Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
jeudi 20 mars 2025
-
Vol. 47 N° 101
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 91, Loi instaurant le Tribunal unifié de la famille au sein de la Cour du Québec
Aller directement au contenu du Journal des débats
11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures trente-huit minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des institutions ouverte.
La commission est réunie afin d'entreprendre
les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 91,
Loi instaurant le Tribunal unifié de la famille au sein de la Cour du Québec.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques) est remplacée par M. Cliche-Rivard
(Saint-Henri—Sainte-Anne).
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Nous allons débuter, ce
matin, par les remarques préliminaires, puis nous entendrons, après, l'Association
professionnelle des notaires du Québec et Mme Régine Laurent, ancienne
présidente de la Commission spéciale sur les droits...
Le Président (M.
Bachand) :...des enfants et la protection
de la jeunesse. Donc, en remarques préliminaires, M. le ministre, vous avez la
parole pour six minutes.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Nous débutons aujourd'hui les consultations particulières portant
sur le projet de loi n° 91, Loi instaurant le Tribunal unifié de la famille au
sein de la Cour du Québec. Nous aurons l'occasion d'entendre des experts
provenant de différents milieux. Nous tenons d'ailleurs à les remercier de leur
participation aux travaux de la commission.
Au cours des dernières années, nous avons
eu l'occasion de travailler sur une importante réforme du droit de la famille,
avec l'adoption successive de trois lois : d'abord, l'adoption du projet
de loi n° 2, qui est venu moderniser les règles de filiation en plus de
consacrer dans la Charte des droits et libertés de la personne le droit
fondamental de tous les enfants de connaître leurs origines; soulignons ensuite
l'adoption du projet de loi n° 12, via lequel nous avons encadré la grossesse
pour autrui en instaurant un processus clair et sécuritaire protégeant à la
fois les droits des enfants à naître ainsi que ceux des mères porteuses; et
puis l'adoption du projet de loi n° 56, qui lui est venu créer un nouveau
régime pour les conjoints de fait avec enfants, le régime d'union parentale. Le
projet de loi n° 91 s'inscrit dans l'étape suivante, il vient parachever cette
vaste réforme du droit de la famille que nous avons menée tous ensemble.
• (11 h 40) •
Tout au long de nos travaux, l'intérêt des
enfants a été mis au cœur de nos décisions. Il doit en être de même
aujourd'hui. Avec le projet de loi n° 91, nous posons les premiers jalons d'un
tribunal unifié de la famille au Québec. L'objectif est de simplifier autant
que possible le parcours des enfants et des familles, un parcours qui peut être
tumultueux en cas de litige. Un tribunal unifié permettra aux familles de
soumettre l'entièreté de leurs différends à un seul tribunal qui rassemblera au
même endroit tous les services de justice familiale. Cela permettra de
favoriser l'application du principe «une famille, un juge», qui devrait
prévaloir en matière familiale, comme nous l'avons inscrit dans le projet de
loi n° 56. Soulignons également que le parcours des personnes victimes de
violence familiale, qui doivent actuellement entreprendre des recours devant
des entités distinctes, s'en trouvera aussi facilité.
En plus de ses responsabilités actuelles
en matière d'adoption, de protection de la jeunesse et de violence familiale,
la Cour du Québec aura dorénavant la compétence d'entendre les recours
judiciaires liés à l'union parentale, à l'union civile ainsi que ceux
impliquant une grossesse pour autrui.
Le projet de loi n° 91 propose aussi
d'introduire un parcours simplifié adapté à la nature particulière des conflits
familiaux. Les parties devront désormais participer à un processus de médiation
en amont de l'instruction d'une affaire devant un juge. Nous estimons qu'une
majorité de litiges se régleront en médiation. En effet, actuellement, ce sont
85 % des parents qui entreprennent un processus de médiation familiale qui
parviennent à une entente. Évidemment, des exceptions sont prévues lorsqu'un
motif sérieux tel que la présence de violence sexuelle, conjugale ou familiale
est invoqué. Si les parents ne parviennent pas à s'entendre en médiation, ils
se verront proposer une séance de conciliation. Cette séance, à laquelle les
deux parties doivent consentir, se déroule devant un juge en présence des deux
parents et de leurs avocats s'ils sont représentés. Si lors de la séance les
parties parviennent à s'entendre, le juge pourra officialiser l'entente. Si au
contraire les parents ne parviennent toujours pas à une entente, une audience
sommaire pourra se tenir le même jour afin de permettre au juge de trancher les
différends qui demeurent. Un jugement sera rendu au plus tard 30 jours après
l'audience.
En somme, nous offrons aux enfants et aux
familles un parcours moins dispendieux, plus rapide et surtout plus humain. Les
litiges familiaux peuvent être émotifs et stressants. Le parcours judiciaire
doit être un outil pour aider les familles à surmonter leurs conflits, et non
pas une épreuve qui s'ajoute aux difficultés qu'elles vivent déjà, et selon...
et cela passe selon nous par l'instauration d'un tribunal unifié de la famille.
Cette idée d'un tribunal unifié de la
famille a d'ailleurs traversé le temps. Le gouvernement libéral de Robert
Bourassa supportait déjà l'idée au début des années 70, et j'en ai à preuve
ici, M. le Président, un rapport qui date de 1975. Un peu plus tard, le
gouvernement de René Lévesque s'était lui aussi positionné en faveur d'une
structure unifiée en matière familiale par le biais de l'ancien ministre de la
Justice Marc-André Bédard. L'idée a également trouvé écho dans les
recommandations du rapport Rebâtir la confiance et du rapport de la commission
de Mme Laurent. Mais, malgré cette volonté maintes fois réitérée au cours des
50 dernières années, aucun des précédents gouvernements n'a trouvé la bonne
approche pour passer de l'idée au projet concret.
Contrairement à ces gouvernements, qui
attendaient d'obtenir l'aval du gouvernement fédéral pour agir, nous avons la
conviction qu'il n'appartient qu'à nous de prendre les choses en main au
bénéfice des familles du Québec. Depuis 2018, le Québec est entré dans une
nouvelle ère constitutionnelle et adopte une nouvelle posture
constitutionnelle. Le projet de loi n° 91 en témoigne et traduit la volonté du
Québec d'accroître son autonomie et d'affirmer la primauté de son droit privé
civil et conséquemment familial, tel que le recommande le Comité consultatif
sur les enjeux constitutionnels du Québec au sein de la fédération canadienne,
le comité Proulx...
M. Jolin-Barrette : ...de
Rousseau. Ce sont là, Mme... M. le Président, les principaux aspects sur
lesquels vous serez appelés à vous prononcer au cours des prochains jours.
Alors, nous remercions à l'avenir à l'avance les groupes, M. le Président, et
je peux les remercie à l'avenir également, d'avoir...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : ...d'avoir...
de venir en commission parlementaire, et nous serons à l'écoute. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. M. le
député de l'Acadie pour 4 min 30 s, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Permettez-moi d'emblée d'abord de saluer tous les groupes qui... qui
vont venir en commission nous parler... nous parler de ce projet de loi.
L'Association professionnelle des notaires est présente. Je les remercie.
C'est un projet de loi qui, M. le
Président, a un bien long titre pour un petit pas. Nous verrons, après avoir eu
l'opportunité de discuter avec les groupes, où ça va... où ça va nous mener.
Mais... mais je vous dirais, justement, en parlant des groupes, plusieurs m'ont
contacté pour me dire qu'ils manquaient de temps, qu'ils auraient voulu avoir
plus de temps pour être capables de réfléchir davantage à ce projet de loi puis
être capable aussi de partager, finalement, leurs... leurs recommandations.
Alors, on va devoir faire avec le temps qu'on a, M. le Président, puis il va
falloir évidemment, évidemment faire vite.
Ce que je comprends du projet de loi pour
la lecture que j'en ai... que j'en ai fait, c'est qu'il touche d'abord et avant
tout des unions civiles, l'union parentale incluant la garde d'un enfant,
filiation relative à la grossesse pour autrui. Différents projets de loi,
modifications qui ont été apportées au fil... au fil des ans dans le corpus
législatif québécois. Mais il y a évidemment des grands pans qui ne sont pas
touchés. Toute la question, évidemment, du divorce, la compétence de la Cour
supérieure qui, et je le répète en passant, c'est la Cour supérieure du Québec.
Hein, c'est un tribunal québécois? Parfois, on dirait que certains semblent
l'oublier, mais non, c'est un... c'est un tribunal québécois, et... et donc ce
qu'on va avoir, c'est une possibilité de régler certains dossiers, mais il y en
a un nombre important qui ne seront pas touchés. Alors, on verra... on verra où
ça va nous mener. Autres éléments qui ont déjà été soulevés par plusieurs
groupes, il y a toujours cette idée de médiation obligatoire, donc c'est...
c'est loin... c'est loin d'être idéal en matière... en matière de famille.
Alors, moi, je... j'ai lu le projet de
loi. J'ai bien hâte de discuter avec... avec les groupes pour voir quels
sont... quels sont les enjeux. Mais il y a... il y a aussi un élément que je ne
peux passer sous silence, la médiation, la conciliation, l'accompagnement des
gens, c'est essentiel. Mais pour ça, encore faut-il avoir de l'argent. Faut-il
que le gouvernement investisse dans le système de justice pour que ces gens- là
puissent être accompagnés. Et ça aussi, quand on parle aux différents groupes,
c'est toujours un enjeu. Je parlais à différents groupes récemment, puis ils
nous disaient : Bien, écoutez, on ne sait pas si nos subventions vont
être... vont être données à nouveau. Est-ce que ça va être reconduit? Donc,
autant d'éléments qui d'une part sur papier, semblent intéressants, mais ça je
l'ai dit aussi précédemment, M. le Président, dans cette commission-ci, quand vient
le temps, par exemple, de l'application concrète sur le terrain, bien là, c'est
beaucoup plus difficile, et là c'est très chaotique et c'est exactement ce
qu'on voudrait éviter, surtout, surtout quand on parle d'un Tribunal de la
famille, quand on parle de couples, quand on parle de conjoints, quand on parle
d'enfants.
Donc, moi, j'aborde ce projet de loi là
avec beaucoup d'ouverture, mais j'ai vraiment hâte de discuter avec tous les
groupes des différents enjeux puis, je l'espère, que le ministre saura nous
écouter, puis, s'il y a lieu, amender son projet de loi pour que ça serve
véritablement les Québécois et les Québécoises. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de
l'Acadie. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, pour 1 min 30 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, M. le Président. D'abord, merci à vous qui, encore une fois, les...
préside nos travaux. Merci aux groupes d'ailleurs qui sont déjà ici et qui
défileront dans les prochains jours. Merci aux partis et aux collègues du
gouvernement et des oppositions également. On accueille, nous aussi, de manière
positive, mais prudente, le projet de loi. Il m'apparaît là qu'il y a des
éléments de principe qui visent à faciliter la vie de famille québécoise sur
plusieurs éléments fort importants, donc évidemment qu'on ne s'opposera pas à
la vertu. Dans l'application de certaines dispositions, là, il va falloir
évidemment qu'on étudie puis qu'on entende les groupes concernés, à savoir notamment
sur la question de la médiation, puis à l'effet de voir si, réellement, dans le
parcours des familles, il y aura des simplifications. Alors, on va rester très
vigilants et attentifs...
M. Cliche-Rivard : ...et on va
écouter ce que nos experts ont à nous dire en commission. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député.
Alors, nous allons débuter les auditions. Alors donc, il nous fait plaisir
d'accueillir la représentante... des représentants de l'Association professionnelle
des notaires du Québec. Merci beaucoup d'être avec nous. Désolé pour le petit
retard, c'est ça, le travail parlementaire. Alors donc, je vous invite à faire
votre présentation pour 10 minutes. Après ça, on aura un échange avec les
membres de la commission. Mais d'abord, vous présenter, s'il vous plaît. Merci
beaucoup.
• (11 h 50) •
M. Bibeau
(François) :Parfait. M. le Président,
Mmes et MM. les membres de la commission, M. le ministre, je vous remercie de
nous accueillir aujourd'hui dans le cadre de la... des consultations
particulières sur le projet n° 91, Loi instituant... instaurant, pardon,
le Tribunal unifié de la famille au sein de la Cour du Québec. Mon nom est
François Bibeau, je suis notaire, médiateur familial accrédité et directeur
général de l'Association professionnelle des notaires du Québec, communément
appelée l'APNQ, pour plus de facilité. Je suis accompagné aujourd'hui de Me
Lorena Lopez-Gonzalez, notaire, médiatrice civile et commerciale,
vice-présidente de l'APNQ et responsable de notre comité de veille législative.
Et c'est avec conviction que nous souhaitons vous faire part des observations
de notre association à l'égard de cette réforme importante pour l'avenir du
droit de la famille au Québec.
L'APNQ représente près de 1 700
notaires, soit environ la moitié de la profession notariale, répartis aux
quatre coins du Québec. Nous avons à cœur de promouvoir le rôle des notaires
comme juristes de confiance, impartiaux et engagés envers un accès à la justice
plus efficace et plus humain.
Nous saluons l'initiative du législateur
qui, avec le projet de loi n° 91, réaffirme l'importance des modes
alternatifs de règlement des conflits en matière familiale. Cette réforme
s'inscrit dans la continuité des récentes avancées en matière de justice,
notamment la Loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la
justice et la loi portant sur la réforme du droit de la famille. L'APNQ est
convaincue que le Tribunal unifié de la famille bénéficierait d'une plus grande
implication des notaires, qui sont des professionnels aguerris en matière de
prévention et de règlement des différends. La médiation, notamment, est un
champ d'activité naturel pour le notaire, qui accompagne déjà les citoyens dans
les grandes étapes de leur vie, que ce soient en matière matrimoniale,
patrimoniale ou successorale.
L'introduction des articles 419.1 et 419.2
au Code de procédure civile, prévoyant le recours accru à la médiation
familiale, est une avancée que nous appuyons pleinement. Nous nous permettons
de rappeler ici l'expertise développée par les notaires dans ce domaine dans le
cadre de leurs interventions auprès des familles québécoises. En effet,
plusieurs de nos membres sont déjà médiateurs accrédités et offrent un
accompagnement neutre et adapté aux réalités des familles d'aujourd'hui. La
médiation pratiquée par le notaire favorise des solutions durables et évite un
engorgement judiciaire inutile. Nous croyons donc essentiel d'assurer une
grande... une plus grande accessibilité à ces services dans le cadre du
Tribunal unifié de la famille.
Nous nous interrogeons, cependant, sur
l'absence de certaines compétences au sein de ce tribunal, notamment en ce qui
concerne les demandes relatives aux couples en union de fait et aux enfants nés
hors mariage avant le 30 juin 2025. La coexistence des deux régimes
distincts pourrait créer une inégalité entre ces enfants selon leur date de
naissance. Nous encourageons le gouvernement à examiner cette question et à
envisager l'uniformisation des règles applicables afin d'assurer un traitement
équitable à toutes les familles.
Enfin, nous tenons à souligner que
l'intégration des notaires à la magistrature de la Cour du Québec, rendue
possible par la Loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la
justice, est une avancée majeure pour notre profession. Avec l'ajout de
nouvelles matières couvertes par le Tribunal unifié de la famille, il est
naturel que les notaires soient considérés comme des candidats idéaux pour
occuper des fonctions de juges spécialisés en droit de la famille. Les notaires
ont toujours été et ont toujours joué un rôle de facilitateur et de juriste de
l'entente. Leur compétence en matière de résolution amiable des conflits, leur
approche collaborative et leur sens de l'équilibre en font des acteurs clés
pour le succès du Tribunal unifié de la famille.
En conclusion, le Tribunal unifié de la
famille est une avancée majeure qui, nous en sommes convaincus, améliorera la
justice familiale au Québec...
M. Bibeau
(François) :...Toutefois, pour un
maximiser le potentiel, nous recommandons une reconnaissance accrue du rôle des
notaires dans ce nouvel écosystème judiciaire tout comme médiateur que comme
juges. Nous réitérons notre engagement à collaborer avec le gouvernement et les
parties prenantes pour assurer le succès de cette réforme.
Je vous remercie de votre attention et
nous sommes à répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Bibeau. M.
le ministre, pour une période de 12 min 30 s, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Alors, Me Bibeau, Me Lopez-Gonzalez, à l'aise, merci de
participer aux travaux de la commission. Alors, je constate que vous envisagez
ça positivement, la création d'un tribunal unifié de la famille. Pourquoi c'est
important pour les familles du Québec de mettre en place ce tribunal-là?
M. Bibeau
(François) :Je pense que vous l'avez dit
en note d'ouverture, le fait de simplifier la procédure, de rendre ça plus
rapide aussi. Et qu'il y ait une équité dans le traitement des dossiers. En
tant que médiateur familial, je peux vous dire que j'ai accompagné nombre de
familles qui avaient à passer à travers un processus de séparation, et il y a
beaucoup d'angoisses qui se dégagent de ce processus-là pour les gens qui sont
impliqués, les enfants. Puis souvent ce n'est pas un processus qu'on fait avec
beaucoup d'expérience, malgré que certains citoyens ont malheureusement eu
recours à ces services judiciaires là à plus d'une reprise, pas toujours avec le
même conjoint, mais enfin, là, je ne veux pas trop m'avancer, mais on comprend
que ça peut devenir assez angoissant pour M. et Mme Tout-le-monde. Et on pense
que si le traitement est accéléré, simplifié et qu'il y a un accompagnement
aussi plus structuré, ça ne peut qu'être bénéfique en ce sens.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et
les notaires font déjà beaucoup de la médiation, ont une expertise en droit
familial, c'est ce que vous nous dites, là?
M. Bibeau
(François) : Tout à fait.
Mme Lopez-Gonzalez (Lorena) : Effectivement,
on a une expertise en droit familial par notre formation. De plus, il y a
beaucoup de notaires qui sont médiateurs en droit familial. Énormément. C'est
quelque chose qu'ils font depuis des années. C'est une solution, quant à moi,
idéale pour la résolution de la grande majorité des conflits. Et le hic, je
dirais, c'est que la population ne sait pas nécessairement c'est quoi la
médiation. Quand on rend quelque chose obligatoire, des fois, elle peut être
réticente. C'est obligatoire. C'est quoi, ça? Il faudrait qu'elle soit plus au
courant de c'est quoi exactement une médiation? Qu'est-ce qu'on va aller faire?
Et c'est quoi les bienfaits? Mais effectivement on fait de la médiation depuis
des années. Il y a beaucoup de confrères et consœurs qui sont experts, qui font
même de la médiation leur unique pratique en droit familial.
M. Bibeau
(François) :J'ajouterais, M. le ministre,
que certains notaires font de la médiation sans le savoir. Ils ne sont pas
nécessairement accrédités comme médiateur, soit civil ou commercial, mais dans
le cadre de leur dossier à titre de notaire, comme ils doivent être impartiaux
dans le traitement de leurs dossiers, bien, veux veux pas, ils se trouvent à
souvent médier avec leur client.
M. Jolin-Barrette : Et puis
pour être médiateur en matière familiale, vos membres, dans le fond, quelle est
la formation qu'ils ont pour être médiateur familial?
M. Bibeau
(François) :Ça prend une formation de
base, hein, c'est 60 heures de formation pour tous les corps
professionnels, là, qu'on soit psychologue, travailleur social, avocat ou
notaire, il y a une formation de base qu'on doit suivre. Et parmi... dans cette
formation-là, on doit suivre une formation au moins pour la moitié des heures
en... dans la matière complémentaire. Par exemple, un juriste, avocat ou
notaire, devra suivre la moitié de sa formation dans le domaine psychosocial.
Et donc les travailleurs sociaux, psychologues, c'est l'inverse, devront suivre
au moins la moitié de leur formation dans le domaine légal. Donc, ça prend
vraiment des techniques pour pouvoir y arriver. Et là on apprend le merveilleux
monde de la médiation familiale dans le cadre de ces... cette formation-là.
Il faut savoir aussi, M. le ministre, je
sais que vous le savez, mais ça mérite d'être mentionné alentour de cette
table, que pendant les deux premières années d'une... de vie d'un médiateur
familial, il doit être supervisé pour 10 dossiers minimum. Donc, il se
fait comme «coacher» en guillemets par un médiateur plus aguerri pour l'aider à
bien traiter ses dossiers.
M. Jolin-Barrette : Puis, du
point de vue de l'association, vous pensez que le fait d'imposer la médiation
obligatoire, ça va permettre à beaucoup de dossiers de se régler sans aller
dans la voie judiciaire?
M. Bibeau
(François) :Oui, tout à fait. Et puis ça
va être avantageux à ce moment-là, parce qu'à l'heure actuelle la seule chose
qui est obligatoire au niveau de la médiation, c'est de suivre une séance de
parentalité, je ne me souviens plus le nom qu'on lui donne parce qu'au fil des
ans on a changé souvent le vocable, mais c'est une rencontre qui vient informer
les parents de ce qui est offert pour eux. Mais, par la suite, ils ne sont
pas...
M. Bibeau
(François) :...d'engager la médiation
familiale. Maintenant, je comprends qu'on pourra les accompagner de façon plus
soutenue à ce niveau-là. Et on comprend que, dans le cadre d'une séparation,
bien, c'est souvent quand il y a des enfants qui sont impliqués que là ça
devient important de faire vraiment le tour de la question, je n'oserais jamais
prétendre que les parents n'ont pas à cœur le meilleur intérêt de leur enfant,
entendez-moi, je suis moi-même parent et je n'ai jamais pensé comme ça pour mes
propres enfants. Mais, parfois, dans le cadre de discussions puis dans le cadre
d'un processus de séparation, on oublie certains aspects qui pourraient
impacter nos enfants. Alors ça, le fait que ce soit rendu obligatoire, c'est
sûr que ça va être facilitant puis ça va désengorger les tribunaux, parce qu'il
y a bon nombre des dossiers qui vont passer, là, qui n'iront pas jusqu'à
l'audition, là.
M. Jolin-Barrette : Dans le
fond, ce que vous nous dites, c'est que, quand il y a un litige de nature
familiale, dans le fond, une séparation, les éléments à traiter du dossier,
souvent, c'est, bon, le partage des actifs, c'est la garde de l'enfant, la
pension alimentaire. Ce que vous nous dites, c'est que la judiciarisation des
dossiers peut avoir des conséquences sur la vie des enfants éventuellement.
• (12 heures) •
M. Bibeau
(François) :Tout à fait. Dans le partage
des biens, par exemple, l'attribution... l'attribution du droit d'usage de la
résidence familiale, c'est un bon exemple. La résidence familiale est à madame,
et c'est monsieur qui s'occupe des enfants la plupart du temps dans leur
quotidien. Il pourrait décider d'attribuer le droit d'usage à résidence
familiale pendant x nombre de temps à madame. Alors, le juriste, là, pour ceux
qui sont juristes ici, dans sa tête, c'est : Bien non, ça ne marche pas,
le droit de propriété, c'est à Mme, c'est elle qui garde la maison. Pourquoi?
Alors, en médiation, souvent, on va approcher ça d'une façon beaucoup plus
large : Qu'est-ce qui est avantageux pour la famille? Qu'est-ce qui est
avantageux pour les enfants? Vous avez droit à telle chose, mais si, vous, vous
décidez de partager les biens d'une autre manière, même si on déroge à quelque
niveau d'un partage strict du patrimoine familial, il n'y a rien qui interdit
ça, si vous vous entendez là-dessus. Le rôle du médiateur, c'est que les gens
prennent leurs décisions en toute connaissance de cause.
Moi, je me suis déjà battu avec des clients
pour faire sortir les informations du fonds de retraite, puis souvent :
Non, non, non, on en a parlé entre nous, on ne veut pas le partager, le fonds
de pension. Oui, mais savez-vous c'est combien, le fonds de pension? On ne le
sait pas, on ne veut pas le savoir, on ne veut pas le partager. Attendez là, on
va faire sortir les montants, ça ne vous engage à rien. Puis quand vous verrez
que vous avez droit à 30 000 de plus que vous pensez ou à 100 000 de plus que
vous pensez, peut-être que votre décision ne sera pas la même, peut-être
qu'elle demeurera la même. Mais rendu là, vous aviez pris une décision
éclairée. C'est aussi ça, le rôle du médiateur, comme ça peut être aussi son
rôle de dire : Avez-vous pensé qu'il y a un impact psychologique pour votre
enfant, si vous venez prévoir une garde partagée trois jours, deux jours? Il va
toujours être dans les valises, votre enfant, c'est ce qu'on a appelé, à un
moment donné, le phénomène des enfants-valises. Avez-vous pensé à ça? Ah! on
n'avait pas pensé à ça. O.K. D'abord, il n'y aura pas de valise, on va garder
des garde-robes complètes à chacun des deux endroits. Ah! O.K.
Voyez-vous, c'est comme ça qu'on va
travailler avec la famille. L'idée, ce n'est pas de leur pousser un canevas
tout cru dans la bouche, c'est de travailler avec eux en fonction de leurs
besoins, pour que leurs décisions soient prises en connaissance de cause.
M. Jolin-Barrette : Les taux
de succès en médiation familiale sont bons?
M. Bibeau
(François) :Moi, en tout cas, c'est ce
que je connaissais de très, très bon taux, puis ce que vous donniez comme
chiffres tout à l'heure, on parle de 85, 86 %. C'est ce que je me souviens
comme genre de réussite, oui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. La
simplification des instances, je veux dire, on vient à introduire la médiation
obligatoire, premier élément, mais le fait qu'on va vers un premier pas, vers
un tribunal unifié, donc, le fait de ne pas avoir la nécessité d'aller à la
Cour supérieure, de ramener ça sous la même instance, est-ce que vous pensez
que, du point de vue institutionnel de la justice, du système de justice, c'est
bénéfique que les familles se retrouvent sous la même instance?
Mme Lopez-Gonzalez (Lorena) : Je crois
que oui, ça facilite, c'est plus clair. Idéalement, comme on avait dit, la
situation idéale serait que toutes les familles se retrouvent sous le même
tribunal. C'est certain que, présentement, ce n'est pas possible pour toutes
les familles, mais, à mon avis, ça serait l'idéal souhaité que, quand on a un
conflit familial, on sache qu'on s'adresse à notre tribunal qui est spécialisé,
qui nous offre une solution plus rapide et plus humaine avec un accompagnement.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Je vous remercie pour votre présence.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Vimont, pour 3 min 20 s.
Mme Schmaltz : Merci pour
votre présence aujourd'hui. Toujours bien apprécié de recevoir... de vous
recevoir en vrai, disons - pardon. Je vous ai écouté tantôt, vous parliez des
60 heures de formation...
12 h (version non révisée)
Mme Schmaltz : ...de base qui
sont nécessaires, donc, pour devenir médiateurs. Vous avez mentionné aussi un
peu les écueils que vous rencontrez en tant que médiateur, c'est-à-dire se
battre pour obtenir des fois certains papiers, etc. J'imagine qu'avec les
années, il y a beaucoup de choses qui ont dû évoluer. Je ne sais pas si on peut
dire dans le bon sens ou dans le mauvais sens, là, c'est selon, mais j'imagine
qu'au niveau de la formation que vous donnez, elle doit être évolutive, j'imagine.
Parce que les parents ont d'autres, peut-être... pas des options, mais disons
au dos d'autres enjeux, etc. Est-ce que vous pourriez peut-être juste parler un
petit peu, avec le temps qu'il reste, de cette formation, et, justement, qu'est-ce
que ça amène au sein de la profession?
M. Bibeau (François) :Il faut savoir que la plupart des ordres professionnels
obligent à une formation continue obligatoire, qu'on soit psychologue ou
travailleur social, notaire ou avocat, conseiller d'orientation et tout ça.
Donc, en tout cas, pour ce qui est des notaires, on a une formation
complémentaire à faire et tout médiateur familial accrédité se doit aussi de
maintenir sa formation à jour. Techniquement, l'ordre pourrait même nous
retirer notre accréditation si on ne maintient pas à jour notre formation.
Donc, ça rejoint un peu ce que vous mentionnez parce que la réalité des
familles au Québec évolue beaucoup.
Je vous ai parlé du trois jours, deux
jours. Il fut un temps où les deux seules options qu'on avait, c'était du temps
partagé, une semaine une semaine, ou du temps de... une garde exclusive, hein?
C'est ça. Alors là, il y a du «nesting», il y a du... Bon, du «nesting», c'est
quoi? Moi, la première fois que j'ai entendu parler de ça avec mes quelque 30 ans
d'années de pratique, je me suis dit : Qu'est-ce que c'est que ça, cette
affaire-là? Bien, c'est que, là, c'est les parents qui sortent de la maison.
Les enfants demeurent dans la maison, les parents se prennent un loyer, puis on
revient à la maison. Donc, les enfants, on veut les enrubanner, on veut les...
bon, puis eux autres, ils sont le moins traumatisés possible. Mais il y a des
enjeux. Quand c'est toi qui es au «nesting» avec les enfants, tu peux-tu amener
ta nouvelle conjointe? Tu peux-tu... Tu fais-tu le ménage avant de partir?
Comprenez-vous? Il y a des enjeux, puis on néglige ces choses-là. Mais donc il
faut se tenir à jour des nouvelles façons de faire et des écueils qui attendent
nos clients. Donc, c'est un exemple.
Et je vous avoue que moi, en tant que notaire,
quand j'avais à aller chercher ma formation complémentaire annuelle, nous, c'est
aux deux ans, j'avais tendance à aller beaucoup plus dans le psychosocial parce
que ça m'aidait, ce n'était pas un terrain où je suis habituée de jouer, mais d'aller
voir les nouvelles façons d'approcher, de questionner les enfants. Moi, je n'ai
jamais été formé pour évaluer que, si sur le dessin d'un bambin de cinq ans, la
boucane qui sort de la cheminée s'en va vers la droite, ça veut dire qu'il est
heureux, moi, je ne le sais pas, ça, que ça veut dire qu'il est heureux, mais
je suis bien content d'avoir un professeur qui vient m'annoncer comment on peut
faire ça, parce que, parfois, il faut rencontrer les enfants dans le cadre de
nos rencontres en médiation.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, pour 9 min 22 s, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Alors, Me Bibeau, Me Lopez-Gonzalez, merci, merci d'être
là. Merci pour vos explications. J'aurais quelques questions pour vous. Dans le
projet de loi, si ma compréhension est la bonne, quand un couple va déposer une
demande introductive d'instance, il faut que ce soit une affaire reliée à l'union
civile ou l'union parentale uniquement. Donc, on ne parle pas ici de mariage
puis de divorce, là.
M. Bibeau (François) :Non.
M. Morin : Donc, il y aura
une session de médiation obligatoire, et, évidemment, je ne sais pas
présentement, je n'ai pas fait de statistiques, je ne sais pas si vous en avez
de votre côté, mais est-ce que vous avez une idée du nombre de personnes qui
vivent en union civile ou en union parentale?
Mme Lopez-Gonzalez (Lorena) : L'union
parentale n'est pas encore commencée, et donc c'est pour le futur. C'est sûr qu'à
long terme, dans 18 ans, tous les couples non mariés qui ont des enfants
vont naître en union parentale. Et union civile, je n'ai pas de statistiques,
mais pour célébrer des mariages et des unions civiles, il n'y en a pas
beaucoup. Il serait souhaitable, selon ce que nous avons présenté comme
mémoire, que les couples en union de fait puissent profiter aussi de ce
Tribunal unifié de la famille.
M. Morin : Bon, là, c'est
très intéressant, ce que vous dites. Pouvez-vous nous en parler davantage? Puis
après ça, je vais avoir une question parce que je comprends que vous vous
célébrez aussi des mariages et vous, est-ce que vous avez une demande
importante pour célébrer des mariages?
Mme Lopez-Gonzalez (Lorena) : Quand
même beaucoup.
M. Morin : Beaucoup, hein?
Puis on comprend que tous ces gens-là ne sont pas visés par le projet de loi,
donc...
M. Morin : ...on a une partie
de la population qui est... complètement à côté, là, qui est... ça ne va rien
changer. O.K, parfait. Mais revenons, revenons à quand on parlait des couples
en union de fait.
Mme Lopez-Gonzalez (Lorena) : Donc,
présentement, selon le projet de loi que nous avons sous les mains, ils ne
sont... ils n'iraient pas au Tribunal unifié de la famille, ces couples-là, ils
seraient assujettis à la Cour supérieure. Donc, c'était un peu qu'est-ce qu'on
disait, qu'il serait souhaitable que toutes les familles, qu'elles peuvent. Le
mariage, on comprend que ce n'est pas possible pour l'instant, mais il faut
commencer à quelque part. Comment nous voyons les choses? Il va être créé, ce
tribunal, espérons qu'il va être créé, ce tribunal unifié de la famille. On
commence avec les compétences qui peuvent être transférées réellement... Et,
l'union de fait, quant à nous, quant à l'association, il serait souhaitable,
s'il est possible, qu'elle soit assujettie au même tribunal. Pour les mariages,
ce n'est pas possible pour l'instant, mais, comme on a dit dans notre mémoire,
c'est certain que, dans la mesure du possible, les travaux qui seront faits par
le ministre, l'association, on appuierait ces démarches.
• (12 h 10) •
M. Morin : Oui, oui. Ça, j'ai
bien compris, c'est très clair dans votre mémoire, mais... puis on comprend
aussi que le mariage, divorce, bien là, il y a un enjeu de compétence, alors on
est ailleurs. Mais revenons aux couples en union de fait. Là, ces gens-là ne
sont pas mariés, donc ils ne vont pas divorcer, donc ils pourraient
théoriquement...
Mme Lopez-Gonzalez (Lorena) : Oui.
M. Morin : ...hein, parce
que...
Mme Lopez-Gonzalez (Lorena) : Il y a
des litiges. Tout à l'heure, on parlait de la médiation qui se fait
naturellement chez les notaires. Ils vont souvent nous appeler. Comme on dit
dans nos documents, nous, on est très proches des familles, donc une famille
qui, il y a cinq ans achetait une propriété avec nous, ils ont eu un enfant,
ils ne sont pas mariés, ils se séparent, ils sont copropriétaires d'un
immeuble, donc, ils vont nous approcher. Il va y avoir de la médiation qui va
être faite naturellement pour les aider à acheter la part du conjoint. Des
fois, il y a d'autres considérations économiques qui sont en jeu aussi. Ils vont
souvent nous demander de l'aide pour garder... pour avoir des ententes par
rapport à la garde d'enfants, des pensions alimentaires pour des enfants. Donc,
non, en principe, selon le projet de loi qu'on a présentement, si cette
situation a besoin de l'intervention d'un juge, elle ne serait pas présentée au
Tribunal unifié de la famille, elle devrait aller à la Cour supérieure.
M. Morin : Exact. Mais ce
serait possible d'inclure les couples en une union de fait, non?
M. Bibeau
(François) :Bien, c'est notre prétention.
M. Morin : Bien, c'est ça. Au
niveau de la compétence, il y a...
M. Bibeau
(François) :C'est notre prétention parce
que c'est... oui. Et puis on l'a vu dans le cadre des articles du projet de
loi, on spécifie très clairement les sujets qui seront traités par le tribunal
unifié, c'est-à-dire on parle des questions d'unions... de...
M. Morin : Bien, unions
civiles, unions... bon, éventuellement, éventuellement unions parentales. Il y
a des cas d'émancipation de tutelle, il y a aussi la filiation relative à la...
M. Bibeau
(François) :Mère porteuse.
M. Morin : ...grossesse pour
autrui, là.
M. Bibeau
(François) :Oui, c'est ça, grossesse pour
autrui.
M. Morin : Bon. Mais, tu
sais, il y a quand même un nombre très important de personnes qui vivent en
union de fait, puis eux, ils ne seront pas visés par le projet de loi. C'est ma
compréhension.
M. Bibeau
(François) :Tout à fait, non. Par
exemple, dans cette énumération-là des sujets, là, ce n'est pas moi, le
légiste, là, mais dans l'énumération des sujets, on pourrait parler aussi de
toutes autres situations qui impliquent des enfants au Québec de gens qui ne
sont pas mariés, par exemple.
M. Morin : Oui. Bien oui,
c'est ça, le ministre, dans ses notes... en fait, dans son propos introductif
parlait beaucoup de l'importance des enfants, on est tous d'accord avec ça,
mais là, eux autres, il y a quand même des groupes importants qui restent,
woups, à l'écart de cet élément-là.
J'ai... vous avez parlé aussi beaucoup de
la formation que vous recevez en médiation, et j'apprécie, je pense que c'est
la collègue de Vimont qui posait une question à cet effet-là, puis ça a permis
de mieux comprendre. Maintenant, dans le projet de loi, il y a... il y a une
exception, une exemption, en fait, pour les personnes qui vivraient une
présence de situations de violence familiale, conjugale ou sexuelle, ce qui est
tout à fait normal. Déjà, on peut s'interroger sur l'obligation d'aller en
médiation, il y a un débat là-dessus, mais c'est sûr que, quand il y a des cas
de violences familiale, conjugale, bien là, on ne veut pas ça, c'est normal. Il
y a... Il y a beaucoup de recherches, d'études et beaucoup plus maintenant de
littérature qui traite du contrôle coercitif, et là... ça, c'est un petit peu
plus difficile des fois à détecter. Dans le cadre de votre formation, quels
sont les éléments que vous suivez, que vous appreniez pour être en mesure de
détecter s'il y a véritablement du contrôle coercitif ou pas?
M. Bibeau
(François) :Je vous disais, dans le cadre
de la réponse que j'ai faite à votre collègue, que j'étais souvent plus attiré
par la formation du monde psychosocial que la formation du monde légal pour ce
genre de considérations là comment détecter une violence dans le couple,
comment détecter un contrôle de l'un ou l'autre des deux...
M. Bibeau
(François) :...comment on agit quand il y
a de la violence conjugale? Est-ce qu'on doit absolument mettre fin à la
médiation dans ces cas-là? Alors, c'est des... c'est des éléments qu'on doit
apprécier.
Par exemple, de faire venir... à l'époque,
moi, c'était en cabinet, là... donc, de faire venir à ton bureau des gens qui
subissent... où il y a une violence conjugale, bien, nécessairement, tu t'arranges
toujours pour faire arriver le violent en premier, tu le fais attendre dans ta
salle d'attente, et, quelques quelques minutes plus tard, genre, 15 minutes
plus tard, c'est la deuxième personne qui arrive. Donc, ils n'ont pas monté en
même temps dans l'escalier, ils ne s'en vont pas en même temps chez eux, dans
la même voiture, et, quand c'est le temps de mettre fin à la rencontre, bien,
tu laisses partir la personne qui est violentée avant.
Et détecter les regards, le non-verbal. On
nous apprend beaucoup à travailler avec le non-verbal. Ce n'est pas juste une
question de bras croisés, ou je regarde ailleurs, mais comment on peut détecter
une violence qui s'installe dans le couple par le non-verbal, et, à l'extrême,
de bien informer les gens qu'ils peuvent... dans certains cas, ça m'est arrivé
de dire : On va mettre fin à la médiation, et je vous suggère d'aller voir
un avocat.
M. Morin : Je comprends,
merci. Maintenant, si on revient au projet de loi, je comprends que, si jamais,
dans le cadre d'une médiation, on détectait une présence de violence familiale,
à ce moment-là, le médiateur, normalement, devrait mettre fin à la médiation,
parce que ça... en fait, ça peut être compliqué.
M. Bibeau
(François) :Pas nécessairement.
M. Morin : O.K., pas
nécessairement.
M. Bibeau
(François) :Pas nécessairement. Dans
certains cas, on peut quand même travailler. Entre autres, il y a des
techniques, par exemple, la médiation par caucus. Donc, plutôt que d'avoir à
négocier avec les deux personnes en présence l'une de l'autre dans la même
salle, on les garde dans deux salles séparées, et le médiateur fait
l'aller-retour, et amène des éléments de négociation. Voyez-vous, il y a des
techniques où, même dans une situation de violence, on peut le faire, mais
c'est vraiment à apprécier, parce que, dans certains cas, même s'ils ne sont
pas dans la même salle, ça peut devenir à un tel point sclérosant que la
personne violentée ne sera pas capable d'exprimer ses volontés librement.
Alors, dans ces cas-là, on mettrait fin.
M. Morin : Parfait. Je
vous... Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député
d'Acadie. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, pour
3 min 8 s, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Je veux rester quand même sur cet élément-là, qui est, selon moi, le
plus névralgique sur ce dossier-là. Je vous lis une partie du mémoire, là, de
l'Association nationale des... Femmes et droit sur ce point-là puis j'aimerais
ça vous entendre, comme commentaires. Je lis : «Une pression à la
dénonciation forcée. Si la loi prévoit une exemption pour les victimes de
violence conjugale, celles-ci devront tout de même déclarer leur statut de
victime, ce qui peut les exposer à des représailles ou à des accusations de
fausses allégations. Nombreuses sont celles qui préféreront se taire, plutôt
que de subir des conséquences.» Qu'est-ce que ça vous fait de recevoir ce
commentaire-là?
M. Bibeau
(François) :Je pourrais vous mentionner...
C'est que je me souviens qu'à l'époque lorsqu'on... le système était fait que
le médiateur pouvait donner une séance d'information sur la médiation
familiale. Là, ça a changé, les rencontres se font au palais de justice. Mais,
à l'époque, sur le formulaire... parce qu'il y avait un formulaire prescrit,
que les gens signaient lorsqu'ils avaient rempli leurs obligations... une des
deux parties pouvait dénoncer une incapacité ou une impossibilité, quelle
qu'elle soit, de participer à la médiation, et elle n'avait pas à qualifier
pourquoi. Est-ce que c'est une question de violence? Est-ce que c'est une
question de... géographique, elle demeure trop loin? À l'époque, il n'y avait
pas de médiation par visioconférence, et, aujourd'hui, ce serait possible, bon.
Alors, peut-être qu'il serait possible,
pour éviter ce genre de situation là, qu'il y ait une dénonciation... je dis ça
sous toute condition, là, il y a un gros «peut-être» au début de ma phrase...
mais qu'il y a des motifs valables et raisonnables que je... pour lesquels je
déclare que je ne peux pas faire de médiation familiale. Et là, bon, il
s'agirait de voir quel est le contrôle qu'on pourrait mettre autour de ça.
M. Cliche-Rivard : Il n'y a
quand même pas 18 000 interprétations possibles, là.
M. Bibeau
(François) :Clairement.
M. Cliche-Rivard : Dans le
contexte où ils sont dans la même ville, madame va avoir de la difficulté à
invoquer d'autres choses. C'est-tu... c'est-tu un risque réel, selon vous, là?
M. Bibeau (François) :Bien, c'est... moi, je vous dirais, entre deux maux, on
choisit le moindre, je ne me souviens plus de la maxime exacte, là. Est-ce que
c'est pire de dénoncer qu'il y a une situation qui empêche de tenir la
médiation ou on tient la médiation, puis on empire notre situation puis notre
condition? La question mérite d'être posée, là, ici. Je ne sais pas, Lorena, si
tu as autre chose à...
Mme Lopez-Gonzalez (Lorena) : On
a des nouvelles techniques, comme on disait. Elle peut être tenue à distance.
Et on est assez sensibilisés, on suit toutes sortes de cours par rapport à la
violence et la détection. Donc, je dirais qu'on est capables de les voir, nous,
jouer un peu, comme disait Me Bibeau, avec le fait de : je mets quelqu'un
dehors... bien, je mets quelqu'un dehors... je finalise, je termine mon
rendez-vous avec une certaine personne, je garde l'autre, qui peut peut-être se
confier à moi tranquillement. Et donc j'y vais dans les mêmes mots, mais je
comprends qu'est-ce qu'elles veulent dire...
Mme Lopez-Gonzalez (Lorena) : …les
associations de victimes. Je suis certaine qu'on va être capable de trouver un
moyen pour que cette victime ne soit pas victimisée et pouvoir encourager la
médiation quand même.
Et je voulais dire également, pour la
médiation, qu'il faut être conscient que ça ne se fait pas en une heure.
Normalement, ça prend un certain temps pour faire une bonne médiation qui soit
complète, qui soit durable et pour que toutes les parties soient satisfaites.
Et il faut travailler à chaque… avec chaque famille qui est différente. Donc,
chaque cas qui va être présenté, il faut être à l'écoute, il faut comprendre
les besoins de chaque famille qui sont peut-être complètement différents de la
famille qui s'est… qui s'est présentée avant, pour trouver avec eux des
solutions qui sont propres à leur cas.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Le temps file
rapidement, Me Lopez-Gozalez, Me Bibeau, merci beaucoup d'avoir été avec nous
aujourd'hui. Cela dit, je suspends les travaux quelques instants pour
accueillir notre prochaine invitée. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 19)
(Reprise à 12 h 22)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il vous fait plaisir d'accueillir Mme Régine
Laurent, ancienne présidente de la Commission spéciale sur les droits des
enfants et de la protection de la jeunesse. Merci beaucoup d'être avec nous.
Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Après ça, on aura
un échange avec les membres de la commission, donc la parole est à vous, Mme
Laurent.
Mme Laurent (Régine) : Merci,
M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci de me recevoir.
Alors, comme vous le savez, le mandat dévolu à la Commission spéciale sur les
droits des enfants et la protection de la jeunesse prévoyait, entre autres,
l'examen des dispositifs de protection de la jeunesse, dans les différents
réseaux d'intervention concernés, de manière à identifier les enjeux et
obstacles et à formuler des recommandations sur les améliorations à apporter.
On y précisait également que, pour la rédaction de ce mandat, la commission
devrait notamment examiner l'organisation et le mode de fonctionnement des
tribunaux en matière de protection de la jeunesse, soit la Cour du Québec,
Chambre de la jeunesse, de même que les arrimages avec les tribunaux en matière
de garde d'enfants, soit la Cour supérieure, pour s'assurer de l'application
des principes généraux de la Loi sur la protection de la jeunesse et des droits
des enfants, dont l'étude de la liaison entre les tribunaux et les services de
protection de la jeunesse.
Au terme de ses travaux, la Commission
spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse à formuler
des recommandations qui visent à développer une intervention judiciaire
collaborative, participative et adaptée aux besoins…
Mme Laurent (Régine) : ...des
enfants et des familles. Ces recommandations se retrouvent au chapitre 6
de notre rapport, dont celle d'examiner l'idée d'un tribunal unifié de la
famille au Québec. C'est donc avec joie que j'ai pris connaissance de la
volonté du gouvernement du Québec d'aller de l'avant avec la mise sur pied d'un
tel tribunal qui, je crois, répondra mieux aux besoins des enfants et des
familles concernées par des recours judiciaires et évitera les impacts négatifs
des différents chemins judiciaires que doivent emprunter actuellement les
enfants et les familles.
Dans le cadre de la réalisation de son
mandat, les commissaires se sont assurés que l'équipe de la recherche documente
et alimente les travaux des commissaires eu égard à ce sujet. J'ai aujourd'hui
l'opportunité de partager avec vous un très bref résumé des éléments qui ont
mené les commissaires à recommander au gouvernement du Québec d'étudier la
possibilité d'instaurer un TUF au Québec.
Au cours des audiences, plusieurs témoins
nous ont fait part des effets négatifs qu'entraîne le morcellement des
juridictions entre les différents tribunaux sur les enfants et leurs familles,
et je vous en donne quelques exemples. La Cour du Québec est perçue par
certains citoyens comme une façon détournée de faire appel des décisions de la
Cour supérieure.
Alors, trois extraits de témoignages et je
cite : Un, «La DPJ a aidé mon conjoint à faire un appel déguisé à la Cour
supérieure de la garde ordonnée par cette même Cour supérieure.»
Deuxième exemple. «La DPJ a imposé une
visite le mercredi pour accommoder une éducatrice spécialisée malgré une
entente légale signée à la Cour supérieure.»
Troisième exemple. «Le tribunal de la
jeunesse rend des jugements qui priment? La Cour supérieure du Québec rend
partout, elle aussi, des jugements valides pour les parents. Pourquoi les
jugements rendus par la Cour supérieure, qui sont payés au prix fort par les
parents, sont-ils automatiquement caducs quand la DPJ fait irruption dans le
dossier des parents? Le travailleur social change encore les droits d'accès et
il admet toutes les demandes du père sans se référer au jugement de la Cour
supérieure, mais mon jugement est légal et j'ai la garde exclusive de mon
enfant. Il me dit en outre qu'il va demander un arrêt des mesures volontaires
pour aller à la Chambre de la jeunesse parce que je lui demande des visites
supervisées pour le père.»
Si j'ai choisi de prendre le temps de vous
rapporter ces quelques témoignages, c'est pour que nous gardions en tête
maintenant et pour toujours les impacts négatifs du statu quo dans le
morcellement des juridictions entre différents tribunaux sur des enjeux qui
touchent les enfants et leurs familles.
Bien que la lecture du projet de loi
puisse donner l'impression qu'il s'agisse d'une affaire, et je lui ai dit en
tout respect, de poutine judiciaire qui interpelle la magistrature et les
juristes, il n'en est rien. Il s'agit de faire davantage de place aux enfants
et aux familles, à leurs réalités, leurs vécus, leurs besoins dans les
questions à trancher qui changeront leurs vies personnelles, leurs vies
familiales et leurs situations financières, donc des enjeux au cœur de leurs
vies.
Je poursuis avec un témoignage qui met en
lumière les effets sur les coûts liés aux recours judiciaires, considérant les
juridictions différentes, la Cour supérieure, la Cour du Québec, sur les
parents et les enfants. Je cite : «Par ailleurs, il existe un réel
problème inhérent au fait que les dossiers de la DPJ ne sont pas traités par le
même tribunal que les dossiers de séparation. Les procédures qui sont très
différentes d'une instance à l'autre et le manque de communication va souvent à
l'encontre de l'intérêt de l'enfant.
Dans un cas qui a été rapporté, la DPJ a
ordonné à une mère de fournir les services d'un professionnel à son enfant
handicapé. Mais lorsque la mère a fait part de son incapacité d'assumer les
coûts relatifs à ces services et que c'était au père de l'enfant d'assumer
cette dépense selon le jugement de pension alimentaire en vigueur, le juge de
la Chambre de la jeunesse a répondu que les questions financières n'étaient pas
de son ressort, mais de celui de la Cour supérieure. On fait donc porter à la
mère qui a la garde de l'enfant l'entière responsabilité d'obéir à cette
ordonnance de la DPJ. Dans cette histoire, la mère a finalement dû se prémunir
des services de deux avocats, une pour chaque instance. Il devrait donc y avoir
une meilleure collaboration entre la Chambre de la jeunesse et la Cour
supérieure afin d'éviter la multiplication des procédures.» Fin de cette longue
citation.
À la base des recommandations et de leurs
déclinaisons contenues au chapitre 6 du rapport sur les enjeux judiciaires,
trois mots : collaboration, participation et adaptation. Il est utile de
rappeler...
Mme Laurent (Régine) : ...les
cinq recommandactions formulées par la Commission spéciale sur les droits des
enfants et la protection de la jeunesse à ce chapitre : Valoriser et
faciliter le recours aux ententes sur mesures volontaires; favoriser une
nouvelle voie, un service de médiation jeunesse indépendant, gratuit et rapide;
adopter au tribunal une approche collaborative, participative et adaptée, dont un
des éléments proposés sur cette recommandation et celui d'examiner l'idée d'un
tribunal unifié de la famille au Québec; s'assurer que l'avocat de l'enfant est
d'abord un conseiller; déployer un système d'information fiable, pertinent et
accessible en temps réel pour les situations judiciarisée en protection de la
jeunesse.
On peut aisément constater à la lumière de
ces éléments qu'il est... qu'il était essentiel pour nous, pardon, de diminuer,
pour les enfants et leurs familles, les tensions et la confusion créées par la
division des compétences entre la Cour supérieure et la Cour provinciale
d'assurer leur participation et une approche de médiation partout où cela est
possible afin de favoriser la résolution des différends.
• (12 h 30) •
Bien sûr, cette approche d'une
intervention judiciaire collaborative, participative et adaptée peut être mise
en œuvre sans l'avènement d'un TUF. Cependant, force est d'admettre que le TUF
est un outil privilégié pour y arriver, parce que celui-ci intègre cette approche
au sein d'une seule instance, plutôt que d'imposer aux enfants et aux familles
la fragmentation des compétences entre deux tribunaux qui ne se parlent pas.
D'ailleurs, dans le cadre des travaux de la commission, les commissaires ont eu
l'occasion de prendre connaissance d'informations colligées par l'équipe de la
recherche concernant les différents modèles de TUF, tant au Canada que dans
d'autres coins de notre planète. Comme vous le savez, même au Canada, il y a
différents modèles de TUF ou modèles simplifiés de justice familiale. Dans
certaines provinces, la plupart des demandes peuvent être présentées soit à la
Cour provinciale, soit à la Cour supérieure. Mais au-delà des nuances, les
tribunaux unifiés sont considérés généralement comme une réussite, tant dans
les provinces canadiennes qu'en Australie ou encore dans certains États
étasuniens.
Alors, pourquoi ce retard du Québec?
Pourquoi ce retard pour les enfants et leurs familles? En toute honnêteté, je
n'ai pas de réponse. Je suis plus dans l'incompréhension. D'autant que ça fait
des décennies qu'on débat plus sérieusement de cette question qui a eu
plusieurs rapports, plusieurs recommandations pour créer un TUF, et ce depuis
les années 70-80. Sans parler du sommet sur la justice de 1992 où il y a
eu un engagement de discuter avec le gouvernement fédéral des problèmes
constitutionnels liés à l'établissement d'un tribunal unifié de la famille.
Plus près de nous, le comité de réflexion et d'orientation sur la justice de
première instance au Québec, qui était composé, on se le rappelle, de
22 juges de la Cour du Québec et de six avocats, et ça, ça date de 2005.
J'ajoute aussi la commission citoyenne sur le droit de la famille, qui a rendu
son rapport final en 2018, et je cite : «Maintes fois exprimée au cours
des dernières décennies, l'idée d'instaurer un tribunal unifié de la famille a
été longuement discutée devant la commission. Tous reconnaissent sans ambages
les avantages que représenterait la création d'une instance judiciaire à
laquelle tous les dossiers familiaux seraient confiés». Fin de citation. Donc,
on ne peut invoquer l'excuse et la méconnaissance pour ne pas avancer enfin
dans la bonne direction au Québec.
En conclusion, plus qu'une structure
judiciaire unique, le Tribunal unifié de la famille doit porter une vision, une
approche participative, collaborative et adaptée où les enfants et leur famille
peuvent avoir conseils, soutien, information pour arriver à la résolution de
leurs différends. Faisons le pari que cela pourrait aussi contribuer à
augmenter la confiance envers le système judiciaire. Mais cette structure,
aussi bien planifiée soit-elle, avec les meilleures intentions possibles, doit,
pour atteindre ces objectifs, pouvoir compter sur le soutien des ressources
financières et humaines nécessaires à l'atteinte de ces objectifs. Le Québec
peut faire mieux qu'être un retardataire chronique. Alors oui, enfin un
tribunal unifié de la famille au Québec pour simplifier la résolution des
litiges qui concernent les enfants et leurs familles. Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
pour 16 minutes, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Bonjour, Mme Laurent. Merci de participer aux travaux de la
commission. Votre présence est grandement appréciée parce que...
12 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...parce
que, lorsque vous avez présidé la commission en lien avec la protection de la
jeunesse, je pense que... bon, vous avez tenu des audiences, vous avez
rencontré beaucoup de gens, il y a cet aspect-là que vous en faisiez une
recommandation, de dire : Bien, vous devez explorer la possibilité de
tenir... de mettre en place un tribunal unifié de la famille.
Mme Laurent (Régine) : Tout à
fait.
M. Jolin-Barrette : Vous avez
donné quelques exemples tout à l'heure, là, mais est-ce que vous avez d'autres
témoignages à nous partager sur l'effet ping-pong entre la Cour supérieure, la
Cour du Québec, les enfants de la DPJ? Comme... Qu'est-ce qui vous a été
raconté? Qu'est-ce que vous avez retenu, supposons, dans le cadre de la
commission à cet effet-là?
Mme Laurent (Régine) : Dans
notre rapport... merci. Je peux répondre?
Le Président (M.
Bachand) :...
Mme Laurent (Régine) : Ça va.
Dans notre rapport, vous allez... les notes de bas de page, on a beaucoup de témoignages
dans ce sens-là, qui nous disaient : Bien, écoutez... qui nous mettaient
en lumière les incohérences ou le parcours du combattant, ça, ce sont mes mots,
pour les enfants et leurs familles. Et c'est ce qu'on a essayé de résumer dans
le rapport en parlant du petit William, cinq ans. Pour nous, c'était à peu près
tout ce qu'on a entendu qu'on a résumé dans le cas du petit William, cinq ans.
Les parents sont séparés, le père a la garde et il a une nouvelle conjointe et
la pension alimentaire, aussi, c'est réglé. La DPJ reçoit un signalement comme
quoi le petit William, cinq ans, il serait victime de sévices physiques de la
part du père. Alors, suite... alors tout le processus. La DPJ dit que, bon, c'est...
le signalement, c'est fondé, le père nie cette situation, donc la DPJ n'a pas
le choix que de judiciariser le dossier puisqu'il n'y a pas de collaboration du
père. Donc, on est à la Cour du Québec, centre de la jeunesse. Centre de la
jeunesse dit : On va confier maintenant la garde du petit à la mère — ce
qui n'était pas le cas lors de la séparation à la Cour supérieure. Donc, la
mère est obligée maintenant de retourner à la Cour supérieure pour demander un
changement dans la garde du petit William, qui était auparavant confié au père,
puis la pension alimentaire aussi. Le problème, c'est qu'avec cet exemple-là ça
vous illustre qu'il n'y a personne qui a une vision globale de la famille, de
la dynamique familiale, il n'y a personne qui a une vision globale de ce qui se
passe avec le petit William, cinq ans. Tout... C'est comme si... l'image qu'on
a eue de certains témoins, ils nous disaient : C'est comme si le ping-pong
se fait, mais l'enfant, il est là où... Déjà, c'est difficile pour les parents,
mais, quand on se met à la place de l'enfant, on se dit : Bien, là, le
petit William, il a cinq ans, ça fait qu'il... peut-être qu'il ne comprend pas
tout, mais mettez que William a 13 ans, là, il comprend. Et il se passe
quoi dans sa tête? C'est quoi, les impacts sur lui, sur cet enfant-là? Alors,
pour moi, c'est assez clair, et c'est pour ça qu'on a fortement recommandé au
gouvernement du Québec d'y réfléchir. Et moi, je plaide fortement aujourd'hui
pour que le Québec aille de l'avant. Et, je le dis en tout respect, il faut que
le Québec arrête d'être le retardataire chronique.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Encore sur les enfants, là, que vous avez vus qui ont eu une expérience
judiciaire, là. On a travaillé à faciliter le parcours judiciaire, notamment,
en chambre de la jeunesse, et tout ça, mais les témoignages que vous avez
reçus, là, sur les enfants, eux-mêmes, là, qui se retrouvaient à la cour, que
ce soit pour des dossiers de protection de la jeunesse, parfois, c'est les
jeunes contrevenants qui sont en chambre de la jeunesse aussi, mais aussi sur l'impact
du litige sur leur famille, dans le fond, quand ça se transpose, supposons, à
la Cour supérieure, comment ils se sentent là-dedans, là? Vous l'avez abordé un
peu, le jeune de 13 ans, mais...
Mme Laurent (Régine) : C'est-à-dire
que les jeunes, et on en a eu beaucoup, comme... en fait, on a eu en partie à
huis clos, mais les jeunes adultes qui, en audiences publiques, nous disaient,
à peu près dans les mêmes mots : Je n'avais pas l'impression que quelqu'un
était préoccupé par ce que je vivais. Je n'avais pas l'impression que quelqu'un
était préoccupé par ce que moi, je souhaite. Il y en a qui nous ont dit :
Bien, tu sais, je n'avais pas l'impression que j'avais un avocat. Puis j'ai
parlé de vraiment conseillers, parce qu'ils me disaient : Bien, tout se
passe avec des articles de loi puis il n'y a personne qui m'a expliqué. Et
plusieurs nous ont dit : Quand je suis arrivé de... mettons, en Chambre de
la jeunesse, j'arrive devant le juge, mais il y a... le juge, il ne m'explique
pas ce qui va m'arriver, là, je ne comprends pas. Alors, il faut se rappeler
aussi qu'il y a une partie de ces enfants-là qui ont...
Mme Laurent (Régine) : …des
traumatismes. Ces enfants-là qui malheureusement ont été barouettés de familles
d'accueil, retour à la maison ou pas, et qui n'ont… dont la confiance envers
les adultes, dont la confiance envers les institutions, est entachée. Alors,
ils vivent ça, je le mets dans mes mots, comme un autre traumatisme, et qui ne
les amène à avoir confiance au système judiciaire, qui ne les amène pas à
croire aux adultes et que les adultes, qui sont les représentants devant eux,
vont prendre soin d'eux. C'est ça, les impacts.
M. Jolin-Barrette : À la
commission, là, à quel point les dossiers familiaux sont liés aux dossiers de
protection de la jeunesse? Dans le fond, à quel point l'environnement familial
a un impact sur les dossiers de protection de la jeunesse que vous avez vus?
• (12 h 40) •
Mme Laurent (Régine) : Je
peux vous citer, à l'époque de l'écriture de notre rapport, donc on… c'est les
statistiques de 2020, mars 2020, 70 % des enfants qui ont un suivi actif
en protection de la jeunesse, leur dossier est judiciarisé. Alors, c'est
énorme. Et, si je me rappelle bien, c'est… ça représente… ça représentait à l'époque
près de 20 000 enfants, 19 500. Donc, à chaque fois que
j'entends, 70 % des enfants avec un dossier actif en DPJ, c'est
judiciarisé, c'est un jugement du tribunal, 19 500, ce n'est pas
19 500 familles, mais c'est quand même des milliers de familles qui
aussi sont touchées, parce que leur enfant, c'est… ça vient d'un jugement d'un
tribunal.
Alors, pour moi, c'est quand même assez
important et il faut trouver… c'est peut-être une autre façon de le dire, qu'il
faut trouver une façon où il va voir la personne… les familles ou les enfants
vont être accompagnés par les mêmes personnes pour régler leurs différends,
pour être capable de mieux passer au travers. Parce qu'une des choses… quand
vous me posiez la question, tout à l'heure, M. le ministre, que les jeunes nous
ont dit : Moi, les chicanes entre mes parents, là, une fois, c'était
assez, mais, s'il faut l'entendre trois fois, il faut que j'aille trois fois
témoigner, c'est l'enfer pour les enfants.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous l'avez un
peu abordé dans votre dernière réponse, là, l'impact de l'importance que ce
soient les mêmes intervenants. Dans le projet de loi n° 56, le dernier,
sur l'union parentale, on a mis un incitatif que… les juges en chef, de
favoriser le fait que ce soit le même juge qui suivent une famille. Là, on se
retrouve dans des instances souvent différentes, supposons, litige familial est
dans une autre instance, DPJ, il est dans la Cour du Québec, le fait qu'on ait
un juge pour traiter l'ensemble du dossier familial, là, ça, pour vous, c'est
une composante gagnante d'un tribunal unifié?
Mme Laurent (Régine) : Gagnante,
vraiment, parce que ce qui est recherché… puis je pars toujours avec ma vision
de l'intérêt de l'enfant, d'avoir un juge qui a cette vision globale. Et je me
permettrais de dire : C'est tellement important, parce qu'on en a eu, des…
en audiences publiques, des gens qui nous ont dit : Bien, la… le juge
n'avait même pas tout le dossier au moment où il a pris une décision. Je ne
fais pas de reproches aux juges. Les juges prennent une décision avec… à partir
de l'information qu'ils ont. Mais s'il n'y a pas l'autre, à côté… et c'est la
même chose en chambre de la jeunesse, si s'il n'y a personne qui dit que…
voici, il y a eu la violence conjugale. Et c'est pour ça, dans notre rapport,
on a ajouté la violence conjugale comme motif de signalement. S'il n'y a
personne qui dit ça au juge de la chambre de la jeunesse, il ne sait pas. Donc,
c'est pour ça que c'est important d'avoir cette vision globale.
M. Jolin-Barrette : Mais vous
avez raison, parce que ça nous a été soulevé, notamment, par la Cour supérieure
lorsqu'on a fait le projet de loi n° 56, puis on l'a prévu. Les juges de
la Cour supérieure n'avaient pas accès aux dossiers de la DPJ s'ils n'étaient
pas allégués par une des parties.
Mme Laurent (Régine) : C'est
ça.
M. Jolin-Barrette : Alors, on
était vraiment dans les silos, là. Alors, c'est ça qu'on veut régler. Alors,
écoutez, un grand merci pour votre présence en commission parlementaire. Je
vais céder la parole à mes collègues.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Vanier-Les Rivières,
s'il vous plaît.
M. Asselin : Merci beaucoup,
M. le Président. Mme Laurent, merci beaucoup pour votre témoignage. Et puis,
avec votre parcours à la commission spéciale, on est encore chanceux de pouvoir
bénéficier de votre regard. Vous parlez un peu… bien, vous avez parlé beaucoup
du… de votre préjugé favorable. Je suis un peu curieux quand même de connaître…
malgré que vous ne voulez pas pointer de coupable, on n'a pas de rigueur
là-dessus, mais...
M. Asselin : ...si vous aviez
à risquer une hypothèse de pourquoi ça fait 50 ans qu'on demande, on
cherche à le faire puis qu'on ne l'a pas fait, si vous aviez à risquer un
point, là, vous diriez quoi?
Mme Laurent (Régine) : Je
dirais que... la résistance au changement et parce qu'il faut être conscient
que ce serait un changement, mais moi, je le vois, pour les enfants et leurs
familles, un changement positif. Mais c'est sûr que quand quelqu'un a pratiqué
pendant 20 ans, 25 ans de la même façon, puis on lui dit : Oups,
peut-être l'année prochaine, on change, je comprends cette résistance au changement.
C'était peut-être acceptable, mais là, ça ne l'est plus.
M. Asselin : La résistance du
changement comparé à la résistance chronique. J'aime bien votre thème. On va
espérer qu'effectivement on y passe.
Mme Laurent (Régine) : Bien,
M. le député, je vous le dis, qu'est-ce que vous diriez, vous, les
parlementaires, qu'est-ce que vous dites aux enfants et aux familles
aujourd'hui, en 2025? Est-ce que vous avez... puis moi, je suis quelqu'un qui
écoute, est-ce que vous avez un argument valable collectivement pour dire aux
enfants et aux familles en 2025 : On ne le fera peut-être pas? Moi, si
vous avez un argument, moi, je suis prête à l'entendre. Mais je vous le dis,
nous, on n'en a pas trouvé.
M. Asselin : Merci beaucoup.
J'ai été directeur d'école avant d'être député, et j'ai toujours été intrigué
pourquoi... j'étais dans les pensionnats, et puis l'État payait des frais de
scolarité à mes pensionnaires plutôt que de se retrouver en protection de la
jeunesse. Il y a peut-être une hypothèse intéressante dans ce que vous dites,
la résistance au changement. Merci beaucoup.
Mme Laurent (Régine) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
l'Acadie, pour 12 minutes, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Mme Laurent, merci beaucoup d'être là. On est privilégiés de
vous avoir. J'ai lu le document que vous avez déposé à la commission. Vous en
avez parlé quand vous avez exposé votre point de vue, entre autres avec le rôle
que la DPJ a joué, et je réfère, entre autres, à la page 3 de votre
document, un travailleur social qui aurait même changé des droits d'accès alors
qu'il avait un jugement de la cour. Vous ne trouvez pas ça alarmant? Moi, quand
j'ai lu ça, là, je me disais : Bien, voyons donc, on vit quand même dans un
État de droit, il y a des juges qui rendent des décisions, que ce soit la Cour
du Québec ou la Cour supérieure. Puis là, bien, on se permet... il y a une
entité gouvernementale qui se permet de faire des réalignements, réajustements
sans visiblement bien les expliquer aux parents puis à l'enfant. En tout cas,
moi, c'est ce que je comprends de ce que vous avez écrit. Êtes-vous d'accord
avec moi?
Mme Laurent (Régine) : Je
suis d'accord avec vous, M. le député, c'est scandaleux, mais c'est ce qui
arrive, parce que vous voyez que la... je pense que c'était l'exemple d'une
mère dans ce témoignage-là, la mère a un jugement de la Cour supérieure qui
dit : Voici les moments de garde, voici comment ça doit se passer, mais
parce que l'autre parent a fait un signalement à la DPJ, évaluation, puis ça a
été retenu, donc il y a une organisation des droits de visite qui... la DPJ
décide, elle, qu'elle ne va pas tenir compte de ce qui a été légalement rendu
par la Cour supérieure. Mettez-vous à la place de ce parent-là, il s'en va où
avec ça? Et la crainte des parents, et pas juste là-dessus, c'est que s'ils ne
suivent pas les indications de la DPJ et l'orientation, bien, la peur, c'est
d'être accusé puis de se faire enlever leur enfant, puis de perdre des droits.
C'est ça, le problème aussi. Alors, des témoignages qui sont venus nous
dire : La DPJ gère toute, la DPJ est au-dessus de tout, ça, c'est la
perception, d'une part, mais il y a des gens qui l'ont vécu comme ça, quand on
met en opposition et qu'on ne tient pas compte de ce qui s'est dit à la Cour
supérieure, du jugement de la Cour supérieure, pardon.
M. Morin : Oui, puis je vous
écoute, puis je lisais votre document avec attention. Pour plusieurs personnes,
ce n'est pas uniquement une perception, c'est devenu une réalité...
Mme Laurent (Régine) : Tout à
fait.
M. Morin : ...et ils l'ont
vécu.
Mme Laurent (Régine) : Oui.
M. Morin : Puis on parle des
parents, mais je pense aussi à l'enfant là-dedans, parce que, là, lui, l'enfant,
il ne va pas comprendre.
Mme Laurent (Régine) : Vous
avez raison, M. le député. L'enfant, non seulement il ne comprend pas, mais
dites-vous toujours qu'un enfant, quand il se passe quelque chose entre papa et
maman, le premier qui se sent coupable, c'est l'enfant...
Mme Laurent (Régine) : ...parce
qu'il ne comprend pas et/ou parce qu'il y a eu... il a entendu des bribes de
conversations et il retourne ça contre lui en se disant je suis responsable. Il
n'est responsable de rien, l'enfant, mais c'est comme ça qu'il le vit. Alors,
vous voyez comment est-ce que ça a un impact négatif, qu'il faut ensuite
défaire ce nœud-là pour dire à l'enfant et l'accompagner qu'il n'est pas
responsable. Ça se passe entre papa et maman, qu'ils vont toujours continuer de
t'aimer, etc. C'est... c'est une couche de plus sur les épaules de l'enfant
qu'il ne devrait pas avoir à porter.
M. Morin : Je vous comprends
et je vous remercie. Maintenant, vous avez... vous avez expliqué, un peu plus
tôt, que ces situations-là se présentent avec les DPJ quand il y a des
signalements évidemment. Et là, si je comprends bien le projet de loi, les
signalements dans la Loi sur la protection de la jeunesse aux articles 38
et suivants, mais cette compétence-là va demeurer à la Cour du Québec, mais à
la Chambre de la jeunesse, pas nécessairement au Tribunal unifié de la famille.
Je comprends qu'on parle de la même cour, mais... mais en quoi le projet de loi
va nous aider pour régler ce genre de problème là? Puis... puis, comprenez-moi
bien, la situation que vous décrivez, moi, elle m'interpelle énormément, puis
comme législateur, je voudrais être capable de le corriger. Mais quand je
regarde le projet de loi, ça ne semble pas répondre à ce questionnement-là du
tout.
Mme Laurent (Régine) : Je ne
pensais pas avoir cet effet-là. L'objectif... l'objectif poursuivi, puis moi,
je ne suis pas légiste, je laisse ça à votre jugement. L'important, c'est...
c'est quelqu'un qui va avoir un regard le plus large possible, qui va être dans
la collaboration, qui va être dans... ou la médiation, mais ça prend une cour,
une instance qui va avoir un regard le plus large possible sur la dynamique
familiale et sur les enfants. Et s'il y a des ajustements, moi, je plaide en ce
sens-là, mais je vous fais confiance pour les ajustements selon les articles de
loi. Mais ça, ça, c'est... se complète et ça respecte l'esprit des commissaires
lors de la Commission spéciale sur les droits des enfants et protection de la
jeunesse, c'était d'avoir quelqu'un qui a ce regard le plus large possible
parce convaincu qu'il y aura de meilleures décisions dans l'intérêt de
l'enfant. Et je n'en ai pas parlé, mais je... j'en profite pour dire :
Arriver à cette personne qui aura la vision la plus large possible dans l'intérêt
de l'enfant, ça va aussi soutenir le Commissaire au bien-être et aux droits des
enfants à remplir son mandat.
M. Morin : Qui était... qui
était une recommandation phare de votre...
Mme Laurent (Régine) : Tout à
fait.
M. Morin : De votre rapport.
Mme Laurent (Régine) : Oui.
D'ailleurs, merci, que vous avez adopté.
M. Morin : Oui, on a
travaillé... on a travaillé très fort pour...
Mme Laurent (Régine) : Oui.
M. Morin : ...pour rappeler
au gouvernement que, votre rapport, c'était fondamental et qu'il fallait
adopter certaines des recommandations. Effectivement, vous avez raison.
Il y a aussi beaucoup de délais dans le
processus judiciaire, on les déplore. Avant... avant qu'on ait la chance
d'échanger aujourd'hui, je relisais des parties de votre mémoire, entre autres
au chapitre 6, quand vous parliez de développer une intervention
judiciaire collaborative à la page 227. Vous avez déploré, et je déplore
aussi que le ministère de la Justice du Québec n'était pas capable de
documenter ou d'expliquer les délais, notamment en matière de DPJ. C'est un
enjeu. Votre mémoire... votre rapport date, bon, de quelques années déjà, on
espère que ça s'est amélioré, mais pour moi, ça reste... ça reste une
préoccupation.
• (12 h 50) •
Les.... le groupe qui vous a précédé,
l'Association des notaires, parlait aussi qu'avec le projet de loi on ne touche
pas aux couples qui sont en union de fait. Il y en a un grand nombre au Québec,
et ça, ce n'est pas du mariage, ce n'est pas du divorce, ce n'est pas de la
compétence de la Cour supérieure ou du fédéral. Avez-vous une recommandation à
faire à M. le ministre à cet effet-là? Parce qu'il me semble que son... son
projet de loi est très ciblé, touche... en fait même va toucher des situations
qui ne sont même pas en vigueur, elles vont le devenir au mois de juin, puis
après ça, bien, des enfants vont aller plus tard, là. Mais avez-vous une
recommandation là-dessus?
Mme Laurent (Régine) : Plus
un questionnement, M. le député, c'est-à-dire que pour moi, c'est un souhait
aussi, plus un souhait, c'est que tout ce monde-là soit sur...
Mme Laurent (Régine) : ...partie
du Tribunal unifié de la famille, qu'ils soient tous de cette compétence-là.
Alors, je ne sais pas s'il y a des... des raisons légales ou de concordance de
lois, mais si vous me demandez ce que moi, j'en pense, il faudrait que tout ce
monde-là soit inclus.
M. Morin : Puis, idéalement,
on devrait inclure aussi toute la question du mariage puis du divorce.
Mme Laurent (Régine) : Bien,
c'est que, là, je suis plus prudente parce que ce n'est pas pour rien qu'on n'a
pas été capables d'en faire une recommandation formelle. Par exemple, si on
prend d'autres provinces, prenons l'Ontario, alors l'Ontario a tout envoyé à la
Cour supérieure. Donc, cette cour de proximité, comme nous avons au Québec,
elle n'existe plus. Ça fait que je ne suis pas sûre qu'on serait tous
collectivement gagnants de ne plus avoir cette cour de proximité. Alors, c'est
pour ça que je suis très prudente dans ma réponse à ce niveau-là.
M. Morin : Très bien. Je vous
remercie. Le projet de loi accorde une importance particulière à toute la
question de la médiation, voire la médiation obligatoire, sauf dans certaines
circonstances.
Mme Laurent (Régine) : Oui.
M. Morin : Entre autres, de
violence, de violence conjugale, de violence physique, d'agression sexuelle.
Mais ça prendrait combien de temps, d'après vous, ou combien il faut de temps
pour qu'un médiateur soit véritablement capable de régler un dossier avant de
l'envoyer pour un jugement final au juge? Puis est-ce que le gouvernement ne
devrait pas payer l'ensemble de ces frais-là de médiation, puisqu'il le rend
obligatoire dans son projet de loi? Présentement, ma compréhension de la
politique, je peux faire erreur, c'est que le ministère paie une partie, un
certain nombre d'heures, cinq heures, je crois, mais là je peux me tromper,
cinq heures pour régler un dossier avec des enfants, ça ne m'apparaît pas très
long. Alors, après ça, les gens sont obligés de payer. Est-ce qu'on ne pourrait
pas faire mieux?
Mme Laurent (Régine) : Mais,
écoutez, je n'ai pas les statistiques sur ce que ça donne après le cinq heures
présentement. Alors, si ça donne de bons résultats ou non, ça, je ne suis
pas... je ne suis pas en mesure de vous répondre. Sur la médiation obligatoire,
moi, je vous dirais que je suis assez d'accord. Pourquoi? Parce que, par
exemple, en jeunesse, il y a possibilité de médiation, c'est même fortement
recommandé. Mais quand on a fait nos travaux, bien, c'est peu utilisé, parce
que tous les dossiers trop... sont rapidement judiciarisés. Alors, pour moi, il
faut envoyer un signal fort et par cette obligation-là que tout le monde, on va
passer par la médiation pour être capables de moins judiciariser de moins en
moins de dossiers quand on... en jeunesse. Donc, cette obligation-là, moi ça ne
me... ça ne me dérange pas vraiment. Et pour ce qui est des... des coûts, moi,
je... je... S'il y a des... Comme je vous le disais, j'ai n'ai pas de
statistiques pour me dire : Est-ce que cinq heures, c'est suffisant?
Il y a certains dossiers, quand les deux
parents collaborent, collaborent et ils veulent s'entendre, généralement, ça va
plus vite, vous savez comme moi. Et quand ça bloque bien, des fois, on n'a pas
le choix, faut passer à l'étape de le judiciariser. Mais, dans la mesure où on
est capables de mettre de l'avant beaucoup, beaucoup la médiation, je pense que
la perception que ça envoie, ça enverrait aux parents, c'est qu'on est là pour
penser à votre enfant, c'est quoi les impacts. Donc moi, je pense que, ça, ça
serait un bon message.
M. Morin : Parfait. Merci
beaucoup, Mme Laurent. Merci, M. le Président.
Mme Laurent (Régine) : Je
vous en prie.
Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le député de l'Acadie. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
pour 4 minutes, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme Laurent. Merci de votre présentation fort instructive puis,
justement, nos travaux commencent, là, ce matin avec ça. Et là, je lisais votre
intervention puis ce que vous nous avez dit, puis je relisais les autres
mémoires ou d'autres mémoires actuellement puis là je vais vous inviter à nous
éclairer un petit peu, parce qu'il semble avoir deux approches, disons.
Mme Laurent (Régine) : O.K.
M. Cliche-Rivard : Je vais
relire Me Costanzo qui nous dit : «La création d'une nouvelle chambre à la
Cour du Québec constitue une fracture encore plus grande des matières
familiales entre deux juridictions. En instaurant une nouvelle structure sans
fusionner ou modifier les autres déjà existantes, il apparaît ironique de
nommer cette structure le Tribunal unifié, puisqu'elle morcelle davantage le
système judiciaire.» C'est ce qu'elle nous écrit.
Elle nous écrit aussi : «Ainsi, la
structure proposée unifie... n'unifie, pas les procédures qui concernent les
familles. Au contraire, elle morcelle davantage les systèmes judiciaires en
retirant de la Cour supérieure, les litiges relatifs aux unions civiles et aux
unions parentales et aux conventions de grossesse pour autrui.» Et elle nous
fait un tableau dans lequel elle énonce les juridictions de cinq chambres ou
lieux. Elle nous fait la juridiction de la Chambre de la famille, de la Chambre
criminelle et pénale de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec,
de la Chambre de la jeunesse, de la Cour du Québec, puis du Tribunal unifié
finalement de la famille à la Cour du Québec. Donc, aidez-nous peut-être à...
M. Cliche-Rivard : ...démêler
votre intervention, que je trouve tout à fait juste et à propos, de la lecture
que j'ai de Me Costanzo.
Mme Laurent (Régine) : Écoutez,
je n'ai pas lu son document, alors il aurait fallu y réfléchir un peu plus. Je
vais peut-être plus y aller sur ma compréhension et ce que nous souhaitions à
la commission. C'est à dire que tout ce qui est... tout ce qui est... qui
concerne l'enfant, qui concerne... à part le divorce, que je comprends, là, du
monde dûment marié, que je comprends que, constitutionnellement, ça doit rester
à la Cour supérieure, pas le choix, même si on comprend... puis j'ai donné
l'exemple de l'Ontario tantôt, mais je ne pense pas que ce soit ce qu'on
souhaite au Québec. Mais tout le reste, à mon avis, devrait être capable d'être
géré par un... parce que l'idée... puis je vous le dis, peut- être qu'il y a
des nuances légales que je ne vois pas, mais l'idée de cette globalité est
qu'il y ait une personne, un juge, une autorité qui a un regard le plus large
possible sur la dynamique familiale, c'est ce qu'on souhaite et je continue de
plaider ça.
• (13 heures) •
M. Cliche-Rivard : Donc, vous
dites... puis le ministre en parlait, puis c'est un élément qu'on va peut-être
avoir à discuter, si ça peut se faire par étapes également, là, on met en place
un tribunal qui rapatrie ou obtient quelques éléments, puis là on se revoit
dans trois ans puis on en fait un autre paquet, est-ce que vous voyez... ça se
peut, ça, comme lecture?
Mme Laurent (Régine) : Écoutez,
de toute façon, si le Québec... et moi, je ne dis même pas «si», quand le
Québec va arriver à un tribunal unifié de la famille, il devra, de toute façon,
y avoir une période de transition. Je ne sais pas si c'est à ça que vous faites
référence, il devra y avoir une période de transition, puis on va dire,
mettons, au 1ᵉʳ mai de telle année, bien, voici comment dorénavant les
dossiers vont être gérés et qui aura... ça va être à quelle juridiction ou à
l'autre que ça va se faire. À mon avis, il y aura une période de transition,
et, j'insiste aussi, une période d'information très importante pour les
familles et leurs enfants.
M. Cliche-Rivard : En
terminant, on a peu de temps, mais sur la médiation obligatoire, il y a des
groupes de femmes qui nous disent que ça va les forcer possiblement à dénoncer
des choses qu'elles n'avaient peut-être pas l'intention de dénoncer. Est-ce que
ça vous inquiète, ça?
Mme Laurent (Régine) : Bien,
écoutez, je n'ai pas... il aurait fallu... il faudrait que ces groupes-là,
j'entende leurs objections, mais je vous dirais que c'est tellement peu utilisé
en jeunesse que j'ai envie d'aller du côté obligatoire dans ce cadre-là.
M. Cliche-Rivard : Je
comprends. Merci beaucoup.
Mme Laurent (Régine) : Je
vous en prie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce,
Mme Laurent, merci beaucoup d'avoir participé à la commission, c'est très
apprécié.
Mme Laurent (Régine) : Merci
à vous. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Et, compte tenu de l'heure, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 13 h 01)
14 h (version non révisée)
(Reprise à 14 h 04)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir Me
Suzanne Zaccour, chercheuse et directrice des affaires juridiques à l'Association
nationale Femmes et Droit. Merci beaucoup, maître, d'être avec nous. Comme vous
connaissez les règles, 10 minutes de présentation, après, on aura un échange
avec les membres de la commission. Alors, bienvenue encore une fois, et je vous
cède la parole.
Mme Zaccour (Suzanne) : Merci,
M. le Président. Bonjour à tous et à toutes. Un immense merci de me recevoir à
nouveau, c'est toujours un plaisir et un honneur d'être invitée dans cette
commission et, à force d'être invitée, de constater aussi que le droit de la
famille, qui est... qui a longtemps été délaissé, comme domaine, continue d'être
une priorité pour ce gouvernement. Donc, navrée de ne pas pouvoir être des
vôtres en personne, mais très heureuse d'être ici.
Mon nom est Suzanne Zaccour, je suis,
effectivement, docteure et chercheuse en droit de la famille, et la directrice
des affaires juridiques de l'Association nationale Femmes et Droit. Nous sommes
un organisme qui œuvre à la réforme féministe du droit, donc aider la branche
législative à améliorer des projets de loi qui touchent les femmes, c'est
vraiment au cœur de notre mission.
Et ici, bien sûr, on a bien... on a,
évidemment, un projet de loi qui touche les femmes, et, comme souvent, en droit
de la famille, ce sont les victimes de violence conjugale qui vont être
particulièrement affectées. À mon sens, puisque ce sont ces victimes de
violence conjugale et leurs enfants qui sont, en quelque sorte, les
justiciables les plus vulnérables, et qui rencontrent le plus d'obstacles à
faire valoir leurs droits, eh bien, c'est au regard de leur réalité qu'il faut
évaluer tout projet de loi, y compris celui-ci. J'aimerais donc vous inviter à
repenser, réfléchir peut-être autrement le choix de rejoindre l'Alberta et la
Saskatchewan en rendant la médiation familiale obligatoire au Québec, à moins
de dénoncer la violence.
De façon générale, en droit de la famille,
je vous soumettrais trois règles assez simples qui peuvent nous guider pour
protéger les femmes et les enfants victimes de violence. Premièrement, ce
serait minimiser les étapes. Donc, plus on ajoute d'étapes, comme une
médiation, qui doit échouer avant qu'on puisse avoir accès au tribunal, plus on
ajoute d'occasions, pour le conjoint violent, de tourmenter sa conjointe, et
plus on augmente le risque que la femme va abandonner tous ses droits juste
pour en finir, et négocier un semblant de paix, ce qui, en passant, serait
considéré comme une médiation réussie.
Deuxièmement, une règle générale serait de
douter des accords. Lorsqu'il y a violence, intimidation, déséquilibre de
pouvoirs, on se dit généralement que l'accord entre deux parties n'est
peut-être pas tout à fait juste. La médiation risque de systématiquement
désavantager les femmes, qui feront des concessions pour acheter la paix et la
sécurité des enfants.
Et, troisièmement, un point important, c'est
celui de ne pas punir les soi-disant fausses dénonciations. C'est quelque chose
qui est assez acquis, là, dans votre droit. Imaginez, si on se mettait à
criminaliser toutes les femmes qui dénoncent à la police, mais ne sont pas
crues, ce serait la fin des dénonciations de violence conjugale au Canada.
Donc, évidemment, on n'a pas choisi cette voie, et c'est parce qu'une
dénonciation elle peut être jugée fausse, même si la violence a, effectivement,
eu lieu. Donc, lorsqu'une dénonciation de violence n'est pas démontrée, il vaut
mieux, tout simplement, ne pas en tenir compte, plutôt que de chercher à la
punir.
C'est vrai que, dans certains contextes,
les hommes violents font parfois des fausses dénonciations à l'endroit de leur
conjointe, et on peut avoir envie de les dissuader, voire de les punir. Mais je
pense qu'il faut réfléchir c'est quoi l'objectif ici. Est-ce qu'on cherche à
dissuader les hommes violents de demander une exemption de la médiation? Même si
ça marche, ça voudrait dire qu'on aurait plus de médiations en situation de
violence, alors qu'on devrait viser l'inverse, ce qui est d'ailleurs reconnu
par le projet de loi, qui prévoit cette exemption de violence conjugale. Donc,
je vous soumets qu'il vaut mieux continuer à gérer les hommes violents avec nos
nouvelles dispositions sur la violence judiciaire et d'autres mesures
existantes.
Mais, de toute façon, quelle que soit l'intention,
ou qui on s'imagine comme faisant des fausses dénonciations, ce sont surtout
les femmes qui vont pâtir d'une politique punitive, parce qu'elles font plus de
dénonciations, sont davantage victimes de stéréotypes. Et, en plus, sans entrer
dans...
Mme Zaccour (Suzanne) : ...elle
détaille les impacts du traumatisme de la violence conjugale rendent souvent
les victimes moins crédibles aux yeux des tribunaux. Donc, le risque que je
vous soumets, c'est un risque assez grave, parce que ce n'est pas seulement de
punir certaines victimes en croyant à tort qu'elles ont menti, c'est aussi de
dissuader les dénonciations dans leur ensemble, parce que, désormais, le risque
associé au fait de dénoncer aura augmenté considérablement.
Je pense que vous savez sans doute que
très peu de femmes font des fausses dénonciations de violence, mais tous les
hommes violents disent que la dénonciation qui les vise est fausse. Donc, une
politique de punition irait, à notre avis, à l'encontre du progrès qui a été
fait dans les dernières années pour, au contraire, encourager les dénonciations
de violences conjugales.
Je précise aussi que la médiation
obligatoire bénéficie aux hommes violents parce qu'il y a deux cas de figure.
Ils pourront soit obtenir ce qu'ils veulent en médiation, super, soit retarder
la séparation, encore mieux. Et si la femme refuse, donc demande une exemption,
ce projet de loi donne au conjoint violent une arme pour exiger une
compensation et rajouter encore un différend à traiter devant le tribunal.
Donc, le résultat, ça va être de, à notre avis, pousser des victimes à accepter
cette médiation désavantageuse par peur de représailles.
Je veux être claire que même si vous
retiriez les mesures punitives, et j'espère que vous considérez de le faire, la
médiation obligatoire par défaut resterait problématique, parce qu'aujourd'hui
une femme qui ne veut pas participer à la médiation, elle peut simplement la
refuser. Et avec ce projet de loi, elle sera forcée, pour refuser la médiation,
de révéler avoir été victime de violence conjugale. Mais pensez à toutes ces
victimes qui n'auront pas recours à cette exemption, soit parce qu'elles sont
mal informées, qu'elles n'ont pas encore mis les mots «violence conjugale» sur
leur expérience ou tout simplement qu'elles ne veulent pas dénoncer à cette
étape zéro du processus.
• (14 h 10) •
Anciennement, on avait ce concept de
dénonciation tardive. Maintenant, on utilise moins cette expression parce qu'on
a compris comme société que c'est irréaliste de penser que la première chose
qu'une victime va faire, c'est dénoncer. Ça peut prendre des mois ou des années
avant qu'une victime se confie même à ses proches. Ah, bon, je vous laisse
imaginer une inconnue qui lui sert d'avocate. Et même si la victime est prête à
dénoncer, ce n'est pas toujours l'option la plus sécuritaire. Donc, pour éviter
des représages... des représailles, une victime peut préférer taire la
violence, surtout si la question de la garde est réglée et qu'il ne reste qu'à
déterminer des questions financières. Donc, pour donner un exemple, avant
l'adoption de ce projet de loi, une victime au Québec n'a pas besoin de
dénoncer la violence conjugale pour obtenir une pension alimentaire. Ce n'est
pas une mauvaise chose. C'est sûr qu'on veut encourager les dénonciations, mais
peut-être que cette victime sait bien que le moment où elle dit «violence
conjugale», c'est le moment où tout s'envenime : son ex va l'accuser
d'aliénation parentale, va réclamer la garde, va dire que c'est elle qui est
violente, va se battre sur tous les points. Donc, à mon sens, cette obligation
de médiation, elle aura l'effet pervers de complexifier des différends plutôt
que de les régler. Et malheureusement c'est la victime qui va en payer le prix
dans ce scénario.
Je vous invite à laisser les adultes juger
de si oui ou non la médiation peut les aider. Si la médiation, elle est plus
rapide, plus accessible, subventionnée, il y a déjà plein d'incitatifs, et les
gens qui peuvent en bénéficier le feront, et c'est tant mieux. Mais les
victimes de violences conjugales, elles ne devraient pas avoir à payer leur
accès aux tribunaux avec forcément l'un de ces deux coûts, soit accepter une
médiation qui va les désavantager et les exposer à plus de violence, soit être
forcées de dénoncer la violence avec pour conséquence que son ex va le lui
faire payer et peut-être même le tribunal aussi. Je précise aussi
qu'honnêtement pour une femme victime de violences, si le droit permet à son ex
de refuser la médiation, c'est un peu le dernier de ses soucis, parce que, de
toute façon, on ne peut pas forcer des gens à s'entendre. Donc, moi, si je me
mets à la place d'une personne qui se sépare, mais si l'autre partie a déjà
décidé qu'elle veut un procès, j'aime autant le savoir tout de suite plutôt que
d'aller... de faire toutes ces étapes de médiation pour qu'à la fin la personne
refuse tout simplement de signer et qu'on reparte à la case zéro. En ce sens,
l'objectif de désengorger les tribunaux, il est louable, mais pas au prix de la
sécurité des femmes. C'est sûr qu'on aimerait tous et toutes que les
séparations se règlent facilement à l'amiable, sans longs procès, mais
malheureusement ce n'est pas toujours réaliste. Les femmes quittent les hommes
violents, pas pour que le...
Mme Zaccour (Suzanne) : ...vienne
après leur dire qu'elles doivent continuer à s'entendre avec, parce que tout le
monde sait que s'entendre avec un homme violent, c'est acquiescer à ses
demandes. J'aimerais... cette citation d'Anasua Sengupta qui est... aussi mon
livre La fabrique du viol, qui est : «Trop de femme dans trop de pays
parlent la même langue : le silence». J'ai un peu repensé à cette citation
en préparant mon intervention d'aujourd'hui. Parce que je sais qu'on a tous et
toutes le même objectif qui est de libérer la parole, on est d'accord
là-dessus, mais forcer n'est pas libérer. Les femmes parlent quand c'est
sécuritaire. Et on prend toutes sortes de mesures pour rendre ça sécuritaire,
mais les forcer à dénoncer au détriment de leur sécurité envoie un signal
confus et contradictoire.
En conclusion, depuis des années au
Québec, on progresse dans les droits des victimes, la liste est longue, et vous
la connaissez bien, on s'est vus à plusieurs de ces occasions. Et, quand je
voyage dans d'autres provinces dans le cadre de nos activités et de notre
projet de recherche en droit de la famille, je me sers de certains de ces
projets de loi récents pour donner le Québec en exemple. Alors, je vous invite,
s'il vous plaît, à protéger ce legs et à vraiment retirer cette idée
d'obligation de médiation pour qu'on puisse continuer à dire que nos
parlementaires font avancer notre droit en se concentrant vraiment sur
l'objectif de protéger les victimes de violence. Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, maître. M. le
ministre, pour 16 min 30 s, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Bonjour, Me Zaccour, un plaisir de vous retrouver.
Comme on dit, vous êtes une habituée de nos travaux, de nos projets de loi en
matière familiale. C'est toujours un plaisir de vous entendre.
Bon. L'objectif du Tribunal unifié de la
famille, c'est un premier pas, c'est de faire en sorte de regrouper le tout
sous le chapeau de la même instance, notamment les dossiers en matière de
protection de la jeunesse, d'union civile, de grossesse pour autrui, l'union
parentale, le nouveau régime qui va venir en place, éventuellement les autres
modalités en matière familiale aussi. Donc, c'est le premier pas qu'on a. Très
certainement, aussi, c'est de faire en sorte de déjudiciariser, d'assurer que
le système de justice soit plus humain, plus efficace ou adapté aussi. Il y a
beaucoup de gens qui se ramassent à la cour qui ne souhaiteraient pas s'y
ramasser aussi. Alors, il y a un espace de dialogue qui doit être présent, puis
c'est pour ça qu'on rend la médiation obligatoire, au bénéfice des familles.
Vous soulevez un excellent point aussi.
Pour les victimes de violence conjugale, sexuelle ou en matière familiale, on
ne veut pas qu'elles soient prises justement dans l'emprise de leur ex-conjoint
puis on ne veut pas qu'elles soient confrontées à leur réalité, puis
d'ailleurs... bien, pas à leur réalité, à leur contrôle, je devrais dire. Puis
c'est pour ça que, dans le dernier projet de loi que j'ai fait avec les
collègues ici présents, autour de la table, dans le 73, on a prévu des modifications
en matière civile d'incorporation, pour notamment l'aide aux témoignages, qui
d'ailleurs sont contestés actuellement, et la Cour d'appel a accepté d'entendre
sur la conditionnalité des dispositions, un procureur général est en train
de... bien, en fait, je vous dirais, de défendre les dispositions législatives
qui ont été adoptées à l'unanimité à l'Assemble nationale, je pense que c'est
important de le rappeler. Et donc on a prévu, dans le cadre du projet de loi
n° 91, le fait de... pour un motif sérieux, notamment la violence
conjugale, la violence sexuelle, la violence familiale, le fait d'alléguer,
puis ce n'est pas une preuve, l'allégation de dire : Bien, moi, je veux
être exempté de cela pour ne pas aller en médiation. Alors, loin de nous l'idée
de forcer les victimes de violence conjugale à aller en médiation, d'où
l'exception. Là, je vous entends, vous nous dites : Écoutez, ça pourrait
amener un dévoilement forcé et de faire en sorte que la victime le dise dès le
départ pour ne pas se retrouver dans cette situation-là.
Sans aller sur ce que vous nous proposez
de retirer complètement l'obligation de médiation obligatoire, parce que moi,
je pense que c'est important de l'avoir pour favoriser les modes alternatifs de
règlement des différends, avez-vous d'autres propositions? Je vous donne un
exemple. Lorsqu'on est en matière d'annulation de loyer pour victime de
violence conjugale, bien là, c'est un procureur qui donne une attestation. Dans
le projet de loi n° 73, c'est un organisme de soutien aux personnes
victimes, comme les CAVAC, supposons, qui permette d'accéder aux témoignages à
distance ou de ne pas croiser l'accusé. Alors, est-ce que vous avez réfléchi
sur des... différentes modalités si on maintient la médiation obligatoire?
Mme Zaccour (Suzanne) : Merci,
M. le ministre. Bien, effectivement, si vous...
Mme Zaccour (Suzanne) : ...c'est
de maintenir la médiation obligatoire. Je pense qu'une priorité ce serait de
refuser ce risque de punir justement les fausses dénonciations. Parce que la première
chose qu'un homme violent fait quand il… quand il y a une allégation de
violence conjugale, c'est de répondre : Elle est fausse, et on est en
train de lui dire : Bien, tu peux aller chercher de l'argent en faisant
ça.
Pour ce qui est des modalités de la
médiation elle-même, c'est-à-dire que la… il y a quand même un assez grand
consensus pour dire que la médiation familiale, ce n'est pas approprié dans les
cas de violence. Et ce n'est pas seulement parce que les médiateurs,
médiatrices ne font pas les bonnes affaires, ne mettent pas les choses en
place. Les hommes violents, ils vont arriver avec une approche : c'est à
prendre ou à laisser. Les hommes violents sont plus susceptibles, par exemple,
de demander la garde complète que les hommes non violents. Donc, ils vont faire
des demandes plus extrêmes. Et les femmes victimes de violence, soit pour avoir
l'air conciliatrice, parce qu'on a ce système juridique qui dit : Il faut
que les familles s'entendent et même si on se sépare, il faut concilier, donc
les femmes, d'après certaines études, sentent pression à être conciliatrice et
vont accepter des ententes qui vont être défavorables.
Il y en a qui disent qu'une entente
défavorable, rapidement, c'est quand même mieux qu'une entente plus favorable,
mais qui prend très longtemps à s'y rendre avec un procès. Donc, ça, ça dépend
un peu de notre perspective, mais donc, c'est… c'est donc… Donc, voilà, je ne
pense pas qu'il y a des modalités, vraiment. C'est sûr qu'il y a des
médiateurs, médiatrices qui le font mieux ou le font moins bien, mais là on est
en train de leur dire, aux médiateurs, médiatrices, les cas de violence sont
exclus. Donc, ce n'est peut-être même pas leur idée qu'il faut absolument
dépister la violence et y répondre. On leur dit : Les cas de gens sont
exclus, mais la… on sait… on ne peut pas faire aucune politique en matière de
violence conjugale sans tenir compte des cas non rapportés, parce que c'est une
réalité un peu existentielle du problème de violence faite aux femmes. Donc,
ces femmes vont s'y… vont s'y retrouver.
• (14 h 20) •
Donc, j'apprécie vraiment l'objectif que…
bien, l'observation que beaucoup de gens qui se ramassent à la cour… qu'ils ne
souhaiteraient pas y être. S'ils ne souhaiteraient pas y être, qu'on leur
dise : Vous pouvez écrire un formulaire et dire : Je demande une
médiation, et les gens qui veulent aller en médiation, ce n'est vraiment pas là
où on s'objecte, c'est vraiment… quand on change les situations par défaut, il
y a toujours des… la relation de pouvoir qui change. Et, en ce moment, on place
la relation de pouvoir du côté du conjoint violent qui veut aller en médiation,
et on rajoute une difficulté comme ça a été vu dans d'autres provinces qui… je
voudrais dire, qui ne sont pas toujours les modèles, là, de… en matière de
violence conjugale. Donc, c'est ça. Donc, c'est... c'est pour ça que ma
recommandation, c'est d'abandonner la médiation obligatoire, de la financer, de
le faciliter, d'informer les gens, mais pas de forcer la main des gens, si
c'est ce qui est choisi, bien, au minimum, au moins, d'enlever ces mesures
punitives.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
reviens au projet de loi n° 73, là. On s'est donné l'obligation d'offrir
de la formation également aux acteurs, là, qui sont susceptibles d'intervenir
avec les gens qui sont victimes de violence sexuelle, violence conjugale. Ça
inclut les médiateurs familiaux. Également pour devenir médiateur familial,
bon, il y a de la formation rattachée à ça.
Lorsque vous dites, là : Il faut
éviter la pénalisation pour une fausse dénonciation, est-ce que votre
commentaire, il est circonscrit sur la question de la violence, supposons,
familiale, conjugale et sexuelle? Je vous donne un exemple, là, parce que ce
qu'on veut éviter de faire, là, c'est que certains acteurs, certaines parties
étirent les procédures, étirent la médiation, qu'ils… qu'ils invoquent de faux
motifs, qu'ils… dites qu'ils ne sont pas disponibles. Un peu, dans le fond, la
question de la violence judiciaire. Mais mon souci, moi, c'est qu'on ne se serve
pas du système de justice pour avoir un impact négatif sur la cellule
familiale.
Puis on le sait que parfois c'est utilisé
comme ça. C'est pour ça qu'on a légiféré justement pour venir nommer la
violence judiciaire. Là, nous, on cherche une façon d'asseoir les parties,
parce que, des fois, quand on s'assoit, là, ça permet… puis là je ne vous parle
pas des cas de violence conjugale, là. Ça permet d'entendre, d'écouter le point
de vue de l'autre partie, puis de diminuer les tensions. Puis les taux de succès
sont quand même très bons en médiation. Alors, est-ce que votre commentaire sur
la pénalisation ou la conséquence, elle est circonscrite aux cas de violence ou
à tous les motifs sérieux?
Mme Zaccour (Suzanne) : C'est
une question intéressante. Je dirais que je proposerais de le faire pour tous
les motifs sérieux, parce que cette question de mauvaise foi peut être amenée,
sinon par la bande, un peu que c'était… c'était basé sur une fausse
dénonciation. C'est sûr que le commentaire vise…
Mme Zaccour (Suzanne) : ...principalement
les cas de violence, mais les cas compliqués en droit de la famille, ce n'est
pas une exception, les cas de violence, c'est les cas qui prennent les
ressources, qui se rendent aux tribunaux. Donc, il ne faudrait pas considérer
ça comme... C'est parce que je pense que c'est quand même une grande proportion
des cas. Je pense qu'il y a beaucoup de risques pour les femmes victimes de
violence, qui sont souvent perçues comme entêtées et non conciliatrices,
qu'elles soient vues comme, justement, mettant des bâtons dans les roues à
cette réconciliation ou médiation. Et dans une étude qui a été faite auprès des
femmes qui ont vécu justement cette médiation, elles sentaient qu'il y avait
déjà beaucoup de pression à accepter la médiation, beaucoup de pression à
acquiescer aux demandes de l'autre partie, sinon elles avaient peur d'être vues
comme déraisonnables. Donc, on peut aller chercher un bon taux de succès en
médiation, mais ça ne veut pas dire qu'on est allé au milieu de ce que les deux
parties voulaient, et, des fois, le milieu de ce que les deux parties
voulaient, ce n'étaient même pas des séances qui dans le meilleur intérêt de
l'enfant.
Donc, ce que... je pense que ce que je
dirais, c'est que les dispositions sur la violence judiciaire sont bonnes. Je
sais qu'elles sont récentes et je sais que, bon, on va peut être... il reste
peut-être à voir comment elles vont être utilisées, mais, pour moi, quelqu'un
qui allonge les procédures pourrait devoir être puni avec ces dispositions
violence judiciaire, mais quelqu'un qui dit dès le début : Je ne veux pas
aller en médiation, en fait, en quelque part n'allonge pas les procédures parce
qu'il ou elle le dit dès le début : Moi, je ne veux pas aller en
médiation, on ne va pas s'entendre pour toutes sortes de raisons. Alors, je ne
sais pas si ça allonge vraiment les procédures plutôt que de dire : O.K.,
j'y vais, j'écoute, je hoche la tête et, à la fin, je ne m'entende pas.
Je pense qu'il faut laisser... On a quand
même ce droit à régler les différends devant les tribunaux. Donc, ce qui me
pose à penser que les dispositions sur la violence judiciaire qui sont... en
fait... si je me souviens bien l'a nommé plutôt abus, seraient pertinentes,
mais que d'avoir déjà ce défaut ou refuser la médiation, c'est suspicieux,
c'est comme déjà de la violence ou déjà un potentiel abus judiciaire alors
qu'on fait juste cogner à la porte du tribunal, je pense que ça serait un
mauvais signal, surtout si on veut créer justement ce tribunal qui a... Pense que
l'objectif, c'est que ce soit plus accessible et non pas seulement la
déjudiciarisation, mais aussi l'accès à des tribunaux où vous avez fait toutes
sortes de choses pour empêcher les stéréotypes et ci et ça. Donc, voilà, donc
ça... Mes propos s'appliquent principalement aux cas de violence, mais je ne
sais pas s'il y a un intérêt à garder pour abusivement refuser la médiation, je
ne sais pas si c'est un concept qu'on veut vraiment adopter.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends. Écoutez, une dernière question avant de céder la parole à mes
collègues. Un des objectifs, c'est, oui, l'accès aux tribunaux, puis tout le
monde a toujours la possibilité de s'adresser aux tribunaux, par contre, ce
qu'on constate, c'est que, dans les cas où la médiation est optionnelle, prenez
le cas... Mme Laurent était avec nous tout à l'heure puis elle
disait : Écoutez, la médiation est disponible en matière jeunesse, ce
n'est pas utilisé. Puis elle nous disait : Ça devrait être obligatoire
aussi. Aux petites créances, on le fait aussi. Les taux de succès sont très
intéressants quand les parties s'assoient et écoutent l'autre partie.
Alors, j'ai une grande préoccupation par
rapport à ce que vous nous dites par rapport aux cas de violence conjugale. On
va réfléchir à tout ça. Je vous remercie beaucoup, Me Zaccour, d'être venue à
nouveau en commission parlementaire, et puis je vais céder la parole à mes
collègues. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme Zaccour. Merci d'être présente pour les travaux.
Tantôt, vous avez mentionné que la médiation obligatoire bénéficie aux hommes
violents, par le fait même rend la femme beaucoup plus conciliante. J'ai bien
compris ce que vous vouliez dire. On a reçu ce matin l'APNQ, il y avait deux
représentants qui étaient là et ils nous ont parlé de la formation obligatoire
aux notaires, bon, pour devenir... bien, en fait, pour être médiateurs. Et puis
M. Bibeau qui était... j'espère que je ne me trompe pas, mais
M. Bibeau, qui était là, nous a même mentionné que, parfois, il a dû se
battre avec ses clients pour exiger des papiers fiscaux ou peu importe, là
pour... même si la personne, peut-être en l'occurrence la femme, disait :
Non, non, non, c'est correct, moi, je ne veux pas, on s'était arrangé avant,
etc. Lui, il insiste. Finalement, le papier sort, puis, après ça, la personne
va prendre sa décision. Vous ne pensez pas que, justement, les médiateurs sont
bien placés pour détecter ce genre de... peut-être la gravité, là? Ils
peuvent... ils sont... il me semble qu'ils sont dans leur formation ou dans
l'expérience de vie, ils sont déjà en plus... pendant les deux premières
années, ils sont assistés aussi par un collègue, là, pour s'assurer...
Mme Schmaltz : ...vous ne
pensez pas qu'ils ont quand même l'expertise pour être capables de détecter un
schéma, là, de violence ou... Ou peut-être qu'ils le savent déjà. Je ne le sais
pas, là, je vous pose la question.
Mme Zaccour (Suzanne) : Merci
pour la question. En quelque part, ce n'est pas juste moi qui ne crois pas que
c'est approprié, c'est même le projet de loi lui-même. Donc, le projet de loi
dit : On peut demander une exemption en cas de violence. Donc, il y a un
peu cette reconnaissance que ce n'est pas approprié en cas de violence. Moi, je
ne suis pas pour interdire la médiation en cas de violence. C'est pour laisser
le choix. Donc, si une femme dit : Moi, je sais que ça va être compliqué,
la médiation, mais ça ne me tente pas plus d'aller devant les tribunaux, je ne
suis pas là pour dire que les médiateurs, médiatrices devraient être interdits
de traiter de ces cas de violence, parce que l'alternative, soyons honnêtes,
n'est pas non plus toute rose. Donc...
Mais il y a quand même un assez grand
consensus que ça soulève des difficultés, et des études auprès des femmes
qui... C'est-à-dire, il y a des limites avec ce qu'on peut faire avec une
formation, et je pense qu'il faudrait entendre les femmes victimes qui ont vécu
un processus de médiation plutôt que les... C'est-à-dire, oui, il faut entendre
tout le monde. Mais les notaires, s'ils échouent à reconnaître une situation de
violence, il y a un peu un problème d'échantillonnage, parce qu'ils ne vont pas
le savoir, et donc par définition elles ne peuvent pas vous parler des cas où
ils échouent à reconnaître une situation de violence, donc...
Mais, comme je le disais, le problème, ce
n'est pas seulement de dire... Parce que ça, ça peut être discuté : Est-ce
que les médiateurs, médiatrices sont capables ou pas capables? C'est ... Même
si, ils et elles font tous tout leur possible, ça ne change pas le fait que
l'impact que les femmes vont être désavantagées par le fait que les hommes
violents ont plus tendance à être inflexibles... à prendre ou à laisser par le
fait que les femmes victimes vivent la pression... raisonnable et juste à
acheter la paix. En fait, peut-être que la médiatrice fait très bien son
travail. Mais la femme, elle sait bien que c'est acheter la paix et donc elle
va dire : Oui, oui, oui, et ce n'est pas nécessairement au bénéfice des
enfants.
• (14 h 30) •
Donc, je pense qu'encore une fois, pour
nuancer le propos, ce n'est pas de dire : Laissez-les pas parler à aucune
victime de violence dans des cas de violence conjugale, mais plus qu'on ne
parte pas déjà avec cette idée que la femme, elle est forcée d'être là. Si elle
demande à ne plus être là, elle peut être pénalisée par les tribunaux et donc
d'être déjà en position d'infériorité. Une alternative si on s'inquiète que les
gens n'utilisent pas la médiation familiale suffisamment, mais c'est ce qu'on a
de la séance d'information obligatoire, pas nécessairement ma préférence, mais
qui serait déjà vraiment moins pire. On sait que tout le monde le sait, et la question,
c'est : Quel est l'avantage à obliger des gens qui ne veulent pas être là
à juste faire passer ces étapes? Et c'est dans ces cas-là qu'il faut savoir si
la médiation fonctionne ou pas.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, pour 12 min 22 s, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Maître Zaccour, bonjour, bon après-midi. Merci. Merci d'être là avec
nous. Le document que vous avez produit, en fait, vous l'avez bien expliqué,
comporte... il y a deux volets, il y a deux recommandations. Vous vous êtes
intéressée beaucoup à la question de la médiation obligatoire puis, après ça,
bien, de la possibilité d'imposer une pénalité pour quelqu'un qui ferait une
fausse... enfin, fausse déclaration ou autrement, ou qui ferait... qui
permettrait ax processus judiciaire de ne pas fonctionner comme il devrait.
Moi, j'aimerais qu'on revienne à la médiation, parce qu'à la fin de votre
exposé, quand la partie gouvernementale vous a posé des questions, vous avez
dit : Bien, il y en a, puis j'ai compris, corrigez-moi si je fais erreur,
que c'était surtout des femmes qui vont vouloir acheter la paix.
Et donc ma compréhension de ce que vous
dites, c'est donc qu'elles vont se ramasser avec... pas nécessairement pas
nécessairement un jugement, mais une entente qui ne va pas les favoriser ou qui
ne sera pas équitable pour elles. Est-ce que c'est aussi votre compréhension
que, dans le projet de loi, au niveau de la médiation, les parties ne sont pas
nécessairement représentées par avocat?
Mme Zaccour (Suzanne) : C'est
sûr que ça fait partie peut-être, peut être du problème, mais c'est un peu la
raison d'être... pas la raison d'être, mais c'est un peu la définition d'une
médiation, c'est qu'on a une personne qui est au milieu. Donc, effectivement,
la femme victime de violence n'a pas quelqu'un qui défend spécifiquement ses
intérêts, et la personne qui est au milieu ne sait peut-être pas qu'il y a une
situation de violence conjugale. Et donc, oui, effectivement, elle peut acheter
la paix. On voit ça très...
14 h 30 (version non révisée)
Mme Zaccour (Suzanne) : ...souvent,
déjà, même sans avoir à pousser les femmes en médiation, que les femmes vont
accepter d'abandonner des demandes pécuniaires en échange d'un arrangement de
garde qui ne met pas les enfants en danger, et, bien, ça, ça mène à des
désavantages systématiques sur la pauvreté des femmes et la pauvreté des
enfants.
M. Morin : D'ailleurs, j'ai
lu votre document, vous avez écrit un article qui traite de cette question-là,
qui, je crois, a été publié dans le Canadian Journal of Family Law. Bon,
ça date de quelques années, mais est-ce que vous avez pu avoir des échantillons
ou des statistiques qui démontrent qu'effectivement, dans des cas comme ça où
il y a une médiation des femmes se trouvent véritablement défavorisées?
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien,
c'est quelque chose qu'on a entendu de nos consultations. On a un projet de
réforme de la Loi sur le divorce, qui nous a amenés à faire des consultations
dans diverses provinces, le Québec, et d'autres, où on entend, justement, la
préoccupation que les femmes victimes de violence se sentent poussées à aller
en médiation déjà et à faire des concessions. Et ce que... ce que j'explique
dans cet article, c'est un peu une philosophie du droit de la famille, c'est-à-dire,
les règles qu'on choisit... s'il y a un couple où il n'y a pas de déséquilibre
de pouvoir, il n'y a pas de violence conjugale, les règles ne sont pas si
importantes, parce que les gens peuvent s'entendre et choisir d'autres règles.
C'est les femmes victimes de violence qui n'ont pas cette capacité de choisir d'autres
règles, de négocier des ententes.
Donc, les règles, par défaut, devraient
être pensées pour les femmes victimes de violence, en plus du... de l'argument
que c'est là où les... l'enjeu est le plus grand. C'est-à-dire que, si le
résultat n'est pas optimal pour un couple sans violence, bien, on n'en meurt
pas, ce n'est pas... On aimerait que tout le monde aient des résultats optimaux,
mais c'est vraiment... dans les situations de violence, ça devrait être... ça
ne peut pas être une arrière-pensée, et je ne pense pas que ce le soit non
plus. C'est vraiment... ça devrait être la situation principale. Les règles,
par défaut, doivent marcher pour les victimes de violence conjugale.
Et si d'autres n'ont pas de violence et
veulent, elles, faire une action supplémentaire, s'inscrire à la médiation, par
exemple, qu'elles le fassent, mais de ne pas faire porter toujours le fardeau
aux femmes victimes de violence de négocier l'exception ou de devoir prouver l'exception,
qui est un peu la logique de notre droit de la famille.
M. Morin : Oui, je comprends.
Donc, au fond... au fond, ce que vous... ce que vous suggérez, si je vous comprends
bien, c'est qu'au Tribunal unifié de la famille qui est proposé par le projet
de loi... c'est que les parties s'adressent au tribunal. Si jamais une des
parties veut aller en médiation, elle peut en faire la demande. Donc, c'est...
en fait, c'est inverser ce qui est écrit dans le projet de loi. Est-ce que je
vous comprends bien?
Mme Zaccour (Suzanne) : C'est...
en fait, ce serait si les deux personnes... bien, une ou l'autre peut faire la
demande, mais la médiation n'irait que si les deux personnes sont d'accord. Et
la raison pourquoi je ne pense pas que c'est nécessaire de forcer la médiation,
c'est... premièrement, c'est... déjà, il y a tellement d'incitatifs. Si ça va
marcher, les gens vont vouloir y aller. Peut-être... Là, j'entends M. le ministre
qui dit que les gens ne s'en servent pas assez. Peut-être qu'ils ne sont pas
assez informés. Ou peut-être qu'ils ont des bonnes raisons. Peut-être que les
cas qui se rendent aux tribunaux, c'est presque juste des cas de violence. Donc,
peut-être que c'est pour ça qu'il n'y en a pas tant que ça qui vont en
médiation versus des cas, peut-être, non familiaux. Mais donc c'est ça, l'idée,
c'est de dire : Si les deux sont d'accord, on va en médiation. C'est là
que la médiation va certainement marcher. Et, de toute façon, c'est déjà... c'est
ça, les incitatifs à aller en médiation sont immenses, parce que c'est moins
long, et ça coûte moins cher.
Mais si on ne veut pas aller en médiation,
bien, est-ce qu'une femme peut avoir un droit d'accès aux tribunaux, qu'elle n'a
pas besoin de payer en révélant la violence conjugale quand on sait que ce n'est
pas toujours sécuritaire de révéler la violence conjugale. Et ce n'est pas
toujours nécessaire. Si, justement, le débat est seulement sur une question
financière, pourquoi est-ce qu'on la force à se mettre à nu devant les
tribunaux, révéler la violence, alors qu'on pourrait simplement dire : O.K.,
on a besoin des tribunaux pour régler cette question, on va avoir un système où
il y aura un juge ou une juge coordinatrice, ça va aller vite, on va... on va
bien... on va donner les ressources aux tribunaux, dont ils ont besoin, et il y
aura une décision faite par un juge ou une juge? Je ne dis pas que la décision
sera toujours parfaite. Bien sûr, j'ai aussi mes réserves face au système
judiciaire. Mais peut-être que la femme victime de violence est la mieux placée
pour savoir laquelle de ces deux avenues est la plus sécuritaire pour elle à ce
moment-là.
M. Morin : Je vous remercie.
Dans l'état actuel du projet de loi, donc, le gouvernement a retenu la
médiation obligatoire. D'après vous, est-ce que les médiateurs sont
suffisamment formés pour être en mesure d'identifier des personnes, surtout des
femmes, qui souffrent ou qui sont victimes de contrôle coercitif? Parce que ma
compréhension, c'est que c'est quand même... c'est quelque chose qui est très
insidieux. C'est... c'est très subtil, mais c'est une forme, définitivement, de
violence à l'égard des femmes...
Mme Zaccour (Suzanne) : ...Oui.
Je ne pense pas que ça va être... Bien, de toute façon, c'est sûr que ça ne
sera pas toujours reconnu. On ne peut pas, comme... En tout cas, je le
souhaite, à être détrompée, mais je ne pense pas qu'on ne peut jamais dire
qu'il y aura a 100 %, qu'on va identifier tous les cas de violence parce
que les femmes ne dénoncent pas, les femmes dénoncent, mais ne sont pas crues,
toutes toutes ces raisons. Et il y a une très bonne étude qui s'est faite
auprès de médiateurs, médiatrices italiens mais par un chercheur, Simon Lapierre,
que la commission sûrement bien connaître, qui montrait que les médiateurs,
médiatrices soit ne reconnaissaient pas la violence, soit reconnaissaient la
violence mais mettaient en place des règles... Par exemple, on va peut-être
venir vous dire : Bien oui, on fait de la médiation par téléphone, ils ne
sont pas dans la même salle. Ça, ce n'est ne pas comprendre c'est quoi, le
contrôle coercitif, et c'est quoi, la violence conjugale. Ce n'est pas une
question d'être dans la même salle, c'est une question de dire : Si tu ne
signes pas, je vais te poursuivre pour payer mes frais de justice. Si tu ne
paies pas, ah, le chien qui est chez moi, il va peut-être lui arriver quelque
chose. C'est vraiment les choses qui sont subtiles.
Donc, je pense que, d'une part, il y a
certainement des médiateurs, médiatrices qui ne vont pas identifier la
violence, et, même quand ils l'identifient, même si on prenait toutes les
meilleures approches possibles pour la médiation, dans certains cas, ce n'était
pas approprié. Je pense que c'est pour ça que le projet de loi prévoit cette
exemption parce qu'à cause des dynamiques de pouvoir c'est... il y a
certaines... il y a certaines dynamiques où les ententes ne sont simplement pas
fiables pour protéger les intérêts des deux parties, même si le processus où
les choses... vraiment, l'emballage de la médiation ait bien réussi, la peur
des représailles, la pression à juste s'entendre et avoir l'acte raisonnable,
et aussi des études qui montrent que les hommes violents, ils vont... ils font
saboter la médiation, ils vont arriver en retard, ils ne vont pas donner les
documents.
• (14 h 40) •
Donc, oui, après ça, on peut charger des
médiateurs, médiatrices de passer quelques semaines à talonner l'homme violent
pour essayer de faire avancer cette médiation, mais, si la médiation ne va pas
marcher de toute façon, on peut sauter cette étape et aller à une résolution
devant les tribunaux. D'ailleurs, les résolutions devant les tribunaux, c'est
plus long, mais il y a cette idée un peu contre-intuitive en droit de la
famille à certaines personnes qui disent que le fait que ce soit long, ça
facilite aussi de calmer le jeu. Donc, ce n'est pas... ce n'est pas sûr pour
moi qu'on va avoir des meilleurs résultats et certainement pas pour les femmes
victimes de violence qui vont soit dénoncer sans être prêtes à dénoncer ou
aller en médiation sans dénoncer, même si elles auraient préféré ne pas y être.
Donc, ce n'est pas sûr qu'on aura des meilleurs résultats.
M. Morin : Puis, compte tenu
de votre expertise, j'aimerais ça vous entendre sur un élément. Un peu plus tôt
aujourd'hui, on a entendu l'Association professionnelle des notaires du Québec,
et je veux... évidemment, je voudrais citer le plus correctement possible, mais
j'ai posé la question aux représentants qui étaient là, et on m'a répondu, et
je ne crois pas faire erreur en leur disant : Écoutez, oui, on est bien
placés comme médiateurs, mais c'est... s'il y a des cas de violence, ce n'est
pas grave, on peut faire des caucus, donc on met des parties dans une pièce,
une autre partie dans une pièce. Et là vous venez de dire que vous, si je vous
ai bien compris, vous avez... on vous a raconté des possibilités, par exemple,
de faire des trucs au téléphone, mais que ça ne fonctionne pas. Remarquez, moi,
quand on m'a dit ça, ça m'a... je n'ai pas été convaincu, là. Ce n'est pas
parce qu'on sépare des parties puis on les met dans deux pièces que le contrôle
coercitif puis la violence va arrêter, là. Mais j'aimerais ça vous entendre
là-dessus parce qu'eux avaient de l'air vraiment convaincus que c'était la
recette.
Mme Zaccour (Suzanne) : Vraiment,
avec beaucoup de respect pour la profession, une réponse de ce type, déjà, par
les représentants présents choisis pour discuter de ce projet de loi, ça montre
déjà une vision de la violence conjugale comme une interaction physique. On
n'est plus là depuis plusieurs années. Donc, oui, c'est sûr que d'être dans la
même pièce, ce n'est pas... ce n'est pas idéal, et je ne le recommande pas,
mais de penser que ça va régler le problème... Je pourrais aussi vous demander
de faire un petit exercice d'imagination. Combien de fois est-ce qu'une
organisation professionnelle est venue vous dire : En fait, vous devriez
me donner moins de responsabilités parce qu'on n'est pas capables? Comme,
l'association des notaires, à chaque projet de loi, dit : C'est super,
qu'on ait plus de responsabilités. Les juges : Si on pouvait les inviter
direct, bien sûr, nous, on reconnaît la violence. Les avocats, avocates qui viennent
vous parler, ils vous disent : Bien sûr, nous, on dépiste la violence, on
a des... on a des outils pour le dépistage. La réalité, c'est que la majorité
des cas de violence ne vont pas être dépistés. Et ce n'est pas pour dire que
telle profession est moins bonne qu'une autre, c'est... Bien, déjà, on pourrait
dire qu'elles sont toutes bonnes, alors laissons la victime choisir,
l'autonomie, ou on pourrait dire : Bien, elles sont toutes bonnes, mais la
médiation, ça ne marche pas en cas de...
Mme Zaccour (Suzanne) : …ce
qui semble être un peu la prémisse déjà du projet de loi, auquel cas il faut
peut-être juste aller au bout de de donner les moyens. Si on pense que la
médiation n'est pas appropriée dans les cas de violence, ça ne peut pas être
sur la base d'une exception de type «op-out», parce qu'on met le fardeau sur
les victimes. Ça doit être sur la base de «opt in». Donc, vous recevez un
pamphlet, on vous dit : C'est super, c'est génial, vous allez adorer la
médiation, ça va être fini, ça ne sera pas cher. Voulez-vous vous inscrire? Et
on rend ça super simple à s'inscrire, et tant mieux, tous les cas qui sont
déjudiciarisés, avec le consentement des parties, d'emblée, c'est un gain. Et
les tribunaux vont pouvoir se concentrer sur les cas de violence.
Une voix : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
4 min 4… 7 s, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Me Zaccour, merci. Bien, je voudrais qu'on reste là-dessus, justement.
En fait, là, vous… il y a la disposition telle quelle, puis votre mémoire est
assez limpide sur les raisons pour lesquelles il faut aborder les
modifications, mais on entendait quand même, puis le ministre l'a soulevé,
l'autre point de vue où la médiation est effectivement sous-utilisée. Ça fait
que je voudrais comme bien comprendre, puis peut-être… peut-être que la réponse
n'est pas législative, là, vous aviez commencé à en parler en termes de
campagne de pub et de sensibilisation. C'est quoi, la… c'est-tu celle-là ou il
y a-tu d'autres options de… qui vont nous permettre d'arriver dans le bon sens,
là, où finalement il va y avoir, effectivement, plus de médiation puis ça va
être plus facile quand même?
Mme Zaccour (Suzanne) : …se
demander : Est-ce que l'objectif devrait être plus de médiation, que les
partis s'entendent? Si c'est cet objectif, effectivement, peut-être les
incitatifs plutôt financiers, par exemple, c'est gratuit, vous n'allez pas
avoir besoin de payer 50 000 $ de frais juridiques, pour moi, c'est
un grand incitatif. Mais, quand on dit : Plus de médiation, il faut
vraiment garder en tête que la grande, grande majorité des gens qui se séparent
s'entendent. Ils n'ont même pas besoin d'un médiateur, d'une médiatrice. Tout
est réglé, on ne les voit jamais. Et, en fait, vous n'écrivez pas le droit pour
ces personnes-là, parce que ces gens s'entendent. Donc, les gens qui se rendent
aux tribunaux, c'est difficile à quantifier parce que la violence est toujours
sous dénoncée, mais c'est probablement une majorité de cas de violence. Donc,
si on me dit : Dans la majorité des cas qui vont devant les tribunaux, la
médiation n'est pas choisie, ça me… ça ne me choque pas parce que ces cas-là,
ce sont les cas de violence qui vont cogner à la porte des tribunaux, qui
disent : S'il vous plait, on a besoin d'aide, on n'est plus ensemble, on
n'est plus une unité familiale parce qu'on ne s'entend plus, on a besoin d'aide
pour trancher. Alors, voilà, je pense… je pense que c'est… il faut questionner
cette prémisse de base, mais, si c'est vraiment l'objectif… quelque chose qui
coûte 50 000 $ que quelque chose d'autre, on n'a vraiment pas besoin de
plus ici, on a besoin de me forcer légalement avec une obligation légale, avec
un risque de punition, pour prendre une approche qui me sauverait
50 000 $. Je dois peut-être avoir une très, très, très bonne raison
de ne pas vouloir le faire, sinon pourquoi je n'accepterais pas.
M. Cliche-Rivard : Je
voudrais quand même vous poser la question sur le moyen qui est identifié, là,
le projet de loi parle de faire une déclaration en alléguant le motif. Est-ce
que vous avez évalué ça comme étant contraignant? Comment vous le voyez dans,
disons, l'éventail des possibilités? Puis, s'il y en aurait une autre, moins contraignante,
que vous auriez à proposer, le cas échéant.
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien,c'est sûr qu'on peut imaginer pire à un procès pour déterminer si
effectivement il y a eu violence. Donc, je comprends que l'objectif, c'est de
rendre ça simple et pas compliqué, mais s'il suffit… tu sais, c'est une chose…
de deux choses, là, soit c'est compliqué, il faut vraiment vérifier qu'il y a
de la violence, et auquel cas, c'est une grosse charge sur les victimes de
violence, soit c'est juste de cocher et puis on ne leur manque pas grand-chose.
Dans ce cas-là, dites-leur de cocher : Je ne veux pas faire de la
médiation, entre parenthèses, pour des raisons qui m'appartiennent et que je ne
veux pas nécessairement… je ne suis pas prête à ce moment-ci à coucher sur papier.
Donc, je ne pense pas que c'est onéreux,
mais c'est risqué. Bien, évidemment, il y a le risque de devoir payer les frais
juridiques et compensations. La première chose que tous les hommes violents
vont faire, c'est de… c'est de le demander, donc je pense que c'est risqué. Et,
même si ce n'est pas onéreux, toute approche au droit qui présume par défaut
vous n'êtes pas victime de violence… et, si vous êtes victime de violence,
dites-le-nous, vous allez attraper 10 % des victimes de violence… si vous
disiez : Voilà des règles par défaut qui marchent pour les victimes de
violence… là, si vous ne dites rien, vous allez être en sécurité. Si vous
voulez vous… faire de la médiation, sortez… sortez de ce train qui s'en va au
tribunal. C'est là que c'est beaucoup plus sécuritaire. Parce que, même si vous
mettez le maximum de ressources, la meilleure… le meilleur ordre professionnel,
c'est juste c'est une des premières découvertes dans les recherches sur les
violences faites aux femmes, elles ne sont pas toujours dénoncées, peu importe
le fardeau. Donc, il faut que les règles par défaut soient sécuritaires.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, Me
Zaccour, merci beaucoup d'avoir été avec nous. C'est très, très, très apprécié.
Sur ce, je suspends les travaux de la commission quelques instants. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 14 h 48)
(Reprise à 14 h 51)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir
Me Valérie Costanzo, professeure au département de sciences juridiques de
l'Université du Québec à Montréal. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui,
c'est très apprécié. Vous connaissez les règles, 10 minutes de
présentation, après ça, on a un échange avec les membres de la commission.
Alors, maître, la parole est à vous.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Je
vous remercie. Alors, merci de l'invitation. Merci pour la possibilité de cette
prise de parole que je vais espérer pertinente.
Alors, évidemment, je vais commencer par
saluer le courage que ça prend de proposer un projet pour la création d'un
tribunal unifié la famille au sein de la Cour du Québec. Ceci étant dit, dans
la forme actuelle du projet de loi n° 91, j'ai
plusieurs réserves sur la manière qu'on propose le tribunal unifié de la
famille. Et donc, dans sa formule actuelle, en ce qui me concerne, on ne parle
pas tout à fait d'un tribunal, il n'est pas unifié et c'est seulement certaines
familles. Ceci étant dit, tenant pour acquis que les travaux vont se
poursuivre, mon intervention va également viser à soumettre des améliorations,
des recommandations, réfléchir à qu'est-ce qu'on pourrait faire avec ce qui est
proposé pour ce projet de loi n° 91.
Donc, vous avez reçu tardivement, j'en
conviens, et je m'en excuse, le mémoire que j'ai rédigé. Je vais donc m'y
référer au fur et à mesure de cette présentation, puis on pourra revenir plus
dans les détails, là, sur certains éléments. Ça fait plus de 40 ans qu'on
parle de cette création d'un tribunal unifié de la famille, alors je vais
également tirer des leçons du passé sur qu'est-ce qui a été fait, qu'est-ce qui
fonctionne.
Au Québec, vous l'aurez compris, parce
qu'on est là aujourd'hui, que ça n'a pas fonctionné. Il y a des échecs
successifs qui se sont enchaînés relativement à la création d'un TUF au Québec.
Ce qu'on peut retirer, par contre, des études qui ont été faites dans d'autres
provinces canadiennes où est-ce qu'il y a des tribunaux unifiés de la famille
qui ont été créés, c'est qu'il y a trois composantes fondamentales qu'on
s'attend. La première, c'est cette unification des tribunaux. Est-ce qu'on
simplifie...
Mme Costanzo (Valérie P.) : ...au
sens que les structures judiciaires deviennent moindres. On regroupe des
choses, on fusionne des choses, ça, c'est la première chose, et c'est ce dont
on parle le plus souvent quand on parle des enjeux et des obstacles
constitutionnels, premier élément. Deuxième élément, on ne pense pas juste aux
structures, on pense également aux services puis on pense aux personnes qui
travaillent dans ces structures, à commencer par des juges qui seraient
spécialisés.
Le droit familial, et je l'entends au sens
large, le droit familial, ce n'est pas seulement les matières en termes de
mariage, séparation, divorce, garde d'enfants, j'inclus aussi et d'autres
études incluent aussi la question de la protection de la jeunesse, la question
des enjeux criminels lorsqu'il s'agit de membres d'une même famille, dont
violence familiale, conjugale, sexuelle, quand ça concerne justement les
membres de même famille. Donc, les juges spécialisés, qu'ils puissent avoir une
formation particulière par l'expérience, à titre d'avocat, avocate, notaire,
par exemple, ou par des formations qu'ils recevraient une fois que ces juges
sont nommés pour être prêts à en traiter. Dans la forme actuelle, on parle de
prendre des juges de la chambre de la jeunesse, prendre des juges de la chambre
civile, leur proposer de traiter de matières familiales, ce n'est pas ce qu'on
appelle des juges spécialisés, c'est un problème. C'est d'ailleurs un problème
qui est soulevé également à la Cour supérieure depuis bon nombre d'années, cet
enjeu de manque de formation auprès de la magistrature. Deuxième élément.
Troisième élément maintenant, c'est
l'offre de gamme de services pour les familles. Et là on parle de deux types de
services, pour les familles directement, accompagnement psychosocial,
médiation, bon, il y a une formule d'accueil, information, orientation.
Également les services administratifs, c'est-à-dire là on l'a vu, vous le savez
déjà, il y a des enjeux administratifs, de quelle chambre, de quelle cour, se
communiquent comment, surtout quand il y a un dédoublement de procédure. Donc,
des services administratifs qui sont attendus, il y en a pour faciliter tout
ça, donc, pour accompagner les familles, mais également pour simplifier la
tâche du personnel de ces cours relativement à ces mêmes familles. C'est de
manière réunie dans les études sur d'autres tribunaux unifiés de la famille qui
ont été effectuées. C'est quand on réunit ces trois formes-là qu'on considère
que ça fonctionne bien.
En l'occurrence, ici, on ne trouve pas de
ces trois composantes essentielles. La première, sur le plan de l'attribution à
une seule juridiction, je vous réfère à la page 6 du mémoire que j'ai rédigé,
ici, ne fusionne pas aucune chambre, on en ajoute une, donc, on fragmente
davantage les structures qui existent. On ajoute quelque chose à la Cour du
Québec, alors qu'il y avait quatre chambres qui s'en occupaient déjà, là on en
crée une cinquième. C'est aussi pour cette raison-là que je considère que ce
n'est pas un tribunal, on crée une chambre au sein de la Cour du Québec. En
1988, quand on a créé la Cour du Québec, on a fusionné certaines structures qui
existaient déjà. Le Tribunal de la jeunesse avait été intégré à la Cour du
Québec. Et puisque les mots ont un sens, le tribunal de la jeunesse est devenu
la chambre de la jeunesse. C'est aussi pour cette raison que je propose que, si
on poursuit avec ce projet de loi, qu'on réfère plutôt à une chambre des
familles, donc, ce serait une chambre, au sein de la Cour du Québec, des
familles, pour un concept plutôt inclusif, du type de familles qui peuvent s'y
retrouver, que ce soit des familles nucléaires, séparées, recomposées, peu
importe le type de filiation. Donc là, on morcelle davantage.
Si on regarde ensuite sur le plan des
services, mais on ne parle pas de juge spécialisé pour le moment, c'est donc un
élément manquant dans le projet de loi actuel. Puis, en termes de services qui
existent déjà, il y a un manque de coordination, il y a un manque de
communication entre les différents services. Je vous en nomme quelques-uns des
services actuels qui fonctionnent en vase clos : les différents
programmes de médiation, il y en a déjà plusieurs; des programmes qui visent
les hauts conflits de séparation, à la Cour supérieure, il y en a un, à la Cour
du Québec; des programmes Groupe Confidences, c'est pour les enfants dont les
parents sont en médiation; les programmes de coparentalité, services d'aide à
l'homologation des des ententes, ça, c'est pour la Cour supérieure; les
services d'expertise de la Cour supérieure, les centres de supervision des
droits d'accès. Tout ça, ça fonctionne sans beaucoup de communication. Est-ce
qu'on ne pourrait pas proposer plutôt qu'il y ait des services de coordination,
par exemple, des agents de liaison, des coordonnateurs judiciaires qui puissent
effectivement favoriser tout ça en plus des autres services?
Ça m'amène à cet élément des services. On
parle de médiation dans le projet de loi, une médiation qui serait obligatoire,
puis on parle également de la séance de conciliation, une audience sommaire. Je
vais joindre... ma voix, pardon, à d'autres groupes puis d'autres personnes qui
sont venus témoigner devant vous déjà pour dire que la médiation obligatoire,
en ce qui me concerne, ce n'est pas une bonne idée de rendre ce mécanisme
obligatoire. Ça va à l'encontre du principe même fondamental aux... à la
médiation. Ça se veut volontaire. Si on est pour se parler, encore faut-il
qu'on veuille se parler. C'est un élément principal, à plus forte raison quand
il s'agit de situations où il y a des enjeux de violence familiale,
intrafamiliale, conjugale.
Ensuite, je soulève également des enjeux
relativement à la séance de conciliation qui serait...
Mme Costanzo (Valérie P.) : ...qui
vit par, possiblement, la même journée une instruction. On comprend que ce
serait le même juge. Sur le plan de l'éthique et la déontologie, ça soulève des
interrogations. Ici, la conciliation, si on l'entend au sens d'une forme de
médiation, on discute, c'est un lieu... c'est un moment confidentiel, on ne
dévoile pas l'ensemble de ses cartes devant le même juge qui, l'après-midi
même, si on n'a pas réussi à régler, va avoir déjà tout entendu. Ça va contre
les principes de fonctionnement ici. Je pense que c'est un élément qui devrait
être sur... une lumière qui devrait être sur vos radars.
Donc, ça fait un peu le topo de ce que je
vous propose. À ce stade, moi, je vous dirais : Avant de créer une
nouvelle structure, où est-ce qu'on aurait cinq colonnes, cinq éléments plutôt
que quatre, on peut améliorer les services qui existent déjà, améliorer les
structures qui existent déjà. Alors, si on pense aux familles, aux parents, aux
enfants, aux victimes, aux survivantes, aujourd'hui, ne sont pas le public
cible de ce tribunal unifié de la famille. Pourtant, ils ont des besoins réels
urgents, je pense qu'on doit s'y attarder. Et si on veut effectivement faire un
tribunal unifié de la famille, j'en suis... je suis d'accord, je l'appuie, mais
encore faut-il que ce soit un vrai tribunal unifié de la famille. Je vous
remercie de votre attention et prête pour vos questions.
• (15 heures) •
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, maître. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Me
Costanzo, bonjour, merci de participer aux travaux de la commission, c'est
grandement apprécié. Je vous dirais, d'entrée de jeu, dans votre mémoire, vous
dites : Bien, écoutez, on devrait repousser, on ne devrait pas adopter le
projet de loi tout de suite puis... Ça fait 50 ans qu'on en parle, il faut
commencer quelque part. Puis, dans le fond, c'est la première étape du tribunal
unifié, le droit de la famille. J'ai eu l'occasion de le dire. On vient
attribuer le nouveau régime d'union parentale. On prend l'union civile avec la
grossesse pour autrui notamment. Puis l'idée, justement, vous l'avez soulevé,
là, jeunesse criminelle famille, la Cour du Québec, le plus fort volume,
supposons, en matière criminelle, il est là. Le nombre de dossiers qui sont
par... devant jury, ce n'est qu'une minime partie du droit criminel, donc le
fort volume des dossiers sont à la Cour du Québec à ce niveau-là. Même chose
pour l'union parentale. La majorité des gens désormais ont leurs enfants sans
être mariés.
Alors, oui, il va y avoir une phase de
transition, mais c'est vraiment le premier jalon vers un tribunal unifié qui
est complet. Donc, il faut le voir en ce sens là. Mais pour moi, c'est très
clair que, pour les familles du Québec, il faut aller de l'avant. Puis, bien
entendu, au cours des prochaines années, ça sera bonifié, je le souhaite, mais
si on n'agit pas, je crois qu'on va attendre encore pas mal longtemps. Alors...
Mme Costanzo (Valérie P.) : J'entends.
Est-ce que vous me permettez de réagir?
M. Jolin-Barrette : Oui, oui,
allez-y, allez-y.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors,
tout à fait, et c'est la raison pour laquelle j'ai salué d'abord le courage
politique que ça prend de faire ça, alors que ça fait entre 40, 50 ans qu'on
attend. Ceci étant dit, je ne suis pas certaine que ce soit cette bonne
première étape ou encore... Ici, quand on parle de... vous me dites, là, le
plus grand volume, c'est à la Chambre criminelle, à la Cour du Québec, c'est
tout à fait vrai, j'en suis d'accord. Là, ce que j'entends, c'est que c'est la
Cour du Québec qui deviendrait le tribunal unifié de la famille. Donc, c'est
sous le chapeau de la Cour du Québec qu'on aurait la Chambre criminelle, qu'on
aurait la Chambre de la jeunesse, qu'on aurait, ce que moi j'appelle, la
Chambre des familles, que vous appelez le Tribunal unifié de la famille et que,
sous le chapeau de la Cour du Québec, on aurait une meilleure coordination de
ces trois chambres. Entièrement d'accord. Ceci étant dit, et je salue le
projet, que ce soit le premier jalon, si c'est l'objectif final d'avoir un
tribunal unifié de la famille, il ne faudrait peut-être pas appeler, ce qu'on
vient de créer, le tribunal unifié de la famille. Ça crée notamment de la
confusion chez les justiciables, chez le... dans le public, de dire : Il y
a un tribunal unifié de la famille, tout se passe là, alors qu'en ce moment,
c'est faux. J'entends que c'est le projet, je salue le projet, j'en suis
d'accord, mais cette chambre additionnelle sous le chapeau ou sous le toit de
la Cour du Québec, ce n'est pas un tribunal unifié de la famille.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
suis en désaccord avec vous, parce que, dans le fond, la façon que le projet de
loi est écrit, les dossiers en matière de jeunesse vont aller au Tribunal
unifié de la famille, notamment avec le dossier d'union parentale. Bien
entendu, il reste les dossiers en matière de mariage et de conjoints de fait
qui ne sont pas assujettis à l'union parentale. Cela étant, vous dites aussi,
bon, les juges ne sont pas spécialisés, tout dépendamment des cours, le profil
des juges... Les juges qui sont en chambre de la jeunesse à la Cour du Québec,
la majorité faisait du droit de la jeunesse et/ou du droit familial, certains
faisaient du droit criminel, beaucoup d'anciens DPCP qui étaient au bureau des
affaires jeunesse aussi. Alors, je suis d'accord avec vous, la formation...
plus il y aura de la formation dans les différentes matières dans lesquelles on
juge, le mieux, ce sera. Cela étant, c'est le Conseil de la magistrature qui
est responsable de la formation. Alors, ce n'est pas...
15 h (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...ce n'est
pas au législateur à traiter de la nature de la formation des juges.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Si
vous me permettez, M. le ministre?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Le
législateur s'est déjà quand même intéressé aussi à ces questions-là par le
passé, il pourrait le refaire. Je dis ça, je ne dis rien.
M. Jolin-Barrette : Oui, je
le sais. Bien, j'ai... j'ai joué dans ce film-là. Alors, moi, je suis toujours
ouvert à ça. Cela étant, je pense qu'il faut donner les outils aux cours aussi
pour assurer leur mission.
Écoutez, je vous remercie pour votre
présence en commission parlementaire. Moi, je dois me sauver, mais par contre
mes collègues vont échanger avec vous. Merci beaucoup pour votre contribution.
Merci.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Ça
marche. Merci. Bonne continuation.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Donc, du côté
gouvernemental, M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Merci beaucoup, M.
le Président. Me Costanzo, le ministre a commencé à discuter avec vous de la
partie qui vous a refroidie par rapport au courage que vous nous accordez, mais
aussi à la limite qu'on a atteinte dans ce premier jalon, mais je suis content
que vous ayez eu cet échange pour ce premier jalon.
Vous savez ce que c'est un Tribunal unifié
de la famille parce que c'était votre... sauf erreur, là, si mes informations
sont bonnes, c'était votre mémoire de maîtrise à l'université.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Tout
à fait.
M. Lemieux : Et ça s'appelait
des Efforts infructueux pour établir un tribunal unifié de la famille au
Québec. Donc, quand le ministre nous dit : Ça fait 50 ans qu'on
essaie. Je ne sais pas si c'est 50 ou 40, là, mais ça fait une éternité que l'idée
est sur la table. On en a donc besoin, on... visiblement, on le veut. Un
premier jalon, c'est peut-être la théorie des petits pas, mais au moins on fait
un pas.
Mme Costanzo (Valérie P.) : J'entends
ce que vous dites. Moi, je me questionne sur est-ce que c'est le bon premier
pas?
M. Lemieux : Ah! oui, c'est
ça que vous avez dit.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Voilà.
Et je... bon, je pense que vous avez compris un peu le principe derrière ça.
Effectivement, ça fait plusieurs années, ça a été l'objet de mon mémoire de
maîtrise, et les obstacles, ils sont présents pour des raisons
constitutionnelles et politiques. C'est la raison pour laquelle il y a eu des
échecs, et c'est... si j'entends et si je reprends l'intention du gouvernement,
du ministre de dire que pour l'instant c'est ça, mais on va rapatrier aussi la
question du mariage, du divorce, bien, là on a un axe... un obstacle majeur
devant nous, qui est l'obstacle constitutionnel. Et est-ce que, bon, l'avancement
pour les négociations, par exemple, une entente, elle est fondamentale? Si ça
doit être à la Cour du Québec, si c'est à la Cour supérieure, ça serait une
autre discussion. Mais vu que le projet, c'est d'avoir tout ça à la Cour du
Québec, bien, la première étape, c'est de préparer ces ententes, ces
négociations. Et le moment dans l'histoire où est-ce qu'on est passé le plus
près d'atteindre le but? C'était entre 1979 et 1981, le gouvernement de René
Lévesque, avec Marc-André Bédard, qui était ministre de la Justice, avec un
plan tout à fait transparent. Le plan était celui sur deux temps, soit on
obtient un rapatriement de la Constitution qui satisfait les demandes du Québec
ou on a la souveraineté. Donc, il y avait quelque chose qui était transparent
dans ce projet-là. Il y a eu une entente de principe en 1979‑1980, elle a
échoué. Vous connaissez le reste de l'histoire relativement aux espoirs de
souveraineté de ce gouvernement et d'autres qui lui ont succédé. Ça a été le
moment le plus proche. Mais cet obstacle conditionnel, il est encore majeur si
tout ceci doit se dérouler au sein de la Cour du Québec. Et je pense que ce qu'on
crée, c'est un nouveau morcellement, alors qu'on n'a pas nécessairement préparé
le terrain pour tout le reste.
M. Lemieux : Ce qui n'avait
pas empêché, à l'époque, Marc-André Bédard, le regretté Marc-André Bédard...
Mme Costanzo (Valérie P.) : Tout
à fait.
M. Lemieux : ...de déposer
une... à l'époque, je ne sais pas s'ils l'ont appelée une réforme, là, mais une
loi de la famille revue et corrigée, qui n'a pas empêché notre ministre de
faire la réforme. On y est toujours, mais par morceaux. On est en train de
combler un petit peu des vides créés par la modernité aussi. Les 45 dernières
années, il nous est arrivé des choses qu'on n'avait pas vues venir ou qu'on ne
savait pas qu'elles nous arriveraient.
Mme Costanzo (Valérie P.) : ...à
une époque.
M. Lemieux : Oui, et il faut,
il faut refaire le droit en conséquence. À chaque fois qu'on reçoit... à chaque
fois qu'on touche ces projets de loi sur... des lois sur le droit, j'entends
toujours des... des spécialistes, plus des professeurs que des des pratiquants,
en tout cas, des spécialistes nous dire : Vous savez, c'est normal, on est
toujours 10 ans en arrière parce qu'il faut laisser les choses se placer,
se tasser. Dans la loi sur la famille, entre autres par rapport à la
séparation, c'était vraiment évident qu'il fallait laisser les choses se calmer
pour être capables de comprendre jusqu'où les Québécois voulaient aller, et
nous, on a décidé de ne pas les marier de force. Ce qui fait qu'on s'est
retrouvés avec un régime quand même parental qui va être inclus dans... dans ce
qu'on est en train de préparer.
Donc, quand je parlais de petits pas, je
me disais c'est plus qu'un petit pas finalement, ça change beaucoup de choses
pour beaucoup de monde puis, sauf erreur, ça va changer de plus en plus de
choses pour de plus en plus de monde. Mais je comprends votre principe de la
première étape qui n'est pas à votre goût. Est-ce qu'on peut quand même parler
du reste du projet de loi, nonobstant cette première étape qui n'est pas à
votre goût?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Avec
plaisir.
M. Lemieux : Parce que
dans... dans le...
M. Lemieux : ...la discussion
qu'on a eue avant vous, et je vous ai vue, vous étiez dans le coin, donc vous
l'avez entendu vous aussi. On a passé beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps
dans la... en fait, on a parlé que de la médiation obligatoire. Vous en pensez
quoi, vous?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors,
comme je l'ai annoncé dans la présentation, je ne pense pas que la médiation
obligatoire, ce soit la bonne solution. J'entends le succès qu'on attribue à la
médiation obligatoire à la Chambre des petites créances. On ne peut pas faire
un parallèle, ce n'est pas comparable de le traiter en droit familial, par
ailleurs, où est-ce qu'il y a des familles qui ont accès déjà accès à certains
services.
Quand on regarde ce qu'il se déroule à la
Cour supérieure, et on peut se questionner, le gouvernement provincial à
compétence sur l'administration des tribunaux, incluant à la Cour supérieure.
Pourquoi modifier les choses à la Cour du Québec et non pas la Cour supérieure?
Ça soulève quand même certaines questions. Qu'est-ce qu'on voit à la Cour
supérieure? Une séance obligatoire de coparentalité. Puis, à ce moment-là, les
parents qui se séparent vont avoir toutes les informations nécessaires,
incluant sur la médiation, puis on va leur parler également des heures
gratuites de médiation. Il y a plusieurs parents qui vont accepter cette
offre-là, qui vont refaire les séances de médiation, donc les cinq heures qui
sont gratuites, qui vont être continuées par la suite, avoir une entente ou pas
et poursuivre leur chemin. Et il y a des familles pour lesquelles ce n'est pas
approprié. Et de créer un régime, je vais reprendre les termes de Me Zaccour,
de créer un régime de «opt-out», particulièrement dans un contexte de violence
familiale, ce sont des obstacles additionnels où est-ce qu'on amplifie le
parcours d'une combattante dans les structures judiciaires existantes. La
médiation fonctionne bien, elle ne fonctionne pas toujours. Tant mieux pour les
personnes pour qui ça correspond à leurs besoins, mais si ça ne correspond pas
à leurs besoins, n'en faisons pas quelque chose d'obligatoire.
• (15 h 10) •
M. Lemieux : Deux questions
pour vous, M. le Président. Sauf erreur, il reste six minutes ou à peu près.
Le Président (M.
Bachand) :Ah! je pensais que vous me
demandiez si j'allais bien. Ça va très bien. Il reste
6 min 25 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
Et je vais... ce n'est pas une question, mais une remarque. J'ai une collègue
qui va vouloir enchaîner, mais je n'ai pas eu le temps de poser ma question à
Me Zaccour. Mais quand je disais tout à l'heure que les choses évoluent, la
coercition est devenue un fléau innommable et la majorité de la conversation
avec Me Zaccour, c'était autour de ça. Des fois, elle nommait, des fois elle ne
nommait pas. C'est une nouvelle obsession qu'on a d'essayer de voir comment on
est capable de travailler. Le mot le dit, la coercition, ce n'est pas évident à
prendre à bras le corps. À chaque fois qu'on fait un projet de loi et que ça
nous est évoqué, j'essaie toujours de prendre la température des personnes qui
viennent nous voir pour voir s'ils ont des suggestions. Et dans ce cas-ci, il
me semble que ce serait on ne peut plus pertinent considérant ce qu'on vient
d'entendre de Me Zaccour. Alors, pouvez-vous nous aider à voir comment on
peut...
Mme Costanzo (Valérie P.) : Sur
la question du contrôle coercitif?
M. Lemieux : Oui.
Mme Costanzo (Valérie P.) : O.K.
Bon, d'emblée, je vais juste faire la précision que le contrôle coercitif a
toujours existé, c'est juste qu'il est sur notre radar depuis quelques années,
qu'on a des mots pour nommer des réalités qui sont lointaines. Si je réfère
encore tout à fait populaire dans l'histoire du Québec, Chantale Daigle, en
1989, quand elle demandait le droit de se faire avorter puis que son ex voulait
l'en empêcher, c'était du contrôle coercitif. C'était une manière de maintenir
un contrôle sur elle, un contrôle sur ses choix par le biais encore plus du
droit et des tribunaux. À l'époque, personne n'a parlé de contrôle coercitif, on
n'avait pas ce mot-là. On a le mot aujourd'hui et on se rend compte que les
institutions qui existent n'en ont pas historiquement pris compte et, à ce
jour, peinent à s'en saisir et à créer des processus qui vont pouvoir être
effectivement aidants et faciliter, je vais dire, une sortie, une désemprise
des personnes survivantes dans ces contextes-là.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
maître. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Vimont, s'il vous plaît.
Mme Schmaltz : Merci, M. le
Président. Bonjour, Me Costanzo. Ça fait deux fois que j'entends parler
des TUF — oui, des TUF, je ne vais pas dire TAF, là, mais j'essaie de
ne pas faire d'erreur — à la grandeur du Canada. C'est sûr que quand
on est arrivé avec notre projet de loi, bon, je me disais : Wow, on sort
du lot, mais force est de constater, non, parce que ça existe déjà ailleurs
dans le reste du Canada. Sachant que... Tantôt, vous avez mentionné que ça
prend des... trois composantes, bref, ça prend quand même des composantes pour
donner finalement le vocable de TUF, là. Vous l'avez dit d'ailleurs, ce n'est
pas vraiment un tribunal, ce n'est pas vraiment unifié, ce n'est pas vraiment
pour toutes les familles. Là, j'ai dit : Oups, là, ça commence, mais c'est
correct aussi. En fait, ma question est la suivante : Comment ça se passe
dans le reste du Canada? Est-ce que tout le monde marche sur la même... sur le
même modèle, je ne sais pas comment l'appeler, où chacun a une particularité
qui... avec sa province, finalement? Comment on peut finalement dire que lui,
c'en est un vrai, lui, un petit peu moins, lui, oui, lui, non? J'essaie juste
de voir le vocable.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Oui.
C'est une excellente question...
Mme Costanzo (Valérie P.) : ...je
pense que ça mérite qu'on s'y attarde. Je ne pourrais pas vous faire le topo
entier de ce que toutes les provinces canadiennes ont pu faire, mais il y a un
modèle majoritaire dominant qui est celui d'intégrer au sein de la Cour
supérieure l'ensemble des matières. Ça respecte la Constitution. C'est de
l'administration à la justice qui est provinciale. On respecte la nomination
des juges fédérales et puis on peut avoir, ensuite de ça, bien, des ententes
administratives. Est-ce qu'on fait des collaborations ou est-ce qu'il y a des
cours nominations, par exemple? Est-ce qu'on favorise certaines choses? En
Ontario, pour prendre une province à laquelle on se compare souvent, en
Ontario, on a commencé à créer des tribunaux unifiés de la famille en 77 avec
quatre projets pilotes qui, à travers le temps, se sont développés à la Cour
supérieure. Et on parle de TUF, on parle d'un tribunal unifié de la famille
parce qu'ils ont les trois composantes, parce que c'est sous une même
juridiction, parce qu'il y a des juges spécialisés et parce qu'il y a des
services... une gamme de services accessibles aux familles et, disons, une
meilleure... un meilleur suivi administratif, au besoin. Après l'évaluation
qu'a fait le ministère de la Justice du Canada en 2009, que j'ai partagée
également dans mon mémoire, bien, on identifie finalement qu'il y a des
quasi-TUF. Donc, on est venu un peu créer une typologie. Il y a effectivement
des TUF, il y a des quasi-TUF, c'est-à-dire on voit certaines caractéristiques,
mais pas toutes, puis il y a des... il y a des créations qui ne se sont tout
simplement pas qualifiées, qu'on a retirées. Mais je vous dirais que le modèle
principal dans les autres provinces canadiennes, ça a été lui, ça a été de le
faire à la Cour supérieure. Oui, ça implique une certaine perte sur le plan
provincial, mais ça s'est fait dans un esprit d'accès à la justice, en se
disant que ça allait favoriser les recours pour les familles, les parents, les
enfants aux tribunaux.
Mme Schmaltz : Donc, si je
comprends, il y a des provinces qui ont été disqualifiées?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Pour
l'évaluation, quand on a fait le ministère de la Justice, oui. Après, est-ce
que... est-ce qu'il y a des provinces qui appellent quand même ça un tribunal
unifié de la famille? Oui. Est-ce que c'en est vraiment un? Non. Voyez-vous?
O.K..
Mme Schmaltz : O.K. Oui. Non,
je vois, mais je vois selon ma perception aussi, là, je n'ai pas non plus les
compétences que vous avez. Donc, à vos yeux, au Québec, on doit véritablement
remplir les cases que vous avez mentionnées au début pour vraiment se définir
comme un TUF, finalement.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Oui.
Mme Schmaltz : À vos yeux, on
est quoi maintenant? On ressemble...
Le Président (M.
Bachand) :...quelques secondes.
Mme Costanzo (Valérie P.) : À
mes yeux, c'est une chambre des familles. C'est un peu ça que je disais.
Mme Schmaltz : O.K. D'accord.
C'est ça, vous l'avez mentionné.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Exactement,
voilà.
Mme Schmaltz : O.K. Merci,
merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, pour 12 min 45 s, s'il vous plaît.
M. Morin : Oui. Merci, M. le
Président. Pre Costanzo, bonjour, Très heureux de vous rencontrer. On a eu le
privilège, M. Bourret et moi, d'aller retracer votre mémoire de maîtrise, qui
d'ailleurs est excellent. Alors, je vous en félicite, vous avez développé une
expertise dans ce domaine-là, et c'est très, très bien. Je veux vous remercier
également pour le mémoire que vous avez produit et pour le tableau, au fond,
que l'on retrouve à la page six de votre mémoire. C'est excessivement concis,
ça explique très bien ce que c'est puis, au fond, ça démontre la multiplication
possible des recours plutôt qu'une unification des recours. Je pense que
votre... la façon dont vous le décrivez, c'est très bien fait. Moi j'ai une
question pour vous. Parce que ce que je comprends de ce que le gouvernement
veut faire... bon, Tribunal de la famille, on pourra parler du titre, mais ça
va viser l'union civile, l'union parentale, la filiation relative à la
grossesse pour autrui, clairement de la compétence de la Cour du Québec, on ne
parle pas de mariage, on ne parle pas de divorce. Mais ça n'inclut pas l'union
de fait, et j'essayais de comprendre pourquoi parce qu'il y a quand même plein
de gens qui vivent en union de fait au Québec. Ils vont... Donc, s'il y a des
séparations, ils vont continuer à se ramasser devant la Cour supérieure. Est-ce
que j'ai raison ou?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Je
vais faire des précisions.
M. Morin : Oui, oui, allez-y,
donc.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Donc,
effectivement, l'an dernier, le législateur a adopté le régime d'union
parentale qui va s'appliquer pour les couples en union de fait qui ont des
enfants à partir du 30 juin 2025. En date des présentes, il y a des
couples qui sont en union de fait, qui ont des enfants, qui ne seront pas
inclus dans les unions parentales à moins d'avoir d'autres enfants.
M. Morin : ...on s'entend.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Parfait.
Ces familles-là, ces couples avec des enfants en union de fait aujourd'hui,
s'il n'y a pas d'autre enfant, vont continuer d'aller à la Cour supérieure.
M. Morin : xact. C'est ce que
je comprends.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Et
là, quand on parle strictement d'union de fait au sens où ce sont des personnes
qui sont un couple et qui cohabitent, elles ne sont pas protégées par le droit
provincial, donc elles vont se rendre à la Cour du Québec, chambre civile, si
elles ont des enjeux patrimoniaux entre elles, mais elles ne sont pas incluses
dans ce que le droit québécois considérait être une famille.
M. Morin : Et, si on a une
famille qui vit en union de fait avec des enfants maintenant, il y en a
plusieurs, et qui se séparent, c'est malheureux, mais ça arrive, et que...
bien, en fait, les parents, c'est des parents...
M. Morin : ...ils ne vont pas
par leur autorité parentale. Mais qu'en août 2025 ils se forment un couple, et
ils ont des enfants, et que là, malheureusement, ils se séparent aussi. Ça
aussi, ça arrive. Puis ils ont des problèmes aussi avec tout ce qui touche la
gestion de leurs enfants de la première union. Donc, je comprends que ces
parents-là vont se ramasser en partie devant la Cour supérieure pour la
première union avec des enfants, mais là, avec le projet de loi, ils se
ramasseraient devant la Cour du Québec pour des enjeux avec les enfants nés de
la deuxième union.
Une voix : ...
M. Morin : C'est ça. Donc là,
en fait, on est en train... on multiplie partout les recours devant les
tribunaux, et c'est ce que le projet de loi va faire.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Oui.
Puis c'est un cas de figure auquel je n'avais pas pensé, mais qui le démontre
aussi, à moins de prévoir un recours où est ce qu'on pourrait unifier d'une
part ou d'autre, mais autrement, dans l'état actuel, s'il y a un couple qui a
des enfants maintenant, qui se sépare, ça se passe à la Cour supérieure. Si les
membres forment une nouvelle union avec d'autres personnes, ont de nouveaux
enfants, ce serait à la Chambre des familles ou, en tout cas, à la Cour du
Québec, Tribunal unifié de la famille.
M. Morin : Exact. Donc, ça ne
va pas être plus simple pour les enfants puis ni les citoyens ni les
justiciables. C'est clair. Maintenant, c'est sûr que dans les autres provinces,
puis vous avez parlé de l'Ontario tout à l'heure, ils ont un tribunal unifié,
puis effectivement ils ont... en fait, la pierre angulaire de leur projet,
c'était la Cour supérieure. Ce n'est pas ce qu'a retenu le gouvernement. On
pourra voir si c'est vraiment le modèle le plus efficace, mais, au moins, là,
il y a une unité, ce qu'on n'aura pas avec le projet de loi.
• (15 h 20) •
Maintenant, moi, j'ai une question pour
vous, parce qu'on essaye aussi de... Tu sais, moi, je pense beaucoup aux
enfants. Mme Laurent était là ce matin avec nous. C'est aussi une grande préoccupation.
Puis c'est une grande préoccupation pour moi. L'administration de la justice,
ça, c'est de la responsabilité du gouvernement du Québec. Et la Cour
supérieure, c'est la Cour supérieure du Québec, c'est ce que je disais ce matin
quand j'ai fait mes... fait tout mon laïus introductif. Ce n'est pas une cour
fédérale, là. Le gouvernement du Québec a une compétence. Qu'est ce qui
arriverait si le gouvernement du Québec créait un greffe unifié, Cour
supérieure, Cour du Québec pour gérer tous ces dossiers-là? C'est sûr que ça ne
va pas nécessairement régler l'éclatement qu'on décrivait tout à l'heure, mais
j'aimerais vous entendre là dessus, puisque vous êtes une experte, ça pourrait
offrir une foule de services qui pourraient guider les gens. Puis là, au moins,
ce serait comme consolidé. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être
fait puis est-ce que ça pourrait aider les familles et des enfants d'après
vous?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Merci
pour votre question. Oui, absolument, donc ça fait partie des recommandations
qui s'inscrivent avec améliorer les services administratifs, c'est-à-dire, bon,
tout ceci est de... l'administration de la justice est de compétence
provinciale. Ce serait possible d'envisager la création d'un greffe unifié. Donc,
le greffe pourrait être unifié, ou, en tout cas, on pourrait favoriser des
manières de créer une coordination et une communication bien meilleures au sein
des greffes. Ça fait partie des recommandations qui existent depuis plusieurs
années déjà. Oui.
M. Morin : Et ça, le ministre
pourrait le faire, pourrait l'inclure dans son projet de loi?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Tout
à fait.
M. Morin : Il n'y aurait
aucun problème.
Mme Costanzo (Valérie P.) :
Non.
M. Morin : En tout cas, ce
serait...
Mme Costanzo (Valérie P.) : Il
y aurait une question de ressources, inévitablement, et ça, c'est quelque chose
qui revient, mais c'est quelque chose qui est en son pouvoir, que de créer un
greffe unifié.
M. Morin : Exact. Puis question
de ressources, bien évidemment, on en a parlé un peu plus tôt aujourd'hui, mais
là on parle beaucoup de médiation, de conciliation. D'ailleurs, j'ai siégé dans
la plupart des projets de loi pour ma formation politique, l'opposition
officielle, le Parti libéral du Québec. Dans les autres projets de loi qui
touchent le droit de la famille, on ajoute, on ajoute, on ajoute tout le temps,
là, sauf que, sur le terrain, malheureusement, des fois ça ne suffit pas, hein?
Alors, ça, c'est un enjeu de taille. On va vivre le même enjeu avec le projet
de loi. S'il n'y en a pas assez de conciliateurs, de médiateurs,
d'accompagnement, ça ne va pas mieux fonctionner, là.
Mme Costanzo (Valérie P.) : C'est
une préoccupation que je partage aussi. C'est quelque chose qui a été
documenté. Par exemple, je reviens à des évaluations qu'ils ont faites dans
d'autres tribunaux unifiés de la famille au Canada, quand les ressources ne
suivent pas, ça ne marche pas non plus. Donc, ça fait partie des enjeux. Et si
on regarde qu'est-ce qui se passe maintenant, actuellement, en Cour supérieure,
cette fois-ci, à la Chambre de la famille, il y a la possibilité d'aller vers
des médiateurs, il y a... on en a parlé, là, il y a un service, donc 5 heures
ou 6 heures gratuites. Les familles qui cherchent, des parents qui cherchent
des médiateurs, il n'y a pas énormément de médiateurs qui acceptent d'être
rémunérés seulement avec les honoraires prévus par le gouvernement. Donc, il y
a même des enjeux de trouver des médiateurs pour s'entendre, pour avoir ces
séances gratuites. Ça fait que si on ne prévoit pas des... des mesures
additionnelles, c'est sûr qu'on ne règle pas de problème. Et là, en plus, le
problème...
Mme Costanzo (Valérie P.) : ...ajoute,
c'est celui d'une médiation obligatoire, au sens où il faudrait absolument
aller en médiation avant de poursuivre, puis, si on a de la misère à trouver un
ou une médiatrice, bien, on tourne en rond.
M. Morin : D'ailleurs,
c'est... c'est aussi ma compréhension que, présentement, l'État offre des
services de médiation payés, mais pour une période de cinq heures, vous y avez
fait référence. Avec le projet de loi, on va obliger la médiation dans des
situations juridiques de différends entre conjoints relativement à la garde
d'un enfant, l'exercice de l'autorité parentale, les aliments dus à l'enfant,
le partage du patrimoine familial. En cinq heures, on va tout régler ça?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Oh!
c'est... c'est une grande question. Je ne peux pas vous dire. C'est-à-dire, il
y a des... il y a des familles, il y a... il y a des coparents pour qui ça va
fonctionner, puis il y en a beaucoup pour qui ça ne va pas fonctionner.
M. Morin : C'est sûr. Voilà.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Plus
on a de choses, plus ça va être long. Plus il y a des enjeux qu'on traîne
depuis un moment plus ça va être long. Cinq heures, c'est relativement peu,
effectivement.
M. Morin : Effectivement.
Puis, après, bien, il faut que les conjoints paient.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Mais
si on passe outre les cinq heures, effectivement. Donc...
M. Morin : On n'a pas fini,
on n'a pas fini. Donc là, évidemment, le projet de loi ne dit pas : Vous
n'avez pas fini après cinq heures, vous allez devant le juge. C'est... là, ils
paient. Puis s'ils n'ont pas d'argent, ils font quoi?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Bien,
on pourrait comprendre quand même de l'interprétation, que, si les personnes
sont allées en médiation, ont atteint les cinq heures, et qu'elles ne veulent pas
payer davantage, ce serait un échec de la médiation, là on pourrait interpréter
qu'effectivement là, ce sera possible d'aller devant les tribunaux.
M. Morin : Sauf que c'est
quand même un peu dommage.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Oui.
M. Morin : Parce qu'au fond,
le principe du projet de loi, c'est de dire : Allons en médiation,
travaillons. Puis là, bien, on est obligés de constater un échec parce qu'il
n'y a pas assez de ressources ou il n'y a pas assez d'argent du gouvernement
pour mettre en place une politique que le gouvernement veut mettre en place. Tu
sais, c'est comme, hou! spécial, mettons, comme système, on s'entend... on
s'entend là-dessus. O.K. Puis, effectivement, moi, j'ai le... j'ai les mêmes...
j'ai les mêmes échos que vous à propos de la médiation, c'est que les
médiateurs ne sont pas assez payés. Donc, ça ne... bien, il faut qu'ils vivent
comme tout le monde, je comprends ça, là, puis ils ne peuvent pas. Alors, ça,
c'est un enjeu... c'est un enjeu de taille de faire, finalement, reposer un
projet de loi sur ce volet-là alors que, déjà, on éprouve des difficultés.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Il
y a deux choses que j'ai envie de dire en réaction à vos propos, Me Morin.
C'est, d'une part, si la médiation, c'est quelque chose qu'on valorise encore
faut-il qu'on offre les ressources pour la valoriser. Puis, d'un autre côté, on
pourrait aussi voir, hein, ce... cette référence, cette tendance à tourner vers
la médiation comme une forme de désaveu du système de justice, en disant :
Bien, le système de justice, de toute façon, il ne fonctionne pas, ça fait
qu'on... ou il ne fonctionne pas bien, ou il y a... il est engorgé, il y a trop
de choses, donc on va y aller vers la justice privée.
M. Morin : Exact. Tout à
fait, on s'entend... on s'entend là-dessus. Évidemment, il n'y a rien qui
empêcherait non plus le ministre de commencer à négocier avec la Cour
supérieure et le gouvernement fédéral pour voir s'il n'y aurait pas moyen
d'élaborer certains paramètres qui nous amèneraient vers un véritable tribunal
de la famille.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Absolument.
Puis là, bon, moi, j'ai dit : Si c'est ceci, le premier jalon, ce n'est
peut-être pas la bonne. Puis là j'ai sous-entendu qu'il faudrait peut-être
négocier. Là, moi, je ne suis pas dans les coulisses. Peut-être que c'est déjà
commencé, je l'ignore. Mais, effectivement, ces questions, ces dialogues, ces
négociations, elles se font sur un temps qui est long, et qu'il est possible de
faire, bon, à tout moment avec la volonté politique.
M. Morin : Et il y a des
provinces qui ont réussi.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Il
y a des provinces qui ont réussi. Après, on va le souligner quand même, le
Québec a une histoire... a eu une histoire, un historique qui est différent.
Puis, après l'échec des années 80, ça a été une constante, à travers les
gouvernements, de vouloir ce rapatriement des compétences, de refuser que ce
soit à la Cour supérieure. Donc, ce n'est pas juste le gouvernement actuel. Ça,
c'est quelque chose qui a été constant à travers les 45 dernières années.
M. Morin : Mais je comprends
qu'on pourrait quand même travailler sur un greffe unifié...
Mme Costanzo (Valérie P.) : Absolument.
M. Morin : ...qui pourrait...
qui pourrait, au moins, faire en sorte que, quand quelqu'un arrive au palais de
justice... parce que c'est quand même assez déroutant, que ce n'est pas
l'endroit où les gens vont tous les jours, puis on ne souhaite pas qu'ils
aillent là tous les jours non plus.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Ils
n'ont pas envie d'être là non plus. Voilà.
M. Morin : Non, c'est clair.
Mais, au moins, ils pourraient avoir, avec un guichet unique, un ensemble de
services, puis, après ça, bien, tout dépendant de la situation, la Cour supérieure
gardera sa compétence, la Cour du Québec pourra, effectivement, avoir une
compétence puis faire en sorte que des dossiers vont cheminer au bon endroit.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Voilà.
Puis ça fait écho à la lettre ouverte qui a été publiée par le juge à la
retraite de la Cour d'appel, Jacques Chamberland, qui est parue dans La
Presse dernièrement, je pense que c'était hier, puis, effectivement, qui
réfère à ça. Tout à fait.
M. Morin : Parfait. Merci,
merci beaucoup, Pre Costanzo.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député
d'Acadie. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, pour
4 min 15 s, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre excellente présentation. Page 11, vous dites... et
c'est un point qui me semble intéressant, puis peut-être, probablement, la
lacune de ce qui est proposé, une des lacunes... vous dites...
M. Cliche-Rivard : ...aux
victimes de violence conjugale, familiale et sexuelle est une priorité, pourquoi
couper dans les services de représentation?» Vous en parlez dans votre mémoire.
«Par ailleurs, aucun service de soutien aux victimes de violence conjugale n'a
été annoncé.» Quelle recommandation vous faites donc, là, spécifiquement
là-dessus?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Bien,
ça vient avec deux choses. Ça vient d'abord en disant : S'il n'y a pas de
services additionnels et, même, si on coupe dans les services qui existent pour
les personnes victimes survivantes, n'allons pas en plus leur ajouter une
médiation obligatoire de laquelle il faudrait se déprendre. Donc, évidemment,
moi... dans un monde idéal, il y aurait des services, il y aurait des
ressources, il y aurait de l'accompagnement. Mais, vu qu'on n'est pas dans un
monde idéal, bien, dans le contexte du projet de loi n° 91... surtout pas
obliger une médiation dans les contextes, on entend, là... Puis là, il y a la
question de la déclaration. Elle pourrait faire une déclaration qui est déposée
au greffe pour dire qu'il y a un motif sérieux, la violence familiale,
conjugale, sexuelle est un motif sérieux, mais ça soulève quand même quelques
questions. Si on compare à ce qui se fait à la Cour supérieure, c'est possible
de faire ça. Mais ça prend une attestation que la personne, elle s'est présentée
dans un service d'aide aux personnes victimes reconnu par le ministère de la
Justice en invoquant être victime de violence conjugale, et cette attestation,
elle est confidentielle. La déclaration, ici dans le projet de loi n° 91, on
n'indique nulle part qu'elle est confidentielle. On comprend donc que la partie
adverse serait informée qu'il y a eu ce dépôt. S'il y a effectivement des
enjeux de violence conjugale, incluant le contrôle coercitif, bien, ce sera un
levier additionnel pour demander une contestation, s'y opposer. Bref, ça
soulève beaucoup de questions.
• (15 h 30) •
M. Cliche-Rivard : Ça fait
que la mécanique qui est prévue en Cour supérieure, puis c'est ce que vous
relevez à l'article 7, alinéa quatre du CPC, semblerait une voie de passage
possible, si je vous comprends bien?
Mme Costanzo (Valérie P.) : C'est
une voie de passage qui est possible. Les personnes peuvent se présenter dans
un service d'aide, peuvent obtenir une attestation, c'est déposé au greffe de
manière confidentielle. Au moins avoir des processus qui sont comparables! Et
pour l'instant, c'est ce qui fonctionne à la Cour supérieure.
M. Cliche-Rivard : Plutôt
que... Puis là vous faites toute la démonstration du caractère «adversarial»,
vous faites la démonstration de l'allégation qui va pouvoir être contestée,
comment... Je veux dire, là, tout ça, on pourrait éviter ça par une procédure
analogue qui existe déjà?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Tout
à fait.
M. Cliche-Rivard : Excellent.
Vous parlez aussi — puis je pense qu'on va être, là-dessus, sur une
dernière question — des enjeux déontologiques liés avec la
conciliation du matin et l'audience sommaire de l'après-midi. J'aimerais ça,
vous entendre sur ce point-là.
Mme Costanzo (Valérie P.) : O.K.
Donc, les juges qui acceptent de faire des conférences de règlement à l'amiable
ou la conciliation, ils ont tendance à utiliser l'expression «j'enlève ma
robe», «j'enlève ma toge». Donc, on n'est plus juges, on n'est plus des
arbitres adjudicateurs qui prennent des décisions, on est là pour aider les
gens à s'entendre. On est dans un rôle, justement, de médiateur ou de
conciliateur, et, dans la médiation, c'est un processus qui est confidentiel
qui fait en sorte que les juges vont avoir accès à des informations dans la
négociation qu'ils n'auraient pas eues autrement, qu'ils vont entendre les
propositions qui ont été formulées, qu'ils vont entendre aussi les propositions
qui ont été rejetées. Bon. Si la... Si cette conciliation-là, elle ne
fonctionne pas et que le même après-midi ce juge entend une instruction, une
audience sommaire, il y a un enjeu sur le plan en éthique et la déontologie de
la magistrature d'avoir eu accès à l'ensemble de ces informations, puis là de
faire semblant de n'avoir rien entendu l'après-midi, puis de prendre une
décision cette fois-ci d'adjudicature. C'est un enjeu.
M. Cliche-Rivard : Même miner
le... Les gens vont savoir ça, donc ça peut miner le processus de conciliation?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Ça
peut miner le processus de conciliation, puis je pense que ça peut miner la
confiance en l'administration de la justice, la confiance envers les juges, qui
sont supposés être impartiaux. Quand on leur dit : Vous allez faire de la
conciliation, parfait, c'est un nouveau rôle, puis il y a des juges qui sont
excellents dans ce rôle-là, mais c'est des choses complètement distinctes.
M. Cliche-Rivard : Donc,
c'est possible, mais on doit s'assurer surtout que ce n'est pas le même juge?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Exactement.
M. Cliche-Rivard : Du moment
où ça, c'est rencontré, puis du moment où la cour l'assigne comme ça ou le
traite comme ça, là, vous... on n'a plus cet enjeu-là?
Mme Costanzo (Valérie P.) : D'une
part, puis ça va me permettre d'ajouter aussi : On prévoit dans la
procédure de conciliation avec un juge et d'audience sommaire qu'une fois qu'on
demande d'avoir ce processus-là, conciliation, audience sommaire, on ne peut
pas se désister. Ça, c'est un enjeu aussi, c'est-à-dire que là, si on ne peut
pas se désister... Ça se veut volontaire. Si on n'arrive pas à une entente, là,
on va être entendu dans une audience sommaire. On ne précise pas ce qu'est une
audience sommaire. Là, si c'est l'audience au fond, puis c'est basé seulement
sur une preuve qui est écrite, on n'entend pas de témoignage, ça ressemble à ce
qui se produit déjà à la Cour supérieure dans les intérimaires, qui est
problématique au sens où on n'entend pas une preuve complète, puis là on prend
une décision sur une preuve qui est incomplète. Si les parties ne peuvent pas
se désister, c'est un peu le même principe que la médiation obligatoire, ça
peut être problématique sur le règlement des différends.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci beaucoup, Me
Costanzo, ça a été un grand privilège de vous avoir cet après-midi.
Et, compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux au mardi 25 mars 2025. Merci beaucoup! À bientôt.
(Fin de la séance à 15 h 33)