ a donc soumis ses
analyses et recommandations en lien avec la
présente consultation particulière dans le but de l'atteinte des protections
maximales recherchées pour les citoyens et en plaçant l'intérêt de
l'enfant au coeur de ces préoccupations. Le notaire étant déjà au coeur de la
vie des justiciables depuis des siècles et le droit de la famille faisant
partie du quotidien des notaires, l'APNQ tient à exprimer aux membres de la Commission
des institutions son désir de collaborer à la mise en oeuvre du projet de loi n° 12 et de ses règlements d'application et des
recommandations proposées dans le présent mémoire. Donc, je vous remercie.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup,
Me Houle. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette :
Oui, merci, M. le Président. Me Houle, Me Marineau, bonjour.
Merci d'être présents à l'Assemblée nationale sur les consultations du projet
de loi n° 12.
M. Houle
(Kevin) : ...plaisir.
M. Jolin-Barrette :
D'entrée de jeu, vous avez parlé du compte en fidéicommis et puis des sommes
qui doivent y être présentes afin de
garantir, dans le fond, les déboursés pour la mère porteuse. Vous nous invitez
à développer un règlement qui détermine de quelle façon les sommes
doivent être déboursées. Je voudrais vous demander, est-ce que ce serait préférable, selon vous, uniquement
que ce soit un dépôt de garantie? Donc, exemple, il y a une convention de grossesse pour autrui, donc, les parties
prévoient que, je ne sais pas, il y a 10 000 $, 15 000 $,
20 000 $ qui sont versés dans
le compte en fidéicommis du notaire pour garantir l'obligation, les parties
conviennent entre elles de quelle façon les paiements de déboursés pour
les vitamines, les vêtements de maternité, les remboursements de taxi, les
vêtements sont octroyés entre eux, premier
scénario, ou, deuxième scénario, les sommes sont versées dans le compte en
fidéicommis du notaire, mais c'est le notaire qui administre les
dépenses, donc c'est-à-dire que la mère porteuse s'adresse au notaire instrumentant de la convention et
dit : Bien, cher maître, aujourd'hui... ou une fois par semaine, ou une
fois par mois, envoie le relevé de ses factures, et dit : Bien,
veuillez me rembourser, voici, et vous, vous décaissez l'argent du compte en
fidéicommis? Comment vous voyez ça?
M. Houle (Kevin) : Les deux options peuvent
être possibles, mais il faut comprendre que la première option...
effectivement, vous comprendrez que ce serait un dépôt de garantie. Donc, on
comprend qu'à la base, si c'est cette option-là,
ça veut dire que les deux parties se sont entendues que les déboursements se
feraient entre elles, admettons, et que, si jamais ça n'avait pas lieu,
le notaire devra intervenir, pourrait être peut-être même autorisé pour
procéder au paiement de ce que l'autre partie n'a pas payé. Donc, ce serait
peut-être la meilleure méthode afin de limiter l'intervention du notaire en ce
qui concerne l'implication au quotidien, ou mensuellement, ou à chaque semaine.
Mais ce que je suis
porté à vous dire, c'est que les deux méthodes peuvent être réalistes. Ça
dépend toujours de l'intention du législateur, à savoir de quelle manière
est-ce qu'il veut que le notaire intervienne systématiquement dans le paiement. Le résultat, c'est qu'en bout de
piste il faut que la mère porteuse soit protégée en ce qui concerne les sommes
disponibles. D'une manière ou d'une autre, elle sera protégée parce que les
sommes seront dans le compte en fidéicommis du notaire.
M. Jolin-Barrette : OK. J'ai
une question opérationnelle pour le notaire dans l'éventualité où c'est un
dépôt de garantie qui est dans le compte du notaire. Dans le fond, le notaire,
là, la mère porteuse lui dit : Écoutez, je n'ai pas été remboursée, les parents d'intention ne
veulent pas me rembourser. Le notaire, comment il procède, généralement,
dans une situation comme celle-là? Bien, je sais que ce n'est pas une situation
avérée, mais supposons, là, que la situation
surviendrait, alors comment... survenait, comment est-ce que... Le notaire
valide avec les parents d'intention? Comment... Ça serait quoi, la
mécanique?
M. Houle (Kevin) : Bien, si on
fait le parallèle... oui, si on fait le parallèle avec les autres retenues
qu'on peut faire dans d'autres secteurs du droit, à la base, s'il y a une
retenue, c'est parce qu'il y a eu une convention de retenue. Donc, le notaire
va préparer une convention dans laquelle les parties, bien, signent la
convention avec le notaire à titre de
dépositaire ou fidéicommissaire, et, dans cette convention de retenue là, on
indique de quelle manière les
déboursés seront faits, de quelle manière le notaire sera automatiquement
autorisé d'avance pour faire les paiements x, y, z. Donc, à partir de
là, dans cette situation-là, on irait voir la convention ou le règlement, s'il
y avait un règlement, ou sinon une
convention qui serait nécessairement écrite, signée par les parties avec le
notaire pour dire : Notaire, tel déboursé était déjà autorisé, je
n'ai pas reçu le paiement, payez-moi.
C'est certain qu'à partir de là le problème,
justement, dans le cadre où il n'y a pas un règlement, c'est que, si jamais l'autre partie dit : Bien oui, je l'ai
payé, mais je n'ai pas la preuve, admettons, ou : Bien, je n'ai pas payé
parce que je ne suis pas d'accord... c'est pour éviter ces
interprétations-là, si un règlement pouvait être balisé avec des termes clairs, à savoir qu'est-ce qui est payé ou
non, de manière à enlever, d'une certaine manière, la discrétion des parties
de dire : Moi, je ne suis plus d'accord ou je n'interprète pas ce mot-là
comme étant effectivement cette dépense-là. Donc,
à partir de là, on ne veut pas arriver dans cette situation-là, quant à
travailler sur un nouveau modèle, là, de droit.
M. Jolin-Barrette : OK. Sur la
question du fait que tous les consentements devraient être donnés par acte notarié, vous dites : On devrait exclure,
dans le fond, le consentement sous seing privé devant deux témoins. Je donne
un exemple : une mère porteuse qui veut
faire une interruption volontaire de grossesse. Vous ne trouvez pas ça un peu
lourd de devoir aller chez le notaire,
supposons que c'est une situation d'urgence, le fait de l'obliger à voir... à
aller voir son notaire?
M. Houle (Kevin) : Je peux
rectifier simplement que la convention de mère porteuse devrait être sous forme
notariée, mais on ne demande pas à ce que
toutes les conventions soient notariées. La différence, c'est qu'on a demandé
à ce qu'il n'y ait pas... ce ne soit pas uniquement devant deux témoins, mais
devant un commissaire, au minimum, à l'assermentation pour confirmer la date et
l'identité de la personne, point.
M. Jolin-Barrette : Donc,
exemple, pour mettre fin à la convention.
M. Houle (Kevin) : Pour mettre
fin à la convention, encore là, il y a deux choses. C'est que, si la convention
doit être modifiée, bien, les termes actuels
du Code civil mentionnent que, s'il y a des conditions de forme pour un acte,
par exemple, notarié en minute, toute modification devra suivre la même forme,
donc notariée. Donc, le Code civil est déjà de cette manière-là, ainsi. Donc,
si on peut... si on considère que cette cessation-là est une modification du
contrat lui-même notarié, il faudra se questionner à savoir si lui-même doit
être sous forme notariée. Donc, ça serait peut-être à établir aujourd'hui, au
lieu de faire jurisprudence ou tenter de...
M. Jolin-Barrette : Non, mais
ce n'est pas l'intention, parce que, dans le projet de loi, on prévoit
clairement qu'ils peuvent le faire sous seing privé devant deux témoins.
M. Houle (Kevin) : Oui, mais, à
partir de là, si c'est sous seing privé, on revient avec le fait que ça devrait
être au minimum avec un commissaire pour être certains qu'on identifie la
personne correctement.
M. Jolin-Barrette : Qu'on
identifie la personne correctement?
M. Houle (Kevin) : Qui signe le
document, effectivement.
M. Jolin-Barrette : Vous voulez
dire les témoins ou...
Mme Marineau (Tania) : ...la
modification? On dirait que je ne suis pas certaine de savoir lequel que vous
parlez. Pour le consentement, on autorise sous seing privé pour être
certains... sous serment pour être certains que le consentement a été donné à
telle date, telle heure et que c'est vraiment la bonne personne qui a signé.
Pour la
modification au contrat, dans le projet de loi, ce n'est pas prévu sous seing
privé, vous avez seulement enlevé la
modification par acte notarié. Mais le Code civil prévoit déjà qu'on devra
continuer sous forme notariée si le contrat initial est notarié.
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette : OK,
je vous suis. Sur la question des heures de médiation payées lors de conflits
en matière de grossesse pour autrui, ça, c'est préalablement à la
naissance?
M. Houle
(Kevin) : Bien, ce qu'on suggère, nous autres, en ce qui
concerne cet élément-là, ce serait préalablement, dans le sens où,
effectivement, s'il y avait un problème, une discorde ou un différend
quelconque, bref, que les règles qui s'appliquent actuellement pour l'adoption puissent être applicables
mutatis mutandis en ce qui concerne les conventions de mère porteuse.
M. Jolin-Barrette : OK, mais
suite à la naissance.
M. Houle (Kevin) : Bien, ici,
actuellement, les règles d'adoption, c'est suite à... Parce qu'il y a deux
choses. Les règles d'adoption, je vous avoue que je ne connais pas
particulièrement les règles d'adoption. C'est... Je ne me suis pas penché sur cette question-là. Mais ce qui
est important, c'est que les gens qui participent à un projet de convention
de mère porteuse puissent bénéficier des mêmes droits en ce qui concerne le
processus de médiation. Donc, rendu là, est-ce
que c'est après la naissance ou avant? Je pense que c'est un choix du législateur. En ce qui nous concerne, je pense que ce devrait être tout le
long du processus.
M. Jolin-Barrette : OK.
Avez-vous une opinion sur le volet sur les agressions sexuelles puis le lien de
filiation qu'on a inclus dans le cadre du projet de loi?
M. Houle (Kevin) : Oui. On est
d'accord avec ce que la Chambre des notaires a appuyé en ce qui concerne tous les questionnements. Par exemple, est-ce
qu'on y va plutôt selon l'intention du législateur à couper le lien de filiation
ou plutôt une déchéance de l'autorité parentale? S'il y a déchéance, ça
signifie que, dans le futur, il pourrait y avoir l'annulation, entre
guillemets, de cette déchéance de l'autorité parentale.
Donc, à
partir de là, nous, ce qui nous chicote le plus, ou avec quoi qu'on est
d'accord aussi, c'est que, dans le... On comprend que l'intention du
législateur, c'est qu'il y ait une déchéance avec une compensation, par
exemple, potentielle, mais que, cette
compensation-là... effectivement, que les mères, ou du moins les personnes...
les premières personnes ne fassent pas jurisprudence ou doivent faire
jurisprudence, qu'on se colle effectivement sur...
M. Jolin-Barrette : Qu'il y ait
des lignes directrices.
M. Houle (Kevin) : ...les
lignes directrices, là, en ce qui concerne les pensions, oui.
M. Jolin-Barrette : OK.
Parce que, dans le fond, c'est l'un ou l'autre parce que, s'il y a déchéance de
l'autorité parentale, il n'y aura pas rupture du lien de filiation, mais
ça va quand même donner ouverture aux tables de pension alimentaire. Si, là, il
y a rupture du lien de filiation, à ce moment-là, ça ouvre le recours à
l'indemnité. Excellent.
Écoutez, je
vous remercie grandement pour votre présence. J'ai des collègues qui veulent
vous poser des questions. Merci pour votre participation.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré,
s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Bonjour.
Merci de votre présence. J'aimerais juste vous entendre sur la question de la
succession. Si, effectivement, il y a rupture du lien, c'est quoi, votre
opinion par rapport à ce que l'enfant pourrait quand même avoir accès à la
succession d'un père qu'il n'a pas côtoyé ni connu?
M. Houle (Kevin) : Bien,
d'abord, on part avec la prémisse qu'au Québec il y a toujours eu une liberté
de tester. Donc, à partir de là, il faut
comprendre qu'advenant le cas où l'intention du législateur est réellement que
l'enfant conserve un lien de
filiation avec le père agresseur — appelons-le
comme ça, là, le père agresseur — bien,
nécessairement, si les règles générales de droit s'appliqueraient, donc,
le père agresseur pourrait déshériter cet enfant-là. Donc, si c'est ça, l'intention du législateur, on n'y
arrive pas autrement que s'il y a une compensation qui est permise quand même.
Ça fait qu'on ne parlerait pas
nécessairement d'un héritier en ce sens, là, à moins qu'on veuille changer la
règle générale.
Mme Bourassa : Puis, selon
vous, qu'est-ce qui ferait le plus de sens?
M. Houle (Kevin) : On va
laisser les législateurs se questionner.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci,
M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être ici avec nous. Pouvez-vous
nous parler de votre rôle dans les projets de GPA, notamment les
conventions?
M. Houle (Kevin) : De notre
rôle?
Mme Haytayan : Le rôle des
notaires, oui.
M. Houle
(Kevin) : Bien, notre rôle, comme notaires, bien, d'abord,
c'est un peu ce que je disais d'entrée de jeu, c'est que notre rôle... D'abord, on est des conseillers juridiques,
donc, impartiaux et officiers publics. Donc, notre rôle, ça va être nécessairement d'être un partenaire du projet de
A à Z. Donc, nécessairement, quand les parties, quelles qu'elles soient, nous
contactent, on est déjà au courant du dossier, on est au courant des
intentions, on est au courant du type de personne qui est devant nous. Donc, on
va être le conseiller juridique d'une part et d'autres, et notre rôle de
notaire nous permet de donner des conseils à l'un et à l'autre. Oui, on peut
penser qu'ils peuvent avoir des intérêts opposés, mais c'est comme ça que nous
sommes formés, c'est de cette manière-là que le notariat existe, c'est de
pouvoir donner des conseils de manière impartiale à l'un et à l'autre. Donc,
c'est d'agir comme conseiller juridique et,
encore une fois, je le répète, peu importe qui paie nos honoraires. Donc, c'est
d'agir comme conseiller juridique, mais surtout un partenaire du projet,
parce qu'effectivement on donne une réponse à l'autre partie tout en sachant
les interrogations de l'autre partie. On va pouvoir lui répondre aussi, à cette
partie-là.
Tu as peut-être un élément à compléter?
Mme Marineau (Tania) : Tout à
fait. On accompagne déjà les clients dans leur contrat de mère porteuse. C'est
sûr que, pour l'instant, ils ne peuvent pas être signés, notariés, étant donné
la nullité de ces contrats, mais ces contrats-là finissent en adoption pour
qu'on puisse réaliser les contrats de mère porteuse qui existent, présentement.
Et les notaires, justement, peuvent faire de l'adoption, donc on est déjà
habitués, là, dans ce genre de processus-là, de pouvoir accompagner les clients et s'assurer que les conventions
respectent, en ce moment, les principes de la jurisprudence, et, plus
tard, ce sera respecter tous les principes, là, que le législateur mettra en
place.
M. Houle
(Kevin) : Donc, on conseille déjà toutes les parties au
projet d'adoption. C'est déjà le cas, actuellement.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Saint-Jean,
s'il vous plaît.
M. Lemieux : Oui. Pour combien
de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) : Quatre minutes, grosso modo.
M. Lemieux : Vous êtes trop bon
pour moi.
Le Président (M.
Bachand) : Ça me fait plaisir.
M. Lemieux : Bonjour.
M. Houle (Kevin) : Bonjour.
M. Lemieux : Vous avez dit,
pendant votre présentation, à deux moments, presque trois — il y
en avait un, c'était sous-entendu un petit
peu — «d'autres
ont dit ici». Effectivement, c'est un peu le jour de la marmotte, pas parce
qu'on avait parlé de ça avec le projet de
loi n° 2, quoiqu'effectivement... Bien, je ne sais pas ce qu'il a, le ministre,
dans ses projets de loi, mais les notaires gagnent à tout coup, et c'est
un peu...
M. Houle (Kevin) : La société
gagne à tout coup.
M. Lemieux : Ah! d'accord. Mais
ce n'est pas l'éléphant dans la pièce, mais c'est clair que vous répondiez par la bande à ce qui avait été dit avant. Mais,
disons-le carrément, les avocats ne sont pas très... les avocats, attention,
pas tous les avocats, pas tout le monde, mais les représentations de la part
des avocats, c'est : Bien là, attendez un peu, là, on est capables de faire ça, nous autres aussi. Alors, allons-y
carrément, hein, ouvrons l'éléphant dans la pièce puis... Est-ce que ça
marcherait si les deux pouvaient, ou ça peut seulement marcher si c'est ou bien
donc les notaires ou bien donc les avocats?
Mme Marineau (Tania) : Si on y
va avec le projet de loi n° 8 qui vient de passer, c'est vraiment de désengorger les tribunaux. Donc, on a une façon
administrative devant notaire avec un officier public compétent, conseiller
juridique, donc c'est pour toute la société que ça viendrait avantager que le
notaire s'en occupe et que ça ne finisse pas
devant la cour, justement. Donc, c'est l'avantage du notaire qu'on a au Québec,
c'est qu'on peut faire les choses de façon administrative.
M. Lemieux : Oui,
mais le PL n° 8, je comprenais... Dans le fond, ce n'est pas le
jour de la marmotte, là, mais c'est
deux fois des notaires. Mais, dans ce cas-ci, est-ce que ça peut être l'un ou
l'autre ou ça pourrait être l'un et l'autre?
M. Houle (Kevin) : Bien, dans
ce cas-ci, ce qui... en lien avec ça, c'est parce que, considérant que c'est
une méthode dite administrative, qu'on ne veut pas aller devant les tribunaux,
et considérant que c'est une méthode dite administrative qui implique, ou
impose, ou amène une filiation, qui est un nouveau... tout ça est quand même de
droit nouveau, c'est important d'avoir un officier public qui est un... quand
même l'État dans le milieu privé, aux termes juridiques,
et où l'officier public sera le responsable du dossier, de s'assurer que toutes
les conditions aient été respectées et non pas, à
un moment donné, si un jour je décide d'appeler mon conseiller juridique, lui,
il va faire ce que je lui demande parce que
mon mandat sera le suivant. Dans ce cas-ci, le notaire aura un mandat
implicite. C'est toujours comme ça
qu'on fonctionne comme officier public. Ce n'est pas nécessairement... Par
exemple, là, l'exemple classique : J'achète une maison. Ce n'est
pas... Le client ne va pas me dire : Là, notaire, il faut que tu fasses
l'examen de titre, assure-toi qu'il y a de
l'argent dans le compte «in trust», là, par le... Non, je sais comment ça
fonctionne. Donc, nécessairement, à partir du moment où j'agis comme
officier public, il y a un mandat implicite qui m'est accordé. Et c'est de
cette façon-là que le notaire agit comme officier public, et c'est de cette
façon-là qu'on assure que cette procédure-là soit complètement déjudiciarisée,
que tout le monde soit protégé, et que les conditions aient été respectées, et
qu'on ne le voie pas, s'il y avait non-respect des conditions, après coup.
M. Lemieux : Parlons-en,
des conditions. Celle qui est probablement la plus interpelante pour M. et Mme
Tout-le-Monde, c'est-à-dire qu'on a une femme porteuse qui se rend à
terme puis qui décide, entre le septième et
le 30e jour, de garder l'enfant. Est-ce que vous pensez que ce que vous
allez avoir fait en amont avec les deux parties va vous permettre de dénouer ça? On nous dit qu'il n'y en a pas tant que
ça, en fait, c'est rarissime, mais ça fait partie, pour le grand public,
de la dernière frontière à franchir, éventuellement, dans la manière d'aborder
ce sujet.
M. Houle
(Kevin) : Bien, à partir du moment où les gens signent un
contrat, à partir du moment où le notaire, parce qu'il en a l'obligation, aura expliqué tous les tenants et
aboutissants, qu'est-ce qui va advenir si jamais telle situation arrive, qu'est-ce qui va advenir si
telle situation arrive, bien, il n'y a personne qui peut dire : Je ne le
savais pas, ou il n'y a personne qui va pouvoir dire : Bien,
pourquoi tu fais ça? Tu n'avais pas le droit. Bien, moi je pensais que tu pouvais. Ah! bien, moi... Il n'y aura pas de
ouï-dire. Donc, la personne qui porte l'enfant puis qui décide... qui prend
cette décision-là, bien, elle va le savoir, qu'elle a le droit, et les parents
d'intention vont savoir que ça peut arriver. Et ça ne sera pas nécessairement une cause qui va faire en sorte qu'ils
vont vouloir réclamer quelque chose à la mère, à moins qu'il y ait une question de dol, parce que c'est
un contrat, à moins qu'il y ait une question de fraude, entre guillemets.
Mais, au-delà de ça, le notaire aura tout expliqué, clairement établi les
risques, entre guillemets, d'une part et d'autre.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
monsieur dame. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le député de
Saint-Jean. M. le député d'Acadie, s'il vous plaît.
• (17 h 50) •
M. Morin : Merci. Merci, M. le
Président. Merci, Me Houle et Me Marineau, d'être avec nous
aujourd'hui. Écoutez, j'ai trouvé la
question de mon collègue le député de Saint-Jean très intéressante puis
j'aimerais qu'on continue à parler de l'éléphant dans la pièce un peu,
si vous permettez. Dans votre pratique, est-ce que vous en rédigez, des
conventions pour les mères porteuses?
Mme Marineau
(Tania) : Ça m'est arrivé, oui. Moi, je suis spécialisée en
droit de la famille et adoption, filiation.
M. Morin : D'accord. Donc, vous
avez une expérience là-dedans, excellent.
Dans le projet de loi, on dit que la convention
pour grossesse doit être notariée, mais, à 541.9, on dit que le consentement
peut être donné par acte notarié en minute ou sous seing privé. Donc, est-ce
que vous voyez là une incohérence entre les deux dispositions du projet de loi?
M. Houle (Kevin) : Bien, c'est
un peu ce que je disais tantôt, c'est-à-dire que nous... que ça devrait être
sous forme notariée ou avec un commissaire à l'assermentation. Le fait que ce
ne soit pas obligatoirement notarié, c'est parce que... prémisse, c'est que le
contrat lui-même aura été fait sous forme notariée. Donc, les explications et
ce qui va s'en venir, à ce moment-là, aura
été déjà expliqué. Vous comprenez? Donc, ce qu'il reste à baliser, c'est
l'identité de la personne.
M. Morin : OK. Maintenant, si
on revient à la convention de grossesse, on a entendu aussi en commission des avocats, et une avocate en particulier, qui a
pratiqué dans ce domaine-là, qui en a rédigé des milliers et qui, finalement, a
consacré sa vie à rédiger ce genre de convention là. Je comprends que... bien,
on peut reconnaître qu'elle a quand même une
expérience là-dedans. Donc, si le projet de loi est adopté tel qu'il est, bon,
elle va probablement être obligée de former... fermer sa pratique. Puis
en quoi... Puis elle nous a dit qu'il n'y avait pas de problème avec les
conventions qu'elle rédigeait. Donc, en quoi
ça devient si important d'avoir une convention de grossesse uniquement par acte
notarié puisque la réalité actuelle, au Québec, fait en sorte que ce
n'est pas le cas puis que ça fonctionne bien?
M. Houle (Kevin) : Bien,
d'abord, il ne faut pas oublier que, même si le contrat est sous forme
notariée, les parties peuvent quand même
consulter un avocat ou un notaire. Donc, sa pratique va être quand même... Le
conseil va demeurer là, là, la révision, ou quoi que ce soit, va
demeurer là à titre de conseiller juridique à part entière. Mais je ne parlerai pas pour elle, là, mais ce qui est
important, c'est qu'à partir du moment où la raison pour laquelle le législateur
déciderait... décidait d'avoir un acte ou un contrat sous forme notariée, ce
n'est pas nécessairement pour faire en sorte...
ou c'est plutôt... je reprends ma réponse, c'est plutôt pour s'assurer qu'aucun
élément ne puisse survenir, un défaut ne
puisse survenir, parce qu'on parle de... nécessairement, de ne pas
commercialiser l'enfant à naître, de faire en sorte que toutes les conditions soient respectées, mais aussi
de faire en sorte que le lien de filiation ne soit quasiment pas contestable. Vous comprenez? Donc, ce sont ces éléments-là qui sont pris
en compte lorsque le législateur demande à ce qu'un document soit notarié.
Si on prend le pendant, par exemple le
testament, un testament sous forme notariée, pourquoi que c'est tant important et intéressant, c'est... je n'ai pas...
je vous avoue que je n'ai pas les chiffres, parfaitement, là, avec moi, mais
c'est des milliers de dossiers qui seraient présentés à la cour pour fins
d'homologation de testament s'il n'y avait pas de testament notarié, qui, lui,
est exécutoire dès le moment où la personne décède.
Pourquoi je fais le parallèle? C'est simplement
pour vous dire qu'il y a des... Pourquoi le testament notarié est important, alors que d'autres méthodes... qui
est possible? Bien, c'est parce que les gens favorisent cette méthode-là parce
que ce n'est pas contestable, tout est expliqué, et c'est le patrimoine
complet. Alors, pourquoi qu'on ne ferait pas la même chose pour un lien de
filiation avec un enfant à naître, de vouloir s'assurer que ça soit béton en ce
qui concerne le document, le consentement,
les risques? On parle d'argent, on parle... il y a l'aspect social là-dedans.
Donc, comme je vous le disais tantôt,
le notaire va être le chef d'orchestre du dossier, s'assurer que toutes les
conditions ont été respectées. Le mandat est implicite au notaire.
Mme Marineau (Tania) : C'est
des milliers de dossiers qui ne seront pas présentés à la cour, dans le cas de cette collègue-là, parce qu'ils vont être réglés
chez le notaire, directement avec le Directeur
de l'état civil. Donc, c'est
vraiment... La cour va être désengorgée en... Parce qu'autrement ça doit finir
en adoption, et l'adoption se fait devant un
juge. Donc, tous les milliers de dossiers que la collègue a faits, elle a été
devant la cour par la suite pour faire reconnaître l'entente, la filiation entre les parties. Donc,
de cette façon-là, on va éliminer de devoir aller à la cour pour faire
reconnaître la filiation.
M. Houle
(Kevin) : Et, au niveau des honoraires aussi, les parties
vont bénéficier d'un seul conseiller juridique qui va lui donner tous les...
qui doit lui donner tous les... tous les conseils juridiques. Le notaire doit
le faire. Donc, à partir de là, même
s'il y a une partie qui est peut-être moins fortunée que l'autre, elle aura
automatiquement droit aux conseils juridiques du notaire.
M. Morin : Bien. Vous avez fait
référence au projet de loi n° 8, puis l'argument
qu'on nous a dit pour nous permettre... pour
permettre aux notaires d'accéder à la profession, c'est qu'il y avait justement
un grand nombre d'avocats qui ne
plaidaient pas nécessairement, donc ils étaient habitués de conseiller
différentes parties, de rédiger des contrats,
etc., et le notaire, au fond, les notaires font à peu près la même chose. Donc,
c'est un argument en faveur de la possibilité pour les notaires
d'accéder à la magistrature.
Si on transpose ça avec quelques adaptations
dans le PL n° 12, vous avez des avocats qui font
des contrats dans leurs bureaux, qui conseillent les parties, on nous a même
dit que ce n'était pas contesté à la cour, ça allait très bien. Donc, pourquoi
est-ce que vous tenez tant à ce que ça soit fait par acte notarié?
M. Houle (Kevin) : C'est...
D'abord, ici, il faut se questionner à savoir quelle est l'intention du
législateur. Est-ce que c'est de s'assurer un contrat qui est au plus haut de
la force probante, au niveau de la preuve, de s'assurer que les parties reçoivent un conseil juridique impartial? L'intention du
législateur... Si l'intention du législateur est de s'assurer que le
document ne soit quasiment pas contestable et que les... qu'on s'assure,
justement, que les questions soient posées au bon moment aux parties et...
Parce que
vous savez que les éléments pour contester un contrat, ça peut être un vice de
consentement, l'objet est illégal, il
y a plein d'éléments qu'on apprend, là, à l'université, bon. À partir de là, le
notaire revoit indirectement ces éléments-là
et s'assure de crever l'abcès systématiquement pour être certain qu'il n'y aura
plus d'éléments potentiels, en bout de piste, si jamais ça arrive.
Donc, ici, je pense qu'il faut plutôt se
questionner à savoir est-ce que le législateur a comme intention principale de
protéger les citoyens, les citoyennes dans ce type de contrat là, où un enfant
est en jeu, principalement, et une femme qui portera un enfant.
M. Morin : D'accord. J'ai
également d'autres questions pour vous au niveau de la convention puis de
l'encadrement des agences. Est-ce que vous avez des suggestions à faire à ce
sujet-là au législateur pour s'assurer qu'évidemment l'intérêt de tout le monde
va être bien... va être bien protégé? Et est-ce qu'il y a des clauses que vous
êtes prêts à suggérer qui devraient apparaître dans les conventions pour
protéger la femme porteuse?
M. Houle (Kevin) : On n'a pas
vraiment étudié ce dossier-là.
M. Morin : Ce dossier-là.
M. Houle (Kevin) : Non.
M. Morin : D'accord. Bien. Pour
les grossesses à l'étranger, le projet de loi le permet. Il y a plusieurs
groupes qui nous ont dit que ce n'était pas souhaitable parce qu'évidemment on
ne contrôle pas le droit à l'étranger, il y
a un risque d'exploitation des femmes porteuses là-bas. Est-ce que vous avez
des suggestions ou une opinion là-dessus? Est-ce qu'on devrait le permettre ou ne pas le permettre puis se
concentrer sur des conventions ou des femmes porteuses qui sont
uniquement, par exemple, au Canada ou au Québec?
M. Houle
(Kevin) : Me Marineau pourra compléter si nécessaire, mais je veux
juste dire, d'entrée de jeu, qu'en ce qui
nous concerne, on a rappelé à la commission qu'il existe une union du notariat
latin, où les... nécessairement, il y
a du notariat à travers le monde, puis que, nécessairement, il pourrait y avoir
des ententes entre les différents États, et on laisserait nécessairement au ministère responsable à savoir quel
État ou quel pays, là, est autorisé, entre guillemets, pour permettre ce
genre de transaction là.
Mais
je reviens à la base, où le notaire doit s'assurer de la capacité, la qualité,
l'identité des personnes, donner les conseils légaux. Donc, dans un cas comme
celui-ci, nécessairement, le notaire, avant de signer un tel acte, si
jamais il y avait une personne à l'étranger, devra obtenir d'un avocat ou
notaire là-bas, à l'étranger, une confirmation que cette personne-là est
légalement capable de signer un contrat comme celui-là, selon les lois de
l'État où elle est. Vous comprenez? Donc, ça aussi, ça fait partie du mandat
implicite, dont on parle depuis le début, d'un notaire. Ce n'est pas écrit nulle part, mais ça l'est,
indirectement. Mais ce que je vous dis, c'est que le notaire a tous ces
éléments-là en tête, systématiquement, à partir du moment où on fait un
acte notarié.
M. Morin :
OK. Puis un avocat ne les aurait pas?
M. Houle
(Kevin) : Bien, je ne suis pas avocat.
M. Morin :
Donc, il n'y a pas d'avocat à
l'étranger qui pourrait conseiller l'avocat qui fait la convention sous
seing privé au Québec. Ça n'existe pas, ça?
M. Houle (Kevin) : Bien, ça existe, mais
est-ce que l'avocat a nécessairement le mandat implicite de s'assurer de cet
élément-là versus moi, comme notaire, qui fait un acte authentique? Vous poserez
la question à un avocat.
M. Morin :
D'accord. Au niveau de la section
V, l'article 542.33, «la responsabilité financière visant les besoins
d'un enfant issu d'une agression sexuelle», le projet de loi prévoit une
indemnité, mais évidemment fait reposer sur la victime de l'agression sexuelle
le fait de le prouver, de le démontrer. On dit, dans le projet de loi, que
«l'agression sexuelle peut être prouvée par
la production d'un jugement qui en reconnaît l'existence», évidemment, mais ce
n'est pas toutes les femmes qui vont
dénoncer l'agression. Est-ce que vous pensez que ce régime-là ne fait... n'est
pas trop lourd sur les épaules de la victime et si un régime étatique
qui viendrait compenser ne serait pas préférable?
Mme Marineau
(Tania) : Bien oui, on trouvait que le fardeau était lourd sur la
victime, de devoir prouver son agression
pour pouvoir faire valoir ses droits. Mais, comme solution, on laisserait le
législateur peut-être revoir cette... ce fardeau de preuve.
M. Houle
(Kevin) : Parce qu'effectivement on comprend que d'avoir un jugement
au criminel... Mais, encore là, il faut se questionner, est-ce que le jugement
au criminel peut faire effet au niveau du droit civil? Puis... Mais effectivement ce qu'on ne veut pas, c'est que
la femme doive avoir ce fardeau-là, tout en sachant que les femmes ne
dénoncent pas ça en dedans de quatre jours, là, donc.
• (18 heures) •
M. Morin :
D'accord. Je vous remercie, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la
députée de Robert-Baldwin, deux minutes.
Mme Garceau :
...vous êtes experte dans ce domaine, donc je suis très intéressée au niveau de
quel genre de clause est-ce que vous mettez
dans ce genre de convention. Est-ce que, dans le projet de loi, on devrait
préciser certaines clauses qu'on devrait avoir dans la convention?
Mme Marineau
(Tania) : Évidemment, présentement, les conventions ressemblent un peu
à la loi fédérale. C'est surtout ces
clauses-là qui sont prévues concernant, justement, comment qu'on peut compenser
et non rémunérer une mère porteuse.
Justement, il faut... c'est surtout rétablir le droit dans le contrat pour que
les parties comprennent bien que, si
l'enfant... comme que mon collègue disait, si l'enfant est malade, la famille
doit le prendre quand même. S'il y a plusieurs enfants, la famille doit
prendre tous les enfants. Donc, c'est plusieurs clauses comme ça, qu'on ne peut
pas séparer la fratrie, justement, comme que
le législateur a déjà pensé. Sinon, des clauses qui n'ont pas... bien,
l'âge, la capacité, tout ça, ça a déjà été
pensé, mais ce serait surtout par rapport au point de qu'est-ce qui peut être
remboursé pour ne pas que ça tourne en rémunération qui serait bien
encadrée dans les contrats.
Mme Garceau : Je veux préciser au
niveau de... en cas de décès des parents d'intention, est-ce qu'il y a une
clause qui prévoit qu'un tuteur, tutrice serait nommé en cas de...
Mme Marineau
(Tania) : Bien, pour que... En ce moment, comment que ça fonctionne,
les contrats de mère porteuse, c'est que le
père, habituellement, le... lui peut être père au certificat de naissance.
Donc, par la suite, si la mère d'intention décède... pas... excusez, si
la mère porteuse décède, lui, il peut signer le consentement d'adoption en faveur de sa conjointe. Donc, puisqu'avec le
processus d'adoption, présentement, on fonctionne par consentement entre...
en faveur de la conjointe d'intention, même s'il y a un décès, il faut que le
père soit au certificat de naissance pour qu'on puisse procéder, dans tous les
cas.
Mme Garceau : Là,
juste préciser, je vais vous dire, l'article 541.14, et donc c'est très
spécifique, parce que, là, ce serait
dans un cas où les deux conjoints ou la personne seule... Là, je ne parle pas
de la... de la femme porteuse, son décès,
je parle des parents d'intention, que les deux décèdent, il y a la naissance de
l'enfant. Est-ce que vous prévoyez, dans
vos conventions, en cas de décès des parents d'intention, un genre de clause de
testament que l'enfant, au lieu d'être confié
à la DPJ, serait confié à... aux tuteurs, tutrices nommés par les conjoints
dans la convention? Est-ce que ça, vous le prévoyez?
Mme Marineau
(Tania) : C'est... bien, ce n'est pas possible dans la loi,
présentement. C'est la mère biologique qui va devoir conserver l'enfant
et le confier à la DPJ, parce qu'autrement on ne peut pas prévoir d'avance à
qui va un enfant. C'est elle... elle est
toujours en vie, c'est son enfant, elle est au certificat de naissance, c'est
elle qui a l'autorité parentale seule.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Jacques... Saint-Jacques... Sainte-Anne, pardon.
M. Cliche-Rivard : Merci. Merci
pour votre présentation. Vous parliez qu'au niveau des versements,
remboursements de la somme en dépôt de garantie, là, vous vouliez que ce soit
plus clair ou vous parliez de dicter un règlement.
Est-ce que ça ne pourrait pas simplement être tout fait clairement dans la
convention préalable plutôt qu'aller par règlement?
M. Houle
(Kevin) : Oui, oui, mais est-ce que... L'élément que je
voulais apporter... aborder tantôt, c'est surtout le fait qu'on veut être
certains que le notaire soit lié. Il faut... Il ne faut pas oublier que le
notaire agit comme officier public, donc d'une manière impartiale. Si
une partie dit OK, puis, malgré que ce soit écrit, qu'après ça on vient dire...
l'autre dit : Oui, bien, finalement, je
ne suis pas d'accord pour des raisons x, y, regarde, il y a tels, tels
éléments, là le notaire est quand
même au milieu... n'est pas le juge, il ne peut pas trancher : Bien, toi,
ce que tu me dis, ça ne m'intéresse pas, finalement, je vais pencher
pour elle. En faisant ça, je prends parti, vous comprenez? Donc, le règlement
ferait en sorte que, nécessairement, c'est
l'État, c'est le législateur qui vient dire aux parties que le notaire va faire
ça. Donc, si dans cinq jours, six
mois, tu es moins d'accord ou tu interprètes différemment, tout d'un coup, ce
mot-là, le fait que tu dises non au
notaire ne va pas nécessairement emporter un différend. C'est surtout cet
aspect-là. On veut être certains que ça puisse être déboursé fluidement,
excusez-moi l'expression.
M. Cliche-Rivard : Donc, ce
serait privilégié par règlement plutôt que par la convention.
M. Houle (Kevin) : Oui.
M. Cliche-Rivard : OK.
Vous parlez aussi de déposer... de ne pas déposer la copie intégrale de la
convention, mais plutôt un extrait. Quels seraient les éléments minimums
qui devraient être dans l'extrait?
M. Houle (Kevin) : Bien, on
comprend qu'ici l'intérêt, c'est s'assurer... l'aspect génétique, là, donc
toutes les maladies ou quoi que ce soit qui
pourrait... que l'enfant devrait consulter. Donc, c'est minimalement cet
élément-là qu'on va y retrouver, j'imagine, dans cet extrait-là, mais ce
qu'on suggère... parce qu'on... il ne faut pas oublier que l'extrait ferait en
sorte que le Directeur de l'état civil veuille l'avoir, mais l'enfant pourrait
le consulter aussi. Donc, les aspects financiers, monétaires, bien, on... je ne
pense pas que ce soit nécessaire que ça se rende au Directeur de l'état civil,
vous comprenez? Mais il reste que... Voilà.
M. Cliche-Rivard : C'est
important, quand même, qu'il y ait l'extrait, par contre, pour vous... Il faut
qu'il y ait un document, il faut...
M. Houle
(Kevin) : Oui, puis l'extrait est une... est un document
authentique, est une copie authentique qui fait preuve de son contenu, mais on vient... on enlèverait au minimum les
éléments monétaires, financiers. Puis, encore là, rien n'empêche que le législateur ou... par un
règlement, ou peu importe, pourrait nous indiquer qu'est-ce que le Directeur
de l'état civil désire voir dans cet extrait au minimum.
M. Cliche-Rivard : Vous parliez
aussi de modifier le règlement pour des heures de médiation familiale. Quand il y a un conflit, on parle aussi que, dans
toute la réalisation du projet, il doit y avoir un consentement constant
de la mère porteuse. Comment on va régir ça
si, finalement, il n'y a plus de consentement puis s'il y a... finalement, il
doit aller à l'arbitrage, ou comment on va gérer le conflit à
l'intérieur?
M. Houle (Kevin) : Oui, bien,
rendu là, il faut se questionner... il faut se questionner à savoir pour quelle
raison est-ce que la mère porteuse ne veut plus, non plus. Tu sais, ce n'est
peut-être pas nécessairement qu'elle ne veut plus. Ça fait qu'il faut vraiment
aller en amont. C'est un peu ça, la médiation aussi, voir derrière quelle est
la raison réelle, mais, si en bout de ligne elle ne veut plus, bien, elle ne
veut plus. Tu sais, c'est un peu ça aussi, là, l'aspect de l'acte notarié fait
en sorte que les parties vont être au courant que, nécessairement, il y a des
risques dans ce projet-là, risques, entre guillemets, là, OK, il faut
s'entendre, là, mais c'est... Il faut comprendre que ce n'est pas une promesse d'achat d'un immeuble où tu t'en vas en action
en passation de titre, vous comprenez? Ce n'est pas ça qui va arriver, là.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Sur
ce, Me Marineau, Me Houle, merci beaucoup d'avoir été avec nous.
C'est très apprécié.
Mémoires déposés
Donc, avant de conclure les auditions, je
procède au dépôt des mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été
entendus lors des audiences publiques.
Cela dit, la commission, ayant accompli son
mandat, ajourne ses travaux au mardi 4 avril, à 9 h 45, où elle
va entreprendre un nouveau mandat. Belle soirée. À bientôt.
(Fin de la séance à 18 h 07)