Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mercredi 29 mars 2023
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Vol. 47 N° 8
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d’une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d’un projet de grossesse pour autrui
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Intervenants par tranches d'heure
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Bourassa, Kariane
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Haytayan, Céline
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Morin, André Albert
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Cliche-Rivard, Guillaume
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Nichols, Marie-Claude
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Nichols, Marie-Claude
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Bourassa, Kariane
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Haytayan, Céline
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Morin, André Albert
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Morin, André Albert
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Bachand, André
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Cliche-Rivard, Guillaume
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Nichols, Marie-Claude
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Bourassa, Kariane
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Bachand, André
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Bourassa, Kariane
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Morin, André Albert
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Cliche-Rivard, Guillaume
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Haytayan, Céline
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Morin, André Albert
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Cliche-Rivard, Guillaume
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Bourassa, Kariane
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Haytayan, Céline
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Morin, André Albert
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Garceau, Brigitte B.
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Cliche-Rivard, Guillaume
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Bourassa, Kariane
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Haytayan, Céline
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Lemieux, Louis
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Morin, André Albert
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Garceau, Brigitte B.
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Garceau, Brigitte B.
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Bachand, André
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Cliche-Rivard, Guillaume
11 h (version révisée)
(Onze heures vingt minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour à tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des institutions ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de
filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression
sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des
mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des <remplacements...
Le Président (M.
Bachand) : ...
grossesse pour autrui.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des >remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Zanetti est remplacé par... M. Zanetti (Jean-Lesage) est
remplacé par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).
Auditions (suite)
Le Président (M.
Bachand) :Et on lui souhaite la
bienvenue. Merci beaucoup.
Alors nous allons entendre, ce matin, deux
groupes, deux... oui, la Pre Isabel Côté, mais d'abord des gens qu'on
connaît bien, à la Commission des institutions, alors, les représentants de la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Alors, merci beaucoup, Me Tessier. Alors,
je vous laisse présenter les gens qui vous accompagnent. Et, comme vous savez,
vous avez 10 minutes de présentation. Merci beaucoup.
Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Tessier
(Philippe-André) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM.
les députés, alors donc, Philippe-André Tessier, président de la commission. Je
suis accompagné de Mme Myrlande Pierre, vice-présidente responsable du
mandat charte, de Me Karina Montminy et M. Samuel Blouin, tous deux à la Direction
de la recherche de la commission.
Le projet de loi sous étude interpelle
hautement la commission à deux titres. D'abord, en tant que défenseure des
droits des enfants, la commission assure la protection de l'intérêt de l'enfant
ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus tant par
la Charte des droits et libertés de la personne que par la Loi sur la
protection de la jeunesse. Le projet de loi suscite également un très grand
intérêt pour la commission dans son rôle de promotion et de défense des droits
des femmes, qui leur sont accordés également par la charte.
Rappelons que la commission avait formulé
des recommandations dans son mémoire sur le projet de loi n° 2
sur la grossesse pour autrui, adopté et rendu public en janvier 2022. Faute de
temps, celui-ci n'avait pu être déposé au moment des consultations
particulières. Parce que plusieurs éléments de notre analyse demeurent
applicables aux nouvelles dispositions et pour faciliter le travail des députés,
nous avons reproduit les extraits pertinents de notre précédent mémoire en
annexe des présentes notes de présentation qui vous ont été transmises.
D'entrée de jeu, nous tenons à rappeler
que nous demeurons convaincus de la pertinence des modifications proposées au
Code civil qui visent à reconnaître la GPA au Québec et hors Québec ainsi que
celles proposées aux autres lois pour donner plein effet à cette
reconnaissance. Celles-ci constitueraient un puissant moyen d'accroître la
protection des droits et de l'intérêt de l'enfant qui en est issu ainsi que des
droits de la femme ou de la personne qui a accepté de lui donner naissance.
Or, pour qu'il en soit vraiment ainsi, le
projet de loi doit proposer un régime qui respecte intégralement les principes
qui légitiment la GPA : le premier principe a trait à l'interdiction de la
commercialisation de la GPA, celui-ci sous-tend l'interdiction de la vente d'enfants
et la non-instrumentalisation du corps des femmes, le deuxième principe
concerne la sauvegarde de l'autonomie procréative des femmes et le troisième
est à l'effet que l'enfant né de la GPA a droit à l'établissement d'une
filiation qui soit respectueuse de son intérêt et de l'ensemble de ses droits.
Ces principes reconnus en droit international s'inscrivent dans le prolongement
de plusieurs droits garantis par la charte.
La commission identifie certaines failles
dans le projet de loi qui, selon elle, risqueraient de mener à des pratiques de
GPA qui dérogeraient à ces principes et ces... et par conséquent qui
contreviendraient aux droits consacrés par la charte, et c'est dans cette
perspective que nous formulons quelques recommandations afin de bonifier le
projet.
Selon ce projet, les normes entourant le
remboursement ou le paiement de certains frais à la femme qui a accepté de
donner naissance à un enfant seraient déterminées par règlement du
gouvernement. Or, la disposition habilitante du Code civil ne prévoirait aucun
critère permettant de baliser ces normes. Compte tenu du caractère impératif
voulant que la GPA ne doive en aucun cas équivaloir à une vente d'enfant ni à
l'instrumentalisation du corps de la femme à des fins commerciales, le
législateur peut envoyer un message très clair aux parties impliquées au sujet
des frais remboursables. Ce message doit inévitablement cibler des
intermédiaires, qui peuvent, par exemple, être des agences de procréation
assistée, des professionnels du droit ou des professionnels de la santé. Leur
rôle dans le processus de GPA, souvent central, a été jugé problématique, est
dénoncé ailleurs dans le monde, mais aussi ici, au Québec et au Canada.
Ainsi, afin d'éviter la marchandisation
des pratiques de GPA, la commission recommande de modifier l'article 541.3
du Code civil qui serait introduit par le projet de loi afin de préciser que
seuls les remboursements ou paiements des frais raisonnables et détaillés de la
femme qui a accepté de donner naissance à un enfant seraient admissibles. Elle
l'invite de même à modifier le projet de loi pour y ajouter un mécanisme de
contrôle indépendant en cas de désaccord des parties sur les frais
remboursables. De tels changements répondraient aussi aux recommandations de la
Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la vente et l'exploitation sexuelle
des enfants. Les mêmes considérations s'appliqueraient au remboursement ou
paiement des frais destinés aux intermédiaires.
Je cède maintenant la parole à ma
collègue.
Mme Pierre (Myrlande) : Alors,
bonjour. Toujours dans l'objectif d'éviter l'exploitation et
l'instrumentalisation du corps des femmes, la commission ne peut qu'insister
sur l'importance du rôle du gouvernement en regard des pratiques
transfrontalières de la GPA. La commission recommande à cet effet au
gouvernement de prendre tous les moyens appropriés pour encadrer les pratiques
des acteurs qui seraient appelés à intervenir dans le processus d'autorisation
préalable de projets parentaux <impliquant des parties...
Mme Pierre (Myrlande) :
...
dans le processus d'autorisation préalable de projets parentaux >impliquant
des parties domiciliées hors du Québec. Ceux-ci devraient prendre en
considération les écarts qui peuvent exister entre les conditions de vie des
parties concernées. De tels écarts peuvent notamment être constatés lorsqu'il
existe des risques d'exploitation de femmes porteuses se trouvant dans des pays
aux économies émergentes.
Bien que des inégalités économiques, de
classe sociale, de race et de genre puissent être observées au Québec, ces
disparités peuvent être d'autant plus grandes dans le cas de la GPA
transnationale. En présence de telles disparités, il y a un risque d'atteintes
au droit à l'égalité réelle des femmes porteuses domiciliées hors du Québec.
À l'instar du Barreau du Québec, la
commission se préoccupe du respect de leurs droits au niveau international. Les
écarts dans les conditions de vie peuvent aussi être constatés dans des pays où
les droits reproductifs ne sont pas respectés. Alors, dans ces circonstances,
d'importants risques d'atteintes aux droits de la femme qui a accepté de donner
naissance à l'enfant existent et sont bien documentés.
Soucieuse de l'importance d'assurer la
protection de la femme contre l'instrumentalisation dont son corps pourrait
faire l'objet et les atteintes à son autonomie procréative, la commission veut
également attirer votre attention sur la qualité du consentement requis de la
femme afin qu'aucune filiation de l'enfant ne soit établie à son égard. Alors,
son consentement doit être libre, et éclairé, et donné à chaque étape du projet
parental. Or, cela ne sera possible que si elle reçoit préalablement toute
l'information pertinente lui permettant de connaître et de comprendre les
éventualités qui peuvent survenir lors de la GPA. Et, en définitive, il faut
que la femme soit en mesure de les accepter en toute connaissance de cause et
sans compromis de ses droits.
La commission considère par ailleurs qu'il
est nécessaire d'uniformiser le type d'informations à fournir aux parties lors
des rencontres préalables à l'élaboration de la convention de grossesse.
Insistons particulièrement sur les
informations qui devraient être données en matière de santé, incluant celles
relatives à une interruption de grossesse. Et, à ce propos, la récente étude
produite par le Conseil du statut de la femme met clairement en lumière que les
femmes porteuses et des donneuses d'ovules du Canada considèrent avoir été
suffisamment informées des risques pour leur santé associés aux procédures médicales.
La commission recommande par conséquent de
modifier l'article 541.11 du Code civil qui serait introduit par
l'article 18 du projet de loi afin de prévoir la nature des informations
qui devraient être abordées lors des rencontres préalables à l'élaboration de
la convention de grossesse pour autrui. Cela devrait notamment comprendre des
informations de nature juridique, c'est-à-dire les droits reconnus aux parties,
incluant ceux protégés par la charte.
• (11 h 30) •
M. Tessier
(Philippe-André) : Une dernière considération en lien avec la question
de la GPA. Compte tenu de l'importance des enjeux que soulève la GPA, la
commission estime qu'il serait nécessaire pour le gouvernement d'évaluer
l'impact de la mise en oeuvre des dispositions visant à l'encadrer qui seraient
introduites dans la législation québécoise. Donc, elle recommande que le projet
de loi soit modifié pour prévoir une telle évaluation afin de mesurer la portée
de la loi advenant son adoption.
En dernier lieu, on souhaite aborder brièvement
les dispositions du projet de loi concernant l'enfant issu d'une agression
sexuelle. La commission salue l'intention du gouvernement d'accroître la
protection du droit des femmes... qui a donné naissance à un enfant suite à une
agression sexuelle. Il en va de même de la protection qui serait accordée à
l'enfant qui en serait issu. Nous sommes conscients de la nécessité d'agir pour
répondre à certaines situations spécifiques pour lesquelles l'établissement de
la paternité a été jugé problématique. Compte tenu des courts délais,
malheureusement, nous ne pouvons que vous soumettre quelques-unes de nos
interrogations.
Selon l'état des connaissances, les
agressions sexuelles ont fréquemment lieu en contexte conjugal. Cela étant, en
cas de contestation de la filiation à l'égard du père, on peut se demander
comment seraient équilibrés les droits de la charte susceptibles de
s'appliquer. D'un côté, il pourrait y avoir les droits de la femme qui a donné
naissance à l'enfant à la suite d'une agression sexuelle, par exemple son droit
à l'intégrité, à la liberté. De l'autre côté, il pourrait y avoir le droit des
conjoints, qui ont les mêmes droits, obligations et responsabilités et qui
doivent assumer ensemble la direction morale et matérielle de la famille et l'éducation
des enfants communs. Puis en plus de ça s'ajouteraient les droits de l'enfant à
la protection, à la sécurité, à l'attention que ses parents qui en tiennent...
ou que ses parents qui y tiennent lieu peuvent lui donner.
D'ailleurs, on peut se demander comment
serait évalué l'intérêt de l'enfant, par exemple, dans un cas où un enfant se
retrouverait avec une filiation différente de ses frères ou de ses soeurs, tout
en ayant <les mêmes géniteurs...
>
11 h 30 (version révisée)
< M. Tessier (Philippe-André) :
...par exemple, dans un cas où un enfant se retrouvait avec une
filiation différente de ses frères ou de ses soeurs, tout en ayant >les
mêmes géniteurs. Plus largement, la commission se demande quel sera l'effet de
l'entrée en vigueur prochaine du droit à la connaissance de ses origines, à l'article 39.1
de la charte, sur la mise en oeuvre des droits qui seraient reconnus
spécifiquement à l'enfant issu d'une agression sexuelle. Considérant que l'enfant
serait titulaire de droit en matière de filiation et de succession, quel serait
l'effet pour la mère de l'exercice de ce droit pour... par l'enfant? Autrement
dit, quelles seraient les obligations de la mère quant à la mise en oeuvre de
ce droit de l'enfant? Voilà quelques questions que nous nous posons.
Nous vous remercions de votre attention et
nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Me Tessier, Mme Pierre, Me Montminy, M. Blouin,
bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. Vous me permettrez
également de saluer le nouveau député de Saint-Henri—Sainte-Anne, qui se joint
à nous pour nos travaux. Alors, vous allez voir, c'est un pur plaisir de
travailler avec nous. Peut-être que vous aviez eu un petit peu moins de plaisir
dans le passé, mais là c'est nouveau, vous allez voir, comme parlementaire, ça
va être très agréable, je n'en doute pas. Alors, vous êtes le bienvenu.
Alors, Me Tessier, sur la question du viol
et d'un enfant issu de l'agression sexuelle, vous dites : Écoutez, on a
plus de questions que de réponses, dans votre mémoire. Cependant, vous dites
quand même : Il faut faire la pondération entre les droits de la femme qui
a été victime du viol et celui de l'agresseur, un peu, vous dites : Il
faut prendre ça en considération. Moi, je vous dirais que la démarche juridique
qui a été entreprise dans le cadre du projet de loi n° 12, c'est assez
clair, c'est qu'on trouve que ce comportement-là n'est pas acceptable, puis,
très clairement, le législateur s'exprime pour dire : Le choix que nous
faisons, c'est que, les femmes qui ont été violées, puis qu'il y a un enfant
qui est issu de l'agression sexuelle, on leur laisse le choix, soit d'établir
la filiation, si elles le souhaitent, mais surtout de pouvoir s'opposer à la
filiation puis d'avoir des mécanismes pour le faire et facilitant en matière de
déchéance de l'autorité parentale. La commission est d'accord avec ça?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, tout à fait. Puis, juste pour bien clarifier, s'il s'agit d'une
question qui, dans sa mise en application, et je pense qu'il y a d'autres intervenants
qui sont venus en commission parlementaire pour le souligner, ici, c'est aussi
l'entrée en vigueur prochaine de 39.1 à la charte qui prévoit un droit à la
connaissance des origines, dans PL n° 2 et dans PL n° 12, ces éléments-là sont là. Donc, il y a aussi des
questions en lien avec le droit de l'enfant, les droits de la mère, parce qu'évidemment,
ici, il n'y a personne qui remet en cause la volonté du gouvernement, et
certainement pas la commission, de protéger les mères qui auraient subi une
telle agression, mais ici il faut comprendre aussi que les droits de l'enfant
pourraient être différents des droits consentis à la mère. Et c'est ces
éléments-là qui manquent, quand même, un peu d'analyse qui... malheureusement,
nous n'avons pas pu faire avec toute la... avec tout le temps que nous avons,
donc, dont nous avons disposé.
M. Jolin-Barrette : Mais
vous conviendrez avec moi qu'on ne veut pas forcer une mère qui a été violée...
on ne veut pas lui conférer d'obligation légale, nécessairement, de dire à son
enfant qu'elle a été violée. C'est un choix, je vous dirais, familial, un choix
intime qui appartient à la victime de violence conjugale.
M. Tessier (Philippe-André) :
Comme on peut vous répéter, on comprend la nécessité... pour répondre à
certaines... à certains cas, à certaines préoccupations qui sont tout à fait
légitimes. On fait juste faire remarquer, en tout respect, là, au législateur
qu'il y a certains éléments là-dedans, dans l'application concrète de ces
dispositions-là, les voies de recours. Mais je vous invite et j'invite la
commission à référer aux autres acteurs qui ont témoigné devant elle, qui ont
analysé ça beaucoup plus en détail. Je vous avoue, honnêtement, que je n'ai pas
d'autre question pour vous aujourd'hui, M. le ministre, avec tout le respect
que je vous dois.
M. Jolin-Barrette : OK. Peut-être
juste une question sur... vous soulevez la question de l'intérêt de l'enfant,
là, sur ce sujet-là. Dans le fond, l'objectif d'insérer le critère de l'intérêt
de l'enfant, lorsqu'une filiation a déjà été établie, donc, exemple, madame est
victime de violence conjugale, de violence sexuelle dans le cadre d'une
relation conjugale, de vie commune, un enfant est issu d'une agression sexuelle
durant cette période de vie commune là, et madame réussit à s'extirper de la
relation toxique après deux, trois, quatre, cinq, six ans, là la filiation
avait été établie à l'égard de monsieur, monsieur s'était occupé de l'enfant,
faisait vie commune avec madame. Donc, on établit ce critère-là d'intérêt de l'enfant
pour le tribunal. Donc, ce n'est pas... ce n'est pas un droit absolu en faveur
de l'enfant, exercé par madame en tant que tutrice de l'enfant, de briser la
filiation, il faut que ça soit entériné par le tribunal. Ça, sur ce point-là,
est-ce que vous avez des précisions à nous apporter sur la façon dont on
devrait cerner l'intérêt de l'enfant?
M. Tessier
(Philippe-André) : ...toujours en lien avec cette partie-là du projet
de loi, sur la mécanique, comme je l'ai indiqué précédemment, là, outre le fait
de dire <qu'évidemment d'assujettir...
M. Tessier (Philippe-André) :
...toujours en lien avec cette partie-là du projet de loi, sur la
mécanique, comme je l'ai indiqué précédemment, là, outre le fait de dire >qu'évidemment
d'assujettir... au contrôle du tribunal, c'est une bonne chose. On n'a pas
d'autres observations à ce moment-ci.
M. Jolin-Barrette : OK.
Sur... Je pense que vous vous êtes prononcés sur les... dans le cadre de la
grossesse pour autrui, là, sur les séances d'information préalables, là, je
pense que vous aviez des commentaires sur la nature des informations qui
devraient être transmises dans le cadre de ces deux rencontres de séance
d'information là, à la fois pour les parents d'intention, à la fois pour les
mères porteuses. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre point de vue à cet
effet-là?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui. Bien, évidemment, ici, encore une fois, il s'agit d'un équilibre des
droits puis, bon, là on compare les droits de la femme. Bien, le consentement
libre et éclairé de la femme qui consent à participer, donc, à une GPA sont
déterminants, et donc c'est pour ça que la commission encourage et recommande
au législateur de prévoir de façon explicite le type d'informations qui devraient
être fournies aux parties lors de rencontres préalables. Ça ne veut pas dire de
prévoir un script détaillé, on se comprend bien, il faut laisser un espace,
lors de ces rencontres-là, à des échanges et des discussions, mais, à tout le
moins, qu'il y ait des éléments minimaux qui soient prévus, en matière de
santé, donc, l'interruption de grossesse, les droits reconnus aux parties en...
justement, notamment en matière de la charte, parce qu'il faut comprendre, ce
sont des enjeux juridiques complexes qui ne sont pas à la portée de tous, et
c'est important d'avoir quelqu'un qui vient le préciser et le baliser, et ce
quelqu'un-là, bien, c'est le législateur, dans le cadre du présent projet de
loi.
M. Jolin-Barrette : OK.
Vous avez eu un commentaire également sur les balises relativement au
remboursement des dépenses. C'est très clair que ça ne peut pas être de la
rémunération. Nous, on va le préciser, notamment, par règlement, les modalités,
mais est-ce que vous avez des craintes relativement au remboursement des
dépenses dans le cadre d'un contrat de grossesse pour autrui?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, la principale préoccupation de la commission, c'est la question des
intermédiaires. Le projet de loi, selon nous, devrait viser également les
intermédiaires, parce que, ça, des frais raisonnables et détaillés pourraient
leur être payés. Il faut comprendre que... tout le monde, la même chose, les
principes qui guident la commission dans son analyse, tant le PL n° 2 que le PL n° 12, la non-commercialisation de la GPA, la sauvegarde de
l'autonomie procréative de la femme et le droit à l'enfant d'une... d'établissement
d'une filiation. Donc, lorsqu'on regarde ces éléments-là et on remarque que les
intermédiaires ne sont pas assujettis, bien, elle se pose, cette question-là en
lien avec la question de la non-commercialisation et l'autonomie procréative de
la femme. Et donc cet élément de préoccupation là, on tenait à le resoumettre
en termes de recommandation, qui était présent dans PL n° 2
et qui est présent également dans PL n° 12.
M. Jolin-Barrette : Puis
vous, juste pour qu'on comprenne bien, lorsque vous abordez la question de
l'intermédiaire, faites-vous référence à une notion d'agence ou à tout autre
intermédiaire de service dans le cadre d'une convention de gestation pour
autrui?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, il faut savoir qu'il y a différentes façons de procéder, et c'est
pour ça que... puis d'ailleurs on l'a souligné, ça peut être, effectivement,
comme vous le dites, une agence, ça peut être également un professionnel du
droit ou de la santé qui pourrait être appelé à jouer un rôle d'intermédiaire.
On ne veut pas, donc, présumer des formes ou des parties qui vont jouer, qui
vont vouloir jouer ce genre de rôle là d'intermédiaire. Il y en a que c'est à
travers des agences, il y en a d'autres que ça pourrait être à travers des
professionnels soit du droit ou de la santé. Quant à nous, il faudrait couvrir
l'ensemble de ces intermédiaires-là, encore une fois, protéger les droits de la
femme qui participent à une GPA et empêcher la commercialisation de la GPA.
• (11 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Et
donc nous, on confie ce rôle-là au notaire, notamment en faisant en sorte que
le notaire va être responsable de gérer les dépenses par le biais de son compte
en fidéicommis. Donc, ça va être lui qui va administrer, dans le fond, les
dépenses admissibles, justement, pour faire en sorte que la mère porteuse
puisse avoir accès aux sommes qui lui sont dues dans le cadre de sa grossesse.
Je voulais vous demander, sur une question
plus large, là, avant de céder la parole à mes collègues, on a eu des groupes
qui sont venus nous dire qu'on devrait avoir un encadrement encore plus
restrictif dans le cadre du projet de loi. Il y en a d'autres qui nous disaient :
Un peu plus de souplesse. Qu'est-ce que vous pensez, relativement au projet de
loi, est-ce qu'on devrait resserrer les critères, notamment sur la question des
grossesses pour autrui à l'étranger? Je serais curieux d'entendre la commission
à cet effet-là.
Mme Pierre (Myrlande) : Si
vous permettez, M. le ministre, M. le Président, alors, oui, effectivement, la
commission a des préoccupations particulières ou concrètes qui reposent sur des
pratiques qui sont documentées, là, de la grossesse <pour autrui...
Mme Pierre
(Myrlande) :
...si vous permettez, M. le ministre, M. le
Président. Alors, oui, effectivement, la commission a des préoccupations
particulières ou concrètes qui reposent sur des pratiques qui sont documentées,
là, de la grossesse >pour autrui dans d'autres pays. Donc, il faut
prendre en considération les disparités qui existent entre différents États,
notamment les disparités entre les pays du Nord et du Sud, les écarts qui
peuvent exister... bien, au sein des sociétés, au sein même de la société
québécoise, mais tout particulièrement en ce qui concerne les pratiques de la GPA,
donc, transfrontalière, prendre en considération les disparités
socioéconomiques qui existent pour éviter justement qu'il y ait
commercialisation ou instrumentalisation du corps des femmes, mais surtout pour
assurer l'égalité réelle dans ces pratiques-là.
M. Jolin-Barrette : Et
êtes-vous d'accord avec moi que le mécanisme qu'on a mis dans le cadre du
projet de loi en faisant en sorte que c'est l'État québécois qui va avoir une
liste d'États désignés avec des règles comparatives, on ne peut pas vraiment
aller plus loin que ça, que nous... dans le fond, le ministre va accréditer en
disant : Bien, écoutez, c'est un système qui répond aux bonnes pratiques
ou aux normes d'équivalence québécoises? Est-ce que vous considérez qu'on
devrait faire... Bien, en fait, est-ce qu'il y a une façon de faire plus que ce
qu'on fait dans le projet de loi?
M. Blouin (Samuel) : ...oui,
en complément, oui, on a noté que, notamment à l'article 541.31 qui serait
ajouté au Code civil, il y aurait des considérations d'ordre public, et
d'intérêts, et de droits des parties qui seraient prises en considération dans
le processus de désignation des États, mais c'est plutôt... notre préoccupation
est plutôt au niveau de la mise en oeuvre. Donc, on comprend que le gouvernement
compte se donner des moyens d'assurer cette surveillance-là, mais on a des
préoccupations avec les États qui autorisent une GPA commerciale, les États où
les droits reproductifs des femmes ne seraient pas respectés ou encore les
États qui ont une économie émergente, où la disparité économique pourrait être
très importante. Donc, on voudrait s'assurer que ces considérations-là soient
présentes, par exemple, à l'étape de la mise en oeuvre.
M. Jolin-Barrette : Mais
je vous rassure, si ce n'est pas équivalent, ils ne seront pas sur la liste des
États désignés, c'est clair, ça...
M. Blouin (Samuel) : Oui,
c'est...
M. Jolin-Barrette : ...c'est
clair. OK. Bien, je vous remercie. Je vais céder la parole à mes collègues.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Je vous rappelle qu'il
reste 4 min 35 s, du côté gouvernemental. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Merci.
Vous avez déjà répondu à quelques-unes de mes questions avec M. le ministre,
mais j'aimerais vous entendre sur la reconnaissance du droit à la connaissance
des origines de l'enfant. Je sais que vous aviez parlé de cet aspect-là. Quelle
est votre position face à ça dans une GPA?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, pour ce qui est du droit à la connaissance des origines, donc, pour
ce qui est de la commission, on accueille positivement de cet élargissement
parce que, encore une fois, c'est toujours la même chose, il va assurer la
réalisation de plusieurs droits garantis par notre charte. Donc, il faut
reconnaître le droit à l'enfant, peu importe la structure familiale et les
circonstances qui entourent sa naissance, à la connaissance de ses origines. Ça
participe également, j'y faisais référence tout à l'heure, du nouvel
article 39.1, qui a été ajouté à la charte par PL n° 2,
mais qui n'est pas encore entré en vigueur.
Mme Bourassa : Parfait.
Et vous parliez aussi du délai durant lequel la mère, après la naissance, peut
transférer l'autorité parentale, bon, vous parliez de l'importance d'accorder
un délai. Selon vous, le sept jours à 30 jours qui est prévu présentement,
est-ce que c'est assez, est-ce que c'est convenable?
Mme Montminy (Karina) : Oui.
À l'occasion du projet de loi n° 2, nous avions estimé que ça offrait des garanties,
là, qui étaient nécessaires ou qui permettaient de respecter le... toujours,
l'autonomie de la mère, son consentement, d'aller s'assurer que cette...
pendant cette période-là. Donc, oui, on pourrait vous dire, là, qu'on n'avait
pas émis de commentaire, là, qui allait à l'encontre de cette proposition.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci, M.
le Président. Bonjour à vous quatre, merci pour votre temps. Question rapide
sur les agences, vous l'avez abordé rapidement : Est-ce que vous seriez
d'avis qu'il faudrait les interdire?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, écoutez, la chose qui est importante, c'est qu'il faut comprendre que
les données probantes que l'on dispose... dont on dispose, et notamment il y a
un rapport, là, de la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la vente,
l'exploitation sexuelle des enfants, elle-même a réclamé que les pratiques... elle
a recommandé aux États qui... où l'on pratique la GPA, que les frais soient
raisonnables et détaillés parce que sinon ils peuvent être considérés comme des
<paiements déguisés...
M. Tessier (Philippe-André) :
...elle a recommandé aux États qui... où l'on pratique la GPA, que
les frais soient raisonnables et détaillés parce que sinon ils peuvent être
considérés comme des >paiements déguisés. Et donc, nous, c'est là-dessus
qu'on attire la vigilance du législateur en ce qui a trait aux intermédiaires
parce qu'évidemment le message clair doit être, à notre avis, indiqué dans la
législation que ces éléments-là s'appliquent également aux agences, OK, donc, pour
vraiment, encore une fois, donner plus de robustesse, peut-être répondre aussi
à un élément de question, tout à l'heure, auquel je n'ai pas répondu, vous en aurez
compris de l'intention de notre mémoire, d'ajouter des éléments de robustesse,
d'ajouter des éléments législatifs très clairs, des indices législatifs très
clairs, ces éléments-là, la commission est favorable à ces indices-là. Et donc
un de ces indices-là, c'est justement de viser explicitement les agences ou les
autres types d'intermédiaires qui pourraient agir.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le
député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Alors, merci,
merci, M. le Président. Permettez-moi, à mon tour, de saluer mon collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne,
qui en est à sa première commission. Alors, M. le député, ça me fait plaisir.
Merci beaucoup, Me Tessier, pour votre participation aux travaux de la
commission ainsi que Mme Pierre, Me Montminy et M. Blouin. J'ai lu
avec attention votre mémoire.
J'aurais quelques questions pour vous. La
première, c'est en lien avec l'article 523 du projet... en fait, du Code
civil. C'est l'article 8 du projet de loi qui va modifier
l'article 523, l'article 523 actuel, dans le Code civil, pour la
preuve de la filiation. On parle de filiation, tant paternelle que maternelle,
qui se prouve par l'acte de naissance. Ce qu'on veut maintenant, ce que
législateur veut faire, c'est «la filiation de l'enfant s'établit à l'égard de
la mère ou du parent par le fait de lui avoir donné naissance». Donc, on
semble... en fait, on semble préférer ou mettre de l'emphase... Le fait que la
femme porteuse pourrait, évidemment, être reconnue par la filiation, est-ce que
c'est quelque chose qu'on devrait enlever? Le laisser comme ça, est-ce que ça
pose un problème, selon vous, au niveau de la filiation?
Mme Montminy (Karina) : Bien,
on ne s'est pas positionné directement sur cette disposition-là, mais c'est sur
l'ensemble des garanties qui doivent être offertes à toutes les étapes. Je
pense que c'est vraiment... l'essence de notre message, là, c'est vraiment le
consentement. Est-ce qu'il y a des... D'autres y ont peut-être vu, là, des
risques. Nous, on a offert, là, des... l'ensemble des garanties en fonction,
autant de nos dispositions dans notre... dans le droit interne avec la Charte
des droits et libertés de la personne que les prescriptions du droit
international. Donc, c'est... Il faut toujours s'assurer qu'à toutes les étapes...
parce que ça, c'est une... et c'est un risque potentiel de la femme qui
pourrait exister à l'égard de son consentement et à ce que, finalement, la
filiation soit établie contre sa volonté, c'est pour s'assurer qu'ailleurs dans
le projet de loi on prévoie les garanties nécessaires, là, pour qu'elle ne se
retrouve pas dans une telle situation ni pour l'enfant, donc, de se retrouver
dans une filiation qui est pour l'enfant, qui n'est pas respectueuse de ses
droits ni de son intérêt, si ce n'est pas le désir de la femme qui a porté
l'enfant d'en être la mère légale.
• (11 h 50) •
M. Morin : Je vous
remercie. Au niveau de la convention de grossesse pour la femme porteuse, vous
l'avez mentionné, il faut préserver les droits de la femme, ça m'apparaît
évident. Maintenant, évidemment, c'est complexe, vous le reconnaissez également.
Certaines associations ou personnes qui sont venues en commission nous ont
suggéré que ça pouvait être important d'avoir ou de demander un avis juridique
avant aux différentes parties, en plus du fait que la convention serait un acte
notarié, pour s'assurer que toutes les personnes comprennent bien les
obligations, leurs droits, ce dans quoi ils vont s'engager. D'autres nous ont
dit que le notaire pouvait être la personne qui allait informer tout le monde. J'aimerais
vous entendre là-dessus, parce qu'évidemment on veut préserver les droits de
tout le monde dans le cadre de ce processus-là. Est-ce que vous avez une
position? Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui. Juste pour, encore une fois, préciser que nous avons, effectivement,
pris connaissance, là, de certains des mémoires qui ont été déposés avant la
comparution de la commission, et évidemment, sans se prononcer directement sur <ces
questions-là...
M. Tessier (Philippe-André) :
...effectivement, pris connaissance, là, de certains des mémoires
qui ont été déposés avant la comparution de la commission, et évidemment, sans
se prononcer directement sur >ces questions-là, il faut, encore une fois,
se ramener à quel est le rôle de la commission, et le rôle de la commission,
c'est de s'assurer de la conformité et de conseiller le législateur sur la
conformité avec la charte.
Maintenant, ce qu'on vous dit, et on
revient au message général... encadrement qui vient donner plus de robustesse,
qui vient bonifier et assure des protections et des garanties, tant à la mère
porteuse qu'aux différentes parties impliquées, sont de nature à assurer,
justement, le plein respect des droits. Et donc c'est sûr et certain que,
lorsqu'on parle de dispositions qui viennent encadrer... mieux encadrer, vous
aurez compris que nous, on parle d'avoir des éléments plus clairs dans la loi
sur le type d'information fournie et tout. Donc, ces genres d'éléments là,
évidemment, peuvent être lus en conjonction avec ces éléments-là, mais nous ne
nous sommes pas prononcés spécifiquement sur la nécessité d'avoir un avis
juridique. Mais c'est des éléments que je peux... comme réponse...
M. Morin : Je vous
remercie. Le projet de loi, et on l'a évoqué un peu plus tôt, permet qu'il y
ait une convention de grossesse et qu'il y ait une femme porteuse qui soit à
l'extérieur du Québec, dans d'autres pays, et le ministre nous dit : Bien,
écoutez, il va y avoir des règlements, on va faire une évaluation, puis évidemment
il faudrait que les droits de la femme porteuse soient respectés dans l'autre
pays. Cependant, quand on regarde l'étendue des droits et la situation
juridique au Québec, que ce soit au niveau, par exemple, d'une interruption
volontaire de grossesse ou même du type de congés qui peuvent être accordés à
une personne, il y a à peu près peu ou pas de pays qui offrent le même type de
garanties et de protections. Alors, pour protéger les droits des femmes, est-ce
que c'est quelque chose qu'on devrait interdire ou restreindre vraiment
davantage? Parce que je ne vois pas comment, sincèrement, le gouvernement va
être capable de trouver un équivalent ailleurs.
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, peut-être... juste pour fournir certains éléments de réponse, puis
peut-être ma collègue pourra compléter, c'est vraiment pour vous dire, encore
une fois, la position de la commission eu égard à ces genres de convention là,
c'est, encore une fois, d'assurer des garanties minimales. Maintenant, dans
l'application ou dans l'effectivité, il ne faut pas non plus présumer de l'État
du droit ou l'évolution de d'autres sociétés ou de conditions. Donc,
effectivement, l'important, c'est de prévoir, au Québec, des règles très
claires, très explicites qui viennent donner des garanties que l'État avec
lequel il y a convention, bien, il respecte ces éléments-là, sans en faire une
interdiction formelle comme il existe dans d'autres juridictions. C'est ce
qu'on comprend de l'intention du législateur. Et donc, pour la commission, tant
et aussi longtemps que ces éléments-là et ces garanties-là sont respectés et
que l'on a cette robustesse-là réglementaire, comme prévu dans le projet de loi
actuel, bien, nous, on s'est déclarés en accord avec ces éléments-là, toujours
en assurant cet équilibre-là. Puis peut-être ma collègue peut compléter.
Mme Pierre (Myrlande) : Bien,
pour compléter, je dirais, tout en restant à l'affût de tout type d'écarts qui
peuvent exister, donc, particulièrement dans les situations suivantes, je vais
en énumérer quelques-unes, par exemple les États autorisant la GPA commerciale,
par exemple, auquel cas le gouvernement devrait être en mesure de s'assurer de
pouvoir faire respecter et de surveiller l'application de son cadre légal
prévoyant une GPA à titre gratuit, par exemple les États qui ne respectent pas
le droit à l'autonomie procréative des femmes, auquel cas les femmes ou, bien,
les personnes porteuses pourraient se voir contraintes d'accepter des risques
inacceptables pour leur santé sans pouvoir obtenir des soins appropriés ou
prendre les décisions qu'elles estiment nécessaires, dont l'interruption, par
exemple, volontaire de grossesse.
Un autre élément qui devrait aussi être
une préoccupation, prenons, par exemple, les États dont l'économie est
émergente, je l'ai mentionné précédemment, auquel cas les inégalités
économiques importantes pouvant exister entre les parties sont susceptibles de
placer la femme ou la personne en situation de vulnérabilité et de l'exposer à
des pressions financières au mépris de ses droits. Donc, nous, on voudrait
vraiment porter ces éléments à votre attention dans le cadre de cet exercice,
ce qui nous apparaît vraiment fondamental pour <assurer l'égalité...
Mme Pierre (Myrlande) :
...au
mépris de ses droits. Donc, nous, on voudrait vraiment porter ces éléments à
votre attention dans le cadre de cet exercice, ce qui nous apparaît vraiment fondamental
pour >assurer l'égalité réelle pour ces femmes, parce qu'il peut y avoir
un déséquilibre, en termes de pouvoir économique et situations particulièrement
vulnérables, pour des femmes qui se retrouvent, justement, dans des économies
émergentes. Alors, voilà.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup,
M. le député. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, pour une période de 3 min 18 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. D'abord, merci de l'accueil, chers collègues. J'avais davantage
l'habitude d'être à l'autre bout de la table, donc ça va être très différent
cette fois-ci, mais merci de votre accueil. Merci à la commission. Merci, Me
Tessier, Mme Pierre, Me Montminy et M. Blouin, merci de votre
présentation.
J'aurais une question à la suite de votre
mémoire. En fait, dans le mémoire, vous parlez, dans le cadre d'une GPA,
évidemment, d'une convention préalable de GPA telle qu'on la connaît, telle que
proposée. Vous, vous proposez d'avoir un mécanisme indépendant en cas de
contrôle... en fait, en cas de désaccord sur les indemnités remboursables.
Comment on assure le consentement complet et permanent de la mère dans la
convention si, finalement, il y a une décision qui est imposée par un mécanisme
indépendant? Je me demande comment on va balancer ça. Et, si, finalement, s'il
y a un désaccord, est-ce qu'il n'y a pas perte de consentement? Et donc quel
est l'impact de cette potentielle discorde?
M. Tessier (Philippe-André) :
C'est une excellente question pour une... Donc, bienvenue, effectivement,
vous aussi, en commission parlementaire, M. le député. Donc, essentiellement,
ce qu'on veut juste remettre en lumière, on s'entend que, dans la convention,
la résiliation unilatérale est toujours possible également, donc il y a des
éléments. Cela dit, il faut aussi prévoir les cas de désaccord, et ce qu'on
constate, c'est que, généralement, lorsqu'il y a... on regarde un peu les
différents mécanismes qui existent à... quand on fait de l'exercice comparé, on
voit qu'il y a souvent, peut-être, des fois, des éléments ou des mécanismes de
contrôle qui sont mis en place pour régir ces potentiels désaccords sur les
frais, pas sur le consentement ou sur la participation, hein? Mais vraiment,
encore une fois, nous, on revient sur les frais raisonnables, ce sur quoi la Rapporteuse
spéciale des Nations-Unies s'est prononcée en faisant ses constats à travers le
monde, et donc c'est là-dessus qu'on attire l'attention du législateur.
Comme on le sait, malheureusement, des
fois, les meilleures parties du monde, les meilleures conventions du monde
entraînent malheureusement des litiges. Il faut prévoir, potentiellement, ces
cas-là en ce qui a trait aux frais.
M. Cliche-Rivard : Et,
j'imagine, vous avez une idée, vous parlez d'arbitrage, vous parlez d'envoyer
ça à la Cour supérieure. Qu'est-ce que vous avez comme idée à ce niveau-là?
M. Tessier (Philippe-André) :
Encore une fois, ce n'est pas le rôle de la commission de recommander des
mécanismes. Ce qu'on dit, c'est qu'effectivement il en existe différents.
L'idée, encore une fois, on veut que ces mécanismes-là soient simples, souples
et accessibles aux parties.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Vaudreuil,
s'il vous plaît.
Mme Nichols : Oui, merci,
M. le Président. Bienvenue parmi nous à notre nouveau collègue. Je lui assure
que le bout de la table est quand même très agréable, bien qu'on a moins de
temps pour intervenir, mais, bon.
Une voix : ...
Mme Nichols : Oui, oui,
il n'en tient qu'à moi de me... enfin, bon, c'est un autre sujet. Je n'ai pas
beaucoup de temps, je vais faire ça rapidement, ça pourrait être plus long.
Juste par rapport à la recommandation n° 1, le
droit à la connaissance, à la connaissance des origines de l'enfant né d'un
projet parental, là, d'une GPA, je n'étais pas certaine d'avoir compris quelle
était la recommandation, parce qu'hier on a eu Me Brown, là, qui nous a parlé
qu'elle avait fait vraiment, là, beaucoup, des milliers, des milliers de
conventions. Vous, comment vous voyez ça? Où on pourrait contenir ces
informations-là? Parce qu'évidemment il y a beaucoup de données qui restent
confidentielles.
• (12 heures) •
M. Tessier (Philippe-André) :
Peut-être, je vais céder la parole à ma collègue, mais simplement pour vous
dire qu'il n'est pas de la prétention de la commission d'agir ici en tant
qu'experts en droit familial. Notre expertise, c'est la conformité avec la
Charte des droits et libertés de la personne. Cela dit, je passe la parole à ma
collègue.
Mme Montminy (Karina) : Si
je comprends bien, peut-être que vous référez, à ce moment-là, à notre première
recommandation qui était dans le projet de loi n° 2, et il nous semble que
nous ne sommes pas revenus sur cette recommandation précisément, puisqu'elle
nous semble avoir été répondue, on semble y avoir répondu dans le projet de loi
n° 12. Donc, pour nous, il y avait un des scénarios qui n'était pas
couvert, là, par le projet de loi n° 2, et on estime que, là, avec la
nouvelle formulation et l'ajout qui a été fait par le projet... dans le projet
de loi n° 12, cette recommandation-là n'était plus... avait été...
Mme Nichols : Bien, c'est
un sujet qui est revenu quand même hier, là, quand on parlait, là, des informations
qui pourraient être contenues dans la convention, de rendre les conventions
accessibles parce qu'il y a <beaucoup d'information...
>
12 h (version révisée)
< Mme Montminy (Karina) :
...cette
recommandation-là, là, n'était plus... avait été...
Mme Nichols :
Bien,
c'est un sujet qui est revenu quand même hier, là, quand on parlait, là, des
informations qui pourraient être contenues dans la convention, de rendre les
conventions accessibles parce qu'il y a >beaucoup d'information. Ça fait
que je comprends que votre position reste... Oui, là, j'ai coupé, hein?
Mme Montminy (Karina) : Ah!
OK, je viens de... Oui, c'est sur la confidentialité des informations qui
pourraient être transmises, à ce moment-là, au Directeur de l'état civil, par
exemple, je pense, qu'est-ce qui a été question. Sur cette question-là
précisément, on s'est... on ne s'était pas prononcés, toutefois, sur... Mais on
peut rappeler, toutefois, là, rapidement, qu'il y a toujours l'article 5
de la charte qui doit prévaloir, c'est-à-dire s'assurer du respect au droit de
la vie privée de toute personne et de faire... de s'assurer qu'en conséquence
il y ait toujours des mécanismes et des règles d'encadrement pour éviter toute
situation où il pourrait il y avoir des atteintes.
Mme Nichols : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, merci
beaucoup d'avoir été avec nous, c'est très, très, très apprécié. Puis on se dit
à bientôt, bien sûr.
Alors, cela dit, je suppose les travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 02)
(Reprise à 12 h 04)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Alors, il nous fait plaisir de recevoir la
Pre Isabel Côté, Chaire de recherche du Canada sur la procréation pour
autrui et liens familiaux, Département de travail social, Université du Québec
en Outaouais.
Alors, merci beaucoup. Donc, la parole est
à vous pour 10 minutes. Après ça, on aura une période d'échange avec les
membres. La parole est à vous, maître... professeure.
Mme Isabel Côté
Mme Côté (Isabel) : Parfait.
Je vous remercie beaucoup. Je vous remercie beaucoup de l'invitation qui nous a
été faite, à mon collègue et moi, de venir partager nos réflexions, là, sur le PL
n° 12. Je dis «mon collègue et moi», comme vous constatez, il n'est pas là
parce que, malheureusement, nos collègues de l'Université Laval sont toujours
en grève. Néanmoins, les réflexions que je présente aujourd'hui sont le fruit
du travail que l'on conduit ensemble depuis une dizaine d'années maintenant,
des publications que nous avons en commun. Puis c'est la même chose pour le
mémoire qui a été déposé, là, c'est le fruit, vraiment, de nos travaux communs.
Donc, aujourd'hui, pour situer juste
brièvement nos expertises, le Pr Lavoie et moi conduisons des travaux
sur... qui visent, en fait, à documenter l'expérience des personnes dont les
enfants sont issus de la procréation pour autrui. Dans le cadre de nos travaux,
on s'intéresse à l'ensemble des parties concernées, à savoir les donneurs et
les donneuses de gamètes, évidemment les femmes porteuses, on s'intéresse aussi
aux parents d'intention, mais aussi on s'intéresse aux enfants, ce qui est
particulièrement novateur, là, puisqu'il y a très peu d'études qui sont
conduites sur ces enfants-là, actuellement.
Donc, aujourd'hui, je vais attirer votre
attention sur cinq éléments particuliers au moment de mon... de ma
présentation, outre ce qu'il y a dans mon rapport. Tout d'abord, sur les
conditions préalables à l'établissement de... de la filiation, ensuite sur l'habilitation
des professionnels qui vont intervenir dans ce champ, sur l'importance de
circonscrire le rôle des agences, sur la question des origines aussi et
finalement sur l'importance de soutenir la recherche.
Donc, tout d'abord, concernant les
conditions préalables, nous saluons le fait que le projet de loi n° 12
propose un processus formalisé qui oblige les parties à rencontrer un
professionnel du domaine psychosocial préalablement à la mise en oeuvre d'une
grossesse pour autrui. Néanmoins, nous pensons qu'une simple rencontre
d'information, tel que libellé actuellement, s'avère insuffisante pour créer
les conditions nécessaires pour bien accompagner les <personnes...
Mme Côté (Isabel) :
...néanmoins,
nous pensons qu'une simple rencontre d'information, telle que libellée
actuellement, s'avère insuffisante pour créer les conditions nécessaires pour
bien accompagner les >personnes impliquées dans un projet de GPA. En effet,
une simple rencontre d'information risque de conduire à la mise en place d'une
pratique standardisée qui propose un modèle générique visant à cocher une liste
d'éléments à couvrir avec la femme porteuse et les parents d'intention, et ce,
sans égard aux besoins spécifiques de chacune des parties, lesquelles vont
différer, évidemment, en fonction des contextes. Il importe donc que les
conventions ne soient pas formatées sur un modèle unique.
Ici, nous saluons le fait que chaque
partie soit vue séparément. Nous pensons qu'il importe de compléter le
processus par une mise en commun des discussions qui vont avoir été tenues de
part et d'autre. En effet, nos recherches et les recherches conduites sur le
sujet de la GPA indiquent que c'est le développement d'une vision commune qui
constitue la meilleure façon d'éviter les malentendus, désaccords ou
déceptions. Enfin, plus qu'une simple... plutôt qu'une simple attestation, nous
proposons que les professionnels doivent fournir un rapport qui va détailler
les aspects éthiques, relationnels et sociaux qui auront été négociés et qui
pourront ensuite être enchâssés dans la convention.
Ça me conduit au deuxième élément, soit
l'habilitation des professionnels qui vont intervenir dans ce champ-là. Nous
recommandons que seuls les membres de l'Ordre des psychologues et l'Ordre des
travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec soient
habilités à faire ces rencontres-là. Et ça, c'est tout à fait conforme... en
conformité, en fait, avec l'article 10.2 de la Loi sur les activités
cliniques de recherche en matière de procréation assistée, qui stipule déjà,
là, que seuls les membres de ces deux ordres-là peuvent évaluer les personnes,
là, en vue des rencontres psychosociales préalablement au don de gamètes.
Actuellement, par contre, il faut savoir
qu'aucun cursus universitaire en travail social ou en psychologie n'offre de
formation approfondie sur les enjeux liés à la procréation pour autrui. C'est
pourquoi nous jugeons essentiel pour les professionnels du domaine psychosocial
de détenir une certification pour éviter, évidemment, que n'importe qui
s'improvise spécialiste de la GPA, ce qui irait, évidemment, à l'encontre de
l'objectif visé.
Par ailleurs, il importe, à notre avis,
que les professionnels qui vont intervenir et les notaires soient dans
l'obligation d'exercer de manière indépendante et autonome des agences... des
agences de GPA ou des cliniques de fertilité, et cette mesure va permettre, à
notre avis, d'assurer l'expression du consentement libre et éclairé de la femme
porteuse et d'éviter que les parents d'intention, qui vont être, évidemment,
considérés comme les clients de ces cliniques ou agences-là, soient favorisés à
son détriment.
Et donc ça me conduit au troisième
élément, l'importance de circonscrire le rôle des agences privées oeuvrant dans
le domaine de la GPA. Le laisser-faire qu'on observe ailleurs au pays,
notamment en Ontario, n'est absolument pas le modèle à suivre. D'ailleurs,
depuis le dépôt du PL n° 2, on a constaté la mise en oeuvre, le
développement d'offres de service pour faciliter ou pour mettre... faciliter,
en fait, les ententes de GPA, offres de service qui sont conduites, qui sont
mises en plan, par exemple, par des personnes concernées, c'est-à-dire : Moi,
j'ai déjà eu des enfants par GPA, donc j'ouvre une agence, là, pour aider les
gens qui veulent avoir des enfants par GPA, donc on peut présumer que les
compétences professionnelles de ces personnes-là sont sujettes à caution.
• (12 h 10) •
Donc, il faut savoir aussi que, dans le
champ des professions en santé mentale, le Québec s'est doté, à la fin des
années 2000, d'une loi visant à encadrer l'exercice de la psychothérapie
en réaction à ce qui était jugé, à l'époque, comme le far west de la
psychothérapie, où n'importe qui pouvait s'improviser psychothérapeute, avec
les conséquences, évidemment, qu'on sait pour les personnes qui les consultaient.
Donc, on pense que de manière autonome... pardon, de manière analogue, Québec
doit réfléchir au rôle des intermédiaires privés et encadrer leurs services
pour s'assurer de la qualité des services offerts et ainsi, évidemment, mieux
protéger le public.
Concernant la question des origines, il
importe de faire la différence entre l'anonymat et le secret lorsqu'il est
question des origines. Pour que l'enfant conçu par don puisse se saisir de son
droit à connaître ses origines, il faut deux éléments : le premier, qu'il
sache qu'il soit né par un don de gamètes et, ensuite, que les informations
concernant le donneur ou la donneuse soient disponibles lorsqu'il les demande.
Donc, si nous nous réjouissons que l'article 542.2 donne la pleine
latitude aux parents quant à la divulgation, il importe néanmoins que des
mécanismes soient mis en place pour les soutenir. Actuellement, les parents qui
veulent avoir des enfants grâce à un don de gamètes doivent rencontrer une
personne préalablement au don. Et au moment de cette rencontre-là, c'est bien
avant que l'enfant soit conçu, donc, les parents reçoivent des informations,
lesquelles varient en fonction des intervenants consultés. Et là, bien, une
fois que l'enfant est né, c'est là que toutes les craintes et les
questionnements concernant la divulgation émergent. Et on sait déjà que plus on
a des craintes par rapport au dévoilement, moins il y a de chances qu'on
dévoile rapidement, et plus on dévoile tardivement, plus ça a un impact négatif
<sur les enfants, évidemment...
Mme Côté (Isabel) :
...dévoilement,
moins il y a de chances qu'on dévoile rapidement. Et plus on dévoile
tardivement, plus ça a un impact négatif >sur les enfants, évidemment.
Un autre élément qu'on sait aussi, c'est
que, quand on ne sait pas comment faire, bien, puis qu'on retarde le
dévoilement, on reste pris dans ce secret-là, et là on ne sait pas trop comment
s'en sortir. Donc, c'est pourquoi on propose que les parents puissent avoir
jusqu'à trois rencontres gratuites offertes par une personne habilitée suite à
la naissance de l'enfant pour les aider à discuter de la question des origines
si les parents rencontrent, évidemment, des enjeux par rapport à ça. J'en
profite, encore une fois, pour réitérer l'importance d'avoir des intervenants
habilités et certifiés à intervenir dans ce champ-là pour éviter, encore une
fois, que n'importe qui s'improvise spécialiste de ces enjeux qui sont très
délicats.
En ce qui concerne plus spécifiquement
l'accès aux origines, en fait, le fait de ne pas avoir accès à des informations
nominatives concernant le tiers donneur malgré le droit de connaître les
origines est perçu comme étant particulièrement frustrant et douloureux pour
les personnes concernées. Actuellement, on a un projet en cours, là, qui porte
sur les personnes qui ont appris à l'âge adulte avoir été issues d'un don de
gamètes et qui cherchent des... les informations concernant leur donneur et qui
n'ont pas accès à ces informations-là, même dans un contexte où, par exemple,
ils viennent d'un pays qui a aboli... bien, en fait, qui a donné un droit aux
origines. Pourquoi? Parce que, dans certaines juridictions comme la nôtre, ici,
bien, on fait... devant l'absence de donneurs locaux, on doit importer du
sperme des banques états-uniennes, et quand on importe le sperme des banques
états-uniennes, bien, on a le choix d'avoir des donneurs à identité ouverte ou
des donneurs à identité fermée. Or, certaines juridictions qui ont donné un
droit aux origines, notamment, par exemple, l'Angleterre, et qui doivent
importer du sperme des États-Unis interdisent absolument l'importation de
donneurs à identité fermée, donc seulement le donneur à identité ouverte est
permis. Et c'est pourquoi nous recommandons que, pour avoir... donner un réel
droit aux origines aux personnes conçues par don, seuls les dons à donneur à
identité ouverte soient permis. De toute façon, c'est illusoire de penser que
l'anonymat est viable à long terme, là, considérant la multiplication des tests
d'ADN ou les sites de généalogie en ligne.
Enfin, le dernier aspect que je veux
porter à votre attention est l'importance de soutenir la recherche sur ces
enjeux-là. Dans notre mémoire, nous avons identifié certaines pistes de
recherche qui ont en commun de mieux documenter les réalités des personnes
concernées, notamment les enfants, sur lesquels il y a très peu de recherche
actuellement, d'évaluer la pertinence des mesures mises en place de sorte à
améliorer les pratiques d'intervention, les programmes de formation et les
politiques publiques. Le soutien à la recherche s'avère fondamental pour que
cela puisse s'appuyer sur des bases scientifiques solides dans un souci de
favoriser le mieux-être des enfants, des femmes porteuses, des donneurs,
donneuses de gamètes et des parents d'intention. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment, Pre Côté. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
bonjour, Mme Côté, heureux de vous retrouver en commission parlementaire — on
se voit une fois par année — alors, bienvenue. J'aimerais ça
qu'on continue sur votre propos relativement à l'identité du donneur :
identité ouverte, identité fermée. Nous, ce qu'on prévoit dans le projet de
loi, c'est que, lorsque l'information est disponible, on doit la rendre
disponible pour l'enfant qui est né par la procréation assistée.
Puis, corrigez-moi, si je comprends bien
votre propos, là, vous, vous dites : Ça devrait être uniquement des
donneurs ouverts. Il y a beaucoup de gens au Québec qui ont recours à des
banques américaines, et là notre législation... la portée de notre législation,
elle est limitée, extraterritorialement. Comment on va faire ça? Est-ce que ça
ne va pas faire en sorte que les Québécois n'auront plus vraiment accès à
cette... à ces banques de sperme là ou à ces banques d'ovules, si on exige que ce
soient uniquement des donneurs avec des données ouvertes?
Mme Côté (Isabel) : Pas
nécessairement parce que, en fait, l'ensemble des banques offrent des dons, que
ce soit... On a le choix, hein, on peut choisir un donneur à identité fermée,
un donneur à identité ouverte. Une recherche que je conduis sur
36 familles, on constate que c'est les parents, en fait, hétérosexuels qui
sont beaucoup plus réticents aux données... aux donneurs à identité ouverte, là,
alors, aucun d'entre eux n'avait choisi un donneur à identité ouverte. Et, si
les mères le regrettaient maintenant, les pères étaient très contents que ça
reste à identité fermée, alors que les couples... les couples lesboparentaux ou
les femmes soloparentales avaient, elles, choisi majoritairement des donneurs à
identité ouverte. Donc, on peut importer des banques états-uniennes des
donneurs qui acceptent que des données nominatives les concernant soient
disponibles, là, à partir de l'âge de 18 ans, comme on peut même laisser à
la discrétion de la clinique, ce que plusieurs des parents hétérosexuels qu'on
a rencontrés ont fait, là, la liberté de choisir à leur place le donneur et
d'exiger un donneur à identité fermée ou, en tout cas, avec le moins
d'informations possible le concernant. Donc, par exemple, si on prend
l'Angleterre, ce qu'ils ont fait en Angleterre... bon, c'est sûr que, là, c'est
régi, là, au point de vue fédéral, sauf que, quand, par exemple, des parents
utilisent un donneur <d'une banque états-unienne...
Mme Côté (Isabel) :
...ce
qu'ils ont fait en Angleterre, bon, c'est sûr que, là, c'est régi, là, au point
de vue fédéral, sauf que quand, par exemple, des parents utilisent un donneur >d'une
banque états-unienne, bien, seuls des donneurs à identité ouverte sont mis à la
disponibilité des parents.
M. Jolin-Barrette : OK.
Puis il n'y a pas d'enjeu que les banques se vident?
Mme Côté (Isabel) : Bien,
en fait...
M. Jolin-Barrette : Dans
le fond, je dirais, la... est-ce que la disponibilité de la ressource va être
garantie? Je vais dire... je vais dire ça comme ça.
Mme Côté (Isabel) : Malheureusement,
c'est en dehors de ma sphère de compétence.
M. Jolin-Barrette : Non,
mais on fait des blagues, là, mais au Québec puis au Canada, les banques sont
peu garnies parce que... la vérité, parce que ce n'est pas rémunéré.
Auparavant, c'était rémunéré, il y avait plus de gens qui fournissaient du
matériel génétique, qui contribuaient. Il y a fort probablement un lien
là-dedans. Aux États-Unis, ça peut être rémunéré, donc...
Mme Côté (Isabel) : En
fait, c'est une excellente question. Il y a certaines études qui ont été
conduites en... au Danemark, par exemple, où on s'est aperçu qu'il y avait une
très grande baisse de dons de sperme de personnes danoises, et donc on
importait du sperme états-unien. Et là les Danois ont décidé de riposter en
publicisant, si on veut, l'importance de donner puis de rendre ça un petit peu
plus, comment je pourrais dire, je ne veux pas dire de... banal, en fait, de
banaliser le don, et tout ça, le recours au don, ce qui a fait en sorte que les
banques ont pu se rétablir beaucoup en misant, c'est vrai, sur l'identité
danoise, là, les... ça été fait avec beaucoup d'humour, et on a vu une
augmentation des dons.
Est-ce que c'est parce que les donneurs ne
sont pas rémunérés qu'il y a une baisse? Bon, il y a plusieurs... il y en a qui
disent oui, il y en a qui disent non. Considérant l'offre non négligeable de
dons de sperme qui se transigent sur les réseaux sociaux, on peut se demander
pourquoi ces hommes-là préfèrent les réseaux sociaux plutôt que d'aller en
clinique. Bien, une des hypothèses qu'on a, c'est parce qu'ils ne correspondent
pas aux profils. Ils sont, par exemple, un peu trop vieux, ou des trucs comme
ça, ou les cliniques sont trop loin de leur résidence, ou encore parce que,
justement, c'est anonyme et ça ne leur convient pas. Des petites études à petit
échantillon, là, justement, que Kévin et moi, on a conduit, bien, ça démontrait
que l'idée pourquoi on passait par le biais des réseaux sociaux, c'était entre
autres pour ça.
Donc, est-ce que ça va avoir pour effet de
diminuer l'offre, la disponibilité des donneurs à identité ouverte si tout le
monde veut ça? Je ne le sais pas. Mais peut-être aussi que ça va inciter les
banques à beaucoup plus, comment je pourrais dire, informer les donneurs de
l'importance eux-mêmes d'être à identité ouverte.
D'ailleurs, une autre recherche, une autre
recherche que je conduis, actuellement, avec une stagiaire postdoctorale sur
des donneurs qui avaient donné à identité fermée voilà 20, 30 ans et qui
ont été retrouvés, actuellement, par des personnes issues de leurs dons grâce
aux sites de généalogie en ligne, bien, ces hommes-là, ce qu'ils nous disent,
c'est qu'ils regrettent d'avoir fait des dons à identité fermée, en fait, et
que maintenant qu'ils sont père, maintenant qu'ils ont vieilli, maintenant
qu'ils qui ont été sensibilisés à ces enjeux-là, bien, avoir su, ils auraient
donné à identité ouverte, là, davantage.
M. Jolin-Barrette : Vous
avez dit, tout à l'heure : Chez les couples hétérosexuels, beaucoup
d'hommes préfèrent avoir un donneur à identité fermée. Pouvez-vous expliquer le
phénomène? Pourquoi?
• (12 h 20) •
Mme Côté (Isabel) : Bien,
pour plusieurs raisons. Je vous dirais parce que, évidemment, la question de la
stérilité masculine, ça reste un enjeu important. Ça reste un enjeu qui est
très stigmatisant aussi, puis je pense que les hommes ont peu d'espace pour
discuter de ça, même entre eux, l'infertilité. Les femmes en parlent beaucoup.
Sur les groupes de soutien, on voit beaucoup de femmes qui vont là, même pour
parler de leur conjoint, alors qu'eux-mêmes sont très peu présents. Alors, les
hommes que j'ai rencontrés, qui, eux, dédramatisaient effectivement leur
stérilité, étaient beaucoup plus à même d'avoir choisi... d'avoir voulu choisir
un donneur à identité ouverte, mais cette fois-là, dans cette situation-là,
c'est la conjointe qui avait fait obstacle à ça. Ça, c'est une des raisons.
L'autre raison, c'est parce qu'on ne sait
pas trop comment s'y prendre. Est-ce que cette personne-là va venir prendre ma
place, en fait? Est-ce que cette personne-là va être valorisée plus que moi
dans la vie de mon enfant? La question des mots aussi. Ces hommes-là sont
souvent mêlés parce que, souvent, on va utiliser le mot «père» pour parler d'un
donneur, alors que, bon, ce n'est pas un père, évidemment.
Donc, c'est assez complexe, je vous
dirais, mais je pense que c'est, entre autres, parce que ces blessures-là sont
importantes.
M. Jolin-Barrette : OK.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous,
vous recommandez qu'une mère porteuse ait déjà eu des grossesses préalables.
Pourquoi?
Mme Côté (Isabel) : Oui.
Bien, tout simplement parce que les données disponibles que nous avons,
actuellement, semblent démontrer que, bien que ce soit un phénomène très rare,
il peut quand même y avoir des enjeux liés, par exemple, à l'accouchement, des
enjeux qui peuvent avoir des impacts futurs sur la fertilité de la femme, bon,
dont une méta-analyse, là, que j'ai citée dans le mémoire. Donc, par mesure de
prudence, je... on propose, là, que les femmes aient pu avoir une expérience de
grossesse <préalable...
Mme Côté (Isabel) :
...la
fertilité de la femme, bon, dont une... une méta-analyse, là, que j'ai citée
dans le mémoire. Donc, par mesure de prudence, je... on propose, là, que les
femmes aient pu avoir une expérience de grossesse >préalable.
Aussi, souvent, les grossesses, on peut présumer
que ça va être quelque chose d'idyllique, de vraiment... qu'on va être contentes,
tu sais, les images qu'on nous envoie des femmes enceintes, c'est toujours ça,
hein, des femmes heureuses qui se frottent la bedaine avec des belles images
d'Épinal. Puis il y a des femmes qui découvrent qu'une fois enceintes, bien,
c'est plus difficile qu'elles pensaient, c'est moins agréable qu'elles pensaient
aussi. Donc, par mesure de prudence, c'est la raison pour laquelle, là, on
préconise une grossesse préalable.
M. Jolin-Barrette : Une
sous-question. Mais, d'un autre côté, si l'État fait ça, on vient enlever un
peu une autonomie à la femme, de dire : Qu'est-ce que je fais avec mon
corps, j'ai le droit de disposer de mon corps comme je le veux aussi, donc
l'État, vient, en quelque sorte, contrôler. Qu'est-ce que vous faites avec cet
argument-là?
Mme Côté (Isabel) : C'est
un excellent argument. Effectivement, il y a une incongruence avec ça puis un
peu ce que je parle un peu plus loin sur l'importance de respecter l'autonomie
reproductive des femmes, j'en suis consciente. Toutefois, je me dis, bien, si,
par exemple, suite à un accouchement pour autrui, ça résulte à... le fait qu'on
ne puisse plus porter un enfant pour soi par la suite, c'est par mesure de
prudence, là, de préconiser cette mesure-là.
M. Jolin-Barrette : OK.
Je vous remercie pour votre présence en commission.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Oui, merci
beaucoup. J'aimerais vous entendre sur le règlement sur le remboursement que
pourrait recevoir une femme porteuse. Vous parliez également du fait qu'elle
n'a pas à prendre ses propres congés pour le projet des parents d'intention, puis
on ne veut pas non plus que ce soit en fonction de la générosité des parents
d'intention qu'elle soit rémunérée. C'est quoi, votre position? Qu'est-ce qui
serait le mieux, selon vous?
Mme Côté (Isabel) : Bien,
tout d'abord, elle ne sera pas rémunérée, ça, c'est certain, donc c'est quelque
chose qui est clair. Nous, ce qu'on propose, c'est qu'on s'enligne sur les
règlements fédéraux, là, sur... en matière de procréation assistée pour
déterminer les dépenses, mais qu'il y ait aussi des maximums, des minimums
prévus, là, par règlement pour, justement, éviter, là, qu'il y ait une
disparité très grande entre différents parents et différentes femmes porteuses.
Pour les congés, je vais vous expliquer
pourquoi, c'est tout simplement parce que... et puis il va falloir amender,
c'est plus complexe que ça. Je donnais, justement, une conférence là-dessus à
des groupes syndicaux, les... Il va falloir amender probablement d'autres lois
parce que, quand on est conventionnés, nos congés de maladie, il faut qu'on les
prenne avant d'exiger du sans-solde. Donc, ça fait en sorte que, des fois,
bien, s'il faut aller à des rendez-vous... Par exemple, moi, je suis en
Outaouais. Donc, si on a une femme porteuse de l'Outaouais, elle doit se rendre
à Montréal. Bon, l'aller-retour plus le suivi, on a une journée de travail de
perdue. Puis que la petite dernière manque une semaine d'école parce qu'elle a
une grosse gastro carabinée, bien, à la fin, on se ramasse qu'on a pris des
congés pour ça puis qu'on n'en a plus. Donc, pour moi, c'est important que tous
les jours qui doivent être pris en vue du projet soient rémunérés par... bien,
soient remboursés, compensés à côté, de telle sorte à ne pas qu'elle ait à
piger dans sa propre banque, là, à elle de congés.
Mme Bourassa : Encore
une fois, j'aimerais vous entendre sur le fait que la mère porteuse doit
être... la femme porteuse doit être la seule à pouvoir décider pendant la
grossesse de son alimentation, de son style de vie, du sport qu'elle va faire.
Vous, vous aimeriez que ce soit plus réglementé, plus encadré, là.
Mme Côté (Isabel) : Oui,
exactement, que ce soit clairement identifié dans les conventions. Pourquoi?
Parce qu'actuellement on constate que ce ne l'est pas. Et d'ailleurs les
agences qui remettent des contrats formatés, nous, on en a vu plusieurs que des
parents d'intention nous remettaient ou des femmes porteuses nous remettaient.
Premièrement, ces contrats-là, les parents d'intention ne les comprenaient pas
et ils se retrouvaient avec toutes sortes d'impératifs, comme dans une
situation, par exemple, la femme porteuse n'avait pas le droit de boire des
boissons gazeuses sucrées. Puis là j'ai demandé aux parents d'intention :
Mais pourquoi? Mais je ne sais pas, c'était dedans, là, tu sais. Être obligée
de ne pas pouvoir manger de fast-food, ne pas faire de moto, ne pas prendre ses
enfants dans ses bras pour ne pas risquer de fausse couche, je veux dire, à un
moment donné...
Donc, dans ce... Puis ces contrats-là ont
été quand même effectués par des personnes du milieu juridique, là. Donc, il
faut quand même que ce soit clairement mentionné, en termes d'autonomie, dans
les actes conventionnés, là, qu'il n'y a rien qu'on peut dire pendant la
grossesse de la femme, ne serait-ce aussi en termes de ses propres soins de
santé ou même son désir de mettre fin à la GPA.
Donc, les parents, dans les rencontres
préalables qu'on va avoir avec des intervenants certifiés, j'en suis certaine,
vont pouvoir discuter préalablement de ça, que le... si on est... on a un
besoin de contrôle absolu sur la grossesse de quelqu'un d'autre, peut-être que
ce type de projet là, ce n'est pas pour nous.
Mme Bourassa : J'ai-tu
encore un peu de temps? Merci. Parce que c'est vrai que ça nous éclaire, votre
expérience, et il y a certains détails qui sont assez intéressants.
J'aimerais parler de la communication,
parce que c'est sûr que, si c'est nouveau, il faut vulgariser. Vous parliez,
justement, qu'il faut mettre les informations disponibles à l'intention des
parents puis des deux parties. Il y a un projet de recherche qui serait prévu
pour documenter, justement, ce phénomène qui est encore un peu souterrain <pour
l'instant...
Mme Bourassa :
...des
deux parties. Il y a un projet de recherche qui serait prévu pour documenter,
justement, ce phénomène qui est encore un peu souterrain >pour
l'instant. Mais qu'est-ce que vous voyez dans cette campagne de promotion là, dans
ces outils? Qu'est-ce qu'il... Où est-ce qu'il faudrait afficher l'information?
À qui?
Mme Côté (Isabel) : Bien,
déjà, Éducaloi, je pense que... fait un très bon travail, là, de vulgarisation
juridique, mais qu'il y ait aussi des campagnes qui soient plus ciblées sur les
réseaux, sur les différents sites, actuellement, qui existent, sur les réseaux
sociaux en lien avec la procréation pour autrui, parce que, même à l'égard de
la loi n° 84 et les donneurs connus, par exemple, il y a énormément de
fausses informations qui circulent. Les gens comprennent peu leurs droits et
responsabilités par rapport à ça. Donc, à mon avis, je pense que ça mérite, là,
d'avoir plus de... c'est ça, de publicité là-dessus, là.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Merci. Mme la députée
de Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci, M.
le Président. Bonjour. Merci pour votre présence. Sur les agences, vous parliez
de votre... d'une... de votre position, vous avez abordé un certain
encadrement. Pouvez-vous développer davantage sur votre position des agences?
Mme Côté (Isabel) : Oui.
En fait, les agences sont là, nécessairement, souvent pour mettre... pour
discuter, justement, de ces situations-là avec les parents d'intention, avec
les femmes porteuses, ce que les intervenants en psychosocial vont faire, ils
sont là pour faire des conventions, ce que les notaires vont faire. Donc, ils
vont arriver à un intermédiaire supplémentaire qui, à notre avis, à ce
stade-ci, n'est peut-être pas si important que ça. Il va rester quoi comme
rôle? Bien, il va rester le rôle, un peu, d'entremetteur, ce qui est interdit
aussi par la loi fédérale.
Donc, à notre avis, c'est important
vraiment d'encadrer ça, parce que ce qu'on constate, c'est qu'il y a une très
grande disparité dans les différentes agences, il y a Me Brown, hier, qui en
parlait. Bon, il y a certaines agences qui fonctionnent d'une certaine façon, il
y en a d'autres qui fonctionnent n'importe comment. Et actuellement, comme je
vous disais, on voit déjà une offre de services très chère qui est disponible
sur les réseaux sociaux, bien, en tout cas, qui est offerte, là, alors que la
loi n'est même pas encore en place, pour, justement, soutenir les parents qui
veulent avoir des enfants par GPA, alors qu'on peut se demander : Mais
c'est quoi, les qualités professionnelles de ces personnes-là?
Donc, pour nous, évidemment, les agences
méritent d'être très circonscrites, même si, les femmes porteuses, il y en a
qui apprécient avoir des agences. Pourquoi? Notamment pour la question
financière du remboursement des dépenses parce qu'il y a quelqu'un qui va
médier ça. Donc, on n'a pas besoin d'avoir ces discussions-là avec les parents
d'intention, et donc juste à voir avec eux les aspects relationnels, ce qui les
intéresse davantage, d'ailleurs, ces femmes-là. Donc là, il y a le notaire qui
va faire cette... ce travail-là. Donc, c'est la raison pour laquelle, nous, on
propose, là, de les encadrer très strictement, là, au niveau de ce qu'ils
peuvent offrir comme services.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le
député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci,
M. le Président. Bonjour, Me Côté. Merci. Merci d'être là.
Pour continuer sur le même sujet de
l'encadrement, parce que, évidemment, il y a des parents d'intention, il y a la
femme porteuse, on veut respecter les droits de tout le monde, mais les parents
d'intention ont un projet, ils vont avoir à travailler, évidemment, à... avoir
un contrat, une convention avec la femme porteuse. Si jamais il y a des
conditions et que... dans la convention puis que la femme porteuse ne les
respecte pas et qu'il arrive quelque chose, par exemple, pendant la grossesse,
pour vous, les parents d'intention, à ce moment-là, est-ce qu'ils auraient un
recours? Comment ça va se régler? Est-ce qu'on va aller en médiation? Ça pose
un problème, visiblement, on ne veut pas tout interdire à la femme porteuse.
Donc, avez-vous réfléchi à ça? Est-ce qu'il y a des suggestions que vous pouvez
avoir pour nous dans un cas comme ça?
Mme Côté (Isabel) : Ne respecte
pas les ententes qui seraient, par exemple?
• (12 h 30) •
M. Morin : Bien, par
exemple, je ne sais pas, moi, il y a des... Dans la convention, on dit que la
femme porteuse ne peut pas faire tel, ou tel, ou tel sport, ça peut représenter
un danger, elle en fait pareil, et là il arrive... ou bien l'enfant a une
malformation ou il y a une interruption, là, de la grossesse. Donc, dans des
cas comme ça, dans vos études, c'est-tu des choses que vous avez rencontrées?
Qu'est-ce qui arrive dans ces cas-là?
Mme Côté (Isabel) : Bien,
en fait, ça devrait être complètement interdit d'avoir ça dans une convention.
Tout d'abord, nous, c'est ce qu'on propose, là, que ce ne soit pas du tout
mentionné.
Cela dit, il faut savoir que les femmes
porteuses qu'on a rencontrées, souvent, elles vont dire : Bien, tu sais,
c'est leur enfant, mais c'est ma grossesse. Elles ont eu des enfants
préalablement. Elles sont très soucieuses, évidemment, de prendre soin d'elles
pendant la grossesse pour s'assurer, évidemment, que le bébé se développe bien,
mais elles sont critiques par rapport à ces questions-là quand elles ont ce
type de demande là.
D'ailleurs, les projets de gestation pour
autrui qui se déroulent moins bien et qui ne persistent pas à long terme, les
recherches démontrent, notamment les nôtres aussi, c'est quand les parents sont
trop contrôlants pendant la grossesse, d'où l'importance d'agir en amont.
Maintenant, s'il y avait des conflits
pendant la grossesse, par exemple, ce qu'on peut constater, ce qu'on a constaté
dans nos recherches, il y a pairage qui se fait, les femmes porteuses
s'entendent super bien avec les parents d'intention, puis en cours de route,
pour une raison qu'on ne sait pas trop quoi, la relation semble, en tout cas,
se détériorer <légèrement...
>
12 h 30 (version révisée)
< Mme Côté (Isabel) :
...a
constaté dans nos recherches, il y a un pairage qui se fait, les femmes
porteuses s'entendent super bien avec les parents d'intention, puis en cours de
route, pour une raison qu'on ne sait pas trop quoi, la relation semble, en tout
cas, se détériorer >légèrement. Je pense que la personne qui était là au
départ, la personne habilitée qui les a rencontrées, de part et d'autre, qui a
fait une mise en commun, devrait pouvoir les rerencontrer à nouveau pour dire :
Bien, au début, on avait discuté de ça, qu'est-ce qui ne va pas?, dans une
optique de médiation pour assurer, effectivement, que ça aille mieux.
Par contre, une recherche dans laquelle je
participe avec des collègues canadiennes auprès de 174 femmes porteuses
démontre que 90 % ou 92 % d'entre elles disent avoir des relations
excellentes, très bonnes, bonnes après la naissance de l'enfant, là.
M. Morin : Bien. Puis,
dans les conventions, parce qu'il y a plusieurs personnes ou groupes qui nous
en ont parlé, évidemment, seriez-vous en faveur, en termes d'encadrement, qu'on
prévoie, par exemple, des assurances pour la femme porteuse...
Mme Côté (Isabel) : Bien
sûr.
M. Morin : ...ou qu'on
évite une relation, par exemple, employeur-employé avec la femme porteuse pour
que son consentement soit, évidemment, éclairé puis qu'elle ne sente pas de
pression? On sait que ça peut même être plus grave si, par exemple, des gens
ont des employés chez eux qui ont un statut précaire, que ce soit en
immigration ou autrement. Donc, votre... vos suggestions là-dessus?
Mme Côté (Isabel) : C'est
une excellente question. Oui, pour les assurances, évidemment, là, assurance
invalidité, assurance vie, c'est nécessaire, évidemment, aux frais des parents
d'intention.
Pour la question de l'employeur, je serais
un petit peu plus mitigée par rapport à ça. Évidemment, quand on parle d'aide à
domicile, là, on est au-delà de l'employeur, hein? La personne, elle a l'emprise
totale, hein? L'aide à domicile habite là, travaille là, je veux dire, là, on
est complètement ailleurs. Et la personne n'est pas non plus tout le temps
citoyenne canadienne. Donc, évidemment, pour moi, ce serait tout à fait
inapropos, là, d'avoir... inapproprié d'avoir une femme porteuse de cette...
dans ce contexte-là.
Par contre, dans le sens
employeur-employé, nous, on en a rencontré, dans des contextes syndiqués ou,
par exemple, travail pour le gouvernement fédéral, où une personne est... bon,
et ça ne pose pas nécessairement d'enjeu comme tel. On a même rencontré l'inverse
aussi, où une employeuse... en fait, une personne en situation hiérarchique
supérieure a agi comme femme porteuse. Donc, dans un contexte où, là, on aurait
des... la médiation au départ, je pense que le rôle de l'intervenant habilité — je
tape toujours sur le clou — puisse déterminer, effectivement, si on
est dans un contexte de consentement vicié, là.
M. Morin : Bien. Puis,
vous l'avez mentionné dans votre témoignage, c'est quand même un projet qui est
complexe, il y a une foule, évidemment, de choses dont on doit prendre en
considération. Des intervenants nous ont dit que ce ne serait pas une mauvaise
chose que les parents d'intention ou la femme porteuse obtiennent même un avis
juridique indépendant avant de s'engager dans la convention puis le processus
de gestation. Quelle est votre opinion là-dessus?
Mme Côté (Isabel) : Moi,
je pense que la multiplication des personnes qui sont susceptibles d'intervenir
dans le cadre de la mise en place d'un projet risque d'être plus problématique
qu'autre chose, si vous voulez mon opinion. Dans les cas de séparation, on a
déjà mis en place des processus de médiation où on travaille avec deux parties
qui sont en séparation, en conflit, et pourtant le processus fonctionne bien
pour beaucoup de personnes. Et là on n'est pas dans un contexte de conflit, donc
je pense que les personnes qui seraient, justement, aptes à faire ce genre de
rencontre là, le notaire qui est là pour les deux parties aussi, équitablement,
est suffisant. Cela dit, je doute fort que les personnes qui s'engageraient
là-dedans n'aient pas eux-mêmes le réflexe d'aller avoir un avis juridique, mais
ça, ce sera à leur discrétion, si on veut.
M. Morin : Écoutez, je
vous remercie, parce qu'en fait, ce qu'on a entendu, c'est que les gens n'ont
pas nécessairement ce réflexe-là non plus, alors donc, ce n'est pas évident.
Qu'est-ce que vous pensez de l'idée, par
exemple, d'avoir, de la part de l'État, après trois ans ou cinq ans d'adoption
de la loi, parce que, compte tenu de la majorité du gouvernement, on peut
penser que la loi va être éventuellement adoptée, on va essayer de la corriger
le mieux possible, mais, quand même, le résultat est un peu connu... qu'il y
ait dans la loi, véritablement, un protocole ou un processus d'évaluation pour
voir ce que ça fait puis que, là, on ait vraiment des chiffres, des
statistiques? Est-ce qu'une période de trois ans ou cinq ans... ou l'idée même
de ce que j'énonce, est-ce que, pour vous, c'est quelque chose qui serait
important pour la société québécoise?
Mme Côté (Isabel) : Bien,
tout à fait. C'est ce qu'on a écrit, d'ailleurs, dans le mémoire, là, l'importance
de financer la recherche là-dessus, notamment sur ce processus-là, pour savoir
si ça convient aux parties, si effectivement, par la suite, les femmes sont
plus outillées pour connaître leurs droits, si, à long terme, on s'aperçoit que
ça a créé une plus grande satisfaction à l'égard du processus, si le maintien <des
relations... sont maintenues...
Mme Côté (Isabel) :
...satisfaction
à l'égard du processus, si le maintien >des relations... sont maintenues
aussi, parce que, comme je vous le disais, c'est là qu'on sait si... c'est
quand la relation est harmonieuse que les relations se maintiennent à long
terme et que les enfants, même 20 ans plus tard... une recherche, là, qui
vient de sortir en mars 2023 sur une étude longitudinale, les enfants sont
rendus à 20 ans, et il y en a encore une grande partie d'entre eux qui ont
des contacts avec leurs femmes porteuses.
M. Morin : Parfait.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Pre Côté. Salutations au Pr Lavoie, je lui partage ma solidarité.
Dans votre mémoire, vous parlez de... vous
vous désolez, en fait, tous les deux, de l'absence du concept de pluriparenté
dans le projet de loi, mais vous n'en avez pas parlé aujourd'hui, donc j'aurais
peut-être voulu vous entendre sur la question.
Mme Côté (Isabel) : Bien,
à mon avis, c'est une occasion manquée, de ne pas avoir ajouté la pluriparenté
dans le projet de loi, alors qu'on réforme le droit de la famille. Je pense
qu'il y a des obstacles qui... Bien, en fait, je pense que la société est quand
même rendue à ce... rendue là. Il y a un article qui va sortir sous peu dans la
Revue de droit de l'Université de Sherbrooke, conduit par une
professeure de l'université... de UBC, Régine Tremblay, sur l'analyse,
justement, des différentes provinces qui ont permis la pluriparenté, qui
déconstruit, en fait, les a priori qu'on a, les mythes qu'on a, à savoir que ça
risque de causer, par exemple, plus de conflits, etc. Sur les... il n'y a aucun
conflit, actuellement, qui a été enregistré, là, au Canada, qui implique
plusieurs parents.
Lors du PL n° 2,
il y a 14 mémoires qui ont été déposés, hein, sur la... qui abordaient la
question de la pluriparenté, dont un qui était complètement consacré à ça, et,
sur les 14 mémoires, un seul était contre, hein, les 13 autres
avaient... étaient en faveur de ça. Donc, je pense qu'on est rendus là et je
pense surtout qu'on peut choisir d'encadrer la pluriparenté selon un modèle qui
va nous convenir, en tirant profit de ce qui a été fait dans les trois autres
provinces, un peu comme on fait, là, avec la GPA, en fait, hein? La façon dont
on encadre la GPA, c'est complètement différent de ce qui se fait au Canada,
et, à mon avis, on a quelque chose de vraiment superintéressant. Et, dans cette
optique-là, la pluriparenté, on aurait pu faire ça, on aurait pu y réfléchir
ensemble, on aurait pu créer un projet qui nous ressemble, ici.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Pas d'autres questions? Merci.
Mme la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Oui, merci,
M. le Président. Merci, Pre Côté, d'être parmi nous. Je voulais profiter de
votre expertise. Dans les... Vous nous avez parlé, là, des cinq points sur
lesquels vous mettez l'accent dans votre mémoire. Dans le résumé des conditions
préalables pour établir la filiation, vous recommandez, entre autres, là, qu'un
tuteur ou une tutrice soit désigné dans la convention notariée. Est-ce que
c'est des cas où ça a déjà posé problème?
Mme Côté (Isabel) : Bien,
non, mais en fait c'est parce qu'en lisant le libellé on s'est dit : Bien,
ce serait très dommage qu'un enfant dont les parents décèdent pendant le
processus soit confié à la protection de la jeunesse. Et d'ailleurs, dans
certaines pratiques, c'est déjà le cas. Par exemple, une femme seule qui veut
avoir un enfant par donneur de sperme dans les cliniques, les cliniques vont
les inciter très fortement à avoir déjà un tuteur à l'enfant si jamais, bon, il
leur arrivait quelque chose au moment de... quand l'enfant est très jeune, là,
vu qu'il n'y a pas d'autres parents pour suppléer. Alors, à mon sens, c'est
assez simple, compte tenu que les notaires font déjà, bon, ça dans le cadre des
testaments, de pouvoir ajouter une personne tutrice à l'enfant.
Mme Nichols : Oui, bien,
je trouvais que c'était une excellente recommandation puis, oui, étant donné
que ça risque d'être un document notarié. Donc, merci beaucoup pour votre
mémoire.
Le Président (M.
Bachand) :Sur ce, Pre Côté, merci
beaucoup d'avoir été avec nous. L'Outaouais, c'est une très belle région, pour
y avoir résidé quelques années.
Alors, sur ce, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 40)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 05)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. Et, ceux qui
ont eu la chance, à l'extérieur, à Québec, il fait un très beau soleil.
Cela dit, nous poursuivons les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 12,
Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et
visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des
personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses
et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.
Cet après-midi, nous allons débuter avec Mme Andréane
Letendre. Très content de vous avoir avec nous. Alors, comme vous le savez, 10 minutes
de présentation, après ça on a un échange avec les membres de la commission. La
parole est à vous. Merci.
Mme Andréane Letendre
Mme Letendre (Andréane) : Merci.
Merci de me recevoir. Donc, je me présente, je m'appelle Andréane Letendre. Je
suis née en 1983 dans une famille avec des parents hétérosexuels qui ont fait
appel à un don de gamètes pour me concevoir. J'ai été informée de ce fait à l'âge
de 12 ans, et à ce jour je ne connais toujours pas mes origines biologiques.
Être conçue par don de gamètes a eu un impact considérable sur ma manière de
voir la vie et fait partie de mon identité.
Le projet de loi n° 12 a suscité chez
moi et chez beaucoup de personnes conçues par don de gamètes un grand intérêt.
Mon intervention aujourd'hui vise à apporter un éclairage sur le vécu concret
des personnes issues de la procréation assistée, de même qu'apporter certains
commentaires sur le projet de loi n° 12. On voit souvent l'enfant né d'une
procréation assistée comme un bébé qui comble <ses parents...
Mme Letendre (Andréane) :
...on voit souvent l'enfant né d'une procréation assistée comme un
bébé qui comble >ses parents d'intention de joie après avoir été ardemment
désiré. On ne pense pas que ce bébé est une personne à part entière qui a ses
intérêts, ses besoins et qui grandira très rapidement. À travers les enjeux
soulevés par les différentes procédures de procréation assistée, on oublie
souvent que les intérêts de l'enfant peuvent différer de ceux des adultes qui
contribuent à le mettre au monde.
À l'heure actuelle, il est impossible de
savoir combien il y a de personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie au
Québec. La majorité de ces personnes ignorent totalement qu'un tiers a
participé à leur conception. Beaucoup l'apprennent de manière fortuite, par
exemple lors de résultats de tests médicaux, ou se le voient révélé dans un
contexte difficile comme une séparation ou un décès.
Bien qu'on suggère aux parents de
divulguer les informations au sujet de leur conception aux enfants, beaucoup de
parents d'intention ne le disent tout simplement pas à leur enfant, surtout
chez les couples hétérosexuels. Il y a tout un tabou associé à l'infertilité et
aux moyens de pallier celle-ci ainsi qu'une peur du rejet qui peut s'installer
d'un côté comme de l'autre. Il en résulte beaucoup de conflits de loyauté et de
questionnements existentiels qui causent de la détresse psychologique chez les
descendants de la procréation assistée.
L'anonymat, c'est une pratique inutile et
dépassée. Lorsqu'on a instauré l'insémination artificielle avec tiers donneur,
on a calqué le modèle de l'adoption qui avait cours à l'époque, un processus
caché, entouré de secret et de mystère, qui devait servir à protéger l'enfant
d'un abandon risqué, voire d'un infanticide dans une société où la maternité en
dehors des normes n'était pas acceptée. Le contexte a évolué depuis, mais il me
semble qu'on ne se soit pas préoccupé du fait que jamais le secret entourant la
conception avec un tiers donneur n'a servi les intérêts des enfants.
La pratique du don de gamètes anonyme nous
prive de renseignements d'une valeur cruciale. On ne peut justifier de nous
priver d'informations médicales exactes et à jour, de savoir si nous sommes
génétiquement liés à des frères et des soeurs ou à des cousins au premier
degré. On ne peut justifier de retenir une information qui constitue l'un des
fondements de notre identité.
L'anonymat des donneurs permet à l'industrie
de la fertilité de nier nos intérêts tout en appliquant une logique marchande à
la procréation. L'anonymat permet de couvrir les erreurs et les abus médicaux
qui surviennent inévitablement, par exemple les donneurs en série ou
l'utilisation de matériel génétique différent de ce qui était demandé par les
parents d'intention, comme on a pu le voir dans certains cas médiatisés et même
judiciarisés récemment.
Le don de gamètes au Québec. À l'heure
actuelle, il n'y a pas de banques de sperme ou d'ovules québécoises. Les
parents d'intention qui souhaitent utiliser les gamètes d'une tierce partie
sont invités à choisir un donneur ou une donneuse dans les catalogues des
principales banques, majoritairement en provenance des États-Unis. Une fois le
produit sélectionné, ils ont un nombre de doses défini et commandé ou réservé
en fonction du projet parental et des chances de succès de l'intervention. Il
n'y a aucune limite absolue par rapport au nombre de descendants que peuvent
engendrer les donneurs, seulement des barèmes en fonction de territoires
desservis, lesquels peuvent être terriblement étendus. Le respect de ces
barèmes n'est d'ailleurs pas contrôlé par un organisme indépendant. Les
paillettes peuvent être stockées dans l'azote liquide pour une durée quasi
illimitée et voyagent comme lettre à la poste.
La plupart des juridictions d'où
proviennent les gamètes utilisés dans le système de santé québécois offrent
soit l'anonymat complet des donneurs, soit des donneurs identifiables lorsque
le descendant atteint l'âge de 18 ans. Bien que la deuxième option soit
nettement meilleure que la première, je suis d'avis qu'afin de contrer les
nombreux effets pervers de l'anonymat des donneurs de gamètes nous devrions
avoir accès à des donneurs identifiables dès la naissance de l'enfant, tel que
le propose le projet de loi n° 12.
On pourrait croire qu'il est difficile de
vraiment contrôler quelque paramètre que ce soit dans le don de gamètes sur
notre territoire. Malgré la diversité d'arrangements possibles en procréation
amicalement assistée, je crois que la majorité des procréations assistées sont
réalisées via le système de santé québécois, remboursées en tout ou en partie
par la RAMQ. Au-delà d'une nécessaire réforme du droit de la famille qui prend
en compte le bien de l'enfant dans les nouvelles réalités en matière de
procréation assistée, c'est par là, je pense, que le législateur devrait passer
pour établir ce qui est conforme aux valeurs de la société québécoise dans ce
domaine.
• (15 h 10) •
En lisant le projet de loi n° 12, je
comprends bien que l'intention du législateur, c'est de placer les intérêts de
l'enfant comme point central devant guider nos choix et nos décisions. C'est
dans cette optique qu'il a intégré, avec le projet de loi n° 2 adopté l'an
dernier, à la Charte des droits et libertés de la personne le droit de
connaître ses origines. Je vois dans le projet de loi n° 12 la
concrétisation de ce choix et je m'en réjouis. Toutefois, j'aimerais apporter
quelques commentaires pour éviter que le projet de loi ne rate sa cible,
notamment en ce qui concerne la divulgation de ses origines à l'enfant issu
d'une procréation assistée, à l'utilisation du matériel génétique provenant de
l'extérieur du Québec puis les modalités de refus de contact qui peuvent être
exprimées.
Au niveau de la divulgation, comme je l'ai
mentionné plus haut, la majorité des personnes conçues avec l'apport d'une
tierce partie n'est pas au courant de ce fait. Bien qu'une majorité de parents
d'intention soient sensibilisés à l'importance <de révéler...
Mme Letendre (Andréane) :
...bien qu'une majorité de parents d'intention soient sensibilisés à
l'importance >de révéler à leur enfant les circonstances de sa
conception, une trop grande proportion évite d'aborder le sujet ou annonce la nouvelle
trop tardivement. Le premier alinéa de l'article 542.2 qui serait ajouté
au Code civil du Québec avec le projet de loi n° 12 se lirait ainsi: «Il
appartient au parent de l'enfant de l'informer du fait qu'il est issu d'une
procréation impliquant la contribution d'un tiers.»
Je suis d'accord que le fait de
transmettre cette information est un acte très intime et délicat qui doit se
faire au sein de chaque famille selon les valeurs et les convictions de chacun.
Il est difficile de contraindre les parents à révéler à leur enfant qu'il est
issu d'une procréation assistée impliquant le matériel génétique d'un tiers.
Selon la plupart des experts, la meilleure pratique serait de le dire tôt,
souvent, et dans un contexte émotionnellement sécuritaire, ce qui va dans le
sens d'une révélation familiale, idéalement. Cependant, afin de donner accès à
leurs origines aux personnes conçues par don de gamètes, il est essentiel
qu'elles soient informées de ce fait.
Le législateur devrait donc prévoir un
mécanisme qui assure que l'information sera transmise dans les cas où la
trajectoire de vie de l'enfant ne lui permettra pas d'être informé dans les
meilleures conditions qui soient, par exemple, en cas de décès des parents, si
l'enfant est confié à la protection de la jeunesse, quelque chose comme ça. De
plus, je suis d'avis que cette révélation est du devoir du parent ou du tuteur,
beaucoup plus qu'un simple choix. Si la manière de l'annoncer peut être laissée
à la discrétion du parent, il est... il doit néanmoins donner l'information
afin de respecter le droit de son enfant à connaître ses origines. En réalité,
il n'y a aucun recours qui va être possible pour un enfant à qui les parents
n'auraient pas révélé la vérité sur ses origines. Je crois tout de même qu'il
est important que la loi soit claire à ce sujet. Ce n'est pas acceptable de
garder un pareil secret de son enfant.
En ce qui concerne le matériel génétique
provenant d'autres juridictions, selon moi, c'est le problème le plus
important. Comme je l'ai mentionné plus haut, la majorité du matériel génétique
utilisé en procréation assistée au Québec est importé de juridictions qui
n'offrent pas nécessairement de donneur à identité ouverte dès la naissance de
l'enfant. Or, à la fin du premier alinéa de l'article 542.15, on mentionne
que, dans le cas d'un projet parental impliquant l'utilisation de matériel
reproductif provenant de l'extérieur du Québec, les parents d'intention
seraient responsables de transmettre l'information qu'ils détiennent au Directeur
de l'état civil s'ils détiennent une quelconque information. Ce passage
permettrait aux cliniques de fertilité et aux agences de continuer d'opérer en
utilisant du matériel génétique qui ne respecte pas le droit de connaître ses
origines, qui sera inscrit à la charte québécoise dès juin 2024. On ne peut
évidemment pas forcer les parents d'intention à transmettre une information
qu'ils ne peuvent pas avoir. On peut en revanche obliger les cliniques de
fertilité québécoises à utiliser du matériel génétique qui respecte notre cadre
législatif et nos valeurs.
Au niveau des cliniques et des agences, on
n'en parle pas beaucoup, je trouve, dans le projet de loi, en matière de
conception avec l'apport d'une tierce partie, ce sont elles qui détiennent le
plus d'informations sur les conceptions qui ont déjà eu lieu par le passé.
L'accès à ces informations nous est toujours refusé, car elle fait partie du
dossier médical de nos parents. De plus, beaucoup de ces dossiers sont déjà
détruits. Si c'est dans l'intention du législateur de nous donner accès à nos
origines, peu importe le moment où on a été conçu, il faudrait obliger les
cliniques à conserver et à transmettre l'information qu'elles détiennent déjà
au registre qui sera créé.
Au niveau du refus de contact, bien, je
suis totalement en faveur de la possibilité pour un donneur ou une donneuse
d'émettre un refus de contact avec la descendance qu'il ou elle a engendré.
Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, ce que nous souhaitons avoir
avant tout, c'est une information et non une relation. Je suis toutefois d'avis
qu'on devrait donner l'information complète aux donneurs lorsqu'ils doivent
choisir d'émettre ou non un refus de contact. Ils doivent savoir combien de
descendants sont nés grâce à leurs dons. Accepter de rencontrer trois
personnes, ce n'est pas la même décision qu'accepter d'en rencontrer 350. La
taille de la cohorte issue d'un même donneur devrait également être divulguée
aux descendants. Après l'identification du donneur, c'est l'une des
informations les plus importantes que nous souhaiterions avoir, pour des
raisons évidentes.
En conclusion, j'aimerais exprimer combien
l'adoption de ce projet de loi représente beaucoup pour moi ainsi que pour
plusieurs personnes conçues par don de gamètes. Je vous remercie d'avoir pris
le temps d'entendre un point de vue qui est peu représenté dans la sphère
publique.
Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment, Mme Letendre. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, M. le Président. Bonjour, Mme Letendre. Merci beaucoup de
participer aux travaux de la commission parlementaire et puis de venir nous
donner votre point de vue sur le projet de loi n° 12.
Je voulais vous entendre davantage sur les
agences. Vous nous dites : Elles sont absentes du projet de loi, et je
vous dirais que c'est d'une façon consciente, on ne souhaite pas favoriser le
recours aux agences. On vient vraiment mettre un encadrement pour indiquer
quelle est la voie légale, quelle est la voie judiciaire au processus de
grossesse pour autrui. Donc, on ne souhaite pas encourager le recours aux
agences, mais j'aimerais vous entendre davantage, votre opinion en lien avec
les agences.
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
au niveau des agences puis <des cliniques, souvent, ça va être...
Mme Letendre (Andréane) :
...bien, au niveau des agences puis >des cliniques, souvent,
ça va être des... ce que j'entends, ce qui se fait à l'extérieur du Québec puis
ce qui risque d'arriver aussi ici, c'est que ça va être des projets un peu comme
clés en main, on va aller... C'est parce que ça... Ça devient comme un peu
compliqué de respecter tous les petits détails qu'il y a au niveau de la loi,
puis tout ça, puis c'est quand même un projet très important, je pense, pour
les familles qui veulent avoir des enfants, donc on risque d'avoir énormément
de ces cliniques et de ces agences-là.
Moi, ce que j'ai comme expérience comme
personne conçue par don de gamètes, c'est que je ne suis pas la cliente de ces
agences-là. Donc, quand je veux avoir des informations ou quoi que ce soit, je
me suis toujours fait répondre avec condescendance au niveau des cliniques de
fertilité. Puis ce... ces agences-là ont toujours une logique marchande, c'est
un... c'est une business. Même si ça crée des familles puis que c'est quelque
chose... même si c'est payé par le gouvernement, ça reste que ces agences-là
ont comme objectif de faire de l'argent, puis le produit, en quelque sorte, ça
se trouve à être nous, c'est les personnes conçues par don de gamètes. Ça fait
qu'à quelque part je pense qu'il faut nous protéger aussi, en tant que
descendants de la procréation assistée, de cet appétit, je dirais, mercantile,
là, des agences puis des cliniques, parce qu'ils vont toujours trouver une façon
de réaliser la procréation assistée de la manière la plus rentable possible et
en oubliant un peu, je pense, l'intérêt de l'enfant là-dedans, parce qu'eux
autres, leur intérêt, c'est que leurs clients, qui se trouvent à être les
parents d'intention, soient satisfaits.
M. Jolin-Barrette : Puis
vous dites dans votre mémoire que vous avez peur qu'ils deviennent comme des
gros lobbys aussi, là, les agences.
Mme Letendre (Andréane) : Bien
oui, parce que c'est un peu ça qui se passe dans les autres juridictions, par
exemple aux États-Unis, et tout ça, ils ont quand même un gros... ils ont quand
même assez de pouvoir au niveau de la procréation assistée. Souvent, on ne
réussit pas, nous, les personnes conçues par don de gamètes à s'exprimer dans
les... dans différentes consultations. Ça fait que, tu sais, j'ai l'impression
qu'ils attendent juste de pouvoir, comme, se lancer au Québec, là, de manière
plus ouverte, là, avec... Tu sais, avec, comme, la légalisation de la gestation
pour autrui, il y a quand même des risques que ça devienne quand même un marché
particulier, là.
M. Jolin-Barrette : De
votre point de vue, là, ce que... bien, qu'est-ce que vous nous suggérez en
lien avec les agences?
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
c'est que... En fait, le projet de loi est bien construit en soi, tu sais, de
vraiment y aller avec qu'est-ce qu'on voudrait que ce soit, sauf qu'ils vont
toujours trouver la petite faille qui va permettre... Par exemple, comme, moi,
mon intérêt, c'est que les personnes conçues par don de gamètes aient accès à
leurs origines. Et puis, comme j'ai mentionné dans mon mémoire, il y a une
possibilité que... Tu sais, en ce moment, il n'y a pas de banques de sperme au
Québec, là, donc, si les gens veulent avoir... veulent impliquer un tiers dans
leur projet parental, ils vont aller à l'extérieur du Québec, aux États-Unis ou
dans d'autres juridictions qui, elles, n'offrent pas des donneurs à identité
ouverte dès la naissance, ce qui est comme dans le projet de loi n° 12.
Puis en fait c'est au niveau de l'article...
je pense, c'est 542.15 qui permet, dans le fond, tu sais, pour... Dans le fond,
c'est un article, je pense qu'il y a comme... qui permet de contourner pour les
gens qui font de la procréation amicalement assistée de donner, dans le fond,
l'information qu'ils ont. Puis aussi les parents qui vont aller acheter,
mettons, des paillettes à l'extérieur du Québec, bien, ils n'auront pas
nécessairement toute cette information-là. En soi, je ne pense pas qu'on puisse
empêcher tout, tout, tout qu'est-ce qu'il va se faire dans toutes les sphères,
mais au niveau de la procréation amicalement assistée, ou bien d'acheter...
aller acheter à l'extérieur du Québec, sauf que ce qui est fait au Québec dans
nos cliniques québécoises, il faudrait que ça respecte notre cadre législatif.
Puis, avec le... Tu sais, c'est à la fin, dans le fond, de... tu sais, c'est
quand même un très, très gros paragraphe, là, à la fin, ils disent que,
finalement, les parents vont être responsables de transmettre cette
information-là s'ils l'ont. Mais, tu sais, ils ne l'auront pas, ils vont
l'avoir acheté aux États-Unis, puis aux États-Unis la... ce que la clinique
prévoit, c'est que c'est à 18 ans qu'ils peuvent avoir l'identification du
donneur. Nous, ce qu'on veut, c'est que ce soit dès la naissance, qu'on puisse
savoir l'identification du donneur pour plusieurs raisons. Tu sais,
18 ans, c'est très, très tard, là.
• (15 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Mais
il y a certaines banques qui sont à information ouverte, par contre.
Mme Letendre (Andréane) : Je
ne le sais pas, si c'est quelque chose qu'il est possible d'avoir. La plupart
du temps, ils vont dire : Le donneur est ouvert, mais à partir de
18 ans. Il y a comme toujours le 18 ans qui est là. Puis, tu sais, le
18 ans, là, quand on pense que le sperme peut être congelé dans l'azote
liquide pour une durée indéterminée, quand l'enfant est rendu à 18 ans, il
est comme trop tard parce que ça peut faire très longtemps que le don a eu
lieu. Puis en même temps, bien, tu sais, ça permet... Si on découvre, par
exemple, des erreurs médicales ou des problèmes, bien, si on attend à
18 ans pour se rendre compte qu'il y avait 500 descendants dans <cette
cohorte-là...
Mme Letendre (Andréane) :
...bien, si on attend à 18 ans pour se rendre compte qu'il y
avait 500 descendants dans >cette cohorte-là, il est trop tard pour
radier le médecin, il a probablement déjà pris sa retraite, tu sais, c'est ça.
M. Jolin-Barrette : Puis,
dans le fond, vous disiez : Un des enjeux, c'est qu'il y a peu de banques
de sperme, supposons, au Québec, notamment.
Mme Letendre (Andréane) : On
n'en a pas.
M. Jolin-Barrette : Oui?
Il me semble...
Mme Letendre (Andréane) : On
n'a pas de banques de sperme. Tu sais, on va utiliser...
M. Jolin-Barrette : Je
pense qu'il y en a deux, seulement.
Mme Letendre (Andréane) : Oui.
On va utiliser... Dans le fond, ils vont acheter du sperme qui provient de
l'extérieur du pays, puis ils vont le conserver ici, dans... tu sais, dans,
mettons... dans des banques ici, mais il n'y a pas vraiment de donneurs
québécois ou, en tout cas, c'est très rare, s'il y en a. Récemment, dans les
recherches que j'avais faites, ce n'étaient pas des banques, là, qui recrutent
au Québec puis qui sont actives au Québec, là.
M. Jolin-Barrette : Puis,
moi, ce qu'on me dit, c'est qu'il y a 50 donneurs dans deux banques au
Québec, ce qui n'est pas beaucoup.
Mme Letendre (Andréane) : OK,
mais, tu sais, c'est très peu par rapport à ce qui est réellement... ce qui est
réellement fait, là, comme procréation assistée au Québec, là. La majorité du
temps, on se fait... tu sais, quand on va dans une clinique de fertilité, on se
fait transmettre les catalogues des grandes banques de sperme qui sont à
l'extérieur de la province.
M. Jolin-Barrette : Puis,
vous, de ce que je saisis de votre propos, le point le plus important, c'est
que les gens qui sont issus de la grossesse par... pour autrui et de la
procréation assistée, c'est qu'ils puissent connaître leurs origines, c'est
l'élément le plus fondamental pour vous?
Mme Letendre (Andréane) : Oui,
qu'ils puissent connaître leurs origines et qu'ils soient informés de ce
fait-là, parce que c'est quelque chose que, tu sais, si on considère qu'il faut
que les personnes conçues par don de gamètes aient accès à leurs origines, si
c'est dans la charte québécoise, bien, à ce moment-là, si on n'est pas au
courant de ce fait-là, on ne peut pas avoir accès à nos origines, donc, on ne
l'a pas, ce droit-là. C'est important qu'on soit informés de ça. C'est pour ça
que, tu sais, j'expliquais, c'est un peu difficile, tu sais, de forcer les
parents à le dire à leur enfant. Par contre, si ça relève du devoir du parent,
à un moment donné, il faut que ça rentre dans les moeurs puis que ça devienne
naturel qu'il faut avertir... il faut le dire à son enfant parce qu'il a le
droit d'avoir accès à cette information-là.
M. Jolin-Barrette : Puis,
oui, ça sera dans la charte, c'est prévu, dans les limites prévues par la loi,
par le Code civil du Québec. Vous, dans le monde idéal, là, vous souhaiteriez
que chaque famille qui a recours, justement, à un don de... génétique le dise à
son enfant. Je vous pose la question : Est-ce que vous croyez qu'on
devrait forcer les parents à le faire? Parce que c'est...
Mme Letendre (Andréane) : Je
ne sais pas comment on pourrait le faire.
M. Jolin-Barrette : C'est
délicat, là, tout ça, là, puis, tu sais, chaque histoire familiale est...
Mme Letendre (Andréane) : C'est
très délicat, puis c'est des discussions que j'ai eues vraiment avec
différentes personnes conçues par don de gamètes, puis les avis sont comme un
peu partagés entre ceux qui ont été informés jeunes et ceux qui ne l'ont pas
été. Ceux qui ne l'ont pas été disent, la plupart du temps : Bien, nous,
on aimerait ça que ce soit inscrit sur... tu sais, je ne sais pas, inscrit sur
le certificat de naissance. Je trouve que c'est une information qui est
peut-être très personnelle à mettre sur un certificat de naissance, quoique
c'est quand même un document personnel aussi, tu sais. Tu sais, on se
questionnait : Est-ce qu'on envoie une lettre alors que... quand l'enfant
atteint 14 ans pour qu'il reçoit cette... qu'il reçoive cette
information-là? Je ne sais pas c'est quoi.
M. Jolin-Barrette : Mais
ça, ça pourrait être un choc aussi pour l'enfant de juste recevoir... Vous avez
14 ans...
Mme Letendre (Andréane) : Exactement.
M. Jolin-Barrette : ...vous
recevez une lettre : Ah! finalement, l'ovule... le sperme...
Mme Letendre (Andréane) : La
personne que vous avez cru qu'il était votre parent biologique ne l'est pas. Si
les parents l'ont informé par... auparavant, c'est une lettre qui va arriver,
puis ils vont faire, comme : Bien, je le savais déjà, tu sais, il n'y a
rien là. S'ils n'ont pas été informés, bien oui, ça peut être un choc. Est-ce
que c'est mieux de l'apprendre avec un choc ou c'est mieux de ne pas
l'apprendre pantoute? C'est ça aussi qui est une question. Moi, je pense que
c'est mieux de l'apprendre avec un choc que de ne pas le savoir, mais c'est mon
opinion personnelle. Je ne le sais pas si elle est partagée partout.
M. Jolin-Barrette : OK.
Mme Letendre (Andréane) : Mais
je pense que c'est... pour que le droit aux origines existe, il faut que la
personne soit informée de ça. Ça fait que, tu sais, de dire : Il
appartient aux parents, bien, moi, je dirais plus : Il est du devoir du
parent de la... parce qu'en soi, tu sais, si on veut faire un recours, par
après, contre nos parents parce qu'ils ne nous l'ont pas dit, bien, tu sais, c'est
un peu impossible, je veux dire. Tu n'auras pas la capacité avant l'âge de
18 ans puis, à ce moment-là, tu sais, il va être comme trop tard pour être
capable de poursuivre tes parents. On n'enverra pas la DPJ chez les familles
qui ne l'annoncent pas. Tu sais, à quelque part, il n'y a comme pas vraiment de
pogne quelque part, à part juste de dire que c'est, moralement, quelque chose
qui doit être fait.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je vous remercie, Mme Letendre. Je vais céder <la parole...
Mme Letendre (Andréane) :
...doit être fait.
M. Jolin-Barrette :
Bien,
écoutez, je vous remercie, Mme Letendre. Je vais céder >la parole à
mes collègues, mais je vous remercie pour votre témoignage parce que ça
illustre très bien, je pense, ce que les gens dans votre situation ont vécu
comme mélange d'émotions aussi puis comme désir, aussi, de connaître leurs
origines. Donc, je pense que vous éclairez la commission. C'est vraiment un
témoignage apprécié. Je vous remercie.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Donc, il reste 5 min 18 s.
Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Bonjour.
Merci beaucoup. Merci beaucoup. Merci pour votre témoignage. J'aimerais aborder
la question des donneurs et des banques, effectivement, qui sont
majoritairement à l'étranger. Est-ce que vous croyez que, si on force un
donneur à devoir éventuellement fournir des informations sur lui, ça ne diminue
la possibilité de donneurs? Parce que, pour l'instant, au Québec, il y a une
pénurie de donneurs blonds aux yeux bleus, il semble que ce soit populaire.
Est-ce que vous croyez effectivement que ça pourrait avoir un impact là-dessus?
Mme Letendre (Andréane) : Ce
qui a été fait dans les juridictions qui ont levé l'anonymat, on parle de
l'Angleterre, la Suède, l'Australie aussi, certains... certaines régions de
l'Australie, je pense même maintenant, c'est dans toute l'Australie, mais il
n'y a pas eu de baisse de donneurs, il n'y a pas eu moins de donneurs qui ont
fait des dons. Il y a eu peut-être un changement au niveau des profils de
donneurs. Donc, on prend... on pense qu'on a plus de donneurs qui le font pour
des raisons qui sont plus louables, des gens qui ont vraiment l'intention de
contribuer au projet parental d'autrui que des gens qui le font un peu comme...
soit pour... Bien, tu sais, dans d'autres juridictions, on s'entend que les
donneurs peuvent être rémunérés, ce qui n'est pas le cas au Canada. Je ne pense
pas que le fait de savoir qu'on peut... que nos informations puissent être transmites...
transmises, d'autant plus qu'il y a la possibilité d'un refus de contact qui
existe, je ne pense pas que ça va faire baisser le nombre de donneurs. Je pense
que ce qui joue plus là-dessus, c'est au niveau de la rémunération des
donneurs, puis, à ce moment-là, là on entre dans la juridiction au niveau du
fédéral, puis c'est interdit, de toute façon, au Canada. Mais le fait de lever
l'anonymat, ça ne va pas faire ça.
Et la deuxième affaire que j'ai à dire
là-dessus, c'est qu'on ne peut pas gérer cette question-là comme si c'était une
question d'offre et de demande. On ne peut pas se mettre à faire de la
procréation assistée, justement, dans une logique marchande en disant : On
a besoin, on a une pénurie; il y a un manque de donneurs, ça fait qu'on va
comme élastifier notre morale pour être capables d'en avoir plus. Je pense que,
si on fait de la procréation assistée, il faut le faire en respectant nos
valeurs puis en faisant en sorte qu'on respecte l'intérêt de l'enfant avant
tout.
Mme Bourassa : J'ai une
question délicate, vous répondez seulement si vous voulez. Est-ce que vous avez
des frères et des soeurs?
Mme Letendre (Andréane) : J'ai
un frère.
Mme Bourassa : Qu'est-ce
que vous pensez du fait qu'un parent... des parents qui ont eu des enfants de manière
naturelle, et qui désirent un autre enfant, et que ça ne fonctionne pas, et que
cet enfant-là décide... les parents décident d'avoir recours, effectivement, à
des dons, soit de gamètes, soit d'ovules, révéler la naissance d'un enfant fait
différemment que la manière que son frère a été fait, vous ne croyez pas que ça
pourrait mettre une dynamique dans la famille où peut-être que l'enfant issu
d'un donneur se sentirait moins légitime, moins aimé, peut-être mis de côté?
Qu'est-ce que vous faites avec ces situations-là?
Mme Letendre (Andréane) : Ce
qui est problématique, je pense, c'est quand il y a un secret. Tu sais, il y a
toujours une possibilité... Moi, je l'ai toujours ressenti, avant de le savoir,
qu'il y avait quelque chose qui clochait chez nous. Je n'étais pas capable de
dire : Bien, j'ai-tu été adopté? Ah non, j'ai des photos de ma mère
enceinte, tu sais. Mais, tu sais, on le ressent. Puis, quand il y a un secret
ou un tabou, c'est malsain dans une famille. Ça fait que je pense que, quand
les parents prennent la décision d'utiliser la procréation assistée pour avoir
un enfant, bien, ça fait partie des choses qu'ils doivent considérer avant de
le faire. Puis, tu sais, étant donné que... puis en sachant qu'ils sont obligés,
ils devraient le dire à l'enfant, bien, tu sais, si tu n'es pas capable de
dealer avec ce que ça risque de provoquer, peut-être qu'il y a un problème un
peu plus important, ce n'est peut-être pas une bonne idée de le faire, tu sais.
Moi, je suis bien contente d'être vivante, là, aujourd'hui. C'est ça que je
dis, tu sais. Je ne suis comme pas en train de dire que je n'ai pas demandé à
venir au monde, c'est un peu ça, mais je suis bien heureuse d'être là, là.
• (15 h 30) •
Mme Bourassa : Parfait.
Et dernière question très rapide. Concernant l'information, tu sais, je vous
confirme que, présentement, quand les gens, les familles fréquentent les
cliniques, il n'y a pas de tutoriel ou de manuel sur comment éventuellement
annoncer que son enfant a été conçu d'une manière unique — j'aime
mieux le mot «unique» que «spéciale». Où est-ce que cette information-là, selon
vous, devrait arriver? Est-ce que c'est lorsque... dans les cliniques, par
exemple, comme PROCREA, Fertilys, où ils donnent des services? Est-ce que c'est
sur Internet, en amont? Est-ce que c'est lors de la convention avec le notaire?
Quand est-ce que cette information-là devrait arriver pour aider? Et est-ce
qu'on a besoin d'information pour soutenir les parents dans <cette
annonce-là...
>
15 h 30 (version révisée)
<19291
Mme Bourassa :
...
information pour soutenir les parents dans >cette
annonce-là éventuelle?
Le Président (M.
Bachand) :Rapidement, parce que le temps
passe vite, s'il vous plaît. Merci.
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
oui, je n'ai pas d'endroit particulier où est-ce que ça, ça devrait être fait.
Par contre, je pense que c'est un peu partout dans le processus, il faut que ce
soit répété. Comme on dit, il faut le dire aux enfants tôt et souvent, bien, il
va falloir le dire aux parents tôt et souvent aussi.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci,
M. le Président. Bonjour, Mme Letendre. Merci pour votre témoignage. En
fait, votre témoignage est très important parce que c'est un projet de loi qui
soulève, effectivement, différentes... différentes questions, alors j'apprécie.
Je comprends que, pour vous, l'idée, c'est que c'est super important pour l'enfant
de connaître, de savoir qu'il est, par exemple, issu de la procréation
assistée. Maintenant, vous avez eu déjà des questions là-dessus, ce n'est pas
toujours facile pour les familles d'en parler. Donc, est-ce que vous pensez que
ce serait important d'avoir un soutien, par exemple, psychologique à l'enfant?
Parce que je comprends que l'enfant veut le savoir ou, enfin, vous, vous
vouliez le savoir, mais il y a peut-être un impact après. Donc, pensez-vous que
c'est quelque chose qui pourrait être utile pour l'enfant, au moins de lui
offrir ce service-là?
Mme Letendre (Andréane) : Oui,
oui, absolument. Tu sais, moi, les contacts que j'ai avec des personnes conçues
par don de gamètes, c'est souvent des gens qui traversent une espèce de crise,
puis on se rend compte qu'on a tous passé par là. Puis je ne sais pas comment c'est
aujourd'hui, l'offre, tu sais, à ce niveau-là, mais ça prend quand même des
intervenants qui sont formés à la situation particulière des personnes conçues
par don de gamètes.
Alors, je vois maintenant, ça va mieux. Je
ne vous voyais pas dans l'écran.
Donc, oui, c'est ça. Donc, c'est ça, c'est
d'avoir des personnes qui sont spécialisées là-dedans, parce qu'on... qu'il y a
beaucoup de faux pas, je dirais, ou d'erreurs que des intervenants peuvent
commettre en nous disant : Bien, arrête d'y penser, tu as été tellement
désirée, tu sais, tu devrais être reconnaissante envers tes parents. Tu sais,
ça, je les ai entendus en boucle, là, tu sais, vraiment. Tes parents ont
tellement travaillé fort pour t'avoir, tu sais, c'est sûr qu'il... tu sais, c'est
sûr qu'il y a... Ça fait qu'à quelque part, tu sais, il faut qu'on soit
entendus. Je pense que, souvent, ce qu'on a besoin, c'est : on a besoin d'en
parler à quelqu'un puis on a besoin d'en parler à quelqu'un pour qui c'est
correct qu'on n'ait peut-être pas les émotions que nos parents souhaitaient qu'on
ait par rapport à ça.
Ça fait que ça prend, oui, des...
peut-être des intervenants, que ce soient des psychologues, ou peu importe, qui
sont formés à ce niveau-là, parce que la plupart des gens que je connais, en
tout cas ceux qui m'ont contactée, j'en ai beaucoup qui ont eu des problèmes
assez importants tout au long de leur vie, en fonction de différents événements,
dans des décès, les séparations des parents, ça revient souvent, puis c'est
comme un complexe qui reste comme ancré un peu en nous parce que c'est quelque
chose qui reste toujours un peu fragile.
M. Morin : Oui, je vous
comprends. Évidemment, le... on peut toujours suggérer des modifications au
gouvernement dans le cadre de nos travaux. Je vous entends puis je perçois que,
pour vous, c'était vraiment un besoin important, de le savoir. Maintenant, pour
nous aider dans notre travail, puis on en a un peu parlé un peu plus tôt, mais
ça serait quand, la meilleure façon, puis comment? Parce que, je comprends,
vous nous avez dit que, dans le cadre d'un... par exemple, d'une situation
conflictuelle, ce n'est sûrement pas l'idéal, là, par exemple, des parents qui
séparent, puis en plus, en passant, bien, bingo! vous êtes... avez été conçu
par un gamète...
Mme Letendre (Andréane) : Tu
sais, ça peut être une arme, c'est ça.
M. Morin : ...ça fait
que, là... bon. Mais comment on ferait? Puis, à ce moment-là, l'obligation, on
l'impose au gouvernement ou sur les parents, au Directeur de l'état civil, qui
est le gouvernement? Est-ce que vous avez des idées là-dessus pour nous aider
dans notre travail de législateurs?
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
je pense que ça doit d'abord et avant tout... Tu sais, comme je disais, il n'y
a pas vraiment possibilité d'avoir un recours d'une manière ou d'une autre si
on n'est pas informés. C'est bien malaisant de poursuivre ses parents à cause
de ça, là. Tu sais, ça ne marche pas, là, tu sais. Donc, tu sais, c'est sûr que
l'information soit disponible au niveau du registre, si l'enfant se pose des
questions, bien, il peut avoir accès au niveau du registre pour voir qu'est-ce
qu'il en est.
Ensuite, au niveau de l'information des
parents avant, quand ils sont au moment de la... au niveau du projet parental,
mais aussi en postnatal. Les parents qui ont un enfant, dans les premières
années de vie de l'enfant, il faudrait qu'il y ait quelque chose qui puisse les
appuyer, qui puisse, au niveau, je ne sais pas, peut-être du suivi, tu sais, se
faire accompagner pour que ce soit quelque chose de normal de dire à son <enfant...
Mme Letendre (Andréane) :
...accompagner pour que ce soit quelque chose de normal de dire à
son >enfant. C'est quelque chose qui doit être normal, qui doit pouvoir
sortir devant... à l'école, devant la famille, devant les amis. Il faut que ce
soit quelque chose de connu puis qu'on soit comme... que ce ne soit pas quelque
chose qui soit honteux parce que, quand c'est caché, bien, nous, on le ressent
comme si c'était une honte puis, tu sais, c'est notre conception, là, qu'on
parle, ça fait que c'est un peu «touchy» de ce côté-là.
C'est sûr que, si au niveau de la loi, ça
fait partie du devoir et que ça n'est pas seulement laissé à la discrétion des
parents, même s'il n'y a pas de recours, je pense que c'est au niveau de la...
d'inciter quelque chose que ça devienne au niveau de la morale de la société,
là, je ne sais pas trop comment formuler ça, que ce soit quelque chose qui
doive être fait, que ce ne soit pas quelque chose qui soit laissé au choix du
parent. Souvent, tu sais, les gens... Je ne sais pas si quelqu'un se présente
pour faire un projet parental dans le système de santé aujourd'hui, s'il dit :
Moi, j'ai l'intention que ça paraisse le moins possible, je n'ai pas
l'intention d'avertir mon enfant. Je ne sais pas si cette personne-là ne
devrait pas avoir, minimalement, tu sais, quelqu'un qui lui dit : Bien là,
peut-être que, votre projet parental, vous devriez y repenser à deux fois, là,
tu sais.
M. Morin : Oui, je
comprends. Donc, est-ce que c'est quelque chose qu'on pourrait mettre, par
exemple, dans la convention de grossesse, donc le contrat que les parents ont
avec la femme porteuse, de dire : Bien, à un moment donné, vous allez
devoir le dire après la naissance de l'enfant, quand il va être en mesure de
comprendre, évidemment? Est-ce que ça pourrait être une option?
Mme Letendre (Andréane) : Ça
pourrait être une option au niveau de la convention de grossesse, mais il faut
penser aussi au don de sperme parce que ça se fait énormément aussi, ça fait
que, tu sais... puis là, le don de sperme, là, ce n'est pas très encadré, là,
par rapport... versus la convention de grossesse pour autrui puis, à ce
niveau-là, ça peut être beaucoup plus caché qu'une convention de grossesse pour
autrui. Tu sais, si... C'est certain que, dans le cas d'un couple homosexuel
qui a des enfants, à quelque part, il n'y aura pas le choix de l'annoncer parce
qu'il y a comme des évidences un jour qu'il va être obligé de dire à son
enfant. Par contre, dans le cas des parents hétérosexuels, avec le tabou de
l'infertilité, c'est très, très difficile pour les parents de l'annoncer à leur
enfant, puis ça, ça prend... dans l'offre de services au niveau de
l'infertilité, je pense qu'il doit y avoir quelque chose.
M. Morin : Parfait.
Bien, je vous remercie beaucoup. Je ne sais pas si ma collègue de
Robert-Baldwin a une question. Non? Ça va.
Le Président (M.
Bachand) :Donc, M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme Letendre, pour votre présentation. Dans votre mémoire, vers
la fin, vous dites «après l'identification du donneur, la taille de la cohorte
est une des informations les plus importantes que nous souhaitons avoir», puis
là vous dites «pour des raisons évidentes», là. Mais éclairez-moi un peu, quelles
sont ces raisons évidentes?
Mme Letendre (Andréane) : Oui.
Bien, on se demande toujours : Est-ce que j'ai 500 frères et soeurs
qui se baladent dans la nature, moi? C'est quelque chose qu'on ne sait pas.
Puis on s'en rend compte quand... tu sais, c'est parce qu'on pense... bien,
autrefois, les familles avaient des très grands... un très grand nombre
d'enfants, mais ces enfants-là se connaissaient entre eux. Donc, on se retrouve
avec... Tu sais, si j'ai 500 frères et soeurs qui se baladent dans la
nature, les risques d'inceste accidentel sont là. Les risques de rencontre... que
mes enfants rencontrent un cousin au premier degré qui s'ignore totalement sont
là, tu sais. Puis en même temps, bien, c'est vraiment... Tu sais, la plupart du
temps, on veut savoir, un, c'est qui qui a contribué à ma naissance; deux,
combien j'ai de demi-frères et de demi-soeurs qui se baladent dans la nature.
C'est très difficile de savoir ça. Je comprends que, tu sais, d'agir d'un point
de vue légal là-dessus, c'est... d'autant plus que la plupart des donneurs sont
de l'extérieur du pays, bien, tu sais, ou... puis qu'il n'y a pas de norme qui
existe au niveau national puis international. Des donneurs en série, il y en a
toujours eu puis il y en aura toujours. Ça fait que, si, minimalement, on est
capables de savoir la taille de la cohorte, tu sais, c'est déjà quelque chose.
Je pense qu'entre nous, des fois, on aimerait ça se connaître aussi entre
demi-frères, demi-soeurs. Mais, pour l'instant, juste le fait d'annoncer
combien d'enfants... Tu sais, s'il y a un donneur québécois, hypothétiquement,
a... veut... doit... sait qu'il a une descendance qui veut le contacter, bien,
il doit savoir s'il impose un refus de contact ou non, est-ce que j'impose un
refus de contact à trois personnes ou à 350 personnes. C'est sûr que, s'il
y en a 350, ça ne lui tentera peut-être pas de rencontrer tous, toutes, là, tu
sais, ça en fait pas mal.
• (15 h 40) •
M. Cliche-Rivard : Puis
je sais que vous dites qu'il faut absolument savoir. J'aimerais ça que pour
vous... tu sais, détaillez-moi vraiment, pour vous, le plus grand préjudice de
ne pas le savoir, c'est quoi. En quoi ça affecte? Tu sais, qu'est-ce que... Des
fois, on dit : qu'est-ce qu'on ne sait pas ne nous fait pas mal,
nécessairement. Je pense que vous, vous dites absolument le contraire. Ça fait
que c'est quoi, le gros, le gros dilemme ou le gros problème que vous voyez de
ne pas savoir?
Mme Letendre (Andréane) : La
première chose, c'est que c'est au niveau médical. Je pense que c'est la chose
qui parle au plus grand nombre, au niveau médical. Moi, je connais... ce n'est
pas la... même si, tu sais, on dit que les donneurs ont été <testés...
Mme Letendre (Andréane) :
...ce n'est pas la... même si, tu sais, on dit que les donneurs ont
été >testés, puis tout ça, puis qu'on leur a posé un questionnaire
exhaustif, moi, quand j'ai été conçue, il n'y avait aucun test qui existait
pour le VIH/sida, ça fait que, tu sais, comme il n'a pas été testé, mon
donneur, pour ça, c'est déjà une chose que... Tu sais, éventuellement, la
science évolue puis un dossier médical, là, c'est quelque chose qui évolue en
continu. Ton historique médical n'est pas le même quand tu as 20 ans que
quand tu as 45 ans puis que quand tu en as 65. Ça fait que, tu sais, de
savoir si éventuellement une maladie se développe puis de savoir qu'il faudrait
que je passe des tests régulièrement pour ce genre de maladie là, je trouve que
c'est important.
Il y a aussi au niveau de... bien, pour
savoir, tu sais, ce qui est l'inceste accidentel, de savoir à qui je suis reliée.
Est-ce que quand, moi, je me suis mariée, est-ce que je me mariais avec
quelqu'un qui était parent avec moi, puis je ne le savais pas? Je n'en ai
aucune idée. Puis au-delà de tout ça, il y a le fait de savoir qu'on est des
êtres humains, puis qu'on est plus que juste le produit d'une industrie, puis
que notre bien-être est plus important que des considérations financières ou
mercantiles au niveau de l'industrie de la fertilité, tu sais. De pouvoir se
rattacher à quelque chose de profondément humain, de savoir d'où on vient, de
s'inscrire dans une lignée, dans une génération, au niveau biologique, c'est
quelque chose qui... ça vient nous chercher dans les tripes. C'est difficile de
l'expliquer de manière rationnelle, mais c'est quelque chose qui est vraiment
important pour nous autres.
M. Cliche-Rivard : Donc,
c'est vraiment indissociable pour vous, un, de le savoir, mais de savoir c'est
qui, en même temps, là. Pour vous, d'avoir juste l'obligation de divulgation
sans savoir qui est la personne en question, ça ne vous amènera pas grand-chose,
donc, vous dites, vraiment, les deux doivent être indissociables, sinon ça ne
sert à rien.
Mme Letendre (Andréane) : Ça
va le faire.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Mme Letendre (Andréane) : Oui,
c'est ça, ça prend les deux.
Le Président
(M. Bachand) :Sur ce,
Mme Letendre, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Ça a été plus qu'intéressant.
Alors, sur ce, je suspends les travaux
quelques instants. Merci. À bientôt...
(Suspension de la séance à 15 h 43)
(Reprise à 15 h 48)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir Mme Mona
Greenbaum, de la Coalition des familles LGT... LGBT+, puis je ne sais pas s'il
y a un chiffre à la fin, là, je ne veux pas être... je ne veux pas être en
contre... en portfolio avec vous, là, mais merci beaucoup d'être avec nous
après-midi. Alors, comme vous le savez, vous avez 10 minutes de
présentation, puis après ça on aura un échange avec les membres. La parole est
à vous.
Coalition des familles LGBT+
Mme Greenbaum (Mona) : Merci
beaucoup. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, merci
de votre invitation à venir présenter notre mémoire. Je m'appelle Mona
Greenbaum, je suis la directrice générale de la Coalition des familles LGBT+,
qui est un organisme qui représente les futurs parents ainsi que les parents
lesbiens, gais, bisexuels, trans et leurs enfants depuis maintenant 25 ans.
La coalition félicite le gouvernement d'avoir déposé un deuxième projet de loi
sur la réforme de droit familial. Les lois en place ne s'appliquent que
difficilement à certaines nouvelles réalités familiales. Légiférer afin de
baliser les constellations familiales actuelles et ainsi mieux protéger les
familles et surtout les enfants est tout à fait approprié.
Nous sommes d'accord avec la majorité des
articles proposés sur la grossesse pour autrui ainsi que sur l'accès aux
origines dans le projet de loi n° 12. Comme expliqué dans notre mémoire et
à l'occasion de consultations pour le projet de loi n° 2, nous n'avons que
quelques demandes de modification concernant la grossesse pour autrui. Nous
souhaiterions que les personnes porteuses soient dans l'obligation d'avoir déjà
vécu une grossesse avant d'en vivre une pour autrui. Nous pensons aussi que la
filiation des parents d'intention devrait être accordée dès la naissance de
l'enfant, comme c'est le cas en Colombie-Britannique. Cela diminuerait le
stress des parents et de la personne porteuse et servirait l'intérêt de toutes
les parties impliquées, dont les enfants. Nos arguments se trouvent dans notre
mémoire.
• (15 h 50) •
Aujourd'hui, nous souhaitons vous parler
de notre grande déception de constater que la plurifiliation est absente de
cette réforme, laissant dans l'oubli les familles pluriparentales, malgré
qu'elles existent déjà au Québec. Plusieurs mythes et arguments ont été
soulevés pour justifier cette lacune, examinons-les ensemble. Dans le mémoire
déposé par Schirm & Tremblay Avocats pour le projet de loi n° 2,
il est affirmé que la pluriparenté ne devrait pas être reconnue puisqu'elle
poserait trop de problèmes en cas de conflit, plus particulièrement en cas de
rupture. La complexité du sujet ne devrait pas être une raison jugée valable
pour ignorer la pluriparenté. Il s'agit de donner à des enfants la
reconnaissance légale de leur famille existante. Si nous jugeons des conflits
possibles, c'est exactement ce qui devrait nous motiver à protéger les enfants
des répercussions néfastes qu'ils pourraient subir. Ces familles existent et
vont continuer d'exister avec ou sans encadrement légal.
Fait intéressant, le 18 mars dernier, la
Colombie-Britannique a fêté le 10e anniversaire de son Family Law Act, qui
reconnaît et encadre les familles pluriparentales à l'extérieur du paradigme
conjugal. Depuis 2013, cette loi a inspiré l'Ontario et la Saskatchewan à
inclure les familles pluriparentales dans leur législation. En 10 ans,
aucune décision n'a été répertoriée où il était question d'un conflit entre les
<parents
Mme Greenbaum (Mona) :
...en
10 ans, aucune décision n'a été répertoriée où il était question d'un
conflit entre les >parents... entre les parents au sujet du temps
parental ou des responsabilités parentales. Aucun cas de jurisprudence n'expose
un litige acrimonieux mettant en péril le meilleur intérêt l'enfant.
Cependant, si un problème surgissait pour
ces familles, les tribunaux sauraient le régler. De plus, malgré la possibilité
que les parents en couple vivent des divorces extrêmement acrimonieux, personne
ne suggère que les familles biparentales ne devraient plus être encadrées
juridiquement. Au contraire, un cadre juridique est en place pour les soutenir
et des lois existent pour gérer les conflits et protéger les plus vulnérables.
Pour en revenir aux familles
pluriparentales, une de leurs caractéristiques principales, c'est le degré de
planification, de négociation et de communication des attentes entre les
parents d'intention. Le partage des rôles, le partage des temps de garde, les
méthodes éducatives, etc., sont réfléchis d'emblée. C'est normal, puisque la
prémisse du projet parental exige qu'il y ait une organisation familiale en
dehors du modèle de la famille nucléaire traditionnelle. Souvent, des accords
sont même prévus en cas de séparation ou de déménagement afin d'assurer la
pérennité de la famille. Nous sommes loin des cas de divorce que la médiation
ne suffit pas à apaiser et qui doivent passer par les tribunaux.
Un deuxième argument qui a été avancé est
que reconnaître les familles pluriparentales serait dans l'intérêt des parents,
mais pas dans celui de l'enfant. Comment serait-ce possible? Le modèle familial
pluriparental est composé de parents et d'enfants. Nécessairement, le bien-être
des uns dépend du bien-être des autres et vice versa. Prenons comme hypothèse
que les deux parents légaux d'un enfant déménagent à l'étranger sans prévenir
l'autre parent qui n'a aucun droit quant à cet enfant aux yeux de la loi, est-ce
que c'est vraiment dans l'intérêt de l'enfant de perdre le soutien moral,
physique et économique d'un de ses parents? Nous croyons qu'il est absolument
dans l'intérêt de tous... de l'intérêt de l'enfant que tous ses parents soient
reconnus. C'est exactement pour cela qu'un encadrement légal est essentiel.
Un troisième argument qui a été mis de
l'avant est que la société a fait le choix de reconnaître uniquement les
familles biparentales. Commençons par dire que les droits humains et les droits
de l'enfant ne devraient jamais être une question de choix populaire. Ensuite,
pour le public, ce qu'est une famille pluriparentale n'est pas clair. Il faut
éduquer la population avant de dire qu'elle a fait un choix. Lorsque les
familles pluriparentales seront connues, les Québécoises et les Québécois
seront plus à l'aise avec celles-ci. Ce fut le cas pour les familles
homoparentales. En 2002, quand les familles homoparentales ont été légalement
reconnues, seulement 10 % de la population était à l'aise avec l'idée
qu'un enfant soit élevé par deux femmes ou deux hommes. En 2014, déjà, ce
chiffre était monté à 85 %. Attendre que la majorité fasse un choix en
faveur des minorités n'est pas possible parce que les inégalités subies par les
minorités demeurent dans les angles morts de la majorité. En tant que société
démocratique, nous nous attendons à ce que notre gouvernement tienne compte de
chacun des individus qui composent notre société. Ce serait une erreur de
penser que le droit et le Code civil ne doivent répondre qu'aux intérêts de la
majorité. D'ailleurs, ne serait-ce pas incohérent avec l'énergie investie pour
inclure des règles sur la grossesse pour autrui, une autre configuration
familiale minoritaire?
Un dernier argument mis l'avant pour
exclure les familles pluriparentales du projet... présent projet de loi est
qu'aucune recherche ne démontre qu'il est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir
plus que deux parents. On attend toujours que le ministre nous trouve une étude
qui dit que ce type de famille est préjudiciable aux intérêts des enfants.
Mais, même si c'était le cas, serait-ce une raison pour les abandonner?
La question n'est pas de savoir si nous
devons ou non permettre à ces familles d'exister, elles existent; la question
est de savoir si les enfants de ces familles doivent ou non bénéficier, comme
les autres enfants, de la protection qu'apporterait la reconnaissance légale de
tous leurs parents. Actuellement, au Québec, un enfant dans une famille
pluriparentale risque de perdre contact avec un de ses parents en cas de
litige.
Imaginons le cas d'un couple de femmes
lesbiennes qui fondent une famille avec leur meilleur ami. L'enfant est élevé
par ses deux mères et son père, mais seules les mères possèdent la filiation
légale. Si elles le souhaitent, les mères peuvent décider de couper les liens
entre le père et l'enfant. Le père aura très peu de recours, qu'il soit
impliqué et de... qu'il soit impliqué depuis trois mois ou 13 ans auprès
de son <enfant...
Mme Greenbaum (Mona) :
...et
de... qu'il soit impliqué depuis trois mois ou 13 ans auprès de son >enfant.
Est-ce dans l'intérêt de l'enfant qu'il soit possible de couper les pots... ponts
entre lui et un de ses parents? C'est exactement pour cela qu'un encadrement
légal est essentiel.
Ayant vécu les changements sociaux
apportés par la reconnaissance de l'homoparentalité, nous soulignons la portée
symbolique et sociale d'avoir un modèle familial reconnu légalement. Le
bien-être des familles homoparentales s'est considérablement amélioré en
20 ans. Il est essentiel pour les enfants de sentir que leur famille est
acceptée et respectée, car leur identité et leur estime de soi sont étroitement
liées à leurs parents. En nommant la pluriparentalité, en donnant des mots et
des concepts juridiques à une réalité familiale, nous pourrions donner aux gens
des outils leur permettant de s'identifier et de se faire respecter, comme ce
fut le cas pour les familles homoparentales.
Les lois doivent refléter et encadrer ce
qui existe et non prescrire ce qui devrait exister en matière de filiation. Si
l'enfant est réellement au centre des préoccupations québécoises, le Québec
doit encadrer les familles qui existent et non seulement les familles
traditionnelles. En 2002, le Québec était un leader lorsqu'il est devenu l'une des
premières juridictions au monde à reconnaître les familles homoparentales; il
doit retrouver ce courage et reconnaître les familles pluriparentales. Merci de
votre écoute.
Le Président
(M. Bachand) :Merci infiniment. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme Greenbaum, bonjour. Merci d'être présente en
commission parlementaire pour le projet de loi n° 12. On s'est vus sur le projet
de loi n° 2, notamment. Écoutez, quelques questions. Débutons par... pour
la grossesse pour autrui. Vous dites : Nous, on souhaite qu'il y ait une
expérience préalable de grossesse. Pourquoi?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
Mais ayant vécu deux grossesses, je pense que c'est... l'expérience de
grossesse, c'est quelque chose qu'on ne peut pas comprendre si on ne l'avait
pas déjà vécue. Donc, pour nous, c'est important que... si on veut que la
gestatrice prenne une décision qui est vraiment éclairée, qu'elle a cette
expérience pour être capable de vraiment décider, comme consciemment, qu'est-ce
qu'elle fait.
M. Jolin-Barrette : Puis
il y a un groupe avant vous qui nous a dit la même chose également, puis je
leur ai posé la question suivante que je vais vous poser à vous aussi.
Mme Greenbaum (Mona) : OK.
M. Jolin-Barrette : L'État
viendrait dire à une femme : Vous ne pouvez pas exercer certaines
activités reproductives, alors, nous, on viendrait dire aux femmes : Vous
n'avez pas l'entière autonomie sur votre corps. Je comprends que c'est motivé
par des questions d'intérêt d'avoir vécu une expérience... Mais supposons que
c'est un choix, là, une femme, supposons, qui ne veut pas avoir d'enfants mais
qui, elle, veut le faire à titre altruiste pour sa soeur ou pour toute autre
personne, alors nous, on lui interdirait?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
mais en fait on n'interdit pas qu'elle fait un enfant pour elle-même, mais on
met certaines balises pour la protéger, comme, dans le projet de loi, vous avez
mis que la femme doit avoir 21 ans. Donc, j'imagine que l'idée derrière
ça, c'est qu'elle a une certaine maturité pour être capable de prendre la
décision. Donc, je trouve que c'est un peu dans la même lignée.
M. Jolin-Barrette : OK.
Bien, je retiens votre suggestion.
Mme Greenbaum (Mona) :
OK.
M. Jolin-Barrette : Sur
la question de la filiation dès la naissance, donc, dans le fond, nous, ce
qu'on a prévu, c'est que la mère porteuse peut, à tout moment, décider de
conserver l'enfant ou d'interrompre le projet parental. Suite à l'accouchement,
elle ne peut pas donner son consentement à... au fait de... bien, enfin,
l'enfant peut être remis dès la naissance, mais la tutelle légale... non pas la
tutelle, pardon, le lien de filiation doit s'opérer simplement sept jours après
l'accouchement. Vous, vous dites, ça devrait se faire dès que l'enfant voit le
jour, dès sa naissance.
• (16 heures) •
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
mais en toujours donnant un 30 jours pour que la gestatrice conteste.
Donc, ça, c'est... je pense que ça donne une opportunité. C'est juste que ça
enlève le fardeau du dos de la gestatrice et puis aussi toute l'anxiété autour
des parents. Donc, c'est ce qu'on fait en Colombie-Britannique, en fait. Donc,
l'idée, c'est que, dès la naissance, c'est automatique, les parents
d'intention, ils ont toujours voulu l'enfant, ils ont eu le projet parental, et
puis ça, c'est le plan. Et puis, pendant la grossesse, la personne qui porte
l'enfant est toujours sur le même côté. Donc, c'est juste, comme, à
l'accouchement, quand c'est une période tellement importante pour les parents
de s'attacher à l'enfant, qu'il n'y aura pas cette mini-anxiété autour, dans
les premiers sept jours. Et puis, si la gestratrice <veut contester, rien
ne l'empêche...
>
16 h (version révisée)
< Mme Greenbaum (Mona) :
...premiers
sept jours. Et puis, si la gestatrice >veut contester, rien ne l'empêche.
Donc, elle peut le faire dans cette période, mais ce n'est pas... le fardeau ne
sera pas sur elle de dire qu'elle donne le consentement parce qu'elle l'a déjà
fait contractuellement.
M. Jolin-Barrette : Il y
a des accouchements qui se passent bien, mais d'autres qui sont plus
difficiles. Comment, à ce moment-là, si on ne laisse pas de période tampon, on
peut s'assurer que le consentement est vraiment éclairé?
Mme Greenbaum (Mona) : ...mais
je pense qu'elle a toute cette grossesse, elle n'a jamais eu de projet
parental, donc, encore là, même si la grossesse est difficile, je ne vois pas
ce qui l'empêcherait, comme, dans les premiers 30 jours, à dire : Je veux
contester. Et en même temps, si on pense que cette grossesse... cet
accouchement a été difficile, donc ça va encore plus augmenter l'anxiété des
parents. Est-ce qu'elle va être capable de consentir, parce qu'elle est malade,
supposons, après l'accouchement? Donc, c'est sûr que c'est comme... Ce n'est
pas qu'on enlève les droits, juste on transfère l'automatisme. Donc, tout de
suite quand l'enfant est né, les parents d'intention, qui sont... un des deux est
souvent, aussi, un parent biologique, peut comme avoir cette filiation tout de
suite, mais rien n'empêche... Là, je sais, la réalité, c'est que la recherche
au Canada nous dit qu'il n'y a pas eu des contestations par la gestatrice, donc
c'est un peu...
M. Jolin-Barrette : J'en
suis conscient, il y a peu de cas qui font état que la mère porteuse ne donne
pas suite aux proches... au projet parental, mais je trouve qu'on est dans une
situation où on devrait tout de même prévoir le cas, comme on le fait dans le
projet de loi, où on laisse une marge de manoeuvre à la femme qui vient d'accoucher
pour pouvoir donner un consentement libre et éclairé.
Mme Greenbaum (Mona) : Est-ce
que ça, c'est quelque chose que les gestatrices ont demandé?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, on n'a pas entendu de gestatrices ici, en commission parlementaire, mais
il faut prévoir l'encadrement pour maintenant et pour le futur aussi. Donc, au
niveau des règles d'ordre public, déjà, l'enfant est remis. Les choix
relativement, supposons, aux soins de l'enfant sont transférés dès le moment de
la naissance.
Mme Greenbaum (Mona) : Donc,
l'autorité parentale. OK.
M. Jolin-Barrette : L'autorité
parentale. Sauf que ça m'apparaît plus prudent, quand même, de donner un
certain délai. Exemple, en Ontario, c'est de cette façon-là qu'ils
fonctionnent.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
oui, mais en fait, comme, peut-être, c'est le plus prudent. Pour nous, on pense
que ça va créer de l'anxiété chez les parents d'intention et même chez la
gestatrice. On trouve que, comme, les premières semaines de la vie de l'enfant
sont des... c'est une période très précieuse, et ce sera, comme, une bonne idée
de ne pas, comme, créer une anxiété qui... Dans tous les cas, en tout cas, ce n'est
pas comme quelque chose réel, qui existe, on ne voit pas de cas de gestatrices
qui veulent garder le bébé. Donc, c'est... ce serait notre idée. Mais je pense
que la meilleure façon de réagir, c'est de demander si ça, c'est un souhait des
gestatrices, mais ce n'est pas ça. Moi, je n'ai pas fait une consultation rigoureuse
non plus, mais les trois ou quatre gestatrices avec qui j'ai parlé n'ont pas
exprimé ce besoin.
M. Jolin-Barrette : Mais
vous ne trouvez pas, si on donnait suite à votre proposition, c'est comme si ça
forçait l'équivalent à la mère porteuse, de se sentir obligée? Parce que, dans
le fond, là, elle serait mise devant le fait accompli, parce que, dès le moment
où elle accouche, le bébé, il s'en va — c'est à ça que ça revient, là — tout
de suite. Je comprends, pour les parents d'intention, que durant... puis avec
le cadre légal que nous avons, qu'on est en train de développer, il n'y a pas
de certitude pour les parents d'intention. Je comprends que, pour les parents d'intention,
de leur point de vue, si j'étais leur représentant, c'est ce que je dirais, je
dirais : Bien, écoutez, il y a un projet parental, on attend l'enfant
pendant neuf mois, plus les démarches préalables avant ça, on a investi
beaucoup d'énergie, je veux avoir mon enfant. Là, le législateur, ce qu'il est
en train de faire, il est en train de dire : Oui, mais la mère porteuse a
toujours priorité. Ça fait que je comprends que ça génère une zone d'anxiété, ça
fait partie du risque d'avoir recours à un projet parental, mais, d'un autre
côté, si on prend le point de vue de la mère porteuse, si on lui dit :
Bien, dès que tu accouches, le bébé s'en va, elle aussi, ça peut lui... même
dans son psychologique durant la grossesse, ça peut l'affecter aussi. On essaie
de trouver un équilibre.
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
je comprends, et puis peut-être ça, c'est où est l'équilibre. Moi, j'exprime le
point de vue <des parents d'intention...
M. Jolin-Barrette :
...équilibre.
Mme Greenbaum (Mona) :
Mais
je comprends, et puis peut-être ça, c'est où est l'équilibre. Moi, j'exprime le
point de vue >des parents d'intention. Puis c'est sûr, avec tout ce que
vous mettez en place en termes d'un consentement éclairé, avec le suivi
psychosocial et tout, comme, je pense que ça ne mettrait pas de la pression sur
la gestatrice parce que le projet est déjà clair. Donc, c'est plutôt, comme,
elle a toute cette période quand elle fait cette... quand elle prend cette
décision pendant la grossesse, donc là, s'il n'y a aucune expression de regret
dans cette période-là, donc, je ne trouve pas que ça va mettre un fardeau sur
la gestatrice que le plan est exécuté dès la naissance de l'enfant. Mais,
comme, c'est un point de vue.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous indiquez
que vous souhaitez empêcher la grossesse pour autrui à l'international.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Pourquoi?
Mme Greenbaum (Mona) : Bien,
c'est parce que nous, on veut que la grossesse pour autrui soit vraiment une
pratique très éthique, et c'est impossible pour nous, au Canada, de savoir
qu'est-ce qui se passe dans les autres pays. Donc, on pense qu'ici, au Canada,
ça peut être bien encadré, ce qu'on essaie de faire maintenant ici, au Québec,
et que ce soit dans l'intérêt de toutes les parties. Ailleurs, on n'a aucune
idée, c'est une boîte noire, donc. Et puis on a tous entendu des histoires
d'horreur dans, comme, des pays comme l'Inde ou d'autres pays, mais il y a des
pays intermédiaires où c'est plus flou. Donc, nous, comme organisme, on pense
que c'est un risque et puis on veut que toutes les parties soient respectées
dans une... dans la pratique de GPA.
M. Jolin-Barrette : Une
dernière sous-question. Faites-vous une différence entre l'international, mais
l'international au Canada, donc...
Mme Greenbaum (Mona) : Moi,
non.
M. Jolin-Barrette : ...entre
l'Ontario puis le Québec?
Mme Greenbaum (Mona) : Non.
M. Jolin-Barrette : Non?
OK.
Mme Greenbaum (Mona) : Je
pense qu'on est OK au Canada.
M. Jolin-Barrette : C'est
pour faire plaisir à mon nouveau collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme Greenbaum (Mona) : Donc,
non.
M. Jolin-Barrette : OK.
Pour vous, c'est au Canada, là.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
c'est ça, pour tout le Canada. Je pense que, comme, on a un cadre éthique déjà
dans les autres provinces canadiennes, donc c'est correct.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides,
s'il vous plaît.
Mme Haytayan : ...bonjour.
Merci pour votre temps, merci d'être ici.
Deux questions. Sur la GPA, vous avez
parlé du pré-GPA pour la personne porteuse, comme quoi vous considérez qu'une
grossesse avant un projet de GPA, c'est idéal, à votre avis. Au-delà de ça,
est-ce que, pour vous, à votre avis, il y aurait un maximum de projets de GPA
pour une personne porteuse aussi?
Mme Greenbaum (Mona) : Bien,
notre suggestion n'est pas qu'il y ait une autre GPA avant, mais qu'il y ait
une grossesse oui.
Mme Haytayan : ...oui,
oui. Bien compris, oui.
Mme Greenbaum (Mona) : OK.
Donc, la question est : Est-ce qu'on suggère qu'il y ait un maximum de
projets GPA par gestatrice?
Mme Haytayan : Par la
suite.
Mme Greenbaum (Mona) : Ouf!
Moi, je pense que c'est... Je ne sais pas, je n'ai jamais réfléchi à ça, mais
j'imagine que c'est plutôt une question individuelle, que les cliniques de
fertilité peuvent déterminer si ce serait une grossesse à risque après, comme,
cinq, six GPA. Comme, ça dépend si ça va bien psychologiquement. Il y aura,
comme, les rencontres psychosociales aussi. Donc, si ça va bien physiquement et
psychologiquement, donc, je ne vois pas de limite, mais c'est cas par cas.
Mme Haytayan : OK, merci.
Est-ce que j'ai le temps, M. le Président, pour une autre question?
Le Président (M.
Bachand) :...
Mme Haytayan : À la
lumière de votre mémoire, le meilleur intérêt de l'enfant... est-ce que vous
pouvez nous en dire plus sur votre définition du meilleur intérêt de l'enfant
en lien avec les droits des parents d'intention et des droits de la personne
porteuse?
• (16 h 10) •
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
Mais en fait, comme, pour nous comme pour vous, comme dans ce projet de loi,
c'est l'enfant... l'intérêt de l'enfant qui prime. Ça, c'est... qui est le plus
important. Et puis donc ça veut dire que cet enfant, c'est... tous les soins
autour de cet enfant sont pris en compte, que ses parents sont légalement
reconnus, que ses parents sont soutenus pour être capables de prendre soin de
l'enfant, qu'on répond à tous ses besoins, que ce soit physiques, psychologiques,
financiers, émotionnels, etc.
Mme Haytayan : D'accord.
Mme Greenbaum (Mona) : Est-ce
que c'est ça que vous cherchez comme question? Je ne suis pas certaine de
comprendre.
Mme Haytayan : Oui, oui,
oui. Donc, sans nécessairement mettre l'emphase ni privilégier uniquement les
droits des parents d'intention.
Mme Greenbaum (Mona) : Non,
c'est... Pour nous, l'enfant est le plus important. Mais c'est sûr que les...
le bien-être de l'enfant est très lié au bien-être des parents. Donc, si les
parents ne vont pas bien, ça va <affecter...
Mme Greenbaum (Mona) :
...les... le bien-être de l'enfant est très lié au bien-être
des parents. Donc, si les parents ne vont pas bien, ça va >affecter
l'enfant. Ça, c'est une des raisons qu'on parle de, comme, cette période d'une
semaine où la filiation n'est pas, comme, garantie tout de suite, qui peut
créer un stress chez les parents d'intention.
Mme Haytayan : Et
l'importance, aussi, des droits de la personne porteuse, évidemment.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
c'est ça.
Mme Haytayan : OK.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme Greenbaum. Merci pour votre témoignage et puis
pour votre mémoire. J'aurais quelques questions pour vous. Dans le projet de
loi, actuellement, la femme porteuse peut décider, et M. le ministre y faisait
référence tout à l'heure, entre sept jours et 30 jours, de, évidemment,
garder ou remettre l'enfant. Vous suggérez plutôt de le remettre immédiatement
aux parents, mais de laisser une période de 30 jours, puis vous dites :
Ça pourrait être une période où la personne, la femme porteuse pourrait
contester, finalement. Vous ne trouvez pas que ça peut générer quand même pas
mal de stress chez les parents qui ont conçu le projet? Parce que, même s'ils
ont l'enfant dès la naissance, ils vont quand même regarder, là, leur
calendrier pendant 30 jours pour savoir si la femme porteuse va intenter
une poursuite pour conserver la filiation ou pas. Donc, trouvez-vous que le délai
de 30 jours, c'est trop long? Est-ce qu'on devrait le raccourcir? Parce
qu'au départ, si c'est prévu dans la convention, il me semble que ça devrait
être clair entre les parties.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
mais en fait, à ma compréhension, si on met les 30 jours ou non dans la
loi, comme, rien n'empêche cette personne porteuse à aller devant les
tribunaux, même après un an, donc je sais que c'est plutôt symbolique. Et puis,
pour nous, ce qui est important, c'est que les droits des parents... la
filiation est établie tout de suite.
M. Morin : OK, parfait.
Quand on regarde le projet de loi comme tel, notamment à l'article 541.11,
le législateur veut que les conjoints qui forment le projet parental
rencontrent un professionnel pour l'informer sur les implications
psychosociales, et, au fond, c'est le ministre qui va décider quel
professionnel va être éventuellement désigné pour être capable de rencontrer
les conjoints qui ont formé le projet. Est-ce que vous trouvez que c'est trop
large? Est-ce que ça devrait être plus précis? Est-ce qu'on devrait en dire
plus? Est-ce qu'on devrait identifier des ordres professionnels particuliers
qui sont spécialisés là-dedans ou si on laisse l'article 541.11 comme il
est présentement?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
j'imagine que... Moi, je n'ai pas une opinion très précise sur ça, honnêtement,
sur quel type de professionnel, et puis j'imagine que ça va être quelque chose
qui va être bien réfléchi au ministère de la Santé et Services sociaux. Donc,
personnellement, je suis à l'aise avec ça.
M. Morin : ...vous
avez... vous nous avez dit clairement que, pour vous et votre organisme,
l'intérêt de l'enfant était ce qui primait. Moi, je voulais... j'aimerais ça
avoir votre commentaire sur 541.14 parce que, dans le projet de loi, on dit qu'«après
sa naissance, l'enfant est confié, sauf s'il y a opposition de la femme ou de
la personne qui lui a donné naissance, à la [seule personne] ou aux conjoints [qui
ont] formé le projet parental. En cas de décès ou d'impossibilité d'agir de
cette personne ou de ces conjoints, l'enfant est confié au directeur de la
protection de la jeunesse.» Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, plutôt que de
décider qu'il va être nécessairement confié au directeur de la protection de la
jeunesse, dans l'article, faire en sorte qu'il pourrait y avoir d'autres
personnes qui pourraient s'occuper de l'enfant et non pas nécessairement la
DPJ?
Mme Greenbaum (Mona) : Non,
je pense que c'est très important que ce soit la DPJ, en fait, parce que,
comme, si les parents d'intention ne sont pas là, ce sera qui si ce n'est pas
décidé d'avance? Il faut regarder qu'est-ce qui est dans l'intérêt de l'enfant.
M. Morin : Effectivement.
Donc, la convention de grossesse pourrait prévoir, par exemple, un tuteur ou
une tutrice et non pas nécessairement la DPJ.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
mais peut-être si une chose dramatique comme ça survient et puis qu'il y ait...
une chose dramatique comme ça arrive, donc ce sera, comme, que la DPJ va
regarder ce qui était dans la convention qui était notariée pour voir. Mais
juste, comme... Je ne sais pas comment on peut, comme, juste faire un transfert
comme ça, dans une situation dramatique comme ça, sans que la DPJ ait un
certain <contrôle...
Mme Greenbaum (Mona) :
...comme, juste faire un transfert comme ça, dans une situation dramatique
comme ça, sans que la DPJ ait un certain >contrôle. Je ne sais pas, comme...
C'est des circonstances vraiment, vraiment exceptionnelles. Mais, encore là, je
suis à l'aise avec cette idée-là.
M. Morin : Parfait.
Dernière question. Ce n'est pas en lien spécifiquement avec la convention de
grossesse, mais, dans le projet de loi... et peut-être que vous n'avez pas
regardé cette question-là, mais on parle de la responsabilité financière visant
les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle, à 542.33, et,
finalement, on fait reposer sur les épaules de la mère le fait d'éventuellement
s'adresser aux tribunaux pour obtenir une indemnité de la personne qui aurait
commis l'agression. Est-ce que vous pensez que c'est correct qu'on impose ça à
la mère ou si l'État ne devrait pas pallier à cette situation-là en donnant une
indemnité?
Mme Greenbaum (Mona) : Honnêtement,
je n'ai pas de commentaire sur ça. On a regardé les choses qui affectent
spécifiquement la communauté LGBT dans ça. Donc, il y a certaines portions de
la loi, même si, en principe, je suis très d'accord avec ce qui est mis de
l'avant pour les enfants qui sont produits après un viol, mais ici, je n'ai pas
d'opinion, honnêtement. Si vous voulez me poser des questions sur la
pluriparentalité, par contre, je suis là.
M. Morin : Oui, bien,
ça... je vous remercie, mais je vous dirais qu'à ce niveau-là votre position
est très claire, vous avez très bien répondu aux questions, puis d'ailleurs la
position que vous prenez dans votre mémoire est aussi très claire. Alors, je
vous remercie, M. le Président. Je ne sais pas si ma collègue la députée de...
Non, c'est clair, hein? Parfait. Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Et moi, je vais vous la poser, la question.
Mme Greenbaum (Mona) : C'est
le député de ma circonscription.
M. Cliche-Rivard : Alors,
bienvenue à l'Assemblée nationale. Dites-moi, ce serait quoi, le grand
préjudice de maintenir le statu quo, et de ne pas légiférer, et de ne pas
reconnaître la pluriparentalité?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
bien, comme mentionné, c'est sûr que, comme, un parent qui n'est pas légalement
reconnu, il y a... il peut y avoir toutes sortes de problèmes. Donc, l'enfant
peut perdre le soutien de ce parent, peut perdre l'accès au parent aussi. Mais
aussi, comme j'ai mentionné à la fin, c'est très important symboliquement aussi,
puis on a vu ça il y a 20 ans, plus que 20 ans, avec la
reconnaissance des familles homoparentales, ça a fait une énorme différence pour
nos familles quand l'État a reconnu nos familles. Donc, on veut la même chose
pour les familles pluriparentales, parce que ces familles existent. Ce n'est
pas une question de, comme, est-ce qu'on décide... on va donner permission à
ces familles d'exister ou non, ces familles sont déjà là. Donc, nous, on pense
que cette reconnaissance légale va aussi mener à une reconnaissance sociale.
M. Cliche-Rivard : Il y
a des intervenants avant vous qui ont parlé de mettre une obligation pour que
l'enfant sache qu'il est issu d'un projet GPA. Est-ce que vous avez une
position là-dessus? Est-ce qu'on devrait obliger les parents à divulguer à
l'enfant son origine?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
c'est sûr que, dans la communauté LGBT, c'est très rare qu'on peut cacher cette
information, même si on le veut. Mais en général nous, comme organisme, on est
très... notre politique... en fait, pas notre politique, mais notre vision,
c'est que les enfants doivent avoir toutes les informations possibles sur leurs
origines puis qu'on ne cache rien. C'est très important parce qu'en fait,
comme, ce qu'on voit, que ce soit avec la procréation assistée, la GPA c'est
que ce n'est pas, comme, ces processus qui font des problèmes pour les enfants
ou les dysfonctions dans les familles, c'est les secrets.
M. Cliche-Rivard : Est-ce
que vous avez une position sur l'âge minimum de 21 ans pour participer au
projet ou... Vous pensez que c'est raisonnable?
Mme Greenbaum (Mona) : Je
pense que c'est raisonnable, oui.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup,
Mme Greenbaum, ça a été un grand plaisir de vous avoir avec nous, très
instructif. Merci infiniment.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants. Merci, à bientôt.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 23)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Il nous fait plaisir d'accueillir Mme Manon
Monastesse, la directrice générale de la Fédération des maisons d'hébergement
pour femmes. Merci, encore une fois, d'être avec nous cet après-midi. Vous
connaissez les règles, un petit 10 minutes de présentation, après ça une
période d'échange avec les membres. Alors, la parole est à vous.
Fédération des maisons d'hébergement pour femmes
(FMHF)
Mme Monastesse (Manon) : Merci,
M. le Président. M. le ministre, Mmes les députées, MM. les députés, merci
beaucoup de nous donner l'occasion de pouvoir témoigner devant la commission.
Alors, tout d'abord, nous voulons
souligner, encore une fois, la suite de la loi sur l'implantation des tribunaux
spécialisés, l'engagement politique et la volonté législative du gouvernement
québécois quant à la réforme en profondeur de la loi portant sur la réforme du
droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants
nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette
agression ainsi que le droit des mères porteuses et des enfants issus du projet
de grossesse pour autrui, le projet de loi n° 12. Nous saluons, de ce
fait, la volonté de changement social et d'amélioration des conditions de vie,
de liberté et de sécurité des femmes violentées et de leurs enfants dans un
contexte de violence familiale, conjugale et sexuelle, tel que stipulé par
l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Alors, bien des changements importants ont
été effectués depuis la mise en chantier de la politique gouvernementale
d'intervention en matière de violence conjugale en 1995 ainsi que les
différents plans d'action et politiques en matière d'agression et
d'exploitation sexuelle. Nous sommes à la croisée des chemins. La réforme en
profondeur du droit de la famille du Code civil, longtemps attendue, propose
certains amendements en termes d'une prise en compte de la violence familiale
dans l'évaluation de l'intérêt de l'enfant en lien avec la détermination des
droits de garde, entre autres. Ces changements structurants amélioreront de
façon notable la prise en compte de la violence familiale, conjugale et
sexuelle par les tribunaux, via le projet de loi n° 12 et le projet de loi
n° 2.
Rappelons que ce n'est que depuis 1983 que
le viol au sein du mariage est considéré comme un crime au Canada. Le projet de
loi n° 12 va encore plus loin et propose de retirer à l'agresseur toute
emprise sur sa victime et l'enfant provenant de l'agression sexuelle, tout en
le responsabilisant financièrement pour ce viol. Le projet de loi n° 12
marque une fois de plus cette volonté du gouvernement de protéger les femmes
violentées et leurs enfants en introduisant des dispositions concernant la
possibilité de s'opposer à l'établissement de la filiation en contexte de
violence sexuelle.
Cependant, le projet de loi n° 12
semble avoir été réfléchi dans un contexte <spécifique...
Mme Monastesse (Manon) :
...contexte
de violence sexuelle.
Cependant, le projet de loi
n° 12 semble avoir été réfléchi dans un contexte >spécifique
d'agression sexuelle, faisant référence à l'agression sexuelle vécue par Océane
et la demande ultérieure de l'agresseur de faire valoir ses droits sur l'enfant.
Nous saluons le courage dont a fait preuve Océane afin que le législateur
légifère dans le but d'empêcher de tels recours injustifiables. Toutefois, la
situation d'Océane ne représente qu'un cas de figure, et le projet de loi
devrait prendre en compte toutes les formes d'agressions sexuelles, notamment
celles perpétrées en contexte de violence conjugale et familiale, qui sont plus
complexes en termes de démonstration de la preuve, ce que nous explorons dans
ce mémoire, très largement inspiré du mémoire de Me Michaël Lessard, qui a
témoigné hier, avec qui nous avons partagé nos réflexions, qu'il a
judicieusement rendues en langage juridique. Voilà.
Le Président (M.
Bachand) :Bon, vous êtes très efficace, c'est
bien, ça. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme Monastesse, bonjour, toujours un plaisir de
vous retrouver.
Mme Monastesse (Manon) : Bonjour,
et le plaisir est partagé.
M. Jolin-Barrette : Bon.
Donc, je comprends que vous voudriez qu'on soit plus larges pour les cas d'agression
sexuelle. Pouvez-vous m'expliquer ce que... qu'est-ce que vous voulez dire quand
vous voulez dire «toutes les formes d'agression sexuelle dans le cadre du
contexte conjugal», pour la filiation?
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
tout à fait. Alors, c'est important de comprendre que... et c'est un des... une
des recommandations que les relations sexuelles en contexte où il y a de la
violence conjugale et, souvent, familiale, ce sont... à proprement parler,
selon la définition de l'agression sexuelle, ce sont des agressions sexuelles,
car elles ne sont pas consentantes, et souvent ce sont également une des formes
du contrôle coercitif qui va s'exercer via l'agression sexuelle, qui est la
relation sexuelle dans un contexte de violence conjugale.
M. Jolin-Barrette : Donc,
ce que vous voulez... Dites-moi si je comprends bien. Ce que vous me dites, c'est
que, s'il y a présence de violence conjugale, supposons, durant une période,
là, d'une année complète, bien, tous les rapports sexuels durant cette
année-là, même si la femme qui est victime de violence conjugale pense que les
relations sexuelles qu'elle a sont volontaires, au fond, elles ne le sont pas
parce qu'elle est victime de violence conjugale. Donc, ce n'est pas parce que...
je vais faire ça cru, là, ce n'est pas parce qu'un soir monsieur ne la bat pas
puis qu'elle a une relation sexuelle avec lui, que cette relation sexuelle là,
elle est consentante, parce que ce que vous dites, c'est qu'elle est viciée, à
la base. C'est ça?
Mme Monastesse (Manon) : Tout
à fait, tout à fait. Et la définition du contrôle coercitif, qui s'exerce,
effectivement, souvent dans un contexte de violence conjugale, une des formes du
contrôle coercitif, c'est via les relations sexuelles qui semblent être
consentantes, mais qui ne le sont pas, qui sont vraiment un outil, également,
de contrôle coercitif.
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Donc,
si on suit votre raisonnement, vous nous dites : Il faudrait étendre non
pas à la relation sexuelle qui est génératrice de la naissance de l'enfant,
même si madame ne la considère pas comme étant un viol, parce qu'elle était
consentante supposons, sur cette relation-là, mais vous dites : Il faut
regarder le continuum pour dire si l'enfant a été conçu, supposons, entre le 1er janvier
puis le 31 décembre de cette année-là, où il y avait de la violence
conjugale constante, donc, peu importe que monsieur pouvait penser qu'il y
avait un consentement libre et éclairé à l'acte sexuel, à ce moment-là, ça
devrait être considéré comme un viol, et donc la disposition qu'on insère dans
le projet de loi devrait donner suite au bris de filiation. Est-ce que je
comprends?
Mme Monastesse (Manon) : Tout
à fait, que la présomption d'agression sexuelle en contexte de violence
conjugale est tout à fait plausible, de considérer la relation sexuelle comme
une présomption d'agression sexuelle en contexte de violence conjugale. Et
c'est documenté dans la littérature, et c'est ce que les femmes, les milliers <de
femmes...
>
16 h 30 (version révisée)
< Mme Monastesse (Manon) :
...en contexte de violence conjugale, est tout à fait plausible, de
considérer la relation sexuelle comme une présomption d'agression sexuelle en
contexte de violence conjugale. Et c'est documenté dans la littérature, et c'est
ce que les femmes, les milliers >de femmes que nous soutenons, que nous
hébergeons nous relatent également.
M. Jolin-Barrette : Je
serais curieux de savoir, est-ce que, dans votre expérience, parmi les femmes
que vous hébergez, des cas comme celui d'Océane, vous en vivez fréquemment, des
femmes qui donnent naissance à un enfant à la suite d'agressions sexuelles?
Mme Monastesse (Manon) : Ah!
tout à fait, ou c'est aussi toute la question de la grossesse forcée, où un
conjoint, dans le cadre d'un contrôle... d'une situation de contrôle coercitif,
de violence conjugale et familiale, va forcer la grossesse, donc il n'y a pas
de consentement. Toute la notion de consentement est très importante dans un
contexte de violence conjugale. Et c'est pour ça qu'on parle que c'est un
levier, c'est une expression du contrôle coercitif, donc il n'y a pas de
consentement. Et, effectivement, ce sont des situations que l'on rencontre.
Et puis aussi on peut avoir en tête le
jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire de Chantale Daigle aussi.
Alors, c'est un cas très explicite du pourquoi Mme Daigle demandait un
avortement, parce qu'elle voulait se protéger elle-même et elle voulait
protéger un futur enfant à naître, constatant que monsieur exerçait beaucoup de
violence conjugale et qu'elle ne voulait pas exposer l'enfant à naître à un
père qui serait violent.
M. Jolin-Barrette : Êtes-vous
en mesure de quantifier le nombre de femmes que vous aidez, supposons,
annuellement qui donnent naissance à un enfant suite à une agression sexuelle?
Mme Monastesse (Manon) : Non,
on ne... C'est une question qui est délicate, vous conviendrez, mais on peut...
Dans toutes les femmes... les milliers de femmes qu'on accueille et qu'on
reçoit également en services externes, c'est quand même 36 % d'entre elles
qui vont parler des violences sexuelles qu'elles ont vécues et, entre autres, de...
entre autres, cette question, justement, de la conception... la grossesse
forcée en situation de violence conjugale et de contrôle coercitif.
M. Jolin-Barrette :
OK. Je vais vous poser une
dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Je veux juste qu'on
revienne sur votre intervention précédente, sur la notion des agressions
sexuelles dans le cadre de la relation conjugale. Vous savez que... Bon, en
fait, je voudrais vous demander comment est-ce qu'on réconcilie ça, supposons,
avec le droit, avec le Code criminel, qui fait en sorte qu'une agression
sexuelle, bien, c'est... bien, dans le fond, c'est un toucher non désiré à
connotation sexuelle, là. Je le résume, là. Me Morin serait meilleur que
moi pour exprimer le détail de la disposition du Code criminel, mais, grosso
modo, je ne me trompe pas trop. Alors, comment est-ce qu'on réconcilie ça sur l'agression
sexuelle, Code criminel versus ce qui est vécu, là, par les femmes, avec ce que
vous nous décrivez?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
au coeur de l'encadrement de l'agression sexuelle, il y a toute la notion de
consentement. Et, nous, ce que nous amenons, c'est que la question du
consentement dans un contexte de violence conjugale, c'est un consentement qui
est totalement vicié et qui va s'exercer sous l'emprise du conjoint violent et
sous l'emprise du contrôle coercitif qu'il va exercer. Donc, le consentement
est tout à fait vicié et très questionnable... en contexte. Et toutes les
études démontrent que, quand on parle de contrôle coercitif, où un conjoint va
exercer un contrôle total sur toutes les sphères de la vie, bien, l'agression
sexuelle, la relation <sexuelle...
Mme Monastesse (Manon) :
...relation
>sexuelle non consentante est une des formes majeures de l'exercice de
ce contrôle coercitif.
M. Jolin-Barrette : OK.
Je vous remercie, Mme Monastesse.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Il vous
reste...
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
merci à vous.
Le Président (M.
Bachand) :Du côté gouvernemental, il
reste un peu plus de sept minutes. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Bonjour.
Je vais rester dans le même angle que M. le ministre, j'aimerais vraiment
clarifier. Donc, si... Parce qu'on le sait, la violence conjugale, ce sont des
petits cycles, donc il y a la phase de la lune de miel également. Donc, le
couple ne va pas 100 % du temps pas bien, peu importe la violence. Et, si
les deux parents ont le projet d'avoir un enfant, il y a de la violence
conjugale là-dedans, sans nécessairement avoir de viol, là, tu sais, que
l'homme bat la femme, et tout ça, vous, votre point serait que la mère peut
quand même demander la désaffiliation du père là-dessus?
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
tout à fait, parce que, même, on sait que, comme vous le dites si bien, le
cycle de la violence, la période de lune de miel, plus la violence va
s'exercer, va... et va s'amplifier, la lune de miel va durer de moins en moins
longtemps. Alors, ça, c'est prouvé. Et, même s'il y a une lune de miel, on est
toujours... Et c'est très important, vous en conviendrez, de voir la violence
conjugale non pas comme des infractions au Code criminel qu'on voit de façon
ponctuelle, mais il faut toujours voir le contexte de violence conjugale.
Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on peut vraiment parler du fait que le
consentement soit vicié. C'est souvent : oui, les femmes vont avoir des
relations sexuelles pour atténuer ou pour tenter de compenser le contexte de
violence, de faire tomber la tension, mais on ne peut pas penser que c'est un
consentement libre et éclairé. On n'est déjà pas... Quand on parle du contrôle
coercitif, bien, c'est une privation de la liberté, c'est une privation de
toutes les libertés. Donc, on ne peut pas concevoir que la relation sexuelle
est libre et consentie. Et, quand même, on a quand même des leviers dans le
Code criminel. Quand je parle du viol en contexte conjugal, il existe depuis 1983,
et, on sait, en cour criminelle, c'est rarement invoqué et rarement utilisé,
alors...
Mme Bourassa : Bien,
justement, contrairement à mes collègues, je ne suis pas juriste, je ne suis pas
avocate, mais je crains que ça soit difficile à prouver. S'il n'y a pas de
violence au moment de l'acte sexuel, comment est-ce qu'on peut prouver, soit
devant une cour... ou prouver, justement, qu'il y a eu... au final, que
l'enfant est issu d'une relation toxique, violente?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
justement, c'est ce qu'il faut... il faut démontrer le contexte, le contexte de
la violence conjugale et utiliser les outils que nous donne l'évaluation du
contrôle coercitif. C'est documenté, les grands spécialistes de l'explication
de l'utilisation du contrôle coercitif vont parler, justement, d'une des formes
les plus sévères, c'est justement l'utilisation des relations sexuelles afin
d'augmenter ou de mieux contrôler une conjointe, là. Alors, il faut documenter
la situation, c'est évident.
• (16 h 40) •
Mme Bourassa : Et j'ai
une dernière question concernant l'indemnité ou, du moins, le montant que la
personne violée qui est tombée enceinte pourrait recevoir. Selon vous, est-ce
que c'est important que ce soit un montant une fois pour éviter, justement, le
contact avec l'agresseur? Quelles peuvent être les conséquences psychologiques
que la victime reste en contact avec l'agresseur?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
on le voit quand c'est la question des aliments pour les enfants, la question
de la perception automatique, ce n'est pas... oui, ça a été réfléchi afin qu'il
y ait le moins possible de contact, mais, nous, de notre expérience et de
l'expérience des femmes, ce n'est pas un contexte idéal parce qu'il reste
toujours des contacts. Et souvent un conjoint va revenir à la charge en
démontrant que, oui, il pourvoit aux besoins d'un enfant, et ça maintient
certains liens, et il y a de nombreux obstacles, justement, à la perception
automatique avec des conjoints qui ont des comportements violents. Pour nous,
la meilleure voie, c'est vraiment <via...
Mme Monastesse (Manon) :
...vraiment
>via la LAPVIC, parce que, là, il n'y a plus d'intermédiaire et c'est...
et il y a des dispositions aussi pour des... justement, des enfants qui sont
nés d'une... dans un contexte d'agression sexuelle, il y a déjà des
dispositions dans la LAPVIC, et le ministre est subrogé aussi. Alors, le
ministère lui-même peut revenir contre l'agresseur et pour les remboursements.
Donc, pour nous, la meilleure solution c'est de demander une indemnisation via
la LAPVIC.
Mme Bourassa : Merci
beaucoup pour les réponses.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Il reste un peu moins de
deux minutes. Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M.
le Président. Bonjour. Merci de votre présence.
Est-ce qu'à votre avis on devrait
renforcer l'article 606 du CCQ, du Code civil du Québec, donc, sur la
déchéance de l'autorité parentale?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
pour nous, quand on parle d'agressions sexuelles, ça serait vraiment... l'établissement,
là, de refuser, de pouvoir vraiment couper la filiation, parce que ce qu'on
voit dans la pratique, c'est que, même dans des situations très graves où il y
a violence conjugale, où il y a violence familiale, l'utilisation de la
déchéance parentale est extrêmement difficile, est extrêmement difficile, même
si elle est invoquée dans des situations très graves, là, où il y a des
agressions, des agressions, de la violence familiale envers les enfants, ce
sont des situations où est-ce que c'est encore malheureusement très difficile
d'évoquer la déchéance parentale. Et nous savons par expérience qu'il y a des
juges que... pour quelle que soit la situation, ne vont pas utiliser la... ne
vont pas être d'accord avec l'utilisation de la déchéance, de prononcer la
déchéance parentale.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie,
s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme Monastesse, heureux de vous revoir en commission
parlementaire.
Si j'ai bien compris, M. le ministre vous a
posé des questions, au fond, quand vous parlez du contrôle coercitif dans un
contexte de violence conjugale, c'est que, pour vous et puis pour le concept,
ça vient attaquer, donc vicier le consentement que la personne peut donner, donc
ça va faire en sorte que, s'il se passe des agressions sexuelles pendant que la
personne vit cette période-là, elle ne donne pas un consentement éclairé, donc
elle est victime d'agression sexuelle, c'est bien ça?
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
parce que la nature même du contrôle coercitif, c'est d'enlever toute liberté
fondamentale à la victime. Donc, de par ce fait, il n'y a pas de consentement,
il n'y a même pas de consentement. Alors, c'est clair, c'est comme ça, et c'est
tout à fait ce que les femmes nous relatent, et c'est tout ce que... dans notre
pratique, au quotidien, c'est ce qu'on voit.
M. Morin : Et je
comprends de votre mémoire, et je vous en remercie, que, pour vous, l'aide
financière qui serait donnée par l'État ou un organisme de l'État, vous
mentionnez la LAPVIC, par exemple, à la page 7 de votre mémoire, ce serait
beaucoup plus efficace que ce qui est proposé à 542.33 du projet de loi, où là
on demande à la victime de l'agression sexuelle qui a gardé l'enfant,
finalement, de s'adresser aux tribunaux pour obtenir une indemnité. Est-ce que
je vous comprends bien?
Mme Monastesse (Manon) : Tout
à fait, tout à fait, et c'est la façon, c'est la... de cette façon aussi, c'est
qu'il n'y ait aucun... justement, d'avoir à justifier et... justifier la
demande et de n'avoir aucun contact avec l'agresseur. Et, comme on le dit, il y
a toujours moyen pour le gouvernement, pour le ministre de revenir et de
pouvoir demander à l'agresseur de rembourser les sommes. C'est ce qui se fait,
d'ailleurs, avec l'aide sociale. Quand des femmes violentées quittent un
conjoint qui les a parrainées, elles ont droit à l'aide sociale, et l'aide
sociale, de leur côté, vont demander que les sommes versées soient remboursées
par le conjoint <violent...
Mme Monastesse (Manon) :
...conjoint
>violent.
M. Morin : Oui. Cependant...
et votre position, en fait, vous l'exprimez très clairement, sauf que,
cependant, il faudrait... en fait, je présume, parce qu'on parle de la Loi
visant à aider des personnes victimes d'infractions criminelles, donc, qu'il
faudrait quand même qu'à un moment donné, même avec le système gouvernemental,
la victime soit capable de démontrer qu'elle a, donc, vécu dans un tel climat
et que, si elle a eu des relations sexuelles, bien, à ce moment-là, le
consentement était vicié, donc elle a été agressée sexuellement. On... Il faut
quand même que la victime soit capable de démontrer quelque chose. Êtes-vous
d'accord avec moi là-dessus?
Mme Monastesse (Manon) : Bien
oui, tout à fait, et le fait qu'elle ait recouru à des services, que ce soit
via des organismes comme les maisons d'hébergement ou les CALACS, elle peut
documenter ce fait même... ce faisant, le fait, la position à l'effet qu'elle a
été victime d'agression sexuelle, le fait d'avoir recours à des services
spécialisés.
M. Morin : Parfait. Et
donc ça permettrait — bon, parce qu'on a utilisé son nom, je
comprends que c'est un nom fictif — de régler la situation dramatique
qu'a vécue Océane, mais de le faire d'une façon étatique.
Moi, j'aimerais attirer votre attention
sur une autre problématique dont on a parlé beaucoup cette semaine, et c'est un
nom fictif aussi, c'est la situation ou le cas d'Isabelle, et là on parle de
déchéance d'autorité parentale. Vous avez parlé... vous l'avez évoqué tantôt,
vous avez dit que c'était excessivement difficile. Est-ce qu'il serait
approprié, selon vous, dans ces cas-là, de prévoir ou de rédiger une
présomption qui ferait en sorte que ce serait beaucoup plus facile pour le
tribunal d'enlever l'autorité parentale à un parent qui aurait, par exemple,
commis une agression sexuelle?
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
c'est une avenue qui est possible. Mais, à ma compréhension du droit, une
déchéance parentale n'est pas illimitée dans le temps, elle peut être... elle
peut être à nouveau possible... je veux dire, le lien... réhabiliter le lien
parental, dans un cas de déchéance parentale, c'est possible aussi, là, ce
n'est pas indéfini dans le temps. En tout cas, moi, je n'ai jamais vu des
situations de déchéance parentale qui perduraient pendant des années dans le
temps, là.
M. Morin : Mais ça
serait quelque chose qui aiderait, évidemment, les victimes qui se ramassent
dans cette situation-là.
Mme Monastesse (Manon) : Oui.
Pour nous, la question de pouvoir, justement, couper de façon permanente le
lien de filiation est une avenue qui nous semble plus en phase avec les besoins
des victimes. Mais disons que, oui, on pourrait convenir à une possibilité
d'une déchéance parentale, mais il ne faudrait pas que ça soit juste pour six mois
ou pour un an, comme j'ai eu l'occasion, au cours de mes 30 dernières
années, de le voir, là ça serait vraiment très problématique. Mais on espère...
avec les nouvelles dispositions de la loi n° 2, qui vient encadrer
l'intérêt de l'enfant de façon très précise, avec des critères très précis dans
le cadre, c'est ça, de l'intérêt de l'enfant en contexte de violence familiale,
on pourrait espérer que l'évaluation, là, justement, de la déchéance parentale
soit plus efficace qu'elle l'est présentement.
• (16 h 50) •
M. Morin : Parfait. Je
vous remercie beaucoup, madame. Je ne sais pas si ma collègue a des questions.
Oui, voilà.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Robert-Baldwin,
s'il vous plaît.
Mme Garceau : Juste une
question, compte tenu du temps. Bonjour, Mme Monastesse. Je pense qu'il y
a un point très important dans votre mémoire que vous n'avez pas discuté avec
nous, et j'aimerais que vous ayez la possibilité de le faire. Je trouve, c'est
un point important, et je sais que vous avez eu des échanges avec Me Lessard
au niveau de l'inférence négative et que vous voulez prévoir dans la loi
quelque chose spécifique, compte tenu que... et nous savons très bien qu'il y a
plusieurs victimes qui ne dénoncent pas l'agression sexuelle pour différentes
raisons et nous savons pourquoi, et certains <tribunaux...
Mme Garceau :
...certains
>tribunaux associent la dénonciation à l'aliénation parentale. Et donc je
voulais... j'aimerais vous entendre là-dessus, au niveau de qu'est-ce que vous
souhaiter de prévoir dans la loi concernant l'inférence négative.
Mme Monastesse (Manon) : Oui.
Merci beaucoup, Mme Garceau, de poser la question. Effectivement, c'est un
point tout à fait central. Et effectivement ce qu'on voit — vous, vous
l'avez vu dans votre pratique — on le voit à tous les jours, le fait
même, souvent, devant les tribunaux de la famille... et on a... on vous a
soumis une étude, un rapport de recherche sur cette question, le fait
d'invoquer la violence familiale, qu'il n'y ait pas eu, entre autres, de
condamnation au criminel, ou quoi que ce soit, déjà, en partant, le fait
d'invoquer la violence conjugale, il y a des conséquences négatives où,
effectivement, on voit... au lieu de voir la volonté de protection de la mère,
on voit la volonté de mettre un terme avec... entre les liens entre l'enfant et
le père et, de ce fait, le fait de vouloir invoquer une agression sexuelle en
contexte de violence conjugale, on anticipe fortement qu'il va y avoir une
inférence négative de la volonté de la mère de protéger... de se protéger et de
protéger l'enfant, et effectivement on demande une disposition qui va tenir
compte de ces inférences négatives.
Mme Garceau : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Merci beaucoup pour votre présentation. Je me demandais comment vous pensez...
ou comment ça va fonctionner, l'établissement ou la démonstration de la
violence conjugale ou de l'agression sexuelle dans un contexte d'absence de
procès ou de jugement au criminel ou même d'un acquittement au criminel. Comment
on va conjuguer tout ça, selon vous?
Mme Monastesse (Manon) : Mais
je crois qu'avec les travaux qui ont été faits sur la démonstration du contrôle
coercitif il va falloir faire, effectivement, la preuve que la violence
conjugale a un impact sur la question du consentement libre et éclairé. C'est
déjà documenté dans la littérature, et il va faire... il va falloir faire appel
à une démonstration dans ce sens, ce qui est quand même... pour nous qui sommes
sur le terrain, et quand on entend les femmes nous parler de leur expérience,
c'est quand même quelque chose que l'on peut documenter, là, facilement.
Et le fait qu'une femme soit suivie par
nos services ou les services des CALACS, des services spécialisés, bien, ça
permet aussi, effectivement, d'amener une preuve en ce sens. Et là, bien sûr,
on n'est pas au criminel, donc c'est la prépondérance, aussi, de la preuve qui
n'est pas celle du tribunal, du tribunal criminel et pénal, mais il y a quand même
une disposition, comme je le rappelle, que, dans le Code criminel, on... quand
même depuis 1983, on parle du viol conjugal, donc il y a une reconnaissance
législative à cet effet.
M. Cliche-Rivard : On
sait à quel point il y a peu de dénonciations, finalement, on sait à quel point
beaucoup de femmes décident, finalement, de ne pas porter plainte dans
plusieurs séries de contexte, pensez-vous qu'elles vont aller de l'avant avec
cette démarche-là pour exercer ces droits-là, ou vous pensez qu'on va se
retrouver dans le même problème qu'en matière criminelle?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
écoutez, je trouve que... nous, on est toujours très positives, sinon je pense
que je changerais d'emploi, mais je crois que... avec, quand même, les
nombreuses modifications à la loi n° 2, avec la loi n° 12, j'ai quand
même bon espoir que ça donne des leviers qui puissent permette de prouver, de
justifier, d'inférer l'intérêt de l'enfant. Là, on parle aussi de l'intérêt de
l'enfant et de l'intérêt de l'enfant en contexte de violence familiale, mais le
tout, disons, toutes les modifications qui sont prévues, va nous permettre de
soutenir le fait de démontrer le contexte <de violence conjugale...
Mme Monastesse (Manon) :
...le
contexte >de violence conjugale, de violence familiale et de violence
sexuelle beaucoup plus facilement parce qu'on va avoir reconnu, entre autres,
des impacts de la violence conjugale sur les femmes et les enfants.
M. Cliche-Rivard : Et, à
votre avis, là, suivant la sanction de la loi telle qu'elle est présentement,
est-ce que vous pensez qu'il y a beaucoup de femmes qui vont s'en saisir a
posteriori, là, qu'il y a beaucoup de dossiers que vous avez en tête ou des
gens autour de vous qui attendent ça de manière pressante pour mettre en marche
des démarches?
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
je pense que, quand même, il y a plusieurs femmes qui vont vouloir invoquer
cette disposition-là parce que c'est leur réalité, effectivement.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Mme Monastesse (Manon) : Et
on se rappelle quand même de la situation de Mme Daigle aussi. Bien sûr,
il y a eu un avortement, mais, je veux dire, ce qui a été démontré devant la
Cour suprême, c'est justement l'impact de la violence conjugale sur l'enfant à
naître... l'enfant à naître, qui a été quand même démontré dans ce jugement.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci beaucoup pour votre travail aussi. Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Oui, effectivement.
Mme Monastesse, merci beaucoup d'avoir été avec nous, mais surtout, comme
disait le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, merci pour tout le travail que
vous faites.
Cela dit, la commission va suspendre ses
travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 58)
17 h (version révisée)
(Reprise à 17 h 23)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Il nous fait plaisir d'accueillir monsieur...
Me Houle et Me Martineau, de l'Association professionnelle des notaires du
Québec. C'est eux, les responsables de la publicité que vous avez vue à la
télévision, là, avec le... dans le front. Alors, c'est vous autres, les
responsables de ça. Bravo! Alors, la parole est à vous. Comme vous savez, 10 minutes
de présentation, après ça on aura un échange avec les membres de la commission.
Maître, à vous la parole.
Association professionnelle des notaires du Québec
(APNQ)
M. Houle (Kevin) : Donc,
merci. Mmes et MM. les députés, bonjour, merci pour cette invitation. Donc,
nous voudrions... Bien, d'abord, permettez-moi de me présenter. Donc, je suis
Kevin Houle, président de l'Association professionnelle des notaires du Québec,
donc, l'APNQ. Je suis accompagné de Me Tania Marineau, notaire en pratique
privée.
Donc, nous voudrions tout d'abord remercier
la Commission des institutions de nous avoir invités à partager notre point de
vue sur le projet de loi n° 12, qui vise notamment à réformer le droit de
la famille en matière de filiation, la protection des enfants nés d'une
agression sexuelle et les droits des mères porteuses et les enfants issus d'un
projet de grossesse pour autrui. D'emblée, nous voudrions exprimer notre
soutien au projet de loi n° 12, qui, à nos yeux, constitue une réforme
significative du droit de la famille. En tant que juristes de proximité, nous
connaissons bien les préoccupations entourant le droit de la famille et les
moyens pour lesquels on peut réformer celui-ci.
L'APNQ est un organisme à but non lucratif
national, donc, fondé en 1997 et dédié à la défense des intérêts socioéconomiques
de ses membres, des notaires. Regroupant quelque 1 550 notaires
répartis sur l'ensemble du territoire québécois, soit près de 50 % des
membres de la profession notariale, l'APNQ oeuvre au rayonnement du notariat et
prône l'implication et les atouts des notaires, ces juristes polyvalents, à la
fois officiers publics impartiaux et conseillers juridiques.
Selon l'APNQ, la modification des
dispositions légales quant aux conventions de grossesse pour autrui est plus
que nécessaire en droit actuel. En modifiant l'article du Code civil qui
prévoit la nullité de ces conventions et en balisant de façon claire les
ententes permises, cela viendrait élargir l'inégalité qui existe actuellement
pour les enfants nés suivant une telle convention et qui se voyaient refuser
leur filiation d'intention pour seul motif que les étapes prévues dans la
jurisprudence n'étaient pas toutes respectées.
Donc, d'abord, permettez-nous de vous dire
que l'APNQ appuie la précision apportée quant à l'impossibilité de dissocier la
fratrie lorsque plusieurs enfants naissent d'un tel projet parental. L'APNQ ne
peut que saluer et approuver ce remplacement.
Maintenant, en ce qui concerne la
prépondérance de l'acte notarié et autres formes de documents afin de bien
protéger les parties au contrat de grossesse pour autrui, incluant
implicitement l'enfant à naître, et d'assurer le respect des formalités
requises, l'APNQ salue le choix du législateur de privilégier l'acte notarié en
minute, obligeant ainsi l'intervention d'un officier public. Selon nous, les
conditions de fond et de forme imposées pour une telle convention permettent d'éviter
des abus envers la femme ou la personne qui portera l'enfant, mais surtout pour
assurer la filiation de l'enfant à naître dans un contexte totalement
déjudiciarisé. C'est le point principal.
Donc, d'abord, les avantages de l'acte
notarié en minute : conseil juridique indépendant et impartial et
vérification <du consentement. Effectivement...
M. Houle (Kevin) :
...
conseil juridique indépendant et impartial et vérification >du
consentement. Effectivement, l'acte notarié en minute permet d'assurer que
toutes les parties reçoivent obligatoirement des conseils juridiques
impartiaux, et ce, nonobstant qui paiera les honoraires du notaire. En tant
qu'officier public, le notaire est tenu obligatoirement de conseiller toutes
les parties à l'acte, de vérifier leur capacité et leur consentement. En un
mot, le notaire a un devoir de conseil très large et important. Cette
vérification obligatoire réduit le risque qu'une des parties à l'acte l'ait
signé sous contrainte ou sans en avoir compris la portée.
D'autres intervenants ont mentionné ici
qu'il serait nécessaire pour les parties à un tel contrat d'avoir recours à un
conseiller juridique impartial avant de signer une telle entente. Au Québec, on
appelle ça un notaire. Rappelons aussi que, même si un tel contrat est fait
sous forme notariée, rien n'empêche une partie de consulter un avocat ou un
autre notaire, si le besoin y est.
Maintenant, au-delà de la sémantique,
permettez-moi de vous expliquer en quoi consiste le devoir de conseil du
notaire dans un tel dossier. En somme, il va expliquer les droits et les
obligations des deux parties : mère porteuse, parent d'intention. Il ira
même, lui-même, jusqu'à leur exposer, avant même qu'on lui pose la question, ce
qu'il adviendra, par exemple, si la mère porteuse décidait de garder l'enfant
suite à l'accouchement, qu'adviendra-t-il si l'enfant, malheureusement, souffre
d'un handicap, qu'adviendra-t-il si les parents décident de ne pas donner suite
au contrat. Ce que nous voulons vous dire, c'est que le notaire est habitué, il
est formé pour faire face à des questions pouvant être malaisantes, et ce, même
en présence de l'autre partie.
Le notariat existe depuis des siècles, il
a fait ses preuves. Le notaire doit expliquer le droit en faisant fi des
intérêts, et les gens le savent lorsqu'ils consultent un notaire. C'est ce
qu'on appelle un conseil juridique impartial. Nous ne voyons aucun problème
avec cela. C'est même rassurant de voir que le législateur désire imposer la
forme notariée.
Au niveau de la vérification des
formalités requises, le notaire vérifiera le respect des formalités requises,
surtout en ce qui concerne l'attestation de consultation psychologique, entre
autres... psychosociale, laquelle pourrait être même annexée à l'acte notarié
afin d'en assurer la conservation. De plus, selon les termes actuels du projet
de loi, la femme ou la personne qui portera l'enfant doit avoir au moins
21 ans, et les parents d'intention devraient rester au Québec depuis au
moins 12 mois. C'est le genre d'éléments que les notaires pourront
confirmer.
D'autres intervenants ont amené l'idée que
le contrat de grossesse pour autrui soit fait sur la base d'un simple
formulaire. Comme vous le savez, le but pour le législateur est de
déjudiciariser le processus. Une des principales conditions est que le contrat
soit signé avant le début de la grossesse. Tentons d'imaginer une seule seconde,
comment traiterions-nous un tel contrat si, finalement, une des parties signe
le formulaire après l'autre, c'est-à-dire, donc, pas à la même date, mais une
fois la grossesse commencée? Bien que des témoins soient requis, leur signature
n'a pas du tout la même force que celle d'un notaire. Et, puisque les témoins
ne sont pas des notaires formés, il se pourrait que ces témoins signent un
formulaire sans pour autant en confirmer ou valider la date. C'est le genre de
choses qui n'arriveraient pas dans le cadre d'un contrat sous forme notariée en
minute. Il serait catastrophique pour l'enfant à naître de penser que le
contrat sous forme de formulaire puisse être contesté après coup, après la
naissance, sur simple fait, par exemple, que les conditions n'avaient pas été
respectées. Rappelons que c'est une forme... une méthode administrative et que
l'officier public... l'intervention de l'officier public s'avère très
nécessaire.
Au niveau du droit de la preuve,
maintenant, l'acte notarié en minute est un acte authentique et fait preuve de
son contenu. Il est le document qui bénéficie du plus grand avantage en ce qui
concerne le droit de la preuve. Sous réserve de l'inscription en feu... en
faux, pardon, procédure rare et ayant des conditions strictes, le contenu et
les énoncés dans l'acte seront à l'abri des contestations. L'acte notarié
apparaît donc ici comme étant l'acte par excellence pour assurer le respect des
conditions, dont la date du contrat, antérieure à la grossesse, et d'en faire
preuve à l'égard... devant tous.
Au niveau de la conservation, maintenant,
c'est un avantage. Les actes notariés sont conservés dans le greffe du notaire,
et le greffe est régi par une stricte réglementation, protégeant ainsi les
minutes, les originaux, de perte, de destruction ou altération. De plus, le
notaire peut aussi émettre des copies authentiques longues ou sous forme
d'extraits. Rappelons, effectivement, que la copie a la même force légale que
l'original. Ces copies peuvent aussi prendre la forme d'extraits.
Effectivement, ces extraits permettraient d'assurer la remise d'une copie
authentique, sous forme d'extrait, de la convention de grossesse pour autrui à
qui de droit, tout en retirant de ces copies les sections confidentielles qui pourraient
ne pas être obligatoires, par exemple, lors de l'envoi de la copie au Directeur
de l'état civil.
• (17 h 30) •
Maintenant, au niveau de l'acte sous
serment plutôt qu'un simple document reçu devant témoin. En ce qui concerne
l'article 541.9, nous savons, ce sont des dates de rigueur, soit entre le
septième et le 30e jour depuis la naissance, suite à l'accouchement de la mère
porteuse. L'APNQ suggère de remplacer la mention «devant témoins» par la
mention «sous serment», et il en serait de même pour le troisième alinéa de
541.14. Ces éléments sont sur la base uniquement... ou sont plutôt... ces
suggestions, pardon, sont émises sur la base que le contrat lui-même de mère
porteuse ait été fait sous la forme notariée, avec toutes les explications qui
auraient été reçues par la mère porteuse, en amont, bien évidemment.
Au niveau du secret professionnel, attendu
le secret professionnel auquel est tenu le notaire, il est primordial d'établir
clairement les conditions entourant la demande d'émission d'une copie
authentique de la convention de grossesse pour autrui notariée par le Directeur
de l'état civil. Nous considérons que le législateur a été avisé de faire
prévoir, à l'article 116, paragraphe 3° du Code civil, que le Directeur de
l'état civil est une autorité ayant l'intérêt pour demander une copie <au
notaire...
>
17 h 30 (version révisée)
< M. Houle (Kevin) :
...à
l'article 116, paragraphe 3
° du Code civil, que le
Directeur
de l'état civil est une autorité ayant l'intérêt pour demander une copie >au
notaire dépositaire du greffe. Mais nous nous interrogeons cependant sur la
confidentialité devant entourer un tel document. Le dépôt d'une copie conforme
intégrale de la convention de grossesse pour autrui est-elle réellement
nécessaire versus un extrait, comme je vous disais ou expliquais un petit peu
plus tôt? Nous doutons que l'ensemble des informations dans le contrat soient
nécessaires pour répondre aux questionnements de l'enfant, notamment quant à la
connaissance de ses origines. Il faudrait aussi établir les éléments qui
devraient se retrouver dans l'extrait à remettre au Directeur de l'état civil
si cette méthode est choisie.
Au niveau, maintenant, du compte en
fidéicommis des notaires, afin d'éviter les conflits qui pourraient survenir
concernant les sommes détenues en fidéicommis, l'APNQ souhaite que le
législateur consigne clairement les sommes à débourser, la fréquence, les
autorisations nécessaires et les pièces justificatives requises — exemple,
une facture — bref, dans un règlement à venir. Aussi, ce règlement
devrait être arrimé avec le règlement actuel sur la comptabilité en fidéicommis
des notaires.
Au niveau de la médiation familiale, l'APNQ
pense qu'il serait nécessaire de permettre aux parties impliquées dans un
projet parental impliquant une grossesse pour autrui de bénéficier d'heures de
médiation familiale subventionnées comme dans les dossiers d'adoption. À cette
fin, le Règlement sur la médiation familiale pourrait être amendé afin d'élargir
la portée des heures payées par le ministère pour inclure les conflits en
matière de grossesse pour autrui.
En ce qui concerne, avant la conclusion,
la langue, donc, du contrat, bien que l'APNQ salue l'importance accordée à la
langue française dans le projet de loi, nous suggérons que les parties
puissent, d'un commun accord exprès, demander que la convention de grossesse
pour autrui soit rédigée en anglais puisqu'il s'agit d'une convention entre
particuliers qui n'est pas destinée à être publiée et lue sur un registre
consultable par toute la population. Nous ne pensons toutefois pas qu'une
version française doive être remise au préalable advenant qu'elle soit rédigée
en anglais, la raison étant qu'il ne s'agit pas d'un contrat d'adhésion. Cette
règle vise principalement les contrats d'adhésion, comme on l'a vu dans le projet
de loi n° 96, la modification en ce qui concerne la Charte de la langue
française.
En conclusion, l'APNQ tient à exprimer sa
satisfaction face à la démarche du gouvernement de procéder à la présente
consultation particulière visant à débuter le titanesque chantier de la réforme
du droit de la famille au Québec. Les notaires québécois constatent
régulièrement, depuis plusieurs années, que les règles du droit de la famille
ne répondent plus aux attentes et aux modes de vie des familles du Québec. L'APNQ
a donc soumis ses analyses et recommandations en lien avec la présente
consultation particulière dans le but de l'atteinte des protections maximales
recherchées pour les citoyens et en plaçant l'intérêt de l'enfant au coeur de ces
préoccupations. Le notaire étant déjà au coeur de la vie des justiciables
depuis des siècles et le droit de la famille faisant partie du quotidien des
notaires, l'APNQ tient à exprimer aux membres de la Commission des institutions
son désir de collaborer à la mise en oeuvre du projet de loi n° 12
et de ses règlements d'application et des recommandations proposées dans le
présent mémoire. Donc, je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Houle. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Me Houle, Me Marineau, bonjour. Merci d'être
présents à l'Assemblée nationale sur les consultations du projet de loi n° 12.
M. Houle (Kevin) : ...plaisir.
M. Jolin-Barrette : D'entrée
de jeu, vous avez parlé du compte en fidéicommis et puis des sommes qui doivent
y être présentes afin de garantir, dans le fond, les déboursés pour la mère
porteuse. Vous nous invitez à développer un règlement qui détermine de quelle
façon les sommes doivent être déboursées. Je voudrais vous demander, est-ce que
ce serait préférable, selon vous, uniquement que ce soit un dépôt de garantie?
Donc, exemple, il y a une convention de grossesse pour autrui, donc, les
parties prévoient que, je ne sais pas, il y a 10 000 $, 15 000 $,
20 000 $ qui sont versés dans le compte en fidéicommis du notaire pour
garantir l'obligation, les parties conviennent entre elles de quelle façon les
paiements de déboursés pour les vitamines, les vêtements de maternité, les
remboursements de taxi, les vêtements sont octroyés entre eux, premier scénario,
ou, deuxième scénario, les sommes sont versées dans le compte en fidéicommis du
notaire, mais c'est le notaire qui administre les dépenses, donc c'est-à-dire
que la mère porteuse s'adresse au notaire instrumentant de la convention et dit :
Bien, cher maître, aujourd'hui... ou une fois par semaine, ou une fois par
mois, envoie le relevé de ses factures, et dit : Bien, veuillez me
rembourser, voici, et vous, vous décaissez l'argent du compte en fidéicommis?
Comment vous voyez ça?
M. Houle (Kevin) : Les
deux options peuvent être possibles, mais il faut comprendre que la première
option... effectivement, vous comprendrez que ce serait un dépôt de garantie.
Donc, on comprend qu'à la base, si c'est cette option-là, ça veut dire que les
deux parties se sont entendues que les déboursements se feraient entre elles,
admettons, et que, si jamais ça n'avait pas lieu, le notaire devra intervenir,
pourrait être peut-être même autorisé pour procéder au paiement de ce que l'autre
partie n'a pas payé. Donc, ce serait peut-être la meilleure méthode afin de
limiter l'intervention du notaire en ce qui concerne l'implication au quotidien,
ou mensuellement, ou à chaque semaine.
Mais ce que je suis porté à vous dire, c'est
que les deux méthodes peuvent être réalistes. Ça dépend toujours de l'intention
du législateur, à savoir de quelle manière est-ce qu'il veut que le notaire
intervienne systématiquement dans le <paiement...
M. Houle (Kevin) :
...à
savoir de quelle manière est-ce qu'il veut que le notaire intervienne
systématiquement dans le >paiement. Le résultat, c'est qu'en bout de
piste il faut que la mère porteuse soit protégée en ce qui concerne les sommes
disponibles. D'une manière ou d'une autre, elle sera protégée parce que les
sommes seront dans le compte en fidéicommis du notaire.
M. Jolin-Barrette : OK.
J'ai une question opérationnelle pour le notaire dans l'éventualité où c'est un
dépôt de garantie qui est dans le compte du notaire. Dans le fond, le notaire,
là, la mère porteuse lui dit : Écoutez, je n'ai pas été remboursée, les
parents d'intention ne veulent pas me rembourser. Le notaire, comment il
procède, généralement, dans une situation comme celle-là? Bien, je sais que ce
n'est pas une situation avérée, mais supposons, là, que la situation
surviendrait, alors comment... survenait, comment est-ce que... Le notaire
valide avec les parents d'intention? Comment... Ça serait quoi, la mécanique?
M. Houle (Kevin) : Bien,
si on fait le parallèle... oui, si on fait le parallèle avec les autres
retenues qu'on peut faire dans d'autres secteurs du droit, à la base, s'il y a
une retenue, c'est parce qu'il y a eu une convention de retenue. Donc, le
notaire va préparer une convention dans laquelle les parties, bien, signent la
convention avec le notaire à titre de dépositaire ou fidéicommissaire, et, dans
cette convention de retenue là, on indique de quelle manière les déboursés
seront faits, de quelle manière le notaire sera automatiquement autorisé
d'avance pour faire les paiements x, y, z. Donc, à partir de là, dans cette
situation-là, on irait voir la convention ou le règlement, s'il y avait un
règlement, ou sinon une convention qui serait nécessairement écrite, signée par
les parties avec le notaire pour dire : Notaire, tel déboursé était déjà autorisé,
je n'ai pas reçu le paiement, payez-moi.
C'est certain qu'à partir de là le
problème, justement, dans le cadre où il n'y a pas un règlement, c'est que, si
jamais l'autre partie dit : Bien oui, je l'ai payé, mais je n'ai pas la
preuve, admettons, ou : Bien, je n'ai pas payé parce que je ne suis pas
d'accord... c'est pour éviter ces interprétations-là, si un règlement pouvait
être balisé avec des termes clairs, à savoir qu'est-ce qui est payé ou non, de
manière à enlever, d'une certaine manière, la discrétion des parties de dire :
Moi, je ne suis plus d'accord ou je n'interprète pas ce mot-là comme étant effectivement
cette dépense-là. Donc, à partir de là, on ne veut pas arriver dans cette
situation-là, quant à travailler sur un nouveau modèle, là, de droit.
M. Jolin-Barrette : OK.
Sur la question du fait que tous les consentements devraient être donnés par
acte notarié, vous dites : On devrait exclure, dans le fond, le
consentement sous seing privé devant deux témoins. Je donne un exemple : une
mère porteuse qui veut faire une interruption volontaire de grossesse. Vous ne
trouvez pas ça un peu lourd de devoir aller chez le notaire, supposons que
c'est une situation d'urgence, le fait de l'obliger à voir... à aller voir son
notaire?
M. Houle (Kevin) : Je
peux rectifier simplement que la convention de mère porteuse devrait être sous
forme notariée, mais on ne demande pas à ce que toutes les conventions soient
notariées. La différence, c'est qu'on a demandé à ce qu'il n'y ait pas... ce ne
soit pas uniquement devant deux témoins, mais devant un commissaire, au minimum,
à l'assermentation pour confirmer la date et l'identité de la personne, point.
M. Jolin-Barrette : Donc,
exemple, pour mettre fin à la convention.
M. Houle (Kevin) : Pour
mettre fin à la convention, encore là, il y a deux choses. C'est que, si la
convention doit être modifiée, bien, les termes actuels du Code civil
mentionnent que, s'il y a des conditions de forme pour un acte, par exemple,
notarié en minute, toute modification devra suivre la même forme, donc
notariée. Donc, le Code civil est déjà de cette manière-là, ainsi. Donc, si on
peut... si on considère que cette cessation-là est une modification du contrat
lui-même notarié, il faudra se questionner à savoir si lui-même doit être sous
forme notariée. Donc, ça serait peut-être à établir aujourd'hui, au lieu de
faire jurisprudence ou tenter de...
M. Jolin-Barrette : Non,
mais ce n'est pas l'intention, parce que, dans le projet de loi, on prévoit
clairement qu'ils peuvent le faire sous seing privé devant deux témoins.
M. Houle (Kevin) : Oui,
mais, à partir de là, si c'est sous seing privé, on revient avec le fait que ça
devrait être au minimum avec un commissaire pour être certains qu'on identifie
la personne correctement.
M. Jolin-Barrette : Qu'on
identifie la personne correctement?
M. Houle (Kevin) : Qui
signe le document, effectivement.
M. Jolin-Barrette : Vous
voulez dire les témoins ou...
Mme Marineau (Tania) : ...la
modification? On dirait que je ne suis pas certaine de savoir lequel que vous
parlez. Pour le consentement, on autorise sous seing privé pour être certains...
sous serment pour être certains que le consentement a été donné à telle date,
telle heure et que c'est vraiment la bonne personne qui a signé.
Pour la modification au contrat, dans le
projet de loi, ce n'est pas prévu sous seing privé, vous avez seulement enlevé
la modification par acte notarié. Mais le Code civil prévoit déjà qu'on devra continuer
sous forme notariée si le contrat initial est notarié.
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette : OK,
je vous suis. Sur la question des heures de médiation payées lors de conflits
en matière de grossesse pour autrui, ça, c'est préalablement à la naissance?
M. Houle (Kevin) : Bien,
ce qu'on suggère, nous autres, en ce qui concerne cet élément-là, ce serait
préalablement, dans le sens où, effectivement, s'il y avait un problème, une
discorde ou un différend quelconque, bref, que les règles qui s'appliquent
actuellement pour l'adoption puissent être applicables mutatis mutandis en ce
qui concerne les conventions de mère porteuse.
M. Jolin-Barrette : OK,
mais suite à la naissance.
M. Houle (Kevin) : Bien,
ici, actuellement, les règles d'adoption, c'est suite à... Parce qu'il y a deux
choses. Les règles d'adoption, je vous avoue que je ne connais pas
particulièrement les règles d'adoption. C'est... Je ne me suis pas penché sur
cette question-là. Mais ce qui est important, c'est que les gens qui
participent à un projet de convention de <mère...
M. Houle (Kevin) :
...pas
penché sur cette question-là. Mais ce qui est important, c'est que les gens qui
participent à un projet de convention de >mère porteuse puissent
bénéficier des mêmes droits en ce qui concerne le processus de médiation. Donc,
rendu là, est-ce que c'est après la naissance ou avant? Je pense que c'est un
choix du législateur. En ce qui nous concerne, je pense que ce devrait être
tout le long du processus.
M. Jolin-Barrette : OK.
Avez-vous une opinion sur le volet sur les agressions sexuelles puis le lien de
filiation qu'on a inclus dans le cadre du projet de loi?
M. Houle (Kevin) : Oui.
On est d'accord avec ce que la Chambre des notaires a appuyé en ce qui concerne
tous les questionnements. Par exemple, est-ce qu'on y va plutôt selon
l'intention du législateur à couper le lien de filiation ou plutôt une
déchéance de l'autorité parentale? S'il y a déchéance, ça signifie que, dans le
futur, il pourrait y avoir l'annulation, entre guillemets, de cette déchéance
de l'autorité parentale.
Donc, à partir de là, nous, ce qui nous
chicote le plus, ou avec quoi qu'on est d'accord aussi, c'est que, dans le... On
comprend que l'intention du législateur, c'est qu'il y ait une déchéance avec
une compensation, par exemple, potentielle, mais que, cette compensation-là...
effectivement, que les mères, ou du moins les personnes... les premières
personnes ne fassent pas jurisprudence ou doivent faire jurisprudence, qu'on se
colle effectivement sur...
M. Jolin-Barrette : Qu'il
y ait des lignes directrices.
M. Houle (Kevin) :
...les lignes directrices, là, en ce qui concerne les pensions, oui.
M. Jolin-Barrette : OK.
Parce que, dans le fond, c'est l'un ou l'autre parce que, s'il y a déchéance de
l'autorité parentale, il n'y aura pas rupture du lien de filiation, mais ça va
quand même donner ouverture aux tables de pension alimentaire. Si, là, il y a
rupture du lien de filiation, à ce moment-là, ça ouvre le recours à
l'indemnité. Excellent.
Écoutez, je vous remercie grandement pour
votre présence. J'ai des collègues qui veulent vous poser des questions. Merci
pour votre participation.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré,
s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Bonjour.
Merci de votre présence. J'aimerais juste vous entendre sur la question de la
succession. Si, effectivement, il y a rupture du lien, c'est quoi, votre
opinion par rapport à ce que l'enfant pourrait quand même avoir accès à la
succession d'un père qu'il n'a pas côtoyé ni connu?
M. Houle (Kevin) : Bien,
d'abord, on part avec la prémisse qu'au Québec il y a toujours eu une liberté
de tester. Donc, à partir de là, il faut comprendre qu'advenant le cas où
l'intention du législateur est réellement que l'enfant conserve un lien de
filiation avec le père agresseur — appelons-le comme ça, là, le père
agresseur — bien, nécessairement, si les règles générales de droit
s'appliqueraient, donc, le père agresseur pourrait déshériter cet enfant-là.
Donc, si c'est ça, l'intention du législateur, on n'y arrive pas autrement que
s'il y a une compensation qui est permise quand même. Ça fait qu'on ne
parlerait pas nécessairement d'un héritier en ce sens, là, à moins qu'on
veuille changer la règle générale.
Mme Bourassa : Puis,
selon vous, qu'est-ce qui ferait le plus de sens?
M. Houle (Kevin) : On va
laisser les législateurs se questionner.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci, M.
le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être ici avec nous. Pouvez-vous nous
parler de votre rôle dans les projets de GPA, notamment les conventions?
M. Houle (Kevin) : De notre
rôle?
Mme Haytayan : Le rôle
des notaires, oui.
M. Houle (Kevin) : Bien,
notre rôle, comme notaires, bien, d'abord, c'est un peu ce que je disais
d'entrée de jeu, c'est que notre rôle... D'abord, on est des conseillers
juridiques, donc, impartiaux et officiers publics. Donc, notre rôle, ça va être
nécessairement d'être un partenaire du projet de A à Z. Donc, nécessairement,
quand les parties, quelles qu'elles soient, nous contactent, on est déjà au
courant du dossier, on est au courant des intentions, on est au courant du type
de personne qui est devant nous. Donc, on va être le conseiller juridique d'une
part et d'autres, et notre rôle de notaire nous permet de donner des conseils à
l'un et à l'autre. Oui, on peut penser qu'ils peuvent avoir des intérêts
opposés, mais c'est comme ça que nous sommes formés, c'est de cette manière-là
que le notariat existe, c'est de pouvoir donner des conseils de manière
impartiale à l'un et à l'autre. Donc, c'est d'agir comme conseiller juridique et,
encore une fois, je le répète, peu importe qui paie nos honoraires. Donc, c'est
d'agir comme conseiller juridique, mais surtout un partenaire du projet, parce
qu'effectivement on donne une réponse à l'autre partie tout en sachant les
interrogations de l'autre partie. On va pouvoir lui répondre aussi, à cette
partie-là.
Tu as peut-être un élément à compléter?
Mme Marineau (Tania) : Tout
à fait. On accompagne déjà les clients dans leur contrat de mère porteuse.
C'est sûr que, pour l'instant, ils ne peuvent pas être signés, notariés, étant
donné la nullité de ces contrats, mais ces contrats-là finissent en adoption
pour qu'on puisse réaliser les contrats de mère porteuse qui existent,
présentement. Et les notaires, justement, peuvent faire de l'adoption, donc on
est déjà habitués, là, dans ce genre de processus-là, de pouvoir accompagner
les clients et s'assurer que les conventions respectent, en ce moment, les
principes de la jurisprudence, et, plus tard, ce sera respecter tous les
principes, là, que le législateur mettra en place.
M. Houle (Kevin) : Donc,
on conseille déjà toutes les parties au projet d'adoption. C'est déjà le cas,
actuellement.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Jean,
s'il vous plaît.
M. Lemieux : Oui. Pour
combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) :Quatre minutes, grosso modo.
M. Lemieux : Vous êtes
trop bon pour moi.
Le Président (M.
Bachand) :Ça me fait plaisir.
M. Lemieux : Bonjour.
M. Houle (Kevin) : Bonjour.
M. Lemieux : Vous avez
dit, pendant votre présentation, à deux moments, presque trois — il y
en avait un, c'était sous-entendu un petit peu — «d'autres ont dit
ici». Effectivement, c'est un peu le jour de la marmotte, pas parce qu'on avait
parlé de ça avec le projet de loi n° 2, quoiqu'effectivement... Bien, je
ne sais pas ce qu'il a, le ministre, dans ses projets de loi, mais les notaires
gagnent à tout coup, et c'est un peu...
M. Houle (Kevin) : La
société gagne <à tout coup.
M. Lemieux :
Ah!
d'accord...
M. Houle (Kevin) :
...société gagne >à tout coup.
M. Lemieux : Ah! d'accord.
Mais ce n'est pas l'éléphant dans la pièce, mais c'est clair que vous répondiez
par la bande à ce qui avait été dit avant. Mais, disons-le carrément, les
avocats ne sont pas très... les avocats, attention, pas tous les avocats, pas
tout le monde, mais les représentations de la part des avocats, c'est :
Bien là, attendez un peu, là, on est capables de faire ça, nous autres aussi.
Alors, allons-y carrément, hein, ouvrons l'éléphant dans la pièce puis...
Est-ce que ça marcherait si les deux pouvaient, ou ça peut seulement marcher si
c'est ou bien donc les notaires ou bien donc les avocats?
Mme Marineau (Tania) : Si
on y va avec le projet de loi n° 8 qui vient de passer, c'est vraiment de
désengorger les tribunaux. Donc, on a une façon administrative devant notaire
avec un officier public compétent, conseiller juridique, donc c'est pour toute
la société que ça viendrait avantager que le notaire s'en occupe et que ça ne
finisse pas devant la cour, justement. Donc, c'est l'avantage du notaire qu'on
a au Québec, c'est qu'on peut faire les choses de façon administrative.
M. Lemieux : Oui, mais
le PL n° 8, je comprenais... Dans le fond, ce
n'est pas le jour de la marmotte, là, mais c'est deux fois des notaires. Mais,
dans ce cas-ci, est-ce que ça peut être l'un ou l'autre ou ça pourrait être
l'un et l'autre?
M. Houle (Kevin) : Bien,
dans ce cas-ci, ce qui... en lien avec ça, c'est parce que, considérant que
c'est une méthode dite administrative, qu'on ne veut pas aller devant les
tribunaux, et considérant que c'est une méthode dite administrative qui
implique, ou impose, ou amène une filiation, qui est un nouveau... tout ça est
quand même de droit nouveau, c'est important d'avoir un officier public qui est
un... quand même l'État dans le milieu privé, aux termes juridiques, et où
l'officier public sera le responsable du dossier, de s'assurer que toutes les
conditions aient été respectées et non pas, à un moment donné, si un jour je
décide d'appeler mon conseiller juridique, lui, il va faire ce que je lui
demande parce que mon mandat sera le suivant. Dans ce cas-ci, le notaire aura
un mandat implicite. C'est toujours comme ça qu'on fonctionne comme officier
public. Ce n'est pas nécessairement... Par exemple, là, l'exemple classique :
J'achète une maison. Ce n'est pas... Le client ne va pas me dire : Là,
notaire, il faut que tu fasses l'examen de titre, assure-toi qu'il y a de
l'argent dans le compte «in trust», là, par le... Non, je sais comment ça
fonctionne. Donc, nécessairement, à partir du moment où j'agis comme officier
public, il y a un mandat implicite qui m'est accordé. Et c'est de cette
façon-là que le notaire agit comme officier public, et c'est de cette façon-là
qu'on assure que cette procédure-là soit complètement déjudiciarisée, que tout
le monde soit protégé, et que les conditions aient été respectées, et qu'on ne
le voie pas, s'il y avait non-respect des conditions, après coup.
M. Lemieux : Parlons-en,
des conditions. Celle qui est probablement la plus interpelante pour M. et Mme
Tout-le-Monde, c'est-à-dire qu'on a une femme porteuse qui se rend à terme puis
qui décide, entre le septième et le 30e jour, de garder l'enfant. Est-ce
que vous pensez que ce que vous allez avoir fait en amont avec les deux parties
va vous permettre de dénouer ça? On nous dit qu'il n'y en a pas tant que ça, en
fait, c'est rarissime, mais ça fait partie, pour le grand public, de la
dernière frontière à franchir, éventuellement, dans la manière d'aborder ce
sujet.
M. Houle (Kevin) : Bien,
à partir du moment où les gens signent un contrat, à partir du moment où le
notaire, parce qu'il en a l'obligation, aura expliqué tous les tenants et
aboutissants, qu'est-ce qui va advenir si jamais telle situation arrive,
qu'est-ce qui va advenir si telle situation arrive, bien, il n'y a personne qui
peut dire : Je ne le savais pas, ou il n'y a personne qui va pouvoir dire :
Bien, pourquoi tu fais ça? Tu n'avais pas le droit. Bien, moi je pensais que tu
pouvais. Ah! bien, moi... Il n'y aura pas de ouï-dire. Donc, la personne qui
porte l'enfant puis qui décide... qui prend cette décision-là, bien, elle va le
savoir, qu'elle a le droit, et les parents d'intention vont savoir que ça peut
arriver. Et ça ne sera pas nécessairement une cause qui va faire en sorte
qu'ils vont vouloir réclamer quelque chose à la mère, à moins qu'il y ait une
question de dol, parce que c'est un contrat, à moins qu'il y ait une question
de fraude, entre guillemets. Mais, au-delà de ça, le notaire aura tout
expliqué, clairement établi les risques, entre guillemets, d'une part et
d'autre.
M. Lemieux : Merci
beaucoup, monsieur dame. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le député de Saint-Jean. M. le député
d'Acadie, s'il vous plaît.
• (17 h 50) •
M. Morin : Merci. Merci,
M. le Président. Merci, Me Houle et Me Marineau, d'être avec nous
aujourd'hui. Écoutez, j'ai trouvé la question de mon collègue le député de
Saint-Jean très intéressante puis j'aimerais qu'on continue à parler de
l'éléphant dans la pièce un peu, si vous permettez. Dans votre pratique, est-ce
que vous en rédigez, des conventions pour les mères porteuses?
Mme Marineau (Tania) : Ça
m'est arrivé, oui. Moi, je suis spécialisée en droit de la famille et adoption,
filiation.
M. Morin : D'accord.
Donc, vous avez une expérience là-dedans, excellent.
Dans le projet de loi, on dit que la
convention pour grossesse doit être notariée, mais, à 541.9, on dit que le
consentement peut être donné par acte notarié en minute ou sous seing privé.
Donc, est-ce que vous voyez là une incohérence entre les deux dispositions du
projet de loi?
M. Houle (Kevin) : Bien,
c'est un peu ce que je disais tantôt, c'est-à-dire que nous... que ça devrait
être sous forme notariée ou avec un commissaire <à l'assermentation...
M. Houle (Kevin) :
...c'est-à-dire
que nous... que ça devrait être sous forme notariée ou avec un commissaire >à
l'assermentation. Le fait que ce ne soit pas obligatoirement notarié, c'est
parce que... prémisse, c'est que le contrat lui-même aura été fait sous forme
notariée. Donc, les explications et ce qui va s'en venir, à ce moment-là, aura
été déjà expliqué. Vous comprenez? Donc, ce qu'il reste à baliser, c'est
l'identité de la personne.
M. Morin : OK.
Maintenant, si on revient à la convention de grossesse, on a entendu aussi en
commission des avocats, et une avocate en particulier, qui a pratiqué dans ce
domaine-là, qui en a rédigé des milliers et qui, finalement, a consacré sa vie
à rédiger ce genre de convention là. Je comprends que... bien, on peut
reconnaître qu'elle a quand même une expérience là-dedans. Donc, si le projet
de loi est adopté tel qu'il est, bon, elle va probablement être obligée de
former... fermer sa pratique. Puis en quoi... Puis elle nous a dit qu'il n'y
avait pas de problème avec les conventions qu'elle rédigeait. Donc, en quoi ça
devient si important d'avoir une convention de grossesse uniquement par acte
notarié puisque la réalité actuelle, au Québec, fait en sorte que ce n'est pas
le cas puis que ça fonctionne bien?
M. Houle (Kevin) : Bien,
d'abord, il ne faut pas oublier que, même si le contrat est sous forme
notariée, les parties peuvent quand même consulter un avocat ou un notaire. Donc,
sa pratique va être quand même... Le conseil va demeurer là, là, la révision,
ou quoi que ce soit, va demeurer là à titre de conseiller juridique à part
entière. Mais je ne parlerai pas pour elle, là, mais ce qui est important,
c'est qu'à partir du moment où la raison pour laquelle le législateur
déciderait... décidait d'avoir un acte ou un contrat sous forme notariée, ce
n'est pas nécessairement pour faire en sorte... ou c'est plutôt... je reprends
ma réponse, c'est plutôt pour s'assurer qu'aucun élément ne puisse survenir, un
défaut ne puisse survenir, parce qu'on parle de... nécessairement, de ne pas
commercialiser l'enfant à naître, de faire en sorte que toutes les conditions
soient respectées, mais aussi de faire en sorte que le lien de filiation ne soit
quasiment pas contestable. Vous comprenez? Donc, ce sont ces éléments-là qui
sont pris en compte lorsque le législateur demande à ce qu'un document soit
notarié.
Si on prend le pendant, par exemple le
testament, un testament sous forme notariée, pourquoi que c'est tant important
et intéressant, c'est... je n'ai pas... je vous avoue que je n'ai pas les
chiffres, parfaitement, là, avec moi, mais c'est des milliers de dossiers qui
seraient présentés à la cour pour fins d'homologation de testament s'il n'y avait
pas de testament notarié, qui, lui, est exécutoire dès le moment où la personne
décède.
Pourquoi je fais le parallèle? C'est
simplement pour vous dire qu'il y a des... Pourquoi le testament notarié est
important, alors que d'autres méthodes... qui est possible? Bien, c'est parce
que les gens favorisent cette méthode-là parce que ce n'est pas contestable,
tout est expliqué, et c'est le patrimoine complet. Alors, pourquoi qu'on ne
ferait pas la même chose pour un lien de filiation avec un enfant à naître, de
vouloir s'assurer que ça soit béton en ce qui concerne le document, le
consentement, les risques? On parle d'argent, on parle... il y a l'aspect
social là-dedans. Donc, comme je vous le disais tantôt, le notaire va être le
chef d'orchestre du dossier, s'assurer que toutes les conditions ont été
respectées. Le mandat est implicite au notaire.
Mme Marineau (Tania) : C'est
des milliers de dossiers qui ne seront pas présentés à la cour, dans le cas de
cette collègue-là, parce qu'ils vont être réglés chez le notaire, directement
avec le Directeur de l'état civil. Donc, c'est vraiment... La cour va être
désengorgée en... Parce qu'autrement ça doit finir en adoption, et l'adoption
se fait devant un juge. Donc, tous les milliers de dossiers que la collègue a
faits, elle a été devant la cour par la suite pour faire reconnaître l'entente,
la filiation entre les parties. Donc, de cette façon-là, on va éliminer de
devoir aller à la cour pour faire reconnaître la filiation.
M. Houle (Kevin) : Et,
au niveau des honoraires aussi, les parties vont bénéficier d'un seul
conseiller juridique qui va lui donner tous les... qui doit lui donner tous les...
tous les conseils juridiques. Le notaire doit le faire. Donc, à partir de là,
même s'il y a une partie qui est peut-être moins fortunée que l'autre, elle
aura automatiquement droit aux conseils juridiques du notaire.
M. Morin : Bien. Vous
avez fait référence au projet de loi n° 8, puis
l'argument qu'on nous a dit pour nous permettre... pour permettre aux notaires
d'accéder à la profession, c'est qu'il y avait justement un grand nombre
d'avocats qui ne plaidaient pas nécessairement, donc ils étaient habitués de
conseiller différentes parties, de rédiger des contrats, etc., et le notaire,
au fond, les notaires font à peu près la même chose. Donc, c'est un argument en
faveur de la possibilité pour les notaires d'accéder à la magistrature.
Si on transpose ça avec quelques
adaptations dans le PL n° 12, vous avez des
avocats qui font des contrats dans leurs bureaux, qui conseillent les parties,
on nous a même dit que ce n'était pas contesté à la cour, ça allait très bien.
Donc, pourquoi est-ce que vous tenez tant à ce que ça soit fait par acte
notarié?
M. Houle (Kevin) : C'est...
D'abord, ici, il faut se questionner à savoir quelle est l'intention du
législateur. Est-ce que c'est de s'assurer un contrat qui est au plus haut de
la force probante, au niveau de la preuve, de s'assurer que les parties
reçoivent un conseil juridique impartial? L'intention du législateur... Si
l'intention du législateur est de s'assurer que le document ne soit quasiment
pas contestable et que les... qu'on s'assure, justement, que les questions
soient posées au bon moment aux parties et...
Parce que vous savez que les éléments pour
contester un contrat, ça peut être un vice de consentement, l'objet est
illégal, il y a plein d'éléments qu'on apprend, là, à l'université, bon. À
partir de là, le notaire revoit indirectement ces éléments-là et s'assure de
crever <l'abcès...
M. Houle (Kevin) :
...bon.
À partir de là, le notaire revoit indirectement ces éléments-là et s'assure de
crever >l'abcès systématiquement pour être certain qu'il n'y aura plus
d'éléments potentiels, en bout de piste, si jamais ça arrive.
Donc, ici, je pense qu'il faut plutôt se
questionner à savoir est-ce que le législateur a comme intention principale de
protéger les citoyens, les citoyennes dans ce type de contrat là, où un enfant
est en jeu, principalement, et une femme qui portera un enfant.
M. Morin : D'accord. J'ai
également d'autres questions pour vous au niveau de la convention puis de
l'encadrement des agences. Est-ce que vous avez des suggestions à faire à ce
sujet-là au législateur pour s'assurer qu'évidemment l'intérêt de tout le monde
va être bien... va être bien protégé? Et est-ce qu'il y a des clauses que vous
êtes prêts à suggérer qui devraient apparaître dans les conventions pour
protéger la femme porteuse?
M. Houle (Kevin) : On
n'a pas vraiment étudié ce dossier-là.
M. Morin : Ce
dossier-là.
M. Houle (Kevin) : Non.
M. Morin : D'accord.
Bien. Pour les grossesses à l'étranger, le projet de loi le permet. Il y a
plusieurs groupes qui nous ont dit que ce n'était pas souhaitable parce
qu'évidemment on ne contrôle pas le droit à l'étranger, il y a un risque
d'exploitation des femmes porteuses là-bas. Est-ce que vous avez des
suggestions ou une opinion là-dessus? Est-ce qu'on devrait le permettre ou ne
pas le permettre puis se concentrer sur des conventions ou des femmes porteuses
qui sont uniquement, par exemple, au Canada ou au Québec?
M. Houle (Kevin) : Me
Marineau pourra compléter si nécessaire, mais je veux juste dire, d'entrée de
jeu, qu'en ce qui nous concerne, on a rappelé à la commission qu'il existe une
union du notariat latin, où les... nécessairement, il y a du notariat à travers
le monde, puis que, nécessairement, il pourrait y avoir des ententes entre les
différents États, et on laisserait nécessairement au ministère responsable à
savoir quel État ou quel pays, là, est autorisé, entre guillemets, pour
permettre ce genre de transaction là.
Mais je reviens à la base, où le notaire
doit s'assurer de la capacité, la qualité, l'identité des personnes, donner les
conseils légaux. Donc, dans un cas comme celui-ci, nécessairement, le notaire,
avant de signer un tel acte, si jamais il y avait une personne à l'étranger,
devra obtenir d'un avocat ou notaire là-bas, à l'étranger, une confirmation que
cette personne-là est légalement capable de signer un contrat comme celui-là,
selon les lois de l'État où elle est. Vous comprenez? Donc, ça aussi, ça fait
partie du mandat implicite, dont on parle depuis le début, d'un notaire. Ce
n'est pas écrit nulle part, mais ça l'est, indirectement. Mais ce que je vous
dis, c'est que le notaire a tous ces éléments-là en tête, systématiquement, à
partir du moment où on fait un acte notarié.
M. Morin : OK. Puis un
avocat ne les aurait pas?
M. Houle (Kevin) : Bien,
je ne suis pas avocat.
M. Morin : Donc, il n'y
a pas d'avocat à l'étranger qui pourrait conseiller l'avocat qui fait la
convention sous seing privé au Québec. Ça n'existe pas, ça?
M. Houle (Kevin) : Bien,
ça existe, mais est-ce que l'avocat a nécessairement le mandat implicite de
s'assurer de cet élément-là versus moi, comme notaire, qui fait un acte
authentique? Vous poserez la question à un avocat.
M. Morin : D'accord. Au
niveau de la section V, l'article 542.33, «la responsabilité financière
visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle», le projet de loi
prévoit une indemnité, mais évidemment fait reposer sur la victime de
l'agression sexuelle le fait de le prouver, de le démontrer. On dit, dans le
projet de loi, que «l'agression sexuelle peut être prouvée par la production
d'un jugement qui en reconnaît l'existence», évidemment, mais ce n'est pas
toutes les femmes qui vont dénoncer l'agression. Est-ce que vous pensez que ce
régime-là ne fait... n'est pas trop lourd sur les épaules de la victime et si
un régime étatique qui viendrait compenser ne serait pas préférable?
Mme Marineau (Tania) : Bien
oui, on trouvait que le fardeau était lourd sur la victime, de devoir prouver
son agression pour pouvoir faire valoir ses droits. Mais, comme solution, on
laisserait le législateur peut-être revoir cette... ce fardeau de preuve.
M. Houle (Kevin) : Parce
qu'effectivement on comprend que d'avoir un jugement au criminel... Mais,
encore là, il faut se questionner, est-ce que le jugement au criminel peut
faire effet au niveau du droit civil? Puis... Mais effectivement ce qu'on ne
veut pas, c'est que la femme doive avoir ce fardeau-là, tout en sachant que les
femmes ne dénoncent pas ça en dedans de quatre jours, là, donc.
• (18 heures) •
M. Morin : D'accord. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de Robert-Baldwin,
deux minutes.
Mme Garceau : ...vous
êtes experte dans ce domaine, donc je suis très intéressée au niveau de quel
genre de clause est-ce que vous mettez dans ce genre de convention. Est-ce que,
dans le projet de loi, on devrait préciser certaines clauses qu'on devrait
avoir dans la convention?
Mme Marineau (Tania) : Évidemment,
présentement, les conventions ressemblent un peu à la loi fédérale. C'est
surtout ces clauses-là qui sont prévues concernant, justement, comment qu'on
peut compenser et non rémunérer une mère porteuse. Justement, il faut... c'est
surtout rétablir le droit dans le contrat pour que les parties comprennent bien
que, si l'enfant... comme que mon collègue disait, si l'enfant est malade, la
famille doit le prendre quand même. S'il y a plusieurs enfants, la famille doit
prendre tous les enfants. Donc, c'est plusieurs clauses comme ça, qu'on ne peut
pas séparer la fratrie, justement, comme que le législateur a déjà pensé. Sinon,
des clauses qui n'ont pas... bien, l'âge, la capacité, tout ça, ça a déjà <été
pensé...
>
18 h (version révisée)
< Mme Marineau (Tania) :
...le
législateur a déjà pensé. Sinon, des clauses qui n'ont pas... bien, l'âge, la
capacité, tout ça, ça a déjà >été pensé, mais ce serait surtout par
rapport au point de qu'est-ce qui peut être remboursé pour ne pas que ça tourne
en rémunération qui serait bien encadrée dans les contrats.
Mme Garceau : Je veux
préciser au niveau de... en cas de décès des parents d'intention, est-ce qu'il
y a une clause qui prévoit qu'un tuteur, tutrice serait nommé en cas de...
Mme Marineau (Tania) : Bien,
pour que... En ce moment, comment que ça fonctionne, les contrats de mère
porteuse, c'est que le père, habituellement, le... lui peut être père au
certificat de naissance. Donc, par la suite, si la mère d'intention décède...
pas... excusez, si la mère porteuse décède, lui, il peut signer le consentement
d'adoption en faveur de sa conjointe. Donc, puisqu'avec le processus d'adoption,
présentement, on fonctionne par consentement entre... en faveur de la conjointe
d'intention, même s'il y a un décès, il faut que le père soit au certificat de
naissance pour qu'on puisse procéder, dans tous les cas.
Mme Garceau : Là, juste
préciser, je vais vous dire, l'article 541.14, et donc c'est très
spécifique, parce que, là, ce serait dans un cas où les deux conjoints ou la
personne seule... Là, je ne parle pas de la... de la femme porteuse, son décès,
je parle des parents d'intention, que les deux décèdent, il y a la naissance de
l'enfant. Est-ce que vous prévoyez, dans vos conventions, en cas de décès des
parents d'intention, un genre de clause de testament que l'enfant, au lieu d'être
confié à la DPJ, serait confié à... aux tuteurs, tutrices nommés par les
conjoints dans la convention? Est-ce que ça, vous le prévoyez?
Mme Marineau (Tania) : C'est...
bien, ce n'est pas possible dans la loi, présentement. C'est la mère biologique
qui va devoir conserver l'enfant et le confier à la DPJ, parce qu'autrement on
ne peut pas prévoir d'avance à qui va un enfant. C'est elle... elle est
toujours en vie, c'est son enfant, elle est au certificat de naissance, c'est
elle qui a l'autorité parentale seule.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri—Sainte-Jacques... Saint-Jacques... Sainte-Anne, pardon.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Merci pour votre présentation. Vous parliez qu'au niveau des versements,
remboursements de la somme en dépôt de garantie, là, vous vouliez que ce soit
plus clair ou vous parliez de dicter un règlement. Est-ce que ça ne pourrait
pas simplement être tout fait clairement dans la convention préalable plutôt qu'aller
par règlement?
M. Houle (Kevin) : Oui,
oui, mais est-ce que... L'élément que je voulais apporter... aborder tantôt, c'est
surtout le fait qu'on veut être certains que le notaire soit lié. Il faut... Il
ne faut pas oublier que le notaire agit comme officier public, donc d'une
manière impartiale. Si une partie dit OK, puis, malgré que ce soit écrit, qu'après
ça on vient dire... l'autre dit : Oui, bien, finalement, je ne suis pas d'accord
pour des raisons x, y, regarde, il y a tels, tels éléments, là le notaire est
quand même au milieu... n'est pas le juge, il ne peut pas trancher : Bien,
toi, ce que tu me dis, ça ne m'intéresse pas, finalement, je vais pencher pour
elle. En faisant ça, je prends parti, vous comprenez? Donc, le règlement ferait
en sorte que, nécessairement, c'est l'État, c'est le législateur qui vient dire
aux parties que le notaire va faire ça. Donc, si dans cinq jours, six mois, tu
es moins d'accord ou tu interprètes différemment, tout d'un coup, ce mot-là, le
fait que tu dises non au notaire ne va pas nécessairement emporter un différend.
C'est surtout cet aspect-là. On veut être certains que ça puisse être déboursé
fluidement, excusez-moi l'expression.
M. Cliche-Rivard : Donc,
ce serait privilégié par règlement plutôt que par la convention.
M. Houle (Kevin) : Oui.
M. Cliche-Rivard : OK.
Vous parlez aussi de déposer... de ne pas déposer la copie intégrale de la
convention, mais plutôt un extrait. Quels seraient les éléments minimums qui
devraient être dans l'extrait?
M. Houle (Kevin) : Bien,
on comprend qu'ici l'intérêt, c'est s'assurer... l'aspect génétique, là, donc
toutes les maladies ou quoi que ce soit qui pourrait... que l'enfant devrait
consulter. Donc, c'est minimalement cet élément-là qu'on va y retrouver, j'imagine,
dans cet extrait-là, mais ce qu'on suggère... parce qu'on... il ne faut pas
oublier que l'extrait ferait en sorte que le Directeur de l'état civil veuille
l'avoir, mais l'enfant pourrait le consulter aussi. Donc, les aspects
financiers, monétaires, bien, on... je ne pense pas que ce soit nécessaire que
ça se rende au Directeur de l'état civil, vous comprenez? Mais il reste que...
Voilà.
M. Cliche-Rivard : C'est
important, quand même, qu'il y ait l'extrait, par contre, pour vous... Il faut
qu'il y ait un document, il faut...
M. Houle (Kevin) : Oui,
puis l'extrait est une... est un document authentique, est une copie
authentique qui fait preuve de son contenu, mais on vient... on enlèverait au
minimum les éléments monétaires, financiers. Puis, encore là, rien n'empêche
que le législateur ou... par un règlement, ou peu importe, pourrait nous
indiquer qu'est-ce que le Directeur de l'état civil désire voir dans cet
extrait au minimum.
M. Cliche-Rivard : Vous
parliez aussi de modifier le règlement pour des heures de médiation familiale.
Quand il y a un conflit, on parle aussi que, dans toute la réalisation du
projet, il doit y avoir un consentement constant de la mère porteuse. Comment
on va régir ça si, finalement, il n'y a plus de consentement puis s'il y a...
finalement, il doit aller à l'arbitrage, ou comment on va gérer le conflit à l'intérieur?
M. Houle (Kevin) : Oui,
bien, rendu là, il faut se questionner... il faut se questionner à savoir pour
quelle raison est-ce que la mère porteuse ne veut plus, non plus. Tu sais, ce
n'est peut-être pas nécessairement <qu'elle ne veut plus. Ça fait...
M. Houle (Kevin) :
...questionner
à savoir pour quelle raison est-ce que la mère porteuse ne veut plus, non plus.
Tu sais, ce n'est peut-être pas nécessairement >qu'elle ne veut plus. Ça
fait qu'il faut vraiment aller en amont. C'est un peu ça, la médiation aussi,
voir derrière quelle est la raison réelle, mais, si en bout de ligne elle ne
veut plus, bien, elle ne veut plus. Tu sais, c'est un peu ça aussi, là,
l'aspect de l'acte notarié fait en sorte que les parties vont être au courant
que, nécessairement, il y a des risques dans ce projet-là, risques, entre
guillemets, là, OK, il faut s'entendre, là, mais c'est... Il faut comprendre
que ce n'est pas une promesse d'achat d'un immeuble où tu t'en vas en action en
passation de titre, vous comprenez? Ce n'est pas ça qui va arriver, là.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup. Sur
ce, Me Marineau, Me Houle, merci beaucoup d'avoir été avec nous.
C'est très apprécié.
Mémoires déposés
Donc, avant de conclure les auditions, je
procède au dépôt des mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été
entendus lors des audiences publiques.
Cela dit, la commission, ayant accompli
son mandat, ajourne ses travaux au mardi 4 avril, à 9 h 45, où
elle va entreprendre un nouveau mandat. Belle soirée. À bientôt.
(Fin de la séance à 18 h 07)