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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 26 avril 2023 - Vol. 47 N° 17

Étude des crédits budgétaires du ministère des Relations internationales et de la Francophonie, volet Relations internationales et Francophonie


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures vingt-neuf minutes)

La Présidente (Mme Garceau) : Bonjour à tous et à toutes. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte.

La Commission est réunie afin de procéder à l'étude du volet Relations internationales et Francophonie des crédits budgétaires du portefeuille Relations internationales et Francophonie pour l'exercice financier 2023-2024. Une enveloppe de 1 h 30 min a été allouée pour l'étude de ces crédits.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel) est remplacée par M. Caron (Portneuf); M. Lemieux (Saint-Jean) par M. Poulin (Beauce-Sud); Mme Schmaltz (Vimont) par M. Girard (Lac-Saint-Jean); Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) par Mme Setlakwe (Mont-Royal—Outremont); M. Zanetti (Jean-Lesage) par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).

La Présidente (Mme Garceau) : Merci beaucoup. Nous allons procéder à une discussion d'ordre général par blocs d'échanges incluant les questions et réponses. La mise aux voix de ces crédits sera effectuée à la fin du temps qui leur est alloué, soit vers 13 heures.

Je suis maintenant prête à reconnaître une première intervention de l'opposition officielle pour un premier bloc d'échanges. Mme la députée de Mont-Royal Outremont, la parole est à vous.

• (11 h 30) •

Mme Setlakwe : Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi de commencer par des salutations d'usage. Donc, je vous salue, Mme la Présidente, Mme la secrétaire, toute l'équipe technique de soutien. Mes collègues au gouvernement, salutations à vous tous, Mme la ministre évidemment, et toute votre équipe, hein, ça me fait plaisir d'être... d'être ici puis d'entamer un échange sur un sujet passionnant. Mes collègues à l'opposition...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Setlakwe : ...les recherchistes. Mon recherchiste avec qui j'ai eu le plaisir de travailler depuis plusieurs mois, M. Mercier. Donc je vais prendre quelques instants pour des remarques préliminaires. Puis ensuite, on embarquera dans le vif du sujet. Simplement mentionner que, puis vous en conviendrez, il se passe beaucoup de choses dans le monde, et ce n'est pas... c'est loin d'être tout positif. Franchement, il y a de nombreuses crises depuis... suite à la pandémie, qui étaient déjà assez tumultueuses. Il y a une apparence de déstabilisation de l'ordre mondial que nous nous connaissons, un effritement des institutions démocratiques, une augmentation de tensions et de conflits armés entre nations, c'est... Encore cette semaine, on n'en revient pas de ce qu'on voit. Une crise environnementale qui affecte les quatre coins de la planète, des attaques, des atteintes aux droits de la personne, sans oublier les enjeux habituels d'accès à la nourriture, à des soins de santé, des services en éducation qui touchent particulièrement les personnes vulnérables. Malheureusement, le temps qu'on a aujourd'hui ne nous permettra pas d'aborder tous ces enjeux-là, mais je trouvais intéressant quand même de le souligner.

Donc, sans plus tarder, je commencerais avec mes questions. Je suis certaine qu'on va avoir des échanges intéressants et fructueux ce matin. Les relations internationales, c'est certainement un portefeuille intéressant puis le Québec a un rôle à jouer. Donc, débutons, si vous me permettez, par quelques questions au sujet de l'Organisation internationale de la Francophonie, l'OIF comme on l'appelle, sur laquelle le Québec peut... joue un important rôle et on doit maintenir ce rôle important là. D'ailleurs, l'OIF, c'est une fierté pour le Québec. C'est un lieu, un forum idéal pour faire valoir notre leadership en matière de promotion, protection, apprentissage de la langue française. Rappelons que le Québec est l'un des principaux bailleurs de fonds de l'OIF et est considéré comme un de ses membres les plus actifs. La Francophonie est le seul forum international où le Québec est un partenaire à part entière. Donc, le Québec, je le répète, peut et doit jouer un rôle de premier plan au sein de la Francophonie. D'ailleurs, vous y étiez en novembre, vous avez eu la chance d'entamer votre mandat avec un voyage en Tunisie. Donc, le Québec, selon nous, doit exercer son poids diplomatique et influencer directement les décisions dans ses champs de compétence. Québec peut et doit continuer de jouer un rôle de premier plan au sein de la francophonie dans une panoplie de domaines que je ne nommerai pas, mais c'est donc un forum très, très important pour le Québec.

Abordons la nomination de madame Caroline St-Hilaire au poste d'administratrice de l'OIF. Après certains mois de rumeurs que Québec l'envoyait à un poste de délégué du Québec à Barcelone, madame St-Hilaire atterrit à Louis F. Madame St-Hilaire, elle a un curriculum vitae intéressant. Que ce soit au niveau de sa formation, de ses différents postes, des fonctions qu'elle a occupées, elle a d'ailleurs été... mais elle a aussi été candidate pour la CAQ dans Sherbrooke. Donc, elle a une longue expérience. On peut donc considérer qu'elle semble posséder les qualifications nécessaires pour accéder au poste. Donc, je ne suis pas ici pour questionner les compétences de madame St-Hilaire, mais tout de même, je rappelle, et je cite le premier ministre : "Les nominations partisanes et les cadeaux aux petits amis, c'était terminé." Fin de la citation. Pourtant, votre gouvernement a fait des nominations questionnables. Dans certains cas, vous n'y étiez pas, mais, tout de même, il faut les souligner, ce n'est pas en termes de compétence, mais en termes de partisanerie. On peut penser à Denis Dolbec, Catherine Loubier, Valérie Noël-Létourneau, par exemple. Au sein de l'OIF, les anciens numéros deux. Madame Catherine Cano a démissionné en octobre 2020, et, un peu plus tard, c'était le... c'était au tour de monsieur Geoffroy Montpetit d'être remercié de ses services. Donc vraiment, il se passe des choses à l'OIF.

Moi, ce que j'aimerais savoir, là, puis c'est là où je m'en viens sur ma question, c'est : Pouvez-vous nous parler, là, du cheminement qui a mené à la nomination de madame St-Hilaire? On aimerait savoir et avoir une explication du processus, nombre des candidats rencontrés. Quel était le processus donc, finalement?

La Présidente (Mme Garceau) : Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Biron : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Moi aussi, je voudrais faire quand même quelques salutations d'usage. Ce sont mes premiers crédits à vie dans ce siège. J'ai déjà utilisé... était assise sur les banquettes arrière pour surveiller justement les gens comme moi qui donnaient des explications sur l'ensemble de nos dossiers. Madame, nous sommes tous des nouveaux, hein? Nous arrivons tout frais, tout neufs. Je...

Mme Biron : ...je regarde le député de Saint-Henri Sainte-Anne, que je félicite pour son élection. Alors, travaillons donc ensemble dans la joie et l'allégresse pour ces crédits-là. Je suis ravie que la députée de Mont-Royal-Outremont débute par le dossier de l'OIF, parce que c'est vraiment un des dossiers que j'ai pris à bras-le-corps dès que je suis arrivée en fonction. Je savais que j'irais très, très rapidement à Djerba, en Tunisie, pour le Sommet de la Francophonie, et que j'étais accompagnée du premier ministre du Québec. C'est quand même une opportunité intéressante et c'est un geste aussi, ça veut dire que la francophonie, c'est important pour nous. J'avais noté, dans l'espace de l'Organisation internationale de la Francophonie, que le Québec, qui est un membre de plein droit, et vous avez bien fait de le souligner, nous sommes de plein droit, c'est-à-dire que nous avons un vote de plein droit à l'OIF, et c'est la seule organisation internationale où nous avons ce privilège. Et ce qui veut dire que notre vote vaut celui du Canada.

Je trouvais qu'on n'était pas assez présents à l'OIF, et j'ai partagé cette réflexion-là avec le premier ministre. J'ai dit : L'OIF ouvre un bureau dans la capitale, en fait en Amérique du Nord, et ce bureau-là sera dans la capitale québécoise. Et la déléguée qui a été nommée par la secrétaire générale de l'OIF vient du Djibouti. Je n'avais aucun problème, avec cette idée, qu'elle vienne de Djibouti, c'est tout à fait normal que l'OIF soit représentée, que l'ensemble des 88 pays membres de l'OIF soient représentés au sein... partout sur le territoire. Mais je notais que le Québec était nulle part, nulle part sur le territoire, nulle part dans le bureau de direction. Alors, j'ai dit au premier ministre : Il nous faut une place. Il faut que le Québec, au même titre que le Canada, soit représenté dans l'Organisation internationale de la Francophonie. Je vous rappelle que le Québec est le seul État, peut-être avec Haïti, qui parle français. Nous sommes une goutte d'eau francophone dans un océan entouré d'anglophones. Alors, nous avons un travail important à faire dans ce sens.

• (11 h 40) •

Nous avons rencontré, moi et le premier ministre, la secrétaire générale de l'OIF et nous lui avons fait part de cet enjeu-là. Je croyais qu'elle évoluerait tranquillement et qu'on aurait tranquillement une place au sein de l'OIF, mais le mandat du numéro deux, de l'administrateur de l'OIF, venait à échéance en mars dernier, et la secrétaire générale a choisi, et elle est souveraine dans ce sens, de ne pas renouveler le siège... le mandat de Geoffroi Montpetit, qui était nommé par le Canada. Elle nous a demandé, au Québec et au Canada, de formuler une liste de noms pour nommer un nouveau numéro deux. À ce moment-là, moi, j'ai demandé à mes collaborateurs de nous arriver avec une série de noms qui pourraient se qualifier pour ce poste-là. Le Canada a également choisi... a fait sa propre liste, et je tenais à ce que nous travaillions main dans la main avec le gouvernement du Canada, parce que, quand même, nous sommes sur le même continent, et le Canada est toujours... travaille... est quand même un pays bilingue et a sa place au sein de l'OIF.

J'ai eu des contacts avec la ministre des Relations internationales, des Affaires étrangères, et nous avons convenu de notre liste. Le nom de Caroline St-Hilaire faisait partie d'une liste de noms que mes collaborateurs ont mis en place, et j'étais particulièrement intéressée par son nom, essentiellement à cause de son passé politique. Je trouvais qu'elle représentait à la fois bien le Québec, mais également le Canada. Elle a siégé à la Chambre des communes. Elle a dirigé la quatrième ville en importance au Québec. Elle a des qualités de communication. L'OIF traverse une période assez difficile. J'estimais que c'était la candidate parfaite pour ce rôle. Maintenant, le Canada avait également soumis quelques noms, et ces noms-là... en fait, le Canada...

Mme Biron : ...qui a soumis les noms à la secrétaire générale de l'OIF. Et c'est la secrétaire générale qui a fait le processus de nomination, c'est-à-dire qu'elle a fait différentes entrevues pour arriver à la conclusion que la meilleure représentante à l'OIF était Caroline Montpetit. Je pense que le Québec peut être fier, fier de deux choses, d'abord d'avoir aussi rapidement pris sa place au sein de l'Organisation internationale de la francophonie, et fier d'avoir quelqu'un comme Caroline Montpetit... Caroline St-Hilaire, qui est une... qui est très douée et qui a beaucoup d'entregent et qui va aider, justement, tout le processus d'assainissement et de transparence au sein de l'OIF.

Mme Setlakwe : Merci, Mme la ministre. Donc, rapidement, juste pour préciser, je ne remettais pas en doute la prérogative de la secrétaire, là, Mme Mushikiwabo. Et c'est juste : on était quand même étonnés de la rapidité avec laquelle le processus s'est bouclé. Et puis, moi, ce que j'aimerais savoir juste rapidement, est-ce que... Il y en avait combien, de candidats qui ont été considérés pour le poste?

Mme Biron : Du côté du Québec ou du côté...

Mme Setlakwe : Généralement, ce que vous savez à cet égard-là.

Mme Biron : Ah! il y en a eu plusieurs, il y en a eu plusieurs chez nous, au Québec, mais il y en a eu plusieurs également du côté du Canada. J'ai eu quelques échanges, comme je vous ai dit, avec la ministre des Affaires étrangères du Canada. Ils ont, de leur côté, aussi formulé leur liste, le nombre de noms. Et c'est le Canada... Moi, j'ai soumis un nom, et le Canada a soumis un nom, aussi bien que la secrétaire générale, au final, avait un choix entre deux et peut-être plus, parce que c'est ce que le Canada et le Québec a proposé, mais un autre membre de l'OIF aurait pu, du coup, fournir un autre nom, là. Il y arrive... il peut y arriver des situations extérieures, mais ce processus-là s'est fait dans les règles de l'art. Et je pense que... Mais vous disiez : J'ai été surprise que ça se passe aussi rapidement. Moi aussi, moi aussi, je pensais que c'était...

Mme Setlakwe : Merci.

Mme Biron : ...c'était beaucoup plus long.

Mme Setlakwe : Donc, juste pour clarifier là-dessus rapidement, Québec a soumis un nom, Canada a soumis un nom, ça, on l'avait lu, mais il y avait plusieurs candidatures en amont qui avaient été considérées?

Mme Biron : Oui, oui, bien sûr.

Mme Setlakwe : Oui. Combien à peu près?

Mme Biron : Bien, en fait... Ça, c'est de l'ordre privé, je dirais, qu'on a eu différentes listes, différents noms qui sont arrivés. Je pense que ce qui compte, c'est le nombre de noms qu'on a soumis, et on en a soumis qu'un seul.

Mme Setlakwe : Merci. Encore sur l'OIF. En mars dernier, la secrétaire générale a resserré son emprise sur l'OIF juste avant l'arrivée de Mme Saint-Hilaire comme administratrice, qui, rappelons-le, est le deuxième poste en importance au sein de l'organisation. Retrait de la responsabilité directe sur les représentations de l'organisation réparties dans le monde. Retrait des responsabilités en Europe, en Afrique, en Asie et le continent américain. Elle a procédé à des nominations discrétionnaires au sein du bureau de l'administratrice. Retrait des services juridiques retirés de l'organigramme. Toute question sur le volet politique et diplomatique des représentations sont gérées uniquement par le cabinet de la secrétaire. Selon ce qui a été rapporté, l'ensemble de ces décisions semblent avoir été faites sans consultation. C'est assez étonnant, là, ça s'est fait juste avant que Mme St-Hilaire arrive. Moi, j'aimerais avoir votre réaction par rapport à ça. Est-ce que... On ne vous a pas beaucoup entendu. Êtes-vous... êtes-vous inquiète? Est-ce que vous avez résisté? Est-ce que... Tu sais, généralement, êtes-vous inquiète de ce rôle réduit? Comment... Quelle est votre réaction par rapport aux décisions ou à ce que Mme Mushikiwabo a imposé?

Mme Biron : D'abord, je vais préciser que le rôle n'est pas réduit, ce n'est pas tout à fait ça qui s'est passé. La secrétaire... Je voudrais préciser que les fonctions de Caroline St-Hilaire, le pouvoir de Caroline St-Hilaire est exactement le même que celui de Geoffroi Montpetit, il n'y a pas eu d'affaiblissement de la tâche ou des pouvoirs de Caroline St-Hilaire. Plus encore, le rôle de Caroline St-Hilaire est même... a une plus-value parce qu'elle a un rôle politique que la secrétaire générale entend bien utiliser. J'ai eu une conversation avec la secrétaire générale à la suite de la publication de ces informations-là, et elle m'a garanti que le contrat était le même. J'ai même contre-vérifié avec d'autres ressources que nous avons au ministère des Relations internationales et de la Francophonie pour m'assurer que c'était bien le cas, et c'est le cas. Oui, l'organigramme a été changé...

Mme Biron : ...je pense que c'est de notoriété publique qu'il y a différentes difficultés de gouvernance au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie, ça a été mis au jour à plusieurs reprises, et il y a un travail d'assainissement des finances de l'OIF, d'assainissement aussi de la gouvernance, de la façon de fonctionner au sens très large. On ne fait pas d'omelette sans casser d'oeuf, alors oui, l'organigramme a été revu et ça fait partie de ce processus. La secrétaire générale est motivée et déterminée à rendre l'OIF plus transparente, plus fluide, à ce que les programmes soient également mieux structurés. J'ai-tu une horloge, moi?

Mme Setlakwe : Donc, juste rapidement, vous n'avez pas été... Je comprends que vous lui avez parlé, elle vous a rassuré et elle a justifié ces changements de quelle façon, là? Comment qu'elle a justifié les changements qu'elle avait faits. Puis j'essaie de voir, elle retire, mais elle dit : Ça va être le même pouvoir. Est-ce que... elle ne vous a pas consulté en amont, premièrement?

Mme Biron : Mais qu'est-ce qui vous dit qu'elle retire? Vous tenez d'où ces informations-là qu'elle retire de... du pouvoir de Caroline St-Hilaire?

Mme Setlakwe : Ah, donc ce qu'on a lu dans les médias, ce n'était pas exact? Moi, je me fie à ce que j'ai lu dans les médias parce que, moi, je ne suis pas partie aux discussions. Donc là, je vous pose la question, vous avez été consulté en amont?

Mme Biron : Moi, j'ai vérifié au sein de l'OIF, mais nous avons également des... des équipes qui sont spécialisées en francophonie, et j'ai fait les vérifications auprès de ces gens-là, j'ai vérifié également le contrat de Caroline St-Hilaire et ce que je comprends, c'est que les pouvoirs de Caroline St-Hilaire sont exactement les mêmes pouvoirs que ceux de Geoffroi Montpetit.

Mme Setlakwe : Merci. Vous me rassurez. Vous me rassurez. Toujours sur l'OIF, on a entendu parler d'un climat toxique et même, je pense, c'est il y a deux semaines, on a appris que les employés avaient été sondés et avaient... il y en avait plusieurs qui avaient manifesté qu'ils avaient été témoins... victimes de harcèlement, c'était assez choquant. Et la réaction qui est sortie, c'était un... un employé du... ou un directeur du bureau qui est venu minimiser, on a lu ça, là, dans... dans Le Devoir, qui est venu minimiser les résultats de ce sondage. Moi, je me serais attendu, pour une organisation comme l'OIF, qu'il y ait une prise de position ferme et qu'on... qu'on... qu'on mette des actions en place de façon immédiate pour ce genre de comportement qui n'est aucunement toléré au Québec. Comment vous, vous avez vécu ça cette... comment vous avez reçu ces... ces informations-là?

Mme Biron : Le harcèlement au travail à l'OIF, c'est tolérance zéro, harcèlement de toutes sortes, psychologique, sexuelle, de... Quelles que soient les... les... les allégations de harcèlement, c'est tolérance zéro. Je me suis également entretenu sur ce sujet avec le secrétaire général qui m'a expliqué qu'il y avait un processus en cours pour mettre en place une politique zéro harcèlement et que ce travail se faisait de concert avec l'administrateur Geoffroi Montpetit depuis 2020. La pandémie est arrivée, les employés sont partis travailler en télétravail, la politique a été mise sur la glace. Quand les employés sont revenus, on a décidé de retravailler, de reprendre ce... ce chantier, et c'est... c'est dans ce contexte-là que le sondage aurait été envoyé aux employés. Les résultats, ceux qui ont été transmis, m'apparaissent accablants. La secrétaire générale était du même avis que moi là-dessus. Maintenant, Geoffroi Montpetit a été... dans le contexte, a perdu son poste, c'est-à-dire que son contrat n'a pas été renouvelé, ce sondage s'est retrouvé dans l'espace public.

• (11 h 50) •

La Présidente (Mme Garceau) : Mme la ministre, je suis vraiment... excusez, c'est juste qu'on déborde au niveau du temps, là.

Mme Biron : Ah, il n'y a pas de souci, mais c'est parce que c'est un sujet qui me passionne, parce que je trouve ça épouvantable qu'il y ait du harcèlement. Et ce que la secrétaire générale m'a dit, c'est qu'elle était pour mettre en place une politique pour que ce type de comportement cesse.

La Présidente (Mme Garceau) : Merci beaucoup. Merci pour l'échange. Et donc maintenant je suis prête à reconnaître une première intervention de M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. La parole est à vous.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à tous et toutes d'être présents aujourd'hui. Mme la Présidente, je n'ai pas beaucoup de temps, donc je vais y aller quand même simplement, et je demanderais la même chose du côté ministériel pour qu'on puisse poser le plus de questions possible. Donc, c'est possible que je vous regarde de temps en temps pour rappeler à une prochaine question, dans le respect, bien sûr, du droit de la ministre de répondre à ces questions.

On était sur le l'OIF, je vais rester sur l'OIF quelques minutes, je vais commencer avec l'extrait d'un article, c'est ce qu'on fait... en fait, une citation, c'est ce qu'on...

M. Cliche-Rivard : ...on fait généralement quand on ne tient pas nos promesses. On dit aux gens : »Je dois te le rendre, je t'en dois une», a opiné la députée de Chaudière... pardon, des Chutes de la Chaudière, Martine Biron, en se rendant à la rencontre avec son chef. Selon elle, son gouvernement doit trouver un moyen de compenser les électeurs de la Rive-Sud de Québec en colère depuis que le gouvernement Legault a décidé de tirer un trait sur la partie autoroutière du projet de troisième lien. Mme Biron a évoqué que l'ascenseur doit remonter pour les résidents déçus et frustrés de Lévis. Alors, parlons d'ascenseur... parlant d'ascenseur, la nomination de madame St-Hilaire à l'OIF, est-ce que c'était vraiment pour service rendu dans Sherbrooke? Est-ce que vous en aviez une à votre ancienne candidate?

Mme Biron : Merci pour la question, quand même assez savoureuse. Passer par Chutes de la Chaudière pour... pendant l'étude des crédits des relations internationales, c'est vraiment une première, et je l'apprécie. Bien sûr, je comprends la question. Je crois que... je pense que le député fait un lien avec une nomination partisane. Je comprends... c'est ce que je comprends. Une nomination partisane, M. le député, à mon avis, c'est quand on nomme quelqu'un d'incompétent à un poste important, simplement parce que c'est un ami du parti. Je pense qu'il y a des partis politiques qui se sont spécialisés dans l'art des nominations partisanes, avec la définition que je vous donne. Moi, j'ai suggéré le nom de quelqu'un de compétent à un poste important et je n'ai pas... je ne suis pas intervenue dans le processus d'entrevues qui a mené à la nomination de Caroline St-Hilaire. Mais même si je l'avais nommée, je vous dirais que nous avons une personne compétente à un poste important, et ce n'est pas moi qui l'ai nommée.

M. Cliche-Rivard : Merci. Vous vous êtes prononcé clairement contre le concept d'intersectionnalité, donc du féminisme intersectionnel. Comme votre ministère finance des organisations de solidarité internationale féministes qui font la promotion du concept d'intersectionnalité, pouvez-vous les rassurer aujourd'hui devant nous que vous n'allez pas couper leur financement?

Mme Biron : Vous êtes vraiment formidable. Chutes de la Chaudière, la condition féminine, tout est là. D'abord, je ne me suis pas prononcée contre l'intersectionnalité. Nous avons une stratégie concernant la condition féminine et il y a, dans Rebâtir la confiance, dans cette stratégie, plusieurs actions qui touchent l'intersectionnalité, et on parle de collecte de données, on parle de projet pilote, et j'ai bien l'intention de donner suite à ces actions-là. Et je ne le fais pas à contrecœur. Je le fais parce que j'y crois et je pense que, plus on est documenté, mieux on prend des décisions. Alors, dans ce contexte-là, je pense qu'il n'y a pas vraiment d'enjeux, là, et je pense qu'on est capable d'évoluer et de parler ensemble. Moi, ce qui m'intéresse surtout, c'est que nos citoyens comprennent ce qu'on fait. Alors, quand on parle du concept de l'intersectionnalité, bien, on peut parler du concept d'universalisme, de matérialisme, mais ce qu'on veut, c'est essentiellement avoir l'équité hommes-femmes partout, sur le terrain, sur les... hein, sur la scène internationale et également chez nous.

M. Cliche-Rivard : Merci pour votre réponse et vos compliments, quand même, merci. Je voudrais savoir c'est quoi, la position du ministère ou de la ministre. En fait, vous dites, tout à l'heure, là : On est nouveaux, effectivement, sur le conflit palestinien, notamment en vue du 75e anniversaire de la Nakba, et je voudrais vous tendre la main pour qu'on puisse ensemble, à l'Assemblée nationale, reconnaître l'anniversaire une fois pour toutes par une motion, mais d'ailleurs voir votre ouverture sur la question.

Mme Biron : Bon, le conflit palestinien est un conflit israélo-palestinien qui date de longue date. J'ai quand même une certaine inquiétude sur ce qui se passe en Israël. Je pense que la situation se radicalise. Nous avons des... nous, aux Relations internationales, en relations internationales, beaucoup d'intérêts en ce qui se passe au Moyen-Orient. C'est à peu près la seule région où nous n'avons pas de bureaux, une des rares régions où nous n'avons pas de bureau. Et j'aimerais ça qu'on soit présent au Moyen-Orient. Israël, je ne vous cacherai pas, est dans nos cartons. Nous réfléchissons à cette idée. Est-ce que c'est la meilleure? Je ne sais pas. Le contexte politique est particulier. Je pense qu'il faut toujours monitorer ça et s'assurer que les...

Mme Biron : ...Québécois qui sont sur place soient toujours en sécurité. Alors, je ne me prononcerai pas sur l'issue ou sur les meilleures façons de régler ce conflit-là, mais je vous dirais qu'on a quand même des intérêts à... Au Moyen-Orient.

M. Cliche-Rivard : Mais vous seriez ouverte à ce qu'on commémore le 75ᵉ anniversaire de la Nakba à l'Assemblée nationale?

Mme Biron : Je ne veux pas me prononcer sur cette question-là.

M. Cliche-Rivard : Non?

Mme Biron : Je pense qu'on pourra y réfléchir. Quand vous déposerez votre motion, on pourra regarder ça ensemble puis on déterminera ce qu'on fait.

M. Cliche-Rivard : Donc, ce n'est pas non, mais à suivre.

Mme Biron : Je ne ferme pas de porte, mais je ne les trouve pas très grandes non plus. Je vous dis : Amenez-nous votre... l'information, puis on va la regarder, puis on va converser. Je pense que c'est ça, l'idée, c'est d'être capable de se parler.

M. Cliche-Rivard : Tout à fait, et ça, je suis d'accord avec vous. Je vous amène sur un autre dossier dans la région. Je veux savoir, parce que ça concerne et c'est très préoccupant pour une grande partie de Québécois et Québécoises : Quelles sont les actions concrètes que vous faites pour mettre de la pression pour le retour de Raif Badawi au Québec?

Mme Biron : J'aimerais ça vous poser une question, si c'est possible, pour vous le bien-être de notre...

M. Cliche-Rivard : Bien là, je suis quand même dans... de reddition de comptes. On pourra se poser toutes les questions que vous voulez, là, mais...

Mme Biron : Oui, mais quel est le lien entre les crédits et...

M. Cliche-Rivard : Bien, les relations internationales, vos politiques, comment vous dépensez les sommes, où est-ce que votre énergie se place dans vos relations avec le gouvernement canadien sur cette question-là? Donc, je pense que la question est très directe, là.

Mme Biron : Bien, je pense qu'au Québec on a fait quand même beaucoup d'efforts. Je pense qu'on appuie la situation de M. Badawi ainsi que de sa femme, qui est québécoise reconnue. Le gros problème de M. Badawi, c'est que ce n'est pas un citoyen canadien. Alors, la situation, elle est là. Et c'est beaucoup entre les mains du gouvernement fédéral. Il y a eu des discussions à plusieurs reprises et des émissaires canadiens qui ont été envoyés là. Mais bon, je ne peux pas parler de ce que fait le Canada, mais c'est...

M. Cliche-Rivard : Non, mais vous.

Mme Biron : Bien, nous, écoutez, on fait pression sur le gouvernement fédéral depuis très longtemps sur cet enjeu-là, et on est en contact assez serré avec la femme de M. Badawi. Je pense que...

M. Cliche-Rivard : Donc, c'est une priorité, quand même, de mettre tous les efforts pour qu'il puisse venir rejoindre sa famille, sa fille notamment?

Mme Biron : Bien, je souhaite ça. Je souhaite ça de tout cœur, qu'il puisse retrouver sa femme et ses enfants. Je pense que le Québec... Écoutez, je ne sais pas combien de motions on a adoptées à ce sujet-là, mais on en a adopté plus d'une. Alors, je pense que le poids du Québec et l'appui du Québec est là pour le retour de M. Badawi. Mais la situation, elle est complexe, et vous le savez mieux que moi, je pense.

M. Cliche-Rivard : Je ne sais pas. Je vous amène sur Haïti.

Mme Biron : Oui.

• (12 heures) •

M. Cliche-Rivard : Question sur la situation en Haïti. Si le Canada décidait de débarquer en Haïti, comme il l'a souvent fait, et d'une manière qui n'est pas conforme aux volontés du peuple haïtien, quelle sera votre position? Par exemple, personne ne veut que le Core Group décide à la place des Haïtiens. Donc, est-ce que le Québec appuierait une mission non sollicitée d'Haïti en Haïti, une mission canadienne?

Mme Biron : Haïti, c'est un sujet qui me préoccupe vraiment parce que... et les gens autour de moi savent qu'un peu... Au Conseil des ministres, mon voisin de droite, c'est Lionel Carmant, qui est d'origine haïtienne, et nous discutons souvent de Haïti. J'en parle également à l'étranger. J'ai eu une conversation assez longue avec l'ambassadeur du Canada aux Nations Unies, Bob Rae, sur cette question-là. Et, dès que je peux avoir une conversation avec des gens qui ont moindrement un peu de compétence ou de compréhension du dossier, je le fais. C'est un problème. Et j'étais à Djerba, aussi, quand il y a eu une rencontre avec le premier ministre Justin Trudeau, la communauté haïtienne, la délégation haïtienne ainsi que la ministre des Affaires étrangères.

Il y a quatre crises en Haïti : la crise politique, une crise humanitaire, une crise sécuritaire, une crise sanitaire. C'est épeurant ce qui se passe en Haïti. Les gangs de rue sont en train d'avaler la police nationale. Il n'y a pas de leadership fort pour ramener un semblant d'ordre. Le président... Et, dans une situation où il n'y a pas de leadership et on se demande ce qui va arriver...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Biron : ...moi, j'aimerais trouver des... une solution. Mais envoyer une délégation, c'est peut-être une idée, mais d'abord et avant tout, je veux m'assurer de la sécurité de toute personne qui mettra le pied en Haïti. Nous avons des leviers limités pour aider Haïti dans la situation où elle est actuellement. Mais nous essayons quand même. Nos organisations internationales de solidarité internationale sont là, gardent le contact via notamment des... via des collègues locaux, là, en fait, il y a des gens, des Haïtiens qui travaillent avec nos organisations de solidarité internationale pour essayer d'apporter un peu de baume et de mieux être. On avait, au point de départ, quand la crise a commencé, mis un peu d'argent, mais on s'est rendu compte que l'argent ne se rendait pas au bon endroit. Alors ça devient... ce n'est pas un problème simple. Puis ce n'est pas moi qui le dis. Ça se dit sur la scène internationale, il y a des gens beaucoup plus instruits que moi sur la question haïtienne qui disent que le problème est particulièrement complexe.

M. Cliche-Rivard : Et je note, et j'en profite moi aussi pour envoyer toute ma solidarité envers la situation que vit le peuple haïtien. Je change de continent et je voudrais vous entendre quand même sur la crise suite au mouvement indépendantiste en Catalogne et je voudrais vous entendre sur l'emprisonnement de prisonniers politiques. Quelle est la vision du ministère des Relations internationales sur des emprisonnements politiques, le mouvement indépendantiste?

Mme Biron : Je vous dirais que le Québec n'a pas vraiment l'habitude de s'ingérer dans les affaires politiques internes des autres nations. Dans le cas de la situation de la Catalogne, je pense que ça se qualifie... je pense que les affaires internes de l'Espagne sont les affaires internes de l'Espagne. Mais les principes, les grands principes de démocratie pour nous ont une valeur fondamentale et nous avons un bureau, nous, en Catalogne, et je vous dirais que nous suivons les choses de près. Nous suivons la situation politique de près, mais nos intérêts en Catalogne sont beaucoup plus commercial et culturel que politiques. Je pense qu'il faut laisser... on n'aimerait pas, nous au Québec, que d'autres pays s'ingèrent dans nos affaires politiques.

M. Cliche-Rivard : Mais reconnaissez-vous qu'il s'agit là de prisonniers politiques?

Mme Biron : Je préfèrerais laisser les affaires internes... je préférerais laisser l'État espagnol régler ses affaires internes.

M. Cliche-Rivard : Merci. On vous... Est-ce que vous vous sentez interpellés par la lutte aux paradis fiscaux et à l'évasion fiscale? Et est-ce que vous comptez faire quelque chose sur ce sujet-là au cours de votre mandat? Le précédent gouvernement libéral avait quand même déposé un plan d'action paradis fiscaux, plan d'action pour assurer l'équité fiscale. Allez-vous le mettre à jour? Parce qu'il date de 2017. Et, si oui, quel est votre plan pour lutter contre l'évasion fiscale?

Mme Biron : Je vous invite à réserver votre question pour les crédits du ministre des Finances. Je pense qu'il en aura très long à vous dire à ce sujet.

M. Caron : Petit rappel au règlement et à la pertinence. À plusieurs reprises, notre collègue... je comprends que ces questions puissent être intéressantes, mais dans le cadre du bon déroulement de nos travaux qui est l'étude de crédits, j'aimerais que les questions soient plus pertinentes avec le sujet.

M. Cliche-Rivard : ...une seule fois, la ministre a questionné la pertinence de ma question. J'ai répondu, et elle a répondu à la question tout de suite après, considérant la pertinence, donc...

La Présidente (Mme Garceau) : Je vais juste... Oui, merci, et merci pour votre intervention. Évidemment, la question de la pertinence doit être interprétée de façon très large. C'est ça, la règle. Donc nous allons continuer.

M. Cliche-Rivard : Merci. Le journaliste américain Evan Gershkovich a récemment été arrêté en Russie. Je sais que c'est une question qui doit vous toucher particulièrement. On sait que la Russie réprime la dissidence et la liberté d'expression. Alors quelle est votre réaction à titre d'ancienne journaliste, à cette arrestation?

Mme Biron : Je pensais que c'était la ministre des Relations internationales et de la Francophonie qui était questionnée, mais ça va me faire plaisir de discuter avec vous, si vous le voulez, on peut aller prendre un café après.

M. Cliche-Rivard : J'aimerais ça.

Mme Biron : Comme ancienne journaliste, je peux vous élaborer mon opinion, parce que j'ai des opinions, bien sûr, là-dessus, comme ancienne journaliste, mais comme ministre des Relations internationales...

Mme Biron : ...écoutez, je condamne de toutes mes forces, de toute mon énergie, la... la situation en Russie. Ce que les Russes font, c'est inadmissible et c'est de la répression pure. Et je pense qu'autant les journalistes que les citoyens... Les citoyens se font eux aussi enfermés pour... pour un tweet, pour une conversation, pour un appel téléphonique, c'est épouvantable. Et je pense que ce n'est pas juste l'ancienne journaliste qui parle, je pense que la ministre des Relations internationales et les États qui... qui luttent, justement, contre ce genre de répressions doivent tous condamner la situation en Russie au sens large, pas seulement l'emprisonnement des journalistes mais également l'emprisonnement des citoyens.

M. Cliche-Rivard : Merci. Je vais y aller avec une dernière question. Je voudrais vous parler de tribunal international de justice climatique et environnementale. L'idée d'un tel tribunal, similaire à la Cour pénale internationale, circule depuis un bout dans le monde quand même. Ce projet de juridiction devrait permettre, s'il est adopté, de traduire en justice les États et les entreprises qui ne respectent pas les normes de pollution et les émissions établies au niveau mondial par des protocoles internationaux. J'ai l'ambition que le Québec devienne un champion de la diplomatie climatique. J'espère que vous aussi. Que pensez-vous de cette idée?

Mme Biron : Je fais mes premiers pas, je dirais, politiques au niveau environnemental, quoique je suis le dossier depuis longtemps. J'ai participé, en décembre, à la COP15 sur la biodiversité, c'était ma première COP. Ça a été, pour moi, une expérience intéressante avec notre émissaire... notre émissaire à l'environnement Jean Lemire, qui fait un travail formidable pour nous aux Relations internationales. Et ça nous a permis quand même d'arriver à des conclusions intéressantes et des accords historiques sur la protection de la biodiversité. Alors, je pense que le chemin est bon. Le ministre de l'Économie, le ministre de l'Environnement, moi-même ainsi que le premier ministre, on est vraiment très sensibilisés et nous voulons... Vous savez, sur la scène internationale, l'enjeu de trouver des façons...

(Interruption)

Mme Biron : C'est l'heure de prendre votre pilule?

Des voix : ...

Mme Biron : C'était une blague, c'était une blague qui se voulait sympathique.

La Présidente (Mme Garceau) : Si vous me permettez, il reste uniquement une minute.

Mme Biron : Il me reste une minute?

La Présidente (Mme Garceau) : Oui.

Mme Biron : O.K. Bien, ce que je voulais dire, c'est que, sur la scène internationale, dans les échanges que j'ai avec des entrepreneurs, avec des politiciens, quels qu'ils soient... excusez-moi, j'ai un petit fou rire, là, mais quels qu'ils soient, il y a un désir profond de trouver des moyens plus verts. La décarbonation de nos sociétés, c'est vraiment un enjeu et ça fait partie des discussions de tous les moments. Alors, on n'est pas tout seul dans ce bateau-là, mais on est là, puis je vois qu'il y a d'autres sociétés qui sont dans la même situation.

• (12 h 10) •

M. Cliche-Rivard : Bien, merci beaucoup. Je vous rassure, là, ma santé va très bien. Et j'accepte l'offre du café volontiers. Je dois m'éclipser dans une autre étude de crédits, je voulais vous remercier fondamentalement pour l'échange. Merci.

Mme Biron : Moi aussi, merci.

La Présidente (Mme Garceau) : Merci beaucoup. Donc, je suis prête à reconnaître, pour une deuxième intervention, Mme la députée de Mont-Royal-Outremont. La parole est à vous.

Mme Setlakwe : Poursuivons notre discussion sur le climat à l'OIF. Vous avez commencé à me répondre, je voudrais juste remettre en contexte. Le sondage qui avait été fait à la demande du comité du personnel avec l'accord de la secrétaire, madame Mushikiwabo, a notamment révélé que 44 % des employés pensent avoir été victimes de harcèlement moral au travail et 9 % de harcèlement sexuel. Vous avez reconnu l'importance d'une tolérance zéro, c'est tolérance zéro au Québec, au Canada. Ça devrait être tolérance zéro au sein d'une organisation comme l'OIF.

Mais les affirmations subséquentes où Monsieur Pham a affirmé que seulement la moitié des employés avait répondu aux questions et que donc... tu sais, comme, il divisait en deux, là, les résultats. Donc, suivant un raisonnement, il fallait, tu sais, diviser les pourcentages par deux. Il a conclu que les allégations de harcèlement moral devraient être ramenées à 22 % et celles de harcèlement sexuel à 4,5 %. Il n'a pas voulu envisager la possibilité que ces proportions puissent se maintenir advenant un élargissement du bassin de répondants et encore moins qu'elles augmentent. Moi, j'ai été vraiment déçue de cette...

Mme Setlakwe : ...réaction-là. J'aurais aimé entendre la nouvelle administratrice, Mme Saint-Hilaire, j'aurais aimé vous entendre. Ça donne l'apparence que ce n'est pas si important que ça, cet enjeu-là de climat sain. Donc, j'aimerais vous entendre, Mme la ministre, vraiment là-dessus. Tu sais, spécifiquement, avez-vous donné des instructions à l'organisation? En avez-vous donné à Mme Saint-Hilaire? Avez-vous parlé de ça avec la ministre des Affaires étrangères fédérale, qui, sauf erreur, il me semble, elle, elle a coupé le financement de façon temporaire à l'OIF en réaction à cette situation de climat toxique? Et avez-vous mis des solutions de l'avant?

Mme Biron : Je le répète, le harcèlement de toute sorte, qu'il soit sexuel, qu'il soit psychologique, est absolument inacceptable. J'ai eu une conversation avec la secrétaire générale à la suite de la publication de ce sondage dans les médias et je lui ai expliqué que c'était inadmissible. Elle a... Elle m'a expliqué que son organisation avait engagé un processus sérieux justement pour se doter d'une politique pour... d'une marche à suivre, d'une feuille de route pour que les employés, s'ils se sentent agressés ou harcelés, puissent procéder, et qu'on s'en occupe de façon confidentielle.

Ce processus-là a débuté avant la pandémie. Il a été mis sur la glace pendant la pandémie, parce que les employés ont tous travaillé en télétravail, et, si vous vous rafraîchissez un peu la mémoire, vous saurez qu'en France le confinement a été particulièrement long et complexe et que les citoyens ont été en télétravail pendant une assez longue période de temps. Ce n'est qu'au retour de la pandémie des employés qu'on a repris le travail pour doter l'OIF d'une politique contre le harcèlement et... le harcèlement psychologique et sexuel et d'un processus. Ce processus-là est en cours, et c'est Geoffroy Montpetit, l'ancien administrateur numéro deux de l'Organisation internationale de la Francophonie, qui pilotait ce dossier-là. C'est lui, d'ailleurs, qui a décidé de faire le sondage au sein de l'organisation, et, très franchement, je trouve que c'est une excellente idée. Ça permet de savoir exactement ce qui se passe, ça permet de poser un diagnostic sur ce qui se passe à l'intérieur de l'organisation. Et la secrétaire générale a quand même souligné son engagement à doter l'organisation d'un processus.

Mme Setlakwe : C'est rassurant, on l'espère, pour la suite des choses. Continuons sur la francophonie dans le monde de façon plus générale. Comme vous le savez, évidemment, là, la francophonie, elle est en croissance dans le monde, le français se classe en cinquième position des langues les plus parlées dans le monde, avec plus de 300 millions de locuteurs. Si cette dernière information présente des résultats positifs pour le français dans le monde, il en est tout autrement au Canada et dans une certaine mesure au Québec, mais principalement à Montréal, on reconnaît qu'il y a un enjeu de protection, évidemment, et promotion de la langue. Est-ce que vous prenez note de ce qui se fait de mieux ailleurs en termes de protection et promotion du français? Et quelles sont les leçons que vous avez retenues et que vous avez partagées avec vos collègues au Conseil des ministres, pour faire le pont avec la situation ici?

Mme Biron : D'abord, évidemment, les discussions au Conseil des ministres sont secrètes. Mais oui. Écoutez, on a un groupe de travail présidé par le ministre responsable de la langue française, Jean-François Roberge, et on travaille sur les actions à poser. Bien évidemment, moi, mon rôle à titre de ministre des Relations internationales, c'est cette portion-là. Quand je vais à l'étranger, je parle toujours du fait que le Québec est un État francophone, et que nous sommes dans une situation précaire, et qu'il y a un déficit, particulièrement dans la grande région de Montréal, et qu'il faut y voir.

On parle beaucoup de découvrabilité, on parle beaucoup de plateformes numériques en français. Ce qui se passe à l'OIF, c'est quand même 88 États, et c'est 312 millions de locuteurs francophones dans le monde, et c'est un marché de plus de 1 milliard de personnes. C'est donc... Pour chaque dollar qu'on investit dans la francophonie, c'est 2,18 $ qui reviennent en retombées.  Alors, c'est important, ce qui se passe, d'investir dans la francophonie, et même des pays non francophones veulent rentrer dans l'OIF, parce qu'ils voient le potentiel. Alors, je pense qu'entre francophones il faut faire un effort, et souvent, une des choses que je dis à mes interlocuteurs...

Mme Biron : ...de la Francophonie à l'étranger. C'est... Ayons donc un biais francophone. Essayons donc de faire des affaires ensemble entre francophones, parce que c'est notre première langue, et je pense que, sur la scène internationale, comme ici au Québec, nous devons nous solidariser pour essayer de s'encourager et de s'assurer que la francophonie perdure.

Mme Setlakwe : Merci, Mme la ministre. Toujours sur le français mais avec l'angle de la science. Malgré les bonnes nouvelles sur la santé du français dans le monde, de récentes études nous apprennent que l'usage du français en sciences recule dramatiquement. Entre 1995 et 2019, le pourcentage d'articles savants publiés en anglais est passé de 64 % à plus de 90 % à l'échelle mondiale. Le français, quant à lui, a régressé d'un peu moins de 10 % à 1 %. Ce sont des chiffres alarmants et inquiétants. Vous en conviendrez avec moi. Avez-vous pris connaissance de ce dossier? En avez-vous parlé dans vos rencontres, dans vos... au sommet de la Francophonie à Djerba, par exemple?

Mme Biron : Je suis vraiment ravi de cette question-là parce, qu'on est vraiment dans la...

Une voix : ...

Mme Biron : Oui, bien, elles sont toutes pertinentes, je dirais, mais c'est celle-là, je l'aime un peu plus parce que la découvrabilité, c'est un enjeu, c'est comment est-ce qu'on préserve le français. Puis je le vois en Afrique, il y a une tendance, surtout chez les jeunes, parce qu'ils sont sur les sites Internet, et cetera. Alors, c'est une priorité importante, d'essayer de voir si on ne pourrait pas mettre en œuvre, avec les États francophones, à l'ère du numérique, des produits culturels en français. Est-ce qu'on pourrait fonctionner avec une plateforme? Comment est-ce qu'on peut s'assurer que, quand on... Google, par exemple, que le produit qui arrive soit francophone? Les plateformes comme Netflix, par exemple, si on arrive... est-ce que le produit francophone ne pourrait pas arriver en premier?

Alors, vous avez raison, à Djerba, j'en ai discuté notamment avec le président Cassis de Suisse. J'en ai discuté aussi avec les Français. Est-ce qu'on ne pourrait pas faire quelque chose en train ensemble et essayer de voir où ça nous mène? Et est-ce qu'on pourrait mettre en place des plateformes ou utiliser, par exemple, des plateformes... Puis là, je lance des idées un peu en l'air. Est-ce qu'on pourrait utiliser les plateformes de TV5? Et est-ce qu'on pourrait... Comment est-ce qu'on pourrait travailler pour s'assurer que les contenus francophones soient plus présents sur... sur le Web ou sur les plateformes numériques?

Mme Setlakwe : Spécifiquement, mais je suis désolé, je ne vais pas vous couper la parole, j'étais plus sur la littérature scientifique. Première conséquence, là, c'est l'inégalité dans l'accès aux connaissances pour les communautés, deuxième, l'inégalité d'accès à l'international à la publication savante pour les chercheurs et les scientifiques, une troisième, l'infériorisation des objets de recherche associés au français. Tu sais, les statistiques, les données que j'ai énoncées précédemment, là, dans le monde scientifique et le déclin du français, c'était... ça portait vraiment sur sur la science.

Mme Biron : Est-ce que vous savez que c'est l'année de la francophonie scientifique?

Mme Setlakwe : Alors, c'est pertinent d'en parler.

• (12 h 20) •

Mme Biron : Quand même, hein, ce n'est quand même pas rien. Et il y a un sommet qui s'en vient en octobre. Puis, honnêtement, je pense que je vais m'assurer que vous êtes invitée, parce que, bien, ce serait intéressant qu'on puisse... Bien, non, mais ce serait bien qu'on puisse travailler ensemble sur cet enjeu-là. Et c'est vrai que c'est un problème. Moi même, quand je me rends compte qu'il y a beaucoup d'études scientifiques qui ont été faites par des francophones puis qui sont publiées en anglais, alors je pense qu'effectivement on devrait se poser cette question-là. Et puis je vais m'assurer qu'on puisse ouvrir le débat là-dessus et que vous soyez invitée à participer.

Mme Setlakwe : C'est noté, c'est enregistré, c'est filmé. C'est important qu'on s'y attarde, parce que, si on ne le fait pas, que les chiffres continuent à s'en aller dans le mauvais sens,  bien, ça va devenir moins pertinent parce que le français ne sera vraiment plus présent dans le monde scientifique.Ça fait que, là, on n'en parlera plus. Il faut poser des gestes. Donc là, ce que j'entends, c'est que vous allez travailler sur le dossier. Vous n'avez pas nécessairement des solutions à proposer dans l'immédiat, mais ça va être un thème sur lequel vous allez travailler.

Mme Biron : Oui, puis, plus que ça, j'ajouterais que ça démontre aussi l'importance de l'Organisation internationale de la Francophonie. C'est que nous, on peut faire notre bout de chemin, mais on a quand même une organisation internationale qui est en place et je pense que c'est un levier, c'est une façon de communiquer avec 87 autres États et on ne devrait pas s'en priver. La chaise vide...

Mme Biron : ...en francophonie, ça ne devrait pas être une option. Il faut qu'on soit là, qu'on soit là pleinement, et qu'on joue un rôle dans un contexte où on veut s'assurer que la langue française puisse traverser le temps et qu'on la préserve. Je me répète, en Amérique, nous sommes inondés d'anglophones, il faut travailler fort pour préserver notre langue au Québec.

Mme Setlakwe : On s'entend là-dessus, d'ailleurs, le Parti libéral du Québec a toujours prôné un rôle fort, une présence forte et soutenue et accrue au sein de l'OIF. Donc, on se rejoint là-dessus. Je l'ai mentionné d'emblée à quel point c'est important que le Québec doit continuer à occuper l'espace et à influencer les décisions qui se prennent sur ce forum-là.

Au sujet de vos missions puis de ce qui est prévu au budget, le budget de dépenses du portefeuille Relations internationales et Francophonie s'établit à 158 millions en 2023-2024, mais c'est 8 millions de moins que la dépense probable 2022-2023. 10,7 millions sera ajouté au Fonds de suppléance afin de tenir compte des mesures annoncées dans le budget. Ça se décline en trois programmes : Direction et administration, dépenses du programme s'établit à 21 millions; 2, Affaires internationales, dépenses du programme s'établit à 107,5, en baisse de 5 millions; programme 3, Condition féminine, 29,3, en baisse de 2 millions. Les orientations sont de promouvoir les intérêts, la culture, les valeurs et l'identité du Québec sur la scène internationale, augmenter la force de frappe économique du Québec sur les marchés internationaux, renforcer la coordination de l'action internationale du gouvernement du Québec... au Québec et à l'étranger, augmenter la performance de l'action internationale.

Donc, considérant l'ampleur des enjeux internationaux et les orientations que votre gouvernement a mis de l'avant, comment vous expliquez la baisse dans les budgets?

Mme Biron : Je ne vois pas une baisse, moi.

Mme Setlakwe : Mais, s'il n'y en a pas, juste nous le confirmer, là...

Mme Biron : Bien oui, c'est ça...

Mme Setlakwe : ...je crois qu'il y a eu une baisse, il n'y a pas eu, une hausse.

Mme Biron : Bien, écoutez, on a eu une somme additionnelle dans le dernier budget de 7 millions de dollars, qui est une hausse de 5 %. Notre budget global est de 135 millions et demi. Puis, très honnêtement, j'étais contente, parce que vous voyez bien la situation avec l'inflation, l'argent, là, ça ne sort pas par les oreilles. Alors, il y a des missions très importantes comme l'éducation, la santé qu'il faut financer. Mais les relations internationales, c'est également très important, et on a fait un virage économique lors du dernier mandat. Et ma plus grande fierté, c'est que je voulais pérenniser ce qu'on appelle l'équipe économique au sein de mon ministère, et ça, ça me prenait 5 millions de plus. Alors, j'ai réclamé ce 5 millions là, je l'ai obtenu. Alors, on peut pérenniser notre équipe économique au sein du ministère des Relations internationales. C'est une équipe qui est très solide puis qui performe très bien. Nos cibles le montrent... ça fonctionne très bien. Et on a une enveloppe supplémentaire, on a un 2 millions de plus pour, justement, faire rayonner le Québec à l'étranger.

Et, comme vous avez pu certainement le constater lors du dernier mandat, ça a été beaucoup plus difficile d'occuper le terrain. Alors, on fait un effort supplémentaire pour mettre les bouchées doubles cette fois-ci, parce que la diplomatie internationale, c'est beaucoup des relations humaines face à face. Alors, on a les moyens. Écoutez, on en prendrait un peu plus, ça, c'est sûr, mais, honnêtement, on a les moyens de nos ambitions, et de reprendre ce flambeau-là, et de tisser, et d'élargir, en fait, nos forces de frappe sur la scène internationale.

Mme Setlakwe : Juste pour... Merci. Juste pour élaborer un peu plus sur votre vision, comment je peux formuler... Moi, je lisais, avec intérêt, la chronique de Michel David en novembre dernier. Vous êtes la nouvelle ministre des Relations internationales, c'est votre premier mandat, mais votre gouvernement a déjà fait un mandat où, je pense, vous étiez perçue comme étant... tu sais, avoir une visée économique, puis vous l'avez mentionné. Mais le rôle du ministère des Relations internationales et de la Francophonie n'est pas lié seulement aux résultats économiques... aux retombées économiques, c'est un aspect important, mais il faut que le Québec... Puis là...

Mme Setlakwe : ...Michel David, là : La diplomatie dite d'influence y apparaissait presque comme une note de bas de page.» Et il y a même à la fin, puis, moi, ça m'avait fait sursauter : «Ça n'exclut évidemment pas de faire des affaires, mais il n'est pas nécessaire de se cantonner dans un rôle de commis voyageur.» Comment vous avez réagi à ça puis quelle est votre vision? Oui, l'économie c'est important, mais tout le reste, c'est le Québec qui prend sa place, qui assure une diplomatie d'influence sur les sujets, puis il y en a plein que vous n'avaient pas besoin que je cite Paul Gérin-Lajoie, là. Mais on a compétence chez nous sur une panoplie de domaines. On a compétence aussi à l'étranger. Donc, j'aimerais vous entendre sur : Comment vous réagissez à ce commentaire-là puis, vous, comment vous vous positionnez comme nouvelle ministre?

Mme Biron : Vous devriez lire le début de la chronique parce que, si je me souviens bien, il me félicitait.

Mme Setlakwe : ...

Mme Biron : Il disait que c'était rafraîchissant de me voir arriver.

La Présidente (Mme Garceau) : Mme la ministre, je suis désolée de vous interrompre, c'est juste parce que le temps est déjà écoulé. Donc, juste peut-être dans quelques secondes si vous pourriez répondre à la question.

Mme Biron : O.K,

La Présidente (Mme Garceau) : Merci.

Mme Biron : Oui, on agit en économie, mais on agit également en culture, en éducation, en immigration, en environnement, ce qui est de compétence chez nous et de compétence partout. Ça va?

La Présidente (Mme Garceau) : Merci beaucoup pour cet échange. Et donc maintenant je suis prête à reconnaître un membre du gouvernement pour un premier bloc d'échange. Donc, Mme la députée de Laval-des-Rapides, la parole est à vous.

Mme Haytayan : Merci. Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, Mme la ministre. Chers collègues de la Commission des Institutions, de la banquette gouvernementale, membres de l'opposition, et du Cabinet du MRIF ainsi que du ministère des Relations internationales et de la Francophonie, bonjour.

Je suis très heureuse de pouvoir participer pour la première fois à l'étude des crédits relations internationales aujourd'hui en tant qu'adjointe gouvernementale de la ministre des Relations internationales et de la Francophonie. C'est un plaisir de siéger avec vous aujourd'hui, ici, sur un dossier aussi stratégique de la Commission des institutions, de la CI. C'est un privilège de pouvoir questionner la ministre des Relations internationales et de la Francophonie sur des sujets d'intérêt en tant qu'élus.

• (12 h 30) •

Alors, débutons avec votre vision des relations internationales. Lors de votre passage, le 3 février dernier, à la tribune du Conseil des relations internationales de Montréal, du CORIM, où j'ai d'ailleurs eu la chance de vous accompagner, vous avez édicté votre vision des relations internationales qui repose sur la doctrine Gérin-Lajoie. Lors de votre conférence qui s'intitulait Avoir de l'ambition pour faire rayonner le Québec sur la scène internationale, votre vision des relations internationales se déclinait en trois axes : premièrement, la diplomatie économique; deuxio, la diplomatie d'influence; et, en troisième lieu, la diplomatie identitaire.

Comme votre mandat débute à peine, on est temps, on vient de dépasser les six mois, il serait intéressant de prendre le temps de développer sur chacun de ces axes qui dicteront vos actions pour les prochaines années. J'ai donc deux questions qui en découlent, en rafale : Comment interagissent-ils, les axes, les uns avec les autres et comment chacune de ces trois formes de diplomatie se matérialisent-elles sur le terrain, ici, et sur la scène internationale?

Mme Biron : Bien, d'abord, merci beaucoup, Mme la députée. Vous êtes mon adjointe gouvernementale. Je vous ai chargée également de la diplomatie municipale. Vous travaillez avec beaucoup d'entrain et de professionnalisme, je tiens à le souligner, à vous remercier. Et cette question, elle est tout à fait agréable à entendre parce qu'elle rejoint passablement ce que la députée de Mont-Royal—Outremont voulait savoir.

Alors, bien sûr, la doctrine Gérin-Lajoie, qui a été énoncée en 1965, je le répète, dit en une phrase que ce qui est de compétence ici au Québec est de compétence partout. Alors, oui, j'ai imaginé ma vision des relations internationales et elle repose sur ces trois axes, mais je les mettrais sur deux piliers, si vous voulez.

D'abord, le premier pilier, qui est la diplomatie économique. Le gouvernement de la CAQ a décidé de faire un virage économique au cours du dernier mandat, et on a décidé que c'était un des moyens pour enrichir le Québec, c'est-à-dire que le premier ministre a demandé...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Biron : ...à l'ensemble de ces ministres, de contribuer à l'enrichissement du Québec, à diminuer l'écart économique, notamment avec l'Ontario, mais également avec le reste du Canada. Et moi, ma mission, c'est de le faire au niveau international. Et je le fais de concert avec Investissement Québec International, mais aussi avec nos propres équipes, alors que nous nous sommes dotés d'un sous-ministériat économique au sein des Relations internationales qui fonctionne plutôt bien. Alors, nous en sommes là. Nous avons... nous souhaitons augmenter nos exportations et augmenter les investissements ici, au Québec. Et quand on regarde les cibles, on se rend compte que ça fonctionne plutôt bien.

Le deuxième pilier de notre action est surtout ce que j'appellerais la diplomatie identitaire. En fait, tout ça est chapeauté par la diplomatie d'influence. Parce que pour faire des relations, il faut quand même se déplacer, rencontrer les gens, et le travail, par exemple, que font mes collègues à Investissement Québec International, c'est un travail beaucoup plus économique. Le mien est beaucoup plus politique. Alors, je travaille à créer des liens diplomatiques dans différents champs d'intervention, nos champs de compétence à nous, au Québec, pour être capables de faire les affaires. En fait, je suis comme un peu un chef d'orchestre. Je passe les dossiers économiques aux gens et l'économie. Je passe les dossiers d'immigration aux gens d'immigration, les relations avec l'Enseignement supérieur, par exemple la mobilité des étudiants. Je fais affaire avec l'Éducation supérieure.

La diplomatie identitaire, en fait, c'est essentiellement ce que nous sommes, nous, les Québécois. On a parlé amplement de la francophonie. Je pense qu'il faut travailler là-dessus. Je suis ministre responsable de la Condition féminine et de la Lutte contre la transphobie et l'homophobie. Alors, ce sont également des enjeux que je discute sur la scène internationale parce que nous croyons à une plus grande équité ici. Alors, francophonie, droit des hommes, culture, la culture. Nous faisons beaucoup d'échanges culturels et il y a énormément d'intérêt pour ce qui se fait en culture au Québec, pas seulement en Europe. On a en tête la France, mais quand on va en Asie, on se rend compte qu'il y a également beaucoup, beaucoup d'intérêt. Nos cirques, par exemple, on les voit beaucoup en Asie et le théâtre également. Alors, il y a vraiment un gros travail qui se fait à ce niveau-là.

L'enjeu, je vous dirais, de la pénurie de main-d'œuvre nous interpelle. Alors, bien sûr, nous souhaitons une immigration francophone, mais nous avons des projets, notamment en Amérique du Sud. On se demande si on ne pourrait pas, par exemple, franciser en amont, dans des pays comme au Mexique ou en Colombie, là où on vient tout juste d'ouvrir un bureau, pour pouvoir travailler ou en fait avoir une immigration francophone dans les champs de compétences ou en fait dans les endroits où on a besoin de plus en plus de personnel. Alors, essentiellement, c'est tout à fait ça, diplomatie économique, la diplomatie d'influence, c'est le liant, si vous voulez, et la diplomatie identitaire, c'est ce que nous sommes, nous, les Québécois. Et, comme vous le savez, ne serait-ce que par notre langue, nous avons quand même en Amérique du Nord une certaine particularité et je pense qu'il faut la faire valoir un peu partout dans le monde, même chose aux États-Unis, qui est notre principal partenaire d'affaires. Mais il y a un intérêt très certain pour ce qu'on fait au niveau culturel et aussi au niveau de l'immigration au Québec.

Mme Haytayan : Merci. Poursuivons avec vos nombreuses missions à l'international. Depuis le début de votre mandat, vous êtes hyperactive, c'est à tout le moins un adjectif qu'a utilisé une journaliste pour vous décrire, et c'est vrai. On vous a vu aller aux États-Unis, à New York, Washington, en France, en Belgique, en Afrique, Sénégal, Côte d'Ivoire, Tunisie, en Indo-Pacifique, Corée du Sud, Singapour, Japon, Indonésie. Et j'imagine que d'autres missions sont prévues prochainement. Mes questions en trois temps : Pouvez-vous nous expliquer, Mme la ministre, à quoi servent ces missions? Pourquoi est-ce important pour vous de vous déplacer autant? Et qu'est-ce que ça vous apporte d'aller sur le terrain?

Mme Biron : ...merci beaucoup pour ces... ces questions. La pandémie, ça a été difficile sur nos relations internationales. On a été obligés d'interrompre beaucoup de nos relations. Il y a des choses qui se sont faites, par exemple, par Zoom, par Teams. Bon. C'est efficace. On a réussi à faire des choses. On a quand même créé des liens. On a signé des ententes. On a réussi à faire avancer notre projet... notre virage économique. On a commencé à arrimer davantage nos façons de faire et à se préparer, à se réorganiser. Mais c'est bien évident que le fait qu'on n'ait pas voyagé, parce que la diplomatie demande que l'on voyage, qu'on fasse des missions à l'étranger, on a reculé un peu. Alors, il fallait rattraper ce temps perdu et surtout marquer le coup que nous étions ouverts.

Et la députée de Mont-Royal-Outremont faisait référence à cette chronique de Michel David, excellente chronique, où il disait que la diplomatie d'influence reprenait ses droits. Et c'est tout à fait vrai. Il faut être là, il faut être capable de créer des liens diplomatiques. Et nous avons cette chance-là, nous, au Québec, parce que nous avons un réseau infranational unique au monde. Il y a des réseaux similaires peut-être en Flandre, je pense, notamment, ou même en Bavière, mais ce sont beaucoup plus des réseaux économiques, et l'économie, ce n'est pas suffisant. Il faut créer des liens diplomatiques. Alors, ça, c'est important de reprendre la route. Et il fallait aussi marquer le coup.

La première mission que j'ai faite, c'est aux États-Unis. C'est notre principal partenaire d'affaires. Alors, je me devais de le souligner à grands traits. Je partais pour Djerba, pour le Sommet de la Francophonie, qui est une priorité, mais nous avons des liens profonds et émotifs, je dirais, avec la France. Alors, le deuxième endroit où je suis allée, c'est en France, pour le souligner. Et nous avons une quasi-ambassade en France. Alors, le cousin français, il est là, c'est un partenaire important. Alors, c'était nécessaire que je fasse ce voyage-là. Djerba, bien, on en a amplement parlé aujourd'hui. Je pense que ça a été intéressant pour beaucoup de relations bilatérales parce qu'au-delà de ce qui se passe avec l'OIF nous multiplions, dans ce type de sommet, les relations bilatérales. Ça m'a permis de créer des liens avec des ministres au Sénégal, des ministres en Côte d'Ivoire, le président, notamment, en Suisse, le premier ministre du Luxembourg, qui est un sympathique premier ministre, que j'ai accueilli ici, à Montréal. Alors, nous avons davantage de relations. Et la Belgique. La Belgique est particulièrement intéressée à faire affaire avec le Québec et tisse des liens. Il y avait beaucoup de ministres présidents qui étaient sur place. Alors, c'est un peu ce que j'ai fait. Alors, je pense que c'est nécessaire de reprendre ce chemin-là. 

• (12 h 40) •

Il y a aussi, dans nos relations diplomatiques et à l'international, un réalignement. On a vu la guerre en Ukraine. On voit ce qui s'est passé en Chine. Il y a une géopolitique qui nous oblige à revoir nos façons de faire, et c'est un peu ce que nous faisons. Alors, il faut aller voir sur le terrain, ne pas être naïf, prendre compte de la situation politique, mais de la situation économique des différentes régions que nous occupons et faire un travail. Et nous sommes en train de travailler justement là-dessus pour voir quels sont les endroits où il y a eu du mouvement, est-ce qu'on devrait mettre un peu plus d'énergie dans certains États, moins dans d'autres. C'est un peu exactement le travail que nous faisons, et j'espère que, dans les prochaines semaines, prochains mois, on sera capables d'arriver avec un portrait assez large de la situation.

Mme Haytayan : Merci. Mme la Présidente, terminons avec les régions et les relations internationales. On le sait, notre gouvernement est le gouvernement des régions. Nous sommes un gouvernement qui collabore avec nos villes et nos municipalités, car nous sommes d'avis que ce sont des acteurs de premier plan pour nos citoyens et nos citoyennes et qu'on gagne à travailler main dans la main. Parfois, on a l'impression que les relations internationales, c'est loin du monde, c'est loin des gens. Est-ce que vous comptez faire en sorte de rapprocher les relations internationales de toutes nos belles...

Mme Haytayan : ...Québec. Et si oui, comment?

Mme Biron : Je vois madame, mon adjointe et députée de Laval-des-Rapides que vous prêchez pour votre paroisse et vous faites bien de me poser une question qui est directement en lien avec les fonctions que... que vous occupez. D'abord, je voudrais dire que nous avons 34 représentations dans 19 pays du monde, alors nous sommes quand même bien déployés. Je... je... je travaille sur ce réseau-là. Mes prédécesseurs, les gouvernements du passé ont également... ont livré des batailles pour que ce... pour donner des muscles à ce réseau-là, pour le rendre plus performant, il faut le reconnaître à travers le temps, il y a eu beaucoup de travail qui a été fait sur la... la... la scène internationale, et je pense que mon gouvernement doit continuer ce travail-là dans le même esprit que les gouvernements l'ont fait à travers le temps.

La Présidente (Mme Garceau) : Excusez, Mme la ministre, je vais devoir vous interrompre parce que le temps est terminé pour ce bloc d'interventions. Donc, je vais maintenant reconnaître, pour le dernier bloc d'interventions, Mme la députée de Mont-Royal Outremont.

Mme Setlakwe : Merci. Je vais vouloir qu'on... qu'on parle d'Haïti, je... ça a été abordé avec mon collègue du deuxième groupe d'opposition, mais avant d'y arriver, juste parler de chiffres sur certains volets... Bien là, ce n'est pas en Haïti, mais c'est pour l'Afrique, votre gouvernement a présenté sa stratégie territoriale pour l'Afrique, Cap sur la relance, une action concertée et durable sur le continent africain. Suite à votre investissement de 54 millions sur cinq ans, quels sont les résultats concrets que vous avez constatés?

Mme Biron : L'Afrique, c'est... c'est... c'est vraiment intéressant ce qui se passe en Afrique parce que... puis je suis allé après les fêtes, je suis allé au Sénégal et je suis allé en Côte d'Ivoire. Au Sénégal, j'ai rencontré le président ainsi que la ministre des Relations internationales. Même chose... je n'ai pas rencontré le président en Côte d'Ivoire, mais j'ai quand même rencontré la ministre... en fait, j'ai rencontré plusieurs ministres quand je suis allé en Côte d'Ivoire, j'ai rencontré des ministres de l'Éducation, ministre de l'Enseignement technique, ministre des Relations internationales. La raison pour laquelle j'énumère tous ces titres-là, c'est que l'Afrique est dans une situation où elle veut développer sa classe moyenne. C'est difficile en Afrique de... de... la pauvreté est importante. Et dans les différents... dans ces deux États-là, on souhaite créer... avancer pour se créer une classe moyenne. Et ils veulent faire affaire avec le Québec, avec l'expertise du Québec, et ça passe notamment par le réseau de nos cégeps, donc l'enseignement supérieur. Comme je vous ai dit tout à l'heure, mon travail à moi, c'est de jouer un peu le chef d'orchestre, de créer ces liens diplomatiques et de faire le lien avec mes vis-à-vis au Conseil des ministres dans... en l'occurrence la ministre de l'Enseignement supérieur. Et le réseau des cégeps a accepté de faire un travail à ce niveau-là. Il y a deux façons de le faire. D'abord, on peut envoyer différents professeurs à l'étranger pour former dans des domaines qui... qui les intéressent, c'est-à-dire du travail technique, de... de l'enseignement technique. Et l'autre solution, c'est de les faire... faire venir des cohortes ici, et ces états-là ont les moyens de... de payer pour leurs citoyens parce que c'est une volonté de créer une classe moyenne. Alors, moi, je trouve que c'est une bonne idée de faire venir, par exemple, des cohortes ici, qu'on pourrait, par exemple, éduquer soit... préposé aux bénéficiaires ou en menuiserie ou, en fait, dans le domaine de la construction. Ils peuvent faire leur stage ici pendant une certaine période de temps, ça apaise notre pénurie de main-d'oeuvre et, ensuite, si les perspectives sont intéressantes pour eux, ils retournent dans leur pays. J'ai senti beaucoup d'ouverture et d'intérêt en Afrique sur cette question-là, alors nous avons fait des ententes qui... et nous allons de l'avant sur cet aspect-là.

Mme Setlakwe : Merci. Il faut voir des résultats aussi.

Mme Biron : Oui, vous avez raison. Je suis d'accord.

Mme Setlakwe : Au niveau de... en réponse, nous, à nos... à nos questions, on a reçu un cahier avec une ventilation, là, de... c'est la question RP-04, là, État d'avancement et bilan détaillé faisant état des retombées de la politique internationale. On a remarqué qu'au niveau stratégie Amérique latine et Antilles qui inclut Haïti, construction de sociétés durables, tu sais, on est juste à 4,7 millions comparativement, bon...

Mme Setlakwe : ...pour l'Europe, on peut comprendre aussi, là, le 28,5, mais il y a quand même une disparité dans les chiffres importante, là, il y a une crise grave en Haïti, tu sais, on remarque, le 10.1 c'était l'Indo-Pacifique versus 4,4 millions en Afrique et les 4,7 millions que j'ai mentionné pour la stratégie Amérique latine et Antilles qui inclut Haïti. Comment vous justifiez cette... cette ventilation?

Mme Biron : Vous me parlez d'Haïti, hein, c'est ça, spécifiquement.

Mme Setlakwe : Bien, alors, en amont, c'était plus une explication des montants qui sont investis dans ces trois stratégies-là, là, Amérique latine et Antilles, Afrique et Indo-Pacifique. Pourquoi, dans certains cas, c'est 4 millions, puis dans l'autre cas, c'est 10 millions? Qu'est-ce qui justifie cette... cette disparité?

Mme Biron : C'est des choix, mais je peux peut-être ventiler ça puis vous... prendre la question en délibéré, mais c'est sûr qu'il y a des choix. Puis on regarde un peu c'est quoi... En fait, dans les relations internationales, quand on investit de l'argent, en fait, c'est un... c'est une route à deux chemins. Alors, quand on investit, on veut faire affaire et recevoir. Et c'est la même chose pour les pays qui font affaire avec nous quand... quand... Ils veulent aussi avoir leur part du gâteau. Alors, c'est un chemin de cette façon-là.

Alors, comment est ce qu'on détermine? Ce sont des choix, des choix politiques et des choix aussi pour les intérêts du Québec. Nous avons des objectifs, nous, qui sont bien sûr sociaux, mais nous avons aussi des priorités comme quelles sont les possibilités économiques. Ensuite, est-ce qu'il y a des aspects culturels? Est-ce qu'on peut avoir un certain intérêt pour l'immigration? Alors, nous y allons avec nos priorités, et c'est comme ça qu'on crée, qu'on décide qu'on investit davantage.

Je vous donne un exemple. En Indo-Pacifique, si on prend cette région-là, ce qui s'est passé en Chine, qui a fermé ses portes pendant la pandémie, ça a créé une autoroute pour les pays qui étaient autour, en Indo-Pacifique. Je pense à la Corée du Sud, je pense à Singapour. On parle du Vietnam, on n'y est pas, mais on voit qu'on fait de plus en plus affaire avec le Vietnam. Alors, il y a eu des augmentations des... de nos échanges économiques avec ces pays-là, compte tenu de la géopolitique.

Alors, ça, c'est un travail qu'on doit faire constamment pour s'assurer qu'on fait affaire avec les bonnes personnes aux bons endroits et qu'on a à cœur, en fait, le développement du Québec. Alors, c'est ça notre priorité. C'est comme ça qu'on choisit d'investir plus à un endroit et moins à un autre. Bon, évidemment, nous avons aussi l'aide internationale. Ça fait partie quand même aussi de nos priorités, et on fait des choix qui sont équivalents.

• (12 h 50) •

Mme Setlakwe : Merci. Revenons sur Haïti. Ça ne sert à rien de refaire, là, un exposé de l'état de la situation. On va s'entendre que vous l'avez fait tout à l'heure. Vous avez mentionné que c'est une crise multidimensionnelle puis qu'elle est complexe. Mais on a... Selon moi, on a tardé, au Québec, à réagir. Et c'est... Moi, dans l'opposition, j'ai amené la motion, je suis très heureuse qu'on l'ait adoptée à l'unanimité, c'était... Il était le temps qu'on fasse, qu'on pose un geste. Haïti souffre énormément. Les Haïtiens souffrent énormément là-bas et ici.

Vous savez comme moi qu'on a une diaspora très importante. C'est la deuxième diaspora en importance au Québec après... après Miami. Et là, j'ai reçu votre réponse. Je vous ai écrit une lettre. J'ai même signé une lettre ouverte avec ma collègue députée de Bourassa-Sauvé pour essayer de voir. Mais je comprends que c'est le fédéral qui a le gros bout du bâton, mais le Québec, étant donné tous les liens qu'on a, étant donné l'importance de la diaspora, étant donné la gravité de la situation dans laquelle ils se trouvent...

Tu sais, on parle de prêter assistance à un peuple en danger. On est là, là. Alors, j'aimerais vous entendre, comment se fait-il qu'on n'ait pas posé des gestes concrets? En fait, précision, parce que vous m'avez répondu à la lettre, mais en la lisant, mon premier réflexe, c'est de dire : Mais aujourd'hui, est-ce que la réponse est à la hauteur de ce qui se passe? Parce que c'est des... c'est des chiffres, c'est des programmes ou des financements qui existent, que vous avez mentionnés dans votre lettre, depuis 2015-2016. Je comprends qu'il y a des liens puis qu'une aide au fil des ans. Vous parlez de changements climatiques, puis, moi-même, je suis sensible à ça...

Mme Setlakwe : ...un problème de déforestation là-bas, c'est un de leurs enjeux majeurs. Mais là, le feu est pris. Les gangs occupent, quoi, la moitié, la moitié du... Les enfants ne sortent pas pour aller à l'école, les femmes se font violer. Vous avez vu comme moi le rapport du BINUH, la famine, l'eau potable, le choléra, je pourrais continuer, là. Je pense que vous comprenez. On est à la même place, j'imagine, sur la gravité de la situation. Je me dis : Québec peut-il en faire plus, Mme la ministre, dans ses champs de compétence pour aider directement la population qui souffre là-bas?

Mme Biron : On a un point commun, Mme la députée, ça nous inquiète beaucoup, ce qui se passe en Haïti. Moi aussi, ça m'inquiète profondément puis je cherche toujours une façon d'en faire plus. Ça me fait un peu... Ça me fait mal de savoir... C'est l'autre État francophone d'Amérique, hein? Haïti, c'est notre ami, Haïti. On connaît tous des gens d'origine haïtienne au Québec. Moi-même, j'ai beaucoup d'amis d'origine haïtienne, et ça me fait souffrir, ce qui se passe.

J'ai reçu votre lettre. Puis, vous avez raison, vous m'avez donné quatre propositions, puis, bon. Là, je regardais ça, je me disais comment est-ce qu'on pourrait agir. Bon, d'abord, la violence faite aux femmes, c'était votre premier point dans votre lettre et vous parliez... bon, dans toute situation de guerre, le viol et les agressions sexuelles répétées, c'est une arme de guerre épouvantable. Je pense qu'il faut dénoncer et essayer de toutes nos forces d'empêcher ça.

Nous, dans la mesure de nos possibilités, nous avons l'Association québécoise des organismes de coopération internationale, l'AQOCI, qui est en lien constant avec Haïti. Ils font une différence sur le terrain. Je ne peux pas envoyer des Québécois de l'AQOCI sur place, c'est trop dangereux, et je pense qu'il faut s'assurer de la sécurité de nos citoyens. Par contre, ce que l'AQOCI a fait, c'est embaucher ou mandater sur place des gens d'Haïti.

Le canal est ouvert. Et ce n'est pas parfait, mais au moins on sait ce qui se passe. Puis au moins, on est capables de pouvoir relayer l'information soit à nos partenaires au niveau fédéral, soit au niveau de l'ONU, où on a des... on a quand même des contacts répétés. Alors, ça, c'est le premier aspect, puis je réponds au premier point de votre lettre.

Deuxième point, c'était sur l'éducation. Vous disiez : il y a un climat de terreur, vous avez tellement raison, que finalement les enfants ne vont pas à l'école, puis c'est vrai. Vous avez dit : on les prive d'un droit fondamental et vous suggérez que l'éducation... proposez l'éducation numérique à distance. Il y en a, de l'éducation, qui se fait à distance, mais l'accès à Internet n'est pas là pour tous. Alors, on est dans une situation où on peut en faire un bout. Mais, quand je vous lis, je me dis : qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus? Tu sais, on se dit toujours ça, qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus, mais il y a une limite dans ce que vous proposez, puis je vous le dis honnêtement et à cœur ouvert.

Changements climatiques. Vous en avez parlé aussi dans votre... Vous dites : Il y a un grave problème de déforestation, un plan vert transversal doit être mis en place, et Québec peut aider. Oui, c'est vrai, mais ce n'est pas simple quand on sait que les gens doivent couper des arbres pour se chauffer. On est dans une situation extrême en Haïti. Et je ne veux pas démolir ce que... Vos suggestions, mais je les prends en compte en me disant : oui, qu'est-ce qu'on peut faire, tu sais, comme jusqu'où on peut aller?

Puis je suis troublée par ce qui se passe. Puis, quand on envoie de l'argent, on veut s'assurer que l'argent se rende au bon endroit, tu sais, puis, ça, on a eu des revers là-dessus. On a envoyé de l'argent puis ça s'est ramassé dans les mains des gangs de rue. Alors, ce n'est pas qu'on ne veut pas envoyer de l'argent, mais il faut trouver des voies de passage. Puis, quand je vous disais qu'il y a quatre crises, là, c'est sérieux, là. Politique, tu n'as pas de leadership, alors tu t'adresses à qui? Ta police est en débandade, parce que, qu'est-ce que tu veux, les groupes de rue... Puis je pense que le rapport international parlait de deux gangs de rue, les G9 et les...

Mme Biron : ... qui... qui sont armés jusqu'aux dents. On parle de AK 47. En fait, ces gens-là sont réellement armés et ils sont en train de démolir la police nationale. Alors, imaginez les citoyens. C'est sauve ta peau si tu peux, là, c'est une situation épouvantable. La situation humanitaire est effrayante, la sécurité et tout l'aspect sanitaire. Alors, moi, je suis contente qu'on puisse garder le contact ouvert, c'est-à-dire via nos organisations de solidarité internationale. Ça, je pense que c'est essentiel. J'essaie de voir aussi, avec notre diaspora à nous, nos leaders, l'élite haïtienne qui est ici au Québec ou au Canada, comment est-ce qu'on peut intervenir. Alors, ce n'est pas un problème simple puis ce n'est pas juste moi qui le dit. Puis, moi mes leviers, je trouve qu'ils sont petits. Je me tiens au courant avec la ministre des Relations... des Affaires étrangères pour voir exactement où ils agissent, mais le gouvernement du Canada a quand même fait certains pas. Mais tant qu'il n'y a pas de leadership politique, c'est difficile.

Mme Setlakwe : Je comprends. On parlait de la diaspora. Ce que je mettais de l'avant dans ma lettre, ça avait été discuté avec des membres de la diaspora, certains leaders. Je vous entends, là, ce n'est rien de simple. Est-ce que la voie de passage, ce serait une intervention... une intervention militaire, une intervention menée par le fédéral? Est-ce que vous en avez discuté avec la ministre?

Mme Biron : Je ne sais pas c'est quoi, la solution. Je vais...

Mme Setlakwe : Est-ce que vous avez rencontré le président Fritz Alphonse Jean, qui était au Québec la semaine dernière?

Mme Biron : Je pense qu'il est à mon agenda. Je dois le rencontrer prochainement. J'ai bien sûr parlé de la situation avec Mélanie Joly. J'étais là, à Djerba, quand elle a rencontré la délégation haïtienne. Je les ai rencontrés moi aussi. Comme je vous ai dit un petit peu plus tôt, j'ai eu une longue conversation sur Haïti avec l'ambassadeur du Canada à l'ONU, et je pense qu'il en sait un peu plus long que moi là-dessus. Quelle est la meilleure solution? Je sais qu'il y a eu des discussions, notamment, entre les États-Unis, le Canada. Le Canada a certainement un rôle à jouer en Haïti, mais moi, dans mon niveau de compétence, c'est difficile pour moi de répondre. Je ne sais pas qu'est-ce qui est la meilleure solution pour Haïti, vraiment.

La Présidente (Mme Garceau) : Merci. Merci, Mme la ministre. C'est tout le temps que nous avons.

Mme Setlakwe : ...gardez-les en tête de vos... Tu sais, c'est un dossier prioritaire. Portez la voix. Merci.

La Présidente (Mme Garceau) : O.K. On doit terminer. Merci beaucoup à tous pour cet échange très intéressant. Donc, le temps alloué à l'étude du volet Relations internationales et Francophonie des crédits budgétaires du portefeuille Relations internationales et Francophonie étant presque écoulé maintenant, nous allons maintenant procéder à la mise aux voix des crédits. Le programme I, intitulé Direction et administration, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

La Présidente (Mme Garceau) : Sur division. Le programme II, intitulé Affaires internationales, est-il adopté à cette division?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

La Présidente (Mme Garceau) : Sur division. En terminant, je dépose les réponses aux demandes de renseignement de l'opposition.

Compte tenu de l'heures, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, où elle entreprendra l'étude du volet Conseil exécutif des crédits budgétaires du portefeuille Conseil exécutif. Merci et bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 13 heures)


 
 

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