Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
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Le
mercredi 26 mars 2025
-
Vol. 47 N° 103
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 91, Loi instaurant le Tribunal unifié de la famille au sein de la Cour du Québec
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11 h (version non révisée)
(Onze heures trente minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des institutions ouvertes.
La Commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi no 91, Loi instaurant le tribunal unifié de la famille au sein de la
Cour du Québec.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques) est remplacée par M. Cliche-Rivard
(Saint-Henri—Sainte-Anne).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Ce matin, nous
allons entendre la Chambre des notaires. Nous allons d'abord débuter avec les
représentants du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence
conjugale, conjointement avec l'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape
pour femmes et enfants victimes de violence conjugale.
Merci beaucoup d'être avec nous. Vous êtes
des habituées de la Commission des institutions. Un grand plaisir de vous
avoir. Donc, comme vous le savez, 10 minutes de présentation, après ça, échange
avec les membres de la commission. Je vous inviterais d'abord à vous présenter,
s'il vous plaît. Merci beaucoup.
Mme Riendeau (Louise) : Bonjour,
M. le Président. M. le ministre, MMes, MM. les députés, merci de nous avoir
invités. Je suis Louise Riendeau, je suis accompagnée ce matin par ma collègue
Justine Fortin. Nous sommes tous deux co-responsables des dossiers politiques
au regroupement des maisons. Et on est aussi accompagnés par Mélanie Guénette,
qui est la directrice de la Maison Le Prélude à Laval, maison qui a une double
mission, aide et hébergement en première étape et aussi deuxième étape, et membre
de l'Alliance des maisons de 2e étape.
Donc, comme vous l'avez vu, c'est un
mémoire qui est présenté conjointement. Du côté du regroupement, on regroupe 46
maisons qui ont accueilli...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Riendeau (Louise) : ...en
hébergement seulement plus de 5 000 femmes et enfants en 2023-2024.
Et du côté de l'alliance, les 38 maisons membres avaient, en 2023-2024,
172 unités qui ont reçu plus de 650 femmes et enfants.
Évidemment, nous prenons position sur le
projet de loi n° 91 en fonction de notre mission spécifique de défense des
droits des femmes et des enfants victimes de violences conjugales, qui sont
parmi les justiciables les plus vulnérables. Quand on connaît la problématique
de la violence conjugale, on sait que les conjoints utilisent leur contrôle,
utilisent différentes manifestations de contrôle coercitif pouvant aller jusqu'à
la violence physique ou la violence sexuelle, et que tout ça finit par créer
graduellement un déséquilibre de pouvoir chez les victimes. Au moment où elles
mettent fin ou elles tentent de mettre fin à leurs relations, les victimes se
sont, comme ils nous disent, faites jouer dans la tête. Elles se sont fait dire
qu'elles ne valaient rien. Elles se sont fait dire que personne ne les
croirait. Elles ont peur des conséquences, des demandes qu'elles peuvent faire.
Elles sont en perte de pouvoir et ne peuvent exercer leur droit.
Pour nous, le rôle du législateur et le
rôle du système de justice, c'est vraiment de permettre à tous les citoyens et
citoyennes d'exercer l'ensemble de leurs droits de façon équitable. C'est d'ailleurs
pourquoi, de toute façon, on avait, il y a quelques années, amendé la Charte
des droits et libertés à l'article 10 pour parler du droit à l'égalité, de...
de l'exercice des droits et libertés. Dans le contexte où on est là, on parle
évidemment des droits à l'intégrité, à liberté de la personne, des droits
judiciaires et des droits économiques et sociaux.
Selon nous, le projet de loi n° 91
contient des mesures qui ne sont certainement pas voulues comme telles, mais
qui auront des effets pervers et délétères pour les femmes et les enfants
victimes de violences conjugales. On pense particulièrement au fait de rendre
la médiation familiale obligatoire. Pour nous, ça va certainement créer une
pression importante pour que les femmes et les... et les femmes victimes de
violences aillent en médiation. On constate déjà dans les femmes qui sont
suivies par nos maisons en service externe que 10 % d'entre elles ont
entrepris une démarche de médiation. Et même si on nous parle des succès des
règlements en médiation, ce que nous, on constate chez ces femmes-là, c'est
plutôt des renonciations à leurs droits, renonciation à des ententes de garde
sécuritaire. On voit beaucoup de gardes partagées dans les cas de... dans ces
cas de médiation là, et les femmes n'ont pas pu obtenir quelque chose de plus
sécuritaire. Et on voit beaucoup de renonciation à des biens auxquels elles
auraient droit. Dans notre mémoire, on vous donne des exemples, une femme qui a
renoncé à la moitié de la maison qui faisait partie de son patrimoine, des
femmes qui renoncent à la pension alimentaire pour enfants et à toutes sortes
de biens qui vont faire en sorte qu'elle et leurs enfants seront davantage
appauvris dans l'avenir. Tout ça est bien connu et sachant ça, c'est sans doute
pourquoi le projet de loi prévoit la possibilité d'être exempté pour motif
sérieux qui inclut la violence conjugale, mais se dire qu'une victime va
nécessairement demander l'exemption, c'est un peu comme se dire qu'une vraie
victime dénonce son agresseur. Et pourtant on dit que ça fait partie des
miettes et des préjugés. Or, demander cette exemption-là vient avec beaucoup...
peut venir avec beaucoup de conséquences. D'abord, ça veut dire qu'on dévoile,
qu'on dénonce la violence qu'on vit. Ça veut dire aussi qu'on s'expose aux
questions du conjoint qui lui, voudrait aller en médiation. En général, les
conjoints violents veulent aller en médiation parce qu'ils pensent qu'ils vont
davantage contrôler et leur partenaire et le processus. Donc, on pense que les
conjoints vont vraiment questionner leur ex-partenaire et qu'à partir du moment
où ils vont comprendre qu'elle a allégué de la violence, ça va devenir à risque
pour sa sécurité. On sait bien que c'est au moment de la séparation, et
particulièrement quand il y a des points de vue adverses sur la question de la
garde et des différents arrangements, que les femmes et les enfants sont le
plus en danger. Utiliser... l'exemption, pardon, c'est aussi s'exposer à ce que
le conjoint dise que ce sont des fausses allégations et c'est finalement s'exposer
à ce qu'un juge qui va être appelé à trancher la question s'il ne connaît pas
toutes les manifestations du contrôle coercitif en l'absence de violence...
Mme Riendeau (Louise) : ...violence
physique, on peut se ramasser avec une décision qui di : Madame n'avait
pas un motif sérieux et on pourra alors lui imposer une pénalité. Alors, on
pénalisera doublement, triplement les femmes victimes de violence conjugale qui
auront essayé de s'en soustraire.
On sait aussi qu'il y a de nombreuses
victimes qui ne s'identifient pas comme victimes de violence conjugale. Donc,
on pense que de nombreuses victimes vont préférer aller en médiation et vont
penser que ça va permettre d'en finir plus vite avec leur conjoint violent,
surtout si elles abandonnent leurs droits. Donc, pour nous, pousser les
victimes vers la médiation, parce que c'est vraiment l'effet qu'on pense que ça
aura, c'est aussi les priver des mesures de protection qui ont été introduites
par le législateur dernièrement dans le projet de loi n° 2,
dans le projet de loi n° 56, dans le projet de loi n° 73. Tu sais, je pense particulièrement à la prise en compte
de la violence conjugale au moment de déterminer le meilleur intérêt de
l'enfant. Je pense au fait qu'on a prévu qu'il y aurait un avocat désigné pour
éviter qu'un conjoint contre-interroge sa femme. Or, en médiation, il va être
là, face à face. Je pense à la possibilité d'invoquer la violence judiciaire,
qui peut tout à fait se passer en médiation, comme elle se passe dans les
procédures. Je pense à l'accompagnement de la victime, aux mesures d'aide, aux
témoignages, à la confidentialité de l'adresse. Tout ça n'existera pas en
médiation comme ça pourra exister devant le tribunal. Et, pour la suite, je
vais passer la parole à ma collègue.
Mme Fortin (Justine) : Donc,
en considération de ce que ma collègue vient de vous présenter puis des
constats plus généraux qu'on propose dans le mémoire qui est présenté à la
commission, je résumerais nos recommandations en trois grandes catégories.
D'abord, parce qu'il y a la question de la médiation... La médiation
obligatoire est un enjeu à la sécurité des femmes victimes, retirer son
caractère obligatoire et retirer toute mesure punitive pour un motif qui serait
jugé insuffisant ou de mauvaise foi. Ensuite, comme plusieurs femmes ne
s'identifient pas comme victimes de violence conjugale, rendre le dépistage de la
violence conjugale obligatoire, systématique avant la médiation et de façon
continue par la suite, puis offrir une formation obligatoire au médiateur afin
de les habiliter à dépister le contrôle coercitif, à mettre fin à la médiation
de façon sécuritaire puis à diriger les victimes vers des ressources qui sont
spécialisées.
Ensuite, améliorer la défense des droits
des femmes victimes de violence conjugale en rendant davantage accessibles les
services de représentation spécialisés. On pense à des équipes dédiées, des
avocats dédiés dans tous les centres d'aide juridique, le maintien du programme
Rebâtir phase II et la mise en place d'une communauté de pratiques pour
favoriser le partage d'expertise sur les nouvelles mesures législatives, mais
aussi pour s'assurer que les réformes qui sont faites et dont vous discutez
percolent sur le terrain et soient à l'avantage des personnes victimes.
Finalement, puisque la réforme du droit de
la famille doit être menée jusqu'au bout, inclure une définition de la violence
conjugale dans le Code civil pour créer un langage commun puis palier aux
limites qui sont nommées justement par le législateur, à savoir qu'il y a une
limite justement à ce qu'on peut imposer aux magistrats, définition qui percole
rage jusqu'à chez les professionnels du droit, comme les avocats, les notaires,
les médiateurs; donner une voix aux enfants, leur participation au processus
judiciaire qui les concerne est essentielle et, finalement, éviter, voire
cesser de promouvoir le Tribunal unifié la famille comme une simplification des
procédures pour les victimes de violence conjugale parce que le constat qu'on
vous présente aujourd'hui, c'est que ce n'est malheureusement pas le cas.
Merci.
• (11 h 40) •
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup de votre
présentation. Je me tourne maintenant vers le gouvernement pour une période de
13 min 30 s, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Alors, Me Fortin, Mme Riendeau, Mme Guénette,
merci pour votre présence en commission parlementaire, pour la présentation de
votre mémoire. Bien, d'entrée de jeu, vous me permettrez de vous dire que je
suis en désaccord avec la dernière affirmation. Pour nous, c'est clairement une
simplification du processus, du simple fait d'avoir, sous la même instance ou
la Cour du Québec, les dossiers, autant en violence conjugale, autant les
dossiers en matière de protection de la jeunesse qu'en matière familiale. Bien
entendu, à l'intérieur du même chapeau de la Cour du Québec, ça va simplifier,
l'information, va circuler d'une façon plus appropriée, le rôle du
coordonnateur judiciaire à bonifier également, ça va aider. C'est sûr que quand
on est dans des structures différentes, il y a plus de problématiques. Là, on
vient simplifier le tout.
Cela étant dit, j'aimerais vous entendre
sur la question de la pénalité financière. Vous, vous nous dites....
M. Jolin-Barrette : ...en
matière de violence conjugale, en matière de violence familiale, il ne devrait
pas y avoir notamment, dans l'éventualité, là, où on maintient la médiation
obligatoire, là, si c'est... Si c'est allégué, que la personne est victime de
violence conjugale, vous dites : Dans tous les cas, c'est important que
vous vous enleviez la possibilité pour le tribunal de sanctionner ça, même si,
supposons, il y a des fausses déclarations de la part, supposons,
d'ex-conjoints.
Mme Riendeau (Louise) : Oui.
Écoutez, effectivement, c'est ce qu'on demande parce qu'on pense qu'il y aura
assez peu d'ex-conjoints violents qui vont réclamer une exemption pour aller en
médiation parce que c'est un processus qui est plus facile pour eux, qui leur
permet davantage de continuer le contrôle, et que c'est des victimes qui
risquent de ne pas être crues parce qu'on connaît encore mal, de la part de
certains juges, toutes les facettes de la violence conjugale, et qu'on
dira : En l'absence de violence physique, vous n'aviez pas de motif
sérieux, vous allez payer des pénalités pour ça. Donc, on pense... Puis on
pense que ce n'est pas nécessaire. Si c'est vraiment pour encourager les gens à
utiliser la médiation, il y a... il y a d'autres... il y a d'autres façons de
faire que de la rendre obligatoire et que d'imposer des pénalités. Tu sais, je
pense qu'on pourrait faire une très bonne campagne de promotion pour dire aux
gens : Ça va être plus simple, ça va aller plus vite, avec un
avertissement qui dirait : Mais, toutefois, c'est contre indiqué en
matière de violence conjugale. Je pense qu'on pourrait arriver tout à fait aux
mêmes objectifs avec ça.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question... Dans le fond, vous avez abordé, là, je pense, c'est Me Fortin,
la question des mesures du projet loi 73 pour le témoignage. De la façon
dont a été construit le projet de loi n° 73, ça prend notamment une
attestation que la personne a été consultée, puis c'est confidentiel, puis
c'est versé au dossier de la cour. Dans le cadre de la médiation, actuellement,
ce qu'on a prévu, c'est une simple allégation, dans le fond... puis le formulaire
est à définir pour faire en sorte que ce soit par voie électronique au dossier
de la cour puis que ce soit simple pour la personne qui a été victime de
violence conjugale, sexuelle. Hier, on a échangé avec des groupes aussi qui
nous disaient : Bien, ce serait peut-être mieux d'avoir une attestation.
Et j'aimerais ça vous entendre. Parce que le simple fait d'alléguer est moins
engageant. D'ailleurs le CAVAC nous disait ça, là : C'est moins engageant
que de... supposons, faire en sorte que la victime est allée voir un organisme
de soutien. Ça fait que je voudrais savoir. Parce que certains nous ont
dit : Vous devriez remplacer ça par une attestation. Alors, votre avis
là-dessus.
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
écoutez, nous, on a beaucoup tergiversé sur cette question-là. Parce
qu'effectivement demander une attestation, c'est plus exigeant que faire une
déclaration, mais, en même temps, on s'est dit : Avoir une attestation,
c'est aussi l'occasion de rencontrer une ressource spécialisée qui peut nous
aider à évaluer la situation, à évaluer les risques auxquels on fait face.
Donc, on se disait : Peut-être que le meilleur des deux mondes, ce serait
de permettre les deux, au fond, pour que les victimes puissent choisir la façon
de faire, mais en disant : Ça peut être une attestation d'un organisme. Ça
donne aussi l'idée que... peut-être qu'on peut aller... qu'on peut aller
consulter un organisme spécialisé qui peut nous accompagner dans ça.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et
j'aimerais peut-être vous entendre, là, sur votre expérience que vous vivez
avec les personnes victimes notamment de violence conjugale, là, sur leur
parcours dans le système de justice, parce qu'il y en a de plus en plus qui ne
sont pas représentées par avocats. Là, on a mis les mesures en matière civile
qui incluent en matière familiale, dans le 73, le fait... bon, vous l'avez dit,
de ne pas contre-interroger, l'adresse qui est... qui n'est pas divulguée, les
mesures de télétémoignage ou de témoigner avec un paravent, la personne de soutien
qui peut être là, le chien assistance aussi. Mais décrivez-nous quel est le
comportement, supposons, d'un conjoint qui faisait de la violence conjugale ou
de cette notion de contrôle là puis comment ça se traduit dans les différentes
instances judiciaires. Parce qu'un nouveau point, c'est de dire : Bien,
écoutez, le conjoint va profiter de la médiation, mais, dans le cadre du... à
la cour aussi, il y a des interactions, là. Puis Mme qui est victime de
violence conjugale, elle n'est pas exempte non plus de contact avec M. puis de
l'avalanche des procédures, tout ça, malgré le fait qu'on a mis la violence
judiciaire aussi. Mais je voudrais vous entendre sur les dames chez vous qui...
que vous vous souvenez. Comment elles vivent ça, là, le parcours judiciaire...
présence de violence conjugale dans le système?
Mme Fortin (Justine) : C'est
une grande question avec peu... beaucoup... peu de temps pour...
Mme Fortin (Justine) : ...y
répondre. Il y a beaucoup de choses dans ce que vous avez demandé, je vais commencer
par dire que... répondre à une affirmation que vous avez dite : Les
femmes, elles ne sont pas représentées, ce n'est pas un choix, là, ce n'est pas
un choix d'être auto représentée pour une femme victime de violence conjugale.
En ce moment, les enjeux d'accès à la justice pour les femmes victimes sont
nombreux. Les avocats formés, capables de comprendre, capables de bien
représenter leurs droits, il y en a peu. Les honoraires des avocats de pratique
privée sont excessivement élevés, les bureaux d'aide juridique débordent. Donc,
je pense qu'il faut faire attention quand on dit qu'elles choisissent d'être
non représentées, pour moi, c'est...
M. Jolin-Barrette : ...des
hommes.
Mme Fortin (Justine) : Ah,
les hommes non représentés. Parfait. Bien, peut-être qu'il y a eu confusion.
Alors, vous avez dit les personnes choisissent, et puis moi, j'ai pensé
victimes. Donc, les... la non-représentation des auteurs de violence, c'est
effectivement un problème. Toutefois, ce qu'on présume, c'est que du moment où
une femme est bien représentée ou est représentée dans le système de justice,
il y a un filet de sécurité autour d'elle. Il y a une personne qui est en
mesure de faire les demandes dont vous avez parlé, qui sont... qui vont bientôt
être rendues possibles par le projet de loi n° 73 tout en vigueur. Il y
aura un processus de scénarios, de scénarios de protection qui seront mis
autour des femmes. Et les avocats ou les avocates qui vont les représenter vont
faire des demandes qui vont correspondre à leurs besoins : du temps
parental supervisé, voire une absence de temps parental pour un parent violent
s'il ne se responsabilise pas, qui va encadrer, protéger un processus
d'expertise psychosociale s'il y en a un, qui va s'assurer de mettre en place
les mesures pour qu'une adresse demeure confidentielle par exemple. Ce qu'on
présume, mais on ne l'a pas encore vécu parce que la réforme n'est pas terminée
et que les résultats ne sont pas là, c'est que tous les avantages qui ont été
acquis par le projet de loi n° 73, malheureusement, vont se diluer avec
l'application de la médiation obligatoire, parce que c'est la voie qui sera
n'ont pas choisie mais imposée aux personnes victimes par l'auteur des
violences qui, de par le contrôle coercitif et l'emprise qu'il aura, va faire
en sorte que ce soit la voie à privilégier. Effectivement, ma collègue Louise
l'a dit, les auteurs de violences ont les vois puis les femmes en maison
également... elles sont allées en médiation parce que c'était ce qui allait
faire en sorte que la violence, enfin la relation, allait cesser le plus
rapidement possible. Et, à ce moment, elles ont renoncé à des droits. Et puis
la violence post-séparation, si elle n'était pas commencée, bien, c'est à ce
moment-là qu'elle est commencée.
Puis quand on parle de renoncer à des
droits, là, pour... je vais me permettre de revenir sur ce que mon confrère de
l'Association des notaires a présenté ici en commission la semaine dernière, il
parlait de comment la médiation permet de faire en sorte que les gens
s'entendent, de faire en sorte que les gens arrivent à l'entente qui leur
convient, que si effectivement on ne se fit pas aux barèmes en lien avec un
partage de patrimoine ou en lien avec de la pension alimentaire, mais, au
moins, on le faisait dans un contexte où tout le monde était conscient de ses
droits et tout le monde comprenait ce à quoi il renonçait. Bien, c'est
effectivement ça, la réalité de la médiation. Nous, ce qu'on vous dit, ce n'est
pas une prétention, c'est ce qui arrive, c'est que les femmes, lorsqu'elles
sont devant cette situation-là, ce qu'elles font, c'est qu'elles renoncent à
leurs droits et qu'elles s'en vont après avec une entente, un jugement qui est
non sécuritaire et qui n'a pas pris compte des besoins et de l'intérêt de leurs
enfants. Ce que les femmes ont besoin, c'est d'être dans le système de justice,
qu'un juge compétent, qu'une personne en autorité, prenne une décision pour
elles... pas pour elles, mais plutôt pour leur situation qui va être imposée à
leur conjoint et qui va tenir compte de leur sécurité.
• (11 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Et je
vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je vais céder la
parole à mes collègues. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jean
pour 3 min 30 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. Me Fortin, Mme Riendeau, Mme Guénette, content de
vous recevoir. Le président avait totalement raison, vous êtes non seulement
souvent avec nous, mais grand bien nous fasse. On a besoin de vos lumières.
Parenthèse parce qu'on n'aura pas le temps
d'en parler ce matin, mais j'ai souvent besoin de Mme Guénette puis je
pense souvent à vous à chaque fois qu'il est question de contrôle coercitif
parce qu'il me semble que c'est quelque chose qu'on apprend à découvrir puis,
une fois qu'on a découvert, c'est tellement vaste que j'ai toujours besoin de
savoir où on est rendu dans ce qu'on découvre. Et on en apprend une partie en
ce moment par rapport à la décision d'aller ou non... de demander la médiation
ou pas. Et puis c'est sur la médiation que je vais vous emmener puis sur les
juges.
Alors, rapidement, sur la médiation. Moi,
je suis naïf, là, j'aimerais ça trouver une voie de passage. Quand c'est
85 % de succès en médiation, on ne peut pas comprendre pourquoi on
voudrait aller là, ne serait-ce que pour éviter les délais puis... Bon. Et je
comprends très bien ce que vous me dites, puis on nous l'a dit avant. Hier,
j'ai posé la même question, je me suis fait répondre : Oui, mais peut-être
qu'une médiation individuelle, c'est nouveau, ça, on en entend parler...
M. Lemieux : ...on ne sait
pas comment ça marche. Mais est-ce qu'il y a des voies de passage ou est-ce que
vous êtes obligés d'arriver ici ce matin, comme vous l'avez fait, puis
dire : Retirez ça, M. le ministre, ça ne marchera pas, on ne peut pas
vivre avec ça?
Mme Riendeau (Louise) : C'est...
Dans le 85 % de succès dont vous parlez, il y a un pourcentage qu'on ne
connaît pas, mais qui est le cas de femmes qui ont renoncé à leurs droits. Et
ça a des conséquences sur elles et sur leurs enfants. Moi, je pense que,
pour... Et c'est ce qu'on disait en 1997, au moment de l'adoption de la
loi 65, la médiation, c'est une très bonne chose pour les gens qui sont
capables de communiquer et d'avoir des rapports égalitaires, mais pas quand on
est face à des rapports de pouvoir. Alors, moi, je me dis, si on considère que,
la médiation pour les couples qui, malgré la fin de l'union, peuvent se parler,
si elle n'est pas assez utilisée, faisons-en la promotion, mais faisons
attention aux justiciables les plus vulnérables, les femmes et les enfants
victimes de violence conjugale, pour ne pas les pousser dans une situation qui
va entraîner des problèmes graves qui vont durer pendant longtemps.
Mme Guénette (Mélanie) : Je
peux me permettre?
Mme Riendeau (Louise) : Oui.
Mme Guénette (Mélanie) : Concrètement,
moi, je les rencontre, les femmes, au quotidien. Oui... Puis je les ai
écoutées, les auditions, et, moi aussi, 85 %, ça me titille parce qu'au
final la réalité sur le terrain... Puis là je ne pourrais pas vous donner un
pourcentage, mais c'est la majorité, que la médiation n'a pas reconnu
l'ensemble des droits de Mme. Mme est déjà... Puis là je parle plus du côté
humain, là, mais Mme est déjà dans la... en reconstruction à reprendre, à
reprendre le pouvoir sur sa vie, puis elle se retrouve dans une situation où le
médiateur a un certain pouvoir et le conjoint a un certain... a plus de pouvoir
qu'elle. Ça fait que c'est très difficile d'avoir gain de cause. Et, souvent,
elle lâche prise et elle... ses droits ne sont pas reconnus équitablement.
M. Lemieux : Il ne me reste
quelques secondes après pour vous entendre sur les juges, parce que je pensais
que vous parleriez de formation de juge, parce que c'est ce que vous me dites à
chaque fois. Et, dans votre mémoire, vous nous parlez d'établir des critères de
nomination spécifiques. C'est presque pire que de la formation, ça. Pourquoi?
Mme Fortin (Justine) : Bien,
en fait, pourquoi on demande ça? Bien, bien sûr, la question de la formation,
c'est quelque chose qu'on supporte, qu'on soutient, puis on espère faire partie
de la solution également, le regroupement, mais il doit y avoir des critères
spécifiques pour ces juges d'un tribunal unifié de la famille...
Le Président (M.
Bachand) :Merci.
Mme Fortin (Justine) : ...que
le tribunal va... essentiel.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Le temps file.
M. le député de l'Acadie.
M. Morin : Oui, merci. Merci,
M. le Président. Alors, Mme Riendeau, Mme Guénette, Me Fortin, merci, merci
d'être là. Vous n'avez pas eu le temps de terminer ce que vous étiez en train
d'expliquer. Moi, je vais vous permettre de compléter votre réponse. Je pense
que c'est important pour tous les membres de la commission.
Mme Fortin (Justine) : Donc,
en lien avec les critères spécifiques, on est dans l'idée de la grande réforme
du droit de la famille. Bien sûr, de la formation en termes de violence
conjugale, postséparation, contrôle coercitif, c'est essentiel, mais, au niveau
du droit, ce le sera également. Un avocat, par exemple, ce qui... Les avocats
deviendront des juges, là. Donc, un avocat qui pratique en droit de la
jeunesse, en droit de la famille pratique selon des... avec des lois, des idées
vraiment différentes, les juges qui doivent appliquer ces lois-là également.
C'est complexe, le droit de la famille. Il y a du partage de patrimoine, il y a
du partage de biens, du calcul de pension alimentaire également. Tout ça doit
s'acquérir pour être en mesure que les droits des personnes soient le mieux...
soient le mieux... soient le mieux pris en compte, pardon.
Notre inquiétude, à ce stade-ci, c'est
que, combinées aux lacunes importantes de connaissances en matière de violence
conjugale et de violence postséparation et contrôle coercitif, bien, on
pourrait se retrouver... non pas des juges moins compétents, mais certainement
des juges avec beaucoup moins de connaissances et d'expérience pour prendre des
décisions dans des contextes très complexes qui sont ceux d'une situation d'une
famille qui vit dans un... qui a évolué dans une dynamique de violence
conjugale et de contrôle coercitif. Donc, les critères spécifiques sont en lien
avec la formation générale sur le droit, sur les connaissances, puis, bien sûr,
accompagnée de connaissances spécifiques sur les questions de violence.
M. Morin : Je vous remercie.
Merci beaucoup. J'ai lu votre mémoire attentivement. Quand vous résumez votre
position à la page six, le premier élément, vous soulignez la promotion
entourant le Tribunal unifié de la famille cesse de le présenter, que la
promotion entourant le Tribunal de la famille cesse de le présenter comme une
simplification du parcours des femmes victimes dans le système de justice. J'ai
bien entendu, M. le ministre, qui n'est pas d'accord, mais c'est... Comme
affirmation, c'est quand même percutant, là. Évidemment, j'ai à cœur, bien sûr,
tout ce qui touche la famille, les enfants. Alors...
M. Morin : ...comme énoncé,
c'est fort. Donc, qu'est-ce que vous... qu'est-ce que vous craignez? Qu'est-ce
qui ne répond pas, finalement, dans le projet de loi, à avoir un vrai tribunal
unifié? Puis qu'est-ce qu'on pourrait faire pour en avoir un véritablement?
Mme Fortin (Justine) : En
fait, tout s'inscrit dans une réflexion globale de la réforme du droit de la
famille. C'est-à-dire qu'on a le projet de loi n° 2,
le projet de loi n° 12, le projet de loi n° 56, le projet de loi n° 73,
dont plusieurs de ces résultats-là ne se sont pas encore fait nécessairement
voir sur le terrain. Ça n'a pas percolé au niveau des professionnels non plus.
Il faut mener cette réforme-là jusqu'au bout. En ce moment, ce qu'on entend,
nous, c'est : Ça va simplifier le processus. Il y aura un dialogue. Tout
sera sous le même toit.
Premièrement, ça occupe les besoins des
personnes victimes. On en a fait mention largement. La médiation obligatoire,
l'enjeu des fausses déclarations qui met une épée de Damoclès au-dessus...
au-dessus des personnes, mais, plus largement, seul, un... le projet de loi,
pour le moment, ne s'applique qu'à un petit nombre de personnes. On maintient
des catégories d'enfants, on va avoir des juges de la Cour supérieure qui...
donc des dossiers d'union de fait, de personnes mariées qui vont avoir... des
juges qui vont connaître la loi fédérale sur le divorce très bien, la
définition de la violence familiale qui en est faite, d'autres juges qui
malheureusement ne seront pas rendus là nécessairement, des avocats qui
n'auront pas cette formation-là non plus. On dit : On met tout sous le
même toit, on simplifie et je vous réfère à notre annexe un dans le mémoire, ce
sera probablement un à trois avocats nécessaires pour une personne. Une
personne victime va rencontrer peut-être cinq juges dans son parcours. Si elle
est au Tribunal unifié de la famille, trois. Je pense que... Je comprends
très certainement l'intention du ministre, d'accord s'il est en désaccord avec
nous, toutefois, dire à une personne que ce sera plus simple pour elle si elle
doit encore avoir trois avocats, rencontrer trois juges, payer des frais à
gauche, à droite et réaliser que, potentiellement, elle doit aller en médiation
obligatoire, mais c'est un outil de contrôle de son conjoint et faire en sorte
que les intervenantes qui travaillent auprès des femmes victimes ne comprennent
même pas si bien que ça le système ou le parcours judiciaire dans lequel elles
s'en vont, de notre point de vue, ce n'est pas ce que j'appellerais une
simplification, malheureusement. Donc, c'est en ce sens là. Quand on le regarde
globalement, ce n'est pas plus simple pour les femmes victimes. Est-ce que ça
le sera éventuellement? Est-ce que c'est plus simple pour une certaine catégorie
de personnes? Tout ça est peut-être possible. Pour les femmes victimes en ce
moment, ce n'est pas le cas.
M. Morin : Je vous comprends,
je vous remercie. Toujours la page 6 dans votre mémoire, vous dites :
Nous recommandons que des services de supervision de droit d'accès soient
élargis dans l'ensemble de la province, tout comme le financement leur étant
associé. Je comprends de votre recommandation que ça pose un problème puis
qu'il n'y a pas assez de financement, puis qu'il n'y en a pas partout.
Mme Riendeau (Louise) : Effectivement,
hier, c'était le budget. Nous, dans nos... lors des consultations
prébudgétaires, on avait demandé qu'il y ait une pérennisation de certaines
sommes qui ont été allouées dernièrement aux services de supervision droit
d'accès, et on avait demandé que leur accessibilité soit améliorée. Il n'y en a
pas partout, ils ne sont pas suffisants. Les heures disponibles pour les
familles ne sont pas toujours adéquates. Et si on veut effectivement permettre
à des enfants de maintenir des liens avec un parent violent, mais tout en étant
en sécurité, c'est un besoin essentiel d'avoir accès à des services de
supervision de droit d'accès et d'y avoir accès pour un temps suffisamment
long. Souvent, on va donner des ordonnances de six mois en pensant que tout va
s'être calmé après. On voit très bien que des conjoints contrôlants
maintiennent par toutes sortes de façons, et particulièrement via les droits
d'accès, le contrôle non seulement sur leurs conjoints, mais aussi sur leurs
enfants.
M. Morin : Évidemment, on est
en train de digérer le budget. Pour certains groupes, la digestion va être plus
facile que pour d'autres. Je le comprends. J'ai vu que, dans le domaine de la
justice, il y a quand même une mention qui est faite de l'argent qui va être
investi pour justement toutes les réformes de M. le ministre en droit de la
famille. Ça va s'échelonner. Est-ce que ça répond à vos demandes? Est-ce que
c'est suffisant? Ou si on est encore dans un problème de déficit?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
écoutez, pour ce qui est de la question du tribunal unifié, on a aussi vu qu'il
y avait de l'argent qui était prévu sur plusieurs années, qui va permettre,
j'imagine, de mettre en place de payer les services de médiation, de donner
plus d'argent à la Commission des services juridiques.
• (12 heures) •
Pour ce qui est des services directs aux
victimes qu'on offre, il n'y avait rien de nouveau dans le budget...
12 h (version non révisée)
Mme Riendeau (Louise) : ...le
budget d'hier. C'est effectivement très décevant, mais on va continuer le
plaidoyer à ce niveau-là parce que je pense qu'on ne peut pas laisser les
femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants sans service.
M. Morin : Donc, on va
continuer à avoir la chance de se parler puis de continuer à travailler
ensemble pour les années qui viennent.
Mme Riendeau (Louise) : Certainement.
M. Morin : Vous avez
mentionné, ce n'est pas directement dans votre mémoire... mais en ce qui a
trait, justement, toute la question de la médiation des femmes qui sont... qui
ne sont pas représentées, ce n'est souvent pas un choix pour elles, et que les
bureaux d'aide juridique débordent. C'est sûr que, s'il y a de la médiation
obligatoire, les gens arrivent là tout seuls, ils ne sont pas au courant, c'est
un... dans un continuum, évidemment, de tension, de stress. J'aimerais ça que
vous nous en parliez davantage. Donc, les bureaux d'aide juridique ne peuvent
pas... ne peuvent pas rendre suffisamment de services. Ce n'est pas parce qu'ils
ne sont pas compétents, mais c'est parce qu'ils n'ont pas assez de monde. C'est
ce que vous constatez?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
c'est ce que nos membres constatent sur le terrain que des femmes se retrouvent
dans une situation où... ils n'ont pas de retour d'appel du bureau d'aide
juridique ou bien ils ont un rendez-vous dans tellement longtemps qu'ils ne
peuvent pas obtenir des mesures intérimaires rapidement, en temps utile, pour
protéger qui a la garde, et tout ça. Donc, on... Il y a eu même une maison qui
nous a raconté que... d'habitude, quand les enfants arrivent en maison d'hébergement,
on les inscrit tout de suite à l'école pour qu'ils conservent une vie normale,
qu'eux, tant qu'ils n'avaient pas de mesures intérimaires, ne les inscrivaient
pas. Écoutez, c'est des conséquences, là, importantes, là. Et on voit aussi des
situations où les femmes se font dire : Oui, vous êtes admissibles, mais
on ne peut pas prendre votre dossier. Allez donc voir au privé, il pourrait y
avoir quelqu'un qui vous défende sous mandat. Et il n'y en a pas. Il y en a...
Dans certaines régions, il n'y en a carrément pas, d'avocats de pratique privée
qui acceptent des mandats d'aide juridique dans des situations de violence
conjugale, parce que c'est trop complexe, parce que les conjoints multiplient
les procédures. Donc, malgré la bonification des honoraires, ça ne reste pas
suffisant.
Alors, nous, on a... Moi, je suis en train
de monter un dossier au regroupement. On a des femmes qui s'adressent à nous,
complètement désemparées, en disant : Est-ce que quelqu'un peut m'aider?
Oui, j'ai eu une consultation téléphonique, mais personne ne peut me défendre.
Donc, c'est pour ça que nous, on dit : Il faut bonifier l'accès à l'aide
juridique, mais il faut aussi le bonifier pour créer de l'expertise. Un avocat
spécialisé tout seul dans son bureau d'aide juridique, il fait ce qu'il peut,
il est souvent débordé, alors que... C'est pour ça qu'on propose... Bien, de
toute façon, on a demandé au ministre d'avoir une table de concertation pour
regarder la situation et chercher des solutions, mais, nous, il nous semblait
que la création aussi d'une communauté de savoir entre les avocats d'aide
juridique et des avocats de Rebâtir pourrait permettre de partager l'expertise,
partager les connaissances et de faire une meilleure représentation dans ces
dossiers-là qui sont complexes.
Mme Fortin (Justine) : Je
vais me permettre d'ajouter que la complexité dont ma collègue parle, ce sera
la même complexité en médiation obligatoire, seulement, elle va remettre à
risque encore davantage les personnes... les personnes victimes, notamment
parce que les personnes dont on parle sont des personnes qui sont minimalement
réseautées par... via une maison membre, via un filet de protection. Donc, je
pense qu'il ne faut pas... il ne faut surtout pas voir la médiation obligatoire
comme une façon de répondre aux problèmes dont on se parle présentement, là, c'est
deux choses qui évoluent... qui n'évoluent pas conjointement.
M. Morin : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors,
mesdames, merci beaucoup d'avoir été avec nous encore une fois. On se dit à
bientôt. On ne sait jamais, hein? Alors donc, merci beaucoup.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 06)
(Reprise à 12 h 09)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir représentante
et représentants de la Chambre des notaires du Québec. Merci beaucoup d'être
avec nous. Alors, vous connaissez les règles, 10 minutes de présentation,
mais d'abord vous présentez, et, après ça, on aura une période d'échange avec
des membres de la commission. Merci beaucoup d'être ici.
M. Larivière (Bruno) : Merci,
M. le Président de la commission, M. le ministre de la Justice et notaire
général du Québec, Mesdames, Messieurs les membres de la commission. Donc, je
me présente, Bruno Larivière, je suis président de la Chambre des notaires du
Québec. Aujourd'hui, je suis accompagné de Me Marie-Eve Brown, notaire émérite,
arbitre accréditée et médiatrice familiale et civile accréditée, praticienne en
droit de la famille et associée à l'étude... à l'étude, pardon, Lettre et Brown
à Longueuil. Je tiens également à souligner que Me Brown a été présidente de l'Association
de médiation familiale du Québec. Je suis également accompagné de Me Antoine
Fafard, qui est notaire et chef Affaires gouvernementales et institutionnelles
à la Chambre des notaires. Je vous remercie de nous donner l'occasion de
présenter la position de la Chambre sur le projet de loi n° 91, la Loi
instaurant le Tribunal unifié de la famille au sein de la Cour du Québec.
À titre de président de la Chambre qui
encadre l'exercice professionnel de près de 3 900 notaires répartis
sur l'ensemble du territoire québécois, je suis honoré de pouvoir contribuer à
cet important exercice législatif et de commenter ce projet de loi qui est
porteur pour les familles du Québec. Comme le ministre l'a lui-même mentionné
dans son allocution lors des remarques préliminaires la semaine dernière, le
projet de loi n° 91 est l'étape suivante de la réforme du droit de la
famille entamée par le gouvernement du Québec depuis 2021. La Chambre tient à
rappeler qu'elle a toujours appuyé la réalisation de cette réforme conscientisée
par les notaires sur le terrain, qui étaient depuis longtemps témoin du
caractère désuet du cadre juridique qui n'était plus en phase avec les besoins
et réalités des familles québécoises.
• (12 h 10) •
Depuis quatre ans, avec les projets de loi
n° 2, 12 et 56, le législateur a remodelé le droit de la famille pour le
rendre plus en phase avec la réalité des familles québécoises, notamment en
modifiant les règles de la filiation, en encadrant la grossesse pour autrui et
en créant le régime d'union parentale. C'est donc avec enthousiasme que la
Chambre se présente aujourd'hui devant vous pour soutenir le législateur dans
l'accomplissement de la réforme du droit de la famille, tout en allant de
recommandations afin que le projet de loi à l'étude puisse pleinement atteindre
ses objectifs de déjudiciarisation, de simplification et d'accessibilité pour
les citoyens.
La Chambre appuie ainsi le projet de loi n° 91
dont l'élément phare et l'instauration du Tribunal unifié de la famille au sein
de la Cour du Québec. Elle salue le courage politique du ministre de la Justice
et notaire général qui, par le dépôt de cette importante pièce législative, est
venu concrétiser plus de 50 années de réflexion et de travaux sur la
question du Tribunal unifié de la famille. Il a pris acte d'un large consensus
social sur la nécessité d'un tel tribunal afin de permettre aux familles de
faire valoir leurs droits d'une façon plus accessible, efficiente et surtout
humaine. Je souligne ici l'importance du côté humain en matière familiale,
puisque de nombreux dossiers impliquent des enfants, des personnes en situation
de vulnérabilité, des situations de violence conjugale et sexuelle, des
dynamiques de confrontation, de coercition et...
M. Larivière (Bruno) : ...bref,
des émotions souvent vives et difficiles. Pour rassurer et accroître la
confiance des familles québécoises envers le système de justice, il faut donc
un cadre spécifiquement adapté à ces situations où les justiciables sentiront
que leurs besoins seront pris en charge de façon complète et intégrée. Pour ce
faire, le tribunal se doit d'être un lieu de proximité avec les citoyens, où
ces derniers ont accès à un éventail de services complémentaires, notamment
juridiques, mais on peut également penser aux services psychosociaux. Quant à
la procédure, elle doit être simplifiée et adaptée à leur situation sans
compromettre la qualité des jugements rendus.
Ici, je me permets de mentionner que, dans
le rapport du Comité d'action sur l'accès à la justice en matière civile et
familiale, mieux connu sous le nom du rapport Cromwell, un tribunal spécialisé
se doit d'être un lieu favorisant la prévention et le règlement des différends.
La chambre partage cette opinion. Il faut sortir de la dynamique de
confrontation, souvent retrouvée dans les tribunaux judiciaires, qui,
malheureusement, accentue souvent les tensions entre les parties et peut
alourdir le processus.
La chambre applaudit ainsi l'introduction
d'un chapitre au Code de procédure civile afin de permettre aux parties de
tenir une séance de conciliation et une audience sommaire, au besoin. La
demande pour tenir une séance de conciliation est à la demande des parties. La
chambre recommande toutefois que les citoyens soient mieux informés sur ce mode
de règlement de différends. Ainsi, on viendrait renforcer l'implication des
parties dans la recherche d'une solution.
Aussi, la chambre souscrit à l'objectif
visé par le nouvel article 419.2, qui oblige les parties d'avoir entrepris
une médiation avant qu'une affaire relative à l'union parentale ou à l'union
civile soit instruite. La référence à la médiation dans le projet de loi ne
peut que contribuer à atteindre l'objectif d'une plus grande déjudiciarisation
des conflits familiaux.
La chambre se questionne toutefois sur le
bien-fondé de rendre obligatoire la médiation en matière familiale. En effet,
le caractère volontaire est important pour le succès d'une médiation, encore
plus en droit de la famille, où les émotions sont parfois très intenses.
Afin d'atteindre l'objectif de
déjudiciarisation qui est visé et que le tout soit cohérent avec le concept
même du tribunal... d'un tribunal unifié, la chambre propose un compromis qui
permettra de sauvegarder le caractère volontaire de la médiation. Elle propose
de rendre obligatoire la première séance de médiation mais de permettre que
l'affaire soit instruite, même si les parties ne vont pas au bout du processus.
Toujours concernant le processus de
médiation, la chambre recommande de préciser au nouvel
article 419.2 que cette médiation doive être chapeautée par un
médiateur familial accrédité et non par un médiateur accrédité seulement. Même
si les médiateurs accrédités détiennent une solide expérience en matière de
gestion de conflit, la formation détenue par les médiateurs familiaux
accrédités, notamment sur les aspects psychosociaux, est essentielle afin d'en
arriver à des ententes satisfaisantes pour les familles.
Également, la chambre estime que la Cour
du Québec est la cour toute désignée pour accueillir le Tribunal unifié de la
famille. Sa procédure simplifiée depuis l'adoption du projet de loi n° 8
en mars 2023 traduit une volonté de proximité avec les citoyens, s'inscrit avec
l'objectif de simplification du processus judiciaire introduit au projet de
loi. La chambre croit que la spécialisation doit être une pierre angulaire du
nouveau tribunal unifié et une condition nécessaire à sa réussite. La Cour du
Québec possède une grande expérience en termes de spécialisation. On peut penser
à la division des petites créances, de la chambre civile ainsi qu'au Tribunal
spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale de la
chambre criminelle et pénale. Elles offrent une procédure adaptée, une gamme de
services en phase avec la réalité des justiciables desservis. La spécialisation
du futur tribunal unifié doit aussi passer par la nomination de juges
spécialisés en droit de la famille. Cette condition est nécessaire afin que ces
derniers soient formés spécifiquement sur les nombreuses problématiques vécues
par les familles et traiter leurs dossiers de la façon la plus humaine et
empathique possible.
Dans l'optique de fournir aux justiciables
un guichet unique en matière de droit de la famille, la chambre recommande
d'attribuer d'autres compétences exclusives au Tribunal unifié de la famille en
plus de celles déjà contenues au projet de loi. Ainsi, la chambre souhaite que
toutes les demandes relatives aux unions conjugales non formalisées, notamment
l'union de fait, puissent être entendues par le futur tribunal unifié. On
viendrait ici redonner une certaine cohérence pour le citoyen qui devrait
solliciter la Cour supérieure uniquement pour les demandes relatives au mariage
et au divorce.
Dans le même ordre d'idée, la chambre
recommande que toutes les demandes relatives à la filiation, qu'elles soient
adoptives ou de naissance, puissent être entendues par le Tribunal unifié de la
famille. Ce faisant, le parcours judiciaire des familles ayant des demandes
concernant la filiation serait alors grandement simplifié et une offre de
services plus cohérente et intégrée pourrait par la suite être déployée.
En conclusion, la Chambre des notaires
soutient pleinement la démarche du législateur d'instaurer un tribunal unifié
de la famille au sein de la Cour du Québec. Elle voit dans le projet de loi
n° 91 la réalisation d'un autre...
M. Larivière (Bruno) : ...grand
pan de la réforme du droit de la famille au Québec en s'attaquant aux
problématiques que vivent les familles québécoises lorsqu'elles veulent faire
valoir leurs droits devant le système judiciaire.
Nous vous remercions de l'attention portée
à nos commentaires et recommandations. Et il nous fait maintenant plaisir, à
mes collègues et moi-même, de répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. Donc... pour
le gouvernement, pour 16 minutes. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. M. le président de la Chambre des notaires, Me Larivière, Me
Fafard, Me Brown, merci d'être présent ici, en commission parlementaire, pour
exposer l'opinion et le point de vue de la Chambre des notaires.
D'entrée de jeu, là, je voudrais vous
poser la question suivante relativement au... En fait, quelle est l'importance
d'inclure des méthodes alternatives de règlement des différends, à titre
d'exemple, comme la conciliation, l'audience sommaire, comme la médiation, dans
le parcours d'une famille québécoise lorsqu'on parle de litiges familiaux?
Parce que les notaires, on doit se le dire, sont des spécialistes du droit
familial. Vous voyez les gens à diverses étapes de leur vie. Vous êtes des
conseillers juridiques. Vous les conseillez sur plusieurs facettes de leur vie,
notamment en matière familiale. Les gens réfléchissent souvent, en matière
familiale, en disant : Bon, le notaire est un professionnel du droit tout
désigné. Donc, quelle est la pertinence de méthodes alternatives de règlement
des différends versus le recours systématique aux tribunaux?
Mme Brown (Marie-Eve) : Oui.
Les modes alternatifs vont permettre aux particuliers d'avoir un plus grand
pouvoir décisionnel sur les décisions qui vont être prises pour la famille.
C'est pour ça, que la Chambre des notaires voit vraiment d'un bon œil la séance
de conciliation. Il faudrait par contre qu'il y ait de la publication qui soit
faite, puis audience sommaire. Parce que c'est très long. C'est ce qu'on entend
le plus souvent, c'est que les familles trouvent que c'est long et pénible
passer par le processus judiciaire. Donc, avoir un cadre qui leur permet de
négocier en présence d'un juge, une séance de conciliation puis de ne pas être
obligé... s'il y a échec de la négociation, de ne pas être obligé de reprendre
tout le dossier avec un autre juge, venir multiplier la procédure puis d'avoir
accès à un processus plus simple, ça serait, effectivement, à l'avantage des
justiciables.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de la médiation, bon, les médiateurs peuvent être notamment les
notaires. Les notaires qui sont des médiateurs, quelle est leur formation?
Mme Brown (Marie-Eve) : Oui.
C'est pour ça qu'on demande, de faire la différence entre un médiateur familial
et puis un médiateur accrédité. Donc, médiateur accrédité, ça va comprendre les
médiateurs civils et les médiateurs familiaux accrédités. Les médiateurs
familiaux accrédités ont 60 heures de formation de base. C'est prévu par
le règlement, qu'est-ce qui doit être couvert par la formation de base. Puis,
il y a une portion de formation sur la détection de la violence conjugale.
Ensuite, une fois qu'ils ont terminé leur formation de 60 heures, il y a
une formation complémentaire de 45 heures qui doit être faite sur les
aspects psychosociaux. Une fois que le médiateur familial a terminé toutes ses
formations, il est ensuite supervisé pour ses 10 premiers dossiers. Donc,
les premiers dossiers de médiation familiale, un nouveau médiateur est encadré
par un superviseur. Ce qui revient à dire qu'ils ont des centaines d'heures de
formation, alors que les médiateurs civils... Je détiens aussi le titre de
médiateur civil. C'est des gens hypercompétents. La formation n'est pas du tout
la même par contre. Donc, un médiateur civil va avoir une formation de
60 heures, et, dès qu'ils ont terminé leur formation, ils peuvent avoir le
titre de médiateur civil. L'autre distinction que j'aimerais apporter, si vous
me permettez, c'est que les médiateurs civils, une fois qu'ils ont fait leur
formation de 60 heures puis qu'ils ont... ils sont allés chercher une
assurance professionnelle, ils peuvent être accrédités par l'IMAQ sans être
membre d'un ordre professionnel, alors que les médiateurs familiaux accrédités
doivent être membres d'un ordre professionnel. Il y a six ordres professionnels
qui ont accès à cette accréditation-là, ce qui veut dire que le justiciable va
bénéficier de tout le système professionnel disciplinaire.
• (12 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Donc, ce
que vous me dites, c'est que les médiateurs familiaux accrédités sont notamment
compétents pour détecter la présence de violence conjugale, de violence
familiale.
Mme Brown (Marie-Eve) : Ils
reçoivent une formation spécifique sur la détection de la violence.
M. Jolin-Barrette : O.K. Le
projet de loi prévoit notamment la médiation obligatoire, cependant avec une
exclusion, où est-ce que les personnes victime de violence conjugale, sexuelle
pourraient, sur simple allégation, indiquer... là, en fait, il s'agit d'un
motif sérieux, pour dire : Bien, je ne vais pas en médiation. Donc...
M. Jolin-Barrette : ...on a
eu des propositions également de dire : Bien, ça devrait peut-être
également être une attestation par un organisme. Qu'est-ce que vous pensez de
ça?
Mme Brown (Marie-Eve) : Ce
qu'on avait avancé comme idée, c'était plutôt, ça pourrait être une
attestation, par exemple, par un médiateur familial. Donc, si les gens doivent
se présenter à une rencontre d'information de médiation familiale, puis que le
médiateur détecte que les parties ne pourront pas négocier, ne seront pas sur
un pied d'égalité, pourquoi le médiateur familial ne pourrait pas, sur son
rapport, dire : Ils ont fait une rencontre et puis on ne les oblige pas à
continuer le processus?
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de la compétence du Tribunal unifié, vous nous invitez, d'ores et
déjà, à inclure également les conjoints de fait qui ont des enfants, mais qui
ne sont pas assujettis à l'union parentale. Moi, je vous dirais, dans un...
C'est le premier pas qu'on fait, la création du Tribunal unifié, mais je
comprends que vous auriez été déjà d'aventure plus loin pour couvrir également
ce type de famille là. Puis j'ai eu l'occasion de le dire, là, le projet de loi
n° 91, c'est la première étape. On ne s'est pas caché qu'on souhaite avoir des
discussions avec le Parlement fédéral pour faire en sorte que le mariage et le
divorce également deviennent une compétence du Québec également. Alors, ça va
s'inscrire par les différentes étapes. Mais vous, vous nous invitez rapidement
à aller... à élargir déjà la compétence du Tribunal unifié.
M. Fafard (Antoine) : Oui, en
effet, c'est certain que l'union de fait, c'est quand même, je pense qu'il y a
43 % des conjoints qui vivent en union de fait au Québec, c'est quand même
beaucoup de personnes. Le but du Tribunal unifié, c'est, avoir une espèce de
guichet unique, de simplifier la procédure. Donc, inévitablement, nous, on
voyait ça quand même comme étant pertinent de se poser la question tout de
suite. Vous allez constater que, par souci de cohérence, nous, ce qu'on
propose, c'est un vocable peut-être un peu différent, qu'il y a ait des unions
conjugales non formalisées. Donc ça, il y a certains... On est allé dans ce
sens-là, ce qui inclurait justement l'union parentale, l'union de fait aussi,
puis ça ouvre la porte à peut-être d'autres types d'union dans l'avenir, on ne
sait pas, là, le droit évolue constamment. Donc, on ne veut pas circonscrire
tout de suite la compétence, mais aussi on se référait aussi à l'accès à la
justice pour le citoyen.
Donc, le citoyen qui est en union non
formalisée soit... n'a pas choisi le fait d'être en union non formalisée, n'a
pas sciemment, volontairement, adhéré à un régime juridique précis. Donc, on
croyait intéressant de justement être en mesure de... pour que, lui, ce soit
clair que si c'est non formalisé, si ça s'applique sans que moi je l'aie
choisi, mais ça se passe au Tribunal unifié.
Donc, c'est un vocable un peu différent qu'on a
choisi, mais on trouvait que c'était la façon la plus simple puis la plus
cohérente et en phase avec l'objectif d'accès à la justice, de simplification
du tribunal qu'on pouvait faire.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous
nous invitez, là, à diffuser massivement une campagne d'information, je pense
que la Chambre des notaires l'a déjà fait également par le passé puis,
j'imagine, vous avez beaucoup de questions à la Chambre des notaires. On
souhaite aller dans ce sens-là aussi, notamment, pour la mise en vigueur du
projet loi 56, bon, pour le 73 aussi puis celui-ci. Mais dans vos bureaux de
notaire, les gens constatent encore aujourd'hui... mais, en fait, vos membres
constatent que ce n'est pas acquis, le droit de la famille, là, dans la
population, les régimes matrimoniaux, qu'est-ce qui arrive, tout ça. Il y a
beaucoup de diffusion d'information à faire pour que les gens soient renseignés
sur leurs droits.
M. Larivière (Bruno) : Il y
aura toujours, je pense, possibilité de mieux renseigner le public, les
citoyens, mais, effectivement, les notaires étant aux premières lignes du droit
de la famille, des fois, sans qu'on soit devant un tribunal ou au hasard d'une
simple transaction maison, il y a toujours ou presque des questions qui sont
soulevées en droit de la famille. On est les juristes de l'entente en droit
préventif, donc, on va continuer à éduquer en quelque sorte ou faire connaître
le droit de la famille aux citoyens. Donc, on va continuer en ce sens-là.
Merci.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Bien, écoutez, un grand merci pour votre présence en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Vimont, s'il
vous plaît.
Mme Schmaltz : Merci... merci
de participer à nos travaux. C'est toujours apprécié. Le groupe qui vous a
précédés mentionnait... demandait, en fait, dans ses recommandations, d'avoir
le dépistage de...
Mme Schmaltz : ...la violence
conjugale obligatoire. Tantôt, vous avez mentionné que, dans les 60 heures de
formation, il y avait une partie justement qui... une partie de la formation,
là, destinée justement à déceler la violence conjugale. Ma question, en fait,
est la suivante, c'est : De rendre obligatoire seulement une séance,
pensez-vous qu'en une séance on est capable de détecter si un conjoint est
violent, sachant tout le portrait psychologique, des fois, qui se cache? Parce
que la violence conjugale, elle peut être, on le sait, sexuelle, économique,
bon, physique, etc. Est-ce qu'en une séance on peut la détecter? Parce que,
j'imagine, à part d'être un superpsychologue ou être capable de lire dans les
pensées, ça ne doit pas être très... très évident, pardon.
Mme Brown (Marie-Eve) : La
première chose, vous avez parlé des outils, les médiateurs familiaux accrédités
ont effectivement des outils très concrets dans chacun de leurs dossiers pour
faire la détection. Est-ce que ça peut toujours être détecté dans une première
rencontre de médiation? Je vous confirme que non. Donc, les médiateurs
familiaux apprennent à, bon, faire des caucus, rencontrer les parties
individuellement, dès le départ d'une médiation, pour tenter justement de
déceler des problématiques de contrôle ou de violence. Mais est-ce que ça
pourrait se présenter à la troisième rencontre de médiation? Oui. Ce qu'on ce
qu'on met de l'avant, c'est, au lieu de demander aux gens... d'obliger les gens
d'avoir une médiation obligatoire qui pourrait laisser entendre qu'ils doivent
passer tout leur processus jusqu'à un échec, qu'ils soient tenus juste à une
rencontre qui pourrait être... on pourrait l'appeler aussi une rencontre
d'information sur la médiation ou une rencontre préliminaire de médiation. Puis
le médiateur, si c'est un médiateur familial accrédité, va utiliser ces outils
pour détecter les indices de violence.
Mme Schmaltz : Qu'est-ce qui
arrive si un des conjoints souhaite et l'autre pas, si vous arrivez avec...
bien, deux ex-conjoints plutôt, un qui souhaite la médiation puis l'autre qui
ne veut pas pour des raisons... comment vous faites pour trancher?
Mme Brown (Marie-Eve) : Donc,
on ne peut pas continuer une médiation si les deux parties ne sont pas
d'accord.
Mme Schmaltz : Ah! O.K.
Mme Brown (Marie-Eve) : Donc,
c'est par défaut, il faut être volontaire, c'est un processus à l'amiable. Puis
s'il y a une partie qui veut venir en médiation puis l'autre non, la médiation
n'aura pas lieu...
Mme Schmaltz : Advenant...
J'ai-tu le temps encore? Oui. Advenant que vous décelez de la violence
conjugale, c'est quoi, la suite, c'est quoi la suite logique?
Mme Brown (Marie-Eve) : C'est
très variable d'un dossier à l'autre. Donc, ça dépend du type de violence, ça
dépend combien les parties, s'ils sont capables quand même de négocier. Mais
c'est certain que, si le médiateur familial détecte un contrôle coercitif,
détecte une violence qui empêche les deux parties de négocier librement, il va
mettre terme à la médiation. Il est supposé de mettre terme à la médiation.
Donc, si le médiateur doit vérifier le consentement des parties tout au long du
processus, donc ce n'est pas quelque chose qui se fait au début puis, après ça,
on ne parle plus du consentement, tout au long du processus, on doit vérifier
le consentement. Puis, si une personne n'a pas la capacité de négocier
librement, le consentement n'est pas libre et éclairé, donc, on doit mettre
terme à une médiation.
• (12 h 30) •
Mme Schmaltz : Mais là, à ce
moment-là, il y a une clientèle vulnérable aussi qui se trouve à être mise de
côté en faisant ça, non?
Mme Brown (Marie-Eve) : C'est...
Elle est là la ligne de savoir : Est-ce qu'on continue la médiation ou si
c'est vraiment impossible de continuer? Puis ça, ça va dépendre du médiateur
familial. Il y a des médiateurs familiaux qui sont... qui ont une expertise
dans le domaine de la violence conjugale. J'ai une collègue qui ne fait que ces
dossiers-là. Puis elle, de la façon qu'elle fonctionne, c'est que les parties
ne sont pas en présence physique l'un de l'autre, mais ils sont à son bureau,
les deux en même temps, mais dans deux bureaux séparés, puis elle fait le pont
entre les deux. Donc, c'est la façon qu'elle a trouvée.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Le temps file. J'aurais le député de
Saint-Jean pour deux minutes.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. J'avais une autre question tout au long de votre témoignage,
puis là, comme vous êtes en train de répondre à quelque chose, je voulais
m'assurer de la précision. Parce que, depuis deux jours, on cherche... je
cherche une voie de passage pour ceux qui ne sont pas contents que la médiation
soit obligatoire puis les bienfaits de la médiation.
Vous avez parlé d'une rencontre
d'information par le médiateur. Est0ce que ça pourrait être une sorte de porte
d'entrée, éventuellement, tournante, pour ressortir aussi vite? Donc, il n'y
aurait pas nécessairement de médiation, mais le médiateur, en exposant tout ça,
serait capable de faire, entre guillemets, le ménage dans ce qu'il ou elle a
devant lui ou elle, et de faire mieux cheminer tout ça sans qu'une des deux
parties aient besoin de dire : Moi, je vais m'exclure du processus de
médiation, puis là on embarque dans des objections qu'on a entendues. Est-ce
que c'est... pas le fond, mais est-ce que c'est ça, l'idée qui germe?
Mme Brown (Marie-Eve) : C'est
l'idée derrière de penser à juste une séance de...
12 h 30 (version non révisée)
Mme Brown (Marie-Eve) : ...obligatoire
ou une séance d'information. Je ne vous le cacherai pas, que, dans la pratique
de médiation familiale, la première rencontre de médiation, elle est une
rencontre informative. Donc, à moins qu'il y ait des urgences, dans 95 %
des cas, la première rencontre de médiation, le médiateur va parler des règles
de communication, du processus de médiation. Il va regarder avec les parties c'est
quoi que vous allez avoir à régler. On a des enfants. Il faut parler de la
garde, il faut qu'on explique c'est quoi, des pensions alimentaires. Puis l'heure
et demie est passée très vite, puis... Donc, généralement, la première
rencontre, c'est une rencontre informative.
M. Lemieux : Sauf erreur, il
me reste 45 secondes, M. le Président. L'ordre... Le ministre parlait de l'importance
pour les notaires... pour les citoyens, des notaires au niveau familial. Vous
êtes... On a adopté un projet de loi en ce sens. Vous êtes maintenant éligible
à devenir éventuellement juges. Est-ce que ça va nous faire une des réponses à
tout ce qu'on entend au sujet de la formation des juges et des besoins qu'on a
de pouvoir avoir des juges capables de s'adapter à la nouvelle réalité, aux
nouvelles lois?
Le Président (M.
Bachand) :...s'il vous plaît.
M. Larivière (Bruno) : Écoutez,
je pense que... je suis convaincu que les notaires qui sont experts en droit de
la famille feront d'excellents magistrats.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, pour 16 min, s'il vous plaît.
M. Morin : Oui. Merci, M. le
Président. Alors, Me Larivière, président de la Chambre, Me Brown, Me Fafard,
merci, merci d'être là, merci pour votre mémoire également. J'aimerais
continuer sur toute la question de la médiation obligatoire, parce que vous l'abordez
dans votre mémoire. Vous ne semblez pas, si je vous ai bien compris, être
favorable à cette façon de procéder. Cependant, vous suggérez également, puis j'écoutais
le député de Saint-Jean, peut-être que la médiation pourrait devenir une séance
d'information, finalement. Vous avez dit également que c'est aussi un peu la
pratique que vous avez puis que ça peut prendre 1 heure, 1 h et demie
pour bien informer les parties. Or, je comprends qu'en vertu des politiques du
gouvernement, au niveau de la médiation, c'est les cinq premières heures qui
sont gratuites. Donc là, si on enlève une heure, 1 h et demie, il en reste
moins. Donc, dans les faits, si on voulait continuer, même la médiation
obligatoire, est-ce qu'il reste assez de temps pour arriver à quelque chose?
Parce qu'il y a sûrement des gens qui se présentent devant vous qui n'ont pas
les moyens de payer des médiateurs. Est-ce que c'est vraiment suffisant? Est-ce
qu'ils ne vont pas se ramasser de toute façon avec des honoraires après parce
qu'en 3 h et demie, dans des dossiers complexes et émotifs, on n'aura pas
le temps de terminer? Donc, j'aimerais... j'aimerais vous entendre là-dessus,
puis après ça voir si votre recommandation, ça ne serait pas tout simplement d'en
faire une séance d'information, point, parce que les gens ne sont pas toujours
au courant de leurs... puis qu'après ça on passe à une autre étape.
Mme Brown (Marie-Eve) : Donc,
si la question c'est : Est-ce que 5 h, c'est suffisant, médiation
obligatoire, non, ce n'est actuellement pas suffisant. Donc, 5 h de
médiation, pour la majorité des couples, ce n'est pas suffisant. Donc, est-ce
que le nombre d'heures couvert par la justice pourrait être augmenté? Je pense
que l'Association de médiation familiale du Québec vont vous présenter aujourd'hui...
j'ai l'impression qu'ils vont peut-être aller sur ce terrain-là. Ce n'est
actuellement pas suffisant. Donc, est-ce que ça serait bien d'avoir un système
où il y a une rencontre, une première rencontre de médiation ou une rencontre d'information
qui, à part du 5 h... donc, on a accès à 1 h et demie pour la
rencontre d'information et, ensuite, on a accès à 5 h de médiation
subventionnée? Ça serait une excellente idée.
M. Morin : Bien. Dans cette
même veine... Parce que je comprends la volonté, l'objectif de M. le ministre
de vouloir offrir des moyens alternatifs et autres, mais j'imagine que ça doit
arriver dans la vraie vie, là, vous commencez une médiation, le cinq heures
arrive, il est fini, les gens n'ont pas d'argent pour payer. Là, vous faites
quoi, vous laissez ça en plan ou vous le faites pro bono?
Mme Brown (Marie-Eve) : Loin
de moi de demander aux professionnels de travailler sans être rémunérés. Ça
dépend des dossiers. Donc, il y a, effectivement, des dossiers où on se rend au
5 h, beaucoup de dossiers où on se rend au 5 h puis on ne peut pas
continuer. Ceci étant, les médiateurs familiaux, pour les heures
supplémentaires, doivent charger au tarif du ministère, donc qui est quand même
un tarif qui est moindre. Alors, ça, c'est la première chose pour les gens qui
ont pris tout leur 5 h.
Et, l'autre alternative, donc, j'ai
certains dossiers où les gens sont allés par la suite... sont allés chercher
des services d'aide juridique. On n'a pas accès à la médiation à l'aide
juridique, mais ils vont se prendre chacun un avocat d'aide juridique puis passer
un processus contentieux, ce qui n'est pas souhaitable...
M. Morin : ...d'autant plus
que le groupe... l'association qui vous a précédés nous a dit clairement qu'au
niveau des bureaux d'aide juridique, ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas
compétents, ils sont complètement débordés, ils ne sont pas capables. Il y a
des mesures accessoires qui devraient être faites, ils n'ont pas le temps de
les faire. Donc, au fond, on se ramasse avec des citoyens, des citoyennes qui
là sont coincés et qui, à un moment donné, vont se ramasser à la cour de toute
façon, là. Ça fait qu'ou bien l'État fait en sorte qu'il y a assez d'argent
pour que, si jamais les gens ont besoin de médiation et qu'ils veulent, sur une
base volontaire, terminent, si on veut vraiment désengorger le système
judiciaire. Mais ce que je comprends de vous maintenant, c'est qu'on est
présentement dans le pire de tous les mondes, finalement.
Mme Brown (Marie-Eve) : Je ne
suis pas certaine que c'est comme ça que je le formulerais. Ceci étant, je l'ai
entendu tantôt quand on parlait d'un manque de service, effectivement, c'est
très difficile à l'aide juridique. Puis elles ont soulevé aussi le fait que les
médiateurs familiaux, il y en a de moins en moins, tu sais, il y a une pénurie.
Puis ce que j'aimerais dire là-dessus, c'est qu'il y a beaucoup de médiateurs
familiaux. Il y en a juste de moins en moins qui vont accepter le tarif du ministère.
Donc, on a de moins en moins de médiateurs familiaux qui vont accepter de
prendre les dossiers de médiation subventionnés. Donc, effectivement, on va
venir, à un moment donné, à un point critique où il va falloir investir dans ce
système-là.
M. Morin : Vous avez devancé
la question que j'allais vous poser, parce que c'est aussi une réalité que,
moi, j'entends sur le terrain, donc, il y en a de moins en moins. Maintenant,
vous suggérez dans votre -mémoire que ce soient des - et je veux les appeller
comme il faut, là - des médiateurs familiaux accrédités. Et vous avez mentionné
également que ces médiateurs familiaux accrédités sont membres d'un ordre
professionnel, donc, c'est une garantie évidemment supplémentaire, mais est-ce
qu'il y en a assez?
Mme Brown (Marie-Eve) : Comme
je vous dis, il y a beaucoup de médiateurs familiaux accrédités, mais il y en a
de moins en moins qui acceptent de travailler au tarif du ministère. Donc, pour
beaucoup de bureaux, beaucoup de notaires médiateurs familiaux, on est tous des
gens passionnés du droit de la famille. C'est pour ça qu'on est devenu... On a
fait toutes ces heures-là de formation pour devenir médiateurs familiaux. Mais
la réalité, c'est que le tarif du ministère, des fois, c'est difficile même de
payer les frais fixes d'un bureau avec ce tarif-là. Donc, il y a des médiateurs
qui travaillent uniquement au privé, donc, à leur tarif régulier. Mais ce n'est
pas le manque... Il n'y a pas un manque de médiateurs familiaux, il y a un
manque de médiateurs familiaux accrédités prêts à accepter les dossiers
subventionnés.
M. Morin : Bien, merci.
C'était le budget hier, alors je suis certain que M. le ministre en a pris
bonne note. Parce que, si on veut que ça fonctionne... C'est le ministre qui amène
les réformes, hein, c'est lui qui les fait comme ça, donc, il faudra y voir.
Merci beaucoup.
Autre élément. Dans le projet de loi, on
parle d'une séance de conciliation, ce que je comprends, c'est qu'il y a la
médiation, après ça, on s'en va devant un juge, là il y a une conciliation. Ça
a lieu à huis clos, tout ce qui est dit, c'est confidentiel. Bon, s'il y a une
entente, tant mieux, mais s'il n'y en a pas, l'article dit que «le juge va
tenir une audience sommaire en après-midi et rend jugement. On parle, tout le
temps, du juge, du juge, il n'y a aucune indication que ça serait un autre
juge, donc, ça pourrait être le même juge. C'est quoi, votre réaction avec ça
puis votre recommandation?
• (12 h 40) •
Mme Brown (Marie-Eve) : C'est
notre compréhension aussi, c'est que ça serait le même juge qui a fait la
séance de conciliation puis qu'ensuite ferait l'audience sommaire. C'est une
proposition qui est dans l'air du temps où on voit en matière... Là, je vais
sortir les matières familiales, parler des matières civiles. Il y a de plus en
plus de dossiers où les gens choisissent ce qu'on appelle la «med-arb». La
«med-arb», c'est une médiation, puis, s'il y a échec en médiation, le médiateur
prend le titre d'arbitre et va trancher. Et puis c'est certain que, pour un
médiateur, je le sais, moi, que dans ce contexte-là, les gens vont moins ouvrir
leur jeu. La négociation va être plus réservée que si on est dans une médiation
traditionnelle. Mais c'est de plus en plus choisi par les justiciables parce
que c'est plus efficace. Puis quand on dit «efficace», c'est que ça revient
moins cher, c'est plus rapide.
Donc, la proposition qui est faite dans le
projet de loi est vraiment, comme je vous dis, dans l'air du temps, parce qu'on
voit maintenant, en matière civile, la «med-arb» prend de plus en plus de
place. C'est exactement le même concept où on a une personne qui va aider à
tenter de concilier les parties, puis, si ça ne marche pas, c'est cette même
personne là qui a tout entendu la preuve qui va pouvoir trancher.
M. Morin : Sauf que ma
compréhension, mais je comprends peut-être mal, mais quand le juge...
M. Morin : ...après ça va
devoir entendre les parties. Il va tenir une audience sommaire. Il n'y a rien
qui n'empêcherait une partie de soumettre de la preuve additionnelle ou une
autre preuve, là, je ne pense pas que le juge va être... en fait, obligé de
tenir compte uniquement de ce qui a été dit en conciliation. Donc, à ce
moment-là, on va... Puis là le juge ne peut pas faire abstraction de ce qu'il a
entendu. Puis je comprends qu'en matière civile, bien, d'ailleurs vous l'avez
dit, là, on parle de médiation, arbitrage. Puis d'ailleurs quand on a étudié le
projet de loi qui apportait une réforme à la Cour des petites créances, on l'a
bien vu, si le citoyen ne dit pas qu'il veut aller devant la cour, il s'en va
en arbitrage puis c'est final bonjour. Donc, sa journée à la cour, il ne l'aura
pas, c'est un problème que j'ai soulevé. Mais là, moi, je vous dirai qu'en
matière criminelle, à date, moi, j'en ai fait des dossiers, puis quand on va
faire une médiation en matière pénale, ce n'est pas le même juge qui entend
après ça la cause, ça, c'est clair, parce que, justement, on veut que les
parties s'ouvrent qui soient capables, véritablement, autour d'une table, de se
dire les vraies affaires parce que, sinon, ça m'apparaît... en fait, tout
m'apparaît être moins productif. Tu sais, si on est là puis on dit : Oui,
mais là il faut faire attention, mon client... je vais dire à mon... au client
faites attention parce que c'est ce juge-là qui va décider après-midi. Ça fait
que j'ai de la difficulté à comprendre comment ça va être véritablement
efficace, et c'est le même juge.
Mme Brown (Marie-Eve) : Dans
le fond, c'est la séance... Puis je comprends ce que vous voulez dire. Pour
avoir fait des dossiers de méd-arb, ce n'est pas facile. Puis la médiation,
elle n'est pas classique, la médiation n'a pas lieu comme aurait lieu une
médiation dans laquelle s'il y a échec, c'est quelqu'un d'autre qui prend le
rebond. Comme je vous dis, les discussions, les gens vont garder plus de cartes
cachées, donc on ne mettra pas tout sur table. Ceci étant, c'est le même juge
quand même qui a tout entendu la cause puis l'argumentaire, oui, s'il y a une
audience sommaire, il pourrait y avoir des pièces de preuves supplémentaires,
mais on gagne quand même en efficacité.
M. Morin : Je vous remercie.
L'autre élément, et ça, vous en avez... vous avez fait mention de ça,
d'ailleurs, c'est une de vos recommandations, et je vous suis là-dessus. Moi,
quand j'ai lu le projet de loi, au départ, je me suis dit : O.K. Parfait.
Bon, mariage, divorce, là, il y a un enjeu constitutionnel, donc le ministre
veut aller ailleurs, mais j'étais sûr que tous les couples en union de fait
avec enfants ou union parentale seraient tout inclus. Alors, je me suis rendu
compte que ce n'était pas le cas. Si on veut commencer à avoir un tribunal
unifié puis si on veut être cohérent... parce que là je comprends que si on ne
l'inclut pas, eux autres, ils vont continuer d'aller en Cour supérieure, donc
en quoi ça va être plus simple pour les familles?
M. Fafard (Antoine) : Non,
effectivement, ça rejoint notre recommandation de, justement, faire un espèce
de guichet unique, avoir un tribunal unifié qui répond vraiment au besoin de
simplification. On comprend que c'est quand même une première étape aussi. Puis
on fait le même exercice aussi pour la filiation, là. Donc, c'est vraiment le
principe de façon rapide, cohérente, où va se situer le citoyen qui est dans
une telle ou telle situation. On ne veut pas que ça... on veut empêcher le
morcellement. Ça fait des années que le morcellement des compétences au niveau
du droit de la famille à travers les différents tribunaux est soulevé, les
jugements contradictoires, et tout ça, donc... Mais on comprend aussi que c'est
une première étape. Puis, à l'intérieur même des limites du projet de loi, on
trouvait que c'était pertinent, justement, de proposer cette... ce vocable là,
au niveau, là, des unions conjugales non formalisées, ce qui inclut justement
l'union parentale et l'union de fait. Donc, ça pourrait répondre aux
problématiques de dédoublement, là.
M. Morin : Je vous remercie.
Le ministre a décidé, parce que ça existe dans d'autres provinces, un tribunal
unifié ou la Cour supérieure de la province, soit dit en passant, là, ce n'est
pas une cour supérieure qui vient d'ailleurs, là, fait partie du tribunal
unifié, ce n'est pas le mécanisme que le ministre a réussi, mais il y a
plusieurs groupes qui sont venus nous dire qu'ils étaient inquiets, qu'il n'y
ait pas assez de transfert d'informations, que des dossiers, là, se perdent.
Est-ce que vous pensez qu'un greffe unifié de la famille qui inclurait celui de
la Cour supérieure pourrait aider, et être plus efficace, puis offrir,
notamment, des services psychosociaux qui, si ma connaissance est bonne, sont
offerts à la Cour supérieure, mais pas à la Cour du Québec?
M. Fafard (Antoine) : On ne
s'est pas penché sur la question exactement par rapport... pardon, au greffe
unifié. Comme je vous dis, on le voit comme une première étape, là, donc la
volonté est de simplifier et de, justement, faire en sorte qu'il y a un guichet
unique. Peut-être qu'éventuellement c'est quelque chose qui pourrait être abordé,
mais dans le cadre, présentement, je pense que c'est plus au niveau de la
structure, là, qui est intéressante, là, de voir comment on peut, à l'intérieur
même de la Cour du Québec...
M. Fafard (Antoine) : ...du
Québec de faire en sorte que le maximum de services qui soient donnés
rapidement actuellement. Puis, dans notre mémoire, ce qu'on mentionne, c'est
que, déjà, il y a quand même une procédure simplifiée à la Cour du Québec, il y
a quand même un élément de proximité à la Cour du Québec, et tout ça. Donc, on
voit quand même d'un bon œil, là, l'instauration du tribunal à la Cour du
Québec. Mais ça n'empêche pas d'ouvrir le dialogue, là, puis de faire une
espèce de transition ou une espèce de coordination, là, à ce moment-là, dans
les prochains temps avec la Cour du Québec pour s'assurer que, le citoyen, son
dossier se retrouve... ne soit pas perdu, soit à la bonne place puis être dans
l'esprit du projet de loi aussi.
M. Morin : Me Brown, est-ce
que vous vouliez ajouter quelque chose? J'ai vu dans votre non verbal que vous
étiez sur le point de dire quelque chose.
Mme Brown (Marie-Eve) : Non,
c'est très, très bien, ce que Me Fafard vous a dit. C'est... Comme vous l'avez
vu, on n'en a pas fait mention dans notre mémoire parce que tout ce qui est
accessoire, une fois que le tribunal unifié va être créé, là on pourra
peut-être se pencher sur les questions accessoires du tribunal.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Merci beaucoup, M. le Président. Ça complète. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Donc, Me Brown, Me
Fafard, Me Larivière, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. C'est
très apprécié.
Cela dit, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 48)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 03)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
après-midi à tout le monde. Alors, la commission reprend ses travaux. Cet
après-midi, nous allons entendre l'Association des médiateurs familiaux du
Québec, qui sont d'ailleurs avec nous. Merci beaucoup d'être ici. C'est très
important.
Alors, vous savez, vous avez 10 minutes
de présentation, après ça on aura un échange avec les membres de la commission.
Donc, je vous invite à vous présenter et à députer votre présentation, s'il
vous plaît. Merci.
Mme Cusson (Claudine) : Merci.
M. le Président, M. le ministre de la Justice, Mesdames et Messieurs les
membres de la commission, je vous remercie de nous accueillir dans le cadre de
cette consultation particulière pour parler du projet de loi n° 91 qui
instaurerait le Tribunal de la famille au sein de la Cour du Québec.
Nous représentons l'Association des
médiateurs familiaux du Québec, mieux connue sous le nom de AMFQ. Je me
présente, je m'appelle Me Claudine Cusson, je suis avocate, médiatrice
familiale accréditée, je suis la directrice générale de l'AMFQ. Je suis
accompagnée par Mme Julie Thériault, travailleuse sociale et médiatrice
familiale accréditée, qui est l'actuelle présidente de l'AMFQ. Les commentaires
que nous vous présentons ont été formulés par les médiatrices elles-mêmes. Ce
sont leurs préoccupations que nous venons vous présenter aujourd'hui.
De prime abord, l'objectif d'offrir un
guichet unique aux familles est le principe «une famille, un juge» fait l'unanimité,
mais le diable est dans les détails. Nous estimons que le projet de loi n° 91,
pour les 18 prochaines années va créer deux juridictions, la Cour
supérieure et la Cour du Québec, et trois parcours judiciaires selon le statut,
entre guillemets, matrimonial des parents, soit des conjoints mariés, des
conjoints de fait ou des conjoints de fait en union parentale.
L'AMFQ comprend que le projet de loi n° 91
est une première étape puisqu'il faut bien commencer quelque part. En attendant
que le ministère de la Justice trouve une solution à l'enjeu constitutionnel
qui se pose, nous invitons le ministère à un exercice de communication publique
pour faire percoler dans la population les concepts de l'union parentale. Le
ministère devrait aussi simplifier l'accès à la justice pour les familles, par
exemple, en proposant un seul greffier dédié aux affaires familiales.
Du point de vue des médiatrices, le point
majeur de ce projet de loi n° 91 est de rendre la médiation familiale
obligatoire. Pour que ça fonctionne, l'AMFQ recommande que la médiation soit
sécuritaire, confidentielle, précoce et accessible. Ce sont les points sur
lesquels nous allons insister.
Mme Thériault (Julie) : D'abord,
la clé de voûte de toute médiation est de s'assurer que le processus est
sécuritaire. Le ministre l'a bien compris en prévoyant déjà la possibilité de s'exclure
d'une médiation par autodéclaration. Cette possibilité va éviter à une victime
déjà identifiée comme telle de raconter son véhicule à une intervenante de plus.
Cela va bénéficier par exemple à une femme qui demeure dans un refuge pour
victime de violence conjugale.
Le p.l. 91 prévoit donc de ne pas envoyer
une victime déclarée en médiation pour négocier avec l'auteur de violence, sauf
que l'autodéclaration ne permettra qu'à un nombre restreint de victimes de s'exclure
de la démarche de médiation en laissant de côté toutes les autres. Les
médiatrices identifient quatre raisons pour ne pas s'autodéclarer : les
victimes ne savent pas ou peinent à reconnaître qu'elles subissent de la
violence, les victimes ont honte de subir de la violence et ne veulent pas s'identifier,
les victimes craignent la violence de leur ex-conjoint et les victimes
craignent que leur conjoint fasse de la pression sur elles. On ne peut pas
risquer d'envoyer une victime non déclarée en médiation...
Mme Thériault (Julie) : ...avec
l'auteur de violence. L'AMFQ recommande donc d'ajouter des possibilités
additionnelles de s'exclure de la médiation. La seule façon d'assurer la
sécurité des personnes dans un contexte de séparation est d'administrer un
protocole de dépistage formel. La recherche nous dit que, sans protocole
formel, une médiatrice manquera, au moins, un cas sur deux de violence
conjugale familiale. Les proches ne reconnaissent pas le contrôle coercitif et
il en va de même de la majorité des intervenants qui évoluent dans l'écosystème
du droit de la famille. Bref, ce qu'on ne dépiste pas avec un protocole formel,
on ne le trouve pas. Depuis 2023, grâce au soutien financier du ministère de la
Justice, un protocole de dépistage systématique et validé est disponible au
Québec, soit : DOORS pour Detection Of Overall Risks Screen. Ce
protocole a démontré son utilité et son utilisation par l'ensemble des
intervenants en droit de la famille et doit être généralisé, c'est, en soi, une
bonne pratique.
Avec l'implantation de la médiation
obligatoire, on a... l'opportunité unique d'accélérer l'implantation d'une
pratique qui cible la sécurité de la médiation et l'équilibre des négociations des
parties. Pour que la médiation obligatoire soit sécuritaire, il faut rendre le
dépistage obligatoire et offrir aux parties de les exclure de la médiation si
la médiatrice conclut que la médiation est inappropriée, point. Toujours dans
une optique de sécurité, l'AMFQ recommande que l'obligation de se présenter en
médiation se limite à l'obligation d'assister à une première rencontre,
potentiellement même une rencontre davantage individuelle, avec la possibilité
de se désister à tout moment.
Mme Cusson (Claudine) : La
médiation doit rester confidentielle. L'AMFQ recommande le retrait complet du
dernier paragraphe de l'article 419.2 proposé. Cet article prévoit «motif
insuffisant ou la mauvaise foi en médiation pour ordonner une compensation». La
première raison pour exclure ce paragraphe est qu'il va augmenter la brèche à
la confidentialité de la médiation, alors que cette confidentialité est
quotidiennement remise en question devant les tribunaux depuis l'arrêt de la
Cour suprême AMFQ contre Bouvier le 17 décembre 2021. Il ne suffit plus
d'écrire dans le code que la médiation est confidentielle pour qu'elle le reste
lorsque la médiation est terminée. L'AMFQ constate déjà que des ex-clients
témoignent en cour sur les «ententes en médiation» et que des médiatrices sont
assignées à comparaître avec leur dossier complet pour témoigner de l'entente
prise en médiation par leurs ex-clients. Comment va-t-on assurer la
confidentialité de la médiation si on permet, en plus, la preuve du
comportement des parties en dépistage ou en médiation pour justifier «un motif
insuffisant»?
Il faut donc rectifier le tir de toute
urgence et éviter de renforcer une perte de confidentialité. C'est la
crédibilité du processus de médiation qui est en jeu. La deuxième raison pour
refuser la compensation en cas de motif insuffisant tient à la sécurité des
victimes, qu'elle soit dévoilée ou pas. Nous craignons sérieusement que le
conjoint auteur de violence se serve de ce recours potentiel pour atteindre la
personne victime. L'AMFQ recommande donc d'annuler le paragraphe 4 de l'article
419.2.
• (15 h 10) •
Mme Thériault (Julie) : Pour
que la médiation obligatoire fonctionne, il faut aussi qu'elle soit précoce,
autrement dit, qu'elle arrive tôt dans le processus. Plus elle arrive tard,
plus les parties sont cristallisées dans leurs positions. Les médiatrices
proposent donc de rendre la séance d'information sur la parentalité après la
rupture obligatoire pour toutes les parties dans les 30 jours de l'ouverture
d'un dossier de litige. La nouvelle mouture de la séance va expliquer aux
familles le fonctionnement de la médiation et aborder le dépistage. Cette
séance nous apparaît un préalable indispensable au succès d'une médiation
obligatoire. Donc, les parties assistent à la séance dans les 30 jours et
devraient entreprendre le dépistage puis la médiation, si elles jugent à
propos, dès que c'est possible.
Comme on parle d'union parentale, avec les
futurs litiges sur le patrimoine parental à partager, on peut s'attendre à ce
que la future procédure suivie ressemble à celle des dossiers de divorce qui
passent par un protocole de gestion. Nous proposons que les avocats
familialistes aient l'obligation d'orienter rapidement leurs clients vers la
médiation, par exemple, lors du protocole de gestion qui a lieu dans les trois
mois de l'ouverture du dossier à la cour. On pourra alors indiquer que la
médiation n'a pas fonctionné ou n'a pas donné... n'a donné que des résultats
partiels ou que la médiation est exclue suite au dépistage d'une médiatrice, ou
qu'une partie a produit une autodéclaration pour s'exclure.
Pour les parties en cours de médiation, le
Code de procédure prévoit la suspension des procédures puisque la médiation
n'est pas compatible avec une procédure en cours. En encourageant les parties à
s'orienter vers la médiation dès le début du processus judiciaire, les
médiatrices espèrent attirer, en médiation familiale, les familles qui se
trouvent actuellement dans des dossiers de litige, faute d'information, et
rediriger celles pour lesquelles la médiation n'est pas appropriée vers
d'autres modes de règlement des différends.
Mme Cusson (Claudine) : Finalement,
si la médiation familiale devient obligatoire...
Mme Cusson (Claudine) : ...elle
doit être accessible. Premier point d'accessibilité : il faut assez de
médiatrices qui acceptent les subventions. En date du 24 mars dernier, le
nombre de médiatrices qui déclarent leur pratique de médiation à leur ordre
professionnel totalise 487 personnes. Nous avons de bonnes raisons de croire
qu'il n'y en a pas plus que 450. À l'AMFQ, seulement 65 % de nos
médiatrices, qui sont pourtant les plus motivées, acceptent les subventions. Si
on prend l'hypothèse optimiste que ce taux s'applique à l'ensemble des
médiatrices en pratique active, on arrive à 293 médiatrices qui acceptent les
subventions pour répondre aux besoins des 8,5 millions de Québécois sur
l'ensemble du territoire.
Pour éviter que la médiation obligatoire
ne crée un goulot dans la procédure, il faudra rehausser le nombre de médiatrices
qui acceptent les subventions. Pour y arriver, nous recommandons d'augmenter le
taux horaire de la subvention pour le rendre compétitif. Les six ordres
professionnels concernés ont également indiqué aux représentants du ministère
de la Justice que les honoraires actuels sont insuffisants. Le fonds... La
médiation familiale est financée par le Fonds Accès Justice, qu'on appelle le
FAJ, indépendamment de la situation économique. En 2024, le ministère a fait
rehausser les taux des frais administratifs sur les amendes. En 2025, les
ressources sont disponibles pour un meilleur financement de la médiation
familiale.
Deuxième point d'accessibilité : le
dépistage et la médiation doivent offrir assez d'heures pour assurer la
couverture gratuite du service, surtout s'il est obligatoire. Actuellement, la
position du ministère est d'inclure le temps de dépistage, qu'on estime à deux
heures, à l'intérieur de la subvention de cinq heures ou de deux heures et
demie. Sur le terrain, les médiatrices font le dépistage bénévolement, pour ne
pas pénaliser les clients, ou font le dépistage et réduisent les heures
disponibles pour la médiation, ou font le choix de ne pas dépister. Aucune de
ces solutions n'est acceptable. Pour ce qui est du nombre d'heures, nous recommandons
toujours huit heures de médiation pour une première demande, comme depuis
plusieurs années.
Pour terminer, rappelons que payer une
médiatrice coûte toujours moins cher que de payer un juge, son huissier, son
greffier et son palais. Les fonds sont disponibles au FAJ, donc c'est le temps
d'agir.
Le Président (M.
Bachand) :Merci pour cette présentation,
merci. Alors, on passe maintenant aux périodes... la période d'échange. M. le
ministre, pour une période de 16 min 30 s.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Alors, Mme Thériault, Me Cusson, bonjour, merci de
participer aux travaux de la commission parlementaire puis nous présenter votre
mémoire aujourd'hui.
Alors, règle générale, je comprends que
votre association est en accord avec le principe de médiation.
Mme Cusson (Claudine) : Pourvu
qu'on le cadre. J'insiste sur le «il faut que les conditions de sécurité soient
là».
M. Jolin-Barrette : Non,
mais...
Mme Cusson (Claudine) : Sans
conditions de sécurité, il n'y a pas de chèque en blanc.
M. Jolin-Barrette : Mais on
ne parle pas de chèque en blanc. Ma question, c'est : Êtes-vous en accord
en général avec la médiation?
Mme Cusson (Claudine) : S'il
est bien encadré, oui.
M. Jolin-Barrette : Bon,
d'accord. Alors, un des objectifs qu'on a avec le tribunal unifié, c'est
notamment d'amener les gens vers la déjudiciarisation, vers le fait de
participer au processus pour faire en sorte de trouver des voies de passage,
parce que bien souvent les gens se retrouvent devant les tribunaux, parfois ils
sont démunis, ils ne participent pas nécessairement au processus de règlement
de leur différend, qui ne nécessite pas nécessairement d'aller devant le
tribunal, puis il y a une escalade, puis on se retrouve dans cette
situation-là. Ça fait que c'est l'esprit du projet de loi.
Là, on est dans une situation où vous,
vous nous dites : On souhaiterait que les tarifs soient augmentés, qu'on
souhaiterait avoir plus d'heures également en médiation, vous nous dites :
Ce sont des discussions que nous avons avec le ministère de la Justice, et je
comprends que ça fait état de votre mémoire aujourd'hui, notamment.
Mme Cusson (Claudine) : En
fait, ce qu'on vous dit, c'est que si vous voulez réussir le projet de tribunal
unifié et réussir la médiation familiale obligatoire, voici les conditions.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mme Cusson (Claudine) : Dans
les conditions, il faut qu'il y ait assez de médiatrices familiales pour
répondre aux besoins. Il ne s'agit pas de créer un goulot. Donc, il faut qu'il
y en ait assez, il faut qu'il y en ait assez qui acceptent les subventions.
Selon nos statistiques... Il ne faudrait pas qu'on crée un goulot, on est là
pour... On s'entend qu'on travaille tous dans le même sens.
Donc, je pense, c'est une excellente idée
de mettre de la médiation obligatoire, sauf qu'il faut s'assurer que c'est
sécuritaire.
M. Jolin-Barrette : Vous, là,
dans votre pratique puis dans celle de vos membres, là, lorsque les gens
choisissent d'aller en médiation, c'est... qu'est-ce que vous constatez sur les
parties, qu'est-ce que vous constatez sur le résultat? Est-ce que ça aide au
dénouement des situations conflictuelles? Est-ce que les gens arrivent à se
parler? C'est... Comment ça se déroule, les médiations?
Mme Cusson (Claudine) : C'est...
J'allais dire : Une expérience personnelle n'est pas une statistique, là.
Je vous dirais que les...
M. Jolin-Barrette : Bien,
je... ce que je veux dire, vous avez été médiatrice pendant 10 ans. Je ne veux
pas...
Mme Cusson (Claudine) : Oui.
Oui, 11.
M. Jolin-Barrette : 11. Vous
avez dû faire des centaines, voire des milliers de dossiers.
Mme Cusson (Claudine) : Des
milliers de dossiers...
Mme Cusson (Claudine) : Mais,
c'est sûr que ça fonctionne. C'est clair que c'est sûr que ça fonctionne, sauf
que ça fonctionne dans un espace où c'est volontaire. C'est un processus
volontaire. Et, la plupart du temps, les gens viennent avant d'aller à la cour.
Donc, moi, tout ce que je faisais, c'était des médiations. J'ai rarement fait
des médiations en cours de procédure. Donc, la plupart des gens viennent en
dehors du processus judiciaire avant le processus judiciaire. Et une fois qu'on
a terminé notre médiation, si les parties le souhaitent et si c'est nécessaire
pour elles, à ce moment-là, on fait une demande conjointe en garde des pensions
ou une demande conjointe en divorce, mais on travaille avec des médiations et,
en fonction du succès de la médiation, on s'en va vers la demande conjointe,
mais c'est beaucoup en avant du tribunal. Et la difficulté, c'est effectivement
qu'il y a énormément de gens qui s'en vont au tribunal et qui ne sont pas au
courant qu'il y a une séance d'information, ils vont le savoir uniquement le
jour où ils vont vouloir s'inscrire. Donc, ça arrive beaucoup, beaucoup trop
tard dans le processus, ça, c'est clair. Ça fait que, donc, mon expérience à
moi, c'était beaucoup en amont de la cour puis ça fonctionne.
M. Jolin-Barrette : Puis pour
illustrer votre propos avec la séance de parentalité, dans fond, pour les gens
qui nous écoutent pour comprendre, c'est qu'avant de pouvoir instruire un
dossier à la cour, le juge... bien, le greffier va vous dire : Avez-vous
suivi la séance de parentalité qui informe les gens sur leurs droits, sur leurs
obligations par rapport aux enfants, notamment dans la dynamique familiale?
Mme Cusson (Claudine) : ...au
moins 13 mois, ça arrive 13 mois après le début du dossier, mais ça
peut arriver. Dépendant des districts judiciaires, il y en a plusieurs qui
vont... qui ne vont pas exiger ce papier-là au niveau de... au moment de
s'inscrire, ils vont uniquement l'exiger le jour avant du procès, qui peut
arriver une couple de mois plus tard. Ça fait que, donc, vous avez des gens
qui, un an et demi, deux ans après avoir commencé leur procès, après avoir
investi, se font obliger d'aller à une séance d'information sur quelque chose
que c'est trop peu, trop tard.
M. Jolin-Barrette : Et vous
dites après 13 mois, parce que, dans le Code de procédure civile, c'est un
an pour inscrire le dossier en état.
Mme Cusson (Claudine) : À
partir du trois mois du projet... du dépôt du protocole d'instance, lequel
arrive trois mois après le début.
M. Jolin-Barrette : Puis
c'est un des objectifs qu'on a, dans le fond, on ne peut pas empêcher les gens
d'aller à la cour pour faire valoir leurs droits d'une façon pour des mesures
de sauvegarde ou une provisoire, tout ça, mais on veut que les gens aillent en
médiation, sous réserve des exceptions qu'on a indiquées : motif sérieux,
notamment violence conjugale, violence familiale. Vous nous avez mentionné...
Bon. Un coup qu'on a... supposons qu'on s'est entendu sur la médiation, on fait
entériner le jugement avec une demande conjointe. Là, désormais on va avoir,
pour un premier jugement, le service d'aide à l'homologation avec le greffier.
Dans les cas, là, où vous... supposons, il n'y a pas d'entente complète entre
les parties, mais vous vous entendez sur certains points, puis ça arrive, ça,
des fois qu'il reste des situations à régler ou les parties s'entendent,
supposons, sur la garde, mais ils ne s'entendent pas sur la pension. C'est des
cas qui peuvent survenir?
• (15 h 20) •
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Ils
s'entendent sur la pension, mais pas sur la garde?
Mme Cusson (Claudine) : Oui,
en fait, la pension n'est pas un gros problème, c'est surtout la garde qui est
un problème.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais
parfois ça va influer sur le montant de la pension.
Mme Cusson (Claudine) : Ah,
c'est clair que ça va influer sur le montant de la pension.
M. Jolin-Barrette : En
fonction de si c'est une garde exclusive.
Mme Cusson (Claudine) : Ou
une garde partagée.
M. Jolin-Barrette : Ou une
garde partagée. Mais il y a une partie du dossier qui se règle quand même en
médiation. Là, par la suite, ils vont devant la cour.
Mme Cusson (Claudine) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais
le fait qu'ils se soient parlé permet justement de régler une partie du
dossier. Puis là, rendu devant la cour, il y a des éléments qui ont été... qui
ont été déjà réglés en médiation.
Mme Cusson (Claudine) : Absolument.
Mme Thériault (Julie) : En
fait, si je peux me permettre, il faut encore qu'on ait l'opportunité de donner
l'information, parce qu'il va arriver dans certaines situations qu'on... que
des participants vont s'opposer, par exemple, à ce qu'on fasse le calcul de
pension alimentaire. Nous, on a convenu qu'on n'aurait pas de pension, même si
on les informe de l'obligation, l'obligation qu'on a de la calculer. On n'en a
pas de besoin. On en a parlé, ce n'était pas comme ça qu'on s'était entendus.
Donc, effectivement, des fois, ça va être précurseur à autre chose. Ça fait
quand on dit que la pension et la garde sont liées, elles sont effectivement
liées, puis il faut qu'on ait l'opportunité de donner l'information et, des
fois, c'est ça qui est difficile. Donc, quand on parle de violence conjugale, la
violence économique en est une forme, et ça devrait être un drapeau rouge quand
on n'est pas capables de parler de la pension alimentaire.
M. Jolin-Barrette : Parce que
ce que vous nous relatez, c'est que, dans certains cas, les partis vous disent
tout de suite : Non, non, on en a parlé puis on ne veut pas en discuter.
Mais là, déontologiquement, vous, vous l'abordez quand même puis vous
dites : Écoutez... Qu'est ce que vous dites, supposons? Supposons, là, je
viens vous voir...
Mme Cusson (Claudine) : Si
vous m'arrivez en disant que vous avez déjà pris une entente, puis il n'y aura
pas de pension...
Mme Cusson (Claudine) : ...mieux
encore, on va faire une garde partagée puis je ne te paierai pas de pension
puis, toi, tu réclameras toutes les allocations... les allocations familiales.
Donc, la réponse à ça c'est... Bien,
regardez, moi, je suis obligée de le calculer. Alors, si votre choix, c'est de
vous dire : On va s'en aller en garde partagée, c'est bien correct,
maintenant, on va... Je suis obligée de calculer la pension alimentaire, je
vous donne l'information et, à partir de ça, si vous choisissez... En fait, ça dépend,
s'ils sont mariés, c'est sûr qu'ils vont s'en aller devant un juge et c'est
clair que ça ne passera pas. Ça fait que je leur dis : Je suis désolée,
vous ne pourrez pas divorcer si vous n'avez pas votre calcul de pension
alimentaire qui est fait, s'il n'y a pas une annexe, qui est le formulaire de
pension alimentaire déposé au dossier de la cour, vous ne divorcez pas, donc,
vous n'avez pas le choix. Point. Fin de l'histoire.
Si c'est des conjoints de fait, ils n'ont
pas besoin d'un juge pour leur annoncer qui ils sont séparés, ils n'ont pas de
biens à partager dans la situation actuelle des choses. Donc, il y a énormément
de conjoints de fait qui n'iront jamais à la cour. Donc, je vais vous dire
qu'on a en médiation, énormément de gens qui ne sont jamais allés à la cour,
qui ne veulent pas y aller, qui n'iront jamais. Ils viennent uniquement en
médiation et vont faire leur révision en médiation, etc. Ça fait que, mettons
que, s'ils veulent s'en aller à la cour par la suite, même chose que pour les
gens divorcés, si vous voulez avoir votre jugement de garde partagée, vous
assurer que l'autre ne déménage pas au Yukon, ça va vous prendre votre annexe
I.
Mettons que vous décidiez de ne pas aller
à la cour, il n'y a pas de problème, je vais vous faire votre calcul, mais je
dois vous dire que si, après ça, vous décidez, mettons que je conclus en
faisant le calcul ensemble, après leur avoir donné les explications, qu'il y
aurait une pension alimentaire de 250 $ par mois à payer, puis qu'eux
autres décident que ça ne s'appliquera pas, bien, j'aime mieux avoir des
parents qui s'entendent que des parents qui ne s'entendent pas. Je ne veux pas
les... Je dois les accueillir comme ils sont, mais je vais leur mettre un
paragraphe gros comme ça, avec des «flashers» pour leur dire : Regardez
donc, voici ce que les parents ont décidé. Les parents sont informés que... et
les parents ont choisi qu'il n'y aurait pas de pension à payer. O.K. Je vais
essayer...
M. Jolin-Barrette : Dans le
document que vous leur transmettez.
Mme Cusson (Claudine) : Dans
le document qu'on leur remet, oui. Les parents... On choisit ce que les
parents... Voici l'information qu'ils ont. Donc, ils ont le chiffre à payer,
voici ce qu'ils choisissent. Et, en dessous, un paragraphe, avertissement de la
médiatrice, les parties sont informées que ceci n'est pas conforme au
règlement, qu'ils sont à risque de poursuites et que ça ne passera jamais
devant un juge. Rendu là, je ne peux pas faire plus. Je leur ai donné
l'information. C'est eux autres, les parents, c'est eux qui prennent les
décisions. C'est comme ça que je le fais pour les gens qui ne vont pas la cour.
S'ils vont à la cour, ma posture est claire : Si vous voulez avoir votre
jugement, vous devez respecter les règles.
M. Jolin-Barrette : Donc, ce
que vous leur dites, c'est que ça relève de leur sphère d'autonomie, mais ils
sont pleinement informés de ce à quoi ils renoncent.
Mme Cusson (Claudine) : Absolument.
Mme Thériault (Julie) : Il
faut... Pardon. Je m'excuse.
M. Jolin-Barrette : Allez-y.
Mme Thériault (Julie) : On
doit avoir... C'est nécessaire. Puis quand on parle d'autodétermination,
d'agentivité, etc., notre travail à nous, les médiateurs, c'est de s'assurer
que l'information va être au centre de la table puis que les parents discutent
de façon ouverte et transparente de c'est quoi, leurs obligations et de leurs
devoirs, dans certaines situations, c'est très difficile à faire.
M. Jolin-Barrette : Comment,
sur ces situations-là, comment est-ce que vous faites pour ouvrir le dialogue
en médiation? Tu sais, supposons, il y a un des conjoints qui est plus réticent
- ça doit arriver, là - comment vous faites pour ouvrir le dialogue puis créer
un espace de discussion?
Mme Thériault (Julie) : D'où
l'importance du dépistage et de la rencontre individuelle, parce que ça va nous
permettre d'aller voir c'est quoi, le positionnement de chacun des parents, de
leur donner l'information appropriée, puis de voir si on va être capable de
l'ouvrir sans qu'il y ait de risque pour l'une ou l'autre des deux personnes
Là, présentement, dans la façon que la médiation est instaurée depuis plusieurs
années, on va parler de caucus, on va parler, bon, de différentes choses, mais
on vient toujours amputer sur les cinq heures de médiation. Mais il n'y a pas
de... tout est inclus dans ce cinq heures-là. Donc chaque fois qu'on prend du
temps avec les parents, c'est du temps de moins qu'on a pour, éventuellement,
les mettre ensemble et négocier. Mais cet espace-là individuel, il est à créer
actuellement.
M. Jolin-Barrette : Vous avez
dit... C'est quoi ça, un caucus? Nous, en politique, on sait c'est quoi, un
caucus avec nos députés, mais un caucus en médiation.
Mme Cusson (Claudine) : En
fait, un caucus, c'est quand vous avez une rencontre... En fait, ça a des
règles particulières, une médiation. Normalement, on travaille en plénière ou
on travaille en caucus, donc, en plénière, c'est comme on est. Donc, moi, et
les deux parents qui sont devant moi dans mon bureau, ou sinon je vais
travailler en caucus, c'est-à-dire je vais avoir une discussion individuelle
avec chacun des parents séparément. Ce que je... ce que les...
M. Jolin-Barrette : Qui ne
sont pas physiquement ensemble.
Mme Cusson (Claudine) : Bien,
ils peuvent être physiquement ensemble, si la médiation...
Mme Cusson (Claudine) : ...en
présentiel, ils sont dans la même salle. Sinon, il y en a un des deux qui sort
dans la salle d'attente à côté de mon adjoint qui le regarde. Et, pendant ce
temps là, j'ai une discussion. Le temps que j'offre un, je dois offrir
exactement la même durée de temps à l'autre parent. Ce qui se dit en caucus est
confidentiel. Et, à la fin de la rencontre, je vais luis dire : Est-ce
qu'il y a des éléments de ce que vous m'avez dit que je peux réutiliser dans le
cadre de mon travail ou pas? Donc, c'est ça, un caucus. Alors, c'est une façon,
je vous dirais, indirecte qu'on a actuellement de faire du dépistage. Mais là,
maintenant qu'on a un outil de dépistage, j'aimerais ça que vous me posiez des
questions là-dessus, sincèrement, là, je voudrais vraiment qu'on puisse mettre
l'accent là-dessus, parce que c'est une nouvelle pratique que le ministère de
la Justice a promue, a fait des démarches, a payée pour, et c'est
extraordinaire comme outil, et ça fait vraiment une différence. Donc, depuis...
Moi, j'ai été, il y a eu un projet pilote. Quand on parle d'un protocole, ce
qu'on veut dire c'est que c'est un... dans le fond, comme dans une recherche,
il y a une hypothèse qui a été travaillée avec un groupe comparable. Donc là,
au Québec, on a choisi des médiateurs. C'est dans ce cadre là que l'AMFQ a
collaboré à fournir des médiateurs. Donc, il y avait un groupe de médiateurs
qui était formé sur le DORS et un autre qui était le groupe plate qui n'était
pas formé. Et ensuite... et on a comparé, le dépistage, qu'est ce que ça
donnait. Et moi, j'étais dans le groupe plate, donc je peux vous dire que le
jour avant et le jour après le dépistage, quand j'ai été formé après ça au
DORS, c'est extraordinaire tout ce qu'on peut travailler là-dedans, ça vaut
vraiment la peine. Et j'allais dire : Je me rends compte a posteriori
qu'il y a des dossiers que j'ai laissé passer, que je n'aurais jamais dû laisser
passer. Je... il faut accepter de vivre avec ça. On n'avait pas les outils. On
vous l'a dit, la recherche le montre, ce qu'on ne dépiste pas avec un
protocole, on ne le trouve pas. On a une chance sur deux de se tromper. On a
une obligation de compétence. On doit le faire. Donc, c'est dans ce sens-là
qu'on vous dit : on a une opportunité unique. Si vous mettez la médiation
obligatoire, de mettre le dépistage obligatoire, ça va faire tellement de
différence, il faut que ce soit fait.
M. Jolin-Barrette : D'accord.
Sur la question des sanctions, vous, nous invitez à enlever les sanctions.
Mme Cusson (Claudine) : Exact.
M. Jolin-Barrette : Sur tous
les motifs ou uniquement sur la question de la violence?
Mme Cusson (Claudine) : Je vais
vous dire... Je vais laisser Julie répondre.
Mme Thériault (Julie) : Bien,
en fait, avant de faire ce que je faisais, je travaillais dans le domaine des
violences sexuelles, O.K.? Puis ce qu'on sait, autant au niveau, là, des
violences sexuelles que de la violence conjugale, les fausses déclarations sont
excessivement rares. Puis éventuellement toutes ces déclarations-là ou le fait
de faire des déclarations peut aussi être un levier pour continuer la violence
à l'égard du conjoint ou de la conjointe vulnérable. Donc, éventuellement, ce
qu'on va faire, c'est qu'on va taper sur des gens où on va pouvoir
éventuellement poursuivre la violence d'un auteur sur une personne vulnérable.
Donc, c'est risqué quand même, là, d'aller vers l'aspect punitif. Puis, de
toute façon, les gens qui font des fausses déclarations, que ce soit en
agression sexuelle ou en violence conjugale, vont devoir quand même subir le
test de tribunal à un moment donné ou à un autre, parce que s'ils ne viennent
pas en médiation, s'ils veulent régler leur situation, certains vont devoir
aller sur le tribunal puis le juge va juger... va juger en fonction, là, de ce
qu'il va voir. Donc, la recherche nous encourage à faire très attention quand
on parle de fausses déclarations parce qu'elles sont excessivement rares, là,
on parle d'entre 5 % et 10 %.
• (15 h 30) •
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci, M. le
ministre. M. le député de l'Acadie pour 16 min 30 s, s'il vous
plaît.
M. Morin : Oui. Merci, M. le
Président. Alors, Mme Thériault, Me Cusson, merci beaucoup. Merci pour
votre mémoire. J'aimerais bien saisir, parce que vous avez, je pense, invité
fortement le ministre à rendre le dépistage obligatoire. Donc, je voudrais...
Pouvez-vous nous expliquer ça s'insère comment dans la séquence, ça arrive où,
pourquoi c'est aussi important? Puis est-ce qu'on devrait le souligner d'une
façon spécifique dans le projet de loi pour que ce soit clair pour tout le
monde?
Mme Cusson (Claudine) : O.K.
Donc, moi, je vais prendre la section comment ça s'insère. Et je vais laisser à
quoi ça sert à ma super collègue Julie. Alors, comment ça s'insère?
Concrètement, il faut que ça se passe avant la médiation, parce que ce qu'il
s'agit de voir, c'est... en fait, c'est notre posture de médiateur, de
s'assurer que les gens qui viennent en médiation, on se rappellera que les
avocats sont interdits en médiation, donc ce sont uniquement les parents et
leurs médiateurs, O.K.? Donc, dans ce contexte-là, est-ce que la médiation est
appropriée pour eux? Est-ce qu'ils sont en état de prendre une décision
commune, ou ils sont terrorisés, ou ils ont peur que, etc.? Donc, on doit
s'assurer de leur sécurité et on doit s'assurer si la médiation dans le
contexte est appropriée. Est-ce qu'ils ont une capacité de négocier, de prendre
des...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Cusson (Claudine) : ...pour
eux-mêmes. Alors, dans ce cadre-là, avant de commencer la médiation, on doit
faire cette vérification-là. Donc, en fait, on appelle ça dépistage, mais vous
comprenez que, dans un point de vue de communication publique, on appellerait
ça plutôt évaluation préalable, donc. Alors, on va appeler ça une évaluation
préalable et ce qu'on fait, la façon dont ça fonctionne, le DOORS, c'est qu'on
envoie un questionnaire à chacune des parties, on comprend que chaque question
correspond à un risque identifié par la recherche sur la violence conjugale.
Les questions ne sont pas posées au hasard, il y a 10 risques identifiés dans
le DOORS, et il y a des questions là-dessus.
Donc, les gens nous envoient le
questionnaire, évidemment, répondent séparément, nous envoient le questionnaire
qu'on reçoit séparément. Et, ensuite de ça, donc, c'est l'étape un, ils
remplissent le questionnaire. Étape deux, je regarde les deux questionnaires et
je vais valider les questions, chacun d'entre eux séparément, donc dans le
fond, un genre de caucus avec chacun d'entre eux. Et, suite à ça, je vais...
bien, déjà au niveau des réponses, dans le fond, on a un système de feu vert,
feu jaune, feu rouge, et c'est pour ça que je vous ai mis les petits dessins de
feu jaune, feu rouge, feu vert, là, mais... et c'est ça que vous avez dans le
tableau à la fin du mémoire, d'accord?
Donc, dans le fond, on doit se poser des
questions. Feu vert veut dire que la médiation est probablement sécuritaire;
feu jaune, on...
Mme Thériault (Julie) : Il y
a un feu vert pâle.
Mme Cusson (Claudine) : Il y
a un feu vert pâle avec des adaptations, il y a un feu jaune et il y a un feu
rouge. Donc, dans le fond, une fois que notre décision est prise, après ça, on
va poser des questions d'approfondissement. On va éventuellement référer, mais
on a une décision à prendre. Et, à partir de cette décision-là, on continue, on
adapte... ou, en tout cas, on propose ça aux clients. Et en fonction de cette
décision-là et de la réaction des clients, on continue ou on ne continue pas,
donc. Et, moi, d'un point de vue de juriste, ça prendrait aussi un contrat à
part pour l'évaluation préalable et aussi d'avoir... Parce qu'il est possible
qu'après avoir fait l'évaluation préalable, on en vienne à la conclusion qu'il
n'y a pas de médiation et donc on ne peut pas inclure ça dans le contrat de
médiation. Et donc on ne peut pas inclure ça...
En fait, on aimerait ça que ça soit séparé
en termes de subvention, parce que, comme je vous dis, c'est deux sujets
différents. Il y en a un qui est l'évaluation et l'autre qui est la médiation
elle-même. Ça fait que je ne sais pas si c'est clair pour ce bout-là, sur
comment ça se passe.
M. Morin : Oui, c'est très
clair. Je vous remercie.
Mme Cusson (Claudine) : Parfait.
Je passe la parole à ma collègue Julie.
Mme Thériault (Julie) : Donc,
comment ça se passe? En principe, là, le dépistage devrait se faire tout au
long de la démarche, là, pas seulement au début, mais du début à la fin. Donc,
à partir du moment où on revient, on va vérifier s'il se passe des choses parce
que la situation peut évoluer à tout moment. O.K. On parlait tantôt de la
pension alimentaire ou des choses, parce que, parfois, un des deux conjoints va
se rendre compte : Bien, j'ai droit à quelque chose. Puis là, pour la
première fois, je le sais, ça fait que là, ça va susciter des discussions.
Donc, il faut vraiment vérifier : Est-ce qu'on a une exacerbation? Est-ce
qu'il y a des choses... Donc, il faut être au courant de ça puis, éventuellement,
être ouvert aussi à moduler puis à faire des références. Dans la case jaune de
notre un protocole, éventuellement, on va peut-être référer les parents vers
des ressources pour qu'ils soient accompagnés.
Donc, si on dépiste un risque, bien,
éventuellement qu'on invite les parents à aller se chercher de l'aide, à avoir
un espace où ils vont être en mesure d'exprimer qu'est-ce qui se passe pour eux
puis qu'ils reçoivent du soutien pour revenir en médiation, peut-être, moins
chargés. O.K. Puis le but de tout ça, c'est d'assurer que ce soit sécuritaire d'un
bout à l'autre.
J'ai entendu beaucoup de présentations où il était
question du contrôle coercitif. Il faut comprendre que le contrôle coercitif, c'est
une forme de violence qui est précurseur à l'homicide de la partenaire, au
féminicide intime, là, O.K., mais toutes les formes de violence peuvent
éventuellement avoir un impact sur la capacité à négocier des personnes
vulnérables, des victimes. Donc, ce n'est pas de dire : Il faut juste
regarder s'il y a du contrôle coercitif, c'est l'ensemble des violences, on va
parler de violence sexuelle, économique, juridique, physique, etc., donc, le...
puis, bon, il y a toute la question de la santé mentale, de consommation, etc.
Tout ça, ça doit être considéré pour s'assurer qu'on est en mesure de bien
négocier puis de bien travailler avec l'information qu'on a.
M. Morin : Merci, merci
beaucoup. Donc, quand on regarde le projet de loi comme tel, parce que - puis
on en parlait même avant que vous commenciez votre exposé - il y a plusieurs
questions sur justement cette médiation-là obligatoire. Il y en a qui disaient :
Non, non, n'allez pas là, d'autres : Oui, oui, c'est bon, on est capables.
Mais ce que j'apprécie de notre entretien, c'est qu'en fait vous êtes capables
de nous amener plus loin compte tenu de l'expérience que vous avez. Mais, quand
je regarde l'article 6 du projet de loi, puis plus particulièrement l'article
419.2 où, entre autres, le ministre parle de la médiation, on ait entrepris une
médiation auprès d'un médiateur accrédité, en fait, là on pourrait dire :
J'ai entrepris finalement une évaluation...
M. Morin : ...qui pourrait
donner lieu à une médiation. Puis on nous a dit aussi qu'il y avait plusieurs
médiateurs accrédités, mais il y a des médiateurs familiaux.
Mme Cusson (Claudine) : Je
vais vous dire que, sincèrement, on est passé tout droit là-dessus parce qu'on
a tellement pour acquis que c'étaient des médiateurs familiaux dont on parlait,
là. Pour moi, c'est inconcevable que ce soient des médiateurs en civil et
commercial qui aillent faire de la médiation familiale. Pour moi, c'est clair.
M. Morin : O.K. Puis c'est
pour ça que je voulais aussi vous donner l'opportunité d'en parler, parce qu'il
y en a aussi qui nous ont dit : Bien, ce n'est pas toujours des médiateurs
familiaux. Puis là, bien, compte tenu de la problématique puis de la complexité
de ce genre de dossiers là, bien... Écoutez, je n'ai rien contre les médiateurs
en matière commerciale, là, c'est du monde compétent, mais peut-être que,
là-dedans, ce n'est pas la meilleure place pour les avoir.
Mme Cusson (Claudine) : Je
vous confirme, ce n'est pas la meilleure place pour les avoir. La meilleure
personne pour faire une médiation familiale, c'est un médiateur familial
accrédité, point.
M. Morin : Puis donc le
législateur devra en tenir compte, devrait le dire clairement?
Mme Cusson (Claudine) : Absolument.
Pas de doute. Il ne faut pas qu'il y ait de doute.
M. Morin : Excellent. Puis je
comprends aussi que c'est relié, finalement, à la formation qu'un médiateur
familial accrédité a, entre autres.
Mme Cusson (Claudine) : Oui,
sauf qu'il faut encore bonifier, parce que, par exemple, pour... donc, nous,
comme association, on a participé à la recherche, et la formation comme
telle... pour utiliser le protocole, ça prend une formation, donc, parce que la
formation généraliste, la formation de base de 60 heures fait de la formation
sur la violence conjugale, et c'est un domaine qui évolue énormément, donc il
faut quand même se mettre à jour, et tandis que nous autres, on parle d'un
outil de dépistage, comment l'utiliser.
Et, à cet égard-là, c'était une formation
qui était, au début, de trois heures, on l'a mise à 6 heures. On se rend compte
que les juristes partent d'un petit peu plus loin que les psychosociales dans
ce domaine-là. Et donc on est en train d'encore bonifier la formation. Donc,
pour utiliser le... il faut avoir une formation adéquate, qui... et aussi une
mise à niveau en termes de violence conjugale. Parce qu'en 11 ans, là, j'ai
entendu... ça a énormément évolué. Il faut se tenir à jour, là, il faut
vraiment se tenir à jour.
M. Morin : Tout à fait. Oui,
vous voulez rajouter?
Mme Thériault (Julie) : Oui.
Puis, actuellement, par règlement, on l'a entendu ce matin, avec l'Association
professionnelle des notaires, hein, la formation en médiation familiale pour la
violence conjugale, c'est six heures. Ça fait que, si on dit que le protocole en
lui-même demande 6 h, il manque des heures en quelque part.
M. Morin : Exact. Puis ça
aussi, c'est une préoccupation importante pour moi, parce que je comprends où
veut aller le gouvernement, le ministre, je comprends, mais il faut aussi se
donner les moyens de nos ambitions, puis si on ne les a pas puis... Tu sais, la
majorité des gens ne sont pas tous des millionnaires, là, ça fait qu'ils ne
sont pas nécessairement capables... On nous a dit, aussi... De payer. On nous a
dit aussi ce matin qu'il y aurait aussi avec des médiateurs familiaux
accrédités. Il y en a qui se, comme, désengagent parce que les taux du
gouvernement ne sont pas assez élevés, donc ça crée une rareté. Alors, moi, je
veux juste m'assurer que, si on met quelque chose en place, la population ne
sera pas déçue.
• (15 h 40) •
Mme Cusson (Claudine) : On
est tout à fait d'accord. C'est exactement ce qu'on a dit : Il s'agit de
ne pas créer de goulot d'étranglement. Avoir des médiatrices familiales, c'est
une chose, avoir des médiatrices familiales qui acceptent des subventions, c'en
est une autre. Nous, on est à 65 %, puis on a les plus enthousiastes. Je
ne peux pas présumer que toutes les autres acceptent dans la même proportion.
Donc, il s'agit de ne pas créer de goulot. Et c'est clair que l'enjeu, c'est un
enjeu financier, 75 %... Il s'agit de comparer les honoraires avec le
privé. Donc, le privé, dans 75 % de nos médiatrices, c'est des avocates et
des notaires. Ça fait que comparez le taux horaire des avocates et des notaires
avec le 130 $. Il y a des avocates qui m'ont dit : Mon bureau
m'interdit d'accepter des subventions.
M. Morin : Ce matin, on nous
a dit que ça ne couvrait même pas les frais de fonctionnement de leurs bureaux.
Mme Cusson (Claudine) : Je
vous confirme, ça ne couvre pas les frais de fonctionnement. La seule façon de
rentabiliser cette opération-là, c'est de travailler dans son sous-sol tout
seul, mais ce n'est pas une bonne idée.
M. Morin : Non. Je vous
comprends. O.K. Je vous remercie beaucoup pour ces précisions. Autre élément,
parce qu... il y a plusieurs groupes, associations qui sont venus nous dire
qu'il y avait des enjeux ou des craintes quant au partage des renseignements,
de l'information, parce qu'on parle de tribunal unifié, mais ça ne va pas
unifier tout. Pour moi, c'est un petit pas, il va rester encore la Cour
supérieure, il y a la Cour du Québec, avec différentes chambres. Est-ce que
vous pensez que la création, par exemple, d'un greffe unifié pour la famille,
qui pourrait aussi englober les dossiers de la Cour supérieure, c'est un
élément qui pourrait aider?
Mme Cusson (Claudine) : Ce
que je peux vous dire, c'est que nous, dans le cadre de notre travail, on doit
informer. Je vous le dis, on reçoit les gens en amont des tribunaux. Ma
compétence à moi, c'est d'être médiatrice familiale, mais aussi...
Mme Cusson (Claudine) : ...d'informer
les parties sur, éventuellement, les procédures qui vont suivre. Donc, c'est
dans ce cadre-là qu'on donne de l'information aux gens. Et dans le cadre
informatif, on va donc leur expliquer : Il faut aller là, il faut aller
là, il faut aller là. Voici les différentes étapes. Alors, je peux juste vous
dire que, quand nous, on reçoit les gens en médiation, ils sont dans un état de
stress extrême. On se rappellera que la séparation, c'est, tout de suite en
dessous du départ... du décès du conjoint, l'élément de stress le plus
significatif. Donc, ils retiennent peut-être 10 % de ce qu'on leur dit.
Donc, c'est sûr que plus c'est simple, plus c'est bien communiqué, simple et
clair, là, mieux c'est. Donc, c'est dans ce cadre-là.
Alors, moi, évidemment, je suis très mal
placée pour poser un commentaire sur la gestion de la confidentialité par les
greffes. Je vous ai dit, ma compétence, c'est l'information auprès des clients
dans un contexte de médiation familiale.
M. Morin : O.K. Bien. C'est
bon. Je m'attardais, entre autres, à votre recommandation 2, où vous soulignez
de créer un greffe unique aux affaires familiales. Donc, c'est quelque chose
qui pourrait aider?
Mme Cusson (Claudine) : Définitivement,
je pense que c'est une bonne idée, mais je ne pourrais pas vous répondre par
rapport au... par rapport à la confidentialité des dossiers, là.
M. Morin : Je comprends. Par
contre, vous recommandez aussi, puis ça, vous en avez parlé, de modifier le
Code de procédure civile pour déclarer confidentiel le processus de dépistage,
donc.
Mme Cusson (Claudine) : Oui.
M. Morin : En fait, c'est un
continuum de ce que vous dites. Il faudrait que le processus de dépistage soit
là, préalable, mais il faudrait aussi qu'il soit confidentiel.
Mme Cusson (Claudine) : Bien,
en fait, c'est parce que, je vous dirais, la médiation elle-même est attaquée,
en termes de confidentialité. Il y a une décision de la Cour suprême du Canada
qui vient dire que si les parties, après avoir terminé leur médiation, que ça
ait marché ou pas, il y en a une des deux qui considère qu'il y a eu une
entente puis que l'entente n'est plus respectée, il peut faire la preuve de
cette entente par tous les moyens. Ça veut dire qu'il s'en va à la cour et
qu'il s'en va témoigner sur qu'est-ce qui s'est passé en médiation, dans le but
de dire, de faire la preuve qu'il y avait une entente en médiation. Ça veut
dire que tout ce qui était marqué confidentiel ne l'est plus. C'est de ça dont
on parle. C'est grave.
Donc, nous autres, c'est sûr que... Ça
fait que la seule façon de s'exclure... Et c'est implicite, donc, même s'il est
marqué dans un code, dans une... même s'il y a des clauses de confidentialité à
l'intérieur des contrats de médiation... Et c'est ça qu'il y a dans notre
contrat modèle, dans notre guide des normes de pratique, il y a une clause de
confidentialité, la médiation est confidentielle. Bien, savez-vous quoi? Elle
ne l'est pas tant que ça. Donc, c'est dans ce cadre-là qu'il faut absolument
que ce soit protégé.
Alors, déjà, la médiation elle-même, ce
n'est pas si protégé que ça, à cause de la décision de la Cour suprême, jusqu'à
ce qu'on se prononce sur l'obligation d'avoir un écrit et qu'on sorte de cette
ouverture à remettre en question la médiation rétroactivement quand ça ne fait
plus notre affaire, mais si... mais, en plus de ça, est-ce que le dépistage,
l'évaluation préalable avec des données... Je ne sais pas si vous vous rendez
compte, il y a des questions sur les tendances suicidaires aussi, là, et ce
n'est pas pour rien. On sait que si... ce n'est pas des questions indiscrètes,
là, c'est des questions extrêmement pertinentes parce qu'il y a un lien
immédiat entre les pensées suicidaires et le risque de passage à l'acte. Donc,
bien, il y a des questions là-dessus, alors imaginez les réponses que les gens
ont répondu, là, c'est ultra confidentiel. Alors, si la médiation elle-même, ce
n'est pas si clair que c'est confidentiel, imaginez le dépistage, au préalable.
Ça ne fait... Tu sais, ce n'est pas de la médiation, c'est l'évaluation
préalable par un médiateur, donc, d'où l'importance de le protéger
spécifiquement.
M. Morin : Très bien, merci,
M. le Président. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de
l'Acadie. Alors, Me Cusson, Mme Thériault, merci beaucoup d'avoir été avec nous
cet après-midi. C'est un grand privilège.
Et, sur ce, je suspends les travaux
quelques instants pour accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 46)
(Reprise à 15 h 48)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait grand plaisir d'accueillir
la représentante et représentants de l'Association du Barreau canadien,
division du Québec. Merci beaucoup d'être avec nous.
Alors, vous connaissez les règles de la
commission parlementaire. Donc, d'abord vous présenter et débuter votre
présentation. Après ça, on aura un temps d'échange avec les membres de la
commission. La parole est à vous.
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Merci,
M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, je me
présente, Jonathan Pierre-Etienne, président de l'Association du Barreau
canadien, division Québec, et je suis accompagné par le professeur
Boulanger-Bonnelli et de Me Amélie Samson, qui sont respectivement président du
comité législation et réforme du droit et présidente de la section droit de
l'enfant et de la jeunesse de la section Québec de l'ABC.
L'Association du Barreau canadien, l'ABC,
est une association nationale regroupant plus de 40 000 juristes,
dont les avocats, notaires, professeurs de droit, étudiants en droit dans
l'ensemble du Canada. Les principaux objectifs de l'ABC comprennent
l'amélioration du droit et l'amélioration de la justice. La division Québec de
l'ABC collabore de manière active à la vie juridique du Québec ainsi qu'aux
travaux des principaux comités nationaux de l'ABC. Notre association est perçue
comme l'une des voix impartiales et éclairée sur les questions juridiques
d'importance.
Le présent mémoire a été préparé par les
sections du droit de la famille, droit de l'enfant et de la jeunesse, en plus
du comité Législation et réforme de droit. Il a été approuvé par le conseil
d'administration de l'ABC Québec à titre de déclaration publique de notre
division. Les discussions sur la réforme du droit de tribunaux dans les
matières relatives à la famille se font place depuis de nombreuses années. La
venue d'un tribunal unifié de la famille, connue sous son acronyme TUF, est
envisagée depuis des décennies. Vous l'avez mentionné, M. le ministre, dans vos
remarques préliminaires du 20 mars dernier, déjà dans les années 70,
le comité du tribunal de la famille de l'Office de la révision du Code civil du
Québec identifiait les inconvénients suivants qui découlaient de l'absence d'un
TUF, incertitude, perte de temps et d'argent, multiplicité des procédures et
l'impossibilité de... et la possibilité de jugement contradictoire, d'autant
plus de sources d'ennui que de frustration. Pour le juge saisi du litige, il
est difficile, sinon impossible, de concilier l'ensemble du problème familial
et d'apporter une solution globale. C'est donc avec prudence que nous
accueillons l'objectif poursuivi par le projet de loi n° 91.
• (15 h 50) •
Si l'intention d'améliorer la situation de
la justice pour les familles est louable, certaines dispositions du projet de
loi soulèvent des préoccupations importantes quant à sa mise en œuvre concrète,
à sa portée constitutionnelle, à ses implications pour les justiciables.
L'absence quasi totale de données fiables sur le fonctionnement de l'institution
judiciaire constitue un obstacle majeur à toute réflexion sérieuse sur l'avenir
du système judiciaire. Il est difficile d'envisager des réformes
institutionnelles sans pouvoir s'appuyer sur des données statistiques
rigoureuses et surtout accessibles à tous. À cet égard, le chantier no 7
du projet ADAJ, Accès au droit et à la justice, illustre bien l'importance
cruciale d'une telle base de connaissance pour orienter les choix en matière de
la politique judiciaire. Toutefois, considérant les limites des approches
actuelles, il nous semble essentiel d'explorer d'autres options qui pourraient
être mieux... qui pourraient mieux répondre aux besoins spécifiques des
justiciables, des familles et des enfants.
M. le Président, sans assises solides,
toute tentative de réforme risque de s'appuyer sur des impressions plutôt que
sur des réalités objectivement mesurables. Nous soulignons tout
particulièrement la volonté du gouvernement de rendre les procédures en matière
familiale plus accessibles, en évitant que le justiciable ait à s'adresser à
plusieurs instances pour résoudre de diverses dimensions d'un même litige. Nous
soulignons également la volonté du législateur de porter une attention
particulière aux victimes de violence conjugale, familiale et sexuelle, dont
les dossiers doivent souvent enchaîner devant deux cours distincts. En ce sens,
p.l. n° 91 représente un pas dans la bonne direction.
Outre les diverses modifications...
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : ...modifications
qu'il met en œuvre, qu'il nous semble s'inscrire en ligne directe des principes
généraux de la procédure civile québécoise, en mettant par exemple l'accent sur
la prévention, d'un règlement de différends et des litiges, par des procédés
adéquats, efficients, empreints dans l'esprit de justice et favorisant la
participation de personnes, ainsi qu'en proposant des mesures susceptibles de
contribuer à l'accessibilité et à la célérité de la justice civile.
Il faut souligner que... à ce chapitre, un
nouveau système de séance de conciliation à l'audience sommaire, qui
s'apparente à la conférence des règlements à l'amiable, tout en assortissant un
mécanisme simple et rapide pour une décision finale si la conciliation
n'aboutit pas à un règlement négocié. Cette innovation nous apparaît prometteuse,
sous réserve des commentaires que nous formulerons dans le présent mémoire et
ce que vous avez déjà entendu de nos collègues précédents.
D'une manière générale, le p.l. n° 91
est une suite intéressante dans la réforme du droit de la famille amorcée il y
a quelques années, certains de ses aspects nous laissent perplexes. Dans sa
forme actuelle, en raison notamment du manque de coordination entre les
instances provinciales et fédérales, le projet de loi risque de soulever des
questions constitutionnelles complexes. Nous anticipons en outre des
difficultés dans sa mise en application et ce qui a trait des ressources
requises.
À ce titre, il importe de rappeler, M. le
ministre, que l'ABC dénonce depuis de plusieurs années le problème criant de
sous-financement du système judiciaire, que ce soit au niveau des ressources au
sein des palais de justice, tant au greffe qu'au soutien à la magistrature,
qu'à l'aide juridique, qu'aux services aux citoyens, et, plus récemment, comme
vous le savez de notre lettre de l'ABC, M. le ministre, des juges
administratifs.
Il importe que cette nouvelle réforme
s'accompagne d'investissements conséquents afin de nommer et rémunérer de
nouveaux juges, mais aussi d'embaucher massivement des greffiers, des huissiers
audienciers et des membres du personnel de la Cour du Québec.
Je cède maintenant la parole à ma collègue
de l'ABC, Me Amélie Samson, qui ajoutera ses propos, et ça sera suivi du Pr
Boulanger-Bonnelly, qui suivra. Et je cède donc de ce pas à Me Samson.
Mme Samson (Amélie) : Merci,
M. le Président. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés, donc, moi,
je vais m'attarder principalement au niveau de l'aspect par rapport à la
création, qu'on voit comme une préoccupation, de deux catégories d'enfants. En
fait, ce qu'on voit à la lecture du p.l. 91, c'est qu'il y aura la
catégorie d'enfants qui sont dans le cadre d'enfants issus d'un mariage et la
catégorie d'enfants issus d'unions civiles ou d'unions parentales et le fait,
par rapport à p.l. n° 56, d'être nés avant ou après le 30 juillet
2025. Donc, c'est sûr qu'on a une préoccupation, entre autres parce qu'une des
catégories d'enfants sera toujours sous l'égide de la Cour supérieure, et, si
un ou l'autre des parents est accusé au criminel, de ce qu'on comprend, il y
aurait aussi un procès devant la chambre du Québec puis au criminel et pourrait
aussi avoir un procès devant la chambre... la Cour du Québec, pardon, chambre
de la jeunesse et en Cour supérieure pour ce qui est du divorce et de toutes
les questions relatives à sa garde. Donc, on aurait cette première catégorie là
et, dans l'autre cas, les enfants issus d'unions parentales où l'ensemble des
procédures seraient traitées devant un même tribunal.
Donc, ça, c'est certain qu'on a une
inquiétude parce que notre crainte, c'est qu'il pourrait y avoir des jugements
contradictoires qui seraient issus des trois différentes instances dans le
cadre des enfants qui ne sont pas issus d'une union parentale. Ce qui veut dire
que, comme le projet de loi vise entre autres à unifier les procédures, à
rendre plus accessible le système, il pourrait avoir une différence aussi de
coût pour le justiciable, selon quel tribunal peut traiter ces dossiers, parce
qu'il pourrait y avoir dans un cas plusieurs auditions nécessaires versus qui
serait devant le TUF. Donc, ça, c'est une première inquiétude que nous avons.
Et, deuxièmement, c'est justement par
rapport aux conjoints de fait, les conjoints de fait qui ne s'inscrivent pas
dans le cadre d'une union parentale. C'est certain qu'on se questionne. Vu
l'objectif indiqué dans ce projet de loi là, pourquoi on n'en parle pas?
Qu'est-ce qui arrive de ces conjoints de fait là qui ne sont pas dans le cadre
d'une union parentale? Est-ce qu'on veut tout simplement les exclure, ou, dans
le cadre d'une deuxième mouture, il en sera question? Donc, c'est une
préoccupation qu'on a pour cette catégorie-là de conjoints. Et, justement,
nous, on considère que la loi, le projet de loi devrait s'appliquer à
l'ensemble des parents conjoints peu importe le type d'union dans lequel ils se
sont inscrits, mariés, conjoints de fait, union parentale, union civile. Pour
nous, il y aurait une application qui devrait être la même pour l'ensemble des
parents, au Québec, et des enfants.
Une autre façon que je vous dirais qu'on
a, c'est par rapport à...
Mme Samson (Amélie) : ...comme
vous pouvez voir dans notre mémoire, c'est une préoccupation que nous avons,
parce qu'actuellement les règles de procédure étant très différentes, tant en
Cour du Québec chambre de la jeunesse, par exemple, qu'en cour familiale, on a
beaucoup d'avocats qui sont spécialisés uniquement en droit familial et
d'autres qui se spécialisent en droit de la jeunesse, et l'offre de formation,
présentement, est insuffisante. Donc, c'est sûr qu'à ce niveau-là nous
voudrons... C'est une préoccupation concernant la formation qui serait donnée,
mais notre plus grande préoccupation concerne les enfants, vous pouvez le
constater dans la mémoire, la représentation des enfants par avocat devant les
différentes instances, c'est... Pour nous, l'enfant doit être au cœur du
système, doit être au cœur de toutes les décisions et, actuellement, certains
enfants ne reçoivent pas les représentations ou l'accompagnement juridique
auquel ils ont pleinement droit. Et, de ce côté-là, il devrait avoir
quand même des préoccupations qui sont adressées par le TUF ou par rapport à
toute modification qui serait faite pour ce qui est de la gestion des dossiers
en matière familiale. Les enfants ont une notion du temps différente
présentement d'un adulte. Actuellement, avec les délais, entre autres, devant
la chambre de la jeunesse, nous avons des enfants qui voient leur vie mise en
suspens pendant des mois, voire même des années avant d'avoir une décision
finale qui les concerne, ce qui a des conséquences. S'installer dans leur
nouveau milieu de vie ou autre. Donc cette notion là de temps chez l'enfant est
aussi à prendre en compte dans toutes les réflexions qui seront faites. Pour la
suite...
Le Président (M. Bachand) :Oui, le 10 minutes est déjà passé, on est déjà à la période
d'échange. Alors, M. le ministre...
Mme Samson (Amélie) : Je suis
désolée...
Le Président (M.
Bachand) :Non, il n'y a pas de problème.
On a du temps encore, en masse. M. le ministre, pour 17 minutes.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Pierre-Étienne. Me Boulanger-Bonnelly, Me Samson, bonjour.
Merci de participer aux travaux de la commission et de présenter la position de
l'Association du Barreau canadien, division Québec. J'ai bien noté, M. le
Président, que vous avez indiqué, au nom de l'Association du Barreau canadien,
que vous êtes d'accord avec le fait de viser la célérité dans la justice et de
faire en sorte que les citoyens puissent régler notamment leurs litiges
rapidement. Alors, je comprends que, sur le fait d'avoir des solutions
alternatives civilistes, notamment, de prévention de règlement des différends
comme la médiation obligatoire, comme la conciliation, audiences sommaires,
vous êtes à l'aise avec ça, vous êtes en accord, vous encouragez ça.
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Tout
mode alternatif, M. le ministre, est louable, effectivement, il y a des
certaines directives qui doivent être tenues en compte. Je pense que
l'association qui est venue parler juste avant nous vous a fait ces
commentaires-là qu'on a bien entendus aussi. Donc, c'est ce que je peux vous
dire.
• (16 heures) •
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Puis,
si je peux ajouter peut-être sur l'audience sommaire, la séance de conciliation,
on trouve que c'est un mécanisme novateur très intéressant. Par contre, on a
une préoccupation au niveau du fait que ce soit le même juge qui, d'une part,
fasse la conciliation, par exemple, en avant-midi, et ensuite le litige, s'il
n'y a pas eu d'entente.
Et, comme vous le savez très bien, en
matière de conférence de règlement à l'amiable qui semble avoir inspiré le
nouveau mécanisme que vous avez développé, bien, dans cet autre contexte-là, on
a décidé que ce n'est pas le même juge qui allait entendre les parties en
conciliation et ensuite qui allait trancher le litige, pour une raison très
simple, c'est-à-dire que les parties vont être plus ouvertes, plus franches
dans la conciliation si elles savent que le juge n'aura pas connaissance de ce
qu'elles ont dit dans ce contexte-là qui est très confidentiel. Donc, pour
nous, on est un peu perplexes par rapport à cette proposition-là, que ce soit
le même juge, évidemment, c'est plus efficace, mais encore faut-il que ce
soit... que ça mène à des bons règlements et que ça puisse protéger les droits
des parties. Donc, c'est une recommandation qu'on faisait.
Et puis sur la médiation obligatoire, un
petit point également, nous sommes favorables évidemment à la médiation
obligatoire qui a fait ses preuves, notamment dans d'autres juridictions. Mais
la réserve principale qu'on a, c'est un peu la même que celle que d'autres
groupes vous ont apportée aussi en commission parlementaire, c'est-à-dire que
les victimes de violence, il faut trouver des mécanismes pour ne pas que le
fardeau soit sur elles, de montrer les motifs sérieux, ce qui pourrait poser
plusieurs problèmes. Et on a mentionné dans notre mémoire, le mécanisme DOORS
que les intervenants précédents mentionnaient également. Donc, on est
favorables à l'utilisation d'un tel mécanisme de dépistage d'une façon... qui
ne met pas le fardeau sur les victimes, qui permet de leur donner accès à la
justice et donc de mobiliser les bénéfices de la médiation obligatoire, tout en
évitant le problème que ça pourrait causer pour ces personnes-là.
M. Jolin-Barrette : Donc,
sous réserve des enjeux que vous venez de soulever, des préoccupations, vous
êtes favorables à la médiation obligatoire pour justement faire en sorte, bien,
d'améliorer l'efficacité du système de justice puis aussi que les parties
participent au règlement de leurs litiges.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Exact.
M. Jolin-Barrette : Dans le
fond, c'est une prise, je vous dirais, une participation active dans...
16 h (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...la
solution qui est proposée plutôt que d'aller vers les procédures judiciaires
puis ultimement de se faire dicter quel sera le jugement parce que, lorsqu'on s'en
va devant un juge, bien, on présente nos arguments, mais ultimement on ne
participe pas à la solution, c'est une solution qui est... qui est imposée.
Peut-être vous... vous entendre, là, parce
que, dans la proposition que nous faisons avec le tribunal unifié, c'est de
faire en sorte que la médiation, elle est obligatoire. Donc, les parties
peuvent déposer leur demande à la Cour en matière familiale pour supposons qu'il
y a une situation d'urgence, de demander des mesures provisoires, demander un
interlocutoire. Mais cependant, avant de pouvoir obtenir une audition de fond,
ils vont devoir avoir été en médiation. Et là, si la médiation échoue, bien,
les juges vont pouvoir leur proposer justement la conciliation audience
sommaire. Mais la conciliation audience sommaire, elle est volontaire, donc les
parties décident d'y aller ou non. Puis parfois ça peut arriver qu'il ne reste
que quelques points de la médiation à régler qui n'ont pas été réglés, puis là,
à ce moment-là, bien, les parties disent : Bien, parfait. Puis ça ne sera
pas tous les dossiers qui iront en conciliation audience sommaire aussi parce
que, si c'est une relation de conflit très élevée et qui n'a aucune chance, en
fonction de la nature du dossier, de pouvoir se régler en conciliation, ce n'est
pas un dossier qui va être sélectionné par la magistrature. Et là, ce modèle-là
existe en Ontario. Il y a des projets-pilotes également au Québec aussi, puis c'est
le même juge aussi. Donc, je retiens votre commentaire sur le fait de dire :
Bon, c'est vrai que, quand on va à un règlement à l'amiable, c'est un autre
juge, sauf que, dans ce contexte particulier là, c'est volontaire, les parties
savent dans quoi ils s'engagent. Dans un souci d'efficacité puis aussi de ne
pas avoir à raconter plusieurs fois le dossier aussi, ça m'apparaît être une
solution alternative qui donne un outil supplémentaire aux parties, là. Qu'est-ce
que vous en pensez quand je vous... quand je vous dis ça?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Deux
commentaires rapides de mon côté. Premièrement, est-ce que les parties sont
vraiment au courant de tout ça lorsqu'elles s'engagent dans le processus,
notamment les parties qui ne sont pas représentées par avocats, qui sont quand
même en grande proportion dans les dossiers familiaux? Est-ce qu'elles vont
savoir, au moment de consentir à une conciliation audition sommaire, que ce
sera le même juge qui va les entendre et, surtout, quelles sont les
conséquences de ça sur la divulgation qu'elles vont faire dans la conciliation?
Donc, il y a quand même ça qu'il faut régler, c'est-à-dire qu'il faut donner de
l'information, s'assurer que les gens soient bien conscients de tout ce que ça
implique.
Deuxième point, c'est vrai que c'est
volontaire la conciliation, et c'est une bonne nouvelle que ce soit volontaire
dans ce contexte là. Par contre, il y a un article dans le projet de loi qui
prévoit qu'une fois que les parties se sont engagées dans le processus elles ne
peuvent y mettre fin, et ça, c'est l'article 416.1 que vous proposez dans
le Code de procédure civile. Et donc une partie pourrait s'engager dans le
processus, tenir la conciliation, finalement révéler des renseignements qu'elle
croyait peut-être être confidentiels. Réaliser que le juge ensuite va être le
même qui va entendre le dossier sur le fond, qui va pouvoir trancher. Et là, à
ce moment-là, si elle souhaite se retirer pour éviter que ces renseignements-là
soient communiqués au juge, elle ne pourra pas le faire. Et donc, ici il y a
ces deux préoccupations-là qui, je crois, se chevauchent, qui font en sorte qu'on
devrait peut-être essayer d'adapter le mécanisme pour éviter les conséquences
qui pourraient en résulter pour les parties.
M. Jolin-Barrette : Par
contre, dans le projet de loi, ça prévoit que le juge peut mettre fin à l'audience
de conciliation sommaire. Mais je suis d'accord avec vous sur le fait que, oui,
ça prend de l'information, et ça va être fait notamment avec le greffe, lorsque
le greffe va informer les parties de l'obligation de la médiation et, par la
suite, qu'il y a à leur portée la conciliation audience sommaire si jamais la
médiation pas fonctionné. Alors, toute l'information va être disponible, va
être communiquée aux différentes parties parce que l'objectif, là, avec le
projet, c'est de faire en sorte que les dossiers familiaux cheminent d'une
façon qui soit le plus harmonieuse possible et surtout qu'on offre un service
efficace de qualité en fonction des besoins des familles.
Vous le savez à quel point, une
séparation, ça peut être anxiogène, litigieux pour l'ensemble de la cellule
familiale. Ça fait qu'on vise à adapter puis à simplifier le tout et,
malheureusement, vous le savez, ça fait 50 ans qu'on en parle du tribunal
unifié, ça n'a jamais été fait, là. Je pense que vous nous dites dans votre
mémoire : Bien, on devrait peut être l'envoyer à la Cour supérieure.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui,
effectivement, c'est en fait une réflexion qu'on fait, là, c'est-à-dire qu'évidemment
on est conscients des enjeux constitutionnels qui découlent de tout ça et des
négociations qui sont requises. Donc, on salue la volonté d'avoir une solution
intérimaire, une solution...
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...qui
est proprement québécoise. Ceci dit, on est quand même inquiets des
conséquences que ça peut avoir puis du morcellement plus grand que ça peut causer
entre-temps.
On est conscients de notre volonté aussi,
peut-être, d'avoir une deuxième phase, quelque chose qui serait peut-être
encore plus unifié que ce que vous proposez aujourd'hui, et c'est très bien,
mais, entre-temps... Et surtout, si cette solution là intérimaire devient une
solution un peu plus à long terme, parce que les négociations n'aboutissent
pas, est-ce qu'on va causer plus de problèmes que ce qu'on va régler? C'est un
peu la question qu'on pose.
Et puis on se demande s'il n'y a peut-être
pas d'autres mécanismes qui pourraient être envisagés. Vous avez peut-être lu
la lettre ouverte de l'ancien juge Chamberland, qui proposait aussi un
mécanisme de coordination entre la Cour supérieure et la Cour du Québec. Puis
ce n'est pas nécessairement une alternative complète à ce que vous proposez
dans le TUF, mais, par contre, peut-être, en mobilisant à la fois la solution
que vous proposez et la solution du juge Chamberland, on permettrait une
harmonisation encore plus grande. Donc, on pense que le TUF que vous proposez
est une très bonne solution, de façon générale, mais comme première étape, vers
quelque chose qui serait véritablement harmonisé.
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Si
je rajoute, M. le ministre, au point de mon collègue, le renvoi dans la Cour
supérieure est aussi pour des raisons institutionnelles. Il va y avoir des
formations qui vont être dues, et la Cour... la Cour du Québec sera prête, j'en
suis certain, mais, pour des raisons, aussi... On pourrait dire, depuis les 175
dernières années, la Cour supérieure s'occupe des affaires familiales, et donc
de... pas nécessairement chambouler, mais, je veux dire, de transférer ce
savoir là, qui va se faire en certaines étapes, même si les juges vont faire
leur formation, vont être... vont être prêts, comme je l'ai mentionné, ça peut
créer une certaine incertitude de ce côté-là. Donc, c'est le point que je
voulais rajouter.
D'autant plus qu'il va y avoir... il va
falloir que vous dépêchiez ou que la Cour du Québec dépêche certains juges pour
être capables de fournir, au fur et à mesure que le nombre de volumes... le
nombre de dossiers va augmenter. Et là la question, c'est d'où vont provenir
ces juges-là, de quelles chambres, ou comment vont... comment vont être
répartis puis comment qu'on va assigner les nouveaux dossiers, où qu'on va
faire de la place, comme on dit, avec... pour faire du temps de juge, comme on
l'appelle.
M. Jolin-Barrette : Alors,
bien, écoutez, vous avez raison de dire que c'est une première étape, j'ai eu
l'occasion de le dire à plusieurs reprises. Donc, on met en place le tribunal
unifié puis on va vers la totalité des dossiers dans le tribunal unifié. Pour
ce qui est de quels juges, le projet de loi prévoit que c'est notamment les
juges de la Chambre civile et de la Chambre de la jeunesse. Puis pour ce qui
est des assignations, bien, écoutez, ce n'est pas le ministre qui fait les
assignations, en vertu de l'indépendance judiciaire, donc je respecte cette
séparation des pouvoirs là.
Alors, écoutez, je vous remercie pour
votre présence en commission parlementaire. Je vais céder la parole à mes
collègues, mais un grand merci pour votre présence aujourd'hui. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député de Saint-Jean, pour 5 min 55 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. Me Pierre-Étienne, Me Boulanger-Bonnelly et Me Samson, de
l'ABC-Québec, je reconnais maintenant, après quelques années en Commission des
institutions, la présence d'ABC-Québec plus que régulière, et c'est une très
bonne chose, et, à la lumière de la conversation que vous aviez avec le
ministre, je me réjouis que vous soyez capables de remettre votre placotage à
jour, comme ça, de projet de loi en projet de loi, puis il me semble qu'on
avance à chaque fois.
• (16 h 10) •
Vous en avez parlé un peu avec lui vers la
fin mai, essentiellement, vous aviez une conversation, presque, d'initiés sur
la cuisine des cours, des chambres, des greffes, et tout ça. Je voudrais vous
ramener, pour le non-initié, au fait qu'ils entendent... le public, les
citoyens, la population entendent parler de ça depuis 50 ans, puis ça... puis
ça n'avait jamais abouti. Je n'ose pas dire que le ministre, notre ministre y
va à petits pas, parce que ce n'est pas son genre, il est pas mal plus coureur
de fond, quand ce n'est pas un sprinter, avec le nombre de projets de loi, en
tout cas, mais effectivement, on va y aller par étapes, là. Le premier jalon,
c'est ça qu'on a là, c'est le premier jalon qui est devant nous. Je voudrais que
vous nous aidiez à voir comment ce premier jalon là va s'installer dans la
suite des choses.
Je ne veux pas étirer ma question, mais je
veux la placer, pour les gens qui nous écoutent en continu, un petit peu, là,
parce que vous y avez fait référence à... vous aussi. Il y a eu des témoins
avant vous, il va y en avoir d'autres après. J'ai entendu tout à l'heure une
des témoins nous dire : Quoi? Ça va prendre 18 ans, là, vous allez avoir
deux catégories d'enfants pendant 18 ans, là. Bon, c'est relativement facile à
comprendre, mais le monde... le monde qui ne comprennent pas le système peuvent
y voir quelque chose de bizarre. Mais, effectivement, on est sur plusieurs
régimes, dont un nouveau régime dont on vient d'hériter du ministre, récemment,
avec le régime parental. On comprend qu'on n'aura pas tout ce qu'on veut au
début. Puis on comprend que c'est une idée qui chemine depuis 50 ans. Avez-vous
des conseils pour le ministre pour comment mieux faire ce chemin-là? Et
d'ailleurs il va falloir qu'il aille en parler avec ses amis à Ottawa, parce
qu'il est nouveau ministre des Relations...
M. Lemieux : ...canadiennes,
donc c'est ses amis officiellement maintenant, il va aller voir avec eux ce
qu'il est capable de faire. Mais c'est l'ambition, mais ce n'est pas fou non
plus, là, ça tombe sous le sens, depuis 50 ans déjà.
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Depuis
50 ans, on en parle. Mais, avant de passer la parole à mon collègue Me
Jérémy Bonnelly, ce que je peux vous dire, avant de commencer à mettre des
jalons, la pierre fondamentale, c'est de financer notre système de justice. Et,
à ce niveau-là, ce premier étage où... on ne pourrait même pas dire.. cette
fondation n'est pas en place. On parle de l'aide juridique, il va être enchâssé
dans le p.l. 91, on parle de greffiers, on parle de greffes. Et ces étages-là,
pour pouvoir asseoir, comme on dit, depuis 50 ans qu'on en parle,
depuis... pour asseoir ce projet de loi, comme l'Ontario finance adéquatement
sa justice, n'a pas été fait encore. Donc, quand on parle du TUF, oui, c'est
noble. Et, le 20 mars dernier, M. le ministre a présenté le rapport qui
avait été... qui avait été fait il y a 70 ans — ça m'étonne qu'il soit encore
en une pièce — mais pour qu'on puisse... pour qu'on puisse mettre vraiment le TUF
de l'avant, qu'on puisse mettre peu importe le modèle qu'on voudrait faire.
Puis les trois cours de justice vous le répètent, l'ABC vous le répète et
plusieurs associations le répètent, M. le Président, M. le ministre, il faut
financer la justice adéquatement, et après ça on aura les moyens de faire ce
qu'on veut.
Me Bonnelly, si on... vu qu'on n'a pas le
financement, comme on le répète... Je vais laisser Me Bonnelly vous présenter
qu'est-ce qui pourrait être fait vu qu'on est en cinquième vitesse sur un
projet de loi.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : En
fait, le commentaire que j'ajouterais, c'est qu'effectivement, c'est peut-être
une bonne chose de faire une réforme partielle, mais encore faut-il que la
suite vienne assez rapidement. Et est-ce qu'on va devoir attendre encore
50 ans, 60 ans avant que la deuxième phase vienne? Je pense que
personne ne l'espère. Tout le monde espère qu'on arrive rapidement à la suite
des choses pour avoir une solution qui est véritablement unifiée, véritablement
harmonisée. Mais, vous êtes beaucoup mieux placé que nous pour le savoir,
l'agenda législatif est très chargé, les sujets qui méritent votre attention
sont très nombreux, et donc est-ce que ce sujet-là va tomber entre les craques
et puis est-ce que, finalement, on va se ramasser avec cette solution-là, qui a
ses propres problèmes, pendant une certaine période de temps? Et c'est pour ça,
en fait, qu'on est un peu perplexes, on est un peu inquiets. Puis on veut
s'assurer que cette solution-là, entretemps, ne cause pas plus de mal que ce
qu'elle va réussir à résoudre, en attendant effectivement qu'on arrive à la
suite des choses.
M. Lemieux : Il me reste très
peu de temps. Mais je vous écoute me répondre puis je dis : Oui, mais on a
le nouveau régime parental, on a plein d'autres choses. Je comprends que, du
jour au lendemain, on n'aura pas un juge, une intégration verticale pour tout
le monde. Je comprends aussi qu'il y a des parents qui vont peut-être se
retrouver à se séparer après l'union parentale, ça va venir compliquer les
choses. Ce n'est pas la première fois que c'est compliqué, là, mais... Mais,
déjà, si on est capable de bien servir du jour 1 de ce premier jalon, ces
nouveaux... je les appelle «clients», moi, dans les circonstances, là, qui se
présentent dans le système, pour les amener à la modernité, à quelque part,
pour les amener dans ce qu'on voudrait tous savoir à un moment donné, quant à
moi, moi, je suis... je regarde ça aller puis je me dis : Oui, il y a
probablement beaucoup de problèmes, s'il n'y en avait pas, on ne l'aurait pas
espéré pendant 50 ans. Mais ça continue d'être souhaitable, non?
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de
Saint-Jean.
M. Lemieux : Oupelaïe!
Désolé. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Alors donc, M. le député de
l'Acadie, pour 17 minutes, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Alors, Me Pierre-Etienne, Me Boulanger-Bonnelly, Me Samson, merci
d'être avec nous cet après-midi, merci pour votre mémoire. C'est toujours un
plaisir de vous revoir et de vous entendre en commission.
J'ai lu attentivement votre mémoire. Il y
a quelques précisions que j'aimerais qu'on... en fait, vous entendre puis qu'on
puisse discuter. Jusqu'à maintenant, le gouvernement, dans son projet de loi,
veut mettre en place un processus de médiation obligatoire. Il y a des groupes
qui nous ont dit : Oh! c'est une très bonne idée, et il y en a d'autres
qui nous ont dit : Non, surtout, n'allez pas là, entre autres parce que,
dans le cas notamment du contrôle coercitif, ça peut être difficile à dépister,
à évaluer et ça peut créer des enjeux de taille. Juste avant vous, on a entendu
les experts, avec leur mémoire, l'Association des médiateurs familiaux du
Québec, qui nous ont... en tout cas, peut-être, je vous le soumets, proposé une
voie de passage en nous disant : La médiation, ce n'est pas si mauvais que
ça, obligatoire, mais il faudrait peut-être une étape préalable. Et d'ailleurs
vous faites référence à ça dans votre mémoire, à la page cinq...
M. Morin : ...le système DOORS
notamment. Est-ce que vous pensez que si on ajoutait ça dans le projet de loi,
particulièrement à 419.2, que ça pourrait être une valve de sécurité qui
permettrait justement d'évaluer si quelqu'un vit une situation de contrôle
coercitif, et, si c'est le cas, bien, à ce moment-là, pas faire de médiation,
mais de référer le dossier au tribunal directement. Alors, j'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Effectivement,
je pense que c'est ce qu'on dit un peu dans notre mémoire, pas de façon aussi
éloquente, peut-être, que les personnes qui nous ont précédés, mais c'est un
peu ce qu'on veut dire, en ce sens que la médiation obligatoire est très utile,
mais encore faut-il qu'elle soit utilisée dans les situations où c'est
pertinent de le faire avec des mécanismes de triage ou de dépistage qui sont
adéquats. Et je pense que c'est la Pre Costanzo que vous avez aussi entendue
plus plus tôt, qui, dans ses travaux à elle, parlait aussi de triage. Et ce
n'est pas nécessairement quelque chose qu'on a développé au Québec, mais dans
le cadre d'un tel triage, pour orienter les dossiers vers la meilleure solution
possible, ce dépistage-là pourrait aussi avoir lieu avec le protocole DOORS. Et
donc, effectivement, si on réussissait à ajouter cette étape là, peut être
qu'on pourrait résoudre les problèmes avec la médiation obligatoire et pouvoir
bénéficier de ses avantages.
M. Morin : Puis, évidemment,
il faudrait... je comprends que cette cette partie-là soit également
confidentielle, parce qu'on nous disait tout à l'heure que les parties qui y
participent remplissent des questionnaires avec évidemment des questions qui
sont... puis des réponses vont hautement personnelles. Donc, je comprends que
c'est quelque chose que vous suggérez d'ajouter également.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Absolument,
puis ça tombe sous le sens, étant donné le caractère très intime, personnel de
ces questions-là.
M. Morin : Bien.
Mme Samson (Amélie) : Si vous
me permettez...
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : En
matière jeunesse...
Mme Samson (Amélie) : Allez-y...
M. Morin : Oui.
Mme Samson (Amélie) : Donc,
au niveau du contrôle coercitif, en effet, c'est une préoccupation, là, qu'on
nomme, M. le député. D'ailleurs, il y a de plus en plus de formations offertes
aux juristes. C'est des nouvelles formations puisque c'est des concepts qui
sont difficilement en effet détectables parce qu'on surnomme souvent le
contrôle coercitif la cage aux barreaux invisibles. Donc, de le percevoir,
c'est certain que cet aspect-là devra aussi prévoir un aspect formation pour
les médiateurs pour vraiment être amené à percevoir l'ensemble des situations,
puisque ce n'est pas évident, et d'autant plus d'amener les victimes à n'en
parler et à reconnaître qu'elles sont dans ce processus-là de contrôle passif.
Donc, oui, la médiation, il devra y avoir cette préoccupation-là au niveau des
formations, là, pour s'assurer qu'on n'a pas des victimes qu'on revictimise par
ce processus-là.
M. Morin : Me Pierre-Étienne,
voulez-vous ajouter quelque chose ou...
• (16 h 20) •
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Non,
c'était sur le point, M. Morin, que je voulais rajouter pour... en droit
de la jeunesse.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Les médiateurs nous suggéraient également d'ajouter, dans le projet
de loi : «médiateur familial accrédité». Le projet de loi tel qu'il est
rédigé présentement, à 419.2, parle de «médiateur accrédité». Ma compréhension,
c'est, quand on fait référence à un médiateur accrédité, ça inclut tous les
médiateurs, donc ceux qui sont spécialisés en droit commercial, droit des
affaires, droit civil, etc. Je comprends que les médiateurs familiaux
accrédités ont une formation particulière. Est-ce que, dans votre pratique,
c'est quelque chose que vous avez été à même de constater?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Je
laisse Me Samson sur ce point.
Mme Samson (Amélie) : Oui.
Donc, au niveau des médiateurs, je peux vous dire... Là, présentement, moi, je
pratique en région, donc dans la région du Bas-Saint-Laurent. Présentement, il
y a une pénurie de médiateurs, avocats. Donc, on a beaucoup de médiateurs qui
sont travailleurs sociaux, et je respecte fortement leur travail. Donc, je peux
vous dire que oui, c'est des gens qui sont spécialisés en droit de la famille,
mais principalement, quand on s'adresse aux victimes de violence, c'est certain
que, pour nous, l'aspect «être accrédité en matière familiale» va avoir une
importance, justement, parce que toutes ces notions-là de violence conjugale,
violence post-séparation, contrôle coercitif, les différentes formes d'abus,
dont les... un des parents peut être victimes, de même que les enfants, ça
prend une sensibilité, ça ne prend pas juste des formations juridiques, mais
aussi au niveau psychosocial et autre. Ça fait que ça nous apparaît quand même
important que cet aspect-là soit repris pour s'assurer que ces familles-là sont
accompagnées jusqu'au bout, avec l'ensemble des formations requises pour ne pas
qu'on se retrouve encore avec des catégories différentes de parents qui
auraient accès à différentes qualités de services selon qui est le médiateur en
face d'eux.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Juste
un dernier point.
M. Morin : Oui, bien sûr.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Ça
m'amène à la question des ressources, en fait. Parce que, ma collègue, l'a
mentionné...
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...il
y fait allusion, mais en région, des fois, c'est difficile de trouver des
médiateurs, encore plus des médiateurs accrédités en matière familiale. Et là,
si on rend cette exigence-là obligatoire, d'aller en médiation, encore faut-il
que le gouvernement prenne cette responsabilité-là de rendre les services
accessibles, parce que sinon des parties pourraient se retrouver dans une
situation où elles ont l'obligation d'aller en médiation, mais pas
nécessairement accès aux services auxquels elles doivent référer. Donc, très
important, le point des ressources, encore une fois, et surtout son aspect
régional.
M. Morin : Puis vous... bien,
vous comprendrez que, pour moi qui suis élu au Parlement, c'est une
préoccupation majeure parce que je comprends l'objectif que poursuit M. le
ministre, mais si par la suite les ressources ne suivent pas ou les programmes
ne suivent pas, bien, c'est qu'en fait on donne une impression que ça va bien
aller, mais, au fond, les gens en bout de piste vont vont être plus frustrés
qu'autre chose.
Médiation, les tarifs du gouvernement,
j'ai compris que ce n'était pas très élevé, que ça pose un problème, le nombre
d'heures également. Est-ce que dans votre quotidien, dans votre pratique, c'est
quelque chose que vous vivez?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : C'est
quelque chose qu'on remarque, effectivement, les tarifs, puis ce n'est pas
juste ces tarifs-là que vous m'avez mentionnés, là. Quand j'ai parlé tout à
l'heure de subventions dans le système de santé... système de santé, système de
justice, santé aussi, mais justice, présentement, c'est déficient. On vient
d'ajouter un boyau de plus à la magistrature qui va devoir concilier leurs
effectifs. Puis, M. le ministre l'a mentionné, il ne va pas aller dans la
gestion d'effectifs, mais il y a certaines choses qu'on ne peut pas faire de
plus avec les ressources qu'on aura ou... Et, de ce côté-là, va aussi pour la
gestion des greffes ou va aussi pour la gestion des dossiers, va aussi pour les
médiateurs aussi, qui sont peu nombreux, qui sont souvent, des fois,
virtuellement accessibles quand ils sont accessibles pour les régions. Et donc,
s'il y en manque, puis, en plus, les tarifs sont moins... ne sont pas assez
élevés, ceux qui en font vont en faire plus, mais est-ce qu'ils vont être assez
accessibles et est-ce qu'aussi ça va permettre aux justiciables d'avoir accès à
l'ensemble des services qu'il peut y avoir dans le nouveau système?
M. Morin : Je vous remercie.
Autre élément, il y a des groupes qui nous ont mentionné qu'ils avaient peur à
ce que l'information ne soit pas partagée au sein des différentes chambres de
la cour. Le projet de loi fait un pas, mais il y a encore plusieurs dossiers
qui vont rester à la Cour supérieure, notamment toute la question de l'union...
de l'union de fait avec l'enfant. Ça ne sera pas envoyé à la Cour du Québec.
Est-ce que vous pensez qu'un greffe, par exemple, unifié de la famille, qui
inclurait les dossiers puis l'administration des services de la Cour supérieure
et de la Cour du Québec pourrait aider?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Ça
va dépendre comment... comme on l'a dit, sur les enjeux constitutionnels. Une
famille sans enfant, qui se sépare et qui a un patrimoine d'en haut de
100 000 $ versus le même... la même famille, on pourrait dire, la
même situation, les mêmes faits avec un patrimoine, marié, ou encore une autre
qui est en bas de 100 000 $, dont les faits se ressemblent, va se
transposer par deux jugements qui pourraient être différents aussi. Et puis,
pour l'instant, qui aurait... qui a compétence sur ces biens-là? Ou une famille
qui aurait une fiducie avec certains biens qui soient en haut ou en bas de
100 000 $, avec ou sans enfants, qui a... qui sera le juge ou la
compétence de la Cour supérieure ou de la Cour du Québec? Donc, il y a
certaines questions de ce volet-là que, pour l'instant, selon les ambitions du
gouvernement ou ce qui arrivera dans les prochaines moutures, bien, il y aura
certainement des questions constitutionnelles de ce côté-là.
M. Morin : Il y a un autre
élément que j'aimerais aborder avec vous, c'est aussi toute la question des
demandes de filiation. Parce que je comprends très bien qu'au niveau du
mariage, divorce, bon, c'est de la compétence de la Cour supérieure, il y a un
enjeu constitutionnel, ça, c'est clair, mais... et corrigez-moi si je fais
erreur, mais au niveau de la filiation, il me semble que ça, c'est carrément
dans le Code civil. Et là, quand on regarde les différents modes ou les
questions reliées à la filiation, on se ramasserait même, avec le projet de
loi, devant des tribunaux différents. Je ne sais pas si vous avez regardé cette
question-là, mais, par exemple, la filiation par la reconnaissance ou par le
sang, ça resterait à la Cour supérieure. S'il y a la filiation d'un enfant
et...
M. Morin : ...issu d'un
projet parental impliquant la contribution d'un tiers, donc par exemple la
procréation assistée, don de sperme ou d'ovules, ça resterait à la Cour
supérieure, mais, dans le cas de la grossesse pour autrui, ça serait la Cour du
Québec et, dans le cas de la filiation adoptive, c'est à la Cour du Québec.
Puis j'ai de la misère à comprendre pourquoi le législateur n'a pas tout envoyé
à la Cour du Québec, à moins qu'il y ait un enjeu constitutionnel que je ne
connaisse pas. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là? Est-ce que vous
avez des recommandations pour nous? Parce que ça m'apparaît rendre la situation
encore plus complexe que ce qu'elle est présentement ou, en tout cas, pas la
simplifier.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Mais
c'est un bon exemple du morcellement continu qui va persister avec le projet de
loi qui est présenté. Sur le plan constitutionnel, on ne s'est pas penché
spécifiquement sur la question. C'est sûr que la Cour suprême a dit, dans le
renvoi sur l'article 35 du Code de procédure civile, qu'une compétence
fondamentale des cours supérieures, c'est de trancher les litiges en droit
privé. Donc, on ne peut pas retirer une trop grande partie des litiges de droit
privé de la compétence des cours supérieures. Et là tout est une question de
degré. C'est une analyse très contextuelle qui est difficile à faire, mais
peut-être que c'est là où la réflexion s'est arrêtée du côté du gouvernement,
on ne le sait pas de notre côté. Mais, effectivement, je pense que, dans la
poursuite de l'objectif général du projet de loi, si on tient à harmoniser le
plus possible les recours en matière familiale, peut-être qu'il y aurait lieu
d'y ajouter, là, ces matières de filiation là.
M. Morin : Je vous remercie.
Dernier point que je voudrais soulever avec vous, parce que vous l'avez évoqué
dans votre mémoire, c'est toute la question de la conciliation du juge qui va
l'entendre, mais du même juge qui pourrait éventuellement statuer sur
l'ensemble du dossier. Je trouve ça étonnant. Je sais que vous en parlez dans
votre mémoire. Est-ce que ce ne serait pas... Est-ce que ce ne serait pas
prudent d'avoir un juge qui va faire la conciliation? S'il réussit à régler
certains éléments, il le constate, les parties le constatent également, mais
après ça, c'est un autre juge qui continue à régler l'ensemble du dossier?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Effectivement,
c'est ce qu'on propose. Et puis ça s'inscrit en ligne directe avec ce qu'on
fait déjà au Québec. Nos pratiques avec la CRA, c'est qu'il y a deux juges
différents qui se prononcent... qui aident en matière de conciliation et,
ensuite, qui se prononcent pour trancher le différend, et on ne voit pas
pourquoi la situation serait différente dans les conciliations et auditions
sommaires. Puis, sur le point de vue... Donc, les parties ne sont pas
nécessairement au courant que ça va être ça, la solution, et donc elles
pourraient révéler des choses dans un contexte confidentiel de conciliation,
qui, par la suite... elles ne souhaitaient pas que ce soit... que ça fasse
partie de la décision, là, du juge. Donc, il y a un enjeu à cet égard-là. Puis,
à notre avis, ce serait préférable que ce soit deux juges différents,
effectivement.
• (16 h 30) •
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : C'est...
À ce niveau-là, il y aurait... il y aurait certainement des questions de délai
pour avoir accès à un deuxième juge. Donc, possiblement, c'est dans cette
vision-là que le gouvernement a donc écourté, pour envoyer ça sur un seul juge,
malgré les pratiques qui se font présentement, à moins qu'il y ait un deuxième
juge qu'on pourrait dire en attente qui pourra traiter... qui pourra traiter de
la chose, si c'est corrigé dans le projet de loi.
M. Morin : Sauf que le projet
de loi dit aussi, en prenant pour acquis que c'est le même juge, là : La
séance de conciliation va avoir lieu le matin, puis le juge va tenir une
audience sommaire en après-midi puis il va rendre jugement. Évidemment, il y a
une autre disposition qui dit : «Le juge peut toutefois décider de ne pas
tenir d'audience sommaire, notamment en raison de la durée estimée.» je
comprends qu'on veut être efficace, mais est-ce que c'est réaliste de penser
qu'il va y avoir une séance de conciliation le matin, et l'après-midi le juge
va s'asseoir sur le banc, va rendre jugement, puis ça va être fini à la fin de
la journée?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Bien,
comme dit le ministre, il a cette voie-là au juge en chef de la Cour du Québec,
pour voir comment il va concilier avec ce qu'on lui envoie dans sa cour. Je ne
peux pas vous répondre. Est-ce qu'on... M. le juge en chef décidera que le juge
décidé pourrait avoir... pourrait être un autre ou... Mais c'est une question
d'effectif, M. Morin, une question d'effectif.
M. Morin : Très bien. Alors,
je vous remercie beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de
l'Acadie. Alors, à mon tour de vous remercier d'avoir été avec nous cet
après-midi, c'est très apprécié.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants pour accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup. À bientôt.
(Suspension de la séance à 16 h 31)
16 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 16 h 33)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît. La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les
représentantes de l'Association des avocats et avocates en droit familial du
Québec. Alors, Me Kirouac, Me Pelletier, merci beaucoup d'être avec
nous. Alors, vous connaissez la procédure, un 10 minutes de présentation.
Après ça, on aura une période d'échange avec des membres de la commission.
Donc, la parole est à vous.
Mme Pelletier (Sarah-Claude) : Oui,
bonjour. Donc, je suis Sarah-Claude Pelletier, avocate. Je suis secrétaire de l'Association
des avocats et avocates en droit familial du Québec. Je vais rapidement
présenter l'association et ensuite passer la parole à Me Kirouac.
Donc, l'Association des avocats et
avocates en droit familial du Québec est un organisme sans but lucratif non
subventionné par le gouvernement, qui regroupe près de 500 avocats et
avocats du Québec qui oeuvrent en droit familial partout sur le territoire.
Notre expérience de première ligne en matière familiale nous permet d'être des
spécialistes du domaine. Aucune autre corporation professionnelle ne possède la
formation et la spécialisation nécessaires à l'exercice de ce champ de pratique
complexe. Elle a pour objectif d'informer ses membres des derniers
développements jurisprudentiels, d'offrir de la formation continue, d'intervenir
devant les tribunaux pour faire valoir les intérêts généraux des avocats
œuvrant en droit familial, et même, dans certains cas, de défendre les intérêts
des justiciables sur des questions qui affectent l'ensemble de la population.
Finalement, comme c'est le cas aujourd'hui, elle a également comme rôle de
soumettre aux différents ministères des mémoires sur les politiques avant-projets
de loi et projets de loi touchant le droit de la famille. Donc, je passe la
parole à Me Kirouac.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Alors,
bonjour à tous. Écoutez, si l'association de longue date a toujours été en
faveur de l'institution d'un tribunal unifié, on avait d'ailleurs même
rencontré le ministre Lametti il y a plusieurs années sur cette question là, on
ne peut pas donner notre aval à ce qui est proposé au présent projet de loi.
Contrairement à l'expression de «tribunal unifié», il ne s'agit pas ici d'un
tribunal unifié de quelque manière que ce soit, il s'agit d'un échangeur
Turcot. On va tout à coup avoir deux autoroutes, l'autoroute de gauche et l'autoroute
de droite, et l'une et l'autre vont se pencher sur les mêmes questions et
auront à rendre des décisions en matière de garde d'enfants, de pensions
alimentaires pour enfants, pensions alimentaires pour ex-conjoints, si on pense
aux conjoints unis civilement, le partage du régime matrimonial, notamment
toujours les conjoints unis civilement, l'action en enrichissement sans cause,
la prestation compensatoire et tous les recours liés à la protection de la
résidence familiale selon le statut marital ou de conjoint de chacun des
parents.
Outre que le risque de voir des courants
jurisprudentiels disparates nous inquiète, mais il y a plus. À l'aube, n'est-ce
pas, de l'entrée en vigueur de tout le régime d'union parentale, on veut
confier l'ensemble des questions et le pouvoir de trancher à un tribunal qui,
avec le plus grand respect, n'a pas l'expertise. C'est un tribunal qui n'a
jamais statué en matière de pension alimentaire, qui ne sait pas c'est quoi,
les revenus d'un travailleur autonome, qui ne sait pas c'est quoi les frais
particuliers, comment calculer effectivement les frais de garde, si on tient
compte ou on ne tient pas compte effectivement de tous les bénéfices étatiques
reliés aux enfants. Ça me semble particulièrement dangereux, et, au risque de
me répéter, ce n'est pas un tribunal unifié, c'est un deuxième tribunal.
Par ailleurs, il n'est pas clair au projet
de loi si c'est la Chambre civile ou la Chambre de la jeunesse qui serait la
chambre pour exercer cette nouvelle compétence. Et si d'aventure c'est la
Chambre de la jeunesse, le projet de loi est entièrement silencieux à la question
de savoir si un juge en Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec pourrait,
lors de l'audition de mesures de garde, rendre une ordonnance de compromission.
Et je me dois de vous souligner que les règles de preuve en matière de
protection ne sont pas les mêmes qu'en matière civile, notamment le ouï-dire
est admissible à certaines conditions.
Dans une perspective...
Mme Kirouack (Marie Christine) : ...strictement
financières, par ailleurs. L'association ne comprend pas pourquoi le
gouvernement du Québec injecterait de nouveaux fonds pour payer la rémunération
des nouveaux juges de la Cour du Québec, alors que le fédéral assure le
traitement des juges de la Cour supérieure. Il nous aurait semblé beaucoup plus
opportun de faire en sorte d'élargir la compétence de la Cour supérieure en
matière de protection de la jeunesse, pour faire un vrai tribunal unifié. Et
c'est d'autant plus surprenant étant donné les nouvelles qu'on a eues quant aux
difficultés financières que connaît le Québec présentement et le déficit
d'importance auquel on est présentement confrontés.
Quant à la question des délais de
délibération, on ne comprend pas pourquoi la Cour du Québec, n'est-ce pas, ou
les parties en Cour du Québec bénéficieraient, à 324, Code de procédure civile,
d'un délai plus court de délibération qu'à la Cour supérieure. C'est comme deux
poids, deux mesures.
Les séances de conciliation et l'audience
sommaire. Nous sommes en profond désaccord avec les ordonnances pouvant être
rendues de façon sommaire par le juge qui aurait procédé à une séance de
conciliation. Et je vous souligne qu'en matière de conférence de règlement à
l'amiable l'article 165 est particulièrement clair à l'effet que le juge qui,
effectivement, a entendu ne peut pas se saisir du dossier et ne peut pas
entendre et instruire l'affaire, soit en partie, soit totalement, par la suite.
Il est faux de croire, par ailleurs, qu'un juge qui aura entendu tout ce qui a
été dit dans la conciliation, y compris tout ce qui pourra être dit puis qui
n'est pas soumis aux règles de preuve, pourra par ailleurs, totalement mettre
de côté ce qu'il aura entendu. Et même s'il en était capable, ce n'est pas
l'impression que vont avoir les parties.
En matière de CRA, là — parce
que la conciliation qui est là, c'est une CRA, hein? — les juges
posent des questions, ils prennent position. Est-ce qu'après ça, en audition
sommaire les parties vont trouver qu'ils sont devant un tribunal complètement
neutre et à l'écoute de chacune des parties? Vous savez, la justice, c'est aussi
l'apparence de la justice, et on est en profond désaccord avec le fait que le
même juge puisse... D'autant que, s'il est vrai que c'est supposé être protégé,
ce qui est dit là, à partir du moment où c'est la même tête qui doit trancher,
on peut se poser des questions.
La médiation obligatoire. Écoutez,
l'association va être congruente avec notre position à de multiples reprises,
et notamment en 2016, où il y a eu des travaux là-dessus, et tout le monde
s'était... en tout cas, une grande partie s'était prononcée contre. La
médiation, comme toutes les formes de marques... et, on se comprend, la
médiation... je suis médiatrice accréditée, et c'est un outil absolument
extraordinaire, mais ça doit être entrepris de façon libre et volontaire.
Et je vais aller plus loin. Je vais fêter,
dans quelques mois, mes 25 ans à titre d'intervenante de première ligne au
programme d'aide du membre du Barreau du Québec. Je vais vous dire que, dans
une perspective de santé mentale, il y a des situations de séparation où ce
serait dangereux, pour la santé mentale d'une des parties, d'avoir à aller en
médiation obligatoire. Et je vais vous donner des exemples, tu sais. La toute
jeune femme, là, qui vient d'accoucher, et que... dont le conjoint vient de
partir pour la laisser là, O.K., l'autre, que ce soit monsieur ou madame, et
qui retrouve des sous-vêtements, dans le lit conjugal, qui ne sont pas les
siens... Et c'est des cas réels que moi, j'ai vus en pratique, là, dont je vous
parle.
• (16 h 40) •
De dire à ces gens-là : Vous devez
absolument aller en médiation, c'est mettre à mal leur santé mentale et leur
possibilité d'aller, quelque part, guérir un peu avant d'entreprendre l'espèce
de chemin qui peut être, je vous dirais, un chemin de Damas, dans certains cas.
Et c'est ça, l'odieux que vous mettez sur les femmes victimes de violence,
auxquelles on va imposer un réel fardeau, hein? De la main gauche, elles
devront déclarer qu'elles sont victimes de violence pour pouvoir ne pas aller
en médiation, avec tout ce que ça va impliquer, parce qu'à ce moment-là je
tiens pour acquis que le conjoint violent va partir avec elle, va demander une
ordonnance et des dépens, en vertu de 419.2, tel que proposé, et madame pourra,
effectivement, être confrontée, n'est-ce pas, au fait qu'au bout du compte le
tribunal pourrait juger que son motif est insuffisant.
M. le ministre, je trouve qu'à partir du
moment où ce gouvernement vient de voter la modification de l'article 2858.1 du
Code civil, où on doit mettre de côté les mythes chez les violents... les
victimes violences de... victimes de violence sexuelle ou conjugale je ne
comprends pas que, tout à coup, vous confrontiez des femmes victimes de
violence à faire des déclarations. Et l'autre possibilité, c'est qu'elles
décident, comme dans bien des dossiers, de ne pas en parler pour ne pas
soulever l'ire... Et elles vont devoir, à ce moment-là, aller en médiation? Ça
nous semble un non-sens. Et je vais aller plus loin. Il y a juste des gens qui
ne sont pas très bien outillés pour aller en médiation, et ce n'est pas... Tu
sais, le chocolat, c'est très bon, mais ce n'est pas pour tout le monde.
Par ailleurs, à partir du moment où le
processus de médiation est ce qui est...
Mme Kirouack (Marie Christine) : En
termes des négociations, la politique nationale intérieure de la médiation est
protégée. Permettre d'ordonner des dépenses, une partie retardée, n'est-ce pas?
La médiation nous semble ouvrir une boîte de Pandore parce que comment-allez
vous pouvoir faire la preuve devant le tribunal que l'une des parties, n'est-ce
pas, a retardé, n'a pas été constructive dans le processus de médiation? Et par
ailleurs, on n'est pas supposé, parce que c'est supposé être protégé, et c'est
ce qui fait la magnificence de la médiation, ça permet effectivement une grande
liberté de parole, c'est ouvrir une boîte de Pandore, et il est surprenant
qu'on ait un article 420 qu'on veuille escamoter en matière d'union
parentale, c'est-à-dire que l'article 420 de procédure... du Code de
procédure civile permet à nos tribunaux, n'est-ce pas, de suspendre une
instance à la demande des parties ou suite à une suggestion, n'est-ce pas pour
leur permettre d'aller en médiation? Et le tribunal, avant de rendre une telle
décision, nous dit, le deuxième alinéa de l'article 420, «doit prendre en
considération l'équilibre des forces en présence». Je vous soumets que le
projet de loi tel que libellé ne prend nullement en compte l'équilibre des
forces en présence.
Par ailleurs, je vous dis que
l'association se pose de sérieuses questions, à savoir, même si ça se
justifierait à la lumière des chartes puisque les époux et les conjoints
parentaux, qui ne seront pas des conjoints parentaux au 30 juin 2025,
ne seraient pas soumis à une telle obligation?
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.
Mme Kirouack (Marie Christine) : En
résumé...
Le Président (M.
Bachand) :Le 10 minutes passe très
rapidement, donc on va passer à la période d'échange. Merci beaucoup, Me
Kirouac et Me Pelletier. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Me Kirouack, Me Pelletier, pour l'Association des
avocats et avocates en droit familial du Québec, merci de votre présence et de
la présentation de votre mémoire.
Bien, première question peut-être, Me
Kirouack, là : Avec quoi l'association est en accord avec le projet
loi 91?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Avec
rien du tout. On va être clair.
M. Jolin-Barrette : Avec rien
du tout. Bon, au moins, c'est...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Si
vous aviez fait un tribunal unifié en Cour supérieure où on aurait la
compromission et l'ensemble des questions de filiation et des époux, de leurs
enfants, des conjoints de fait et leurs enfants, on serait les premiers à vous
applaudir sur la place publique, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends. Alors bon, on part de là, vous êtes en désaccord avec tout. Non,
mais ce n'est pas... ce n'est pas la... On a le plaisir de pouvoir échanger
avec vous dans le cadre des nombreux projets de loi qu'on a déposés, puis vous,
vous nous dites toujours ce que vous pensez, puis je l'apprécie. Vous êtes
franche, puis c'est clair, on sait à quoi s'en tenir avec vous.
Alors, sur la question de l'attestation,
tu sais, il y a plusieurs groupes qui nous ont dit : Écoutez, sur la
médiation obligatoire pour les victimes de violences conjugales, on soulève des
préoccupations. Vous avez fait de même, là, à l'instant, j'en suis. Donc, on
réfléchit à ça, notamment sur la question de la pénalisation associée.
L'objectif de ça est de faire en sorte justement qu'on ne se retrouve pas dans
une situation où il y a des gens qui fassent des fausses déclarations. Mais on
a le souci pour la victime, alors, on est en train de réfléchir à ça.
Par contre, je voulais vous entendre sur
2858.1 qu'on a modifié dans le cadre du projet de loi n° 73. On demande
tout de même une attestation du fait que la personne victime a consulté un
organisme de soutien. Est-ce que le fait de...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Ça
aussi, c'est un problème.
M. Jolin-Barrette : Ça aussi,
c'est un problème?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Ça
aussi, c'est un problème. Je trouve que tout ça... c'est limite. Et pourquoi
est-ce que les gens tiennent pour acquis que si quelqu'un fait une déclaration
qu'elle est victime de violences conjugales, ce qui est possible que ce soit
une fausse déclaration. Si je déclare que je me suis fait voler mon sac à main,
il n'y a personne qui va remettre en question que je me suis fait voler mon sac
à main. Pourquoi en matière de violences conjugales ou sexuelles, tout à coup,
on tombe ailleurs?
M. Jolin-Barrette : Bien,
en...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Pourquoi
est-ce que quelqu'un devrait aller faire une déclaration officielle et pas
juste à l'intérieur effectivement du... du forum? C'est comme si ça prenait une
tierce partie qui va venir accréditer qu'on est vraiment... qu'on a vraiment
été victime parce qu'on va avoir leur imprimatur, parce qu'on va avoir fait une
déclaration à une tierce partie. Je trouve ça... avec égards, M. le ministre,
je trouve ça un peu paternaliste envers les femmes.
M. Jolin-Barrette : Bon.
Alors, déjà dans le Code civil, c'était déjà prévu, notamment pour les
questions de bail, là, de logement. Là, on est avec ce régime-là où supposons
que, pour avoir les règles, on invite les personnes à avoir cette
attestation-là. Donc, je comprends de votre commentaire que, même si on mettait
une attestation pour faire en sorte que la médiation n'est pas obligatoire pour
une personne victime de violences conjugales, ça, avec ça aussi vous n'êtes pas
à l'aise, là.
Mme Kirouack (Marie Christine) : En
fait, ce que je vais vous dire, c'est qu'à partir du moment où Mme, et je tiens
pour acquis que la majorité sont des femmes victimes de violences conjugales...
Mme Kirouack (Marie Christine) : ...à
partir du moment où Mme obtiendrait cette attestation-là, là, si je le prends
tel quel, écoutez, ça va être la guerre ouverte de la part de son conjoint qui
va vouloir discréditer le fait que Mme se déclare victime de violence. C'est là
où le dossier va se centrer sur y a-t-il ou n'y a-t-il pas eu de violence.
Alors, on va avoir une polarité de l'ensemble du dossier qui va être juste
là-dessus.
M. Jolin-Barrette : Le
dossier va cheminer directement à la cour. Parce qu'il faut le savoir, avec la
procédure qu'on propose, ça n'empêche pas les parties de faire leur demande
urgente, leur demande provisoire directement à la cour. C'est avant
l'instruction que la médiation doit avoir lieu.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Ça,
ce n'est pas clair du projet de loi. Je vous ai entendu dire ça un peu plus
tôt. Ce n'est pas clair du projet de loi du tout, M. le ministre, là. À tout le
moins, cette section-là, il y aurait lieu comme de clarifier parce que ce n'est
pas clair du tout, là. Ce n'est pas ça que les articles, tels que proposés,
disent.
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est... c'est ce qu'ils disent, c'est ce qu'ils disent. Mais, pour les fins,
on va le clarifier davantage si ça n'a pas été compris.
Alors, sur la question de la compétence
des juges de la Cour du Québec, je voulais vous entendre davantage, là,
là-dessus. Vous avez émis une certaine réserve par rapport à la compétence des
juges de la Cour du Québec.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui,
bien, c'est parce qu'ils n'ont pas l'expertise. Je ne dis pas... Je ne dis pas
que les juges de la Cour du Québec ne sont pas compétents. Loin de moi ce
propos. Mais ils n'ont pas l'expertise. La Cour supérieure rend des ordonnances
en matière alimentaire en vertu des barèmes de fixation depuis leur entrée en
vigueur. La Cour supérieure rend, n'est-ce pas, depuis Mathusalem, des partages
de régimes matrimoniaux, même chose en matière de garde. La Cour du Québec n'a
aucune de ces expertises-là. Ils n'en font jamais. Donc, du jour au lendemain,
vous voulez confier à un tribunal qui n'en a jamais fait et, 30 juin 2025, tout
le monde sur la ligne de départ et on va avoir un tribunal entier qui n'a jamais
tranché aucune de ces questions-là. C'est ce qui nous interroge profondément.
Mme Pelletier (Sarah-Claude) : Si
je peux me permettre, les juges ne se dirigent pas nécessairement à la Cour du
Québec et ne portent pas application pour devenir juge à la Cour du Québec
parce qu'ils sont des familialistes et parce qu'ils ont une expérience en
matière familiale, dans tous les cas.
M. Jolin-Barrette : Je
reviens là-dessus dans un instant. C'est 419.2 qui dit que l'instruction ne
peut avoir lieu à moins que les parties aient entrepris une médiation
obligatoire. Donc, c'est indiqué à l'article six du projet de loi.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
ça, bien, c'est ce que ça signifie. Tu ne peux pas avoir d'instruction.
L'instruction, fût-elle au stade intérimaire ou provisoire, demeure une
instruction, M. le ministre. Donc, l'article, tel que rédigé, ce qu'il dit...
M. Jolin-Barrette : Non. Non.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui.
Oui.
M. Jolin-Barrette : L'instruction...
L'instruction, au sens du code, c'est le procès au fond. Mais...
• (16 h 50) •
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
avec égards, ce n'est pas ça. Mais on va s'arrêter là-dessus sur cette
question-là.
M. Jolin-Barrette : Sur la
question des juges, là, je reviens... je reviens à ça, là. L'union parentale,
là, c'est un nouveau régime. Les juges de la Cour supérieure ne l'ont jamais
traitée non plus, là, la question de l'union parentale.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
avec égards, la prestation compensatoire, le régime matrimonial, la garde
d'enfants, les pensions alimentaires, c'est deux... c'est une hydre à deux
têtes, là.
M. Jolin-Barrette : ...je
pense qu'on avait eu cette discussion-là dans le cadre du projet de loi
n° 56. Les règles qu'on a mises dans le cadre du régime d'union parentale
ne sont pas exactement les mêmes que celles prévues au patrimoine familial.
Puis là, je pense que vous étiez...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Non.
Ça, je vous l'accorde, c'est un... c'est un patrimoine familial réduit parce
que tous les véhicules de retraite en ont été exclus, mais quant au reste,
c'est la même chose.
M. Jolin-Barrette : Non. Ce
n'est pas la même chose. On a prévu des dispositions différentes, notamment
relativement sur la question d'enrichissement. Puis vous m'aviez dit être en
désaccord aussi avec ça. Mais ce n'est pas exactement la même chose, là, ce
n'est pas copié-collé sur le régime.
Mais je reviens, là, à la question des
juges, là. Vous nous dites, Me Pelletier, bon, les juges ne soumettent pas leur
candidature à la Cour du Québec, parce que c'est des familialistes, ils vont
tous être dirigés vers la Cour supérieure. C'est un peu ça que vous nous dites?
Mme Pelletier (Sarah-Claude) : Bien,
à ce stade-ci, évidemment, oui, là. En ce moment, les juges qui sont nommés à
la Cour du Québec, ce n'est pas parce qu'ils ont nécessairement une pratique en
droit familial. Il y en a quelques-uns qui en ont déjà fait. Mais, si vous nous
dites que le droit familial, tel qu'envisagé en vertu du projet de loi
n° 56, c'est un tout nouveau droit familial, ce avec quoi je pense qu'on
peut ne pas être d'accord, là, comme on disait dans le mémoire, ça impliquerait
deux courants complètement différents jurisprudentiels, si c'est un tout
nouveau droit, parce que les enfants sont nés dans un contexte différent, ce
qui est quand même assez dangereux, là, mais comme je dis, les juges à la Cour
supérieure sont quand même plus habitués ou plus à même d'interpréter des
notions de droit familial et tout le livre de la famille que les juges de la
Cour du Québec, qui n'en ont pas traité et...
Mme Pelletier (Sarah-Claude) : ...que,
parfois, certains en ont traité de leur pratique, mais la majorité non, puisque
ce n'est pas pour ça qu'ils se sont dirigés vers la Cour du Québec, ce n'était
pas leur expertise.
M. Jolin-Barrette : Ça fait
deux fois que vous vous dites «dangereux, ça va être à mon tour de dire, avec
égard...
Mme Pelletier (Sarah-Claude) : Avec
égard, avec égard.
M. Jolin-Barrette : ...le
législateur a fait un choix avec le projet de loi n° 56 adopté à l'unanimité,
là. Alors, ce n'est pas exactement le même régime entre celui du mariage et
celui de l'union parentale...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Mais
c'est parce que, si je peux me permettre, M. le ministre...
M. Jolin-Barrette : Allez-y,
allez-y.
Mme Kirouack (Marie Christine) : ...vous
envoyez les gens en union civile devant ce tribunal unifié...
M. Jolin-Barrette : Aussi,
aussi.
Mme Kirouack (Marie Christine) : ...ces
gens-là sont soumis au régime légal de la société... n'est-e pas, à la
prestation compensatoire telle qu'elle existe dans les... et à l'ensemble de
toute une série de mesures qui sont similaires. Le patrimoine d'union
parentale, hein, si on exclut les véhicules de retraite, le patrimoine de
l'union parentale, c'est exactement la même chose que le patrimoine familial.
Ce sont toutes des données dont la Cour supérieure a l'expertise, la Cour du
Québec n'a jamais fait ça, là.
M. Jolin-Barrette : Et si je
poussais le raisonnement plus loin, là, si je vous suis, puis on avait fait une
situation où on avait envoyé le Tribunal unifié à la Cour supérieure, là, ce
que l'État québécois n'a jamais fait en 50 ans. Puis tous les gouvernements
successifs dans l'étude des différents projets de Tribunal unifié ont toujours
voulu l'envoyer à la Cour du Québec. Que ce soit à l'époque de M. Lévesque ou à
l'époque de M. Bourassa, il y a une constance, je vous dirais, gouvernementale,
à travers les changements de gouvernement, qui fait en sorte que c'était ça, la
position de l'État québécois. Puis le gouvernement du Québec actuel s'inscrit
dans cette logique-là, puis c'est pour ça qu'ils ont fait le premier pas du Tribunal
unifié à la Cour du Québec.
Cela étant, je vous trouve un petit peu
dur avec les juges de la Cour du Québec relativement à leur compétence, leur
expertise. Tous les juges au Québec sont compétents, qu'ils soient à la Cour du
Québec, à la Cour supérieure, cour municipale ou à la Cour d'appel.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Je
n'ai jamais dit que les juges étaient incompétents, M. le ministre, j'ai dit
qu'ils n'avaient pas l'expertise, ce n'est pas du tout la même chose. Alors, il
faudrait recadrer mes propos. Ils n'ont jamais traité de ces questions-là, je
suis désolée. Si, demain matin, vous allez me faire faire du droit d'arpentage,
je vais être totalement incompétente. Je n'ai pas l'expertise et il faudrait
que je me mette complètement à jour, O.K. Vous voulez confier à la Cour du
Québec tout un champ de compétence sur des questions qu'ils n'ont jamais
tranchées à ce jour. C'était tout ça et juste ça que je dis. Alors, qu'à côté
de ça, on a payé par le fédéral, hein, des juges de la Cour supérieure qui ont
toute compétence, c'est un peu surprenant.
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est une question, je vous dirais, d'opinion, parce que, dans le profil des
individus qui sont nommés, il faut regarder l'expertise personnelle propre à
chacun des magistrats aussi. Alors, institutionnellement, oui, il est vrai,
comme vous le dites, que la Cour supérieure traitait des dossiers en matière
familiale. La Cour du Québec traitait des dossiers en matière jeunesse. Il y a
beaucoup de juges actuellement en fonction à la Cour du Québec, qui ont des
feuilles de route, notamment en droit familial, et qui ont été nommés à la Cour
du Québec, comme c'est le cas à la Cour supérieure aussi, où, comme, parfois
aussi, certains magistrats n'ont pas d'expérience du tout dans un domaine de
droit familial et siègent en chambre de la famille aussi. Alors, je vous le
soumets respectueusement, comme on dit. Bref...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Mais,
écoutez...
M. Jolin-Barrette : ...écoutez,
je veux laisser la parole à mes collègues. Donc, je vous remercie beaucoup, Me
Kirouac et Me Pelletier, pour votre mémoire puis votre présence en la
commission parlementaire.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Merci.
Mme Pelletier (Sarah-Claude) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
Saint-Jean, pour 4 min 30 s.
M. Lemieux : Vous êtes trop
bon pour moi, M. le Président. Merci beaucoup. Mesdames. Me Kirouac, encore
content de vous retrouver en commission parlementaire de la Commission des
institutions pour un projet de loi en justice avec notre ministre hyperactif.
Mais, cette fois-ci, je constate, puis je comprends que vous n'êtes pas
contente de ce qu'il a préparé pour le menu. Je comprends aussi pourquoi, là.
Mais faites avec moi, là, pendant 30 secondes, Cour supérieure, Cour du Québec,
je comprends vos arguments. Je ne suis pas avocat, mais je suis capable de vous
suivre. Puis je comprends pourquoi l'un et l'autre, vous êtes là où vous êtes.
Mais pourquoi, Me Kirouac, on a besoin d'un tribunal unifié? Puis pourquoi ça
fait 50 ans qu'on en parle puis qu'on n'y est pas arrivé?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Je
pense que c'est un problème politique, parce que je pense qu'il faudrait
s'asseoir et jaser, le fédéral et le provincial, pour y arriver, et...
Mme Kirouack (Marie Christine) : ...et
est-ce qu'il est très intelligent et loisible qu'on ait un seul tribunal qui
s'occupe de tous les dossiers de la famille et qui, dans mes rêves les plus
fous, aurait aussi des services parallèles — qu'on n'a plus parce qu'il y a eu
tellement de coupures de budget, là — et des accès sous supervision, O.K., du
support émotif à la famille, ce type de choses là? La question ne se pose pas
pour moi.
M. Lemieux : Oui, mais...
bon, je comprends que... problème politique, je le conçois. D'ailleurs, en
posant la même question tantôt, j'ai rajouté : Puis là le ministre, il va
aller voir ses amis à Ottawa puis il va essayer de voir s'il ne peut pas aller
en chercher plus pour que ça soit vraiment unifié, pour ne pas qu'on se
retrouve avec deux avocats, deux juges, bon, tout ça. Mais, si on fait juste
abstraction... Puis on ne peut pas faire abstraction de l'expérience que les
juges sur le banc ont en ce moment en Cour supérieure dans ces matières-là,
mais on pourrait y arriver à la Cour du Québec aussi, là. Du jour au lendemain,
peut-être pas, mais, je veux dire, on fait déjà la famille, là, bon, la
jeunesse.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Mais
pourquoi est-ce que c'est toujours la famille qui est le parent pauvre? Est-ce
qu'on ferait ça avec un autre type de droit par exemple? Pourquoi est-ce que
c'est les justiciables en droit de la famille qui auront à vivre le travers
d'un tribunal qui devra, comme, s'arrimer puis apprendre sur le banc à toute
vitesse, alors qu'on a une cour qui est complètement compétente?
M. Lemieux : Oui, vous avez
fait cet argument-là avec le ministre, là.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Les
conjoints de fait avec les enfants, là, le 29 juin qu'ils n'en auront pas
le 30 vont avoir le bénéfice d'un tribunal qui a toute l'expérience.
M. Lemieux : J'ai compris cet
argument-là que vous avez fait au ministre tout à l'heure, avec tout le respect
que vous vous devez tous les deux, là, puis j'ai trouvé ça très distrayant à
suivre puis en même temps informatif. Mais, au final, on a un nouveau régime,
le régime parental, et ça, ça va être... ça va être chez nous, ça va être à la
Cour du Québec. À partir du moment où on a le régime parental, qu'on a le tribunal
de la jeunesse puis que le régime parental... Sauf erreur, puis quelqu'un me
corrigera si je suis dans le champ à ce point-là, mais ça ne se marie pas
beaucoup, puis c'est conjoints de fait de plus en plus. Puis ça ne fait pas
beaucoup d'enfants, mais ça en fait plus comme conjoints de fait que comme
couples mariés. Proportionnellement, il y a moins de couples mariés. Donc...
Mme Kirouack (Marie Christine) : C'est
à peu près un sur deux.
M. Lemieux : Bon, c'est ça.
Ça fait qu'éventuellement, là, on va... la clientèle, mettons que c'était un
plan d'affaires qu'on se fait, Me Kirouack, là, la clientèle s'en vient, là,
c'est clair, là, donc, on va... on va avancer.
Mme Kirouack (Marie Christine) : La
clientèle est déjà là, là. C'est là. Faites juste rajouter le patrimoine
d'union parentale, là. Mais, pour ce qui est des enfants, ça ne change rien du
tout. L'ordonnance qui serait rendue aujourd'hui, qui serait rendue après le
30 juin en matière de garde et de pension alimentaire, elle va être la
même, ça ne change rien. Et la question des questions patrimoniales entre les
conjoints parentaux, qui va être une nouveauté, et cette... juste ça, parce que
l'union civile, ils sont déjà là, ils sont déjà là en train d'effectivement
faire liquider leur régime matrimonial et les autres effets qui découlent.
• (17 heures) •
M. Lemieux : O.K. Donc...
Le Président (M.
Bachand) :En terminant, M. le député.
M. Lemieux : Moi, je... en
anglais, ils disent : «I rest my case, your honor», puis j'avais un ami au
Manitoba qui était bilingue et qui est avocat qui disait : Je reste mon
cas, votre Honneur. Merci, Mme Kirouack.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Oui. Alors, merci,
M. le Président. Me Kirouack, Me Pelletier, bonjour. Merci d'être avec nous et
merci du mémoire que vous avez produit. Je vous ai écouté très attentivement.
Ce que j'apprécie beaucoup, Me Kirouack, avec vous, c'est clair, c'est précis, c'est
net. Alors, ça, il n'y a pas... il n'y a pas d'ambiguïté possible.
Maintenant, j'ai compris que le projet de
loi présenté par le gouvernement tel quel, bon, ce n'est pas quelque chose
qui... bien, en fait, ça vous emballe, mais pas pour les bonnes raisons. Mais,
à moins que... à moins que le ministre, dans un coup d'éclat sensationnel dans
quelques minutes, nous dise : Je retire mon projet de loi, ce dont je
doute, là, moi, comme membre du Parlement, comme législateur, comme membre de
l'opposition officielle, je suis... il faut que je travaille avec ça. Puis
j'essaie de faire le mieux que je peux pour les contribuables puis pour tous
les citoyens et citoyennes du Québec, et c'est pour ça que je vais... j'ai
aussi besoin de votre aide, puis que je sollicite, finalement, votre opinion
parce que vous êtes tout à fait une experte reconnue dans le domaine. Si la
médiation obligatoire ne disparaît pas à 419.2, il y a des groupes un peu plus
tôt qui nous ont dit que ce serait quand même hyperimportant d'avoir un service
ou une session de dépistage ou être... avant la médiation pour voir... et il y
a... il semblerait qu'il y a des médiateurs familiaux...
17 h (version non révisée)
M. Morin : ...qui, avec leur
expertise, sont capables de développer, s'il y a des situations de contrôle
coercitif ou de violence conjugale, de voir s'il y en a, puis donc, à ce
moment-là, la médiation ne serait pas appropriée dans les circonstances, on en
convient. Est-ce que, pour vous, c'est quelque chose qui pourrait être
envisageable ou vous êtes une médiatrice...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Pour
nous, ce n'est pas une alternative au fait que ça... obligatoire, avec une séance
de dépistage, pour nous, ce n'est pas une option. Nous, le principe de la
médiation obligatoire, c'est juste qu'il n'en est pas question.
M. Morin : O.K. Donc, même s'il
y a une session avant qui pourrait dépister des choses, non, ce n'est pas une
option.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Non,
ce n'est pas une option. Et je pense qu'on se compte un peu des histoires. Si
moi, j'ai vraiment peur de mon conjoint, puis que j'ai peur que si je parle,
hein, je vais mettre ma vie en jeu, je vais mettre ma sécurité ou la sécurité
des enfants en jeu, penses-tu que je vais répondre honnêtement aux questions de
dépistage? Tu sais, c'est... je pense que dans des cas vraiment, là, dangereux,
il y a des fois où on a l'impression qu'on a une baguette magique, tu sais, on
va faire le parfait dépistage. Parce que, si moi, j'avais peur à la vie de mes
enfants, je peux vous dire que je trouverais des magnifiques réponses et on ne
pourrait pas me dépister.
M. Morin : Je vous comprends.
Donc, c'est quelque chose qui, pour vous, n'est pas envisageable. J'imagine qu'au
même article 419.2, et ça, vous l'avez évoqué, quand on parle, par exemple, de
fausses déclarations, ce n'est pas quelque chose qui peut être utile, de toute
façon. Si jamais il y a de l'activisme judiciaire ou des procédures qui sont
totalement là pour faire perdre le temps ou pour de l'intimidation judiciaire,
j'imagine que le juge, éventuellement, va pouvoir trancher. Donc, on n'a pas
besoin de cette disposition-là.
Mme Kirouack (Marie Christine) : On
n'a pas besoin de cette idée-là, ça existe déjà, le pouvoir de sanctionner les
abus de procédure. Et d'ailleurs, on félicite le ministre de la Justice, il va
être content, là, parce que je le félicite pour quelque chose, parce qu'aujourd'hui
je ne pense pas que je suis dans ses bonnes grâces, mais, effectivement, non
seulement désormais on peut sanctionner l'abus de procédure, mais le tribunal
peut le faire de son propre chef sans que ça ait été demandé. Donc, c'est un
outil extraordinaire que le législateur nous a donné.
M. Morin : Et qui existe, qui
a été adopté. Bon, je m'en souviens.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Absolument.
M. Morin : Donc, au fond,
ici, bien, si le législateur ne parle pas pour rien dire, comme on dit, ça
devrait être clair dans ce qui existe présentement dans notre corpus
législatif.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Absolument.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Autre élément, ça aussi, il y a plusieurs groupes qui nous en ont
parlé, dans le projet de loi, actuellement, il y a une possibilité de séance de
conciliation, mais c'est le même juge qui va entendre la conciliation puis qui,
après, pourrait rendre jugement. Dans plusieurs mécanismes de modes alternatifs
de règlement ou de conciliation, ce n'est pas le même juge après qui entend la
cause. Là-dessus, j'imagine que vous avez un enjeu avec les dispositions, telles
que rédigées.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui,
certains... On vous réfère spécifiquement à 165, deuxième alinéa du Code de
procédure civile qui est limpide, et il y a une des raisons pour lesquelles...
Parce qu'il n'y a pas toujours eu cette disposition-là, c'était pour éviter
effectivement toute forme d'ambiguïté et permettre aux gens qui vont en CRA — puis
on va être clair, la séance de conciliation, c'est un autre nom pour le même
chapeau — puissent se sentir toutes libres effectivement de pouvoir
discuter avec le juge et essayer d'en arriver à un règlement. Par ailleurs,
elles savent que, par la suite, si ça achoppe, c'est cette personne-là qui va
trancher leur litige, je ne suis pas certaine, effectivement, qu'elle va se
sentir libre de parler. Et à ce moment-là, ça devient... ça devient une
mauvaise CRA.
M. Morin : D'ailleurs, il y a
des... il y a des groupes, un peu plus tôt aujourd'hui, qui nous, en fait,
alertés à ce phénomène-là, en nous disant : Écoutez, si on sait que c'est
le même juge, peut-être qu'il y a des choses qu'on ne dira pas, peut-être qu'on
va garder finalement une gêne sur certains éléments, sachant que c'est la même
personne.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui.
Puis je vais aller plus loin que ça. On pourrait même se faire l'avocat du
diable et profiter de ça pour mettre en preuve toute une série d'éléments qui
ne pourraient être présentés devant le tribunal.
M. Morin : Oui, tout à fait,
parce qu'évidemment quand on...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Sciemment,
là, sciemment.
M. Morin : Oui. Oui, je
comprends. Je comprends. Je vous remercie. Dans dans votre mémoire, c'est à la
page 18, vous avez encore là une référence sur justement la séance de
conciliation. Et là vous dites qu'au fond, l'exposé sommaire, c'est comme la préparation
d'un miniprocès. Pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus?
Mme Kirouack (Marie Christine) : En
fait, si on regarde la différence avec une conférence de règlement à l'amiable,
telle qu'elle existe présentement, et la séance de conciliation, la séance de
conciliation, c'est comme un miniprocès. Tu sais, on dit, là : L'article
qui...
Mme Kirouack (Marie Christine) : ...prévoit
effectivement : il faut faire la liste des preuves, il faut déposer des
extraits d'interrogatoire, il faut faire un exposé sommaire des questions, je
veux dire, à partir du moment où la mécanique de la chose est essayer de
permettre au justiciable d'en arriver à un règlement, et en sauvant des
honoraires et autrement, on trouve ce processus-là un peu lourd. Mais, à partir
du moment où la logique du projet de loi, c'est... et si, n'est-ce pas, la
lumière n'est pas intervenue, puis il n'y a pas eu de règlement, je vais
trancher sommairement en après-midi, bien, ce n'est pas surprenant. Le
problème, c'est qu'on est sur un gâteau à deux étages, mais les deux étages ne
s'en vont pas à la même place.
M. Morin : Je comprends. Je
vous remercie.
Autre élément. J'ai... Bon. J'ai écouté M.
le ministre, qui souligne que son choix et le choix de... d'autres gouvernements
avant lui était de traiter d'une... d'un tribunal unifié, mais à la Cour du
Québec. Je comprends que, pour les questions du divorce puis du mariage, il y a
véritablement un enjeu constitutionnel. Ça, c'est très clair. Maintenant, pour
les conjoints en union de fait qui ont des enfants, ça, ce n'est pas du
mariage, donc ça ne sera pas du divorce, mais ma compréhension, c'est qu'ils ne
sont pas visés par le projet de loi.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Non,
ils ne sont pas visés par le projet de loi, les parties qui seraient déjà en
instance pour la dissolution de leur union civile non plus. Les conjoints de
fait sans enfants, les conjoints in loco parentis, alors, aucune, aucune de ces
personnes-là n'est visée par le projet de loi, c'est strictement les conjoints
parentaux, donc les parents d'un enfant commun né ou adopté à compter du 30
juin 2025 et les conjoints en union civile, qui... Par ailleurs, je pense qu'il
y en a eu 144 l'année passée, quelque chose comme ça, là. Ce n'est pas d'une
popularité désopilante, là, l'union civile.
M. Morin : Là, je comprends
que donc c'est un pas, mais c'est un très, très petit pas, finalement, et
j'essayais de voir pourquoi le gouvernement ne veut pas inclure immédiatement
les conjoints en union de fait qui ont des enfants, parce que là, normalement,
ça ne devrait pas poser d'enjeu, parce que le ministre nous dit qu'il veut
simplifier entre autres pour les enfants, et je... enfin, j'ai de la misère à
voir, un peu, la simplification ici, là.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Je
vais aller plus loin que ça. À partir du moment où ce n'est pas un tribunal
unifié au sens classique du terme, et puis... je veux dire, qu'on soit devant
une cour, qu'on soit devant l'autre, on n'a rien simplifié du tout, là. L'idée
d'avoir un tribunal unifié, c'est d'avoir la protection et les ordonnances
familiales qui sont traitées par la même chambre.
M. Morin : Et je comprends
qu'en matière familiale, quand les parties ont besoin d'ordonnances, avant même
l'instruction au fond, souvent l'urgence est... ou enfin, il ne faut pas qu'il
y ait trop de délais, et là, je comprends qu'avec le projet de loi, bien, on va
rester aussi en partie devant la Cour supérieure et/ou en partie devant la Cour
du Québec.
• (17 h 10) •
Mme Kirouack (Marie Christine) : En
fait, avec le projet de loi, je comprends qu'on va être devant une ou devant
l'autre.
M. Morin : Oui, c'est ça.
Exact. D'accord.
Autre élément. En matière de filiation,
corrigez-moi si je fais erreur, mais j'ai... en fait, ma compréhension, c'est
qu'en matière de filiation par la reconnaissance ou par le sang, ça reste à la
Cour supérieure.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui.
La filiation de l'enfant issu d'un projet
parental impliquant la contribution d'un tiers, par exemple la procréation
assistée...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui.
M. Morin : ...ça reste à la
Cour supérieure, mais le projet...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Non,
ça s'en irait... Grossesse pour autrui s'en irait à la Cour du Québec.
M. Morin : Oui, grossesse...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Procréation...
C'est ça, grossesse pour autrui...
M. Morin : Grossesse pour
autrui, à la Cour du Québec.
Mme Kirouack (Marie Christine) : À
la Cour du Québec. Mais je vais vous donner un exemple de problème...
M. Morin : Mais la
procréation assistée...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Non.
Procréation assistée, c'est en filiation générale.
M. Morin : Donc, c'est à
cause...
Mme Kirouack (Marie Christine) : C'est
juste les grossesses pour autrui qui seraient envoyées à la Cour du Québec.
Mais là, je vais vous donner des exemples qui vont être intéressants. Et je
suis une femme avec une grossesse pour autrui, hein, et là, tout à coup, j'ai
les parents prospectifs et moi en Cour du Québec, et j'ai mon conjoint qui
court à la Cour supérieure en disant : Aïe! C'est parce que ce n'est pas
le bébé de ce... du contrat, là, c'est le mien, parce qu'on a eu des relations
sexuelles. Ça fait que sa grossesse, ça n'a rien à voir avec ce qui se passe
dans la Cour du Québec, là, on est en filiation.
Ça fait que ça va être intéressant, on va
avoir une hydre à deux têtes où la question de la filiation va se poser en Cour
supérieure, puis la question de la grossesse pour autrui, n'est-ce pas, va se
passer en Cour du Québec.
M. Morin : Sauf que ma... En
fait, mon point, c'est qu'ici on ne parle pas de mariage ou de divorce. Donc,
pourquoi ce n'est pas tout en Cour du Québec?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui,
toutes les questions relatives à la filiation? Je vais vous donner un
exemple...
M. Morin : À la filiation,
c'est dans le Code civil.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Je
vais vous donner... Je vais vous donner... Je vais vous donner un exemple...
M. Morin : Oui.
Mme Kirouack (Marie Christine) : ...O.K.
On a des actions en filiation qui sont... qui, effectivement, dépendant de ce
qu'il va avoir, M. demande à ce qu'on reconnaisse, n'est-ce pas, sa filiation,
et, à partir de... où effectivement le tribunal passe l'étape où il la
reconnaît, il va aussi statuer sur la garde et la question de la pension
alimentaire. ...
Mme Kirouack (Marie Christine) : ...on
peut avoir ça même entre gens qui sont mariés, là, ça peut être dans l'autre
sens, et on va demander à ce qu'effectivement le père perde son statut de père
légal à l'intérieur des procédures en démontrant au tribunal qu'il n'est pas le
père de l'enfant. Vous savez, prendre l'ensemble des matières familiales et
essayer d'en faire une hydre à deux têtes, c'est compliqué.
M. Morin : Je comprends. Il y
a plusieurs personnes, associations qui nous ont dit également qu'ils avaient
peur que ça ne sera pas clair que des dossiers ne soient pas transférés, que
l'information ne se passe pas d'une chambre à l'autre. Est-ce qu'à tout le
moins une coordination au niveau des cours ou l'établissement d'un greffe, à
tout le moins unifié, permettrait, selon vous, un meilleur transfert, meilleure
communication, meilleur échange d'informations?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
c'est-à-dire qu'avec égard pour notre greffe, notre greffe est sous financé,
t'as eu plein de coupures par attrition. Quand même qu'on aurait un plumitif
uniformisé, O.K., et ce n'est pas demain la veille parce que notre plumitif
souffre, là, ça ne donne rien de plus, là. Le greffe, ce n'est rien, c'est
quelque chose parce que ça tient les dossiers, mais ça ne fait rien d'autre.
Comment est-ce qu'on pourrait avoir un greffe unifié qui va tenir les dossiers
de la Cour du Québec en jeunesse et ceux de la Cour supérieure? Ils ne sont
même pas à Montréal dans le même édifice.
M. Morin : Puis on n'est pas
rendu à l'étape de greffe virtuel complet et total.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Non,
on n'est pas rendu là, mais alors là, pas du tout.
M. Morin : O.K. Bon, c'est
bien. Voilà. Alors, je vous remercie. Merci, M. le Président. Merci, Me Kirouac
et merci, Me Pelletier.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Merci
infiniment.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le député. Alors, à
mon tour de vous remercier, Me Pelletier et Me Kirouac. Me Pelletier et Me
Kirouac, on se dit : À la prochaine.
Alors donc, sur ce, je suspends les
travaux quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 14)
(Reprise à 17 h 17)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les
représentantes du Barreau du Québec, donc Mme Régine Tremblay, en
visioconférence, et Mme la bâtonnière, Me Claveau. Merci beaucoup d'être ici.
Alors, vous connaissez les règles de la commission, bien sûr. Alors, je vous
invite, maître... Mme la bâtonnière, de débuter votre présentation, s'il vous
plaît.
Mme Claveau (Catherine) : Merci
beaucoup, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Alors, je
suis Catherine Claveau, bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée de Me Régine
Tremblay, qui est membre du groupe d'experts en droit de la famille du Barreau
du Québec. Nous vous remercions de nous avoir invitées à participer aux
consultations entourant le projet de loi n° 91, qui constitue le premier
jalon de la création d'un tribunal unifié de la famille au sein de la Cour du
Québec.
Historiquement, le Barreau du Québec a
toujours appuyé la création d'un tribunal unifié de la famille, lequel, à notre
avis, permettrait de répondre aux besoins complexes et variables des familles
vivant une séparation. Déjà instaurés dans plusieurs provinces canadiennes, ces
tribunaux spécialisés ont démontré leur efficacité en centralisant l'ensemble
des dossiers familiaux et en favorisant le recours au mode privé de règlement
des différends.
Comme vous le savez sans doute déjà,
certaines matières en droit de la famille, notamment le divorce, sont de
compétence fédérale. De fait, c'est à la Cour supérieure du Québec qu'est
attribuée la compétence exclusive de trancher les questions relatives aux divorces.
Afin de véritablement atteindre l'objectif de simplification du parcours
judiciaire des familles québécoises, le Barreau préconise une unification
complète des compétences en droit de la famille, permettant à un tribunal
unique de traiter l'ensemble des dossiers familiaux, sous l'autorité de juges
spécialisés.
Nous saluons donc la démarche de ce projet
de loi, qui constitue ainsi une première étape vers le déploiement d'un
tribunal unifié de la famille, qui offrira des services complets en droit de la
famille, et ce, au sein de la même juridiction. Nous saluons également d'emblée
l'ajout d'un montant de 24,2 millions de dollars au budget du
gouvernement du Québec, rendu public hier, montant dédié à la simplification du
parcours judiciaire des familles québécoises. Nous comprenons que ce montant
servira notamment à assurer l'opérationnalisation des objectifs visés par le
présent projet de loi, en sus des deux autres lois qui ont été adoptées et qui
ont lien à la réforme du droit de la famille.
• (17 h 20) •
Comme il en a l'habitude, le Barreau du
Québec émet certains commentaires visant à bonifier le projet de loi,
commentaires que je résumerai ci-après, mais, évidemment, ils sont plus
exhaustivement présentés dans notre mémoire.
Tout d'abord, bien que le projet de loi
confère des nouvelles compétences à la Cour du Québec, notamment quant aux
demandes relatives à l'union civile et à l'union parentale, le parcours
judiciaire de plusieurs familles québécoises demeurera complexe, puisque la
Cour supérieure conservera une compétence pour une bonne partie des dossiers en
matière familiale. À titre d'exemple, la dissolution de l'union civile
demeurera de la compétence de la Cour supérieure, bien que les demandes
relatives à la garde d'un enfant né d'une telle union seront dorénavant de la
compétence de la Cour du Québec. Pour pallier à cette difficulté, le Barreau du
Québec suggère de conférer dès maintenant au Tribunal unifié de la famille tous
les dossiers dont la matière relève de la compétence exclusive du Québec. Une
telle approche assurerait, dès l'entrée en vigueur du projet de loi, une
meilleure cohérence dans le traitement des dossiers familiaux.
Il appert également que, tant que
l'unification des compétences en matière familiale ne sera pas complète, le
parcours judiciaire demeurera laborieux pour les familles québécoises. Pour
remédier à cela, le Barreau du Québec recommande la mise en place immédiate
d'une structure de coordination entre la Cour supérieure du Québec et la Cour
du Québec. Cette structure aurait pour mandat de faciliter la communication
entre les juridictions et coordonner les actions des deux cours, en misant sur
la concertation étroite et la synergie des tribunaux. Cette structure pourrait
également offrir une harmonisation des pratiques judiciaires, ce qui
permettrait notamment d'éviter des jugements contradictoires.
Le Barreau du Québec recommande également
d'ajouter au projet de loi un programme de gestion hâtive de l'instance, qui
viserait l'ensemble des dossiers du tribunal unifié. À notre avis, ce programme
permettrait de déterminer rapidement le cheminement du dossier, et ainsi, si le
dossier s'y prête, l'orienter vers l'un ou...
Mme Claveau (Catherine) : ...l'une
ou l'autre des mesures prévues au projet de loi pour favoriser célérité et
simplifier son parcours.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi constitue
une réforme majeure du système judiciaire québécois, avec des implications
importantes pour la magistrature. En effet, sa mise en œuvre repose en grande
partie sur la capacité des tribunaux à compter sur un nombre suffisamment...
suffisant de juges formés et spécialisés. Le droit familial est complexe et
exige une sensibilité particulière aux réalités des justiciables, et
particulièrement celle des enfants. Or, le projet de loi prévoit une entrée en
vigueur le 30 juin 2025, soit au même moment que l'entrée en vigueur du
régime d'union parentale. Cela laisse, à notre avis, très peu de temps pour
recruter et former les juges qui entendront ces affaires.
Au demeurant, nous sommes d'avis que
l'ampleur des changements apportés par le projet de loi ne doit pas être
sous-estimée, et ce, afin d'assurer la qualité des services offerts aux
justiciables. Ceci étant, nous suggérons que le projet de loi entre en vigueur
par décret du gouvernement à une date ultérieure, ce qui permettrait à
l'ensemble de l'écosystème juridique d'être prêt lors de son déploiement.
Poursuivons avec le nouveau processus
introduit par le projet de loi, soit celui de la conciliation et l'audience
sommaire. Le Barreau du Québec se positionne comme un acteur de changement dans
la réflexion portant sur l'accessibilité à la justice et encourage le recours
au mode de règlement des différends. Ça inclut la conciliation et la médiation.
C'est pourquoi il est favorable à la mise en place de ce processus simplifié
tel que proposé par le projet de loi. Nous sommes cependant d'avis que ce
processus mérite d'être mieux connu du public. Ainsi, nous recommandons au
législateur de prévoir une campagne de promotion de celui-ci. Il sera également
important de bien informer les justiciables et de mettre l'emphase sur le fait
qu'un juge puisse jouer le rôle de conciliateur et de décideur sans pour autant
compromettre l'impartialité ou l'équité du processus.
Le Barreau du Québec propose également
d'apporter plus de souplesse au processus, notamment en laissant la discrétion
aux juges d'aménager l'horaire de la journée sans imposer un cadre rigide où la
conciliation doit se dérouler en avant-midi et l'audience en après-midi. De
plus, il nous paraît important de prévoir une exception permettant à une partie
victime de violence familiale, conjugale ou sexuelle de mettre fin à ce
processus en tout temps.
Le projet de loi confère un caractère
obligatoire à la médiation dans certaines circonstances. Le Barreau du Québec
accueille favorablement cette proposition. Rappelons que nous militons en
faveur des modes privés de prévention et de règlement des différends, et ce,
depuis plusieurs années. En effet, nous sommes d'avis qu'ils favorisent une
résolution rapide et efficace des litiges tout en contribuant à désengorger les
tribunaux. Toutefois, bien que la médiation puisse être bénéfique dans la
majorité des cas, elle ne saurait être imposée en tout temps, notamment en contexte
de violence familiale, conjugale ou sexuelle. C'est pourquoi le Barreau du
Québec salue l'inclusion d'exemptions au projet de loi permettant d'écarter
l'obligation de médiation dans ces circonstances.
Mais dans ce même ordre d'idées, nous
demandons au législateur de retirer, dans les situations de violence familiale,
conjugale ou sexuelle, la possibilité de sanctionner une partie en cas de
fausse déclaration concernant la participation à la médiation. Nous sommes
d'avis que cette sanction risque d'anéantir la protection qu'offre aux victimes
l'exemption prévue au projet de loi. En effet, une contestation par l'autre
partie de l'existence d'une situation de violence familiale, conjugale ou
sexuelle dans un but d'obtenir le paiement des frais de justice ou une
compensation, risque de revictimiser les personnes déjà en situation de
détresse et de vulnérabilité. Plus précisément, imposer au conjoint vulnérable
le fardeau de prouver l'existence d'une telle situation représente selon nous
un fardeau important, voire trop lourd, considérant la difficulté de prouver le
contrôle coercitif ou la violence psychologique. Nous craignons également que
de telles contestations puissent être la source de violences judiciaires par
l'utilisation de procédures abusives.
Finalement, afin que la médiation
obligatoire soit un succès et ne génère pas de délais supplémentaires, il est
essentiel de garantir un nombre suffisant de médiateurs familiaux accrédités.
Or, leur pénurie, poussée par un manque d'attractivité flagrant, est un enjeu
bien connu et dénoncé par le Barreau du Québec depuis plusieurs années. À ce
sujet, nous réitérons notre préoccupation de l'impact de la... la désuétude,
pardon, des divers tarifs gouvernementaux sur l'accès à notre système de
justice. L'insuffisance des tarifs entraîne inévitablement des problèmes
d'accès à la justice qui seront, à notre avis...
Mme Claveau (Catherine) : ...exacerbé
par l'augmentation de la demande en raison du caractère dorénavant obligatoire
de la médiation.
D'autres commentaires se trouvent dans
notre mémoire afin de permettre à cette commission de réfléchir dans le détail
aux tenants et aboutissants d'une telle réforme. Et, comme toujours, le Barreau
du Québec offre son entière collaboration afin que le Tribunal unifié de la
famille devienne la cheville ouvrière d'un réseau de services juridiques
communautaires et sociaux au bénéfice des familles et des enfants du Québec.
Nous vous remercions encore une fois pour
cette invitation et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Claveau. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour. Bonjour, Me Claveau. Bonjour, Me Tremblay. Merci de votre présence en
commission parlementaire pour la présentation du mémoire du Barreau du Québec.
Tout d'abord, Me Claveau, vous me
permettrez, c'est peut-être la dernière fois qu'on a la chance d'échanger
ensemble dans le cadre des travaux parlementaires, puisque les élections au
Barreau, Me Nadeau a été élu par acclamation. Nous, ça ne nous arrive pas, aux
élections québécoises, d'être par acclamation. Ça fait qu'on aimerait ça avoir
des élections comme ça au Barreau... au Québec. Mais tout ça pour vous dire, je
voulais vous remercier pour votre collaboration. Vous avez fait deux mandats à
titre de bâtonnière du Québec, donc deux fois deux ans, un total de 4 ans. Vos
commentaires, votre travail, vos lumières nous ont aidés dans le cadre des
travaux parlementaires. Puis je pense parler au nom de tous les collègues des
différentes formations politiques. Alors, je tiens à vous remercier puis à
remercier le Barreau du Québec pour sa collaboration au cours de vos quatre
dernières années. Puis je vous souhaite le meilleur pour la suite également
dans les fonctions que vous occuperez éventuellement, un retour à la pratique
ou tout ça. Alors, je tiens à vous remercier pour ça.
Mme Claveau (Catherine) : Merci
de prendre le temps de me remercier. Ça me touche.
M. Jolin-Barrette : Première
question. Vous nous invitez à prévoir que l'ensemble des dispositions du projet
de loi vont entrer en vigueur par décret. Le régime d'union parentale débute à
partir du 30 juin prochain, mais de la façon que le régime a été
construit, c'est les enfants qui seront nés après le 30 juin prochain.
Donc là, le projet de loi va probablement être adopté au cours des prochaines
semaines, et donc la volumétrie associée au nomble... au nombre de couples qui
vont se séparer avec enfants, ça ne viendra pas comme une... comme une
avalanche au jour un. Parce que ça arrive parfois que les couples se séparent
même quand Mme est enceinte puis qu'elle n'a pas accouché, sauf que
généralement, il se passe quelques mois. Puis, parfois, les premiers mois sont
plus difficiles avec un nouveau bébé, mais on souhaite que les familles restent
ensemble. Bref, je ne veux pas faire de conseil matrimonial, mais ce que je
veux dire, c'est que le système, la Cour du Québec va réussir à s'adapter parce
que ce ne sera pas un flot immense de dossiers dès le départ, là. Est-ce que ça
rassure le Barreau, si je vous dis ça?
• (17 h 30) •
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
je vais... je vais laisser Me Tremblay répondre, parce qu'elle est bien au fait
des statistiques, là, relatives à ce genre de dossiers-là. Il reste que, quand
même, qu'il y a... il y a des choses à établir, là, avant, avant la mise en
place de cette nouveauté.
Mme Tremblay (Régine) : Merci,
Mme la bâtonnière. Merci, M. le ministre. Donc, oui, en effet, je crois qu'au
niveau de la volumétrie, vous avez raison. Puis que cette recommandation, par
contre, du Barreau du Québec doit se prendre dans le contexte global de notre
mémoire, où on vous suggère de bonifier les compétences du Tribunal unifié de
la famille. Donc, au niveau de la volumétrie, ça me fait plaisir d'en dire
davantage au niveau des statistiques sur l'union civile, par exemple, ou au
niveau des ententes de grossesse pour autrui. Mais, comme je le dis, donc, la
position d'entrée en vigueur par décret s'accompagne de la réalité de la
recommandation de bonifier les compétences du Tribunal unifié de la famille et
de s'assurer que l'écosystème judiciaire sera véritablement prêt pour relever
le nouveau défi du Tribunal unifié qui sera... qui représentera des changements
importants, autant au niveau des structures qui seront en place puis des
services qui seront offerts pour les justifiables.
Je ne sais pas si vous voulez en savoir
plus sur notre proposition, la proposition du Barreau du Québec de bonifier les
compétences.
M. Jolin-Barrette : Bien oui,
certainement, parce que le projet de loi, c'est une première étape. Donc, j'ai
annoncé qu'on mettait la base, l'assise puis qu'on va... on se dirige vers un
tribunal unifié complet. Mais je serais intéressé à vous entendre sur ce que
vous proposez sur les autres matières.
Mme Tremblay (Régine) : Avec
grand plaisir. Donc, comme vous le rappelez, le projet de loi est un premier
pas dans la création d'un véritable Tribunal unifié de la famille. Puis, à
terme, le tribunal unifié devrait avoir trois composantes : une compétence
unifiée au sein d'un seul tribunal...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Tremblay (Régine) : ...matière
familiale, des juges spécialisés et une gamme de services de justice familiale.
Ces éléments simplifieront le parcours des justiciables et favoriseront l'accès
à la justice.
En fait des compétences, afin de réduire
au maximum le morcellement, le Barreau du Québec propose, et c'est à la page 4
de notre mémoire, de conférer dès maintenant tous les dossiers qui relèvent de
la compétence exclusive de la province au Tribunal unifié de la famille. Ces
compétences sont notamment l'ensemble des demandes en filiation. Donc, ce qu'on
veut dire par là, ce n'est pas simplement les demandes pour la grossesse pour
autrui, mais l'ensemble des demandes en filiation, également l'ensemble des
demandes découlant de la séparation des parents d'enfants nés avant le 30 juin
2005, l'ensemble des demandes de garde et d'aliments lorsque les parents n'ont
pas fait vie commune, ainsi que les demandes en dissolution d'union civile.
Donc, c'est pour cette raison aussi qu'on suggère de procéder par décret et d'avoir
le plus de compétences le plus rapidement possible afin de se rapprocher de l'unification
des compétences, qui est un élément central dans un tribunal unifié.
Nous... le Barreau du Québec croit qu'une
telle approche assurerait dès l'entrée en vigueur une meilleure cohérence dans
le traitement des dossiers familiaux et éviterait davantage de fragmentation de
compétences juridictionnelles.
M. Jolin-Barrette : Je suis d'accord
avec vous...
Mme Tremblay (Régine) : Merci.
M. Jolin-Barrette : ...sur l'unification,
puis c'est vers là où on se dirige. D'ailleurs, sur la question de la
dissolution de l'union civile, on a pris connaissance de votre mémoire. Pour
nous c'était inclus dans l'article, mais on va venir le préciser parce que je
pense qu'il y a... On se retrouve dans une situation où la compréhension, elle
n'était pas commune, donc on va venir le préciser, notamment.
J'aimerais peut-être vous entendre sur
votre programme de gestion hâtive de l'instance. En quoi... en quoi... comment
vous l'avez... comment vous le voyez? En quoi ça consisterait?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
écoutez, c'est quelque chose qui existe déjà. Ça permet à un juge de rencontrer
les parties dès le début du dossier puis de voir avec eux l'avenue qui serait
appropriée, là, pour son cheminement, donc, toujours dans, peut-être, le but,
là, d'atteindre les objectifs d'une meilleure célérité, d'une simplification du
processus. On pense notamment que ça pourrait être utile pour les gens qui ne
sont pas représentés. Vous savez comme moi que les statistiques sont à l'effet
qu'en matière familiale, malheureusement, il y a de plus en plus de gens qui ne
sont pas représentés par avocats. Donc, souvent, une gestion hâtive pourrait
permettre de rencontrer les gens, de leur poser des questions, de démêler le
dossier et de bien les orienter. Donc, ce serait une autre façon d'atteindre
les objectifs visés par le TUF.
M. Jolin-Barrette : Mais, à
ce moment-là, le temps-juge serait quand même important si... C'est une avenue
intéressante, que vous proposez, mais ça prend beaucoup...
Mme Claveau (Catherine) : Ça
prend des ressources.
M. Jolin-Barrette : Ça prend
beaucoup de disponibilité.
Mme Claveau (Catherine) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de la médiation obligatoire, vous êtes d'accord, cependant, vous
nous dites : Ne mettez pas de sanction sur une personne qui alléguerait
être victime de violence sexuelle et conjugale. Alors, qu'est-ce que vous
faites avec le contre-argument de quelqu'un qui prétendrait en être victime
puis qui ne l'est pas? Supposons des hommes, là, qui voudraient ralentir le
processus, qui ne voudraient pas...
Mme Claveau (Catherine) : Oui.
Bien, écoutez, c'est sûr que ça peut arriver, mais, si on fait dans la balance
des inconvénients, je pense que la conséquence est beaucoup plus grave pour une
vraie victime de se voir revictimisée parce qu'il faut qu'elle fasse la preuve
que, finalement, même si elle a consenti, il y a une violence qu'elle n'a pas
osé admettre plus tôt mais que, finalement, elle admet, que l'inverse. Mais il
faut faire aussi confiance, je pense, aux juges qui vont entendre ces
parties-là et même aux médiateurs qui vont rencontrer les parties, ils sont...
ils vont avoir de la formation. Ils ont quand même souvent le moyen, en posant
des questions, de détecter des signes d'honnêteté ou de malhonnêteté des gens.
Donc, je pense qu'il faut faire... Il y a quand même un pouvoir du juge, là, d'intervenir
dans ces situations-là.
Donc, si je reviens à ma première partie
de réponse, qui est la principale, je pense qu'au niveau de la balance des
inconvénients, il y a... ce serait plus grave si c'était une vraie victime qui
ne pouvait pas... qui serait dans ce processus-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. On a
eu des groupes qui nous ont dit : Bien, écoutez, l'attestation, ce n'est
peut-être pas optimal, ce serait peut-être mieux... pardon, une déclaration, ce
ne serait peut-être pas optimal, une allégation, on devrait peut-être demander
une attestation, comme on a fait dans le cadre du projet de loi no 73, le fait
de pouvoir déposer une attestation pour dire : J'ai consulté un organisme
de soutien aux personnes victimes... Est-ce que ça, le Barreau va dans ce
sens-là...
M. Jolin-Barrette : ...vous,
vous êtes à l'aise avec uniquement l'allégation de violence? Parce que
l'allégation de violence peut se faire d'une façon très simple par voie
électronique, la personne n'a pas besoin d'aller consulter. D'un autre côté, on
a des groupes qui nous ont dit : Bien, écoutez, il faudrait peut-être
favoriser l'attestation parce que ça fait en sorte que la personne, on l'amène
à aller chercher de l'aide. Alors, on est dans une situation où il y a des
éléments positifs dans les deux cas, là.
Mme Claveau (Catherine) : Oui.
Bien, disons qu'il y a des éléments positifs dans les deux cas, comme vous
dites. Nous, on ne s'est pas penchés sur l'option attestation, je pense qu'on y
allait plutôt vers une déclaration. Je pense que l'idée c'était que le
processus soit le plus simple, le moins contraignant possible pour permettre à
la victime de s'exprimer sans trop de rigorisme. Donc nous, notre avis, c'était
vraiment plus pour une simple déclaration.
M. Jolin-Barrette : Pour les médiateurs,
au Barreau, vous en formez des médiateurs, donc, l'ordre professionnel donne la
formation et contrôle, dans le fond, la compétence et la qualité, vous donnez
des accréditations.
Mme Claveau (Catherine) : Oui,
le Barreau, la Chambre des notaires, vous savez, bien, on est six ordres
professionnels à pouvoir accréditer des médiateurs.
M. Jolin-Barrette : Puis les
formations, dans le fond, c'est fait par des formateurs autorisés par le
Barreau. C'est ça.
Mme Claveau (Catherine) : Oui,
puis il y a un volet violence conjugale, bon, prévention, et tout ça, qui font
partie de la formation obligatoire.
M. Jolin-Barrette : De la
formation. Excellent. Bien, écoutez, Me Claveau, merci beaucoup. Merci, Me
Tremblay, également. Je vais céder la parole à mes collègues. Mais merci pour
la présentation du mémoire du Barreau.
Mme Claveau (Catherine) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Vimont, s'il vous plaît.
Mme Schmaltz : Merci, M. le
Président. Alors, M. le ministre a exactement posé la question que je voulais
vous poser justement en termes de médiation, en termes de médiation
obligatoire. Tantôt, vous parliez justement qu'il y a cette formation qui
englobe la violence conjugale et puis le fait justement de la rendre
obligatoire, cette médiation. Est-ce que vous pensez qu'on - bien, «on», je
m'exclus naturellement, là - mais qu'on peut être capable justement de détecter
cette violence-là lors des rencontres ou est-ce que c'est suffisant dans la
formation, ce qu'on a comme élément pour arriver justement à s'assurer qu'une
personne n'est pas sous l'emprise d'un conjoint violent? Parce que, souvent, ce
n'est pas nécessairement non plus écrit dans le visage, et vu qu'il y a toutes sortes
de violence aussi, on en a parlé précédemment la violence économique, bon,
sexuelle, etc., parfois, ce n'est pas toujours quelque chose qui est simple
aussi à détecter.
• (17 h 40) •
Il y a eu des groupes qui étaient, plus ou
moins, pour, contre, bons, etc. On a une toutes sortes de position en termes de
médiation obligatoire. C'est quoi, votre regard que vous posez? Je sais que
vous avez salué aussi l'exclusion là- dedans, mais c'est quoi, en règle
générale, le regard que vous posez là-dessus?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
je pense que d'emblée il y a l'exception prévue qu'en principe les cas de
violence conjugale, familiale peuvent être exclus de la médiation. Ça fait
qu'au moins, d'emblée, il y a ça, il y a un... Donc, les gens vont aller voir
un médiateur puis dénoncer ces situations-là pour dire : Écoutez, ça
existe déjà. D'ailleurs, on a la dispense de médiation en droit de la famille,
ça a toujours existé, puis ça va continuer à exister dans ces cas-là, c'est
essentiel. Ça, c'est la base. Maintenant, est-ce que... pour ceux qui sont plus
près... qui travaillent avec les personnes victimes, qui disent que peut-être
que c'est compliqué pour une victime de le dire plutôt que... va préférer aller
en médiation plutôt qu'aller devant un juge parce que ça risque de la
stigmatiser davantage, c'est sûr qu'il y a un risque, mais il faut faire
confiance quand même à nos professionnels qui sont formés pour voir ces
indices-là.
Puis, tu sais, la violence conjugale, elle
est large. Je pense qu'il va falloir l'interpréter de façon large, ça, je pense
que ça va être important. Puis, vous savez, la violence, la violence
financière, elle commence aussi dans la famille. Donc, il y a plein de formes
de violence conjugale, familiale. Puis effectivement il faudrait peut-être
mettre l'accent sur la formation des gens pour que ce soit bien analysé.
Mme Schmaltz : Qu'est-ce
qu'on fait si le médiateur est capable... détecte cette violence-là, mais loin
dans le processus? Au début, il ne s'en rend pas compte puis, à un moment
donné, ça devient plus clair parce qu'après quelques heures, j'imagine, de
médiation, c'est souvent là, peut-être, qu'on peut voir, qu'on peut pointer
certains... Qu'est-ce qui arrive une fois qu'on arrive, là, à ça?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
écoutez, moi, j'en ai fait de... dans le passé. Je suis médiatrice, j'en ai
fait de la médiation. Et, en tout temps - ça, c'est un principe de médiation -
les parties peuvent mettre fin à la médiation, et le médiateur peut mettre fin
et même doit mettre fin à la médiation s'il se rend compte qu'il y a un
déséquilibre entre les parties...
Mme Claveau (Catherine) : ...alors
je présume que ce principe-là va demeurer même si la loi oblige à aller en
médiation. Ce n'est pas... On ne rentre pas dans un cloître, là. Il y a... Il y
a... On commence. On l'essaie, on espère que ça fasse en sorte que le problème
soit réglé, puis qu'on n'ait pas besoin de judiciariser. Mais il reste qu'on a
des obligations comme professionnels médiateurs, là, de mettre fin au processus
si on sent un tel déséquilibre pour les parties.
Mme Schmaltz : Parfait. Je
voulais aussi vous remercier, comme M. le ministre, pour votre travail des
quatre dernières années. Alors, je vais passer la parole à un collègue, je pense.
Mme Claveau (Catherine) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
Saint-Jean. 2 minutes.
M. Lemieux : Merci, M. le
Président. Effectivement, je renouvelle. Ça fait plusieurs fois qu'on se voit,
parfois à distance, parfois en personne, mais content de vous voir, si c'est la
dernière fois, tant mieux, content de vous avoir vue.
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
ça va dépendre de votre ministre, hein?
M. Lemieux : Oui, oui, oui!
Mme Claveau (Catherine) : On
le connaît. Il pourrait nous faire encore une surprise!
M. Lemieux : Ah! oui, oui, il
est hyperactif!
Mme Claveau (Catherine) : Oui.
C'est ça.
M. Lemieux : Et puis, je ne
le sais pas, il ne nous le dit pas à nous autres non plus, hein? On se retrouve
avec ses projets de loi un par derrière l'autre. Il aimerait juste une minute
et demie, le temps qu'on fasse ces civilités. À chaque fois qu'on aborde ces
questions-là, il me semble toujours qu'il y a un éléphant dans la pièce dans la
société québécoise dont on ne parle pas assez, c'est le contrôle coercitif.
Vous le soulevez dans le détour d'une question, d'une réponse. Et je me demande
jusqu'à quel point ce débat-là ne fera pas ça. Je me demande ce que ça va
prendre pour qu'on prenne à bras-le-corps ce problème-là ou ce... ce n'est pas
un problème, mais cette réalité-là pour vraiment aider celles qui en souffrent.
Et ça me semble être un problème. Je ne sais pas si c'est parce que je suis
beaucoup en CI puis je fais beaucoup de consultations, mais ça me semble être
un problème qui grossit à vue d'oeil. Qu'est-ce que vous en pensez, vous?
Le Président (M.
Bachand) :...
M. Lemieux : Oui. Il n'est
pas fin, lui, mais en tout cas.
Mme Claveau (Catherine) : Écoutez,
c'est une réflexion qu'on doit peut-être avoir, mais comme vous pouvez le voir
dans notre mémoire, nous on s'est... tu sais, on s'est contenté de commenter ce
projet de loi là.
M. Lemieux : Oui. Oui.
Mme Claveau (Catherine) : C'est...
C'est des... Ce sont là des questions très intéressantes et qui mériteraient
peut-être une autre réflexion puis un autre projet de loi pour qu'on s'y
penche.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Oui. Merci, merci,
M. le Président. Alors, Mme la bâtonnière, Me Tremblay, merci d'être là. Merci
pour votre mémoire. Permettez-moi, Mme la bâtonnière, de...
(Interruption)
Une voix : Excusez-moi.
M. Morin : Non, non, ça va.
C'est... J'allais dire permettez-moi, Mme la bâtonnière, de joindre ma voix à
celle de M. le ministre pour vous remercier pour les quatre années que vous
avez passées à diriger le Barreau, bon, qui est aussi mon ordre professionnel.
Vous avez toujours été très présente, très disponible pour venir en commission
parlementaire sur des sujets souvent difficiles, et je l'apprécie énormément.
Donc, en mon nom puis au nom de ma formation politique, on vous dit un immense
merci pour ce que vous avez accompli.
Mme Claveau (Catherine) : Merci!
M. Morin : Et puis bonne
chance avec vos projets futurs.
Si on revient au projet de loi, il y a...
il y a deux éléments que... en fait, que le Barreau se soulève et que d'autres
groupes ne nous ont pas véritablement parlé. Le premier élément, c'est de
reporter la date de l'entrée en vigueur de la loi. Bon. Des fois, le
gouvernement a besoin de plus de temps parce que, bon, il y a des formulaires à
remplir, etc., ou à créer, enfin, et à mettre quelques structures. Dans ce
cas-ci, je pense qu'on parle beaucoup plus que ça. Puis, si on veut que ce soit
utile pour les justiciables, effectivement, la date de juin me paraît
rapprochée. Donc, qu'est-ce que vous avez en tête, qu'est-ce que vous vous suggérez
pour évidemment que ce soit véritablement utile pour les citoyens puis les
citoyennes?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
écoutez, on n'a pas de... on n'a pas de délai précis en tête. Mais, tu sais, je
pense que c'est bien exposé dans notre mémoire, il y a beaucoup d'enjeux, il y
a beaucoup de choses, là, à vérifier, donc évidemment, est-ce qu'on va avoir
suffisamment de juges, est-ce qu'ils vont être suffisamment formés. Il y a tout
l'aspect pratico-pratique, là, jusqu'à ce que, je dirais, l'étape deux de la
réalisation de ce tribunal unifié là ne soit pas réalisée, donc les enjeux de
compétence, Cour du Québec, Cour de la famille, pour éviter... pour éviter
qu'il y a des contradictions, donc penser à peut-être une coordination unifiée,
la gestion d'un dossier, un pont entre les deux cours pour la... pour que les
informations circulent dans les dossiers, soit en jeunesse ou en Chambre de la
famille notamment. Il y a des réalités qui sont peut-être un peu terre à terre,
mais qui sont... sur le terrain, sont réelles. Vous avez, en région, dans
certaines régions, il y en a... il n'y a pas ou peu de médiateurs, ou il n'y en
a pas. Il y a des.. Il y a moins de dates de cour en Cour du Québec qu'en cour
supérieure...
Mme Claveau (Catherine) : ...il
y a toute une gestion, il y a des... il y a des grandes étendues de territoire
qui font en sorte qu'un avocat spécialisé en droit de la famille va devoir se
rendre dans... tu sais, il y a beaucoup d'enjeux pratico-pratiques qu'il faut
réfléchir puis... Et je pense qu'il faut... il faut s'assurer qu'une fois que
ça va être en vigueur, bien, qu'on réponde à tous ces enjeux-là, qui sont quand
même assez bien écrits dans notre mémoire.
M. Morin : Oui, pour, en
fait, éviter plus de frustration, finalement, chez les justiciables qui vont
devoir s'adresser aux tribunaux.
L'autre élément, et vous y avez fait
référence dans votre... dans la réponse à ma question, mais c'est toute la
question, et ça, vous le mentionnez, d'une structure paritaire. J'ai demandé à
d'autres groupes avant... Parce que, s'il y a des compétences, comme le
mariage, le divorce, qui, en vertu de la Constitution, vont rester sous le
giron de la Cour supérieure, il n'en demeure pas moins que, pour une meilleure
coordination, je pense que ce ne serait peut-être pas une mauvaise chose, que
les deux cours se parlent, compte tenu de la décision prise par le
gouvernement. J'ai demandé l'opinion en ce qui a trait à un greffe unifié, je
ne sais pas si c'est la meilleure solution, mais qu'est-ce que... qu'est-ce que
vous avez en tête comme structure paritaire, qu'est-ce qui serait le mieux
qu'on pourrait faire, pour justement que ça fonctionne puis que ce soit
efficace?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
je pense qu'on pourrait... C'est sûr qu'on pourrait s'asseoir puis réfléchir à
des choses qui feraient en sorte sur le terrain que ce soit plus pratique, mais
c'est sûr qu'il y a peut-être... il y a des normes, entre autres, de
confidentialité d'informations propres aux dossiers en protection de la
jeunesse. Les dossiers sont scellés, mais, s'il y a des informations qui
devraient aller à notre cour, est-ce qu'il y a possibilité de voir à certaines
exceptions, notamment? Est-ce qu'avoir un greffe unifié serait une option?
Peut-être, je pense que ça va... tu sais, je pense que ça... C'est pour ça
qu'on propose de retarder l'entrée en vigueur, là, de ce projet de loi là,
c'est pour qu'on s'assoie ensemble. On offre, évidemment, notre collaboration,
avec les gens du ministère de la Justice, avec la Chambre des notaires, pour
qu'on voie ensemble comment, au niveau des opérations, ça peut être réalisable
puis que ça atteint son objectif pour alléger le parcours des familles, que ce
ne soit pas trop compliqué et que ce soit efficace à atteindre ses objectifs.
M. Morin : Je vous remercie.
J'ai bien compris aussi de la recommandation du Barreau que vous souhaitez que
les dossiers, par exemple, en filiation aillent maintenant à la Cour du Québec,
parce que présentement, avec notre projet de loi, il y en a encore qui vont
être traités par la Cour supérieure. J'aurai la possibilité d'avoir un dialogue
avec M. le ministre quand on va faire l'étude article par article. Mais, à
prime abord... En tout cas, personnellement, j'ai de la misère à comprendre
pourquoi ils ne s'en vont pas tous à la Cour du Québec, puis c'est la même
chose pour l'union parentale qui ne traite pas des questions de mariage et de
divorce. Donc, je comprends que la position du Barreau, c'est : Bien,
écoutez, tant qu'à y être puis tant qu'à faire un pas, bien... en fait :
Soyons cohérents, allons-y, allons-y au complet.
• (17 h 50) •
Mme Claveau (Catherine) : Voilà.
Dans cette première phase là, à l'exception de tout ce qui est de compétence
constitutionnelle du fédéral, je pense que l'idée, ce serait d'unifier toutes
les autres questions qui sont en lien avec la famille, en partant de la
procréation jusqu'aux aliments, que ce soit unifié, au même... puis se rendre
au même tribunal.
M. Morin : Très bien, je vous
remercie. Quand on regarde le projet de loi, bon, il y a... il y en a qui nous
ont dit : Écoutez, la médiation obligatoire, on oublie ça. Il y en a
d'autres qui nous on dit : Oh oui, c'est bon. D'autres, les médiateurs qui
nous ont dit : Bien, il faudrait peut-être qu'il y ait une étape préalable
pour qu'on soit capables de dépister, finalement, s'il y a des enjeux justement
de contrôle coercitif ou autre et qu'il faudrait que ce soit un médiateur
familial accrédité, parce qu'ils ont une formation particulière. La position du
Barreau là-dessus, c'est quoi?
Mme Claveau (Catherine) : On
serait plutôt en faveur de ça parce que nous, évidemment, on prône
l'accréditation parce que ça assure une garantie de qualité et de
professionnalisme du médiateur. Et, comme je l'ai expliqué précédemment, dans
la formation de base pour les médiateurs accrédités, il y a des formations
en... tu sais, en détection de violence conjugale notamment. Et ça, bien, c'est
sûr que nous... c'est sûr qu'actuellement il y a... il n'y en a pas assez, de médiateurs
pour répondre à toute cette offre-là. Ce qu'on offre, c'est de travailler de
concert avec le ministère de la Justice puis la Chambre des notaires pour voir
ensemble comment on pourrait, à court moyen ou terme, faire en sorte, là, de
faire un blitz de formations, d'accréditations, d'en faire la promotion pour
attirer le plus de médiateurs possible. On peut se proposer pour faire ça, là,
certainement.
M. Morin : Parce que je
comprends que le projet de loi tel qu'il est, c'est ce qu'il suggère, c'est ce
qu'il veut, c'est ce qui va arriver...
M. Morin : ...mais, encore là,
s'il n'y a pas assez de médiateurs... Et ça, il y a d'autres groupes qui nous
ont dit qu'ils avaient... ils avaient des inquiétudes. En fait, moi, je partage
cette inquiétude-là. C'est beau d'écrire, dans un projet de loi, bon, qu'il va
y avoir une médiation, mais s'il n'y en a pas assez... Puis on sait que le
Québec, bien, ce n'est pas juste des grands centres, c'est aussi le Québec des
régions, puis que là, c'est peut-être plus compliqué, les... Votre expérience,
et quand vous parlez avec les membres du Barreau, sur le terrain, dans les
régions, puis vous l'avez évoqué un peu, il y en a assez, de médiateurs, ou il
n'y en a pas assez? Est-ce que les tarifs sont suffisants? Est-ce que le nombre
d'heures est suffisant? Ou...
Mme Claveau (Catherine) : Non,
bien... C'est ça. Bien, je pense que c'est... On l'a bien mentionné dans notre
mémoire, au moment où on se parle, il n'y a pas assez de médiateurs pour répondre
suffisamment à la demande, et, malheureusement, il y en a moins, même, que,
parfois, il y en a peut-être eu. Disons que la courbe croissance ne suit pas sa
croissance. Mais ça a un lien direct avec le fait que les tarifs ne soient pas
suffisants. On a, malheureusement, plusieurs médiateurs qui se... qui décident
de faire de la médiation, mais qui n'acceptent plus de le faire selon les
tarifs... parce que ça... ils ne... ce n'est pas suffisant pour leur permettre,
là, de... je ne dirais pas, de vivre, mais, quand même, là, d'avoir... d'avoir
une pratique suffisamment rentable, là.
M. Morin : Et ça, évidemment,
c'est un... c'est un enjeu, parce que j'imagine que ça doit être frustrant pour
des gens qui vivent déjà une situation de stress, parce qu'ils sont en train de
se séparer, de savoir que là, il va y avoir une obligation législative, puis
qu'ils ne sont pas capables de trouver de médiateur. Parce que je comprends que
ça peut aller jusque là?
Mme Claveau (Catherine) : Peut-être.
Mais, c'est ça, je pense qu'il faut vraiment qu'on réfléchisse à mettre...
qu'on réfléchisse, tout le monde, à investir dans le financement puis peut-être
ajuster les tarifs, puis voir ensemble, là, comment on peut travailler pour
augmenter le nombre de médiateurs qui vont accepter de faire de la médiation
dans ces dossiers-là. Parce que la médiation, c'est extraordinaire, quand ça
fonctionne, hein, ça a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'avantages. Mais, au
moment où on se parle, malheureusement, le marché ne permet pas d'atteindre cet
objectif-là demain matin.
M. Morin : D'accord. Donc, je
vous remercie. Donc, c'est quand même... c'est très clair, là, ce que... ce que
vous nous dites, merci. Il y a la question, toujours à 419.2 du projet de loi,
qui est, en fait, l'article 6... l'exemption de participer à la médiation pour
les personnes qui ont déposé au greffe une déclaration. Plusieurs nous ont dit
que c'était mettre davantage un fardeau sur l'épaule des victimes qui pouvaient
vivre de la violence. Plusieurs ne veulent pas en parler, pour toutes sortes de
raisons, que je comprends très bien. Est-ce qu'on devrait garder cette façon de
faire, cette déclaration, ou si on ne pourrait pas se suffire, justement, de la
volonté ou de la... simplement de la déclaration des parties comme telle, en
disant : Écoutez, nous, on veut aller directement devant le juge? Ça,
c'est une question que j'ai.
L'autre question, aussi, c'est que, si
jamais ça reste tel quel, et qu'il y en a une victime, qui fait une
déclaration, par exemple, qu'elle subit de la violence puis de la violence
sexuelle, mais qu'elle n'a pas voulu par exemple, le divulguer encore à la
police, à l'État, ce qui est... ce qui est possible, ce que je comprends, là,
l'État va faire quoi avec la déclaration?
Mme Claveau (Catherine) : C'est
une bonne question, Me Morin, mais je dois vous avouer qu'on ne s'est pas
penchés là-dessus. Si vous voulez, on pourra peut-être regarder ça, là, de
manière plus approfondie, mais, au moment où on se parle, j'aurais de la
difficulté à répondre à votre question.
M. Morin : Parfait. Oui, je
vous remercie, merci beaucoup. Autre chose, et c'est à l'article 5 du projet de
loi, quand on parle de la séance de conciliation et d'une audience sommaire,
l'article 416.1 dit que les parties peuvent déposer au greffe une demande pour
la tenue d'une séance de conciliation et d'une audience sommaire. Donc, les
parties peuvent, elles ne semblent pas être obligées. Cependant, une fois
qu'ils ont signé la convention, ils ne peuvent mettre fin au processus, donc ça
laisse sous-entendre qu'une fois que le processus est engagé puis qu'ils ont...
qu'ils ont rencontré un juge ils ne pourront plus se désister. Et je me
demandais si c'était vraiment utile, comme disposition. Si, à un moment donné,
les parties ne veulent plus, le juge, il va faire quoi? Il va être forcé à
continuer? Il va... il va mettre fin puis il va rendre jugement dans
l'après-midi?
Et ce qu'on demande aussi, à 416.4, ça me
semble aussi être assez lourd comme processus, surtout si c'est des gens qui se
représentent seuls. Je ne sais pas comment ils vont faire ça. Ça fait
qu'avez-vous des suggestions pour nous pour alléger la procédure?...
Mme Claveau (Catherine) : ...je
ne sais pas si Me Tremblay peut aider à répondre à cette question-là.
Mme Tremblay (Régine) : Je
pense qu'au niveau de la séance de conciliation, puis de l'audience sommaire,
le Barreau prenait pour acquis que c'était un exercice qui était volontaire. Ça
fait que ce qui semble se... Bien, ce qui se dégage de notre mémoire, c'est que
les parties devront vraiment bien être informées des implications. On pourrait
faire des recherches supplémentaires, à savoir des modalités pour se retirer de
ce processus qui est en cours puis on invite aussi un petit peu plus de flexibilité
dans le cadre entourant ces mesures pour laisser de la discrétion aux juges de
prendre les mesures qui vont vraiment favoriser la résolution du conflit entre
les parties.
M. Morin : D'accord, et puis,
ça, je pense que vous en parlez dans votre mémoire, mais que ce soit le même
juge qui, après ça, va rendre jugement. Moi, je comprends que vous avez
peut-être laissé le plus de souplesse, à savoir au juge en chef de gérer sa
cour. Donc, si ce n'est pas l'avant-midi ou l'après-midi, ça pourrait être un
autre jour, là. Mais que le même juge, après ça, rende jugement après la séance
de conciliation, est-ce que ça vous pose un enjeu?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
je pense qu'il faut voir vraiment l'objectif, là, de ces... C'est une
nouveauté. Ça mérite d'être bien... d'être bien... d'être bien présenté. Encore
une fois, comme a dit ma collègue, il ne faut pas oublier que c'est un
processus volontaire, donc les gens ne sont pas obligés. Ça veut dire qu'ils
acceptent les règles du jeu, que la même personne va les entendre dans un
processus de conciliation et, par la suite, plus de... d'audiences sommaires.
Il faut... Bien, je pense qu'il faut quand même, tu sais, faire confiance à aux
juges qui sont quand même des personnes intègres, équitables et impartiales.
Puis vous savez, je pense que ça a d'ailleurs... mes collègues de la Chambre
des notaires en ont parlé, il existe déjà un processus de PRD qui s'appelle le
«Méd-Arb». Donc, pour le même arbitre, médiateur-arbitre peut faire le matin la
médiation et, si les parties ne règlent pas, de faire un arbitrage. Ce qui veut
dire qu'il va prendre la décision à leur place s'il y a échec de médiation.
Donc, ce n'est pas tant nouveau que ça. Je pense que ça vaut la peine de
l'essayer. Il y a des enjeux, mais si les parties qui acceptent d'y adhérer
connaissent les enjeux, je pense que ça vaut la peine de l'essayer.
M. Morin : Très bien. Alors,
je vous remercie, M. le Président, merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Donc, Me Tremblay, merci
beaucoup. Me Claveau, bien, au nom de la commission, a été un grand privilège.
Merci beaucoup de votre implication. Je vous souhaite le meilleur pour la suite
des choses.
Mme Claveau (Catherine) : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :
Cela dit, avant de conclure les auditions, je pense que le dépôt des mémoires
de personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions
publiques. Et sur ce, la commission ayant accompli son mandat, ajourne ses
travaux sine die. Merci beaucoup. À bientôt.
M. Lemieux : Merci, M. le
Président.
(Fin de la séance à 18 heures
)