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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le vendredi 6 mai 1983 - Vol. 27 N° 42

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat: L'affaiblissement de la part du Québec dans les investissements manufacturiers canadiens


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je déclare la séance ouverte. Je vous rappelle le mandat de la commission. C'est une question avec débat du député de Notre-Dame-de-Grâce au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sur le sujet suivant: L'affaiblissement de la part du Québec dans les investissements manufacturiers canadiens.

Avant de commencer, je vais rappeler l'article 162a qui dit ce qui suit: "Lorsqu'une commission élue est saisie d'une question avec débat, elle est soumise aux règles spéciales suivantes: "a) le député qui a donné l'avis de question avec débat a droit d'être entendu le premier et le ministre questionné peut lui répondre immédiatement après; chacune de ces interventions doit être limitée à vingt minutes; "b) un député peut prendre la parole aussi souvent qu'il lui plaît, à condition de ne parler plus de vingt minutes en tout; cette restriction ne s'applique pas au député qui a donné l'avis de question avec débat ni au ministre questionné lesquels ont un droit de parole privilégié; "c) le ministre peut se faire accompagner des fonctionnaires de son choix et les autoriser à prendre la parole et ils parlent alors en son nom; "d) la commission ne désigne pas de rapporteur et il n'y a pas de rapport à l'Assemblée; "e) le quorum est présumé exister et l'absence de quorum ne peut être invoquée; "f) il ne peut y avoir ni motion ni vote; "g) à treize heures, ou lorsqu'il n'y a pas plus d'opinant, le président met fin aux travaux de la commission."

Je vous avise aussi que je vais réserver à 12 h 40, dix minutes au député de Notre-Dame-de-Grâce pour une intervention finale et dix minutes au ministre, ce qui permettra à la commission de se terminer à 13 heures.

Je donne la parole au député qui a demandé la question avec débat, le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. le député.

M. Scowen: Merci, M. le Président. Avant de commencer, puis-je vous demander - nous sommes quatre ce matin - si mes collègues n'ont pas terminé les interventions, vu qu'on a commencé une quinzaine de minutes en retard, si l'on peut au besoin légèrement dépasser 13 heures?

Le Président (M. Rancourt): On verra à la fin, suivant les événements, si on a un consentement.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Exposé du sujet M. Reed Scowen

M. Scowen: On verra. Le débat qu'on a proposé ce matin, c'est un débat avec une portée très limitée, comme vous avez pu le constater, mais c'est tout de même très important. Au fond c'est la question de l'emploi et on n'a pas souvent l'occasion de parler de cette question ici à l'Assemblée nationale.

Ce matin, on n'a pas l'intention de parler, comme on l'a fait assez souvent, je pense, de l'exode des sièges sociaux, des "jobs" et des cerveaux du Québec. C'est une autre partie de l'histoire, qui est quand même très importante. Mais, ce matin, on a l'intention de parler des usines, des investissements. On les appelle les investissements manufacturiers ou les immobilisations manufacturières. Mais, effectivement, quelque chose que les gens comprennent très bien, ce sont les usines, les machines.

Cette semaine, M. le ministre, j'avais le plaisir de recevoir de l'Alcan une belle photo de ses installations à La Baie, par exemple. C'est une usine qui a été installée ici au Québec récemment, qui entraîne 400 ou 500 emplois permanents stables. C'est cet aspect de notre économie qui est le moteur et je pense qu'on est tous sur la même longueur d'ondes. Dans ce sens, je vais simplement citer ce que le gouvernement a dit au sujet des investissements dans le domaine des usines et des machines quand il a rendu public son document Bâtir le Québec, le premier, en 1979. Il disait: "La fabrication - c'est cela, la fabrication, les usines - a toujours été considérée comme le moteur de l'économie à cause de ses nombreux effets d'entraînement directs, indirects et induits sur l'activité économique."

Alors, je pense et j'espère que nous sommes sur la même longueur d'ondes: les usines, les machines, les "jobs" stables et permanentes, c'est là la clé d'une économie saine. Même quand on prévoit que, dans l'avenir, les services deviendront plus importants, il ne faut pas oublier que le secteur manufacturier, c'est aujourd'hui 600 000 emplois, ou presque, au Québec.

M. le Président, nous avons limité le débat pour des raisons très spécifiques. Nous voulons parler de notre part des investissements dans les usines et les machines de l'ensemble canadien et nous avons choisi de limiter le débat pour plusieurs raisons. Je dois vous dire très honnêtement que la raison la plus importante est qu'on veut limiter un peu les réponses que vous allez nous donner, parce que vous avez mal fait - et j'espère qu'on pourra le prouver - depuis six ans, depuis le début de votre premier mandat, dans le domaine des investissements au Québec et vous avez tendance à en blâmer les autres. Ce matin, nous voulons que vous réféchissiez un peu sur vos propres gestes ou sur vos absences de gestes.

La façon dont nous proposons le débat vous empêchera de rejeter le blâme sur la crise économique parce qu'on va parler de la part des investissements au Québec comparée avec l'ensemble canadien. Au Canada, vous êtes dans une ligue avec neuf autres concurrentes pour l'investissement, si les neuf autres provinces qui sont toutes frappées par la même crise économique. On va vous démontrer - je pense que c'est clair - que votre part de tous les investissements au Canada a diminué. Alors, on vous demandera pourquoi. Pourquoi n'êtes-vous pas capable de concurrencer l'Ontario, l'Alberta, l'Île-du-Prince-Édouard et ainsi de suite? Pourquoi avez-vous perdu la part que vous aviez lorsque vous avez pris le pouvoir?

M. le ministre, on veut éviter une autre espèce de réponse. On veut éviter que vous blâmiez le gouvernement fédéral. Pour cette raison, nous avons comparé votre performance avec les six années, de 1970 à 1976, qui ont précédé votre arrivée au pouvoir. Je ne sais pas si vous l'avez oublié ou non, mais le gouvernement fédéral était là avant que vous arriviez. M. Trudeau est là depuis presque le début de la Confédération, il me semble, mais, effectivement, il est là depuis 1968. Alors, les deux gouvernements, Bourassa et Lévesque, étaient obligés de faire face au même gouvernement fédéral. On vous montrera les chiffres qui démontrent que, face au gouvernement fédéral, face aux concurrents canadiens des autres provinces, vous ne vous en êtes pas aussi bien sorti que les autres.

Alors, c'est important, parce qu'on ne veut pas passer la journée à dénoncer le gouvernement fédéral. Si vous voulez blâmer le gouvernement fédéral, vous serez obligés de nous démontrer comment il se fait que vous n'êtes pas aussi compétents face au gouvernement fédéral que vos prédécesseurs.

La troisième chose qu'on voulait éviter, c'est de vous écouter vous vanter que vous avez l'intention cette année de donner des subventions de 15 000 000 $ qui vont créer 10 000 emplois. On entend parfois ces déclarations répétées cinq, six, sept ou huit fois sur le même sujet, mais aujourd'hui on ne parle pas des déclarations d'intention pour l'avenir; on parle des performances du passé. Comme cela, c'est toujours intéressant parce qu'au début d'une saison de la Ligue nationale de hockey, toutes les équipes se vantent de leurs joueurs, de leurs entraîneurs, mais à la fin de la saison vous pouvez regarder les chiffres et vous allez voir qui a gagné et qui a perdu.

Alors, très brièvement, je veux passer à travers quelques données. La première donnée, c'est qu'aujourd'hui au Québec, excusez-moi, le 31 décembre au Québec -cela fait trois mois, ce sont les plus récents chiffres, en 1982 - on avait à peu près 55 000 personnes de moins qui travaillaient dans les usines du Québec que quand vous avez pris le pouvoir en 1976. Le record de création d'emplois en six mois, c'est moins 55 000 personnes. Je souligne que, à ce même moment, vous aviez 71 000 personnes de plus dans le secteur public. Performance du Parti québécois en six ans, 71 000 fonctionnaires de plus et 55 000 personnes de moins qui travaillent dans les usines des villes et villages du Québec.

La deuxième chose qu'on peut constater, c'est que - je vais utiliser quelques tableaux ici pour vous le montrer clairement - dans le secteur des investissements - je vais me tourner pour vous le montrer - pendant les six ans du régime Bourassa, on avait 24% de toutes les immobilisations du Canada. Depuis six ans, depuis 1976, depuis l'arrivée au pouvoir de votre gouvernement, c'est descendu à 19,5%. Les gens qui ne sont pas experts dans les chiffres peuvent dire: Ce n'est pas une grosse affaire, de 24% à 19%. Il faut rappeler que nous avons 26% de la population. Mais cette baisse de 24% à 19,5% équivaut à une perte au profit des autres provinces de plus de 2 000 000 000 $ d'investissements qui ont été faits dans les autres provinces du Canada et pas ici à cause de cette baisse. Seulement pour que vous compreniez l'importance de 2 000 000 000 $, l'usine de Bombardier, à La Pocatière, a coûté environ 30 000 000 $.

Il y a là environ 1000 emplois, normalement. Or, nous avons perdu l'équivalent de 70 usines comme celle de La Pocatière au profit des autres provinces dans une période de six ans.

Qu'est-ce que cela veut dire sur le plan

de l'emploi? Sur le plan de l'emploi, M. le ministre, M. le Président, quand vous êtes arrivés au pouvoir, on avait 31,5% de tous les travailleurs canadiens du secteur manufacturier. Aujourd'hui, nous en avons 28,5%. Ce n'est pas important? Ce sont 66 000 emplois perdus au profit des autres provinces, parce que les investissements n'ont pas été faits ici. Ce sont, si vous voulez, les conséquences de la perte de 70 usines comme celle de La Pocatière.

Pour résumer, 2 000 000 000 $ en investissements perdus au profit des autres provinces, 66 000 emplois perdus au profit des autres provinces et ceci, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, en six ans. C'est cela, le sujet de notre débat ce matin. Il n'est pas question de l'exode mais des nouveaux investissements qui n'ont pas été faits ici et qui ont été faits ailleurs.

On a analysé un peu les secteurs. Comme vous le savez, dans les statistiques, il y a 20 secteurs industriels. On voudrait savoir un peu quelles seraient vos priorités, quels sont les secteurs où nous avons subi les baisses les plus importantes. Je vais donner au ministre une liste, parce qu'on a sorti la liste et on a comparé, pour les six ans, la vôtre à celle du Parti libéral. On peut constater que, sur les 20 secteurs industriels de notre économie, il y en a seulement trois où vous avez augmenté votre part des investissements canadiens: ce sont les aliments et boissons, les raffineries, pétrole et charbon, et la bonneterie. Pour tous les autres, il y a des baisses importantes qui vont de 1% jusqu'à 54%.

Je veux en souligner seulement trois ou quatre parce que je pense qu'à titre d'exemple ils sont très importants. Je vais donner au ministre, s'il la veut, la copie du tableau complet. Prenez quelques exemples dans les secteurs de pointe, M. le ministre. Prenez le secteur de l'électricité et de l'électronique. Nous avons perdu 16% de notre part des investissements dans le secteur de l'électricité et de l'électronique depuis que vous êtes arrivés au pouvoir. C'est un secteur de pointe. Nous avons perdu également, dans le secteur des produits chimiques, 31% de notre part des nouveaux investissements et nous avons perdu 54% de notre part des investissements en nouvelles usines et machines dans le secteur du caoutchouc et du plastique, qui est un autre secteur très important pour l'industrie moderne.

Ce n'est pas tout. Même dans les secteurs traditionnels, on est devant le même problème. Je prends à titre d'exemple le secteur des pâtes et papier. Les gens vont certainement se rappeler comment vous vous êtes vantés de votre programme de modernisation de l'industrie des pâtes et papiers depuis 1976. Cependant, ce que les gens ne réalisent pas, c'est que les autres provinces se modernisaient aussi. Et, en conséquence, notre part des nouveaux investissements dans les pâtes et papiers a baissé de 12%. L'Ontario, la Colombie britannique se modernisent plus vite que nous. Dans le secteur du bois, des scieries, c'est encore pire: une perte de 24%.

M. le ministre - c'est le dernier tableau que je vais vous montrer - vous avez souvent parlé des effets néfastes du gouvernement fédéral dans les questions de contingentement dans le secteur de la chaussure, des meubles: les importations viennent de partout et c'est à cause de cela que notre industrie s'affaiblit au Québec. Mais, pendant cette période, la province de l'Ontario a trouvé le moyen d'augmenter ses investissements dans ces domaines. En conséquence, vous voyez que nous avons perdu 31% de notre part des nouveaux investissements, des nouvelles usines, des machineries dans le secteur du meuble et 29% dans le secteur de la chaussure. Pendant que vous blâmez continuellement le gouvernement fédéral pour le contingentement ou le manque de contingentement ou pour les efforts d'écraser l'industrie québécoise du meuble et de la chaussure, en Ontario, les gens sont en train de construire de nouvelles usines pour les mêmes fins. On perd non seulement notre part du marché mondial, mais on perd notre part des investissements canadiens dans ces domaines. Alors, c'est un très bref résumé de la situation telle qu'elle est aujourd'hui.

Tous les tableaux démontrent, quant à nous, que, avec tous vos sommets, avec toutes vos études, vos livres rouges, bleus, blancs, avec vos petites subventions que vous accordez ici et là, avec toutes les grandes interventions que vous avez faites dans les secteurs symboliques, comme les lignes aériennes, les mines d'amiante et les sidérurgies, avec tous ces ballons que vous avez soufflés dans le domaine économique, quand on regarde la performance, malheureusement, pour les travailleurs québécois, vous n'êtes pas concurrentiels avec les autres provinces qui sont dans la même ligue que vous, qui forment notre marché commun canadien. Vous n'êtes pas concurrentiels. Vous êtes en pleine perte de vitesse par rapport à vos concurrents canadiens. Ils sont plus habiles, plus compétents, plus rapides pour chercher, trouver et obtenir des investissements dans les secteurs clés manufacturiers. En conséquence - je reviens à mes chiffres de base - une perte de 2 000 000 000 $ d'investissements depuis six ans au profit des autres provinces, ainsi qu'une perte de 66 000 nouveaux emplois qui auraient été créés si on avait gardé notre part dans tous ces secteurs chez nous. Cela, c'est le passé. (10 h 30)

Je termine, M. le ministre, sur un

autre aspect du problème, parce qu'on ne peut rien faire du passé. J'espère que vous allez admettre que nos chiffres sont bons. Ils sont basés sur les chiffres que vous avez vous aussi, ceux de Statistique Canada. On ne peut rien faire quant à ce qui est déjà arrivé. Malheureusement, c'est la situation aujourd'hui. Mais ce matin, j'imagine que vous allez vouloir expliquer comment il se fait qu'on en soit arrivé à une telle position pendant ces six dernières années. Qu'avez-vous fait? Qu'est-ce qui est arrivé pour qu'on ne soit pas concurrentiels? Je le répète, j'espère que vous n'en blâmerez pas le fédéral, parce qu'il me ferait plaisir d'y revenir.

Qu'est-ce que vous entendez faire pour devenir concurrentiels dans un proche avenir? Surtout, quelles sont vos priorités industrielles? Il est certain que vous ne pouvez favoriser les 20 grands secteurs et les 50 ou 60 sous-secteurs. Quelles sont vos priorités? Si je regarde votre performance depuis six ans, dans les faits, je serais porté à dire que vos priorités industrielles, depuis six ans, sont l'alimentation, les raffineries de pétrole et de sucre, et les usines de bonneterie, de bas de laine. Les choses qui ne vous intéressent pas sont le plastique, le caoutchouc, l'industrie chimique, l'industrie du meuble et l'industrie de la chaussure, parce que ce sont celles qui se trouvent au bas de la liste quand je regarde vos priorités.

Je répète donc vos priorités, si je regarde la performance: ce sont les raffineries de sucre et de pétrole, et l'industrie de la bonneterie. Les choses auxquelles vous ne vous intéressez pas sont le plastique, le caoutchouc, l'industrie chimique, l'industrie du meuble et l'industrie de la chaussure. Et il y en a plusieurs autres aussi. Est-ce un portrait réel de vos priorités? Sinon, comment se fait-il que vos priorités n'ont pas donné de résultats différents de ceux-ci? Mais, surtout, quelles sont vos priorités sectorielles, industrielles pour l'avenir?

C'est à ces questions, M. le Président, que j'aimerais que le ministre réponde. C'est une journée de question avec débat, on pose les questions. Quelles sont les priorités? Il y a 66 000 emplois qui n'existent plus aujourd'hui. Il y a 2 000 000 000 $ d'investissements manufacturiers qui ne sont pas ici aujourd'hui. Il y a 70 La Pocatière qui ne sont pas ici aujourd'hui, qui sont ailleurs au Canada, à cause de quelque chose. Quel est ce quelque chose? Qu'entendez-vous faire pour changer cela?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Réponse du ministre M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, je vais répondre aux chiffres du député de Notre-Dame-de-Grâce. Tout le monde sait qu'on peut faire parler les chiffres un peu comme on veut. Là-dessus, je pense que le député de Notre-Dame-de-Grâce a rempli son rôle. Le député de l'Opposition a charrié les chiffres tout d'un câté. D'abord, avant de répondre à ces chiffres-là, je voudrais m'assurer de la bonne compréhension de tout le monde et, je pense, du député de Notre-Dame-de-Grâce qui, pourtant, a une expérience dans le monde des affaires et qui devrait se rappeler ce qu'est la structure industrielle du Québec. Si on veut parler d'immobilisations, de gens qui investissent dans des usines de fabrication, comme le disait, tout à l'heure, le député de Notre-Dame-de-Grâce, il faut dire qui investit dans ces usines-là. Est-ce que c'est le gouvernement ou si c'est l'entreprise privée? Le gouvernement, très peu, et de moins en moins. Au cours des dernières années, on a vu de moins en moins d'investissements gouvernementaux dans les sociétés de fabrication. On en voyait beaucoup plus à l'époque de M. Lesage, de M. Bourassa ou de M. Johnson. On en a moins vu au cours des dernières années. Qu'on se souvienne de SIDBEC, cela a été décidé il y a très longtemps et c'est nous qui avons hérité du problème.

Qu'est-ce que les usines de fabrication et les investissements? Ce sont des entreprises privées qui investissent dans la transformation, dans des usines, dans de l'équipement, dans de la machinerie. Les entreprises privées au Québec, si on les compare avec l'Ontario, qui est la province voisine, on fera deux comparaisons très objectives. La structure des entreprises québécoises est beaucoup plus à base de PME comparativement à l'Ontario et fort sous-capitalisée, à cause de notre culture - je ne blâme aucun gouvernement d'avant et je ne blâme pas, non plus, les chefs d'entreprises -à cause de notre histoire, à cause de nos traditions, de notre façon de voir et de gérer des entreprises. Chez nous, une famille possède une entreprise et les finances viennent de la même famille, peu de finances. On emprunte à la banque sur une marge de crédit pour développer l'entreprise et pour pouvoir prendre de nouvelles commandes ou pour investir des des équipements neufs. L'Ontario étant mieux structurée, à cause de sa culture un peu différente, il y a plusieurs familles, plus d'argent, plus de capitaux dans l'entreprise. Si on commence à critiquer nos chefs d'entreprises comme l'a fait le député de Notre-Dame-de-Grâce en leur disant qu'ils

n'ont pas assez investi dans leurs entreprises au Québec, il faut quand même savoir pourquoi ils n'ont pas investi. C'est parce que ces chefs d'entreprises n'avaient pas beaucoup d'argent et souvent n'ont pas voulu s'associer avec d'autres familles. Ils ont voulu garder le contrôle de leur entreprise. Ainsi, en période difficile, particulièrement en période de taux d'intérêt élevés, les entreprises de l'Ontario, ayant du capital-actions sans intérêt, ont tout simplement arrêté de payer des dividendes pendant un an, deux ans, trois ans. Elles ont réussi à passer à travers la crise beaucoup plus facilement, ont continué à investir dans certains secteurs de fabrication, alors que, pour nos entreprises, cela a été beaucoup plus difficile parce qu'elles ont dû emprunter à des taux d'intérêt très élevés, très très élevés. Quand on paie 18% ou 20% ou 24%, c'est sûr que, pendant ce temps, on ne fait pas autre chose. Déjà, au départ, on a une structure financière d'entreprises au Québec qui n'est pas la même que celle de l'Ontario. Je ne blâme pas le gouvernement fédéral. La seule chose: Lorsqu'on administre un pays comme le Canada et qu'on administre en fonction de l'Ontario, bien sûr qu'on pénalise le Québec.

Lorsqu'on parle d'investissements, il faut dire que ce sont nos entreprises, nos chefs d'entreprises, nos entrepreneurs qui ont à investir des sommes d'argent dans l'entreprise pour la développer, pour mettre de la nouvelle machinerie. J'aborderai à la fin un peu les actions qu'on entend mener pour aider nos chefs d'entreprises précisément à changer la structure financière de nos PME québécoises.

J'en viens maintenant aux chiffres du député de Notre-Dame-de-Grâce. Je dis qu'on peut faire dire un peu n'importe quoi aux chiffres. C'est ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce a fait. Pour la bonne compréhension de la discussion de ce matin, je vais retenir des chiffres de 1970, lorsque les libéraux sont arrivés au pouvoir, les chiffres d'investissement en 1977, c'est-à-dire qui avaient été décidé sous l'égide du Parti libéral et qui ont été investis dans des entreprises manufacturières et les chiffres décidés déjà pour 1983 dans des entreprises manufacturières. On sait que, lorsqu'on investit dans de l'équipement et de la machinerie, il faut au moins prendre la décision une année à l'avance. Statistique Canada a des chiffres assez précis sur ce sujet. J'ai, d'ailleurs, les chiffres de Statistique Canada. En 1970, la part des investissements du Québec dans le secteur de la fabrication était de 19,3%; 19% des investissements canadiens dans le secteur de la fabrication se faisaient au Québec. Six ans plus tard, lorsque les libéraux ont perdu le pouvoir, les décisions d'investissement des manufacturiers québécois dans le secteur de la fabrication, c'était 19,4%. Cela veut dire qu'on est resté exactement au même pourcentage d'investissements nouveaux dans les usines dont parle le député de Notre-Dame-de-Grâce au cours des six années de pouvoir du Parti libéral.

Ce qu'on prévoit maintenant pour 1983, c'est 21,4% des investissements canadiens. Particulièrement pour les deux dernières années, cela a été très difficile à cause des taux d'intérêt élevés, mais, maintenant qu'on replace les taux d'intérêt à un niveau un peu plus convenable, plus raisonnable, au moins, pour le genre de financement qu'on a dans nos entreprises, on peut dire que déjà les décisions des chefs d'entreprises d'investir sont beaucoup meilleures au Québec, comparativement à l'Ontario ou au reste du Canada. On avait 19,3% en 1970, 19,4% en 1977 et 21,4% en 1983 des investissements canadiens qui étaient décidés pour le Québec au cours, de ces trois années.

Prenons les mêmes chiffres pour l'Ontario, parce qu'on aime cela, se comparer à l'Ontario. L'Ontario en 1970, lorsque les libéraux sont arrivés au pouvoir, avait 50,4% des investissements canadiens; la moitié des investissements canadiens dans le domaine de la fabrication se faisait en Ontario en 1970. Plus tard, en 1977, la première année de l'arrivée du Parti québécois - donc, les investissements étaient décidés sous le régime libéral - l'Ontario avait 55% des investissements canadiens. Cela veut dire que l'Ontario avait pris encore plus de place dans le marché canadien vis-à-vis des investissements. Pendant ce temps, nous, au Québec, nous étions stables. Maintenant, six ans plus tard, en 1983, on prévoit que 43,4% du marché des investissements canadiens se feront en Ontario. Pendant que l'Ontario diminue de 12% sa part d'investissement dans le marché canadien au cours des six dernières années, nous, le Québec, on a augmenté de 2%.

Lorsque le député de Notre-Dame-de-Grâce dit qu'on perd de la place pour ce qui est des investissements canadiens, c'est totalement faux. C'est à partir d'un charriage politique, d'un mélange de chiffres. Je veux bien croire qu'il mélange les chiffres et il a droit de le faire comme député de l'Opposition; je ne peux l'en empêcher. La vérité, si on prend des chiffres donnés pour une période bien précise, l'arrivée du Parti libéral, son départ et aujourd'hui, 1983, est qu'on s'aperçoit que la performance, comparée aux industries canadiennes, dans les investissements de ses industries, dans ses équipements de transformation, est de beaucoup meilleure au Québec qu'en Ontario. Cela s'explique, bien sûr, parce que, depuis que les taux d'intérêt sont un peu plus replacés, nos industriels commencent à avoir une petite marge de manoeuvre et investissent, ont confiance dans leur

économie. Cela s'explique aussi parce que l'Ouest canadien a occupé une place plus large dans le marché canadien et qu'il a fait en sorte de faire reculer l'Ontario.

M. le Président, si on veut prendre sur une plus longue période, en moyenne, les taux moyens composés d'immobilisation dans le secteur manufacturier, au Québec, de 1976 à 1983, nous avons augmenté de 8,1%, de 1976 à Prévisions 1983, d'après Statistique Canada.

M. Scowen: Prévisions! Ah! Ah!

M. Biron: Je prends Statistique Canada, M. le Président; alors, je pense bien...

M. Scowen: Si je peux... M. Biron: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre a droit à 20 minutes.

M. Scowen: Oui, oui.

Le Président (M. Rancourt): Vous pourrez répliquer autant de fois que vous le voudrez par la suite. M. le ministre.

M. Biron: Ce sont exactement les mêmes études que nous recevons de Statistique Canada. Pour une fois qu'on prend des chiffres de Statistique Canada, j'espère que vous ne vous plaindrez pas du gouvernement fédéral. Alors que l'Ontario, pour les mêmes années, a une augmentation annuelle composée de 3,9%, nous avons une augmentation de 8,1% pour les investissements dans le secteur manufacturier: deux fois plus d'augmentation annuelle que l'Ontario. Je veux croire que nous étions plus en retard à cause de la structure industrielle et financière des PME québécoises, mais on ne peut reprendre rapidement le terrain perdu surtout lorsqu'on a dû passer à travers la pire crise économique que le Québec et le Canada aient connue depuis 50 ans.

M. le Président, il y plus que cela aussi. Le député de Notre-Dame-de-Grâce nous parle de priorités dans certains secteurs. Bien sûr que nous avons des priorités. D'abord, la priorité de conserver notre structure industrielle pour lui permettre d'aménager l'après-crise. On a aussi certains domaines d'activité qu'on voudrait voir prioritaires, mais il y a d'autres décisions qui se prennent à un autre palier de gouvernement qui font en sorte que les industriels québécois ne peuvent profiter totalement de leur capacité d'invention, d'innovation et d'investissement.

Exemple, le secteur de l'automobile. On sait que la décision du gouvernement fédéral est de faire en sorte que l'automobile s'en aille en Ontario. Nous avons beau nous battre comme des diables dans l'eau bénite pour essayer de stimuler et d'inviter des entreprises d'automobiles à venir au Québec, si la volonté fédérale est de dire que cela s'en va en Ontario, il est difficile d'avoir des investissements dans le domaine de l'automobile, et on sait qu'il est porteur d'investissements très importants. (10 h 45)

Lorsqu'une des entreprises dans le domaine de l'automobile, Chrysler

Corporation, quasiment en faillite il y a quelques années, en 1981, a demandé une garantie de prêt de 150 000 000 $, bien sûr que le gouvernement fédéral l'a accordée, parce que c'était dans l'Ontario, que c'était pour l'automobile et que c'était prévu pour eux d'aller dans ce sens-là pour l'automobile. Massey-Ferguson, 200 000 000 $, on a tiré cela sur un coin de table facilement. On a donné des avantages douaniers exceptionnels à Volkswagen, encore une fois pour aller en Ontario. Mais, pendant ce temps, les PME québécoises ne pouvaient pas trop investir dans le domaine de l'automobile. Les grandes entreprises étaient dirigées carrément vers l'Ontario. On a dû finalement se résoudre, nous, le gouvernement du Québec, à faire des efforts seuls vis-à-vis des grandes compagnies d'automobiles pour les inviter au Québec ou faire profiter davantage la structure industrielle du Québec de la présence d'une de ces grandes compagnies, qui est GM en particulier.

Les actions précises qu'on pose. On voudrait occuper une place plus importante dans le domaine de l'automobile, au moins 25% du marché canadien. C'est normal que les Québécois et les Québécoises, les travailleurs du Québec puissent espérer avoir 25% des emplois dans le domaine de l'automobile au Québec, mais, pour cela, cela prend la volonté de deux paliers de gouvernement: la volonté, bien sûr, du gouvernement du Québec, et on passe à l'action dans ce domaine; mais la volonté aussi du palier fédéral, du gouvernement central qui va dire: II y a au moins 25% des emplois dans le domaine de l'automobile qui seront au Québec.

On organise un salon de la sous-traitance avec GM, avec Kenworth, avec la division de GM pour les autobus, avec Prévost Car, avec Bombardier, pour essayer d'avoir une plus grande partie du domaine du transport au Québec. On va inciter des PME québécoises à devenir des sous-traitants de ces grandes firmes dans le domaine du transport. Ce sont des actions précises qu'on pose, mais tout seul. Encore une fois, on va réussir à augmenter notre part dans le domaine des pièces d'automobiles et des emplois dans le domaine de l'automobile, mais on ne pourra le réaliser seul tant et aussi longtemps qu'au niveau du

gouvernement fédéral on n'aura pas au moins une volonté de donner justice aux travailleurs et aux travailleuses du Québec et aux entreprises de chez nous.

Le domaine de l'aéronautique est prioritaire pour nous. On sait qu'au Québec on a 50% de la production canadienne; on avait 50%, il y a quelques années, dans les pièces dans le domaine de l'aéronautique. Il s'est donné une commande importante au niveau du gouvernement fédéral pour les F-18. On nous a promis, d'ailleurs, 50% des retombées. Vous savez, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce - vous avez les chiffres vous-même - qu'on a environ 20% à 22%, au moment où on se parle, des retombées de ce gros contrat des F-18 payé par les citoyens québécois. Pourquoi n'avons-nous pas le droit d'avoir notre part dans le domaine de l'aéronautique: 50%? Pourquoi? Bien sûr, si vous faites comme votre grand frère à Ottawa, vous allez blâmer les chefs d'entreprises du Québec, en disant: Les dirigeants de PME québécoises ne se sont pas assez grouillés. Mais nous au gouvernement du Québec, qui avons travaillé quotidiennement avec des chefs d'entreprises du Québec et des chefs d'entreprises de PME québécoises dans le domaine de l'aéronautique, on sait tout ce qu'on a fait avec eux; on sait combien de missions on a organisées pour aller chez McDonnell Douglas, pour aller un peu partout, pour pouvoir obtenir cette part qui nous avait été garantie lorsqu'on a donné le contrat du F-18. Cela s'en va en Ontario, selon la volonté du gouvernement fédéral. Ne venez pas trop blâmer le gouvernement du Québec de cela. On a tout fait pour que le gouvernement fédéral respecte ses engagements et pour qu'on puisse aider nos PME québécoises au maximum pour obtenir les contrats dans le domaine de l'aéronautique. C'est un domaine prioritaire pour nous. Comment voulez-vous que ces industriels investissent de nouvelles sommes d'argent dans leur équipement de fabrication si la commande s'en va en Ontario? Ils ne sont pas fous, non plus.

Le domaine du textile et du vêtement, vous l'avez mentionné tout à l'heure. Vous savez qu'on avait, il y a trois ans, en 1980, 70% des emplois au Québec. On a fait plusieurs rencontres avec les industriels dans le domaine du textile et du vêtement. Ce que les gens nous disent dans le fond, c'est: Ecoutez, on est prêt à investir; on a des capacités de production qui sont inoccupées. On voudrait, d'abord, produire avec un plus haut pourcentage de capacité de production et on est prêt à investir dans nos entreprises pour développer et moderniser nos entreprises. Cela nous prend une chose: une assurance d'un marché minimal garanti, un peu comme les États-Unis. On n'est pas tout seul. Vous dites que c'est le gouvernement du Québec qui critique le gouvernement fédéral. Je vous dis non, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Ce n'est pas le gouvernement du Québec qui critique, ce sont les chefs d'entreprises. Vous n'allez pas blâmer les chefs d'entreprises qui veulent avoir une garantie sur les quotas d'importation. Ce qu'on dit au gouvernement fédéral, c'est: Garantissez-nous au moins 75% du marché domestique. Lorsqu'on aura 75% garantis du marché domestique, on investira les sommes d'argent nécessaires pour moderniser nos équipements et nos bâtisses existantes et on pourra conquérir de nouveaux marchés. Mais, à l'heure actuelle, on a une capacité de production qui est inoccupée au Québec. Vous ne pouvez' pas blâmer les chef d'entreprises de ne pas investir. Ils ont des capacités de production.

J'ai ici un journal qui nous parle, justement, du vêtement et du textile. On rapporte qu'un chef d'entreprise, M. Arthur Sanft, le président de Beverini de Montréal -c'est une grosse entreprise dans le domaine du vêtement - disait: "We need quotas gurantying that domestic procedures will have 75% of the domestic market. What we are talking about is a matter of survival of the industry. If we can not do something about the import problem, there is no point in an information or productivity center because there won't be any companies around to use them." C'est un chef d'entreprise qui dit: Nous voulons 75% du marché protégé et, lorsqu'on aura cela, on investira davantage d'argent, parce que, au moins, nos capacités de production vont fonctionner à pleine capacité ou tout près.

Il n'est pas le seul à dire cela. Il y a un député libéral fédéral qui s'est réveillé dernièrement. Un député libéral fédéral. Vous n'accuserez pas le Parti québécois ou le gouvernement du Québec. C'est M. Louis Duclos, le député de Montmorency, qui a lancé un cri d'alarme au Parlement canadien cette semaine en demandant au gouvernement fédéral de faire quelque chose pour sauver l'industrie du textile et du vêtement au Canada d'une mort lente, mais certaine. M. Duclos demande même plus que ce que les industriels demandent. Il dit: Si le Canada ne restreint que de 20% les importations, c'est encore loin des 85% des importations que les États-Unis protègent sur leur propre marché. M. Duclos disait: "M. le Président, il me semble qu'il ne faudrait pas que le gouvernement canadien soit plus catholique que le pape dans ce domaine et qu'on puisse au moins protéger nos entreprises."

Comment voulez-vous blâmer les chefs d'entreprises, comme vous venez de le faire tout à l'heure, de ne pas avoir investi ou de ne pas investir tellement plus d'argent en immobilisations et en équipements manufacturiers lorsqu'ils ont des capacités de production qui sont inoccupées? Tout ce

qu'ils veulent, nos chefs d'entreprises dans le domaine du textile et du vêtement, c'est un marché minimal garanti et, à partir de ce marché minimal garanti, ils vont pouvoir investir d'autres sommes d'argent pour créer d'autres emplois. À l'heure actuelle, c'est difficile de leur demander plus.

M. le Président, je pense qu'il faut, à ce sujet, bien comprendre ce qui existe à l'heure actuelle au Québec, ce qui existait dans le passé et ce que nous sommes capables de faire. J'ai beaucoup d'autres statistiques que je pourrais citer, je vais revenir là-dessus tout à l'heure. Mais ce qu'il est important de noter, c'est que le Québec s'est mieux comporté que l'Ontario au cours de la période de 1976 à 1983. C'est important à noter. C'est aussi important de noter que la structure financière de nos entreprises québécoises, la gestion de nos entreprises n'est pas du tout la même que la structure financière des entreprises de l'Ontario, sans blâmer personne. Mais il faut être assez réaliste pour reconnaître cela et dire: Nous, on a besoin de décisions différentes. On a besoin de gérer d'une façon différente la politique économique du Québec, non pas à partir d'une vision de l'Ontario, mais à partir d'une vision des entreprises existantes.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Argumentation M. Reed Scowen

M. Scowen: M. le Président, j'ai l'intention de commenter les déclarations du ministre sur les structures industrielles du Québec, sur son interprétation des chiffres et ses commentaires sur le gouvernement fédéral. Mais je veux d'abord faire deux choses. Premièrement, j'espère que, avant la fin du débat, le ministre répondra à notre double question: Quelles sont vos priorités industrielles sectorielles pour l'avenir? Quels sont les secteurs que vous prévoyez favoriser et quels sont les secteurs auxquels vous donnerez moins d'attention?

Mais je veux que quelque chose soit clair. Le ministre a dit: Pourquoi blâmez-vous les industriels québécois de ne pas investir? On ne les blâme pas. Le problème, c'est qu'ils investissent, mais ils n'investissent pas au Québec. C'est le problème. Ce n'est pas une question de blâmer le secteur privé. Le problème, c'est que le gouvernement d'ici n'est pas concurrentiel pour les conditions d'investissements et, en conséquence, cela se fait ailleurs, comme je vais le démontrer une deuxième fois.

Je pense que, avant de parler de la structure, je vais aller directement à cette question de chiffres. M. le Président, ce n'est pas la première fois, le ministre a trompé délibérément tout le monde avec ses chiffres. Pour que ce soit fait de la façon la plus juste possible, on a pris une période de six ans, on a comparé sur six ans. C'est clair? De 1970 à 1976, de 1977 à 1982.

M. Biron: Question de règlement.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Sur une question de règlement.

M. Biron: Question de règlement, M. le Président. Je n'accepte pas et je n'accepterai pas que le député de Notre-Dame-de-Grâce dise que j'ai trompé les députés ici ou à la Chambre. J'ai pris des chiffres qui nous sont donnés par Statistique Canada. Si vous dites que Statistique Canada a trompé le monde, dites-le, mais mes chiffres proviennent directement de Statistique Canada.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je remercie le ministre, parce que ses commentaires vont porter l'attention de tout le monde sur ce que je vais dire. Je répète qu'il a trompé tout le monde et je vais vous dire pourquoi. Nous avons pris deux périodes de six ans, parce que c'est seulement par rapport à un mandat qu'on peut juger un gouvernement, quant à moi, pas sur une seule année. On ne vous juge pas par rapport à 1982, qui a été désastreuse pour vous. On vous juge sur la base de votre mandat. Je le compare...

M. Biron: Question de règlement.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le ministre.

M. Scowen: M. le Président, s'il vous plaît!

M. Biron: M. le Président, je n'admets pas et je n'accepte pas que le député de Notre-Dame-de-Grâce dise que j'ai trompé la Chambre là-dessus. J'ai dit tout à l'heure que le député de Notre-Dame-de-Grâce avait fait dire ce qu'il avait voulu à ses chiffres. J'ai pris des chiffres de Statistique Canada et j'ai cité...

M. Scowen: M. le Président...

M. Biron: ...les chiffres exactement.

M. Scowen: ...question de règlement.

M. Biron: Je n'accepte pas que le député de Notre-Dame-de-Grâce dise que j'ai

trompé la Chambre.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Vous avez le droit de faire connaître vos opinions de chaque côté de cette assemblée. M. le ministre, vous faites valoir votre point de vue, et M. le député de Notre-Dame-de-Grâce de la même façon. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a demandé la parole et je lui cède le droit de parole.

M. Scowen: Bon! Pour que ce soit très clair, M. le ministre, sur deux périodes de six ans, je vais vous donner les chiffres parce que vous avez mentionné l'année 1970, l'année 1976 et vous avez même parlé de l'année 1983, qui n'est pas encore arrivée. Je vous donne les chiffres pour les six années du mandat libéral, de 1970 à 1976, et pour les six années de votre mandat, jusqu'au 31 décembre 1982. Ce sont les suivants: 1971, environ 18%; 1972, environ 23%; 1973, environ 25%; 1974, environ 27%; 1975, 25%; 1976, environ 20%; 1977, environ 19%; 1978, environ 20%; 1979, environ 19%; 1981, environ 18%, 1982, environ 17%. Ce sont les chiffres pour douze ans, six ans du Parti libéral et six ans du Parti québécois, tirés de la même source que vous. Si je prends la moyenne de ces six ans, dans chaque cas, j'arrive exactement aux chiffres que je vous avais présentés sur ces tableaux ici. Alors, que vous vous amusiez avec une année ici et une autre là, c'est votre droit, mais je suis persuadé que vous ne trompez pas la population.

Deuxièmement, je reviens à la question de la structure. Vous avez dit: M. le député, vous ne comprenez pas la structure industrielle du Québec. La première chose que je veux dire, c'est que je me demande si le ministre lui-même comprend la structure industrielle du Québec. Il prétend, et pas pour la première fois, qu'au Québec nous avons une économie qui compte beaucoup plus de PME que dans les autres régions du Canada. Nous avons démontré, chiffres à l'appui, chiffres de votre gouvernement, qu'au Québec le pourcentage des PME, mesuré sur la base de l'emploi et des chiffres de vente, n'est pas plus important que dans le reste du Canada, j'ai même pris la peine d'écrire de longs articles avec tous les chiffres dans le journal La Presse il y a quelques mois. Je vais les citer pour que ce soit la dernière fois, je l'espère, que cette question est soulevée.

Je cite un document du gouvernement du Québec, qui s'appelle Étude sur les besoins de formation en gestion des PME, dans lequel on dit: "Selon Statistique Canada et le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme du Québec, les PME ont produit l'an dernier 50,4% du produit national brut du Québec. Ces entreprises ont aussi fourni 53% des emplois au Québec." Je cite encore: "Ces proportions sont sensiblement les mêmes à l'échelle du Canada." (11 heures)

Est-ce que c'est clair? Les PME ne sont pas plus importantes ici. C'est de la mythologie. Elles sont très importantes, ici, au Québec, elles l'ont toujours été. Elles le seront toujours. Elles sont sensiblement aussi importantes en Ontario et dans les autres régions du Canada. Je cite vos propres documents. Et, il y a d'autres chiffres pour prouver que votre document est exact.

L'autre élément que je veux soulever, M. le ministre, c'est que nous avons pris deux périodes et je ne pense pas que vous puissiez prétendre que, de 1970 è 1976, la structure industrielle était sensiblement différente de celle dont vous avez hérité au début de 1977. C'était la même. Vous avez hérité de la même structure industrielle. Notre argument, c'est que vous ne l'avez pas administrée aussi bien. Vous aviez la même chose, les mêmes problèmes qu'on avait avant, les mêmes problèmes de petites et moyennes entreprises, les mêmes problèmes des grandes entreprises. Vous avez hérité d'une équipe de hockey, mais vos entraîneurs n'étaient pas aussi compétents. Et vous êtes tombé de rang dans le classement de la ligue des provinces. C'est ça. C'est pourquoi nous avons pris la peine de prendre deux périodes. On ne voulait pas que vous recommenciez à nous faire des discours, selon la mythologie péquiste, parce que c'est néfaste pour tout le monde.

Avant de parler du dernier sujet qui touche le gouvernement fédéral, je veux simplement que vous compreniez, M. le ministre, que nous ne sommes pas seuls. Je vais parler tantôt de l'industrie du vêtement, mais écoutez-moi, quand je parle un peu de l'industrie du meuble. L'industrie du meuble, c'est quelque chose de très important au Québec. Et, récemment, vous avez fait un de vos fameux colloques socio-économiques au cours duquel le président de l'Association des fabricants de meubles du Québec a dit exactement la même chose qu'on dit aujourd'hui. C'est une industrie, comme vous le savez, qui est importante. Je veux citer sa déclaration. Il dit: L'industrie du meuble traverse actuellement une crise majeure: 7000 emplois sont disparus. Les causes principales sont la fiscalité québécoise basée sur la masse salariale trop élevée, la poussée du salaire minimum, autre législation avant-gardiste. Il dit - M. Mailloux, le président -qu'il a adressé le même message au Sommet du meuble à Victoriaville en 1977 et que les recommandations n'ont pas été suivies, avec le résultat que l'on connaît aujourd'hui. Il dit - et ça, c'est l'aspect important - :Nous avons perdu 16% de notre part du marché. Ces 16% du marché - et je le cite - sont maintenant rendus en Ontario. L'industrie du

meuble de bureaux a vu sa part de marché diminuer de 31% à 21% dans les quatre dernières années, et ce, au profit de l'Ontario. Ce n'est pas une question de contingentement. Les gens investissent dans une autre province du Canada pour faire les mêmes choses. "Pouvons-nous déceler certaines causes..." C'est le président qui parle. Il dit: "Certaines analyses ne passent pas la rampe en ce qui nous concerne. On dira que c'est la faute de la crise mondiale, du pétrole, des Arabes, des Américains, de l'inflation, de Pierre Elliott Trudeau." Je cite M. Mailloux. Il dit: Ces théoriciens au quatrième degré d'abstraction cogitent des solutions. Ils proposent: Faisons tous ensemble un grand virage technologique. Mettons au travail les micro-organismes. Soyons maîtres chez nous et chantons tous ensemble, la larme à l'oeil: II me reste un pays à bâtir. Ceci nous laisse froid - je cite encore M. Mailloux - et le message sonne faux chez les 500 entrepreneurs du meuble qui restent. Car, il y en a qui restent! Lorsque vous dites - je le cite encore - qu'il faut valoriser le rôle de l'entreprise privée, que vous voulez créer un climat propice, que le dynamisme économique passe par "l'entrepreneurship", vous avez un grave problème de crédibilité. Je cite le président de l'Association des fabricants de meubles du Québec. Et, je vous l'ai démontré, les conséquences de tout cela font que notre part des investissements dans le secteur du meuble a chuté de 31% en six ans, notamment au profit des investissements en Ontario. Alors, ne me parlez pas du manque de bonne volonté de la part des investisseurs. Parlez-moi des problèmes chez vous. Parce que, si vous ne les acceptez pas, ils ne seront jamais réglés.

Le fédéral! Bon. On a eu droit au discours, que je ne voulais pas écouter, mais il a fallu quand même l'entendre. Oui, le gouvernement fédéral accorde des subventions à l'Ontario. Oui, il en donne aussi au Québec, à Canadair - ce n'est pas la seule -et il y en a plusieurs autres. J'ai pris la peine de chercher les chiffres de ce que le fédéral a versé en subventions depuis 1970. J'ai obtenu les chiffres pour les programmes suivants et qui sont à peu près, je pense, tous les programmes fédéraux qui touchent l'industrie manufacturière. Il est possible qu'il y en ait d'autres plus petits, mais j'ai pris les chiffres du MEER en plus de ceux du programme d'expansion de l'entreprise, le PEE, le programme de productivité de l'industrie du matériel de défense, le PPIMD, le programme de développement des marchés d'exportation, le programme d'aide aux constructeurs de navires et le programme pour l'avancement de la technologie industrielle. Ce sont les grands programmes fédéraux.

Le ministre peut toujours soulever un cas où le fédéral a donné une subvention à l'Ontario. C'est sa responsabilité. Les gens de l'Ontario paient des impôts au fédéral, comme nous. Quels sont les chiffres? La seule chose que je peux vous dire, M. le ministre, c'est qu'entre 1970 et 1976, le fédéral a versé en moyenne dans tous ces programmes 179 000 000 $ ou 180 000 000 $ par année. Depuis que vous êtes au pouvoir, il a versé en moyenne 271 000 000 $ par année, soit une augmentation de 50%. Quelqu'un m'a dit, en voyant ces chiffres: II faut garder le Parti québécois au pouvoir, le fédéral nous donne beaucoup plus de subventions. Il nous aide beaucoup plus dans le domaine industriel quand le Parti québécois est au pouvoir. Alors, vous ne pouvez pas aller dans les deux sens. Le fédéral a clairement joué son rôle ici, au Québec, sur le total. Oui, il a donné des subventions ailleurs, mais nous avons eu une augmentation de 50% en moyenne, chaque année, pendant votre mandat. Alors, s'il vous plaît, ne charriez pas avec le fédéral! Il est assez présent ici.

En passant, je veux dire que vous n'avez jamais arrêté de parler de Volkswagen comme une industrie qu'on a perdue. Avez-vous vérifié si Volkswagen s'est installée en Ontario? Mon impression est qu'elle a décidé de ne pas faire cet investissement. Mais vous essayez de persuader tout le monde qu'il y a une belle usine d'automobiles qui a été construite en Ontario et qui n'a pas été faite ici.

M. Biron: Ce n'est pas vrai!

M. Scowen: Je pense que ce n'est pas vrai, M. le Président. Tout cela pour vous dire... Je ne sais pas si j'ai commencé à vous convaincre un peu. Je vais terminer sur le plan de l'industrie du vêtement.

Nous avons eu droit à tous les beaux discours sur les déclarations des entrepreneurs dans le domaine du vêtement au Québec, à savoir comme ils détestent le manque de contingentement de la part du gouvernement fédéral, comme ils trouvent que le gouvernement du Québec est bon. Je citerai encore des chiffres. Depuis six ans, depuis que vous êtes au pouvoir, les entrepreneurs de l'industrie du vêtement ont investi à l'extérieur du Québec, même avec tous ces problèmes de contingentement, produisant l'effet que notre part des nouveaux investissements dans le domaine du vêtement a chuté de 24% en six ans. Nous avons perdu 24% de notre part des nouveaux investissements dans le domaine du vêtement, une des plus grandes industries sur le plan de la création d'emplois, au profit des autres provinces.

Les gens disent qu'ils n'aiment pas le fédéral. Oui, mais ils investissent à Winnipeg, à Toronto, à Edmonton et ailleurs, comme

vous le savez. Parce qu'il est beaucoup plus agréable d'investir dans un climat où le monde n'est pas hostile envers ces compagnies. Ce sont les chiffres, M. le ministre. C'est la performance des gens qui avaient le droit de choisir. Ils avaient le droit de vous regarder agir, de regarder les programmes que vous avez présentés, vous et vos prédécesseurs, ainsi que les programmes des autres provinces, enfin, tout l'ensemble des programmes qui rendent une région compétitive et concurrentielle. Ils ont choisi.

Je pense qu'il faudra, quand vous parlerez une prochaine fois avec les gens de l'industrie du vêtement, que vous leur posiez certaines questions. Oui, il y a des problèmes de contingentement, qui est la responsabilité du gouvernement fédéral. Mais comment se fait-il que cette industrie, sur la base des investissements, progresse beaucoup plus vite en Alberta, au Manitoba et en Ontario qu'ici? C'est cela la question clé. Je termine en répétant la question que j'ai posée au ministre au départ. Comme prévu, il a décidé d'utiliser ses 20 minutes en tentant de blâmer le gouvernement fédéral pour tous nos malheurs. Personne n'en est plus convaincu, je suis même persuadé qu'il ne l'est pas lui non plus quand je pense à son passé.

Cependant, j'aimerais qu'avant la fin de ce débat, il nous donne quinze minutes pendant lesquelles il parlera de ses priorités industrielles, sectorielles pour les années qui viennent. Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Roland Dussault

M. Dussault: Merci, M. le Président. Comme je n'ai que 20 minutes, vous comprendrez que je ne pourrai pas me permettre de grands exposés sur plusieurs points. Je vais toucher à plusieurs choses et, malheureusement, je n'irai pas en profondeur. On le comprendra. Je voudrais commencer par rappeler au député de Notre-Dame-de-Grâce que les chiffres qu'il a avancés tout à l'heure relativement à la création d'emplois par le gouvernement actuel dans les secteurs public et parapublic sont faux. Si on peut parler de quelqu'un qui trompe la Chambre avec les chiffres, c'est bien ce qu'a fait le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Les chiffres très, très précis là-dessus sont les suivants et, puisqu'on veut faire des comparaisons entre les six années d'un gouvernement et les six années d'un autre, voyons très précisément ce qu'il en est. En 1970-1971, il y avait, dans les secteurs public et parapublic au Québec, 262 245 employés. En 1976-1977, il y en avait 335 787. Cela avait donc augmenté de 73 542. Des 100 000 emplois dont avait parlé le gouvernement du temps, on en a créé 73 000 essentiellement dans les secteurs public et parapublic. Pour ce qui est de la performance de la création d'emplois dans le secteur privé, on peut se permettre d'en rire.

Regardons maintenant, entre 1976-1977 et 1981-1982, ce qui s'est passé. Il y avait, en 1976-1977, 335 787 employés dans les secteurs public et parapublic et, en 1981-1982, il y en a 335 030. Il y a donc eu une décroissance. Nous nous étions engagés à vivre un processus de décroissance et nous l'avons vécu. Nous avons réussi puisqu'il y a eu diminution de 757. Nos efforts ont porté davantage du côté de l'entreprise privée.

Voyons, par exemple, l'aide apportée à l'entreprise privée en termes de financement ou en termes de subventions. Entre 1971-1972 et 1976-1977, sous le gouvernement libéral du temps, il y a du financement et de l'aide apportés à 515 entreprises. Rien que dans l'année 1982-1983, nous avons aidé au financement de 491 entreprises. Je ne vous donnerai pas tous les chiffres. En six ans, ces gens-là ont aidé par le financerment 515 entreprises et nous, dans la seule anr.ée 1982-1983, on en a aidé 491. Regardons du côté des subventions. Dans le même temps, pendant que les libéraux aidaient 531 entreprises, nous, en 1982-1983, nous en avons aidé 719. Je parle de l'aide qui a été apportée par la Société de développement industriel du Québec. Ils auront beau nous raconter toutes sortes d'histoires et essayer d'utiliser les chiffres à leur profit, il reste quand même qu'il y a des chiffres qui parlent par eux-mêmes.

Sur la structure économique du Québec, la structure d'entreprises au Québec, ils nous répètent constamment qu'il n'est pas exact que la structure économique du Québec est caractérisée par la petite et moyenne entreprise. Nous ne sommes pas les seuls à penser que c'est la réalité. Je me rappelle que, lors d'une rencontre que nous avons eue à Ottawa, un certain nombre de députés canadiens-français du Canada - nous étions réunis et le gouvernement fédéral en a profité pour nous vanter un certain nombre de choses - nous avions une association représentative des entreprises indépendantes du Canada. Je me rappelle avoir posé la question au représentant en disant: Chez nous, nous pensons que nous avons une structure caractérisée par la petite et moyenne entreprise, ce qui n'est pas la réalité du reste du Canada. Je lui ai demandé, à partir de chiffres qu'il avait avancés dans les minutes précédentes, si cela confirmait ce que nous pensions. Il m'avait dit: Effectivement, notre conviction, c'est que la structure du Québec est une structure qui est très caractérisée par la petite et moyenne entreprise, plus largement que dans le reste du Canada. M. le Président, nous ne

sommes pas les seuls à penser que nous avons raison. Il faudrait peut-être que les gens de l'Opposition révisent leurs chiffres de temps en temps. Il me semble qu'à force de leur répéter des choses, cela devrait les amener à faire des corrections. (11 h 15)

Sur la question du vêtement, du cuir et de la chaussure, je voudrais revenir un peu sur ce sujet. C'est trop facile que les gens d'en face nous parlent de pertes d'emplois en se rivant sur les chiffres, en refusant de regarder tous les facteurs qui jouent. Ils auront beau commencer leur discours en disant: Ne parlez pas d'indépendance, ne parlez pas du fédéralisme, ne parlez pas de la crise, on veut parler seulement des chiffres dans le domaine manufacturier, c'est vraiment vouloir se mettre des ornières et refuser de regarder la réalité en face. Il y a d'autres facteurs qui jouent.

Depuis 1976 que nous sommes là, on peut dire, à l'expérience, à l'usage, et on peut même dire à l'usure, qu'on a été défavorisé par le régime fédéral. Le régime fédéral, par le gouvernement qui est en place présentement, ne protège pas notre marché. Peut-être que, si l'on changeait de gouvernement, on aurait les mêmes difficultés, c'est un problème de régime qu'on a.

Regardons précisément ce qui se passe dans le domaine du vêtement. Non seulement ces gens ne nous aident pas ici pour soutenir notre structure dans ce domaine, mais ils aident les pays du tiers monde dans ces secteurs-là; grâce à l'ACDI, ils mettent de l'argent pour aider des pays à nous concurrencer. À ce moment, ils coupent leur politique du côté des contingentements, ce qui fait que notre marché, s'il n'est pas protégé, se retrouve vraiment cerné de toutes parts. Qu'ils arrêtent de nous faire croire que le seul gouvernement du Québec est responsable de cette réalité. Du côté fédéral, ces gens ont une très large responsabilité. Ils ont des moyens, eux, que nous n'avons pas; j'y reviendrai plus tard.

Dans le domaine du cuir et de la chaussure, c'est la même fameuse réalité qu'on a connue avec le fédéral. On n'a jamais compris profondément pourquoi, cela demeure encore un peu mystérieux. Sans doute qu'un jour on aura les véritables réponses. Comment se fait-il que, subitement, comme cela, dans le décor, un ministre fédéral est arrivé et a dit: "Voici les contingentements de notre politique, c'est fini sur cela; on laisse entrer toute la chaussure qui veut bien entrer au Québec"? Notre entreprise productrice de chaussures en a mangé tout un coup. C'est plusieurs centaines d'emplois qui ont été perdus seulement parce qu'un jour un ministre fédéral a décidé, à un certain moment, que les contingentements, c'était fini.

Quand j'entends les gens d'en face me raconter leurs histoires, j'en prends et j'en laisse. Je ne prends pas cela avec le sourire, parce que c'est dramatique. Ce que je prends encore bien moins avec le sourire, c'est ce genre de politique que pratiquent les gens d'en face en venant nous tenir le genre de discours qu'ils nous tiennent aujourd'hui et qui alimentent les préjugés à l'égard du Québec. Le Québec et le gouvernement, ce n'est pas la même chose. Quand on tient des discours négatifs sur l'économie du Québec, qu'on cherche toutes sortes de puces au gouvernement et qu'on les attribue à l'ensemble du Québec, ce qui arrive, c'est qu'on crée la morosité. Quand on crée la morosité, quand on en sème, ce qu'on récolte, c'est du désespoir. C'est cela que ces gens en face font régulièrement quand on parle des questions économiques.

Leur objectif, depuis que nous sommes là, depuis 1976, c'est de faire croire à la population que nous sommes des incapables sur le plan économique. Tous les arguments sont bons pour arriver à ce résultat. Ils sont responsables de certains problèmes économiques que nous avons. Ils en sont responsables à cause de leurs discours. Ces gens encouragent la non-confiance, encouragent la morosité, encouragent le désespoir. S'il y a quelque chose qu'on doit faire présentement, maintenant que la crise commence à nous lâcher, c'est de créer de la confiance, c'est de regarder vers l'avenir, de regarder nos capacités sur le plan structurel, de regarder quels sont les changements qu'on doit faire sur le plan structurel, donc de faire des changements dans la structure, mais non pas en laissant tomber des entreprises qu'on a.

L'autre jour, le député de Vaudreuil-Soulanges, à l'Assemblée nationale, lors d'un débat, pendant deux mercredis, a essayé de nous faire croire qu'il faudrait absolument oublier des gens qui travaillent dans le textile, dans le vêtement, dans la chaussure, etc., au profit de grands changements technologiques. Oui, il faut aller vers le virage technologique. Il faut le faire, il faut que tous les Québécois le fassent ensemble, il faut qu'on s'aide mutuellement, il faut qu'on soit solidaire les uns des autres. Il va falloir que les structures intermédiaires s'embarquent aussi et on a des indications suivant lesquelles elles sont intéressées à s'embarquer. Mais cela ne veut pas dire pour autant que, pendant ce temps, on va oublier ceux qui travaillent dans des secteurs traditionnels et qui y gagnent leur vie; ces Québécois et ces Québécoises veulent que le gouvernement pense à eux.

M. le Président, que cette Opposition qui, bien sûr, veut jouer son rôle, qui très souvent s'oppose pour s'opposer, essaie donc de temps en temps d'être positive, d'apporter une contribution positive et reconnaisse

surtout qu'il faut parler un langage positif au Québec sur le plan économique.

J'y reviendrai un peu plus tard. Je ne voudrais pas être seul... Et je voudrais me garder un peu de temps parce que je n'ai que 20 minutes quand même. Je voulais dire que l'attitude de ces gens est un facteur de régression sur le plan économique. Qu'ils comprennent donc une fois pour toutes, qu'ils deviennent donc positifs, qu'ils nous aident plutôt que de nuire au développement de l'économie du Québec.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: Je voudrais tout d'abord relever les propos du député de Châteauguay et lui indiquer que c'est plutôt le fait que le Parti québécois et le gouvernement du Parti québécois encouragent la morosité envers le fédéral qui devient nocif pour le Québec et pour les investissements ici.

M. le Président, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a bien amorcé le débat et l'a bien situé dans son contexte. Je voudrais poser quelques questions et aussi apporter quelques constatations sur des faits précis. Tout d'abord, je voudrais indiquer que des retombées économiques, cela ne se produit pas et n'arrive pas quand on crache sur tout le monde, quand on injurie tout le monde, comme le font le Parti québécois, tous ses ministres, tous les députés.

On entend des injures et des injures envers le fédéral, les anglophones, les Québécois antiséparatistes, enfin, tous ceux qui ne sont pas indépendantistes, séparatistes et péquistes. Ce sont des injures complètement et toujours dirigées contre eux. Je ne crois pas que cette attitude aide au développement économique du Québec. Ce n'est pas de cette façon non plus que nous allons attirer la sympathie de nos autres partenaires canadiens ni des investisseurs, aussi bien québécois que canadiens.

Je pense qu'il va falloir que le gouvernement péquiste change son attitude d'une façon radicale puisqu'il est impossible d'obtenir, ici au Québec, la sympathie des investisseurs si ces péquistes continuent à cracher sur eux et à injurier tout le monde. Selon ce qu'ils disent, ils sont les seuls brillants, les seuls intelligents, les seuls en possession de la vérité, et je crois que leur attitude est très nocive. D'ailleurs, je pense que les chiffres que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a présentés tout à l'heure sont là pour le prouver.

Il est bien certain qu'ici au Québec, il y a beaucoup de gens qui ont décidé de sortir de la province, de s'en aller ailleurs au Canada. Je pense qu'on peut quand même affirmer que ce ne sont pas des assistés sociaux qui sont sortis du Québec. Ce sont plutôt des gens qui avaient le moyen de le faire, parce que la pauvreté s'est tellement installée au Québec depuis 1976 qu'un bon nombre de Québécois ne pourraient même pas sortir. Ils ne pourraient même pas se payer un voyage à l'extérieur s'ils le voulaient. La réalité d'aujourd'hui, M. le Président, est que le Parti québécois a appauvri le Québec. Il a fait diminuer les investissements manufacturiers, il a chassé les investisseurs, il a surtout chassé ceux qui ne pouvaient supporter la structure économique telle que le Parti québécois la voyait.

Avant d'aller plus profondément dans le débat, j'aimerais souligner l'attitude du député-ministre de Lotbinière depuis qu'il est devenu ministre péquiste, depuis qu'il est devenu séparatiste, depuis qu'il est devenu indépendantiste; il faut dire que tout cela est arrivé d'un coup. Il est évident que le député de Lotbinière et ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a totalement décroché de la réalité depuis sa venue dans le Parti québécois. Il s'agirait, pour le constater, de comparer les propos qu'il tenait, en 1977, 1978 et 1979, avec ceux qu'il a tenus depuis son entrée chez les séparatistes, en 1980, 1981, 1982, jusqu'à aujourd'hui, et on verrait un personnage politique à deux visages. Un visage fédéraliste pour certaines années et un visage séparatiste pour certaines autres années. C'est même "trippant", M. le Président, - j'emploie le terme - c'est "trippant" de voir cela.

De toute façon, ce n'était pas le but de mon intervention, mais je voulais le souligner, parce que je ne peux croire qu'un homme politique, une personne adulte puisse se dégrader à ce point dans son comportement et aussi dans son objectivité. Ce sont des choses que je me devais de souligner, M. le Président. J'aimerais, si vous me le permettez, souligner quelques propos du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Il y a très peu de temps, lorsque le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme était dans le comté de Taillon, il n'y a pas longtemps, il parlait tout de suite après le premier ministre devant 50 personnes - ce n'est pas si mal pour un ministre et un premier ministre, c'est un gros groupe - dans le comté de Taillon. Les propos que soutenait le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme se lisaient comme suit, tels qu'ils ont été rapportés par la Presse Canadienne: "Avec un oui au référendum, la compagnie Volkswagen se serait installée au Québec." N'est-ce pas ridicule? Elle n'est même pas installée nulle part en Amérique du Nord, enfin, depuis quelques années. Elle n'est pas au Canada, en tout cas. "2000 emplois dans l'industrie de la chaussure auraient été épargnés. 25 000 travailleurs des PME auraient conservé leur

gagne-pain." Mais ce qui est le plus intéressant ici, c'est que 4000 emplois auraient été créés, si on avait dit un oui au référendum, pour la construction du F-18. C'est le contrat que McDonnell Douglas a reçu du gouvernement canadien. Imaginez-vous, un Québec qui dit oui pour la séparation recevrait des investissements de McDonnell Douglas au Québec pour construire des avions canadiens. C'est le ridicule consommé, M. le Président.

Je ne peux pas croire qu'une compagnie américaine de la stature de McDonnell Douglas serait intéressée à donner des contrats, à laisser aller des retombées économiques dans une province du Canada qui désire se séparer du Canada et qui deviendrait automatiquement - on ne sait pas quand - un pays étranger au Canada. C'est incroyable de tenir de tels propos pour un ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. D'ailleurs, cela fait un contraste énorme avec les propos qu'il tenait en 1977, en 1978 et en 1979. Ce n'est pas croyable. Franchement, je me demande si le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est perdu. Il est totalement décroché, c'est sûr, d'une réalité qu'il avait pourtant abordée avec un peu de bon sens dans les années précédant 1980, mais qu'il n'est plus du tout capable de concevoir aujourd'hui. C'est incroyable. De toute façon, M. le Président, il y a des choses à faire rigoler dans ce qu'on peut relever de tous ces propos.

Je voudrais, pour le député de Châteauguay, l'informer que des recherches de son propre gouvernement, du gouvernement du Québec, indiquent ceci -cela ne fait pas longtemps que c'est publié -"Ottawa dépense beaucoup plus au Québec qu'il ne retire d'argent de la province." Alors, ici, je pourrais lire: "Ces comptes viennent d'être publiés par le Bureau de la statistique du Québec et analysent, année par année, toutes les données de 1961 à 1980." Les années subséquentes à 1980 ne sont pas disponibles, mais on dit ici: "C'est un déficit de 4 400 000 000 $ qu'Ottawa a donc connu dans ses opérations au Québec pour la seule année 1980", selon un document du gouvernement du Québec. Alors, je ne sais pas ce que vous avez à chialer sur les retombées économiques et aussi les investissements fédéraux ici...

M. Dussault: M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Question de règlement, M. le député de Châteauguay.

M. Dubois: ...parce que le gouvernement fédéral dépense plus qu'il ne retire.

M. Dussault: J'aimerais que le député de Huntingdon soit clair. Il nous parle de chiffres qui se réfèrent, en fait, à de l'aide sociale et du chômage. C'est de la création d'emplois, des jobs qu'on veut...

M. Dubois: M. le Président, un instant.

M. Dussault: C'est de l'investissement fédéral dans les...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! s'il vous plaît! s'il vous plaît!

M. Dubois: II aura l'occasion de revenir tout à l'heure s'il n'est pas satisfait.

M. Dussault: ...domaines qui vont créer de l'emploi, pas créer du chômage et de l'aide sociale. Ce n'est pas ce qu'on veut...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Châteauguay, s'il vous plaît!

M. Dussault: Ils peuvent nous en sortir en masse, mais on n'en veut plus de cela...

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dubois: Vous aurez l'occasion d'y revenir, M. le député de Châteauguay, laissez-moi finir.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dussault: On veut être un État fort qui crée des jobs.

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dubois: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dubois: M. le Président, j'ai la parole, je crois.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Huntingdon, vous avez la parole. M. le député de Châteauguay, il vous reste dix minutes. Vous pourrez répliquer dans les dix minutes qui vous restent à une autre occasion.

M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: M. le Président, je pourrais souligner d'autres propos du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qui disait ceci par exemple, il n'y a pas très longtemps: "Independence is not the problem - Mr. Biron responded - It will bring more jobs and more activity for small businesses.

Quebeckers are losing money by remaining in the federal system." Je viens juste d'indiquer qu'on reçoit plus du fédéral qu'on n'en donne au fédéral. C'est beau. Ce sont de beaux propos.

M. le Président, je pourrais y aller à fond, remarquez bien. De toute façon, je voudrais poser aussi des questions au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sur d'autres domaines d'activités.

M. le Président, pourriez-vous me dire combien il me reste de temps à peu près?

Le Président (M. Rancourt): Vous avez commencé à 11 h 22, M. le député. Vous avez encore douze minutes. (11 h 30)

M. Dubois: M. le Président, il y a une question que j'aimerais poser plus particulièrement à notre cher ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. M. le ministre, en vertu de votre programme d'urgence, un programme où vous disposez -il semblerait, en tout cas - de beaucoup de discrétion dans le cas de l'aide aux entreprises manufacturières, j'aimerais savoir de quelle latitude vous disposez dans le cas des industries reliées au développement agroalimentaire, reliées à la transformation des produits agricoles, si vous voulez.

Il semblerait, de prime abord - même que cela se constate - que le ministre est totalement indifférent aux industries reliées à l'agro-alimentaire, à la transformation au Québec. On en a des exemples très frappants. Je pourrais soulever un cas plus particulièrement. J'imagine que cela a fait l'objet d'une discussion au Conseil des ministres. Je parlerai, premièrement, de l'industrie Sucre Saint-Laurent, de Montréal. Je pense que le ministre devrait être au courant. Je ne sais pas quelle intervention il a faite dans ce dossier, mais, publiquement, je n'en ai entendu aucune. Il a été totalement muet.

On voit quand même l'attitude du gouvernement du Parti québécois face à cette compagnie qui rend et rendait de très bons services aux Québécois. Je pense que personne n'a manqué de sucre au Québec. L'industrie Sucre Saint-Laurent connaît une capacité excédentaire de 100 000 tonnes par année. La compagnie Sucre Saint-Laurent faisait, apparemment, un très bon travail, compétitif. Elle fournissait le sucre nécessaire à la population. Tout à coup, le gouvernement du Québec décide de s'attaquer, par sa politique sucrière, à une compagnie, à une industrie privée qui fonctionne bien. On prend des fonds publics -je l'ai indiqué en Chambre en posant une question au ministre de l'Agriculture - on donne des primes, on donne des bonis, on donne des rabais plus élevés que tous les autres partenaires de l'industrie, on arrache les deux principaux clients de Sucre Saint-

Laurent, qui sont Provigo et Métro à coup de dollars provenant des fonds publics, on la pousse vers la faillite, on la torpille jusqu'au bout et, après cela, on va la voir en disant: Voulez-vous, s'il vous plaît, raffiner du sucre pour nous, pour aller le vendre à vos clients? C'est joli.

Je me dis que, pour un ministre responsable des industries... Je pense qu'une industrie telle que Sucre Saint-Laurent devrait quand même être assez importante pour que ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme voie ce qui se passe là, qu'il soit au fait de la situation et intervienne dans le dossier. Mais, depuis que j'ai abordé le sujet, je n'ai jamais entendu le ministre l'Industrie, du Commerce et du Tourisme faire part à quiconque qu'il n'était pas d'accord avec une telle intervention, soit qu'une société d'État aille jeter par terre, aille acculer à la faillite une compagnie privée, et cela toujours avec des fonds publics, les taxes des Québécois.

J'aimerais bien que le ministre me fasse part de ses intentions dans ce dossier. Est-ce qu'il laissera d'autres ministères ou son ministère agir de cette façon envers l'industrie privée? Dans le texte de la motion d'aujourd'hui, on parle d'investissements manufacturiers. Comment voulez-vous attirer des manufacturiers au Québec, attirer des industriels quand le gouvernement du Québec, par une société d'État, va acculer au pied du mur et presque mettre en faillite une compagnie privée qui fonctionne bien et qui avait un projet d'investissement de 55 000 000 $? Cette compagnie privée avait un projet d'investissement de 55 000 000 $. Elle a déjà, peut-être, 30 000 000 $ à 35 000 000 $ d'investis. Elle a encore environ 20 000 000 $ à invertir. Le gouvernement du Québec décide de la jeter par terre avec une politique que je ne comprends pas du tout. S'il faut s'attaquer à tous les secteurs d'activité qui vont bien et qui sont payants au Québec, s'il faut que l'État prenne ces sociétés pour se renflouer dans ses déficits, M. le Président, ce sera impossible d'attirer à l'avenir des compagnies privées et des investisseurs étrangers au Québec. C'est indécent, pour un gouvernement, d'agir de cette façon.

M. le Président, je pourrais soulever un autre cas au ministre, comme Sodispro, à Saint-Hyacinthe, où il y a environ 13 000 000 $ de fonds publics dont 6 500 000 $ du Québec et 6 500 000 $ du gouvernement fédéral. La compagnie a ouvert ses portes pendant six mois, aussitôt qu'elle a reçu la tranche de subvention fédérale qu'il restait à retirer, puis les portes se sont refermées une semaine ou deux après. Je ne sais pas ce qu'a fait le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme dans ce dossier. Encore là, c'est une

industrie de 30 000 000 $ au Québec. Je n'ai jamais entendu un mot du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il me semble encore muet dans ce dossier.

Pourtant, si on regarde l'industrie agroalimentaire et le nombre d'intervenants dans ce secteur, c'est notre premier secteur créateur d'emplois au Québec. C'est notre secteur d'activité le plus important. Par contre, c'est le secteur que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme semble négliger, semble totalement oublier, il ne semble pas s'en préoccuper. Jamais je n'ai entendu le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme se préoccuper d'aucune usine agro-alimentaire depuis qu'il est en titre à son ministère.

J'aimerais bien que le ministre nous dise quelles sont ses intentions envers le développement agro-alimentaire au Québec et pourquoi il ne s'en occupe pas. Est-ce qu'il y aurait conflit entre le ministre de l'Agriculture, des- Pêcheries et de l'Alimentation et son ministère? Je ne sais pas, mais cela ne regarde pas la population du Québec. Il va falloir que le ministre se branche quelque part et qu'il nous dise où il se situe dans ce dossier. J'espère que le ministre répondra à mes questions, répondra aussi à la population et répondra aux industries du Québec. C'est important.

M. le Président, il doit me rester encore quelques minutes pour tout à l'heure?

Le Président (M. Rancourt): Oui, vous avez encore cinq minutes environ.

M. Dubois: D'accord, je reviendrai en dernier.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, d'abord, je voudrais commencer par la première partie de l'intervention du député de Huntingdon. Pour sa bonne compréhension et la compréhension des gens qui nous écoutent, je voudrais reprendre un peu mon cheminement personnel au point de vue de la vision politique du Québec, parce que c'est de cela qu'a parlé le député de Huntingdon dans la première partie de son intervention.

En 1980, M. le Président, c'est exact, j'ai dit oui au référendum pour des raisons émotives - mes enfants, les jeunes du Québec - pour des raisons politiques, parce que l'histoire du Québec faisait en sorte que tous les premiers ministres et tous les chefs politiques responsables, Honoré Mercier au début du siècle, Lomer Gouin, Maurice Duplessis, Lesage, Johnson, Bertrand et même Bourassa, avaient toujours demandé plus de pouvoirs pour le Québec, plus d'autonomie, plus de souveraineté et plus d'indépendance.

J'ai pensé que, si on voulait être logiques avec nous, il fallait, dans ce sens, respecter la direction politique donnée par l'histoire du Québec. Tous les premiers ministres, sans exception, ont réclamé davantage de pouvoirs pour que le Québec puisse mieux se gérer, mieux créer des emplois, mieux répondre aux problèmes culturels ou sociaux du Québec.

Mon oui était donc émotif, familial, politique et culturel. C'est cela que je veux dire aujourd'hui au député de Huntingdon. Après deux ans comme ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, après une expérience extraordinaire que j'ai vécue depuis deux ans, j'ai négocié plusieurs dossiers pour le Québec avec le gouvernement fédéral pour les entreprises du Québec, pour les travailleurs et les travailleuses de chez nous. J'ai vécu une expérience à négocier constamment en faveur du Québec et à réclamer des choses du gouvernement fédéral. Aujourd'hui, après deux ans comme ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, mon oui serait encore là bien sûr, encore plus rapide qu'autrefois, mais, cette fois-là, mon oui serait économique. En plus d'être familial, politique et culturel, mon oui serait en faveur des entreprises du Québec, en faveur des travailleurs et des travailleuses du Québec.

Depuis deux ans, j'ai vécu une expérience que je voudrais que d'autres hommes politiques, d'autres hommes d'affaires puissent vivre. Je me souviens d'un ancien ministre de l'Industrie et du Commerce, de l'époque de M. Johnson, M. Jean-Paul Beaudry. Un bon jour, il y a quelques années, M. Beaudry me disait: Lorsque je suis devenu ministre de l'Industrie et du Commerce, j'avais une bonne foi et j'étais fédéraliste inconditionnel, mais, après deux ans de négociation avec le gouvernement fédéral, je m'en venais carrément indépendantiste. On ne peut gagner à négocier avec le gouvernement fédéral, me disait M. Jean-Paul Beaudry.

Je ne suis peut-être pas aussi patient que M. Beaudry dans ce sens-là, mais je réclame des choses pour le Québec. C'est pour cela qu'aujourd'hui, je fais des déclarations pour les entreprises québécoises, pour donner davantage une chance à nos entreprises, pour donner davantage une chance à nos travailleurs et nos travailleuses. Ce n'est pas à cause de la mauvaise volonté des hommes politiques à Ottawa. Pas du tout. Je reconnais la bonne volonté de MM. Trudeau, Lalonde, Chrétien et de tout ce monde-là. Je reconnais leur bonne volonté. Mais le système canadien n'est pas fait pour le Québec. C'est seulement cela. Même si

MM. Lévesque, Parizeau, Biron, Landry et tout ce monde-là étaient à Ottawa demain matin et même si M. Scowen ou d'autres y étaient, on ne pourrait pas répondre aux besoins du Québec parce que la vision canadienne - pour être honnête avec la vision canadienne - c'est surtout l'Ontario ou l'Ouest canadien. C'est là qu'il y a de l'argent supplémentaire. Et ce n'est pas orienté vers les besoins québécois qui ne sont pas ceux de l'Ontario ou de l'Ouest canadien.

Lorsque j'ai négocié avec le gouvernement fédéral, dans le domaine de la chaussure, pourquoi cela a-t-il pris un an à Ottawa avant de se décider à écouter et à faire exactement ce que le Québec demandait? Cela a pris un an avant de convaincre la bureaucratie fédérale de faire des choses pour le Québec. Et, pourtant, les députés fédéraux québécois étaient d'accord avec nous. Cela a pris un an avant que la machine fédérale change de bord. Mais, pendant ce temps, on avait gaspillé 2000 jobs dans la chaussure. Il y a 2000 travailleurs et travailleuses de la chaussure qui, aujourd'hui, sont en chômage ou qui reçoivent de l'aide sociale. On a gaspillé leurs jobs. On a pris un an avant d'écouter le gouvernement du Québec à ce sujet. Il me semble que c'est important.

Dans le domaine du vêtement, on se bat avec les industriels et les travailleurs, avec les syndicats, pour essayer de protéger leurs jobs. On va finir par gagner cette bataille, après six mois, un an, deux ans, je ne le sais pas. Mais, entre-temps, on perd des milliers et des milliers d'emplois parce que le gouvernement fédéral hésite à écouter le Québec.

Ce n'est pas parce que le Québec veut avoir raison tout le temps. C'était la même chose à l'époque des libéraux. C'était la même chose à l'époque de l'Union Nationale. C'était la même chose à l'époque du Parti conservateur, au début du siècle. Le Québec a toujours réclamé des choses pour le Québec, en connaissance de cause de sa structure industrielle, culturelle ou sociale. La vision fédérale est différente, même avec des gens très honnêtes à Ottawa. Je n'accuse personne du gouvernement fédéral de malhonnêteté. On serait là demain matin et on ne pourrait pas faire mieux, parce que le Québec n'est pas comme le reste du Canada. Lorsqu'on parle de deux nations, ce n'est pas pour rien. C'est parce qu'il y a vraiment deux mondes différents au Canada.

J'ai négocié, M. le Président, dans le domaine des pièces d'automobiles. Tantôt, le député de Huntingdon a charrié en parlant de Volkswagen. Il est sûr que, dans le domaine de l'automobile, si le gouvernement du Québec avait tous les pouvoirs, il se ferait quelque chose dans le domaine de l'automobile au Québec, ou on échangerait certains de nos produits pour des automobiles. On dirait à l'Ontario: Écoutez, vous allez acheter tel genre de produits, que ce soit des vêtements, des meubles ou des produits électroniques. Vous allez acheter cela et, en compensation, nous, on va acheter vos automobiles ou vice versa. Si l'Ontario ne voulait pas nous vendre ses automobiles à un prix convenable en échangeant nos matériaux, on irait aux États-Unis, au Japon, en Europe, quelque part. Il y a des gens qui seraient prêts à faire des affaires avec le Québec. Actuellement, on est un peu sous-développé dans le domaine de l'automobile.

Dans le domaine de l'aéronautique, bien sûr, le député de Huntingdon dit que le gouvernement canadien n'aurait pas donné le contrat au Québec. Mais, d'un autre côté, on paie 25% des taxes. On aurait au moins 1 000 000 000 $ dans nos poches. Pour une période donnée, apparemment, ça engendre de l'argent.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Biron: Mais, avec cela, on pourrait au moins dicter des choses. Si on ne faisait pas de l'aéronautique pour les F-18, on ferait peut-être de l'aéronautique pour d'autres genres d'avions. En d'autres termes, ce que je veux dire, c'est que, si on avait les pouvoirs politiques dans nos mains, au lieu de servir les intérêts des entreprises de l'Ontario ou de l'Ouest, on servirait les intérêts des entreprises du Québec. C'est là où est toute la différence. C'est cela qui créerait des milliers et des milliers d'emplois.

Pourquoi le programme d'urgence de la PME a-t-il fonctionné? Parce qu'on avait une partie des pouvoirs. On est allé à Ottawa pourtant. Au départ, on est allé à Ottawa et on a dit: C'est votre faute, les taux d'intérêt élevés, mais quand même on est prêt à en payer la moitié pour vous aider. La structure financière des entreprises du Québec n'est pas comme la structure financière des entreprises de l'Ontario; on est sous-capitalisés, nous. À des taux d'intérêt de 8% ou 10%, on finit toujours par arriver, mais, quand cela monte à 20%, 22%, 24%, on n'arrive plus. On ferme les portes. La banque tire la "plug" et c'est la faillite. On est allé à Ottawa avec MM. Lévesque, Parizeau, Landry, et on a dit au gouvernement fédéral: On est prêt à en payer la moitié. Voilà, on a conçu notre programme. Aidez-nous, on va le mettre en marche rapidement. Le gouvernement fédéral a dit: "No way", c'est trop compliqué; 150 000 000 $ à Chrysler, ça marche; 150 000 000 $ à Massey-Ferguson, ça marche; 500 000 000 $ garantis à Dome Petroleum, ça marche. Mais 1000 PME québécoises, c'est trop compliqué. Bon. Je

les comprends. Si j'étais à Ottawa, je ferais peut-être la même chose. Ce n'est pas le système qui est fait pour le Québec.

C'est pour cela que je dirais encore oui au référendum. C'est pour cela qu'au point de vue économique, je dirais oui au référendum, pour nos PME québécoises. On est revenu à Québec, on l'a mis en marche notre programme. On a protégé 25 000 emplois au Québec avec cela parce qu'on avait assez de pouvoirs pour le faire. Imaginez-vous, si on avait eu d'autres pouvoirs et d'autres sommes d'argent, ce qu'on aurait pu faire avec cela! On aurait fait encore plus et plus rapidement. Au lieu d'attendre pendant trois ou quatre mois pour avoir des négociations avec le fédéral, avant de le mettre en marche, on l'aurait mis en marche plus rapidement. On aurait sauvé d'autres entreprises, j'en suis assuré. On aurait sauvegardé d'autres emplois et on aurait fait en sorte de protéger davantage la structure industrielle du Québec. (11 h 45)

C'est ce que je voudrais faire comprendre et je sais que, si le député de Notre-Dame-de-Grâce, en particulier, lui qui a de l'expérience dans le monde des affaires, avait l'avantage et le privilège de négocier pendant deux ou trois ans avec le gouvernement fédéral pour des entreprises du Québec, je suis à peu près certain qu'il dirait la même chose que moi, en fin de compte. Il dirait: Cela n'a pas de bon sens. On ne peut pas vivre dans ce système. Un peu comme M. Guy Saint-Pierre l'avait dit, un bon jour, qu'il était tellement tanné - et c'était un ministre libéral - de négocier constamment avec le fédéral et de n'avoir à peu près rien, mais la vision du fédéral n'est pas comme celle du Québec et c'est tout ce qui fait la différence.

C'est pour cela, M. le député de Huntingdon. Lorsque vous dites qu'il y a une évolution de ma part, bien sûr, il y a une évolution, à cause de l'expérience de la vie que j'ai vécue et à cause de mes deux années comme ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Je veux faire comprendre aux gens d'affaires du Québec que c'est pour leur bien qu'il leur faut mettre plus de pouvoirs dans les mains du gouvernement québécois pour répondre davantage à leurs préoccupations, à leurs besoins et à leurs inquiétudes, plutôt que de laisser les pouvoirs dans les mains d'un autre gouvernement qui a d'autres préoccupations, d'autres pouvoirs et d'autres besoins ailleurs. Mais il n'a pas besoin de répondre directement à ce que le Québec demande.

Sur les transferts des sommes d'argent qui nous parviennent, bien sûr, il nous vient de l'argent d'Ottawa sous forme d'aide sociale et d'assurance-chômage, mais, comme le dit le député de Châteauguay, ce n'est pas ce qu'on veut. Les gens du Québec ne veulent pas de l'aide sociale et de l'assurance-chômage d'Ottawa, on voudrait des emplois. Pourquoi les dépenses créatrices d'emplois qui se font, à partir du gouvernement fédéral, se font-elles toujours de l'autre côté de la rivière Outaouais et en Ontario en particulier, enfin, à peu près toujours? Ah! il est sûr que, plus on a du monde qui ne travaille pas, plus on a de problèmes. On voudrait avoir les pouvoirs nécessaires sur ce point.

M. le Président, je formule le voeu que des gens de bonne foi, qui sont dans l'Opposition, puissent venir négocier avec moi et le fédéral sur quelques dossiers particuliers. Ceux qui sont impatients, vous allez vite vous décourager et vous allez voir que vous allez mettre de côté votre fédéralisme aveugle. Vous allez dire qu'il faut plus de pouvoirs à Québec. Vous allez dire la même chose que les hommes politiques qui ont été au pouvoir et qui ont été de ce côté-ci de la Chambre. Traversez de ce côté-ci de la Chambre et vous allez voir ce que vous direz. Cela ne sera pas long, si vous avez un peu de coeur québécois, ce que je pense que vous avez. Il est important de noter notre attitude. Lorsqu'on est au gouvernement du Québec, vraiment, on veut protéger les intérêts québécois.

Encore dernièrement, j'ai eu l'exemple de Pétromont. Pourquoi cela a-t-il pris au-delà d'un an de négociation avec le gouvernement fédéral pour que ce dernier dise, finalement, au bout d'un an: Le Québec a raison, il faut aider l'industrie pétrochimique? Mais cela a quand même pris un an. Pendant ce temps-là, on a empêché des investissements, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Vous parlez d'investissements. Pétromont était prête à investir dans le développement et dans la modernisation de ses équipements. Les usines en aval de Pétromont, la foule de PME manufacturières dans le domaine de la pétrochimie, du plastique, étaient prêtes à investir aussi. Mais, est-ce qu'on va investir lorsqu'on ne sait pas d'avance si notre matière première va arriver, si l'usine mère Pétromont va continuer à fonctionner? Cela a pris un an avant de convaincre le gouvernement fédéral qu'il fallait faire des choses. Finalement...

M. Scowen: M. le Président, est-ce que je peux poser une très brève question au ministre dans le cadre de son intervention?

Le Président (M. Rancourt): Oui. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre pourra vous répondre tout de suite.

M. Scowen: En 1978, M. Duhaime, le ministre de l'Industrie et du Commerce, a annoncé son intention de régler le problème

de SIDBEC dans les six prochains mois. On est maintenant en 1983 et les gens de la Côte-Nord attendent encore, presque six ans après, une réponse, une décision du gouvernement du Québec. Cela traîne aussi un peu.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, je répondrai là-dessus après. Mais, pour Pétromont, pourquoi cela a-t-il pris un an au gouvernement fédéral avant de donner raison finalement au gouvernement du Québec? Si le Québec avait eu plus de pouvoirs, si les Québécois et les Québécoises avaient dit oui au référendum, on aurait eu plus de pouvoirs, on aurait pu agir plus rapidement. Finalement, il y avait plus d'emplois à créer au Québec ou plus d'emplois créés au Québec. Dieu merci pour les PME québécoises. C'est le langage qu'on parle et ce n'est pas un langage de rêve. C'est mon expérience personnelle depuis deux ans qui me fait dire aux hommes d'affaires qu'il faut dire oui à la prochaine question référendaire. C'est oui, il faut donner plus de pouvoirs au gouvernement du Québec. Après, quel que soit le parti politique qui dirigera le Québec, que ce soit le Parti libéral ou n'importe quel autre parti, il aura en main les pouvoirs nécessaires pour répondre aux besoins des gens du Québec.

À propos de SIDBEC, qui nous a embarqués dans ce guêpier-là, sinon un contrat signé sur un coin de table par Robert Bourassa? Une fois que le contrat est signé sur un coin de table, il faut bien continuer et faire les contrats officiels nécessaires. Qui nous a embarqués dans le guêpier de SIDBEC-Normines? Le gouvernement libéral. Aujourd'hui, nous essayons le mieux possible d'en sortir tout en essayant de protéger le maximum d'emplois existants, de protéger une structure industrielle qui se tient comme du monde et de faire en sorte que finalement, le Québec puisse en profiter et que les travailleurs n'aient pas trop à en souffrir, et même qu'ils en profitent le plus possible. On a mis sur pied des comités avec les travailleurs, comme cela ne s'est jamais fait à votre époque. Jamais les travailleurs, jamais les syndicats ouvriers n'ont été appelés à collaborer avec l'entreprise et le gouvernement de cette époque-là. C'était mettre de côté tous les travailleurs, tous les syndicats ouvriers. Ils n'avaient pas besoin d'eux. Ils étaient l'establishment libéral.

Nous voulons travailler avec ces gens-là et, grâce à leur collaboration, nous avons amélioré considérablement, au cours des derniers mois, la performance de SIDBEC, vous le verrez. Bien sûr qu'il reste encore des décisions importantes à prendre. Mais elles ne seront pas prises sur un coin de table comme cela s'est fait à l'époque de Robert Bourassa. La gestion économique du Québec est trop importante pour qu'on la prenne sur un coin de table.

Une autre question précise du député de Huntingdon concernant l'industrie agroalimentaire. M. le député de Huntingdon, l'industrie agro-alimentaire relève de mon collègue, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je discute avec ces gens-là et du cas particulier de Sucre Saint-Laurent, j'en ai discuté avec le président à plusieurs reprises. Je l'ai invité à négocier avec la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, avec SOQUIA, avec le ministère de l'Agriculture pour offrir au moins sensiblement le même prix que celui que nous sommes capables d'obtenir n'importe où en Ontario ou ailleurs pour raffiner le sucre. Je pense que c'est tout à fait normal. Je pense qu'on peut, au Québec, produire aussi efficacement que cela. Là-dessus, je pense que la vision de mon collègue, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, est correcte. Il veut faire en sorte que de plus en plus de producteurs agricoles puissent développer la production de betterave à sucre avec une industrie au Québec qui se tienne comme du monde.

M. Dubois: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Question de règlement.

M. Dubois: Je n'ai pas parlé tout à l'heure de production de betterave à sucre. Je n'ai absolument pas parlé de cela. J'ai parlé de produits finis de sucre faits par Sucre Saint-Laurent à Montréal. C'est de cela que j'ai parlé. Je ne suis pas contre la production de betterave à sucre au Québec.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Si on veut faire du sucre, il faut une matière première, et le député de Huntingdon devrait savoir que, s'il n'y a pas de canne à sucre, il faut des betteraves ou quelque chose d'autre. Tout cela pour dire que tout ce qui regarde l'industrie agroalimentaire relève de mon collègue. Il n'y a pas de conflit de juridiction, au contraire. On a établi une façon de procéder. J'interviens très souvent avec la Société de développement industriel, que ce soit par le plan d'urgence ou d'autres plans. Chaque fois qu'on intervient dans le domaine agroalimentaire, je demande l'avis de mon collègue, le titulaire du MAPAQ. Si l'avis est positif, nous étudions, avec l'expérience des

analystes de la SDI et leur compétence, la capacité financière de l'entreprise, la capacité de gestion de l'entreprise et nous décidons si nous pouvons l'aider avec les programmes que nous avons. Si le titulaire du MAPAQ, mon collègue Jean Garon, me dit que ce n'est pas un dossier, une direction ou un créneau qu'il faut développer au Québec, nous n'aidons pas cette entreprise. Nous ne voulons pas donner des subventions pour planter des arbres avec un ministère et des subventions pour arracher des arbres avec l'autre ministère, comme cela se faisait trop souvent à l'époque du Parti libéral.

Dans ce sens-là, les juridictions sont bien définies. Tout ce qui regarde l'agroalimentaire relève de mon collègue du MAPAQ et tout ce qui concerne le reste de l'entreprise manufacturière relève du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Merci. Mes collègues ont tracé le triste bilan de la situation au Québec dans le secteur manufacturier. La question qui se pose est la suivante: Comment pouvons-nous être compétitifs, pas uniquement au Québec, même pas au Canada, mais sur le plan mondial? Nous sommes dans une guerre mondiale économique. Il faut se rendre compte de cela. Le défi auquel nous faisons face est de travailler non pas nécessairement plus fort, mais plus intelligemment pour essayer de savoir ce que nous devons faire pour sortir de cette crise. J'ai consulté les experts. Je ne suis pas un expert dans ce secteur, mais j'ai consulté des gens de l'École polytechnique à Montréal, les déclarations de Pierre Lortie, le président de la Bourse de Montréal, des experts de l'Université McGill, les déclarations de Rodrigue Tremblay, l'ancien ministre de l'Industrie et du Commerce ici à Québec, the Canadian Manufacturers' Association, the Canadian Council of Engineers, le Conseil politique et scientifique du Québec. Ce qui m'étonne, c'est qu'il y ait un consensus énorme entre tous ces groupes et ces experts. Leur diagnostic de la situation est qu'il y a deux principes primordiaux. D'abord l'idée clé est que c'est par l'innovation qu'on va sortir de cette crise. Deuxièmement, ils ont conclu qu'il y a certaines initiatives que le gouvernement doit prendre pour créer un climat qui va favoriser l'innovation.

C'est sur ces deux points que j'aimerais parler. J'aimerais aussi avoir la réaction du ministre sur leur diagnostic. Qu'est-ce que le gouvernement du Québec, qu'est-ce que le ministre, en concertation avec ses collègues, sont prêts à faire pour implanter les conditions que ces experts ont proposées comme étant primordiales, essentielles pour sortir de la crise? D'abord l'idée de l'innovation. Si l'on observe les industries qui sont en croissance et qui ont réussi à augmenter et à agrandir, ce sont des industries basées d'abord sur de nouvelles connaissances, la création de nouveaux produits et de nouvelles méthodes. C'est là le moteur de la croissance. Il faut encourager l'exploitation des nouvelles connaissances pour des fins utiles sur le plan social et le plan économique. (12 heures)

Quel est le rôle du gouvernement dans cette initiative? Je crois qu'il faut reconnaître que le rôle du gouvernement -c'est l'observation de ces experts - n'est pas de contrôler ni de gérer ce développement. Son rôle est de libérer ce développement en créant des conditions fiscales et sociales propices à maintenir et à attirer l'intelligence, les esprits créateurs et l'argent, l'investissement.

Il y a d'abord la proposition de débureaucratiser et déréglementer le climat industriel dans cette province.

M. Pierre Lortie a dit: Les conditions nécessaires à l'innovation sont étrangères à la culture bureaucratique. L'innovation jaillit d'un environnement où règne un certain désordre. Il faut bien comprendre qu'il est impossible de gérer le processus de développement de façon centralisée. Cette conception est abominablement antibureaucratique et je doute que les bureaucrates ne viennent jamais à la comprendre et, encore moins, à apprendre comment la harnacher.

La deuxième proposition souligne une tendance que nous avons ici au Québec qui est de voir le protectionnisme et le "bailout" comme des solutions économiques viables. Je crois que cette tendance d'encourager la dépendance résulte dans un délai de faire... On n'implante pas les améliorations technologiques qui sont inévitablement nécessaires pour augmenter notre compétitivité.

Troisièmement, et je parle encore du consensus que j'ai appris en lisant et en écoutant les experts, il faut mettre plus d'accent sur la compétence de nos ressources humaines. Je crois que, pour la main-d'oeuvre de nombreuses industries et la main-d'oeuvre de chaque secteur de notre société, il faut mettre plus d'efforts pour améliorer la qualité de cette main-d'oeuvre. Une partie de ces efforts doit être de rapprocher le milieu universitaire et le milieu industriel pour favoriser un transfert des nouvelles connaissances aux industries afin de créer de meilleurs produits par de meilleurs processus à des meilleurs prix.

Quatrièmement, les incitatifs fiscaux. Qu'est-ce que le ministre va faire en concertation avec ses collègues pour

améliorer le climat fiscal? Parce que c'est par l'amélioration du climat fiscal qu'on va attirer les investissements dont nous avons parlé et que tout le monde cherche. Les experts ont proposé qu'on repense le "capital gains tax" parce que, à l'heure actuelle, les industries qui sont les plus progressives, qui prennent les plus grands risques et qui progressent le plus rapidement sont les plus pénalisées par les règles du jeu. Deuxièmement, sur le niveau des taxes directes et indirectes sur l'individu. On parle beaucoup de ces taxes. Nous sommes les gens les plus taxés en Amérique du Nord. Troisièmement, sur le plan de la recherche des incitatifs pour libérer les investissements dans la recherche et le développement, le problème n'est pas qu'il n'y a pas d'argent; le problème est de libérer l'argent pour créer des règles du jeu qui sont attirantes pour les investisseurs. Les chambres de commerce ont fait plusieurs suggestions pour augmenter le retour sur leurs investissements pour ceux qui ont de l'argent à investir dans la recherche et le développement.

Quatrièmement, il y a le climat social. Le gouvernement du Québec, le gouvernement péquiste ne veut pas admettre que le climat social au Québec est toujours perturbé par les actions du gouvernement et par les confrontations continuelles. On confronte les syndicats; on trouve toujours des prétextes pour des confrontations sur le plan linguistique; on est en train de menacer les commissions scolaires; on a des confrontations avec Ottawa; on a des confrontations avec les médecins, avec les ingénieurs et avec les municipalités. Ces confrontations sont en train d'affaiblir année après année notre tissu social. C'est l'atmosphère créée par cette instabilité qui cause l'exode des plus intelligents avec les capacités et l'expertise dont nous avons tellement besoin.

M. le Président, combien de minutes me reste-t-il?

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jacques-Cartier, vous avez commencé à 11 h 55; il vous reste encore au moins cinq minutes.

Mme Dougherty: Dans l'Actualité de mai 1983, on parle de la haute technologie, du développement économique et des conditions qui favorisent le développement économique. On compare le climat à Ottawa, où il y a un développement vraiment spectaculaire de haute technologie, avec celui de Hull. "Ottawa a vite fait de son industrie de pointe le pivot d'une vaste promotion économique par toute l'Amérique. Il faut se demander - et c'est M. Yvon Desautels, de Northern Telecom Canada, qui parle - comment il se fait qu'aucune industrie n'a traversé la rivière des

Outaouais pour déborder du côté de Hull ou d'Aylmer, qui sont pourtant des zones désignées, offrant une gamme invraisemblable de subventions à l'établissement d'entreprises. Selon lui, la fiscalité québécoise y est pour beaucoup. Traverser la rivière, traverser de Hull à Ottawa donne une augmentation automatique de salaire d'au moins 10% et l'essence y coûte 0,10 $ de moins le litre. La loi 101 n'a pas aidé non plus, ne serait-ce qu'en nous créant une mauvaise image.

M. le ministre, j'ai cité les conclusions, les diagnostics d'un grand nombre d'experts qui s'impliquent dans le monde des affaires tous les jours, qui comprennent les conditions nécessaires à la sortie de la crise, à l'amélioration de notre condition surtout, dans notre secteur manufacturier dont nous parlons aujourd'hui. Quelle est votre réponse? Qu'allez-vous faire? Qu'est-ce que vous êtes prêt à faire en concertation avec vos collègues pour améliorer cette situation? Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Roland Dussault

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais reprendre quelques éléments du discours du député de Huntingdon, qui s'apprêtait à partir. Il aurait tout intérêt à rester, au moins pour apprendre des choses. Il nous a parlé, M. le Président, d'exode. C'est vraiment une chose dont nos amis d'en face aiment bien nous parler, l'exode de Québécois vers le reste du Canada. Va-t-il falloir leur répéter cent fois pour qu'ils comprennent que la réalité que nous vivons présentement n'est pas différente de ce qui a été connu avant que notre gouvernement prenne le pouvoir, que le Parti québécois prenne le pouvoir?

Rappelons-nous l'étude qui a paru dans le journal La Presse récemment, celle de M. Castonguay qui, en fait, est professeur à l'Université d'Ottawa. Il nous a donné des chiffres à partir des dernières statistiques et a démontré que, avant nous, il y avait une réalité d'exode de Québécois vers le reste du Canada et que la réalité d'exode qui existe présentement n'est pas plus considérable que celle qui a existé avant. Nous savons depuis des années, depuis que l'affirmation du Québec français existe - l'affirmation du Québec français n'a pas commencé avec nous autres - qu'il y a un exode. Les effets ou les conséquences de cela sont les mêmes aujourd'hui que dans le temps. Il n'y a rien de nouveau à cela, M. le Président. On ne s'anglicisera pas et on ne s'assimilera pas parce qu'il y a des gens qui partent. Est-ce que cela peut être plus clair que cela? Mais pourra-t-on, une fois pour toutes, s'entendre sur le fait que les chiffres sont là, à l'appui,

pour démontrer que ce n'est pas pire aujourd'hui que cela l'était dans le temps. M. le député de Huntingdon devrait se rappeler cela.

Il a aussi parlé, M. le député de Huntingdon, du référendum. Il a fait allusion à une partie du discours de M. le ministre dans ce qui devait être une réunion, probablement, de lancement de la campagne de financement, ce qui fait qu'il y a un nombre réduit de personnes qui sont invitées. Il ne faut pas s'étonner du nombre de personnes qui étaient là. C'était tout à fait dans l'ordre des choses. Mais il a, entre autres, critiqué un avancé du ministre sur la question du F-18. Est-ce qu'il va falloir rappeler à M. le député de Huntingdon que, au moment du référendum, il y avait une question qui portait sur une association économique? Il est tout à fait pensable que, dans une association économique, des contrats venant de la défense d'un pays soient accordés à un des éléments de l'association. C'est tout à fait pensable. Il n'y a rien de ridicule là-dedans, M. le Président. Eux, ils ont intérêt à faire passer cela pour ridicule. Mais, dans le monde civilisé, des ententes internationales sur le plan économique sont des choses tout à fait pensables. Cet argument de M. le député de Huntingdon, ce n'est pas très sérieux.

M. le Président, je suis devenu souverainiste pour des raisons culturelles en 1962, 1963. Il y avait beaucoup d'émotivité là-dedans, M. le Président. J'ai vieilli, plus j'ai vieilli et plus j'ai eu des convictions sur le plan de la souveraineté du Québec et plus mes convictions se sont appuyées sur des questions économiques. Aujourd'hui, M. le Président, je crois mordicus qu'il faut devenir souverain et c'est pour des raisons économiques que je veux qu'on le devienne. (12 h 15)

Mme la députée de Jacques-Cartier tout à l'heure nous disait qu'il faut devenir compétitif et comment on peut devenir compétitif. M. le Président, pour devenir compétitif, il faut se donner des instruments. Il faut se donner de bons instruments. Il ne faut pas se donner des instruments partiels, des instruments qui vont nous permettre d'obtenir de petits résultats ici et là, mais il faut se donner l'instrument qu'il faut. L'instrument qu'il faut, c'est celui dont dispose un État moderne. Je dis bien un État, pas une province, pas une espèce de ghetto dans lequel on est coincé, mais quelque chose où l'on n'a plus les jambes et les pieds liés. C'est comme cela qu'on va arriver à ce résultat en améliorant tous les instruments qu'on a et en se donnant l'instrument qui va nous permettre de sortir sur l'extérieur.

Ce n'est pas un mur de Chine qu'on veut pour nous, mais on veut effectivement devenir un État. Qu'on cesse, de l'autre côté, de nous reprocher d'avoir des résultats qui sont ceux d'une province s'ils ne veulent pas qu'on devienne un État souverain. Qu'ils choisissent. Si l'on reste une province, on aura des résultats économiques minables. On restera comme cela si l'on ne devient pas souverain. Mais s'ils veulent qu'on ait la performance d'un État national, qu'on ait la performance économique d'un État qui a des moyens, d'un État moderne, qu'ils s'accordent pour dire qu'on va y arriver dans la mesure où l'on aura des instruments, des leviers. Le Canada existe présentement comme État unitaire, et cherche à l'être en plus. Quand on a les instruments d'un tel État, on arrive à beaucoup plus de résultats. Quand on veut écouler les produits de notre esprit innovateur, on a les canaux qu'il faut.

Quand on n'est pas un État, mais une simple province qu'on écrase continuellement, on a beau vouloir être innovateur, créateur -les Québécois sont extraordinaires de ce côté-là - le fruit de cette innovation, le fruit de cette création, on va avoir de la misère à l'écouler parce qu'on n'a pas les leviers. On essaie de faire du commerce extérieur dans le cadre de la province qu'on a, mais on sait que les résultats optimaux qu'on pourrait obtenir, ce serait dans le cadre d'un État moderne qui dispose de leviers, d'un État souverain.

M. le Président, je voudrais terminer sur la dernière chose dont a traité la députée de Jacques-Cartier.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Lincoln: J'aurais une petite question. Peut-être que le député pourrait prendre deux minutes pour répondre, cela va être intéressant.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que vous acceptez que M. le député de Nelligan pose une question rapidement?

M. Dussault: Certainement, M. le Président.

M. Lincoln: Peut-être que vous auriez pu nous dire, M. le député, parce que vous avez tous les leviers en main, de quelle monnaie vous allez vous servir et comment vous allez protéger cette monnaie. Peut-être que vous auriez pu parler un peu de cela, parce que, quand on demande cela à vos collègues, c'est toujours à l'étude. Là, vous arrivez à l'indépendance en 1985. Peut-être que vous auriez pu nous donner un petit traité sur la monnaie dont vous allez vous servir, à savoir si ce sera la monnaie canadienne, la monnaie US ou la monnaie québécoise. Comment est-ce que vous allez la protéger? Peut-être que vous allez nous le dire, parce que vous avez sûrement un plan

d'attaque.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je remercie M. le député de Nelligan de sa question. Je vais y répondre tout à l'heure, je la trouve intéressante.

M. Lincoln: Moi aussi.

M. Dussault: Pour revenir aux propos que tenait Mme la députée de Jacques-Cartier tout à l'heure, elle a fait un exposé que j'ai trouvé très positif; pour les trois premiers quarts de son exposé j'ai trouvé cela extrêmement positif. Je n'y étais pas habitué. On connaît mes réactions vis-à-vis de certains discours de Mme la députée de Jacques-Cartier. Je trouve qu'elle est extrêmement négative généralement à l'égard des Québécois, de toute la réalité québécoise. Aujourd'hui, je l'ai trouvée très positive. J'ai trouvé cela formidable, sauf quand on est arrivé au dernier point, la question linguistique.

Il faudrait peut-être rappeler à Mme la député de Jacques-Cartier, qui se fait aujourd'hui la disciple d'un certain nombre d'intervenants dans le décor québécois sur le plan économique, que la question linguistique est la huitième - pas la première, la deuxième, la troisième ou la quatrième -priorité du Conseil du patronat au Québec. Pour vous montrer comme c'est important pour les gens d'affaires, c'est la huitième priorité.

M. le Président, est-ce qu'il ne faudra pas se mettre une fois pour toutes dans la tête que la question linguistique au Québec est une affaire réglée? On a réglé cela, nous, dans notre premier mandat, par la loi 101 qui peut-être à l'usage connaîtra certaines améliorations. On ne se mettra pas à parler de cela et à en faire une grosse histoire une fois de plus. On l'a réglée, cette question-là. Peut-être qu'il y aura lieu de faire certains ajustements. On sait, cependant, que c'est clair que, le jour où l'on sera souverain, la loi 101, on n'en aura plus besoin parce qu'un État souverain, ça protège le monde qui se situe dans cet État sur le plan culturel. C'est une protection en soi, M. le Président.

M. Lincoln: Mettez-le dans votre programme.

M. Dussault: Alors, la loi 101, on n'en aura plus besoin à ce moment-là. On n'aura plus le problème des langues, non plus. Cela va aller de soi que le français sera la langue de ce territoire-là.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay, il vous reste une minute.

M. Dussault: D'accord, M. le Président. C'est une question réglée, donc, la question de la langue, dans un premier mandat. Et, s'il y avait - faisons l'hypothèse - un autre gouvernement qui nous remplace bientôt, cet autre gouvernement qui nous remplacerait ne changerait pas cette situation. Il ne pourrait pas le faire. Les Québécois ne supporteraient pas qu'il y ait un changement fondamental dans cette situation linguistique. Elle est réglée à la satisfaction de la très grande majorité des Québécois. Alors, c'est réglé.

Maintenant, puisqu'il me reste peu de temps, je voudrais répondre à la question de M. le député de Nelligan. Si, dans mon très grand exposé sur la question, je devais dépasser, on va sûrement tolérer que je déborde un peu, M. le Président? Non, je ne suis pas sérieux, je vais faire un petit exposé.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Dussault: M. le Président, à propos de la monnaie, je pense qu'on a encore à se poser des questions à ce sujet, et c'est normal. C'est normal, car les uns pensent que le mieux est encore d'avoir sa propre monnaie, parce que c'est un levier bien important sur le plan économique, et d'autres pensent qu'on devrait plutôt se raccrocher à une monnaie forte qui existe déjà.

M. Lincoln: Assez!

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Dussault: M. le Président, pour terminer ma réponse...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Vous devez conclure.

M. Dussault: ...j'ai assisté à un colloque - un excellent colloque, d'ailleurs - qui a été organisé par le Parti québécois, il y a de cela quelques semaines, à Montréal; beaucoup de spécialistes sont venus nous parler, des gens crédibles. Un spécialiste, entre autres, nous a beaucoup parlé de la question de la monnaie. Et il a lancé l'idée que, dans le fond, le Québec devrait se raccrocher à la monnaie américaine. Ce n'est peut-être pas bête, M. le Président. Mon idée n'est pas arrêtée là-dessus. J'entends des points de vue...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Dussault: Mon idée sera faite,

évidemment, quand le moment déterminant sera arrivé. Mais, pour l'instant, je pense qu'il faut regarder cette idée de près. Cela en prend une. Il est sûr que cela en prend une. Il faut qu'elle soit la plus forte possible, quoique, lorsqu'on part de très loin sur le plan économique et qu'on a une monnaie qui est très dévaluée, il peut arriver que ce soit un élément intéressant de dynamisation de l'économie pour la faire se relever. Vous savez, ces histoires qu'on nous a racontées...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le député de Châteauguay...

M. Dussault: ...que, de 1 $ à 0,65 $, ce serait catastrophique, c'est absolument faux.

Le Président (M. Rancourt): ...vos 20 minutes et plus...

M. Dussault: Je termine. Je conclus, M. le Président.

M. Lincoln: J'aurais voulu donner une minute de mon temps au député, parce que...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! L'article 162 est très clair à ce sujet. Donc, M. le député de Châteauguay, votre temps est écoulé, même dépassé.

M. Dussault: Je conclus, M. le Président, en disant simplement que cela ne m'étonne pas que le député de Nelligan ait posé cette question parce qu'avec cet élément-là on peut faire peur à beaucoup de monde...

M. Dubois: Est-ce que cela arrête ou non?

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: ...comme ils ont l'habitude de le faire.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Mais il ne faut pas se faire de problème avec ça.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay, vous avez terminé. M. le député de Huntingdon, il vous reste cinq minutes.

M. Claude Dubois

M. Dubois: M. le Président, à la suite de ma première intervention, j'ai bien écouté la réplique du ministre de l'Industrie, du

Commerce et du Tourisme, surtout à propos de l'intervention de l'État dans la commercialisation du sucre, l'écrasement d'une société privée, l'écrasement d'une compagnie privée par l'État, par des fonds publics massifs. Mais j'aimerais que le député de Lotbinière se souvienne d'une certaine intervention qui est indiquée dans le journal La Tribune de Sherbrooke du samedi 11 février 1978. Je cite, M. le Président: "Aucun ministre du cabinet de René Lévesque n'est compétent dans le domaine économique, et le ministre de l'Agriculture est sans doute le plus incompétent que nous ayons jamais eu." C'est toujours du même ministre de l'Agriculture qu'on parle, il est encore là aujourd'hui. "C'est le jugement péremptoire qu'a énoncé le chef de l'Union Nationale, Rodrigue Biron, au cours d'une conférence de presse donnée hier matin devant les médias de la région. Ce sont aussi des théoriciens, de grands rêveurs. Il y en a trop dans le présent cabinet. Il faut des administrateurs, a déclaré Rodrigue Biron, en soulignant qu'il ne confierait jamais 25 000 $ de ses dollars à l'actuel gouvernement de crainte qu'ils ne s'envolent en fumée." Ce sont des propos que tenait l'actuel ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, il n'y a pas tellement longtemps, quand même. Il n'y a pas 20 ans, ni 50 ans de cela, M. le Président; cela fait à peine 4 ou 5 ans.

Je comprends mal la réaction du ministre face au dossier de la politique sucrière du Québec quand l'État se mêle d'écraser une compagnie privée pour ses propres fins partisanes. Il n'y a pas d'autres raisons que je pourrais évoquer. M. le Président, nous savons tous qu'il y a eu un montant de 55 000 000 $ investi à Saint-Hilaire pour le progrès du raffinage de la betterave à sucre brute. Nous savons qu'il y a des producteurs intéressés à faire la culture de la betterave. Nous souscrivons à la production de la culture de la betterave. Mais ce n'est pas l'argument en cause, aujourd'hui. Mais, quand on arrive avec un produit fini, où l'État n'a rien à faire là-dedans, je pense qu'il est inacceptable que l'État aille chercher les domaines économiques rentables pour renflouer ses coffres et, du même coup, faire crever l'industrie privée.

Nous savons tous que Sucre Saint-Laurent a 400 employés à Montréal, dans le comté de Maisonneuve, le comté de Mme Harel. J'ai mal compris que, ces dernières semaines, Mme Harel n'ait pas soulevé cette question. Pourtant, cela la regarde directement, puisqu'il s'agit de ses commettants. Alors, je suis très étonné que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme appuie de tels gestes de la part d'un gouvernement qui se dit près des industries privées. Il se dit d'accord pour

appuyer les industries privées et, en même temps, il les écrase avec les fonds publics. Je voulais relever ces propos du ministre, tout à l'heure, et lui indiquer qu'en deux temps il a eu des propos complètement divergents et différents.

Il y a un autre dossier, et j'aurais aimé que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme puisse le voir de plus près. Je veux parler du développement des boissons alcooliques au Québec. Nous savons que des recherches se font à l'UQAM, où il y a un centre de recherche, le CRESALA, qui ne reçoit à peu près rien du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Si on veut ralentir les quantités de boissons alcooliques importées pour en produire davantage au Québec, il faudrait que le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme verse des fonds pour la recherche au CRESALA ou à d'autres centres de recherche en matière de développement agroalimentaire. Depuis plusieurs années, principalement, depuis 1976, ce fut un domaine totalement délaissé et où il y a d'énormes possibilités. Je pense qu'il y aurait intérêt, pour le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, à s'attaquer à ce problème et à fournir les fonds nécessaires.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Huntingdon, votre temps est écoulé.

M. Dubois: Je vous remercie, M. le Président. La population saura juger les propos tenus aujourd'hui. Elle saura diriger son vote à la prochaine élection, parce que tout le monde s'aperçoit que c'est le désastre économique depuis 1976, depuis que ce gouvernement est en place. Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, très brièvement, parce que je ne voulais pas parler de cette question du tout, mais je pense que le député de Châteauguay a fait allusion à l'article de M. Castonguay paru dans les journaux, au sujet de l'exode de la population anglophone du Québec. Je veux souligner au député de Châteauguay qu'il aurait dû ajouter qu'il y a eu un article subséquent, écrit par quelqu'un dans un autre journal, qui a souligné au professeur Castonguay qu'il avait parlé seulement des gens qui quittaient. Il n'avait pas considéré les gens d'ailleurs qui arrivaient au Québec. Il faut prendre le chiffre net. C'est exactement comme un chiffre d'affaires, les revenus et les dépenses. Si vous prenez les revenus et les dépenses, vous avez un chiffre net. Si vous ne prenez que les dépenses, naturellement, vous n'aurez qu'un seul côté de la médaille. Lui, il n'a pris que les chiffres de l'exode; il n'a pas pris les chiffres des gens qui entraient, c'est-à-dire le reste. Si vous prenez le solde, il est tout à fait négatif depuis 1976, depuis que le Parti québécois est au pouvoir. Alors, il faudrait que vous citiez aussi...

M. Dussault: Question de règlement, M. le Président.

M. Lincoln: II n'y a pas de question de règlement. J'ai mon temps. Vous n'aviez qu'à citer l'article...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Dans une question avec débat, même si je l'ai dit tantôt, en fait, il n'y a pas de question de règlement. Vous avez eu votre droit de parole.

M. Dussault: Question de privilège, M. le Président, en vertu de l'article 98 ou de l'article 100.

M. Lincoln: II n'y a aucune question de règlement.

Le Président (M. Rancourt): Vous voulez poser une question, peut-être?

M. Dussault: Ce que je veux, uniquement, M. le Président, c'est qu'on ne me fasse pas déborder du champ que j'ai abordé.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: On a parlé d'exode. J'ai parlé d'exode exclusivement et j'ai donné les conclusions du professeur Castonguay. Je pense que ce que j'ai fait était parfaitement correct.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan, votre droit de parole. (12 h 30)

M. Lincoln: Ce que je retiens de la dissertation du ministre et de son adjoint, c'est la contradiction totale qu'on retrouve toujours dans les dires du gouvernement du Parti québécois. Le Parti québécois, c'est la contradiction totale. On veut tout à la fois. On critique le gouvernement canadien parce qu'il ne nous donne pas assez dans le domaine de l'automobile, qu'il favorise l'Ontario et qu'il ne nous donne rien et, en même temps, on veut se séparer du gouvernement canadien. Tout à l'heure, le ministre disait que ce qu'il fallait à l'industrie du vêtement, ce qu'il avait demandé, ce que les gens du textile avaient demandé c'est que l'industrie du textile soit protégée à 75% au Canada. Qu'arrivera-t-il à

ces 75% si le Québec est indépendant? On ne peut pas demander deux choses à la fois. Ou bien on demande la protection du marché canadien ou bien on est indépendant et cela n'existera pas.

On se sert de l'argument canadien quand c'est bon, et on se sert de l'argument anti-canadien quand cela fait notre affaire. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux. On parle de l'industrie automobile qui est installée en Ontario. Il est normal qu'elle soit installée en Ontario parce que Windsor est à proximité de Détroit. C'est là que cela a commencé, c'est là que cela s'est bâti. Les Ontariens pourraient dire que Bombardier, avec les trains, le métro, est concentré au Québec. L'Ontario pourrait dire que le Challenger a été construit à Montréal et qu'on va mettre des sommes astronomiques dedans pour tenter un sauvetage. Ils pourraient peut-être se plaindre. L'industrie de l'aluminium est installée au Québec. C'est tout à fait naturel.

Je ne crois pas que ce soit là le problème fondamental du Québec. Le problème fondamental est un problème d'instabilité et de manque de confiance. Je vais vous donner quelques exemples. Vous dites que la politique linguistique, c'est classé et fini, et que votre politique d'indépendance n'affecte rien. Je vais vous citer un rapport qui n'est pas un rapport libéral, qui n'est pas un rapport fédéral, mais un rapport préparé par le plus gros groupe d'investisseurs qui soient venus au Canada, les investisseurs japonais, la plus grande puissance industrielle potentielle du monde de l'an 2000. Ils ont envoyé 38 investisseurs, des gens du ministère du commerce international japonais: Toshiba, la Banque de Tokyo, Mitsui, Nitsubishi, Sumitomo, Mitsubishi industrie lourde, Nissan, industrie automobile, Nippon Koban, Itoh... enfin toutes les grosses sociétés japonaises. C'est un rapport de 350 pages. Je suis sûr que le ministre a dû le voir. Je ne sais pas s'il l'a lu. Je vais vous donner quelques petites constatations. Ce n'est pas moi qui dis cela, ce sont les Japonais dans ce rapport officiel: "À l'issue de l'étude effectuée au cours de notre séjour - qui a duré plusieurs semaines et pendant lequel ils ont traversé le Canada et ont été interviewés par les gens de plusieurs ministères au Québec et ailleurs - je suis profondément convaincu que, globalement, le Canada offre un grand potentiel d'investissements. La question est de savoir comment promouvoir les investissements au Canada." Et là, ils ajoutent: "Le climat et le problème de l'éducation pour les enfants des représentants japonais travaillant dans les entreprises japonaises au Québec..." Je ne dis pas que les Japonais ont raison, le fait est qu'eux considèrent cela comme étant un problème. Ils ajoutent: "II faut mentionner que le Canada se trouve dans une situation politique et sociale complexe." Ils parlent des mouvements indépendants, antifédéraux, antianglais, profrançais dans la province de Québec où se trouve Montréal, la deuxième ville en importance au Canada. Ils disent: "En ce qui concerne la stabilité politique du Canada, on peut mentionner la rivalité entre les gouvernements fédéral et provinciaux au sujet des droits des provinces. Il y a tout d'abord la question du Québec. Sur le plan pratique, certaines questions sont mises en oeuvre l'une après l'autre et la politique d'unilinguisme français de la province a poussé certaines grandes entreprises à quitter le Québec. Du point de vue des investissements dans cette province, il semble que sa politique soit un handicap sérieux." Ils parlent de la question de l'indépendance: "La province était dirigée par le Parti québécois, partisan de l'indépendance, qui préconisait l'indépendance politique de la province tout en demeurant alliée au gouvernement fédéral dans le domaine économique. La question du Québec, issue de l'histoire, de la culture et des problèmes sociaux est considérée comme profondément ancrée."

Le Nikin Kai, le groupe de sociétés japonaises au Québec - il y en a 24 au Québec - constituant l'association des hommes d'affaires japonais au Québec, dit dans son rapport: "La question est devenue politique, bien qu'elle semble réglée en surface. L'adoption du français comme seule langue officielle en 1978 a conduit de nombreuses entreprises à quitter la province tout comme le taux d'imposition des particuliers, qui est le plus élevé en Amérique du Nord." Ce n'est pas nous qui disons cela. Le taux d'imposition, même les Japonais le reconnaissent et le remarquent.

Il y a aussi divers indicateurs économiques, comme le taux de croissance et le taux de chômage. Ce n'est pas M. Scowen qui dit cela: "Le taux de croissance, le taux de chômage, sont-ils défavorables au Québec par comparaison avec les autres provinces? La détérioration des finances provinciales est un autre élément défavorable. Malgré les efforts du gouvernement du Québec pour diminuer les dépenses publiques, on parle continuellement d'augmenter les impôts."

Ce sont des gens qui viennent ici pour voir les possibilités d'investissements. Ils disent: Le Canada, c'est un pays formidable pour l'investissement. Mais, partout où il y a des références au Québec, il y a des références au problème de la langue, il y a des références aux problèmes fiscaux, il y a des références aux problèmes politiques et de l'indépendance, il y a des références aussi au salaire minimum au Québec, qui ne croît pas avec celui des autres provinces et influence défavorablement.

Ce sont les Japonais qui disent cela, ce

n'est pas moi qui dis cela que c'est fini. Vous me dites que le problème linguistique, c'est réglé, c'est classé. L'Association des hôteliers, cela relève de votre ministère, le tourisme réagit pourtant. Or, dans un article de la Presse, qui date du 18 février 1983, on dit que l'Association des hôteliers, par ailleurs, va poursuivre la bataille sur la loi 101, l'affichage unilingue français dans les halls. Il y a les dépliants en anglais et en français, également le pourboire obligatoire, etc. C'est l'Association des hôteliers qui dit: Comment est-ce qu'on peut avoir l'aberration, c'est toujours la contradiction totale du Parti québécois, de faire venir les Américains, qui sont notre plus nombreux groupe de touristes ici, et, en même temps, de faire des idioties comme de mettre des plaques sur les affiches de sécurité en anglais sur les pentes de ski, ce que même le ministre Chevrette, du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, a trouvé ridicule lui-même et a fait enlever. Comment peut-on faire cela et, en même temps, vouloir attirer les gens? L'Association des hôteliers, ce n'est pas le Parti libéral, reconnaît elle-même qu'il y a un problème. Il y aussi M. Alain Dubuc, dans la Presse, le samedi 8 mai 1982, qui ne fait pas parti du Parti libéral, que je sache, reconnaît lui aussi un bon nombre des problèmes qui nous sont causés et que c'est, dit-il, pourquoi on n'a pas d'investissements ici: déplacement d'une partie de l'activité économique, renouvellement trop lent de la structure industrielle de Montréal, mais aussi certains obstacles linguistiques, fiscaux et salariaux.

Ce n'est pas nous qui inventons ces choses. Il y a deux grandes sociétés de technologie avancée qui sont restées ici et qui disent qu'elles aiment et qu'elles vont rester ici. Il y a Micom, il y a AES. Si vous lisez les articles sur Micom et AES que je peux vous passer, que disent-ils? Ils disent la même chose encore, que les problèmes fiscaux, les problèmes linguistiques sont des entraves à la venue ici des technologies, que ce qu'il faut pour se rendre compétitifs avec les industries qui sont situées à Boston, en Californie et ailleurs, la question clé...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan, je m'excuse de vous couper la parole. J'avais dit au début que je réservais dix minutes à chacun des deux côtés. Actuellement dans le temps partagé qu'on vient de me faire connaître, à 12 h 40, le Parti libéral ou l'Opposition a eu 15 minutes de droit de parole de plus que la partie gouvernementale. Est-ce qu'on accepte de garder dix minutes chacun, de chaque côté, en partant de maintenant?

M. Biron: M. le Président, le député de Nelligan peut prendre encore cinq minutes pour terminer, j'aurai ensuite une brève intervention pour lui répondre. Après cela, on aura tous les deux dix minutes d'échange, le député de Notre-Dame-de-Grâce et moi.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Y a-t-il consentement?

M. Scowen: D'accord.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan, rapidement.

M. Lincoln: J'aurais voulu passer aux contradictions fondamentales du programme du Parti québécois. M. le député de Châteauguay nous dit: On va faire l'indépendance, tous les problèmes vont être résolus. On va résoudre les problèmes linguistiques, on va abolir la loi no 101. Tout va être formidable, on aura une structure à nous, cela va être la prospérité totale, le ministre aussi a dit cela. Mais comment voulez-vous que les investissements arrivent florissants au Québec quand vous-même, dans votre mandat, nous parlez d'exproprier. Partout, prenez les mines, on peut prendre cela page après page: "exproprier, moyennant compensation, les gisements découverts par le secteur privé et non exploité après un délai déterminé. Alors si les gens veulent venir ici faire de la prospection à la tonne d'une situation économique favorable, ils viendront sûrement au Québec en comparaison aux investissements américains. À cette fin, il cherchera à diminuer l'apport américain dans les investissements étrangers et à s'assurer que ceux-ci concourent à la réalisation des objectifs économiques du Québec. Plus loin, on dit qu'on réglementera tous les investissements. Pourtant on se plaint que la FIRA ira à Ottawa et je suis d'accord avec vos plaintes là-dessus. Il existe pourtant dans votre programme et c'est une des choses clé. Mais sur la question fondamentale que j'ai posée au député, il n'a même pas pu me répondre, disant: On se servira de la monnaie américaine. C'est là la clé. De quelle monnaie...

M. Dussault: Question de privilège, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! II n'y a pas de question de privilège ici.

M. Dussault: M. le député de Nelligan me fait dire des choses que je n'ai pas dites.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Dussault: J'ai dit: M. le Président, je regarde la question. Je n'ai pas dit que pour moi elle était tranchée. Alors...

M. Lincoln: Oui, vous regardez. Bon, j'accepte, j'accepte.

M. Dussault: S'il vous plaît, M. le Président. Quand même...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Dussault: Qu'il soit honnête. Qu'il admette que j'ai dit que la question n'était pas tranchée pour moi.

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Nelligan. Vous pouvez poursuivre.

M. Dussault: ...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Tout ce que je. veux dire c'est que c'est ce qui fait que le Parti québécois est tellement vulnérable avec ses idées de chimères. Jusqu'à présent - ils disent qu'ils vont faire une élection sur l'indépendance en 1985 - c'est dans deux ans - ou 1986 - peut-être trois ans au maximum - ils sont en train de faire des colloques pour décider de quelle monnaie ils vont se servir. Sans monnaie, comment peut-on faire des investissements, comment peut-on faire des échanges, comment peut-on faire du commerce? Alors, il faut une monnaie du Québec, du Canada, américaine. Il faut que les Américains consentent à votre monnaie. Ils ont déjà dit à votre ministre du Commerce extérieur qu'ils ne veulent pas de votre marché commun. Le "State Department" lui-même l'a dit. Alors, il faudra les persuader de vous servir de leur monnaie. Et, quand vous vous servirez de leur monnaie, n'allez-vous pas être plus dépendants des Américains en vous servant plus de leur monnaie que la vôtre, la monnaie du Québec? La France, un grand pays indépendant de 55 000 000 d'habitants, a eu à dévaluer sa monnaie trois fois cette année, trois fois depuis 1982, de quelque chose comme 47% en tout, parce que la monnaie allemande, à cause de l'industrie allemande beaucoup plus forte, la domine. Cela a été le problème continuel du marché commun, et vous allez faire un marché commun avec les Américains, avec la monnaie américaine? Et, si vous avez une monnaie québécoise, même le Canada, avec une structure de 25 000 000 d'habitants et une industrie beaucoup plus variée que le Québec, ne peut même pas résister à la monnaie américaine et elle est obligée de dévaluer de 20%. Le jour où vous aurez une monnaie du Québec, les capitaux vont s'enfuir comme cela. Même M. Rodrigue

Tremblay l'admet dans son livre. Alors il faudra prendre des mesures pour empêcher la fuite des capitaux, le terrorisme économique. Je vous mets au défi...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! À l'ordre.

M. Lincoln: ...M. le député de Châteauguay et n'importe quel ministre, incluant le ministre des Finances, de me dire avant 1985, avant 1986, de façon que la population le sache, ce que vous allez faire comme politique monétaire parce que c'est là la clé des investissements, c'est la clé de tout le commerce. Sans monnaie on ne peut faire de commerce et le Parti québécois, dans votre programme de 1982, n'avez aucune réponse. Vous allez encore faire des colloques; vous ferez des colloques demain, après-demain. Vous allez lancer des idées mais le peuple, lui, veut savoir des faits. Il veut savoir ce que vous allez faire. Vous ne pouvez gueuler contre le Canada et ensuite vous associer et dire: On se sert de la monnaie. Alors vous vous servez de la monnaie québécoise et quel tarif aura cette monnaie, quel taux d'échange, comment allez-vous prévenir la fuite des capitaux, comment allez-vous faire les investissements ici au Québec avec une monnaie étrangère? Alors c'est la clé de toute l'affaire. Je vous mets au défi, M. le député de Châteauguay, si vous n'avez pas le pouvoir vous-même d'aller consulter votre Conseil des ministres, de venir nous dire en Chambre, demain ou après-demain, et au public québécois ce que vous savez de cette question. On en a assez de vos colloques et de vos chimères, que l'indépendance va tout régler quand vous ne savez même pas de quel argent on va se servir et quelle valeur il aura. Si le dollar canadien vaut 20% de moins que le dollar américain, fatalement, puisque le Québec est infime comparé au tout nord-américain, il vaudra peut-être 30% ou 40% de moins. À ce moment-là, comment allez-vous empêcher la fuite des capitaux? Comment allez-vous empêcher les gens d'investir ailleurs: à Miami, à Toronto et à Edmonton? Qu'allez-vous faire?

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Allez-vous faire un contrôle des échanges? (12 h 45)

Le Président (M. Rancourt): Pour respecter l'entente, si vous voulez conclure.

M. Lincoln: Oui, d'accord. Je suis entièrement d'accord. J'attend que le ministre me dise de quel argent il se servira.

Le Président (M. Rancourt): M. le

ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: Bon, maintenant que le député de Nelligan a fini son numéro de vaudeville, je pense qu'il faudrait répondre à des questions bien précises. En particulier, je me souviens qu'il y a trois ans on avait des grandes pancartes rouges où c'était écrit: "Pour ma prospérité, j'y suis, j'y reste". Depuis ce temps, le chômage a augmenté partout, la misère est arrivée et on nous chantait que c'était la prospérité dans tout le pays. Je pense que la marchandise n'a pas été livrée par ceux qui nous promettaient la prospérité, par ceux qui nous promettaient, dans des discours éloquents, qu'ils pourraient mettre leur tête sur le billot et leur siège en jeu si le Québec n'était pas respecté. On n'a pas entendu beaucoup de critiques de l'autre côté, sinon votre ancien chef, M. Ryan, le député d'Argenteuil, qui s'est élevé contre cela.

M. le Président, on nous a parlé de l'industrie de l'automobile. Je me dis que cela va en Ontario, c'est décidé. Le député de Nelligan, du Parti libéral dit: L'automobile, on n'en veut pas au Québec, c'est l'Ontario, c'est décidé. Mais avant qu'on en vienne à une entente canado-américaine sur le pacte de l'automobile, il y avait des décisions de prises. Déjà on a vu, à la fin des années soixante, General Motors décider d'installer une usine de montage d'automobiles au Québec. On pouvait espérer qu'avec le temps on pourrait avoir d'autres usines d'automobiles, mais le pacte de l'automobile a fait en sorte de servir exclusivement l'Ontario dans le domaine des pièces et du montage d'automobiles. C'est important de le noter parce qu'il y a des gens au Québec qui sont capables de travailler sur les pièces d'automobiles et le montage d'automobiles. On nous dit même que l'usine de GM est une des plus productives de toutes les usines de GM à travers le monde. On a des gens compétents. Les travailleurs et les travailleuses du Québec sont efficaces, dynamiques et productifs. Ce qui manque, dans le fond, est une volonté fédérale d'aider le Québec dans ce sens-là.

On nous a dit tout à l'heure que le gouvernement du Québec a nationalisé des choses. Pas grande-chose, M. le Président, si on compare ce que les libéraux ont fait à leur époque ou si on compare avec ce que le gouvernement fédéral a fait au cours des dernières années. Qu'on pense à Pétrofina où, pour une entreprise qui valait 500 000 000 $, on a payé 1 500 000 000 $, trois fois la valeur. Il y a du monde qui s'est enrichi, probablement parmi les amis du Parti libéral, mais les actions à la bourse valaient 50 $ et elles ont été payées 150 $. Je n'ai pas entendu les libéraux, de l'autre côté, critiquer leur grand-frère...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Biron: Pourtant, c'était l'argent des citoyens du Québec qu'on a gaspillé, qu'on a payé à des présumés amis, je suppose, du Parti libéral. Cela a été la même chose dans le cas de BP qu'on vient de nationaliser pour pouvoir y mettre le drapeau rouge. Eh bien! le drapeau rouge nous coûte cher. Il faut au moins se poser des questions sérieuses. Et si vous voulez être honnête, de ce côté, vous allez vous élever de temps en temps contre sa façon de voir. Canadair appartient au gouvernement fédéral et cela coûte passablement d'argent. Bien sûr, il faut maintenir une usine dans la domaine de l'aéronautique, mais vous ne me direz pas que c'est bien géré. Cela appartient au gouvernement fédéral. Même les dirigeants se demandent ce qui peut arriver d'un jour à l'autre. Ce sont des choses importantes qu'il faut au moins réaliser.

Quant aux critiques sur la langue, on a eu le droit au numéro habituel du Parti libéral. Lorsqu'on songe que les hommes d'affaires du Québec, dont les membres du Conseil du patronat - il y a des anglophones comme des francophones là-dedans considèrent en moyenne que le problème linguistique est le huitième problème, alors, arrêtez donc d'en parler, tout simplement. Je pense qu'il y a des choses qui se sont faites quant au problème linguistique. La loi 101 est là pour y rester. Les gens qui viennent de l'extérieur et qui veulent envoyer leurs enfants à l'école peuvent le faire facilement. Ils ont jusqu'à six ans. Pour la personne qui vient de l'extérieur avec une famille et qui peut envoyer son ou ses enfants à l'école anglaise pendant six ans, il y a toujours un bon bout de chemin de fait. Si, au bout de six ans, les jeunes ne peuvent comprendre le français, il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans. Mais, au moins, ils ont six ans pour le faire. C'est assez facile.

Quant au côté linguistique, vous avez touché le domaine du tourisme. On a fait une enquête aux États-Unis il y a environ un an et demi, qui nous disait que c'était payant d'être différent des autres, que les Américains étaient prêts à venir au Québec s'il y avait quelque chose de différent, s'il y avait un sens français, ils étaient prêts, même, à payer un peu plus cher pour venir au Québec. Il me semble que c'est une enquête objective qui a été faite aux États-Unis par une firme américaine. Les statistiques sont là pour prouver que les Américains aiment venir au Québec parce que c'est différent. Le fait français, au contraire, cela ne repousse pas les gens, cela

attire les gens et cela fait en sorte...

M. Lincoln: Est-ce que vous êtes prêt à le déposer...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, il n'y a pas de dépôt ici.

M. Biron: Le fait français fait en sorte que les gens de l'extérieur du Québec veulent venir au Québec pour vivre quelque chose de différent.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, si vous voulez y aller rapidement.

M. Biron: Je termine, seulement une autre note avant de conclure. Je garde mes dernières notes pour la fin, parce que je voulais parler de l'intervention de Mme la députée de Jacques-Cartier sur la recherche et le développement. J'ai trouvé que c'était une intervention très intéressante. Mais, tout à l'heure, en répondant au député de Notre-Dame-de-Grâce, je dirai quelques mots sur les questions posées par Mme la députée de Jacques-Cartier.

En terminant, je veux noter que, pour les travailleurs, ceux qui travaillent au Québec, ceux qui gagnent moins de 20 000 $ par année, c'est bon de travailler au Québec, on paie moins d'impôt au Québec que nulle part ailleurs. Cela, je pense qu'il faut le noter.

Les taxes municipales sont la moitié des taxes municipales de l'Ontario. Ce sont des avantages marqués qu'il faut dire. Il ne faut pas se gêner pour le dire, parce qu'il y a des gens qui en profitent. Si j'avais un investissement à faire dans le domaine manufacturier, je le ferais au Québec, parce que j'ai confiance dans les Québécois et les Québécoises.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Une voix: ...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, monsieur.

Conclusion M. Reed Scowen

M. Scowen: Voilà, M. le Président, à la fin de notre débat, je veux seulement rappeler que nous avions deux objectifs, ce matin, premièrement, c'était de porter à votre attention qu'il y a un affaiblissement important de notre part des investissements canadiens au Québec et de demander au ministre de nous dire, secteur par secteur, de préférence, quelles sont ses priorités industrielles pour l'avenir, pour corriger la situation. J'espère que, dans les dernières minutes qu'il lui reste, il va répondre à la question, parce que, jusqu'à maintenant, on a eu droit à deux réponses seulement.

Le député de Châteauguay a dit que le problème réside dans le fait que l'Opposition critique d'une façon déloyale le gouvernement et par conséquent crée une atmosphère de morosité ici. Il dit que c'est la faute du Parti libéral, parce qu'on critique le gouvernement. Je pense qu'il n'y a personne au Québec qui va prendre cet argument au sérieux.

Voici l'autre argument auquel on a eu droit ce matin. Je répète qu'on n'a pas entendu un seul mot du ministre quant à ses priorités industrielles pour l'avenir, pas un seul mot. On a eu droit à 90 minutes d'attaque contre le gouvernement fédéral. Ce n'est pas cela. Je veux expliquer un point une dernière fois au ministre, parce qu'il s'intéresse à l'exportation.

Je fais un parallèle avec une compagnie québécoise qui veut exporter. Si la compagnie revient chez vous, à la SDI, et dit: On a visité un client à l'extérieur du Québec qui a dit que nos prix sont trop élevés, que notre qualité n'est pas assez bonne et que notre service laisse à désirer, qu'est-ce qu'on doit faire? Parler à ces gens de vos belle brochures, de votre publicité et proposer une autre conférence pour essayer de discuter du prix et de les persuader que ce n'est pas aussi élevé que cela. On retourne chez le client à l'extérieur du Québec. Le client nous dit encore la même chose, savoir qu'il aime beaucoup nos brochures et notre publicité. Il est impressionné par la quantité du travail qu'on a fait pour prouver que nos prix ne sont pas plus élevés, mais quand même, il insiste pour dire que les prix sont trop élevés, que la qualité et le service ne sont pas bons. Qu'est-ce que vous suggéreriez à cette compagnie?

Je pense que vous lui diriez, si vous avez le moindre réalisme: II faut changer le prix, il faut améliorer la qualité et le service. C'est exactement le problème que nous avons au niveau provincial, au niveau gouvernemental ici.

Le gouvernement fait des colloques, le milieu économique donne clairement la liste des problèmes. J'ai été content d'entendre le ministre dire que la question linguistique, c'est la huitième des préoccupations du gouvernement. Il ne doit pas être très fier de cela parce que c'est la huitième et tout le monde convient que c'est important. S'il y a sept problèmes de plus qui sont même plus importants que celui de la langue, vous avez un paquet de problèmes à régler, mon cher.

M. Biron: M. le Président...

M. Scowen: ...mais par exemple...

Le Président (M. Rancourt): ...vous avez une question.

M. Biron: Pour l'information du député de Notre-Dame-de-Grâce, j'ai dit que c'était la huitième préoccupation du Conseil du patronat, du monde patronal et non du gouvernement.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: C'est ce que j'ai dit aussi. Le monde patronal croit que la question linguistique est la huitième. Je pense qu'il a probablement raison, parce qu'il y en a au moins sept autres. La langue est importante. Vous avez huit questions importantes à régler, mon cher. Vous comprenez? Ils en ont huit. C'est grave. Alors, j'ai pris cet exemple simplement pour vous expliquer que vous êtes sourd, que vous ne comprenez rien. Si vous n'acceptez pas d'écouter les gens et que vous ne réagissez pas en conséquence... Je ne sais pas combien de fois des colloques ont été tenus au cours desquels le milieu industriel - et j'ai cité le président de l'Association du meuble comme exemple -vous a dit: Réglez votre problème d'impôt. Réglez votre problème d'incertitude politique. Réglez votre problème d'incertitude minimum. Réglez votre problème de réglementation générale. Réglez celui-ci. Réglez celui-là. Vous vous retournez et vous préparez un autre programme de publicité, mais vous ne réglez pas les problèmes qui sont soulevés par le milieu.

Je termine, M. le Président, avec deux choses. Premièrement, je répète, avec l'espoir que, dans les dix minutes qui nous restent, le ministre va répondre à notre invitation de dire à la population quelles sont les priorités industrielles, sectorielles, qu'il a adoptées pour les années 1983-1984. Mais, je veux lui demander, en terminant, qu'il n'essaie pas de persuader la population du Québec que tous les maux économiques d'ici sont la faute du gouvernement fédéral. Oui, nous avons une province, une région, un pays, si vous préférez, qui n'est pas comme les autres régions du Canada. Tout le monde le sait. Mais, la démonstration qu'on a faite ce matin, c'était pour vous démontrer que, depuis toujours, les ministres de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ont été obligés de faire face à un autre gouvernement. Et le gouvernement fédéral est lent et lourd, la population en convient. Elle sait aussi, cependant, que, dans tous les gouvernements, c'est difficile, long, bureaucratique.

Je pense, M. le ministre, que si vous demandez à la population qui est obligée de communiquer avec la Régie du loyer, le ministère du Revenu, d'attendre vos décisions sur un paquet de choses sur lesquelles vous avez tenu des colloques depuis des années, et sur lesquelles vous n'avez pas pris de décision, dirait: Écoutez, oui, le gouvernement fédéral est lent, mais le gouvernement du Québec n'est pas beaucoup plus rapide. Et, si vous pensez que la population serait prête à mettre tout son avenir économique dans les mains de Rodrigue Biron, je pense que vous vous trompez royalement. Les gens, en général, sont satisfaits de ce système de deux gouvernements. Ils l'ont depuis longtemps. On a démontré ce matin que, de 1970 à 1976, ce même Guy Saint-Pierre que je connais très bien, a manifesté très souvent son découragement devant la lenteur du processus de négociation avec le fédéral. En même temps, il était obligé d'écouter les hommes d'affaires qui disaient que le gouvernement provincial n'agissait pas très très vite non plus. C'est dans la nature des choses.

Ce même Guy Saint-Pierre et les autres ministres de l'Industrie et du Commerce de l'époque avaient réussi à persuader les investisseurs du secteur privé de dépenser au moins 25% en investissement de leur capital ici. Je n'ai pas l'intention de revenir aux chiffres. Pour ceux qui ne me croient pas, je leur demande simplement d'aller faire un tour en Ontario et de regarder les nouvelles usines du meuble, du vêtement, de la chaussure, des scieries, les usines des pâtes et papier, les usines dans l'électronique, enfin, toutes ces usines qui s'installent en Ontario, qu'on ne voit pas parce qu'elles ne sont pas installées ici, mais qui contribuent à l'affaiblissement de notre part de l'économie canadienne. La conséquence, c'est que les gens qui travaillent dans ces usines le font de plus en plus à l'extérieur et nous, les Québécois, sommes condamnés à acheter les produits fabriqués au Canada, mais pas au Québec. Avec un autre genre de politique - que j'attends encore - on les aurait peut-être fabriqués ici, par nous et pour nous.

Alors, si votre réponse, M. le ministre, en terminant, est que vous ne pouvez rien faire pour développer l'économie du Québec, à l'intérieur de notre système fédéral, je propose que vous démissionniez et que vous laissiez le job à un autre groupe de politiciens, d'hommes politiques, à une autre formation politique qui est prête à prendre la relève. Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du

Tourisme.

(13 heures)

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce en a fini avec les chiffres qu'il a donnés ce matin. Mais au cours des dernières années, si on la compare

à l'Ontario - et personne n'est satisfait, on veut toujours faire mieux, on veut toujours faire plus, il ne faut jamais se satisfaire de ce qu'on a, il faut exiger plus - la performance du Québec fait qu'on a une plus grande part des investissements canadiens. Notre part augmente, alors que la part de l'Ontario diminue. C'est grâce au dynamisme des gens d'affaires du Québec. Je veux leur rendre hommage. Je ne veux pas dire, comme le député de Notre-Dame-de-Grâce, que les gens d'affaires n'ont pas fait leur bout de chemin, au contraire. Ils ont fait un effort énorme, malgré la crise économique et la crise des taux d'intérêt élevés qu'on a dû traverser.

Sur une question bien spécifique des secteurs d'activité que le gouvernement du Québec va privilégier, je voudrais tout simplement me référer à un article du journal La Presse, du 30 avril dernier, qui comparait Calgary à un "gros Schefferville". Cet article comparait le Québec et l'Alberta. Qui a l'économie la plus saine? M. Dubuc disait: "Un Québécois n'en croira pas ses oreilles si on lui dit que l'économie québécoise est plus saine que celle de l'Alberta." C'est pourtant cela qu'Alain Dubuc nous dit. "Malgré ses faiblesses et ses faillites, le Québec dispose d'une base industrielle diversifiée. On y fabrique à peu près de tout, ce qui permet de résister aux chocs les plus profonds qui peuvent survenir. À l'inverse, l'économie albertaine en est une de ressources naturelles, l'agriculture et surtout le pétrole, ce qui la rend profondément vulnérable à tout choc extérieur, un peu comme un pays en voie de développement dont la survie dépend des cours mondiaux d'une denrée quelconque."

M. Dubuc nous dit que l'économie québécoise est meilleure que l'économie de l'Alberta. Elle est beaucoup plus diversifiée. Elle se tient plus. Lorsqu'on parle de taux de chômage, il est sûr qu'on regarde ailleurs de temps à autre. Quand on songe au taux de chômage à l'heure actuelle dans la ville de Calgary - on nous a dit que des gens s'en allaient dans l'Ouest - il est de 14,9%, celui d'Edmonton est de 13,7%. C'est énorme - je ne me réjouis pas de leur taux de chômage -si on se compare avec ce qui se fait là-bas présentement. Ce n'est pas drôle non plus en Alberta. Malgré cela, le Québec a réussi, à la force du poignet, à force de travail, à cause du dynamisme des gens d'affaires et des travailleurs qui veulent faire un effort dans ce sens-là, à développer un peu le Québec et à reprendre le terrain perdu sur les autres provinces au cours des années antérieures.

Cela veut dire que les secteurs que nous voulons privilégier... Nous ne voulons mettre de côté aucun secteur. Lorsque le gouvernement fédéral nous dit qu'il faut que l'industrie du vêtement disparaisse, et celle de la chaussure, nous disons non. Il faut au contraire les conserver, mais moderniser les entreprises, les usines qui fabriquent ces produits. Cela ne veut pas dire qu'on doit envoyer les gens qui ont travaillé dans l'industrie du vêtement durant toute leur vie dans l'électronique et la biotechnologie. Ils vont être mêlés, et avec raison. Il faut garder ces gens-là dans des usines où ils peuvent travailler avec la formation qu'ils ont, en développant nos usines.

Je retiens l'intervention de Mme la députée de Jacques-Cartier. J'ai d'ailleurs beaucoup apprécié cette intervention, sauf le petit bout sur la langue. Quant au reste, cela était correct. Mme la députée de Jacques-Cartier nous a beaucoup parlé de recherche et de développement. Vous avez raison, Mme la députée de Jacques-Cartier. Il faut, si on veut faire de l'innovation, deux choses importantes: des idées et de l'argent. Je pense qu'on a des idées au Québec. Il y a plusieurs Bombardier au Québec, un peu partout. Il y a aussi beaucoup d'argent, mais on ne réussit pas à mettre les idées avec l'argent. C'est cela qui est le plus compliqué. Notre argent est sous forme d'épargne. Nos Québécois, à cause de notre tradition, sont habitués à économiser notre argent au lieu de s'en servir pour le développement et la transformation des matières premières. Ce qu'on a fait au cours des dernières années, on a mis en marche des programmes de recherche et de développement, particulièrement avec la Société de développement industriel, par lesquels on veut aider des entreprises qui veulent développer des idées, innover. Bien sûr, on n'est pas capable de prendre tout le risque, et il ne serait pas normal que le gouvernement seul le prenne. Je crois qu'il faut que ce soit l'entrepreneur, l'individu ou l'entreprise qui prenne un bout de risque et nous, on va y donner le petit coup de pouce nécessaire. Exemple, Vidacom. Tout le monde sait que c'est une entreprise, avec Vidéotron, où on va investir 25 000 000 $ et créer environ 300 ou 400 emplois. C'est sûr que c'était un risque, l'idée était là, le développement technologique était là, mais il manquait d'argent. Le gouvernement du Québec a assuré des prêts garantis à l'entreprise, plus de petites subventions comme d'ailleurs le gouvernement fédéral l'a fait dans ce cas précis et, finalement, on va réussir à attacher tous les morceaux et se mettre en marche dans une industrie de très haute technologie. Depuis qu'on a annoncé notre programme, cela ne fait même pas six mois, cela fait cinq mois, on a déjà 40 demandes d'entrées à la Société de développement industriel pour une aide quelconque par ces programmes de recherche et de développement. C'est la première chose. Donc, donner un petit coup de pouce nécessaire et encourager les gens qui ont des

idées en essayant de mettre en contact les idées et l'argent sans prendre trop de l'argent des gens. Je crois qu'on est mieux de miser sur des chevaux gagnants, comme on dit souvent dans notre métier, donc de garantir de l'argent à ces gens en disant: Passe à travers et vas-y. Prendre le risque sur le dessus.

Vous avez parlé aussi de "débureaucratiser" et de déréglementer; on est d'accord avec vous sur ce sujet. À plusieurs reprises, on en a parlé. Il y a des choses qui se font au gouvernement du Québec présentement; c'est difficile, tout de même, de passer à travers tous ces règlements qui existent. Je vous donne juste une idée à ce sujet de ce qu'on peut faire quand on fouille. J'ai un règlement, concernant les établissements hôteliers, qui comprend 250 articles. On est en train de le terminer, il va en rester 50. Dans le fond, c'étaient des choses qu'il fallait voir. On va s'entendre sur ceci. Il y a des actions précises qui se font, peut-être pas encore assez rapidement. On est tous d'accord qu'il faut aller plus rapidement, mais au moins donner l'occasion aux gens de se contrôler jusqu'à un certain point, parce que si on les contrôle trop on empêche tout le monde de prospérer et d'avoir des idées.

La compétence des ressources humaines, vous l'avez mentionnée, Mme la députée de Jacques-Cartier. Vous avez raison qu'il faut former des gens. De plus en plus d'ailleurs dans les cégeps, les écoles, les universités, on veut former des gens. On a un programmes d'ordinateurs dans les écoles, ce n'est pas seulement pour mettre une petite bebelle. C'est pour former des gens afin qu'ils apprennent à travailler selon les méthodes les plus modernes qui existent au monde, mais qu'ils apprennent à travailler très jeunes selon ces méthodes, pour qu'ils puissent arriver finalement dans les entreprises et avoir une formation conformément à ce qu'on exige dans l'entreprise. Une relation beaucoup plus intense entre l'école et le travail, on est tous d'accord sur cela. On a déjà commencé à passer à l'action. Il reste encore d'autres étapes à franchir mais il faut les franchir. Le marketing, l'exportation, la gestion et le financement des entreprises, cela a fait partie de nos préoccupations, mais cette année, en particulier, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je dis qu'on veut aider les entreprises dynamiques et efficaces. On ne veut pas aider des entreprises qui sont vouées à la faillite ou qui gardent encore des anciens sytèmes, mais toutes les entreprises efficaces qui ont une chance de déboucher sur l'avenir et créer davantage d'emplois au Québec. On veut s'attacher à ces gens et essayer de les aider.

Mais une des fonctions faibles de l'entreprise à l'heure actuelle, et je pense que vous avez assez d'expérience pour le savoir, c'est la structure financière. Or au cours des prochains mois pour nous au MIC, c'est notre priorité pour l'année, voir ce qu'on peut faire pour transférer une partie des sommes d'argent qui sont en épargne, tout en laissant une garantie à ces gens-là, bien sûr, en capital-actions pour pouvoir faire en sorte que l'entreprise soit plus dynamique ou transférer cela en prêts à long terme. Malheureusement nos entreprises empruntent sur marges de crédit à très court terme et en période difficile. Quand on tire la "plug" tout ferme. Je pense qu'il faut faire en sorte de donner une liquidité financière à l'entreprise.

Finalement, M. le Président, et je termine avec un climat de confiance qu'il faut... Les gens d'affaires, d'ailleurs, reprennent confiance dans leur capacité de produire mais il ne faudrait pas avoir une attitude que je vois malheureusement trop souvent chez le Parti libéral. Dans le fond, c'est une attitude qui est nocive au développement économique. Il ne faut pas se promener partout et dire: Ne venez pas au Québec, c'est mauvais au Québec, tout va mal au Québec. J'entends trop souvent de ces gens dire cela et je pense qu'il faut dire: II y a des choses à améliorer à Québec, le Québec est le meilleur endroit au monde pour investir.

Bien sûr on est tous d'accord qu'il y a des choses à améliorer des deux côtés de l'Assemblée nationale du Québec mais, à compter de maintenant, il faut avoir un climat de confiance en nous-mêmes, mettre de côté l'incertitude et l'inquiétude qu'on sème malheureusement, trop souvent à tous vents et dire aux gens qui viennent de l'extérieur: Venez au Québec, vous serez les bienvenus. Le gouvernement du Québec dit cela constamment: Venez au Québec, vous serez les bienvenus, nous allons faire tous les efforts nécessaires pour bien aménager votre venue au Québec, pour bien aménager l'avenir et, ensemble, on pourra développer ce Québec, ensemble on pourra aider davantage l'entreprise et ensemble on pourra créer plus d'emplois pour les hommes et les femmes du Québec qui veulent y travailler.

Le Président (M. Rancourt): La commission...

M. Scowen: S'il vous plaît, juste...

Le Président (M. Rancourt): Le temps est écoulé.

M. Scowen: Non, je sais, ce n'est pas une question de règlement. Je veux simplement... Je demande le vote.

Le Président (M. Rancourt): II n'y a pas de vote comme je l'ai déjà indiqué. Je veux

faire connaître que la commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme a maintenant accompli le mandat qui lui a été confié et elle est ajournée sine die.

(Fin de la séance à 13 h 10)

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