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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 12 mai 1983 - Vol. 27 N° 49

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission, qui est d'étudier les crédits budgétaires du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Les membres de cette commission sont: M. Biron (Lotbinière), M. Champagne (Mille-Îles), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Dubois (Huntingdon), M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lavigne (Beauharnois), M. Lincoln (Nelligan), M. Maciocia (Viger), M. Payne (Vachon), M. Tremblay (Chambly).

Les intervenants sont: M. Beaumier (Nicolet), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blais (Terrebonne), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Fortier (Outremont), M. Mailloux (Charlevoix), M. Rocheleau (Hull).

L'entente entre les leaders, tant de l'Opposition que du gouvernement, prévoit que nous utiliserons une quinzaine d'heures pour étudier les crédits de ce ministère. À la fois, les représentants de l'Opposition et M. le ministre ont convenu que nous allions adopter les programmes en bloc à la fin de nos délibérations et que nous procéderions donc à des questions qui peuvent toucher n'importe quel des programmes en cause.

Je vais maintenant demander à la commission de désigner un rapporteur qui fera effectivement rapport à l'Assemblée nationale. Est-ce qu'il y a des propositions?

M. Dussault: M. le Président, on pourrait demander à M. Champagne de jouer le râle de rapporteur.

Le Président (M. Blouin): Alors, M.

Champagne, député de Mille-Îles, sera le rapporteur de cette commission. Sur ce, je vais céder la parole au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui nous livrera ses remarques préliminaires. M. le ministre.

Exposés préliminaires M. Rodrigue Biron

M. Biron: Je crois que je vais faire un tour d'horizon un peu de ce qu'on a fait l'an dernier et de ce qu'on se propose de faire cette année. Bien sûr, je pense bien que les représentants de l'Opposition voudront, eux aussi, faire leurs commentaires généraux et, après cela, on pourra échanger ou répondre aux questions précises de chacun des membres de la commission.

L'an dernier, j'étais heureux de voir le budget du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme augmenté. Je suis encore heureux cette année. Il semble que le gouvernement du Québec, encore une fois, a voulu conserver une part importante des sommes d'argent de transferts aux entreprises. Ces transferts ne visent pas à remplacer l'entreprise, mais tout simplement à lui donner le petit coup de pouce nécessaire pour réussir de grandes choses. Au cours des deux dernières années et de la dernière année en particulier, je me souviens qu'on a parlé beaucoup d'exportation, des nouveaux programmes à l'exportation. Cela a été mis en marche au cours de l'année. Le gouvernement a, d'ailleurs, nommé un ministre à temps plein pour s'occuper du commerce extérieur. Ces nombreux programmes ont répondu à la demande des entreprises québécoises. La même chose pour les programmes mis en marche au cours de l'an dernier, mais qui vont rapporter pleinement cette année.

Je note, en passant, que tous les nouveaux programmes de transfert d'argent aux entreprises, c'est-à-dire d'aide aux entreprises de quelque forme que ce soit, ont été conçus, ont été préparés après de longues discussions avec les milieux concernés; que ce soit le programme d'urgence d'aide au financement du fonds de roulement des entreprises où il y a eu de nombreuses discussions avec les chefs d'entreprises et avec les institutions financières; que ce soit le programme de recherche et de développement, d'aide à l'industrie de l'électronique où il y a eu beaucoup de discussions avec les entreprises qui font de la recherche et du développement; que ce soit les programmes d'aide à l'exportation où, là aussi, on a eu de nombreuses discussions; que ce soit les programmes de développement de crédit touristique qu'on apporte cette année, car là aussi, M. le Président, il y a eu de nombreuses discussions avec les principaux intervenants de ce secteur. Pour nous, le gouvernement et le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme en particulier sont au service des entreprises et doivent

orienter leurs programmes et leurs actions en fonction des besoins des entreprises et non en fonction de leur vision personnelle du développement économique. C'est dans ce sens qu'on a toujours voulu être en relation constante avec ceux et celles qui, dans le monde économique, prennent des décisions et investissent dans l'avenir et dans le développement économique du Québec.

Plus particulièrement cette année, nos objectifs, bien sûr, sont de continuer les programmes qui sont déjà en marche à l'exportation - mon collègue du Commerce extérieur en parlera lui-même - qui sont administrés financièrement par la Société de développement industriel du Québec. Et les programmes de recherche et de développement: le développement de l'industrie de l'électronique par une aide accrue à la fabrication des ordinateurs pour les écoles, en particulier. On a vu dans le dernier budget hier - je ne veux pas reprendre le discours sur le budget de mon collègue, le ministre des Finances comment, pour nous, sont importants la recherche et le développement. Et, dans ce sens-là, en plus des programmes réguliers de la SDI, il y a un crédit d'impôt qui est maintenant instauré pour favoriser un plus haut volume de recherche et de développement à portée industrielle et scientifique au Québec. Lorsqu'on songe qu'avec le nouveau budget on nous annonce que 10% des salaires versés au Québec, dans le cadre des dépenses de recherche et de développement, seront remboursés par le gouvernement du Québec sous forme d'impôt négatif, je pense que c'est excellent. Cela veut dire que des dizaines de millions de dollars seront mis en circulation pour faire de la recherche et du développement dans les entreprises québécoises. Je pense que c'est le départ, dans le fond, de la production de pièces ou de morceaux d'équipement.

Le deuxième point, la deuxième action bien précise pour cette année, c'est le financement des entreprises. Et c'est là-dessus, en particulier, que je voudrais m'arrêter un peu plus longtemps. Je sais que mes collègues de l'Opposition et du parti gouvernemental s'intéressent beaucoup au financement des entreprises. Là-dessus, je dois dire, sans blâmer nos prédécesseurs ou nos ancêtres, que c'est un peu partie de la culture francophone québécoise; on a beaucoup d'entreprises qui sont sous-capitalisées. Cette culture faisait en sorte que, dans le fond, on soit un peu renfermés sur la famille. Au niveau des entreprises, on en voit dans tout le Québec qui sont la propriété d'une famille. Le père de famille avec ses enfants lance une entreprise, la développe lui-même à force de travail et d'un travail inlassable, mais, souvent, il manque de fonds de roulement, il manque de capital de risque pour développer véritablement d'une façon sûre son entreprise.

Lorsque les taux d'intérêt ne sont pas trop élevés, lorsque la conjoncture est bonne, il peut emprunter sur marge de crédit et fonctionner pendant de longues années. Mais lorsqu'on traverse des années difficiles, comme au cours des dernières années, où la conjoncture a été terrible - cela a été la pire crise économique qu'on ait vécue depuis 50 ans - avec des taux d'intérêt très élevés, ces gens qui sont financés à court terme par marge de crédit doivent payer des sommes astronomiques pour le financement de leur entreprise. Lorsque cela se resserre un peu, lorsque les ventes diminuent, comme on le dit dans le jargon du milieu, la banque tire la "plug" et l'entreprise disparaît.

Alors, on a voulu s'attaquer déjà l'an dernier d'une façon conjoncturelle, mais cette année d'une façon structurelle, au financement des entreprises. On a eu d'une façon conjoncturelle, l'an dernier, le plan d'urgence d'aide au fonds de roulement des entreprises qui y a consacré au-delà de 125 000 000 $; aujourd'hui, au moment où on se parle, on a déjà au-delà de 150 000 000 $ en circulation. Cela n'a pas coûté cher au gouvernement du Québec. L'an dernier, cela a coûté à peu près 1 000 000 $ pour mettre 125 000 000 $ en circulation, parce qu'on a gagé sur les entreprises. On n'a pas choisi des entreprises en faillite; on a choisi de bonnes entreprises manufacturières qui étaient rentables, dynamiques, bien gérées autrefois, mais qui, à cause de la crise économique, à cause d'une sous-capitalisation, ne réussissaient pas à passer à travers la crise.

On a dit à ces entreprises: Vous allez vous présenter à votre institution financière, demander un prêt pour votre fonds de roulement, un prêt à long terme ou à moyen terme, un prêt de 5 ans, sur lequel vous ne rembourserez pas de capital la première année. Vous paierez une partie des intérêts et le capital sera remboursé la deuxième, troisième, quatrième et cinquième année. L'entreprise se présentait et nous donnions une garantie de prêt sur les deux tiers, 66% de garantie sur la somme empruntée. Une entreprise qui avait besoin de 300 000 $ empruntait 300 000 $; le gouvernement du Québec, si cette entreprise y était admissible à cause de ses bonnes performances du passé, garantissait 200 000 $. Donc, la banque devait prendre un risque de 100 000 $ ou obtenir des garanties du chef d'entreprise pour 100 000 $ et lui prêter les 300 000 $ de capital à peu de risque, dans le fond, avec les engagements du gouvernement du Québec.

En plus de cela, nous avons pris en main 75% de l'excédent de 10% du taux d'intérêt, ce qui veut dire que, l'an dernier,

même en période où le taux d'intérêt au départ était autour de 18%, le chef d'entreprise payait 12% et nous payions 6%. À l'heure actuelle, les entreprises peuvent emprunter à environ 13% ou 14%. Alors, il en coûte 11% au chef d'entreprise et 3% au gouvernement du Québec. C'est un programme qui a coûté très peu d'argent au Québec, mais qui a aidé à protéger au-delà de 25 000 emplois au Québec au moment où l'on se parle. C'est un programme qui a fait en sorte que des entreprises ont pris de l'expansion maintenant, ont acquis une confiance dans l'avenir et une confiance dans leur capacité de passer à travers des temps économiques difficiles. C'est l'action conjoncturelle qu'on a faite l'an dernier et ce programme continue cette année jusqu'au 31 mars 1984. Cela veut dire qu'on va agir à court terme pour aider le financement des entreprises.

Maintenant, on ne peut pas, non plus, se fier tout simplement à des programmes conjoncturels; il faut véritablement changer la structure et faire évoluer, en quelque sorte, la mentalité des entrepreneurs québécois afin de mieux financer leur entreprise. On va me dire qu'ailleurs dans le monde ou en Ontario, en particulier, on a beaucoup de PME. On en a beaucoup au Québec aussi. La seule différence est que nos PME manufacturières sont deux fois moins capitalisées que les PME manufacturières de l'Ontario et je ne blâme personne à cause de nos traditions. Dans le fond, il faut mieux capitaliser, mieux financer nos entreprises manufacturières pour leur donner la structure financière nécessaire pour passer à travers des temps économiques difficiles ou des temps économiques où la concurrence est très forte avec les autres pays dans le monde.

J'étais heureux du discours sur le budget de mon collègue, M. Parizeau, le ministre des Finances, à ce sujet parce qu'il a parlé beaucoup de capitalisation des entreprises. On veut mettre en marche, justement, un programme qui changera la structure financière de nos PME québécoises. En plus du plan d'urgence, du plan d'aide au fonds de roulement des entreprises, nous aurons maintenant un nouveau programme qui incitera les entreprises québécoises à se financer sur des marchés publics, donc à être cotées en Bourse. Cela coûte de l'argent, cela fait peur au monde au départ et il faut vraiment l'intervention, le petit coup de pouce de la collectivité québécoise, du gouvernement du Québec.

Dans ce sens-là, parmi les annonces qui ont été faites par mon collègue, le ministre des Finances, la première est l'étude de faisabilité. Est-ce que c'est faisable d'inscrire à la Bourse une entreprise donnée? Le chef d'entreprise hésite toujours à dépenser de l'argent pour faire cette étude.

Nous avons dit: Très bien, comme première étape, nous allons payer 50% des frais de l'étude de faisabilité, jusqu'à concurrence de 10 000 $. On estime qu'une étude comme celle-là, après en avoir discuté avec les gens des institutions financières et les gens de la Bourse, coûte environ 20 000 $ pour avoir une idée si c'est réalisable ou pas d'inscrire une entreprise à la Bourse. On paye donc 50% de la première étude. Le chef d'entreprise doit prendre un risque. Jamais nous n'irons à 100%; il faut que le chef d'entreprise aussi prenne un risque.

Une fois que l'étude a prouvé que c'est faisable, on franchit la deuxième étape. On dit au chef d'entreprise: Maintenant que c'est faisable, tu vas te trouver un courtier, tu vas faire inscrire tes titres à la Bourse. Cela coûte très cher d'inscrire une entreprise à la Bourse. Pour une grande entreprise, vous devez assumer un coût de 200 000 $ ou 300 000 $ sur un investissement de millions et de dizaines de millions de dollars. Ce n'est pas si mal, mais pour une petite entreprise, une entreprise de taille moyenne qui a 1 000 000 $, 2 000 000 $ d'émissions, cela coûte très cher. On a donc dit que, sur le coût de la première émission d'une entreprise, on paierait jusqu'à 75% des premiers 200 000 $ admissibles, souscrits et payés d'une première tranche d'émission publique. On va payer 50% entre 200 000 $ et 400 000 $, et 25% au-dessus. Cela veut dire qu'on peut donner quelques centaines de milliers de dollars pour aider l'entreprise à s'inscrire à la Bourse, pour que ses titres soient échangeables par des investisseurs. Je pense que c'est important d'aider l'entreprise à aller dans ce sens-là, parce que cela aussi bloquait l'entreprise, cela l'empêchait d'être cotée en Bourse.

Maintenant, il faut continuer, parce qu'une fois que l'entreprise est cotée en Bourse, vous comprendrez qu'il ne suffit pas qu'elle soit cotée, il faut véritablement qu'il y ait échange sur les titres. On a amélioré le régime d'épargne-actions qui fait que l'investisseur québécois qui veut investir maintenant dans une entreprise en voie de développement, donc une moyenne entreprise québécoise - on va oublier les petites, il sera difficile d'aller là - une entreprise qui a moins de 25 000 000 $ d'actifs au total à son bilan pourra bénéficier d'une déduction fiscale de son régime d'épargne-actions jusqu'à 20 000 $ de son investissement pour une année. Il pourra déduire de son revenu 150% de son investissement, donc 150% de 20 000 $.

Pour les hauts salariés, ceux qui se plaignent de payer des impôts trop élevés, voilà une façon d'avoir un abri fiscal qui les aidera considérablement et qui replacera leur impôt à un niveau même plus bas que les impôts de l'Ontario. Lorsqu'on songe que, pour 20 000 $ investis dans une moyenne

entreprise manufacturière québécoise, le gouvernement du Québec donnera une déduction fiscale d'à peu près 10 000 $, pour les hauts salariés, cela veut dire que le coût réel pour l'investisseur québécois, pour le citoyen québécois n'est que de 10 000 $ pour 20 000 $ d'actions achetées dans une moyenne entreprise québécoise. On voit la volonté du gouvernement de changer la structure financière de nos entreprises manufacturières.

Ensuite, le plafond, cette année, du régime d'épargne-actions est augmenté de 15 000 $ à 20 000 $. Cela encourage les gens à investir dans ce genre d'entreprises. En plus de cela, il y a aussi un changement important pour encourager les investisseurs, ceux qui ont un peu d'argent à placer dans ces entreprises-là. Autrefois, le régime d'épargne-actions était compté sur le revenu gagné, donc sur le salaire, alors que, maintenant, c'est sur le revenu total. On sait qu'il y a des investisseurs qui n'ont pas beaucoup de salaire, mais qui ont des revenus d'intérêts, de dividendes un peu partout et qui ne pouvaient pas profiter du régime d'épargne-actions, donc qui n'investissaient pas dans des entreprises québécoises. À compter de cette année, ils vont pouvoir investir dans ce genre d'entreprises. Ils pourront déduire une partie de leurs investissements des impôts à payer au gouvernement du Québec. (10 h 30)

Finalement, pour ne pas trop compliquer la vie des investisseurs québécois dans ce domaine, le gouvernement du Québec a décidé que ces gains en capitaux réalisés selon les titres inscrits dans un régime fédéral qu'on appelle le RPTI, seront exemptés d'impôt. Or, les profits de capital que vous allez faire sur des entreprises québécoises seront exemptés d'impôts à condition que cette entreprise soit enregistrée selon le régime fédéral RPTI. Voilà qui prouve que cette année en tout cas, c'est une des grandes priorités du gouvernement du Québec et du MICT de changer la structure financière des entreprises québécoises.

Je sais que mon collègue, le député de Nelligan, qui a de l'expérience dans ce secteur, appréciera les actions que nous prenons. Pour l'assurer aussi qu'on a vraiment fait le tour de tout le dossier, mon collègue me dira peut-être que le marché secondaire sera difficile sur des titres de moyennes entreprises québécoises. C'est exact. Lorsqu'il n'y a pas des millions et des millions d'actions en circulation, c'est plus difficile. C'est pour cela qu'on a accepté cette année, après une demande des gens de la Bourse de Montréal, de changer le régime fiscal des mainteneurs de marchés, de ceux qui sont continuellement sur le parquet de la Bourse et qui pourraient maintenir un marché sur ces moyennes entreprises. S'il n'y a pas un régime fiscal amélioré pour les mainteneurs de marché, c'est sûr qu'on ne garantit pas le marché secondaire, mais si on peut améliorer le régime fiscal pour ces gens qui sont obligés de payer de l'impôt au fur et à mesure qu'ils peuvent faire un profit et qui ne sont pas considérés comme des entreprises jusqu'à maintenant, c'est sûr qu'on accélérera et qu'on assurera surtout un marché ferme et soutenu pour les titres de moyennes entreprises québécoises.

C'est dans ce sens-là que mon collègue, le ministre des Finances, encore une fois, dans son discours sur le budget, même si la mécanique n'est pas terminée, a annoncé que le régime fiscal pour les mainteneurs de marché serait changé et que les modalités seraient annoncées après que nous aurons eu des discussions plus approfondies avec les gens de la Bourse de Montréal. Nous voulons donc travailler en collaboration avec les gens de la Bourse de Montréal et faire en sorte que le marché financier de Montréal devienne un marché très important pour le financement des entreprises manufacturières québécoises. C'est notre première priorité dans le cours de l'année. Je pense que cela durera pendant un certain temps parce que changer toute la structure financière des entreprises, c'est important.

D'autre part, je me rappelle qu'il y a maintenant sept ans un de mes prédécesseurs, M. Guy Saint-Pierre, qui était ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, avait présenté un projet de loi pour créer les SODEQ, en faire de petites banques d'affaires qui pourraient investir dans les entreprises manufacturières québécoises. Bien sûr, les SODEQ n'ont pas connu le succès que M. Saint-Pierre voulait à l'époque, pour toutes sortes de raisons; possiblement parce que c'était nouveau et qu'avant d'ajuster nos expériences, avant de trouver les gens ayant la complémentarité nécessaire dans les connaissances des différentes structures des différents secteurs industriels, cela prend du temps. Cela aussi, cela fait partie de nos préoccupations. Je n'ai pas de réponse précise aujourd'hui sur l'évolution de ces banques d'affaires, mais c'est sûr qu'il faut retourner aux sources de temps à autre. Cette idée de M. Saint-Pierre devra être réévaluée dans le cours de l'année, mais on devra faire en sorte que les parlementaires à l'Assemblée nationale se penchent d'une façon sérieuse sur les capitaux de risque qui pourront être investis dans des PME manufacturières à travers des banques d'affaires du genre des SODEQ ou d'autres banques d'affaires du même genre.

Une autre priorité pour l'année et qui ne coûtera pas tellement cher, non plus, au gouvernement du Québec, c'est la sous-traitance. On s'est toujours préoccupé de la présence au Québec d'une foule de PME

manufacturières. D'une façon professionnelle - encore une fois, je ne blâme aucun de me prédécesseurs - au cours des 20, 30, 40 dernières années, on ne s'est peut-être pas assez préoccupé des retombées secondaires de la présence sur le territoire québécois de grandes firmes multinationales. Je pense à GM, à Eaton, à Simpsons, à La Baie, à Kenworth, à des grandes entreprises comme celles-là qui sont capables de donner beaucoup de sous-traitance à des PME manufacturières. D'autant plus que l'évolution du commerce et de l'industrie fait en sorte que ces grandes firmes veulent tenir de moins en moins d'inventaires, donc, cherchent des sources d'approvisionnement qui sont tout près de leur centre de décision. Surtout leur centre de décision québécois, c'est important pour nous.

Un magasin comme La Baie achète à partir de Montréal, un centre de décision, pour 1 000 000 000 $, pas nécessairement au Québec, mais possiblement partout à travers le monde. Nos discussions avec eux font en sorte qu'ils sont intéressés à trouver des sources d'approvisionnement encore plus nombreuses dans l'agglomération montréalaise pour pouvoir baisser leur niveau d'inventaire. S'ils peuvent baisser leur niveau d'inventaire d'une semaine, c'est une économie considérable. Des gens comme ceux de GM veulent maintenant avoir une journée d'inventaire seulement en entrepôt à Sainte-Thérèse. Cela veut dire que, chaque jour, ils achètent pour 5 000 000 $ de produits. S'ils peuvent trouver des sources québécoises, bien sûr, cela aidera le développement économique du Québec.

Nous, on veut créer de solides réseaux de sous-traitance entre la grande entreprise, d'une part, et la PME, d'autre part. Il y a deux salons de sous-traitance que nous organisons au cours de l'année. Un qui revêt une forme particulière vis-à-vis de l'épuration de l'air et de l'eau où, au cours des prochaines années, il se dépensera énormément d'argent au Québec en particulier. Tout près de 5 000 000 000 $ seront dépensés au cours des dix prochaines années dans ce secteur. Il faut vraiment être présent. Il faut être présent dans les bureaux d'ingénieurs-conseils. Il faut être présent dans les entreprises. Il faut leur permettre d'acheter des licences de fabrication de technologie étrangère, un peu comme l'a fait Bombardier. Nous voulons développer ces réseaux de sous-traitance et en faire une activité très positive au cours de l'année 1983-1984.

C'est la même chose vis-à-vis de la sous-traitance des pièces de transport en particulier. Au Palais des congrès, les 15 et 16 juin prochains, il y aura un salon de sous-traitance dans le secteur industriel des transports. On a tout simplement voulu inviter les grandes firmes à être là. General

Motors, Bombardier, Kenworth, Prévost Car et Renault ont accepté. Ce sont des firmes qui oeuvrent au Québec et qui ont accepté d'être présentes pour enseigner à nos PME ce qu'elles veulent acheter d'elles et, surtout, pour discuter de la qualité des produits. Dans ce domaine, aussi, si on veut faire de la sous-traitance avec des grandes firmes, on a besoin d'améliorer la qualité de nos produits, on a besoin d'avoir des technologies nouvelles. On discutera de cela au cours de ces salons afin d'encourager de plus en plus de PME à profiter de la présence au Québec de grandes firmes.

C'est la même chose en ce qui concerne les grandes firmes de commerce. J'en ai rencontré plusieurs jusqu'à maintenant et je me réjouis de l'excellente collaboration des dirigeants de ces grandes firmes qui oeuvrent au Québec. On m'a promis toute la participation nécessaire afin de faire en sorte que ces grandes firmes puissent encore mieux aménager leur présence au Québec et faire profiter davantage de PME québécoises de leur capacité d'achat.

Dans ce sens, je voudrais que le MICT, au cours de l'année et après, joue pleinement son rôle de carrefour entre la grande entreprise et la PME. Je pense qu'on est capable de réussir à ne pas ignorer un marché de toute première importance pour le Québec.

Bien sûr, M. le Président, il y a d'autres programmes qu'on a mis en marche l'an dernier qui continueront cette année. Je pense, en particulier, au programme UNI-PME qui avait été oublié pendant quelques années, mais qu'on a remis en marche l'an dernier, qui a eu un succès extraordinaire. Il fait en sorte d'intégrer l'école au travail. On prend des jeunes diplômés de cégep ou d'université dans des sciences de génie ou d'administration et nous payons 50% de leur salaire de la première année s'ils travaillent dans une PME manufacturière de moins de 200 employés. Ce qu'on fait, dans le fond, c'est qu'on prend des jeunes qui ont appris la technique, qui ont appris la théorie à l'université, on les met au niveau des PME québécoises qui n'ont pas le moyen, habituellement, d'en engager ou qui ne songent pas à en engager et on dit: Nous allons vous aider à apprendre la pratique, ce qui se passe dans le vrai monde industriel du Québec et particulièrment dans les PME. On constate, dans le fond, qu'après un an les entreprises manufacturières décident de garder ce diplômé et font ensuite appel à un deuxième diplômé, parce que, pour elles, c'est important d'avoir une technologie nouvelle, une théorie et des connaissances de gestion que, souvent, nos gens n'ont malheureusement pas apprises. C'est un des programmes importants dont le budget a été augmenté cette année pour nous permettre de faire appel à davantage de diplômés

d'université dans ce sens.

Un autre programme qui a été très populaire l'an dernier et qui continue cette année avec un budget amélioré est gestion-marketing. On a constaté que, au niveau des PME manufacturières, encore une fois, de moins de 200 employés, on n'avait pas souvent de stratégie de marketing, on n'avait souvent même pas de catalogue ou d'équipement pour vendre les produits. On a voulu mettre en marche, l'an dernier, un programme qui servait à faire des études de marché, à développer une stratégie de marketing et à aider à payer une partie des premiers frais de catalogue de pièces qui vont servir à faire la vente, la mise en marché, le marketing. Encore une fois, c'est tout simplement une partie que nous payons jusqu'à concurrence de 50%, au maximum 20 000 $ par entreprise. Cela a été un programme très populaire l'an dernier; il a aidé nos entreprises à faire une meilleure mise en marché avant de se lancer sur les marchés internationaux.

Cette année, nous augmentons notre aide aux commissariats industriels. Au lieu d'y aller, tout simplement, d'un programme annuel comme celui que nous avions les années passées, nous avons garanti aux commissariats industriels un programme de trois ans, ce qui leur permet de mieux planifier et de demander à leurs partenaires des municipalités ou du monde industriel et commercial de leur aider davantage. Encore une fois, c'est un maximum de 50% que nous payons; pour le reste, ils trouvent dans le milieu ce dont ils ont besoin.

Cette année, il y a une baisse un peu dans les crédits aux ententes auxiliaires pour les infrastructures industrielles, parce que les parcs industriels sont maintenant en marche un peu partout. Il reste encore des travaux à faire, mais il y a des espaces disponibles dans les parcs industriels. C'est un programme qui a été institué il y a quelques années, où on a développé de nouveaux parcs industriels dans tout le Québec. Il s'agit maintenant de continuer à faire des efforts pour remplir ces parcs avant de recommencer à construire ou à ouvrir d'autres parcs au Québec.

La Société de développement industriel voit son budget augmenter sensiblement pour répondre à de nouvelles demandes de la part des entreprises qui vont décider d'investir au Québec dans le développement de leurs équipements ou, tout simplement, pour de nouveaux investissements.

Le Palais des congrès voit, bien sûr, son budget augmenter sensiblement parce que, l'an dernier, cela ne fonctionnait pas; d'ailleurs, on en annonce l'ouverture officielle pour la fin de mai. On s'attend qu'à compter de cette année les gens vont pouvoir commencer à profiter pleinement de ces installations au Québec.

M. le Président, avant de terminer, je veux dire un mot sur une autre de nos priorités qui est très importante, sinon peut-être la plus importante. Là-dessus, on a besoin de l'aide de l'Opposition, on a besoin de l'aide de tous ceux qui s'occupent ou qui se préoccupent du développement économique et commercial. La crise est en train de s'estomper. En tout cas, le creux de la vague est passé et on commence à remonter. On voit un peu la lumière au bout du tunnel. Il y a beaucoup d'argent en épargne au Québec comme partout ailleurs, mais particulièrement au Québec où, en 1981-1982, pendant la crise économique, le pourcentage de l'épargne des Québécois a augmenté. Cela veut dire qu'il y a de l'argent quelque part. Nos chefs d'entreprise sont prêts à faire l'effort nécessaire. Ils sont compétents et ils ont besoin du coup de pouce nécessaire des différents niveaux de gouvernement. Ils sont prêts à faire l'effort nécessaire.

Ce qui manque maintenant - je pense que c'est collectivement qu'il faut mettre l'épaule à la roue - c'est d'adopter une attitude positive envers le développement économique, envers le Québec, envers l'avenir du Québec et envers, surtout, la capacité des entreprises québécoises, des hommes et des femmes du Québec de réussir de grandes choses. En d'autres termes, il ne faut pas rapetisser le Québec. Il faut employer un langage exaltant, excitant, un langage qui va faire bien comprendre à nos concitoyens que nous sommes capables de réussir. C'est une question de confiance et c'est une question de développement économique. Je dis souvent que le développement économique, le succès en affaires, c'est 75% ou 80% de confiance; le reste, c'est de la technologie, de l'argent, des connaissances.

Je pense qu'il faut reprendre ce dossier de confiance en nous, de la place que les Québécois et les Québécoises sont capables d'occuper et de notre capacité de réussir. C'est un langage qui est peut-être difficile à tenir pour certaines personnes, particulièrement quand on est dans l'Opposition. Que c'est bon au Québec, qu'il y a des choses qui sont meilleures au Québec qu'ailleurs, je pense qu'il faut le dire. C'est sûr qu'il y a des choses à améliorer au Québec, je suis d'accord avec vous aussi. Il y en aura toujours, quel que soit le gouvernement au Québec.

(10 h 45)

Qu'est-ce que cela me donne de faire des contacts avec des investisseurs étrangers et de leur dire: Venez au Québec, vous allez être les bienvenus, on va s'arranger pour que vous trouviez votre place au Québec chaque semaine, je rencontre des investisseurs étrangers et je les invite à venir au Québec - on va aménager l'espace québécois pour que vous vous sentiez bien à

l'aise au Québec, si un chef d'entreprise, si un leader économique ou si les membres de l'Opposition critiquent en disant que c'est invivable au Québec, qu'il n'y a rien à faire au Québec, que c'est une place où il ne faut pas venir? C'est sûr que c'est plus difficile pour nous, du gouvernement, d'attirer du monde chez nous. Je comprends qu'il faut que l'Opposition, comme d'autres gens qui exigent plus, puisse dire qu'il y a des choses à améliorer. Mais dans le genre de langage qu'on tient, je pense qu'il faut faire la part des choses. Il faut dire: II y a des choses au Québec qui sont mieux qu'ailleurs. Par contre, il y a d'autres choses à améliorer. Il y a d'autres choses qui sont moins bonnes et il faut les améliorer absolument. Je pense que ce serait un rôle responsable de la part d'un peu tout le monde. Et c'est le langage que j'aime à tenir personnellement vis-à-vis des gens d'affaires en leur disant: Bien sûr qu'il y a des choses à améliorer, je suis bien d'accord avec vous sur ce sujet. On travaille à s'améliorer constamment, mais il faut retrousser nos manches. Il faut être solidaires de tous les Québécois. Il faut avoir confiance en notre capacité de réussir. Il faut surtout se dire entre nous qu'on est capables de faire des choses, à un moment précis où il y a un virage important après la crise.

Quand on songe que la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ, lance son fonds de solidarité et dit: Nous, on voudrait investir des capitaux de risque dans les entreprises et participer aux décisions de gestion des entreprises, c'est un virage important. Quand on considère que la CSN, le secteur privé, par la voix d'une de ses vice-présidentes, Mme Lalonde, nous dit: Nous, à l'avenir, notre priorité, c'est la survie des entreprises, c'est un virage en U après la crise. Ces gens-là ont pris le virage après la crise. Quand on songe que les actions que nous avons posées, comme gouvernement, vis-à-vis de la gestion des secteurs public et parapublic, c'étaient des décisions courageuses comme probablement aucun autre gouvernement dans l'histoire du Québec n'en a prises, c'est un virage, cela aussi. Mais, il faut que tout le monde, ensemble, le prenne ce virage-là. Si les syndicats sont prêts à prendre le virage de l'après-crise et disent: Nous, on veut travailler avec les chefs d'entreprise à développer nos entreprises, à les enrichir davantage, et plus l'entreprise va être riche, plus on va en profiter, je pense que c'est un langage exaltant qui peut attirer des investisseurs étrangers.

Et dans ce sens, les chefs d'entreprise, les leaders économiques, l'Opposition, les gens du gouvernement, tout le monde doit dire: Ils ne sont pas tous réglés, les problèmes du Québec. Il reste encore des problèmes politiques, constitutionnels, sociaux, culturels, des problèmes économiques; ils ne sont pas tous réglés, il en reste encore. On va finir par les régler. Mais peu importent les décisions que les Québécois et les Québécoises prendront, peu importe l'orientation qu'ils prendront, à tous points de vue, le Québec sera toujours l'un des meilleurs endroits au monde pour investir parce qu'on a une population qui est extraordinaire. On a des jeunes qui sont formés, qui sont fiers, qui sont capables de travailler au développement de nos entreprises comme on n'en a jamais eu dans le passé. Il y a 35% des étudiants canadiens en administration, en économie, qui sont des Québécois, des Québécoises. On a plus que notre part. On a une jeune génération qui est prête à prendre les commandes de nos entreprises.

Ce qu'il nous faut maintenant, c'est un peu de confiance, beaucoup plus de confiance en nos capacités, et c'est un langage positif qui ne détruit pas l'économie du Québec, mais qui, au contraire, sert à la développer. Et on a besoin de tout le monde pour le faire, des leaders en matière économique de l'Opposition comme de ceux du gouvernement. Nous sommes prêts à faire notre bout de chemin là-dessus. J'invite mes collègues de l'Opposition à faire, eux aussi, leur bout de chemin et à prendre le virage de l'après-crise.

M. le Président, j'écouterai les interventions de mes collègues de l'Opposition et, après cela, on passera aux questions sur les différents points importants que les gens de l'Opposition voudront se faire expliquer.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M. le ministre. M. le député de Nelligan, vos remarques préliminaires.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, tout d'abord, je voudrais, au nom de mon collègue le député de Mont-Royal, notre porte-parole à l'Industrie, au Commerce et au Tourisme, présenter ses excuses auprès du ministre et de vous-même. Il ne peut pas être ici aujourd'hui pour l'étude des crédits parce que, comme vous le savez, il est à la commission de l'énergie et des ressources à laquelle il est obligé d'assister pour assurer la continuité des travaux. Il s'excuse.

M. Biron: Ce n'est pas fini, cela?

M. Lincoln: Ce n'est pas fini, malheureusement. Cela continue.

M. le ministre, nous avons écouté vos commentaires avec beaucoup d'intérêt. On espère que cette étude de vos crédits va être constructive de part et d'autre. Vous comprendrez que notre rôle même est un

râle d'opposition. C'est un rôle qui est prévu par le système parlementaire pour que nous essayions justement de relever, par des questions en Chambre, des questions durant l'étude des crédits, les faiblesses qu'on peut trouver, de façon à ne pas être purement négatifs, mais qu'ensemble nous puissions apporter des correctifs si nécessaire. C'est notre rôle et nous ne sommes pas ici pour dire: Tout est beau dans le meilleur des mondes. On dira ce qu'il y a de bon quand on pense qu'il y a des choses positives qui se font. En même temps, nous sommes ici principalement pour essayer d'interroger le ministre pour savoir ce qui se passe vraiment et pour apporter les commentaires que nous avons de tous les gens que nous représentons sur des situations qui sont, en fait, les plus importantes pour le Québec, parce qu'il va sans dire que votre ministère, qui réunit l'Industrie, le Commerce et le Tourisme, est peut-être un des plus névralgiques qu'ait le gouvernement du Québec. Aujourd'hui, tout passe par l'économie; si on n'a pas une économie saine, si on n'a pas un ministère de l'Industrie et du Commerce dynamique qui relancera l'économie, tous les autres programmes sociaux qu'on pourrait avoir, que ce soit dans le domaine social, récréatif, culturel ou éducationnel, tombent à l'eau. Alors, tout tourne autour de lui. Ce ministère est tellement important que nous avons à nous faire le relais de tout ce que nous ressentons, de tout ce qui nous est dit, de tout ce que nous savons et suivons.

Tout d'abord, je me réjouis avec vous de la tournure des événements dans le budget concernant le plan d'investissement. Il faudra suivre cela de très près pour voir. Par rapport au programme d'investissement et de détaxation des investissements dans les entreprises, je pense que c'est un pas en avant d'avoir mis l'accent sur les petites plutôt que sur les grosses entreprises, telles Bell Canada, Imasco, etc., qui réellement n'ont pas besoin d'autant de capital que les petites. Mais, en même temps, il faudra se pencher sur les questions qu'a posées mon collègue de Vaudreuil-Soulanges avec beaucoup d'à-propos en Chambre. Il ne faudrait pas que cela devienne un programme de placement pour les investisseurs plutôt qu'un programme où vraiment ils entrent dans les investissements du Québec. Il faudra suivre cela de près.

J'ai moi-même suivi cela d'assez près depuis que ce programme a été mis en vigueur et des gens que je connais m'ont parlé de cela. Tous les gens qui ont essayé d'acheter des actions d'Imasco, de Bell, selon le programme, n'en trouvaient jamais. Elles étaient toujours épuisées. Mais si vous essayiez d'acheter une action d'une des entreprises - on ne va pas les nommer - qui n'étaient pas aussi fortes, elle, elle était disponible. Alors, il faudra qu'on suive cela de près parce que la tendance pour les investisseurs sera d'aller chercher de la PME qui est en condition florissante. C'est naturel. Si vous voulez investir, vous allez essayer d'investir dans une entreprise qui fait du profit, tandis que l'investisseur, lui, cherchera le profit sur ses actions; il va essayer de mettre de l'argent dans une entreprise qui est florissante, qui a un produit compétitif et qui va de l'avant. Il faut se demander ironiquement: Si on met de l'argent dans des entreprises déjà florissantes qui, elles, ont un besoin relativement moindre de capital, que va-t-il arriver de ces PME qui souffrent vraiment d'un manque de capital? Est-ce que les investisseurs investiront dans des PME qui, elles, par manque de capital peut-être, ne vont pas aussi bien que d'autres? C'est cela qu'il faudra suivre de très près pour savoir si ce plan ne devient pas, comme l'a suggéré mon collègue de Vaudreuil-Soulanges, purement un plan de placement où les investisseurs vont se diriger vers des entreprises profitables et florissantes plutôt que vers des entreprises qui sont moins florissantes. Je suis d'accord avec le principe qu'on mette l'accent sur les PME qui, elles, ont besoin de capital plutôt que sur les grosses entreprises.

Sur ce point, je me réjouis aussi si cela peut apporter une activité accrue à la Bourse de Montréal. Si vous voyez le journal des Débats, quand nous avons eu des débats avec le ministre des Finances antérieurement, on a parlé beaucoup de la Bourse de Montréal, du déclin relatif de la Bourse. On peut relier cela à toutes sortes de facteurs, mais c'est vraiment triste de penser que la Bourse de Montréal, qui était la Bourse principale du Canada dans les années trente et même quarante jusqu'au début de la guerre, est maintenant devenue une Bourse tout à fait - on peut dire le mot - régionale en ce sens qu'elle représente quelque chose comme moins de 10% des activités totales des Bourses du Canada. Elle a même perdu pied par rapport à Vancouver, par rapport à Calgary. Alors, si cela peut apporter une recrudescence de la Bourse de Montréal, en faire un centre d'action peut-être pour l'Est du Canada, nous nous en réjouirons certainement. En fait, il y a des gens, dans le monde des investissements, qui me parlaient d'un programme possible pour l'avenir où la Bourse de Montréal deviendrait le centre financier important d'un secteur subsidiaire de financement et d'investissement en rapport avec les produits pétroliers, qui surgirait autour des découvertes pétrolières qui se font et qui continuent à se faire au Canada du côté de l'Atlantique, en Nouvelle-Écosse. Si ce programme peut aider à la revalorisation de la Bourse de Montréal et de Montréal comme secteur financier, on ne peut que s'en réjouir, mais on suivra ceci avec beaucoup

d'attention.

Les questions qu'on va vous poser aujourd'hui sont centrées sur certains secteurs. D'abord, naturellement, les sociétés d'État, la SGF, la SAQ, SIDBEC. Il faudra se poser des questions sur le bilan de la SGF, les raisons des pertes, les activités, les directions futures de la SGF, par exemple le départ de la SGF dans les secteurs de la haute technologie, de la biotechnologie. Comment cela se fera-til? Est-ce qu'il y a une planification d'ensemble, des priorités industrielles, des priorités d'investissement de la SGF? Quel est le programme de la SGF par rapport à ses investissements minoritaires dans des sociétés et à ses investissements majoritaires, au droit de vote qu'elle a donné à la Caisse de dépôt dans Domtar, etc? Il faudra se poser beaucoup de questions sur la SGF et sur les politiques d'ensemble, les politiques de l'avenir que compte prendre la SGF.

Dans le cas de la SAQ, il faudra aussi que nous établissions quelles sont vos politiques d'envergure pour la SAQ, la direction que vous entendez donner pour l'avenir à cette société d'État, à ce quasi-monopole, si on exclut le vin qui est maintenant vendu dans les centres de dépannage, etc. En fait, c'est un quasi-monopole. Il faudra se demander quelle sera la politique d'avenir si la SAQ, comme monopole, se décharge de certaines responsabilités d'offrir des produits de grande qualité, par exemple les vins, au public qui pourrait les demander. Est-ce qu'on devrait laisser une marge plus grande à la libre entreprise, à l'entreprise privée pour prendre en main certains secteurs si la SAQ, comme monopole, décide, pour des raisons d'exploitation, de se détacher de ces secteurs? Il faudra aussi se poser des questions sur toute la politique de la SAQ, la réévaluation des taux de change qui, selon nous, ne se fait pas avec une fréquence assez grande et dont le consommateur souffre. On va vous donner des exemples tout à fait frappants là-dessus.

Il faudra se demander, par rapport à SIDBEC, ce qui est arrivé depuis la dernière commission parlementaire. On a posé plusieurs questions au ministre. Il nous a dit: On a toujours des pourparlers avec les syndicats. Mais il y avait certaines questions fondamentales que nous avons posées sur la réouverture possible, la renégociation des contrats. Là, il faudra se demander: Où sommes-nous arrivés? Il y a plusieurs mois qui sont passés depuis la commission parlementaire et l'entreprise continue à perdre de l'argent, des montants substantiels, des millions et des millions de dollars. Il faudra se demander où nous allons avec cela. (11 heures)

En passant, je vais ouvrir une parenthèse. Là aussi, nous allons poser des questions au ministre par rapport à l'enveloppe globale de son ministère, les 264 000 000 $ qui, au premier abord - vous avez fait allusion à cela - semblent montrer une très grosse augmentation, en fait une augmentation de 76%. Nous avions questionné le ministère pendant l'étude des crédits provisoires; mon collègue de Mont-Royal, si je ne m'abuse, vous avait questionné. Cela a l'air d'être une augmentation substantielle comparée à l'année dernière. Pourtant, lorsqu'on regarde cette augmentation, on voit que, dans ce budget de 1983-1984, plus des trois quarts du budget, 76%, je pense, 59 000 000 $, sont utilisés pour le déficit de SIDBEC et de Pétromont. On comble le déficit de SIDBEC par le biais de votre ministère pour une somme de près de 44 000 000 $. On se demande si c'est vraiment une augmentation réelle qu'on voit ou si une grande part de cette augmentation n'a pas du tout de relation avec les besoins de la relance économique, mais est plutôt là pour combler les déficits de certaines sociétés d'État.

Il faudra poser des questions là-dessus pour voir si ça devrait continuer dans l'avenir, si nous devrions, comme gouvernement, continuer d'investir des sommes. C'est ça, la clé de SIDBEC; nous réalisons tous les coûts sociaux, nous avons même pris des positions assez catégoriques lors de la commission parlementaire, mais il faut se poser des questions à nouveau, puisqu'il y a plusieurs mois de cela. Je pense qu'on est en droit de demander ce que l'avenir nous réserve.

Nous allons aussi parler de certaines industries clés de votre ministère, par exemple de l'industrie du vêtement, dont nous avons beaucoup parlé au cours de la question avec débat de vendredi dernier. Il faut se poser des questions. Si je relis le rapport de la conférence socio-économique du Québec sur l'état de l'industrie du vêtement, tenue les 14 et 15 avril 1983, on voit un glissement net vers l'Ontario de notre industrie du vêtement. Il faudra se poser des questions parce qu'on ne peut pas dire: Bon, c'est le gouvernement fédéral, ce sont des politiques fédérales. Il faudra se demander comment nous allons protéger l'industrie du vêtement, qui est une industrie clé pour nous, par rapport à la réduction des tarifs du GATT d'ici 1987. Il faut nous demander quelle sera notre politique pour la protection de cette industrie s'il faudrait la protéger ou non. En même temps, comment peut-on s'expliquer ce glissement continuel vers l'Ontario qui, d'après ce rapport, ira en s'accélérant et qui, maintenant, va plus vers l'Ouest, vers le Manitoba?

Il faudra aussi se poser des questions sur l'industrie pharmaceutique qui est une industrie clé pour le Québec. Le ministre parlait de toute la question de la recherche et du développement. Voilà une industrie de

pointe pour nous, une industrie qui, par les effets qu'elle a sur la recherche et le développement universitaire, la recherche et le développement scientifique dans les laboratoires, est de première importance. Là-dessus, il n'y a aucune opposition entre le gouvernement et l'Opposition, parce que nous recherchons exactement la même chose, en fait l'abolition possible de l'article 41 de la loi fédérale. Nous avons travaillé dans le même sens sur cette question.

Mais il faudra se poser des questions par rapport à ce qui se passe maintenant. On a été très actif dans ce dossier. Ma collègue de L'Acadie, mon collègue de Mont-Royal et moi-même avons fait pas mal de pressions sur les ministres fédéraux. Nous avons eu des rencontres assez récentes là-dessus. Nous avons eu plusieurs rencontres avec divers intervenants dans ce dossier. Il faudra se poser la question de savoir quel genre de solutions on peut retrouver. Il y a différentes solutions, il y a cinq options à l'étude présentement du côté fédéral, d'après ce que nous avons appris. Il faudra se poser la question à savoir quelle solution nous recherchons tous ensemble pour faire une pression globale sur le fédéral. Je voudrais discuter cette question avec vous plus en détail plus tard.

Il y a une question que nous allons aussi mettre de l'avant, c'est celle de la politique d'achat du gouvernement du Québec. Je sais que le ministre voyage plus que nous, parce que son travail le met en contact beaucoup plus souvent que nous ne pouvons l'être avec les entreprises de façon officielle. Le ministre suit ça de près. Naturellement, son ministère est peut-être un des plus importants aujourd'hui au Québec. Je ne peux pas concevoir qu'aujourd'hui un ministre qui dit: On va favoriser la relance économique au Québec, ne se penche pas plus sérieusement sur la question. Je vous demande de le faire. Je sais que ce n'est pas votre responsabilité immédiate, mais je peux vous faire part des cas qui nous arrivent; des copies ont été envoyées à tous les ministères. Je vous rapporte un cas spécifique, le cas de la firme Sceptre, qui est un cas flagrant où nous sommes en train de perdre des investissements, nous sommes en train de perdre des emplois. Ce sont les mêmes conséquences de sous-traitance, etc. Je vais discuter du cas, j'ai tous les documents ici. Il y en a d'autres que je pourrais vous citer, mais je prends un cas typique qui m'a été donné. C'est un cas où il y avait des investissements possibles au Québec. Je vous donnerai toutes les échéances, tous les programmes qu'ils avaient en place. Mais si, demain matin, on dit: On n'achète pas votre marchandise, même si vous achetez vos matières premières au Québec, comme c'est le cas pour eux... Une proportion de près des deux tiers ou de 70% de leurs produits viennent de matières premières achetées au Québec, et ils entendent investir ici. Par exemple, il faudrait avoir une politique d'achat plus flexible pour les entreprises d'ailleurs qui veulent faire même un genre d'engagement de s'installer ici d'une façon plus primordiale. Je pense qu'on ne se sert pas assez - appelez cela des importations, que cela vienne de l'extérieur du Québec, du reste du Canada ou même d'ailleurs - des importations pour créer de la technologie future.

En passant, vous avez parlé de l'assainissement des eaux et il y a eu tout ce grand débat: est-ce qu'on prendrait de l'équipement japonais pour l'usine de traitement de Montréal ou est-ce qu'on prendrait notre équipement? À la fin, on a pris l'équipement japonais, parce que c'était le mieux constitué pour la question, le plus en avance technologiquement. De source très, très sûre, je peux vous dire que la firme japonaise s'attendait même qu'on se serve du genre de "leverage" que nous avions comme gouvernement pour faire pression sur elle pour qu'elle s'installe peut-être avec sa technologie ici, qu'on fasse une espèce de "bargaining" avec notre force d'exportation. On pourrait faire beaucoup plus de cette façon-là pour faire venir ici, en se servant de ce "bargaining power" que nous avons, des industries où on a besoin d'importer - en fait la question de Sceptre se rapporte, encore une fois, à l'assainissement des eaux - plutôt que de faire une politique d'achat qui est tellement rigide, certainement la plus rigide que nous ayons au Canada. Enfin, il faudra discuter de cela.

On va parler aussi des PME. Je pense qu'on cherche, justement, à ce que les PME deviennent florissantes, à ce que cela devienne un secteur qui ait du capital. On va parler aussi de la question des priorités industrielles que vous avez. L'autre jour, quand nous avons posé des questions pendant le débat en Chambre, je pense que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce en a fait le point primordial de son débat. Il a dit: Ce que je cherche ici, c'est que vous me disiez de façon définie quelles sont vos priorités industrielles de l'avenir. Il a dit: Qu'est-ce que vous cherchez? Quels secteurs, etc? C'est bien beau de dire: On va faire le virage technologique, mais, en même temps, il faudrait dire aussi comment on protège, entre-temps, nos secteurs mous, comme les vêtements, les meubles, etc.

Il faudra avoir une politique de priorités industrielles. On peut dire: On va lancer la PME, mais il faudrait avoir une idée de base beaucoup plus certaine, beaucoup plus sûre. Vous avez répondu: Quant aux secteurs que nous voulons privilégier, nous ne voulons mettre de côté aucun secteur. Lorsque le gouvernement

fédéral nous dit qu'il faut que l'industrie du vêtement et l'industrie de la chaussure disparaissent, nous disons: Non, il faut, au contraire, les conserver, mais moderniser les entreprises, les usines qui fabriquent ces produits.

Cela ne veut pas dire qu'on doit envoyer les gens qui ont travaillé durant toute leur vie dans l'industrie du vêtement, dans l'électronique et la biotechnologie. Ils vont être mêlés et avec raison. Il faut garder ces gens dans des usines où ils peuvent travailler avec la formation qu'ils ont en développant nos usines.

Nous ne pouvons qu'être d'accord avec vous. Nous tous, nous voulons favoriser tous les secteurs, nous tous, nous voulons garder les vêtements, la chaussure, les meubles et, en même temps, faire de la haute technologie, c'est sûr. C'est comme dire: On veut du ciel bleu tous les jours, on veut le soleil en hiver et tout le temps. Mais comment arrive-t-on à cela? C'est ce que nous vous demandons. Il y a sûrement des secteurs industriels prioritaires pour vous dans l'avenir. Il y a sûrement une politique qui veut dire: On va prendre le virage technologique et, en même temps, on va accepter toutes les réductions du GATT, on va accepter le libre échange des biens et services. Même votre collègue, le ministre Landry, du Commerce extérieur, a dit: On va faire un marché commun avec les États-Unis. Mais, en même temps, il se garde bien de dire: On va protéger les secteurs mous.

Nous avons envie d'y aller plus spécifiquement et de savoir comment vous allez protéger ces secteurs mous, comment vous allez empêcher le glissement vers l'Ontario de ces mêmes industries - mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a cité des chiffres à l'appui - des meubles, des vêtements, du textile, de l'électronique et, en même temps, prendre ce virage technologique. Quelles sont vos priorités industrielles définies pour l'avenir? Quels sont les secteurs que vous allez favoriser et comment va s'y prendre votre ministère pour diriger ce programme d'ensemble? Il nous semble que les programmes annoncés par votre ministère - vous en avez cité plusieurs - ont obtenu l'assentiment général, mais il semble aussi qu'il manque des critères de base en ce qui touche le financement de ces entreprises. C'est un peu fait au pied levé. On en citera quelques exemples plus tard.

Il y a une question qui nous chicote: la relance économique. En fait, ce n'est pas le député de Nelligan - je ne me considère pas comme un expert - qui le dit. Tous les experts que j'ai lus et tous les organismes comme la Chambre de commerce de la province de Québec, la Chambre de commerce du district de Montréal, le Board of Trade et plusieurs autres nous disent qu'on ne peut penser à la relance économique sans un assainissement des finances publiques. Tout passe par là. Faisons une comparaison entre le produit intérieur brut de l'Ontario et celui du Québec. L'Ontario a un produit intérieur brut de 133 000 000 000 $ par rapport à 80 000 000 000 $ pour nous. En d'autres mots, il y a une différence entre nous et l'Ontario de quelque chose comme 40% en ce qui concerne notre produit intérieur brut. Pourtant, notre population n'est que de 25% ou 30% inférieure à l'autre.

Si on regarde ce que les deux gouvernements ont dépensé, c'est exactement la même chose. Que ce soit le budget de l'année dernière, 23 000 000 000 $, ou celui de cette année, 24 000 000 000 $, c'est à peu près la même chose, c'est presque équivalent. Si on compare le produit intérieur brut de l'Ontario et le produit intérieur brut du Québec, l'un est de beaucoup supérieur à l'autre. Si on le traduit en chiffres, c'est 17% de toute l'activité économique pour l'Ontario et 29% pour le Québec. Si on ajoute à cela toutes les dépenses publiques du Québec, les municipalités, les sociétés d'État, etc., on s'aperçoit qu'au Québec, pour le secteur public, c'est à peu près la moitié, 50% de notre produit intérieur brut.

Question d'intérêt, j'ai poussé cette étude un peu plus loin par rapport à votre ministère. Je me suis dit: Qu'est-ce qui arrive au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme? Comparons un peu le ministère du Commerce de l'Ontario et celui du Québec. Là, j'ai pris les chiffres des comptes publics de l'Ontario et ceux du Québec, les dépenses totales du ministère du Commerce de l'Ontario et celles du Québec. Par exemple, pour la question du personnel, la différence est immense. Le personnel du ministère du Commerce de l'Ontario, pour la même année que le Québec - je pense que c'était pour 1981-1982, je pourrai vérifier -démontre une grande différence: 683 personnes pour l'Ontario et 1700 personnes pour le Québec. (11 h 15)

Certains programmes ne cadrent peut-être pas, car le ministère, là-bas, se loge peut-être dans différents secteurs. Je suis d'accord, peut-être qu'on ne peut pas faire des comparaisons exactes. Mais les chiffres étaient si différents. Par exemple, pour une année, en Ontario, il y avait un ministre et un sous-ministre qui dirigeaient le ministère, tandis qu'ici nous avions un ministre, un sous-ministre et, ensuite, quelque six sous-ministres adjoints. Si on prend la tranche de tout l'exécutif du personnel du ministère, pour le même groupe, c'était environ 14 600 000 $ pour l'Ontario et 39 200 000 $ pour le Québec. Ce sont des chiffres que j'ai moi-même compilés l'autre jour. J'ai essayé de faire cela avec le plus de soin possible. Je me trompe peut-être

d'une façon ou d'une autre, à un certain pourcentage. C'est à être revu. Mais, en tout cas, les études du COPEM, les études de la Chambre de commerce de la province de Québec et les études de M. Marcel Bélanger, ont l'air d'aller toutes dans la même direction. Il faudrait qu'on voie pourquoi notre administration publique, nos finances publiques sont tellement lourdes par rapport à celles de la province voisine.

M. le ministre, deux autres sujets avant de terminer. Vous avez parlé de la sous-traitance et, là, on ne peut pas être plus d'accord avec vous. La sous-traitance, c'est un des secteurs les plus importants. Mais la sous-traitance ne va bien que si le secteur principal, le secteur des grandes entreprises qui demandent la sous-traitance, reste avec nous ou vient ici. C'est là un des débats que nous avons faits au cours des derniers mois avec vous. La sous-traitance, par le fait même, veut dire avoir ici des multinationales, de grandes entreprises qui vont avoir besoin de sous-traitants. Vous avez vous-même cité General Motors et plusieurs autres firmes importantes telles que Kenworth, La Baie, etc. Mais c'est le grand problème dont nous souffrons depuis quelques années. Vous avez cité La Baie, mais, en même temps, peut-être faudrait-il aussi voir l'autre côté de la médaille. Je suis presque certain des faits, mais cela demande peut-être à être confirmé: je sais que le centre commercial de Eaton à Montréal, est maintenant consolidé à Toronto. Le centre commercial de Simpsons, qui était ici avant, est consolidé à Toronto. Oui, Eaton et Simpsons. Ce qui arrive, c'est qu'en perdant...

Une voix: Eaton et Simpsons?

M. Lincoln: Écoutez! On va vérifier.

M. Biron: Est-ce que je peux vous répondre tout de suite?

M. Lincoln: Oui.

Le Président (M. Blouin): II serait préférable, M. le député, que vous terminiez votre intervention et le ministre pourra, ensuite, vous apporter des précisions sur les sujets que vous avez évoqués. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Enfin, je peux vous citer le nom de personnes qui ont perdu leur emploi et qui travaillaient aux centres commerciaux de Eaton et Simpsons. C'est à vérifier, mais, en tout cas, je suis certain qu'il y a une décroissance tout à fait significative de leur politique d'achat centrée auparavant au Québec pour les achats du Québec. Cela demande à être vérifié, mais je vais également le vérifier. J'y reviendrai.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que vous avez terminé?

M. Lincoln: Non.

Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Lincoln: Mais là n'est pas le point, M. le ministre. C'est le suivant. On a cité un exemple, mais il y a d'innombrables exemples; plus de 100 importantes entreprises nous ont quittés. Quand on perd Northern Telecom, quand on perd DuPont, quand on perd des centres névralgiques de notre industrie, dans tous les secteurs de pointe -environ 20 secteurs de pointe ont été identifiés, j'ai la liste des compagnies oeuvrant dans ces secteurs - c'est là qu'on perd cette sous-traitance. C'est là qu'on perd ces secteurs secondaires, parce que ces secteurs secondaires s'effondrent. Qu'on pense seulement aux conséquences de la perte de notre secteur financier à Montréal. L'autre jour, des centaines d'employés ont quitté la Banque Royale, la Banque de Montréal qui s'est pratiquement vidée. Là, il y a cette sous-traitance qui existait avant: les imprimeurs, les agents de voyage, les hôtels, le tourisme et les voyages d'affaires. Un secteur immense dépendait de cela, dépendait du secteur financier. Et il y a toutes sortes d'autres grands secteurs manufacturiers qui nous ont quittés. Il faut se pencher sur les causes de tout cela. On va y revenir parce que, pour nous, cela aussi est une question capitale; on ne peut pas faire de la sous-traitance si, au même moment, nous perdons nos plus grandes entreprises, si nous perdons nos plus grandes multinationales.

Alors, on ne peut pas faire les deux ensemble. On ne peut pas dire: Bon, on va faire de la sous-traitance en même temps que ces entreprises vont nous quitter. On peut parler du facteur historique. On peut dire: Cela se passe aux États-Unis. On peut dire: Cela se passe partout. Ce n'est pas tout à fait exact, parce que ce qui se passe aux États-Unis, à New York, c'est sûr, cela a causé des pertes de population, comme dans le Québec. Cela a fait perdre beaucoup d'entreprises, comme dans le Québec. Je ne pense pas que les entreprises soient allées vers les villes-dortoirs du Connecticut. Elles sont allées vers les villes-dortoirs autour de New York. Bien sûr, il y a beaucoup d'exécutifs qui habitent le New Jersey, Philadelphie, mais je ne pense pas que les grosses firmes soient sorties de New York pour aller à Philadelphie. Elles sont allées dans le Sud, elles sont allées dans l'Ouest. Elles sont allées chercher le soleil, elles sont allées chercher un climat plus facile pour la fabrication, là où le centre de la population sera "shifté".

Cela n'a pas été le cas avec nous; la

plupart de ces entreprises ont quitté Montréal pour aller à Toronto. On pourra vous donner toutes sortes de chiffres si cela vous intéresse. En même temps, il faudra parler de la question inverse, du manque de gain que nous avons fait par rapport aux nouveaux investissements. Quand on parlait à votre collègue des Finances de toute la question de la perte des grosses industries, des grosses firmes au Québec et de toutes les conséquences que cela posait, il nous disait: Bon, vous ne parlez pas du remplacement que nous avons fait. Je vais citer, par exemple, la BNP, la Banque Nationale de Paris, son édifice, son secteur, etc. Mais, par rapport à ce qu'il avait dit, cela m'a intéressé d'aller voir. Il y a eu de nouvelles banques au Canada. Il y en a quelque chose comme 56 qui se sont implantées depuis le changement de la Loi sur les banques, permettant à des banques étrangères de venir ici: 47 sont allées à Toronto, seulement cinq à Montréal, quatre banque françaises et seulement la Banque Nationale de Grèce.

Pensez à tout ce que cela comporte: d'abord, la sous-traitance immense, qu'il s'agisse des ordinateurs et de l'imprimerie seulement. En plus de cela, il y a les investissements indirects que cela apporte parce que, pour chaque banque qui s'installe, cela veut dire tant d'investissements. Les banques, les investisseurs, vont les consulter, d'abord si c'est leur banque. Toutes les banques américaines sont allées à Toronto et les investisseurs américains, la première chose qu'ils vont faire, s'ils font affaires avec la Bank of America, c'est aller demander à ces banques des conseils. Ils vont aller leur demander où on s'installe au Canada? Comme elles sont installées là, elles vont avoir tendance à dire: Installez-vous ici. Ce que nous avons perdu d'investissements nouveaux de sous-traitance par le fait que des firmes sont installées ailleurs qui pourraient s'installer ici est énorme. Il faudra en voir toutes les raisons.

Je vais passer à votre dernier point, M. le ministre, parce que cela est fondamental. Je ne pense pas qu'il faudrait présumer, parce que nous critiquons le peu d'investissements qui viennent ici, que nous critiquons le fait que nous perdons nos firmes dans les secteurs les plus névralgiques, que nous, on est tout à fait négatifs à l'égard du Québec et que c'est cela qui cause de telles choses, parce que ce n'est pas exact. Comme vous-même, moi et mes collègues, c'est certain, il n'y a rien qui nous fait plus mal - parce que nous vivons ici, nous aussi, nous payons des taxes - que quand nous voyons partir une firme, qu'elle soit petite, qu'elle soit grande, que ce soit à Montréal ou ailleurs. Nous cherchons la même chose que vous, mais, en même temps, nous sommes conscients de la réalité des choses. Ce n'est pas négativement que nous abordons ces choses.

Personnellement, je suis maintenant impliqué dans la venue à Montréal d'une firme de Toronto, qui est établie dans le secteur de la bicyclette. J'ai eu des contacts très fréquents avec le comité d'expansion et de développement économique de la Communauté urbaine de Montréal. J'ai persuadé une des firmes qui voulait faire une expansion de son usine, qui est maintenant à l'Île-des-Soeurs, de rester ici au Québec. Ma collègue de Jacques-Cartier et moi participons très activement à un comité économique qui va être créé dans notre bout de l'île et qui est relié de très près au comité d'expansion économique de la Communauté urbaine de Montréal. En fait, on rencontre le président lundi. On s'est intéressé à l'industrie pharmaceutique pour essayer de la garder ici. On en discutera plus tard. On a fait des interventions soutenues auprès du gouvernement fédéral pour arriver au même but que vous voulez atteindre. Il y a des collègues à moi qui se sont intéressés à une invention qui est faite au Québec en ce moment. Il s'agit d'un jeune inventeur qui veut ouvrir une petite PME pour lancer une invention presque révolutionnaire dans le domaine du sport. Nous l'avons aidé à démarrer, etc.

On recherche certainement le bien-être du Québec, parce que, même si c'était de façon égoïste, on serait un peu stupide de penser autrement. Mais, en même temps, il faut vivre dans la réalité. C'est donc notre devoir de venir vous dire ce que nous attendons de la part des entreprises, petites, moyennes et grandes. Vous pouvez dire: Les problèmes ne sont pas ici, ils n'existent pas, mais vous voyagez aussi souvent que nous et plus souvent que nous. On va voir les entreprises. On parle à des présidents d'entreprise. On parle à des gérants d'entreprise qui nous disent toujours la même chose: On ne sait pas où on s'en va avec l'instabilité politique.

Il y a aussi la question des impôts. Le budget n'a pas ajouté aux impôts. Cela a été un pas en avant. Il faut au moins se réjouir d'une certaine stabilité que cela a créée. Il y a la question dont on a parlé - et le député sait très bien qu'on en a discuté - le problème de l'éducation des enfants, la question linguistique qui revient. Il y a la question du coût de faire des affaires au Québec, la réglementation à outrance, la réglementation fantastique de notre entreprise. Il y a le coût de l'administration publique ici qui fait que, justement, on porte un plus lourd fardeau des taxes, parce que notre administration publique, par rapport à celle de la province voisine, est tellement lourde. Ce sont des réalités auxquelles nous avons à faire face; les gens des entreprises nous en parlent constamment et c'est

toujours le même refrain qui revient. Il faut se dire: Si c'est là, il faut en tenir compte. Il ne faut pas l'oublier en même temps qu'on essaie de faire le mieux possible pour que les entreprises viennent au Québec, pour essayer de relancer l'économie.

Ce sont les remarques que je voulais faire. On vous posera des questions au fur et à mesure ici.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Nelligan. M. le ministre, préférez-vous que le député de Nelligan commence dès maintenant à aborder les sujets qu'il souhaite traiter et vous pourrez ensuite y répondre?

M. Biron: Oui, à moins qu'il n'y ait d'autres interventions.

M. Lincoln: Mais mes collègues ont peut-être quelque chose à dire. Joan?

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier. (11 h 30)

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: II y a deux sujets que j'aimerais aborder. Le ministre, je crois, a parlé de la formation professionnelle et il y a une chose qui m'inquiète beaucoup. J'aimerais en discuter un peu plus tard. Ce sont les possibilités offertes par les programmes fédéraux grâce à l'entente sur le National Trading Act, par exemple. Vous avez parlé de l'apprentissage en vertu duquel le gouvernement est prêt à payer 50% des salaires des jeunes ingénieurs et des jeunes techniciens. Mais ce qui m'inquiète, dans tous les renseignements que j'ai, c'est que nous, du Québec, ne profitons pas des programmes fédéraux.

L'autre question, c'est le transfert de la technologie des universités vers les entreprises. Vous n'avez pas mentionné le Centre de recherche industrielle (CRIQ). J'aimerais vous demander quel est votre programme. Dans quel sens travaillez-vous avec l'autre ministère qui s'occupe du transfert technologique, la recherche appliquée, par exemple, et quelle est votre intention à cet égard? Je crois que l'une des clés du virage technologique est le transfert technologique, l'application des connaissances pour des fins et processus ou des produits utiles. Je crois que, dans votre discours d'ouverture, vous n'avez pas mentionné cet aspect du problème.

M. Biron: II y a deux points, Mme la députée de Jacques-Cartier; d'abord sur les programmes fédéraux, je crois, pour ce qui est du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, selon les informations que j'ai, qu'il y a une complémentarité entre les deux programmes, mais en tout cas, en ce qui nous regarde, lorsqu'on institue un programme, quel qu'il soit, on regarde d'abord ce qui existe ailleurs, c'est-à-dire particulièrement au gouvernement fédéral, pour ne pas doubler les programmes qui existent. Ce serait un peu ridicule de le faire. J'ai eu assez de problèmes avec les programmes du textile, de la bonneterie et du vêtement où le fédéral a institué un programme, après le programme québécois, pour faire exactement ce que le Québec faisait; cela a été une chicane épouvantable et, finalement, on s'est retiré de ce programme, parce que cela n'avait pas de bon sens de subventionner deux fois la même entreprise pour le même investissement. Mais, règle générale, à part ces exceptions qui étaient arrivées à l'époque de M. Lumley, il y a une assez bonne entente vis-à-vis des différents programmes, que ce soient les programmes fédéraux ou les programmes québécois, à tel point que, dans certains programmes, on est en train, avec le gouvernement fédéral, de concevoir un formulaire unique, lorsque c'est réalisable, où le fédéral fait un bout de chemin et où nous faisons l'autre bout.

Il arrive que nous ayons un programme complémentaire à celui du gouvernement fédéral. Nous sommes en train, avec la SDI et le gouvernement fédéral, la Banque fédérale de développement, de négocier un unique formulaire pour le chef d'entreprise, en deux copies; une copie viendrait à Québec et l'autre s'en irait à Ottawa. Dans ce sens, je pense qu'on essaie d'être le plus complémentaire possible et de ne pas intervenir dans la juridiction du fédéral. On lui demande aussi de ne pas intervenir dans notre juridiction, mais d'être vraiment complémentaire et de faire en sorte que, pour le chef d'entreprise qui a affaire à un ou l'autre gouvernement, il y ait le moins de bureaucratie possible. Le député de Nelligan parlait tantôt de la bureaucratie et de la réglementation, il y en a toujours trop. On essaie que ce soit le plus simple possible, d'aller le plus rapidement possible. De ce côté d'ailleurs, on a amélioré considérablement notre performance pour donner des réponses très rapides aux chefs d'entreprise. Au programme d'aide au financement des entreprises, dans l'espace de deux semaines en moyenne, on donne la réponse, sauf s'il y a un gros problème avec une entreprise, mais, règle générale, cela prend deux semaines pour l'entrée complète du formulaire, pour que le chef d'entreprise ait ses réponses.

Quant à votre deuxième question, les transferts technologiques, bien sûr, il y a de l'ajustement à faire, maintenant qu'il y a un nouveau ministère de la Science et de la Technologie, ce qui n'existait pas avant, et

c'était un peu une zone grise. Maintenant, nous sommes en train de délimiter avec ce ministère les juridictions de chacun. En fait, le ministère qui fera la coordination des actions sera le ministère de la Science et de la Technologie, pour être certain que tous les ministères sectoriels qui sont impliqués dans des développements technologiques, au moins, parlent le même langage et aient les mêmes objectifs et les mêmes priorités.

Pour encourager la recherche à ce niveau, c'est le ministère de la Science et de la Technologie qui est le maître d'oeuvre, qui décide ce qu'il fera ou dans quelle orientation la recherche technologique se fera. Une fois qu'on a défini les grandes orientations et qu'on passe à l'action pratique vis-à-vis des entreprises, pour les transferts technologiques en particulier, cela revient au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, en ce qui regarde notre genre d'entreprise, ou cela revient au MAPAQ pour ce qui regarde les industries agro-alimentaires ou au ministère de l'Énergie et des Ressources pour les industries qui regardent son secteur d'activité. Nous avons des programmes à l'intérieur du ministère, en particulier à la SDI, pour encourager justement ces transferts technologiques. On a des programmes pour aider à acheter des connaissances technologiques à l'extérieur comme on a des programmes pour financer les prototypes, ce qui est important. Une entreprise va faire un prototype qui coûtera souvent plusieurs centaines de milliers de dollars. C'est un risque immense pour une entreprise qui n'a pas les capacités financières assez fortes pour répondre à ces besoins-là. Dans ce sens-là, dans notre programme de recherche et de développement, il y a un volet qui s'adresse aussi aux subventions, à l'aide à la fabrication de prototypes.

Je pense qu'on essaie de délimiter le plus clairement possible nos actions, mais pour être certain que l'orientation déterminée et la coordination déterminée par le ministère de la Science et de la Technologie passe réellement à l'action à travers les différents ministères sectoriels.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de Viger.

La situation politique au Québec

M. Maciocia: Je voudrais souligner un aspect, le dernier que le ministre a touché -je crois que mon collègue de Nelligan l'a touché aussi - c'est la confiance aux Québécois et aux Québécoises. Je suis convaincu, comme l'est le ministre, que, de part et d'autre, on a pleinement confiance aux Québécois et aux Québécoises, on a confiance en cette population qui est vraiment très réceptive, très dynamique pour promouvoir les industries au Québec. Je crois qu'il faudrait regarder cet aspect de confiance d'une autre façon parce que -comme le ministre le disait tantôt - il reproche quasiment à l'Opposition d'être toujours négative vis-à-vis de cet aspect de la confiance. Je ne crois pas que ce soit l'Opposition qui soit négative sur cet aspect mais plutôt le gouvernement même, qui donne l'impression à l'étranger, aux investisseurs étrangers, que l'instabilité politique au Québec est un facteur primordial de la non-venue - si on peut dire - des entreprises étrangères ici au Québec.

Je crois que le ministre est au courant de cette situation à moins que nous entendions des choses et que lui entende d'autres choses. L'instabilité politique sera probablement un jour réglée, d'une façon ou de l'autre. Je crois qu'il faudrait abandonner - on a toujours prétendu dans nos discussions, spécialement sur le plan économique, et je crois que le ministre est au courant - qu'il faudrait mettre de côté ce climat instable sur le plan politique qui empêche justement la venue des entreprises au Québec. On a toujours dit dans nos discours, dans nos revendications aux différents ministères, de mettre de côté - spécialement dans le temps qu'on vit, qu'on a vécu et qu'on continue à vivre - cette option première du Parti québécois, c'est-à-dire l'indépendance du Québec pour relancer justement l'économie. De quoi vient la confiance économique? Cela vient de la part des investissements que peuvent faire les Québécois et les étrangers qui viennent investir au Québec.

De notre part, cela a été une priorité, une mise en garde très souvent au gouvernement de délaisser, au moins pour un certain temps, cette option politique pour donner la possibilité aux Québécois et aux Québécoises de dépasser cette crise économique qu'on vit et de donner la possibilité aux investisseurs étrangers de venir s'installer au Québec. Si on a perdu des entreprises au Québec, il faut dire aussi - je crois et j'espère que le ministre en est conscient - que c'est aussi à cause de cela, pas seulement la non-venue des entreprises étrangères mais aussi le déménagement d'entreprises du Québec qui sont allées vers d'autres provinces ou à l'extérieur même du Canada, à cause de cette instabilité.

Je voulais souligner ce point, parce que je crois que le ministre est un peu au courant et j'espère qu'au moins pour un certain temps, le plus vite possible, on tentera de régler cette situation qui empêche le développement économique de la province de Québec.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Biron: Juste sur ce point-là, parce

que le député de Nelligan en a aussi traité, je regrette qu'on parle toujours d'instabilité politique parce que des gens du Québec continuent d'être logiques et surtout d'être les héritiers de tous ceux qui ont gouverné le Québec. Cela fait 100 ans, depuis le début du siècle, qu'on parle de l'indépendance du Québec avec Honoré Mercier, avec M. Duplessis qu'on parle d'autonomie, ou Lomer Gouin, avec Jean Lesage, qui parlait d'être maîtres chez nous, et avec Daniel Johnson qui disait: Ou on aura l'égalité ou cela sera l'indépendance, et même avec Robert Bourassa, qui demandait beaucoup plus de pouvoirs, de souveraineté culturelle, et qui a déclenché une élection générale sur le thème que le gouvernement fédéral voulait faire un rapatriement unilatéral de la constitution et que c'était inacceptable pour le Québec. C'est Robert Bourassa, du Parti libéral, qui a dit cela. Or qu'on attaque le Parti québécois en disant qu'il y a de l'instabilité politique, je ne comprends pas trop, sauf si on veut vraiment faire de la politique partisane, mais le Québec, historiquement, a toujours demandé beaucoup plus de pouvoirs qu'il n'en a présentement pour protéger la population québécoise, qui n'a pas du tout la même mentalité que celle du reste du Canada.

Depuis deux ans que je suis à la tête du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et que je négocie avec le gouvernement fédéral, je ne dis pas que les gens du gouvernement fédéral sont de mauvaise foi, en incluant M. Trudeau, mais tout le système politique fédéral fait en sorte que les décisions sont prises en fonction du Canada. Le Canada, ce n'est pas le Québec, c'est l'Ontario d'abord. Si vous appliquez un remède pour l'Ontario, vous tuez l'économie québécoise. Mais l'histoire politique du Canada fait qu'on prend des décisions à Ottawa pour cela. Or, le meilleur moyen de régler ce problème une fois pour toutes et d'être des bons partenaires associés économiquement et politiquement de quelque façon, c'est que les Québécois aient en main les pouvoirs nécessaires et qu'il faut parler de stabilité politique. Au contraire, notre langage, c'est de dire: Mettons la stabilité politique, arrêtons de faire ce qu'on fait depuis 100 ans. Réclamons plus de pouvoirs, ayons-les ces pouvoirs et là, il y aura une stabilité politique. On sera capable de discuter d'égal à égal avec nos voisins et cela ira très bien.

Dans ce sens-là, je pense que, tant et aussi longtemps que les Québécois n'auront pas eu ce qu'ils réclament, l'égalité politique, ils vont la réclamer et avec raison. Peu importe celui qui est ou sera à la tête du Québec, peu importe si c'est Robert Bourassa, s'il revenait, ou n'importe qui d'autre - à moins de vouloir être un Adélard Godbout et de céder les droits du Québec, mais je ne pense pas qu'un premier ministre du Québec voudra être un autre Adélard Godbout - le chef du gouvernement du Québec va toujours exiger plus de droits et plus de pouvoirs pour le Québec. Cela sera ce que vous appelez de l'instabilité politique. À mon point de vue, il va réclamer la stabilité politique essentielle que le Québec veut toujours avoir depuis 100 ans dans ce genre de régime. C'est ce point. Vis-à-vis de la langue, c'est la même chose. Je pense que M. Bourassa a passé la loi 22 en disant qu'il y avait un problème de langue et qu'il fallait que cela se corrige. Je ne pense pas qu'aucun gouvernement du Québec change quoi que ce soit à la loi 101. Elle est là pour rester. On est bien mieux d'apprendre à vivre avec elle le mieux possible. C'est vivable, et c'est bon pour la sécurité économique du Québec.

M. Maciocia: M. le Président.

Le Président (M. Champagne): Oui, M. le député.

M. Maciocia: Lorsque vous parliez tantôt de stabilité politique, il faut la régler une fois pour toutes, parce que vous êtes conscients, je l'espère, qu'il y a beaucoup de réticence vis-à-vis du Québec actuellement justement à cause de cette stabilité, si vous voulez l'appeler comme vous voulez, mais il ne faut pas donner l'impression de cette situation claire aux investisseurs étrangers dans le sens de dire qu'au Québec, on est comme cela ou on est de l'autre côté. Si on ne l'est pas, il faudrait le faire le plus tôt possible, pour donner cette possibilité aux investisseurs qui veulent investir au Québec. Si la population du Québec veut avoir l'indépendance politique du Québec, avec une association, avec un trait d'union, ou n'importe quoi avec les autres provinces canadiennes ou avec les États-Unis, faisons-le, mais jusqu'à quand? On ne l'a pas. On ne clarifie pas cette situation. J'espère que vous êtes conscient que, justement, des investisseurs étrangers et même les investisseurs québécois se posent des questions pour investir ici au Québec.

M. Biron: M. le député, pour régler la stabilité politique du Québec, un jour, j'ai pris ma décision de dire oui au référendum. Or, je vous invite à faire la même chose avec nous et on va la régler une fois pour toutes.

M. Maciocia: Mais quand? (11 h 45)

M. Dussault: M. le Président, cela me paraît intéressant ce que dit le député. Il est tout à fait en contradiction avec ce qu'il a dit tout à l'heure. Il nous disait: Mettez la pédale douce, retardez le temps de régler la crise. Et, maintenant, il nous dit: Réglez

cela le plus tôt possible. Il y a suffisamment de Québécois qui sont d'accord pour ce changement profond, que tout ce qu'on peut voir dans l'avenir, c'est qu'il y en ait encore davantage qui soient d'accord pour le changement. Il n'y a qu'une chose à faire, c'est de demander aux gens de l'Opposition de se rallier à l'idée que c'est cela qui nous permettra de nous en sortir une fois pour toutes pour créer la plus grande stabilité, celle qui est idéale. Il n'y a qu'une façon de la régler, c'est qu'on s'en aille de plus en plus vers un consensus qui mènera au maximum de pouvoirs pour le Québec. On réglera le problème. Je sais qu'on ne peut pas vous demander cela. Autant j'aurais tendance à penser que c'est cela qu'il faut vous demander, autant je sais qu'on ne peut pas vous le demander, parce que ce serait contre nature pour vous. On sait qu'une prochaine élection ou d'autres élections subséquentes en dépendent pour vous. Vous voulez prendre le pouvoir. Vous voulez nous battre. Vous voulez discréditer cette option. Nous, on sait que c'est cela qui s'accréditera de plus en plus dans la population. On a déjà fait énormément de chemin dans ce sens.

Ce qui crée des problèmes, c'est ce que vous colportez. Ce qui se dit à l'étranger, si cela se dit, c'est ce que vous colportez. Cessez de colporter qu'on est faible. Cessez d'affaiblir le Québec. C'est votre discours qui affaiblit le Québec et qui crée l'instabilité. Admettez - on l'a vu pendant la crise - qu'on n'a pas les pouvoirs qu'il faut au Québec. S'il y a un moment dans l'histoire du Québec où on a pu constater qu'on n'a pas les pouvoirs pour s'en sortir, c'est bien en temps de crise. On a la moitié des outils, présentement, mais on veut avoir tous les outils pour s'en sortir. Si on a besoin de ces outils, c'est bien en temps de crise. Si on a encore à vivre un jour une crise comme celle qu'on a connue, il faudra qu'on ait appris de cette crise qu'on n'avait pas les outils et que, dorénavant, il faudra qu'on les ait.

Arrêtez de nous dire: Oubliez cette affaire le temps de régler la crise. Au contraire, il ne faut pas l'oublier. Vous savez, malheureusement, les Québécois ont fait la preuve qu'ils n'ont pas toujours toute la mémoire qu'il faut, ils oublient relativement vite. Il ne faudrait pas qu'ils oublient que, pendant la crise, on avait constaté qu'on avait des difficultés en termes de pouvoirs. On a la moitié des outils, il faut qu'on aille chercher ces autres outils, l'autre moitié.

Travaillez avec nous. Si vous n'êtes pas capables de travailler avec nous dans ce sens parce que c'est contre nature sur le plan des élections, parce que vous voulez prendre le pouvoir, vous voulez nous battre sur cette question, au moins, changez votre discours. Faites en sorte, à un moment donné, de ne pas colporter ce genre de choses qui nous feraient passer pour des gens qui ne sont pas accueillants, pour des gens qui ne sont pas capables de voir venir l'investisseur, alors que, en réalité, on est intéressé à ce que l'investisseur vienne.

On a vu que cela n'inquiète pas très largement les compagnies qui sont ici. J'ai participé je ne sais pas combien de fois à des représentations pour le ministre dans différentes compagnies où on investissait des millions de dollars, où on agrandissait et où les gens étaient intéressés à continuer de travailler avec les Québécois. Vous savez, s'il y a un langage qui fait du tort, c'est le vôtre, et s'il fait du tort à l'étranger, c'est le même langage. Il n'énerve pas les gens ici, maintenant. Arrêtez de faire croire que les compagnies qui se déplacent vers l'Ouest le font à cause de la venue au pouvoir du Parti québécois et parce qu'il est encore au pouvoir. Cette affaire a commencé bien avant nous autres. Il ne faut pas s'imaginer que, à partir de novembre 1976, subitement, les compagnies se sont mises à s'en aller vers l'Ouest. C'est une tendance qui existe depuis des années, ici, au Québec, comme elle existe aux États-Unis de l'Est vers l'Ouest. On ne luttera pas contre ces grands mouvements.

Ce que nous ferons, ce sera de nous donner les meilleurs instruments possible pour qu'on puisse faire le maximum dans ces circonstances et dans ce contexte. Cela, c'est parler un langage positif. Cessez d'affaiblir le Québec par votre discours. Évidemment, expliquez en quoi ce que vous pensez est meilleur, mais arrêtez d'affaiblir la collectivité québécoise à partir de votre discours, c'est cela qui nous fait le plus de tort. C'est ce que le ministre voulait vous dire tout à l'heure, lorsqu'il vous demandait, dès le début, de parler un langage positif, de nous aider à faire voir la capacité des Québécois de se prendre en main sur le plan économique, parce que c'est là qu'on est rendu. La prise de conscience des Québécois est extraordinaire présentement sur ces questions de développement économique. Arrêtez de décourager les Québécois. Dites-leur: Oui, vous l'avez le potentiel. On est ouvert. On va essayer de convaincre le monde, les investisseurs étrangers, étant donné qu'il y a un potentiel extraordinaire ici, que vous avez la formation, l'éducation. Vous avez mis beaucoup d'argent là-dedans, maintenant, vous êtes à même de jouer avec cela d'une façon naturelle. Je pense que c'est cela qu'il faut dire aux Québécois.

Quand les étrangers nous entendront nous parler entre nous ce langage, ils vont cesser de s'énerver sur ce qui se passe ici et ils se rendront compte que ce qui se passe ici, c'est tout à fait normal. Nous sommes une collectivité distincte des autres collectivités qui l'entourent et qui veut,

effectivement, avec ce qui la distingue, arriver au maximum de résultats. C'est cela, je pense, qui doit se passer. C'est cela qu'on veut vous dire ce matin, quand on vous dit: Parlez un langage positif. C'est vrai que l'Opposition est là pour critiquer. Mais elle n'est pas toujours obligée de critiquer et elle n'est pas toujours obligée de prendre les arguments les plus négatifs pour critiquer.

Il y a certains points de vue que le député de Nelligan a avancés ce matin et qui relevaient du positif. Mme la députée de Jacques-Cartier, l'autre jour, sur la question avec débat à l'Assemblée nationale, a aussi tenu un langage très largement positif et, chaque fois que je vous entends, cela nous fait plaisir, parce qu'on n'est pas habitués à cela. Quand on vous entend tenir ce langage, on vous le dit. Mais il faudrait le faire beaucoup plus que cela jusqu'à ce que cela cesse de conditionner négativement le développement du Québec sur le plan économique.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Je ne voulais pas me lancer dans une discussion stérile sur l'indépendance du Québec, etc., excepté que, si, M. le député de Châteauguay, vous pensez que cela n'existe pas comme facteur important dans l'esprit des investisseurs, dans l'esprit des hommes d'affaires, vous n'en connaissez pas beaucoup. Je peux vous dire que je visite beaucoup d'entreprises, que je connais beaucoup de gens dans les entreprises. L'autre jour, j'étais à une réunion avec dix personnes d'entreprises dont le chiffre d'affaires représente 500 000 000 $, dix PME. Alors, si vous pensez que cela n'existe pas, que ce sont seulement les libéraux qui colportent ces choses-là, vous êtes ou aveugle ou sourd. Si vous pensez que c'est seulement la Gazette de Montréal ou l'Opposition libérale qui en parlent, lisez les articles de Marcel Adam, lisez les articles de Vincent Prince, dans la Presse, récemment, au sujet de toutes les déclarations sur l'indépendance qu'ont faites les ministres du Parti québécois. Tout ce qu'on vous dit, c'est d'essayer de réaliser qu'à tort ou à raison, les gens pensent que c'est instable parce que c'est un climat d'incertitude politique. C'est ce que les gens disent, à tort ou à raison.

Qu'on fasse l'indépendance, d'accord. Mais qu'on règle la question une fois pour toutes. En 1980, on a fait un référendum. On croyait que c'était fini. Mais cela recommence à présent de plus belle. Alors, ne me dites pas que c'est quelque chose qui n'existe pas. Ne me dites pas que le phénomène des sièges sociaux qui ont quitté le Québec est un phénomène naturel et historique. Comment se fait-il que, durant les cinq dernières années, cela a été une question catastrophique ici? Vous ne parlez jamais de chiffres. Vous faites toujours de grands discours avec de belles phrases. Moi, je vais vous donner des chiffres. Vous savez combien de sièges sociaux sont maintenant à Toronto par rapport à ceux qui sont à Montréal? Est-ce que vous connaissez le nombre? Des 500 plus grandes compagnies du Canada qui sont inscrites dans le Financial Post, il y en a 264. Est-ce que vous savez qu'il y a plus de sièges sociaux maintenant dans l'Ouest du Canada, c'est-à-dire 108. Et à Montréal, à Québec? Il y en a 94 dans le Québec tout entier, 84 à Montréal; 84 à Montréal, qui était la ville même des sièges sociaux. Si vous voulez qu'on vous donne la liste, je vais vous la donner. Seulement, cela prendra dix minutes à la lire, la liste des firmes, des entreprises qui ont quitté le Québec. Elles n'ont pas quitté le Québec pour aller à Vancouver, comme c'est le cas pour les entreprises qui quittent l'Est de l'Amérique pour aller à San Francisco, à Los Angeles, au Texas, au sud des États-Unis. Elles ont quitté le Québec pour aller à Toronto, qui a le même climat géographique que nous, les mêmes infrastructures que nous.

En fait, on a les meilleures infrastructures. Il ne faut pas que vous vous disiez aussi que ces problèmes-là, quand on les aborde, c'est une bebelle d'élection pour le Parti libéral. C'est de la frime. Vous n'avez qu'à lire - l'autre jour, je vous l'ai cité - le rapport des investisseurs japonais. L'avez-vous lu? C'est un document de 350 pages. Ces 38 investisseurs japonais sont venus ici au Canada, au Québec, en Colombie britannique, en Alberta et ailleurs, faire le programme de plans d'investissements au Canada. Qu'est-ce qu'ils ont dit? Ils ont dit: La question de l'indépendance politique du Québec reste un handicap sérieux pour nous. Ce n'est pas moi qui ai dit cela. Ce sont des investisseurs japonais. Je vous ai cité plusieurs noms. Je vais vous passer le rapport, si vous ne l'avez pas lu et si vous ne pensez pas le lire. Ce sont des Japonais. Si vous lisez, parmi les firmes qui nous ont quittés, il y a des firmes allemandes, des firmes suédoises. Ce ne sont pas des "blokes", ce n'est pas seulement le Parti libéral. Alors, nous dire que cela n'existe pas, que c'est une constatation... Je sais, moi, qu'il y aura toujours des revendications de la part du Québec. Je sais cela. Nous sommes d'accord. Vous, votre option politique, c'est l'indépendance. Nous, notre option, c'est le fédéralisme. Cela va rester. Cela va rester un argument de base. Tout ce qu'on vous dit, c'est que, lors de la dernière élection, le référendum venait de se passer. Le Parti québécois avait dit: On va faire l'élection à partir d'un programme de bon gouvernement. On va mettre l'indépendance en veilleuse. Ce n'est pas moi

qui ai dit cela. Si vous voulez qu'on aille chercher les citations, vous-même, est-ce que vous avez parlé d'indépendance pendant votre campagne électorale? Est-ce que cela a été le thème de votre campagne électorale? Cela n'a pas été comme cela chez moi. Le Parti québécois a dit: Ah non! on fait cela sur une base de bon gouvernement. Mais, seulement, quand vous êtes arrivés au pouvoir, votre ministre même disait l'autre jour: L'indépendance du Québec!

Tout ce qu'on vous dit, c'est que, maintenant, en attendant la prochaine élection, vous n'avez pas besoin de faire un grand chahut là-dessus, parce que cela énerve les gens. Cela énerve les Américains. Ils ont parlé de cela assez souvent. Il y a eu une déclaration l'autre jour à New-York à ce sujet. Cela les énerve. Pourquoi pensez-vous - comme je vous le disais tout à l'heure, si vous voulez la liste, je vais vous la donner: voilà la liste est ici - que, sur 56 banques qui se sont implantées au Canada, il y en a 47 qui sont allées à Toronto? Pourquoi pensez-vous - vous le dites - que ces facteurs ne jouent pas du tout? Mais, comment se fait-il qu'elles ne sont pas allées en Californie, qu'elles ne sont pas allées à Vancouver? Elles sont allées à Toronto, à 350 milles de nous, dans le même climat géographique.

Alors, ne venez pas nous dire que nous sommes fous parce qu'on apporte la question sur le tapis. Tout ce qu'on vous dit, on le dit au ministre et, de façon constructive, moi, je suis à 100% pour les investissements au Québec. Je travaille dans ce sens et je vous mets au défi d'avoir travaillé aussi fort que moi pas pour enlever des entreprises à Toronto mais pour garder des entreprises au Québec. Et je peux vous donner des noms. Peut-être que si vous me dites que, comme député de Châteauguay, dans votre circonscription, vous êtes allé chercher une entreprise à Toronto pour l'amener dans Châteauguay, je vous tirerai mon chapeau. Je peux vous dire que je le fais aussi et je peux vous donner des noms. Ne me dites pas qu'on est contre le Québec, qu'on est contre les investissements, bien au contraire. Tout ce qu'on vous dit, c'est qu'on parle à des gens et ils constatent un facteur d'instabilité. Si cela continue, cela continuera. Si cela continue avec le Parti libéral, ce sera la même chose. Il faudra qu'on arrête, qu'on se le dise, il faudra qu'on fasse un moratoire sur toute cette question politique pour permettre aux investissements de se faire dans le plus grand calme, dans la plus grande sérénité. C'est cela qu'on dit.

Je pense qu'il est tout à fait normal pour nous de parler de cela et que nous ne sommes pas fous de parler de cela. Si vous voulez des noms d'entreprises qui m'ont parlé de cela, je vous les donnerai. Si vous voulez qu'on aille ensemble voir ces entreprises et qu'on parle aux présidents des entreprises et qu'on vous le fasse dire - je suis sûr que le ministre aussi a écouté - je peux vous amener là-bas. S'ils ne vous parlent pas à vous, je vais vous amener dans des entreprises où l'on a dit qu'ils avaient parlé à des ministres du Parti québécois.

Le Président (M. Champagne): M. le ministre, peut-être ou...

M. Biron: M. le Président, je voudrais ajouter...

Le Président (M. Champagne): Je voudrais faire remarquer aux membres de la commision que nous sommes engagés dans un débat politique, et que nous sommes ici pour faire l'étude des crédits. Est-ce que... Je peux vous donner la parole...

M. Dussault: Moi, brièvement, M. le Président, pour conlure là-dessus.

Le Président (M. Champagne): ...brièvement, et ensuite on en viendra peut-être à l'étude du programme 1.

M. Dussault: Le député me fait dire des choses que je ne dis pas, M. le Président. D'abord, il me parle de listes qu'il voudrait me fournir. Je suis bien prêt à regarder ces listes, mais je me rappelle - il y a de quoi se méfier maintenant - d'une liste que le Parti libéral avait rendue publique de sièges sociaux qui s'étaient déplacés, semble-t-il, et quand elle a été analysée, on s'est rendu compte qu'il s'agissait de gens qui n'avaient qu'un numéro de téléphone dans le bottin. C'est facile de déplacer des sièges sociaux de cette façon-là. Il y a des exagérations, c'est ce que je veux dire, il y a des exagérations. Leur discours est un discours qui conditionne le climat. Ce que j'essaie de faire comprendre aujourd'hui à M. le député de Nelligan, j'ai essayé de le lui faire comprendre vendredi dernier lors de la question avec débat, c'est un discours qui conditionne négativement le développement économique du Québec. C'est ce qu'il faudrait réellement comprendre. C'est sûr qu'on peut énerver les Américains. Les Américains ont eu quelques expériences malheureuses tout près d'eux dans le Sud. Ils ne souhaiteraient pas qu'il y ait des expériences malheureuses comme cela au Nord. Ce n'est pas du tout ce qui se développe ici. Il n'y a pas d'atmosphère de guérilla ici au Québec. Il faut cesser de mêler les contextes et de donner l'impression qu'ici, c'est la fin du monde. Ce n'est pas cela la réalité. Ici, il y a un cheminement des Québécois vers leur prise en main collective, mais un cheminement qui est tout à fait pacifique, qui est tout à fait serein et qui est tout à fait normal en même temps.

C'est cela qu'on voudrait que vous saisissiez une fois pour toutes. Ce que vous faites, c'est que vous avez un discours qui conditionne un climat, qui crée de la psychose. Arrêtez de créer de la psychose pour des intérêts politiques. Ce n'est que cela qu'on vous demande.

Le Président (M. Champagne): Je pense qu'il ne faudrait pas...

M. Payne: Je voudrais juste ajouter quelque chose, quinze secondes, avec la permission...

Le Président (M. Champagne): En quinze secondes, peut-être, ensuite dix petites secondes et ensuite on arrivera... Le député de Vachon, en quinze secondes.

M. Payne: II pourrait être intéressant que le député de Nelligan consulte le professeur Lemay, qui est en train de faire une étude exhaustive de la situation des sièges sociaux à travers l'Amérique du Nord, d'une part, et, d'autre part, le taux d'attraction, la valeur d'attraction du Québec vis-à-vis des autres provinces du Canada. En ce qui concerne l'intérêt du Québec pour celui qui vient de l'extérieur - c'est un professeur de l'Université du New Jersey -c'est absolument étonnant.

Deuxièmement, j'aimerais m'assurer qu'il lise le livre que Gerard Clark publiait dernièrement sur la confiance dans le Québec et Montréal en particulier.

Le Président (M. Champagne): Une dernière peut-être avec le député de Viger?

M. Maciocia: Une dernière, oui. La seule chose que je voulais dire, quand je suis intervenu sur cette aspect, c'est d'arrêter d'en parler. Parlez-en seulement pendant les 35 jours de la campagne électorale et c'est tout. Arrêtez d'en parler jusqu'à...

Le Président (M. Champagne): On va espérer que la commission n'en parlera...

M. Dussault: On pourrait peut-être inviter le président...

Le Président (M. Champagne): D'accord. Est-ce que la commission pourrait prendre le programme 1 ou enfin globalement les programmes?

M. Lincoln: On s'est entendu pour en parler globalement.

M. Biron: On s'était entendu pour en parler globalement.

Le Président (M. Champagne):

Globalement, d'accord. M. le député de

Nelligan, vous avez la parole sur les crédits.

M. Lincoln: M. le ministre, est-ce qu'on pourrait commencer par les sociétés d'Etat, peut-être par la SGF? (12 heures)

M. Biron: Juste une information au député de Nelligan, sur la question de la SGF, il y a un projet de loi qui sera déposé au cours des prochains jours sur la Société générale de financement pour augmenter son capital-actions et lui permettre d'agir dans le secteur des alumineries. À ce moment, le président de la Société générale de financement sera avec nous pour répondre à toutes les questions. On avait prévu qu'à l'occasion de ce débat sur la loi sur la SGF, on pourrait vraiment répondre à ce qui arrive en ce qui concerne la SGF. Si vous voulez poser des questions à l'occasion de l'étude des crédits, j'essaierai de vous répondre le mieux possible mais, étant donné que les gens de la SGF ne sont pas ici, on n'avait pas prévu qu'ils seraient ici aujourd'hui, parce que ce n'est pas budgétaire, je vais essayer de vous répondre le mieux possible.

M. Lincoln: Ce sera quand?

M. Biron: Avant la fin de juin, parce qu'on voudrait que le projet de loi soit déposé et adopté avant le 21 juin. Comme information, on pourra avoir vraiment tout le dossier de la SGF en même temps. Je ne veux pas vous empêcher d'en parler.

Société des alcools du Québec

M. Lincoln: Cela va. Mes questions sont d'ordre général, mais si on peut y revenir durant la commission parlementaire, on aura pas mal de temps. Nous pourrions peut-être passer à la SAQ, si vous voulez.

M. Biron: La même chose vis-à-vis de la SAQ. Il y a un projet de loi aussi qu'on espère pouvoir faire adopter avant la fin de juin, ce qui n'est pas encore certain, parce que le projet de loi est au comité de législation. Je pense que si vous voulez poser des questions d'ordre général sur la SAQ, comme orientation globale de ce qui s'en vient, je suis bien prêt à vous répondre.

M. Lincoln: D'accord. Tout d'abord, j'aurais voulu savoir, c'est si vous avez prévu des politiques avec cette nouvelle loi pour favoriser une réévaluation beaucoup plus rapide des taux d'échange, surtout les taux d'échange francs qui couvrent la plus grande partie des vins. Prenez maintenant la dévaluation fantastique du franc français. Trois dévaluations presque consécutives, très rapides, qui ont une portée substantielle sur le coût au consommateur. Pouvez-vous me

dire si vous avez des politiques en marche à ce sujet?

M. Biron: D'abord, voulez-vous me permettre de donner un peu l'orientation dans laquelle nous voulons aller avec la Société des alcools du Québec? Vous avez mentionné dans votre intervention du début que c'était un monopole de première distribution; au point de vue du grossiste, c'est un monopole, au point de vue de la vente au détail, ce n'est pas un monopole, maintenant, parce qu'on permet...

M. Lincoln: Je pense que j'ai qualifié cela. J'ai dit à l'exception des centres de dépannage.

M. Biron: D'accord. Au point de vue de la production, de la mise en bouteille et de la fabrication, ce n'est pas un monopole non plus, parce qu'il y a les distilleries. Il y a aussi onze permis privés d'embouteillage et de fabrication de vin. Ce que nous voulons garder, c'est le monopole de première distribution, c'est-à-dire un contrôle adéquat de tout ce qui se distribue au Québec comme boissons alcooliques. Nous voulons par contre permettre plus de marge de manoeuvre à l'entreprise privée dans ce sens. On a souvent attaqué la SAQ sur cela, mais je peux vous dire que notre objectif est de permettre une marge de manoeuvre plus grande, une plus grande concurrence au point de vue de la fabrication et de l'embouteillage des boissons alcooliques et des vins au Québec. Il y aura même une comptabilité séparée pour la SAQ-embouteillage, pour être certain qu'il n'y aura pas de concurrence indue avec des taxes payées par les Québécois sur les spiritueux ou sur le vin, vis-à-vis des firmes privées de distillerie ou d'embouteillage. Dans ce sens, il y aura une comptabilité très séparée.

Nous voulons quand même garder la SAQ comme un secteur témoin d'embouteillage jusqu'à un certain point. Nous voulons aussi permettre davantage aux firmes québécoises privées de conquérir des nouveaux marchés. Avec l'ancienne loi de la SAQ, tout devait passer par la SAQ, à tel point qu'on a eu même un exemple il y a quelques années d'une firme québécoise qui avait une commande d'un million de caisses de vin embouteillé au Québec pour vendre en Nouvelle-Angleterre, et elle n'a pas pu réaliser cette vente parce que la SAQ d'autrefois l'a empêchée de faire cela. Cela n'a pas de bon sens. On peut acheter du vin en France, l'embouteiller au Québec et le vendre en Nouvelle-Angleterre. Je pense que tout le monde va se féliciter, parce qu'on aura des bouteilles qui seront québécoises, l'embouteillage, les étiquettes, les boîtes etc. Dans ce sens, la nouvelle loi va donner beaucoup de marge de manoeuvre au secteur privé.

Nous avons aussi demandé depuis...

M. Lincoln: Excusez-moi, M. le ministre, pour être sûr que je vous ai bien compris, cela donnerait droit aux entreprises d'embouteillage, par exemple, de faire venir elles-mêmes des vins importés et de les embouteiller?

M. Biron: Les embouteiller et les vendre sur d'autres marchés.

M. Lincoln: Sur d'autres marchés.

M. Biron: Sur d'autres marchés. À l'heure actuelle, elles n'ont pas le droit de conquérir...

M. Lincoln: Je sais, elles n'ont pas le droit.

M. Biron: Alors, on veut le leur permettre, parce qu'on a fait faire des études par la SAQ en Nouvelle-Angleterre. On a d'ailleurs distribué des copies de ces études aux gens du secteur privé qui prouvent qu'il y a un marché immense qu'on pourrait conquérir à partir du Québec. Alors on veut permettre à nos embouteilleurs de le faire. Vis-à-vis de ce qui sera acheté, embouteillé au Québec et vendu dans le réseau des épiceries, nous allons quand même exiger que ce soit une marque québécoise, pour nous assurer qu'il y ait le maximum de contenu québécois dans le sens qu'on ait la bouteille et ce qu'on est capable de faire au Québec.

Mais, jusqu'à maintenant, on exigeait aussi qu'il y ait 33% de vins importés qu'on pouvait admettre. Pour le reste, il fallait que ce soit du concentré ou des raisins, en tout cas un mélange qui ait un certain contenu québécois, mais on s'aperçoit qu'on force finalement les embouteilleurs à produire un vin de seconde qualité. Si on avait des vignes au Québec, on pourrait se dire: C'est du produit québécois, mais on se force à importer des choses et à réduire finalement la qualité. Dans la nouvelle loi, il sera permis aux embouteilleurs de faire venir un vin à 100% italien ou français et de l'embouteiller au Québec sous une marque québécoise, par exemple. Cela pourrait s'appeler un Portneuf, un Montréal, un Saint-Laurent ou je ne sais quoi et ce serait distribué à nouveau dans le réseau des épiceries.

En plus, jusqu'à maintenant, on limite la quantité de marques par un embouteilleur privé dans chaque épicerie, au maximum, à trois marques. Comme objectif, on veut ouvrir cela pour avoir vraiment le libéralisme de ce côté, mais si on ouvre trop vite, on va pénaliser de petits embouteilleurs, si vous

les comparez aux plus gros ou à ceux qui ont une structure financière plus forte. On ira graduellement et par étapes, mais, comme première étape, on permettra possiblement cinq marques et on laissera plus de marge de manoeuvre au privé mais on limitera quand même le nombre de marques pour la Société des alcools, qui sera la seule, dans le fond, en cours de route, à être limitée alors qu'éventuellement les autres pourraient être beaucoup plus ouverts.

Dans ce sens, on fait plus confiance à l'entreprise privée et on force la SAQ-embouteillage à s'administrer le plus sainement possible. À la première distribution au grossiste, je pense que c'est normal qu'on contrôle tout. Il va même y avoir des amendes plus élevées pour être certain de tout contrôler. On nous rapporte - mais on n'a pu le prouver à date - qu'il y aurait peut-être du coulage de part et d'autre qui pourrait se faire. Alors, on veut être certain que tout le monde soit traité sur le même pied de ce côté pour la première distribution.

Pour la deuxième distribution au détail, on va permettre beaucoup plus de marge de manoeuvre, aussi, encore une fois, vis-à-vis du secteur privé en plus...

M. Maciocia: Si vous me permettez, M. le ministre, est-ce que cela veut dire que la SAQ va continuer quand même à importer du vin elle-même ou si elle va seulement prendre celui qui a été embouteillé au Québec?

M. Biron: La SAQ va continuer, comme cela sera permis pour le privé aussi d'ailleurs, d'importer du vin.

M. Maciocia: C'est la même chose.

M. Biron: Sauf les appellations contrôlées qui, pour un bout de temps encore, seront la seule responsabilité de la SAQ. Mais notre objectif est de faire en sorte d'importer le maximum de vins en vrac pour les embouteiller au Québec au lieu d'importer en bouteilles, parce qu'on est capable de faire la bouteille. Si on songe que le coût du vin avec la bouteille, l'embouteillage, les étiquettes en moyenne, un vin de table, c'est 50%, alors, on pourra améliorer et accentuer le contenu québécois là-dessus.

Pour la mise en marché finale au détail, nous avons comme objectif d'avoir cette année 25 agences privées à travers le Québec qui vont distribuer des spiritueux en plus du vin dans certaines régions, villes ou municipalités qui sont situées à plus de 25 kilomètres d'une succursale de la SAQ. En d'autres termes, on ne veut pas augmenter le nombre de magasins de la SAQ. On va au moins stabiliser ce qui est là et éventuellement diminuer probablement lentement le nombre de magasins et faire un peu plus confiance au secteur privé dans le sens de la deuxième distribution, c'est-à-dire la distribution au détail.

En d'autres termes, si je résumais l'action qu'on va faire, on s'ouvre beaucoup plus vers le secteur privé. Il y a aussi un point important de ce côté, c'est qu'on avait des plaintes du secteur privé, à savoir que la SAQ étant en même temps compétitrice d'une firme privée et ayant sous sa seule responsabilité le contrôle de la qualité, pouvait des fois dire: On n'accepte pas, parce que tu n'as pas une bonne qualité, et elle n'était pas obligée de donner les résultats. Alors, on enlève le contrôle de la qualité à la SAQ. Ce sera maintenant la responsabilité du MICT et il y aura une commission où seront présentes à la fois l'entreprise privée et la SAQ. On sera obligé de dévoiler le résultat de l'analyse devant les membres de la commission, si une firme privée n'est pas satisfaite du résultat. Or, cela veut dire, en d'autres termes, qu'on veut permettre à l'entreprise privée de participer aussi avec nous au contrôle de la qualité, mais si la qualité n'est pas là dans une firme privée et si on fait appel devant cette commission, ses compétiteurs vont savoir que sa qualité n'est pas là. Alors, la firme privée aussi va être beaucoup plus responsable dans ses demandes.

M. Maciocia: Lorsque vous dites qu'il y aura 25 agences privées à 25 kilomètres d'un local de la SAQ, est-ce qu'il y a un rayon d'établi pour ces agences, pour la vente ou peut-on vendre "at large", n'importe où?

M. Biron: On peut vendre "at large", mais c'est comme un magasin de la SAQ dans le fond. Il faut se rendre à cette agence pour pouvoir acheter une bouteille de spiritueux comme on se rend à une succursale de la SAQ.

M. Maciocia: Vous parlez d'une agence pour aller dans un local, alors...

M. Biron: Dans un local, et ceux qui peuvent soumissionner pour avoir ce local ne sont que ceux qui déjà ne sont que détenteurs d'un permis de vente de vin ou de bière. Règle générale, c'est un magasin, un Métro, un Provigo, une Coop...

M. Maciocia: Un dépanneur.

M. Biron: Un dépanneur qui soumissionne. Alors ces 25 agences, bien sûr, sont en région rurale parce que, dans toutes les villes, il y a une succursale de la SAQ. On donne un meilleur service à la clientèle, d'une part, et, d'autre part, on veut tranquillement mais sûrement s'en aller vers

un peu plus de confiance au secteur privé de ce côté-là.

M. Maciocia: Une autre question me semble naturelle. Est-ce qu'il peut y avoir des succursales dans la même agence? Parce que, si vous parlez de 25 agences privées, cela veut dire qu'il peut y avoir une agence avec 25 succursales. Ou est-ce limité à une succursale?

M. Biron: Non, il pourrait y avoir 24 succursales mais, dans des régions bien données, c'est-à-dire...

M. Maciocia: Oui, je comprends.

M. Biron: ...que l'agence qui est délimitée pour Squatec, dans le comté de Témiscouata, a un dépôt à Squatec mais il ne peut pas ouvrir une autre succursale dans la paroisse voisine.

M. Maciocia: Je comprends, mais ce que je veux dire, c'est que ce ne seraient pas 25 agences différentes, je veux dire 25 agences avec des propriétaires différents.

M. Biron: Non. C'est sûr que c'est différent, parce que...

M. Maciocia: Si on dit qu'il peut y avoir jusqu'à 24 succursales, il peut y avoir une personne seulement. C'est ce qu'il disait.

M. Biron: ...s'il faut déjà passer par ceux qui sont détenteurs d'un permis de vente de boisson, c'est-à-dire de bière et de vin, c'est automatiquement un commerce privé. On ne peut pas avoir une grande chaîne détentrice d'un permis.

M. Maciocia: Mais vous parliez tantôt de Provigo ou de n'importe qui?

M. Biron: C'est un magasin sous la bannière Provigo.

M. Maciocia: C'est cela.

M. Biron: Mais il est propriété d'un individu. Cela ne peut pas être la compagnie Provigo qui détient l'agence, cela peut être M. Joseph Blanchette, qui a un magasin sous la bannière Provigo ou Métro.

M. Maciocia: Oui, je comprends, mais il peut arriver, comme je le disais tantôt, qu'il y ait 25 Provigo, 25 propriétaires différents, mais que ce soient seulement des Provigo qui auraient ce privilège, 25 agences privées.

M. Biron: C'est possible. Ce qu'on fait habituellement, on annonce...

M. Maciocia: II faudrait regarder un peu plus.

M. Biron: ...autour. Cela se fait par des soumissions publiques et les gens disent: Nous sommes prêts à faire la vente pour X pourcent, 5%, habituellement, ou quelque chose comme cela.

M. Maciocia: Une autre question. Est-ce que cela veut dire qu'il y aura un gel de permis à partir d'un certain moment ou quoi? Vous dites que ce sont seulement des dépanneurs ou des personnes qui ont déjà un permis d'alcool, est-ce que cela veut dire que, d'ici le projet de loi, il y aura un gel de permis, parce que les gens qui vont savoir qu'il y aura 25 agences privées, je crois qu'ils seront portés à aller demander un permis d'alcool pour avoir cette possibilité. C'est juste une mise en garde ou quoi que ce soit.

M. Biron: II y a déjà 10 000 permis de vente de bière et de vin à travers le Québec. C'est tellement peu et d'ailleurs ce n'est pas rentable d'avoir seulement la vente de bière, du vin et des spiritueux, il faut absolument vendre aussi autre chose en même temps, parce que autrement, surtout en allant aux soumissions publiques, au prix qui est payé, il faut absolument avoir une épicerie.

M. Maciocia: Je ne suis probablement pas d'accord avec vous, car, avec la vente de la bière, du vin et des spiritueux, on ne peut pas avoir assez de profits pour avoir seulement un tel magasin.

M. Biron: Dans de grandes villes comme Montréal, Québec et Sherbrooke, oui, mais, dans de petits centres qui sont choisis, surtout à 25 kilomètres d'une succursale, ce sont de très petits centres où vraiment l'achalandage n'est pas assez élevé, la quantité vendue n'est pas assez grande pour permettre d'avoir une exclusivité. (12 h 15)

M. Maciocia: Est-ce que le ministère a fait une étude de cette situation, parce que cela pourrait être une situation...

M. Biron: On a fait, l'an dernier, trois expériences pilotes: une à Squatec, une à Saint-Paul-de-Montmagny et l'autre à Blanc-Sablon. C'est à partir de ces expériences pilotes qu'on a décidé d'ajouter 25 autres agences dans des régions un peu plus éloignées des villes.

M. Maciocia: Je vous posais ces questions pour qu'il n'y en ait pas de favorisés. Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire par cela? Parce que ce serait encore épouvantable pour les autres qui seraient là.

M. Lincoln: M. le Président, M. le ministre, toujours en ce qui concerne la SAQ, d'après ce que je comprends, les producteurs, les embouteilleurs, les gens dans les distilleries, dans l'industrie vinicole avaient fait quatre demandes principales. Il y avait le droit d'embouteiller des vins importés. D'après ce que vous me dites, cela sera possible par la loi.

M. Biron: Exact. Ils demandaient même de pouvoir augmenter jusqu'à 50%. On leur permet maintenant 100% de vins importés, mais vendus au Québec sous une marque québécoise ou, si c'est une marque française, un Pisse-Dru par exemple, il devra être vendu à la Société des alcools et dans les magasins de la Société des alcools seulement, alors que les marques québécoises seront vendues dans tout le réseau des épiceries. En d'autres termes, on veut ouvrir le réseau des épiceries aux marques québécoises seulement.

M. Lincoln: Après cela, justement, cela concernait l'accès au réseau des épiceries. Si, par exemple, ils ont une marque qui est considérée comme québécoise, cela pourrait être en partie du vin importé qui est mélangé avec du vin d'ici; tant que c'est reconnu comme une marque québécoise et pas comme une marque d'appellation contrôlée - Bordeaux, Beaujolais ou une marque française - ils auront le droit de vendre ces vins. Vous gardez la vente exclusive de tous les vins de marque autre que québécoise?

M. Biron: Exact.

M. Lincoln: Tout cela se vend à travers...

M. Maciocia: Quand vous parlez de marque québécoise - j'ai probablement mal saisi tantôt - cela veut dire que quelqu'un peut importer à 100% du vin d'un autre pays, comme la France, l'Italie, l'Espagne ou n'importe où, et l'embouteiller ici; pour vous, à ce moment-là, c'est considéré comme une marque québécoise?

M. Biron: S'il est embouteillé ici et s'il est vendu sous une marque comme Geloso, Réserve à Vincent...

M. Maciocia: Oui, c'est ce que j'ai dit.

M. Biron: Cela devient une marque québécoise, parce que le contenu est importé, mais le contenant, la bouteille, tout le travail et le nom sont québécois.

M. Lincoln: Mon collègue me fait penser à quelque chose. Prenez ce qui se passe maintenant chez les dépanneurs; vous pouvez acheter du Chianti, qui a une étiquette bleue, ou du Valpolicella chez les dépanneurs. Est-ce que, dans l'avenir, selon la loi, on ne pourra plus vendre cela parce que c'est du Chianti ou bien si c'est reconnu comme une marque québécoise?

M. Biron: Cela fait partie des huit marques d'appellation contrôlée vendues par la SAQ et seule la SAQ continuera d'avoir des appellations contrôlées, mais ce sera limité à huit dans les épiceries...

M. Lincoln: Dans les épiceries, d'accord.

M. Biron: ...comme première étape. Tout le reste du vin de table sera ouvert à tout le monde.

M. Lincoln: D'accord. Ils avaient aussi demandé l'accès au réseau des succursales de la SAQ pour des vins de qualité supérieure importés en vrac et embouteillés au Québec. Je pense que c'était une de leurs demandes.

M. Biron: C'est accordé. M. Lincoln: C'est accordé? M. Biron: C'est accordé.

M. Lincoln: Maintenant, ils pourront importer eux-mêmes de France, par exemple, des vins de qualité et les placer dans les succursales de la SAQ pour les vendre?

M. Biron: Exact. Des vins d'appellation contrôlée pourront être importés en vrac, embouteillés au Québec et placés dans le réseau des succursales. C'est exact.

M. Lincoln: Ils sont sujets à votre monopole de première distribution, c'est-à-dire que vous aurez toujours un veto sur... Vous me disiez que vous vouliez garder le monopole de la première distribution.

M. Biron: Exact.

M. Lincoln: Alors, si je comprends bien votre cheminement, vous aurez une commission de contrôle de la qualité. Si, par exemple, Seagram veut importer du vin de première qualité de la France, si c'est une nouvelle marque de vin qui n'est pas importée, elle devra passer par la commission pour en reconnaître la qualité?

M. Biron: Exact.

M. Lincoln: Une fois que cela sera reconnu, elle pourra importer la quantité qu'elle veut, mettre cela en bouteille et vous, à la SAQ, vous êtes obligés de prendre ces produits. C'est ce que vous voulez dire?

M. Biron: C'est quand même soumis à une politique de marketing de la SAQ, parce que, autrement, Seagram pourrait importer -pour prendre votre exemple - et vendre 10 000 caisses à la SAQ et dire: Vous mettez cela dans vos entrepôts et vous attendez de vendre cela. Il y a quand même une politique de marketing de la part de la SAQ pour ne pas avoir 18 000 sortes différentes de vin parce qu'on sera pris avec tellement d'inventaire que cela va coûter très cher. C'est sujet à une politique de mise en marché. Si Seagram dit: II y a deux marques que je vends déjà, qui ne marchent à peu près pas; je voudrais les remplacer par telle autre marque de grand vin qui, à mon point de vue, va marcher plus et je vais faire plus de promotion ou de publicité là-dessus, cela va certainement être accepté par la SAQ, mais sujet à un contrôle de qualité par le comité interprofessionnel.

M. Lincoln: Ce contrôle de la qualité... En fait, ce qui va changer la politique actuelle, cela va être que ces vins pourront être importés en vrac et embouteillés au Québec, c'est-à-dire que cela va diminuer, espérons-le, le coût final du produit sur le marché.

M. Biron: Cela peut diminuer un peu le coût final. Je crois que cela va être à peu près le même prix, mais il va y avoir beaucoup plus de contenu québécois, donc plus de main-d'oeuvre au Québec.

M. Maciocia: Deux questions me viennent à l'esprit. Premièrement, qui va établir le prix? Je ne sais pas si c'est la SAQ ou si c'est l'embouteilleur au Québec.

Deuxièmement, quand vous parlez de mise en marché, de marketing, cela veut dire que la compagnie qui fait l'embouteillage du vin importé de France, de première qualité, pour qu'il soit accepté par la SAQ, doit s'occuper de la mise en marché de ce vin. La promotion, en bref, doit être faite par la compagnie et pas par la SAQ.

M. Biron: Exact, la promotion doit être faite par la compagnie. La SAQ va mettre les bouteilles sur ses tablettes, mais ne fera pas de promotion, sauf pour ses magasins en général. Cela relève de la compagnie elle-même. La compagnie elle-même établit son prix à la SAQ. Si elle vend une bouteille 5 $, après cela les coûts de la SAQ seront ajoutés, plus la marge fiscale à la fois du Québec et d'Ottawa.

Il y a aussi un autre point intéressant que vous devez savoir. Notre décision est de ne pas émettre de nouveaux permis d'embouteilleur ou de fabricant de vin. Il y en a déjà onze au Québec. Nos chaînes de production sont occupées à peu près à 25%. Ce serait ridicule d'émettre d'autres permis sous prétexte qu'une compagnie décide d'importer son propre vin puis de demander un permis. On dit présentement que, tant et aussi longtemps que nos chaînes d'embouteillage dans les entreprises existantes - les onze qui ont des permis - ne seront pas occupées au moins à 60% ou 70%, on ne donnera pas de nouveaux permis d'embouteillage. On recommande aux gens de passer par une de ces onze, qui est une ligne privée.

M. Maciocia: Et le prix?

M. Biron: C'est la compagnie qui embouteille qui établit son propre prix. Si elle décide de vendre son vin 5 $ à la SAQ, elle le vend 5 $, la SAQ ajoute ses frais d'administration plus la marge fiscale des deux gouvernements.

M. Maciocia: Comme cela, il n'y aurait pas de nouveaux permis.

M. Biron: D'embouteillage, non. Pas de nouveaux permis d'emboutaillage car les lignes ne sont occupées qu'à 25%. On tuerait des entreprises existantes.

M. Lincoln: De ce point de vue, le producteur qui importe pour embouteiller au Québec et vend à la SAQ devient le grossiste de la SAQ dans ce cas, en principe.

M. Biron: Grossiste embouteilleur parce qu'il embouteille en même temps.

M. Lincoln: Grossiste embouteilleur. Ce qui m'amène à une prochaine question. Qu'est-ce qui arrive de l'usine de la rue Tellier qui a coûté - on y a investi il y a deux ans - environ 22 000 000 $? À l'usine d'embouteillage de la SAQ, qu'est-ce qui va se passer? Je suis pour l'entreprise privée, mais là on a investi, on a un monopole. Qu'est-ce que vous avez prévu comme impact que cela va avoir sur les chaînes d'embouteillage de la rue Tellier? Est-ce que cela va être une compétition directe qui va peut-être affecter les emplois, c'est-à-dire que ce qu'on perd d'une main on va le gagner de l'autre et vice versa? Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui va se passer, si vous avez des prévisions? Est-ce qu'on a fait une étude ou est-ce qu'on va faire une étude là-dessus pour voir l'impact que cela va avoir sur l'usine de la SAQ?

M. Biron: On prétend qu'il n'y aura pas de baisse de production. C'est sûr que les dirigeants de la SAQ sont forcés, à cause de la compétition - on est maintenant en compétition - d'administrer de la meilleure façon possible, la plus moderne. Même si on prétend que c'est bon aujourd'hui, je pense qu'il y a toujours de l'amélioration possible.

II n'y aura pas de baisse de production. Là où il va y avoir une baisse de production, ce sera dans les usines françaises, italiennes, espagnoles, et ainsi de suite, parce qu'il va y avoir plus d'embouteillage au Québec, premièrement, pour le marché québécois.

Deuxièmement, en permettant aussi de conquérir des marchés à l'extérieur du Québec, il y aura une augmentation. Même la SAQ pourra - et nous on l'encourage fortement - essayer de conquérir une part du marché à l'extérieur du Québec pour sa chaîne d'embouteillage. Il n'est pas question d'augmenter la capacité de la SAQ, mais on va essayer de garder à peu près le même marché au Québec et de conquérir d'autres marchés à l'extérieur.

M. Lincoln: Les produits exportés, si je vous comprends bien, ce sont les produits qui ont été classifiés comme des produits québécois avec une étiquette d'une marque québécoise, par exemple la Cuvée des Patriotes. Si les Français sont d'accord, est-ce qu'ils pourront importer en vrac des Pisse-Dru ou des Saint-Émilion import-export et la même chose vers les États-Unis, en fait, faire compétition, ou bien si cela se situe purement par rapport aux produits qui sont traités comme québécois?

M. Biron: Les produits qui sont traités comme québécois ne sont que pour la vente au Québec. Si la compagnie décide d'exporter un produit qui est traité comme québécois, tant mieux. Mais elle pourra importer, faire venir du Pisse-Dru, comme vous dites, l'embouteiller au Québec et le revendre aux États-Unis, sur tous les marchés.

M. Lincoln: II y a une sorte de limitation...

M. Biron: Alors, pour l'exportation, il n'y a pas de limitation.

M. Lincoln: C'est un grand pas en avant. Maintenant, il y a certainement eu des sondages qui ont été faits. Il y a eu des représentations de gens qui disent que, de moins en moins, on trouve des vins de qualité supérieure dans les établissements de la SAQ. C'est un peu en fonction de l'économie, je suppose. Les gens se dirigent vers des vins moins chers, vers les centres de dépannage, etc., pour acheter leur vin. Mais, en même temps, il est sûr qu'il y a moins de sélection dans les bureaux de la SAQ. Est-ce que vous avez envisagé la possibilité de dire, par exemple: Bon, on avait toute une part du marché, et peut-être que, si quelqu'un de l'entreprise privée voulait faire concurrence dans les secteurs que la SAQ volontairement abandonne, les vins de grande qualité, par exemple, on le lui permettrait? Est-ce que la loi permettra ce genre de flexibilité pour faire en sorte qu'un détaillant de l'entreprise privée, ou peut-être un dépanneur, puisse décider de vendre des vins de grande qualité parce que la SAQ a décidé d'abandonner telle marque parce qu'elle est trop chère, afin que les gens qui aiment les grands vins ou les grands crus puissent avoir une source d'approvisionnement?

M. Biron: Règle générale, je crois que la SAQ n'abandonne pas des marques qui fonctionnent un peu. On va les abandonner pour des raisons de stratégie de marketing, en disant qu'il n'y a pas assez de marché, que cela ne vaut pas la peine de les garder. Mais, on n'a pas pensé - pour le moment du moins - donner la permission à l'entreprise privée de vendre des grandes marques ou des appellations contrôlées. On a voulu réserver cela encore pour la SAQ. Enfin, on fait une étape vers la libéralisation du commerce des boissons alcooliques. Personnellement, je ne crois pas qu'il faille aller trop rapidement. Je pense que c'est une étape très importante, mais on veut quand même limiter les ventes de ces grandes marques aux magasins de la SAQ.

M. Lincoln: Est-ce que c'est possible pour vous, M. le ministre, de tenir compte de cette recommandation, de cet état de choses? De plus en plus, pour les magasins de la SAQ, par le fait que la vente de qualité inférieure se fait sur une plus grande échelle, les chiffres d'affaires restent donc les mêmes. En même temps, les produits de qualité tendent à diminuer dans les magasins de la SAQ. Alors, si, par exemple, la SAQ décide, pour des fins d'exploitation, que c'est aussi rentable d'avoir des vins de seconde qualité et si le public n'a pas accès aux autres vins, peut-être qu'il faudrait trouver un mécanisme quelconque pour que, à long terme, si la SAQ décide volontairement de se départir des grandes marques, le public puisse s'en procurer, d'une certaine façon, chez des agences que vous créerez ou des dépanneurs, ou quelque chose du genre.

M. Biron: Je vous remercie de la suggestion. On a déjà ce qu'on appelle des Maisons des vins de la SAQ. Mais, je vais faire vérifier s'il y aurait possibilité d'avoir d'autres maisons des vins - celles qui ne vendent que des grandes marques - qui pourraient être sous la responsabilité du secteur privé. C'est cela que vous voulez me dire?

M. Lincoln: Oui.

M. Biron: Je vais faire faire la vérification et je vous donnerai une réponse au moment de l'étude du projet de loi de la SAQ.

M. Lincoln: Nous avons plusieurs questions, mon collègue et moi, à propos de la SAQ. Mais je pense qu'il est l'heure de terminer. Alors, on va laisser faire.

Le Président (M. Blouin): II est presque 12 h 30. Comme les travaux de l'Assemblée nationale reprennent à 14 heures, nous allons donc revenir après la période des questions. Pour le moment, la commission de l'industrie, du commerce et du tourisme suspend ses travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise de la séance à 15 h 30)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît! Selon la motion qui a été présentée par le leader du gouvernement, la commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme reprend ses travaux.

Les membres de cette commission sont: MM. Champagne (Mille-Îles), Biron (Lotbinière), Ciaccia (Mont-Royal), Dubois (Huntingdon), Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Lavigne (Beauharnois), Lincoln (Nelligan), Maciocia (Viger), Tremblay (Chambly), Payne (Vachon).

Les intervenants sont: MM. Beaumier (Nicolet), Bisaillon (Sainte-Marie), Blais (Terrebonne), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Fortier (Outremont), Mailloux (Charlevoix), Rocheleau (Hull).

M. le député de Nelligan, vous avez la parole. Oui, M. le ministre.

M. Biron: Seulement pour informer le député de Nelligan, nous avons parlé, ce matin, du projet de loi de la SGF et il peut arriver que, cet après-midi, je sois obligé de demander une suspension des travaux pour quelques minutes afin de me présenter au comité de législation pour compléter ce projet de loi. On essaie de me libérer pour je ne sois pas obligé d'y aller ou pour que je puisse y aller plutôt à 18 heures, si c'est possible. Si ce n'est pas possible, je vous demanderai peut-être une suspension de quelques minutes au milieu de l'après-midi pour régler ce problème.

M. Lincoln: Avec plaisir, mais est-ce que vous pourriez nous indiquer combien de temps cela va prendre pour qu'on puisse s'ajuster demain et prendre quelques minutes de plus, si on n'avait pas le temps de poser certaines questions?

M. Biron: On me dit, de dix à quinze minutes au maximum.

M. Lincoln: Ah! Alors, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, sur ce consentement, nous allons maintenant donner la parole à M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le Président, si on pouvait revenir à la Société des alcools du Québec. J'avais posé la question au départ concernant la politique de revoir les taux de change qui s'appliquent aux produits de la SAQ et qui, naturellement, ont un impact substantiel du fait que la grande majorité des vins et plusieurs spiritueux sont importés de l'étranger, surtout de la France. Dans le cas du franc, comme nous le savons, il y a eu une dévaluation successive du franc, soit trois dévaluations. Est-ce que vous avez des projets pour arriver à une réévaluation peut-être mensuelle ou même beaucoup plus fréquente que c'est le cas maintenant? Est-ce que vous pourriez me renseigner un peu sur ce sujet?

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Biron: Oui. Là-dessus, il faut tenir compte des inventaires. C'est ce qui est un peu compliqué. Lorsqu'il n'y a pas beaucoup de changements dans les taux de change, cela va assez bien, mais pas lorsqu'il y a des changements fréquents dans les taux de change et que nous avons des produits en inventaire pour une période donnée et où il y a surtout des marques de vin, dans les grands vins en particulier, qui vont tourner deux fois par année. Cela veut dire que, si dans les six mois il y a des changements dans les taux de change, nous ne pouvons pas changer nos prix sur ces marques en particulier. Donc, on est obligé de prévoir une moyenne, d'abord pour les inventaires. Deuxièmement, avec certains de nos fournisseurs, on est obligé aussi de négocier certains prix sur une plus longue période. Cela aussi, il faut en tenir compte dans nos changements. Bien sûr, il y aura probablement des ajustements à apporter pour être encore mieux que nous ne sommes présentement, mais on ne peut pas intervenir très rapidement après le changement du taux de change parce qu'il faut tenir compte des inventaires, des commandes qui sont déjà en route et d'autres facteurs tels que les coûts de maintien en inventaire de certains de ces produits.

M. Lincoln: J'ai l'impression que, pour prendre le franc, par exemple, qui a dévalué de presque 47% cumulativement, je pense, le rajustement des prix à la baisse, par rapport au franc, s'est fait beaucoup plus lentement que le contraire, soit quand le franc a remonté; il me semble que les rajustements à la hausse se font assez rapidement. Plusieurs fois je me souviens, comme

consommateur, d'être allé à la Société des alcools, et on me disait qu'il y avait une hausse du prix du vin parce que le franc avait été réévalué. Je voudrais savoir de vos fonctionnaires ou de vous-même si la même politique s'applique des deux côtés. En d'autres mots, est-ce qu'on fait ces réévaluations à période fixe, est-ce qu'il y a une politique déterminée sur ce sujet?

M. Biron: D'accord, on me dit qu'on a une politique là-dessus. C'est fort possible, dans le fond, qu'on réagisse plus vite dans un sens que dans l'autre. J'ai demandé qu'on vérifie pour avoir des données plus précises. C'est sûr qu'il y a une politique et qu'il doit y avoir une politique vis-à-vis de la variation des taux de change sur ce qui devrait, à mon point de vue, être une période minimale et maximale pour tenir compte des facteurs dont je vous ai parlé tout à l'heure, en particulier les inventaires et les commandes en suspens.

M. Lincoln: Est-ce que vous pourriez nous donner des réponses sur la méthode d'évaluation en haut et en bas? Est-ce que les deux s'accordent du point de vue du laps de temps?

M. Biron: Je peux vous trouver des réponses pour la prochaine séance.

M. Lincoln: D'accord. Si vous pouviez me dire quelle est la politique actuelle, quel est le laps de temps. Par exemple, si je ne me trompe pas, l'Ontario Liquor Board ajuste ses prix par rapport aux taux de change tous les mois. Je suis d'accord qu'au départ vous allez perdre quelque chose par rapport à vos stocks, mais, à un moment donné, cela s'ajustera. Est-ce que vous pouvez me dire si, à la SAQ, cela se fait tous les deux mois, tous les trois mois, tous les six mois? Quelle est la politique de la SAQ? Ou est-ce que cela se fait un peu sans temps déterminé, sans une politique quelconque?

M. Biron: On pourrait vous fournir la politique déterminée par la SAQ, mais on m'informe aussi qu'il y a toute la question de l'étiquetage des prix dans les magasins. Votre question porte quand même sur les deux aspects: lorsque cela monte, lorsque cela descend. Depuis un an, on a eu beaucoup plus de variations qu'autrefois. Autrefois, il y avait tellement peu de variations que je pense que cela n'entrait pas beaucoup en ligne de compte. Depuis le début des grandes variations, surtout la diminution de la valeur du franc, en particulier, et des devises européennes, il est sûr qu'il y a des changements majeurs. Je pourrais, encore une fois, à la prochaine séance, vous apporter la politique de la Société des alcools du Québec là-dessus. Je n'aime pas avoir des changements trop fréquents. Il faut un délai de quelques mois avant de faire des changements qui soient vraiment opérationnels vis-à-vis de la population.

M. Lincoln: Je suis d'accord avec vous M. le ministre. Je comprends la question de l'étiquetage. Je comprends que tout cela présente un problème. En fait, même si on n'allait pas aussi loin que de changer les étiquettes dans les magasins pour les stocks qui sont déjà sur les étagères, le processus d'importation, de stocks, d'embouteillage, sûrement qu'on a une façon de réajuster les prix à la baisse pour les stocks qui entrent à ce moment-là. Le fait est que, si on n'a pas une politique quelconque, si tous les mois on ne va pas voir où le dollar canadien se tient par rapport à la devise étrangère, on va laisser cela un peu flou. On a vérifié que l'Ontario Liquor Board a une politique de réévaluation de ses inventaires par rapport aux taux de change et des devises tous les mois. Ils regardent cela et ils ajustent. Je ne peux pas vous dire comment cela se fait pour l'étiquetage. Que ce soit un mois ou que ce soit deux mois, je ne pourrais pas dire quelle est la limite exacte ou idéale qu'il faudrait. C'est difficile à établir, je suis d'accord. Mais, au moins, il faudrait une formule quelconque où le consommateur sache que, dans un délai raisonnable, il y a une relation entre les prix et les taux de change, du fait que tout cela, ce sont des marchandises importées. Nos stocks principaux viennent de la France, de l'Italie, deux pays où la devise baisse, et de l'Allemagne, où la devise a monté.

Il m'intéresserait de le savoir, parce que, lorsque c'est à la hausse, cela à l'air de marcher bien vite. Il me semble qu'on ne sente pas l'impact de la baisse du franc sur les vins français aujourd'hui au Québec. Par exemple, une bouteille qui aurait coûté normalement 3,85 $ coûte bien au-delà de 4,00 $ à cause de cette division! C'est bien simple, si vous ajoutez quelque chose comme 40% du prix de gros, cela a un effet cumulatif qui est fantastique, parce que tout s'ajoute à cela la plus-value, etc. Alors vous reviendrez là-dessus?

M. Biron: Je vous apporterai les renseignements sur la politique de prix par rapport aux taux de change.

M. Lincoln: Peut-on avoir l'assurance, M. le ministre, que vous allez vérifier, nous l'espérons, par rapport avec ce qui se fait avec l'Ontario Liquor Board pour voir comment elle ajuste ses prix en relation avec le taux de change, pour voir s'il y a une méthodologie qui permet que cela se fasse? Puisqu'elle le fait, il y a sûrement une façon d'ajuster tout cela; après tout,

tout cela est fait par ordinateur. Est-ce qu'on pourrait la consulter pour voir si on peut appliquer les mêmes politiques et si c'est avantageux du point de vue du consommateur? Il me semble que c'est ce qu'on recherche.

M. Biron: Je suis assuré qu'à la SAQ on a des renseignements concernant la politique de l'Ontario, mais, à tout événement, s'ils ne sont pas précis, je leur demande de vérifier et je vous apporte la réponse en même temps.

M. Lincoln: D'accord. J'aurais voulu vous poser deux autres questions par rapport à la SAQ avant de passer la parole à mon collègue. Il y a une autre question concernant les succursales de la SAQ. Ce qui arrive, c'est qu'on a un problème socio-économique, un problème social et un problème économique. Vous avez dit vous-même qu'on essaie de rentabiliser les succursales. C'est certain qu'il faut rentabiliser les succursales, les changer en succursales de libre-service. C'est ce que la SAQ cherche à faire: rentabiliser chaque succursale. En même temps, parfois, pour la rationalisation ou la viabilité de ces succursales, il arrive qu'une succursale soit fermée ou qu'il y ait une décision de fermer une succursale qui se trouve dans une région qui, pour des raisons sociales très importantes, a besoin d'une succursale quelconque.

Je vous donne l'exemple d'une succursale de mon comté qui est en ce moment en litige avec la SAQ: on voulait fermer celle de Sainte-Anne-de-Bellevue. Je ne pose pas cette question uniquement pour mon comté, mais plutôt par principe. Je suis intervenu auprès de M. Turmel de la SAQ, qui a été très compréhensif et qui m'a dit: Bon, on a eu un sursis de 90 jours pour étudier la question. Il rencontre le conseil de ville, etc. Cette succursale se trouve au centre d'une région où il y a un gros hôpital de vétérans et où il y a beaucoup de gens âgés qui ne peuvent pas aller à trois kilomètres et demi où se trouve une autre succursale. Ma question est celle-ci: Dans le cas où, dans une région donnée, la SAQ décide de fermer pour manque de rentabilité, par exemple, est-ce qu'à ce moment-là ce serait possible de dire: On se retire de cette ville, mais si quelqu'un peut faire, d'une façon ou d'une autre, une plus petite affaire, plus flexible, si quelqu'un veut ouvrir une agence qui va nous remplacer et veut courir le risque de faire de l'argent ou de perdre de l'argent, on le laisse faire pourvu qu'il y ait un dépôt pour les consommateurs dans une région où socialement ce serait certainement une question critique pour les gens qui ne peuvent pas se déplacer, qui sont vieux, qui n'ont pas d'argent, qui n'ont pas les moyens ou qui sont des invalides? Serait-ce possible pour la SAQ de faire le même système que vous avez dans les régions éloignées, dans certaines régions critiques lorsque la question sociale entre en jeu?

M. Biron: Votre demande s'appliquerait dans des régions éloignées qui entrent dans nos barèmes de 25 kilomètres. Vous me parlez de Sainte-Anne-de-Bellevue qui est collée sur Montréal et sur d'autres villes de banlieue. Je me permets tout simplement de garder votre question et de faire les vérifications nécessaires avec la SAQ pour savoir ce qui est arrivé exactement dans le cas de la succursale que vous me mentionnez, celle de Sainte-Anne-de-Bellevue et de vous apporter la réponse plus tard. En même temps, je prends note de votre intervention demandant s'il y a lieu de prévoir passer à l'entreprise privée certains endroits comme l'exemple que vous m'apportez.

M. Lincoln: Ce n'est pas...

M. Biron: Je ne suis pas en mesure aujourd'hui de vous apporter une réponse, mais je voudrais, d'abord, savoir ce qui est arrivé chez vous et, après cela, je pourrais vous apporter la réponse précise à votre question.

M. Lincoln: Ah oui, je ne pose pas cela du tout comme une plainte; c'est plutôt par principe parce qu'il y a une négociation avec la SAQ. Tout fonctionne bien et je n'ai pas envie qu'on croie qu'on a passé sur leur tête, etc. Alors, tout fonctionne très bien concernant la négociation avec le conseil de ville. Je pensais, question de principe, que, s'ils maintenaient la décision, c'est malheureux, vu la situation monopolistique, que quelqu'un ne puisse pas essayer de faire quelque chose si bon lui semble. (15 h 45)

M. Biron: C'est peut-être aussi une question de rentabilité pour les succursales autour. C'est beaucoup plus complexe que seulement une succursale seule.

M. Lincoln: Oui, je comprends cela.

M. Biron: C'est pour cela que je veux vérifier avant de vous apporter la réponse précise.

M. Lincoln: Je comprends cela. Est-ce que tu as des questions concernant la SAQ?

M. Maciocia: Oui.

M. Lincoln: Je vais passer la parole à mon collègue.

Le Président (M. Blouin): M. le député

de Viger, vous avez la parole.

M. Maciocia: Oui, j'avais une question ce matin que je voulais poser au ministre. J'ai reçu, de la part du consulat d'Italie, une documentation sur la question - c'est probablement le moment d'en parler, étant donné qu'on parle de la Société des alcools -de l'appellation "vermouth". Il y avait une dispute, je crois, entre le gouvernement italien et le ministère des Affaires intergouvernementales du Québec. Apparemment, le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme s'en venait avec un projet de loi pour concéder ou donner ce nom au cidre. Je ne suis pas vraiment au courant du problème. Est-ce que le ministre pourrait me renseigner un peu sur cette situation et me dire où cela en est rendu?

M. Biron: Oui. Ce sont deux producteurs de cidre québécois qui ont décidé de faire du vin fortifié sous l'appellation "vermouth". Les producteurs italiens ont prétendu que "vermouth" s'appliquait beaucoup plus à une marque de commerce qu'à un produit donné, alors que les producteurs québécois, qui faisaient du cidre et qui ont fait du vin fortifié sous le nom "vermouth", disaient: Le vermouth est une sorte de vin, comme on parle du vin rouge, du vin blanc, du vin rosé. On peut aussi dire que le vermouth est une catégorie et non pas une marque d'une maison ou une marque de commerce.

Il y a eu de nombreuses discussions de part et d'autre là-dessus. Nous ne sommes pas venus à une décision finale. Les producteurs produisent encore sous l'appellation "vermouth". Ce qui a probablement choqué le producteur italien qui produit sous l'appellation "vermouth", c'est que les producteurs québécois qui l'ont fait ont conçu une étiquette qui ressemblait étrangement à l'étiquette de la marque italienne. Dans ce sens, je comprends qu'il y ait eu une compétition. Est-ce que c'est une compétition indue ou pas? On n'a pas voulu trancher, parce que je pense que c'est un tribunal qui pourrait dire si c'est une appellation enregistrée ou une marque de commerce. On a continué, jusqu'à nouvelle ordre, d'acheter de ce sous-produit du cidre pour le distribuer dans les épiceries.

M. Maciocia: Cela veut dire que l'appellation "vermouth" est là pour ces détaillants de cidre ou de boisson fortifiée, comme vous l'appelez.

M. Biron: Exact. En considérant que c'est une sorte de vin fortifié.

M. Maciocia: Vous parlez de vin; le "vermouth" devrait plutôt être un produit qui vient des raisins, du vin. Je crois. J'ai lu cela quelque part dans la documentation que j'ai reçue. Est-ce que c'est cela ou si c'est plutôt ce que vous venez d'expliquer dans le sens de dire que c'était une marque de commerce?

M. Biron: Les producteurs italiens prétendent, eux, que c'est une marque de commerce enregistrée à partir d'un produit à base de vin, alors que les producteurs québécois prétendent que c'est plutôt une catégorie de vin. Je ne voudrais pas m'immiscer dans le rôle d'une cour de justice. Si une cour de justice décidait pour un ou pour l'autre, bien sûr, on s'y conformera. Mais, jusqu'à maintenant, selon notre perception, il y autant de raisons de croire un côté que de croire l'autre. Je pense que tout le monde a un peu raison là-dessus. C'est beaucoup plus de la compétition entre des producteurs différents à ce niveau, à mon point de vue. Je n'ai pas voulu m'immiscer là-dedans. C'est pourquoi je dis: Maintenant que c'est sur le marché, on continuera jusqu'à nouvel ordre.

M. Maciocia: Est-ce que vous croyez que cela se réglera un jour? C'est pour les bonnes relations entre les différentes communautés.

M. Biron: C'est très difficile pour nous d'intervenir vis-à-vis de deux entreprises privées, dans le cas du Québec en particulier, et de leur dire: Vous ne produirez plus et vous allez changer vos étiquettes. C'est très délicat.

M. Maciocia: Au sujet de la marge - je ne sais pas si le député de Nelligan vous a posé la question tantôt - que vous accordiez, de 16,5% au détaillant et de 6% au distributeur, dans le discours sur le budget de M. Parizeau, on dit: "La SAQ établira ses prix de gros et laissera les distributeurs et épiciers fixer leurs propres marges de commercialisation. Les prix de gros de la SAQ seront fixés en appliquant sur le coût des ventes un taux de majoration inférieur de 20 points de pourcentage au taux utilisé pour les mêmes catégories de produits vendus dans les succursales." À moins que je ne me trompe, il y a 2,5%, disons, que les détaillants perdraient en profit à un certain moment, étant donné que la marge ne serait plus la même, soit 16,5%, mais pourrait aller à 20%. Est-ce que le ministère a pris en considération cette situation? Quelle est votre position?

M. Biron: Ce qui arrive présentement, c'est que chaque fois que le gouvernement du Québec et le gouvernement canadien, les deux, décident d'imposer une nouvelle taxe indirecte, si l'on veut, sur les produits alcooliques, immédiatement les commerçants,

le détaillant et le grossiste, font 6% et 16,5% sur le produit de la taxe, ce qui est un peu inacceptable à notre point de vue. Ce n'est pas de l'entreprise privée; il faut laisser l'entreprise privée décider de sa marge de profit. Dans ce sens, nous voulons qu'à l'avenir le gouvernement ou les gouvernements décident de leur marge de taxes et qu'on puisse dire au grossiste qui va acheter de la SAQ: Nous vous vendons une bouteille de vin 5 $ et vous prenez la marge de profit que vous désirez dessus, de même que le détaillant prend la marge de profit qu'il désire.

Quant à nous, de la SAQ, on vous donne la garantie qu'on va prendre un minimum de 20% pour ne pas avoir, non plus, une compétition indue entre la SAQ et les entreprises privées. On garantit à l'entreprise privée que le prix de vente dans les magasins de la SAQ sera 6 $. On lui suggère de la vendre 6 $, mais on la vend au grossiste 5 $, en lui disant: Si vous voulez prendre 10% vous les prenez, si vous voulez prendre 5% vous les prenez. Ce qui va arriver, c'est que, dans certains produits qui ne tournent pas beaucoup, c'est possible que le grossiste prenne une marge un peu plus élevée et, dans des produits qui marchent beaucoup, c'est possible que le grossiste prenne un peu moins. La même chose pour l'épicier. En d'autres termes, nous ne voulons plus geler l'épicier ou le grossiste avec 6% et 16,5%, mais leur laisser la marge de manoeuvre qu'ils désirent.

M. Maciocia: À moins que je n'aie mal compris ce matin, vous avez dit que les détaillants ou les épiciers ne pouvaient pas vendre en bas du prix de la SAQ.

M. Biron: Ils peuvent vendre en haut maintenant.

M. Maciocia: Je sais cela.

M. Biron: Ce qu'on veut faire, c'est qu'on veut les donner une garantie minimale de compétition indue, mais leur laisser la marge de manoeuvre qu'ils désirent.

M. Maciocia: Mais en établissant un prix de marché, celui de la SAQ, disons qu'une bouteille de vin se vend 6 $ à la SAQ, le détaillant ne peut pas la vendre 5,80 $ ou 5,90 $, mais il est obligé de la vendre 6 $ ou 6,10 $ ou 6,50 $ ou plus.

M. Biron: Ou plus, exact.

M. Maciocia: Vous ne voulez pas avoir de compétition vis-à-vis de la SAQ.

M. Biron: Non, mais on veut aussi le protéger parce que, si on n'a pas un prix minimal - j'ai pensé aussi laisser cela sans prix minimal - on craint que certains gros détaillants en alimentation décident d'en faire un "leader" pour vendre d'autres produits et on va pénaliser le dépanneur du coin avec cela. On veut aussi protéger le dépanneur du coin qui peut faire un profit raisonnable. On sait que les magasins de grandes surfaces qui vendent du vin vont tenir le prix minimal. Par contre, le dépanneur du coin pourra ajouter 10%, il n'y aura pas une trop grosse différence. S'il fallait que la grande surface enlève 10% sur son prix de vente, le dépanneur du coin serait vraiment pénalisé, lui qui donne le service 16 heures par jour.

M. Maciocia: En même temps, la SAQ aussi.

M. Biron: En même temps, la SAQ, quoique les gens qui se rendent aux succursales de la SAQ, c'est qu'à la fois ils veulent acheter des spiritueux et d'autres marques de vin; en achetant ces marques de vin, ils achètent aussi du vin de table régulier qu'ils pourraient trouver chez un épicier. C'est ce qu'on a trouvé jusqu'à maintenant. Celui qui va faire son marché à l'épicerie achète le vin de table dont il a besoin en temps normal.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Nelligan.

La Société de développement industriel du Québec

M. Lincoln: Oui. Est-ce qu'on peut passer à un autre sujet? À la SDI, peut-être, M. le ministre? À propos de la SDI, M. le ministre, il semble que les critiques qui ont été faites, surtout récemment, depuis le dernier rapport annuel de 1981-1982 de la SDI, allaient dans le sens que les prêts qui ont été consentis pour l'aide à l'industrie l'ont été de façon tout à fait non systématique. Il semble que cela aurait été fait au pied levé, sans critères définis. Dans certaines industries, cela aurait été fait sans aucun barème de programmation, sans critères définis, etc. Il semble aussi - et nous aurons des questions à ce sujet - que pour pas mal de prêts, la banque avait fini, dans un laps de temps très court, pour rappeler son prêt parce que la compagnie était en difficulté, sinon en faillite.

Par exemple, vous avez sûrement dû lire l'éditorial de Michel Nadeau dans le Devoir du 10 décembre où il dit: "Poursuivant sa politique "vigoureuse" orientée "résolument vers le virage technologique", le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme du Québec, M. Rodrigue Biron, a annoncé, hier, l'octroi de garanties financières importantes au Club de fers à cheval Inc., de Maniwaki, à la firme

Mon Rêve Navigation Inc., de Sainte-Luce-sur-Mer." Il dit: "La SDI aurait pour stratégie de viser partout; on finira bien par créer des emplois quelque part. Il y a des programmes pour tous les secteurs dont le meuble, le textile, les vêtements et la chaussure." Il poursuit: "Quels sont les objectifs de cet organisme qui a distribué pas moins de 169 000 000 $ l'an dernier?" Il dit: "Les provisions pour pertes sur prêts ont grimpé de 54% l'an dernier pour dépasser 25 000 000 $. Faut-il aveuglément continuer à gaspiller les ressources financières de l'État québécois dans une multitude de projets souvent sans lendemain?" demande M. Nadeau. "Il est évident que l'économie québécoise doit se spécialiser. Nous ne pouvons oeuvrer de façon concurrentielle dans tous les domaines. Le marché éliminera les secteurs qui ne correspondent plus à des besoins économiques réels. Québec doit cesser de tirer dans toutes les directions."

Alors, je vous demande, M. le ministre, ce que vous pensez de cet éditorial et de ces critiques qui vraiment ont été formulées - mon collègue vous a posé des questions en Chambre sur les prêts de la SDI - par rapport à la SDI sur le fait qu'on tire un peu de tous bords, qu'on prête, semble-t-il, sans se baser sur des critères tout à fait définis, qu'on prête un peu au pied levé, avec le résultat que les provisions pour pertes sur prêts continuent de monter. J'aurais voulu que vous fassiez un commentaire sur toute cette question des critères de la SDI. Qu'est-ce qui va se passer à l'avenir? Est-ce que la réorganisation de la SDI, qui a eu lieu récemment, va apporter les correctifs nécessaires? Quels sont les correctifs que vous apportez de façon tangible pour mettre plus de cohérence dans cette politique qui semble tout à fait incohérente pour le moment?

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Biron: II faut noter, M. le Président, que l'an dernier nous sommes intervenus à l'endroit de 719 entreprises avec des garanties de prêts, des prêts ou des subventions.

M. Lincoln: Pour 1982-1983?

M. Biron: Pour 1982-1983. Si vous voulez des chiffres exacts pour l'aide aux entreprises: de 1970 à 1976, il y avait eu 531 interventions en six ans, alors qu'on en a 719 au cours de la même année. C'est beaucoup. C'est sûr que, si vous prenez quatre noms de firmes qui ressortent à travers cela, vous pouvez charrier pas mal longtemps. Mais je ne pense pas que ce soit honnête de ce côté-là. Il y a un programme qui existe depuis trois ans et c'est le crédit touristique. D'après les exemples que vous avez donnés, ce sont des crédits touristiques pour développer certains produits touristiques dans des régions données et, en particulier, les pourvoiries ou des choses comme cela. Ce ne sont pas de gros montants, mais ce sont de très petits montants qui donnent un coup de pouce à un secteur donné.

En ce qui concerne la politique des prêts ou la garantie des prêts pour la Société de développement industriel et nos nouveaux programmes, lorsqu'on a annoncé nos nouveaux programmes, le 6 décembre dernier, quelques jours avant l'éditorial que vous avez mentionné, le Conseil du patronat disait - et vous connaissez bien le Conseil du patronat et ses critiques car, habituellement, il est assez sévère à l'endroit du gouvernement du Québec - Le nouveau programme, présenté aujourd'hui par la Société de développement industriel et par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, tient compte des représentations du milieu patronal au cours des dernières années. Le CPQ a signalé sa satisfaction surtout sur trois programmes: aide aux investissements dans des entreprises de technologie moderne et dynamique, dans des entreprises tertiaires moteur et dans la recherche et l'innovation.

C'est la même chose pour le Board of Trade qui se dit satisfait de la décision annoncée par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme: M. Biron a clairement indiqué que tous les programmes à l'échelle provinciale seraient dorénavant axés vers l'entreprise privée. C'est là la première étape d'un succès assuré, dit le Board of Trade. Je pense que les organismes patronaux sont satisfaits de nos interventions là-dessus. Je vous répète ce que je vous disais ce matin quant à la SDI. Avant de les lancer, tous nos nouveaux programmes, sans exception, ont fait l'objet de sérieuses discussions et négociations avec nos intervenants du secteur privé, avec les institutions financières de même qu'avec les entreprises.

Maintenant, quant aux prêts, nous prêtons en dernier ressort. C'est-à-dire que nous ne voulons pas concurrencer les institutions financières telles que la fédération des caisses populaires ou tout le Mouvement Desjardins, ou telles que les banques à charte ou toutes les autres institutions financières. Je pense que c'est leur rôle d'intervenir et de prêter aux entreprises. Nous intervenons en dernier ressort dans des régions où les institutions financières sont faibles, mal représentées ou ne veulent pas s'impliquer, lorsqu'on juge que c'est un projet qui a de l'avenir. Nous intervenons aussi pour apporter un complément à l'intervention d'une institution financière, si la banque dit qu'elle est prête

à accorder un financement de 500 000 $ sur l'investissement en première hypothèque, mais qu'il faudrait une deuxième hypothèque de 200 000 $ provenant de la Société de développement industriel, parce que, autrement, elle n'y participe pas. Parfois, on arrive à accrocher la deuxième hypothèque avec la Banque fédérale de développement. Parfois aussi, la banque fédérale, pour certaines raisons, décide de ne pas participer dans certains secteurs et nous, si on juge que c'est important, on y va. Il est sûr que nos prêts sont toujours plus risqués. En fait, la SDI n'est pas une institution financière, c'est une société de développement. Une société de développement va prendre des risques car, si on ne prend pas de risques, on ne fera rien. Cela, c'est quant aux prêts.

Quant aux garanties de prêts, vous avez mentionné tout à l'heure qu'il est arrivé quelquefois qu'on a complété les documents nécessaires à la garantie de prêt dans le programme d'urgence et, un mois ou deux ou trois mois après, l'entreprise était en faillite. Je dois vous informer là-dessus parce que, moi aussi, j'ai été surpris, lorsque ces renseignements furent connus, et j'ai vérifié. Habituellement, aussitôt que la décision est prise, la demande entre sur la garantie de prêt, sur le plan d'aide au financement et elle est habituellement décidée dans les deux semaines qui suivent à la SDI. Elle est signée par le ministre après deux semaines, sur recommandation de la SDI. Aussitôt que la lettre du ministre est signée, habituellement, la banque avance l'argent sous une forme ou sous une autre, en attendant de compléter les documents. Très souvent, on va exiger une deuxième hypothèque, on va exiger un nantissement commercial, on va exiger les endossements des propriétaires de l'entreprise, on va exiger autre chose. En tout cas, la banque ou nous avons des exigences.

En cours de route, les exigences sont mises au point. Elles sont complétées. Les contrats sont notariés et, souvent, cela prend trois, quatre et même cinq mois avant que tous les contrats soient signés. Lorsque les contrats sont signés officiellement, la garantie de prêt de la SDI passe officiellement avec ce numéro et à la date précise à l'entreprise, quoique, la plupart du temps, on ait vu la banque à charte avancer immédiatement la somme d'argent. Alors, il est exact de dire que, officiellement, l'entreprise est en faillite un mois ou deux après, mais, en pratique, il est arrivé que cela a pris plusieurs mois avant de compléter tous les documents nécessaires.

Sur ce plan d'urgence, on avait même prévu au début de l'année que, compte tenu de la conjoncture, on pourrait faire face jusqu'à 20% de faillites dans les cas d'aide aux entreprises manufacturières. Au moment où on se parle, on en a 14 qui ont fait faillite sur les 450 ou 500 qu'on a aidées au cours de la première année. Sur ces quatorze entreprises, il y en avait neuf pour lesquelles les prêts étaient faits, cinq autres qui ont fait faillite, mais dont le prêt n'avait pas été déboursé, ou les garanties étaient là sous forme de deuxièmes hypothèques et de nantissements commerciaux qui n'ont rien coûté au gouvernement du Québec. Donc 9 seulement sur 450, soit 2%, où on a dû débourser des sommes d'argent. Je dois dire que, dans ce sens, c'est mieux, beaucoup mieux qu'on avait prévu. Pour répondre à votre point, à savoir pourquoi cela a pris un mois ou deux - l'entreprise était en faillite -c'est à cause de la signature de documents de toutes sortes. Je pense que j'ai couvert la question des prêts et des garanties de prêts.

M. Lincoln: Je vais revenir là-dessus, sur les points spécifiques de cette liste de cas de défaut, mais avant je voulais, par exemple, passer sur la question des programmes d'aide et même comparer un peu les années. Nous sommes d'accord. Vous dites: Dans le bon vieux temps, on prêtait à un petit nombre d'entreprises. Cela a monté à 719 en 1982-1983, mais, en fait, n'est-ce pas vrai que c'est seulement en 1981-1982 qu'il y a eu cette grande hausse du nombre de cas, parce que, avant... J'ai là les années 1977-1978 où on était à 291; en 1978-1978, il y en avait 425, qui est un nombre conséquent; en 1979-1980, il n'y en avait que 143, si mes chiffres sont vrais; en 1980-1981, 168 et, en 1981-1982, il y a une escalade du nombre de cas à 688, et 719 pour l'année 1982-1983. En fait, si on prend la moyenne des deux années 1979-1980 et 1980-1981 où il y a eu un nombre de 143 et 168, ce qu'il est important de souligner, c'est peut-être le total de l'aide en chiffres...

M. Biron: Je m'excuse, M. le député. M. Lincoln: Oui.

M. Biron: Vous avez le nombre de subventions dans les rapports - cela devrait être beaucoup plus espacé - à la première colonne et le nombre de prêts à la deuxième colonne.

M. Lincoln: Oui.

M. Biron: Les chiffres que je vous ai donnés tout à l'heure, c'est le nombre de subventions, c'est-à-dire de transferts d'argent aux entreprises.

M. Lincoln: Oui, oui, le nombre de cas, le nombre de cas d'aide.

M. Biron: Oui.

M. Lincoln: Vous avez, en 1981-1982...

M. Biron: Je pense qu'on ne peut pas les additionner, M. le député, parce que souvent c'est la même entreprise...

M. Lincoln: Oui.

M. Biron: ...qui reçoit à la fois un financement et une subvention.

M. Lincoln: Oui, mais est-ce qu'on pourrait parler des chiffres eux-mêmes, des chiffres du total d'aide? Là, le montant que nous avons... Cette année, on a prêté - en 1981-1982 - 130 600 000 $ qui sont à votre bilan.

M. Biron: M. le Président, 130 600 000 $, c'est le financement et les subventions additionnés: 22 000 000 $ de financement et 108 000 000 $ de subventions.

M. Lincoln: Oui, d'accord. Si on prend cela ensemble, on arrive au total de 130 000 000 $.

M. Biron: C'est exact. Vous avez raison.

M. Lincoln: D'accord. Quel est le chiffre pour 1982-1983, le chiffre correspondant à 130 000 000 $?

M. Biron: C'est 121 000 000 $ de financement - un instantl - et de garanties de prêts et 60 000 000 $ de subventions. Si vous remarquez, les subventions sont moindres, mais les garanties de prêts sont beaucoup plus élevées.

M. Lincoln: Combien dites-vous?... C'est 121 000 000 $ de financement et de garanties de prêts et combien...

M. Biron: Et 60 000 000 $ de subventions.

M. Lincoln: Comparativement à 22 000 000 $...

M. Biron: Et 108 000 000 $.

M. Lincoln: ...et 108 000 000 $ de subventions.

M. Biron: C'est exact. Ce qui explique les subventions de 60 000 000 $, c'est que le programme d'urgence avait été institué au début de l'année avec des crédits beaucoup plus élevés parce que le taux d'intérêt était à 18% à l'époque. En cours de route, le taux d'intérêt a diminué considérablement. C'est une économie appréciable, parce qu'on épargne 75% de l'augmentation.

M. Lincoln: D'accord. De là, si on peut retourner au cas spécifique dont on parlait avant, parce que j'ai envie de faire une relation entre les deux. Par exemple, vous voyez les cas de défaut - les chiffres et la liste que vous avez déposés en Chambre et que vous avez passés à mon collègue de Mont-Royal... Je prends, par exemple, le cas que vous avez cité ici, Maisons modulaires Richelieu Ltée; c'est le cas de défaut au programme d'urgence à la PME, 7 février 1983. C'est vous qui avez déposé celui-là en Chambre.

M. Biron: D'accord.

M. Lincoln: D'accord. On peut prendre n'importe lequel de ces cas. Prenons, par exemple, les Maisons modulaires Richelieu, le premier qui est sur la liste que j'ai. Montant du prêt garanti, 200 000 $. La date d'autorisation, c'est le 22 juin 1982. La date du déboursé, c'est le 29 juillet. Il n'y a presque pas de marge de...

M. Biron: Celui-là est correct.

M. Lincoln: II y a un espace d'un mois, mais le rappel de la SDI, c'est le 26 octobre 1982. C'est ce que je ne peux pas comprendre. Comment, dans un espace de temps aussi restreint... Vous avez le 22 juillet 1982 qui est la date d'autorisation. Si vous prenez le 26 octobre, vous avez juillet, août, septembre et octobre. En l'espace de quatre mois, cette entreprise... Oui, je suis d'accord; nous pouvons dire: La SDI n'est pas une banque. Elle prête pour les risques, mais il faut sûrement que ce soient des risques valables d'entreprises qui peuvent être sauvées. Comment peut-on, le 22 juin, faire une autorisation qui, à ce moment-là, indique que nous avons fait une étude qui démontre qu'il y a une chance de sauver cette entreprise? On ne va pas payer une entreprise qui va faire faillite. Dans l'espace de quatre mois seulement, elle fait faillite. Vous pouvez prendre plusieurs cas comme cela. Vous prenez la compagnie Bofab Ltée. On donne des garanties de prêt de 150 000 $ le 8 juillet 1982; il y a l'autorisation qui est encore beaucoup plus près, du 8 juillet au 19 août. Enfin! Oui, à peu près pareil. C'est un peu plus d'un mois, environ un mois. Le 18 novembre, c'est presque la même relation de temps, encore une fois. On peut dire que, le 8 juillet, on fait une autorisation de garantie, après avoir étudié un cas qui... On étudie un cas. On dit: Bon! On va prêter 150 000 $. Avant de prêter 150 000 $, on fait sûrement une relation entre la possibilité de sauvetage de cette entreprise seulement le 18 novembre... Si on part de la date d'autorisation, admettant même que la banque ait donné de l'argent avant la date de déboursé... Là, on dit: La date de déboursé, mais prenons même

votre argument suivant lequel la banque a peut-être avancé des fonds le 8 juillet, on fait août, septembre, octobre et novembre, encore une fois, quatre mois, et l'entreprise est en faillite. Vous pouvez les prendre presque un à un. Vous pouvez en prendre plusieurs qui sont dans le même ordre d'idées. M. le ministre, prenez IWM Meunerie Internationale Inc. On fait un prêt de 150 000 $ le 20 juillet. Le 5 août, il y a une autorisation qui est très proche. C'est une affaire de même pas un mois, quoi! En fait, c'est un peu plus de quinze jours ou trois semaines. Le 30 octobre, il y a un rappel du prêt et ainsi de suite.

Je ne peux pas m'expliquer comment on peut faire une évaluation sérieuse et valable. Vous prenez plusieurs de ces cas. C'est toujours dans le même ordre d'idées. Prenez la compagnie d'aluminium TMB, etc: tous ces cas de défaut, c'est la même chose, sauf peut-être - et là, on va vous demander plus de détails après - Métallurgie Pelchat où il y a une grande marge de temps, juin 1982 et juin 1983 où il y a eu le rappel du prêt, mais toutes les autres se situent dans le même ordre d'idées où, quelques mois après seulement, la banque arrive et dit: On va reprendre le prêt. Que s'est-il passé quand on a évalué ces compagnies, qu'on a prêté de l'argent cumulativement, 200 000 $, 100 000 $, 150 000 $, 300 000 $, etc., dans des cas où il était évident que, s'il y a eu un rappel tellement près, la situation était désespérée? C'était un risque qui n'était pas un risque valable, même pour la Société de développement industriel, parce qu'il n'y a pas de développement s'il y a une faillite. (16 h 15)

M. Biron: M. le Président, là-dessus, je dois rappeler que, dans le fond, le plan a été institué pour aider des entreprises qui étaient en difficulté financière. On s'est dit, au départ du plan: Nous ne voulons pas aider des entreprises qui, d'une façon ou d'une autre, sont vouées à la faillite, mais nous voulons aider des entreprises qui ont souffert énormément de la conjoncture, donc, qui sont aujourd'hui en difficulté financière, pas nécessairement en faillite, mais en difficulté financière. Ces entreprises, on veut leur permettre de passer à travers la crise. C'était, comme objectif, de protéger la structure industrielle du Québec. On ne pouvait pas se permettre d'en perdre 500 en cours de route parce que, lorsque l'économie reprend, ce n'est pas facile de relancer une entreprise de fabrication. On peut relancer un commerce six mois après, mais une entreprise de fabrication, la technologie est partie, et tout cela. C'est sûr qu'on s'attendait de perdre avec ce plan. Tout à l'heure, je vous ai dit qu'on avait prévu 20% de pertes. En fait, on a à peu près 2% de pertes la première année.

Pour nous, c'est beaucoup mieux que ce à quoi on s'attendait. Vous citez quelques cas et là-dessus on veut en perdre le moins possible. On dit: Cela a été le plan d'urgence, donc, il fallait aller rapidement. Il fallait juger sur le fond des dossiers, avoir un bon jugement. D'un autre côté, on ne pouvait pas se permettre non plus d'attendre pendant des mois avant d'aider l'entreprise, parce que plusieurs auraient sauté en cours de route. Il fallait agir rapidement là-dessus. Je pense que la décision de la SDI, chaque fois, a été une excellente décision, malgré qu'on ait à subir neuf pertes déboursables dans le courant de la première année. Je pourrais vous donner des exemples où cela a été le contraire; non seulement on a aidé des entreprises à passer à travers et à conserver les emplois, mais des entreprises ont augmenté leurs emplois. Ces cas seraient très nombreux. Je pourrais en citer dans à peu près tous les comtés du Québec; ce sont des exemples de succès réel parce qu'on a apporté un financement adéquat à court terme, au moins à moyen terme, à ces entreprises et les entreprises ont repris plus de monde.

Moi aussi j'ai à déplorer comme vous les pertes qu'on a subies. Je n'aime pas cela. On avait prévu pire que cela. Je pense que là-dessus le jugement des gens de la SDI a été correct. On pourrait analyser chacun des cas et dire que cela dépend de telle raison. Peut-être que oui, après, on n'aurait peut-être pas dû prêter. Tandis que d'autres à qui on n'aurait pas dû prêter ont passé à travers la crise et se sont relevées. On a des exemples nombreux là-dessus. Dans ce sens, je pense que, somme toute, si on fait l'addition totale des plus et des moins, les plus sont tellement nombreux qu'il faut dire que les analystes de la SDI ont fait un excellent travail à cet effet.

M. Lincoln: M. le ministre, n'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire qu'il faut partir du principe qu'on pose des gestes tout à fait objectifs et, s'ils ne marchent pas, on les défend, d'accord? Dire, par exemple, que cela n'a pas été aussi mauvais qu'on le craignait, c'est dire: Est-ce que cela aurait pu avoir été bien mieux? On peut retourner l'argument et dire cela. Nous, on n'a pas envie de dire: Bon, dans tous les cas, cela a été des cas de mauvais jugement, de mauvaise gestion. Pas du tout. Mais seulement, quand nous voyons des cas qui logiquement n'ont pas de sens, on se pose beaucoup de questions parce que le fait est qu'en 1981-1982, au dernier rapport de la SDI, si je ne me trompe, il y avait une réserve de prêts de 25 000 000 $. C'est exact?

M. Biron: 25 000 000 $.

M. Lincoln: 25 000 000 $, par

anticipation, d'accord. C'est une provision. Quelle est la réserve pour 1982-1983? Parce que nous n'avons pas les chiffres.

M. Biron: On me dit que le Vérificateur général est maintenant en train de vérifier. Lorsqu'on assume des prêts... Sauf la réserve accumulée que nous avons, pour les prêts qui ont été faits en 1982-1983, le Vérificateur général est présentement en train de faire la vérification pour établir, avec les gens de la SDI, la réserve qu'on devrait avoir au cas où cela irait mal. Mais, sur le plan d'urgence en particulier, pour les garanties de prêts, on a prévu cette année 12 000 000 $, si je me souviens, pour le budget 1983-1984.

M. Lincoln: Pourriez-vous nous donner un ordre de grandeur pour 1982-1983? Le Vérificateur général, je suis d'accord, vérifie ces chiffres maintenant, mais vous avez sûrement un ordre de grandeur par rapport au travail qu'il fait. Vous lui avez donné des chiffres, etc. Pourriez-vous nous donner un ordre de grandeur, un bloc?

M. Biron: On prévoit que la provision sera légèrement diminuée. En fait, c'est assez difficile de prévoir. Il y a des prêts qui sont là depuis déjà cinq ans, huit ans, dix ans et qui sont remboursés un peu chaque année selon les ententes qu'on a; même qu'au départ il y avait des prêts à long terme là-dedans. On me dit, d'après les informations que nous avons, que la réserve sera diminuée légèrement. Cela veut dire que la performance a été un peu meilleure en 1982-1983, ou que la prévision pour 1983-1984 est un peu meilleure que celle qu'on avait pour 1982-1983.

M. Lincoln: Mais, M. le ministre, ce que je veux souligner, c'est qu'au lieu de parler du nombre de cas sauvés par rapport à ceux qui sont en défaut, on nous dit qu'on fait une provision, une réserve pour les prêts qui vont être en défaut. On fait sûrement une réserve. Au contraire, on aurait tendance à faire une réserve qui soit moindre, c'est sûr, pour montrer un meilleur bilan. On fait une réserve, on parle de chiffres très conséquents, 25 000 000 $ dans cet exercice. Là, on parle de gros montants d'argent par rapport au montant des prêts, quand vous parlez de 130 600 000 $ pour le total de l'aide. Ce que je voulais vous dire, c'est que toute cette politique est très importante parce que si, par exemple, des décisions étaient prises qui n'étaient pas justifiées pour l'avenir, on aurait une perte possible; autrement, on ne mettrait pas ces chiffres dans le bilan, qui passe par votre conseil d'administration, par des vérificateurs, etc.

Alors, quand on parle de 25 000 000 $ de provision possible en cas de perte, on parle de beaucoup d'argent. Pourquoi cela? C'est un exemple des possibilités qui peuvent arriver. On peut dire: Bon, il n'y a que quelques cas, on ajoute ces montants, ce n'est pas grand-chose. En fait, quand on parle de cette année où le financement a augmenté de 22 000 000 $, d'après les chiffres que vous m'avez donnés pour 1981-1982, jusqu'à 121 000 000 $ en financement et garanties de prêts, on a encore plus de raisons d'établir une politique qui soit aussi sûre que possible pour qu'on n'ait pas une répétition de cas comme ceux-ci sur une plus grande échelle.

C'est pourquoi je reviens à cette affaire. Je vous dis: En prenant ces cas typiques, pour l'évaluation, quel est le système dont se sert la SDI avant de consentir un prêt? Quelles sont les enquêtes qui se font? Qu'est-ce qui fait que - nous en avons douze qui sont sur cette liste, en fait treize - des cas comme ceux-ci passent à travers le tamisage? Comment se fait-il que, dans des cas tellement flagrants, en l'espace de quatre mois, une évaluation puisse être tellement fausse?

M. Biron: La seule façon de ne pas avoir de ces cas, c'est de ne rien faire, absolument rien faire. Plus on agit souvent, plus on en a. On me donne comme exemple que la Banque fédérale de développement, qui est reconnue comme assez bien gérée, mais qui est une institution prêteuse de dernier recours, un peu comme la SDI, l'an dernier, a assumé 75 000 000 $ de perte sur ses prêts alors que nous, on a assumé 4 000 000 $. Elle a prêté dans certains secteurs où elle a assumé des risques. Nous aussi, même souvent, avec notre plan d'urgence. Il y a des garanties de prêts où on va conjointement avec la Banques fédérale de développement parce que c'est vraiment risqué. Lorsque la BFD décide de prendre son bout de risque, nous on dit: Nous aussi, on prend notre bout de risque là-dessus.

Alors, je juge, M. le député de Nelligan, que la performance qu'on a faite, c'est-à-dire 719 interventions ou 450 garanties de prêts pour le plan d'urgence et seulement 9 déboursés sur 14 en défaut est une performance qu'on peut qualifier d'extraordinaire. Il faut dire que nos gens ont été très sérieux dans leurs actions. C'est sûr qu'on aurait peut-être pu ne pas faire ces pertes sur ces 9, 10 ou 14 entreprises, mais, en ne le faisant pas, on aurait peut-être bloqué 200, 300 autres interventions. On est intervenu en grande quantité parce que c'est important pour nous. Cette année, notre objectif, c'est d'intervenir pour 500 entreprises. Il va y avoir 100 000 000 $ de garanties de prêts dans le décor quelque part, qui ne coûteront à peu près rien au gouvernement du Québec si les entreprises

passent au travers, se structurent et créent de l'emploi. Bien sûr, cela ne va rien coûter. C'est sûr que si, en cours de route, on en perd quelques-unes, cela va être des coûts. On essaie d'être le plus sérieux possible dans l'analyse, mais on imagine qu'étant donné qu'on donne des garanties de prêts, non pas aux meilleures des 10 000 entreprises manufacturières, mais à celles qui ont une chance d'avenir, qui sont en difficulté financière... Je dirais qu'on intervient peut-être à partir du numéro 6000, 7000, ou 8000, parmi les 10 000, jusqu'à la fin. C'est sûr qu'il y a plus de risques dans le bassin d'entreprises dans lequel on intervient.

M. Lincoln: M. le ministre... Allez-y.

M. Biron: Je prends note de votre intervention. Je comprends que vous voulez qu'on fasse le plus attention possible parce que vous aussi, vous ne voulez pas, comme moi, gaspiller l'argent des citoyens du Québec. Là-dessus, le message est fait, est très clair aux gens de la SDI. Il sera refait, à la suite de votre intervention, pour les inciter à analyser le plus sérieusement possible leurs actions et leurs recommandations. D'un autre côté, je suis obligé de leur dire qu'il faut intervenir pour sauver des entreprises qui sont en difficulté financière.

M. Lincoln: Sur la dernière question, nous n'avons aucun sujet de discussion. Je pense qu'on ne se querelle pas sur les objectifs. La Banque fédérale de développement, c'est sûr que c'est un instrument essentiel. En même temps, je crois qu'il faut partir du principe que ce n'est pas mon affaire d'aller regarder ce qui se passe à la Banque fédérale de développement. S'ils courent des risques tels que le chiffre de dette qu'ils ont à amortir est trop grand, cela ne veut pas dire que, pour nous aussi, c'est une raison de suivre le... Peut-être que la Banque fédérale de développement fait très bien ses affaires. Elle a une très bonne réputation. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il faudrait se concentrer sur ce qu'on a ici. Je veux bien que la Banque fédérale de développement monte. Ce qui me tracasse, c'est qu'on a fini avec un déficit de 4 000 000 $, mais nous avions une réserve. On a monté la réserve pour les prêts - c'est à cela que je voulais revenir - à quelque chose comme 50%, cela a presque doublé. La réserve pour les prêts est montée à 25 000 000 $.

S'il n'y avait pas eu la possibilité que le risque soit trop grand, qu'il y ait des mauvaises décisions qui puissent causer des pertes substantielles, on n'aurait pas fait des réserves de l'ordre de 25 000 000 $. Même si on dit que la performance va être meilleure, qu'on va diminuer de quelques millions, le fait est qu'on a fait cette grosse réserve. Ce que je veux dire, c'est qu'est-ce qu'on fera à l'avenir pour prévenir des cas comme celui-ci?

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Biron: Juste comme information, l'an dernier, la plus grosse de nos pertes a été le cas Admiral, où le gouvernement était intervenu il y a plusieurs années. On a dû assumer la perte l'an dernier d'un prêt de 7 000 000 $. C'est un prêt, donc, un déboursé de fonds qui a été fait il y a plusieurs années et pour lequel on n'a pas perçu d'intérêts, mais qu'on a dû assumer complètement dans nos livres l'an dernier. On n'a pas tendance maintenant à faire de gros prêts, aussi gros que cela. On a plutôt tendance à aller dans des garanties de prêts et surtout à essayer de séparer le risque avec d'autres institutions. J'ai cité tout à l'heure la Banque fédérale de développement qui travaille assez bien, je pense, avec la SDI dans ce domaine. Je prends note de votre intervention là-dessus. On va essayer de continuer à être le plus sévère possible dans nos interventions, mais toujours en gardant en vue, comme objectif, que la Société de développement industriel n'est pas une banque à charte. C'est une société de développement qui doit prendre des risques de temps à autre si on veut développer le Québec, parce qu'il nous manque véritablement des capitaux de risque un peu partout. Dans ce sens, la Société de développement industriel doit intervenir dans des endroits plus risqués que normalement, mais c'est le rôle de la collectivité si on veut développer l'économie. D'ailleurs, c'est pour cette raison que la Société de développement industriel a été créée il y a maintenant onze ans. On a fêté le dixième anniversaire l'année dernière. Il y a onze ans, c'est le député de Bonaventure qui était ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il a été le ministre responsable de la création de la Société de développement industriel avec, comme objectif, qu'on prendrait des risques et que, souvent, on perdrait de l'argent. Mais, d'un autre côté, c'était le prix à payer pour développer des entreprises manufacturières au Québec.

M. Lincoln: Pouvez-vous me dire, M. le ministre, quel est le cheminement typique d'un dossier? Prenons un dossier; le plus gros ici, c'est 500 000 $. Les autres sont dans l'ordre de 90 000 $ jusqu'à 200 000 $, etc. Quel est le cheminement d'un dossier par rapport au laps de temps entre la demande et l'autorisation, dans le cas typique d'une entreprise qui est en difficulté, et comment s'établit le processus d'enquête, de

vérification de la survie de l'entreprise, etc? Quels sont les barèmes? Quels sont les critères qu'on emploie pour décider si on va autoriser un prêt ou non et dans quel laps de temps? Quels sont les paramètres que vous utilisez?

M. Biron: D'accord. Si l'entreprise a un problème, habituellement, elle communique avec le délégué régional du MICT, dans la région de l'entreprise, qui lui dit un peu quels sont les programmes qui existent à Québec et à Ottawa. Nos délégués régionaux donnent les services aux deux niveaux de gouvernement pour essayer, au fond, d'obtenir le maximum des sommes d'argent qu'on paie à Ottawa là-dessus. Il y a un excellent service de part et d'autre, d'ailleurs. Je pense que les gens du gouvernement fédéral font la même chose vis-à-vis des services du MICT. Une fois qu'on a décidé, on dit à l'entreprise: Cela te prendrait probablement le plan d'aide au financement des entreprises. On lui dit le chemin à faire, et rapidement. Il faut que tu te présentes à ton institution financière. Il faut que l'institution financière étudie ton cas et consente à te faire le prêt garanti aux deux tiers seulement, parce qu'on ne veut pas que toutes les demandes entrent au gouvernement avant même que l'institution financière ait le temps de les analyser; sinon toutes les entreprises en faillite nous enverraient leurs demandes. D'abord, l'institution financière; le chef d'entreprise se présente donc à sa banque ou à sa caisse populaire, il parle de son prêt - s'il a besoin, par exemple, d'un prêt de 300 000 $ - avec son directeur de succursale, qui est autorisé ou doit le faire passer par le siège social. Cela dépend des succursales et cela dépend du directeur et de la banque ou de l'institution financière. Une fois que la formule est remplie au niveau de l'institution financière et que l'institution financière s'engage à avancer le tiers des sommes d'argent à condition que le gouvernement endosse pour les deux autres tiers, la demande au complet est transmise à la Société de développement industriel du Québec. Aussitôt qu'elle est transmise, on lui assigne un analyste financier et, à compter de cette date, en moyenne, habituellement - à part les cas graves ou les cas où il nous manque vraiment des informations - règle générale, l'analyste financier, dans les deux semaines qui suivent, a le temps de faire l'analyse du dossier -cela lui prend une semaine environ - de présenter l'analyse à son directeur régional, à son supérieur, d'en discuter avec lui.

Au niveau de la SDI, une fois que la recommandation de l'analyste est acceptée au point de vue de ses supérieurs immédiats à l'intérieur de la boîte, elle est présentée soit au comité exécutif ou au conseil d'administration pour la décision et la recommandation au ministre. Elle est transmise au ministre le lendemain pour signature. Habituellement, ce processus prend deux semaines. Donc, l'analyste financier fait la recommandation. Elle est acceptée ou refusée par son directeur immédiat qui lui demande, si elle est refusée, de l'analyser de nouveau et de trouver d'autres arguments. Elle est acceptée pour recommandation au comité exécutif ou au conseil d'administration selon ce qui siège - chaque vendredi, il y a une réunion - et le lundi ou le mardi, au plus tard, elle est sur le bureau du ministre pour autorisation. Aussitôt qu'elle est autorisée, l'information est transmise immédiatement par la SDI à l'entreprise et à l'institution financière en disant: Nous vous faisons parvenir les formules immédiatement; d'ici une journée ou deux, tout sera chez vous. Après cela, le processus de prêt s'enclenche de façon définitive.

M. Lincoln: Quel est le processus s'il y a...

M. Biron: Excusez-moi. C'est pour le plan d'aide au financement qu'on appelle le plan d'urgence. Pour les autres, c'est un peu plus long, parce qu'il y a toute l'analyse à faire pour savoir si le secteur dans lequel l'entreprise veut investir est un secteur d'avenir, si l'entreprise produit au-dessus de la moyenne ou selon la moyenne de la productivité du secteur. Si c'est une entreprise qui n'est pas développée du tout, si c'est un secteur où il n'y a pas beaucoup de marché ou s'il n'y a pas de marché au Québec, on n'aidera pas cette entreprise. On va plutôt lui dire: Écoute, ou tu te développes plus pour avoir plus de productivité ou tu changes de secteur parce que tu n'as pas d'avenir, tu es vouée à ne pas passer au travers, d'une façon ou d'une autre. Par exemple, dans le secteur des portes et fenêtres, la SDI n'intervient pas parce qu'il y a assez d'entreprises dans le Québec pour produire tout ce dont on a besoin au Québec dans ce secteur. On n'intervient pas pour aider les entreprises dans ce secteur en particulier, et c'est la même chose pour d'autres secteurs. Cela, c'est vis-à-vis d'autres programmes.

Je vous remets ici des feuillets d'information sur tous les programmes d'aide de la SDI, avec le financement à terme, le capital de risque, la forme, les objectifs, les critères d'admissibilité. C'est très technique. La moyenne, c'est habituellement un mois dans les autres cas de subventions. Dans le cas de la recherche et de l'innovation, c'est un peu plus long, présentement, parce que c'est un programme qui est tout nouveau. On est en train de roder nos critères là-dessus. Tout sera en marche, d'ici quelques mois et on espère que, dans un mois, on pourra

donner la réponse aux chefs d'entreprise.

M. Lincoln: Dans des cas spécifiques comme ceux-ci, est-ce que vous pourriez nous dire combien de temps cela prend et quel genre de recherche a été faite, au préalable, dans les cas de défaut qui sont cités pour 1982-1983?

M. Biron: Habituellement, cela prend une semaine à l'analyste financier pour faire sa recommandation.

M. Lincoln: Dans le cas de Métallurgie Pelchat, on a prêté 500 000 $. Est-ce qu'une semaine, c'est assez pour savoir si cette entreprise est viable, pour savoir exactement où elle s'en va, quelles sont ses chances de survie?

M. Biron: Dans le cas de Métallurgie Pelchat, déjà la SDI était intervenue auparavant pour des subventions à l'expansion. Alors, on avait le dossier de cette entreprise chez nous. C'est une entreprise qui avait une excellente performance. Il y avait une participation au capital-actions des travailleurs. Ce n'est pas nécessairement une garantie de succès, mais, au moins, c'est un sens des responsabilités accrue des travailleurs. C'est une entreprise qui était très dynamique autrefois, mais qui est reliée directement à la construction d'édifices de taille moyenne ou grande. C'est beaucoup plus le manque de marché de la construction qui l'a finalement emportée. Dans ce cas précis, une semaine, c'était assez parce qu'on avait tout le dossier. C'est sûr qu'il y avait un certain risque avec Métallurgie Pelchat, mais c'était une entreprise dynamique de la rive sud, à Saint-Romuald, et compte tenu de sa performance passée on a cru que nous devions intervenir.

M. Lincoln: Quelle est votre politique? Je vois dans votre rapport annuel: Selon les conditions posées par la société, des exonérations de remboursement, pour un montant d'environ 1 776 900 $, sont anticipées sur les prêts consentis au 31 mars 1982. Au 31 mars 1981, la somme pour les exonérations de remboursement était de 888 000 $. Cela a presque doublé. C'est à la page 20 du rapport annuel 1981-1982. On voit que les exonérations de remboursement ont doublé de 1981 à 1982. Pourriez-vous nous l'expliquer?

M. Biron: Ce sont surtout des cas pour l'exportation, ce qu'on appelle le crédit implantation où nous faisons des prêts aux entreprises. Le remboursement est conditionnel à la conquête de marchés. Certains marchés sont assez risqués. Des entreprises décident de s'implanter sur un marché. Nous leur faisons des avances à la fois pour établir des entrepôts pour les premiers stocks qui sont là, pour les premières démarches. Si le marché donné a du succès, l'entreprise nous rembourse. Si le marché donné ou à attaquer n'a pas de succès, il y a une partie du prêt qui est non remboursable; donc, nous devons prévoir des exonérations en fonction d'une de ces conditions.

M. Lincoln: Parlez-vous des programmes qui ont été pris, par exemple, par le ministre du Commerce extérieur, APEX et APEX-F, ou si vous parlez de SDI-exportation, ou quoi?

M. Biron: C'est SDI-exportation.

M. Lincoln: Vos propres programmes de SDI-exportation. Pouvez-vous nous dire quel est le chiffre, de ce programme, sous cette rubrique pour 1982-1983?

M. Biron: On me dit que c'est à peu près la même chose en 1982-1983.

M. Lincoln: Serait-il possible d'avoir les chiffres exacts?

M. Biron: C'est sujet à l'approbation définitive du Vérificateur général. Donc, cela peut être disponible d'ici deux ou trois semaines.

M. Lincoln: Vous dites que c'est à peu près la même chose, dans le même ordre de grandeur?

M. Biron: Oui.

M. Lincoln: Je n'ai pas saisi votre réponse quant à la différence. Il y a presque 100% d'augmentation en 1981-1982.

M. Biron: Les programmes d'exportation ont pris de l'expansion en 1981-1982. Ce sont des programmes tout nouveaux, en tout cas, qui datent de quelques années seulement. Lorsqu'il n'y avait pas de programmes à l'exportation, il n'y avait rien à prévoir. Ce sont de nouveaux programmes qui ont été institués il y a deux ans.

M. Lincoln: Maintenant que nous savons que les exonérations de remboursement vont être de l'ordre de 2 000 000 $ par an, est-ce que cela va continuer d'être la politique de la SDI de continuer ces exonérations ou bien allez-vous revoir toute cette politique si ces montants continuent de grimper de façon conséquente?

M. Biron: Cette politique vis-à-vis du commerce extérieur va être revue avec le ministère du Commerce extérieur une fois que la première tournée de son jardin aura

été faite par le ministre du Commerce extérieur. Il va peut-être décider que certains programmes ne sont pas prioritaires ou qu'ils sont beaucoup trop dispendieux et qu'il faut les enlever. Par contre, il va peut-être décider d'avoir de nouveaux programmes. Par exemple, il y a deux ans, j'annonçais qu'on avait suspendu un programme qui prenait charge d'une déduction de 2% sur l'augmentation des exportations. Dans l'espace d'un an, si on avait suivi ce raisonnement, on aurait monté un compte à la SDI, seulement à ce progrmame, de 100 000 000 $. Cela n'avait pas de bon sens. C'était beaucoup trop dispendieux. On a suspendu le programme pour essayer de le revoir en conséquence. C'est fort possible que le ministre du Commerce extérieur, avec son équipe, décide de changer des choses à un programme. Il faut réaliser que ces programmes de transfert d'argent aux entreprises sont, vis-à-vis de l'exportation, administrés par la SDI, mais sous la recommandation du ministre du Commerce extérieur.

M. Lincoln: Parlant du commerce extérieur, pouvez-vous nous dire quelle sera la politique de l'avenir par rapport à SDI-exportation? Par exemple, si je me souviens bien, lors du débat en commission parlementaire sur la loi 89 qui a créé le Commerce extérieur, je suis presque certain - je pourrai le vérifier - que le ministre du Commerce extérieur avait annoncé son intention que SDI-exportation fasse partie du ministère du Commerce extérieur, soit sous l'égide du ministre du Commerce extérieur. Depuis, naturellement, l'OQCE forme maintenant le noyau du ministère du Commerce extérieur. Le ministère du Commerce extérieur, sur ces entrefaites, a pris le programme APEX, et APEX-F. Que se passe-t-il par rapport à SDI-exportation? Est-ce que, légalement, SDI-exportation est toujours sous votre ministère? Est-ce qu'on a l'intention que cela reste ainsi ou est-ce qu'on a l'intention de présenter un projet de loi pour transférer SDI-exportation au ministère du Commerce extérieur, ce qui serait beaucoup plus logique? (16 h 45)

M. Biron: J'ai eu de nombreuses discussions avec mon collègue du Commerce extérieur là-dessus et on en est venu à la conclusion qu'il valait mieux laisser la SDI-exportation, sous la juridiction de la SDI parce que souvent ce sont les mêmes analystes qui vont faire une analyse financière pour un cas d'exportation d'une entreprise, et qui vont faire l'analyse pour un cas de recherche et de développement ou d'autres choses. On a vraiment voulu que la SDI soit le guichet unique des transferts d'argent aux entreprises, des transferts plus importants. APEX, dans le fond, est un petit transfert de quelques milliers de dollars par décision, alors que cela peut devenir des transferts de plusieurs centaines de milliers de dollars et cela prend une connaissance financière. Nos analystes financiers sont formés pour cela.

Pour être certain que tout aille très bien entre les deux ministères, on est parvenu à signer un protocole d'entente qui explique le cheminement d'une demande. La demande d'une entreprise est présentée habituellement au délégué régional du ministère, soit à Montréal, à Québec, à Rimouski ou ailleurs. Le délégué régional, immédiatement, fait parvenir la demande à la SDI avec une copie qui s'en va immédiatement au ministère du Commerce extérieur. Avant que nous puissions analyser la demande, le ministère du Commerce extérieur décide si la demande est recevable, c'est-à-dire que, si on a une demande d'une entreprise pour l'aider dans un pays d'Afrique, en Iran, mettons, le ministre du Commerce extérieur peut dire: Non, ce n'est pas une de mes priorités et je ne veux pas attaquer ce marché tout de suite. Ou si une entreprise, je ne sais pas, veut vendre des réfrigérateurs aux Eskimaux, le ministre du Commerce extérieur, lui, peut décider que ce n'est pas une de ses priorités. C'est, d'abord, au ministère du Commerce extérieur de décider si cela entre dans ses priorités, dans son objectif de développement des exportations autant du point de vue des produits à exporter qu'au point de vue des marchés à atteindre, du type de marchés géographiques à travers le monde.

Cela se fait très rapidement. Habituellement, dans une semaine, on a la réponse du ministère du Commerce extérieur qui nous dit: D'accord, vous y allez ou vous n'y allez pas. Si la lumière est rouge, comme on dit, nous, on avise tout simplement l'entreprise que ce n'est pas recevable selon les critères du ministère du Commerce extérieur. Si le ministère du Commerce extérieur nous dit: Oui, c'est recevable, là on fait l'analyse financière. Est-ce que l'entreprise a les reins assez solides financièrement pour atteindre ce marché? Est-ce que la qualité de ses produits est là? On fait vraiment l'analyse financière une fois que le ministère du Commerce extérieur nous a dit que c'était recevable pour le produit et pour la région géographique. On fait l'analyse et on transmet à l'entreprise la réponse de notre analyste. La lumière peut être rouge comme elle peut être verte de notre bord. Chaque fois que la lumière est rouge du côté du ministère du Commerce extérieur, nous n'intervenons pas plus avant afin, justement, de respecter les compétences, la juridiction et les connaissances des gens du Commerce extérieur en ce qui regarde les marchés à l'extérieur du Québec.

M. Lincoln: Si la lumière est rouge de votre point de vue, du côté de vos fonctionnaires de la SDI-exportation?

M. Biron: Cela ne fonctionne pas. Si la lumière est verte, si on dit, oui, c'est pour exporter aux États-Unis, c'est sûr que la région géographique des États-Unis est acceptée d'emblée par le ministère du Commerce extérieur, et cela peut être un produit donné qui est accepté. L'entreprise n'a peut-être pas les capacités financières d'exporter. Elle est peut-être ni plus ni moins en faillite ou quelque chose comme cela. Pour conquérir des nouveaux marchés, si elle est appelée à débourser 500 000 $, elle ne passera pas à travers. Au Commerce extérieur, nous disons: Voilà les raisons pour lesquelles on juge, nous, que la capacité financière de l'entreprise ne lui permet pas d'atteindre ce marché. Jusqu'à maintenant, cela a été très bien selon ce protocole d'entente qu'on a signé avec le Commerce extérieur.

M. Lincoln: Est-ce qu'il y a moyen de voir le protocole d'entente? Est-ce que vous auriez pu le déposer ou nous en faire avoir une copie?

M. Biron: Je l'ai signé aussi. Les copies que j'ai ici sont signées seulement par mon collègue, mais, en fait, c'est signé par les deux. Le même protocole d'entente existe avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de même qu'avec le ministère de l'Énergie et des Ressources. Souvent, il y a une industrie qui concerne un abattoir ou une coopérative laitière. Autrefois, on avait un problème parce que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation décidait que, dans une région donnée, il y avait assez d'abattoirs, qu'il ne fallait pas en avoir plus, qu'il y avait assez d'usines laitières et qu'il ne fallait pas en avoir plus. Il y avait une demande qui venait à la SDI et la SDI pouvait subventionner un abattoir dans cette région. Alors, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation disait: Non, cela n'a pas de bon sens. Dans le fond, c'était une mauvaise entente entre les deux organismes et on en est venu à la conclusion qu'il valait mieux avoir un protocole d'entente et fonctionner exactement de la même façon. Si un abattoir, une industrie laitière ou tout ce qui regarde l'agroalimentaire nous demande une aide financière par le truchement de la SDI, chaque fois, cela s'en va au MAPAQ qui nous répond, lui aussi, dans la semaine; habituellement, dans la semaine qui suit, dix jours ou plus, on a sa réponse ou celle du MER en ce qui concerne les entreprises qui relèvent de leur juridiction. À ce point de vue, la SDI est véritablement devenue le guichet unique des subventions aux entreprises de la part du gouvernement, mais en respectant véritablement la juridiction des ministères, chacun décidant de ses priorités et de son action. Nous ne faisons que le transfert d'argent à l'entreprise une fois que l'analyste financier a jugé que l'entreprise avait les capacités de faire le développement ou de conquérir le marché.

M. Lincoln: Si je vous comprends bien, SDI-exportation reste sous la juridiction légale de la SDI. Cela reste au MICT. On contrôle cela par un protocole d'entente. Le ministre du Commerce extérieur n'a qu'un droit de regard. En fait, il n'a pas un droit légal. Vous avez l'autorisation finale, le mot final de l'affaire. C'est, en fait, comme cela.

M. Biron: II a un droit de regard pour bloquer toute demande de transfert financier d'argent aux entreprises. Il a un droit de regard pour bloquer toute subvention à une entreprise lorsqu'il décide que le produit, que le marché n'est pas prioritaire pour lui. En fait, tout ce qu'on fait, c'est l'analyse financière. Le véritable juge de la stratégie de développement du commerce extérieur est le ministre du Commerce extérieur.

M. Lincoln: Je vais insister un peu là-dessus, parce que c'est une question fondamentale. Vous avez les mêmes entreprises, comme vous l'avez dit vous-même. Cela va de soi que, pour exporter, il faut une entreprise qui soit sur notre sol, qui soit ici. Autrement, ce n'est pas une entreprise exportatrice. La même entreprise est chapeautée tout le temps par les deux ministères. Elle est sous la juridiction de votre ministère, parce que c'est une entreprise, une industrie ou un commerce, mais en même temps elle est une entreprise exportatrice. Sitôt qu'elle commence à exporter, elle devient une entreprise qui intéresse le ministère du Commerce extérieur. Parfois, vous avez un conflit d'opinions, un conflit de vues d'ensemble sur les politiques par rapport à une entreprise, par rapport à la façon dont on la voit, soit une entreprise qui est dans le cadre de votre ministère et une entreprise exportatrice, c'est-à-dire ayant une vocation exportatrice et une vocation locale. Je comprends qu'on parle de financement, mais qu'arrive-t-il si un jour vous avez des vues totalement différentes si votre conseil d'administration -si je comprends bien, c'est le conseil d'administration de la SDI qui recommande les subventions - lui, voit cela dans une optique tout à fait différente; par exemple, s'il voit cela dans une optique plus centrée sur la question de l'apport local de l'entreprise plutôt que sur l'exportation, si c'est un cas où vous trouvez qu'il ne devrait

pas y avoir de subvention et que le ministre du Commerce extérieur pousse pour une subvention? Je comprends le cas que vous me soumettez où il dit: Bon! Ce n'est pas bon, et vous êtes d'accord, mais qu'arrive-t-il s'il y a, demain matin, un conflit d'intérêts? Sans jouer aux sorcières - ce n'est pas du tout mon intention - je vous dis que j'ai des contacts parmi des gens de SDI-exportation, parmi des gens du Commerce extérieur, etc. On me dit qu'il y a des situations, justement, où il y a toujours cette possibilité de différence d'opinions. Peut-être que le protocole d'entente règle la question, mais qu'arrive-t-il si, comme ministre, vous avez, vous, des vues tout à fait séparées de celles du ministre du Commerce extérieur par rapport à une entreprise qui joue des deux côtés, c'est sûr?

M. Biron: Jusqu'à maintenant, on n'a eu aucun problème. Je n'en entrevois pas non plus, parce que nous ne faisons qu'administrer les programmes définis pour l'exportation, pour le commerce extérieur. Le vrai juge, c'est le ministère du Commerce extérieur. En fait, cela peut arriver qu'on change certains programmes. Les programmes qui seront changés, la SDI s'y implique techniquement, parce qu'il faut que ce soit techniquement gérable, "manageable", mais sur le fond du programme, c'est le Commerce extérieur qui décide. Je crois que c'est sain. Dans le fond, on s'épargne beaucoup de bureaucratie en faisant cela parce que les vrais spécialistes de l'analyse financière sont à la SDI. Là-dessus, on veut respecter leur compétence. S'il fallait avoir une structure à part à la fois pour l'Agriculture ou pour l'Énergie et les Ressources, cela coûterait beaucoup plus cher à la collectivité québécoise. On a à peu près 80 analystes financiers.

M. Lincoln: Est-ce que ces analystes financiers travaillent centralement ou est-ce qu'il y en a qui sont attachés à la SDI-exportation purement pour les cas d'exportation?

M. Biron: II y a une petite équipe à la SDI-exportation, mais les analystes financiers travaillent surtout par cas d'entreprises, à la fois à Québec et à Montréal. Jusqu'à maintenant, l'expérience qu'on a vécue avec le Commerce extérieur - pourtant, c'était un nouveau ministère, il aurait peut-être pu y avoir des tiraillements - c'est qu'on discute vraiment pour savoir où on va, mais tout le leadership du Commerce extérieur revient au ministre du Commerce extérieur. Nous ne faisons que rendre opérationnelles les décisions sur le fond. En même temps, c'est exactement la même chose que si une entreprise demande une subvention à l'investissement au MICT. Nous disons: La subvention à l'investissement est analysée par la SDI. La SDI peut dire: Oui, cela fait notre affaire d'investir dans le domaine, de la verrerie. La SDI peut décider que non, l'entreprise n'a pas les reins assez solides financièrement pour y aller; la SDI décide de ne pas donner de subvention. C'est exactement la même chose, même vis-à-vis du MICT, là-dessus.

La stratégie globale et l'orientation sont données par les ministères sectoriels et l'analyse financière est faite par les spécialistes de la SDI, quel que soit le ministère qui demande une subvention à l'entreprise.

M. Lincoln: Si je vous comprends bien, comme le système actuel, avec le protocole d'entente et tout fonctionne, on ne le change pas; cela continue comme cela. Mais, dans l'avenir, il faudrait arriver que, d'après la politique même qu'avait annoncée le ministre du Commerce extérieur, la SDI-exportation rejoigne le Commerce extérieur. D'après ce que je comprends, la seule raison pour laquelle on laisse la SDI-exportation avec la SDI, c'est que vous avez des analystes financiers pour une centralisation. Autrement, on aurait aussi bien pu prendre le budget de financement et passer cela au Commerce extérieur dont le budget sauterait de 18 000 000 $ à de beaucoup plus gros chiffres - c'est purement une question comptable - et qui aurait un portefeuille d'analystes financiers.

M. Biron: Cela coûterait plus cher de gestion au gouvernement du Québec. Or, on a pensé que c'était la meilleure formule. D'ailleurs, le sous-ministre au Commerce extérieur est au conseil d'administration de la SDI. Il a le droit de parole sur tous les cas, mais, bien sûr, lorsqu'il intervient dans un cas d'exportation, sa voix est privilégiée au sein du conseil d'administration.

M. Lincoln: Maintenant, concernant la question...

M. Biron: C'est un argument important. On a aussi toutes les connaissances comme les juristes, le service de la connaissance du marché et on a fait la même chose vis-à-vis du ministère. Il y avait certains programmes - que vous allez voir, d'ailleurs - qui étaient administrés au ministère, comme textiles, vêtements, bonneterie, innovation-meuble, dont on a transféré l'administration, l'analyse du cas par cas à la SDI. On jugeait que c'était plus complet là-bas où il y avait vraiment une vision globale de l'entreprise, autant au point de vue de ingénierie, qu'au point de vue légal qu'au point de vue des connaissances financières. On a trouvé maintenant, en transférant nos programmes, qu'on avait un meilleur service. C'était déjà,

dans 80% des cas, des clients réguliers de la

SDI.

(17 heures)

On va prendre l'exemple d'une entreprise qui oeuvre dans le secteur agroalimentaire et qui fait affaires avec la SDI pour l'exportation. C'est véritablement trois ministères. Mais, pour l'entreprise, elle n'a qu'une seule porte d'entrée, c'est la SDI. Nous, on fait le nécessaire pour avoir les approbations des deux autres ministères. Alors, le chef d'entreprise, on essaie de lui faire la vie la moins compliquée possible. Le même chef d'entreprise peut décider d'avoir une subvention en recherche et développement à l'exportation et au financement de son entreprise. Il va faire la demande à un guichet unique et nous, on fait le nécessaire avec les autres ministères. On a voulu faire cela le plus simple possible pour le chef d'entreprise.

M. Lincoln: M. le ministre, une dernière question sur la SDI, dans le cas où une subvention ou une garantie de prêt a été refusée par le conseil d'administration. Il y a eu des débats là-dessus, comme vous le savez, par exemple des cas où vous avez changé la décision du P.-D.G., M. Lebrun. Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là? Quel est le mécanisme dont vous vous servez pour décider? Cela a passé par toutes les étapes dont vous nous avez parlé, par un processus élaboré, par le conseil d'administration, par l'analyste financier et, à la fin, ils disent: Non, ce cas n'est pas valable. Cela arrive à votre ministère et là vous dites: Non, je vais renverser la décision. Il y a même un cas qui a été rapporté où M. Lebrun insistait sur une décision négative que vous aviez renversée. Naturellement, on sait qu'il y en a plusieurs. Quels sont les critères de réévaluation? Quel est le temps qui se passe entre la décision par le conseil d'administration et votre réévaluation et votre décision contraire?

M. Biron: Lorsque c'est recommandé positivement par le conseil d'administration, c'est une question d'une journée ou deux..

M. Lincoln: Oui, cela nous sommes d'accord.

M. Biron: ...pour la signature et l'acceptation. Lorsque le conseil d'administration refuse, il y a une nouvelle façon, maintenant, de procéder. Vous voulez surtout parler du plan d'urgence, des garanties de prêt. Au départ c'était un nouveau plan qui n'avait jamais fonctionné nulle part, en tout cas au Canada, parce que même le gouvernement fédéral ou les autres provinces ne l'avaient pas. C'était la première fois qu'on y allait avec une forme de plan où on pouvait aider au financement du fonds de roulement des entreprises. Alors, c'était vraiment du droit nouveau et de l'économie nouvelle qu'on était en train d'écrire. Pour pallier des erreurs de parcours, parce qu'on n'avait pas pu prévoir tous les cas, on a prévu, à un article du règlement, que le ministre pourrait employer son pouvoir pour répondre présent à la demande d'une entreprise. Au cours des six premiers mois de gestion de ce programme, je suis intervenu une vingtaine de fois sur 200 cas ou quelque chose pour changer des décisions du conseil d'administration de la SDI. La plupart du temps, c'était dans des cas précis. Par exemple, une entreprise avait huit emplois; c'était indiqué dans le règlement: de dix emplois à 500 emplois. Alors, elle avait huit employés et elle ne pouvait pas passer à travers le tamisage de la grille du règlement et l'analyste financier était obligé de dire: Ce n'est pas recevable, donc je recommande que cela soit refusé. Le conseil d'administration n'avait pas d'autre choix que de refuser. Ce n'était pas recevable selon notre règlement. Là, je me servais de mon pouvoir pour écrire une lettre à la Société de développement industriel en disant: Même si cette partie du règlement n'est pas respectée - au lieu d'en avoir dix, on en a huit - j'autorise la Société de développement industriel à procéder et à faire le prêt en conséquence. C'est arrivé à quelques reprises comme cela avec des cas bien précis.

Un autre cas que j'ai ici devant moi, c'est une usine de chaussure à Montréal où je suis intervenu par mon pouvoir discrétionnaire. Chausssures Di Felice n'avait pas deux ans de vie. Il y avait un des critères qui disait qu'il fallait qu'il y ait deux ans et cela existait depuis environ un an et demi. Il y avait des gens qui avaient laissé une grande entreprise dans le domaine de la chaussure pour aller là. Finalement, on est intervenu avec le pouvoir du ministre. Depuis ce temps-là, on a créé huit emplois additionnels. Il y en avait 55, si je me souviens. On a augmenté le chiffre de vente et on me dit que c'est une entreprise très dynamique au niveau du marketing. Ils vendent même de la chaussure à l'extérieur du Québec. Ils vendent de la chaussure à des grands magasins comme La Baie. On vient de signer un nouveau contrat. Cela veut dire que cela a été une bonne décision dans ce cas, en particulier, même s'il y avait un des critères qui n'était pas respecté.

Un autre des critères, c'était aussi deux années de profit sur trois au cours des trois dernières années. Bien sûr, cela arrivait souvent qu'il y avait deux années de déficit sur trois au lieu de deux années de profit. Dans ce sens-là, je pouvais intervenir. Cela a été pour les six premiers mois. Après cela, on a eu des discussions avec les analystes financiers de la SDI qui nous ont dit: Nous, on aimerait cela pouvoir intervenir parce

qu'on juge avec intelligence qu'il y a des entreprises qui seraient recevables et on est obligé de dire non. On n'aime pas cela se faire dire par le ministre: Vous changez d'idée quand nous autres, on serait capables de dire oui.

Depuis six mois, je ne suis à peu près pas intervenu directement par mon pouvoir discrétionnaire, sauf à une ou deux occasions. Chaque fois, l'analyste financier fait l'analyse de l'entreprise en disant: D'accord, il y a un critère qui ne va pas selon le règlement, mais, par contre, je recommande au ministre d'intervenir en vertu de l'article 36, de son pouvoir discrétionnaire, et de statuer que ce critère est mis de côté pour cette entreprise. Depuis six mois, on a environ 20 ou 25 recommandations de la part d'analystes financiers de la SDI qui nous demandent d'intervenir. Mais ils n'ont pas le pouvoir d'intervenir directement. Donc, ils ne sont pas capables d'accepter. Le conseil d'administration n'a pas le pouvoir d'intervenir, il n'est pas capable d'accepter. C'est l'analyste financier et le conseil d'administration qui recommandent au ministre d'intervenir. Dans ce sens, c'est accepté très rapidement parce que déjà la demande vient de la SDI, du conseil d'administration ou de l'analyste financier.

Dans d'autres cas où la demande ne vient pas d'eux, habituellement, cela nous prend une à deux semaines pour réanalyser le cas, discuter de ce qui arrive et faire parvenir notre recommandation. Mais, règle générale, ce sont des cas vraiment bien spécifiques, du cas par cas où on peut intervenir et je pense qu'on peut vous expliquer tout les cas un par un. Habituellement, la raison de l'intervention est donnée à la Société de développement industriel afin que l'analyste financier et les gens de la SDI puissent savoir pourquoi on intervient. C'est parce qu'on donnait les raisons de notre intervention qu'on a eu la recommandation de la SDI disant: Permettez-nous de vous recommander de faire une chose même si nous on ne peut pas dire oui; de vous recommander, à vous, d'intervenir en fonction de votre pouvoir réglementaire.

M. Lincoln: Sur votre pouvoir discrétionnaire, à l'article 36, est-ce que, dans les cas que vous nous avez soumis, les cas de défaut dont on parlait avant, vous ne pensez pas que c'est significatif ou étonnant qu'il y ait cinq de ces cas où vous avez usé de votre pouvoir discrétionnaire? Il y a les cas de AJS Métal, Équipements et Accessoires plastiques, IWM Meunerie Internationale, les Entreprises Gérard Moreau, Vêtements Vatel International. Si vous aviez à recommencer la chose, maintenant qu'on sait que ces entreprises ont failli très près de la date d'autorisation, est-ce que vous recommanderiez des cas comme cela malgré la décision du conseil d'administration?

M. Biron: Oui, je les recommanderais parce que, pour chaque cas, il y a des raisons bien spécifiques. Pour AJS Métal, de même que pour les Entreprises Gérard Moreau, la recommandation du conseil d'administration était positive avec certaines conditions à l'endos.

M. Lincoln: Est-ce que c'était pour aller de l'avant?

M. Biron: C'était positif. J'ai signé, mais, en cours de route, une des conditions -disons qu'on demandait un nantissement commercial, une deuxième hypothèque ou je ne sais quoi - ne fonctionnait pas. Quand une des conditions ne fonctionne pas en cours de route, la procédure normale et la plus rapide, c'est une recommandation au ministre disant: Voulez-vous nous écrire une petite lettre en disant que telle condition peut être suspendue pour qu'on puisse continuer à aller de l'avant? Cela arrive de temps à autre. Des fois, on est assez sévère sur les conditions parce qu'on veut aussi forcer les banques et même les individus à donner des endossements. Je me souviens d'une entreprise où on forçait une autre entreprise à endosser, mais l'autre entreprise n'était possédée qu'à 51% par la première de sorte que c'était difficile de dire à des étrangers d'endosser pour une autre. On a dû intervenir avec l'article 36 pour les conditions.

M. Lincoln: Cela a été, pour AJS Métal et les Entreprises Gérard Moreau...

M. Biron: Pour AJS Métal et les Entreprises Gérard Moreau...

M. Lincoln: ...les conditions...

M. Biron: ...cela a été les conditions, mais après coup. Pour la Meunerie Internationale, je suis intervenu parce qu'il y avait 85% des ventes de Meunerie Internationale qui étaient faites aux États-Unis. C'était de la nourriture pour animaux. Les gens du commerce extérieur ou de l'OQCE à l'époque me disaient: II faut intervenir parce que c'est un marché qu'on veut essayer de conquérir et on a une chance de le prendre. Une fois que les gens qui s'occupaient du commerce extérieur nous ont dit que, pour eux, c'était une entreprise dynamique et que c'était un marché important à conquérir, j'ai pensé qu'il fallait que je passe outre aux recommandations qui avaient été faites à l'époque.

La dernière, les Vêtements Vatel International, c'est une entreprises qui fabriquait des vêtements, mais qui vendait aussi, en plus de son commerce d'exportation, dans la région de Québec. Le

prêt n'a pas été déboursé. Je crois que si on avait pu intervenir très rapidement lorsque la Banque Nationale a retiré sa marge de crédit, on aurait pu sauver l'entreprise. Mais cela a pris du temps avant qu'on puisse intervenir. Entre-temps, la Banque Nationale a délégué un administrateur, qui était Mercure, Béliveau et Associés, et à partir de l'administrateur, on a monté un compte, si je me souviens, d'environ 60 000 $ à l'entreprise pour la prise en charge, la gérance de l'entreprise pendant trois ou quatre mois. Le temps que cela a duré -nous garantissions 75 000 $ de prêt - ils ont mangé le prêt avec le compte de l'entreprise. Quand le chef d'entreprise a vu cela, il a tout simplement décidé de faire faillite avant de se prévaloir du prêt de la Société de développement. C'est pour ça qu'à cet élément de Vatel International, vous voyez - du moins, c'est dans mes notes personnelles - que le prêt n'a pas été déboursé; donc, ça n'a rien coûté au gouvernement.

Cela veut dire que chacun de ces cas avait une raison bien particulière et, si c'était à refaire aujourd'hui, probablement que je prendrais exactement les mêmes décisions.

M. Lincoln: Je n'ai pas l'intention de revenir sur toutes les questions qui ont été discutées en Chambre, comme les questions de conflit d'intérêts, etc. Ce n'est pas mon dossier; je travaille au nom de mon collègue de Mont-Royal. Je ne veux pas intervenir dans ce sens aujourd'hui parce qu'on discute des crédits. Il y a un cas que je voudrais souligner, comme question de principe, c'est celui qui s'est produit dans votre comté, là où vous avez pris une décision. Si on se réfère aux critères que vous donniez vous-même d'une société qui est en difficulté, là, ce n'était pas du tout le cas c'est une société qui était florissante, qui rapportait des dividendes. Je sais qu'en Chambre vous avez donné comme argument qu'on avait créé des emplois.

On pourrait utiliser cet argument pour n'importe quelle société. On pourrait dire: Si on donne 500 000 000 $ à l'Alcan, on va créer tant d'emplois et, si on donne de l'argent à n'importe quelle entreprise, c'est sûr qu'elle va créer des emplois. Est-ce qu'on devrait dépenser des fonds du gouvernement à la suite d'une décision de votre part, d'une décision discrétionnaire? Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y avait un conflit d'intérêts définitif dans le cas d'une entreprise de votre comté qui était florissante, qui n'avait pas besoin de capital puisqu'elle faisait 200 000 $ de dividendes par an? Pour subventionner une entreprise, je ne connais pas les chiffres exacts, mais on pourra les voir. Pour le principe de la chose, ne pensez-vous pas que ça vous mettait dans une situation de conflit d'intérêts presque direct, étant donné que c'est une entreprise de votre comté, même si ça devait créer des emplois?

Il me semble que le député de Châteauguay pourrait nommer dix entreprises de son comté où, en investissant, on aurait pu créer des emplois, et M. le député de Mille-Îles également. Comment pouvez-vous réconcilier cela avec les critères de la SDI qui a comme objectif d'aider le développement industriel d'entreprises qui ne peuvent pas compter sur des fonds de roulement, des fonds de capital dont les entreprises ont besoin pour se développer?

M. Biron: Là-dessus, je dirai d'abord que ce n'est pas une subvention. C'est une garantie de prêt d'une entreprise qui serait vraiment rentable et solvable. Enfin, la pire année d'exploitation de cette entreprise a été l'année 1981-1982. C'est la seule année où l'entreprise, en fait, a fait un déficit important dans le domaine du meuble. C'est une des entreprises habituellement des plus dynamiques au Québec dans le domaine du meuble. Les emplois ont été créés en partie dans Lotbinière et en partie dans le comté de votre collègue, le député d'Orford, à Coaticook. C'est une entreprise qui a trois usines, deux dans Lotbinière et une à Orford.

C'est exact que j'ai rencontré le président de l'entreprise qui m'a conté ses problèmes. C'était en pleine crise économique, au début de 1982. Il me disait: J'hésite à monter mes inventaires, j'hésite à moderniser mon entreprise, j'hésite à engager du monde. Combien de temps va durer la crise économique? En jasant avec lui, je lui ai dit: Fais donc une demande pour le plan d'urgence, je pense que c'est important. Nous, on va gager sur toi, ça ne coûtera pas cher au gouvernement du Québec et tu vas être capable de créer des emplois, de conquérir de nouveaux marchés et de te moderniser. C'est ce qu'il a fait, en réalité. C'était une des premières décisions de la SDI relativement au plan d'urgence et, depuis ce temps, nous sommes intervenus très souvent vis-à-vis des entreprises qui étaient un peu sur la ligne, comme ça, qui n'étaient pas en faillite, loin de là, au contraire, mais qui pouvaient nous garantir de prendre une expansion considérable ou importante et de créer de nouveaux emplois. (17 h 15)

Nous sommes intervenus dans ce domaine et, depuis ce temps, je suis intervenu à 26 reprises dans des usines de meubles au Québec. Ce n'est pas la seule usine de meubles. Il y a eu 26 interventions dans le domaine du meuble. Celle-là en particulier ne coûte à peu près rien au gouvernement du Québec et, pour créer une centaine d'emplois, si c'était à refaire aujourd'hui, je reprendrais la même décision

en disant: II y a une limite à ne pas faire confiance aux gens. J'ai voulu dire à ce bonhomme-là: Si le gouvernement du Québec gage sur toi, cela ne coûtera pas cher à la collectivité, mais toi, tu vas te relever la tête, tu vas regarder l'avenir avec confiance, tu vas relancer tes usines, tu vas rouvrir l'usine de Coaticook, qui était fermée à l'époque, tu vas engager beaucoup de monde à l'usine de Laurierville, dans Lotbinière, et tu vas réussir à conquérir de nouveaux marchés. C'est ce qu'il a fait. Je peux me féliciter de cette décision-là, parce qu'une centaine de personnes de plus au Québec travaillent à cause de l'intervention du gouvernement du Québec à cette époque-là.

M. Lincoln: M. le ministre, vous faites de très bons "speeches", mais je ne suis pas tout à fait convaincu. Vous dites que la SDI a pris la décision. N'est-il pas vrai que c'est la SDI qui avait refusé la garantie de prêt parce que l'entreprise était florissante? Je pense que c'était en août, le conseil d'administration avait pris la décision de ne pas prêter de l'argent parce que l'entreprise, selon les analystes financiers, était en bonne situation. Selon ledit conseil d'administration et selon lesdits analystes financiers, elle n'avait pas besoin de garantie de prêt; elle pouvait se subvenir à elle-même. C'est ensuite que vous avez renversé la décision de la SDI. C'était votre décision personnelle; cela n'a pas été une décision de la SDI.

M. Biron: Oui, c'est ma décision de créer une centaine d'emplois et, pour moi, c'était important. Tenez pour acquis que le président de cette entreprise n'était pas nécessairement un ami politique; c'était un vice-président d'un comté du non au référendum, un organisateur libéral. J'aurais bien pu dire: Je ne t'aide pas. Je n'ai pas voulu faire de politique. Au contraire, j'ai dit: Tu es un chef d'entreprise qui est capable de faire des choses et capable de réussir. Nous allons gager sur toi, mais tu vas relever la tête, tu vas regarder l'avenir, tu vas engager une centaine de citoyens. M. le député de Nelligan, je vous connais assez bien, si vous aviez été à ma place, vous auriez pris la même décision.

M. Tremblay: Non, monsieur! Vous le connaissez mal.

M. Lincoln: Je vois qu'ils ont...

M. Biron: Vous auriez décidé d'aider une entreprise québécoise et de créer une centaine d'emplois.

M. Lincoln: ...raison, vous me connaissez bien mal. Si cela avait été une entreprise de mon comté, je vous assure, M. le ministre...

M. Biron: Péquiste par surcroît.

M. Lincoln: Non, non, non. Laissons les péquistes et libéraux. Si cela avait été une entreprise de mon comté - vous m'avez posé la question - à qui la SDI avait refusé la chose, je pense que j'aurais procédé avec beaucoup plus de précaution que normalement. Écoutez, en plus, l'entreprise est dans mon comté, c'est une entreprise florissante. La SDI dit: Elle a assez de fonds de roulement pour créer elle-même son propre capital, passons cet argent-là à d'autres. Et vous renversez la décision. Vous donnez 500 000 $ à cette entreprise, ce qui est une garantie de prêt assez substantielle à comparer aux autres qui sont offertes à des PME.

M. Biron: Je n'ai pas donné d'argent à cette entreprise, M. le député.

M. Lincoln: Non, une garantie de prêt.

M. Biron: Exactement, la garantie de prêt ne coûte rien au gouvernement du Québec si c'est une bonne entreprise. Dans le fond, tout à l'heure, vous me disiez: Vous n'êtes pas assez sévère vis-à-vis des entreprises; il y en a quatorze qui ont été en défaut, vous devriez être plus sévère. Maintenant que je prends des entreprises avec qui on est certain de ne pas perdre de l'argent, vous me dites: Vous ne devriez pas aider celles-là non plus. Alors...

M. Lincoln: Non, non, non, non.

M. Biron: ...lesquelles allons-nous aider? Le fil commencera à être mince tout à l'heure.

M. Lincoln: Non, du tout, du tout, du tout, M. le ministre. Il y a une distinction. Nous sommes d'accord, nous qui avons vécu dans l'industrie, le commerce, etc., comme vous l'avez dit vous-même avez beaucoup de raison, la SDI n'est pas une banque. C'est comme la Banque fédérale de développement. C'est là pour aider les entreprises qui n'ont pas assez de fonds de roulement, qui ont besoin d'être soutenues, etc.

Il y a une grande marge entre cela et choisir une entreprise florissante. Autrement, on n'a pas besoin de la SDI parce que les banques aideraient les entreprises florissantes; cela est sûr qu'il n'y aurait pas besoin de la SDI et de la Banque fédérale de développement.

Ce qui arrive c'est que nous avons un cas où le conseil d'administration décide que la situation financière de cette entreprise est florissante, est excellente, elle peut même subvenir à ses propres besoins, elle a fait un gros dividende de 200 000 $, elle peut emprunter de l'argent de la banque. Mais

vous donnez une garantie de prêt de 500 000 $. Vous dites que le principe, c'est que cela a créé 100 emplois de plus. Ce que je vous dis, c'est qu'on pourrait justifier des quantités de cas, au Québec, où on pourrait donner des garanties de prêt de 500 000 $, pour créer des emplois dans des entreprises qui n'ont aucun problème pour se faire financer. C'était cela, le critère. Si, demain matin, vous me disiez: C'était une entreprise en grande difficulté; on a pris des risques parce que la situation allait changer à cause de l'aide même. Mais ce n'était pas du tout cela. C'était une entreprise pour laquelle le conseil d'administration a dit: Nous avons une entreprise qui peut se suffire à elle-même.

M. Biron: M. le député, si c'était à refaire, je referais la même chose. Si vous m'amenez des entreprises ou une entreprise de votre comté ou de n'importe quel comté du Québec dans la même situation et que son dirigeant vienne me dire: Je suis prêt à créer une centaine d'emplois additionnels si le gouvernement du Québec a confiance en moi, ne me donne rien ou à peu près rien, sauf une garantie que je puis emprunter pour quelques années pour pouvoir faire une planification raisonnable, bien sûr, je vais dire oui chaque fois. Car, si on multipliait cela par 500 cas, si on le faisait à 500 reprises, on pourrait ensemble créer 50 000 nouveaux emplois au Québec. Il me semble que c'est important.

M. le député, l'action, les gestes que j'ai posés jusqu'à maintenant, je referais exactement les mêmes. Ma préoccupation, c'est de créer des emplois. C'est cette entreprise-là que vous avez remarquée. Vous auriez pu en nommer d'autres au Québec qui sont situées dans d'autres comtés. Vous le savez, beaucoup de vos collègues du Parti libéral sont intervenus au nom d'entreprises situées dans leur comté. Jamais, une fois, je n'ai fermé ma porte. Chaque fois, je suis intervenu et même dans plusieurs comtés représentés par des députés libéraux qui sont intervenus, je suis intervenu avec mon pouvoir discrétionnaire pour changer des choses, pour corriger des choses. Mais j'ai pensé que ce n'était pas une question de politique partisane. C'était beaucoup plus une question de développement économique et de création d'emplois. Pour moi, la priorité, c'est de créer des emplois. Dans ce cas-là en particulier, si c'était à refaire aujourd'hui, je reprendrais exactement la même décision.

M. Champagne: Même dans le comté de Nelligan.

M. Biron: Même dans le comté de Nelligan.

M. Lincoln: M. le ministre, si vous pouvez trouver chez mes collègues du Parti libéral, où qu'ils soient, même dans le comté de Nelligan ou ailleurs, des cas similaires à celui-ci, je dirai exactement la même chose. Je vous dirai exactement la même chose. Si vous me citez le cas de la Beauce et si, objectivement, je trouve que c'est la même chose, je vous dirai exactement la même chose. Je ne vais pas changer parce que c'est un libéral; cela ne veut rien dire pour moi.

M. Biron: M. le député.

M. Lincoln: De ce point de vue, je pense qu'il y a des principes fondamentaux. Cela revient à la question des critères de base, à ce qu'est la vocation de la SDI: ou bien sa vocation, c'est vraiment d'aider les entreprises qui n'ont pas de fonds de roulement, qui n'ont pas de capital, à se "vitaliser" - je ne connais pas le mot français exact - à prendre de l'essor, à se renflouer, ou bien on prête à des entreprises florissantes, ce qui a été le cas ici d'après le verdict du conseil d'administration. C'est la querelle que j'avais. Le fait que ce soit dans votre comté, cela a ajouté à la dimension. Le fait que vous ayez nommé le président - qu'il soit libéral ou qu'il ait voté non au référendum, cela ne m'intéresse pas beaucoup - ...

M. Biron: Vous allez le perdre.

M. Lincoln: Peut-être que maintenant il a changé d'idée.

M. Biron: Vous allez le perdre si vous continuez ainsi.

M. Lincoln: Mais peut-être qu'on l'a déjà perdu. Vous l'avez nommé au conseil d'administration de SIDBEC et, là aussi, je me pose des questions. Est-ce que le fait que tout cela se soit enchaîné ne vous tracasse pas, M. le ministre? Cela m'étonne que cela ne vous tracasse pas. Comment pouvez-vous me dire que si la même situation se reproduisait, enfin, vous referiez la même chose? Évidemment, aujourd'hui, pour les fins de la discussion, vous allez me dire cela, mais j'espère que cela ne se refera pas. On peut dire que c'est une erreur de parcours. Je ne trouve pas que cela cadre avec les décisions qui auraient dû être prises en rapport avec les critères de la SDI.

M. Biron: Ce n'est surtout pas une erreur de parcours. C'était un des premiers cas que j'ai décidé, dans le fond, au départ, et c'était pour bien établir que ce plan d'aide au financement du fonds de roulement des entreprises devait être un plan dynamique, efficace et conservateur

d'emplois et, en même temps, créateur d'emplois. J'ai pris cette décision et vous auriez dû être présent dans le comté de Lotbinière, il y a deux ou trois semaines, lorsque j'assistais à un brunch où il y avait 500 personnes, un dimanche matin. J'ai dit aux gens de Lotbinière que j'avais été critiqué parce que j'étais intervenu pour des entreprises de Lotbinière. Je leur ai dit: Si cela se représente, je vais intervenir encore. Et les gens de Lotbinière m'ont appuyé.

M. Lincoln: J'en suis sûr, c'est certain, M. le ministre.

M. Biron: Cela, c'est pour Lotbinière. Mais ailleurs au Québec, je suis intervenu souventefois. Vous devriez vous informer à votre caucus; des députés libéraux sont venus me voir. Je ne les nommerai pas ici, ce sont de bons députés qui s'occupent de leur comté.

M. Lincoln: Bien oui.

M. Biron: Ils s'occupent de leur comté. Ils sont venus me voir pour des cas spécifiques d'entreprises et, chaque fois, j'ai étudié personnellement le dossier avec les députés. Peu importe qu'il soit du Parti libéral ou du Parti québécois, quand un député me rapporte un cas d'entreprise, je regarde personnellement le dossier et chaque fois, quand je le peux, j'interviens. Dans ce cas particulier, ce n'est pas une erreur de parcours. Depuis ce temps, les critères de notre programme se sont élargis un peu et on admet ce genre d'entreprises qui ont connu des difficultés temporaires, qui ont besoin d'un coup de pouce de notre part, qui ont besoin d'une attitude de confiance de la part du gouvernement du Québec pour créer une centaine d'emplois. Garantir 500 000 $ quand ça ne coûte rien au gouvernement du Québec, parce que le chef d'entreprise repaie ces 500 000 $ pour créer une centaine d'emplois sans quoi que ce soit, juste un peu de confiance, je vais le refaire n'importe quand. Ce n'est pas une erreur de parcours de créer 100 "jobs".

M. Lincoln: Bon, M. le ministre, je regrette que vous ne vouliez pas revoir la question. En tout cas, je comprends très bien que les gens de Lotbinière vous applaudissent. Naturellement, c'est un peu normal, c'est bon pour Lotbinière. C'est sûr qu'ils vont vous applaudir et crier bravo en plus. Si la même chose s'était passée et concernait mes collègues libéraux - ça ne m'intéresse pas du tout - si c'étaient les mêmes critères, je serais prêt à dire devant vous à chacun de mes collègues libéraux que je ne suis pas du tout d'accord avec cette politique. Si vous me disiez que c'est un député libéral qui est intervenu dans le même sens, je dirais qu'il a tort, lui aussi.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Nelligan, je crois que sur cette question les avis ont été clairement énoncés de part et d'autre.

M. Lincoln: Oui.

Le Président (M. Blouin): Je sais qu'il y a d'autres députés qui ont des questions à poser et qui attendent depuis quelques heures maintenant.

M. Lincoln: Oui, je m'excuse.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député de Viger.

M. Maciocia: J'aurais seulement une petite question.

M. Champagne: J'ai demandé le droit de parole il y a une heure et je dois me rendre à une autre commission parlementaire dans quelques minutes.

M. Lincoln: Je ne le savais pas. Je m'excuse. Je suis tout à fait disposé à laisser la parole à d'autres.

M. Champagne: D'accord? Vous dites que le ministre a le discours facile, mais vous avez la parole facile, M. le député de Nelligan.

Le Président (M. Blouin): Je sais que vous m'aviez demandé la parole tout à l'heure, M. le député de Mille-Îles, et, si le député de Viger voulait y consentir, vous pourriez poser votre question parce que je sais que vous devez quitter pour vous rendre à une autre commission parlementaire.

M. Champagne: À moins que - je ne sais pas si l'Opposition y consentirait - je pose une première question et que je laisse mes collègues continuer ensuite. D'accord?

Le Président (M. Blouin): Vous avez la parole, M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: J'appuie la position du ministre dans Lotbinière. J'ai eu des échos du monde des affaires. Des chefs d'entreprise se plaignent que la bureaucratie est trop lourde. Enfin, il y a un ministre qui prend des décisions et il les a prises. Il a un pouvoir discrétionnaire, il y avait une situation d'urgence, il a pris position et on a entendu parler de chefs d'entreprise qui ont dit: Bravo, on a un ministre qui prend des décisions. C'est tout à votre honneur, M. le ministre. Ce ne sont pas simplement les gens de Lotbinière qui vous applaudissent ce soir, M. le ministre; ce sont tous les gens des

comtés qui regroupent des petites et moyennes entreprises.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mille-Îles, est-ce qu'il s'agissait là de votre question?

M. Champagne: Non, non, c'est un préambule. Je voulais faire une observation. Le député de Nelligan a fait beaucoup d'observations tout à l'heure.

Le Président (M. Blouin): Vous avez la parole, M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Je voudrais faire ressortir un point avant de poser une première question. Tout cela touche les garanties de prêt. Le ministre n'a pas beaucoup à hésiter lorsqu'il sait qu'il peut sauver une entreprise en investissant 100 000 $, laquelle va créer ou maintenir des emplois. Qu'est-ce que c'est, 100 000 $, si cela permet de conserver des emplois? Cela veut dire, pour un prêt garanti, 6000 $ pour le gouvernement pendant deux ans à 14% d'intérêt. Cela veut dire que le risque n'est pas tellement grand. Pour 100 000 $, il en coûte comme risque 6000 $. Je pense que c'est une chose à faire. Il y en a qui pensent que c'est une subvention directe de 100 000 $. C'est plutôt 6000 $ qu'on risque jusqu'à un certain point pour créer des emplois par un prêt ou une garantie de 100 000 $. Ma première question au ministre est la suivante: Le plan d'urgence a-t-il encore son caractère d'urgence?

(17 h 30)

M. Biron: Cela s'appelle maintenant le plan d'aide au financement des entreprises et le plan se continue jusqu'au 31 mars 1984. C'est un programme conjoncturel. Donc, c'est un programme qui intervient pour une période de temps bien limitée. Il est intervenu à compter d'avril 1982 et il durera jusqu'à mars 1984. En même temps, cette année - je l'ai expliqué, d'ailleurs, ce matin notre priorité consiste à changer la structure financière des entreprises pour qu'on ne soit pas obligé d'intervenir en temps de conjoncture économique difficile pour avoir des entreprises économiquement et financièrement beaucoup plus saines. Le programme se continue jusqu'au 31 mars 1984.

Le Président (M. Blouin): Sur le même sujet?

M. Champagne: On a accepté que mon droit de parole soit cédé, parce que je dois quitter.

Le Président (M. Blouin): Est-ce sur le même sujet, M. le député?

M. Maciocia: C'est sur le même sujet touchant ce que le ministre a dit antérieurement.

Le Président (M. Blouin): Non, mais il y a une question sur le même sujet. M. le député de Rouyn-Noranda, cela va? Très bien, M. le député de Viger.

M. Maciocia: J'ai une petite question, M. le ministre. Probablement que c'est une question que vous jugerez à propos ou non. Je suis resté un peu surpris au moment où vous avez dit que la décision de garantie de prêt de 500 000 $ destinés à une société de votre comté a été une des premières ou la première que vous avez prise. Ce qui me chicote un peu, ce qui me pousse à poser des questions, c'est qu'elle a été la première décision ou une des premières quand il y avait des critères de base pour participer à ce programme. Si cela avait été un an, six mois ou sept mois après, je l'aurais un peu mieux acceptée dans le sens qu'on a amélioré cela après. On a vu que cela ne marchait pas et on a essayé de changer les critères. Mais là, cela a été, comme vous l'avez dit, la première ou une des premières décisions. Cela veut dire que cela a été fait pour quelle raison? C'est une question naturelle. Je crois que, si vous étiez à ma place, vous poseriez la même question. Est-ce qu'il y avait des critères de base auxquels il fallait se conformer pour avoir droit à cette garantie de prêt? Vous avez décidé tout à coup que les critères de base n'étaient plus nécessaires au début du programme. C'est ce que je trouve un peu étrange.

M. Biron: Tout dépend, M. le député, de la vision des critères de base. Ma vision des critères de base est la suivante. C'est une entreprise qui a fait des profits pendant les dix ou quinze dernières années et, en 1981-1982, elle perd une somme d'argent importante. La conjoncture continue-t-elle de la même façon? L'entreprise continue-t-elle d'être déficitaire? Personne ne le sait au début de l'année 1982. Personne ne le sait et lorsque je vois une entreprise qui fait des profits pendant deux ans ou même plus avant et qui perd une somme d'argent importante dans une année, j'interviens; je regarde ce qui arrive et j'essaie de voir dans ma boule de cristal. Ma boule de cristal me disait: Si j'interviens aujourd'hui en fonction du plan d'urgence et que je suis capable de parler à ce chef d'entreprise, je lui donne la sécurité et la confiance nécessaire et il repart en créant des emplois additionnels. La vision de l'analyste de la SDI qui était probablement aussi bonne que la mienne - et sa boule de cristal était peut-être meilleure que la mienne - disait: La conjoncture se replacera plus rapidement et il n'a peut-être pas

besoin d'aide. Mais s'il avait fallu que la conjoncture ne se replace pas rapidement pour lui et que l'entreprise continue de mal fonctionner et devienne une entreprise vraiment moribonde au point de vue financier, les gens seraient revenus contre moi et m'auraient dit: Pourquoi n'es-tu pas intervenu quand tu pouvais intervenir? Dans le fond, très honnêtement, l'analyste de la SDI a fait son analyse de la situation selon les critères du programme et, très honnêtement, j'ai fait mon analyse selon les critères du programme. Selon mon analyse des critères du programme, c'est une entreprise qui entrait dans ce cadre. Je me devais d'intervenir et l'histoire a prouvé que, finalement, c'est moi qui ai eu raison, parce qu'on a créé 100 emplois additionnels, sans que cela coûte à peu près rien au gouvernement du Québec; 100 "jobs", sans que cela ne coûte rien, je vais en créer n'importe quand.

M. Maciocia: Ce n'est pas la question des 100 "jobs" que vous avez créées. La question, c'est que cela s'est passé au début. Je reprends vos paroles. Vous avez dit que c'était arrivé au début et que c'était probablement une des premières ou la première décision que vous avez prise. À ce moment-là, si vous pensiez que les critères d'adhésion à ce programme n'étaient pas valables pour les compagnies qui faisaient des demandes dans ce sens, pourquoi n'avez-vous pas changé les critères au même moment où vous décidiez de donner à cette entreprise ce que le conseil d'administration de la SDI avait refusé? Pourquoi l'avait-il refusé? Parce que cela n'entrait pas dans les critères d'adhésion au programme.

M. Biron: Non.

M. Maciocia: Vous avez passé pardessus la décision du conseil d'administration de la SDI pour donner ces garanties de prêt à cette compagnie. C'est justement la question, le début.

M. Biron: M. le député, à mon point de vue, cette entreprise rentrait dans les critères du programme. Je n'avais pas à changer les critères du programme. Ma lecture des critères du programme à l'époque me disait que l'entreprise s'y conformait. Enfin, on appelle cela du droit britannique, on essaie de juger par précédent. Depuis ce temps, on a établi, dans le fond, une lecture des critères.

M. Maciocia: Juste un instant, M. le ministre.

M. Biron: M. le député, je finis de vous expliquer. Depuis ce temps, on a établi une lecture des critères de la part des analystes de la SDI qui ne le savaient pas au départ; personne ne le savait, c'était un programme vraiment nouveau. On a établi une lecture des critères qui était un peu plus large du côté des entreprises qui sont solides afin qu'on puisse intervenir. La preuve de cela, c'est que jusqu'à maintenant on a 653 entreprises qui nous ont demandé le plan d'urgence pour 31 000 emplois. C'est quelque chose d'important au Québec. Alors, il y a 653 entreprises manufacturières qui l'ont demandé ou qui sont en voie de le recevoir. On a réussi à protéger au-delà de 30 000 emplois parce qu'on a fait en sorte que la lecture des critères du programme par la SDI soit un peu plus généreuse que juste la petite ligne très mince dans laquelle on était au début: Si une compagnie était en faillite, elle n'y avait pas droit et, aussitôt qu'elle faisait un cent de profit, elle n'y avait pas droit. Il n'y avait pas beaucoup d'entreprises sur la ligne droite au milieu. Il y en aurait peut-être eu seulement une centaine. On en a 650. Je pense que c'est important de le noter. Enfin, on n'a pas changé les critères, mais on a changé la lecture des critères, la vision des critères pour faire en sorte que, finalement, aujourd'hui, les analystes de la SDI acceptent des entreprises qui n'ont pas perdu d'argent au cours des trois dernières années, mais qui ont besoin d'un coup de pouce pour renflouer leur fonds de roulement.

M. Maciocia: Est-ce qu'ils acceptent aussi des entreprises qui font du profit?

M. Biron: Oui.

M. Maciocia: Depuis quand?

M. Biron: Ils acceptent des entreprises qui font du profit, sauf que, si l'entreprise a augmenté son chiffre d'affaires et a augmenté son profit au cours des dernières années, elle n'est pas acceptée. Mais si l'entreprise a eu un profit qui est stable ou un peu en diminuant, mais qui quand même reste un profit, on l'accepte. Si vous avez des cas précis à me donner qui ont été refusés pour des critères comme cela, je suis prêt à les regarder. Mais je pense qu'à ma lecture des choses toute entreprise qui a besoin d'un coup de pouce dans son fonds de roulement pour sécuriser ses emplois ou pour prendre d'autres emplois est à peu près admissible au plan d'aide au financement des entreprises à condition de ne pas avoir augmenté son profit et son chiffre de vente d'une façon importante au cours des dernières années.

M. Maciocia: Combien, parmi les entreprises qui ont eu des garanties de prêt, se trouvaient dans la même situation que celle de Lotbinière?

M. Biron: II y en avait même qui étaient en meilleure situation que celle de Lotbinière.

M. Maciocia: Combien?

M. Biron: Ah! Je n'ai pas le nombre exact, je pourrais le savoir. Celle de Lotbinière avait perdu de l'argent d'une façon importante en 1981-1982. Depuis ce temps, on a accepté des entreprises à ce plan qui n'ont pas perdu d'argent au cours des dernières années, mais pour lesquelles le fonds de roulement s'est serré d'une façon appréciable; autrement, s'il n'y avait pas eu la conjoncture difficile, c'étaient des entreprises qui auraient été beaucoup plus vivantes.

M. Maciocia: Est-ce qu'il y en a qui ont payé des dividendes?

M. Biron: De mémoire, je ne peux pas vous répondre. Il y en a certainement.

M. Maciocia: Pourriez-vous nous donner les réponses plus tard, demain?

M. Biron: C'est tout un travail que vous me demandez, de voir 650 entreprises.

M. Maciocia: Oui, mais je crois que vous avez les analyses de ces entreprises; vous les avez, il s'agit seulement de regarder pendant quinze minutes pour voir combien il y en a qui ont payé des dividendes au moment où vous avez octroyé une garantie de prêt.

M. Biron: II y en a de ces entreprises là. Il faut savoir aussi comment les entreprises fonctionnent dans le fond. Je vous répète que, grâce à une vision un peu plus généreuse, un peu plus large de ce plan, il y a beaucoup d'emplois au Québec qui ont été sécurisés et protégés.

M. Maciocia: J'attends la réponse.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier s'impatiente un peu; elle avait demandé la parole. Alors, je la lui cède.

M. Maciocia: Oui.

Mme Dougherty: J'aimerais aborder un autre élément du problème, l'évaluation du risque. Le but de cette exercice n'est pas uniquement de sauver les industries à court terme. Un des buts est d'améliorer leur rentabilité. Je tiens pour acquis qu'un des buts de cet exercice de garantie de prêt est de les aider à améliorer leur rentabilité à long terme. En plus de l'analyse financière, il faut faire un diagnostic de leur capacité d'augmenter leur rentabilité.

Pour cette analyse, est-ce que vous utilisez l'expertise qui existe dans le secteur privé, dans les universités ou au niveau fédéral, par exemple, où il y a l'Institut canadien d'information scientifique et technique, des organismes créés par l'Institut national de la recherche scientifique? Est-ce que vous utilisez ces ressources? C'est la première question. Deuxième question: Compte tenu de l'analyse technique et technologique de la capacité de rentabilité des industries, est-ce que la SDI impose certaines conditions, exige une certaine amélioration des conditions dans un certain délai?

M. Biron: Pour tout ce qui regarde le programme d'aide au fonds de roulement des entreprises, le programme d'urgence, ce qu'on demande, c'est un plan de redressement à l'entreprise. Je ne vous cache pas que, même si le coup de pouce qu'on donne au moyen de garantie de prêt ou de prise en charge d'une partie des intérêts au-delà de 10%, c'est important, ce n'est pas encore ce qui est le plus important. Ce qui est le plus important, c'est le plan de redressement. L'entreprise est obligée de se regarder, de dire si elle coupe des salaires, etc. Elle est obligée de couper tous les dividendes aux propriétaires, elle est obligée de couper des salaires, elle est obligée d'avoir un plan de redressement, souvent une nouvelle entente avec ses travailleurs, elle est obligée de réduire certaines dépenses. Le redressement, dans ce sens, est très important. Tout cela est exigé rapidement pour qu'on puisse parvenir à garantir les sommes nécessaires.

On ne fait pas appel à des instituts spécialisés comme ceux que vous avez mentionnés, soit au niveau fédéral ou québécois, comme le CRIQ ou autres, parce que c'est un programme qui aide au fonds de roulement des entreprises et une décision doit être prise rapidement. Pour tous nos autres programmes, on fait appel à des connaissances techniques soit au Centre de recherche industrielle du Québec, soit au centre national de recherche...

Mme Dougherty: Vous parlez des autres programmes de la SDI ou d'autres programmes?

M. Biron: Tous ces autres programmes de la SDI aident les entreprises dans les domaines de la recherche, du développement et de l'investissement; ils assistent les entreprises de technologie de pointe ou plus avancée que la moyenne de leur secteur. La plupart du temps, on a besoin de connaissances technologiques de l'extérieur de la SDI parce qu'à la SDI on a des connaissances financières et certaines autres,

mais on fait appel souvent à des organismes de l'extérieur. Là-dessus, je peux vous dire que l'on fait souvent appel au CRIQ. Le CRIQ est en relation constante avec l'Institut national de la recherche scientifique. Il y a des banques de données qui sont conjointes entre les deux organismes. C'est très facile pour nous de bénéficier de ce qui existe ailleurs.

Mme Dougherty: Un autre élément du problème. Cela va au-delà de la SDI, mais ça touche l'utilisation de l'expertise extérieure. Dans le discours sur le budget du ministre des Finances, quand on parle des 10% de "tax credit" pour la recherche et le développement des entreprises, j'ai noté que...

(17 h 45)

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, Mme la députée de Jacques-Cartier. Est-ce que je puis vous suggérer que nous complétions les questions que les membres ont à poser...

Mme Dougherty: C'était uniquement pour la main-d'oeuvre non québécoise exemptée dans le calcul des 10% de crédit. J'étais un peu surprise parce qu'il y a plusieurs industries, plusieurs entreprises qui doivent faire appel à l'expertise de l'extérieur parce que l'expertise est un phénomène mondial et il faut faire appel à n'importe quelle expertise dans le monde pour améliorer notre compétitivité.

M. Biron: Mme la députée de Jacques-Cartier, j'en ai discuté avec mon collègue, le ministre des Finances, et je peux vous dire que, si une entreprise fait appel à une entreprise privée du Québec pour faire une partie de la recherche et du développement, cette partie de salaires versée au Québec est déductible à 10% du salaire. C'est sûr qu'on vise deux objectifs avec cela. Le premier, c'est de maximiser la recherche et le développement au Québec et le deuxième, c'est qu'on nous disait souvent - et je pense que votre parti nous le rappelle très souvent, hélas - que les impôts sont plus élevés au Québec pour les hauts salariés qu'à l'extérieur du Québec. Dans ce sens-là, la personne qui gagne maintenant 50 000 $ par année au Québec ou 50 000 $ par année à Toronto et qui fait de la recherche et du développement est beaucoup mieux au Québec qu'en Ontario parce que ses impôts seront très bas au Québec. En fait, on élimine la grande totalité des impôts payés au Québec parce que, pour un salaire de 50 000 $, où vous payez à peu près un maximum de 13 000 $ ou 14 000 $ d'impôt au Québec probablement, vous avez une déduction immédiate pour la compagnie de 5000 $. Donc, votre impôt payé au Québec est très très bas.

Enfin, on a cherché à développer la recherche et le développement, mais aussi à faire en sorte que tous ceux et toutes celles qui font de la recherche et du développement au Québec puissent dire: Nous payons beaucoup moins d'impôt au Québec, compte tenu de la déductibilité sur notre salaire. Donc, au lieu d'avoir un centre de recherche en Ontario, il sera au Québec. Immédiatement, cela stimulera la recherche et le développement au Québec.

Là-dessus, cependant, la partie qui sera déductible sera aussi la partie qui sera faite dans d'autres instituts privés ou des entreprises privées de recherche et de développement au Québec, mais on n'a pas voulu déduire le salaire de l'extérieur.

Mme Dougherty: Je pense surtout aux individus, ingénieurs ou conseillers, qu'on pourrait embaucher pour un certain temps sur un contrat pour un travail précis. Cela élimine une certaine possibilité qui n'est pas très positive pour nos entreprises, je crois.

M. Biron: Mais c'est très positif pour ceux et celles qui demeurent au Québec. Dans le fond, ce qu'on a voulu, c'est une incitation pour des gens de l'extérieur à déménager au Québec, à déménager leur centre de recherche au Québec ou leur recherche et leur développement au Québec. Enfin, par cette décision, on vise à ramener au Québec les grands avantages de pouvoir travailler au Québec pour faire de la recherche et du développement. Mais ce n'est pas payant de la faire à l'extérieur du Québec. Vous avez raison, c'est mieux de la faire au Québec.

Le Président (M. Blouin): Cela va? M. le député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.

M. Baril (Rouyn-Noranda-Témisca-mingue): J'aimerais peut-être parler d'un sujet très important en tout cas particulièrement pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue. C'est un programme qui répondait aux grandes aspirations des jeunes finissants et finissantes du Québec.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, c'est ce que je voulais dire tout à l'heure quand Mme la députée de Jacques-Cartier a pris la parole. On m'a demandé, si possible, de pouvoir libérer les fonctionnaires de la Société de développement industriel. S'il y avait encore quelques questions à ce sujet...

M. Lincoln: J'ai deux questions sur la SDI; après, j'aurai terminé.

Le Président (M. Blouin): ...j'aimerais qu'elles soient traitées immédiatement pour

que nous puissions libérer ces collaborateurs. M. Lincoln: Avec plaisir.

M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue): Cela va.

M. Lincoln: J'ai deux questions sur la SDI; après, j'aurai terminé.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Nelligan, vous avez la parole.

M. Lincoln: Concernant la SDI, M. le ministre, il y a une question très importante qui a été soulevée par le député de Mille-Îles. Je n'ai pas envie de laisser un malentendu à ce sujet. Selon moi, il a mal interprété toute la question, parce qu'il a parlé du risque par le gouvernement du Québec comme étant un risque de la valeur des intérêts sur la garantie de prêt. Ce n'est pas du tout le cas. Il me semble - je suis sûr que vous allez concourir avec moi - que, selon son interprétation, il disait: On prend 25 000 $; on a un prêt à un taux de 14%; alors, le risque pour le Québec, c'est le risque de l'intérêt sur la garantie de prêt. Mais ce n'est pas du tout le cas. Quand on fait une garantie de prêt, si je comprends bien, dans le cas d'une entreprise qui fait faillite, la garantie de prêt c'est toute la garantie qui est impliquée dans le risque. Ce n'est pas la marge d'intérêt sur la garantie. C'est pourquoi, du reste, il ne faut pas minimiser la chose et dire que ce n'est rien et qu'on ne prend aucun risque. Et c'est pourquoi il y a des réserves de prêt de 25 000 000 $ dans le budget de la SDI. C'est ce que je voulais mettre au clair. Je crois qu'on se comprend. Le député a l'air d'interpréter cela comme étant un risque par rapport à l'intérêt sur la garantie de prêt. Mais ce n'est pas du tout le cas, parce que, quand on garantit un prêt, s'il y a un risque quelconque, s'il y a une faillite, c'est toute la garantie de prêt qui peut être impliquée. Ce n'est pas seulement l'intérêt sur la garantie. C'est sûr, autrement...

M. Biron: Sur ce sujet, M. le député, je pense qu'on traitait du cas de l'entreprise de meubles de mon comté et le député de Mille-Îles voulait bien vous faire comprendre qu'il n'y avait pas de risque pour le gouvernement à endosser un tel prêt. C'était une très bonne entreprise et ce l'est encore.

M. Lincoln: Pour revenir à ce sujet, parce que je pense que cela a été commencé par mon collègue - cela me revient à l'esprit - est-ce qu'une des questions primordiales dans toute cette étude du dossier, si on revient encore à cette question comme un cas type, ce n'était pas que cette entreprise avait une marge de crédit à la banque d'environ 1 500 000 $ dont elle ne s'était jamais servie? Elle ne s'était jamais servie de sa marge de crédit. Cette marge de crédit était là pour qu'elle l'utilise presque n'importe quand. En plus, comme il l'a souligné, il y avait un dividende de 200 000 $ qui aurait pu, au lieu d'aller dans les poches des actionnaires, dans une conjoncture économique difficile, être laissé là, dans l'équité de l'entreprise, dans les surplus de la compagnie pour faire face aux années difficiles. Cela aurait évité - c'est le moins qu'on puisse dire - 200 000 $ sur la garantie de prêt. En plus, il y avait une marge de crédit à la banque de 1 500 000 $.

M. Biron: Concernant les PME, M. le député de Nelligan, vous avez, vous aussi, vécu dans ce milieu. Vous savez que, souvent, les propriétaires de PME ne se paient pas beaucoup de salaires et ils se paient sous forme de dividendes. Cela arrive très souvent. C'est un abri fiscal qu'ils peuvent réaliser. Or, il y a beaucoup d'entreprises oeuvrant dans ce domaine et il faut accepter qu'il y ait un certain dividende de payé qui, finalement, remplace un salaire qui n'est pas payé. D'autre part, j'ai toujours su qu'administrer, c'était prévoir; et dans ce sens-là, en particulier, on a voulu prévoir que ce serait pire dans la conjoncture économique. Mais je répète que je pense que cela a été une bonne décision et vous allez être d'accord avec moi là-dessus.

M. Lincoln: Non, ce n'est pas cela du tout. Dites-moi, enfin, - c'est ma dernière question; cela m'est revenu à l'esprit - n'y a-t-il pas une autre entreprise, les Industries maritimes de Tilly - j'oublie le nom exact; vous devez vous le rappeler - où, là aussi, il y a eu 375 000 $? Dans ce cas-là, c'était différent. Ce n'était pas un refus. C'était une espèce d'annonce prématurée de votre part puisque, avant que la décision finale du conseil d'administration de la SDI soit prise, vous aviez déjà annoncé le prêt ou la garantie de prêt à l'entreprise. Je ne sais pas si c'est dans le cas d'une subvention ou d'une garantie de prêt d'un montant d'environ 400 000 $, encore une fois, à une entreprise qui, par hasard, se trouvait dans le comté où tous les gens vous applaudissent.

M. Biron: M. le député de Nelligan, je ne me souviens pas de la date de l'annonce. C'était aussi sur le plan d'urgence. C'était une garantie de prêt. Encore là, c'est une entreprise qui a beaucoup de succès. On a engagé, récemment, une quinzaine d'employés additionnels. Je pense que cela a été une bonne décision. Encore une fois, les gens de Lotbinière sont heureux de la décision de leur ministre. Mais non, la recommandation de la Société de développement industriel

était positive. C'est possible que le chef d'entreprise ait su de l'analyste de la SDI ou de quelqu'un que la recommandation était positive. Cela prend, quand même, trois ou quatre jours avant que ce soit signé, mais habituellement je n'annonce jamais rien avant de signer véritablement la décision.

M. Lincoln: Ah Bon! Pour une fois, vous admettez qu'il y a eu une petite erreur de parcours dans ce cas.

M. Biron: Je ne sais, M. le député. Pour moi, cela n'a pas été annoncé avant. J'ai été bien surpris d'entendre parler de cela une bonne fois. J'ai pensé que c'était encore un autre canard lancé en l'air par l'Opposition et je n'ai même pas vérifier, mais je pourrais le faire.

M. Lincoln: Vous auriez pu vérifier et nous le laisser savoir.

M. Biron: Je pourrais vérifier; mais je n'ai pas encore, à ma connaissance, une fois dans ma vie, annoncé une chose qui n'était pas réalisée.

M. Lincoln: Mais peut-être que vous auriez pu vérifier ce cas. Alors, s'il y a eu une exception à la règle, peut-être qu'on pourrait dire: C'était une erreur de parcours ou il y a eu maldonne et cela ne se refera pas.

M. Biron: Vous savez, il y a tellement de bonnes entreprises dans Lotbinière.

M. Lincoln: C'est fait.

M. Biron: II y a seulement de bonnes entreprises dans Lotbinière.

M. Lincoln: Oui, mais le cas est fait.

M. Biron: Les chefs d'entreprises, les travailleurs et les travailleuses sont tellement dynamiques dans Lotbinière que ce n'est pas surprenant qu'ils aient aussi un bon député.

M. Lincoln: Elles sont si dynamiques qu'elles ont besoin de l'aide spéciale de la SDI.

M. Biron: Je peux vous dire que Lotbinière a peut-être moins souffert de la crise que d'autres comtés. Mon comté comprend 50% de producteurs agricoles; la production agricole a peut-être un peu moins souffert. Les entreprises, pour leur part, se sont très bien comportées.

M. Lincoln: Merci, M. le ministre. Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Biron: Est-ce qu'on peut s'entendre pour libérer les gens de la SDI?

M. Lincoln: Oui, tout à fait.

M. Biron: On pourrait leur permettre de vaquer à leurs occupations.

M. Lincoln: Oui, oui.

M. Biron: On peut accepter le programme qui les concerne, puis ils pourront quitter.

Le Président (M. Blouin): Est-ce qu'on pourrait adopter le programme 2?

M. Lincoln: Je crois qu'on s'était mis d'accord pour adopter tous les programmes dans l'ensemble. Je préférerais...

M. Biron: C'est juste pour les gens de la SDI, pour être certain qu'on ne leur demande pas de revenir.

Le Président (M. Blouin): Si l'entente est ainsi faite, je crois qu'il n'y aura pas de difficulté.

M. Biron: D'accord.

Le Président (M. Blouin): Entendons-nous simplement sur ce point. L'ensemble des questions a maintenant été posé sur ce sujet précis de la société.

M. Lincoln: J'aurais préféré qu'on fasse le tout globalement et qu'on adopte les programmes après.

Le Président (M. Blouin): Nous pourrons adopter les programmes en bloc, tout en nous entendant sur le fait que...

M. Lincoln: En cas qu'il y ait quelque chose, qu'on puisse revenir là-dessus.

M. Dussault: En convenant qu'on a fait l'échange voulu sur la question de la SDI.

Le Président (M. Blouin): C'est cela.

M. Lincoln: M. le député de Châteauguay, je suis tout à fait d'accord avec vous, mais si, au cours de discussions subséquentes sur d'autres sujets, il arrivait qu'on touche à quelque chose qui se rapporte à la SDI, je ne voudrais pas que ce soit une entente figée dans le ciment. Le ministre est très souple..

M. Biron: Vous connaissez notre réceptivité proverbiale.

Le Président (M. Blouin): Nous nous entendons sur le bon sens. Sur ce, nous

suspendons nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise de la séance à 20 h 08)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre!

La commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme reprend ses travaux.

Je cède la parole à M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Je pense, M. le ministre, qu'on s'était mis d'accord avec votre sous-ministre et vos fonctionnaires pour en finir avec les sociétés d'État ce soir. J'ai parlé du dossier de la SGF à mon collègue de Mont-Royal et il m'a demandé de me renseigner pour savoir s'il y aura un projet de loi qui nous permettra de faire le tour du dossier avec les gens de la SGF d'ici à la fin de la session. Nous ne voudrions pas perdre la chance, dans le cadre des crédits, de faire un tour d'horizon sur la SGF si la présentation du projet de loi était problématique. Est-ce assuré que vous déposerez un projet de loi et que nous aurons l'occasion de parler aux gens de la SGF?

M. Biron: C'est assuré, on a un projet de loi. J'entends faire venir les gens de la SGF pour une séance de la commission parlementaire soit avant ou après la deuxième lecture; on s'arrangera ensemble en cours de route.

M. Lincoln: Ce sera avant la fin de la session?

M. Biron: Avant la fin de la session.

La sidérurgie du Québec (SIDBEC)

M. Lincoln: Dans ce cas, nous sommes tout à fait d'accord pour laisser tomber cela pour le moment. On pourrait peut-être passer à SIDBEC et en faire un tour d'horizon. Dans le cas de SIDBEC, la première question sera très brève. Il y a six mois, en novembre 1982, j'ai fait partie de la commission parlementaire au sujet de SIDBEC et beaucoup de questions ont été posées en Chambre depuis. Qu'est-ce qui se passe? Pouvez-vous faire le tour du dossier et nous dire exactement où on en est en ce moment? Il y avait deux conclusions principales: vous deviez rencontrer les syndicats, négocier avec eux pour voir quelle était la situation par rapport à des ententes possibles au sujet des augmentations de salaire, des conditions de travail, etc. Deuxièmement, il y avait la question du contrat avec les financiers de SIDBEC, où on avait laissé entrevoir qu'il y avait peut-être des possibilités de renégocier la clause qui permettrait peut-être à SIDBEC d'avoir plus de flexibilité au point de vue de sa production. Ne pourriez-vous pas parler de ces deux questions? Peut-être que vous pourriez faire un tour d'horizon et nous dire où on en est maintenant.

M. Biron: Depuis la tenue de la commission parlementaire au mois de novembre dernier sur SIDBEC, on avait convenu, d'abord, d'avoir deux comités tripartites - SIDBEC, les métallos et le MICT - pour étudier à la fois les activités manufacturières et les activités minières. Ensuite, on a débattu une motion du député de Mont-Royal, je crois, quant à l'avenir de SIDBEC-Normines, au moins tant et aussi longtemps que les décisions finales ne seraient pas prises pour qu'on puisse continuer à fonctionner sous une certaine forme vis-à-vis des activités minières. Depuis ce temps, les comités ont siégé. Ils ont identifié, premièrement, des éléments d'économie plus ou moins importants, selon les cas, qui pouvaient être mis en oeuvre pour beaucoup d'entre eux ou qui pourraient venir éventuellement dans d'autres cas. Ils ont évalué aussi différents secteurs d'activités, différents créneaux de marché pour des produits susceptibles d'être fabriqués par SIDBEC. En particulier, je pense aux produits plats dans les activités manufacturières. Le fait que ces comités aient siégé avec les dirigeants de SIDBEC et les représentants des travailleurs a réussi à créer un meilleur climat à l'intérieur même des usines et des activités minières, à améliorer un peu la productivité et nous a permis d'économiser à plusieurs endroits des sommes d'argent assez importantes de sorte que, dans les budgets de fonctionnement, le déficit prévu de 164 000 000 $ pour 1983 a été réduit à 132 000 000 $ en cours de route, avec des économies qu'on a pu identifier. Donc, cela veut dire que les conséquences de la commission parlementaire ont été d'identifier et de mettre en route au moins 32 000 000 $ d'économies dans les activités à la fois minières et manufacturières.

En ce qui concerne les activités minières, en particulier, à la suite de la décision qu'on a prise ensemble à l'Assemblée nationale du Québec, on a gardé les activités de boulettage ouvertes à 3 300 000 tonnes de capacité par année, alors qu'on sait que les capacités sont un peu au-delà de 6 000 000 de tonnes. Cela veut dire que les lignes de boulettage ont produit à environ 50% d'efficacité ou de capacité. Nous avons écoulé une grosse quantité de réserves de minerai qui étaient en inventaire et nous sommes présentement

en négociation avec nos partenaires quant à l'avenir des activités minières. Il semble que les activités de boulettage pourraient se continuer et nous sommes maintenant en discussion à la fois avec British Steel et Québec Cartier Mining pour d'autres économies en vue et pour prendre une décision définitive vis-à-vis des activités minières, sur la façon dont on va se procurer du minerai québécois au meilleur prix possible en continuant à bouletter 3 000 000 de tonnes environ - c'est-à-dire à 50% de la capacité - et en essayant, si possible, de trouver d'autres marchés.

En même temps, il y a des gens qui sont en pourparler avec les bailleurs de fonds. La négociation concerne des contrats importants et nombreux. Les problèmes de négociation sont un peu plus compliqués qu'on ne l'avait prévu au départ compte tenu qu'un de nos partenaires, Québec Cartier, est aussi un de nos fournisseurs importants. C'est elle qui administre la mine, et qui fait le transport du minerai à partir de Gagnon et de la mine de Fire-Lake jusqu'à l'usine de boulettage de Port-Cartier. C'est par ces négociations importantes qu'on essaie d'en venir à une conclusion. Il faut aussi noter que British Steel ou US Steel, qui sont propriétaires de Québec Cartier, sont des partenaires dans d'autres domaines d'activités, en particulier, dans la fusion du minerai pour en faire de l'acier. Tout cela ensemble veut dire que ce ne sont pas des négociations faciles, compte tenu des contrats qui existaient dans le passé. Ce sont des négociations en cours. J'ai rencontré personnellement les dirigeants de Québec Cartier, certains des dirigeants de US Steel et nos gens sont en constante communication avec eux. Pour le moment, on ne peut que dire que nous continuons à négocier avec la quasi-assurance que les activités de boulettage se continueront à Port-Cartier. Quant au reste, il y a des négociations en marche.

M. Lincoln: Est-ce qu'on a pu séparer la question? Si on se reporte à la motion qu'on avait présentée, concentrée sur des points assez spécifiques, on avait suggéré, par exemple, qu'on négocie les clauses de pénalité des contrats relatifs à SIDBEC-Normines, qu'on poursuive les activités de SIDBEC-Normines, tant et aussi longtemps que se poursuivra la renégociation des clauses de pénalité et qu'on entreprenne une étude approfondie sur les coûts socio-économiques et sur toutes les conséquences pour la Côte-Nord de la cessation des activités de SIDBEC-Normines. On reconvoquera cette commission parlementaire le plus tôt possible, une fois les résultats de la renégociation des contrats connus. De toute façon, on demandait de reconvoquer la commission parlementaire au plus tard le 28 février 1983 afin de présenter un rapport sur l'état du dossier, incluant toute autre recommandation qui pourrait découler des délibérations de la présente commission. Est-ce qu'on aurait pu séparer les deux points? Le premier, spécifiquement la négociation avec les syndicats. Vous avez parlé de cela en termes généraux, mais est-ce que vous pouvez nous dire, en termes spécifiques, à quoi vous pensez aboutir par rapport à la négociation avec les syndicats?

M. Biron: Avec les syndicats ouvriers vis-à-vis des Métallurgistes unis d'Amérique, sur la Côte-Nord, il y a un contrat qui s'applique à toutes les autres exploitations minières. En d'autres termes, s'il y a une baisse de prix ou s'il y a une meilleure entente pour la partie patronale avec le syndicat des métallos pour la mine de Gagnon-Fire-Lake, la même entente s'applique à Fermont, à Labrador City et à Wabush. Jusqu'à maintenant, les syndicats ont voulu adopter une position pour nous dire: Au cours de la prochaine ronde de négociations, on discutera à fond de l'avenir des mines de fer et nous sommes d'accord pour en discuter, mais, pour le moment, nous ne pouvons concéder aucun avantage à SIDBEC-Normines parce que ce seraient les mêmes avantages qu'il faudrait concéder aux autres compagnies minières sur la Côte-Nord.

D'un autre côté, il y a de l'ouverture d'esprit de la part des représentants des syndicats pour d'autres choses qui n'existent que pour SIDBEC-Normines; par exemple, le transport des travailleurs à partir de Gagnon jusqu'à la mine de Fire-Lake; il y a 55 milles de distance entre les deux. Pour cela, il y a des possibilités de négociation lorsque les activités minières pourront reprendre à plein. Mais, à l'heure actuelle, parce qu'on a écoulé beaucoup de minerai de réserve et qu'il y a eu très peu d'activités minières, il n'y a pas eu encore d'urgence.

Certaines conditions de transport ou certaines rémunérations pour le transport, n'existent qu'à Gagnon-Fire-Lake; ça n'existe pas ailleurs dans les autres mines parce que les mines sont situées près des villes. Déjà, on pourrait faire des économies, on les a identifiées, mais elles n'ont pas été réalisées parce qu'elles étaient en production encore. Ce serait faisable, c'est la seule mine de SIDBEC-Normines qui est concernée. Aussitôt qu'on parle d'autres avantages salariaux, d'autres conditions de travail qui s'appliquent aussi aux autres mines, vous comprendrez que c'est très difficile pour eux d'en accepter une seule sans accepter toutes les autres, d'autant plus que le contrat qui existe entre SIDBEC-Normines et les métallos est exactement le même contrat pour la même unité syndicale que la mine de Québec Cartier à Fermont. Cela complique encore les choses puisque les droits

d'ancienneté s'appliquent aux deux mines ensemble. En pratique, des gens qui sont mis à pied à Gagnon pourraient aller "bumper" des mineurs de Fermont et des mineurs de Fermont mis à pied pourraient venir "bumper" des mineurs de Gagnon. C'est exactement la même unité de négociation, parce que le gérant de mine, c'est Québec Cartier.

M. Lincoln: Le gouvernement a-t-il pris une décision? Le Conseil des ministres a-t-il repensé à la question? Est-ce qu'on a pris des décisions intérimaires ou finales sur la question de SIDBEC-Normines en soi? La question avait été laissée en suspens après la commission parlementaire. Il y a toujours cette question de la Côte-Nord, de l'avenir incertain des gens qui travaillent là-bas. On ne sait pas si on continuera, si on fermera, si ce sera ouvert en permanence. Où se place-t-on? Y a-t-il un échéancier? Dans quelle direction vous dirigez-vous? Il y a déjà six mois, on avait parlé de toute cette question. Est-ce qu'on en est au même point où on en était en novembre 1982, à part ce que vous nous avez dit?

M. Biron: Non, on est beaucoup plus avancé dans nos négociations avec nos partenaires et, particulièrement, avec Québec Cartier, mais le Conseil des ministres n'a pas eu l'occasion de se pencher à nouveau sur la question parce qu'il n'y a rien de nouveau. Il n'y a pas de paquet d'attaché, de ficelé au terme des négociations pour pouvoir dire au Conseil des ministres qu'on est rendu à prendre une décision. On est encore à l'étape des négociations avec nos partenaires.

Il y a aussi toute l'implication des quantités de minerai qui seront attribuées à chacun des partenaires. Lorsqu'on fonctionnait à 5 400 000 tonnes, on savait d'avance que SIDBEC-Normines avait 50% et ainsi de suite, mais en produire à 3 300 000 tonnes, il y a toute la renégociation à faire avec les partenaires quant à la quantité du minerai extrait ou à la quantité de tonnes de boulettes qui serait accordée à chacun des partenaires. Cela aussi complique les choses. Si un partenaire en prend moins, quelle sera sa pénalité, quel sera son engagement quant au déficit ou au surplus de l'entreprise minière? C'est tout cela qui est en négociation présentement, qui est compliqué parce qu'on a un partenaire qui est en même temps un fournisseur et parce qu'on a un partenaire qui dirige une autre mine à Fermont, qui a dû ralentir la production de Fermont de 11 000 000 ou 12 000 000 de tonnes qu'elle était il y a deux ans à 7 800 000 tonnes environ cette année. Déjà, notre partenaire, qui emploie un peu de notre minerai, a sa mine qui lui appartient à 100% et doit ralentir sa production; alors, cela complique d'autant les négociations avec lui.

M. Lincoln: Avez-vous un échéancier quelconque ou si on laisse la situation comme cela, avec un genre de négociation qui évolue à la longue? On savait, lors de la commission parlementaire, qu'on avait des partenaires. On savait qu'il y avait le contrat de fiducie. On savait qu'on avait des clauses de pénalité dans les contrats. On savait qu'on devrait faire face à cette situation que les conditions salariales d'une mine affectent celles des autres, etc. Si on laisse la situation évoluer graduellement, sans échéancier, sans prise de décision quelconque, c'est dire qu'on revient au point de départ, on peut dire: On a eu la commission parlementaire, mais qu'est-ce qu'on a résolu, en fait? Est-ce qu'on arrivera à un point où on dira: Bon, on prend une décision arrivé à tel point, selon tel échéancier? Autrement, autant ne pas avoir eu la commission parlementaire. Les déficits vont s'accumuler, les mêmes problèmes restent, tout ce dont on a parlé existait déjà au départ, en novembre 1982.

Du point de vue de votre ministère, responsable de SIDBEC, est-ce que vous recommandez au Conseil des ministres d'arriver à un point où on dit: II faudra arriver à une décision: ou bien, pour les raisons socio-économiques qu'on a discutées en novembre 1982, on décide de payer un coût social pour garder ces emplois à SIDBEC-Normines ou bien on ferme ou bien on renégocie avec les partenaires pour leur dire: Écoutez, la situation est sans issue, il faut renégocier les clauses de pénalité? Il me semble qu'on arrive au même point; on est dans une situation très floue où il n'y a pas de décision qui se prend.

M. Biron: C'est exact que des décisions ne se prennent pas parce que ce sont des contrats longs à négocier et d'autant plus qu'en cours de route on a décidé de produire le minimum possible en essayant de minimiser les pertes, de les baisser. Je pense que les pertes à ce chapitre-là sont au minimum qu'on peut atteindre, sauf si on en vient à une autre décision, à une autre forme d'entente avec nos partenaires. On avait, justement, à essayer de diminuer les coûts de fonctionnement - comme on le fait présentement - et, en cours de route, de négocier avec nos partenaires une meilleure entente, ou à prendre une décision de tout fermer tout simplement.

Vous me dites aujourd'hui: Vous êtes en face d'une décision très dure à prendre qui sera peut-être celle de tout fermer. Mais avant de décider de tout fermer, comme je l'ai, d'ailleurs, dit en commission parlementaire et plusieurs fois après, il faut aussi considérer une responsabilité à la fois sociale pour toute une région, une

responsabilité politique et économique même. Dans ce sens-là, on a décidé plutôt d'assumer une certaine perte en cours de route, mais de minimiser cette perte-là au maximum, d'essayer de la diminuer pour qu'on puisse au moins nous donner une marge de manoeuvre de négociation.

Lorsqu'on dit qu'on a déjà économisé 32 000 000 $ sur les budgets de fonctionnement, c'est déjà beaucoup. Cela nous donne une petite marge de manoeuvre pendant quelques mois additionnels pour essayer de négocier la meilleure entente possible à la fois pour la Côte-Nord, pour le développement économique et pour les travailleurs qui sont là.

M. Lincoln: Où est-ce qu'on se situe spécifiquement par rapport aux clauses de pénalité du contrat de fiducie?

M. Biron: Actuellement, c'est peut-être meilleur marché pour SIDBEC de payer une pénalité selon les clauses pour ne pas prendre l'excédent de minerai de fer ou de boulettes qui serait produit au nom de SIDBEC par l'usine de boulettage; cela c'est au moment où l'on se parle et depuis la commission parlementaire jusqu'à aujourd'hui. On prévoit au cours de la prochaine année une légère amélioration dans le marché pas nécessairement des boulettes, mais au moins du minerai de fer et, particulièrement, dans le marché de l'acier avec les produits plats.

Dans ce sens-là, c'est un peu plus facile aujourd'hui de se trouver possiblement un ou deux autres partenaires dans la mine, des gens qui éventuellement auraient besoin de minerai de fer. Il y a quelques mois seulement, c'était impossible d'en trouver parce qu'il y en avait partout dans le monde. Je ne dis pas par là qu'il y a des débouchés extraordinaires et que tout le monde courra après nous pour avoir du minerai de fer parce qu'ils peuvent avoir du minerai de fer à meilleur marché et souvent de qualité supérieure dans certains pays comme le Brésil ou ailleurs. Quand même, il reste un certain potentiel qu'on n'a pas le droit de ne pas explorer; on doit essayer de trouver les partenaires possibles dans les exploitations minières et dans les opérations de boulettage. C'est ce qui explique, au fond, que la situation évolue lentement. Mais, à mon point de vue, le fait qu'on a réussi une économie appréciable, cela nous donne une marge de manoeuvre pour essayer de trouver la meilleure solution.

M. Lincoln: Mais vous parlez toujours des 132 000 000 $ qui restent.

M. Biron: Exact.

M. Lincoln: Ce n'est pas de la petite bière. On dit: On économise 32 000 000 $, mais il nous reste toujours 132 000 000 $. Est-ce cela, le coût social? C'est la question qui se pose tout le temps. Quel est le coût social que nous devons payer pour garder la mine SIDBEC-Normines ouverte et, entretemps, est-ce le coût minimum auquel on puisse avoir à faire face? Est-ce qu'on a approché les fiduciaires pour discuter spécifiquement de la réouverture de ces clauses de pénalité? C'est de cela qu'on parle tout le temps. On dirait qu'on n'a pas de réponse exacte à cette affaire-là. On en a discuté en Chambre comme vous le savez; des questions ont été posées au ministre des Finances assez récemment sur la réouverture possible de ces contrats. On a dit: Ou bien il faudra discuter de la renégociation des clauses de pénalité ou bien la mine ferme et vous perdrez de toutes les façons. (20 h 30)

M. Biron: Non. Les fiduciaires ne peuvent pas perdre de toutes les façons, parce qu'ils ont la garantie du gouvernement du Québec...

M. Lincoln: La garantie du gouvernement du Québec.

M. Biron: ...et du gouvernement britannique et de US Steel. Les pénalités ne sont pas négociables avec les fiduciaires. Elles sont négociables avec nos partenaires dont l'un est à la fois notre fournisseur. Avec British Steel et Québec Cartier, on est en train de négocier un nouveau contrat incluant certains amendements, en tout cas, en ce qui regarde Québec Cartier surtout, pour lui permettre de continuer à produire du minerai ou à gérer notre mine. Les discussions sont à ce niveau-là et c'est beaucoup d'argent, parce que c'est un contrat qui a été signé pour 30 ans. Cela représente énormément d'argent.

M. Lincoln: Quand je parle des fiduciaires, je sais qu'on ne discute pas directement avec eux, mais sans leur assentiment pour un changement de contrat -si les fiduciaires disent: Écoutez, on garde notre contrat parce que cela nous avantage; comme fiduciaires, on ne veut pas qu'il y ait des changements au contrat - c'est presque impossible. Ce sont des décisions presque futiles avec Québec Cartier et British Steel.

M. Biron: La garantie des fiduciaires, en fait, ce sont les installations de boulettage, les installations minières et les garanties des partenaires: le gouvernement du Québec, le gouvernement anglais et US Steel. Dans ce sens-là, des installations minières qui ne produisent rien, cela ne vaut rien comme garantie pour les fiduciaires, mais ils vont se tourner vers les différents gouvernements. Il faut, d'abord, en venir à une entente entre partenaires, décider

comment le nouveau "partnership" va fonctionner, ce qu'on paie à Québec Cartier pour administrer nos mines, les droits d'exploitation qu'on leur paie. On leur paie encore des droits d'exploitation selon les anciens contrats. C'est tout cela ensemble qui est sur la table présentement.

M. Lincoln: Je n'ai pas envie de me répéter, mais quelles sont vos recommandations au Conseil des ministres? Est-ce que vous voyez un genre d'échéancier? Vous discutez avec Québec Cartier. Vous discutez avec British Steel et US Steel, la parente de Québec Cartier. Est-ce que vous avez vous-même en vue un échéancier selon les discussions? Il y a sûrement un échéancier. Est-ce que vous pouvez voir quelque chose à l'horizon? Est-ce qu'on laisse cela fluctuer? Je réalise que vous avez beaucoup de facteurs qui interviennent, mais, tout de même, quand on considère les deux partenaires de SIDBEC-Normines, est-ce que vous pouvez fixer un échéancier? Est-ce qu'on peut dire qu'on va prendre une décision en août, en septembre, en novembre ou en décembre? Il y a sûrement un échéancier. On ne peut pas dire qu'on va discuter tout le temps.

M. Biron: II y a un échéancier. C'est difficile de dire jusqu'à quand on va discuter. Mais tant et aussi longtemps que les discussions évoluent, on se dit qu'on s'en va dans le bon sens et qu'on s'approche de plus en plus de l'échéancier final. Il faut, quand même, être responsables vis-à-vis de toute cette société de la Côte-Nord, vis-à-vis de nos partenaires. Si les négociations bloquaient et qu'on voyait qu'il n'y a rien à faire, on serait en face d'une décision: ou on continue de perdre cet argent ou on ferme. Mais tant et aussi longtemps que les discussions évoluent dans le bon sens et qu'on s'aperçoit que nos partenaires aussi veulent faire un effort, c'est difficile de mettre un échéancier très serré.

Mais ce que je peux vous dire, c'est que, jusqu'à maintenant, les discussions vont dans le bon sens. Donc, il y a ouverture d'esprit. Des clauses se règlent petit à petit et on voit un peu plus où on va. Mais je ne peux pas vous donner, ce soir, un échéancier bien précis en disant: Rendu à tel point, si je n'ai pas atteint mon objectif, je ferme tout ou je continue à tout payer. Je pense qu'on est mieux de continuer à économiser peut-être pas par millions de dollars, comme on le fait présentement, mais au moins on s'en va dans la bonne direction.

M. Lincoln: Je n'étais pas présent à la commission parlementaire qui s'est tenue sur la Côte-Nord, mais mes collègues m'ont dit que, là-bas, des travailleurs s'interrogeaient sur leur avenir. Si on ne peut pas mettre un échéancier plus ou moins défini, pour des raisons de négociations qui continuent dans le bon sens, comme vous dites, ne pourrait-on pas, au moins, leur laisser savoir que le gouvernement a, en principe, pris une décision jusqu'à ce que ces négociations soient terminées, à savoir que, pendant un temps déterminé, la mine va rester ouverte? C'est toujours la même question qui se pose et qui se posait en novembre 1982.

M. Biron: Non, M. le député, parce que la mine reste ouverte. Les usines de boulettage continuent à fonctionner, au ralenti, vous allez me dire, mais elles continuent à fonctionner tant et aussi longtemps qu'on n'arrivera pas à une fin ou à une conclusion de nos négociations. Est-ce que les travailleurs aimeraient mieux entendre dire qu'à telle date la mine sera fermée complètement et qu'il ne sera plus question de reprendre des travailleurs? Je ne le pense pas. Je dis: Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. C'est dans ce sens qu'on essaie de sauver le maximum, tout en évitant que ça ne coûte trop cher aux citoyens du Québec. Ce n'est pas si facile que cela de dire: Vous êtes dehors à compter de telle date. Si je n'atteins pas l'objectif, bonjour! Tant et aussi longtemps que ces gens travaillent, il y a une certaine incertitude pour l'avenir, mais, au moins, il y a un espoir qu'on puisse réaliser quelque chose. Sinon, le seul autre choix est de dire: Nous fermons à telle date. Ce ne serait pas tellement drôle pour les gens de la Côte-Nord. Notre objectif est d'essayer de sauver le maximum d'emplois possible sans que ça coûte trop cher aux contribuables québécois.

M. Lincoln: Comme vous le savez, il y avait eu une recommandation du comité interministériel pour qu'on ferme SIDBEC-Normines. Ce n'est pas une histoire qui a été forgée; il y a eu une recommandation de SIDBEC et du comité interministériel, au départ, qui a provoqué toute l'affaire. La recommandation était de fermer SIDBEC-Normines. C'est cette recommandation qui a provoqué la commission parlementaire. À cette commission parlementaire, notre position était de laisser la mine de SIDBEC-Normines ouverte, d'essayer de renégocier avec le syndicat, d'essayer de renégocier avec les partenaires pour voir s'il y a des ouvertures quelconques. En fait, il y avait eu une recommandation au comité interministériel; c'est ce qui a provoqué surtout après ce qui s'est passé sur la Côte-Nord, les actions que Québec Cartier a prises indépendamment de SIDBEC-Normines - tout un remous dans la population qui se demande maintenant où on en est.

Nous sommes maintenant dans une situation d'incertitude où personne ne sait vraiment ce qui se passe. Vous le savez, M.

le ministre, mais nous ne le savons pas. Nous vous l'avons demandé en Chambre et vous avez dit: Bon, ça continue. À un moment donné, il y a eu une recommandation du comité interministériel. On a dit: On ferme la mine. On a convoqué une commission parlementaire qui a laissé cela dans un état d'incertitude, car, comme vous le savez, la motion que nous avons présentée n'a pas été votée. Il n'y a pas eu de recommandation définitive de la commission parlementaire, excepté qu'on a dit: Bon, on laisse cela, on se reverra, on étudiera la question. Pendant ce temps, vous aviez pris l'engagement de contacter les syndicats. La question du contrat a été discutée.

C'est sur cela que je voulais revenir, car on est un peu dans la même situation. Je me demande si, par exemple, on ne pourrait pas définir une politique quelconque par laquelle on dirait: En principe, la recommandation du comité interministériel qui avait dit que SIDBEC-Normines fermerait, pour le moment, est suspendue jusqu'à nouvel ordre, jusqu'à ce qu'on ait fini les négociations. En fait, il n'y a jamais eu de contrôle de cette déclaration du comité interministériel.

M. Biron: M. le député, je pense que votre attitude là-dessus est exactement la même que celle du gouvernement. On a adopté ensemble une résolution à l'Assemblée nationale disant que, tant et aussi longtemps que les négociations ne seraient pas terminées et que la décision n'aura pas été prise, les usines de boulettage et la mine continueront de fonctionner à un minimum au moins, autour de 3 000 000 de tonnes. La position dont vous venez de faire état est exactement celle du gouvernement depuis longtemps. Tant et aussi longtemps que la décision n'est pas prise, nous continuons de fonctionner. C'est ce qu'on fait.

Si vous me demandez ce qui arrivera en fin de compte; c'est sûr que, si on s'entend avec nos partenaires, si on s'entend avec nos syndicats, les chances sont que cela continuera de fonctionner. Si on ne s'entend ni avec les partenaires, ni avec les syndicats, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de chances que cela fonctionne. Là-dessus, je voudrais faire une offre qu'a faite Québec Cartier à la fois à son syndicat et aux métallos de Fermont et de Gagnon, demandant un certain gel des salaires pour assurer que la mine de Fermont continue de produire. La réponse: le vote des syndicats a été négatif. Ils ont dit: Si on vote quelque chose pour Fermont et Gagnon, la même chose s'appliquera à Labrador-City, à Wabush et à Havre-Saint-Pierre. Finalement, la réponse même des syndicats a été non. Je ne veux pas les blâmer; je ne fais que mettre les faits sur la table. Cela veut dire que, si on ne réussit pas à s'entendre, les chances de poursuite des activités seront minces. Si on s'entend, il n'y aura aucun problème à continuer la production. Mais, d'ici ce temps, elle continue au ralenti.

M. Lincoln: Comptez-vous faire des déclarations en Chambre pour nous dire exactement où se situe le dossier ou si vous attendez qu'on vous pose des questions là-dessus de temps en temps pour faire le point? On laisse cela d'une façon très indéfinie chaque fois. On se pose des questions. Allez-vous nous mettre au courant par des déclarations ministérielles, à savoir: Voici la situation du dossier; il y des progrès définitifs qui ont été faits. Ou bien attendez-vous qu'on vous pose des questions en Chambre pour savoir où on s'en va avec cette affaire? Chaque fois qu'on pose des questions, on revient à la même réponse. Ensuite, on s'en va et les mois passent.

M. Biron: M. le député, vous avez assez d'expérience dans le domaine privé de la négociation entre des entreprises pour savoir que ce genre de négociation ne se fait pas habituellement sur la place publique.

M. Lincoln: On ne parlait pas des négociations.

M. Biron: L'assurance de succès, au fond, c'est que les deux parties soient les plus sérieuses possible et qu'on essaie de faire évoluer ces négociations. Dans ce sens, je n'ai pas l'intention de faire de déclarations ministérielles tant et aussi longtemps qu'on n'en sera pas venu soit à une entente avec nos partenaires et les syndicats, ou soit pour dire que tout est brisé et annoncer la décision finale. Mais, encore là, je me suis engagé, peu importe la décision à laquelle on arriverait, à convoquer une commission parlementaire sur cette décision, rendu en bout de piste, et je respecterai, bien sûr, l'engagement que j'ai pris.

M. Lincoln: Pouvez-vous nous donner l'assurance à ce point-ci que les négociations continuent avec les partenaires...

M. Biron: Oui.

M. Lincoln: ...de façon systématique, que ce n'est pas une histoire qui va et qui vient? Elles continuent?

M. Biron: C'est de façon systématique. On a engagé des gens pour négocier en notre nom. Personnellement, je suis les négociations de très près. J'ai même parlé avec nos principaux partenaires assez souvent et même fréquemment au cours des dernières semaines.

M. Lincoln: Pour ce qui est de SIDBEC même, les usines SIDBEC-DOSCO et FERUNI International, où se place-t-on par rapport à la même chose? Il y avait aussi une déclaration de votre part en commission parlementaire à savoir que vous alliez négocier le plus tôt possible. En fait, vous avez formé, je pense, un comité ad hoc avec les syndicats pour négocier toute la question, parce que la question des syndicats est encore beaucoup plus importante pour les usines. Où se place-t-on par rapport à cela?

M. Biron: Pour les activités de SIDBEC-DOSCO - les activités manufacturières -c'est déjà mieux que les activités minières. En tout cas, on voit beaucoup mieux à travers cela. En particulier, une décision ou une recommandation de SIDBEC nous disait: Il faut investir tout près de 1 000 000 000 $ dans l'acier plat si on veut vraiment être à la page. Les métallos disaient: Non, ce n'est pas vrai, avec 50 000 000 $, 60 000 000 $ ou 65 000 000 $, on pourrait au moins produire pour certains créneaux de marché. Il semble qu'après discussion des gens de SIDBEC avec les métallos tout le monde se soit bien entendu là-dessus. L'acier plat fonctionne, en tout cas, peut-être pas à 100% de capacité à l'heure actuelle, mais fonctionne très bien et apporte une contribution assez importante aux activités de l'usine. Dans ce sens, je dois dire que, du côté de l'acier plat, les nouvelles sont bonnes, alors qu'elles étaient très mauvaises il y a six mois, lorsqu'on s'est rencontré.

Dans les autres séries de production, là aussi, on est en train de prendre des décisions qui ne sont pas encore définitives, parce qu'on cherche certains partenaires. Je pense, en particulier, à l'usine de Truscon qui fait des poutrelles d'acier. Il y a déjà d'autres fabricants québécois du secteur privé dans le domaine des poutrelles. On est en train de discuter avec eux pour soit la vente d'une partie de nos actifs dans ce domaine ou soit une entente avec les entreprises qui existent déjà au Québec. Dans le domaine de SIDBEC-FERUNI, il y a aussi des discussions qui ont lieu avec les ferrailleurs privés québécois pour voir s'il n'y aurait pas d'autres ententes à faire pour en arriver à faire d'autres économies importantes, des économies d'échelle. Il n'est pas encore sûr qu'on en arrive à une discussion, parce qu'ils veulent, eux aussi, certaines garanties, comme SIDBEC qui veut avoir certaines garanties de prix pour acheter à l'entreprise privée, mais je pense que ce sont des négociations d'affaires qui se font de façon très sérieuse. Il est fort possible qu'il y ait quelques petits éléments des activités manufacturières, finalement, qui soient dissociés des activités manufacturières régulières, mais qui passeraient en "partnership" avec l'entreprise privée.

M. Lincoln: Du point de vue des syndicats eux-mêmes, des négociations avec les syndicats, spécifiquement, où vous placez-vous par rapport à une renégociation possible des conditions de travail et des conditions salariales, etc?

(20 h 45)

M. Biron: II n'y a pas de décision définitive. On n'est pas arrivé à une entente avec le syndicat. Par contre, on commence déjà à négocier le prochain contrat; le contrat qui est en vigueur présentement se termine en décembre 1983. Alors, il nous reste encore sept mois. Déjà, on est en marche dans la renégociation du nouveau contrat et il semble que, de ce côté, il y a une ouverture, d'autant plus qu'à l'intérieur de l'usine, dans la plupart des unités de production, il y a eu une excellente collaboration de la part des membres du syndicat.

M. Lincoln: Est-ce que vous voulez dire que...

M. Biron: Nous sommes arrivés à des suggestions très concrètes de la part du comité tripartite: métallos, SIDBEC et MICT, là-dessus. À l'intérieur de SIDBEC, on est en train de voir comment on peut appliquer cela, par étapes bien sûr, au fur et à mesure qu'on pourra se procurer, d'abord, un peu des fonds nécessaires - parce qu'il y a aussi une question de fonds qui est en jeu là-dessus -et qu'on saura quelle sera la participation des travailleurs dans ce domaine.

M. Lincoln: Est-ce que les réunions du comité tripartite et les recommandations sont en fonction du renouvellement du contrat de décembre 1983? Est-ce que tout cela se dirige vers la renégociation des conditions salariales et des avantages sociaux pour décembre 1983...

M. Biron: Non.

M. Lincoln: ...ou bien si cela se place en fonction d'une réorganisation de toute l'affaire?

M. Biron: Cela se place beaucoup plus en fonction d'une réorganisation de toute l'affaire. Cela a été beaucoup plus des travaux techniques pour l'amélioration de la productivité, des coûts de production à l'intérieur de l'usine, tout en continuant au niveau du syndicat, d'autre part, et de la direction de SIDBEC, leur négociation comme cela se fait dans n'importe quelle autre entreprise. Mais c'est sûr qu'en fonction des décisions qui sont à se prendre présentement à l'intérieur de SIDBEC pour faire les améliorations suggérées par le comité

tripartite de la part des métallos, on s'aperçoit qu'il y a un effort comme il ne s'en est jamais fait de la part de SIDBEC pour vraiment respecter ces travailleurs et essayer de protéger le maximum d'emplois dans ce secteur.

M. Lincoln: Est-ce que le comité tripartite se réunit sur une base régulière ou si c'est quelque chose qui est plus ou moins irrégulier? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Biron: II s'est réuni sur une base régulière. Il y a eu déjà neuf réunions de tenues depuis le mois de décembre. La première étape, c'étaient les opérations minières. À partir de la fin de décembre, on s'est occupé des opérations manufacturières. Le comité tripartite, maintenant qu'il a fait des recommandations, se verra moins souvent. Il reste maintenant, à l'intérieur de SIDBEC, à voir comment on peut opérationnaliser les suggestions du comité.

M. Lincoln: Qu'est-ce qui se passe au point de vue de la gérance de SIDBEC? Il y a eu pas mal de recommandations au point de vue du marketing international qui était, d'après l'aveu de plusieurs intervenants au dossier - et SIDBEC même reconnaissait dans sa fiche - une des failles du dossier. Qu'est-ce qui se passe par rapport à la réorganisation de toute la gestion, du marketing international?

M. Biron: II y a deux choses. Ce qu'on appelle le marketing international, SIDBEC international, c'est pour vendre des boulettes dans le monde entier. Il n'y a pas un marché énorme pour les boulettes. C'est sûr que c'était peut-être faible à l'époque, mais, comme le marché n'existe pas, c'est beaucoup plus difficile, d'autant plus que, maintenant qu'on a réduit la production à 3 300 000 tonnes, il n'y a pas beaucoup de surplus de boulettes; alors, c'est plus facile à écouler. Quant au marketing même des produits manufacturés par SIDBEC-DOSCO, il y a eu toute une réorganisation dans le système de marketing, une rationalisation, une spécialisation vis-à-vis de certains produits à écouler. Il nous semble qu'au cours des derniers mois on peut voir poindre une amélioration du rendement du service de marketing. Mais les produits plats, les produits longs et les produits de SIDBEC-DOSCO ne se vendent pas sur le marché international proprement dit, sauf sur les marchés américain et canadien.

M. Lincoln: Oui, d'accord. Pouvez-vous nous dire quelle réorganisation de SIDBEC et de ses filiales a été faite? Depuis la commission parlementaire, quels changements significatifs ont eu lieu?

M. Biron: II n'y a pas eu de changements significatifs dans SIDBEC et ses filiales depuis la commission parlementaire, sauf de petites filiales, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, Truscon et FERUNI pour lesquelles on est en pourparlers avec des partenaires privés.

M. Lincoln: Non, je parle de la gestion de l'entreprise.

M. Biron: II y a eu une rationalisation au siège social. Il y a eu des économies de ce côté-là, mais, vis-à-vis de la structure même de l'entreprise et de ses filiales, il n'y a pas eu de changement.

M. Lincoln: Y a-t-il des pourparlers actuellement? Y a-t-il des projets de réorganisation qui se font? C'est parce qu'on a beaucoup parlé, justement, de toute la question de la gestion de SIDBEC et de ses filiales.

M. Biron: II y a eu des projets de réorganisation. Il y a eu beaucoup d'actions posées. En particulier, la direction de SIDBEC-Normines qui était autrefois à Montréal est maintenant située à Port-Cartier. Je pense que c'est beaucoup plus près des activités et c'est tout à fait normal. La direction de SIDBEC - le siège social - était un peu coupée des activités manufacturières. Il y a maintenant des rencontres fréquentes entre les dirigeants du siège social et ceux des activités manufacturières. Il y a une meilleure interaction ou une interrelation entre les activités mêmes, à la fois minières et manufacturières, et la direction de SIDBEC qui, elle, est au siège social à Montréal. Déjà, on sent qu'il y a eu des économies importantes au niveau des coupures ou du redressement du personnel au siège social et il y a une meilleure relation entre le siège social et les activités minières et manufacturières.

M. Lincoln: Pourriez-vous nous donner un aperçu exact de la situation actuelle de toute l'entreprise SIDBEC par rapport au déficit passé? Quelle est la situation maintenant? Qu'envisagez-vous pour le prochain bilan?

M. Biron: La situation maintenant, c'est 132 000 000 $ de déficit envisagé, alors qu'à l'époque où on s'est parlé, en décembre, on envisageait 164 000 000 $ de déficit. Cela veut dire qu'au cours de cette période on a réussi à identifier très clairement une partie importante du déficit et à éliminer cette partie, soit 32 000 000 $.

M. Lincoln: Je suis en train de revoir mes notes de la commission parlementaire et

il me semble qu'on avait parlé aussi de la question des crédits bancaires de SIDBEC qui étaient en bien mauvaise posture. Les crédits bancaires étaient épuisés. On s'était servi de tous nos crédits bancaires. La marge de manoeuvre était devenue très serrée. On prévoyait qu'il fallait, les crédits bancaires étant épuises, un renouvellement du fonds de roulement, etc. Où se place-t-on par rapport à cela?

M. Biron: On a renégocié nos crédits bancaires avec les institutions financières. On a transféré une partie de ces crédits en prêts à long terme avec ces mêmes institutions financières, la plupart du temps. Aujourd'hui, il semble qu'on ait encore une petite marge de manoeuvre. On fonctionne toujours, bien sûr, sur le côté maximum de notre marge de manoeuvre, ce qui n'est jamais bon pour une entreprise, mais la situation n'est pas pire qu'elle était à l'époque.

M. Lincoln: Savez-vous où on se place par rapport à la marge de manoeuvre? On parlait de 90 000 000 $, ce qui est tout à fait insuffisant pour une entreprise de cette envergure. Savez-vous où on se place par rapport à ce chiffre?

M. Biron: La situation dans ce domaine est à peu près la même qu'elle était à l'époque. Donc, il n'y a pas eu d'amélioration du côté des crédits bancaires puisque les activités déficitaires ont continué à un rythme moins aigu, bien sûr. Mais il n'y a pas eu d'amélioration à ce chapitre.

M. Lincoln: Mais qu'est-ce qu'on fait vraiment pour améliorer la situation si on est dans cette position? Qu'est-ce qu'on fait vraiment pour améliorer cela? Si on était déjà dans une position où la marge de manoeuvre de 90 000 000 $ était insuffisante et si vous dites qu'il n'y a pas eu d'amélioration à ce chapitre, qu'est-ce qu'on a fait réellement? Ce n'était pas là une question importante, l'amélioration des crédits bancaires, pour donner une plus grande marge de manoeuvre que ces 90 000 000 $ dont on parlait à ce moment-là?

M. Biron: C'est sûr que la marge de manoeuvre, c'est toujours important. Le fait de payer un peu moins d'intérêts, cela aide aussi un peu. D'un autre côté, vous trouvez, dans nos crédits, un montant de 44 000 000 $. C'est un déficit de ZOO 000 000 $ en raison des exploitations minières, qui a été refinancé à même des crédits budgétaires du ministère pour être payé sur une période de dix ans. Cela libère une marge de manoeuvre pour un an et plus, en attendant qu'on trouve des formules définitives.

M. Lincoln: Les 44 000 000 $, si je vous comprends bien, cela nous donnera un genre de sursis d'environ un an.

M. Biron: Plus qu'un an, parce que, 132 000 000 $ de déficit, ce n'est pas nécessairement 132 000 000 $ en besoins financiers nets, parce qu'il y a des amortissements de comptés là-dessus. C'est quand même 200 000 000 $ en besoins financiers totaux qu'on a améliorés chez SIDBEC. C'est dans ce sens-là que je vous dis que, maintenant, la situation n'est pas pire qu'elle était à l'époque; elle n'est pas mieux, non plus. Mais elle n'est pas pire qu'elle était lorsqu'on s'est parlé.

M. Lincoln: Si je me souviens bien des remarques qu'avaient faites le P.-D.G. de SIDBEC, il nous disait que, si on n'améliore pas de façon draconienne notre marge de manoeuvre, si on ne pose pas des gestes à moyen terme pour essayer de se donner plus de marge de manoeuvre, on sera obligé d'en appeler au gouvernement et d'aller chercher de l'argent dans le fonds consolidé du trésor. Je me souviens d'avoir même fait une remarque dans ce sens-là, sur le parquet, à ce moment-là. Il disait que dans un an, on serait arrivés à une situation critique.

M. Biron: Mais la situation a été améliorée grandement. D'autre part, est-ce le gouvernement qui doit financer les activités de SIDBEC? Je crois que c'est SIDBEC qui doit financer ses propres activités. Le gouvernement a pris en charge le déficit de 200 000 000 $ accumulé par SIDBEC, qui n'a pas été fait directement à cause des gestionnaires de SIDBEC, mais bien à cause des contrats qui datent déjà de presque une dizaine d'années, dans les exploitations minières. À ce point de vue, cela a amélioré, bien sûr, les activités de SIDBEC que le gouvernement prenne en charge une partie de la dette accumulée.

M. Lincoln: M. le ministre, il y a beaucoup de questions qui restent en suspens et ce n'est pas l'endroit ici pour en faire le tour. Il y a tellement de choses; c'est un dossier immense. Est-ce qu'on pourrait vous suggérer que, peut-être à l'été ou au début de la nouvelle session parlementaire, peut-être en septembre, on fasse un tour d'horizon, on ait une commission parlementaire d'une journée uniquement sur le dossier SIDBEC pour voir où on en est par rapport à ce qui existait en novembre 1982?

M. Biron: Si tout se déroule normalement, à mon point de vue, au début de la session d'automne, on aura des réponses à donner sur le résultat des

négociations que nous avons avec nos partenaires et les fiduciaires. D'une façon ou d'une autre, j'ai pris l'engagement qu'aussitôt qu'on en viendrait à un accord ou à une décision du Conseil des ministres il y aurait une commission parlementaire. Dans ce sens-là, M. le député, je pense que la commission parlementaire aura lieu dans ce temps-là. (21 heures)

M. Lincoln: D'accord. On pourrait peut-être maintenant aborder d'autres dossiers et laisser le dossier de SIDBEC.

L'industrie pharmaceutique

J'aurais voulu parler de l'industrie sectorielle, surtout de la question dont j'avais parlé au sous-ministre qui m'avait demandé: qu'est-ce qu'on pourrait aborder? Si on pouvait parler un peu de l'industrie pharmaceutique, de ce qui se passe maintenant et dire quels sont les développements. Comme Opposition, on a fait des représentations, nous aussi, aux ministres impliqués à Ottawa. Ma collègue de Jacques-Cartier, le député de Mont-Royal et moi-même avons écrit à des ministres pour essayer de voir si on pouvait s'accorder quant à une amélioration de la question des patentes, sous l'article 41 de la loi fédérale, pour essayer de voir si on pouvait arriver à une abolition ou à un amendement de l'article 41. D'après ce que je comprends de la situation, il y a différentes options qui sont considérées, allant du statu quo, c'est-à-dire le maintien de l'article 41, jusqu'à l'abolition de l'article 41. Entre les deux, des options sont étudiées en ce moment qui iraient - je pense qu'il y a quelque chose comme cinq options - augmenter les redevances que les génériques donnent à l'industrie régulière pharmaceutique, qui iraient dans le sens de considérer un genre d'exception pour les firmes spécifiques qui font une demande au fédéral. Alors, chaque cas serait considéré un à un, un peu comme FIRA, et ce serait un dédale terrible.

Et il y aurait une troisième option mitoyenne, entre le maintien ou l'abolition, qui irait dans ce sens: si l'industrie pharmaceutique est prête, comme industrie globale, à fournir une certaine partie de ses revenus, en accord avec les provinces et le fédéral, pour la recherche et le développement et qu'il y ait une situation où les prix des médicaments patentés, avec un contrôle quelconque de la part des provinces sur ces prix d'accord avec l'industrie pharmaceutique, à ce moment, le fédéral serait prêt à amender l'article 41 pour permettre un certain laps de temps entre la certification d'un produit, la mise en marché d'un produit et l'apparition de produits génériques.

Une voix: "Licensing."

M. Lincoln: Non, non, non. Pas le "licensing". À partir du "health registration", de la date du "health registration" ou de la certification du médicament. Au lieu d'avoir 17 ans de protection sous le brevet, on dirait: À partir de la date de certification -pas la date de la patente, mais la date de la certification - de la mise en marché du produit, on donnerait un certain laps de temps.

Alors, dans les négociations que nous avons eues avec l'industrie pharmaceutique, plusieurs membres de ce secteur, des P.-D.G. des différentes compagnies pharmaceutiques, que nous avons chacun dans nos comtés respectifs, étaient prêts à considérer un genre de compromis parce qu'ils savent que, politiquement, il serait très difficile d'abolir l'article 41 complètement, pour plusieurs raisons. Ils seraient prêts à considérer un genre de compromis qui irait dans le sens d'une protection de tant d'années à partir de la date de la certification du médicament patenté. Ils seraient prêts à s'engager envers les provinces et le fédéral pour un genre de contrôle des prix plus ou moins acceptable à tous, un genre de "monitoring" de prix et aussi à s'engager pour un pourcentage de recherche et de développement. Sous ces conditions, ils auraient une protection de huit à dix ans - c'est ce qu'ils semblent demander - à partir de la date de la certification du nouveau médicament.

Nos informations sont que le gouvernement fédéral est prêt à s'embarquer dans une des trois options que j'ai citées. Alors, ce que je voudrais savoir de vous, M. le ministre, c'est où vous vous placez. Il y a plusieurs intervenants. Il y a vous-même, et il y a le ministre délégué à la Science et à la Technologie, etc. Quelle est la position du Québec et du ministre des Affaires sociales par rapport à ces différentes options?

M. Biron: Je pense que je vais demander à mon sous-ministre, M. Beaulieu, de parler en mon nom. C'est très technique, mais on a beaucoup de choses de faites dans le sens de vos questions. Je pense qu'on va faire un tour d'horizon.

M. Lincoln: Je suis tout à fait d'accord, surtout qu'on ait une réponse, c'est très important.

M. Biron: En fait, il faut d'abord dire que le Canada est le seul pays au monde à ne pas protéger, pour des périodes de 15 ou 17 ans, les découvertes faites dans le domaine pharmaceutique.

M. Lincoln: Oui, oui.

M. Biron: Cela n'existe pas ailleurs. On est absolument unique.

M. Lincoln: Nous sommes tous au courant, M. Beaulieu.

M. Biron: Notre position là-dessus, en fait, est une position aussi de compromis, jusqu'à un certain point, que le gouvernement du Québec avait transmise par la voix des ministres, M. Biron, M. Paquette et M. Johnson. Ce qu'on demandait, c'est que les découvertes qui sont faites au Canada soient protégées intégralement durant 17 ans, suivant la Loi sur les brevets, donc de retirer l'article 41. L'article 41 est compliqué parce qu'il brevette le procédé et non pas seulement le produit. L'autre chose sur laquelle on était prêt à faire un compromis, c'était pour les génériques. On permettait la fabrication des génériques à la condition que les matières premières qui servaient à ces médicaments soient aussi fabriquées au Canada, que la chimie fine soit faite au Canada, au lieu d'importer en vrac des produits d'Italie ou d'ailleurs pour simplement les mettre en capsule ou en bouteille ici. C'était ce qu'on demandait au gouvernement fédéral.

De plus, je sais que le gouvernement fédéral est en train de regarder ce qu'on fait ailleurs. On est en discussion constante avec l'Association des industries pharmaceutiques. Il est en train de regarder les positions que vous avez mentionnées. Si cela fait l'affaire de l'industrie, tant mieux. On a pris une position de négociation qui va un peu plus loin que celle-là et les informations qu'on a, c'est que le gouvernement fédéral, au niveau du cabinet, devrait prendre position là-dessus assez prochainement.

M. Lincoln: Pour une fois qu'on peut s'accorder sur quelque chose, peut-être qu'on aurait pu essayer de trouver un terrain, par exemple, où on peut aller dans la même direction. Enfin, je dois aller en Chambre. Je vais laisser continuer mon collègue, qui est en charge de ce dossier. On a travaillé cela ensemble; alors, il le prendra à partir de là.

M. Biron: J'espère que vous allez revenir.

M. Lincoln: Pourquoi? Je suis trop gentil?

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mont-Royal.

M. Biron: Qu'est-ce qui arrive avec la commission de l'énergie et des ressources? Est-ce arrêté net?

M. Ciaccia: Non. Cela a été ajourné jusqu'à demain matin à cause de la loi spéciale. Le leader parlementaire et aussi le porte-parole principal à la commission de l'énergie et des ressources ne peuvent pas être à deux endroits en même temps. Pierre Paradis, député de Brome-Missisquoi, est le porte-parole à la commission du travail. Elle est ajournée jusqu'à demain matin.

M. Biron: Vos témoins sont en congé.

M. Ciaccia: Je ne sais pas si ce sont nos témoins aujourd'hui, mais les témoins sont en congé. Mais cela va reprendre "same time, same session" demain matin. C'est comme un roman-feuilleton.

M. Biron: Je pense que c'est rendu un roman-feuilleton.

Le Président (M. Blouin): Nous allons revenir à la pertinence de nos travaux.

M. Ciaccia: Nous allons y revenir, très bien, mais le ministre, à titre amical, m'a posé une question sur la commission de l'énergie. Pour revenir aux produits pharmaceutiques, est-ce que vous avez une position établie vis-à-vis du gouvernement fédéral? Excusez-moi, je n'ai pas suivi depuis le début. Peut-être avez-vous répondu à la question. Est-ce que vous avez une position établie vis-à-vis du gouvernement fédéral?

M. Biron: Oui, elle a été transmise, en fait, par les voix officielles des ministres que je vous mentionnais tantôt.

M. Ciaccia: Afin de...

M. Biron: Afin de protéger...

M. Ciaccia: ...protéger...

M. Biron: ...protéger par brevet toutes les découvertes qui sont faites au Canada.

M. Ciaccia: Pour?

M. Biron: Pour la période normale des brevets, de 15 à 17 ans, en fait, suivant le système normal. C'était la position qu'on avait demandée il y a six mois, transmise par écrit.

M. Ciaccia: Autrement dit...

M. Biron: II y a un deuxième volet à la position sur les génériques qui ne sont pas découverts au Canada, on exigeait aussi qu'ils soient produits au Canada. La chimie fine, les matières premières qui servent à faire les pilules, que cette matière première soit fabriquée au Canada, de sorte qu'on n'ait pas uniquement des génériques qui font simplement de la mise en bouteille ou de la mise en capsule. C'étaient les deux conditions qu'on avait demandées.

M. Ciaccia: Dans les producteurs génériques, quel pourcentage se situe en Ontario? Quel pourcentage se situe au Québec?

M. Biron: Principalement en Ontario.

M. Ciaccia: Principalement. Alors, ceux qui sont au Québec, c'est minime.

M. Biron: C'est minime et c'est récent. C'est à la suite, en fait, de l'article 41 de la Loi sur les brevets qu'il y a eu un déplacement de l'industrie pharmaceutique de Montréal vers l'Ontario.

M. Ciaccia: Est-ce que vous demandez l'abolition pure et simple de l'article 41 de la loi pour que le brevet existe durant 17 ans, comme dans les autres pays?

M. Biron: C'est cela. On permettait les génériques pour ce qui n'avait pas été découvert au Canada.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez d'autres possibilités? Supposons que le gouvernement fédéral ait des arguments contre l'abolition pure et simple; est-ce que vous avez d'autres possibilités?

M. Biron: Ceci est intéressant. On est allé à Toronto, il y a deux ou trois mois. On a rencontré les gens du ministère de l'Industrie et du Commerce de l'Ontario qui, autrefois, il y a plusieurs années, étaient en faveur du générique, parce qu'ils gagnaient du marché. Maintenant qu'il y a aussi d'autres genres d'entreprises qui sont établies là-bas, eux aussi voudraient voir abolir l'article 41 de la loi C-102.

M. Ciaccia: Même en Ontario?

M. Biron: Même l'Ontario. Là, on commence à parler à peu près le même langage, parce qu'ils ont des entreprises qui font aussi un peu de recherche là-bas. Je pense qu'ils voient que, à long terme, c'est mieux comme cela.

Le pire des systèmes, c'est le système actuel. Le meilleur, c'est celui qu'on préconise, à notre point de vue, donc, celui qui fait que l'entreprise privée, selon les formules habituelles, peut faire de la recherche et trouver des nouveaux produits.

Là où nous permettrions du générique, c'est sur ce qui se découvre à l'extérieur du Canada. Il y a beaucoup de recherche qui se fait à l'extérieur du Canada. Dans ce sens, on permet, quand même, aux entreprises de produire ces produits génériques s'ils sont trouvés aux États-Unis ou ailleurs. Il y a une partie des découvertes mondiales qui est faite au Canada, mais ce n'est pas la grande partie, c'est une petite partie. Cette partie serait protégée au Canada. Quant au reste, pour nous, on voudrait que la matière première soit produite au Canada. Alors, déjà, on encourage des firmes canadiennes.

M. Ciaccia: Mais si le gouvernement fédéral se voit dans l'impossibilité, pour une raison ou pour une autre, et parce que beaucoup d'arguments sont invoqués contre l'abolition pure et simple, est-ce qu'il y aurait d'autres possibilités, par exemple, une exclusivité dans la vente d'un produit pour un certain nombre d'années? Est-ce que vous avez envisagé la possibilité de suggérer cette alternative?

M. Biron: Je disais que la meilleure pour nous est la période normale des brevets. C'est sûr que si le fédéral dit: Ce ne sera pas 17 ans, les brevets sur les médicaments, mais ce sera 10 ans, c'est déjà mieux que le système actuel. Ce serait une alternative. On se dirait: À défaut d'avoir tout ce qu'on demande, on en a au moins une partie. Je juge que, pour que cela vaille la peine de faire de la recherche pour les entreprises, cela prend un minimum de dix ans. S'il n'y a pas une protection de dix ans sur leurs produits, cela ne vaut pas la peine de faire de la recherche. (21 h 15)

M. Ciaccia: Est-ce que vous exigeriez, par exemple, en plus de donner l'exclusivité, admettons que ce soit 10 ans ou le brevet de 17 ans, qu'un certain montant soit garanti ou qu'il y ait des garanties d'investissement dans la recherche ici au Canada et pour nous, au Québec?

M. Biron: Plus on raccourcit la période de profitabilité du brevet, moins on peut avoir d'exigences de recherche et de développement. C'est sûr que, si on avait 17 ans, on pourrait être très exigeant vis-à-vis de la recherche et du développement. Si on l'abaisse à 10 ans, il faut être un peu moins exigeant parce que déjà c'est moins rentable pour l'entreprise. C'est sûr qu'il faut, quand même, lier cela à une forme de recherche et de développement. Si on exige trop, l'entreprise ne restera pas, elle va tout simplement s'en aller. Dans ce sens, je pense qu'il faut exiger jusqu'à un certain point, mais essayer de pondérer cela avec la profitabilité de la production.

M. Ciaccia: Est-ce que vous seriez prêt à appuyer la position d'exclusivité pour un certain nombre d'années - si ce n'est pas 17 ans, admettons 9 ou 10 ans - avec une condition qu'il y ait de l'argent investi dans la recherche?

M. Biron: Exact. Là-dessus, le fédéral parle pratiquement de la même chose. C'est peut-être pour sauver les meubles. Lorsque

vous parlez de dix ans après l'accord de la Commission de certification des médicaments ou 17 ans après la prise de brevet, - c'est-à-dire la déclaration d'intention; ce n'est pas la prise de brevet, car une prise de brevet, cela peut être long - dès que vous enregistrez votre demande, vous commencez à compter votre temps. Si vous avez 17 ans à partir de là ou 10 ans à partir de la certification, on ne parle pas de grande différence. La certification, cela peut être très long dans le cas d'un médicament et cela peut être même plus que sept ans. C'est une question d'envelopper le paquet.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a le danger -cela, c'est une autre raison qui est invoquée - que, si on abolit purement et simplement l'article 41, les prix des médicaments vont augmenter substantiellement? Avez-vous des prix sur un certain nombre de médicaments, le prix maintenant avec la loi, et le prix des mêmes médicaments si la loi n'existe pas, par exemple, aux États-Unis ou dans d'autres pays?

M. Biron: On a des rapports d'un peu tout le monde là-dessus, mais tous les rapports ne vont pas dans la même direction. C'est un peu contradictoire. Je pense que c'est surtout basé sur le genre de médicament. C'est possible qu'une entreprise trouve un médicament pour un mal de tête, puisqu'une autre entreprise trouve un autre médicament pour le mal de tête. Les deux peuvent se ressembler, quand même, étrangement, mais les deux peuvent être protégés. Finalement, les deux sont en concurrence l'un avec l'autre. C'est très rare qu'une entreprise trouve un produit, un médicament, puis qu'elle va être la seule à l'avoir trouvé, ce médicament-là. Habituellement, il y a toujours une deuxième ou une troisième entreprise qui a un médicament un peu différent, pour guérir le même mal. Alors, automatiquement, il y a toujours une forme de concurrence quand même.

M. Ciaccia: Vous devez avoir une liste, par exemple, de prix de certains médicaments qui sont vendus au Canada, et la même liste avec les prix auxquels ils sont vendus aux États-Unis où la loi les protège. Est-ce que vous avez cette comparaison-là?

M. Biron: M. Saint-Cyr, qui est le spécialiste dans le domaine des médicaments, va vous donner les informations.

De mémoire, je n'ai pas le nom des rapports. Il y eu certaines études où ils ont comparé des listes de produits au Canada et aux États-Unis depuis 10 ou 15 ans. Suivant les échantillonnages - je n'ai pas en mémoire le nom des rapports, mais il y a un rapport en particulier qui disait que c'était un échantillonnage assez restreint - il y aurait eu effectivement une hausse des prix un peu plus rapide au Canada, mais c'était bénin et ce n'était pas tellement élevé.

M. Ciaccia: II y avait une hausse au Canada qui était plus rapide.

M. Biron: Dans d'autres cas, c'était l'inverse. Il y avait un petit peu de contradiction selon les échantillonnages retenus. Je ne sais pas si, dans le rapport Fowler, on disait qu'il y avait eu effectivement... C'était le contraire. Les licences obligatoires ici n'avaient pas fait grand-chose, cela n'avait pas eu grand effet sur les prix.

Il y aurait peut-être aussi une autre formule, je sais que le fédéral l'examine, celle-là, c'est qu'au lieu d'exiger 4% de redevance, elle pourrait être de 6%, de 8% ou de 10% et liée à la recherche et au développement. Ce serait une autre formule. Je sais qu'elle est examinée.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez discuté avec les gens de l'industrie pour savoir quelle formule ils préféreraient?

M. Biron: Les gens de l'industrie évoquent, chaque fois qu'on leur parle, diverses options. Je pense qu'ils vont un peu à la pêche vis-à-vis des gouvernements. Ils espèrent qu'il va y avoir une espèce de compromis. Mais je pense qu'ils sont ouverts à diverses solutions. Ils seraient peut-être moins réceptifs à une redevance plus élevée qui ne ferait que cela. Certaines entreprises génériques seraient probablement capables d'acquérir, quand même, la license dès que le produit serait certifié.

M. Ciaccia: Est-ce exact que, si cet article de la loi était aboli purement et simplement, cela voudrait dire la disparition de l'industrie générique, et que c'est pour cette raison qu'on cherche d'autres solutions?

M. Biron: Nous, ce qu'on préconise, c'est de permettre le générique sur les découvertes étrangères qui représentent 75% des médicaments.

M. Ciaccia: Oui, mais, comment pouvez-vous faire cela? Si vous amendez la loi, est-ce que votre solution n'ira pas contre les conventions internationales sur les brevets?

M. Biron: En disant le générique ici, à partir de chimie fine et d'ingrédients actifs, c'est peu probable qu'il s'en fasse. Il y a très peu de chimie fine ou de chimie de synthèse au pays où on fabriquerait les ingrédients. La plupart des entreprises pharmaceutiques...

M. Ciaccia: Elles importent, exactement. Elles font de l'assemblage.

M. Biron: ...de toute façon, font du conditionnement, de l'emballage, de la recherche clinique. Les possibilités qu'il se crée vraiment une industrie et du générique et des ingrédients actifs ici au pays sont encore lointaines.

M. Ciaccia: L'année dernière, je crois -je ne sais pas si c'est au mois de juin -l'association vous a présenté un mémoire spécifiquement sur la politique des prix médians. Je crois que, depuis janvier 1982, le gouvernement du Québec a mis en application sa nouvelle politique des prix médians. Et, au mois de juin, l'industrie vous a soumis un mémoire démontrant les pertes de l'industrie à la suite de cette politique. Elle vous a fourni certains chiffres et la position qu'elle a prise, je crois, c'était que ce que le gouvernement épargnait avec cette nouvelle politique était dépensé plutôt en Ontario, parce que c'était l'industrie générique qui en bénéficiait. Puisque l'industrie générique était en Ontario, je pense que 65% des achats allaient en Ontario. Quelle est la position du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sur le mémoire qui lui a été soumis et sur la demande de l'industrie de modifier cette politique?

M- Biron: On a, d'abord, formé un comité avec les gens des Affaires sociales et les gens de l'industrie pour étudier la politique du prix médian, faire certaines suggestions correctrices. Ce comité est même allé en Colombie britannique où il existe un système de prix réel d'acquisition payé par le pharmacien. Or, le système de la Colombie britannique nous semble plus juste, en tout cas, à l'égard des fabricants et des manufacturiers et nous permettrait probablement d'acquérir des produits québécois.

Il y a une économie appréciable pour les Affaires sociales, c'est certain: autour de 5 000 000 $. C'est pour cela qu'on est allé en Colombie britannique parce que c'est un plan qui aurait pu plaire aux Affaires sociales. On n'a pas de réponse définitive. Le comité continue à négocier avec les Affaires sociales pour essayer de concilier à la fois une économie pour le gouvernement du Québec au point de vue des coûts et protéger l'entreprise québécoise. Il y a de l'ouverture du côté des Affaires sociales, mais on n'a pas de réponse définitive.

M. Ciaccia: Vous avez référé au système de la Colombie britannique. Est-ce que vous avez des détails sur ce système?

M. Biron: Au lieu d'avoir un prix qui est fixé comme notre prix médian au niveau du formulaire, les Affaires sociales en Colombie britannique remboursent le prix réel d'acquisition au niveau du pharmacien, avec un prix à chaque pharmacien par ordonnance. Alors, le pharmacien est un peu comme nos médecins et il est payé à tant de l'ordonnance, mais il n'y a pas de profit additionnel pour le pharmacien d'employer un produit plutôt que l'autre. C'est le prix réel d'acquisition.

M. Ciaccia: II y a une réduction dans le coût à la province, je présume, avec ce système. Ce n'est pas autant que celui-ci. Est-ce la différence?

M. Biron: C'est cela. C'est à mi-chemin à peu près entre les deux.

M. Ciaccia: Et quand vous dites qu'il y a une économie de 5 000 000 $, je crois que l'industrie avait souligné qu'elle avait perdu 10 000 000 $. Alors, vous avez épargné 5 000 000 $, mais, sur le 10 000 000 $ qu'eux projetaient - c'étaient des projections, je pense, au mois de juin, mais je pense qu'à la fin de l'année la projection s'était avérée pas mal exacte, même que c'était un peu au-delà de la projection - 65% de ces 10 000 000 $ ont été dépensés en Ontario. Je pense que cela faisait partie des raisons qu'ils invoquaient pour modifier cette politique.

M. Biron: Oui, il y a beaucoup de chiffres qui ont circulé là-dessus, mais je dois dire que les gens des Affaires sociales sont ouverts à regarder cela et à essayer de trouver la meilleure façon de concilier tout cela ensemble. Et c'est pour cela, d'ailleurs, qu'ils ont accepté notre suggestion de regarder d'autres systèmes et de peut-être trouver un système qui serait plus compatible avec leur recherche d'économie et de développement économique au Québec. Mais l'autre système de la Colombie britannique est un peu plus compliqué, dans le sens que, lorsque vous payez le pharmacien à l'acte, cela commence à faire tout un problème vis-à-vis du système.

Ah oui! Là-dessus il y a une politique d'achat en Ontario. Nous avons pris la liste des génériques qui est publiée par le gouvernement canadien, alors que, si on avait eu assez de génériques, on aurait pu en publier une à nous. L'Ontario a publié sa propre liste de génériques. Alors, finalement, sur sa propre liste ils éliminent des entreprises génériques qui sont productrices à l'extérieur de l'Ontario. C'est une façon élégante, dans le fond, d'avoir une politique d'achat ontarienne.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Je crois qu'il y a un autre élément du problème. Pendant l'étude des crédits du MAS, si je ne me trompe pas, le ministre des Affaires sociales a révélé le coût d'administration du programme des médicaments. Est-ce que vous êtes au courant du coût d'administration, parce que, si on soustrait le coût d'administration, il n'y a pas grand-chose qui reste comme économie pour le MAS? Est-ce que vous étiez au courant de cela?

M. Biron: Non. Je n'ai pas les coûts d'administration du programme des médicaments.

Mme Dougherty: Je n'ai pas les documents ici, mais je crois que le coût est substantiel. Donc, il faut en tenir compte en calculant les points positifs et négatifs dans cette affaire.

M. Ciaccia: Si la loi fédérale est amendée, est-ce que cela va changer votre position, vos recommandations vis-à-vis de votre politique des prix médians? Parce que je peux comprendre maintenant que, si la loi fédérale permet à l'industrie générique de produire à des prix plus bas, c'est presque ancillaire à la loi que, si l'industrie générique peut le faire, nous allons en bénéficier.

(21 h 30)

M. Biron: Si la loi fédérale était changée, j'ai l'impression que le prix médian pourrait finalement profiter davantage à l'industrie pharmaceutique canadienne. Étant donné qu'on a encore la majorité au Québec, automatiquement, on reprendrait un certain leadership parce qu'on placerait à peu près toutes les entreprises au même niveau.

M. Ciaccia: Vous seriez prêt à dire: On est prêt à faire des recommandations. Je sais que ce n'est pas au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à faire des recommandations pour modifier la politique des prix médians en vue des modifications de la position fédérale.

M. Biron: Aujourd'hui, on est peut-être obligé de la modifier pour aider davantage les entreprises québécoises, mais, si la loi fédérale était changée, peut-être que la politique du prix médian serait la meilleure. Là on placerait toutes les entreprises canadiennes à peu près au même niveau, donc, les entreprises québécoises aussi, parce que ce seraient les entreprises productrices qui seraient les plus pénalisées. Alors leur coût monterait, ce qui replacerait les entreprises québécoises à peu près dans le milieu.

M. Ciaccia: Je comprends votre point de vue, mais cela ne changerait pas les...

M. Biron: Cela monterait le coût des...

M. Ciaccia: Ce ne serait pas rétroactif. Cela s'appliquerait seulement à des nouvelles découvertes. Cela ne s'appliquerait pas à des médicaments qu'on fabrique maintenant. On a le droit de produire...

M. Biron: Qu'on a le droit de produire. C'est sûr qu'il faut viser à protéger au maximum l'industrie québécoise. On cherche des formules à l'heure actuelle.

M. Ciaccia: L'association vous l'a dit, la meilleure façon, c'est de changer votre politique des prix médians parce que cela profite à l'industrie de l'Ontario. Ce n'est pas votre argent, mais on a donné des quantités de pertes d'emplois. On a dit que ce que le ministère des Affaires sociales épargne, cela ne vaut pas les pertes d'emplois, les salaires, la recherche, le développement, les impôts, etc., et tout ce qui s'ensuit pour l'industrie et pour l'ensemble de l'économie. Je n'ai pas devant moi le mémoire qu'elle vous a soumis, mais elle vous a démontré le nombre d'emplois au Québec des sociétés qui font de la recherche et du développement - je crois que c'est au-delà de 2300 emplois - et l'effet sur ces emplois de votre politique des prix médians, parce qu'en perdant les ventes, on est obligé de réduire son effectif.

M. Biron: De toute façon, s'il y avait un changement de la loi fédérale, on fait des extrapolations, il faudrait vraiment s'arrêter et regarder quel est l'impact et quel est d'abord le changement. Quel est l'impact sur les entreprises québécoises et sur le coût des médicaments? Après cela, on pourrait ajuster la politique des prix médians en conséquence.

M. Ciaccia: Même avec une modification à la loi fédérale, serait-il trop tard pour sauver une entreprise comme Ayerst?

M. Biron: Je pense que le centre de recherche de Ayerst est parti pour de bon. L'entreprise Ayerst songe même à prendre de l'expansion à Saint-Laurent à l'heure actuelle, mais c'est pour la production et non pas pour la recherche.

C'est sûr qu'avec la politique, en changeant la loi C-102, avec ce que le ministre des Finances du Québec a annoncé pour la recherche et le développement, les 10% d'impôts négatifs directement sur les salaires, il y aura un avantage considérable à faire de la recherche et du développement au Québec, mais ce qui est déjà perdu, je crains que cela soit perdu.

M. Ciaccia: Quelles sommes d'argent sont consacrées, par ces compagnies, à la

recherche au Québec?

M. Biron: J'ai les chiffres au ministère, mais je ne les ai malheureusement pas ici.

M. Ciaccia: Les entreprises pharmaceutiques qui font la recherche et le développement au Québec, quel montant consacrent-elles ici à la recherche? La recherche primaire qu'elles font elles-mêmes et la recherche qu'elles financent dans les universités.

M. Biron: Je ne les ai malheureusement pas ici.

M. Ciaccia: Seulement pour conclure sur ce sujet des produits pharmaceutiques, est-ce que le gouvernement fédéral vous a indiqué quand il serait en mesure de prendre une décision soit sur l'abolition de l'article 41, soit sur un choix, une modification? Quand sera-t-il prêt à prendre une décision?

M. Biron: Les informations que nous avons au sujet du gouvernement fédéral sont que le dossier serait rendu ou presque rendu au Conseil des ministres. Cela veut dire que, dans les prochaines semaines, il y a une décision qui pourrait se prendre.

Mme Dougherty: J'aimerais ajouter un autre élément pour l'avenir. Je crois que les règles du jeu imposées par la loi fédérale auront aussi un impact appréciable sur l'industrie de la biotechnologie. Aujourd'hui, on parle de l'industrie pharmaceutique. Le gouvernement parle de la possibilité que les recherchistes de Ayerst soient transférés à l'Institut Armand-Frappier. Donc, il y aura le même problème.

Mais, on parle aussi de la priorité de l'industrie des biotechnologies, je ne sais pas s'il y a des précédents dans ce domaine. Ce n'est pas clair du tout. Je crois que l'industrie biotechnologique sera assujettie aux mêmes règles du jeu que l'industrie pharmaceutique. Donc, il faut prévoir l'impact sur l'avenir de ces industries.

Il y a quelques années, j'ai demandé à quelques recherchistes si les inventions dans le domaine de la biotechnologie seront assujetties aux mêmes règles. Les experts, les recherchistes ne sont pas clairs là-dessus. Mais il faut prévoir l'impact, parce que, si la biotechnologie était vraiment une industrie de l'avenir, l'impact serait même plus important que celui sur l'industrie pharmaceutique.

M. Biron: D'accord. On va essayer de vérifier pour vous donner les réponses exactes. Mais, à première vue, je crois que tout ce qui regarde les produits pharmaceutiques avec la biotechnologie et les produits de la santé seraient couverts par la loi fédérale. Donc, cela serait sujet à la même loi. Par contre, en biotechnologie, on peut trouver une foule d'autres produits qui ne sont pas nécessairement des produits de santé. Ceux-là ne seraient pas couverts par la loi fédérale, par la loi C-102. Ils seraient couverts par d'autres lois. Dans ce sens...

Mme Dougherty: ...produits...

M. Biron: ...les découvertes seraient sujettes à être protégées par la loi ordinaire sur les brevets.

Mme Dougherty: Mais la loi fédérale ne s'applique que pour les produits de la santé?

M. Biron: Exact. Mme Dougherty: Oui?

M. Biron: C'est pour cela que je vous dis que ce serait sur les produits de la santé...

Mme Dougherty: Est-ce que c'est spécifié dans la loi?

M. Biron: Aliments et drogues.

Mme Dougherty: Mais il y a des zones grises qui sont très importantes,

M. Biron: Le biotechnologie, vous pouvez vous en servir dans le domaine de l'énergie et dans beaucoup d'autres domaines.

Mme Dougherty: L'énergie, l'agriculture, même le fameux débat sur l'arrosage des forêts...

M. Biron: La tordeuse des bourgeons de l'épinette.

Mme Dougherty: Je crois que c'est très important de vérifier si ces produits sont inclus dans les règles du jeu imposées par l'article 41.

M. Biron: C'est cela. Tout est ensemble, dans l'article 41. Si l'article 41 est amendé, j'ai l'impression que le reste va être amendé. On va aussi s'assurer que les autres produits qui ne sont pas nécessairement du domaine de la santé, mais qui seraient du domaine des aliments ou d'autres domaines ne soient pas couverts au moins par cet article, pour qu'ils puissent faire l'objet de couverture par d'autres lois, les lois régulières en tout cas. Il semble que, dans le domaine de l'entreprise, c'est beaucoup mieux si c'est la loi régulière qui les couvre.

M. Ciaccia: Est-ce que vous êtes prêt à recommander au ministère des Affaires

sociales d'effectuer des changements à la politique des prix médians aux mêmes conditions, si le gouvernement fédéral effectue des changements à sa loi? Est-ce que le ministère est prêt à dire: Oui, on s'engage, comme ministère, à faire une représentation auprès du ministère des Affaires sociales afin de faire modifier cette politique? Est-ce que l'Association des manufacturiers de produits pharmaceutiques considère que cette politique est très négative envers son industrie?

M. Biron: II faudrait d'abord savoir quels sont les changements qui vont être faits. C'est difficile de dire d'avance, en fonction de changements qu'on ne connaît pas: Je prendrai telle autre attitude. Je peux vous dire que je m'engage à continuer à travailler avec le ministère des Affaires sociales pour faire bénéficier au maximum les entreprises québécoises du pouvoir d'achat du gouvernement pour ces produits de la santé.

M. Ciaccia: L'association des manufacturiers de ces produits voulait que le gouvernement effectue des changements dans la politique des prix médians, même si le gouvernement fédéral n'agissait pas, parce qu'ils nous ont montré des chiffres assez révélateurs à ce sujet. Même avec la loi fédérale, ils voyaient les produits de leur industrie s'en aller vers l'Ontario.

M. Biron: Le ministère des Affaires sociales, avec nous, a été très ouvert là-dessus; il a cherché des formules pour concilier à la fois économie et développement économique. Il y a une préoccupation de ce côté-là.

M. Ciaccia: Aucune action concrète n'a été prise, aucun engagement. La dernière fois que j'ai parlé aux représentants de l'industrie, ils se plaignaient qu'il n'y avait pas eu de réaction de la part du gouvernement. Ils ont fait des représentations. Je crois qu'ils les ont faites au ministère des Affaires sociales et au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Tout le monde est un peu dans l'expectative ou dans l'attente de la décision fédérale. Une fois que la décision sera prise au niveau du fédéral, que ce sera clair et qu'on saura exactement dans quelle direction nous allons, ce sera beaucoup plus facile, dans le fond. Une fois qu'on saura que l'avenir d'un produit pharmaceutique, c'est dans telle direction, on avisera en conséquence pour que les entreprises québécoises en bénéficient au maximum. (21 h 45)

M. Ciaccia: La réponse que vous me donnez n'est pas compromettante vis-à-vis de l'industrie. Vous jetez la balle. Je ne veux mettre personne dans l'embarras, car on n'est pas à la commission de l'énergie et des ressources, mais mettez-vous dans la position de l'industrie. Elle perd des millions. La compagnie Hoffmann-La Roche - cela a joué un peu dans sa décision - a pris 50 employés et elle les a envoyés en Ontario. Votre intérêt, vous, devrait être de préserver les emplois et de faire en sorte que cette industrie soit plus viable qu'elle ne l'est maintenant, qu'elle maintienne sa position au Québec. Ces gens voient rebondir la balle entre les deux ministères. Le ministère des Affaires sociales regarde les 5 000 000 $ qu'il épargne, mais c'est à très court terme. Le coût pour épargner ces 5 000 000 $, selon les gens de l'industrie, cela ne vaut pas le coup. Alors, peut-être que vous seriez en position de prendre une décision, de faire une recommandation. Je sais que vous ne pouvez pas la prendre unilatéralement, mais si, à titre de ministre de l'Industrie et du Commerce - et moi j'appuie l'industrie dans cette démarche... Au moins, ce serait un engagement de votre ministère; après cela, s'ils ont un engagement de votre part, ils pourraient voir leur tâche facilitée pour faire affaires avec le ministère des Affaires sociales.

M. Biron: Je peux vous dire, M. le député de Mont-Royal, qu'il y a une grande préoccupation vis-à-vis de l'impact économique de la décision; il y a une grande préoccupation des Affaires sociales dans ce sens-là. Je me souviens du cas Baxter et Abbott, en particulier; on en a parlé longtemps. Finalement, à cause d'une décision difficile et courageuse, je pense, des Affaires sociales, on a un investissement de quelques millions de dollars dans la région de Sherbrooke qui crée au-delà d'une centaine d'emplois. Et, comme conséquence secondaire, les Affaires sociales, maintenant, font une économie importante dans l'achat de leurs solutés. Or, peut-être que les quelques millions dont on avait besoin pour un autre domaine vont venir d'une économie dans ce secteur en particulier. Deuxièmement, le fait que le ministre des Finances ait annoncé un impôt négatif de 10% sur les salaires directs des centres de recherche et de développement, c'est très important pour l'industrie pharmaceutique au Québec. On en a beaucoup au Québec là-dessus. Quoi qu'il en soit, je m'engage, aussitôt que la décision du gouvernement fédéral sera connue, à discuter avec les gens des Affaires sociales pour que le Québec profite au maximum des retombées économiques possibles conséquentes à la décision fédérale.

M. Ciaccia: Et, non seulement les

conséquences des décisions fédérales, mais aussi une modification aux décisions du gouvernement du Québec.

M. Biron: J'ai appris à travailler avec vous, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Vous ne dites pas oui et vous ne dites pas non?

Alors, je n'ai pas d'autre question à ce sujet.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Nelligan.

Industrie du vêtement

M. Lincoln: On aurait voulu vous poser des questions sur l'industrie du vêtement et peut-être faire un tour d'horizon de cela. Je pense qu'avant de commencer à voir un peu le point qu'on avait soulevé ce matin, en général, le glissement de ces industries vers l'Ontario... Qu'est-ce qu'on va faire entre-temps pour la protection des tarifs, en attendant le GATT, etc.? Je voulais vous poser une ou deux questions d'ordre général parce qu'il me semble que, lors du débat que nous avons eu en Chambre vendredi, vous avez parlé de la question de protection de 75%; que l'industrie cherchait une protection d'au moins 75% d'écoulement sur le marché canadien. Et, il m'a semblé que vous étiez d'accord avec cela. Est-ce que j'ai bien compris que vous adoptiez la politique que l'industrie préconisait: que 75% du marché intérieur soit réservé à l'industrie canadienne du vêtement?

M. Biron: C'est 75% des dollars de vente. Il y a eu un certain imbroglio là-dessus à savoir les unités ou un chandail par rapport à un veston ou quelque chose comme cela, des dollars de vente... Alors, l'industrie préconise 75% en dollar. Cela veut dire qu'il y a des pièces qui valent beaucoup plus cher qui pourraient être produites ici au Canada et des pièces très bon marché qui seraient importées.

Mon collègue, le ministre du Commerce extérieur, a parlé de 50%, si je me souviens bien, d'unité de production ou d'unité de vente. Alors on ne parlait pas tout à fait le même langage. Il y en a un qui parlait d'unité, de morceau et l'autre parlait de dollar. Enfin, on est sur la même longueur d'onde.

M. Lincoln: C'est justement ce que je voulais vous demander parce que, d'après ce que j'avais lu du débat l'autre jour, vous parliez de 75%; quand je lis ce que M. Landry a dit, il a dit: Ah non! Pas question. Il a dit à l'industrie: Écoutez, on exporte 40% de notre marchandise vers les États-Unis, on va être collés avec un tarif excédentaire. En fait, c'est un peu le cas de l'industrie du vêtement maintenant avec les États-Unis. Alors, il disait: II n'est pas question de 75%, c'est pourquoi je voulais me situer? Si vous êtes en contradition avec M. Landry, où vous placez-vous? Parce que lui, il parlait en tant que représentant du gouvernement du Québec.

M. Biron: C'est parce qu'avec l'industrie du vêtement, on parlait en dollar et mon collègue parlait en unité de production. Alors, on va essayer de s'entendre pour au moins parler le même langage. Quant aux Américains, les 85% qu'ils protègent sur leur marché, c'est en dollar.

M. Lincoln: J'ai essayé d'avoir la déclaration de M. Landry justement parce que cela nous intéressait. Il me semblait que c'était au nom de l'industrie que M. Steinberg avait demandé que 75% du marché intérieur soit réservé à l'industrie canadienne, faisant valoir que ce secteur court à la catastrophe si la tendance actuelle se poursuivait. Les manufacturiers canadiens détiennent présentement 63% du marché domestique, soit une baisse de 9% par rapport à il y a quelques années. Alors, j'ai compris que c'était un chiffre de vente, que c'était une dimension en dollar. Quand il dit: On obtient tant du marché canadien, il me semble que c'est un chiffre en dollar. Alors, il dit: Toutefois, comme représentant du gouvernement M. Landry a répondu qu'il n'était pas réaliste d'exiger un marché protégé à 75% alors que le Québec, comme le Canada, exporte 30% de ses produits et qu'il espère en outre conquérir de nouveaux marchés dans les secteurs de pointe, la biotechnologie, etc.

Alors, il ne situe pas exactement de quoi il parle; mais il me semble que l'industrie, quand elle parle de 75% de marché protégé à l'intérieur du Canada, parle d'une dimension en argent plutôt qu'en unité.

M. Biron: Pour votre information, cela avait lieu au sommet sur le vêtement et, à la fin de la réunion, il y a eu une discussion entre les gens de l'industrie et les gens du Commerce extérieur, M. Landry en particulier. Tout le monde s'est entendu pour dire qu'on ne parlait pas tout à fait le même langage et qu'on allait essayer à l'avenir de parler le même langage. Alors, l'industrie parle en dollar alors que M. Landry a ses statistiques en unité d'importation, statistiques qu'on détient aussi du gouvernement fédéral.

M. Lincoln: Mais là, c'est une question importante. Je pense que M. Landry et vous êtes les deux ministres qui êtes le plus

directement impliqués dans toute l'affaire. Réellement, vous allez décider de l'avenir de l'industrie, enfin, jusqu'au moment où on prendra le pouvoir, ce qui sera dans deux ou trois ans, aussitôt que les élections auront eu lieu. Enfin, vous avez cette petite marge de manoeuvre d'un an ou deux. Alors, il faudra, quant au temps...

M. Biron: Si on décidait à l'heure actuelle, il faudrait être à Ottawa.

M. Lincoln: Entre-temps, il faudra décider d'une politique vraiment cruciale par rapport au secteur mou au Canada, compte tenu de l'échéance du GATT. On arrive en 1987 où on aura une zone franche par rapport à toute notre industrie. Est-ce qu'on protège le secteur mou et jusqu'à quel point? C'est là que l'institut des manufacturiers du vêtement demande à être protégé jusqu'à concurrence de... Cela pose une autre question. Si, par exemple, le Canada n'est pas là et qu'avec la politique du gouvernement actuel il y a séparation, qu'arrive-t-il par rapport à ces 75% ou ces 50% que M. Landry annonçait? C'est l'hypothèse du système actuel. Je ne fais pas de discours politique, je dis cela d'une façon tout à fait objective.

Si, demain matin, vous avez le Québec autonome et vous avez le Québec dans le Canada... On dit maintenant qu'on protège 75% du marché canadien. Si le marché canadien n'est pas là... Il faudrait donc établir une espèce de politique, il me semble. J'ai lu les discours de M. Landry par rapport au secteur mou. Il dit qu'on formera un marché commun. C'est sûr que tout le monde se réjouit à l'idée d'avoir un marché commun, mais on parle du marché commun d'une façon très sectorielle. On parle du libre échange de biens et services. On dit qu'on protégera notre secteur mou. Jusqu'à quel point va-t-on protéger notre secteur mou? Cela devient un point critique parce que toute protection des secteurs mous, en attendant qu'on les abandonne... Selon ce que j'ai vu de votre politique, vous avez dit qu'il n'était pas question d'abandonner les secteurs mous. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit?

M. Biron: On va essayer de s'entendre pour parler le même langage. Des entreprises qui ne sont pas modernisées, dans ce sens-là, je dis que ce sont des entreprises qui... Vous devriez venir avec moi visiter quelques entreprises dans le domaine du vêtement. Elles sont informatisées, presque robotisées partout. Ce sont vraiment des entreprises d'un secteur d'avant-garde, d'un secteur de pointe. Pourtant, cette entreprise-là produit du vêtement. On en a plusieurs à Montréal. Ce à quoi on veut en venir, c'est qu'on dit qu'on n'a pas le droit de continuer de produire du vêtement, de la chaussure ou des meubles d'une façon artisanale. Ce genre d'entreprises, ces entreprises qui veulent se développer, employer de la technologie de pointe et moderne pour produire du textile, du vêtement, de la bonneterie, des chaussures et des meubles, celles-là on doit les garder. Il faut même les aider à se moderniser et à se développer encore plus. Elles pourront conquérir des marchés.

On vend pour environ 100 000 000 $ par année aux Etats-Unis. On serait capable de vendre beaucoup plus que cela. On sera capable de vendre plus si nos entreprises sont capables de produire la qualité nécessaire à un prix convenable et compétitif. Déjà, plusieurs de nos entreprises le font. Dans ce sens-là, ce qu'on a fait depuis un an, c'est qu'on a institué deux centres de productivité, un pour le textile, un pour le vêtement, pour essayer de fournir aux entreprises dynamiques, modernes à l'intérieur de ce secteur-là les connaissances technologiques, l'aide nécessaire pour se moderniser. On est en train d'instituer un centre de la mode parce qu'on prétend que la mode québécoise est non seulement florissante au Québec, mais qu'elle peut sortir à l'extérieur du Québec et aller aux États-Unis, au Canada anglais et partout. On a eu, la semaine dernière, l'exposition internationale de la fourrure. Dans le fond, les fourrures canadiennes sont faites à Montréal. Parmi les gens qui conçoivent des pièces de fourrure, je pense que les meilleurs concepteurs sont à Montréal.

Malheureusement, jusqu'à maintenant, on a laissé nos gens se former et se développer. Pourquoi ne ferait-on pas connaître davantage Robichaud, Chevalier, tout ce monde-là? On a un effort énorme à faire de ce côté-là. Avec le centre de la mode, on met en relation les concepteurs, les designers avec les manufacturiers et souvent des magasins de détail pour être certain que toute l'intégration se fera d'un bout à l'autre et qu'on fera connaître davantage les grandes marques, les grands couturiers québécois. Dans ce sens-là, je suis d'accord avec vous ou avec mon collègue Landry ou avec d'autres qui vont me dire qu'ils feront disparaître les industries qui se trouvent dans le secteur mou. Il faut cependant absolument garder des secteurs tradionnels, mais avec des entreprises qui sont dynamiques, efficaces et modernes; autrement, on manque complètement le bateau. C'est dans ce sens-là qu'on va s'entendre très clairement. (22 heures)

Le Président (M. Blouin): Messieurs les membres de la commission, il est presque 22 heures. Nous avons eu une discussion, avant la reprise de cette commission à 20 heures. Une hypothèse s'était alors dégagée selon laquelle nous pourrions poursuivre nos travaux

puisque l'Assemblée nationale siégera assez tard, jusque vers minuit. Ceci nous permettrait de compléter une séquence d'environ 8 heures et 30 minutes de travaux pour aujourd'hui. Je crois donc que, dans les circonstances, nous pourrions éviter de revenir demain matin et il resterait 6 heures et 30 minutes de travaux pour jeudi prochain, le 19 mai; c'est ce qui est prévu, me dit-on. Les deux heures supplémentaires que nous pourrions faire ce soir pourraient combler en bonne partie les trois heures prévues pour demain. Nous pourrions donc éviter de revenir demain matin.

M. Biron: Est-ce que c'est assuré qu'on ira jusqu'à minuit, à l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Blouin): On me dit à tout le moins jusqu'à 23 h 30.

M. Lincoln: Je suggère de continuer, si les fonctionnaires sont d'accord. Je n'ai pas l'intention de déranger qui que ce soit, mais, si cela vous va...

Le Président (M. Blouin): D'accord, nous poursuivons.

M. Biron: Et nous ne venons pas demain matin?

M. Lincoln: Nous poursuivrons jusqu'à l'heure de l'Assemblée nationale parce qu'il faudra prendre un vote. Il faudra donc...

M. Biron: II y a un vote; oui, il y a un vote.

Le Président (M. Blouin): Je crois que nous pourrions poursuivre nos travaux et, lorsque l'Assemblée ajournera...

M. Lincoln: On ajournera nos travaux.

Le Président (M. Blouin): II est possible, avec le consentement unanime, que nous poursuivions jusqu'à minuit.

M. Biron: Je pense qu'on se rendra jusqu'à minuit, mais pas plus tard.

Le Président (M. Blouin): II est très possible que nous poursuivions jusqu'à minuit, selon le désir des membres de la commission. Je considère que nous pourrions poursuivre nos travaux jusqu'à minuit...

M. Biron: Est-ce qu'on pourrait faire les arrangements pour la semaine prochaine?

Le Président (M. Blouin): Ce sera fait, par la suite, entre les leaders, et le leader du gouvernement les annoncera en Chambre, mercredi prochain.

Nous poursuivons donc nos travaux.

M. Lincoln: Je pense qu'il est important de situer exactement où on en est. Je comprends exactement ce que vous voulez dire. Moi, par ce mot, je comprends qu'il s'agissait d'une industrie traditionnelle, de base, historique qui emploie beaucoup de gens de façon artisanale, semi-artisanale, plus ou moins moderne et très moderne, très modernisée, très technologique, très avancée, mais qui, en même temps, est sous l'empire d'une concurrence tellement accentuée au cours des années, surtout de la part des pays du tiers monde, qu'elle est maintenant en péril, qu'elle met beaucoup de ses travailleurs en péril. Il y a des glissements continuels à cette industrie. Si vous prenez un secteur total qui emploi plusieurs milliers de gens - je pense à 50 000 - vous dites: Ce sont eux qui sont attaqués. Il faudra trouver une solution d'une façon ou de l'autre.

Votre solution est de dire: On va retirer les mauvais fruits, on va les laisser pourrir. On ne pourra pas les sauver parce que, s'ils ne se modernisent pas, ils sombreront, de toute façon. On va détacher de cela toute la modernisation de l'industrie, toute l'industrie de pointe, toute l'industrie qui s'est recyclée. De plus, on va lui donner une autre dimension, par exemple la mode pour enfants, les fourrures. Cela pourrait devenir beaucoup plus avancé et ce serait une deuxième transformation de l'industrie. Je suis d'accord. Le point crucial est que vous avez à faire beaucoup dans un laps de temps très court. Nous faisons face à des échéances qu'on ne peut pas éliminer. On fait partie du GATT, on fait partie de la zone de libre-échange. En 1987, on en arrivera au point d'être pratiquement dans un marché commun avec les États-Unis. Toutes les franchises, au point de vue de l'exploitation, seront éliminées, même les importations seront, à ce moment-là, pratiquement éliminées. Que faut-il faire?

Il faut qu'on se demande si on doit protéger certains secteurs, soit le vêtement... Je ne parle pas d'une industrie ou de l'autre, d'une usine ou de l'autre, mais plutôt d'une industrie comme les meubles, par exemple. L'industrie du vêtement demande à être traitée comme un ensemble. Elle ne dit pas: Protégez nos industries qui vont sombrer; elle dit: Protégez-nous en tant qu'industrie. L'industrie du vêtement nous dit: Bon, nous cherchons une protection du marché canadien qui va favoriser notre industrie à 75%. C'est une demande formelle qu'elle fait. Là, il faudra que nous fassions un compromis, parce que, si on protège l'industrie, on a le problème que soulevait M. Landry: des représailles américaines, des mesures américaines similaires. En fait, on sait très bien que, maintenant, sur certains vêtements, ils adoptent une politique, ils disent: Notre tarif douanier va presque doubler, parce qu'on considère cela comme des... Ah oui, on a

mis quelques boutons; c'est un vêtement décoratif. Déjà, on commence à sentir cela.

Il faudra qu'on adopte une politique où on arrive à faire ce genre de transition qui va durer quelque chose comme quatre ou cinq ans. Votre solution est de dire: Bon, nous allons prendre, parmi les compagnies de vêtements, celles qui veulent être sauvées; nous allons les aider à se moderniser, etc.; les autres, nous allons les laisser sombrer. Mais, entre-temps, l'industrie elle-même - et c'est là le dilemme - dit: Ah non, traitez-nous comme une industrie. On est solidaire. On vous demande une protection de 75%. Même là, il y a des divergences de vues. M. Landry dit: Bon, je suis dans l'exportation, il faut que je fasse attention aux Américains. Vous vous êtes dirigé beaucoup plus vers le marché intérieur, c'est normal; alors, vous voyez cela comme un sauvetage. Quelle est la politique prioritaire du gouvernement, pas celle du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme? Le gouvernement, quelle est sa politique prioritaire pour la protection de l'industrie dans son ensemble dans les prochaines cinq années, jusqu'à l'échéance du Tokyo Round en 1987? Ensuite, est-ce qu'on élimine les barrières? Est-ce qu'on continue les barrières tarifaires, assumant le système actuel canadien, assumant que rien n'est changé jusque-là? Qu'est-ce qu'on fait par rapport à cette industrie? Je parle de l'industrie qui est traitée comme une industrie plutôt qu'une agglomération de bonnes usines et de mauvaises usines.

M. Biron: Vous savez, on a un avantage des fois à être petit. Dans ce sens-là, vous avez mentionné tout à l'heure le tarif des ornements, de la décoration aux États-Unis. Le marché américain est autour de 40 000 000 000 $ de vêtements par année, c'est beaucoup d'argent. Nos entreprises québécoises nous disent qu'il y a une possibilité de vendre pour 500 000 000 $ aux États-Unis. C'est 1,2% du marché américain. Ce n'est pas beaucoup, 1,2%. Je pense qu'on pourrait l'atteindre en visant certains créneaux de vêtements, particulièrement les vêtements qui sont de la plus haute qualité et qu'on peut vendre un peu plus cher. Car il y a une clientèle qui va acheter bien bon marché, une clientèle de moyens acheteurs et une petite clientèle qui va payer cher pour de la haute qualité avec un grand nom. Nos entreprises québécoises, en tout cas à l'occasion du sommet, nous ont demandé d'intervenir énormément vis-à-vis du gouvernement fédéral et du gouvernement américain pour essayer de faire disparaître la clause ornementale.

Si on la faisait disparaître et si on faisait descendre le tarif douanier régulier à 22% au lieu de 42,5%, les plus dynamiques de nos producteurs - pas ceux qui produisent, de façon artisanale, une très basse qualité, mais ceux qui produisent une bonne qualité -prétendent qu'on pourrait aller chercher 500 000 000 $ de chiffres de vente là-bas. Or, dans ce sens, je crois qu'il faut se spécialiser dans certains créneaux de produits. Je ne voudrais pas voir le Québec embarquer dans deux ou trois domaines de production, juste la biotechnologie ou juste l'informatique. Je pense qu'il n'y a pas d'avenir pour juste quelques produits. Je pense qu'il faut garder plusieurs séries de production, mais produire les petites séries qui ne sont pas rentables pour les grandes entreprises américaines, en particulier, mais des petites séries de haute qualité. Ce que je vous dis pour le vêtement, j'en ai la même vision pour SIDBEC. Au lieu de produire de la tôle à automobile, on est peut-être mieux de produire de la tôle galvanisée qui se vend en petite quantité, mais à un prix beaucoup plus cher la tonne. C'est la même chose dans le domaine du vêtement. C'est pour cela que les centres de productivité, le centre de la mode a voulu changer la structure des entreprises.

On a un autre programme, un programme de regroupement d'entreprises pour faire en sorte que deux ou trois petites ou moyennes entreprises se regroupent pour former une entreprise qui se tienne un peu et qui ait les reins financiers et technologiques assez bons pour pouvoir viser le marché américain.

Dans ce sens, selon ma philosophie, on doit viser certains créneaux de produits à l'intérieur de la grande série de produits et non pas seulement les vendre au Québec ou au Canada, mais les vendre aussi particulièrement sur le marché américain. On doit se servir des connaissances de nos gens en commerce extérieur pour aller chercher ces marchés, sans trop nuire à ceux qui veulent produire en grande masse des produits bon marché; je pense qu'il n'y a peut-être pas d'avenir pour des entreprises québécoises à faire ce genre de produits.

J'ouvre une parenthèse pour parler du secteur mou. On parle avec les gens de ce secteur de l'industrie et ils nous disent: Chaque fois que vous prononcez cela, vous nous nuisez.

M. Lincoln: Oui.

M. Biron: Essayez plutôt de dire: Les secteurs traditionnels, le secteur du vêtement. Mais, quand vous dites: le secteur mou, c'est comme si vous vouliez le mettre de côté. Alors que je pense à M. Gutman, de Paris Star, qui a environ 1000 employés, c'est vraiment une entreprise dynamique très moderne qui est en train de conquérir des marchés aux États-Unis. Je pense que c'est un bonhomme qui mérite qu'on l'appuie. Il y en a d'autres comme cela. Finalement, on

peut aider à conserver une quantité appréciable d'emplois.

M. Lincoln: Chaque fois qu'on se parle, M. le ministre, je réalise qu'on cherche les mêmes objectifs, mais je n'arrive pas à saisir, parfois, les contradictions dans les politiques. C'est là où je suis complètement perdu. Par exemple, j'ai envie de revenir à un problème spécifique. On a le problème spécifique d'une industrie qui demande une protection tarifaire très élevée par rapport aux importations. Elle veut un marché protégé, en fait, pratiquement protégé. Que l'on dise trois quarts, deux tiers, unité, ou valeur, cela revient à la même chose; elle veut une protection tarifaire très exigeante. En même temps, nous voulons que les Américains réduisent le tarif et, eux, ils essaient d'appliquer leurs lois - je suis d'accord avec vous - avec discrimination. Par cette loi, ils ajoutent encore 20% ou 20,5%. Là, nous sommes en train de demander aux Américains la même chose que ce que nous voulons pratiquer chez nous. On peut jouer ce jeu et chercher des marchés américains en même temps. Vous dites: On peut aller vendre pour 500 000 000 $. Mais, en même temps, si les Américains viennent vendre ici, on va dire: Non, on a un marché qu'on protège à 75%. On veut vendre à l'intérieur du Canada, ne venez pas chercher querelle, etc.

Mais il y a un échéancier très restreint. On a un échéancier qui nous donne cinq ans de manoeuvre pour trouver une solution. Je crois que, dans l'industrie, personne ne va dire, je suis le premier à le dire ici... Ce n'est pas une question d'être libéral ou péquiste. Le mouvement dans le sens de créer un centre de recherche dans l'industrie du vêtement, de se diriger dans le secteur de la haute couture, de la mode, de la fourrure, tout le monde est d'accord là-dessus. Je pense que l'industrie pense que c'étaient des pas positifs.

En même temps, il y a ce dilemme: En attendant qu'on arrive à trouver les solutions à ce problème, que vous ayez ces usines modernes qui pourront être concurrentielles, on en arrivera à un point où on a quelques années critiques qui pourront être décisives pour l'industrie. On parlera tout à l'heure du glissement vers l'Ontario, le Manitoba, etc. Que fera-t-on si on ne sait même pas se placer, si on en est encore au stade de ne pas savoir exactement où on va? Peut-être que vous et M. Landry devriez vous asseoir et décider d'une protection pour le Québec des tarifs de l'industrie. On va laisser l'industrie "whether finds its own level"... Les faibles vont mourir, les forts vont flotter, les modernes vont passer. C'est ce genre de choses que je n'ai pas réussi à retenir de vous. Comment solutionnez-vous ce problème, ce dilemme de dire: On va aller voir les Américains, dans un sens, et on protégera notre industrie à très fort tarif en même temps?

(22 h 15)

M. Biron: Là-dessus, le marché américain est protégé à 85%. On ne dit pas qu'on veut le protéger autant, qu'on veut le protéger moins; 75%, c'est moins que le marché américain. Je suis totalement d'accord avec vous pour dire qu'un jour ou l'autre, on ouvrira nos barrières et on diminuera notre protection. Mais, on a besoin de quelques années pour transformer nos usines. En d'autres termes, si on dit à nos manufacturiers: Vous n'avez plus de marché ici, mais modernisez-vous, on mêle vraiment le monde.

Et j'entendais M. Lumley, la semaine dernière, dire qu'il allait mettre 55 000 000 $ additionnels dans la modernisation des usines de vêtements. En même temps, M. Regan dit: Je ne protège pas votre marché. Allez-vous-en. Vous n'en avez plus de marché. Alors, je ne vois pas de gens qui vont investir, à moins d'être soutenus à 100% par les gouvernements, s'ils ne sont pas assurés d'avoir un certain marché pour un temps donné. Notre attitude là-dessus - c'est ce qu'on a demandé au gouvernement fédéral - c'est de dire: Donnez une protection au marché pour cinq ans en décroisssant. Avisez à l'avance nos entreprises et nous, on travaillera avec vous pour moderniser les entreprises. On a déjà commencé, il y a quatre ou cinq ans, avec le programme de modernisation des secteurs du textile, du vêtement, de la bonneterie. On a donné aux industries du Québec 30 000 000 $ de subventions pour des investissements de 125 000 000 $ en vue de la modernisation des industries. Parmi les meilleures usines qui voulaient se moderniser, le gouvernement fédéral a lancé un programme qui était à peu près semblable à celui du Québec. Alors, on a arrêté notre programme. On n'a pas pu s'entendre avec M. Gray. Peut-être qu'avec M. Lumley, on aurait pu s'entendre, mais, avec M. Gray, il a été impossible de s'entendre. Alors, on a arrêté notre programme et on a dit: Continuez. Tout ce qu'on a gardé de notre programme, c'est la productivité, le programme de regroupement, etc.

Là aussi, du côté du fédéral, on est prêt à mettre de l'argent pour moderniser nos usines ou les meilleures de nos usines. Mais, pour les moderniser, cela prend une garantie de marché pendant une période de temps donnée, pour pouvoir assurer les usines de rentabilité le plus rapidement possible. Et, en même temps, qu'on dise: Nous avons terminé les négociations avec le gouvernement américain. Eux vont protéger 85% de leur marché. Mais, sur la plus haute qualité de produits, on s'est entendu sur le fait qu'on peut faire face à une concurrence

sur ces marchés-là. En d'autres termes, les objectifs qu'on fixe, nous voulons y arriver sur une période donnée. Je pense que, là-dessus, vous êtes passablement d'accord avec nous. Au départ il faut s'assurer d'un certain marché. Il faut dire aux chefs d'entreprises: Ce marché protégé finira par disparaître. Par contre, on vous ouvre tout un autre marché ailleurs.

M. Lincoln: D'accord. Maintenant, on en arrive à des choses spécifiques. Là, vous dites: On commencera comme cela. Cela sera plus simple. Alors, vous dites cinq ans. En principe, c'est cela que vous dites, cinq ans. Vous dites que vous allez procéder en décroissant. Vous allez prendre une protection tarifaire très "hot" et ensuite, graduellement, à la fin des cinq ans, on réussira à équilibrer les choses de façon que, à ce moment-là, on aura eu le temps de se moderniser. Ceux qui resteront resteront, etc. L'industrie sera préservée. Nous sommes d'accord là-dessus. Mais il me semble que, même au point de départ, il semble exister la même chose entre M. Regan et M. Lumley qu'entre vous et M. Landry. Vous n'avez pas l'air d'avoir situé exactement votre point de départ. Est-ce que c'est le point de départ de l'industrie de 75% du marché canadien intérieur que vous, vous semblez préconiser, ou est-ce que c'est la version de M. Landry qui, lui, dit que c'est moins de 75%? Est-ce qu'on aurait pu situer cela de façon plus claire, afin que les signaux pour l'industrie soient plus clairs? Je peux vous le dire, parce que je parle aussi à ces intervenants de l'industrie et, dans leur esprit, ce n'est pas très clair. Du reste, comme vous l'avez dit vous-même, c'est à la fin de la réunion que vous avez eue récemment que cela s'est discuté et que tout cela est resté un peu en l'air. Si on lit ces choses-là, on n'est même pas sûr si ce sont la valeur ou les unités. C'est sûr qu'ils ne savent pas exactement où ils s'en vont. Alors, est-ce qu'il y aurait possibilité - moi, je vous suggère cela beaucoup plus fortement - que les deux ministères impliqués - et cela aurait dû être une suggestion à M. Regan et à M. Lumley - se concertent, vous-même et M. Landry, qui êtes les deux principaux intervenants, pour qu'on sache exactement au départ ce que l'on veut protéger? Est-ce qu'on veut protéger 75% de la valeur? Est-ce que c'est 150%? Quelles en sont les conséquences pour qu'au moins on puisse étaler une politique, que les gens de l'industrie du vêtement sachent à quoi s'en tenir et se disent: Bon, nous avons 50%; nous sommes protégés?

M. Biron: C'est aussi le voeu des gens du vêtement qu'on fasse une rencontre avec MM. Lumley, Regan, Landry et moi-même pour déterminer la protection dont ces gens- là ont besoin et la politique canadienne là-dessus. MM. Lumley et Regan étaient prêts à nous rencontrer, M. Landry et moi. Mais les intervenants dans le domaine du vêtement ont dit: Nous, on voudrait y être aussi, autant les représentants des travailleurs que les représentants de l'industrie. Alors, j'ai exigé qu'ils soient là. Malheureusement, on n'a pas pu fixer de rencontre parce qu'il semble qu'au gouvernement fédéral, on n'ait pas voulu venir rencontrer les intervenants, sauf les ministres Landry et moi. J'ai rencontré personnellement M. Lumley, depuis ce temps-là. M. Landry a rencontré M. Regan. On a de la difficulté à convaincre le gouvernement fédéral, à lui faire comprendre le point de vue qu'il faut, absolument, au moins une certaine protection minimale pour une période de temps, quitte à le faire en décroissant après cela. On n'a pas encore réussi là-dessus, sur la protection d'un marché donné pendant une période de temps.

M. Lincoln: Mais, dans un premier temps, c'est une suggestion concrète que nous vous faisons, peut-être que M. Landry devrait se situer exactement où vous êtes, vous deux.

M. Biron: On se situe là-dessus exactement au même niveau parce que, lorsqu'on a traduit les unités de vêtements de M. Landry en dollars, c'est environ le même niveau. Véritablement, à la fin de la réunion, lorsqu'on a eu cette rencontre avec les principaux intervenants, qui étaient un peu surpris de l'intervention, tout le monde a dit: On est d'accord, on parle le même langage. Ce qu'on veut protéger, dans le fond, c'est environ 50 000 emplois, autant les uns que les autres. Tout le monde, on vise à peu près cela. À compter de maintenant, on met notre langage plus clair et on parle en dollars parce que je pense qu'on vit avec des dollars.

M. Lincoln: Assumant ce que j'ai lu ici, que M. Landry ne favorise pas 75% lorsqu'il parle des unités, assumant que votre interprétation, c'est que, si on met cela sur une base de dollars, vous parlez de la même chose, 75% en dollars, et comme M. Landry est d'accord, on va avoir le crédit du Commerce extérieur, on pourra lui demander cela, assumant que vous êtes d'accord, est-ce que, dans un premier temps... Je suis d'accord avec vous que les gens de l'industrie du vêtement devraient être présents, ce serait sûrement l'idéal. Si les fédéraux ne veulent pas accepter cela, est-ce que vous n'auriez pas pu avoir une rencontre entre vous, M. Landry, M. Lumley et M. Regan, pour au moins situer une espèce de terrain de rencontre, de terrain de compromis, et ensuite les convaincre, puisque vous êtes très convaincant? Vous faites de

très beaux discours, vous convainquez les gens de Lotbinière et vous essayez de me convaincre, mais pas tout à fait. Vous auriez pu, peut-être, à ce moment-là, convaincre ces deux-là que c'est essentiel que les gens de l'industrie du vêtement, les autres intervenants du dossier soient là aussi. Il me semble que, dans un premier temps, si vous aviez au moins situé un point de compromis, un point de départ entre vous, peut-être que cela aurait été encore mieux pour présenter à l'industrie quelque chose qui représenterait une idée globale du fédéral et de vous.

M. Biron: Je devrais peut-être aller convaincre les gens de Nelligan aussi.

M. Lincoln: Bien oui. Pourquoi pas?

M. Biron: Vous avez raison sur l'opportunité d'une rencontre entre les quatre ministres, mais vous devez reconnaître que M. Regan est à Ottawa une dizaine de jours par mois et il est, lui aussi, ministre du Commerce extérieur, il est toujours parti. La même chose pour mon collègue, M. Landry. Il est au Québec une dizaine de jours par mois; il voyage beaucoup pour représenter les entreprises québécoises à l'extérieur. Alors, c'est sûr que c'est plus facile pour M. Lumley et moi de nous rencontrer parce qu'on est à peu près toujours soit à Québec, soit à Ottawa, dans le Québec ou dans le Canada. Mais, on peut essayer de fixer une rencontre aussitôt que MM. Landry et Regan seront à Ottawa ou à Québec à peu près en même temps. On pourrait fixer une rencontre avec ces gens, au moins établir une discussion de base. Je sais que vous êtes d'accord avec moi. J'insiste beaucoup pour que les représentants de l'industrie soient là pour qu'eux aussi se commettent jusqu'à un certain point. C'est important que les gens de l'industrie disent: Si on l'a, notre protection de marché, on s'engage en contrepartie à investir. Parce que, si ces gens n'investissent pas au cours des prochaines années, dans quelques années, on va être encore au même point où on en est aujourd'hui. Je pense que ni vous ni moi n'aurons gagné quoi que ce soit.

M. Lincoln: D'accord. Enfin, on fait un pas en avant, en commission parlementaire. Le journal des Débats va dire que vous allez essayer d'arranger une rencontre, tout d'abord avec les fédéraux, M. Landry et vous. On va arriver à un point de départ. Je pense que cela va débloquer la chose. Au moins, il y aura un signal de votre part envers l'industrie. On sait de quoi on parle et on parle de la même chose. J'aurais voulu discuter de la question de l'Ontario et du Québec. Pas la question de l'Ontario et du Québec politique, la question de l'industrie qui glisse vers l'Ontario. Je lisais le rapport sur le vêtement, l'état de la situation des conférences socio-économiques du Québec. Je lisais cela et, l'autre jour, M. Scowen, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, a fait référence à cela dans son débat du vendredi. Et si on lit... Je peux vous faire état des références continuelles qui montrent cette espèce de glissement. Vous voyez ici, à la page 3: En Ontario, principal concurrent du Québec dans ce secteur, les livraisons ont doublé de valeur durant cette période - je pense qu'on parle de la période de 1975 à 1980 - ce qui a maintenu l'importance de ce secteur dans l'ensemble du secteur manufacturier ontarien. Alors, ils donnent l'aspect des chiffres montrant, en 1975, l'importance relative du secteur du vêtement. Par rapport à notre industrie totale, c'était 6,5, descendant à 5,3 en 1981; l'Ontario, qui était beaucoup plus petit, monte d'un point, de 1,1 à 2,2 par rapport à la période de 1975 à 1980.

Il y a certainement... Il dit, par exemple, que, de 6,7 qu'il était en 1976 dans l'ensemble du secteur manufacturier québécois, le pouvoir relatif de ce secteur a régressé constamment pour se situer à 5,3 en 1980; tandis que l'Ontario - c'est la page 3 du... Si vous voyez, les références sont presque continues. Je pense qu'il y a un seul secteur où le Québec maintient sa position. Pour sa part, l'Ontario a connu une augmentation du nombre de travailleurs, soit une hausse de 3090 emplois de 1975 à 1980, quand, pour nous, le nombre d'emplois est tombé de 65 789 en 1975 pour descendre à 50 623 en 1982.

Si on disait que c'est le résultat d'une progression, c'est le résultat d'une modernisation, c'est le résultat d'une meilleure technologie... En fait, ces rapports ne semblent pas l'indiquer.

Je vais d'abord vous dire, pour ne pas aller trop loin... Je vais vous demander si vous avez constaté... D'abord, en prenant connaissance de ce rapport, c'est très clair qu'il y a ce glissement. Qu'est-ce qu'on fait pour l'arrêter? Qu'est-ce qu'on discute avec l'industrie? On a discuté de quelques points avec l'industrie et on en reparlera tout à l'heure, mais est-ce que vous êtes conscient de ce glissement qui semble être progressif et qui semble continuer d'année en année?

M. Biron: II y a plusieurs facteurs. En particulier, il y en a un qui fait en sorte qu'au Québec, on avait une vieille structure d'entreprise, entreprise par entreprise, pas tellement moderne, sous-capitalisée où les gens prenaient la majorité de leurs profits immédiatement. Donc, c'était d'une façon plus artisanale, en se fiant à une main-d'oeuvre qui était bon marché, relativement bon marché si on la compare à celle de l'Ontario, et on a pu, grâce à cette main-d'oeuvre bon marché, continuer nos usines

pendant un bout de temps.

Lorsque les salaires ont commencé à augmenter, on n'avait pas développé la capacité de l'entreprise, la technologie ou la capacité financière. On avait profité en totalité des sommes d'argent. Et il nous restait quand même nos grands édifices et nos machines à coudre, comme on disait autrefois. L'Ontario a des entreprises dans le domaine du vêtement qui sont un petit peu plus grandes, mieux structurées et qui payaient un peu plus cher en salaire à l'époque. Elles ont donc été obligées, par la force des choses, de remplacer du salaire par de l'équipement. Elles étaient donc plus prêtes à faire l'autre étape vers le développement technologique et, les entreprises étant plus grandes, elles ont réussi à avoir les sommes nécessaires pour investir plus rapidement.

En d'autres termes, la structure de l'entreprise de l'Ontario s'est modernisée plus rapidement que celle du Québec à cause de toutes sortes de circonstances historiques. Nous, nos entreprises étant de taille plus petite, à l'heure actuelle, on essaie quand même de les faire grandir et c'est pour cela que, tout à l'heure, je vous citais le programme de regroupement d'entreprises. Quand on a une entreprise qui compte 50 personnes, l'autre qui en a 80, l'autre qui en a 90, à mon point de vue, on n'a pas beaucoup de chances de concurrencer sur un marché américain et cela n'a pas de chances de réussite. Il faut que l'entreprise soit plus grande, donc qu'elle ait les capacités financières de faire des choses. Là où on a du succès dans l'exportation, c'est lorsqu'on a réussi à former un consortium de plusieurs entreprises. On réussit alors à faire des choses. Dans ce sens-là, on a un programme de regroupement pour essayer de pallier la carence de taille de l'entreprise et sa capacité financière; on regroupe des entreprises pour qu'elles soient un peu plus fortes financièrement et technologiquement. (22 h 30)

Le fait aussi que notre salaire était très bas autrefois, qu'il a augmenté plus rapidement que celui de l'Ontario qui était plus élevé au départ, cela aussi a fait un changement un peu brusque sur la capacité de gestion de nos chefs d'entreprises, sur la capacité de rentabilisation de l'entreprise. Je ne veux pas que cela soit une critique du passé. J'essaie d'analyser cela pour vous dire un peu ce qui est arrivé. Finalement, à partir de cette analyse-là, on se demande ce qu'on doit faire: regroupement d'entreprises, programmes de développement, de modernisation des industries du textile, vêtement, bonneterie, centre de productivité pour forcer les entreprises québécoises à développer leur technologie et à employer des technologies de pointe, un centre de la mode pour développer le critère qualité et d'attirance pour la mode québécoise, finalement, des sommets qui forcent les gens à se parler, à se regrouper, à améliorer cette performance de nos entreprises.

M. Lincoln: Mais, vous voyez...

M. Biron: Vous avez raison. L'Ontario a augmenté, nous avons diminué. C'est surtout dû à la structure d'entreprises qu'on avait et à la façon de les gérer.

Ce doit être un vote de deuxième lecture.

Le Président (M. Blouin): Je ne le sais pas. On va attendre. On va le savoir dans une minute.

M. Lincoln: M. le ministre, c'est là qu'était le point. Vous avez l'air de dire qu'ils avaient plus de grosses entreprises. En fait, les chiffres ont l'air de démontrer... J'aurais voulu que vous ayez ce rapport pour comparer, par exemple, la taille des établissements entre le Québec et l'Ontario. Si on regarde la taille des établissements de 1975 à 1980, au Québec...

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, M. le député, nous devons nous rendre à l'Assemblée, parce qu'il y a un vote. Nous reviendrons par la suite.

M. Lincoln: Est-ce qu'on peut laisser nos papiers ici?

Le Président (M. Blouin): Oui. Nous allons demander au service d'ordre de surveiller vos papiers. La commission suspend ses travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 22 h 33)

(Reprise de la séance à 22 h 47)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme reprend ses travaux. La parole est au député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le ministre a parlé...

M. Biron: M. le député de Nelligan, j'ai su que j'avais déjà convaincu les gens de votre comté. Vous êtes de l'ancien comté de mon ami, William Shaw.

M. Lincoln: Oui, c'est bien cela.

M. Biron: Je les avais déjà convaincus comme cela une fois.

M. Lincoln: Mais vous savez ce qui est

arrivé à William Shaw.

M. Biron: Je devais être convaincant à l'époque, n'est-ce pas?

M. Lincoln: C'est lui qui a appuyé ma candidature, ah oui. Il est devenu libéral. Il est comme vous, il a été membre de l'Union nationale, il est libéral maintenant.

M. Biron: II a perdu comme libéral, n'est-ce pas?

M. Lincoln: II a perdu comme libéral. Bon, pour revenir à l'industrie du vêtement, on parlait, justement, de la taille des entreprises. Vous faisiez valoir que les entreprises de l'Ontario étaient mieux structurées, avaient des plus grosses unités, etc., que celles du Québec. Là, si on regarde le tableau IV, qui montre la taille des établissements au Québec et en Ontario, c'est exactement le contraire qui allait se passer entre 1975 et 1980. C'est que, dans les petites entreprises - on parle de celles qui ont de 0 à 19 employés - au Québec, on en avait 672 en 1975 et, en Ontario, ils avaient 207. Ils en ont naturellement beaucoup moins que nous dans tous les secteurs. Mais le phénomène intéressant, c'est qu'en Ontario on montre une très petite augmentation de ce nombre. Il y a 228 de ces très petites entreprises en Ontario en 1980, tandis qu'au Québec nous passons de 672 à 719 dans les toutes petites entreprises. Pourtant, dans les entreprises de 100 employés et plus, les grosses entreprises, là nous avions 178 de ces usines comparativement à 64 en Ontario. L'Ontario maintient ses 63 qu'elle a maintenant en 1980 et nous perdons de ces grosses usines. On descend de 178 à 141. Si on regarde les entreprises de 50 à 99 personnes, le même phénomène se passe là aussi; nous perdons encore. L'Ontario augmente de 61 à 71; nous passons de 210 à 195. Cela montre qu'on augmente le nombre de nos petites usines, mais que nous perdons de notre poids relatif dans les grosses usines. Sommes-nous vraiment en train de nous marginaliser, comme industries ou, au contraire, de créer plus de petites entreprises, peut-être pas viables pour l'avenir, et pas assez de grosses entreprises, tandis que l'Ontario a l'air d'aller dans le sens contraire, si on se fie aux chiffres que j'ai?

M. Biron: C'est ce que je vous disais tout à l'heure. L'Ontario a tendance à améliorer le nombre de ses grandes entreprises. Elle a une meilleure structure d'entreprises. C'est pour cela - on constate ces chiffres - qu'on a lancé un programme de regroupement d'entreprises. Autrement, vous avez raison quand vous dites que les petites entreprises vont se marginaliser. Elles n'ont pas de chance d'avenir. On veut absolument encourager des entreprises à se regrouper. Mais, pour le faire, il y a une question de culture, d'histoire, de passé. Alors, on intervient financièrement pour aider à payer une partie de l'étude de regroupement et, ensuite, pour essayer de les mettre ensemble et de les faire travailler ensemble davantage.

M. Lincoln: M. le ministre, ce que vous venez de nous dire, c'est qu'il y a eu ce glissement de 1975 à 1980. Vous devenez ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme en 1981, n'est-ce pas, après les élections. Là, c'est la nouvelle vague, la vague Biron. Vous allez regrouper ces industries. Ce que vous voulez nous dire, c'est que le prochain rapport qu'on aura, c'est-à-dire de 1980 à 1985, nous montrera que le Québec a arrêté ce glissement. C'est ce que vous voulez dire? Vous voulez dire que c'est arrivé en 1980. On a eu une situation détériorée, mais à partir de quand recommence-t-on?

M. Biron: Ce programme date de 1981.

M. Lincoln: Ah bon! Là, on ne peut pas juger des résultats. Il faudra qu'on attende l'avenir. Il n'y a pas moyen de vous contredire. Vous gagnez pour aujourd'hui, parce qu'il n'est pas question, comme cela a commencé en 1981, d'aller voir.

M. Biron: Je peux peut-être vous donner rendez-vous en 1986, si vous voulez venir me questionner encore une fois.

M. Lincoln: En 1986, oui. Si vous êtes encore là. Moi, je serai certainement ici, le député de Nelligan sera réélu.

Donc, en 1980, il y a sûrement ce glissement. Vous me dites qu'on prend des mesures pour le regroupement. Vous pensez que cela aura pour effet de créer des plus grosses unités et de rétablir l'équilibre?

M. Biron: II faut créer de plus grosses unités. Il faut s'assurer qu'il y ait un financement adéquat à ces grosses unités, parce que, si elles sont financées sur marges de crédit, cela ne marchera pas. Il faut s'assurer que ces entreprises - je pense qu'on a parlé du financement amplement ce matin et à l'occasion du discours sur le budget -ne soient pas sur une base artisanale, mais soient développées technologiquement. On a notre centre de productivité du textile, notre centre de productivité du vêtement qui les aidera, plus les autres programmes là-dessus.

En plus, ce qui est intéressant - je ne vous l'ai pas dit aujourd'hui, je pense à cela - c'est vis-à-vis de la mode. Nos gens qui dessinent et qui conçoivent des modes nouvelles, souvent, ne peuvent pas faire de

collections, parce que cela coûte environ 100 000 $ pour faire une collection et c'est trop risqué pour la taille de l'entreprise qu'on a. Avec le programme de recherche et de développement, de subvention ou de garantie de prêt pour des prototypes, nous allons considérer une collection de vêtement conçue et fabriquée par des Québécois comme un prototype québécois et on pourra avancer les sommes d'argent nécessaires pour réaliser cette collection. On espère que, ce faisant, on va améliorer la qualité et donner le goût à des Québécois de concevoir et, à des entreprises québécoises, de fabriquer ce genre de mode.

Dans ce sens, oui, on veut développer la technologie; oui, on veut regrouper des entreprises, mais on veut aussi les aider à se financer comme il faut.

M. Lincoln: Mais si vous parlez de financement, il y avait le programme de modernisation pour les industries du textile, de la bonneterie et du vêtement qui était pratiqué par la SDI, le programme de modernisation du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme de mai 1980. Ce programme, amorcé par M. Duhaime, d'après ce que je comprends, a été stoppé.

M. Biron: Ce programme, c'est moi qui l'ai arrêté lorsque le gouvernement fédéral a institué à peu près le même. Je ne veux pas critiquer le gouvernement fédéral pour rien, mais je veux seulement vous raconter ce qui s'est passé. Le gouvernement fédéral a institué son programme de modernisation de textile, bonneterie, vêtement, par l'OCRI, en juin ou juillet 1981. Lorsque j'ai su cela, j'ai rencontré M. Lumley, ministre de l'Industrie et du Commerce fédéral, et je lui ai dit: Écoutez, le programme que vous voulez instituer, c'est exactement le même que celui du Québec. Voulez-vous, on va essayer de travailler ensemble et on va améliorer nos programmes? On va faire un programme conjoint, fédéral-provincial, on va en payer chacun 50%, on va avoir un seul formulaire avec deux copies, une à Ottawa, une à Québec, on va faire une étude conjointe, si vous voulez, et prendre une décision, conjointe et il y aura deux chèques et deux visibilités, un drapeau, un rouge et un drapeau bleu. Je n'ai jamais reçu de réponse de M. Gray, à l'époque. Il n'a jamais voulu travailler avec le Québec. Quelques mois plus tard, il a institué son OCRI et sa façon de travailler.

Cela n'avait pas de bon sens de subventionner deux fois des entreprises. On subventionne jusqu'à 50%, dans certains cas, des entreprises. Cela n'avait pas de bon sens de les subventionner deux fois. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a coupé notre programme de ce qui existait à Ottawa et on a gardé les volets du programme qui n'existaient pas à

Ottawa. Ce qui m'a choqué le plus du programme fédéral l'OCRI, c'est que j'ai rencontré un sous-ministre fédéral, un de mes amis, qui m'a dit: Je vais te dire la raison pour laquelle on a institué notre programme sans travailler avec le Québec, c'est que le Québec, avec son programme de modernisation de textile, vêtement, bonneterie, avait pris le leadership vis-à-vis des industriels de ce secteur et le gouvernement fédéral ne pouvait pas laisser le leadership au gouvernement du Québec. Cela a été un peu choquant pour moi d'entendre cela. Je vous raconte exactement ce qui s'est passé. Cela n'avait pas de bon sens de subventionner deux fois. On a suspendu la partie du programme qui était couverte par le gouvernement fédéral. Maintenant, on a d'autres parties de programme. Mais, pour vous dire à quel point on ne veut pas être contre le gouvernement fédéral, nous encourageons nous aidons même nos entreprises à remplir les formulaires nécessaires pour faire appel à l'OCRI. C'est notre argent à nous. Donc, nous encourageons nos entreprises. On a des gens qui travaillent là-dessus pour dire: Tu vas te moderniser, mais fais appel à l'OCRI; il y a là de l'argent. Et on subventionne ce que l'OCRI ne subventionne pas.

M. Lincoln: Entre le programme fédéral et votre programme supplémentaire d'aide à l'industrie, qu'est-ce qu'on a présentement comme programme global pour l'industrie du vêtement? Qu'est-ce qui est disponible en ce moment pour l'industrie qui veut se moderniser, se mettre au pas?

M. Biron: II y a surtout le programme fédéral pour les subventions à l'investissement. Le gros de l'argent est là. Nous complétons le regroupement. On paie une partie des études. On encourage les gens, on les aide même à faire appel au gouvernement fédéral. On les aide - c'est une aide technique - dans la conception de leurs idées de développement. On assiste l'industriel jusqu'à l'OCRI. Souvent, nos gens peuvent aller même jusqu'à l'OCRI pour plaider en faveur de l'industriel, afin qu'on profite au maximum des programmes qui existent aux deux niveaux de gouvernement.

M. Lincoln: Mais, en fait, sur la question d'investissement du ministère, aujourd'hui, dans l'industrie, au point de vue de l'assistance pour la modernisation, il n'y a pas de programme.

M. Biron: Tout le programme vis-à-vis de la modernisation est couvert par l'OCRI. C'est déjà couvert. Alors, je pense qu'on n'a pas besoin de le couvrir deux fois. C'est presque une copie conforme de notre programme, institué deux ans plus tard.

M. Lincoln: Je n'ai pas envie de m'attarder sur ce rapport, mais seulement il en ressort beaucoup de conclusions. Par exemple, ici, on dit: La production québécoise globale est supérieure de près de quatre fois à celle de l'Ontario. Alors, l'Ontario reste derrière nous au point de vue de la production dans l'industrie du vêtement. Mais là, on dit que, en dollars constants de 1971, la progression de la valeur des livraisons entre 1975 et 1980 au Québec atteint un taux de 4,3% seulement, tandis qu'en Ontario on constate une progression plus rapide de la valeur réelle des livraisons qui s'établit à 21,7% entre 1975 et 1980. Ce que j'ai envie de savoir, c'est s'il y a un chiffre de la même industrie qui va vers l'Ontario, de notre industrie québécoise qui nous quitte pour aller là-bas. C'est cela qui semble se détacher des intervenants de l'industrie. (23 heures)

M. Biron: Non, on n'a pas de chiffres sur le nombre d'entreprises qui se sont déplacées de l'Ontario vers le Québec, ou du Manitoba et du Québec vers l'Ontario, ou du Québec vers le Manitoba; on n'a pas de chiffres précis là-dessus.

M. Lincoln: Est-ce qu'on pourrait en avoir, M. le ministre, parce que là il y a un phénomène très clair que ce rapport met en évidence. Il semblerait qu'il y ait un glissement du Québec vers l'Ontario et de l'Ontario vers le Manitoba pour des raisons de meilleures conditions de subventions, d'appui financier. Est-ce qu'on ne pourrait pas porter cette étude plus loin - cette étude date de 1980 - pour voir exactement ce qui se passe? Est-ce que la raison est vraiment que l'industrie ontarienne a de plus grosses unités, est mieux située au point de vue de la technologie ou bien est-ce un "shift" de notre industrie parce que de meilleures usines commencent pour la même firme en Ontario et que maintenant le même processus se fait au Manitoba? Est-ce qu'on ne peut pas continuer cela pour aller voir, finalement, où on se situe par rapport aux leaders de notre industrie à Montréal? Est-ce qu'ils nous quitteraient pour aller à Toronto et ailleurs?

M. Biron: Les meilleures de nos entreprises, les leaders ont modernisé à Montréal ou au Québec et ils sont certainement des citoyens permanents dans ce sens. Il reste que ceux qui ne se sont pas modernisés, qui n'avaient que des moulins à coudre, un bon soir, on met cela dans un camion et on s'en va. C'est sûr que, lorsqu'on a des problèmes ouvriers - c'est arrivé malheureusement qu'on en a eu au Québec - un bon soir, le chef d'entreprise, qui est dans une bâtisse louée, souvent, dans le domaine du vêtement, ramasse tout son équipement et est disparu le lendemain matin. Il y a eu des déménagements en ce sens.

Il y a eu aussi le problème des zones spéciales et cela vient tout simplement de se terminer avec l'annonce de M. Lumley qui a aboli les zones spéciales. On ne sait pas quel impact cela va avoir. Cela aussi a contribué à déménager des entreprises du Québec et de l'Ontario vers le Manitoba. Est-ce que le fait de les enlever va avoir un effet contraire? Je ne le pense pas. Est-ce que cela va arrêter le déménagement? C'est fort possible. Si on faisait l'étude, il faudrait vraiment la faire avec les faits nouveaux qui sont survenus au cours des dernières semaines. Aussi, vis-à-vis des syndicats ouvriers, il me semble qu'il y a une beaucoup plus grande responsabilité vis-à-vis de l'entreprise maintenant, à cause de la crise économique qui a fait réfléchir bien du monde. Cela aussi est un élément important du choix d'un chef d'entreprise d'investir dans un endroit ou dans un autre.

M. Lincoln: II y a des intervenants du secteur que nous avons vus et qui nous ont dit certaines choses spécifiques qu'ils ont déjà portées à votre attention dans ces réunions. Je ne sais pas à quel degré ils ont dit leur anxiété là-dessus, s'ils ont mis cela par écrit ou si cela a été purement verbal. Je ne le sais pas. Mais voilà ce qu'ils nous ont dit: II y a, d'abord, la question de la sous-traitance. Ce matin, on a parlé de cela. Cela m'a été confirmé par une autre source que, les centres d'achat, par exemple, Eaton et Simpsons, qui étaient situés à Montréal, ou bien ils ont déjà déménagé ou bien ils sont à compléter leur déménagement vers Toronto. C'est un facteur qu'il faudra vérifier parce qu'apparemment cela a un impact direct sur l'industrie du vêtement. Quand vous avez des acheteurs qui sont sur place, ils viennent acheter sur place.

M. Biron: Les grands...

M. Lincoln: Je parle des acheteurs, du centre d'acheteurs. Je ne parle pas des centres commerciaux. Excusez.

M. Biron: D'accord. Non, non. Les acheteurs de La Baie, en ce qui concerne le vêtement, sont à Montréal. Les acheteurs de Sears et Simpsons, dans certains domaines, sont à Montréal. Il y a eu des déménagements de part et d'autre, mais ce qu'on nous a dit, en tout cas de la part de ces grandes firmes, c'est que celui qui achetait le vêtement achetait de Montréal pour l'Ontario, le Québec et les Maritimes. Par contre, celui qui achetait un autre produit, disons le meuble, je pense qu'il allait à Toronto.

Alors, il y a des centres de décision

qui achètent non seulement pour une région maintenant, mais pour plusieurs régions dans un endroit donné et le centre de décision pour un autre genre de produit est dans un autre endroit. Dans ce sens, dans le secteur du vêtement, il y a des centres de décision qui sont à Montréal, mais je devrais vérifier Eaton et vous le donner cas par cas. Mais, c'est certain que Sears est à Montréal et que La Baie est à Montréal aussi.

Juste pour vous donner une idée, Sears achète pour 800 000 000 $ à partir d'un centre de décision du Québec; La Baie achète pour au-delà de 1 000 000 000 $ à partir d'un centre de décision du Québec. Bien sûr, ils n'achètent pas seulement au Québec, ils achètent à l'extérieur aussi, mais c'est spécialisé dans certains produits.

M. Lincoln: En tout cas, je vous dis que nous obtenons cette information de l'industrie du vêtement parce que ces gens sont très anxieux, ils ont peur que cela commence une vague. Vous savez, un commence... Notre information est que Eaton avait des acheteurs ici qui faisaient tous les achats pour le Québec à Montréal, que maintenant ils ont consolidé tout cela à Toronto, qu'ils font leurs achats par ordinateur centralisé de Toronto. Les producteurs ont besoin de se déplacer. Alors, cela a créé une espèce de pôle d'attraction central et parfois c'est beaucoup plus simple pour les usines de se placer là où est le centre, là où il y a la marchandise à vendre. Nous avons aussi dit que c'était la même chose pour Simpsons. Seulement, il faut dire que Simpsons et La Baie maintenant, c'est la même compagnie; ils appartiennent au même groupe. C'est possible que ces deux-là soient rattachés, mais, en tout cas, je peux vous dire que ce sont des intervenants de l'industrie qui nous ont dit que, pour eux, c'était quelque chose de capital. Ils nous ont aussi parlé de Simpsons. Je ne sais pas si c'est total ou partiel dans le cas de Simpsons, mais, dans le cas de Eaton, c'est certain qu'il y a une centralisation vers Toronto. Ils ont très peur qu'à un moment donné, avec ces grosses boîtes, une fois que cela commence, cela continue.

Alors, je pense que c'est quelque chose qu'il faudrait vérifier, dont il faudrait peut-être s'assurer, faire des représentations auprès des compagnies et voir à ce qu'elles restent à Montréal, certainement pour l'industrie du vêtement. C'est une question capitale, d'après ce qu'ils nous disent.

M. Biron: D'accord. Je le prends en note pour vérifier à nouveau Eaton, en particulier. Mais je peux vous dire, seulement à titre d'information, que, pour la fourrure, La Baie a déménagé son encan à Toronto et, cette année, a dû revenir avec l'exposition internationale, à Montréal parce que la main- d'oeuvre, parce que les manufacturiers sont surtout à Montréal. La Baie se demande si elle ne reviendra pas avec sa fourrure à Montréal.

C'est sûr qu'à cause des technologies nouvelles d'informatique et de bureautique, il y a du va-et-vient qui va se faire, mais il faut s'assurer, comme vous le mentionnez, qu'on puisse ne pas perdre au moins le potentiel de dollars qu'on a chez nous.

M. Lincoln: Je vous dis les choses comme elles ont été dites. J'avais un dossier que j'ai laissé dans mon bureau, mais mon collègue de Mont-Royal, qui avait les mêmes notes, a refait les notes pour être sûr que ce sont les mêmes points; il y avait un, deux, trois, quatre points principaux qui étaient mis en ligne de compte. Je n'ai pas envie de commencer une longue discussion avec notre collègue de Châteauguay. C'est une question qui a été mise en ligne de compte par les intervenants de l'industrie. Ils disent, par exemple, toutes les mesquineries qu'ils subissent de la part de l'Office de la langue française sur la question de la francisation de leur entreprise. Par exemple, savez-vous que maintenant, pour exporter dans l'industrie du vêtement, même la facture pour l'exportation aux États-Unis, l'OLF dit qu'il faut que cela soit fait en français? Ils nous disent qu'ils ont abordé la question devant vous au cours de la réunion avec le ministre Landry. Personne ne conteste le fait français, personne ne met en doute que la loi 101 va demeurer, mais, sur des petites chicaneries comme cela, est-ce qu'on ne pourrait pas avoir le bon sens de dire que, si on fait de l'exportation aux États-Unis, on a une facture en anglais? Si l'Américain a besoin de traduire sa facture, il achètera du Japonais qui, lui, enverra sa facture en anglais. C'est une chose qui ajoute au coût de l'affaire parce qu'ils sont obligés de faire des factures fictives traduites parce qu'on envoie des factures en français. Cela n'a pas de sens si on fait de l'exportation. Je veux bien qu'on dise que nos factures internes au Québec sont en français, tout le monde est d'accord. Mais, si vous facturez pour l'exportation, voilà qu'on nous dit: "Unilingual invoices outside of Quebec". Ils ont discuté de cela avec l'OLF en disant que cela n'avait pas de sens. Avez-vous fait des interventions auprès de l'OLF pour dire: C'est un "irritant" à l'exportation, c'est sûr?

M. Biron: Je me souviens de l'intervention qui a été faite à l'occasion d'une rencontre. J'en ai parlé avec mon collègue, Gérald Godin, qui m'a dit que la loi 101 ne disait pas cela. Il y a eu un inspecteur, ce n'est pas la loi... Moi aussi, j'ai vécu une expérience comme celle-là avec un de mes bons amis, qui est courtier en

valeurs mobilières et qui a un terminal branché sur l'ordinateur de la bourse de New York. Quand l'information sort à l'autre bout, sur le logiciel, cela sort en anglais. Il y a un inspecteur de l'Office de la langue française qui est passé là une bonne fois et qui lui a dit qu'il fallait que cela sorte en français. À partir de là, mon ami, le courtier en valeurs mobilières, me disait que la loi 101, c'était fou, que cela n'avait pas de bon sens, qu'il fallait que je change cela. Je lui ai dit que ce n'était pas la loi 101 qu'il fallait changer, mais l'inspecteur.

C'est le même cas vis-à-vis de votre manufacturier. J'ai fait la même réponse et Gérald Godin m'a fait la même réponse. Il a dit: Ce n'est pas possible. Ce n'est pas la loi 101 qui dit cela; c'est un inspecteur qui, lui, a sa vision des choses. Mon collègue, M. Godin, m'a dit qu'il communiquerait avec l'Office de la langue française pour faire en sorte qu'on se serve au moins de son intelligence, plus particulièrement lorsqu'on vend sur les marchés américains. Je pense que la loi 101 ne s'applique pas pour les marchés américains. Dans ce sens-là, il n'y a pas d'obligation de facturer en français pour le marché américain.

M. Lincoln: Je suis très content de cette confirmation. Je pourrai dire aux intervenants qui nous ont parlé de cela que j'ai la confirmation du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qui cite le ministre responsable de l'application de la loi 101, qu'ils peuvent oublier tout cela.

M. Biron: II faut changer l'inspecteur au lieu de changer la loi.

M. Lincoln: Ils ne pourront pas changer l'inspecteur; j'espère que vous vous occuperez de cela et passerez le message. Je vais leur dire de continuer à faire leurs factures pour l'exportation en anglais. Ils disent que c'est un réel problème pour eux. Il est bon de savoir qu'ils peuvent ignorer la chose.

Ils parlent aussi du coût de production par unité par rapport à l'Ontario. Ils nous disent que le coût de production par unité -je ne suis pas un technicien du vêtement; j'ai été dans les usines, mais je ne peux pas vous dire que je sais exactement ce que cela veut dire, mais vous, vous connaissez le métier de beaucoup plus près - par rapport à l'Ontario, est de 1,00 $ à 1,50 $ supérieur. Encore une fois, ce sont toutes des notes que nous avons obtenues des intervenants de l'industrie du vêtement, qui nous ont demandé de discuter de cela. Nous avons pensé que l'étude des crédits était l'occasion idéale pour vous les livrer. Ils disent que c'est cela qui provoque cette espèce de glissement de l'industrie ailleurs parce que notre coût de production, au Québec, est beaucoup trop haut en raison de beaucoup de choses: la réglementation du travail, la question des avantages sociaux supérieurs, les indemnités d'assurance-maladie, notre salaire minimum comparé à celui de l'Ontario, etc. On dit que totalement le coût de production monte de 1 $ à 1,50 $ de plus. Est-ce que vous pourriez commenter cela et nous dire ce que nous allons faire pour l'industrie du vêtement pour essayer d'équilibrer la chose, parce qu'on dit que c'est cela, la cause même de ce glissement vers l'Ouest? (23 h 15)

M. Biron: Vous n'ignorez pas qu'il y a eu des problèmes dans les décrets de l'industrie du vêtement. Le gouvernement a dû nommer un tuteur et, finalement, cela semble vouloir se replacer un peu. C'est relié à deux choses, l'application des décrets ou la négociation des décrets avec un syndicat responsable. Premièrement, maintenant il y a des syndicats responsables dans le secteur du vêtement; deuxièmement, l'état de modernisation de nos entreprises n'est pas aussi avancé que l'état de modernisation des entreprises de l'Ontario. Mais, même si on modernise, s'il n'y a pas des syndicats sérieux qui vont négocier avec les chefs d'entreprise dans ce domaine, il y aura toujours une différence et il faut améliorer la productivité de nos entreprises.

Or, je sais qu'à l'occasion du sommet on a même intentionnellement organisé une journée complète de discussion, de part et d'autre de la table, avec les principaux ministres qui s'occupent du travail ou de la sécurité du revenu, les industriels et les représentants des syndicats ouvriers. Il y a eu d'excellents échanges à mon point de vue au cours de cette journée, qui me laissent présager qu'il va y avoir, de part et d'autre de la table, des discussions. Les syndicats sont conscients d'une perte de main-d'oeuvre et qu'il faut avoir une plus grande responsabilité du monde syndical. Les chefs d'entreprise sont conscients aussi qu'ils doivent négocier leurs décrets le mieux possible avec les représentants des syndicats. À ce point de vue là, je demeure confiant qu'on pourra réussir à corriger des choses dans un proche avenir.

M. Lincoln: Je pense qu'on a parlé de cela avant, mais j'ai oublié ce que vous m'avez dit exactement. Qu'est-ce que vous faites par rapport à l'imposition du tarif spécial "d'ornement" par les Américains, de 20%? Est-ce que vous ou le ministre Landry avez fait des représentations aux États-Unis, au Secrétaire d'État au commerce?

M. Biron: M. Landry a communiqué directement avec M. Reagan à Ottawa pour cette question, en demandant au gouvernement fédéral d'intervenir et de l'appuyer dans ses démarches. Il a écrit lui-

même au Secrétaire d'État au commerce américain et, aux dernières nouvelles que j'avais avant son départ pour l'Europe, il y a une dizaine de jours, il me disait qu'il s'attendait à rencontrer les autorités américaines avec des représentants du gouvernement fédéral pour plaider la cause des exportateurs canadiens et principalement québécois, dans ce domaine. C'est une vieille clause qui existe depuis 40 ou 50 ans, mais qui a été retirée des boules à mites par...

M. Lincoln: Oui, oui.

M. Biron: ...un douanier. Finalement, c'est appliqué maintenant. Cela nuit considérablement à nos exportateurs.

M. Lincoln: Pouvez-vous me dire si c'est appliqué maintenant de façon systématique ou irrégulière, si on s'attaque à un secteur plutôt qu'à un autre ou si c'est une affaire qu'on fait au pied levé?

M. Biron: C'est appliqué d'une façon irrégulière. C'est cela qui est compliqué parce que l'exportateur ne sait jamais d'une fois à l'autre si cela va être appliqué. Or, ce qu'on veut pour pallier à tout cela, c'est essayer d'avoir une porte d'entrée aux États-Unis pour qu'au moins on sache exactement quel est le "pattern" de cette porte d'entrée pour que l'exportateur, lorsqu'il prend une commande, puisse savoir exactement si cela sera 22% ou 42,5%. Si on peut l'éliminer, la clause "d'ornement", tout le monde est assuré que c'est 22%. Là-dessus, M. Landry fait des démarches présentement.

Ah oui! Cela touche surtout le genre de produit qu'on veut viser sur le marché américain. Si le produit est d'une plus haute qualité, dans le secteur de la mode, si vous avez sur une chemise les deux lettres MR, pour Michel Robichaud, tout de suite, c'est un ornement et vous êtes imposé à 42,5%. C'est incroyable, en tout cas.

M. Lincoln: Est-ce que c'est fait par des douaniers individuels ou s'il y a une politique? Comment cela se produit? Est-ce que c'est devenu une politique globale des États-Unis?

M. Biron: On nous a dit que ce n'est pas devenu une politique globale des États-Unis. Cela a été décidé par un douanier; après cela, ce n'est pas régulier et ce n'est pas partout. Donc, on ne sait jamais. C'est vraiment de l'incertitude pour les exportateurs. On veut essayer de faire définir si c'est enlevé complètement ou, au moins, savoir où on va sur certaines pièces de vêtement où cela n'existe pas du tout. On pourrait au moins exporter certains produits.

Politique d'achat du gouvernement du Québec

M. Lincoln: Est-ce qu'on pourrait passer à quelque chose d'autre? Je pense que ce sont les questions que j'avais à vous poser sur l'industrie du vêtement. J'aurais voulu regarder un peu ma liste pour revenir à ce qu'on avait d'abord commencé. D'après ce que je comprends de M. Beaulieu, toute la question de la politique d'achat, est-ce qu'on ne pourrait pas démarrer là-dessus? On a une demi-heure. On pourrait parler un peu de cela en général, quitte à continuer la semaine prochaine un peu plus en détail? Je m'excuse, M. Beaulieu, je vous avais dit qu'on ne parlerait pas de cela ce soir, mais je n'avais pas réalisé qu'on irait jusqu'à minuit. Si on pouvait en parler en général... Si on n'a pas fini, on ira... J'ai envie de vous apporter des cas spécifiques que des gens nous ont soumis, qui sont venus nous porter ce dossier.

D'accord. Si on peut parler plus généralement de la politique d'achat du gouvernement du Québec, cela nous arrive de plusieurs secteurs. Il y a comme une espèce d'idée d'ensemble qui se détache de cela. Par exemple, je veux vous dire qu'il y a des gens de l'industrie du caoutchouc qui sont venus en groupe à Québec. Il me semble qu'ils viennent ici presque chaque année. Ils nous ont parlé - je peux vous donner l'exemple - d'un des intervenants qui étaient là, d'une des personnes qui étaient là; ils étaient un groupe de 13 ou 14 qui représentait une des grosses industries manufacturières de pneus. Je ne veux pas la citer, parce que je ne lui ai pas demandé la permission de le faire, mais, en tout cas, c'est un des gros producteurs. Il nous disait: Voilà ce qui se passe - disons que c'est Goodyear, Firestone ou Michelin - disons qu'on a une usine au Québec, une autre usine en Ontario, une dans les Maritimes ou ailleurs. L'usine du Québec, pour être vraiment rentable, considérée par eux comme une multinationale, comme un des points, un des centres de production d'un secteur global... C'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas dire que le Québec se situe séparément du reste de leurs unités de production. Tout cela fait partie d'une unité globale.

Donc, ils peuvent décider de produire des pneus radiaux de camion ou d'automobile d'un certain calibre ou certains genres de pneus radiaux d'automobile. On va produire des pneus de camions en Ontario, des pneus d'autobus et de tracteurs ailleurs. Toutes ces unités de production sont centrées sur des balises de production globale qui se rencontrent, parce qu'on a décidé, pour une raison ou une autre, de produire ici telle chose et là telle chose. Aussi, sur l'axe nord-américain... Étant une firme nord-américaine, comme General Motors le fait

pour son centre de production à Sainte-Thérèse, on produit un certain modèle. On ne produit pas tous les modèles à Sainte-Thérèse. Ce qui arrive, d'après ces intervenants - ils nous citaient des cas typiques - c'est que le gouvernement du Québec et toutes ses filiales, ses subsidiaires, les sociétés d'État, etc., toute l'administration publique représente, d'après ce que nous comprenons, un chiffre d'achat global d'environ 4 000 000 000 $. Ce sont des chiffres... Attendez une minute. 400 000 000 $; 10%, ce serait 400 000 000 $. Oui, si on parle de tous les achats globaux. On ne parle pas d'un secteur. Si on parle de tout ce qu'Hydro, le gouvernement, l'administration publique achètent, c'est un très gros secteur. Si on parle... Je sais que les gens de la chambre de commerce m'ont dit, par exemple, que la question de la protection de la politique d'achat du Québec, cela représente 400 000 000 $. Cela représente 10%, plus ou moins, d'une grosse somme globale d'achat du gouvernement qui représente des milliards de dollars.

Mais là, on ne parle pas de tout cela. On parle d'un secteur spécifique, je vais vous donner un exemple spécifique. Disons que, dans l'industrie des pneus, le gouvernement du Québec achète des pneus pour des camions du ministère des Transports, des camions d'Hydro-Québec, etc. C'est immense, les achats globaux que le gouvernement représente dans tous les secteurs. Là, vous avez une usine. Que ce soit Goodyear, Firestone, Goodrich qui a une usine au Québec. C'est peut-être la plus grosse usine au Canada. En fait, dans le cas spécifique qu'on nous avait présenté, c'était la plus grosse usine que les gens avaient au Canada. Eux, ils ont besoin de faire une soumission pour des pneus de camions pour HydroQuébec ou pour le gouvernement du Québec. Parce que leur usine au Québec ne produit que des pneus d'automobiles, ils sont obligés de faire venir des pneus de camions de l'Ontario ou de je ne sais où. Là, on dit: Ce ne sont pas des pneus québécois. Vous êtes soumis à la politique d'achat du Québec. Alors, ils disent que, pour réellement se soumettre à la politique d'achat du Québec, il faudrait que leur centre de production soit un petit centre de production multiple: pour les autos, les camions, etc. Ceci deviendrait tout à fait un non-sens au point de vue de la politique globale de production. C'est un exemple typique que je vous donne, un exemple factuel.

Un autre exemple qu'on nous donne -et là, je vais revenir au cas de Sceptre -c'est une industrie qui fabrique certains tuyaux industriels. Un pourcentage de 65% ou 70% de ses matières premières vient de Shawinigan, de la résine qui est produite par Goodrich. J'ai des notes. En tout cas, je vais retrouver la note qui m'a été donnée par le P.-D.G. de la firme en question. Mais, enfin, disons que c'est une marge très importante de ses matières premières qui vient du Québec; des produits, des matières premières fabriqués au Québec. Dans ce cas, on me dit que ce sont des produits résineux qui sont fabriqués à Shawinigan par B. F. Goodrich. Ce sont des tuyaux PVC qui sont fabriqués à base de produits de résine et ces gens disent que c'est quelque chose de l'ordre de 60% ou plus. La résine est faite au Québec par B. F. Goodrich de Shawinigan. Le dioxyde est fait à Montréal et le contenu québécois est très important. J'ai des chiffres de l'ordre de 60%. Ils disent: Voilà, nous produisons, notre usine est en Ontario en ce moment. Alors, ils font une soumission. Ils sont les plus bas soumissionnaires. Ils respectent toutes les clauses du contrat. Ils sont les sous-traitants pour un entrepreneur québécois qui, lui, obtient le contrat. Comme ils ont accepté toutes les clauses de la soumission, ils fabriquent le produit dans leurs usines, ils envoient cela par camion au Québec - on ne parle pas d'un cas de grande valeur, on parle de 35 000 $ seulement - pour commencer la construction; c'est employé dans l'assainissement des eaux. Après cela, quand le produit est sur le site, l'entrepreneur ne décide pas; le gouvernement du Québec dit que ce produit n'est pas acceptable du point de vue de la politique d'achat du Québec. Il a besoin de reprendre le produit, de le renvoyer en Ontario et le produit reste là parce que c'est un produit spécifique du Québec. (23 h 30)

Nous avons eu un autre cas, l'autre jour, qui nous a été soumis par une manufacture dans le domaine de la climatisation. On nous a parlé aussi d'une autre firme, mais celle-ci ne veut pas qu'on divulgue tous les détails; c'est une firme internationale située en partie aux États-Unis, en partie en Europe.

De tout cela se dégage que la politique d'achat est une politique très rigide, qui est en train de nuire aux investissements qui peuvent se faire au Québec. Prenez le cas de Sceptre, si on peut parler d'un cas spécifique. Sceptre a un local à Saint-Laurent, à côté de Montréal, un bureau et un entrepôt. En 1979, elle a acheté un site de cinq arpents à Aspen Street, à Saint-Laurent; l'idée était d'élargir son entrepôt et, en même temps, de bâtir une usine pour le Québec quand son produit aurait atteint un chiffre de vente assez intéressant ici. Elle a même été jusqu'au point d'avoir des dessins préliminaires, des plans préliminaires, des designs, etc. Elle a fait son premier stage de design, le site a même été nivelé, tous les préparatifs préliminaires ont été faits. Cela aurait créé environ 50 ou 60 jobs. Après cela, elle a eu l'idée que cela valait

peut-être la peine, puisque qu'elle avait deux sites séparés à Saint-Laurent, de consolider le tout dans un centre industriel à Laval. Il y a deux ans de cela, elle a rencontré M. Landry, qui était alors ministre du Développement économique, avec l'idée de consolider toutes ses opérations à Laval et de bâtir une usine. Ce qu'elle avait proposé, c'était qu'on lui permette de vendre son produit au Québec comme produit acceptable, puisque c'est un produit très spécialisé qui n'est pas manufacturé ici, pourvu qu'elle s'engage à ce que le contenu québécois soit au moins de 60% à 70%, et, une fois qu'elle aurait obtenu une part assez intéressante du marché, elle aurait bâti une usine dans deux ans. Le projet, d'après ce qu'on me dit, n'a pas été accepté avec les conséquences que je vous dis sur la question du rejet de projets selon la politique d'achat.

Il y a quatre cas spécifiques qui sont venus à notre connaissance. Il y a le cas de l'industrie du caoutchouc qui nous a dit cela plusieurs fois, il y a le cas d'une grosse multinationale qui ne veut pas être citée -mais je suis en train d'essayer d'obtenir l'approbation de la firme pour citer son nom - il y a le cas de Sceptre ici et de ses tuyaux, il y a le cas d'une entreprise dans le domaine de la climatisation qui nous écrivait récemment pour citer des cas de soumissions qui ont été encore rejetées à cause de la politique d'achat du Québec. Il y a beaucoup d'intervenants qui commencent à nous dire que cette politique d'achat est beaucoup trop rigide. Ce qui va arriver, nous vendons tellement à l'Ontario, c'est que, si les Ontariens nous disent: Bon, nous allons faire la même politique, acheter seulement en Ontario, quand ils ont une politique d'achat de produits canadiens, on va se retrouver dans une espèce de guerre qui ne profitera ni à l'un ni à l'autre. C'est pourquoi j'ai pensé que c'était le moment... J'ai dit à ces gens de Sceptre qui nous ont parlé de cela... Je connaissais un intervenant dans le domaine de la matière première, je le connaissais très bien; c'est lui qui m'a présenté à ces gens de Sceptre qui avaient un problème et qui voulaient qu'on discute le principe de la chose. J'ai pensé que ce serait le temps idéal de parler de cela au moment des crédits et de voir comment on peut en arriver à une politique qui sera plus constructive du point de vue... Tout d'abord, se servir - appelez cela les importations -des importations pour créer de la nouvelle technologie et, deuxièmement, pour le domaine de l'investissement au Québec.

M. Biron: Je suis heureux que vous souleviez ce problème parce que j'en ai discuté longuement la dernière fois que j'ai rencontré mon collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce de l'Ontario, pour essayer de le convaincre d'abandonner sa politique d'achat en lui disant: On va essayer certains secteurs, si tu veux, et je ne veux pas que tu les abandonnes du jour au lendemain. Vous avez une politique très stricte en Ontario qui n'est pas publiée et on va essayer certains secteurs d'activités.

Le premier secteur qu'on a choisi, c'est le secteur de la santé, tout le secteur de la santé, les hôpitaux et tout cela. C'est plus facile à contrôler parce que c'est un secteur contrôlé par le public à peu près à 100%, à la fois dans les deux provinces. Et on s'était entendu sur le principe mais, depuis ce temps, il y a des entreprises québécoises qui ont eu énormément de problèmes avec la politique d'achat de l'Ontario, à tel point qu'elles sont maintenant bannies des hôpitaux ontariens parce que l'Ontario a décidé d'y aller avec des soumissions, non pas publiques mais privées, seulement avec des firmes qui produisaient en Ontario. Alors, on a beaucoup de problèmes et j'ai à l'ordre du jour une prochaine rencontre avec le ministre ontarien, encore une fois, et je vous assure que vais être très dur à son égard parce que je pense que, si on veut jouer le jeu, il va falloir le jouer franchement des deux côtés et pas tout simplement d'un côté.

Sa réponse à une grande entreprise québécoise dans le domaine des produits de la santé a été de dire: J'ai ma politique d'achat et je ne l'abandonne pas. Je pense que ce n'est pas comme cela qu'on joue le jeu. Je me souviens du cas Bombardier, en particulier à Toronto ou à Scarborough, si je ne me trompe pas, où Bombardier était le plus bas soumissionnaire. J'ai soulevé cette question aussi avec M. Walker en disant: Pourquoi Bombardier qui était le plus bas soumissionnaire n'était-elle pas recevable, pas recevable, pas recevable jusqu'au jour où la ville a réalisé que, si elle présentait une demande au gouvernement de l'Ontario avec UTDC et Hawker Siddeley de l'Ontario, elle pourrait recevoir le contrat, elle pourrait recevoir le O.K. et cela a été accepté à... Il y avait une différence d'environ 60 000 000 $ sur une commande de 150 000 000 $, mais c'était fabriqué en Ontario, cette fois. Je ne blâme pas M. Walker sur ce contrat spécifique parce qu'il a fait en sorte de mettre au monde une industrie de transport en commun qui n'existait pas du tout en Ontario avant. C'était le Québec qui avait cela avec le Bureau de transport métropolitain de Montréal, Bombardier, Lavalin. C'est seulement pour dire que cela existe quand même ailleurs et on a de la difficulté avec la politique d'achat ailleurs.

Sur les points spécifiques que vous avez mentionnés, les gens de la firme que vous mentionnez dans le domaine du caoutchouc sont venus me voir aussi. Je pense qu'on parle de la même firme. Vous m'avez donné assez de détails pour que je puisse savoir ce

que c'est, sans la mentionner quand même au procès-verbal de cette assemblée. Ils sont venus me voir aussi avec leur monde et se sont plaints de la politique d'achat québécoise. Mais, on a fait venir le directeur général des achats ici à Québec de même que les gens qui s'occupent des statistiques d'achat des différentes communautés urbaines parce que, lorsqu'on vend des pneus de caoutchouc, on en vend aussi pour les autobus, dans le transport urbain en particulier, et on leur a prouvé avec nos chiffres qu'ils avaient la grande part du marché québécois, que leur compétiteur qui produit aussi au Québec, lui, aurait peut-être des raisons de se plaindre, mais pas les gens de l'entreprise qui sont venus nous voir. En tout cas, on a mis tous les chiffres. Je ne sais pas de quand date votre rencontre avec cette firme. Pour nous, cela date d'une couple de mois à peu près, où on a vraiment mis tous les chiffres sur la table en disant: Vous êtes privilégiés. Il est vrai que vous ne vendez pas certaines catégories de pneus, mais, par contre, pour les autres catégories, vous avez tout le marché québécois ou à peu près. C'est difficile de demander à l'autre de se tasser davantage. C'est le premier cas.

Le deuxième cas, le cas Sceptre dont vous avez parlé, il est exact que les tuyaux étaient rendus sur les lieux, mais ce n'est pas la faute du gouvernement du Québec. Il y a un protocole d'entente avec les municipalités et avec les entrepreneurs généraux selon lequel ils doivent respecter les devis. Dans le devis, il était clairement indiqué qu'il s'agissait de tuyaux en fonte ductile faits à Trois-Rivières qui devaient être employés pour le contrat spécifique de Valleyfield, ou de la région. Les autres, qui avaient soumissionné dans la région, avaient soumissionné conformément au devis tel que fait et accepté par le gouvernement. Dans ce sens-là, il était difficile en cours de route de changer des choses lorsque les compétiteurs de l'entrepreneur général avaient soumissionné suivant le même devis.

On a voulu pousser plus loin et on a rencontré cette firme-là. On a discuté avec elle de son implication au Québec et de ses achats de matière première au Québec. Le dossier n'est pas complété. Si la firme a décidé de ne pas investir au Québec en 1981, ce n'est pas à cause de la politique d'achat, c'est vraiment que le contexte économique a fait que ses ventes...

M. Lincoln: ...

M. Biron: ...ont diminué non seulement au Québec, mais à l'extérieur aussi. On est en pourparlers présentement avec cette firme pour voir, maintenant que le marché semble en progression, s'il n'y aurait pas lieu de faire une entente pour une production québécoise. Entre-temps, nous sommes réceptifs pour regarder avec elle ce qu'on peut faire pour que cette firme fasse son possible pour investir au Québec et créer des emplois sans nuire aux autres manufacturiers de produits compétitifs. Je pense à la fonte ductile, à l'amiante-ciment, au béton. On sait que, pour les tuyaux d'aqueduc en particulier, on peut utiliser plusieurs sortes de produits qui sont à peu près de qualité égale. J'ai vécu personnellement dans ce domaine-là et on pouvait remplacer la fonte par l'amiante-ciment ou par le plastique. Ce n'est pas nécessairement le plastique contre le plastique ou l'amiante-ciment contre l'amiante-ciment; ce sont vraiment des produits compétitifs mais différents. Dans les produits de fonte ductile, d'amiante-ciment, de béton, on a un contenu québécois de 90%, un très haut contenu québécois; il faut aussi s'assurer que, si on perd des emplois à un endroit, on puisse les regagner à l'autre, sinon nous serons toujours perdants.

De toute façon, le dossier de cette firme n'est pas fermé. Comme le contexte économique semble se replacer un peu, nous sommes prêts à des discussions pour en venir à une entente. Dans chaque cas spécifique qui est porté à mon attention, on revoit tous les dossiers et on essaie, autant que possible, d'en venir à des ententes. Je vous ai mentionné, dans le courant de la journée, le cas Baxter. Dans le fond, à cause de la politique d'achat, nous avons établi une usine à Sherbrooke. Il y a une centaine d'employés dans cette usine plus la sous-traitance qu'elle va donner à d'autres petites usines de la région de Granby. Ce qu'il est intéressant de noter, c'est que finalement toute sa production de pièces pour les solutés - le soluté sera produit en Ontario - toutes les pièces qui n'étaient pas produites en Ontario, mais à Taiwan ou ailleurs à travers le monde, sont maintenant produites au Québec pour tout le marché canadien. C'est un gain net pour l'économie canadienne et bien sûr aussi que c'est un gain net pour l'économie québécoise.

J'ai un cas en mémoire - je ne sais pas si cela vous a été rapporté - les filtres à eau où, là aussi, à cause de la politique d'achat, on a finalement convaincu l'entreprise. On a discuté avec elle sur une base économique; c'est une entreprise qui s'installe dans le parc industriel de Saint-Augustin, pas loin de Québec. Il y aura 35 employés. Ce qu'on essaie de faire, en fait... Bien sûr, les gens trouvent souvent, lorsqu'ils se butent à notre politique d'achat, que cela est très rigide. Je vous dis que notre politique est moins rigide que celle de l'Ontario, mais qu'on veut l'appliquer de façon intelligente. Je pense qu'on ne veut refuser personne. Tout ce qu'on veut faire, c'est d'attirer des gens chez nous en discutant avec ces gens-là. Si vous avez des exemples ou des cas qui vous sont rapportés,

j'apprécierais que vous puissiez communiquer avec moi ou avec mon sous-ministre. On vous dira bien honnêtement, on vous mettra au courant des dossiers, à savoir si on a déjà discuté avec cette firme-là ou si on n'a pas discuté, mais ce qui arrive dans un cas précis. (23 h 45)

Je pense aussi à Loto-Québec qui a acheté pour 30 000 000 $ de terminaux. C'est une firme américaine qui a soumissionné. On s'est entendu avec elle. On lui a dit qu'elle pouvait soumissionner à la condition de faire une entente avec une entreprise québécoise pour produire au Québec les terminaux nécessaires. Ce qui arrive, c'est qu'on produit plus que pour Loto-Québec finalement. C'est Gaming System qui a une petite entreprise à Dorval - je ne sais pas si c'est dans votre comté -Rank Périphérique ou quelque chose comme cela...

M. Lincoln: À côté de chez moi.

M. Biron: ...qui va prendre beaucoup d'expansion. Finalement, comme retombée secondaire à cause de cette entente avec Gaming System en disant: Nous allons vous donner une commande du gouvernement du Québec, mais vous installez des usines de production. Comme retombée secondaire, le cas de Vidéotron, pour produire les modules pour la télévision, cela va être produit avec une association Vidéotron et Gaming System. Or, finalement, on a deux retombées à cause d'un premier achat du gouvernement du Québec, on a une retombée aussi dans le secteur privé. Dans ce sens, je veux juste vous assurer qu'on ne veut pas s'entêter avec une politique d'achat qui ne sera pas applicable, mais qu'on veut essayer d'encourager les investissements au Québec.

Vous m'avez mentionné aussi dans le courant de la journée le cas des filtres-presses à Montréal et des deux commandes de la Communauté urbaine de Montréal. Vraiment, je ne vous cache pas qu'on est intervenu un peu tard dans ce dossier. On l'a su, les plans et devis étaient faits. On aurait probablement pu y attacher, si on l'avait su avant, un transfert technologique pour le Québec. Cela m'a fait un peu mal au coeur de donner des commandes pour 75 000 000 $ ou 80 000 000 $ à l'extérieur, payées par le pauvre monde du Québec. Je pense que, si on avait été le maître d'oeuvre dans ce secteur, on aurait pu intervenir directement, mais, comme il fallait passer par la Communauté urbaine de Montréal, cela a été très difficile. Mais, à l'avenir, on fait en sorte que les plans et devis, au moins, assurent une retombée technologique ou économique minimale. Avec cela, on permet à tout le monde de soumissionner à condition de faire des ententes avec des entreprises québécoises.

Finalement, avant de terminer sur ce point, ce qu'on est aussi en train d'étudier avec notre politique d'achat - on ne veut pas aller contre le développement technologique et économique - ce sont les cas de mission mondiale; par exemple, IBM, General Motors à Sainte-Thérèse. C'est sûr que General Motors ne peut pas produire toutes les sortes d'automobiles au Québec. Elle produit la Oldsmobile Cutlass, et certaines séries de Pontiac et on s'aperçoit que c'est très important pour le Québec. Donc, on va permettre à toutes les entreprises qui auront une mission mondiale au Québec - le cas, dans le fond, du caoutchouc, c'est un peu cela - ou au moins une mission nord-américaine de recevoir, et on est en train de travailler pour cela, un série plus complète de leurs produits. Dans le fond, si on veut ouvrir notre commerce extérieur à travers le monde, il faut aussi s'ouvrir. Je pense que les entreprises qui font un effort, comme IBM ou GM au Québec, méritent qu'on les traite en citoyens québécois à part entière. Alors, il y a de l'ouverture de notre part là-dessus, mais on veut s'assurer que le pouvoir d'achat du Québec serve à développer le Québec au maximum.

M. Lincoln: D'accord. Là, on peut dire qu'il y a un pas en avant de fait si vous traitez cette question des grosses firmes qui ont des centres de production ailleurs et qui fatalement ne peuvent pas tout produire ici. Mais, si on revient à la politique d'achat, au principe de base, si vous me dites que M. Walker en Ontario applique la politique de façon discriminatoire; je suis tout à fait d'accord avec vous. J'espère que vous allez lui dire votre façon de penser de façon tout à fait catégorique. Nous sommes d'accord sur cela, mais, en fait, sa politique de base, c'est que l'Ontario est censé avoir une politique officielle où il n'y a pas de discrimination, pourvu que le produit soit canadien. C'est cela, la politique officielle du gouvernement de l'Ontario.

M. Biron: Officielle, la politique officielle du gouvernement de l'Ontario. Par contre, en pratique, sur les listes de soumissionnaires ou sur les listes d'entreprises de qui les hôpitaux ou le gouvernement peuvent acheter, on enlève les noms des entreprises de l'extérieur de l'Ontario. Alors, officiellement, on s'excuse; les autres, nous ne les connaissons pas.

M. Lincoln: D'accord.

M. Biron: C'est une façon très intelligente de pratiquer la politique d'achat.

M. Lincoln: Mais ce n'est pas "fair".

M. Biron: Ce n'est pas "fair". Vous avez raison.

M. Lincoln: Donc, si on dit qu'on a une politique d'achat canadienne, il faut que ce soit canadien ou bien qu'on dise qu'on a une politique d'achat ontarienne. Mais, en même temps, si, par exemple, on dit qu'on a une politique d'achat au Québec, il faut s'attendre que l'Ontario dise: On a une politique d'achat en Ontario. Est-ce qu'on ne peut pas, de part et d'autre, considérant qu'on a des échanges mutuels tellement immenses entre les deux provinces, en arriver à une politique d'achat de base plus flexible où, par exemple, on pourrait dire à l'Ontario: Ici, au Canada et au Québec, on a une politique d'achat Canada plutôt que Québec? À ce moment-là, à condition que l'Ontario marche, on aurait autant davantages à vendre nos produits sans entrave que d'aller jouer à des exceptions chaque fois. Ce qui arrive, de part et d'autre, c'est que vous avez besoin d'aller voir M. Walker et de lui dire: M. Walker, voilà les cartes de discrimination dans le domaine de la santé et des hôpitaux, Bombardier ou quoi que ce soit. Est-ce qu'on n'aurait pas pu, par exemple, avoir une politique similaire qui serait appliquée de façon tout à fait objective d'un côté et de l'autre?

M. Biron: Mon objectif à plus long terme est d'arriver à ce que vous dites, mais, compte tenu des circonstances, du passé et de la crainte que nous avons de voir l'Ontario appliquer avec discrimination sa politique et de la crainte que l'Ontario a de nous voir appliquer avec discrimination notre politique... C'est pour cela que j'avais suggéré à M. Walker de commencer dans un secteur donné en disant: Au lieu de se lancer dans tous les azimuts en ne se fiant ni à l'un ni à l'autre... Je lui ai dit qu'on ne pouvait pas se fier à l'Ontario: Vous avez trahi le Québec constamment, on ne peut pas se fier à vous autres, mais on est prêt à faire une entente dans certains secteurs et si, avec une meilleure, une plus longue fréquentation, on en vient à faire un mariage de raison, tant mieux! Ce sera un mariage intelligent.

C'est pour cela que, dans ce sens, je lui ai dit: On va commencer dans tout le secteur de la santé, ce qui représente une somme fabuleuse. On va commencer dans tout le secteur de la santé où ce ne seront pas seulement le Québec et l'Ontario, on va ouvrir notre politique d'achat à toutes les provinces canadiennes, pour avoir une politique canadienne pour tout le secteur de la santé. Cela regroupe bien sûr les produits pharmaceutiques, cela regroupe les instruments chirurgicaux, ce sont beaucoup de choses. Cela a accroché, depuis ce temps, de la part de l'Ontario, mais je me propose de faire un nouvel effort de ce côté. C'est un secteur où on est assuré, nous autres du Québec, de tirer notre épingle du jeu, parce qu'on a un assez bon pourcentage du marché canadien.

Je pense que cela vaudrait la peine d'attaquer un secteur et de dire: Ce secteur est réglé. Ensuite, on pourra prendre d'autres secteurs, les secteurs, surtout, qui regardent la capacité d'achat des gouvernements respectifs. Je pense que, sur une certaine période de temps, on pourra en venir à l'objectif que vous avez et que j'ai moi aussi, mais une fois qu'on aura prouvé notre bonne foi de part et d'autre dans des secteurs donnés. Je prétends que ce sera très facile à réaliser en commençant par tout le grand secteur de la santé. Ensuite, on pourra prendre le secteur du transport - les pneus, le transport en commun et tout cela - et on pourra élargir peu à peu à tous les secteurs de l'activité économique. Je pense que c'est une façon intelligente de progresser. Surtout, cela nous permet d'acquérir une confiance mutuelle dans l'autre partie.

M. Lincoln: M. le ministre, je trouve cela impensable, en 1983, qu'on se dirige vers une espèce de zone de libre-échange. On réalise que c'est plus dans le principe que dans la pratique... Dans le monde entier, c'est le marché commun européen; ici, votre collègue, M. Landry, cherche un marché commun avec les États-Unis. Qu'on en soit arrivé à pratiquer presque du protectionnisme à l'échelle tout à fait immédiate, qu'on ne puisse pas s'entendre sur une question de... Nous, on a tout à gagner, parce que notre vocation est purement exportatrice, qu'on se place du point de vue du reste du Canada, des États-Unis ou d'où que ce soit. Sans les exportations, nous mourons. Comment peut-on dire en même temps qu'on va exporter et avoir une politique d'achat qui dise: On se protège, c'est "Québec only"?

Il me semble que, comme gouvernement, il faudra que nous en arrivions à un point où on ait une politique d'achat globale plus flexible. C'est une espèce de système "chicken and eggs", à savoir qui commence l'affaire. Eux disent: C'est le Québec qui commence. Le Québec dit: Non, c'est l'Ontario qui commence. C'est un jeu sans fin.

M. Biron: C'est pour cela, M. le député de Nelligan, que j'avais suggéré qu'on commence dans un secteur donné. Au moins, si on ne se fie pas à tous les secteurs en disant: Que l'autre commence avant, dans un secteur donné, on peut se permettre de commencer et, au moins, de prouver de part et d'autre sa bonne foi.

Nous, en même temps, avons une autre chose à faire au Québec. Vous dites qu'on a

beaucoup à gagner, mais on a aussi beaucoup à perdre, parce que la mentalité des gens de l'Ontario est plus tournée vers un produit fait en Ontario. C'est naturel. Ils n'ont pas besoin d'être forcés de le faire. Les Japonais, vous n'essayez pas de percer le marché japonais; pourtant, c'est le plus grand pays exportateur au monde. Pour eux, si c'est fait au Japon, c'est instinctif, c'est automatique, ils vont acheter un produit japonais. Nous, au Québec, on n'a pas développé des attitudes protectionnistes naturellement. On regarde deux produits et on ne regarde pas si le produit est québécois ou non. On regarde d'autres dimensions du commerce.

Alors, en même temps qu'on va ouvrir nos marchés, qu'on va faire des ententes avec les provinces voisines ou avec les pays voisins, je pense qu'il faut développer chez notre population une attitude pour acheter des produits québécois. Je pense que, si on faisait cela, si on développait cette attitude, ce serait naturel. À choisir entre deux produits, c'est normal de choisir un produit québécois, à mon point de vue. Alors, si on pouvait encourager notre population à aller dans ce sens, je pense qu'on aurait fait un bon bout de chemin; sans mettre de barrières artificielles, que ce soit tout simplement une discipline personnelle.

M. Lincoln: On me dit que, dans le cas spécifique de Sceptre, vous avez eu des négociations récemment? Comment...

M. Biron: C'est tout le secteur des tuyaux, égouts et aqueducs qui est sous observation et en discussion présentement.

M. Lincoln: ...on a fermé depuis juillet 1982? Est-ce que vous seriez prêt, M. le sous-ministre - ou M. le ministre, je ne sais pas lequel - à rencontrer les gens de Sceptre? Ils sont venus nous voir pour nous dire...

M. Biron: On a déjà rencontré ces gens-là dernièrement, mais on est prêt à revérifier avec eux.

M. Lincoln: Ils sont venus nous voir parce que, sans doute, cela a fini dans le sens qu'il n'y a rien eu de constructif. Comment cela s'est-il terminé?

M. Biron: II n'y a pas encore de décision de prise. Tout le secteur des tuyaux, égouts et aqueducs est sous observation, en discussion présentement, pour prendre de nouvelles décisions, en fonction, bien sûr, d'une décision de leur part d'investir, soit à Laval ou ailleurs au Québec. C'est sûr que cela nous aide à accélérer nos décisions. On est soumis aussi à des pressions par les fabricants du tuyau d'amiante-ciment et du tuyau de béton qui disent: On veut protéger notre marché. Pour vous donner un exemple, quand je parle de l'amiante-ciment, l'Ontario défend de mettre du tuyau d'amiante-ciment parce qu'il est produit au Québec. On ne dit pas que c'est parce qu'il est produit au Québec. On dit que l'amiante n'est pas un bon produit. On trouve d'autres raisons pour instituer une politique d'achat préférentielle en Ontario. Or, nos manufacturiers disent: Au moins, protégez-nous. Dans le fond, les dimensions sont un petit peu plus compliquées que si elles s'appliquaient seulement à une entreprise donnée.

M. Lincoln: Est-ce que vous avez l'intention de rencontrer M. Walker à ce sujet?

M. Biron: J'ai l'intention de le rencontrer au sujet de la politique d'achat, parce que, ce que M. Walker m'a dit lors de ma dernière visite à Toronto, ce n'est pas tout à fait ce qui est pratiqué maintenant par l'Ontario. J'ai l'intention de le rencontrer à ce sujet.

M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous dire quand vous avez l'intention ou quand le Conseil des ministres va se pencher sur la question que vous suggériez tout à l'heure, soit celle de traiter les entreprises multinationales qui ont une envergure nord-américaine ou internationale?

M. Biron: Je ne suis pas tout à fait prêt à faire une recommandation globale et générale, je voudrais la faire par secteur d'activité. En d'autres termes, je ne crois pas qu'on puisse monter un escalier en sautant sur la sixième marche d'un coup. Je pense qu'il faut le monter marche par marche et, dans ce sens, j'aimerais mieux procéder par secteur. C'est ce qu'on est en train de déterminer au ministère, quels sont les secteurs où il y a vraiment des entreprises à mission mondiale ou nord-américaine au Québec, combien de secteurs d'activité ces entreprises représentent et comment on peut procéder rapidement pour les admettre. C'est sûr qu'on fait cela aussi en consultation avec l'industrie.

M. Lincoln: Est-ce que M. Beaulieu pourrait nous dire quel échéancier vous avez en ce sens? Quand votre étude sera-t-elle terminée?

M. Biron: La consultation avec l'industrie, dans tout ce domaine-là, a pris à peu près un an et on est en train de rédiger le mémoire. Il va y avoir des discussions à l'intérieur du ministère pour arrêter notre décision et, après, cela ira au Conseil des ministres.

Le Président (M. Blouin): Alors, il est presque minuit. Nous avions convenu de terminer nos travaux à minuit. Sur ce, la commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à minuit)

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