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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 16 février 1984 - Vol. 27 N° 253

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 59 - Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre! La commission de l'industrie, du commerce et du tourisme continue ses travaux afin d'entendre les représentations des personnes intéressées par le projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

Je vais vous donner la lecture de l'ordre du jour d'aujourd'hui, le 16 février 1984: D'abord la Corporation des marchands de meubles du Québec, l'Association des détaillants en alimentation du Québec, l'Association des directeurs de centres commerciaux de la province de Québec. Cet après-midi: le conseil municipal de la ville de Hull, l'Association des garagistes et détaillants d'essence du Québec, l'Association des garagistes spécialisés, la Fédération du détail et des services du Québec, l'Association des détaillants de matériaux de construction du Québec, l'Association des marchands du Canada, Québec, l'Association des gens d'affaires d'Ahuntsic Inc. et PharmEscomptes Jean Coutu. À 20 heures: PHAR-MAPRIX, l'Association des marchés publics du Québec, l'Union des employés de commerce et l'Association des consommateurs du Québec.

Nous avons, pour dépôt seulement, des mémoires de l'Association des quincailliers au détail du Québec métropolitain, de J.-B. Laliberté Ltée, de la Chambre de commerce de Rouyn-Noranda régional et de la Chambre de commerce de la province de Québec.

Les membres, aujourd'hui, sont: M. Rochefort (Gouin), M. Biron (Lotbinière), M. Bourbeau (Laporte), M. Dubois (Huntingdon), M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lavigne (Beauharnois), M. Fortier (Outremont), M. Maciocia (Viger), M. Beaumier (Nicolet), M. Tremblay (Chambly).

Les intervenants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blais (Terrebonne), M. Champagne (Mille-Îles), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Lafrenière (Ungava), M. Mailloux (Charlevoix), M. Rocheleau (Hull).

Nous allons maintenant appeler le premier groupe, la Corporation des marchands de meubles du Québec. Si vous voulez bien vous présenter, M. le président, ainsi que ceux qui vous accompagnent.

Corporation des marchands de meubles du Québec

M. Souligny (Bernard): M. le Président, MM. les membres de la commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme, il me fait plaisir, à titre de président de la Corporation des marchands de meubles du Québec, en mon nom personnel et au nom de tous les membres de cette corporation de vous remercier de l'invitation à participer à cette commission qui se réunit en vue d'étudier le projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. À ces remerciements, M. le Président, s'ajoute également ce vif intérêt qu'ont les 500 marchands membres de la corporation de se faire entendre sur ce projet de loi.

Pour discuter de ce projet, j'aimerais vous présenter immédiatement les représentants de la Corporation des marchands de meubles du Québec. À ma droite, M. Claude Filiatrault, Ameublements Filiatrault Inc., de Châteauguay, M. Yves Varin, directeur général de la Corporation des marchands de meubles du Québec, M. Paul Vaillancourt, vice-président de M.D. Vaillancourt Ltée, de Laval, M. Georges Mercier, président de Les ameublements Migué Inc., Saint-Jacques de Montcalm, M. Gaston Tremblay, président de Le foyer du meuble Inc., de Québec, M. Tom Gaudet, président de Les ameublements Gaudet et Frères Inc., de Québec. Je me présente: mon nom est Bernard Souligny, président de la Corporation des marchands de meubles du Québec. M. le Président, j'aimerais maintenant céder la parole à M. Paul Vaillancourt.

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt, vous avez la parole.

M. Vaillancourt (Paul): Merci. M. le Président, la Corporation des marchands de meubles du Québec, organisme dont les objectifs sont de défendre, protéger et stimuler les intérêts économiques, culturels et sociaux de ses membres, en même temps que d'informer le public sur le commerce du meuble au Québec, représente les détaillants qui, à eux seuls, effectuent quelque 70% du volume des ventes au Québec.

La corporation des marchands a soumis, en octobre 1982, un volumineux dossier sur la question des heures d'affaires des établissements commerciaux. Également, à la

suite de la consultation effectuée en février 1983 par le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, la corporation des marchands de meubles a fait connaître les voeux et souhaits des quelque 500 membres qu'elle représente, à savoir: non à l'ouverture des magasins le dimanche, inclusion du dimanche à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, amendes plus significatives aux contrevenants, accroissement des pouvoirs des fonctionnaires chargés de l'application de cette loi, statu quo relatif aux heures d'ouverture des magasins sur semaine.

Nous sommes heureux de constater que le projet de loi 59, aussi imparfait soit-il, prévoit la fermeture totale et complète des magasins le dimanche et l'inclusion de la journée du dimanche à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux; heureux aussi de souligner que le projet de loi donne plus de pouvoirs aux fonctionnaires chargés de son application; heureux de constater également que des amendes plus significatives seront imposées aux contrevenants. Vous conviendrez, M. le Président, que la tolérance étrange dans la loi concernant le respect du dimanche, l'insuffisance criante des amendes ordonnées, parfois même la dérision des sentences prononcées ont généré insatisfaction et irrespect dans le monde commercial et créé tensions et pressions.

Faut-il souligner, M. le Président, l'importance économique et sociale de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux pour le maintien d'une concurrence loyale, ordonnée et disciplinée et pour le maintien d'un équilibre commercial entre le magasin à succursales et l'indépendant, mesure nécessaire à l'évolution et à l'expansion du commerce au Québec. Faut-il aussi ajouter la part importante que représente le commerce de détail au Québec, soit 17,2% de l'ensemble des travailleurs au Québec, avec une masse salariale de plus de 3 000 000 000 $ en 1981.

M. le Président, nous sommes sûrs que les membres de cette commission sont pleinement conscients de cette représentativité, sûrs également que les membres de cette commission ne veulent, pour aucune raison, infléchir l'évolution du commerce de détail en se soumettant ou en acquiesçant au désir d'un groupe restreint d'individus qui prônent la libéralisation dans le seul but d'accroître leur part du marché et de ruiner d'épuisement les détaillants indépendants du Québec, qui, on le sait, détenaient, en 1981, 68% de la part du marché contre 51,2% en Ontario. Dans le commerce de meubles, quelque 90% du volume des ventes étaient détenus en 1981 par les marchands indépendants du Québec. Malgré ces aspects positifs du projet de loi 59, les membres de la Corporation des marchands de meubles du Québec s'inquiètent toutefois de certaines dispositions du projet de loi 59 qui mériteraient, selon nous, d'être révisées et améliorées. Pour que cette loi soit appliquée, il faut qu'elle soit applicable à tous, sans exception de classe, de race, de religion. Pour qu'elle soit acceptée, il faut qu'elle tienne compte non seulement des besoins des consommateurs mais aussi des nécessités humaines de ceux qui la servent, en l'occurrence les patrons et les employés.

Foires, encans, liquidations, expositions, commerces qualifiés de provisoires nés au gré des événements bien souvent par des marchands non respectueux des lois devraient être soumis à l'application de cette loi. Dans ce contexte, le projet de loi 59 se doit d'être révisé et amélioré. Amélioré aussi de façon que le contenu de cette loi concorde avec la Loi sur les normes du travail. Faut-il ajouter au surplus que la semaine normale des individus varie entre 35 et 40 heures, alors que les dispositions de la loi actuelle des heures d'affaires des établissements permettent d'ouvrir 62 heures par semaine, en plus de prolonger les heures d'affaires à certains types d'activités, tels les journaux, tabac, fleurs et autres qui sont indiqués à l'intérieur du projet de loi.

Alors, il est difficile d'accepter les assertions de certains à l'effet que la famille moyenne, dans le cadre de la loi actuelle, n'a pas le temps de magasiner. Toute prolongation des heures d'affaires impose des coûts supplémentaires aux entreprises: 1 000 000 $ de l'heure supplémentaire, dont le coût sera défrayé, encore une fois, par le consommateur; aucun effet sur la demande, aucun avantage réel pour le consommateur, aucun avantage réel pour le détaillant, aucun avantage réel pour l'employé. Seul le magasin à succursales multiples, possédant des ressources financières et humaines, est avantagé par une telle proposition.

Ce projet de loi devrait être révisé de façon qu'il y ait concordance avec les autres lois existantes, notamment la Loi sur les normes du travail. Ce projet de loi, au surplus, devrait dissiper incompréhensions et ambiguïtés au niveau de l'application, en définissant clairement les termes suivants: Dimanche: marché aux puces, boutique ou galerie d'artisanat, galerie d'art, établissement commercial, vente au détail, exposition, festival, foire, tabagie, pharmacie et ainsi de suite. Nous reviendrons tantôt sur ce sujet.

Il est clair qu'exclure les détaillants de marchandises usagées de l'application de la loi nous apparaît non fondé. Dans bien des cas, les marchands de meubles vendent à la fois du neuf et de l'usagé. Dans sa formulation actuelle, les mots "établissement commercial" devraient être révisés. Quant à l'article du projet de loi 59, je laisse mon collègue continuer sur des propositions ou certaines modifications que nous apportons de façon que la loi s'applique à toutes les

situations qui peuvent se produire au cours normal des heures d'affaires.

Une voix: M. le Président, je vous présente M. Georges Mercier.

Le Président (M. Rancourt): M. Mercier.

M. Mercier (Georges): M. le Président, le voeu de la Corporation des marchands de meubles du Québec est de rendre la loi applicable à tous, pour favoriser un aspect concurrentiel, loyal et ordonné. C'est pourquoi nous aimerions que les définitions suivantes soient dans le projet de loi, c'est-à-dire:

Marché aux puces: local ou tout autre endroit où sont offerts en vente ou vendus, de façon exclusive, des articles ou de la marchandise usagée.

Boutique ou galerie d'artisanat: local ou tout autre endroit où sont offerts en vente ou vendus des produits d'artisanat, ou résultant d'un travail manuel, dans la mesure où ces produits sont vendus par l'artisan même, ou dans le cas d'une corporation ou coopérative d'artisans, par un mandataire ou un préposé.

Galerie d'art: local ou tout autre endroit où sont offertes en vente, exposées ou vendues, de façon exclusive, des oeuvres d'art originales telles que peintures, sculptures, lithographies, photographies et autres.

Établissement commercial: local ou tout autre endroit où sont efferts, vendus ou exposés de quelque autre manière les denrées, produits ou autres marchandises au Québec.

Vente au détail: toute vente faite à un acheteur ou à un usager pour fins de consommation ou d'usage et non de revente.

Exposition: endroit où un organisme, avec ou sans but lucratif, d'envergure provinciale, nationale ou internationale, présente au public ou aux détaillants des denrées, produits ou autres marchandises.

L'article 1 du projet de loi 59 stipule ce qui suit: "Aucun client ne peut être admis dans un établissement commercial les jours suivants..." L'article 2 de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux stipulait ce qui suit: "Aucun client ne doit être admis dans un établissement commercial les jours ou parties de jours suivants..."

Ces deux articles de loi mériteraient, à notre avis, certains éclaircissements. Dans ces deux textes, on ne tient pas compte des transactions qui se font entre consommateurs et entreprises par des systèmes téléphoniques ou électroniques.

On ne tient pas compte non plus, lorsqu'on mentionne qu'"aucun client ne peut être admis", de l'attitude de certains marchands qui, sous le couvert d'une exposition, admettent le public dans leur établissement en dehors des heures permises par la loi.

Le prétexte invoqué par ces marchands, c'est que ces personnes viennent simplement voir la ou les marchandises exposées. On sait que, par définition, un client, c'est une personne qui achète de la marchandise ou des denrées quelconques. Il s'ensuit donc que beaucoup de détaillants, sous le couvert d'expositions dans leur établissement, ouvrent leurs portes.

Pour ce qui est du dimanche, la Corporation des marchands de meubles du Québec accorde aux autorités gouvernementales son accord relativement à la fermeture des magasins le dimanche.

À la lumière de l'analyse du projet de loi 59 avec la loi actuelle sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, nous nous apercevons que ce projet permet l'ouverture des magasins les jours suivants: le 2 janvier, après 13 heures; le lendemain du jour de Pâques; le 2 juillet si le 1er juillet est un dimanche; le deuxième lundi d'octobre; le 26 décembre, après 13 heures. Ceci représente 38,5 heures, pour un coût total, à 1 000 000 $ l'heure, de 38 500 000 $.

À ce coût s'ajoute l'ouverture des magasins le lundi de Pâques, considéré comme jour férié et payé en vertu du décret 2472-80, à la suite d'un jugement rendu. Ce jour, s'il est travaillé, devra être payé en double. Le coût de cette prolongation se situe autour de 48 000 000 $ que le consommateur devra absorber.

Les membres de la Corporation des marchands de meubles du Québec demandent la fermeture complète et totale des établissements commerciaux le 2 janvier, le lendemain de Pâques, le 2 juillet si le 1er juillet est un dimanche, le deuxième lundi d'octobre et le 26 décembre.

Cette demande s'inscrit ou répond à des impératifs de bien-être pour les employés et les patrons. Elle répond également au peu d'achalandage, à quelques exceptions près, dans les magasins durant ces journées.

Nous suggérons donc que l'article 1.2 se lise comme suit: "Aucun consommateur ne doit être admis, toléré, ou commercer dans un ou avec un établissement commercial les jours suivants:..." Les jours de fermeture sont ceux prévus au chapitre 60 de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

L'article 2 du projet de loi 59. Les membres de la Corporation des marchands de meubles du Québec entendent s'opposer à l'ouverture des magasins les lundi, mardi et mercredi précédant la semaine de Pâques jusqu'à 21 heures. Ils entendent de plus s'opposer à la fermeture des magasins à 18 heures le samedi et, également, à la fermeture des magasins les 24 et 31

décembre à 18 heures. Les raisons invoquées sont les suivantes.

Le samedi. Fermer les magasins à 17 heures répond amplement ou donne suffisamment de temps aux consommateurs pour satisfaire leurs besoins. L'achalandage ne justifie pas l'ouverture des magasins après 17 heures. Une enquête a également été faite auprès d'autres secteurs du commerce. À quelques exceptions près, le même phénomène a été observé. Faut-il de plus signaler que, dans le secteur de l'alimentation, par exemple, qui absorbe à lui seul plus de 30% du budget du consommateur, nous avons observé le samedi après-midi un achalandage restreint, sauf pour la demi-heure ou l'heure précédant la fermeture, soit 17 heures. Prolonger la fermeture des magasins à 18 heures n'aurait strictement comme conséquence que de déplacer la clientèle à une heure plus tardive.

Les lundi, mardi et mercredi précédant Pâques jusqu'à 21 heures. Les membres de la corporation ne voient, de plus, aucun intérêt à prolonger l'ouverture les lundi, mardi et mercredi précédant Pâques jusqu'à 21 heures. Aucun effet sur l'accroissement de la demande. Aucun besoin de la part du public consommateur gui devra indirectement en payer le coût. Egalement, aucun besoin réel pour les employés, sinon celui de créer une insatisfaction, entraîner des problèmes de relations du travail qui, pourtant, se doivent d'être améliorées.

Le seul avantage envisagé serait pour le commerce à succursales multiples qui, lui, possède une main-d'oeuvre de remplacement suffisante pour répondre aux besoins et ruiner d'épuisement, à long terme, l'indépendant au Québec.

Pour les mêmes raisons qui militent en faveur de la fermeture des magasins le samedi à 17 heures au lieu de 18 heures, nous jugeons déraisonnable de favoriser l'ouverture des magasins les 24 et 31 décembre jusqu'à 18 heures au lieu de 17 heures.

En conséquence, nous proposons de modifier l'article 2 comme suit: "Nul établissement commercial ne peut être ouvert, ne peut admettre ou tolérer la présence du public, commercer avec celui-ci par quelque moyen que ce soit avant 8 h 30 du lundi au samedi inclusivement, ni après 17 heures les lundi, mardi et mercredi, ou après 21 heures les jeudi et vendredi, et 17 heures le samedi." (10 h 30)

Sous réserve de l'interdiction relative au dimanche, nul ne doit ouvrir, admettre ou tolérer la présence du public, commercer avec celui-ci par quelque moyen que ce soit dans ou avec un établissement commercial après 17 heures le samedi.

Cette formulation a pour objectif de soumettre à l'application des heures d'affaires les promoteurs de pseudoexpositions qui exploitent hors de la loi sur les heures d'affaires sous prétexte que le client n'achète pas, mais, va simplement voir la marchandise exposée. De même, les centres de distribution par téléphone seraient soumis à la loi.

Les membres de la Corporation des marchands de meubles du Québec suggèrent, au chapitre des exemptions, de revenir à la loi actuelle, c'est-à-dire par activité et non par établissement, tel que formulé dans le projet de loi 59. En ce sens, le chapitre 60 de la loi actuelle répond à ce voeu. Il faudrait cependant ajouter ce qui suit: Elle ne s'applique pas non plus aux marchés aux puces, aux expositions, aux boutiques et galeries d'artisanat et aux galeries d'art, tel que défini par la présente loi.

Nous recommandons que le contenu de l'article 5 de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux soit maintenu pour toutes les autres exclusions.

Article 4 du projet de loi 59. Les membres de la Corporation des marchands de meubles du Québec expriment l'opinion suivante concernant les modifications apportées aux articles 7, 8 et 9 de l'actuelle Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux: sur les articles 7.1 et 8, nous sommes d'accord. Article 9: nous aimerions modifier cet article comme suit: Nul ne peut admettre ou tolérer un consommateur dans un établissement commercial contrairement aux dispositions de la présente loi. Toute poursuite pour infraction peut être intentée par quiconque. Le tribunal peut accorder les frais au poursuivant lorsque la plainte est maintenue ou au défendeur lorsqu'elle est rejetée. Article 9.1: Nul ne peut annoncer l'ouverture d'un établissement commercial, ni inciter par quelque moyen que ce soit un consommateur à commercer avec tout ou tel établissement commercial à une heure ou un jour interdit par la présente loi, ceci en vue de soumettre à l'application de la loi les commerces qui fonctionnent par le biais du téléphone ou autres moyens électroniques.

Sur l'article 9.2, nous sommes d'accord. Article 9.3: cet article, selon nous, devrait se lire comme suit: Quiconque contrevient aux articles 9, 9.1 et 9.2 commet une infraction et est passible, sur poursuite sommaire, en outre du paiement des frais, d'une amende minimale de 200 $ à 5000 $ et, en cas de récidive pour une même infraction, d'une amende de 400 $ à 10 000 $ - nous avons soustrait la période de deux ans en cas de récidive. Dans la détermination du montant de l'amende, le tribunal doit tenir compte des bénéfices que le contrevenant a retirés de l'infraction.

Article 9.4: cet article devrait être modifié comme suit: Toute personne,

propriétaire ou autre agissant pour ou au nom d'un établissement commercial, qui ordonne, conseille, autorise, consent à la commission une infraction est partie à cette infraction et est passible de la peine prévue pour chacune des infractions.

Conclusion. Les membres de la Corporation des marchands de meubles du Québec reconnaissent la valeur économique et sociale de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux et soutiennent que cette loi répond aux impératifs de l'homme.

Ils soutiennent également que cette mesure assure, tant aux consommateurs qu'aux commerçants, l'équilibre requis et nécessaire à l'évolution du commerce au détail au Québec.

Ils prétendent de plus que la liberté ne consiste pas seulement dans un droit accordé, mais aussi dans le pouvoir donné à l'homme de se développer dans un cadre défini sous l'empire d'une justice.

Respecter le dimanche répond aux exigences de l'homme et aux impératifs familiaux que toute société civilisée se doit de respecter. Régir le commerce par une loi-cadre applicable à tous sans exception de classe, de religion, appliquer cette loi rigidement et sévèrement en imposant des amendes significatives, donner aux fonctionnaires tous les moyens nécessaires pour faire respecter le contenu de cette loi, voilà les voeux et souhaits formulés par les marchands de meubles du Québec. M. le Président, merci.

Le Président (M. Rancourt): Très bien, je vous remercie. M. le ministre.

M. Biron: Je dois tout simplement vous remercier du dépôt de votre mémoire. Je remarque que, sur l'essentiel, les importantes demandes que vous faites... La fermeture le dimanche, ce n'était pas inclus autrefois, c'était 1 $ d'amende. Je vous le rappelle, lorsque nos fonctionnaires ont fait les dernières causes, le juge a condamné les contrevenants à 1 $ d'amende. C'est un peu décourageant pour nos gens de faire des causes.

Alors, inclusion du dimanche, augmentation des amendes de façon très considérable. Il me semble que vous acceptez le montant des amendes, de même que la liberté ou le pouvoir pour le juge de déterminer des amendes plus ou moins élevées selon le commerce. Je pense que c'est l'essentiel, ce sont les grandes demandes que vous nous avez faites. Vous y ajoutez d'autres petites demandes qui ne me semblent pas aussi importantes que les deux grands principes de la fermeture le dimanche et des amendes très sévères pour le respect de la loi. Quant aux questions sur les détails de votre intervention et sur d'autres représentations qui nous ont été faites, au cours de la journée de mardi, par des gens qui nous demandaient des exclusions, je demande à mon collègue, le député de Chambly, d'intervenir.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. C'est un mémoire court, mais précis, qui fait véritablement le tour de la question. Il aidera considérablement les parlementaires qui auront à trancher éventuellement là-dessus.

Une première question: globalement, vous dites dans votre mémoire que vous regroupez 500 marchands de meubles au Québec. Est-ce que c'est la totalité des marchands de meubles?

M. Varin (Yves): M. le Président, je vous fais part respectueusement...

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: ...qu'il y a environ 800 à 900 marchands de meubles au Québec. Nous regroupons environ 70% de la valeur des ventes au détail du meuble au Québec.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Je vous remercie. Une autre chose aussi m'a frappé. Vous admettez - c'est rare que les hommes d'affaires le font - que le gouvernement doit, à l'occasion, prendre parti et s'impliquer dans des décisions. Depuis quelques années, il y a une mode qui dit que le gouvernement est trop partout. Vous, vous dites probablement la même chose que tout le monde - on est tous d'accord là-dessus - à savoir qu'il y a des places où le gouvernement doit s'impliquer. Vous posez même la question très clairement, mais je ne pense pas que vous y répondiez.

À la page 7, vous écrivez: Les droits individuels doivent-ils prévaloir sur les droits collectifs? Et vous nous laissez avec un beau point d'interrogation. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: M. le Président, on reconnaît la valeur de la question du député de Chambly. On est conscient que, selon les sondages effectués par la Corporation des marchands de meubles, la majorité des gens ou des marchands veut le statu quo. Qu'un groupe restreint demande une certaine libéralisation pour répondre à un seul souhait

- augmenter sa part du marché qui a été grandement affectée par l'ampleur et le dynamisme des indépendants au Québec -c'est une question à laquelle on se doit de répondre. Il reste que le droit des minoritaires, étant donné que la majorité des marchands demande le statu quo, nous pousse à dire ceci. On suppose que le gouvernement se doit de répondre au voeu et au souhait de la majorité, même si certains groupes minoritaires sont en désaccord avec nous. Est-ce que cela répond à votre question, M. le député?

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: J'aurais espéré une réponse plus directe à la question que j'ai posée, puisque vous me posez la question. Mais, je comprends que les questions sont souvent plus faciles que les réponses. Je voudrais maintenant poser une autre question. Vous affirmez, à la page 5, que l'augmentation des heures ouvrables créerait automatiquement une augmentation des prix. Pouvez-vous nous expliquer comment cela se passerait?

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Paul): M. le député, il n'y a personne, dans quelque commerce que ce soit, qui travaille pour rien. Si on élargit ou libéralise une plus grande part des heures de travail, cela représente des coûts. Ces coûts - en tant que commerçants, on est en affaires pour faire des profits, quels que soient la discipline ou le secteur dans lequel on pratique - font partie de nos coûts d'administration et cela se reflète sur nos coûts de vente.

Évidemment, la position des marchands de meubles - un peu pour revenir, si vous voulez, à la question de tantôt - se voit d'une façon. Le projet de loi est là pour définir les heures de travail dans plusieurs secteurs, dans la majorité des secteurs et pour répondre également aux besoins des consommateurs. Nous savons fort bien, d'après les recherches et les informations qu'on a, les sondages qu'on a pratiqués, que dans le domaine du meuble au Québec la très grande majorité - pour ne pas dire 100% des employés est contre l'ouverture le dimanche et contre la libéralisation des heures de travail. Tout le monde favorise actuellement le statu quo, et même un peu plus que cela.

Vous avez pu remarquer dans le dossier qu'on vous a présenté que nous demandons la fermeture dans notre domaine, le "Boxing-day", le lendemain de Noël et le lendemain du jour de l'an et ces fêtes-là où on est obligé d'ouvrir de 13 heures à 17 heures. Ce n'est absolument pas rentable pour la grande majorité. De ce côté-là, il y a deux façons. Il y a les pour le statu quo et il y a les contre. Ceux qui sont pour la libéralisation des heures font valoir les nouvelles méthodes de consommation des consommateurs d'aujourd'hui. C'est très défendable, mais pour nous - on a des employés - le danger que cela implique si on s'en va vers une libéralisation des heures d'ouverture des commerces, c'est d'arriver à une moins bonne qualité de services. Il faut augmenter certains personnels au niveau de la distribution ou de la vente, et cela cause des problèmes. Il est prouvé actuellement, d'après les informations que nous avons d'autres provinces ou d'autres endroits où on a libéralisé les heures dans notre domaine, que tout ce qu'on a fait, c'est de déplacer. On n'a rien augmenté, après un ou deux ans, de l'assiette de vente. L'enveloppe de ventes n'a pas augmenté. Elle s'est strictement déplacée. Le résultat s'est révélé négatif. Dans les endroits où on a fait ces recherches, ce qui est important à retenir, c'est que les gouvernements municipaux ou provinciaux recommandent souvent de faire attention, si on augmente les heures d'ouverture de commerce, à la répercussion que cela va avoir sur les services publics. Les commissions de transport au Québec, pour autant que je suis concerné, sont toutes déficitaires. Cela coûte toujours plus cher d'année en année et les déficits ne font que grandir. Si vous avez une plus grande libéralisation des heures d'ouverture, à ce moment-là, cela va coûter plus cher encore dans d'autres assiettes. C'est un peu cela, l'inquiétude. Ce sera plus cher au niveau des services de protection, policiers, incendie, parce que si vous libéralisez il y a plus... L'occasion fait le larron. Il y a plus de vols. Il y a plus d'accidents. Il y a plus de trafic sur les routes et tout cela. C'est dans ce sens-là que nous prenons position.

Après avoir vérifié, le personnel qui travaille pour nous, le personnel des détaillants de meubles, n'est pas pour une plus grande libéralisation. On fait quoi? Est-ce qu'on se dit: On répond strictement aux consommateurs? Actuellement, le consommateur a 62 heures pour pratiquer ses achats et la moyenne d'heures de travail varie entre 35 et 40. Actuellement, on trouve que c'est suffisant pour répondre à cette demande.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: M. le Président, dans ce sens-là, vous aviez un complément de... Je crois que monsieur avait un complément de réponse.

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: M. le Président, selon des statistiques estimées en 1981, la masse salariale des établissements commerciaux au Québec en 1981 était de 3 068 000 000 $. Le nombre d'heures estimatives permises ouvrables par année, 3181, ce qui faisait un coût horaire d'ouverture d'à peu près 964 000 $. Mettons grosso modo que chaque heure supplémentaire coûte environ 1 000 000 $ pour l'ensemble du Québec. Qui va absorber ce coût-là? C'est le consommateur.

Le projet de loi 59, tel que formulé, prévoit une augmentation de 38 heures et demie, d'où environ 38 500 000 $ de surplus que le consommateur va devoir accepter. On prétend que cela s'inscrit à l'encontre des objectifs fixés par le gouvernement vis-à-vis de la relance.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly. (10 h 45)

M. Tremblay: Vous dites que si on augmente les heures ouvrables, cela augmente les prix. On pourrait dire corollairement - est-ce qu'on pourrait le dire? - qu'en les réduisant cela réduirait les prix.

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: Évidemment, votre formulation serait sûrement un voeu qu'on voudrait voir se réaliser. Il est évident que plus on va pouvoir réduire les coûts, plus il va y avoir une incidence sur les prix.

M. Tremblay: Vous ne pensez pas que dans un contexte comme cela, les marchands auraient tendance à tout simplement garder le profit additionnel?

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt, je m'excuse.

M. Vaillancourt (Paul): II y aurait à ce moment deux classes de gens plus heureux: les propriétaires qui feraient plus de profits et les gouvernements qui percevraient plus d'impôts.

M. Tremblay: Comment cela?

M. Vaillancourt (Paul): Si on est ici pour discuter d'un projet de loi dans lequel, de huit exceptions à la loi 60 on en est rendu à seize et que le débat n'est pas terminé, il y a de fortes chances qu'il y ait encore plus d'exceptions. Si on demande de fermer...

M. Tremblay: Je ne voudrais pas que vous présumiez des décisions de... Cela pourrait être moins.

M. Vaillancourt (Paul): ...pour réduire des coûts...

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Paul): ...et qu'on félicite le gouvernement d'augmenter dans sa loi la surveillance et l'application de la loi, d'être moins libre concernant la tolérance comme on l'a été dans les dernières années, je pense que cela va définitivement amener des coûts moindres dont le consommateur aura aussi à bénéficier parce qu'on évitera, à ce moment, les ouvertures non permises le dimanche, qui servent à enlever des ventes à d'autres marchands qui respectent la loi.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Est-ce que vous avez envisagé la possibilité de fermer pour les vacances à une période de l'année?

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Paul): Non. Cela ne répond pas aux voeux, aux souhaits des consommateurs; du tout. Actuellement, cela n'a pas été envisagé, cela n'a même pas été discuté. Je peux vous dire, par exemple, que selon des informations que, personnellement, j'ai recueillies - j'ai l'occasion de visiter d'autres pays dans l'exercice de mes fonctions - on s'aperçoit que dans les pays où on ferme totalement les portes pour la période des vacances, on met en danger certaines industries ou certaines entreprises de détail parce que tout tombe complètement. Ce ne serait peut-être pas la façon de le pratiquer, je ne crois pas, du moins pas pour le moment.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Maintenant, pour être plus précis, l'application de la loi pose des problèmes, plus particulièrement pour déterminer ce que telle sorte de commerce qui a le droit d'ouvrir ses portes le dimanche peut vendre. On parlait des menus articles... Il y a les commerces d'horticulture ornementale qui demandent de pouvoir vendre des meubles de jardin en même temps que leurs plantes le dimanche. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Paul): Je peux vous dire une chose, c'est que je représente au Québec, peut-être, un des plus grands

marchands de meubles de patio ou d'extérieur. J'ai le droit d'ouvrir mes portes le dimanche et je ne l'ai jamais fait. De là à vous dire que ce serait impensable de laisser à ces horticulteurs ou à des commerces de ce genre de vendre de l'ameublement de patio ou de l'ameublement de jardin, à ce moment, il s'agit de définir... Actuellement, il y a un problème qu'on vous fait remarquer dans ces lois, et c'est la définition des entreprises comme telles. Maintenant, il est entendu que les vendeurs de produits de jardin peuvent vendre des mobiliers de jardin, qui sont des mobiliers de saison. C'est faisable.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: C'est faisable mais ce n'est pas légal.

M. Vaillancourt (Paul): Pourquoi ce n'est pas légal? Parce qu'il y a une tolérance!

M. Tremblay: C'est que les amendes sont tellement minimes le dimanche, vous le savez. C'est cela le problème qu'on tente de régler aujourd'hui. Présentement, je ne pense pas que vendre des meubles de jardin le dimanche soit légal.

M. Vaillancourt (Paul): II y a une trop grande tolérance.

M. Tremblay: C'est que la loi n'a pas d'amendes suffisamment élevées pour inciter les marchands à fermer. Présentement, cela ne vaut même pas la peine d'aller plaider une cause parce que les gens paient les amendes à l'avance. Ils ne sont même pas intéressés à aller se battre contre cela.

Il y a un autre problème que vous avez soulevé aussi dans votre mémoire - et vous le définissez très bien - c'est le problème des marchés aux puces qui pullulent. Vous réduisez cela aux objets usagers. Déjà, la loi permet cela. Elle permettrait aussi, par exemple, à un marchand de meubles qui voudrait écouler ses meubles usagés le dimanche - il y a des marchands de meubles, je crois, qui reprennent de l'usagé - d'ouvrir son commerce pour des meubles usagés présentement.

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: M. le Président, dans la définition des mots "marché aux puces", on est prêt à accepter les ventes qui se font de consommateur à consommateur d'une façon exclusive. Mais vous avez mis dans le projet de loi les mots "détaillant de marchandises usagées". Les marchands de meubles font à la fois la vente de neuf et d'usagé. Par conséquent, on veut que la loi soit applicable à tous. On veut que les établissements commerciaux soient clairement définis, que les mots "établissement commercial" soient clairement définis. Si on a mis la définition de marché aux puces, c'est parce qu'on veut simplement, au niveau des exemptions, exclure les marchés aux puces; que les détaillants purement et simplement de marchandises usagées soient soumis à l'application de la loi, comme nous autres. D'ailleurs, que les consommateurs qui vendent des meubles usagés entre eux, là-dessus, on est d'accord. On est prêt à l'accepter.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: D'accord. Je comprends la nuance et je la trouve très intéressante. Vous ne désirez pas en tant que marchand, par exemple, avoir le droit de vendre vos meubles usagés le dimanche et de la même manière, vous dites: Personne ne devrait avoir ce droit-là; ce qui devrait être, c'est qu'un consommateur qui veut vendre un meuble usagé à un autre consommateur puisse le faire. Je trouve cela très intéressant.

En ce qui concerne un autre problème ou une autre situation, on sait qu'il y a une cinquantaine d'expositions agricoles au Québec. C'est devenu considérable les expositions agricoles. Il y a effectivement des gens qui vendent des meubles dans ces expositions-là et toutes sortes d'autres objets, et nécessairement c'est ouvert le dimanche et en dehors des heures normales d'ouverture. Quelle est votre attitude face au problème des expositions et votre solution, si vous en avez une?

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: M. le Président, pour ce qui est des expositions, on n'est pas contre le fait qu'un organisme avec ou sans but lucratif qui expose d'une façon nationale, internationale ou provinciale soit exempté de l'application de la loi. Ce qu'on ne veut pas, c'est que des pseudo-marchands ou de petites expositions régionales ou locales soient soustraites à l'application de la loi au détriment des marchands soucieux de respecter les lois. Cela clarifie votre question? Pour ce qui est des...

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt, vous avez demandé la parole.

M. Vaillancourt (Paul): Vous avez demandé si on avait des suggestions. Il y en aurait probablement une. Le gouvernement s'en tire très bien dans d'autres organismes gouvernementaux, à savoir la Régie des

loteries et courses du Québec. Ces expositions et ces organisations d'expositions devraient s'adresser à l'organisme gouvernemental qui fait appliquer cette loi: demander un permis d'exposition et définir le contenu, la même chose qu'un organisme qui fait un tirage pour une association bénévole. Il faut définir les règles du jeu et cela dans le respect de cette loi. Il y a certainement des solutions.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: En fait, c'est ce que la nouvelle loi préconise présentement, à peu près ce que vous suggérez. D'accord. Je vous remercie. Ce fut très intéressant.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il me fait également plaisir, au nom de l'Opposition, de mes collègues, de souhaiter la bienvenue aux représentants de la Corporation des marchands de meubles du Québec qui déposent ce matin leur mémoire et font leurs commentaires sur le projet de loi 59. J'ai pris connaissance du mémoire comme la plupart de mes collègues et j'aimerais attirer votre attention à la page 7 du mémoire, où vous traitez de l'ouverture le dimanche. On a constaté, depuis le début des travaux que nous menons à l'Assemblée nationale sur ce sujet, qu'il semble y avoir un large consensus chez les marchands et les commerçants sur la nécessité de ne pas ouvrir les commerces le dimanche. Quant à vous, vous basez votre opinion sur des fondements philosophiques et je note en particulier le deuxième paragraphe et la phrase où vous dites: "Le droit minoritaire ou individuel doit-il prévaloir sur le droit collectif ou majoritaire?" C'est une phrase qui me semble très profonde. On semble avoir des relents de la loi 101 ou des débats sur la constitution. J'aimerais que vous me l'expliquiez, parce que ce n'est pas très clair dans mon esprit. Dans votre esprit, à qui faites-vous référence quand vous parlez des droits minoritaires et à qui faites-vous référence quand vous parlez des droits collectifs en ce qui concerne le projet de loi 59?

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Paul): On fait référence, à la majorité de nos employés. Quand on dit que, dans notre domaine, dans notre secteur, il y a près de 100% des employés qui ne veulent pas ouvrir le dimanche, est-ce qu'on respecte aussi ces gens-là? On ne parle pas d'un débat politique "at large", d'une philosophie. À ce moment-là, quand cela s'appliquera à notre secteur, nous avons actuellement les informations pour le défendre. La grande majorité des propriétaires et des employés dans le secteur du détail de meubles au Québec sont pour le statu quo ou contre l'ouverture le dimanche. C'est là qu'on parle des majorités et des minorités.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Les propriétaires et les employés sont considérés comme étant le groupe majoritaire qui souhaite fermer le dimanche et il y a, parmi vos collègues propriétaires et leurs employés, une minorité qui souhaiterait ouvrir le dimanche. C'est le sens de la phrase, si je comprends bien.

M. Vaillancourt (Paul): Exactement. Comme information additionnelle là-dessus, la représentation que vous avez ici devant vous aujourd'hui en est un exemple assez frappant. Quand on sait que les deux interventions majeures contre lesquelles la corporation a eu à se défendre dans la dernière année ou auxquelles elle a eu à faire face provenaient de la compagnie Eaton, qui favorise l'ouverture ou la libéralisation des heures d'ouverture incluant le dimanche, et des magasins IKEA, qui se sont implantés au Canada au cours des cinq ou six dernières années, on voit tout de suite la différence.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Mon collègue, membre de la formation politique opposée, a posé des questions tout à l'heure et a fait état de votre représentativité. Vous disiez que vous représentiez environ 70% de la valeur des ventes, je crois. Est-ce que vous êtes également représentatif de 70% des marchands ou si c'est encore plus important?

M. Varin: C'est à peu près cela.

M. Bourbeau: La même chose.

M. Varin: La même chose.

M. Bourbeau: Ce qui me frappe un peu dans l'argumentation qu'on peut lire dans votre mémoire, vous en avez vous-même parlé tantôt, M. Vaillancourt, - c'est le point que je veux traiter - c'est le point de vue du consommateur. Vous avez dit quelque chose, tout à l'heure - je n'ai pas noté vos paroles exactes - mais il y avait peut-être une certaine divergence entre le point de vue du consommateur et celui du marchand. Ce ne sont sûrement pas les mots que vous avez employés, mais c'est ce que j'ai

compris. Vous me corrigerez si je vous cite mal. Je me demande jusqu'à quel point on se préoccupe ou on ne se préoccupe pas de l'intérêt du consommateur quand on parle de l'ouverture ou de la fermeture le dimanche. Ce n'est pas que je sois nécessairement pour l'ouverture le dimanche, mais je pense que cela vaut la peine de poser la question. Est-ce que vous avez fait des enquêtes ou des sondages auprès de votre clientèle ou auprès du public consommateur en général pour savoir s'il est aussi enthousiaste que vous l'êtes pour tirer la conclusion, à savoir qu'on ne devrait pas ouvrir le dimanche?

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: M. le Président, en réponse au député de Laporte, lorsqu'il y a eu un débat public sur la question du dimanche et la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, certaines associations de consommateurs, publiquement, sur les ondes de la radio et de la télévision de Québec, se sont opposées totalement à l'ouverture des magasins le dimanche. On sait, selon nos sondages, qu'au moins deux associations de consommateurs se sont opposées à l'ouverture des magasins le dimanche. Par conséquent, sans aller plus loin, il n'y a pas beaucoup d'associations de consommateurs, mais elles sont assez représentatives pour répondre que les consommateurs sont défavorables à l'ouverture des magasins le dimanche. (11 heures)

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je veux bien vous croire; vous dites que certains groupes se sont exprimés sur les ondes et que deux organismes de consommateurs sont contre. C'est peut-être au ministre que je devrais poser la question et, effectivement, je la lui ai posée mardi. Je n'ai pas encore eu de réponse. Est-ce qu'il y a eu un sondage sérieux, scientifique fait auprès de l'ensemble des consommateurs du Québec sur la question de l'opportunité ou non d'ouvrir le dimanche? Si oui, est-ce que quelqu'un pourrait rendre publics ces sondages de façon qu'on puisse savoir non pas seulement ce que pensent les marchands - on le sait, on le voit, c'est évident - et leurs employés, mais également les consommateurs?

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: En réponse à la question du député de Laporte, je vous soumets respectueusement qu'une consultation a été faite en février 1983 sur les heures d'affaires et sur la question du dimanche. Plusieurs associations, tant de consommateurs que de commerçants ou d'employés, ont répondu à cette consultation. Les résultats en ont été déposés au bureau du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Je pense que seul lui pourrait répondre à la question que vous m'avez posée et ce, d'une façon beaucoup plus précise que moi parce que je n'ai pas de document.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: J'ai effectivement pris connaissance et j'ai en ma possession le rapport de cette consultation. Je disais au ministre mardi dernier que justement, à la lecture de ce rapport, il semble que l'enfant pauvre de cette consultation soient les consommateurs. On semble avoir beaucoup plus consulté les marchands, les détaillants, les commerçants et leurs employés que les consommateurs. Je ne prétends pas que les consommateurs auraient une réponse différente. Ce serait intéressant pour nous de le savoir, parce que, en tant que législateurs, on est là pour tenter de préparer une loi qui soit acceptable à l'ensemble de la population et non pas seulement à un groupe, que ce soient les marchands ou les consommateurs.

Toujours à la page 7, dans le même paragraphe, plus bas, vous dites: "Accéder à une telle demande, sous le couvert des droits et libertés de la personne, c'est accepter de rejeter un droit collectif souhaité ou voulu par une population." C'est pour cela que je vous pose ces questions. Vous affirmez que c'est souhaité et voulu par une population. Quand vous parlez de la population, vous parlez des consommateurs ou vous parlez de l'ensemble des marchands?

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: On parle des consommateurs. On parle des commerçants. On parle des employés aussi. On a fait des consultations auprès d'autres secteurs de commerce. On s'est rendu compte que le statu quo, pour nous, répond à peu près au voeu et au souhait de l'ensemble des milieux consultés. Par conséquent, on dit: La collectivité le veut. On se demande la raison pour laquelle le gouvernement se doit d'accepter le voeu et le souhait d'un groupe minoritaire qui veut simplement accroître sa part du marché au détriment de la majorité. Vous savez, à ce moment, personne n'est intéressé de payer des taxes continuellement. On l'accepte parce que cela répond à un besoin collectif. Si on retourne la question à l'envers, on dit: Écoutez, cela ne nous plaît pas; on est libre de ne pas payer des taxes. À ce moment, c'est l'anarchie.

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Paul): S'il n'y a pas

eu de sondage - mais il a dû y en avoir, je sais qu'il y en a eu - d'autres secteurs font valoir leurs droits et leur position devant cette commission. Nous avons fait nos recherches et, avec le dossier que nous déposons ici aujourd'hui, nous sommes quand même confiants que ce qu'il y a dedans est véridique. Si demain matin - je reviens aux sondages parce que des sondages, vous savez, on peut leur faire dire ce que l'on veut pas mal souvent - on veut parler de qualité de vie et de qualité de service - on entend cela de la part du gouvernement depuis je ne sais combien d'années, la qualité de vie - la qualité de vie, ce n'est pas seulement le consommateur; c'est aussi l'ouvrier, parce que c'est avec le même individu, la même personne qu'on fait affaires. À ce moment-là, si on demande à nos ouvriers de travailler plus longtemps, cela nous cause des problèmes, c'est vrai.

Si, dans un secteur de marché, au niveau des employés, on s'aperçoit - et on a les informations, parce qu'on les a tous faits nos sondages de ce côté - que personne ne veut travailler et que tout le monde est contre ce projet, à ce moment, on se doit de défendre ces positions. Si, demain matin, les consommateurs ont besoin de plus d'information de la part des services gouvernementaux, est-ce que vous êtes prêts à ouvrir des ministères complets pour répondre aux consommateurs, demain matin, pour fournir des informations dont ils ont besoin? Et Dieu sait que les consommateurs ont besoin d'information de plusieurs ministères. Est-ce qu'on veut virer tout le système à l'envers? C'est un peu cela le danger. Je ne vous dis pas que cela n'arrivera pas un jour, mais je ne pense pas qu'on en soit rendu là actuellement.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je ne suis pas le gouvernement, mais j'observe, depuis un certain temps, qu'il y a effectivement...

Une voix: On vous observe...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Bourbeau: ...cela, la population le jugera bientôt. Mais pour répondre à votre question, M. Vaillancourt, j'observe effectivement que, depuis un certain temps, il y a au gouvernement un mouvement vers ce que vous venez de dire. Je me souviens que le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur annonçait, il y a quelques mois, que, dorénavant, on ouvrirait durant plus d'heures, à l'heure du midi, pour répondre aux demandes, à la Régie du logement. Je pense qu'on a déjà annoncé même des ouvertures le soir, dans certains ministères pour... Et je pense qu'il y a un mouvement très faible et très timide - je dois le dire - dans le sens de donner plus de service à la population, à des heures où celle-ci est susceptible d'en recevoir.

Je ne porte pas de jugement sur la valeur de cela, à savoir si cela est souhaitable ou non. Mais, j'ai l'impression et la certitude même qu'effectivement, même au gouvernement, d'une façon très lente, on ouvre un peu. Il ne faut pas s'en faire. Comme député, quand je veux appeler dans un ministère pour avoir un renseignement à 16 h 15 ou 16 h 30 et que je vois que c'est fermé, que les fonctionnaires sont partis... Dans certaines municipalités au Québec, c'est complètement fermé le vendredi après-midi, d'autres ferment à 15 heures ou 15 h 30. Quant à nous, nous restons à nos bureaux jusqu'à 18 h 30 ou 19 heures tous les soirs. On trouve cela assez incroyable...

M. Biron: ...vous appelez au bureau du ministre!

M. Bourbeau: ...on appelle... et là on trouve le ministre. Je dois avouer que c'est une bonne heure pour le retrouver, et le porte-parole de l'Opposition aussi. Alors, peut-être qu'effectivement, il faudra donner aux consommateurs les services dont ils ont besoin à des heures un peu plus flexibles. Et peut-être que le gouvernement pourra aussi fermer les lundis matin.

De toute façon, revenons à ce qu'on disait...

Une voix: ...fermer le Parlement...

M. Bourbeau: ...comme le dit mon collègue, si le gouvernement fermait le Parlement, peut-être que...

Une voix: Cela irait mieux. M. Bourbeau: ...oui. Des voix: Ah! Ah!

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Bourbeau: Alors, revenons à la question. La raison pour laquelle je vous interroge - je reviens là-dessus et je ne veux pas que vous pensiez que l'Opposition est en train de faire la guerre au profit de l'ouverture le dimanche - c'est parce que vous me semblez être, parmi les intervenants qui s'opposent farouchement à l'ouverture le dimanche, un des mieux préparés et des mieux structurés, et c'est pour cela que je vous teste un peu plus, pour tenter de voir vraiment le fondement de l'argumentation.

Tout à l'heure, vous avez répondu: On

n'est pas pour ouvrir le dimanche pour faire plaisir à un groupe minoritaire qui veut accroître sa part du marché. Je présume que vous faisiez allusion à Eaton, IKEA et aux gros magasins. Je reviens encore à ce point. Est-ce vraiment la seule raison pour laquelle on pourrait ouvrir le dimanche, pour permettre à un groupe de gros marchands de faire de l'argent? Quand vous affirmez cela, êtes-vous vraiment certain que les consommateurs, eux, ne souhaiteraient pas que ces commerces soient ouverts le dimanche?

Vous semblez vous faire le porte-parole de la population quand vous employez les mots "pour une population qui ne veut pas d'ouverture le dimanche". Je mets en doute votre capacité d'affirmer que la population ne veut pas ouvrir le dimanche et je pense que c'est peut-être plutôt par intérêt... Vous voulez faire de l'argent durant la semaine -et c'est normal, vous êtes commerçant - et vous avez des concurrents qui, eux, pensent qu'ils vont faire plus d'argent s'ils ouvrent le dimanche. Alors, c'est une guerre entre marchands. Où est l'intérêt du consommateur là-dedans? Est-ce que vous ne vous arrogez pas un droit - pas un droit, mais un mandat - que vous ne semblez pas avoir de parler au nom de la population, alors qu'en fait vous parlez plutôt pour les commerçants?

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Paul): J'ai, au départ, expliqué certaines choses et parlé des vérifications que nous avons faites auprès d'autres gouvernements, parce qu'il y a des heures plus libres ou d'autres horaires d'ouverture des commerces dans d'autres provinces. J'en note une ici: De grandes chaînes qui ont expérimenté la libéralisation des heures d'ouverture dans d'autres provinces affirment qu'après quelques mois on n'a pas augmenté les ventes du tout. Tout ce qu'on a fait, on a seulement déplacé l'enveloppe budgétaire. On a donné un service additionnel, si vous voulez, aux consommateurs, mais cela a augmenté les coûts, assurément. Alors, ces coûts - j'en ai fait mention tantôt dans un autre exposé - se reflètent sur les coûts des services publics et jusque sur le compte de taxes du consommateur.

Nous disons qu'actuellement 62 heures, du moins dans notre domaine, dans le domaine de l'ameublement, c'est suffisant pour répondre à la demande de la consommation. Si vous voulez comparer avec d'autres secteurs, par exemple, celui de l'automobile est fermé le samedi et le dimanche depuis quelques années, du moins dans la région de Montréal. Quand on va acheter une automobile, on va contracter une facture de 10 000 $ au minimum, entre 10 000 $ et 20 000 $. Ce secteur est fermé le samedi et le dimanche maintenant. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres secteurs dans le domaine du détail qui n'ont pas besoin d'ouvrir le dimanche.

Pour ce qui est de nos informations et de la cause qu'on a à défendre ici aujourd'hui, à part IKEA, qui est une nouvelle chaîne, qui est internationale et qui est la plus grosse chaîne au monde - on en est conscients, on ne s'en cache pas - cette chaîne représente actuellement peut-être 500 employés à travers le Canada, ce qui peut représenter pour Montréal et Québec, leurs deux succursales, peut-être une soixantaine ou une centaine d'employés au maximum. 75% des produits qu'elle vend ici actuellement, c'est de l'importation; 25% de ses produits sont fabriqués au Canada. Cela ne veut pas dire juste au Québec; la partie du Québec, c'est peut-être seulement 10%. Eaton est pour la thèse d'ouvrir le dimanche et défend cette position. Ils ont certainement leurs raisons, mais, jusqu'à présent, en un an, ceux qu'on a rencontrés qui veulent réellement défendre cette position jusqu'au bout, il n'y a que ces deux chaînes.

Si vous parlez des autres marchands de meubles, évidemment, il y a la question des Juifs, de la communauté juive qui a le sabbat. Ils veulent déplacer cela et tout le reste, mais cela est un autre problème que la loi devra régler. D'autres marchands de meubles ont ouvert à certaines périodes non permises depuis la crise économique de 1982 - cela a commencé vers la fin de 1981. En 1982, plusieurs, pour venir à bout de passer un peu plus facilement à travers la crise, se sont permis des ventes de 18 heures à 24 heures et des ventes le dimanche. Ceux-là, je n'en ai pas rencontré un, depuis un an, qui est venu endosser les chaînes qui ont demandé de défendre le point de vue de l'ouverture le dimanche. Il n'y en a pas un. Ceux-là sont quand même intéressés à ouvrir une fois de temps en temps le dimanche pour aller gruger dans l'assiette de l'autre. À ce moment-là, on trouve que la loi se doit d'être plus sévère. Si ces gens veulent défendre cette position, ils ont le même privilège que nous, ils n'ont qu'à venir la défendre. Depuis un an, on peut vous dire une chose: ce sont les mêmes qui ouvrent le dimanche. Il y en a qui ont eu des injonctions durant des périodes de trois à quatre mois. Aussitôt l'injonction terminée, ils ont continué à ouvrir le dimanche. Cela fait leur affaire d'ouvrir le dimanche pour autant que la loi défend l'ouverture le dimanche.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte, en vous rappelant que nous avons dépassé le temps. (11 h 15)

M. Bourbeau: Quel temps, M. le Président?

Le Président (M. Rancourt): Le temps qui est alloué pour une audition, soit trois quarts d'heure. Cela fait déjà une heure que nous avons... Vous pouvez poursuivre.

M. Bourbeau: Quel article du règlement, M. le Président?

Le Président (M. Rancourt): II semble qu'il y a eu entente.

M. Bourbeau: Ah bon, très bien! Mais remarquez, je comprends bien, mais ce matin, on a seulement trois intervenants, on a commencé un peu en retard, on ne prendra pas trop de temps.

Je conclus, d'après ce que vous dites, que ceux qui ont ouvert le dimanche ont déplacé le marché; que les coûts des commerçants ont augmenté puisqu'ils avaient des heures plus longues mais que, effectivement, les consommateurs s'en sont prévalus.

Voici la question fondamentale qu'il faudrait se poser: Est-ce que, par hasard, les consommateurs ne seraient pas prêts à payer un coût additionnel, puisque c'est ce qui va se produire - ce n'est rien de nouveau - pour avoir la possibilité d'un plus grand nombre d'heures d'ouverture? Êtes-vous prêt à répondre à cette question?

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Paul): Je peux vous dire que j'ai eu l'occasion de fureter quelques sondages qui ont été faits dernièrement pour d'autres secteurs du commerce de détail. Il est vrai - il y a des associations qui se feront entendre devant vous - que dans certains domaines, on va observer, ce qu'on appelle en anglais, le "leisure shopping"; c'est ce qui se fait le dimanche.

À cause de l'augmentation du coût de la vie, de la crise économique qu'on vient de passer et de la relance à laquelle tout le monde s'accroche et essaie de profiter au maximum, on ne peut pas dire que les consommateurs d'aujourd'hui sont plus à l'aise qu'ils l'étaient en 1981 ou 1982. Il y a beaucoup de ce "leisure shopping" - je m'excuse de l'anglicisme - qui se pratique le dimanche mais, de là à sortir un maximum de vente, ouvrez tout le monde le dimanche, tout ce que vous venez de faire, d'autres provinces et certains États aux États-Unis l'ont prouvé, c'est déplacer cette assiette de vente, l'enveloppe de vente n'augmente pas.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Une dernière question. Je voudrais vous demander ceci: Est-ce que, d'après vous, le consommateur - parce que je reviens toujours au consommateur, vous le connaissez bien, vous le servez régulièrement - fait une différence entre le genre de commerce que vous exercez, soit la vente de meubles, et l'alimentation. Est-ce qu'il est possible qu'on ait, parmi les consommateurs, une plus grande faveur à l'endroit de l'ouverture le dimanche pour des commerces d'alimentation que pour des commerces comme le vôtre?

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Paul): Certainement. D'ailleurs, la loi 60 le couvrait déjà pour certaines exceptions. Le projet de loi 59 le couvre pour un plus grand nombre d'exceptions. Il y a, dans les dernières années, l'avènement des marchés publics. Je ne m'en cache pas, parfois, le dimanche, quand je n'ai rien à faire, je pars avec mes enfants, je vais faire un tour au marché public. "It is leisure shopping." Actuellement, d'autres feront valoir - parce qu'ils ont les dossiers en main pour le faire valoir - que la méthode de consommation, même au niveau de l'alimentation, n'a pas tellement changé. Ici, au Québec, on consomme beaucoup au niveau de l'alimentation. Le marché se fait le jeudi ou le vendredi et chez un épicier majeur où il y a un grand choix. On y dépense la majeure partie de l'enveloppe budgétaire de l'alimentation d'un coup sec.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est très intéressant, parce que les marchés publics, jusqu'à un certain point, transgressent la loi actuelle avec tous ceux parmi les commerçants des marchés publics qui ont plus de trois employés dans une section du magasin, dans un étal. Ils ne se conforment pas à celle-ci puisqu'ils doivent se limiter au maximum de trois employés par magasin.

Dans la nouvelle loi, dans le projet de loi que le ministre nous propose, cette restriction est conservée. Vous qui tentez de nous convaincre de ne pas laisser ouvrir les commerces le dimanche, vous semblez être d'accord pour qu'à l'égard de l'alimentation on permette la libéralisation non seulement pour un maximum de trois personnes, mais vous semblez dire également que vous encouragez les marchés publics le dimanche. Donc, pour terminer, je repose ma question: Est-ce qu'on devrait traiter l'alimentation d'une façon tout à fait différente, libéraliser complètement le secteur de l'alimentation, en ce qui concerne la loi du dimanche, et à l'égard des autres commerces qui ne sont pas dans l'alimentation observer une réglementation plus stricte?

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt, suivi de M. Varin.

M. Vaillancourt (Paul): Tout ce que j'ai mentionné, c'est que j'avais eu l'occasion -là, c'est en tant qu'individu que je parle -de voir d'autres documents ou sondages qui ont été faits dans d'autres secteurs du détail. Ma fonction, ici, ce n'est pas de défendre ces secteurs-là. Je vous ai bien dit une chose, je vous ai bien stipulé que dans la loi 60 il y avait huit exemptions; il y a des tolérances qui se sont greffées au fil des années à cela et c'est un peu normal. C'est pour cela qu'on révise des lois à un certain moment donné; lorsque l'article est rendu au bout et qu'il est à la veille de péter, on s'asseoit autour d'une table de concertation et on réagit. On est ici pour faire cela et la preuve en est que, dans le projet de loi 59, au lieu de huit ou dix exceptions comme il y a dans la loi actuelle, il y en a seize et il y en aura probablement d'autres. Alors, tout ce que je puis vous dire, c'est qu'il y a, dans certains secteurs, assurément, un changement de comportement de consommation. Mais je peux vous assurer que dans le domaine du meuble, actuellement, ce n'est pas prononcé assez fort, du moins pour que nous ayons pu le déceler, parce que, comme je l'ai dit un peu plus tôt, nous sommes des hommes d'affaires, on est en affaires pour faire des profits. Que ce soit à vendre des carottes, des meubles ou des automobiles, il n'y a personne qui est en affaires pour faire des pertes.

À ce moment-là, on est conscient d'une chose, c'est que, si le consommateur nous demande d'ouvrir le dimanche, on ouvrira le dimanche et on défendra cette position quand on sera rendu là. Mais, actuellement, depuis un an, période durant laquelle ce comité s'est prononcé, a travaillé, a fait ses recherches, dans le secteur de l'ameublement, il n'en est pas question.

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: M. le Président, j'aimerais ajouter quelques mots relativement à la question du député de Laporte. J'ai eu l'occasion de travailler dix ans dans le domaine de l'alimentation, domaine que je connais donc d'une façon un peu particulière. J'ai eu l'occasion de diriger des magasins d'alimentation. Je peux vous dire que, dans l'alimentation - bien que je ne veuille pas entrer dans le champ de l'alimentation - les heures actuelles sont suffisantes pour répondre aux besoins de la demande. C'est sûr que, si vous ouvrez les magasins 24 heures, il va encore manquer une heure aux consommateurs pour répondre à leurs besoins.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est tout. Merci.

M. Fortier: M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont, vous m'aviez demandé la parole; si vous voulez, rapidement...

M. Fortier: Je vais certainement suivre vos conseils...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît.

M. Fortier: ...et procéder rapidement. Dans l'annexe A de votre document, vous faites une comparaison de la loi actuelle avec le projet de loi 59 ainsi qu'avec la Loi sur les normes du travail. Vous soulignez dans votre texte qu'il n'y a pas concordance et que, compte tenu de la concurrence, si certains jours - comme vous le souglinez, je crois, le lundi de Pâques - il est possible d'ouvrir, cela va probablement vous forcer à ouvrir et que, en conséquence, cela va vous coûter double salaire. J'aimerais que vous souligniez s'il n'y a pas d'autres jours où le même phénomène se produit. Est-ce que, finalement - ceci n'est pas implicite dans votre texte - la demande que vous faites, c'est de maintenir la loi telle qu'elle est ou bien c'est que le gouvernement modifie la loi pour conserver le projet de loi 59 tel qu'il est, ou demander au législateur de s'assurer que la Loi sur les normes du travail concorde avec le projet de loi 59? Ce n'est pas très clair dans votre texte. J'aimerais avoir l'impact économique. Votre association a-t-elle fait une demande explicite pour qu'il y ait concordance entre les deux lois?

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: M. le Président, le voeu et le souhait des marchands de meubles du Québec, c'est que les jours de fermeture prévus par la loi actuelle - le chapitre 60 -soient maintenus. Nous avons remarqué que, dans le projet de loi 59, les jours de fermeture ont été restreints et que, par contre, la Loi sur les normes du travail, plus spécifiquement le décret 2472, oblige les commerçants à payer le double pour des heures non prévues. Par conséquent, on aimerait revenir au chapitre 60 de la loi actuelle.

M. Fortier: Dans le cas où le gouvernement statuerait et maintiendrait le projet de loi 59 tel qu'il est, est-ce que votre association a une recommandation à faire? Peut-être n'en avez-vous pas, mais je vous pose la question bien explicitement: Dans le cas où le gouvernement maintiendrait le projet de loi 59 tel qu'il est, est-ce que vous faites une demande que la Loi sur les normes du travail soit modifiée en conséquence?

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: ...qu'il y ait concordance avec la Loi sur les normes du travail. Sans modifier la Loi sur les normes du travail, qu'il y ait une concordance quand même entre celle-ci et le projet de loi 59. C'est tout ce qu'on demande.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: M. le Président, deux petites questions très courtes. Vous appartenez particulièrement à l'industrie du meuble. On a parlé de réaménagement d'heures dans le projet de loi 59, entre autres d'ouvrir une heure de plus le samedi, alors que cela semble être rejeté par l'ensemble des intervenants qui sont venus à ce jour. Par contre, certains intervenants dans le commerce du détail ont fait allusion au fait que, les jeudi et vendredi soir, il serait peut-être intéressant d'avoir une demi-heure de plus. Est-ce que je pourrais vous demander si, dans le commerce du meuble, vous avez la même affluence au point de vue consommateurs que d'autres genres de commerces?

Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Paul): J'ai eu l'occasion, pour la Chambre de commerce de Laval, dans laquelle je milite, de vérifier cette partie dans le secteur de Laval. On a, je pense, suffisamment de centres commerciaux à Laval, imposants et importants, pour arriver avec une vérification assez juste à ce niveau. Il s'est avéré qu'à la première information qu'on a obtenue au niveau des directeurs généraux - les D.G. des établissements - 75% ou 80% disaient: On aimerait avoir une heure de plus le jeudi et le vendredi. Nous avons étudié cela, nous aussi. Nous sommes même allés un peu plus loin, parce qu'on sait qu'il y a des associations de marchands dans tous les centres commerciaux ou à peu près tous les centres commerciaux le moindrement importants.

Après avoir vérifié auprès de l'Association des marchands, on s'est rendu compte que c'était le contraire. L'heure de plus les jeudi et vendredi, les commerçants n'en veulent pas. Seulement le D.G. la voudrait bien, parce qu'il est à la gestion. Il a un peu raison: s'il a une heure de ventes de plus, il y a toujours la clause de surplus de loyer qui fonctionne au niveau des centres commerciaux. Il fait du loyer de plus, donc il rentabilise son centre commercial un peu plus. Mais lorsqu'on a vérifié auprès de l'association, chacune de ces associations, dans cinq centres commerciaux à Laval, on s'est aperçu que c'était l'inverse: 75% des détaillants n'en voulaient pas. Les 25% qui voulaient cette heure additionnelle étaient encore les commerces à succursales, soit Eaton, La Baie, Sears qui endossaient le D.G. Par contre, lorsqu'on regardait au niveau de l'association des détaillants ou des commerçants du centre, on s'apercevait qu'on avait exactement la réponse inverse: 75% contre cette extension d'une heure.

Le Président (M. Rancourt): M. Varin.

M. Varin: M. le Président, pour répondre à la question du député de Hull, la loi actuelle prévoit la fermeture les jeudi et vendredi à 21 heures. Elle prolonge d'une demi-heure pour les clients; il peut arriver au client de rester une demi-heure supplémentaire, soit jusqu'à 21 h 30. On se demande quel attrait il y aurait à ajouter une demi-heure de plus, d'une part, et qu'est-ce que cela donnerait de plus, en termes de bénéfices pour le consommateur.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte... M. le député de Hull.

M. Rocheleau: M. le Président, certains intervenants ont fait allusion aux congés des 24 juin et du 1er juillet, à savoir qu'il serait plus intéressant de reporter le congé au lundi le plus près, afin d'éviter, entre autres, si le 24 juin ou le 1er juillet tombent un jeudi, et autant pour le consommateur que l'employé et l'employeur, il serait peut-être préférable que le congé soit déplacé un lundi afin de faire bénéficier tout le monde d'une plus grande fin de semaine. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. (11 h 30)

M. Varin: Pour répondre à la question du député de Hull, à ce moment, cela va impliquer une modification à la Loi sur les normes du travail qui prévoit que le 24 juin et le 1er juillet, c'est fermé. Mais pour le report, je ne pense pas qu'il y ait inconvénient.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte, un commentaire?

M. Bourbeau: Oui. En terminant, je voudrais simplement remercier nos amis de la Corporation des marchands de meubles de s'être déplacés pour venir nous informer. Je voudrais également les rassurer en leur disant qu'il ne faudrait pas conclure des questions que j'ai posées que l'Opposition libérale est nécessairement en faveur d'une libéralisation des heures le dimanche. Disons que j'ai simplement voulu vérifier la solidité de votre foi et de vos arguments. Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre. S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Biron: II faut être discipliné vu qu'on a encore beaucoup d'autres intervenants à entendre aujourd'hui. Je veux tout simplement vous remercier d'avoir participé à cette commission parlementaire. Je veux faire le point quand même. C'est que vous êtes intervenus à plusieurs reprises en disant: Nous, le dimanche, on veut que ça ferme. La loi c'est cela. On va fermer le dimanche. Bravo. Je pense qu'il y a assez d'amendes pour que la loi soit respectée là-dessus.

D'autre part, vous dites aussi que les gens qui veulent ouvrir le dimanche c'est pour s'approprier le marché des autres alors que les gens qui veulent ouvrir le dimanche disent: Non, ce n'est pas cela. On a déjà l'évolution du consommateur, de la consommatrice qui tend à ce qu'il y ait plus d'occasions, et le fait d'ouvrir à des heures différentes est meilleur pour le consommateur et la consommatrice plutôt que le lundi matin ou le mardi matin. Cela vise à augmenter le commerce. Ce n'est pas déplacer le commerce. Au contraire, c'est une augmentation de commerce. Une augmentation de revenus pour tout le monde et une augmentation d'emplois en fin de compte.

L'argumentation est valable, je pense, des deux côtés. Il faut l'examiner le mieux possible. En fait, comme commentaires, je vous dis: On a écouté vos principales recommandations. On a voulu les mettre dans le projet de loi. Aussi, bien sûr, dans certains petits détails, on a essayé de se rendre à certaines demandes de gens qui voulaient avoir une occasion d'augmenter le commerce. C'est tellement peu. Je ne peux pas dire que c'est une révolution notre Loi sur les heures d'affaires. C'est plutôt une très légère évolution ou un très léger changement plus qu'une grande révolution dans les heures d'affaires sauf pour la fermeture le dimanche et imposer des amendes suffisantes pour que ce soit respecté. Je vous remercie encore une fois d'être venus ici aujourd'hui.

Le Président (M. Rancourt): Oui, M. Souligny.

M. Souligny: À la suite des mentions faites sur la qualité du dossier présenté, au nom de tous mes collègues ici présents et au nom de tous les marchands de meubles du Québec, je vous dis merci. Évidemment, c'est un merci qui s'adresse aussi aux membres de la commission d'avoir bien voulu entendre nos commentaires sur le projet de loi 59.

Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup. Ceci termine la présentation de la Corporation des marchands de meubles du Québec. Nous allons appeler maintenant l'Association des détaillants en alimentation du Québec.

Nous accueillons maintenant l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Si, M. le président veut bien se présenter et présenter ceux qui l'accompagnent.

ADAQ

M. Séguin (Normand): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, permettez-moi de me présenter: Normand Séguin, président de l'Association des détaillants en alimentation du Québec. J'aimerais maintenant vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Jean Dubois, vice-président exécutif de l'association; Me André Martel, conseiller juridique; Mme Gisèle Hamelin, directrice des communications; Me Martel vous fera la présentation du mémoire de l'Association des détaillants en alimentation du Québec.

Le Président (M. Rancourt): M. Martel, vous avez la parole.

M. Martel (André): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Un instant, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Biron: Si je comprends, vous allez résumer le mémoire. Merci beaucoup. Cela nous donnera plus de temps pour questionner sur le fond, parce que je pense que tous les membres de la commission l'ont lu.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Donc, M. Martel, vous pouvez y aller.

M. Martel (André): Merci. MM. les membres de la commission, comme le soulignait le ministre, nous avons l'intention de faire un court résumé du mémoire qui vous a été soumis par l'Association des détaillants en alimentation du Québec le 1er février 1984. Il est peut-être utile, à ce stade, de souligner qu'il s'agit pour notre association de la présentation d'un second mémoire concernant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. En effet, je crois que vous devriez avoir en votre possession le premier mémoire, qui vous a été soumis le 30 mars 1983.

Donc, en vous référant au mémoire du 1er février 1984, il serait peut-être utile de rappeler que l'Association des détaillants en alimentation du Québec compte plus de 2500 membres qui sont tous, évidemment, des épiciers détaillants indépendants et qui gèrent des commerces de toutes les tailles, du simple dépanneur au supermarché indépendant. Par ailleurs, l'association représente environ 80% du chiffre d'affaires des 11 000 épiciers détaillants indépendants.

Notre association a toujours, à cet égard, été reconnue comme le porte-parole officiel des 11 000 détaillants indépendants.

Notre association, M. le ministre, M. le Président, MM. les députés, attache la plus grande importance à la consultation publique à laquelle vous nous avez conviés. Qu'il soit dit en passant que la position soutenue aujourd'hui par l'Association des détaillants en alimentation du Québec est basée sur un sondage scientifique qui a été réalisé à sa demande par la firme COGEM, soit la même firme qui a réalisé le sondage, en 1975, pour le gouvernement. Le but du sondage est simple. Il visait à mettre à jour les données qui avaient été recueillies par COGEM en 1975, dans un premier temps, et, dans un second temps, le sondage visait à obtenir l'opinion des consommateurs ainsi que l'opinion des détaillants que nous représentons justement sur cette Loi sur les heures d'ouverture des établissements commerciaux.

Parallèlement, l'association désirait vérifier les habitudes d'achat des consommateurs de même que la perception que les détaillants se faisaient de la loi actuelle. Vous constaterez, à la page 3, que la firme COGEM a procédé à trois étapes importantes dans sa recherche au niveau du sondage. Dans une première étape, il s'agissait d'obtenir l'opinion des groupes reliés au commerce de détail en alimentation. Dans un deuxième temps, une enquête ou un sondage scientifique a été effectué auprès de 500 consommateurs responsables des achats d'épicerie dans onze villes différentes dans la province de Québec. Dans un troisième temps, un sondage ou un questionnaire fut également soumis aux détaillants indépendants afin de connaître leur opinion.

Lorsque le sondage a été complété, l'ADA a également procédé à de multiples consultations, tant auprès de ses membres que des divers groupements d'épiciers indépendants. Si les membres de la commission désirent se référer plus particulièrement au sondage effectué par la firme COGEM Inc., les résultats de ce sondage ont été déposés avec le mémoire qui a été remis le ou vers le 30 mars 1983. Si vous me le permettez, en quelques mots j'aimerais me référer à ce sondage, plus particulièrement au sondage qui a été effectué auprès des consommateurs. Ce sondage a révélé, en ce qui concerne l'alimentation tout au moins, de façon non équivoque que les consommateurs étaient satisfaits des heures d'ouverture actuellement en vigueur dans les commerces de détail en alimentation. Vous trouverez aux pages 8, 37 et 43 du sondage, évidemment les conclusions auxquelles je fais référence.

Donc, la première conclusion qui nous semblait apparente, c'est que le consommateur ne manifestait pas un désir ou un besoin essentiel de voir élargir le cadre des heures d'ouverture. Quant aux détaillants, probablement pour les mêmes raisons que celles qui ont été fournies tantôt par le groupe qui nous a précédés, les détaillants se déclarent unanimement satisfaits des heures d'ouverture actuelles.

Cela dit, vous trouverez à la page 4 de notre mémoire le groupe des trois principales recommandations que nous formulions dans ce mémoire. Ils s'agit de maintenir le statu quo en ce qui concerne les heures d'ouverture des établissements commerciaux, tout en ajoutant le dimanche à la nomenclature des jours où aucun client ne peut être admis dans un établissement commercial.

Dans un deuxième temps, le groupe des recommandations tendait à préciser dans le domaine alimentaire les épiceries qui sont exclues de l'application de la loi. Dans une troisième recommandation, notre association suggérait que de nombreuses modifications soient apportées à la loi afin de la rendre plus contraignante.

Nous avons pris connaissance - et nous avons procédé à une étude exhaustive - du projet de loi 59 qui a été déposé le 21 décembre 1983 par l'honorable ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme du Québec. Notre première réaction est de vous informer que notre association considère qu'il s'agit d'un effort louable et manifeste pour procéder à un réexamen de la loi actuelle, d'analyser les problèmes vécus par les divers intervenants et de répondre, évidemment, de la même façon aux attentes de la majorité de ces intervenants.

Plus particulièrement et de façon générale, l'Association des détaillants en alimentation du Québec approuve sans réserve le maintien du cadre d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux. Un tel cadre nous apparaît nécessaire et, suivant les résultats du sondage auquel nous avons fait référence, reflète l'opinion de la majorité des intervenants et des consommateurs.

Nos commentaires généraux, que vous trouverez à la page 5 de notre mémoire, méritent probablement d'être analysés en quatre points principaux. Tout d'abord, nous sommes d'avis que le projet de loi actuel permettra de maintenir un service approprié aux consommateurs tout en assurant - nous soumettons qu'il s'agit d'un des objectifs louables de la loi - dans une certaine mesure, une concurrence relativement mieux équilibrée dans le domaine de l'alimentation entre les gros détaillants et les petits détaillants.

Dans un deuxième temps, ce projet de loi réalise également un autre objectif, c'est-à-dire d'assurer à ces propriétaires, à ces 11 000 détaillants indépendants, surtout à leurs employés, la possibilité de continuer à travailler à des heures normales et

raisonnables.

Dans un troisième temps, nous avons cru remarquer également que des précisions ont été apportées au texte de loi actuel afin de clarifier certaines dispositions qui peuvent paraître obscures à première vue.

Dans un quatrième et dernier temps, notre association a également constaté avec joie que plusieurs dispositions avaient été modifiées afin d'atteindre un des objectifs de quelques dispositions à caractère pénal, soit celui de dissuader les contrevenants éventuels.

Voilà, MM. les membres de la commission, les commentaires généraux que nous entendions formuler sur le projet de loi 59. À la page 6 du mémoire, vous verrez que nous nous sommes permis, dans un esprit positif - j'aimerais le souligner - de formuler plusieurs commentaires spécifiques sur le contenu même du projet de loi. (11 h 45)

À l'article 2 plus particulièrement, nos commentaires sont les suivants. Quant à l'addition du dimanche à la nomenclature des jours où aucun client ne peut être admis dans un établissement commercial, nous approuvons, comme je le disais, sans réserve cette addition.

En ce qui concerne maintenant le lendemain du jour de Pâques ainsi que le deuxième lundi d'octobre, que nous n'avons pas vu dans le projet de loi 59, nos commentaires sont les suivants - vous les trouverez à la page 7 du mémoire: La Loi sur les normes du travail, comme vous le savez, prévoit que le 1er janvier et le 25 décembre sont des jours fériés, chômés et payés. Les quatre autres jours établis par règlement prévoient que la fête du travail, le vendredi saint ou le lundi de Pâques, la fête de Dollard et l'Action de grâces sont également des jours considérés comme fériés, chômés et payés, de même que le 24 juin, jour de la fête nationale. Nous croyons qu'en abrogeant par le projet de loi 59 la journée du lendemain du jour de Pâques ainsi que celle du deuxième lundi d'octobre, il semble y avoir à tout le moins une certaine anomalie ou une non-concordance entre cette Loi sur les normes du travail et la loi sur les heures d'affaires. Nous sommes respectueusement d'avis qu'une concordance devrait être effectuée entre ces deux lois, c'est-à-dire que le deuxième lundi d'octobre de même que le lendemain du jour de Pâques devraient continuer à être considérés comme des jours où aucun client ne peut être admis dans un établissement commercial au sens de la loi sur les heures d'affaires.

De la même façon, quant au 2 janvier et au 26 décembre, nous avons cru constater que le projet de loi permettra dorénavant d'admettre des clients dans un établissement commercial à compter de 8 h 30 le matin. L'Association des détaillants en alimentation du Québec soumet respectueusement qu'il n'existe, à notre avis, aucune raison suffisante justifiant l'ouverture des épiceries le lendemain de Noël, de même que le lendemain du jour de l'An, à une heure aussi matinale. D'ailleurs, l'exception prévue au paragraphe 6 du premier alinéa de l'article 5, soit l'exception concernant les dépanneurs, permet - nous le soumettons respectueusement - au consommateur de pallier les besoins urgents qui pourraient se manifester à une heure aussi matinale concernant ces deux journées. Voilà donc essentiellement les commentaires que nous formulons sur cet article 2.

Quant à l'article 3 - plus particulièrement à la page 9 - la disposition concernant le samedi, disposition qui prolonge de 17 heures à 18 heures l'heure après laquelle aucun client ne peut être admis dans un établissement commercial le samedi, en nous référant au sondage effectué par la maison COGEM, vous constatez que ce sondage révèle que seulement 10% des consommateurs ont déclaré effectuer l'achat de leur commande principale le samedi. Donc, si seulement 10% des consommateurs effectuent leur commande principale le samedi, nous croyons qu'il n'existe pas, encore une fois, de raison suffisante pour prolonger de 17 heures à 18 heures l'heure de fermeture le samedi. Fait assez intéressant, ce même sondage révèle que 88% des consommateurs sont très satisfaits des heures d'ouverture de leur magasin d'alimentation habituel. Donc -et c'est notre humble prétention - à quoi servirait de pénaliser non seulement les propriétaires de ces commerces, mais surtout leurs employés, en leur demandant de prolonger leur journée de travail jusqu'à 18 heures le samedi, alors que le consommateur non seulement n'exprime aucun intérêt pour une telle prolongation, mais ne se présentera pas, suivant les données statistiques, pour y effectuer sa commande principale?

De la même façon, à la page 9 du mémoire, vous constaterez que nos commentaires sont un peu au même effet concernant la semaine précédant le dimanche de Pâques. Dans l'alimentation tout au moins, notre expérience révèle qu'il n'existe pas de motif suffisant pour prolonger les heures d'ouverture jusqu'à 21 heures durant les six jours précédant le dimanche de Pâques. Elles le sont déjà jusqu'à 21 heures les jeudi et vendredi et nous ne voyons aucune raison de procéder à une telle extension pour les autres journées. En ce qui concerne la période précédant Noël, il ne s'agit évidemment pas d'une modification majeure, mais vous trouverez notre approbation à cette modification à la page 10 du mémoire. Un seul détail mériterait peut-être d'être analysé, il s'agit du fait que cette prolongation durant la période précédant Noël devrait se limiter soit du

lundi au vendredi inclusivement et ne devrait pas inclure la journée du samedi comme journée où les magasins et les épiceries peuvent être ouverts jusqu'à 21 heures. Vous comprendrez qu'une telle réserve s'imposerait de la même façon advenant que la disposition concernant les six jours précédant Pâques soit adoptée par l'Assemblée nationale.

Voici un dernier point, M. le Président, M. le ministre, et MM. les députés, qui n'apparaît pas au mémoire, mais qui mériterait peut-être d'être souligné. Notre association approuve certains commentaires qui ont été formulés à ce jour, à savoir que les fêtes du 24 juin et du 1er juillet, si elles arrivent un dimanche, soient reportées au jour ouvrable suivant, soit le lundi. Ce qui m'amène, dans un dernier temps, à vous parler de l'article 5 de la loi. Cet article revêt, pour les détaillants en alimentation, une importance primordiale. D'ailleurs, à cet effet, j'aimerais rappeler que notre association représente les intérêts des épiciers indépendants qui, pour certains d'entre eux, font affaires sous des bannières relativement connues. Vous trouverez en annexe la liste des bannières qui sont arborées par les différents membres de notre association. Qu'il soit dit également, à ce stade, que, dans notre présentation, aujourd'hui, nous avons l'appui inconditionnel des groupements d'épiciers indépendants. À cet égard, qu'il me soit permis de mentionner les noms des groupements Épiciers unis, Métro-Richelieu, Provigo, Hudon et Deaudelin et Servi.

Article d'une importance primordiale pour les détaillants en alimentation, pourquoi? Parce que c'est dans cet article, croyons-nous, qu'en 1969, le législateur avait manifesté l'objectif clairement visé par la loi sur les heures d'affaires, tout au moins concernant l'alimentation. Cet objectif que vous pourrez constater à la page 12 du mémoire nous apparaît double. Dans un premier temps, c'est l'objectif suprême, permettre au consommateur de bénéficier de services normaux raisonnables et même de services à l'extérieur du cadre d'ouverture et de fermeture des épiceries. Dans un second temps, favoriser et assurer la survie des petits épiciers en leur permettant d'ouvrir à des heures différentes. Donc, maintenir un certain équilibre.

Nous avons constaté que le projet de loi 59 fait référence pour la première fois au mot "dépanneur". Il s'agit d'un mot qui est véhiculé couramment par le public et par tous les intervenants dans le milieu alimentaire, mais un mot que nous retrouvons pour la première fois dans un texte de loi. Il n'est toutefois pas défini. Aujourd'hui, c'est le problème que nous vous soumettons, le commerce de détail en alimentation s'est également quelque peu modifié avec les années. Les boutiques spécialisées se sont ouvertes graduellement. Ces boutiques peuvent être exploitées soit individuellement ou de façon regroupée, comme nous les retrouvons dans les marchés publics. À ce stade, nous aimerions vous informer que nous n'avons aucune objection à ces boutiques dans les marchés publics pour autant qu'individuellement elles soient soumises aux mêmes règles que les détaillants en alimentation conventionnels. De la même façon, avec les années, les pharmacies à escompte ont également modifié leur vocation première et plusieurs d'entre elles offrent maintenant au public une variété de denrées alimentaires qui, souvent, soit dit en passant, sont supérieures à celles offertes par les petits dépanneurs. Tous savent sans l'ombre d'un doute que ces pharmacies à escompte ne se soumettent pas aux heures d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux prévus à l'article de la loi puisqu'elles sont autorisées à faire ainsi. Notre position à cet égard est simple, précise et - croyons-nous -réaliste. Nous sommes d'avis que la loi ne devrait exclure au niveau de la vente de denrées alimentaires que les petites épiceries et les dépanneurs dont l'activité principale est la vente au détail de denrées alimentaires. Quant aux modalités, nous les analyserons lorsque nous passerons au paragraphe 6 du premier alinéa. Le paragraphe 6 du premier alinéa prévoit que les épiceries, y compris les dépanneurs, sont exclus de l'application de la loi si, à chaque jour d'ouverture, il n'y a jamais plus de trois personnes en même temps pour en assurer le fonctionnement. Vous trouverez nos commentaires sur la rédaction de cette disposition à la page 13 de notre document.

À titre de commentaire général, qu'il nous soit permis simplement de souligner que nous recherchons un profil constant du type de détaillant en alimentation qui sera exclu de l'application de la loi. De la même façon, vous trouverez nos commentaires concernant le deuxième alinéa, le troisième alinéa et le quatrième alinéa à la page 14 du mémoire. Nous approuvons le deuxième alinéa ainsi que le troisième alinéa de cet article. Quant au quatrième alinéa - et je voudrais terminer sur ce quatrième alinéa plus particulièrement - une analyse attentive de cet article nous permet de constater qu'il serait certainement possible à des supermarchés de cloisonner une ou plusieurs parties de leur établissement afin de bénéficier de l'exception prévue au paragraphe 6 du premier alinéa en faveur des dépanneurs. De la même façon, rien n'empêcherait un magasin à rayons de cloisonner ou, plus encore, les pharmacies à escompte, qui pourraient certainement se servir de ce moyen pour éviter de se soumettre au principe général. Qui nous dit qu'un jour prochain une pharmacie ne sera pas ouverte à l'intérieur d'un supermarché?

Tout ceci nous amène donc à vous faire part de notre position sur ce problème épineux. L'Association des détaillants en alimentation du Québec n'est évidemment pas contre le fait que les pharmacies vendent des denrées alimentaires et même de menus articles. Par contre, nous croyons que, pour l'avenir, tout au moins, si les pharmacies, tabagies, confiseries et pâtisseries, comme indiqué dans la loi, veulent vendre des denrées alimentaires, elles devraient se soumettre, comme les détaillants en alimentation, aux dispositions de la loi, c'est-à-dire se soumettre au deuxième alinéa de l'article 5. Nous ne sommes pas sans savoir qu'actuellement certaines de ces pharmacies vendent des denrées alimentaires. Nous sommes disposés à analyser toute disposition qui permettrait de maintenir une certaine forme de droits acquis à l'égard de ceux qui, déjà, exploitent des pharmacies de cette façon. Par ailleurs, pour l'avenir, MM. les députés, nous sommes persuadés que, si on ne règle pas ce problème de façon définitive, ceci va entraîner la disparition d'un grand nombre de véritables petits épiciers et dépanneurs qui, eux aussi, ont investi non seulement temps et argent pour développer leur commerce, mais également une partie de leur vie. (12 heures)

Ces gens, de plus, n'ont aucune autre source de revenu et leur seule protection est la loi sur les heures d'affaires qui a été adptée, à cet égard, au niveau de l'alimentation, en 1969 et dont l'entrée en vigueur était fixée au 1er janvier 1970. Cette loi explique probablement en partie d'ailleurs la croissance qu'ont connue les dépanneurs au Québec depuis 1970. Je termine, M. le ministre, M. le Président et MM. les députés, en vous référant à la page 15 du mémoire et en signifiant que nous sommes heureux de constater les modifications qui ont été apportées à l'article 9.3 et plus particulièrement au deuxième alinéa de l'article 9.3. Nous croyons qu'il s'agit d'une innovation qui mérite d'être retenue puisqu'elle aura comme avantage de faire en sorte que les contrevenants éventuels seront pénalisés proportionnellement aux bénéfices qu'ils pourront retirer de leur contravention.

Sur ce, j'aimerais terminer le résumé de la présentation. Notre président, de même que notre vice-président et les personnes présentes se feront un plaisir de répondre à toutes les questions que vous pourriez poser concernant ce mémoire, celui du 30 mars 1983 ou tout autre sujet relié à la loi sur les heures d'affaires. Merci.

Le Président (M. Rancourt): Merci, Me Martel. M. le ministre.

M. Biron: Je veux premièrement vous remercier du dépôt de votre mémoire et, deuxièmement, de l'appui global que vous donnez au projet de loi en disant: Oui, cela va dans la bonne direction. Je vous remercie des suggestions que vous nous faites aussi, de même que de l'ouverture que vous nous faites ce matin pour régler des problèmes qui existent, qui sont quand même des espèces entre guillemets de droits acquis. Je vous remercie de votre ouverture de ce côté. Je demande à mon collègue, le député de Chambly, de vous poser quelques questions particulières, spécialement sur des gens qu'on a déjà entendus, comme ceux des boutiques spécialisées en fruits et légumes frais ou de ce genre, pour un peu orienter des décisions que nous aurons à prendre au cours des prochaines semaines. Mon collègue, le député de Chambly.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Merci. Tout simplement un petit commentaire avant de commencer. Quand je lisais votre mémoire je me disais: Cela a sûrement été écrit par un avocat. Je ne pense pas m'être trompé. Dans ce sens, je n'aurai pas beaucoup de questions puisque vous avez déjà bien couvert presque tous les points dont le projet de loi fait mention. Le ministre a déjà parlé des choses sur lesquelles vous êtes d'accord. J'ai noté que vous étiez d'accord sur l'augmentation des amendes. Vous suggérez, à la page 4 de votre mémoire, au paragraphe 3, d'autres moyens radicaux, que je qualifierais presque de médecine de cheval, pour faire en sorte que les commerces ne puissent pas ouvrir. Dans ce sens, est-ce que vous ne pensez pas vraiment que, du simple fait que les amendes seraient beaucoup plus importantes, premièrement, cela empêcherait, et c'est là notre désir toujours constant, l'augmentation du nombre des inspecteurs chargés de l'application de la loi? En effet, vous savez que le gouvernement du Québec ne cherche pas à augmenter le nombre de personnes qui sont dans la fonction publique. Au contraire, on l'a diminué de façon importante depuis 1976. On veut continuer dans ce sens.

On pense que le simple fait d'avoir des amendes qui sont importantes comparativement à ce qu'elles étaient, passant de 1000 $ à 10 000 $ au maximum, c'est considérable, et que ce seul fait risque de décourager des marchands d'ouvrir parce que cela devient alors moins rentable. Quelle est votre réaction à cela?

Le Président (M. Rancourt): M. Dubois.

M. Dubois (Jean): Je pourrais peut-être ajouter, M. le député, que, lorsque vous parlez de diminution des effectifs, cela me fait rire un peu. Je pense que vous êtes vraiment conscients de cela, car vous n'avez

que quatre inspecteurs pour la province de Québec. Il ne faudrait pas diminuer les objectifs. Je dois dire qu'ils sont très dévoués. Lorsqu'il y a des plaintes, ils se rendent sur place, quatre inspecteurs pour la province. C'est pour cette raison que les amendes doivent être très exemplaires.

M. Tremblay: Mais il n'y a pas que ces quatre inspecteurs. Il y a aussi tous les policiers qui peuvent agir. Ils n'agissent pas présentement parce que les amendes sont trop faibles. Préparer un dossier pour une ouverture illégale et se réveiller en cour avec 1 $ d'amende, cela décourage les policiers de faire des causes.

M. Martel (André): Évidemment, c'est peut-être...

Le Président (M. Rancourt): M. Martel.

M. Martel (André): Je m'excuse, M. le Président. Nous sommes peut-être dans un cercle vicieux. Il n'en demeure pas moins que nous ne sommes pas persuadés que le seul fait d'augmenter les amendes permettra une application rigoureuse de la loi. Un des problèmes - et je pense qu'il ne faut pas se le cacher - que nous vivons actuellement, c'est que la loi actuelle n'est pas appliquée de façon constante et rigoureuse pour toutes sortes de raisons que je ne veux pas invoquer devant vous aujourd'hui. Certes, le fait d'augmenter les amendes permettra certainement aux différents corps policiers et au ministère de procéder à une meilleure application de la loi. Nous vous soumettons respectueusement que d'autres moyens peuvent être ajoutés à celui de l'augmentation des amendes pour s'assurer que cette loi soit respectée. Lorsque tous les intervenants, que ce soit dans le domaine alimentaire ou dans les autres domaines, réaliseront que la loi sera et est respectée, nous sommes persuadés que les contrevenants deviendront de plus en plus rares. Par ailleurs, lorsque les gens savent que la loi n'est pas respectée, à ce moment-là on encourage évidemment les autres contrevenants éventuels. La réaction est humaine et elle est commerciale aussi. Personne n'aime voir son concurrent accaparer une part du marché dans l'illégalité et rester soi-même dans la légalité. C'est pour cette raison que nous avons cru utile d'ajouter d'autres moyens, d'autres outils qui assureront que la loi sera respectée. Lorsque après un an, deux ans, trois ans, tout le monde sera certain que la loi est respectée, il sera peut-être plus facile - nous le soumettons respectueusement - à ce moment-là de diminuer le nombre d'inspecteurs. C'est essentiellement notre position sur le sujet.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Je pense que, sur le principe...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Avez-vous déjà vu le gouvernement diminuer son personnel, vous?

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Je voulais simplement dire qu'il y a un gouvernement qui a effectivement diminué son personnel. C'est le gouvernement du Québec depuis 1976. Il y a moins de personnel qu'avant 1976, malgré qu'il y a eu plusieurs nouvelles lois.

Je pense que, globalement, on peut dire que vous partagez notre conviction, à savoir que cela ne sert à rien de faire une loi s'il n'y a pas une incitation importante et suffisante pour que les gens la respectent, et surtout les gens d'affaires. J'en suis un, moi aussi. On a tendance à calculer si c'est plus payant d'acquitter l'amende ou de rester ouvert. C'est cela. Quand on est des gens d'affaires, c'est comme cela qu'on pense. Respecter la loi pour respecter la loi, ce n'est pas suffisant pour une personne en affaires. Il faut qu'il y ait des pertes économiques. Je pense qu'on est d'accord sur ce principe.

Sur un autre sujet, vous avez beaucoup insisté sur le cloisonnement. C'est une partie importante du projet de loi. C'était la même loi qu'en 1969. Vous suggérez qu'il ne devrait pas y avoir de possibilité de cloisonnement. Est-ce que, par exemple, Servi-prix, la Maisonnée et tout cela ne constituent pas une forme de cloisonnement, finalement, pour les chaînes, puisque ce sont elles qui vendent les produits quand même? Elles les vendent en dehors des heures normales et pour ce faire, pour se conformer à la loi, elles ouvrent un établissement distinct, différent, mais qui provient de la même organisation et qui a moins de trois employés en même temps. N'est-ce pas une forme de cloisonnement, finalement?

Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.

M. Séguin: Je crois que ces gens respectent présentement la loi en fonctionnant avec trois employés ou moins. Si les pharmacies veulent vendre de l'alimentation, on n'est pas contre, mais selon les mêmes dispositions de la loi que nous respectons.

M. Tremblay: D'accord. Par exemple...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: ...dans un établissement -vous avez utilisé l'exemple d'une pharmacie -que la porte de sortie de l'épicerie ou du dépanneur soit vers le magasin ou vers l'extérieur, quelle est la différence?

Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.

M. Séguin: C'est que les caissières sont souvent utilisées aux mêmes fins pour tous les produits.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Là, je vous dis que, s'il y a cloisonnement, il faut que la caisse soit là aussi.

M. Séguin: D'accord. Il faut que ce soit complètement séparé.

M. Tremblay: Quand on parle de cloisonnement, on parle d'un espace qui est cloisonné. Il y a un commerce distinct à l'intérieur. C'est ce que le terme "cloisonnement" veut dire. Ce n'est peut-être pas cela qui a été fait parce que les gens ne suivaient pas la loi, mais, si c'était appliqué selon la nouvelle loi, il y aurait une caisse dans chacun des établissements. À ce moment, est-ce que cela vous irait?

Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.

M. Séguin: Ce serait déjà un gros pas en avant pour cette partie, pour ceux qui sont déjà existants. Dans l'avenir, comme on en parlait tantôt, il faudrait trouver un moyen d'appliquer les mêmes dispositions de la loi à tout le monde.

Le Président (M. Rancourt): M. Martel.

M. Martel (André): Si vous me permettez, M. le député, à titre de précision, pour préciser un peu notre position de tantôt. Pour le passé, nous comprenons très bien qu'il soit envisageable de parler de cloison, de quelque forme que ce soit, pour permettre de maintenir une certaine forme de droits acquis. Par contre, pour l'avenir, ce dont nous voulons nous assurer, c'est que si une pharmacie veut vendre des denrées alimentaires elle respecte les mêmes critères que ceux imposés aux détaillants en alimentation, c'est-à-dire qu'il y ait uniquement trois personnes en même temps pour l'ensemble de l'établissement. Si on veut cloisonner et en faire des affaires totalement distinctes avec, à titre d'exemple, numéro civique différent, personne ne peut empêcher cela. Un mur mitoyen, autrement dit, on ne pourrait pas empêcher cela, bien sûr; c'est bien normal aussi. Par contre, il ne faudrait pas tomber, avec une telle clause pour l'avenir - je parle évidemment de l'avenir - presque dans l'absurde où, par une cloison presque métaphysique, on prétendrait distinguer le commerce de dépanneur de celui de pharmacien, si vous voulez.

À cet égard, comme je le mentionnais, il faudrait que ce soient des activités totalement distinctes. Je pense qu'au niveau commercial il n'est pas nécessaire d'insister longtemps sur cette notion d'opération complètement distincte. Cela implique des employés distincts, presque un employeur distinct, un local propre à soi, etc. Évidemment, je parle de l'avenir parce que, comme je le mentionnais, pour nous, les détaillants en alimentation, c'est un point essentiel. Soyez assurés que c'est un point essentiel surtout pour les petits détaillants que nous défendons, car ce seront les premiers frappés par une telle politique si, d'ici à un an ou deux ans, les pharmacies de 20 000, 25 000, 30 000 pieds carrés qui, dans certains cas, fonctionnent avec des surfaces beaucoup plus grandes que nos propres supermarchés gèrent un commerce de détaillant en alimentation sans respecter les critères qu'on impose au petit détaillant, celui que, théoriquement, on prétendait vouloir protéger en 1969 et celui que - je l'espère tout au moins - on entend encore protéger aujourd'hui.

C'est un peu, je pense, l'essence de notre position. Nous n'avons évidemment pas, à ce stade, de texte légal à suggérer ou de texte à suggérer concernant la rédaction de la loi, bien au contraire. Ce que nous vous soumettons, c'est un principe, et je pense que, par les exemples que nous vous fournissons, les principes que nous défendons sont facilement compréhensibles, lorsqu'on parle d'opération totalement distincte et non pas uniquement distincte par fiction juridique. (12 h 15)

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Dans un autre domaine, il y a de vos concurrents qui, présentement, oeuvrent le dimanche. Exemple, les gens d'OCTOFRUIT qui sont venus ici et qui vendent des fruits et légumes. Ils ont longuement insisté sur l'importance pour eux d'être ouverts sept jours et sept soirs par semaine de façon à pouvoir offrir des fruits frais à la population. Quelle est votre réaction à cela?

Le Président (M. Rancourt): Me Martel.

M. Martel (André): Si on accepte ce principe, ce serait, autrement dit, sanctionner l'illégalité dans laquelle ces gens se trouvent, quant à nous, bien humblement,

depuis déjà... Je ne pense pas qu'on puisse aujourd'hui sanctionner cette illégalité, d'autant plus que ce serait aller à l'encontre du principe général. Je pense que les fruits et légumes, jusqu'à preuve du contraire, constituent des denrées alimentaires et que ces denrées alimentaires font partie des denrées alimentaires visées par la loi actuelle comme par le projet de loi 59. Donc, si on faisait une exception de cette nature, on ferait tellement d'exceptions qu'on abolirait purement et simplement tout ce qu'on essaie de bâtir depuis 1969 à cet égard.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: II y a des gens qui prétendent que les marchés publics, qui sont aussi des concurrents - ils font de la concurrence - répondent à un besoin puisqu'il y a un très grand nombre de personnes qui magasinent chez eux. En les fermant le dimanche, cela priverait les consommateurs des services qu'ils offrent. Quelle est votre attitude face à cela?

Le Président (M. Rancourt): M. Dubois.

M. Dubois (Jean): M. le député, il faudrait peut-être mettre cela un peu plus clair. Nous ne sommes pas, de façon définitive, contre l'ouverture des marchés publics; mais, par contre, l'ouverture d'OCTOFRUIT sept jours par semaine rend, je pense, service au public. Tout ce qu'on demande, c'est que de tels commerces se conforment aux mêmes règlements. Que les boutiques de marchés publics soient ouvertes sept jours par semaine, cela va pour l'alimentation. Ce sont des spécialistes, on en a parlé. Par contre, la limite que nous devons subir de trois personnes en tout temps, ils doivent la suivre. La même chose pour OCTOFRUIT, je le mentionne aussi. Peut-être qu'on a fait un premier pas en disant: Trois personnes en tout temps, et vous pouvez changer, au lieu de trois personnes par 24 heures, en y incluant le propriétaire. Je pense que le gouvernement a fait un bon pas en ce sens. On est d'accord là-dessus. C'est tout ce qu'on demande. On n'est pas contre... On ne désire pas fermer les marchés publics, aucunement. Je pense que la liberté d'entreprise existe et on doit la respecter.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Seriez-vous aussi contre le fait d'augmenter le nombre de personnes: par exemple, quatre ou cinq en même temps?

Le Président (M. Rancourt): M. Dubois.

M. Dubois (Jean): Je pense que, là-dessus, nous avons discuté longuement. Nous avons consulté des gens dans le domaine alimentaire, et dans d'autres secteurs. Nous sommes tombés d'accord sur trois personnes en tout temps au lieu de trois personnes par 24 heures; c'est déjà une amélioration, parce que c'étaient trois personnes en y incluant le propriétaire. Maintenant, vous pouvez avoir trois personnes cinq fois par jour quinze personnes qui peuvent travailler dans un magasin, toujours avec un maximum de trois. Je pense que cela a été un bon pas que vous avez fait en endossant notre point de vue.

M. Séguin: Si vous permettez.

Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.

M. Séguin: Vous mentionnez que ces gens-là étaient souvent des dépanneurs la semaine et des supermarchés les fins de semaine, simplement par le fait que, sur semaine, peut-être qu'ils respectent la limite de trois, mais, à un moment donné, parce que la majorité des autres marchés sont fermés le dimanche, ils opèrent peut-être avec un plus grand nombre. Si tout le monde était ouvert, ils seraient peut-être réduits à trois ou il y aurait moins de clientèle. L'affluence serait moins grande chez eux. Il y en aurait un peu partout.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, seulement un commentaire pour remercier l'Association des détaillants en alimentation du Québec de nous avoir fait l'honneur de nous présenter un mémoire extrêmement bien étoffé. On a conscience qu'on est devant un groupe extrêmement important qui représente 80% des ventes de tous les petits épiciers, de tous les Épiciers détaillants indépendants du Québec. Il est bien sûr que leur point de vue est susceptible de peser lourd dans la balance. Je souligne aussi l'ouverture d'esprit, l'expression de tolérance, le réalisme dont ils font preuve à l'égard du problème de l'alimentation et de la concurrence. Je pense qu'un des problèmes majeurs de la loi actuelle, c'est la question posée par le secteur de l'alimentation. Je pense qu'à l'égard des autres secteurs il y a un certain consensus pour conclure que, le dimanche, on ne devrait pas ouvrir. Dans l'alimentation, c'est moins évident. C'est probablement parce qu'il y a tout un secteur de l'alimentation qui est périssable et on peut comprendre que, le lundi, plusieurs consommateurs ne seront pas satisfaits d'avoir des légumes qui datent du vendredi ou du samedi. Dans le domaine des fruits, c'est

l'argument principal que font valoir des gens comme OCTOFRUIT, la fraîcheur des fruits pour les gens qui veulent en consommer le dimanche ou en consommer le lundi.

Cela va être également l'argument que va nous apporter l'Association des marchés publics, la fraîcheur de certains types d'aliments. En ce sens, la position que vous avez évoquée tout à l'heure va peut-être permettre de trouver un compromis entre une situation qui serait rigide autrement et celle à laquelle on pourrait se rallier.

Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais que vous reconnaissiez mon collègue, le député d'Outremont, qui a des questions à poser à nos invités.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'aimerais continuer dans la même veine que le député de Chambly en ce qui concerne le cloisonnement, trois employés. Dans l'annexe, parmi la liste des bannières, quels sont les établissements qui présentement oeuvrent le dimanche? On parle de trois employés ou moins, je ne sais pas. Qui répond à ces critères? Les Boni-Plus, les Boni-Soir? C'est ce genre d'activités?

Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.

M. Séguin: Les accommodations Chanteclerc, Action Plus, Ami, Boni-Soir, Budget, Dépanneur ouvert, Dinamique, Éco, Idéal, la Maisonnée, la Réserve, le Frigo, Mac's Milk, Marino, je crois, Pinto, Provi-soir, Sept Jours, Servi express. Les autres sont peut-être plutôt classés dans la catégorie des marchés.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Tout à l'heure, en parlant d'OCTOFRUIT et d'autres qui fonctionnaient dans l'illégalité, vous avez semblé dire que les autres étaient dans l'illégalité et que vos membres étaient dans la légalité. Je m'aperçois, en lisant l'article de la loi actuelle, qu'on dit bien ceci: La loi ne s'applique pas aux établissements commerciaux dont l'activité principale est la vente au détail de denrées. Je saute. À la fin, on dit: Toutefois, ce commerce ne devra pas faire partie d'un plus grand nombre d'établissements commerciaux liés les uns aux autres en association. La plupart de ceux que vous venez de nommer sont en association. C'est donc dire qu'à peu près tout le monde est dans l'illégalité.

Le Président (M. Rancourt): Me Martel...

M. Fortier: Vous aviez lancé des roches aux autres, alors, j'essayais de voir si vous-mêmes étiez aussi purs que vous l'avez dit.

M. Martel (André): M. le député, avec tout le respect que je vous dois, je devrai vous dire que la réponse sera relativement facile puisque tous ces épiciers sont considérés comme des indépendants, étant tous propriétaires de leur fonds de commerce. Ils sont généralement maîtres de la façon d'exploiter leur commerce. Ils arborent une bannière, mais le fait d'arborer une bannière ne les rend pas moins indépendants pour autant. C'est un peu le principe, si vous voulez, de la franchise où on dit que le franchisé reste quand même un indépendant. Il ne faudrait pas croire que ces gens sont en association les uns avec les autres. D'ailleurs, plus souvent qu'autrement, ils ne se connaissent même pas, même s'ils arborent la même bannière, si vous voulez. Il s'agit de regroupements d'épiciers indépendants qui, individuellement, sont totalement indépendants.

M. Fortier: J'imagine que le sens de la loi...

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: ...donner une réponse de juriste ou autrement, j'imagine que le sens de la loi était, à l'origine, de donner une protection au petit indépendant du coin comme on le connaissait. Maintenant, il y a de grandes coopératives qui sont organisées. Les achats sont faits sur une grande échelle. Vous vous occupez de leur marketing, de merchandising, des achats en groupe, des politiques pour définir le "lay-out" du magasin et tout cela. Pour le commun des mortels - je ne sais pas si c'est vrai pour un juge ou pour un juriste - mais il existe des associations de ces établissements. Je ne lance la pierre à personne. Simplement, ce que je constate, c'est que la loi originale voulait certainement défendre le petit indépendant du coin. Depuis ce temps, il y a eu une évolution. Je remarque que la nouvelle loi ne reprend pas cette définition. Donc, elle va sanctionner, pour l'avantage de ceux qui fonctionnent comme cela présentement, une question de fait, à savoir que ces gens-là opèrent comme ils le font présentement, mais je constate que, depuis 1970 il y a eu évolution en ce sens et qu'en 1984 c'est le législateur, si on adopte le projet de loi 59, qui va sanctionner le fait qu'au cours des ans les petits établissements du coin se sont regroupés en association. Une interprétation que vous permettrez à un ingénieur comme moi qui n'est pas juriste, c'est qu'il semblerait que tous ces gens-là étaient dans la légalité jusqu'à maintenant, mais il me fait plaisir de voir quand même

qu'il y a évolution. Il s'agit pour le législateur de départager les demandes qui sont faites. Dans votre cas, vous vous déclarez satisfaits et il y a d'autres demandes, dans d'autres cas, qui ne semblent pas être satisfaites de ce qui est inclus dans le projet de loi 59. Si vous avez des commentaires à faire, je suis personnellement très ouvert sur le sujet.

Le Président (M. Rancourt): M. Dubois.

M. Dubois (Jean): M. le Président, pour répondre au député d'Outremont, je crois, avec une assez grande certitude, que le parrain de la loi, c'était, dans le temps, le ministre Jean-Paul Beaudry, qui était lui-même détaillant. Le mot association, je pense, l'interprétation... Il faut dire que les groupements d'achat et les groupements d'affiliés existaient déjà. C'étaient peut-être les débuts, mais tout de même cela existait. Le mot association, je pense que, dans ce temps-là il faut dire que cela représentait probablement des chaînes alimentaires, les grandes chaînes corporatives telles que Steinberg, Dominion. C'était l'interprétation de la loi à ce moment-là.

M. Fortier: Cet article de la loi a-t-il été testé en cour de la façon que je l'interprète ou autrement?

Le Président (M. Rancourt): M. Martel.

M. Martel (André): M. le député, je ne crois pas, à ma connaissance - on pourra me corriger - que cet article précis ait été testé en cour, sauf que le principe de la franchise a été débattu devant les tribunaux sous d'autres lois, à titre d'exemple, la Loi sur les permis d'alcool, et les tribunaux ont toujours généralement reconnu que le fait pour un épicier indépendant d'arborer une bannière ne lui enlève pas son statut d'indépendant. Le critère généralement reconnu, c'est d'analyser le contrôle que peut avoir le franchiseur sur le franchisé. Autrement dit, plus le franchiseur exerce un contrôle direct sur son franchisé, moins, évidemment, ce franchisé portera le critère d'indépendant, mais il faut faire attention aussi de faire des généralités, parce qu'il y a autant de types de contrats de franchise qu'il peut y avoir de bannières ou qu'il peut y avoir d'individus, ou presque. Chaque cas devient un cas d'espèce, le principe étant, comme je vous le disais, que le franchisé ne perd pas son statut d'indépendant parce qu'il fait affaires avec une bannière qui peut être arborée par d'autres commerçants que lui. On a ce phénomène du regroupement et de la franchise dans tous les domaines de l'activité commerciale aujourd'hui, je crois bien, l'alimentation ayant probablement été le secteur qui a donné le ton respectueusement aux autres secteurs et le secteur qui a démontré la viabilité du système qui permet, notamment, à un franchiseur de faire le négoce de ses produits et qui permet à des gens d'ici, des indépendants, de gagner leur vie comme commerçants en profitant des conseils, de la publicité commune et des autres avantages du système de la franchise. Je crois que le ministère, depuis de nombreuses années, a favorisé le regroupement, les franchises. De nombreux volumes ont d'ailleurs été écrits par le ministère à ce sujet. (12 h 30)

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je pense que vous-même, tout à l'heure, avez dit que l'article de la loi qui permettait aux dépanneurs d'ouvrir le dimanche a permis l'éclosion d'un nouveau type de marché qui est à la satisfaction de la clientèle, qui a permis un développement économique important. Je crois qu'il faut le reconnaître.

Pour revenir aux sondages, vous avez fait état des sondages, tout à l'heure, et mon collègue de Laporte a essayé de voir quel était le point de vue de la clientèle là-dessus. Je remarque que ceux qui sont en faveur d'une grande libéralisation des heures d'ouverture, ce sont en particulier des chaînes canadiennes ou internationales. Est-ce que vous avez des informations selon lesquelles les sondages nationaux feraient une distinction entre le comportement de l'acheteur québécois et le comportement de l'acheteur canadien? Ma question en sous-tend une autre; du moins c'est qu'on pourrait partir d'un sondage fait à l'échelle canadienne. On peut vendre les magasins Eaton ou d'autres chaînes semblables qui ont une expérience dans d'autres parties du Canada ou d'autres chaînes qui ont une expérience dans d'autres parties de l'Amérique du Nord et chercher à extrapoler ce comportement, mais le comportement québécois est peut-être différent.

On sait d'ailleurs que l'acheteur québécois, dans le domaine des vins, est différent. On sait que l'acheteur québécois, pour certains vêtements féminins, est différent. Je me demandais si vous aviez des informations scientifiques comme des sondages qui permettraient de déterminer la différence de mentalité du francophone québécois par rapport aux Canadiens ou par rapport aux Nord-Américains d'une façon générale et si, en extrapolant des comportements canadiens ou nord-américains, on ne faisait pas une grave erreur, car on sait que le Québécois, le Canadien français aime beaucoup vivre avec sa famille en fin de semaine, aime beaucoup ce climat familial. Je me demandais si vous aviez des données scientifiques qui nous permettraient

de saisir cette facette du comportement québécois.

Le Président (M. Rancourt): Me Martel.

M. Martel (André): La question est fort intéressante et je crois être en mesure d'y répondre si vous acceptez que je ne sois pas garant des conclusions qui m'ont été fournies. J'ai eu l'occasion d'oeuvrer à plusieurs reprises pour l'association - et je crois connaître assez bien le commerce -notamment lors d'un récent procès qui a fait couler beaucoup d'encre. Il a été mis en preuve par tous les experts de toutes les parties qu'il est très dangereux de tenter de faire une comparaison entre le comportement du consommateur québécois et le comportement du consommateur d'une autre province. Qu'il me soit permis de citer à cet effet - je pense qu'il ne m'en voudra pas, bien au contraire - le nom de M. Jean-Guy Daudelin, qui est un personnage connu dans l'alimentation, qui a été président de la maison Hudon et Daudelin et qui m'a toujours indiqué que, effectivement, suivant ses connaissances, qui sont nettement supérieures aux miennes, il était très difficile et très hasardeux d'essayer de faire une comparaison entre le comportement du consommateur québécois et le comportement du consommateur d'une autre province, voire d'un autre pays. Même suivant M. Daudelin, il peut être difficile de faire des comparaisons entre différentes régions de notre propre province.

Ceci pour dire que nous préférons quant à nous, lorsque nous analysons l'intérêt des consommateurs - je pense que notre position reflète assez bien que nous nous préoccupons non seulement de nos intérêts personnels comme commerçants, mais aussi de ceux des consommateurs - faire référence à des enquêtes et des sondages qui ont été effectués auprès de consommateurs québécois. C'est ce que nous avons fait dans la préparation de notre mémoire, car, si vous faites référence au sondage qui a été réalisé par la firme COGEM, vous constaterez qu'en ce qui concerne le sondage, la méthodologie a fait appel à des entrevues qui ont été réalisées dans onze villes du Québec. Je peux vous les nommer si la chose vous intéresse. On parle de Montréal, Québec, Chicoutimi, Sherbrooke, Granby, Rouyn-Noranda, Thet-ford-Mines, Saint-Georges, Mont-Joli, Dolbeau et Bolton. Donc, nous avons devant nous tout au moins un échantillon valable et représentatif des différentes municipalités au Québec, des différentes régions et, à cet égard, d'ailleurs, l'ADA s'est fiée entièrement à des spécialistes reconnus et dont les compétences sont acceptées par tous et qui ont d'ailleurs effectué une telle étude pour le gouvernement en 1975.

Le Président (M. Rancourt): M. Dubois, un complément de réponse.

M. Dubois (Jean): Pour continuer dans le même sens, j'aimerais souligner que, lorsque nous avions donné le mandat à COGEM, dont le président est M. Gérard Virthe, nous lui avions demandé d'examiner la situation dans les autres pays et les autres provinces afin d'avoir une idée générale - non pas pour nous fournir des données exactes - pour voir ce qui se passait partout. On peut dire maintenant que COGEM est une firme internationale, parce qu'elle est établie en Europe, aux États-Unis et partout au Canada.

Maintenant, je dois ajouter, M. le député d'Outremont, que la mise en marché au Québec est très différente. Lorsque vous avez un produit qui est présenté dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on doit avoir une façon de faire tout à fait différente que dans la région de Toronto par exemple. Les compagnies qui font de la mise en marché sont au courant de cela.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je relisais rapidement le discours de Jean-Paul Beaudry qui, en 1969, faisait état du fait qu'en 1964 il y avait eu une loi qui déléguait aux municipalités les heures de fermeture et qui n'avait pas donné de bons résultats, et je pense que personne ici autour de la table ne va suggérer qu'on revienne à cet état de choses. De la même façon qu'on accepte qu'il y a une différence, très probablement, entre la mentalité du Québécois et celle des gens des autres provinces, est-ce qu'il n'y a quand même pas une difficulté à avoir une loi provinciale qui pourrait s'appliquer et qui ne satisferait pas aux désirs de tous les Québécois? De la même façon qu'il y a une différence entre les Québécois et les Canadiens des autres provinces, il y a sûrement des problèmes différents entre la personne du Lac-Saint-Jean, à Chicoutimi ou ailleurs, et le Montréalais de Montréal-Ouest. Malgré tout, je pense que la loi ne permet pas ces distinctions qui prendraient en considération des différences régionales. Est-ce que vous avez un commentaire à faire là-dessus?

Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.

M. Séguin: Je pense bien que, aujourd'hui, avec le réseau de dépannage qu'il y a au Québec, environ 6000 à 7000 dépanneurs, plus les boutiques spécialisées, cela va très bien répondre aux désirs du consommateur.

M. Fortier: Dans le domaine de l'alimentation?

M. Séguin: Dans le domaine de l'alimentation. C'est la raison pour laquelle elle pourrait facilement être mise en vigueur dans tout le Québec.

Le Président (M. Rancourt): M. Dubois, en complément de réponse.

M. Dubois (Jean): M. le député d'Outremont, pour répondre un peu à la question, je crois que, autrefois, il y avait des lois sur les heures d'ouverture - dans la région de Montréal, au moins dans la région urbaine - qui étaient régies par les villes. À ce moment, par exemple sur la rue Pie-IX, d'un côté c'était Montréal et, de l'autre côté, c'était Saint-Léonard; il y avait des conflits. En campagne et en province, on retrouvait les mêmes problèmes. Je ne sais pas si le sens de votre question c'était pour privilégier une loi provinciale ou une loi municipale mais nous préférons de beaucoup une loi provinciale qui régirait tout le Québec.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: S'il y a une loi, je suis complètement d'accord qu'elle doit s'appliquer dans tout le Québec. Je posais la question simplement pour m'assurer si cela ne créerait pas des difficultés d'application parce que, jusqu'à maintenant, il y a eu des tolérances. Comme vous l'avez dit, si les législateurs adoptent une nouvelle loi, se donnent la peine de faire une commission parlementaire, je pense que personne ici autour de la table ne va suggérer qu'on adopte une nouvelle loi pour avoir encore des tolérances. À ce moment, si la loi ne correspond pas aux besoins réels des Québécois et qu'elle serait différente dans certaines parties de la province... Je conçois bien le problème de Montréal où, à ce moment, sur un coin de rue, c'était une ville et de l'autre côté de la rue une autre ville avec des règlements différents. Je ne le suggère pas; je voudrais simplement, m'assurer que, si nous adoptons une nouvelle loi, celle-ci va répondre aux besoins des Québécois et qu'on n'entrera pas encore dans le domaine des tolérances. C'est la raison pour laquelle je posais la question.

Le Président (M. Rancourt): Me Martel.

M. Martel (André): M. le député, si vous me permettez, peut-être une dernière réponse aux commentaires intéressants que vous avez formulés concernant la différence qu'il peut exister entre le consommateur québécois et le consommateur d'autres provinces ou d'autres pays. Comme vous pouvez le constater, il s'agit d'un point important pour nous. L'exemple de la pharmacie, auquel nous avons fait référence, illustre bien ce que nous prétendons. Il serait hasardeux, croyons-nous, de prendre l'exemple d'un État américain, par exemple, où il est généralisé que les grosses pharmacies vendent aussi bien de l'alimentation que des tondeuses à gazon. Il faut, je pense, lorsqu'on a à faire face à un problème comme celui-là, analyser le comportement, le désir du consommateur et, évidemment, le désir des intervenants en fonction du problème que l'on vit au Québec. C'est un peu pour cela que nous avons maintenu cette position car nous sommes d'avis que le dépanneur traditionnel, comme nous le connaissons, qu'il arbore ou non une bannière, a joué un rôle important et joue encore un rôle important ici, au Québec, ainsi que la boutique spécialisée qui, dans les années à venir, jouera un rôle de plus en plus important.

Donc, c'est avec ces critères en tête qu'il nous faut analyser l'ensemble du problème et non en fonction, par exemple, du consommateur d'un État américain qui a toujours vécu avec la mentalité qu'il est normal qu'on fasse sa commande principale d'épicerie dans une pharmacie à toute heure de la journée. Donc, c'est un peu le sens de notre position sur les cloisons. C'est de façon, quant à nous, à réaliser un des objectifs de la loi, qui était clairement avoué et qui semble encore avoué par le gouvernement, le législateur, selon lequel la loi va toujours tenter d'être un compromis respectable entre les intérêts des intervenants, les intérêts des consommateurs, pour qui tout le monde travaille, et, également, les intérêts des petits commerçants. C'est un peu tout cet ensemble-là, cet équilibre que nous devons peser et sous-peser.

Notre position est une position, je pense, de compromis très respectable, eu égard, quand même, aux intérêts de nos membres qui, vous le comprendrez, peuvent être foncièrement beaucoup moins tolérants que la position que l'on défend en tant qu'association. C'est parce que nous avons pris connaissance du problème dans son ensemble et que nous avons tenté de présenter une position réaliste. Le problème des cloisons au niveau de la pharmacie me paraît une position réaliste. Nous répétons que nous ne croyons pas qu'une cloison de type juridique ou de cette nature soit un élément suffisant pour protéger les petits épiciers indépendants, ceux que l'on voulait avantager et ceux qu'on veut encore avantager par le texte de la loi. À long terme, le consommateur ne sera pas gagnant si on fait disparaître une partie importante, quant au nombre, tout au moins, de ces petits épiciers indépendants. Tout cela mis ensemble nous fait dire que, effectivement, si les pharmacies, à l'avenir, veulent vendre

des denrées alimentaires, eh bien, qu'elles respectent les mêmes règles que les détaillants en alimentation, c'est-à-dire le critère de trois en même temps, peu importe qu'on fasse une cloison juridique ou non. Ce n'est pas l'essentiel, je pense. Quant au passé nous avons déjà cette preuve d'une certaine forme de conciliation, en reconnaissant que certains ont déjà aménagé des établissements en fonction de la loi actuelle.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Ce que vous nous dites, c'est que, si on prend la peine de faire une loi, il ne faudrait pas permettre par la porte d'en arrière ce qu'on ne peut pas permettre par la porte d'en avant. Il y aurait beaucoup d'autres éclaircissements qu'on pourrait demander, mais il faut tenir compte du temps et je crois que le mémoire est très explicite; vous demandez des définitions plus précises, vous nous dites que vous n'êtes pas trop favorables à ce qu'on augmente les heures d'ouverture. Ceci satisfait au désir d'autres intervenants qui sont venus avant vous. Nous en avons pris bonne note et soyez assurés que nous serons aux aguets pour surveiller les amendements qui viendront éventuellement et nous tenterons de nous assurer que vos désirs seront respectés, si c'est là le voeu de l'ensemble des intervenants qui viendront après vous. Je voudrais vous remercier pour la qualité de votre mémoire. (12 h 45)

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Je voudrais vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Simplement deux petites questions: Concernant les magasins de fruits, comme OCTOFRUIT qui nous a soumis un mémoire avant-hier, et le cas des marchés publics, je pense que, dans le cas des magasins de fruits, M. Gravel nous a carrément dit que, si la loi est adoptée dans sa forme actuelle, c'est-à-dire trois employés par magasin, il ne pourra pas ouvrir le dimanche. Sans doute que ce sera le même problème pour les marchés publics qui ne pourront pas, avec leur superficie de plancher, fonctionner à trois employés par magasin.

J'aimerais connaître votre opinion si on proposait un amendement à la loi et qu'on déterminait le nombre d'employés au pied carré, admettons trois employés par 1000 pieds carrés. Cela répondrait peut-être aux commerces comme les magasins de fruits, les marchés, dans le secteur de l'alimentation. Cela répondrait à la question et permettrait à ces magasins de continuer à ouvrir le dimanche, comme cela a toujours été toléré jusqu'à présent, depuis l'adoption de la loi, en 1959. Quelle serait votre réaction à une telle proposition ou quelle serait la réaction des marchands membres de votre association?

Le Président (M. Rancourt): M. Dubois.

M. Dubois (Jean): M. le député de Robert Baldwin, lors de la présentation de notre premier mémoire, en mars 1983, nous avions suggéré que la superficie totale au sol de tout établissement commercial dont l'activité principale est la vente au détail de denrées et qui jouit d'une exemption en vertu de l'article 5 soit limitée à un maximum de 3000 pieds. C'est une suggestion que nous avions faite. Il s'agissait d'un maximum de 3000 pieds, pour trois personnes au maximum.

Je pense qu'il y a un danger dans votre suggestion de trois personnes par 1000 pieds. J'imagine, par exemple, ce que serait ce nombre chez Eaton, s'ils voulaient ouvrir avec trois personnes par 1000 pieds.

M. O'Gallagher: Non, on parle du secteur de l'alimentation.

M. Dubois (Jean): Bon, d'accord. Voici notre réaction. Je comprends mal qu'un détaillant de fruits pourrait ouvrir avec six employés, ayant investi sur 3000 pieds de plancher, alors que l'autre supermarché d'à côté, qui a peut-être investi 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ et qui a un superbe rayon de fruits et légumes, n'aurait pas le droit d'ouvrir le dimanche parce qu'il a 15 ou 20 enployés. Je pense qu'il faut une loi juste envers tout le monde, parce que tout le monde a fait des investissements et a respecté le sens de la loi. Si, par exemple, une personne dans un supermarché a dépensé 2 000 000 $ et qu'elle a respecté la loi jusqu'à aujourd'hui, il faudrait peut-être que l'autre aussi subisse le même sort et qu'il respecte la loi.

Maintenant, pour votre information, ces marchands de fruits, avec trois personnes, peuvent très bien fonctionner. Vous en avez un exemple chez les dépanneurs qui vont vendre jusqu'à 25 000 $ ou 30 000 $ par semaine et qui ont trois personnes. Mais s'ils savent travailler de nuit, à la préparation des fruits et des légumes, à la préparation de la pâtisserie ou de la charcuterie... Vous voyez cela, présentement, chez le dépanneur et ils arrivent avec trois personnes. C'est généralisé au Québec. Naturellement, si vous avez cinq caisses enregistreuses, vous avez un problème. Il s'agit peut-être d'orienter le commerce en conséquence.

C'est la même chose dans les marchés publics. Au début, c'était pour aider le petit, le boutiquier, l'indépendant, mais, à trois personnes, vous avez une très bonne

boutique. Maintenant, si vous allez à neuf personnes, comme on le voit présentement dans les marchés publics, chez un fruitier ou un spécialiste de la viande, je pense que, là, on doit avoir une loi maximale et on doit prendre l'idée qui représente l'ensemble du monde alimentaire au Québec.

M. O'Gallagher: Dans le cas des...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: ...marchés publics, comme vous le savez, il y a un marché à exploiter le dimanche. Dans un marché dans mon comté, je pense qu'il passe environ 10 000 personnes le dimanche. Vous allez priver les propriétaires d'exploiter ce marché qui est là, qui est développé et qui fonctionne depuis deux ou trois ans, d'ouvrir une journée et de réaliser des bénéfices durant cette journée, privant un certain nombre de personnes d'un emploi à temps partiel, peut-être, dans plusieurs cas. Jusqu'à présent, on a toujours toléré une telle chose. Cela m'amène à ma deuxième et dernière question: Je n'ai pas vu votre sondage et je ne l'ai pas étudié. Mais, semble-t-il, la question posée était: Êtes-vous satisfaits des heures d'ouverture? Sans doute que, en grande partie, le monde va répondre: Oui. Mais dans votre sondage ou d'autres sondages que vous connaissez, peut-être, est-ce que cette question a été posée: Êtes-vous contre l'ouverture des marchés ou des magasins le dimanche?

Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.

M. Séguin: Non, on n'est pas contre l'ouverture...

M. O'Gallagher: Non, non, dans les sondages. La population du Québec ou les consommateurs du Québec sont-ils contre l'ouverture des magasins le dimanche? Est-ce que cette question a déjà été posée dans votre sondage ou dans d'autres sondages dont vous seriez au courant?

Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.

M. Séguin: On a posé des questions aux consommateurs sur les heures d'ouverture qui leur sont offertes présentement. Les consommateurs ont répondu, à 88%, qu'ils étaient très satisfaits de la présente situation compte tenu des services qui leur sont offerts à l'extérieur des supermarchés, c'est-à-dire dans les boutiques spécialisées, les fruiteries, chez les dépanneurs.

Le Président (M. Rancourt): M. Dubois. M. Dubois (Jean): Pour répondre à M. le député de Robert Baldwin, dans notre enquête, on disait: Dans l'ensemble, plus de la moitié de la population demeure indifférente face aux nouvelles heures d'ouverture. C'est 50% des consommateurs, en partant.

Maintenant, une autre...

M. O'Gallagher: Donc, 50% de la population...

M. Dubois (Jean): ...sont indifférents.

M. O'Gallagher: C'est cela. Si on ouvrait le dimanche ou 24 heures par jour, cela ne les dérangerait pas.

M. Dubois (Jean): Cela est en preuve et c'est déposé.

Une autre réponse que nous avons aussi, c'est que...

M. O'Gallagher: Non, non, on peut conclure que la population n'est pas contre l'ouverture le dimanche. Peut-être.

Le Président (M. Rancourt): Me Martel. M. Martel (André): Oui, évidemment...

M. O'Gallagher: Bien, des interprétations des sondages, on peut toujours en faire.

M. Martel (André): Si on...

M. O'Gallagher: Je suis aussi expert qu'un autre.

M. Martel (André): II y a déjà quelqu'un qui a dit: On ne peut pas être contre la vertu. Évidemment, je pense que personne ne va répondre qu'il est contre si on pose une question dans ce sens-là. Si on demande à quelqu'un: Êtes-vous contre le fait, par exemple, qu'il y ait des fleurs sur la rue Sherbrooke à Montréal? personne ne va dire: Je suis contre. Si on explique à la personne, par ailleurs, que, si on met des fleurs le long de la rue Sherbrooke, cela peut occasionner des dépenses, que cela peut lui occasionner, vu l'augmentation des coûts, une augmentation des taxes, peut-être que la réponse va être différente. Donc, je pense que c'est plus difficile d'espérer avoir une position générale des consommateurs avec une question comme celle-là plutôt qu'avec des questions, finalement, qui ont été formulées par des experts qui sont reconnus pour être des gens qui ont une crédibilité et qui posent des questions neutres, si vous voulez, qui sont reconnues comme étant neutres au niveau du sondage.

Dernier élément, avant de passer à d'autres questions si nécessaire, M. le député, vous avez parlé d'une perte de

bénéfices pour peut-être un commerçant ou deux en particulier. Cette notion me fait gravement peur parce que, voyez-vous, les bénéfices que ces gens réalisent dans l'illégalité, ils les réalisent aux dépens de ceux qui sont dans la légalité. Donc, cela est l'autre côté de la médaille. C'est peut-être vrai que celui qui est dans l'illégalité, s'il doit, du jour au lendemain, se mettre dans la légalité, va perdre des bénéfices; sûrement. Sauf que celui qui était dans la légalité a perdu des bénéfices au profit de celui qui s'est mis dans l'illégalité. Donc, c'est encore la dualité. Allons-nous sanctionner l'illégalité aux dépens de ceux qui respectent les règles du jeu?

Alors, je souligne très humblement - on peut diverger d'opinion - qu'on ne peut pas sanctionner l'illégalité sous le prétexte qu'un commerçant qui était dans l'illégalité va perdre quelques bénéfices. Il faut aussi prendre en considération que celui qui était dans la légalité a perdu autrement plus de bénéfices au profit de celui qui était dans l'illégalité et qu'on n'a pas pu poursuivre, qu'on n'a pas pu condamner pour toutes sortes de raisons que j'ignore. Si vous saviez le nombre de plaintes que l'association peut recevoir dans une année, justement de détaillants qui respectent la loi et qui disent à leur association: M. Untel fait des bénéfices à mes dépens parce que, dans le fond, si moi aussi je pouvais ouvrir, si moi aussi je me mettais dans l'illégalité, l'autre ferait moins de bénéfices et moi aussi j'irais chercher une partie de la clientèle. Donc, vous me permettrez, très humblement, de diverger un peu d'opinion - au moins dans le sens de la question qui était posée - sur ce principe parce que cela peut nous mener loin, vous en conviendrez.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas juste envers les commerçants qui n'ouvrent pas le dimanche. Il y en a d'autres qui vendent le dimanche; ils sont tolérés par le gouvernement et ils contreviennent à la loi. Je suis complètement d'accord avec vous. Il faut admettre qu'il y a une certaine évolution qui s'en vient quant à la question des heures d'ouverture le dimanche. Il faut trouver des moyens législatifs de répondre à cette évolution. C'est une demande du public et cela amène toujours ces problèmes. C'est le dilemme.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je crois qu'on va vous remercier de votre présence et de votre mémoire. On va essayer de réétudier tout ce que vous nous avez dit. Merci surtout de votre ouverture pour nous aider à solutionner les problèmes du passé et à pouvoir très bien s'aligner sur l'avenir.

Je suggère, M. le Président, qu'on passe à l'audition du prochain mémoire, même s'il est déjà 12 h 55, et qu'on passe à la période des questions tout de suite après le dîner parce que, autrement, ce soir nous allons avoir des invités qui devront attendre très tard si on ne se discipline pas un peu plus.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Est-ce qu'il y a consentement pour entendre le mémoire?

Des voix: D'accord.

Le Président (M. Rancourt): Oui, il y a consentement. Donc, nous remercions l'Association des détaillants en alimentation du Québec et nous demandons à l'Association des directeurs de centres commerciaux de la province de Québec de se placer à la table, s'il vous plaît! Merci beaucoup.

Nous accueillons à la table l'Association des directeurs de centres commerciaux de la province de Québec pour entendre son mémoire avant l'heure du repas, comme il y a eu consentement. Si vous voulez bien vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne.

Association des directeurs des centres commerciaux

M. Labbé (Gaston): Mon nom est Gaston Labbé, je suis secrétaire exécutif de l'Association des directeurs de centres commerciaux de la province de Québec. Je vais laisser la parole au président pour vous présenter le mémoire. Il n'est pas long; donc, on peut l'entendre au complet.

Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.

M. Cousineau (Pierre): M. le ministre, M. le Président, messieurs les députés, nous allons être très brefs contrairement à nos prédécesseurs.

À la suite de notre sondage effectué auprès de marchands indépendants dans plusieurs centres commerciaux, notre interprétation des résultats de ce sondage se résume ainsi: les commerçants consultés sont majoritairement en faveur du statu quo, bien que 26% d'entre eux seraient d'accord avec la proposition soulevée par l'ADCCQ relativement à l'accroissement d'une heure à l'horaire des jeudi et vendredi soir.

L'ouverture des commerces le dimanche a été refusée par la très grande majorité des répondants. La libéralisation totale des heures d'affaires est une option qui a été aussi refusée à la grande majorité. Conséquemment, la majorité des commer-

çants consultés est en faveur de rendre les amendes beaucoup plus sévères pour les contrevenants à la loi des heures d'affaires.

L'opinion de l'ADCCQ: les directeurs de centres commerciaux sont en majorité contre la libéralisation des heures d'ouverture, mais optent pour l'accroissement d'une heure à l'horaire des jeudi et vendredi soir. La logique derrière cette proposition est basée sur la conviction que les chiffres d'affaires actuels ne peuvent être augmentés suffisamment pour justifier une libéralisation totale des heures d'affaires. L'association est cependant consciente que les habitudes de magasinage ont forcément changées avec le phénomène du couple qui travaille et c'est la raison pour laquelle nous croyons qu'un ajustement est requis. Réalisant que le commerçant ne peut greffer plus de dépenses fixes à son établissement sans risque de faillite, il faut conserver la même période d'ouverture au public tout en s'ajustant à cette réalité qu'est le temps réduit consacré au magasinage.

En conclusion, bien que les commerçants aient en majorité opté pour le statu quo, il n'en demeure pas moins qu'une proportion de 25% a opté pour l'accroissement de deux heures supplémentaires, et il faut garder en mémoire que certaines tendances au statu quo s'expliquent facilement par la peur du changement. (13 heures)

De l'avis des directeurs de centres commerciaux, selon leur expertise et leur professionnalisme, la proposition d'ajouter une heure à l'horaire actuel des jeudi et vendredi soir s'avère la plus justifiable, compte tenu: 1- du potentiel restreint d'augmentation des ventes 2- des charges salariales fixes dues aux heures d'affaires existantes 3- des périodes creuses des débuts de matinée 4- de la possibilité de garder le même nombre d'heures d'ouverture, retardant l'heure d'ouverture du matin.

Ce mémoire vise à faire en sorte que votre ministère se rende compte que l'association est satisfaite et fière de pouvoir offrir des heures d'ouvertures régies par une loi qui se veut honnête et qui établit des règles où tout commerçant a le droit de faire des affaires.

Relativement aux amendes pour les contrevenants, il va sans dire que celles-ci devraient être très sévères pour ne pas favoriser les établissements qui ne se conforment pas à la loi.

L'association considère que les changements apportés aux articles 2 et 3 du projet de loi 59 sont, en majeure partie, non acceptables, car ils ne représentent en rien l'opinion des marchands au détail, et qu'un tel ajout d'heures d'ouverture ne fait que nuire à la vie sociale des commerçants, sans vraiment se montrer utile vis-à-vis du consommateur.

De l'article 2 du projet de loi 59, la Loi modifiant les heures d'affaires des établissements commerciaux, l'association retient et accepte l'énoncé, mais nous préférons et maintenons l'article 2 existant, tout en demandant que les 2 janvier et 26 décembre soient ajoutés comme jours fériés.

L'association est contre la proposition de l'article 3, qui permettrait l'ouverture des établissements commerciaux jusqu'à 21 heures durant les six jours précédant le dimanche de Pâques.

L'association est aussi contre l'extension des heures d'ouverture le samedi jusqu'à 18 heures.

Comme vous l'avez remarqué, nous nous sommes opposés seulement aux articles 2 et 3 du projet de loi 59, qui touchent directement les centres commerciaux. Merci.

Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Biron: Merci de votre mémoire. On a convenu avec notre collègue, le député de Laporte, qu'on procéderait à la période de questions immédiatement, si cela ne vous fait rien de rester quelques minutes, ce qui nous permettra, finalement, de recommencer à 15 heures avec le groupe qui était cédulé pour 15 heures, c'est-à-dire le conseil municipal de la ville de Hull.

Je vous remercie, d'abord, de l'appui, il me semble, un peu global que vous donnez à notre projet de loi, à la fois en ce qui concerne l'augmentation des amendes et la fermeture le dimanche, quitte à ce que vous interveniez sur certains cas. Votre suggestion des jeudi et vendredi soir a déjà été faite par le Conseil québécois du commerce en détail. Je remarque que votre sondage est aussi important; il démontre qu'une partie relativement importante - 19% de vos gens -veut la libéralisation complète. Il y a quand même une partie des gens qui disent: II y a peut-être du commerce à faire en dehors des heures actuellement stipulées par l'ancienne loi. On devrait regarder davantage ce qu'on peut faire.

Je garde cela en mémoire et je demande à mon collègue, le député de Châteauguay, qui a quelques questions à vous poser là-dessus, de procéder.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Ce sera très bref. D'abord, vous avez fait un sondage et vous dites qu'il s'agit d'un sondage réalisé auprès de 30 centres commerciaux. Est-ce la totalité? Je n'ai pas vraiment d'idée sur le nombre de centres

commerciaux qui existent. Est-ce que c'est très représentatif du nombre de centres commerciaux?

Le Président (M. Rancourt): M. Labbé.

M. Labbé: Oui, je vais répondre à votre question. On parle de 30 centres commerciaux qui nous ont retourné les demandes faites auprès de leurs marchands.

M. Dussault: D'accord.

M. Labbé: Ces centres commerciaux représentent les centres commerciaux couverts, donc avec mail. Lorsqu'on parle de centres commerciaux dans la province de Québec, on peut totaliser, si on parle de tout centre commercial, jusqu'à 200 centres commerciaux. On parle d'environ 150 centres commerciaux avec mail. Plusieurs mails sont détenus par des intérêts, par exemple, de Cadillac Fairview ou Ivanhoe qui, à eux deux, ont 50 centres commerciaux.

M. Dussault: Cela confirme l'impression que j'avais selon laquelle c'était un petit nombre...

M. Labbé: C'est un...

M. Dussault: Parmi ces 30 qui ont répondu, est-ce qu'on a une idée très générale de ce que pensent les marchands?

Le Président (M. Rancourt): M. Labbé.

M. Labbé: Nous considérons l'échantillonnage - en fait c'est un échantillonnage à travers la province, selon l'endroit d'où il venait; il y en a de Rimouski et de Montréal en grande partie -satisfaisant. Nous n'avons pas eu à refaire un autre sondage.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: D'accord. Ces 30 centres commerciaux en question qui font partie de l'échantillonnage - de toute façon les sondages fonctionnent par échantillonnage, mais on peut porter foi aux résultats; si l'on se fie aux autres, pourquoi pas à celui-là -sont-ils répartis de façon telle qu'on puisse vraiment dire qu'il s'agit de milieux différents, que cela couvre l'ensemble des réalités québécoises?

Le Président (M. Rancourt): M. Labbé. M. Labbé: Oui.

M. Dussault: D'accord. Ce qui frappe -et je vais m'en tenir à cela - dans votre mémoire, qui est court mais qui dit bien ce qu'il veut dire, c'est qu'il n'y a pas d'entente sur tous les points entre les directeurs des centres commerciaux et les marchands comme tels. En fait, les directeurs voudraient, au-delà des positions des marchands, qu'il y ait davantage ouverture, particulièrement les jeudi et vendredi soir. Je me rappelle que, avant-hier, des gens, représentant des SIDAC, des associations de marchands de centres-villes, nous ont dit que, déjà, quand les clients ont passé l'heure de fermeture, ils sont obligés de fonctionner encore pendant une demi-heure ou trois quarts d'heure. C'est une réalité qui avait l'air d'être générale pour ce qui est de ce type de marchands dans les centres-villes.

Est-ce que, dans les centres commerciaux, la réalité est la même? Est-ce que les marchands ou les employés sont obligés de faire une demi-heure ou trois quarts d'heure de plus au-delà de l'heure de fermeture, pour satisfaire la clientèle?

Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.

M. Cousineau: M. le député, nous remarquons que, antérieurement à la loi, en 1971, nous gardions nos centres commerciaux ouverts - je parle des centres avec mail -jusqu'à 22 heures les mardi, jeudi et vendredi soir, dans mon cas; j'étais le gérant de Fairview à Pointe-Claire dans le temps. Et nous avions un public très constant, très nombreux. Maintenant, nous remarquons que les jeudi et vendredi soir, à 21 heures, nous sommes forcés de mettre les gens à la porte; ils veulent continuer de magasiner. Les gens qui ont fait leur épicerie veulent continuer de magasiner pour les cadeaux ou l'habillement. On pense que l'on perd beaucoup de ventes impulsives; surtout dans la bijouterie. On voit nos bijouteries tomber un peu dans les ventes. Je crois que c'est dû au manque de temps, les jeudi et vendredi soir, où on a déjà toute cette clientèle. On est obligés de leur fermer les portes. Souvent, on est obligé de pousser les gens pour fermer nos portes. Plusieurs des commerçants ne sont que des employés; à 21 heures, ils ont fini et ils ne sont payés que jusqu'à 21 heures. Donc, ils disent: On ferme les portes. Les gens se buttent sur les portes. C'est vrai dans nos centres commerciaux; c'est une tendance que l'on voit, contrairement au samedi après-midi où, à 16 heures ou 16 h 15, on observe que les clients sortent automatiquement, sans être pressés, sans être forcés de le faire. Tandis que, les jeudi et vendredi soir, on voit que cette affluence ne diminue pas avant 21 h 15 ou 21 h 20; on voit les gens s'en aller parce qu'ils sont forcés de s'en aller.

Le Président (M. Rancourt): M. le

député de Châteauguay.

M. Dussault: Donc, dans l'optique d'une libéralisation des heures, ce qui serait le plus naturel en termes d'ajouts, ce serait les jeudi et vendredi, parce que c'est là qu'on sent que la clientèle a le goût de rester, de gagner un peu de temps pour compléter ses achats.

M. Cousineau: On le sent, assurément, dans tous nos grands centres régionaux ainsi que dans les centres-villes.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Mais pourquoi vos marchands n'ont-ils pas identifié le même type de préoccupations? Ils ont un intérêt donc à rester ouverts plus longtemps. Est-ce que c'est une préoccupation d'ordre social davantage qui les amène à penser qu'il faudrait quand même s'en tenir aux heures actuelles?

Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.

M. Cousineau: En plus de l'ordre social, M. le député, je crois qu'il y a aussi ceci: c'est que plusieurs de ces marchands font affaires avec des syndicats. Il y a le nombre d'heures et la dépense additionnelle. Il y a aussi la peur de changer le statu quo, je crois. Mais la plupart des propriétaires de ces boutiques aimeraient rester ouverts un peu plus longtemps.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le ministre me dit que c'est peut-être par la formulation de la question... Question 2: Respecter les heures d'ouverture existantes en accroissant d'une heure l'horaire des jeudi et vendredi soir. Ont dit oui, 26%; non, 74%. Je voudrais vraiment que vous me confirmiez ce que veut dire la réponse. Je vois: Non, 74%. J'en conclus donc qu'ils refusent - c'est ce que j'avais compris - l'ouverture après les heures actuelles. Est-ce que l'interprétation du ministre est bonne?

Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.

M. Cousineau: J'aimerais dire que nos questionnaires ont été envoyés aux magasins directement et j'ai peur que plusieurs employés aient répondu au lieu du propriétaire; les gérants de magasin, les gens qui sont employés ont répondu. Tandis que les propriétaires qu'on rencontre dans les associations de marchands qu'on a mentionnées antérieurement nous montrent le désir de rester ouvert. C'est cela la différence, je crois: ces questionnaires ont atteint la chaîne de magasins, mais ils ont atteint seulement la gérance et non le propriétaire du magasin.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Donc, on peut penser qu'à travers les réponses il y a une préoccupation sociale, mais reliée spécifiquement aux heures de travail des employés.

Le Président (M. Rancourt): M. Labbé.

M. Labbé: Certainement. D'ailleurs, j'en profite pour mentionner le fait du lendemain de Noël et du lendemain du jour de l'an. On a une misère noire à garder les magasins de nos membres ouverts ou même de les faire ouvrir. L'association des marchands et nous, nous avons pensé à toutes sortes d'amendes. Les gens ne veulent pas ouvrir, ils se sentent lésés d'un droit, acquis, je suppose, à savoir qu'on doit se reposer le lendemain de ces fêtes. Ils se disent: On est là depuis 9 h 30 le matin... C'est sûr et certain qu'une heure de plus représente certains frais et aussi beaucoup de temps. Maintenant, on suggère, à l'intérieur de nos centres commerciaux, d'ouvrir une demi-heure plus tard le matin. Cela peut ne pas être dans la loi comme tel, mais cela peut être fait à l'intérieur des centres commerciaux; il n'y a pas d'affluence le matin.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Une dernière question. Les gens des centres-villes nous ont dit leur inquiétude selon laquelle si, par exemple, on prolongeait les heures d'affaires les jeudi et vendredi, cela favoriserait davantage les commerçants des centres commerciaux et se ferait sur le dos des marchands des centres-villes. Qu'est-ce que vous pensez de cette assertion?

Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.

M. Cousineau: Dans le moment, je suis gérant de Eaton Les Terrasses, au centre-ville de Montréal, qui est au coin des rues Sainte-Catherine et McGill. Je crois que c'est un des centres les mieux situés, avec Place Ville-Marie, au centre-ville. À cause de la crise économique et de l'augmentation de l'essence, nous avons vu, contrairement à ce qui s'est passé il y a une dizaine d'années, le retour au transport en commun. Les gens se servent de plus en plus du transport en commun. À cause du retour au

centre-ville, dans le moment, nos augmentations les jeudi et vendredi soir et le samedi ont plus que doublé depuis cinq ans. Avant, on souffrait beaucoup des gros centres régionaux à l'extérieur des villes. Mais, maintenant, les gens sont retournés au centre-ville, travaillent au centre-ville et font leurs achats aussi au centre-ville. Je pense qu'il y a de la place pour les deux. Assurément que nos gros centres commerciaux sont très occupés les fins de semaine, mais les centres-villes gardent de plus en plus leur clientèle de la journée, M. le député.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Donc, cela ne briserait pas l'équilibre qui a l'air de s'être fait maintenant.

M. Cousineau: Je ne le crois pas, M. le député.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Un commentaire seulement. En somme, vous avez fait un sondage auprès de vos commerçants et vos commerçants vous ont dit à peu près essentiellement la même chose qu'ils nous ont dite, à savoir qu'ils sont très majoritairement en faveur du statu quo. Et, vous, vous ajoutez que c'est peut-être un peu parce qu'ils ont peur du changement. Vous faites penser un peu à la locomotive qui tente de tirer le train, mais le train est un peu lourd à déplacer.

Enfin, je retiens de la conclusion de votre mémoire qu'à l'égard du projet de loi 59 vous ne semblez pas l'aimer beaucoup. Vous dites que votre association considère que les changements apportés par le projet de loi sont en majeure partie non acceptables.

Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.

M. Cousineau: On se réfère toujours, M. le député, aux articles 2 et 3 où on parle des heures et surtout des lendemains de Noël et du jour de l'an, si vous me le permettez.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: D'accord, mais je lis...

M. Cousineau: En tant que directeurs de centres commerciaux, on peut vous dire que le reste du projet nous est très acceptable.

M. Bourbeau: II faudrait que ce soit un peu clarifié parce que, quand on regarde la conclusion: Le projet de loi 59... Je suis d'accord que ce n'est peut-être pas aussi global que je le dis, mais, à l'égard de l'article 2, vous êtes d'accord pour accepter l'énoncé, mais vous préféreriez l'énoncé de l'article 2 dans la loi actuelle.

M. Cousineau: Ou on a le lundi de Pâques et le lundi de l'Action de grâces, mais on demanderait aussi les lendemains de Noël et du jour de l'an parce que c'est un problème pour les directions des centres commerciaux dans le moment de faire ouvrir quelques boutiques. Chaque année, il faut avoir des assemblées avec les marchands et les forcer, essayer de les pénaliser d'une façon quelconque par les contrats qu'ils ont avec les centres commerciaux parce que nous investissons beaucoup d'argent en publicité pour avertir les gens que notre centre commercial leur souhaite la bienvenue telle et telle journée, de telle heure à telle heure. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir quelques magasins de fermés quand nous annonçons que notre centre commercial est ouvert. Cela nous cause un problème, en ce moment, et cela nous a causé un problème dans les dernières années. (13 h 15)

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: C'est très intéressant, ce que vous dites là. Je ne sais pas si le ministre écoute. J'aimerais attirer l'attention du ministre. C'est qu'on a ici des gens qui ont intérêt à ouvrir, ce sont des directeurs qui représentent les propriétaires des centres commerciaux. Eux-mêmes nous disent qu'on devrait retourner à l'ancien article 2 parce que ceux qui ont intérêt à ce qu'on ouvre nous disent: On ne devrait pas ouvrir. Je comprends de moins en moins pourquoi le ministre veut faire ouvrir à 8 h 30, le lendemain de Noël, par exemple, ou le lendemain du jour de l'an...

Des voix: II n'y a pas d'obligation...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: Bien non, il n'y a pas d'obligation, bien sûr, mais on sait ce qui se passe. Quand la loi permet d'ouvrir, il faut ouvrir dans tous ces milieux-là parce que si l'un ouvre, l'autre ne veut pas se faire dépasser. La concurrence force à ouvrir. Dans ce sens-là, je conclus que, pratiquement parlant, à partir du moment où la loi permet l'ouverture - c'est ce que nous ont dit la plupart des marchands, de toute façon - ceux qui n'ouvrent pas sont désavantagés. Est-ce que vous avez un commentaire à faire là-

dessus?

Le Président (M. Rancourt): Oui, c'est M. Labbé.

M. Labbé: Merci. En fait, il faut se rappeler qu'on ne représente pas les marchands comme tels. On représente les centres commerciaux. Mais j'aimerais faire une remarque: lorsque l'on dit que le projet de loi 59 n'est pas acceptable, c'est qu'il nous semble que, d'après nos requêtes, on nous suggère des choses qui vont tout à fait à l'encontre de ce qu'on pense. On essaie de garder un maximum d'heures d'ouverture, telles qu'elles existent présentement, en essayant aussi d'implanter quelques heures sociales pour ces gens qui se plaignent toujours qu'ils doivent ouvrir à telle heure; en tout cas, on a toujours nos règlements. Vous savez, on doit avoir, dans chaque centre commercial, en principe, quelqu'un qui, à tous les jours, passe et remarque les retards d'ouverture, pénalise d'une certaine manière. Déjà, on a du mal à les faire ouvrir aux heures permises. On s'aperçoit qu'il y a une affluence qu'on doit repousser les jeudi et vendredi soir. Alors, lorsqu'on nous présente des choses selon lesquelles on est ouvert le lundi de Pâques, on est ouvert à l'Action de grâces et tout, on se dit: Ce sont des choses qui nous semblent placées là pour des raisons qu'on ignore.

Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau, en complément de réponse.

M. Cousineau: Oui, pour compléter la réponse de mon confrère, c'est que, dans notre métier, on est appelé à négocier ces contrats avec les locataires. Dans plusieurs cas, ces locataires ne sont qu'un homme ou une petite entreprise familiale où vous avez le père de famille et la mère, des fois un enfant ou deux qui aident. Toutes ces journées fériées leur permettent de faire le plein. Souvent, cela joue dans la balance d'ouvrir une boutique ou non. Souvent, ces gens-là disent: Mais est-ce qu'on est obligés de travailler toutes ces heures-là? Est-ce qu'on est obligés d'ouvrir aux heures du centre commercial? On aimerait peut-être mieux avoir notre petite boutique sur le coin de la rue qu'on pourrait gérer à notre guise. J'ai vu, dans plusieurs cas, des gens dire: Écoutez, les autres personnes dans la vie, les salariés, travaillent de 35 à 40 heures; nous, en plus d'être ouverts, il faut rencontrer notre comptable, il faut administrer, il faut faire nos achats. Donc, quelques journées de plus, comme le lendemain de Noël, nous donnent la chance de faire le plein, de vivre comme tout le monde et d'avoir un Noël comme tout le monde. Cela a joué déjà dans la balance d'ouvrir ou de ne pas ouvrir un commerce. Je pense que cela est très important.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je termine simplement -je pense qu'il est important de le faire - en soulignant - ce que j'ai déjà dit tout à l'heure - que même en représentant des propriétaires de centres commerciaux, vous avez de fortes restrictions sur la libéralisation des heures, entre autres, le samedi jusqu'à 18 heures, l'ouverture dans la semaine avant Pâques jusqu'à 21 heures. Alors, bien entendu, si vous, comme représentants des propriétaires, prenez cette position, à plus forte raison, on comprend la position de vos marchands qui ont pris la même position. Alors...

M. Cousineau: M. le ministre, j'aimerais ajouter à cela...

Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.

M. Cousineau: ...que, dans mon centre commercial, dans le moment, je suis ouvert. Je suis situé près d'une station de métro de Montréal, donc je suis ouvert. Cela ne coûte pas plus cher d'être ouvert tous les soirs, jusqu'à 2 heures du matin, que cela ne me coûte dans le moment. J'ai les mêmes employés de sécurité, j'ai les mêmes employés qui font le nettoyage, parce que j'ai une affluence constante à cause de la station de métro. Il y a d'autres centres commerciaux dans ma situation. Donc, nous sommes ici pour montrer la juste mesure. C'est pour cela qu'on s'oppose à l'ouverture jusqu'à 21 heures la semaine avant Pâques parce qu'on croit qu'on va avoir de la difficulté avec nos marchands pour qu'ils ouvrent. Maintenant, on ouvre - depuis 1971 - jusqu'à 21 heures deux semaines avant Noël. Le premier samedi où l'on force les gens à ouvrir, on a tout le temps une moyenne assez élevée de délinquants, de 20% à 25% qui ferment à 19 heures ou 19 h 30 pour aller voir la partie de hockey; c'est plus important d'aller voir la partie de hockey. Déjà, l'affluence a beaucoup diminué. Donc, on ne voit pas l'utilité d'ouvrir jusqu'à 21 heures durant la semaine avant Pâques, M. le député.

M. Bourbeau: Très bien, au nom de...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: ...l'Opposition, je tiens à vous remercier d'avoir apporté cette contribution à nos travaux. Je pense que c'est un point de vue original, qu'on n'avait pas beaucoup entendu en ce qui concerne les

propriétaires de centres commerciaux. Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je veux tout simplement vous remercier. Aussi, surtout, je note - parce que votre mémoire là-dessus n'est pas clair -qu'il dit, à la fin, que le projet de loi est inacceptable, alors que le projet de loi répond à 95% de vos demandes. Je veux bien croire que les 5% sont inacceptables pour vous. Par contre, d'autres groupes de gens nous demandent d'ouvrir plus; d'ailleurs, le fait que beaucoup de gens ouvrent le dimanche, à l'heure actuelle, ou en dehors des heures, est signe qu'il y a un besoin pour l'évolution du commerce. Alors, le projet de loi n'a pas voulu répondre à 100% à une catégorie de monde; il a voulu essayer de faire un consensus entre les gens d'affaires du Québec. Je vous répète ce que je disais hier, c'est à cause de la faiblesse des gens d'affaires de se parler entre eux et d'en arriver à un consensus eux-mêmes; si les gens d'affaires en étaient arrivés à un consensus eux-mêmes, le législateur aurait pu légiférer très facilement. En tout cas, je vous remercie de votre contribution.

Le Président (M. Rancourt): M. Labbé.

M. Cousineau: C'est nous qui vous remercions de nous avoir permis d'exprimer notre point de vue.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. M. Labbé, vous aviez demandé la parole?

M. Labbé: Oui, une dernière chose, M. le ministre. Comme le mentionnait tout à l'heure un député de l'Opposition, on aurait tout intérêt à ouvrir plusieurs heures. Un mémoire de cette sorte donne vraiment notre idée à savoir si ces gens vont être en affaires l'an prochain, parce que notre problème c'est de louer nos locaux et il faut aussi qu'ils soient rentables. Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Nous remercions l'Association des directeurs de centres commerciaux de la province de Québec et nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 22)

(Reprise de la séance à 15 h 5)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre! Reprise des auditions que la commission de l'industrie, du commerce et du tourisme a à mener ici et qui a pour mandat d'entendre les représentations des personnes intéressées par le projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

Avant d'appeler le premier groupe de l'après-midi, j'ai reçu une indication que, parmi les intervenants, il faut ajouter M. Dupré (Saint-Hyacinthe), qui remplace M. Tremblay (Chambly), ce dernier étant membre officiel.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il est présent?

Le Président (M. Rancourt): Maintenant, nous allons accueillir le conseil municipal de la ville de Hull. Si ses délégués veulent bien s'approcher, s'il vous plaît? Si vous voulez bien vous présenter?

Conseil municipal de Hull

M. Cholette (Pierre): Mon nom est Pierre Cholette, je suis conseiller municipal à la ville de Hull. Je suis accompagné, cet après-midi, par un autre conseiller de la ville, M. Cartier Mignault, et par notre directeur du service des relations publiques, M. André Lacroix.

Le Président (M. Rancourt): Merci. Vous pouvez débuter.

M. Cholette: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, j'aimerais, au-delà du document officiel que nous avons déjà déposé et que nous aimerions voir s'annexer au procès-verbal de cette commission, vous dire que le conseil municipal et la population de la ville de Hull tiennent absolument à vous remercier de l'occasion que vous nous offrez, aujourd'hui, de participer à cette commission parlementaire pour aider les membres de l'Assemblée nationale à poursuivre leur réflexion sur les nombreuses raisons et les divers moyens d'amender et ainsi de bonifier la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

En comparaissant devant vous, aujourd'hui, nous espérons vous amener à constater que le conseil municipal et la population de la ville de Hull recherchent des moyens de mieux assurer les potentiels et les dynanismes industriels, commerciaux et touristiques de Hull et de l'Outaouais québécois.

Inscrite dans la problématique élargie de la recherche d'un statut administratif particulier pour Hull et sa région et tributaire de la consultation paraélectorale de novembre 1982, notre démarche d'aujourd'hui est l'aboutissement logique et modéré des préoccupations de la population et des élus municipaux de Hull relativement au dynamisme économique hullois et, conséquemment, outaouais, à la relative compétitivité de nos commerces par rapport

à ceux de l'Est ontarien ainsi qu'à notre souci de contribuer à freiner l'exode de nos activités commerciales normales vers la province voisine.

Compte tenu de notre situation frontalière unique, Hull étant au coeur d'une agglomération urbaine interprovinciale majoritairement anglophone, de près d'un demi-million d'habitants, dont près de 75% vivent hors du Québec, faite à la fois de concurrence et d'interdépendance, et considérant que notre ville, nos entreprises et nos commerces sont constamment à la recherche d'une clientèle potentielle nouvelle, nous nous présentons devant vous pour réclamer divers assouplissements à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, particulièrement au chapitre des périodes de très grand achalandage et du mécanisme de décision.

Ainsi donc, déjà, dans l'état actuel des faits, la ville de Hull est placée dans un environnement politique et économique fort particulier dont je ne voudrais citer que trois caractéristiques. Premièrement, Hull est une porte d'entrée très importante du Québec; deuxièmement, chaque année, près de 3 000 000 de personnes lui jettent un regard curieux ou intéressé; sur ce, approximativement de 3% à 5% seulement visitent notre ville: de ces 3 000 000 de touristes, 60% sont des Canadiens, 20% viennent des États-Unis et 20% d'autres pays; troisièmement, chaque matin, nous recevons approximativement 20 000 fonctionnaires du gouvernement fédéral, que l'on voudrait aussi retrouver plus régulièrement dans l'ensemble de nos établissements commerciaux. En plus de sa situation unique et particulière, nous croyons que la ville de Hull a aussi une vocation particulière. Nous venons suggérer que la ville de Hull devienne l'instrument privilégié du Québec pour donner à tous les visiteurs et travailleurs ontariens qui nous côtoient quotidiennement le goût de faire leurs achats et de tirer profit d'une bonne affaire au Québec.

Pour ce faire, il devient donc essentiel d'ajuster certains éléments de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux à notre spécificité, à notre situation frontalière. C'est, entre autres, pour ces raisons que nous venons vous dire que nous applaudissons à l'esprit des propositions de réforme contenues au projet de loi 59 et nous en profitons plus particulièrement pour souhaiter ou réclamer que l'Assemblée nationale modifie la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux en favorisant Hull et sa banlieue de la façon suivante: premièrement, idéalement, en déléguant à la ville de Hull ou à chaque gouvernement municipal le pouvoir de réglementer sur toute l'étendue de son territoire les heures d'affaires des établissements commerciaux; sinon, deuxiè- mement, en portant les heures d'ouverture des établissements commerciaux à 21 heures durant les 28 jours précédant le 24 décembre, ou en permettant aux gouvernements municipaux de prendre une telle disposition afin qu'elle corresponde aux besoins et à la situation compétitive particulière de leurs établissements commerciaux; troisièmement, en ajoutant à l'article 5 du projet de loi les détaillants de fruits et légumes, les boucheries, les charcuteries et poissonneries, ainsi que les marchés publics localisés à l'extérieur des grands centres commerciaux logeant des supermarchés.

Vitrine et porte d'entrée du Sud-Ouest québécois, la ville de Hull vous remercie de l'avoir entendue et elle vous demande de contribuer à la regénérescence et au renforcement de sa structure financière en permettant à la capitale régionale et à l'ensemble de l'Outaouais québécois de pouvoir mieux concurrencer la rive ontarienne de l'Outaouais. Nous vous demandons donc la permission, par des assouplissements mineurs à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, de favoriser l'épanouissement maximal de nos potentiels industriel, commercial et touristique, et nous sommes persuadés que les amendements consentis seront aussi bénéfiques pour nos villes voisines et pour plusieurs autres agglomérations urbaines québécoises. Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je voudrais vous remercier d'avoir fait votre intervention cet après-midi et déposé votre mémoire. Pour les premiers commentaires et les premières questions, étant donné que votre municipalité est dans le comté de notre collègue, le député de Hull, je lui demanderai de faire la première intervention et de poser les premières questions. Après quoi, mon collègue, le député de Châteauguay et adjoint parlementaire, vous posera quelques autres questions.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre, d'avoir passé votre tour. Je sais que vous reviendrez sûrement dans les prochaines minutes...

M. Bourbeau: Pour mieux vous assommer.

M. Rocheleau: ...c'est cela. Je voudrais, premièrement, M. le Président, féliciter le conseil municipal de Hull d'avoir pris l'initiative de déposer un mémoire à la commission parlementaire. Je remercie mes ex-

collègues du conseil municipal de Hull, ainsi que le directeur des communications, pour le travail acharné qu'ils ont accompli au cours des deux dernières années, tenant compte des particularités de l'Outaouais québécois et, plus particulièrement, de villes ou de municipalités qui côtoient les régions frontalières telles que la nôtre.

C'est peut-être un cas exceptionnel au Québec, et c'est sûrement un cas exceptionnel de toucher de très près à la capitale fédérale et d'avoir, du point de vue démographique, une population aussi importante qui se compose d'environ 700 000 habitants, dont 500 000 du côté d'Ottawa et près de 170 000 du côté de l'Outaouais québécois. (15 h 15)

M. le Président, en 1982, j'ai moi-même produit un sondage que j'avais fait auprès de la population sur certains éléments particuliers à notre région dont, entre autres, l'aspect de la langue, la loi 101, où nous demandions d'avoir un caractère un peu plus officiel, c'est-à-dire de répondre davantage dans les deux langues officielles du pays tout en gardant toujours la prééminence du français.

Nous avions aussi fait certaines demandes concernant la construction ou de l'OCQ afin d'éliminer les cartes de classification dans la construction. Un des éléments importants qui a été accepté par le gouvernement, c'est la taxe sur l'essence, où nous connaissions des problèmes très particuliers à cause de la taxe ascenseur qui avait été imposée à l'intérieur du budget 1981.

Comme dernier élément et non le moindre, les heures d'ouverture de nos commerces qui préoccupent notre conseil municipal, qui préoccupent l'ensemble de nos entreprises commerciales de Hull et de l'Outaouais et qui préoccupent aussi notre population, étant donné qu'elle côtoie quotidiennement les deux rives de l'Outaouais québécois et ontarien.

À la suite de ceci, je voudrais mentionner que la Chambre de commerce de l'Outaouais, qui regroupe au-delà de 1000 membres, appuie très favorablement des modifications qui pourraient être apportées à la loi existante et nous profitons sûrement du projet de loi 59 où on a entendu tous les intervenants du milieu et où on continuera à les entendre dans les prochaines heures et les prochains jours.

En terminant, je veux vous dire que je pense qu'il est essentiel de prendre en considération une région québécoise, une région qui connaît des problèmes particuliers à cause de son aspect frontalier et qui demande au gouvernement de lui permettre d'avoir une concurrence beaucoup plus loyale et beaucoup plus forte avec ses voisins ontariens. Nous aurons sûrement, M. le Président, certaines questions à poser à nos intervenants face à la problématique qui existe, plus particulièrement, non seulement dans le comté de Hull, mais aussi dans l'Outaouais québécois.

En terminant, je suis très heureux que le conseil municipal ait pris cette forme de leadership afin d'assurer cette commission parlementaire de ses préoccupations et aussi des éléments qui pourraient apporter des modifications qui, de toute façon, aideraient considérablement l'émancipation du commerce, l'avenue de nouveaux investisseurs du côté de l'Outaouais québécois et aussi la création d'un nombre d'emplois très important dans le contexte économique actuel.

Nous pourrons, immédiatement après, si vous voulez, procéder... J'aurais des questions, mais je pense que notre collègue de Châteauguay aurait peut-être une certaine intervention à faire.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. La ville de Hull est la seule municipalité qui a fait une intervention auprès de cette commission, auprès du ministre, à l'égard de cette question sur les heures d'affaires. C'est donc la seule qui demande, d'une certaine façon, de donner une juridiction à une ville dans cet ordre de préoccupations. Sans doute que cela est significatif à quelque chose, c'est parce que les municipalités n'ont pas songé à revenir à une situation qu'on a déjà connue et qui n'a pas créé toute la satisfaction voulue. Aujourd'hui, il y a une réglementation qui satisfait largement les gens, car beaucoup nous disent qu'il n'y a peut-être pas lieu de toucher à cela et d'autres nous disent qu'il y a peut-être lieu de le faire, mais il faudrait réduire la portée des interventions.

Nous savons en plus qu'une certaine opposition a été évoquée à ce qu'il y ait une ouverture du côté des municipalités quant à une juridiction sur les heures d'affaires. C'est que l'ADA a répondu à une question sur ce point lors de nos travaux.

Il m'apparaît qu'il y aurait là un recul assez évident par rapport à la situation qu'on a connue, et il y a sans doute aussi à penser qu'il y aurait un impact - si on vous donnait ce genre de permission - non seulement sur les municipalités environnantes, par rapport à Hull, mais aussi sur les marchands de ces municipalités. Est-ce que, pour en venir à une question, vous avez fait des consultations dans votre région auprès des dirigeants municipaux et auprès des marchands des municipalités qui sont voisines de la ville de Hull? En fait, je ne suis pas allé dans votre région très souvent mais quand même assez souvent pour savoir qu'il y a un

développement relativement dense autour de votre municipalité. Alors, est-ce que vous avez fait des consultations et quels sont les résultats qu'ont donnés ces consultations?

Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.

M. Cholette: M. le Président, M. le député, oui, nous avons fait des consultations. D'abord, la première consultation sur le statut particulier s'est faite lors de la dernière élection municipale, lors d'un référendum, alors qu'on demandait à la population si elle était d'accord pour confier au prochain conseil municipal le mandat de négocier un statut particulier pour la ville de Hull sur différents points, dont les heures d'ouverture. Donc, on a eu une réponse très majoritairement favorable à notre proposition. Nous donnons donc suite aux volontés, si vous voulez, du public en général, pour demander un statut particulier pour la ville de Hull.

En ce qui concerne les consultations plus précises auprès des marchands, oui, nous en avons fait. Nous avons reçu des demandes particulières, par exemple, de l'Association des marchands et des détaillants d'essence et nous avons consulté la Chambre de commerce de l'Outaouais. Remarquez bien que c'est la Chambre de commerce de l'Outaouais - et non pas de la ville de Hull - qui s'est prononcée en faveur d'un statut particulier, en faveur de la récupération de ce pouvoir décisionnel quant aux heures d'ouverture. Cela regroupe au-delà de 1000 membres qui sont impliqués dans toutes les sphères de l'activité commerciale et industrielle de la région. Donc, c'est une autre indication que les gens veulent que les villes récupèrent certains pouvoirs.

C'est entendu, M. le Président, qu'au Québec la situation d'ensemble est satisfaisante puisque la loi s'applique à tout le monde: les marchands de Chicoutimi, de Montréal, de Québec, de Trois-Rivières sont soumis à la même loi.

Notre cas est unique en ce sens que la ville de Hull est la seule ville d'importance qui se situe aux frontières d'une autre province ou d'un autre État; il n'y en a pas une autre. Cela veut donc dire que les marchands font face à une concurrence qui est immédiatement adjacente, si vous voulez, très voisine. Si on pouvait faire une comparaison, ce serait que, si les marchands de Lévis avaient le droit d'ouvrir à des heures particulières ou des heures plus larges et que les marchands de Québec n'en avaient pas le droit, cela causerait un débalancement excusez l'expression - entre les deux sociétés ou les marchands des deux villes. Certainement que les marchands de Québec, à ce moment-là, réclameraient les mêmes droits que les marchands de Lévis. Nous vivons cette situation quotidiennement. De l'autre côté de la rivière, le pouvoir repose dans les villes. Chez nous, cela repose au gouvernement du Québec. De l'autre côté de la rivière, plusieurs villes ont adopté des heures d'ouverture beaucoup plus libérales, si vous voulez, que nous. Par exemple, Nepean et Gloucester, qui sont immédiatement voisines, ouvrent tous les soirs de la semaine, incluant le samedi - pas le dimanche - jusqu'à 22 heures, II y a des centres commerciaux très importants qui se sont implantés dans ces municipalités et ils sont fréquentés par notre population de Hull ou la population de l'Outaouais, six soirs par semaine jusqu'à 22 heures. Ceci met nos marchands locaux de Hull et de l'Outaouais québécois dans une position défavorable vis-à-vis de leurs concurrents de l'autre côté, c'est entendu.

Les statistiques démontrent une fuite dans les achats et les dépenses de 75 000 000 $ par année du côté du Québec qui va vers l'Ontario à cause de ces différentes heures d'ouverture. Donc, la situation particulière de la ville de Hull, c'est que nous sommes si près et que nous avons cinq ponts qui nous relient à l'Ontario; nous sommes à côté, nous ne sommes pas plus loin que d'ici à Lévis, même beaucoup plus près, soit que d'ici à Sainte-Foy. Si Place Laurier à Sainte-Foy était ouverte jusqu'à 22 heures tous les soirs et que les marchands de Québec n'avaient pas le droit d'ouvrir, ce serait une situation défavorable; c'est à cette situation que les marchands de Hull ont à faire face, et ceci les place dans une situation très dévaforable.

C'est la raison de notre démarche et nous voulons essayer de rectifier, pour nous et pour nos marchands, ce déséquilibre des heures d'ouverture. Pour ce faire, nous voulons récupérer le pouvoir décisionnel, parce que nous pensons qu'il est absolument essentiel que nous soyons capables d'ajuster les besoins de nos marchands avec ceux de l'Ontario. Il ne s'agit pas seulement des heures d'ouverture, mais aussi des heures de fermeture.

L'Association des détaillants d'essence est venue nous trouver, l'an dernier, au conseil municipal et nous a demandé de leur permettre d'imiter les détaillants d'essence d'Ottawa, en ouvrant une station-service par secteur de la ville, le soir, après 19 heures, parce qu'elle fait face à cette situation: les multinationales y mettent une personne à salaire minimum pour recueillir l'argent, dans les libres-services, et ces gens font concurrence aux marchands individuels, aux marchands privés qui doivent ouvrir, qui se sentent obligés d'ouvrir le soir, à perte, pour se tenir à flot avec les marchands des multinationales. Donc, les détaillants d'essence sont venus nous trouver et ils ont demandé au conseil de réglementer la

fermeture des stations-service et de dire: une par district, une par secteur de la ville, par soir, après 19 heures.

Nous n'avons pu répondre à leur demande, parce que le pouvoir de déterminer les heures d'ouverture ou de fermeture repose à Québec. Je pense qu'il est utile et essentiel, si on veut protéger ces marchands d'essence, ces commerçants, de leur permettre de fermer le soir et de garder une station-service ouverte par district. C'est ce que nous voulons récupérer dans le pouvoir décisionnel: être capables de nous ajuster.

Nous avons, par exemple, le plus gros centre commercial d'Ottawa, le centre Rideau, adjacent au Palais des congrès d'Ottawa et à un gros hôtel du centre-ville d'Ottawa, l'hôtel Weston, qui vient d'ouvrir. Le centre Rideau est le centre commercial le plus important à Ottawa. Il doit ouvrir prochainement le soir pour répondre aux besoins des congressistes. Il n'est pas plus loin de Hull que le fleuve ne l'est d'ici; on le voit de notre hôtel de ville. Donc, c'est très près physiquement. S'il commence à ouvrir le soir, jusqu'à 22 heures, vous pouvez vous imaginer l'impact que cela aura sur les marchands du centre-ville de Hull.

C'est absolument essentiel que nos marchands puissent faire concurrence à ces gens, non seulement les jeudi et vendredi soir, mais aussi les lundi, mardi et mercredi. C'est le sens de notre intervention et c'est dans ce sens qu'on dit que la ville de Hull est dans une situation absolument unique par rapport à toutes les autres municipalités du Québec. Il n'y en a pas une autre, pas une seule, qui fait face aux mêmes problèmes que nous.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay. (15 h 30)

M. Dussault: M. Cholette, vous m'avez beaucoup parlé de l'impact du régime des heures d'affaires en Ontario, plus spécifiquement d'Ottawa sur la ville de Hull. Je pense qu'il y a là une réalité que vous vous devez de regarder, pour laquelle vous devez chercher des solutions sans doute comme conseil municipal, mais j'aimerais avoir - je ne suis pas tellement satisfait de votre réponse - une réponse à la question que je vous ai posée, à savoir si les villes -je pense à Gatineau, par exemple - vous ont appuyés formellement sur ce que pourrait donner le résultat d'une juridiction. Si on vous la donnait, cette juridiction, est-ce que la ville de Gatineau, au bout d'un certain nombre de semaines, ne viendrait pas demander au gouvernement de lui donner exactement le même privilège sous prétexte que vous faites à son égard ce qu'Ottawa fait à votre égard? Est-ce qu'il n'y a pas une espèce d'effet en chaîne qui viendrait s'ajouter au fait qu'on vous aurait donné une juridiction?

Deuxièmement, je vais vous reposer la question au cas où vous ne répondriez pas à la question que je vous ai posée tout à l'heure. Je vous ai parlé d'organismes, de marchands, d'associations de marchands que vous auriez consultés. Vous m'avez dit: Oui, la chambre de commerce nous a dit que... Je veux bien prendre votre parole, mais la chambre de commerce parle au nom des marchands, sans doute. Est-ce qu'elle a consulté les marchands en question? Quelle forme a pris cette consultation? Est-ce que cela a pris une forme serrée, comme on l'a vu pour certaines questions qui ont été posées? À plusieurs reprises, on nous a parlé d'associations de marchands qui ont fait très systématiquement une vérification auprès des gens de leur association et on leur a posé encore des questions sur la représentativité de leur sondage. On en est arrivé à la conclusion qu'ils avaient fait un travail serré pour aller chercher le point de vue des marchands.

Alors, quel type de travail a fait la chambre de commerce pour en arriver à la conclusion que les marchands de toute la région étaient prêts à appuyer une juridiction qui mènerait carrément à un statut sur le plan des heures, qui aurait le même effet sur eux qu'Ottawa a d'effet sur Hull? C'est cela que j'aimerais que vous clarifiiez.

Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.

M. Cholette: M. le Président, M. le député, la chambre de commerce, au début de 1983, a mené un sondage interne auprès de ses quelque mille membres et plus, et ce sondage s'est avéré concluant. On a très majoritairement exprimé l'opinion que ce pouvoir décisionnel revienne au plan local pour pouvoir être sur le même pied que les compétiteurs de l'autre côté de la rivière. Je pense que ce sondage, qui a été fait à la suite du résultat du référendum populaire, a été concluant. Nous avons aussi commandé un rapport à des gens compétents. Ce rapport nous a révélé que la très grande majorité des commerçants locaux réclamaient ce pouvoir décisionnel au niveau des villes dans notre région, dans notre petit coin.

Maintenant, la ville de Hull étant...

M. Dussault: Quelles villes, à ce moment-là? La ville de Hull et quelles villes?

M. Cholette: Gatineau et Aylmer. Ce sont les deux autres villes majeures dans la région.

M. Dussault: Quand on s'est prononcé sur le statut particulier pour Hull, on s'est trouvé, en même temps, à se prononcer sur

ce qui arriverait aux autres villes de Gatineau et Aylmer. C'est ce que vous me dites, là.

M. Cholette: Voici: le rapport, le statut particulier pour Hull, cela a été les gens de Hull qui se sont prononcés. À la suite du résultat concluant de ce référendum sur ce statut particulier, nous avons commandé un sondage auprès des organismes, dont la chambre de commerce, qui a été conduit par des gens très compétents en la matière. Ils nous ont dévoilé, sans l'ombre d'un doute, que les gens de la région voulaient récupérer ce pouvoir décisionnel pour les heures d'ouverture; les marchands, entre autres, les gens directement impliqués, pour eux, c'est très clair qu'ils veulent que les villes puissent décider sur place pour s'ajuster sur les gens de l'endroit.

Maintenant, peut-être que M. Mignault, qui a été, en passant, marchand de la ville de Hull pendant au-delà de 30 ans, pourrait ajouter quelque chose.

Le Président (M. Rancourt): M. Mignault.

M. Mignault (Cartier): M. le Président, M. le ministre, M. le député, le problème de Gatineau et le problème d'Aylmer, ce n'est pas tout à fait le problème de Hull. À Hull, pensez-y, nous avons cinq ponts. Nous sommes en communication avec la ville d'Ottawa. Notre service d'autobus traverse à toutes les demi-heures et même plus fréquemment aux heures de pointe - tous les cinq minutes. Il n'y a pas de pont entre Gatineau et Ottawa ni entre Aylmer et Ottawa, mais nous, nous avons cinq ponts. Le problème de Hull est pratiquement l'équivalent du problème d'Ottawa: on voudrait avoir les mêmes heures d'ouverture qu'à Ottawa.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Je reviens à la question que j'ai posée: entre Hull et Gatineau, n'y a-t-il pas un danger, lorsqu'on vous aura accordé cette juridiction que vous demandez et pour laquelle vous dites qu'il y a un courant de sympathie, chez les marchands et dans les villes, qu'il y ait des pressions de la ville de Gatineau pour dire: Vous avez mis les villes de Hull et d'Ottawa sur le même pied sur ce plan, pourriez-vous maintenant nous mettre également sur le même pied que Hull? C'est la question. C'est l'effet en chaîne. Est-ce que vous ne craignez pas que ce danger nous guette?

Le Président (M. Rancourt): M. Mignault.

M. Mignault: II y a possibilité que ce danger puisse vous guetter. Nous, ici à Hull, Gatineau étant à un mille de Hull - on se touche - j'espère que les trois villes ne feront un jour qu'une ville. On aura alors un seul problème au lieu de trois.

M. Dussault: Ce sera un autre référendum.

M. Mignault: Nous sommes à défendre les intérêts de la ville de Hull et de ses marchands. Nous sommes deux conseillers de Hull. On a également notre député. Ce n'est pas notre problème. Nous, on pense à régler le problème de la ville de Hull.

M. Dussault: Dans ce sens, on ne peut vous le reprocher. Vous faites votre travail. Mais nous, on doit avoir cette préoccupation parce que ces effets en chaîne, nous devons les prévoir. Il ne sera pas facile de vous donner raison, mais, en tout cas, nous sommes là pour vous écouter et continuer à y réfléchir.

Le Président (M. Rancourt): M. Cholette, vous aviez un complément de réponse?

M. Cholette: M. le Président, j'ai deux petits points à apporter. D'abord, nous, dans notre intervention, on parle du statut administratif particulier pour Hull et sa région. Nous ne parlons pas seulement de la ville de Hull. C'est entendu que notre mandat du référendum se limite à la ville de Hull, parce que ce sont ces gens que nous avons consultés. Mais nous sommes bien conscients, comme dans le cas de l'essence, que la taxe sur l'essence ou l'abolition de la taxe sur l'essence s'applique graduellement à toute la région de l'Outaouais, dans un degré inversement proportionnel à la distance nous séparant de l'Ontario. Vous êtes au courant pour l'essence. À Gatineau, les gens subissent moins la taxe sur l'essence à payer qu'un peu plus loin, parce qu'ils sont plus près de l'Ontario.

L'autre point que j'ai oublié de mentionner tout à l'heure, c'est que la réponse au statut particulier a été suivie d'audiences publiques où la population en général a été invitée à venir rencontrer notre comité sur le statut particulier pour présenter ses commentaires sur les différentes questions. Je dois dire que cette question, entre autres, a fait l'unanimité de tous les groupes d'intervenants, que ce soient les hommes d'affaires de l'Outaouais ou la Société nationale des Québécois. Nous avons reçu quantité de groupes et d'intervenants. Pour les heures d'ouverture, tout le monde était d'accord pour dire que c'est essentiel, pour assurer la survie et la concurrence normale de nos hommes d'affaires, qu'on

puisse récupérer ce pouvoir. C'est une des seules chances que nous avons, si vous voulez, d'obtenir un autre magasin majeur -nous n'en avons qu'un parce que la concurrence d'Ottawa est tellement forte. Nous n'en n'avons qu'un seul qui est venu s'établir à Hull. Si nous voulons espérer en obtenir d'autres, il faut leur offrir les mêmes avantages qu'ils vont retrouver de l'autre côté de la rivière. Sans cela, ils ne viendront pas à Hull s'ils sont limités aux heures d'affaires du Québec par rapport à l'Ontario. Jusqu'à présent, ce fut le cas. Actuellement, nous n'avons qu'un seul magasin majeur à Hull.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: M. Cholette, une seule question brève va s'ajouter à la question qui vous a été posée par mon collègue de Châteauguay. Je permettrai à votre député de Hull d'intervenir et poser des questions. Je vous demanderais quand même d'être un peu plus bref dans vos réponses pour donner une chance de terminer avec les autres groupes.

Tout d'abord, l'Union des municipalités du Québec nous dit qu'il faut continuer à réglementer les heures d'affaires à partir de Québec et non pas en redonner aux municipalités le pouvoir, parce que cela irait dans le sens contraire de ce qui a été demandé autrefois. Avant 1969, c'étaient les municipalités qui réglementaient et tout le monde sait que c'était le vrai bordel partout. L'Union des municipalités du Québec nous dit de continuer comme cela. Vous vous inscrivez donc en faux contre l'Union des municipalités dans la question de Hull en particulier.

Deuxièmement, la question que je vais vous poser est qu'il existe à travers l'ancienne loi, de même que la nouvelle loi, la possibilité, pour le ministre, et très rapidement, de vous accorder le privilège de zone touristique, ce qui vous donne la permission, en fait, d'autoriser vos marchands à ouvrir à toute heure du jour et de la nuit. On en a discuté avant-hier avec votre député, qui est intervenu pour dire: Qui devrait demander la permission d'être zone touristique? Est-ce la municipalité ou pas? À mon point de vue et à ma connaissance -vous pourriez peut-être me dire si je me trompe - chaque fois que la ville de Hull ou les villes environnantes ou la Communauté régionale de l'Outaouais ont demandé le permis de zone touristique, celui-ci leur a été accordé sans aucune question, compte tenu que vous aviez bien documenté votre demande en disant: On veut le faire à cause de la proximité d'Ottawa. Donc, est-ce exact que vous n'avez jamais essuyé un refus quand vous en avez fait la demande? Est-ce que vous ne pourriez pas continuer à agir de la même façon, c'est-à-dire vous laisser la marge de manoeuvre nécessaire pour ne pas faire chiâler les villes autour de vous -parce que si on donne le permis à une ville, on doit le donner aux autres, il faut une logique - et il faut continuer à bénéficier de cette zone touristique tout à fait spéciale qui existe dans la loi justement pour des villes comme Hull ou pour des régions comme celle de la Gatineau québécoise?

Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.

M. Cholette: M. le ministre, nous sommes d'accord avec la position de l'Union des municipalités du Québec. Nous l'avons contactée. Notre maire siège au conseil d'administration de l'Union des municipalités du Québec. Nous sommes d'accord avec sa position pour l'ensemble du Québec, parce que le problème n'existe pas. Comme je vous l'ai dit au début, pour le marchand de Montréal, le marchand de Québec, sa compétition est soumise aux mêmes règlements que les autres. Donc, il n'y a aucun problème. C'est le fait que nous sommes "unique" au Québec, la seule ville aussi rapprochée de l'Ontario, que nous demandons ce privilège.

Deuxième question: Oui, vous nous avez toujours accordé l'ouverture des commerces mais, à l'extérieur de la période de Noël, une fois seulement nous avons demandé à l'occasion des Jeux du Québec, lors de la tenue des finales, été 1981, que nos marchands puissent demeurer ouverts un peu plus longtemps le soir durant ces deux semaines, et cela nous a été accordé pour une période très limitée de deux semaines et pour une occasion spéciale. Dans le cas des fêtes, nous avons toujours eu à faire appel au Conseil des ministres et, dans plusieurs cas mise à part l'année dernière, nous avons toujours obtenu la permission mais en retard sur Ottawa d'une ou deux semaines. C'est pour cela que, là-dedans vous avez notre douzième recommandation: 28 jours avant Noël, pour être bien certains que nous serions ouverts en même temps que les marchands d'Ottawa.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Dans notre nouveau projet de loi, nous avons voulu accélérer le processus, que ce soit sur autorisation du ministre, donc pour aller très rapidement. C'est ce qui inquiétait le député de Hull avant-hier. Il disait: Oui, autorisation du ministre, mais demandée par qui dans les régions? Est-ce un organisateur de foires, d'expositions, la municipalité? Que cela vienne des municipalités; il y a alors quelqu'un qui

répond devant la population. Dans ce sens, je pense que vous avez toujours eu vos permis. Ce sera beaucoup plus rapide maintenant.

Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.

M. Cholette: Si tel était le cas, nous insisterions pour que l'intervention auprès du ministre soit faite par le conseil municipal de la ville de Hull. Maintenant, ce qui nous inquiète surtout, ce n'est pas la période de Noël ou les Jeux du Québec - qui ne reviendront pas pour un bon bout de temps -mais plutôt l'année courante, où les marchands de l'Ontario ouvrent leurs portes jusqu'à 22 heures, tous les soirs de la semaine.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Hull. (15 h 45)

M. Rocheleau: Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais apporter un commentaire relativement important aux propos du ministre. C'est un fait que, dans la loi antérieure, la permission devait être accordée par le Conseil des ministres. Dans la loi, il y a une modification relativement importante, car, en plus de parler de l'aspect touristique, elle parle également des zones frontalières, ce qui en élargit le cadre d'une façon assez intéressante. La préoccupation que j'avais personnellement, M. le Président, était que, contrairement à ce qui se passait avant, quand on obtenait l'autorisation, souvent, les fêtes étaient passées. Au point de vue du marketing et de la publicité, les commerçants ne pouvaient pas entamer un accord et préparer leurs budgets de publicité, n'ayant pas obtenu l'autorisation au préalable.

Il est évident que la prévision que vous y apportez ici peut améliorer sensiblement l'impact concurrentiel entre les deux rives. Mais il serait bon, M. le Président, que le ministre note qu'à l'article 5.1, qu'on étudiera davantage éventuellement, il faudrait que le mécanisme prévoie que ce sont les municipalités qui, à la suite d'une demande d'une chambre de commerce ou d'une association de marchands, puissent intervenir auprès du ministre pour demander l'autorisation. J'ose souhaiter que l'intervention qui se fera auprès du ministre sera entendue le plus rapidement possible, pour éviter ce qu'on a connu antérieurement.

Je voudrais que les membres de la commission comprennent que Hull n'est pas une ville comme les autres, c'est, dans la province de Québec, une ville très particulière qui subit une concurrence très forte de l'autre côté. Comme le disait tantôt le conseiller municipal, M. Pierre Cholette, selon les dernières statistiques, il y a quand même un exode de 75 000 000 $ par année qui se dépensent de l'autre côté, ce qui nous empêche d'être favorisés par de nouveaux investissements, de nouveaux centres commerciaux, de nouveaux établissements majeurs pour lesquels on fait des demandes particulières.

En terminant, M. le Président, j'aimerais aborder une autre question. On sait qu'à Ottawa, il y a un marché public très important, un immense marché public. Hull a fait des efforts et même, en priorité, cette année, fait des efforts pour l'implantation d'un marché public. On sait qu'on tolère actuellement les marchés publics dans la loi existante, avec les amendes que l'on connaît. Par contre, si la ville de Hull a l'intention de privilégier, au cours de l'année, la possibilité d'un marché public, il est évident que des heures concurrentielles devront être établies en fonction de celles de la ville d'Ottawa. Étant donné que le marché public a un caractère semi-culturel, semi-artisanal et commercial du même coup, c'est une tout autre forme de commerce le dimanche, c'est un commerce pour les passants, un commerce de petits, de menus articles entre autres.

J'aimerais entendre le conseiller municipal, les conseillers ou le directeur de la ville à ce sujet. On parle, entre autres, des poissonneries, des charcuteries, etc., commerces à qui il n'est pas actuellement, permis d'ouvrir le dimanche. Advenant le cas - et j'aimerais entendre les conseillers là-dessus - qu'il y ait refus, dans la loi globale, est-ce que la même permission pourrait être accordée, en tenant compte de l'article 5.1, qui dit que les villes frontalières ont des exemptions à la règle?

Les membres du conseil ont peut-être quelque chose à ajouter, et j'aimerais entendre le ministre à ce sujet pour avoir juste le...

M. Cholette: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.

M. Cholette: M. le Président et M. le ministre, effectivement, dans notre plan triennal 1984-1986, nous consacrons des sommes importantes à l'établissement, en plein centre-ville de Hull, d'un marché public, du genre du marché de l'Ouest à Montréal, que nous avons visité récemment. Je pense que, pour que ce genre d'établissement soit viable - et nous comptons bien procéder d'ici 1985, d'ici un an ou deux au maximum, à l'établissement d'un tel marché - il faut qu'il puisse être ouvert le dimanche, comme le fait existe pour le marché d'Ottawa. La plus grosse journée du marché d'Ottawa, c'est le dimanche. Il faudrait donc que notre marché puisse être concurrentiel de ce côté aussi. Comme M. Rocheleau vient de le

mentionner, je pense que c'est un élément très important pour essayer de récupérer des sommes de l'autre côté de la rivière.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Est-ce que je peux me permettre de répondre là-dessus que nous décrétons des zones touristiques dans le Vieux-Québec, à certaines occasions, à l'intérieur des murs du Vieux-Québec? C'est sûr que les centres commerciaux qui sont à l'extérieur ne peuvent pas bénéficier d'heures supplémentaires, tandis qu'ils le peuvent à l'intérieur des murs oui. Dans le Vieux-Montréal, à certaines périodes de l'année, une zone touristique est décrétée. C'est sûr que le propriétaire d'un commerce qui est juste de l'autre côté de la rue où le Vieux-Montréal se termine se plaint parce qu'il ne peut pas bénéficier des mêmes heures d'ouverture. Alors, cela pourrait être possible d'accorder, à l'intérieur d'un quadrilatère quelconque, à l'intérieur de la ville de Hull, une zone touristique pour un marché public si la demande était faite à la fois par la municipalité et, possiblement - peut-être que le député de Hull peut le mieux me dire cela - par d'autres municipalités autour. C'est fondé la crainte du député de Châteauguay, tout à l'heure, à savoir que, si on donne à Hull un permis, constamment, les marchands de Gatineau et d'Aylmer vont se plaindre, et à bon droit, je pense bien. Ils vont dire: Notre commerce, on est en train de le perdre. C'est Hull qui prend notre commerce.

Je crois que, dans une région comme l'Outaouais québécois il faut regarder plutôt les municipalités qui sont là et dire: À l'intérieur des municipalités, est-ce que l'on peut fonctionner ensemble, oui ou non? Si toutes les municipalités disent, un peu comme dans le temps de Noël - je crois que c'est à l'intérieur de l'Outaouais québécois qu'on donne le permis: Nous, jusque là, cela fonctionne, on s'entend, je ne vois pas du tout d'inconvénient à répondre aux demandes des municipalités, mais il faudrait quand même être prudent avant de dire à une municipalité: Toi, tu peux réglementer comme tu le veux, parce que si les deux autres, de chaque côté, n'ont pas la même permission, on pourrait avoir des critiques, à bon droit, je pense bien, des commerçants des autres municipalités.

M. Rocheleau: Mais, simplement, M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: ...pour le bénéfice du ministre, c'est que la Société d'aménagement de l'Outaouais, actuellement, organise annuellement des concours d'achat chez nous, qui sont des concours dans toute la région. Tous les marchands qui veulent y participer le peuvent. Je ne pense pas que l'intervention de la ville de Hull, à moins que je fasse erreur, soit limitée à Hull. Il est bien évident que, si Gatineau faisait une demande similaire, ou Aylmer etc., cela peut être la communauté régionale en périphérie de cette communauté, incluant cette communauté... Je veux simplement que l'on comprenne qu'il y a un élément très particulier à notre région et cela commande des aménagements particuliers. Je pense que le ministre, pour en avoir discuté avec lui, est quand même très conscient de cet aspect et on retrouve, à l'intérieur du projet de loi, certains éléments qui sont davantage compréhensibles pour une région qui est frontalière.

Le Président (M. Rancourt): M. Mignault.

M. Mignault: Pour ajouter un mot, il y a une bonne proportion de la population des trois villes qui désire: Peut-être qu'un jour ce sera seulement une ville. Cela simplifiera vos décisions.

Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.

Une voix: Le député de Hull est spécialiste là-dedans.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît'

M. Cholette: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. Cholette, vous avez la parole.

M. Cholette: ...je voulais juste reprendre les paroles mêmes du ministre qui disait que, si la ville de Hull obtenait cette autorisation d'ouvrir ou de décider des heures d'ouverture, les villes avoisinantes, comme Aylmer et Gatineau, se plaindraient à juste droit. C'est exactement ce qui se passe dans le moment avec l'Ontario et la ville de Hull se plaint à juste droit. C'est que nous sommes aux prises avec une situation qui est absolument injuste pour nos marchands et nous nous en plaignons à juste droit, et notre mémoire - le mémoire que vous avez reçu et cette synthèse - indique bien la région, nous sommes les représentants de la ville de Hull. C'est la ville de Hull qui a conduit le référendum. Nous ne pouvons donc pas nous faire les porte-parole de la région, bien que M. Cartier Mignault et moi siégions à la Communauté régionale de l'Outaouais, le gouvernement régional, mais je suis certain

que les mêmes choses sont requises par les autres municipalités avoisinantes: Aylmer et Gatineau.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: M. Cholette, vous dites que vous vous plaignez à juste droit, mais vous ne nous avez pas demandé de permis spécial pour ouvrir douze mois par année, admettons. Je vous dis que votre intervention d'aujourd'hui, je l'écoute avec beaucoup de sympathie. Au moins, cela nous fait comprendre encore davantage la situation particulière, au point de vue du commerce, entre Hull et Ottawa, qui ont des heures différentes. Est-ce qu'on peut mettre quelque chose dans la loi pour couvrir l'Outaouais québécois, ou Hull, ou autre chose? Je ne le sais pas. Mais, de toute façon, c'est sûr que, lorsque vous aurez consulté vos marchands et les autres municipalités autour, si vous nous demandez une reconnaissance tout à fait spéciale en vertu de l'article 5.1, surtout à cause de votre intervention d'aujourd'hui, la réponse va venir très rapidement et elle va être affirmative. Je vous recommande quand même de vérifier auprès des représentants des commerçants locaux. Ce matin, on a entendu l'Association des détaillants en alimentation et la Corporation des marchands de meubles qui se plaignaient d'avoir des heures d'ouverture trop longues.

Je veux juste m'assurer que, au moins avec vos commerçants, on parle le même langage. Si vous faites un consensus dans votre région, vous pouvez être certains qu'avec la loi actuelle, c'est déjà prévu, pour des zones frontalières, vous aurez les autorisations très rapidement si vous faites les demandes nécessaires.

Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.

M. Cholette: M. le ministre, c'est exactement ce que nous cherchons. L'idéal est d'obtenir la juridiction ou le pouvoir décisionnel au sein des municipalités, mais si ce n'est pas possible, nous nous en remettrions à votre jugement d'homme d'affaires, pour obtenir ce dont on a besoin.

M. Biron: Je ne m'inquiète pas. Si je ne réponds pas à votre demande, votre député va m'en parler rapidement.

M. Cholette: Ah oui? On va revenir. Je pense qu'il est là pour cela.

Le Président (M. Rancourt): Aucun autre intervenant?

M. Rocheleau: M. le Président, un mot pour remercier les membres du conseil municipal ainsi que le directeur de l'information d'avoir présenté ce mémoire, qui est très positif, très objectif, non seulement pour la ville de Hull, mais aussi pour l'ensemble de la région de l'Outaouais. Connaissant le ministre et son implication au niveau des affaires, je sais qu'il a toute l'oreille de l'Outaouais à ce niveau.

Le Président (M. Rancourt): Donc... M. Rocheleau: On y reviendra après.

M. Biron: Chaque fois que je fais des compliments au député de Laporte, il n'aime pas cela. Je vais commencer à avoir peur si les compliments viennent de l'Opposition.

Groupe d'associations du détail et des services

Le Président (M. Rancourt): Donc, nous remercions le conseil municipal de la ville de Hull d'être venu se faire entendre. Nous allons maintenant appeler l'Association des garagistes et détaillants d'essence du Québec.

À la rubrique 5, j'ai appelé l'Association des garagistes et détaillants d'essence du Québec. Bien sûr, je crois que nous y retrouvons plusieurs groupes qui, du même coup, sont représentés par M. Gilles-N. Rivet, ce qui fait que, à la fois, nous entendrons l'Association des garagistes spécialisés, la Fédération du détail et des services du Québec, l'Association des détaillants des matériaux de construction du Québec, l'Association des marchands détaillants du Canada, Québec et l'Association des gens d'affaires d'Ahuntsic Inc.

Donc, M. Rivet.

M. Rivet (Gilles-N.): Bonjour! Bonjour M. le ministre, bonjour tout le monde! Avec votre permission, M. le Président, je vais tourner cela à l'envers et commencer par l'Association des gens d'affaires d'Ahuntsic Inc.. Ce sera une façon plus rapide, je pense.

Le Président (M. Rancourt): À votre aise, M. Rivet.

M. Rivet (Gilles-N.): Me Lise Dagenais, qui est présidente de l'Association des gens d'affaires d'Ahuntsic Inc., m'a donné une résolution que j'ai déposée, tout à l'heure, ici, me demandant de soumettre ce mémoire et de vous remercier de permettre à l'AGAA de le faire.

L'Association des gens d'affaires d'Ahuntsic Inc. est une association qui fête ses 25 ans d'existence cette année. Elle a fait des consultations en rapport avec le projet de règlement des heures de commerces. Il faut que vous compreniez qu'une partie des membres de l'association sont des

marchands ou sont engagés dans des services et sont évidemment opposés à tout changement.

Ahuntsic est un quartier du nord de Montréal situé à proximité des centres commerciaux de Laval. Ils ont peur, sans doute avec raison, que le quartier d'Ahuntsic ne se vide, les heures et les jours où les autres seront ouverts, alors qu'eux ne seront pas justifés de faire de même. Donc, l'AGAA demande le statu quo, se trouve très heureuse de la façon que cela marchait et cela règle le cas de l'AGAA.

Si vous voulez, nous allons maintenant passer à l'Association des détaillants de matériaux de construction du Québec, dont le président, M. Bertrand Dufresne, est ici. Avec votre permission, je vais l'inviter à s'asseoir près de moi et il répondra à vos questions. En synthèse, quand, M. le ministre, vous avez écrit, l'année dernière, pour demander à l'association de faire une consultation auprès de ses membres, cette consultation a été faite de façon très sérieuse et j'ai vu les rapports quant aux retombées: 68% des membres de l'association ont répondu à la consultation; 98% des membres se sont déclarés en faveur du statu quo, donc, contre l'ouverture le dimanche à toutes fins utiles. S'il y a une petite ouverture différente, je vais laisser M. Bertrand Dufresne, s'exprimer si vous n'avez pas d'objection. (16 heures)

Le Président (M. Rancourt): M. Dufresne, vous avez la parole.

M. Dufresne (Bertrand): Merci, M. le Président. Il y a plusieurs genres de commerces dans les matériaux de construction. Il y en a qui font affaires avec des entrepreneurs et cela les oblige à ouvrir plus à bonne heure. Je pense que vous avez été très tolérants depuis 1969 ou 1971, date à laquelle la dernière révision a été faite là-dessus.

Vous avez eu un mémoire conjoint, qui a été fait par les groupes d'achat, les trois majeurs au Québec, BMR, Dismat et Ro-Na. Et on vous fait mention strictement des heures d'ouverture en tenant compte qu'on apprécierait énormément le statu quo pour les autres règlements.

Le Président (M. Rancourt): Oui, M. le ministre.

M. Biron: Je vais vous poser une question pour bien comprendre. Vous dites l'Association des détaillants de matériaux de construction; mais, si je comprends, vous vendez au détail et aussi vous vendez au gros, c'est-à-dire à des entrepreneurs?

M. Dufresne: On est confus lorsqu'on a à remplir des documents pour le gouverne- ment ou autres, à savoir si on est des grossistes dans un certain sens. Pour moi, un grossiste, c'est quelqu'un qui achète pour revendre à quelqu'un qui en fait le détail après.

M. Biron: Dans ce sens-là, vous dites: Tant et aussi longtemps que l'on vend au détail, on va être couverts par les heures régulières?

M. Dufresne: Oui.

M. Biron: Mais, si on vend à des entrepreneurs, c'est bien sûr qu'eux vont venir à 7 h 30 et il faut pouvoir leur livrer la marchandise. La réponse a déjà été donnée à Ro-Na justement, lorsque ses porte-parole sont venus, en disant: La loi ne couvre que le commerce au détail.

M. Dufresne: D'accord.

M. Biron: Lorsque vous vendez à des entrepreneurs qui ont une licence, il n'y a aucun problème, vous n'êtes pas couverts par cette loi-là, vous pouvez opérer.

M. Dufresne: Merci.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que vous avez terminé votre intervention, M. Dufresne?

M. Dufresne: Pour continuer l'idée de M. Rivet, là où cela picosse un peu aussi, c'est du côté des congés. En ayant ou pas de syndicat, on a quand même - en majeure partie - des conventions de travail avec nos employés, mais vous coupez beaucoup de congés avec le projet de loi 59. Je pense, entre autres, à la Saint-Jean-Baptiste et à la Confédération; ces congés, dans nos propres conventions, sont reportés à des journées de semaine, à des journées de travail. C'est la même chose dans le cas du lundi de Pâques et d'autres. En tout cas, de douze ou treize, vous tombez à six ou sept. Je répète encore qu'on apprécierait énormément, au nom de l'association, que cela demeure tel que c'était. On était... Allez-y, M. le ministre.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Est-ce que je pourrais vous demander de demeurer à votre siège? on va permettre à M. Rivet de faire toutes ses présentations...

M. Dufresne: D'accord.

M. Biron: ...et on passera à la période des questions sur les cinq mémoires en même temps, si vous permettez. Mais demeurez là.

Le Président (M. Rancourt): Donc, M. Rivet.

M. Rivet (Gilles-N.): La Fédération du détail et des services du Québec regroupe seulement des associations professionnelles de détaillants. La fédération est un miroir. C'est un miroir qui peut être des fois controversé et "controversant". Mais c'est un miroir qui est très utile, qui est très commode.

À l'annonce de ce projet de loi, nous avons convoqué les associations à quelques reprises. On en a réuni jusqu'à 30 le même jour, en même temps. L'unanimité s'est faite dans ces associations autour de la fermeture totale et complète le dimanche et les jours fériés et autour d'amendes plus fortes. Selon des versions différentes, il y a statu quo en ce qui regarde les congés et une section particulière, l'Association des détaillants d'essence revient avec une suggestion qui date d'il y a 25 ans. Je n'amène donc rien de nouveau ici. Le système existe à Toronto, la ville où il y a le plus d'automobiles per capita en Amérique du Nord. Les stations-service ferment le soir à 19 heures. Les gars se mettent une belle chemise blanche, une cravate, ils sortent tranquilles et ils rouvrent le lendemain matin, à 7 heures. Dans chaque vitrine, il y a une affiche qui dit: Telle station-service, à telle rue près de là, est ouverte. C'est une rotation qui est décidée d'avance par les détaillants et non pas par la municipalité, non pas par la Communauté urbaine de Toronto. Alors, un gars qui décide de faire la rotation fait partie de la rotation. Il ne peut plus changer au cours de l'année. Son affiche s'installe. La police sait où sont les postes de rotation, si quelqu'un manque d'essence. Je peux vous dire que, moi, j'ai déjà manqué d'essence à Toronto et je suis allé chez un client qui avait des pompes. Il a refusé de me servir et il a fallu que j'aille me chercher de l'essence et cela m'a coûté 5 $ de service. Jamais je n'en ai manqué par la suite, à cette heure-là le soir. C'est facile. Il y a plus de véhicules à Toronto qu'à Montréal et ces gars-là font une belle vie. Tout se fait dans la paix et l'harmonie, sans juridiction particulière, avec une aide psychologique, c'est sûr, de l'administration en place. Alors, voici pour le système de rotation.

La dernière recommandation que je vais vous faire, et elle est faite par toutes les associations que nous côtoyons, serait que nous formions une espèce de conseil supérieur du commerce de détail - il y a la Fédération du détail et des services du Québec qui existe - qui aurait un rôle de consultation à longueur d'année auprès du ministère: non pas une juridiction pour appliquer des lois ou des pénalités ou mettre le monde à l'amende. Ce serait pour faire une étude continue, à l'année, la main dans la main, avec les ministères concernés, afin que la Fédération du détail et des services du Québec soit vraiment ce miroir efficace et qu'on ne se retrouve pas devant des problèmes insurmontables, mais qu'on les aplanisse petit à petit.

Je veux vous remercier beaucoup de nous avoir donné l'occasion de venir à bâtons rompus, cet après-midi, verbaliser, en quelques mots, ces textes. Je ne vais pas entrer dans le détail de nos textes, parce que je sais que toutes les associations y sont allées à la virgule ou au point. Il n'y a pas lieu de couper cela. Il y a une chose certaine: il ne faut pas enlever les relations professionnelles des mains des associations. Je ne parle pas de commerces. Je parle de relations, la formation professionnelle, le renouvellement de la compétence, les heures de commerce, les relations à tous les plans: les gouvernements, les institutions en place. Il faut absolument que les associations de marchands détaillants demeurent des interlocutrices très valables, il ne faut pas qu'elles soient divisées. C'est malheureusement le cas. Par un hasard sensationnel, on dit tous la même chose. Cela n'aurait pas de bon sens de dire le contraire. Ce pourrait être autrement. Le hasard fait bien les choses. Peut-être qu'à l'avenir, je ne veux pas m'étendre sur le sujet, vous avez tous assez d'expérience pour savoir ce que je veux dire, avec une Fédération du détail et des services du Québec bien structurée, on pourrait agir la main dans la main, tel que conçu au début. Cela a très bien fonctionné. Aujourd'hui, malheureusement, on manque de la communication nécessaire.

Je vous remercie, M. le ministre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je vous remercie de votre présentation et surtout d'avoir synthétisé plusieurs mémoires dans quelques minutes. On l'apprécie pleinement, d'autant plus qu'on a encore beaucoup de mémoires à entendre aujourd'hui et demain. On s'est rendu à vos demandes les plus importantes: surtout sur la fermeture du dimanche. Lorsque vous parlez de statu quo, le dimanche n'est pas couvert dans l'ancienne loi. C'était couvert par la loi fédérale et, si on poursuivait en vertu de la loi fédérale, dans les dernières poursuites qu'on a faites, les contrevenants ont été condamnés à 1 $ d'amende. C'est sûr que nos gens se sont lassés parce que, lorsque tu fais toute une poursuite et que tu vas en cour, 1 $ d'amende pour ne pas avoir respecté la loi, cela devient décourageant. On a voulu couvrir la loi sur les dimanches par la nouvelle loi et on a voulu augmenter considérablement les amendes. Je pense que

cela fait partie d'un ou deux de vos mémoires: mettre des amendes pour décourager le monde. Cela fait partie du gros de vos demandes et cela a été respecté.

Bien sûr, il y a des gens qui nous disent: "Nous, il faut ouvrir le dimanche, il faut ouvrir en dehors des heures". Il faut quand même négocier avec ces gens-là. Ils ont un point de vue. Il mérite qu'on l'analyse en disant: "Plus on va donner de chances à du monde, plus il y aura de commerces".

J'apprécie également la suggestion que vous me faites d'une fédération du commerce et du détail. Il existe quand même plusieurs associations au Québec. Peut-être, et vous l'avez vous-même mentionné tantôt, la faiblesse des gens d'affaires du Québec est-elle d'être un peu trop divisés. On a entendu, cette semaine, une espèce de fédération: le Conseil québécois du commerce en détail, qui représente beaucoup de gens. En tout cas, il y aurait peut-être lieu que les gens d'affaires, en dehors du projet de loi, se parlent davantage et se structurent mieux pour en arriver à un consensus et à des présentations communes.

J'aurais deux choses à vous demander. Vous avez entendu les représentants de la ville de Hull avant vous qui disaient que, dans leur région, étant donné la concurrence d'Ottawa, ils avaient besoin d'une marge de manoeuvre additionnelle dont d'autres n'ont pas besoin. Lorsqu'on parle de la ville de Hull, on parle de tout l'Outaouais québécois, donc des trois grandes municipalités: Hull, Gatineau et Aylmer, plus une foule d'autres petites municipalités situées à peut-être 15, 20 ou 25 milles tout autour. Dans ce sens, je voudrais vous demander ce que vous et vos membres, dans cette région de l'Outaouais québécois, en pensez. Êtes-vous prêts à ouvrir à toute heure du jour ou de la nuit, si on libéralise complètement les heures d'ouverture dans cette région du Québec? Quels seraient les impacts sur vos membres de cette région du Québec? Première question.

Deuxièmement, vous nous avez également parlé de Toronto où le système est peut-être agréable à regarder. Comment cela fonctionne-t-il? À mon avis, ce n'est pas une loi qui fait fonctionner cela, ce sont les gens qui se regroupent en association et qui décident de s'autodiscipliner, comme les marchands d'automobiles du Québec, qui ont le droit d'ouvrir le dimanche et qui, en fait, n'ouvrent pas le dimanche, sauf un par-ci par-là, par accident, mais règle générale, ils n'ouvrent pas le dimanche. Ils se conforment à une certaine autodiscipline en se disant: Nous fermons le samedi soir et le dimanche.

La troisième question que je vous pose, c'est vis-à-vis de vos membres. On a entendu avant-hier des gens qui représentaient l'Association des administrateurs des expositions agricoles du Québec Inc. Une quarantaine d'expositions agricoles à travers le Québec nous demandent la permission d'ouvrir deux ou trois jours, ou une semaine, dans le temps de l'exposition agricole, sans vraiment aucune limite des heures de commerce. Là aussi, certains de vos membres font du commerce en détail et doivent ou aller à l'exposition agricole, s'ils ne veulent pas perdre leurs clients, ou tout simplement rester chez eux où ils n'ont pas le droit d'ouvrir en dehors des heures régulières, alors que l'exposition agricole, à trois, dix, douze ou quinze coins de rue plus loin, a le droit d'ouvrir en dehors des heures régulières. Je vous mentionne ces trois points et j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

Le Président (M. Rancourt): M. Rivet.

M. Rivet (Gilles-N.): Par ordre, au début, lorsque la province de l'Ontario a décidé d'adopter des heures provinciales de commerce, nous avons été consultés. J'ai moi-même rencontré le ministre de l'Industrie et du Commerce et celui des Transports de l'Ontario et on devait prendre les mêmes heures que nous. Cela devait être ainsi. À ce moment-là, nous sommes allés à Ottawa et nous avons dit aux marchands d'Ottawa que cela s'en venait et qu'il faudrait immédiatement prendre des dispositions pour y faire face. Nous avons communiqué avec le maire d'Ottawa et avec les conseillers municipaux. Les circonstances ont fait que la loi a été adoptée. Cette loi de l'Ontario est surtout faite pour le Toronto métropolitain; c'est une loi de centres commerciaux et de grands magasins comme Eaton et ce genre d'endroit. C'est sûr qu'à Hull il y a un problème. C'est un problème local. Il ne faut pas oublier qu'à Montréal, autrefois, si je me rappelle bien, nous avions douze régimes d'heures de commerce sur l'île de Montréal, douze lois différentes.

Hull va certainement être obligée de faire preuve d'initiative de ce côté, parce qu'il serait périlleux de sacrifier notre loi provinciale, que nous avons obtenue après 35 ans de demandes; enfin, on a une loi provinciale demandée par 82,5% des marchands du Québec. Jusqu'à maintenant, je n'en connais pas vraiment qui veulent changer cela. Les chambres de commerce sont d'excellents organismes - je ne veux pas les diminuer - mais elles ne sont pas nécessairement des détaillants.

Je pense que les détaillants doivent prendre leurs responsabilités dans la région d'Ottawa. Ce que vous avez dit tantôt, M. Biron, à propos de la loi 24 - ma loi que je connais par coeur, ma loi des heures de commerce - elle vous permet de donner des permis spéciaux pour des périodes spéciales. Je pense que cela suffit, en l'occurrence. Ce que vous avez répondu tantôt m'a paru

parfaitement adéquat. Je ne veux pas blesser ces gens, mais, s'ils parlaient avec Ottawa... Il y a un centre, le centre Saint-Laurent à Ottawa - je me rappelle - qui faisait venir des cirques et qui attirait les gens de Hull. C'est le St. Lawrence Shopping Center, mais, à Hull, on l'appelle le centre Saint-Laurent. Ce centre invitait les gens à s'y rendre. Je pense que Hull devrait aussi se trouver des initiatives pour garder les gens, qu'ils ne traversent pas le pont. Peut-être le ministre des Finances pourrait-il couper la taxe sur l'essence? Dans ce territoire, cela ne nuirait peut-être pas. (16 h 15)

M. Bourbeau: II pourrait le faire pour tout le monde.

M. Rivet (Gilles-N.): Je sais que c'est local. En tout cas...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! On va revenir au sujet.

M. Rivet (Gilles-N.): La deuxième, M. Biron, c'était le Conseil québécois du commerce de détail. Vous savez que les gens du Conseil québécois du commerce de détail sont des collègues, des confrères. C'est The Retail Council of Toronto, les magasins à rayons. Ce sont de très grandes entreprises qui ont intégré le commerce de détail dans la fabrication et la distribution. Ne nous leurrons pas: Sears, Eaton, Woolco ne sont pas des détaillants, ce sont des fabricants et des distributeurs massifs de produits. Ce sont des multinationales, des cartels. Ils ont mis ensemble toutes leurs activités de crédit que nous essayons, nous, de faire avec nos membres, avec les cartes Visa, Desjardins, Master Card. On essaie d'améliorer le sort de nos détaillants. Mais eux, vous savez, que cela fait longtemps qu'ils sont organisés. En fait, c'est comme une entreprise massive et, quand le Conseil québécois du commerce de détail fait des représentations ici, pour moi, c'est le Retail Council qui parle. C'est de la très grande entreprise. Ce n'est pas du détail. Je comprends que la brèche qu'ils obtiennent actuellement dans quelques-uns de leurs commerces est, pour eux, une victoire fantastique parce qu'ils n'ont jamais cessé d'essayer d'obtenir des heures supplémentaires. Je ne les blâme pas. C'est leur métier de faire cela, mais cela n'aidera pas le petit et le moyen détaillant et le consommateur n'a pas besoin de cela.

Le consommateur a 62 heures pour aller magasiner et il travaille de 36 à 40 heures par semaine et, en plus, n'a pas tellement d'argent. Vous savez, ils ont commencé à dire, à l'automne: Les augmentations du chiffre d'affaires dans le commerce de détail dans les magasins à rayons, mais regardez les retombées, ce n'est plus 15% et 20%, c'est 6% et 7%. Est-ce que cela justifie des heures d'ouverture plus libérales? Imaginez-vous les coûts que cela va amener? On prétend que l'heure supplémentaire de 17 heures à 18 heures, le samedi - ce sont mes collègues qui ont fait la recherche - va coûter 1 000 000 $ dans la province de Québec. Pensez aux patrons, aux mamans qui travaillent dans ces magasins, qui ont de petits enfants à la maison et qui vont arriver chez elles à 18 h 30 ou 19 heures au lieu de 17 h 30 ou 18 heures. Pensez à l'aspect familial, même pas pour plus d'argent dans le fond. Acceptez, la brèche est faite dans la loi.

Nous, on pense qu'au nombre d'heures que nous avions, c'était satisfaisant pour le moment. Il n'y a pas tellement d'argent pour cela. Y aurait-il une autre question?

M. Biron: Oui.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Vous avez dit qu'à Toronto, c'était de l'autodiscipline, que les gens se disciplinaient eux-mêmes et s'ajustaient ensemble à travers leur association?

M. Rivet (Gilles-N.): À Toronto, l'association des détaillants d'essence, à l'époque, avait demandé à la Metro Toronto d'avoir un système de rotation et on a répondu: Faites-le. Les gars s'en sont fait un. Ils sont revenus devant les autorités compétentes et cela marche comme un charme. Personne ne se plaint.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Encore sur la question de Toronto, comment se fait-il qu'on ne puisse pas faire la même chose à Montréal? Comment se fait-il que les gros et petits détaillants puissent s'entendre à Toronto et, semble-t-il, ne puissent le faire dans notre région?

Le Président (M. Rancourt): M. Rivet.

M. Rivet (Gilles-N.): C'est une question de mentalité. Il faut vous dire qu'ils sont moins divisés dans les opinions à Toronto que nous l'étions, ici, à Montréal. Je parle de Montréal, je m'excuse, parce que c'était vraiment le centre important où on pouvait prendre ces décisions.

M. O'Gallagher: Non, c'est Québec.

M. Rivet (Gilles-N.): Vous savez, à Toronto, c'est facile de faire une réunion de détaillants, parce qu'à 19 heures, ils ferment. Ils sont fermés, vous pouvez leur parler. Vous leur donnez rendez-vous à 6 heures et

ils sont là, le matin - de 6 heures à 6 h 45 - vous avez 1500 détaillants dans la place. Ils n'ouvrent pas avant 7 heures. Je suis allé à leurs assemblées. C'est formidable. Vous prenez le café et des rôties, à 6 heures du matin. Après cela, ils partent et s'en vont à leur station-service; ils ouvrent à 7 heures. Ce n'est pas la même chose. Ici, les gars travaillent jusqu'à 23 heures ou 23 h 30. Ce sont les sociétés pétrolières qui font des pressions pour que ces gars-là laissent les lumières allumées, à leur dépens, pour vendre de l'essence et des carburants. On ne les blâme pas, c'est leur commerce de faire cela. Mais ce n'est pas justifié. Ils n'en vendent pas plus, vous savez.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Ce sont les mêmes "majors", les mêmes compagnies qu'à Toronto?

M. Rivet (Gilles-N.): Oui, mais il y en a moins qu'il y en avait, là. On n'en a plus que sept, maintenant, il en tombe. Il y a Petro-Canada qui est pire que les autres; en tout cas, cela nous appartient. C'est un problème de communication et, à Toronto, je regrette, mais les conditions sont plus faciles pour les communications. II n'y a qu'une langue, pour commencer, je veux dire...

Une voix: Ils parlent tous polonais!

M. Rivet (Gilles-N.): Ce n'est pas long de communiquer avec quelqu'un, tu n'as pas besoin d'un système. Et, à part cela, ils sont déjà encadrés dans une réglementationn volontaire.

M. O'Gallagher: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: ...il y a eu sans doute un "spark-plug", quelqu'un qui a pris...

M. Rivet (Gilles-N.): Oui, c'est notre association à Toronto.

M. O'Gallagher: C'est votre association à Toronto...

M. Rivet (Gilles-N.): Oui, oui, c'est notre association à Toronto.

M. O'Gallagher: ...qui a fait la promotion de cette réglementation-là.

M. Rivet (Gilles-N.): Oui. C'est notre association...

M. O'Gallagher: Et vous n'êtes pas capables de l'appliquer à Montréal?

M. Rivet (Gilles-N.): Dans le temps... Le Président (M. Rancourt): M. Rivet.

M. Rivet (Gilles-N.): Vous savez, Toronto, c'est une géographie. À ce moment-là, quand elle a été faite, la réglementation à Toronto, Toronto, c'était un îlot; c'était facile. Aujourd'hui, Toronto, c'est bâti tout le tour. Mais, dans ce temps-là - cela fait 25 ans, vous savez. Quand cette réglementation facultative a été faite, elle a passé comme du beurre dans la poêle, doucement, tranquillement. Ce sont des gens qui sont habitués à cela. Et, aujourd'hui, il n'y a personne qui se plaint de cela. Tout le monde est content. Les sociétés pétrolières, elles sont bien obligées de prendre leur pilule.

D'ailleurs, elles ne perdent rien. Cela ne leur coûte absolument rien. Elles vendent la même essence. Elles n'en vendront pas une once de moins parce que la station-service est fermée à 19 heures.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Toronto, c'est un îlot; Montréal, c'est une île.

M. Rivet (Gilles-N.): Oui, oui, mais vous comprenez ce que je veux dire. C'est que c'était facile, dans ce temps-là, de communiquer à Toronto. Aujourd'hui, c'est tellement... Mais ils ont gardé la même discipline et ils en sont heureux. Il n'y a pas de problème. Cela n'accroche pas du tout, du tout. Ce serait facile de faire cela ici. Du moment que les autorités en place, au ministère des Richesses naturelles, par exemple - ce n'est pas facile de rentrer là, vous savez, ce sont tous des anciens de compagnies de pétrole qui sont là, tous; je suis allé; des anciens de Texaco, de Shell. Ce sont des gars qui sont habitués à cela. Ce n'est pas facile de leur parler ce langage de liberté. Parce que, pour eux, c'était facile. Ce ne sont pas eux qui étaient sur les coins de rues jusqu'à 23 heures.

Alors, ici, il faudrait le faire. Cela prendrait une volonté, une espèce de désir clairement exprimé par le ministre, et on pourrait se servir de cela comme d'un outil. Je vous assure que cela irait bien. Ce ne serait pas long que cela fonctionnerait.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Alors, quant à nous, il nous reste - je crois que vous avez terminé pour l'ensemble des mémoires -...

M. Rivet (Gilles-N.): Oui, monsieur.

M. Bourbeau: ...à vous remercier, M. Rivet, et tous les organismes que vous représentez et dont vous avez été le porte-parole, pour la participation à cette commission parlementaire. Et nul doute qu'on tiendra compte des suggestions contenues dans vos mémoires.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je vous remercie également d'être venu.

M. Rivet (Gilles-N.): Merci beaucoup.

Le Président (M. Rancourt): Donc, nous remercions M. Rivet pour avoir participé à la commission au nom de diverses associations.

Nous allons demander, maintenant, à Pharm-Escomptes Jean Coutu de bien vouloir se présenter.

Pharm-Escomptes Jean Coutu

M. Desjardins (Guy): M. le Président, permettez-moi de faire les présentations d'usage.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Desjardins: À ma droite, M. Jean Coutu, pharmacien, président des Pharm-Escomptes Jean Coutu, et, à sa droite, M. Raymond Cyr, directeur de l'activité professionnelle pour le groupe. Mon nom est Guy Desjardins, je suis avocat.

Le Président (M. Rancourt): D'accord, merci, M. Desjardins.

M. Desjardins: Je vois que certains d'entre vous esquissent un sourire, mais qu'est-ce que vous voulez, les avocats, c'est un mal nécessaire! J'espère qu'on vous convaincra que M. Coutu est un bien nécessaire.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que vous présentez le mémoire, M. Desjardins?

M. Desjardins: Si vous voulez me permettre, nous allons vous suggérer de procéder d'une façon toute particulière. Tout d'abord, en mon nom personnel et au nom de M. Coutu, nous vous remercions de nous avoir fourni l'occasion d'être entendus devant cette commission. Vous comprendrez facilement, n'est-ce pas, que, lorsque les propriétaires d'un commerce dont le chiffre d'affaires annuel est de 300 000 000 $ se sentent menacés, ils deviennent un peu inquiets. Nous n'avons pas, par ailleurs, l'intention de lire le mémoire. Vous en avez, sans aucun doute, pris connaissance. Il contient le résumé des raisons qui nous portent à conclure comme nous le faisons. Je ne parlerai, quant à moi, que des Pharm-Escomptes Jean Coutu ou des commerces du genre. Nous n'avons pas l'intention de tout relire. Nous n'avons pas, non plus, l'intention, M. le Président, de faire la leçon à qui que ce soit. Bien au contraire, nous voulons tout simplement, et de façon objective, sereine, sérieuse et logique, vous aider à possiblement comprendre, si le projet de loi 59 était adopté dans sa forme actuelle, la position absolument intenable dans laquelle les Pharm-Escomptes Jean Coutu seraient placées ainsi que les conséquences néfastes et extrêmement graves qui en découleraient, et je n'ai pas le sourire, lorsque je le dis.

Par ailleurs, il serait peut-être bon de souligner au départ que certains prétendent que Jean Coutu et surtout votre humble serviteur ont un tempérament latin. Si, à certains moments, nous haussons le ton de la voix ou si, pour ma part, je peux être porté à employer des adjectifs percutants, je vous demanderais de nous en excuser par anticipation. Ceci dit, avec votre permission, M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): Nous vous rappellerons à l'ordre.

M. Desjardins: C'est ce à quoi je m'attendais. Ceci dit, M. le Président, avec votre permission, quant à moi, je ne m'attaquerai qu'à l'aspect légal et législatif du problème alors qu'ensuite M. Coutu élaborera sa pensée quant aux aspects économiques et sociaux.

Si vous voulez bien me permettre, je voudrais d'abord poser une question: "Qu'est-ce que de la bonne législation?" Sans vouloir philosopher et sans citer au texte les auteurs, mais en m'inspirant de ce qui est universellement reconnu, je vous demanderais bien respectueusement de retenir, tout au cours de cette discussion, les principes suivants: 1. Les meilleures lois sont celles qui sont simples et claires; 2. Si l'interprétation des lois est un mal, il est évident que l'obscurité en est un autre, car elle entraîne nécessairement avec elle l'interprétation, et le mal sera alors considérable; 3. C'est le caractère de stabilité et de fixité qui fait la force des lois; 4. La loi doit résoudre un problème et non pas en créer.

En résumé, et pour le commun des mortels, il importe, je crois et je le soumets très respectueusement, que les citoyens puissent savoir simplement, clairement et sans interprétation inutile, à quoi s'en tenir.

Ils doivent aussi prendre pour acquis que la loi ne sera pas substantiellement modifiée suivant l'humeur du législateur. Et là je parlerai d'insécurité législative. (16 h 30)

Tout d'abord, la loi telle qu'elle existe présentement dit à l'article 5: "La présente loi ne s'applique pas à un établissement commercial ni à une partie distincte et cloisonnée d'un établissement commercial dont l'activité exclusive est la vente - et à f) - de produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires." Je vous souligne tout d'abord que l'on parle d'un établissement commercial, ni d'une partie distincte ni cloisonnée d'un établissement commercial, c'est-à-dire qu'il ne s'agit à ce moment que d'un seul commerce, une cellule économique.

Au paragraphe suivant: Elle ne s'applique pas non plus aux établissements commerciaux, ni aux parties distinctes et cloisonnées de tels établissements dont l'activité principale est - et je saute - la vente de produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires, pourvu qu'il ne s'y vende en outre que des produits alimentaires ou menus articles.

C'est donc dire, et je résume, qu'au moment où nous nous parlons, un établissement ou des établissements comme ceux de M. Coutu, avec ou sans cloison distincte et cloisonnée, donc l'activité principale est la vente de produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires, est exempté de la loi, pourvu qu'il ne s'y vende en outre que des produits alimentaires ou menus articles, et il a le droit de vendre aujourd'hui des produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires, et des produits alimentaires et de menus articles. Ce sont des droits qui ont été acquis depuis 1969, ce sont des droits sur lesquels tout le commerce de M. Coutu a été basé.

Que voulons-nous faire maintenant? Et là, j'en arrive au projet de loi 59. Je lis tout d'abord les notes explicatives en partie: "Ce projet de loi modifie la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux afin notamment d'inclure le dimanche, jusqu'à présent couvert par la loi fédérale de 1907, dans la liste des jours couverts par la loi québécoise et d'enlever l'obligation de fermeture de ces établissements pour certains jours ou parties de jour." Libéralisation. "Ce projet de loi a de plus pour objet d'ajouter une heure aux heures d'ouverture le samedi et de prolonger les heures d'ouverture jusqu'à 21 heures pendant certaines périodes de l'année." Libéralisation. "Il vise également à augmenter les catégories d'établissements commerciaux exclus de l'application de la loi." Libéralisation quant aux heures d'ouverture et de fermeture. Nous sommes complètement et entièrement d'accord avec l'énoncé de principe et le but recherché dans la note explicative. Mais quand nous allons à la loi, est-ce ce qui arrive quant aux commerces de M. Coutu?

Je vais vous soumettre, à ce moment-ci, que ce projet de loi 59, quant à nous, est contradictoire quant au but recherché et ce, en ce qui a trait, comme je le disais, à l'établissement commercial dont l'activité principale est la vente de produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires. À l'article 2 du projet de loi 59, sur le dimanche, je n'ai rien à dire.

Je tombe immédiatement à l'article 3, parce que c'est l'amendement de l'autre article 5; "La présente loi ne s'applique pas aux établissements commerciaux suivants", et au cinquième: "les pharmacies." Je note immédiatement, comme juriste, que, dans l'ancienne loi on parlait de produits. Dans la nouvelle, on parle de types d'établissements. Je me pose une première question: Les pharmacies, qu'est-ce qu'une pharmacie? Ce n'est pas défini. Je soumets et je tiens presque pour acquis que, lorsqu'on emploie le mot "pharmacie", on veut dire l'établissement qui vend des produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires. Sinon, si l'on veut restreindre par le mot "pharmacie", est-ce qu'on va dire simplement des "produits pharmaceutiques"? Là, M. Coutu vient de se voir enlever, d'un seul trait de plume, les produits hygiéniques et sanitaires. Mais si on me dit: Ce n'est pas cela. On emploie le mot "pharmacie", qui n'est pas défini, mais ce que l'on veut dire et la façon dont il faut l'interpréter, c'est la vente de produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires. À ce moment-là, ne changez pas la terminologie. C'était compréhensible, dans l'ancienne loi, ça disait ce que ça voulait dire, ça fait quinze ans que ça fonctionne comme ça et il n'y a pas de problème. Interprétation.

Ensuite, après le seizième paragraphe, on dit: "Toute tabagie, pâtisserie, confiserie ou pharmacie qui vend, en outre des produits caractéristiques - je m'arrête - de son type d'établissement... Ce n'est pas défini. Quels sont les produits caractéristiques d'une pharmacie? Sont-ce les produits caractéristiques d'une pharmacie à Baie-Saint-Paul, d'une pharmacie de quartier en Abitibi, d'une pharmacie de quartier à Montréal ou sont-ce les produits caractéristiques des pharmacies de grande surface dans la métropole? Je ne le sais pas, mais si on me dit: Ecoutez, M. Desjardins, quand on parle de produits caractéristiques, même si ce n'est pas défini, on doit comprendre: les produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires. J'ai dit: Ou dites-le ou gardez la même terminologie. Ensuite, on dit: "...diverses denrées alimentaires demeure exclue de l'application de la présente loi si, à chaque jour d'ouverture, il

n'y a jamais plus de trois personnes en même temps pour en assurer le fonctionnement."

N'oublions pas qu'actuellement les Pharm-Escomptes Jean Coutu ont le droit, de par la loi, de vendre des produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires, des produits alimentaires et de menus objets. Là on dit: Si vous voulez vendre des produits alimentaires ou des denrées alimentaires: trois employés. M. Coutu vous l'expliquera tout à l'heure, quant à lui et dans toutes les Pharm-Escomptes Jean Coutu, c'est une impossibilité physique. Ce n'est pas possible d'exploiter ce genre de pharmacies avec trois employés quand on sait que, dans la plupart d'entre elles, il y a trois, quatre ou cinq caissières, qu'il y a un, deux ou trois pharmaciens. Comment pouvez-vous exploiter un commerce de ce genre? C'est une impossibilité. M. Coutu vous l'expliquera.

Là, on peut nous dire: Cloisonnez. Est-ce que l'on sait ce que veut dire "cloisonner"? Est-ce que cela voudrait dire: M. Coutu, dans toutes vos pharmacies, vous allez cloisonner la section dite "denrées alimentaires". Vous allez réaménager complètement vos pharmacies. Vous allez réaménager vos réfrigérateurs. Vous allez réaménager tout cela et, là, on vous a donné, dans cette loi, la façon de faire indirectement ce que la loi vous défend directement. On dit: Ne vous inquiétez pas. Si vous avez plus de trois employés, mettez une cloison et arrangez-vous pour qu'il n'y en ait que trois.

Comment cela sera-t-il interprété par les tribunaux? Je n'en sais rien. Je peux vous dire tout de suite que ce projet de loi, quant à moi, comme avocat, ce sera le paradis terrestre. Nous allons passer des années et des années devant les tribunaux à l'interpréter. Je ne peux pas croire qu'un législateur pourrait dire: Vous ne ferez pas cela, mais, dans la même loi, je vais permettre de le faire indirectement. Mais il y a plus que cela. À ce moment-là, on dirait: M. Coutu, vous allez avoir un dépanneur en plein milieu de vos pharmacies. Je vous ai demandé, tout à l'heure, de ne pas oublier que, dans la loi telle qu'elle existe on dit: Établissement commercial ainsi que toute partie distincte et cloisonnée ne forment qu'un établissement commercial. Le projet de loi 59, toujours dans le même article 5, glisse, à un moment donné, à la toute fin de l'article, la phrase suivante: "Aux fins du présent article, une partie distincte et cloisonnée d'un établissement commercial est réputée être un établissement commercial." On n'a pas besoin d'être avocat, à ce moment-là, pour comprendre que le dépanneur va être un établissement commercial. Mais est-ce que cela a été mis là parce qu'il y a un mur ou une cloison qui entoure le comptoir pharmaceutique? Si c'est cela et si quelqu'un l'interprétait de cette façon, vous partez déjà avec deux commerces: un commerce d'aliments, un commerce de produits pharmaceutiques. Et, coincés entre les deux commerces, vous avez combien d'autres commerces? Un commerce de tabagie: cigarettes, tabac? Un commerce de menus objets? Un commerce de produits hygiéniques ou sanitaires? Là, selon l'interprétation de la loi, ils pourraient ouvrir et fermer à des heures différentes. Ce serait, pour ne pas dire un bordel, à tout le moins la tour de Babel. Cela n'a aucun bon sens.

Mais je pose une autre question. Si c'est vrai que vous avez un, deux ou trois commerces, allons-nous prétendre que, à ce moment-là, il va nous falloir trois entrées principales? Trois entrées pour la marchandise? Trois systèmes de comptabilité? Trois genres de caisses enregistreuses? Parce que l'article 9 de la loi dit: "Nul ne peut admettre un client dans un établissement commercial - si on en a trois et s'il y a une entrée - ni y tolérer sa présence contrairement aux dispositions de la présente loi." Voyez-vous cela, un commerce pharmaceutique qui peut être ouvert; un commerce de dépanneur qui peut possiblement être ouvert, je n'en sais rien; et un autre commerce qui peut ou ne peut pas être ouvert? Et là, M. Coutu, qui est respectueux des lois, pourrait se faire dire qu'il a enfreint la loi quant aux heures parce qu'il a toléré, à un moment donné, une personne dans la partie hygiénique, ou sanitaire, ou dans la partie des menus objets alors que les heures de fermeture n'étaient pas les mêmes!

Je me pose toutes ces questions. Menus objets? Il a le droit, aujourd'hui, en vertu de la loi - et il l'a respectée intégralement -de vendre de menus objets parce que la partie principale de son commerce, ce sont les produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires. Qu'est-ce que l'on dit pour les menus objets? "Des menus articles autres que ceux exclus par règlement du gouvernement." Nous en discutons dans le mémoire. Écoutez, je ne vois pas... Et je ne suis pas un homme d'affaires, M. Coutu vous en parlera, je ne suis, malheureusement, qu'un petit avocat. Comment voulez-vous qu'un homme d'affaires investisse des millions et des millions de dollars parce qu'il a le droit de vendre de menus objets pour, alors qu'il vient, dans 72 commerces, d'investir des dizaines de millions de dollars, se faire dire: Coutu, demain, tu n'as plus le droit de vendre cela? Est-ce que c'est de cette façon que l'essor économique de la province ou d'un pays tout court peut évoluer? (16 h 45)

Je vais poser la question. M. Coutu se chargera d'y répondre. Cela, c'est de l'insécurité législative. On ne peut pas

investir et se faire dire... On ne peut pas vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Cela, c'est l'insécurité du commerçant. Vous vous rappelez les principes que je vous ai émis au début de cet exposé et, après toutes les questions que l'on se pose quant à l'interprétation possible de cette loi, je crois que je peux dire, sans peur de me tromper, que nous sommes loin de la clarté, de la simplicité, de la fixité, de la stabilité et de la sécurité qui font la force des lois. Je serais peut-être, à l'inverse, plutôt porté à conclure que nous nageons dans l'obscurité, la complexité, les difficultés d'interprétation et l'insécurité.

Au surplus, et j'achève ma partie de notre exposé, je me dis ceci: Quelle que soit l'interprétation que l'on veut donner à la loi, où retrouve-t-on les droits acquis par M. Coutu depuis quinze ans. Il y a une chose qui est claire par exemple: au mieux, ces droits acquis sont ou pourraient être réduits considérablement suivant l'interprétation que pourrait en faire le tribunal ou, au pire, ils disparaîtraient complètement. Dans les deux cas, comme vous le démontrera M. Coutu dans quelques instants, c'est le public consommateur qui en sera la première victime et ce, sans tenir compte que l'on paralysera, freinera ou détruira un commerce florissant et nécessaire avec, comme conséquences inévitables, des mises à pied massives et une augmentation des prix inutile. Je soumets que l'intérêt public, dans ce cas-ci, doit primer et, ceci dit, et avec votre permission, M. le Président, je demanderais maintenant à M. Coutu d'élaborer sa pensée sur les conséquences économiques et sociales du problème auquel nous avons à faire face à ce moment-ci.

Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Desjardins. M. Coutu.

M. Coutu (Jean): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs, je ne vais certainement pas continuer à parler de détails légaux, juridiques ou de droits acquis. Ne vous attendez pas qu'un pharmacien continue dans cette veine, surtout après un si brillant énoncé de la part de mon procureur.

Par contre, après avoir lu, moi aussi, avec mes yeux de pharmacien votre projet de loi, après avoir relu la lettre que j'ai envoyée au mois de février dernier à M. le ministre Biron, lettre dans laquelle nous lui expliquions notre position vis-à-vis de la libéralisation des heures d'ouverture des commerces de détail, après avoir assisté aujourd'hui depuis plus d'une heure à de nouvelles représentations ici, il y a une chose qui me surprend infiniment et que nous avions résumée dans la lettre à M. Biron: je me considère comme un commerçant et un professionnel au service du consommateur. Je trouve surprenant que, de part et d'autre, ce soient les commerçants et les professionnels qui voudraient insister pour imposer au public qui les fait vivre des heures peut-être qu'il ne mérite pas ou qu'il ne veut pas. Je ne veux pas entrer dans les détails de mes prédécesseurs, mais vous avez simplement besoin de penser aux problèmes de Hull, où l'on voit, dans une province, un endroit qui est ouvert à des heures plus longues et où on vient de déclarer que 75 000 000 $, c'est le chiffre d'affaires québécois qui se dirige vers la province de l'Ontario.

Dans cette lettre à M. Biron, nous nous résumons à peu près de cette façon: nous croyons, nous, que nous sommes au service du consommateur, peut-être un peu comme vous, MM. les ministres et députés, vous êtes au service des électeurs, c'est-à-dire que les consommateurs et les électeurs sont nos réels patrons. Après avoir lu et relu notre mémoire plusieurs fois il y a un mot ou plutôt un chiffre qui me revient continuellement à l'esprit: 107 400 clients sont venus en 1983 dans nos 68 points de vente québécois, c'est-à-dire 750 000 par semaine, et c'est 39 000 000 de clients québécois qui sont venus chez nous en 1983, plus de six fois la population de la province de Québec. Croyez-vous, mesdames et messieurs membres de la commission, que c'était une belle chanson d'amour? J'aimerais le croire, mais, si vous me le permettez, j'essaierai de donner une autre réponse si vous me donnez quelques instants pour vous expliquer pourquoi, nous, les Pharm-Escomptes Jean Coutu, qui sommes pointées comme, peut-être, les plus mercantiles des professionnels, sommes quand même ceux qui pratiquent la profession de pharmacien pendant les plus longues heures dans la province de Québec.

Permettez-moi de faire un bref résumé de l'histoire de la pharmacie. On dit des pharmaciens qu'ils ont accaparé la majorité de la vie des autres commerçants. Je vais vous dire ce qu'étaient les pharmaciens autrefois, au temps où j'ai commencé, temps que quelques-uns d'entre vous et certainement vos parents ont connu. Autrefois, la pharmacie, c'était de 8 heures à 23 heures. C'est un artisan qui avait fait un cours sérieux, qui fabriquait des médicaments. Avec les années, cet artisan, ce professionnel a perdu cette prérogative, c'est-à-dire qu'on ne pouvait plus dire: Je vais chez tel pharmacien parce qu'il fait des onguents plus onctueux qu'un autre ou que ses sirops pour le rhume sont plus efficaces. Au contraire, et pour le bien du public, je crois, ce sont des compagnies pharmaceutiques qui ont tout fabriqué pour nous. En même temps, à cette période, vous allez peut-être être surpris de savoir que le pharmacien avait, dans son officine et autour de son officine, une multitude de produits, et

je vais en citer quelques-uns: tout ce qui se rattachait à l'hygiène, à la santé, à la beauté, à l'hygiène des bébés, à l'hygiène féminine, aux nourritures d'enfant était presque du domaine exclusif des pharmaciens.

Par contre, après la guerre, et avec les compagnies pharmaceutiques qui voulaient agrandir leur marché, on a permis et laissé faire que ces exclusivités soient répandues un peu partout. La preuve: une étude, toute récente, en 1983 de la Banque Nationale, qui a été faite par Mlle Lise Lefebvre pour les succursales de la Banque Nationale de la province de Québec et du Canada, où, en page 3, on dit ceci: Au cours des années soixante, les pharmaciens ont progressivement perdu l'exclusivité de plusieurs de leurs produits et ils ont dû faire face à la vive concurrence que leur livraient d'autres catégories de commerçants plus particulièrement les épiciers qui profitaient d'une période de croissance rapide, consacraient de plus en plus d'espace aux médicaments en vente libre, aux articles d'infirmerie et aux produits d'hygiène personnelle.

Encore aujourd'hui - et je cite des choses plus récentes - dans la Presse et je crois dans la plupart des journaux de la province de Québec, le mardi 7 février, les quatre grands de l'alimentation disaient: II n'y a plus de nouvelle guerre de prix. Par contre, comment allons-nous pouvoir continuer à nous agrandir, à aller chercher une part plus importante du marché, un volume plus important? Je cite: On veut aussi augmenter considérablement la gamme des produits offerts, notamment en ce qui concerne les produits pharmaceutiques et les aliments à faible teneur en calories ou aliments diététiques.

Messieurs, le pharmacien d'aujourd'hui a connu cette perte d'exclusivité. En même temps, au début des années soixante, le Collège des pharmaciens nous a imposé des murs pour séparer la partie pharmaceutique de la partie parapharmaceutique et commerciale. Je dois vous avouer que moi-même j'ai fait des pressions et j'ai essayé tout mon saoul d'empêcher cette loi et je dois vous dire qu'aujourd'hui j'en suis fier, parce que, pour une bonne raison, le Collège des pharmaciens se veut le défenseur d'une formation qui est acceptée par tous les gouvernements depuis plus de cent ans. Si les gouvernements paient des cours à des étudiants et qu'on est prêt à payer des cours pendant quatre ans pour former des talents, je crois qu'il est normal que les pharmaciens essaient de vivre du médicament.

Qu'est-ce qui est arrivé? Le pharmacien a essayé de vivre du médicament. Mais, comme aujourd'hui - et c'est regrettable - le pharmacien, messieurs et mesdames, n'est pas jugé par son talent, il est jugé par ses prix. Il est le seul professionnel où, si vous ne vendez pas de médicament, vous n'êtes pas payé. Cela n'existe nulle part. Vous allez voir un médecin: malade ou pas malade, il a droit à son honoraire. Pour le pharmacien, son honoraire s'ajoute à un geste commercial. En plus, qu'est-ce qui arrive au pharmacien qui ne veut vivre que du médicament au Québec? Son honoraire professionnel est de 3,62 $, s'il s'organise bien et, après 20 000 prescriptions, comme récompense, son honoraire tombe à 3,25 $.

Je peux vous comparer ceci avec l'Ontario où nous avons une pharmacie. L'honoraire du pharmacien est de 4,65 $. Vous allez peut-être me dire que l'Ontario est une province riche. Je vous rétorquerai que nous avons deux pharmacies au Nouveau-Brunswick et l'honoraire professionnel y est de 5,55 $. Est-ce que, plus nous sommes pauvres, plus nous somme capables de payer? Nous serions une exception ici, au Québec.

Le pharmacien des temps modernes vit un dilemme. Quel est-il? D'un côté - il me fera plaisir de vous le prouver - il y a éparpillement d'une partie importante de ses revenus. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont des banques. Ce sont ceux-là même qui sont venus créer l'éparpillement chez nous qui le disent; ils veulent le continuer. Je ne me plains pas. On n'est pas ici pour se plaindre, nous sommes ici pour exposer des faits.

Deuxièmement, le pharmacien, qui ne veut vivre que du médicament, bénéficie d'un honoraire professionnel qui est faible. Vivre du médicament. Avez-vous déjà compris que, si on condamne un pharmacien à ne vivre que du médicament, des pressions s'exerceront de l'extérieur? Vous du Parlement, vous, des groupes de parents, vous, des associations charitables ou paracharitables, exercez des pressions pour qu'il se vende de moins en moins de drogues et de médicaments, et avec raison. D'un côté, on veut condamner le pharmacien à ne vivre que du médicament et, de l'autre côté, on lui dit: Vends-en le moins possible.

Pas de médicament, pas de dollar. Quelles auraient été la situation et la solution pour les pharmaciens qui ne veulent vivre que du médicament? La pharmacie de clinique, cela va. La pharmacie de clinique nécessite une certaine concentration médicale. Il y a eu beaucoup de pharmacies de clinique, il y en a encore beaucoup au Québec. Pharmacie communautaire, cela va. Il y en a beaucoup, on peut vivre en pharmacie communautaire. Mais comment peut-on vivre? On peut vivre en restreignant les heures et faire en sorte qu'elles deviennent très près du service médical que l'on peut trouver ici, au Québec. Qui peut se vanter de pouvoir jouir, aujourd'hui, d'une visite médicale à la maison comme il y en avait autrefois? Les soirs et les fins de semaine, le pharmacien qui ne veut vivre que du médicament ne peut presque pas

subventionner une présence pharmaceutique nécessaire. Le public veut une présence pharmaceutique. Mais le pharmacien qui ne veut vivre que du médicament ne peut pas la lui donner. Il n'y a aucune raison que le pharmacien, après quatre années d'études, devienne ce qu'on pourrait appeler une espèce de martyr de la santé.

Écoutez, je ne veux pas exagérer ni faire de drame, mais il y a une autre solution. C'est la solution que nous, messieurs, avons prise. Nous et quelques autres confrères avons joué le jeu de ceux qui nous avaient éparpillés. Nous avons ouvert de grandes surfaces. Nous avons engagé des jeunes et des moins jeunes. Par du marketing et de la publicité, nous sommes allés rechercher une partie importante de ce qui nous avait été enlevé. En même temps, nous en avons profité pour importer des produits alimentaires qui ne nécessitent aucune expérience. Il me ferait plaisir, ici, de badiner et de vous dire: Je ne vois pas les conséquences d'un gâteau acheté chez Jean Coutu. Je vois beaucoup plus d'inconvénients à ce que des aspirines soient achetées à peu près n'importe où, en présence d'individus, de jeunes garçons et filles, qui n'ont pas du tout l'expérience pour en expliquer les bienfaits comme les dangers. Ce que nous avons fait, nous et quelques autres confrères, nous l'avons fait avec des prix réduits. (17 heures)

Est-ce que je pourrais - vous n'en avez pas ici parmi vous - vous distribuer des feuilles qui explicitent très bien ce que vous retrouvez à la fin de notre mémoire? J'aimerais, avec votre permission, lire quelques lignes de ce qui s'est réalisé à propos des prix. Il y en a peut-être qui vont dire: Écoutez, ici, ce n'est pas une question de prix. Je n'en doute pas. Pour la majorité d'entre nous, les prix ne sont peut-être pas d'une importance vitale. Mais je peux vous dire que, dans les temps que nous vivons et que nous avons vécus, avec les budgets restreints de la plupart des familles québécoises, les prix, c'est quelque chose d'extraordinaire. Un prix à bon marché, c'est presque de la musique aux oreilles de tout père et jeune mère de famille.

J'aimerais vous résumer - remarquez qu'il n'y a aucune agressivité dans cela, il n'y a que des faits que vous pourrez lire aux pages 1, 2 et 3 - nos prix, par rapport à ceux de la compétition. Nous avons comparé nos prix avec ceux de treize autres dépanneurs et épiciers qui vendent des produits comme nous en dehors de nos spécialités pharmaceutiques. Nous avons même, à la page 7, fait des comparaisons dans des produits strictement alimentaires. Enfin, si vous voulez bien tourner à la page 9, nous y avons fait un drôle de tableau. À 1, vous avez le nombre de produits que nous avons comparés avec chacune des entités qui sont là, et, à 2, vous avez la différence -pour ceux qui ne l'ont pas, c'est la petite chose noire qu'on vous a distribuée - de prix négative entre nos prix et ceux de tous les gens qui y sont énumérés.

Remarquez que, chez nous, les prix ne changent ni le matin, ni l'après-midi, ni le soir. Par contre, à la même page 9, vous pourrez voir que Provigo et Provisoir, c'est près de 17,2% plus cher; chez Steinberg et La Maisonnée: 9,9%; IGA et Bonisoir: 10%. C'est-à-dire que, le jour, lorsque la compétition est intense, ces chaînes d'alimentation ont un prix et, le soir, par l'intermédiaire de leurs subsidiaires ou leurs franchisés, ont un deuxième système de prix, ce qui n'existe pas chez nous.

Enfin, à la page 10, sur les 33 produits que nous avons comparés, vous remarquerez ceux qui vous offraient les meilleurs prix; il y a quatre zéros, trois qui ont eu une fois le meilleur prix, deux qui ont eu deux fois le meilleur prix, et je continue jusqu'à la fin, où trois fois c'est IGA et nous avons eu les meilleurs prix, une fois c'est Provigo, et nous avons eu les meilleurs prix, et, sur 103 produits, nous avons eu les meilleurs prix 72 fois.

Peut-être jugerez-vous cela banal, mais je crois que c'est essentiel, parce que c'est avec cette diversité que, chez nous, nous avons été capables d'être présents 91 heures par semaine. En même temps, il y a eu une présence pharmaceutique de 91 heures par semaine et, de plus, nous sommes la seule entité pharmaceutique au Québec qui a une pharmacie ouverte 24 heures par jour pour le public québécois, sans aucune augmentation de prix.

Vous me direz peut-être: Vous avez profité d'une espèce de pige, vous êtes allés chercher ailleurs pour en profiter et vendre les produits pharmaceutiques plus cher. Je vais vous référer à une compagnie qui s'appelle Comparative Prices of America qui, à travers l'Amérique du Nord, à tous les trois mois, produit des prix comparatifs. Nous avons - et il me fait plaisir d'insister là-dessus - les meilleurs prix en pharmacie en Amérique du Nord. Qui en a été le bénéficiaire? Le consommateur québécois.

Cette formule, depuis 1973, a attiré dans sa famille 46 franchisés, pharmaciens et pharmaciennes au Québec, depuis Val-d'Or, et aujourd'hui à Rouyn, jusqu'à Sept-Îles; de Rimouski jusqu'à Hull et Gatineau. Nous n'avons négligé aucun endroit au Québec. Il me fait plaisir de vous dire que, d'ici un mois, nous ouvrirons une nouvelle succursale à LaSalle et que nous avons déjà en plan quatre autres projets à court terme pour le début de cette année.

Il me fait plaisir de vous dire que 46 franchisés se sont joints à nous, en toute légalité, ont investi des sommes d'argent

importantes et ont signé des baux à long terme. En 1984, nous avons à notre emploi 2500 personnes. En 1983 seulement, nous avons créé au Québec 483 nouveaux emplois. Ce n'est pas extraordinaire, mais c'est mieux que d'en mettre dehors.

Nous avons eu 39 000 000 de clients en 1983. Sont-ils réellement venus chez nous par amour? Oui, mais après avoir connu nos prix, notre choix, notre disponibilité pour des choses aussi importantes que la santé, la beauté, un certain dépannage alimentaire et en menus articles, mais surtout à cause de cette présence pharmaceutique si nécessaire, encore une fois, à des moments où le pharmacien, les soirs et les fins de semaine, est le seul représentant de ce qu'on appelle l'équipe de la santé.

Réussite, je le crois bien, sans aucune subvention, sans aucun protectionnisme, dans la fragilité d'un petit profit. Vous pouvez peut-être sourire, mais c'est la réalité: 39 000 000 d'individus ont bien aimé ce que nous avons fait, peut-être parce que c'était un heureux mariage d'une partie commerciale forte qui a subventionné trop souvent une présence professionnelle de qualité à laquelle le public a droit.

M. le Président, messieurs et mesdames, nous connaissons bien la sociologie de notre temps. Nous avons créé une formule qui colle bien à cette réalité. Je crois que nous avons bâti, au Québec, un succès. Nous avons fonctionné et voulons fonctionner dans la légalité. Nous voulons continuer à bien servir notre clientèle québécoise. Nous voulons exporter la bonne nouvelle ailleurs au Canada, et c'est déjà fait.

Pour terminer sur une note, je ne dirais pas humoristique, parce qu'elle est réelle, pourquoi pas aux États-Unis, et l'on dira peut-être bientôt, malheureusement en anglais, "Aux Pharm-Escomptes Jean Coutu, on trouve de tout, même un ami"? Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: M. Coutu, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Je suis sympathique à ce que vous avez dit, mais il reste quand même un fait. Beaucoup de détaillants en alimentation qu'on a entendus d'une façon particulière - entre autres, ce matin, c'était l'Association des détaillants en alimentation du Québec, l'ADAQ - nous ont dit qu'il y a deux règles du jeu et on ne peut pas accepter qu'il y ait deux règles du jeu. Il faut accepter qu'il y ait une règle du jeu. La plupart des gens qui représentent le commerce en détail, en grande majorité - nous en avons entendu un groupe avant vous, ce matin et on en a entendus avant-hier et hier, nous ont dit très majoritairement qu'il doit y avoir une règle du jeu et des heures un peu plus raisonnables, un peu pour tout le monde, et qu'il faut que tout le monde suive les mêmes règles.

Vous avez mentionné, dans votre présentation - j'ai aimé le terme que vous employez - un certain dépannage alimentaire. On a eu beaucoup de discussions, avec les représentants des détaillants en alimentation en particulier, pour essayer de trouver un modus vivendi, si on ne peut trouver consensus, qui vous permettrait de continuer de fonctionner, d'autant plus que, dans le domaine des produits pharmaceutiques, vous faites un excellent travail. Vous l'avez vous-même mentionné et tout le monde au Québec, vos clients - d'ailleurs le succès de votre formule concernant les produits pharmaceutiques le prouve - l'apprécient. Nous sommes prêts à faire certains petits changements dans le sens de votre mémoire et, comme d'autres nous l'ont dit, quant à la formulation. Dans la nouvelle loi, on parle plus d'établissements et dans l'ancienne on parlait de produits. Plusieurs mémoires allaient dans le même sens que le vôtre disant qu'on devrait retourner à la formulation des produits au lieu de celle des établissements, ce qui, après avoir mûrement réfléchi, me semble un petit peu plus clair.

Quant au dépannage alimentaire que vous faites, nous ne vous empêchons pas pendant une soixantaine d'heures par semaine de vendre de tout. Vous avez le droit, il n'y a pas de problème là-dessus. Mais, pour les heures additionnelles dont vous avez besoin, je voudrais savoir, pour certains dépannages alimentaires, de combien de personnes vous avez besoin pour ce service de dépannage alimentaire. De combien de travailleurs et de travailleuses à la fois avez-vous besoin pour donner ce service à votre clientèle, compte tenu que, d'une façon ou d'une autre, vos produits pharmaceutiques connexes, hygiéniques et sanitaires, sont déjà exclus par la loi 24, comme ils le sont aussi par la loi 59?

Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.

M. Coutu: C'est votre question? M. le ministre Biron, je ne peux pas répondre exactement à votre question. J'espère que ce message ressortait de notre présentation: chez nous, c'est un ensemble. Jamais on n'a fait de séparation pour dire que cela prend tant d'employés pour ci et tant d'employés pour cela. Nous avons chez nous - je félicite notre personnel - du personnel polyvalent. Un pharmacien peut aussi bien à l'occasion préparer un étalage de "peanuts" si, au point de vue pharmaceutique, il n'y a pas d'ouvrage. Il peut se faire aider par un individu ou une jeune fille qui travaille au comptoir de dépannage pour répondre à la clientèle ou mettre un produit

pharmaceutique ou une ordonnance dans un sac. C'est extrêmement difficile pour moi de vous répondre là-dessus.

Par contre, je peux vous parler du pourcentage des chiffres d'affaires que nous faisons. Cela me ferait plaisir de vous donner le pourcentage au point de vue strictement pharmaceutique, le pourcentage au point de vue parapharmaceutique et le pourcentage des menus articles et de l'alimentation. Je les ai.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: M. Coutu, je vais expliciter un peu ma question. Vous savez fort bien que, peu importe la loi qu'il y aura, vous n'avez pas le droit de vendre de caméras chez vous, vous savez fort bien que vous n'avez pas le droit de vendre de fours micro-ondes chez vous en dehors des heures régulières préconisées par la loi, soit 62 ou 63 heures par semaine. Vous le savez, et c'est très clair. Ce dont on discute, et je suis prêt à vous aider là-dessus, car on a eu beaucoup de discussions avec les gens qui sont venus déposer leurs mémoires ou qui viendront, en particulier les gens du domaine de l'alimentation puisqu'il semble que c'est là où il y a certaines difficultés et où on peut essayer de trouver un modus vivendi: Que peut-on faire pour que vos investissements dans ce domaine de dépannage alimentaire ne soient pas des investissements perdus? Je ne pense pas qu'ils soient perdus, mais on essaie de voir comment on peut faire pour vivre avec cela. À l'avenir, c'est très clair: la loi, une fois adoptée, s'appliquera pour tout et vous saurez où aller. Vous me dites que vous avez une soixantaine de Pharm-Escomptes Jean Coutu établies au Québec. Qu'est-ce qu'on fait avec elles? Au fond, il faut régler le problème du passé, bien sûr. Quant à l'avenir, si vous connaissez les règles du jeu, je pense bien que vous allez vous conformer à la loi. Vous êtes assez bon administrateur pour savoir vous organiser en conséquence.

Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.

M. Coutu: Oui. M. Biron, vous me demandez quelque chose d'extrêmement difficile. Je ne me vois pas continuer au Québec avec une loi pour un certain nombre de pharmacies et une autre loi pour un autre nombre de pharmacies. Si ce que nous avons fait était permissible, pourquoi ne pas continuer dans la même voie? Je ne vois pas pourquoi. Qui va bénéficier de ce changement dans la loi? Je me suis déjà posé cette question. Je vais essayer de vous répondre indirectement. Qui va bénéficier de la loi 59? Je ne parle pas des marchands de meubles; je parle des quinze personnes et de la seizième qui peut être à peu près n'importe qui. Qui va bénéficier de cela? Il me semble que cela saute aux yeux. J'ai écrit dans une autre partie de notre mémoire qu'il semble qu'on veuille protéger le petit dépanneur. Par contre, si on lit bien votre projet de loi, vous le détruisez totalement. Le petit dépanneur, autrefois, avec trois employés en tout, y inclus le patron, n'avait même pas le droit de s'associer à d'autres noms. Comment se fait-il qu'aujourd'hui on ait des Provisoir? Comment se fait-il qu'on ait des Maisonnée? (17 h 15)

Je ne suis pas avocat mais je n'ai pas compris. On les a certainement tolérées. Mais de quelle façon? Est-ce qu'on les a empêchées, elles, de garder des produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques? Je ne parle pas de produits qui nécessitent la présence d'un pharmacien mais de produits qui demanderaient souvent l'aide d'un pharmacien.

M. Biron, je regarde ce nouveau projet de loi et, sans être un légiste ni un avocat, c'est une panacée pour les grands distributeurs de produits alimentaires. Cela leur permet d'avoir deux réseaux de prix; un prix compétitif durant les quelque 60 heures normales d'ouverture et un autre prix le soir. Si vous lisez les chiffres que je vous ai donnés, c'est textuel. Pourquoi nous demander à nous de faire un sacrifice alors que, dans ce qui était permis, nous avons fait une réussite? Ce n'est pas honteux de réussir aussi au Québec. Nous sommes au service des consommateurs. Personne ne vous a dit ce que les consommateurs pensaient parce qu'il est impossible de savoir ce que pensent les consommateurs. Les associations de consommateurs, ce n'est pas la même chose. Les consommateurs sont M. tout-le-monde. Je peux vous prouver que M. tout-le-monde aime notre formule.

Il y a quelques minutes, on vous a prouvé qu'à Hull, quand un magasin est ouvert, quelqu'un qui est même dans une province étrangère y va. Les gens y vont le dimanche. Ils y vont le soir jusqu'à 22 heures. Hull veut avoir quelque chose de spécial. Pourquoi? Parce que les gens y vivent à l'intérieur d'une réglementation qui ne permet pas de concurrencer les autres. Je suis un Nord-Américain et je crois beaucoup plus à la formule nord-américaine. En Europe, tout est contingenté. Mais qu'avez-vous comme prix en Europe? Le consommateur ne bénéficie d'aucun bon prix. Tout est "full price", comme on dit. Là-bas, au point de vue pharmaceutique, il est idéal d'être pharmacien. Ils vendent même un permis de pharmacien parce qu'ils sont contingentés et zonés. Tout est protégé. Tout le monde ferme à telle heure, on prend deux heures pour aller dîner - en Italie, on prend trois heures - c'est parfait! Avoir un commerce en

Europe est une faveur. Ici, je crois qu'avoir un commerce est un devoir. On l'a choisi librement. Ce n'est pas parce qu'on vend telle ou telle chose qu'il faut aller demander au gouvernement de nous protéger. Si on ouvre des commerces et qu'on n'a pas le courage de la discipline de ce en quoi on s'engage librement, je crois qu'on ne mérite pas d'exister.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: M. Coutu, je vous fais la même recommandation que j'ai faite à plusieurs autres. Vous devriez militer à l'intérieur de vos associations de commerçants pour tenir ce langage. Nous ne demandons pas mieux que de répondre aux demandes des commerçants. Mais, à l'heure actuelle, certains commerçants nous disent qu'ils ouvrent et d'autres qu'ils ferment et le gouvernement doit prendre certaines décisions. C'est d'ailleurs pour cela qu'on a cette commission parlementaire. Ce n'est pas parce qu'on est entêté sur un projet de loi donné. J'ai même dit en déposant le projet de loi et au début de la commission parlementaire: Nous allons écouter les différents intervenants avec beaucoup d'ouverture d'esprit. Mais, parce que nos gens d'affaires sont trop faibles pour se parler entre eux et parce que vous n'avez pas réussi à communiquer votre message à l'intérieur d'associations de gens d'affaires comme ces gens d'affaires n'ont pas réussi à communiquer leur message chez vous, parce que vous ne tenez pas le même langage, bien sûr, le gouvernement doit décider. Il y a un groupe qui va dire que cela fait moins son affaire. Un autre va dire que cela fait plus la sienne. Ou les deux groupes vont dire que le gouvernement ne leur en a pas assez donné ou qu'il leur a trop pris, etc. Il reste quand même que l'association des consommateurs - on va les entendre ce soir - nous dit: II faut maintenir un régime restrictif, avec un petit peu plus d'ouverture, mais quand même un régime restrictif là-dessus.

Vous dites que vous avez bâti votre commerce dans la légalité; c'est exact. La loi vous permettait d'avoir certains produits alimentaires. Mais, dans l'esprit de la loi de l'époque, c'étaient véritablement certains produits de dépannage alimentaire. Je pense que, textuellement, vous avez bien dit le mot. Mais, lorsqu'on arrive sur des grandes surfaces et si on a des milliers de commerçants en alimentation qui nous disent: Non, c'est une compétition indue, bien sûr, on est obligé de considérer cela. L'esprit de la loi a été contourné, probablement par d'excellents avocats comme votre procureur, qui me semble très brillant. Heureusement, je ne suis pas un avocat. Je suis comme vous, un pauvre homme d'affaires.

M. Coutu: Moi, je suis un pharmacien de coin de rue.

M. Biron: M. Coutu, la seule chose que je veux vous dire, c'est que j'apprécie le dépôt de votre mémoire. Nous allons, bien sûr, y réfléchir très sérieusement. Il reste qu'il faut répondre à la demande de la grande majorité des gens d'affaires du Québec, des commerçants au détail du Québec, de la grande majorité qui nous demandent une certaine réglementation, la plus souple possible, mais quand même une certaine réglementation qui va faire en sorte que tout le monde pourra vivre à l'avenir avec cette réglementation. Vous avez profité d'une certaine élasticité dans l'ancienne loi. Qu'est-ce qu'on fait? C'est pourquoi je vous ai posé des questions concernant le nombre de personnes qui peuvent être requises pour travailler dans chacune de vos Pharm-Escomptes Jean Coutu, au service du dépannage alimentaire. J'aimerais pouvoir regarder avec vous comment on peut s'organiser et si on peut, d'ici à la reprise de la session, en arriver au moins à un modus vivendi avec les autres groupes de détaillants en alimentation. C'est surtout de ce côté-là parce que, du côté pharmaceutique, il n'y a aucun problème. Pour tout ce que vous vendez d'autre: fours micro-ondes, caméras, etc., il n'y a aucun problème pendant les heures régulières. Il reste le petit problème du dépannage alimentaire que je voudrais regarder avec vous pour trouver des formules qui vont permettre à tout le monde de vivre convenablement.

Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.

M. Coutu: M. Biron, je ne veux pas dira que je suis scandalisé, mais je suis ému et étonné de voir qu'on nous demande, à nous, de faire des sacrifices pour une partie importante, alors que cette partie importante de notre chiffre d'affaires, on est allé la chercher seulement après qu'on nous a presque dépouillés d'une partie importante de nos revenus. On en parle dans notre mémoire. Qu'on nous ramène tout ce qui touche à la santé, tout ce qui touche aux médicaments et je crois que les pharmaciens vont être capables de travailler plus de 63 heures, mais il y a un choix, là. Si la population veut avoir une présence pharmaceutique nécessaire, la population et les autres commerçants, c'est regrettable, mais ils doivent permettre une certaine concurrence, concurrence à laquelle il n'y a qu'un seul vainqueur, c'est le consommateur québécois. Je n'ai pas inventé la formule, il y en a plusieurs qui nous suivent. C'est curieux; plus il y a de pharmacies à grande surface, plus les gens aiment cela.

Par exemple, vous arrivez dans une

ville d'une certaine importance où vous avez plusieurs petits marchands. Arrive un grand. On appelle cela, un grand: un Eaton, un La Baie, etc. Les gens trouvent cela extraordinaire de voir qu'enfin on a un grand marchand. Rares sont ceux qui se lèvent pour dire que c'est dommage pour le petit tailleur, pour le petit commerçant de chemises et de cravates. Rares sont ceux qui se lèvent. Par contre, lorsqu'un pharmacien, par des moyens légaux, s'est gagné une certaine renommée, on trouve cela épouvantable; il faut faire quelque chose.

M. Biron, je peux vous dire que de véritables petits dépanneurs, que, je crois, l'esprit de ce projet de loi voudrait protéger, jamais nous n'en avons fait fermer un seul. Chez nous, il vient en général 1500 personnes chaque jour, dans toutes nos pharmacies du Québec, et ce n'est pas parce que nous avons, à l'occasion, un dépannage pour un pain, une pinte de lait ou une livre de beurre ou quelques oeufs, nous avons un dépannage mitigé. Pendant ce temps, on amène une affluence devant la maison du petit dépanneur qui peut vendre, lui, du vin, de la bière, de la viande et un paquet de choses que nous ne vendons pas et que nous ne vendrons peut-être jamais. Prenez notre pharmacie sur l'avenue Mont-Royal, notre plus importante pharmacie, une pharmacie qui est ouverte 24 heures par jour, une pharmacie où nous servons plus de 3500 personnes par jour et, devant chez nous, nous avons un dépanneur. Ce garçon fait une fortune. J'en suis très fier pour lui, mais demandez-lui s'il est content que nous soyons là. C'est nous qui le faisons. Par contre, prenez un petit village. Je connais surtout ceux autour de Montréal. Parlons de Saint-Constant, Saint-Rémi, Saint-Janvier, où vous avez deux ou trois dépanneurs qui sont là et qui vivent très bien. Qu'arrive un grand dépanneur - entre parenthèses, je pose toujours la même question: Je ne comprends pas comment les grands dépanneurs, en association aujourd'hui, qui s'appellent Provisoir, La Maisonnée ou quoi que ce soit, peuvent exister dans la loi actuelle - qui vend exactement les mêmes produits qu'eux, plus cher que nous, avec une station-service devant et, très bientôt, peut-être un comptoir-lunch avec des hot-dogs, des hamburgers et des patates frites, lui, il fait réellement du tort au petit dépanneur que la loi, je crois, voudrait protéger, beaucoup plus que les Pharm-Escomptes Jean Coutu.

M. Biron: Mon dernier commentaire...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: ...c'est beaucoup plus pour reprendre ce que vous avez dit: Vous nous demandez de faire des sacrifices. Je m'aperçois, par votre dernière intervention, que vous avez dû voyager longtemps avec votre savant avocat: vous savez plaider votre cause. Si vous dites que vous voulez vendre une pinte de lait, un pain ou une tablette de chocolat, si c'est vraiment cela, il n'y a aucun problème. Écoutez! Je suis prêt à regarder avec vous ce qu'on est capable de faire pour en arriver à un modus vivendi. Je ne peux pas vous dire plus. Je suis venu à cette commission parlementaire avec beaucoup d'ouverture d'esprit et pour essayer de répondre, si c'est possible, le mieux possible, aux demandes des gens ou des groupes de commerçants qui demandent aussi bien complètement l'extrême droite que complètement l'extrême gauche. Je vais essayer de voir le point de vue avec chaque groupe. Là-dessus, je pense que nos collègues de l'Opposition de même que mes collègues ministériels ont été très réceptifs tout au long des travaux et ont parlé avec les gens. On s'est dit: Après la commission parlementaire, on se reverra et on va essayer de trouver un moyen pour qu'au moins, à l'avenir, on réponde à la demande de la grande majorité des gens du Québec.

Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.

M. Coutu: M. Biron, les gens qui se plaignent, pourquoi ne restent-ils pas ouverts le soir? On dit que ce n'est pas rentable. Qu'ils le rendent rentable. Ce n'était peut-être pas rentable pour nous, au début, d'ouvrir le soir, mais, par des efforts, nous et nos employés, par une politique dynamique, on a tenu le coup, on a rentabilisé nos soirées et nos fins de semaine. Je ne vois pas pourquoi après avoir fait cela... Écoutez! J'admire et j'apprécie le fait que vous soyez très conscient et que vous vouliez... mais j'aimerais vous exposer les faits brutalement. Je ne vois pas pourquoi étant ce que nous sommes, nous donnerions quoi que ce soit à qui que ce soit, parce que nous l'avons fait dans la plus grande légalité et le public l'a aimé.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. On a eu droit à une belle présentation par l'avocat et par le propriétaire des Pharm-Escomptes Jean Coutu.

Une voix: Je ne suis pas avocat, vous non plus.

M. Bourbeau: Non, je ne suis pas avocat non plus, mais il semble que ce soit une qualité de ne pas être avocat. Chacun s'en défend, même le célèbre avocat du client a fait preuve d'une grande timidité d'une grande modestie en se présentant lui-

même. Disons que je suis un peu avocat, puisque je suis notaire, et un peu homme d'affaires également et je tente de comprendre où on s'en va.

Une voix: Une autre profession... Des voix: Ah!

M. Bourbeau: Tout ce que je peux dire, c'est que je comprends pourquoi votre commerce s'est propagé et a fait des miracles, semble-t-il, parce qu'avec la démonstration que vous venez de faire, on apprend en plus ce qu'est le marketing. Je déplore pour vous que cette commission ne soit pas télévisée, parce qu'avec les documents que vous nous avez servis, cela aurait sûrement été une propagande extraordinaire dans tout le Québec. Toutefois, vous n'en avez probablement pas besoin.

Je voudrais revenir à l'exposé que vous avez fait du présent projet de loi et de la loi actuelle. N'étant pas député depuis très longtemps, j'ai pris connaissance de ces lois récemment et je dois avouer que, comme votre avocat, j'ai été assez frappé par le manque de clarté de la loi actuelle et également du projet de loi qu'on nous propose. Ma première réaction à la lecture de tout cela, c'est que c'est un imbroglio incroyable. Quand on lit la loi actuelle, on commence par une nomenclature de ce qui est permis et, ensuite, les exceptions suivent et les exceptions des exceptions. Je peux vous montrer mon modèle; j'ai fait des flèches partout pour essayer de comprendre comment le deuxième paragraphe annule le premier. C'est vraiment incroyable. La conclusion à laquelle j'en suis venu - je le disais mardi, à l'ouverture de cette même commission parlementaire - vous me permettrez de me citer, M. le Président: "On n'a pas l'impression d'être devant une véritable politique, mais plutôt devant un certain nombre de compromis face à des intérêts multiples et disparates." Je crois que c'est, en une phrase, ce que j'avais tenté de résumer au début des travaux de cette commission. Plus j'avance, plus j'entends les commentaires de tous ceux qui viennent ici et plus je me convaincs que c'est encore pire que ce que j'avais pensé.

Il me semble que le système actuel, c'est un peu l'exception érigée en sytème ou la tolérance systématisée. On a pris connaissance, au cours des derniers jours, des mémoires de chacun. Par exemple, on a appris que les dépanneurs ont le droit de vivre, mais, dans la loi actuelle, on dit: "Ce commerce ne devrait pas faire partie d'un plus grand nombre d'établissements commerciaux liés les uns aux autres en association." On a des dépanneurs qui semblent être des commerces liés en association par exemple, La Maisonnée, les Provisoir. À moins que je comprenne mal, il me semble que ces commerces contreviennent à la loi actuelle. (17 h 30)

Nous avons entendu hier un groupe qui s'appelle OCTOFRUIT qui, manifestement, semble-t-il, s'est construit depuis quelques années, probablement en ne respectant pas la loi, puisque ses représentants ont admis avoir plus de trois employés, trois personnes, 24 heures par jour.

Nous entendrons, ce soir, les représentants de l'Association des marchés publics du Québec, dont on a lu le mémoire, qui a été déposé, et qui admettent contrevenir à la loi actuelle, puisqu'au moins 30% de leurs boutiques comptent plus de trois employés. Ils nous disent également qu'à chacune des inaugurations des marchés publics il y a un député du Parti québécois, sinon le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour faire cette inauguration. Comment se peut-il que ces gens-là fonctionnent avec la bénédiction du gouvernement puisqu'ils contreviennent à la loi?

Hier, les représentants des expositions agricoles du Québec nous ont dit qu'ils étaient très malheureux parce qu'ils ne peuvent fonctionner. Leur association existe depuis 160 ans...

Une voix: Toléré.

M. Bourbeau: ...mais c'est toléré; ce n'est pas permis par la loi. Le ministre, chaque année, leur donne des exemptions. Évidemment, des exemptions, on sait ce que c'est. Cela peut venir; cela peut ne pas venir; c'est selon l'humeur d'un ministre. Le ministre a même dit: Écoutez! On va vous donner des exemptions automatiques à l'avenir. On s'est demandé: Pourquoi des exemptions automatiques? Si c'est automatique, pourquoi ne pas leur permettre de fonctionner continuellement? Tout cela s'est fait dans le système actuel depuis des années. On vit dans un système d'exceptions généralisées et de tolérances systématisées, comme je le disais tout à l'heure.

On nous a dit: On va faire une nouvelle loi. On aurait pensé que la nouvelle loi aurait réglé le problème une fois pour toutes, mais il ne semble pas que le gouvernement soit disposé à faire son lit dans ce domaine. Le gouvernement ne veut pas s'avancer. Il ne veut pas établir de politique. Forcément, c'est quoi? C'est l'art de plaire à tout le monde. On cherche manifestement à plaire à tout le monde et à ne déplaire à personne. Le ministre, d'ailleurs, l'a dit tout à l'heure, il voudrait essayer de ne pas trop vous déplaire, de ne pas trop déplaire à l'un, de ne pas trop déplaire à l'autre. Je ne pense pas que ce soit vraiment la meilleure façon de légiférer. La question qui se pose, c'est: Est-ce que, finalement, on devrait

légiférer?

Le plaidoyer qu'on a entendu tout à l'heure est manifestement un plaidoyer en faveur de la libéralisation. On a fait état que les notes explicatives dans le projet de loi tentent de démontrer ou de faire croire qu'on est devant une libéralisation annoncée. Or, les notes explicatives, on sait ce que c'est. En général, c'est un peu du cosmétique pour consommation par les gens qui ne lisent pas le projet de loi et, très souvent, le projet de loi n'est pas vraiment une traduction ou un reflet des notes explicatives. Souvent, il y a de la propagande. Les notes explicatives ne se traduisent pas toujours, dans les faits, par la réalité du projet de loi. Je ne sais pas si je peux dire que, très souvent, les fruits ne répondent pas à la promesse des fleurs, puisqu'on est dans le domaine alimentaire.

La question que je voudrais vous poser, M. Coutu, après avoir fait ce préambule, je vais vous la poser d'une façon assez brutale. Est-ce que vous êtes personnellement pour une déréglementation totale dans ce domaine?

Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.

M. Coutu: Je pourrais laisser M. Desjardins répondre. Étant donné que cela touche des points de nature juridique, il pourrait donner la réponse à ma place.

Le Président (M. Rancourt): Me Desjardins.

Une voix: ...

M. Coutu: Vous me demandez, à moi, si...

M. Bourbeau: Écoutez! Je peux bien laisser quelqu'un d'autre répondre, mais la question n'est pas de nature juridique. Je pense que c'est une question d'affaires.

M. Coutu: Si c'est une question...

M. Bourbeau: Seriez-vous d'accord avec une déréglementation totale dans le domaine des heures d'affaires?

Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.

M. Coutu: Je crois que, dans mon exposé, c'était assez clair, peut-être d'une façon sous-entendue. J'ai voulu me limiter aux articles de la loi et aux quinze personnes qui étaient mentionnées ici. Si on peut vendre du gin et du whisky n'importe quand, il me semble qu'on pourrait vendre à peu près n'importe quoi n'importe quand. On dit que la Société des alcools pourra vendre à peu près n'importe quand. Je ne vois pas pourquoi, on ne pourrait pas vendre des pintes de lait n'importe où et n'importe quand. Je ne vois pas pourquoi si quelqu'un veut vendre des meubles le soir, parce que... N'oublions pas qu'aujourd'hui - quelqu'un l'a mentionné tout à l'heure - il est facile de magasiner; on travaille 35 ou 36 heures et il en reste 63. C'est vrai et ce n'est pas vrai, parce qu'aujourd'hui les gens travaillent le matin, l'après-midi, le soir et la nuit. Ils travaillent n'importe quand et ils ont congé à peu près n'importe quand. Dans la lettre que nous avions envoyée à M. Biron, on l'expliquait. On disait: Oui, mais il y a une pression des loisirs. Les gens veulent vivre des loisirs. Il n'y a rien qui nous oblige à avoir des loisirs ou à faire du sport seulement le samedi soir et le dimanche, et c'est une très bonne chose. Je vois une libéralisation totale où des gens travailleraient peut-être le dimanche, peut-être les fins de semaine, mais pourraient avoir leurs loisirs le lundi et le mardi, et cela décongestionnerait les centres de loisirs. De plus, si on a tous des heures qui sont similaires au point de vue des affaires, qu'est-ce qui va arriver? On va avoir tous nos loisirs en même temps. En jouissant d'un certain congé hebdomadaire, on oblige beaucoup de gens à travailler, par exemple. Je ne sais pas si on s'est déjà posé cette question. Si tout le monde avait congé en fin de semaine, ce serait la stagnation totale. Si personne ne voulait travailler en dehors des heures, ce serait un imbroblio impensable. Quand un gars dit: Je joue au baseball les lundi, mardi, mercredi, jeudi et vendredi; pas après 17 heures, ce sont des choses aussi... Vous allez me dire que c'est absolument insignifiant; c'est vrai. Mais, si on va au fond du problème, si on ne libéralise pas les heures, si on ne laisse pas le public être le véritable juge - c'est lui qui juge... Aux États-Unis, on est entouré par cela. Si ce n'est pas bon d'ouvrir, qu'il ferme. Si, pour un autre, c'est bon, qu'il ouvre. Ce n'est pas vous autres qui nous avez choisis. On a choisi ce métier-là, un métier de service. Je ne crois pas que ce soit à quelque association que ce soit de dicter au gouvernement des heures d'ouverture et de fermeture. C'est au public. Personnellement, pour répondre à votre question, oui, je serais pour une libéralisation totale des heures. Si c'est bon d'ouvrir le soir, ouvrez le soir. Si ce n'est pas bon, fermez.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je vais pousser ma question un peu plus loin. Vous avez fait état tout à l'heure d'un document, vous nous avez même distribué une coupure de journal faisant état de la volonté des grandes chaînes d'alimentation d'empiéter sur votre domaine. Est-ce que vous seriez également

non seulement pour une libéralisation des heures, mais pour une libéralisation du commerce, ce qui ferait en sorte que les grandes chaînes d'alimentation pourraient vendre des produits pharmaceutiques comme elles le veulent et vous, la même chose, en ce qui concerne les denrées alimentaires?

Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.

M. Coutu: Si elles peuvent faire mieux que moi, tant mieux pour le public. Je n'ai plus de raison d'exister. C'est la dure réalité du commerce et du commerçant. Si je dois demander, quémander des faveurs, des heures spéciales pour pouvoir vivre, je ne mérite pas d'être un bon commerçant.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Votre argumentation, c'est un hommage à la libre entreprise. Je suis entièrement d'accord avec la libre entreprise et je pense que c'est la philosophie de notre formation politique, sauf que tout cela est basé sur une chose, l'intérêt du consommateur. Vous avez dit tout à l'heure, lors de votre présentation et je vous cite: "Je suis au service des consommateurs". Je pense que je vous cite au texte. Nous, les hommes politiques, avons tendance à penser que consommateur égale électeur. C'est un langage auquel on devrait normalement être très sensible. Mais des associations de consommateurs viennent nous voir. Ce sont les gens sur lesquels est assis votre commerce. Ce soir, il y en a une qui va se présenter à la commission; elle nous a remis son mémoire. C'est l'Association des consommateurs du Québec, qui ne recommande pas au gouvernement d'ouvrir le dimanche. Comment pouvez-vous expliquer la position d'un groupe spécialisé dans la défense des consommateurs face à votre propre affirmation, à savoir que vous rendez service au consommateur, enfin, que vous vous assoyez sur les consommateurs?

Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.

M. Coutu: La réponse, ce n'est pas moi qui vais vous la donner. Depuis le début de cet après-midi, vous l'avez déjà eue. Quelqu'un, ici, a dit: Le dimanche, c'est notre meilleure journée. Quelqu'un a dit cela, ici, tout à l'heure. Je ne sais pas qui. Il a dit: La meilleure journée. Une association de consommateurs vous dit: On ne veut pas ouvrir le dimanche. Ils disent cela, mais ils vont acheter quand même parce que, maintenant et dans notre propre groupe, le dimanche est la troisième, la deuxième ou la meilleure journée de la semaine. Il y en a qui disent: Oui, mais c'est parce qu'ils sont fort peu nombreux, ceux qui ouvrent le dimanche. Ouvrez. Je crois que ce serait beaucoup plus normal de fermer le lundi, quand tout le monde est fatigué et travaille que de fermer le dimanche, alors que le père, la mère et les enfants peuvent rarement être ensemble pour faire du magasinage. Je parle d'une façon générale. Je ne parle pas au point de vue d'un pharmacien. Le samedi, les fins de semaine, le dimanche, c'est un temps idéal, en famille, surtout quand il pleut. Allez aux États-Unis. Je pense que tout le monde va aux États-Unis, même les députés et les ministres. Le dimanche, le soir, lorsqu'il pleut, les centres commerciaux regorgent d'individus. Pourquoi? Parce que c'est plus agréable d'aller là que de regarder tomber la pluie sur le balcon. Je crois que ceux qui vont juger que c'est nécessaire d'ouvrir le dimanche ouvriront même si les associations de consommateurs disaient: Non, n'ouvrez pas le dimanche. Est-ce qu'ils représentent réellement l'avis des consommateurs? Comme groupes, peut-être, ils vont vous dire cela. Aussitôt que quelqu'un va ouvrir le dimanche, faites des tests. Chaque fois qu'un gars ouvre le dimanche, c'est toujours un succès. J'ai rencontré quelqu'un, l'autre jour - je crois que c'était un député - qui m'a dit: Les marchés aux puces, c'est effrayant le succès qu'ils ont le dimanche; on a des problèmes avec cela, parce que c'est difficile de percevoir les taxes. Les marchés aux puces sont censés vendre des choses usagées. Vous en parlez dans votre projet de loi. Ce n'est pas la question de mettre deux ou trois chaises antiques en avant et d'avoir 500 000 $ de stock neuf en arrière qui va lui permettre d'ouvrir continuellemenmt. Par contre, les marchés aux puces, c'est un succès extraordinaire et cela se passe surtout le dimanche. Il y a certainement, dans le public consommateur québécois nord-américain - la preuve est faite - un goût d'acheter le dimanche. Si les gens ne veulent pas acheter, pourquoi ne pas leur donner la chance de ne pas acheter en étant ouvert? S'ils n'achètent pas, on fermera. Mais pourquoi dire: Vous allez fermer et le public consommateur ne pourra pas acheter? C'est entendu que, si on est fermé en vertu d'une loi et que cela coûte 5000 $ d'amende et 10 000 $ la deuxième fois, il n'y a pas un gars qui va ouvrir. Est-ce que c'est cela que le public veut? Il me semble que c'est votre rôle de juger.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Pourtant, un sondage Gallup a été fait à l'automne 1983 qui indiquait qu'au Québec il y aurait, semble-t-il, selon les statistiques, les chiffres qu'on nous a remis, seulement 39% des Québécois qui souhaiteraient qu'on ouvre le dimanche.

Qu'avez-vous à répondre à cela?

M. Coutu: D'abord, il va y avoir 39% des marchands qui vont ouvrir le dimanche. Les autres vont juger que ce n'est pas nécessaire et ils fermeront. Cela va dépendre des marchands et du genre de marchandises qu'ils vont vendre. Il y a des choses, monsieur... Je m'excuse, je sais que vous êtes député, mais je ne sais pas votre nom.

Une voix: M. le député... M. Coutu: M. le député... M. Bourbeau: Mon nom, c'est Bourbeau.

M. Coutu: II y a des achats... On va faire des farces. Dans notre chanson, on dit: II y a des achats, on s'en rend compte, qu'il vaut mieux faire aux Pharm-Escomptes. Il y a des achats qui sont impulsifs. Tout à l'heure, M. le ministre Biron a dit: Écoutez! M. Coutu, vous ne pouvez toujours bien pas m'expliquer la vente d'une caméra le soir ou les fins de semaine. C'est peut-être plus facile à expliquer qu'on peut le penser. Croyez-vous sincèrement qu'un produit, comme une caméra... De toute façon, ceux qui en vendent les fins de semaine, que ce soient des tabagies, des "variety stores" ou des pharmacies, en général, ce sont des caméras de peu de qualité et peu dispendieuses. Je vais vous expliquer à peu près la situation. Il y a une petite fête de famille; on fête le grand garçon ou la grande fille qui a sept ou huit ans. On fait un gâteau. La mère trouve qu'elle est bien habillée et elle dit: II faudrait prendre des portraits. Aux Pharm-Escomptes Jean Coutu ou chez un autre ils vont acheter une petite caméra de 18 $ ou 20 $. Ils retournent à la maison, ils prennent des portraits et, bonjour, c'est fini. Croyez-vous qu'on a réellement enlevé une vente à un spécialiste en photographie? Je ne pense pas que, le lendemain, la famille serait allée acheter un Nikon et aurait dit: On recommence la fête. C'est un achat impulsif. C'est un peu cela que nous avons et que nous vendons, comme les dépanneurs, comme les "variety stores", comme ce qu'on appelle les petits marchands, ceux qui ont des tabagies. On est sévère pour nous, mais je peux vous dire que, dans des pâtisseries, on vend des ensembles à fondue qui sont beaucoup plus gros que la main et qui valent plus de 20 $. Par contre, est-ce que le fait de vendre de la crème fouettée nous donne le droit de vendre des ensembles à fondue à 100 $? Je ne le sais pas, je ne peux pas y répondre.

On dit que 39% du public veut avoir l'ouverture le dimanche. Pourquoi ne pas la lui donner? Est-ce que vous croyez que les 61% qui restent vont nous poursuivre parce qu'on est ouverts? Non. Ils sont neutres. Ils sont anonymes. Cela ne leur fait rien. C'est une majorité silencieuse. Ils acceptent. Mais les 39% qui en veulent, pourquoi ne pas les gâter?

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte. (17 h 45)

M. Bourbeau: J'ai une dernière question, parce que je ne veux pas prendre tout le temps. Que pensez-vous de l'argument qu'on a entendu à maintes reprises ici depuis deux jours, quand la grande majorité des petits commerçants nous dit ceci: Si on laisse certains commerces comme les nôtres ouvrir le dimanche, si on ne veut pas perdre notre marché - enfin, ce qu'on entend dire, c'est qu'il y a un marché, au Québec, dans une région donnée ou dans une province donnée, il y aurait un marché qui existe, qui est plus ou moins élastique, mais surtout dans l'alimentation, de toute façon, qui ne l'est pas du tout, en vertu du principe qu'on ne mange que trois fois par jour, tout le monde, et comme on est 6 000 000, donc cela fait 18 000 000 de repas par jour - et puis, il y a une masse d'aliments qui vont se consommer dans une journée, dans une semaine. Si on augmente les heures de 30%, il ne s'en consommera pas plus, mais cela va être sur une plus longue période de temps. Donc, ces gens nous disent: Si on permet une déréglementation, une ouverture la fin de semaine et le dimanche, nous allons être obligés de suivre, si nous ne voulons pas crever, pour garder notre part du marché. Or, à ce moment-là, cela veut dire que nos employés devront travailler le dimanche. Le petit propriétaire, qui travaille avec sa femme et en famille, va devoir travailler sept jours sur sept; il n'aura plus de vie de famille, il ne pourra plus se reposer. Il y a même les évêques, je pense, qui ont fait une intervention en disant que la cellule familiale pourrait éclater et ainsi de suite. Enfin, on avance ce genre d'argument. Je vous pose donc une question: Qu'est-ce que vous avez à répondre à cette objection des petits détaillants, de vos compétiteurs, qui prétendent que, pour faire plaisir à une minorité de consommateurs, on oblige l'ensemble des petits détaillants, pour survivre, à ouvrir des heures très longues, ce qui rend la vie familiale et personnelle très difficile à vivre?

Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.

M. Coutu: Monsieur, vous avez vous-même, je crois - est-ce qu'on s'entend bien? - donné la réponse il y a quelques instants. Le réel danger - parce que vous restez toujours dans l'alimentation, n'est-ce pas, on ne parle pas des vendeurs de meubles - pour le petit dépanneur - ce qu'on appelle vulgairement ici, en Amérique du Nord, le

"Mum & Pop Store" - croyez-vous qu'il vient des 72, ou 73, ou 75 pharmacies Jean Coutu dans la province de Québec? Je vous ai dit, tout à l'heure, d'où il venait.

Maintenant, à l'intérieur d'une loi, que je comprends mais dont l'application me semble avoir été pas mal contournée, il s'est développé, au cours des dix dernières années, 500 à 600 dépanneurs rattachés ensemble en associations dans tout le Québec. Je reviens à ce dont je vous ai parlé tout à l'heure. Prenez un petit village ou une petite ville, vous avez deux ou trois "Mum & Pop Stores". Vous avez un dépanneur bien organisé qui arrive et qui est subventionné par des compagnies de distribution alimentaire. Il est bien organisé. Cela ne me scandalise pas mais je réponds à votre question. Lui va faire du tort aux deux ou trois "Mum & Pop Stores" dans un village ou une petite ville. Je crois qu'il va les faire fermer; parce qu'ils vendent la même chose, exactement la même chose. Tandis que nous, on se sert de cela pour subventionner une présence pharmaceutique que tout le monde veut avoir. Mais nous en avons besoin pour vivre; la preuve: ceux qui ne font pas comme nous ferment ou opèrent moins longtemps. Et je veux vous répondre là-dessus en vous disant que, dans la province de Québec, depuis le symptôme des grandes pharmacies, le nombre des pharmacies a monté quand même. Dans le même rapport de la Banque Nationale que je vous citais tout à l'heure, il a monté, peut-être pas d'une façon spectaculaire, mais environ de 250 au cours des dix dernières années. Mais ce qui est arrivé, c'est que la présence pharmaceutique a diminué.

J'ai commencé mon exposé en vous disant que, autrefois, lorsque j'ai commencé en pharmacie, c'était de 8 heures à 23 heures. Il y avait un pharmacien par coin de rue dans toute la province de Québec. Aujourd'hui, il y a un peu plus de pharmaciens, il y a un petit peu plus de population. Mais ils sont moins présents. Ils sont là le matin, l'après-midi et ils ferment de bonne heure le soir. Les fins de semaine, ce n'est pas rentable. Un pharmacien a le droit d'avoir un salaire raisonnable. Comment voulez-vous que quelqu'un subventionne une présence pharmaceutique pour cinq ou six ordonnances dans la soirée? Par contre, il y a peut-être une vingtaine ou une trentaine d'appels téléphoniques demandant: Écoutez, je ne suis pas capable de rejoindre mon médecin, mon petit bébé a ceci, mon petit bébé à cela. Cela, c'est du dépannage pharmaceutique et professionnel gratuit, bénévole. Et c'est ce à quoi les pharmaciens sont condamnés. Si nous n'avons pas un arsenal, une grande variété de produits pour subventionner cette présence, que vous voulez vous-même et que moi aussi je veux, on nous condamne à opérer durant de petites heures. Là, cela va venir que, en fin de semaine, il ne faudra plus jamais être malade. Certains soirs de la semaine, il ne devra même pas avoir une petite attaque de grippe, sinon, que va-t-il arriver? Et c'est ce qui me surprend, le dépanneur, avec la complicité de beaucoup de compagnies pharmaceutiques, tient des produits para-pharmaceutiques qui touchent d'assez près à la pharmacie. Il les vend plus cher et il n'y a personne, aucune présence, capable d'en expliquer les effets. C'est ma réponse.

M. Bourbeau: Merci. C'est tout pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Coutu, votre mémoire est provocant et il fait réfléchir. Il a au moins le mérite de nous ébranler dans les réflexions que nous avons faites jusqu'à maintenant, à la suite des mémoires qui nous ont été présentés. Ce qui m'a frappé le plus, c'est surtout les bas prix que vous affichez; vous nous avez donné des prix. On peut bien parler, comme vous l'avez dit, du bien des consommateurs, mais, finalement - et pour le bénéfice du journal des Débats, étant donné que le journal des Débats n'enregistre pas les documents que vous nous avez fait circuler -je vais seulement insister sur quelques prix. Je prends pour acquis qu'il est impossible pour quiconque de contester les chiffres que vous nous avez donnés. Enfin, vous donnez les chiffres ici, vous faites des comparaisons entre Pharm-Escomptes et les supermarchés et les dépanneurs. Ainsi, Jean Coutu et Provigo. Il en coûterait pour un même achat 182,73 $ chez Jean Coutu et 200,99 $ chez Provigo. Pour 46 produits, il en coûterait 91,19 $ chez Jean Coutu et 116,01 $ chez Provisoir.

Il est bien évident que, finalement, le consommateur y gagne, d'une part, quant aux prix, quant au choix qu'il peut faire et quant aux heures d'ouverture, puisqu'il peut s'y rendre à peu près n'importe quand. Plusieurs sont venus avant vous nous dire que, s'ils devaient ouvrir de plus longues heures - et j'imagine que l'argumentation peut varier d'un type de marchand à un autre, du moins en ce qui concerne les différents types de détaillants - ils devraient augmenter leurs prix et, en conséquence, que les consommateurs en paieraient la différence. C'est pour cela que je dis que votre mémoire est provocant mais qu'il fait réfléchir, parce que, là, vous nous faites une démonstration; je pense bien que certains d'entre nous savaient - ceux qui vont dans vos magasins -que, malgré le fait que vous ouvrez durant les fins de semaine et très tard le soir, finalement, le consommateur y gagne, puisque vos prix sont inférieurs.

II est certain que cela fait réfléchir, puisqu'on peut examiner ce problème et, comme le disait mon collègue de Laporte, on peut l'examiner de différentes façons. On peut le regarder sur le plan politique en disant que beaucoup d'associations et de gens voudraient que nous promulguions une nouvelle loi qui protège certaines heures d'ouverture et de fermeture. On peut aussi le regarder sur le plan économique et, si vous le permettez, je vais le regarder sur le plan économique, parce que tout le monde au Québec parle de plus en plus de compétitivité, d'ouverture sur le monde; l'argumentation que vous avez développée, on pourrait peut-être la développer également dans d'autres secteurs de l'économie. Comme il est impossible, même dans des domaines où les nouvelles technologies ont des impacts, de se défendre totalement contre ces nouvelles technologies qui nous viennent de l'étranger, je pense qu'au Québec on devra accepter de plus en plus d'avoir une philosophie où la compétitivité est une règle respectée et qu'il faut affronter de plein fouet.

Vous nous avez dit, dans le fond, et c'est ce qui m'a frappé - nous en avions et j'en avais moi-même fait état ce matin -que, d'une part, la raison pour laquelle les dépanneurs ont pu se développer, c'était à cause de cette règle de 1969 ou 197D qui permettait à un petit dépanneur - et j'imagine que, dans l'esprit de la loi à ce moment, il s'agissait du petit dépanneur indépendant - d'ouvrir le dimanche. J'imagine que quelqu'un a trouvé que c'était là une formule intéressante et l'a exploitée; on s'est organisé en association; on a développé à partir de là des commerces très florissants, qui donnent un bon service à la population et répondent aux voeux d'une bonne partie de cette population.

Comme vous l'avez souligné, ces structures corporatives font qu'un produit est vendu un jour de semaine à un certain prix et que le même grossiste, par l'entremise d'autres détaillants, le vend plus cher le soir et durant la fin de semaine. Vous avez également fait allusion à l'expérience européenne et je crois que, là, on peut facilement voir le danger de développer ou d'avoir une réglementation qui, finalement, fait en sorte que le consommateur doit payer plus cher. Et si cette formule-là est appliquée même dans d'autres secteurs - là, je sors du commerce, pour toucher à l'industrie et tout cela - on établit des règles qui font qu'on peut devenir facilement de moins en moins compétitif face à la concurrence dans le monde. Comme de raison, dans le domaine du commerce, c'est plus local. La compétition d'un commerce se fait à l'échelle locale, à l'échelle d'une ville ou à l'échelle d'une province. Peut-être que, plus tard, votre formule vous permettra d'aller dans d'autres provinces.

Mais c'est pour cela que je disais que cela faisait réfléchir. Je me demandais si -je crois qu'en réponse aux questions de mon collègue de Laporte, vous l'avez dit très clairement - d'après vous, on devrait s'orienter vers une formule qui nous permettrait d'être plus compétitifs dans l'avenir. Deschamps dit dans un monologue: "Moi, mon petit n'est pas intelligent, je suis obligé d'y faire attention." Il reste que la règle ne peut pas être suivie par tout le monde de la même façon. Je pense bien que vous le comprenez, mais vous avez fait une très bonne campagne pour défendre votre formule. Il reste qu'il y a des gens qui n'ont pas eu votre dynamisme pour organiser des chaînes comme vous en avez organisé; ils exploitent un commerce; ils veulent quand même bénéficier d'une structure qui leur a permis de vivre jusqu'à maintenant et voudraient que la même formule se perpétue.

Je crois bien que, pour le législateur, c'est de favoriser, d'une part, de nouvelles expériences comme la vôtre, qui permettent au consommateur d'avoir de meilleurs prix et de démontrer que ces nouvelles formules peuvent assurer le bienfait du consommateur, et, de l'autre côté, de permettre au commerçant qui avait fonctionné d'une certaine façon jusqu'à maintenant de pouvoir dans une certaine mesure continuer de le faire. En établissant un équilibre entre ces deux formules, compte tenu du fait, je pense bien, que ce n'est pas tout le monde qui s'appelle Jean Coutu au Québec, que ce n'est pas tout le monde qui pourrait faire ce que vous avez fait, il faut quand même qu'il y ait une certaine formule d'adaptation. Vous avez répondu à mon collègue de Laporte, tout à l'heure, que vous étiez pour une libéralisation complète; je ne sais pas si vous avez voulu dire du jour au lendemain. Il reste, je pense bien, que, en pratique, on doit se rendre à l'évidence que tous les pharmaciens ne sont pas des Jean Coutu, que tous les détaillants ne sont pas non plus des Jean Coutu et que ce ne serait pas possible à tous et chacun d'être aussi dynamiques que vous l'avez été.

C'est pour cela que, pour ma part, quoique étant bien sensible à l'argument économique, puisque le même argument économique devrait se refléter dans le domaine industriel, dans le domaine de la technologie et dans le domaine de la compétitivité face à l'Amérique du Nord, je crois que, par ailleurs, le législateur a également une protection à donner à ceux qui ne sont pas prêts, du jour au lendemain, à affronter une école de pensée qui est totalement différente de celle que vous avez défendue très brillamment cet après-midi. Je me demandais si vous aviez des réflexions à ce sujet.

Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.

M. Coutu: Merci. Vous m'avez entraîné sur un chemin... Je dois vous dire que, lorsque vous mentionnez "Jean Coutu, Jean Coutu", je ne suis qu'un jeton dans la grande organisation qu'est la nôtre, à laquelle participent intensément 2500 employés, qui me sont d'une nécessité absolue. Loin de moi l'idée que cela s'est fait seul. Je dois vous dire que, par notre structure de travail, nos 2500 employés y participent d'une façon totale. Pour mentionner simplement un petit chiffre, nous avons fait une enquête chez nos employés et même si on travaille le soir et les fins de semaine, 85% de nos employés étaient satisfaits de leur genre de travail. C'est pour dire qu'eux aussi ont des familles, eux aussi ont des obligations, eux aussi aiment être en famille, eux aussi aiment jouer de la musique, magasiner, voyager. Mais il ne faut pas oublier une chose non plus: c'est que, dans un contexte comme le nôtre, si des fois vous travaillez les fins de semaine et les soirs, vous avez congé à des moments où tout le monde travaille, vous pouvez avoir congé le mardi en matinée et en après-midi. Vous pouvez avoir congé le mercredi soir et le jeudi en matinée et en après-midi, ce qui fait que, peut-être, parmi nos employés, on a des joueurs de golf extraordinaires. Ils ont souvent congé l'après-midi, chose qui est peut-être difficile pour des gens qui sont dans un métier du matin jusqu'au soir. (18 heures)

Je comprends votre insistance et je dois vous dire que, par contre, j'accepterais qu'il y ait une gradation, parce qu'il n'est jamais bon de passer d'un extrême à l'autre, mais je crois que la tendance actuelle, c'est une espèce de marée irrésistible, il va falloir se diriger vers un libéralisme au point de vue commerce, parce que la vie nord-américaine nous fait vivre à toutes les heures du jour, du soir et de la nuit. Autrefois, on était condamné à avoir faim le matin, le midi et le soir et, aujourd'hui, on mange à peu près n'importe quand; ce n'est peut-être pas bon pour la santé malgré que, pour nous, ce n'est pas mauvais pour la santé que ce soit difficile à digérer - sans faire d'humour - on vit un peu de cela. Il y a une chose qui est importante...

M. Bourbeau: De toute façon, vous vendez des médicaments, alors, si vous êtes malades, il n'y a pas de problème.

M. Coutu: Les gens disent: D'un côté, il vend du chocolat et, de l'autre côté, il vend des produits pour faire maigrir; on a les deux côtés. Soyez assuré que je comprends la situation. Mais, à long terme je crois que la formule que nous avons mise de l'avant, qui n'est pas unique, mais qui est un reflet de la vie nord-américaine, est une formule irrésistible car, lorsque vous donnez le choix à la clientèle, au consommateur, c'est une formule qu'il choisit toujours.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Juste une dernière question, puisque le temps avance, malgré que votre mémoire est extrêmement important. La loi existante a été promulguée le 1er janvier 1970 et elle avait été adoptée par le Parlement en 1969. À ce moment, il avait été décidé, à la suite d'une très large consultation, de ne pas revenir à des temps révolus où c'était chaque municipalité qui établissait les heures d'ouverture. Je dois avouer que, après des échanges avec plusieurs personnes ici, il me semble que, dans la mesure où on a besoin d'une loi, dans la même mesure, je crois qu'il serait préférable que la loi soit provinciale plutôt que municipale.

J'aimerais quand même vous poser la question, étant donné que vous avez des magasins partout dans la province. Vous venez de nous dire qu'on vit maintenant 24 heures par jour; j'imagine que, dans certaines petites municipalités, ce n'est peut-être pas le cas. Peut-être que ce que vous venez de dire est plus vrai à Montréal, c'est peut-être plus vrai dans certaines grandes villes. Si le législateur devait permettre une certaine libéralisation, ce doit être sans se créer nécessairement de problèmes vis-à-vis des communautés de plus petites villes pour qui, le fait que les magasins soient fermés le dimanche, cela fait certainement partie de leur code d'éthique, je dirais.

J'imagine que si on allait vers une plus grande libéralisation dans les années à venir, il faudrait prendre en considération les besoins que vous venez de définir mais qui sont différents dans une grande ville comme Montréal et dans une petite ville de province. Vous avez vous-même des établissements dans différentes parties de la province, peut-être pourriez-vous me dire quelles sont ces villes de province et si vous avez perçu des différences substantielles de comportement entre le citoyen, par exemple, de Montréal-Ouest, de CÔte-des-Neiges, et le citoyen d'une plus petite ville en province?

Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.

M. Coutu: M. le député d'Outremont, je dois vous avouer que, de par la structure même de notre organisation, de par la minceur de nos profits, nous ne pouvons pas nous installer n'importe où. Cela nous prend, pour rentabiliser une Pharm-Escomptes Jean Coutu, une certaine densité de population. Donc si je vous cite notre exemple, nous sommes installés dans des endroits où la population, que ce soit à Sherbrooke, à Trois-Rivières, ici à Québec, à Chicoutimi, à

Jonquière, à Rimouski ou à Sept-Îles, constitue des entités qui, en soi, sont assez grandes pour nous permettre d'y bien servir la clientèle. Je dois vous avouer qu'il y a beaucoup d'endroits au Québec où il serait impensable pour nous de nous installer.

Dans les endroits où nous sommes, je peux vous dire que cela se passe comme vous dites: sur la rue Côte-des-Neiges ou ici, à Sainte-Foy, dans la paroisse Saint-Sacrement, ou dans Limoilou. Par contre, comme chacun d'entre nous va toujours à la campagne dans des endroits plus retirés, j'ai remarqué que beaucoup d'individus vivant dans de petites localités se servent souvent de la fin de semaine et d'un temps où, dans son village ou sa petite ville, les commerces sont fermés pour prendre la voiture et aller magasiner dans des endroits où il y a une certaine disponibilité.

Je peux vous dire que, chez nous, dans des endroits comme Sept-îles, comme Rimouski, le dimanche et à certaines heures durant la semaine, c'est l'occasion pour les gens des alentours de venir faire un tour, de venir faire - c'est presque passé dans le vocabulaire familial - son Jean Coutu. Je ne doute pas que cela puisse se dire pour d'autres personnes, mais j'aime mieux garder cela ici, en note, c'est un peu cela. Ma réponse serait que, où nous sommes, je ne vois aucune différence, mais je ne doute pas qu'il y en ait. Et, pour répondre à votre première question, je crois que M. Biron l'a bien explicité tout à l'heure, c'était un fouillis, autrefois, la loi régie par les municipalités. Je crois que c'est la province de Québec qui doit régir tout le monde, quitte, à l'occasion, à faire peut-être écoutez, ce n'est pas moi le législateur -quelques exceptions, peut-être pas pour une ville, parce que, là, il arrive une réaction de chaîne, mais, pour une région. Je crois que le problème serait réglé.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fortier: Je vous remercie.

M. Biron: Je vous remercie. M. le Président, je pense que je vais suggérer que l'on suspende jusqu'à 20 heures. Il faudrait se discipliner ce soir, parce qu'on a quatre groupes à entendre dans le courant de la soirée. Alors, il va falloir être un peu plus efficace que l'on ne l'a été cet après-midi.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures, et j'avise tout de suite les membres que, à 20 heures, ce sera PHARMAPRIX. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 18 h 7)

(Reprise de la séance à 20 h 6)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons les travaux de la commission de l'industrie, du commerce et du tourisme, qui a pour mandat d'entendre les représentations des personnes intéressées par le projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

Nous invitons maintenant le groupe PHARMAPRIX à bien vouloir s'approcher et s'identifier, s'il vous plaît.

PHARMAPRIX

M. Lesieur (Michel): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, nos conseillers juridiques, Mes Norman Montcalm et Yves Raic. Pour l'occasion, trois de nos membres ont bien voulu nous accompagner, trois pharmaciens-propriétaires affiliés aux services PHARMAPRIX depuis dix ans. À l'extrême gauche, M. Jean Quintal, de Chicoutimi, à ma droite, M. Guy Bussières, de Granby, et, à l'extrême droite, M. Yves Garon, de Lévis. Permettez-moi de me présenter; mon nom est Michel Lesieur, vice-président exécutif de PHARMAPRIX.

Le Président (M. Rancourt): C'est bien, monsieur. Vous pouvez entamer la présentation de votre mémoire.

M. Lesieur: En commençant, j'aimerais laisser la parole à Me Montcalm.

Le Président (M. Rancourt): Me Montcalm, vous avez la parole.

M. Montcalm (Norman): M. le Président, M. le ministre et MM. les membres de la commission parlementaire, d'abord un aperçu des 35 membres du système PHARMAPRIX et de leurs entreprises. Nos clients sont tous membres du système PHARMAPRIX, au terme d'un contrat qui leur permet l'usage de la marque de commerce PHARMAPRIX et aussi de recevoir d'autres services qui n'ont pas directement trait à la tenue de leurs pharmacies. Entre autres, nos clients peuvent acheter des produits à prix modiques, puisqu'ils achètent ces produits en grande quantité de leurs 250 fournisseurs. Ils peuvent ainsi revendre ces produits à des prix beaucoup plus concurrentiels et ce, à l'avantage général des consommateurs qu'ils desservent.

Nos clients emploient au total une centaine de pharmaciens dans toute la province ainsi qu'environ 700 autres employés. Ceci ne fait évidemment aucunement état du nombre de pharmaciens et d'employés visés par des contrats pouvant

provenir d'autres systèmes que

PHARMAPRIX.

Depuis onze ans, nos clients ont engagé des sommes très importantes dans la poursuite de leurs entreprises respectives. Qu'on en juge. Ils ont un chiffre d'affaires annuel de 100 000 000 $; des dépenses annuelles, en publicité, de l'ordre de 3 000 000 $; des salaires payés qui s'élèvent à 9 500 000 $; des inventaires dans le système PHARMAPRIX qui s'élèvent à 15 000 000 $ et nos clients font affaires avec 250 fournisseurs.

Nos clients s'opposent à l'adoption de ce projet de loi, tel que rédigé, pour les motifs suivants: 1. ce projet de loi aurait pour effet de mettre un frein à l'évolution du commerce de détail en général et du commerce de produits parapharmaceutiques en particulier, avec le résultat que nos clients devraient concurrencer des commerces de toute nature qui vendent des produits parapharmaceutiques sans toutefois pouvoir eux-mêmes aucunement concurrencer lesdits commerces dans leur domaine respectif; 2. ce projet de loi aurait pour effet de faire disparaître, à toutes fins utiles, l'exception contenue à l'article 5f de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux de 1969 en ce qui a trait aux produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires. Or, c'est en toute connaissance de ce texte législatif que nos clients ont investi des sommes considérables d'argent et de très grandes énergies dans leurs entreprises et leur progression, et l'adoption de ce projet de loi viendrait mettre leurs entreprises en grave péril; 3. ce projet de loi a comme caractéristique importante de manquer de clarté et de précision dans plusieurs des termes et formulations qu'on y retrouve, par exemple, et entre autres: denrées alimentaires; menus articles; produits caractéristiques de son type d'établissement, trois termes qui n'y sont définis nulle part, créant ainsi un état d'insécurité juridique extrêmement nocif à la conduite des affaires et laissant même poindre la possibilité de réglementation future encore moins précise; 4. l'exception prévue au deuxième alinéa de l'article 5 du projet de loi est absolument irréaliste pour une pharmacie moderne qui ne peut évidemment pas fonctionner avec un personnel maximal de trois personnes; 5. nos clients ont bâti des entreprises extrêmement utiles pour les consommateurs, ont créé de nombreux emplois dans tout le Québec et n'acceptent pas que les règles du jeu soient abruptement modifiées à ce qui semble être à leur seul détriment; 6. ce projet de loi est de nature protectionniste et, comme tel, son adoption serait beaucoup plus dommageable que bénéfique en ce qu'il forcerait nos clients à réduire leurs heures d'ouverture, diminuant ainsi les services offerts aux citoyens malades; il réduirait la concurrence avec la conséquence que le consommateur paierait un prix plus élevé pour un nombre important de produits d'usage courant; il provoquerait un nombre certain d'emplois perdus dans les entreprises de nos clients et mettrait aussi en péril grave la survie de leurs entreprises.

Bref, ce projet de loi, s'il était adopté dans sa forme actuelle, créerait une situation de fait inacceptable et intolérable pour nos clients et les consommateurs qui s'y rendent régulièrement depuis onze ans. C'est pourquoi nous concluons au rejet pur et simple du projet de loi 59, tel que rédigé et en ce qui nous concerne.

J'aimerais aussi, pour faire épargner du temps à la commission, puisque nous avons pu entendre la présentation faite par Me Guy Desjardins, à la fin de cet après-midi, mentionner à la commission que nous faisons nôtres toutes les observations qui ont été faites par Me Desjardins au nom de Pharm-Escomptes Jean Coutu sur le plan juridique. On va s'abstenir de les répéter. Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je veux vous remercier de votre mémoire et surtout de nous aider à passer un peu plus rapidement, ce soir, à travers d'autres mémoires et d'autres groupes. Je vous remercie d'une façon particulière d'être ici. Je veux juste vous poser quelques questions sur lesquelles on n'a pas eu d'éclaircissements de la part d'autres intervenants avant vous.

Au quatrième point, vous mentionnez qu'une pharmacie moderne ne peut évidemment pas fonctionner avec un personnel maximal de trois personnes. Oublions ce qui existe présentement - je pourrais peut-être demander à M. Lesieur de me répondre là-dessus - les 35 qui sont là, admettons qu'on trouve un moyen de régler le cas, pour l'avenir, est-ce qu'il y a possibilité... Vous entendez continuer à délivrer d'autres permis, je suppose; cela marche avec un permis?

Une voix: Sous franchise.

M. Biron: Sous franchise. Est-ce que, pour l'avenir, il y aurait possibilité de dire: Pour la pharmacie et les menus articles, cela fonctionne d'une façon et, quant à la section de l'alimentation, on pourrait la cloisonner d'une façon qui serait acceptable - encore là, je ne veux pas vous mettre des murs de ciment de huit pouces d'épais - et on pourrait fonctionner avec trois personnes en même temps sur le plancher mais pas plus? Est-ce qu'il y aurait possibilité à l'avenir de dire qu'on s'organise de cette façon? Je

remarque, si je fais un calcul rapide de votre personnel, qu'il me semble arriver à ce nombre.

Le Président (M. Rancourt): M. Lesieur.

M. Lesieur: C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre. Je pense que vous avez posé la question cet après-midi à notre confrère, M. Coutu, et on doit sensiblement donner la même réponse. C'est que la pharmacie, de la façon dont nous la concevons, de la façon que nous la pratiquons, est un tout. Il devient très difficile de séparer ou de faire des murs; pratiquement, cela devient très difficile. Je ne vois pas la pharmacie de cette façon.

J'aimerais ajouter - il y a eu, cet après-midi, une présentation très intéressante - que l'orientation de la pharmacie au cours des quinze dernières années s'est faite en réaction aux autres commerces, et je m'explique. Autrefois, il y avait des produits qui relevaient non pas d'une législation mais d'une habitude destinée - si on peut employer cette expression - strictement aux pharmaciens.

Au cours des quinze dernières années -si on se reporte après 1969 - peu à peu, d'autres commerces comme les magasins d'alimentation ont fait leurs ces produits. Comme preuve, vous n'avez qu'à ouvrir un journal, n'importe lequel, et à regarder quelles catégories de produits sont annoncés par les grands magasins; les plus grandes surfaces ne sont pas des pharmacies et vous allez voir que, de plus en plus, elles essaient de bâtir leur commerce sur des produits de soins de beauté et de santé qui étaient autrefois notre pain et notre beurre.

En réaction à cela, les pharmaciens ont été obligés de former des associations, de se regrouper, d'augmenter leur surface, d'augmenter leur sélection de produits pour satisfaire le consommateur, en somme, pour garder leur clientèle. Cela s'est fait en réaction pour arriver à ce qu'on peut appeler aujourd'hui un état de fait. Nous sommes devant le fait... Il y a des pharmacies à grande surface et nous sommes maintenant rendus là.

C'est l'explication que je veux donner à cela. Essentiellement, tout pharmacien, lorsqu'il fait son cours, rêve d'avoir une clinique médicale et de travailler uniquement dans la prescription. Par la force des choses, nos membres, entre autres, sont forcés de devenir des administrateurs, sont forcés de suivre des cours et de développer d'une façon pratique l'administration d'un commerce. C'est un état de fait.

Pour ces raisons, personnellement, je crois que c'est important qu'on puisse conserver notre liberté de manoeuvre dans notre sélection de produits.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je ne sais pas si vous êtes avocat, M. Lesieur, mais vous excellez à ne pas répondre à la question que je vous ai posée. Je recommence ma question parce que... On ne discutera pas ce sur quoi on est d'accord. Nous sommes - il ferait un bon ministre - d'accord que vous puissiez concurrencer les grandes surfaces, que vous vendiez des souffleuses à neige en semaine, durant les heures d'affaires, cela ne me fait rien, cela ne me dérange pas, les autres en vendent. Que les autres vendent des pilules en semaine, on s'entend là-dessus.

La seule chose, c'est qu'en dehors des heures d'ouverture les autres commerces sont fermés. Vous autres vous avez le droit de vendre des produits pharmaceutiques, hygiéniques, etc., tout le monde reconnaît cela, tout le monde est d'accord là-dessus, mais, lorsque vous vendez des produits que les autres n'ont pas le droit de vendre en dehors des heures régulières, c'est là que le problème commence. Je veux dire ceci: Vous n'avez pas le droit de vendre des caméras très dispendieuses, vous n'avez pas le droit de vendre des souffleuses à neige ou d'autres choses en dehors des heures régulières d'ouverture.

Or, vous me dites: Nous avons besoin de plus de trois personnes pour exploiter notre commerce. Je suis d'accord avec vous, mettez-en quinze dans la pharmacie, en dehors des heures d'ouverture, c'est excellent. Par contre, si vous parlez de souffleuses à neige, de caméras ou de choses comme celles-là, je vous dis: Les autres n'ont pas le droit, parce que les détaillants de commerce nous disent, à 80% et même plus: II faut avoir des heures raisonnables de vente de ces produits. Je vais vous retourner à vos gens d'affaires et vous dire: Parlez au moins à votre groupe, entendez-vous ensemble; faites un consensus et vous reviendrez nous voir lorsque vous serez prêts. Mais, à 80%, ils nous disent non, à l'heure actuelle.

Pour l'alimentation, on a de l'ouverture. On peut vous dire maintenant ce qu'on ne pouvait vous dire avec l'ancienne loi. L'ancienne loi disait: Trois personnes au total, incluant le patron. Donc, le pharmacien, la caissière et une autre personne sur le plancher, c'était le maximum. La nouvelle loi fait beaucoup d'ouverture; elle dit: Trois personnes, en même temps, sur le plancher. Le patron n'est pas inclus, c'est un pharmacien. Il n'est pas inclus et il y a trois personnes en même temps sur le plancher.

Je crois, d'après ce que je connais de votre commerce, que vous êtes capables pourvu qu'on ne s'entête pas, et je vous le répète, à vous faire un mur en ciment d'une

épaisseur de six, huit ou douze pouces -pourvu qu'on s'entende avec vous, d'exploiter votre section de l'alimentation avec trois personnes en même temps sur le plancher. Vous n'avez pas le droit de vendre des articles dispendieux tels que des souffleuses à neige, des caméras, etc., d'une façon ou d'une autre, vous n'en avez pas le droit, mais vous avez le droit d'exploiter votre pharmacie avec de menus articles tels de petites caméras qui se vendent moins de 20 $ ou de petites choses comme celle-là, il n'y a pas de problème. Si c'est permis à d'autres, cela vous l'est également.

De ce que je connais de votre commerce, à l'heure actuelle, la loi telle que présentée vous donne le droit de le faire. Vous allez me dire qu'il y aurait peut-être certains réaménagements à faire à l'intérieur. Peut-être. En tout cas, encore une fois, je vous fais la même offre que j'ai faite à M. Coutu: je suis prêt à m'asseoir avec vous et à regarder, pour le passé, avec vos 35 membres, ce qu'on est capable de faire avec eux et, pour l'avenir, qu'on s'organise pour que tout le monde au Québec puisse avoir la même loi et vivre sous le même régime.

Le Président (M. Rancourt): M. Lesieur.

M. Lesieur: Si vous me permettez de vous répondre, ce n'est pas une réponse politique, la question mériterait certainement d'être étudiée. À première vue, de la façon que nous développons nos commerces, nous percevons la pharmacie comme un tout, ou enfin, comme une entité en soi. À ce moment, si on parle de cloisonnement, c'est un problème pour nous. Comme je vous l'ai dit, il y aurait certainement lieu - je pense que cela devrait être fait en collaboration avec votre ministère, ce serait très important, si on allait jamais jusque là - que nous puissions avoir droit au chapitre et que nos observations et nos indications soient suivies. Il y a un état de fait actuellement et on veut changer cet état de fait.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je puis vous dire là-dessus qu'on est venu en commission parlementaire cette semaine avec beaucoup d'ouverture d'esprit, des deux côtés de la Chambre. Des deux côtés de la table, on a dit: Nous voulons écouter les gens et voir, par des observations, peut-être à l'extrême des deux parties, comment on peut faire pour avoir au moins la façon de vivre la plus ordonnée possible par l'entremise des gens d'affaires du Québec. Or, vous pouvez être assurés de notre ouverture d'esprit.

Ce que vous nous dites dans votre mémoire et ce que je connais de votre genre de commerce, c'est qu'il fonctionne assez bien jusqu'à maintenant. Il n'est pas tellement âgé non plus; il ne date pas d'une vingtaine d'années, ni d'une cinquantaine et vous avez des représentants dans toutes les régions du Québec, aussi bien sur la Côte-Nord qu'à Montréal.

Je pense qu'il est important que nous essayions de discuter avec vous pour en venir à une façon de vivre susceptible de répondre aux besoins de la majorité des commerçants du Québec.

Le Président (M. Rancourt): M. Lesieur.

M. Lesieur: Notre organisation veut faire preuve de bonne volonté, c'est évident. Elle l'a toujours fait dans le passé et elle essaie d'être un bon citoyen corporatif. J'aimerais faire quelques autres observations.

Le Président (M. Rancourt): Allez-y!

M. Lesieur: Un point très important n'a pas été signalé cet après-midi: pour se faire connaître, en tant que pharmacie ou en tant que commerce relié à la pharmacie, vous savez sans doute que, dans le Loi sur la pharmacie, il est défendu d'annoncer les produits d'éthique, par règlement de l'Ordre des pharmaciens. Je ne donnerai aucun nom, mais tout le monde est sûrement allé dans une pharmacie et a déjà acheté des produits, que j'appelle d'éthique, vendus, par législation, strictement en pharmacie, parce que, dans certains cas, il pourrait être dangereux d'utiliser ce médicament.

Il est défendu d'annoncer ces produits-là; il est défendu d'annoncer la prescription. Notre part de marché se rétrécit au niveau des soins de beauté et santé. Alors, qu'est-ce qu'il nous reste? Disons que c'est un point qu'il est très important de comprendre. Comme j'ai essayé de l'expliquer, ce n'est pas une excuse et ce n'est pas un bien ou un mal, mais la situation du commerce nous a forcés à fonctionner de cette façon-là. Ce n'est peut-être pas à la base ce qu'on désirait, mais on en est rendu là maintenant. Je pense que c'est un point très important, la façon de faire notre publicité. Nous devons concurrencer les magasins d'alimentation, les grandes surfaces. Au niveau des soins beauté et santé, nous ne pouvons pas annoncer les produits d'esthétique; certaines compagnies de cosmétiques nous limitent dans l'annonce. Alors, il nous reste des produits reliés de près ou de loin au parapharmaceutique ou à l'alimentation. Disons que c'est un point très important.

Aussi, au nom de nos pharmaciens, j'aimerais vous signaler ceci: on est ici et on veut faire des représentations. C'est principalement au nom de nos pharmaciens; ils sont 35 pharmaciens-propriétaires affiliés

au service PHARMAPRIX. Ce sont réellement des entrepreneurs. Donc, ils possèdent un commerce. Ils y investissent beaucoup de temps et d'énergie au départ, disons les deux ou trois premières années, même des fois c'est plus long. C'est absolument difficile. J'ai eu une pharmacie pendant neuf ans. La première année, on était ouvert de 9 heures à 21 heures le samedi et de 9 heures à 18 heures le dimanche. Je me rappelle avoir fait 40 fins de semaine, à part ma semaine régulière, la première année. Alors, c'est à titre d'exemple.

On y investit beaucoup de temps et d'énergie et on essaie de bâtir en considérant les conditions du marché. C'est très important - je pense que vous l'appréciez - que les membres de la commission apprécient ce fait-là. M. Coutu a fait le point, cet après-midi. Il a dit à peu près la même chose en d'autres mots, peut-être d'une façon plus détaillée. Mais c'est très important d'apprécier ce fait-là.

De toute façon, nous croyons personnellement que la pharmacie de l'avenir, c'est la pharmacie à grande surface, c'est la pharmacie avec une sélection de produits très étendue. Je pense que nous rendons - la compagnie comme telle et nos pharmaciens -des services très appréciés de la population. Tantôt, on a dit - je ne sais pas si cela a été noté - qu'on a un million de clients par mois; on a quand même beaucoup de gens qui viennent dans nos pharmacies. Peut-être qu'eux aussi sont de bons juges de notre situation.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Une dernière question, M. Lesieur. Vos pharmacies sont ouvertes, pas 24 heures par jour, je suppose, mais de 9 heures à 21 heures ou après 21 heures; elles sont ouvertes le dimanche aussi?

Le Président (M. Rancourt): M. Lesieur.

M. Lesieur: Rapidement, sans entrer dans les détails, nos pharmaciens ont certains critères de base, mais nos pharmaciens sont des entrepreneurs. Ils font leurs achats. Ils décident de leurs heures d'ouverture. Évidemment, il y a un nombre minimal d'heures; si un membre veut ouvrir de 10 heures à 16 heures, on ne sera pas d'accord. Mais ils décident. Alors, certaines pharmacies, comme celle de notre ami Quintal, depuis onze ans... J'aimerais lui laisser la parole, c'est important. Ces messieurs vivent la situation, je pense.

Le Président (M. Rancourt): M. Quintal.

M. Quintal (Jean): Alors, à titre d'exemple, le jour de l'an et le jour de Noël, il y a des gens qui ont certains malaises le lendemain de la veille; ce serait sûrement difficile de donner le service pharmaceutique à la clientèle si on n'a pas le choix de produits à dispenser. Je pense que c'est essentiel. Mon confrère de classe Jean Coutu l'a dit cet après-midi. Je partage entièrement son avis. C'est qu'il y a beaucoup de services professionnels qu'on donne au niveau de la pharmacie, qu'on offre à la clientèle. Chez moi, ce n'est pas 91 heures, c'est 86 heures, depuis 11 ans, à Chicoutimi. Je ne pourrais sûrement pas, si j'avais une pharmacie à petite surface, ouvrir 365 jours par année et pouvoir vivre et payer d'autres pharmaciens pour m'aider.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Cela veut dire qu'en moyenne vous ouvrez de 9 heures jusqu'à 21 heures, à peu près chaque jour.

M. Quintal: Jusqu'à 22 heures, 5 jours par semaine, et le samedi et le dimanche jusqu'à 18 heures.

M. Biron: D'accord.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je vais laisser la parole à mon collègue, le député d'Outremont. (20 h 30)

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, j'aimerais prendre avantage de la visite des gens de PHARMAPRIX pour en savoir un peu plus. J'ai bien compris la nature de vos doléances, mais j'aimerais savoir si PHARMAPRIX est organisée - elle semble l'être - de la même façon que les Pharm-Escomptes Jean Coutu. Est-ce que, tenant compte de la dimension des surfaces que vous avez, de la nature des produits que vous vendez et de la façon générale dont vous fonctionnez, on peut dire que vous êtes dans le même genre d'affaires, que vous êtes en concurrence, ni plus ni moins? Est-ce qu'il y a des caractéristiques de fonctionnement de votre groupe qu'il serait important de savoir pour le législateur, ou est-ce qu'à toutes fins utiles il s'agit des mêmes problèmes, des mêmes situations et de la même conjoncture?

Le Président (M. Rancourt): M. Lesieur.

M. Lesieur: Généralement, oui. Il y a quelques caractéristiques qui sont différentes. Nous sommes - en quantité - un peu plus

dans les centres commerciaux, et nos 35 pharmacies sont en franchise, ce qui n'est pas le cas des autres organisations. Nous sommes à peu près la seule organisation où tous les membres sont en franchise sauf, peut-être, quelques organisations mineures. À ma connaissance, nous sommes les seuls.

Je pense aussi que la façon dont on travaille, c'est-à-dire dont nos membres font leurs achats diffère; nous n'avons pas de distribution centralisée. Or, pour ce qui concerne la quantité et la sélection de la marchandise, nous avons à peu près la même caractéristique que nos concurrents, Jean Coutu ou d'autres.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Autrement dit, si on sort des produits autres que pharmaceutiques, les produits de beauté, etc., quand on passe aux autres produits, est-ce que la gamme que vous en offrez est à peu près la même?

M. Lesieur: C'est à peu près la même; cela varie cependant d'une pharmacie à l'autre, comme je l'ai dit tantôt, selon la situation. Étant donné l'autonomie que notre entrepreneur a dans sa région où dans sa localité, il peut énormément varier la sélection de sa marchandise. Nous n'avons peut-être pas une sélection de produits aussi vaste que notre concurrent.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je vois que, dans votre mémoire, vous dites que vous avez un chiffre d'affaires de 100 000 000 $; des dépenses annuelles en publicité de 3 000 000 $. Je voudrais vous avouer qu'en publicité cela me semble élevé, mais je ne m'y connais pas beaucoup, c'est 3% de votre chiffre d'affaires. Il s'agit là d'un pourcentage qui me semble élevé, peut-être que je n'ai pas raison de dire qu'il est élevé, parce que votre organisation est nouvelle, ou est-ce le genre d'affaires que vous faites qui vous oblige à faire ce genre de dépenses?

Le Président (M. Rancourt): M. Lesieur.

M. Lesieur: C'est un montant normal. Dans un montant comme celui-là, la moitié est payée par les membres et l'autre moitié, c'est ce qu'on appelle la coop des compagnies qui le paie quand elle veut annoncer un produit. Je crois que c'est un montant normal.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Quand vous dites que c'est normal, si on compare cela à d'autres genres de commerce, c'est à peu près la même chose?

M. Lesieur: C'est la même chose. M. Fortier: Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le ministre. Oui, M. Raie.

M. Raic (Yves): Pour les fins du journal des Débats, mon nom est Raic, et non pas Wreck ou toutes sortes de manières dont on peut vouloir le prononcer. Fondamentalement, ce qu'on a expliqué tantôt du mouvement des pharmacies et de la réaction qui s'est faite dans les pharmacies, c'est que le projet de loi, tel que nous le concevons ou tel que nous le comprenons, a pour effet... Avant de continuer plus loin, peut-être devrais-je préciser notre attitude à nous en résumant un peu l'attitude de M. le ministre, qui nous dit: Fondamentalement, pourquoi est-ce qu'on vous laisserait ouvrir plus longtemps pour vendre les mêmes produits autres que pharmaceutiques et parapharmaceutiques que les autres?

La raison provient du fait, essentiellement, que ce projet de loi, s'il était adopté dans sa teneur actuelle, nous ramènerait, si on veut, en quelque sorte, au même niveau ou aux mêmes heures d'ouverture que les autres. Il oublie fondamentalement que nous sommes astreints à d'autres règles. Tout à l'heure, M. Lesieur les a brièvement évoquées. Ce sont, notamment, les règles qui sont édictées en vertu de la Loi sur la pharmacie et des règlements qui la régissent, notamment les règlements sur la publicité. Par exemple, on ne peut pas annoncer des produits d'éthique alors que d'autres commerçants peuvent le faire. Je donne l'exemple des sirops décongestionnants, que nous ne pouvons pas annoncer mais qui peuvent fort bien se vendre ailleurs et que les autres peuvent annoncer. Nous mettre sur le même pied que d'autres, alors que nous sommes astreints à des règles plus exigeantes, ce serait ne pas fonctionner.

Je dois vous dire, pour expliquer l'attitude générale qui a prévalu chez mes clients au début, quand ils sont venus me voir, qu'on a reçu deux bonnes nouvelles coup sur coup. On a reçu le projet de loi 59, sur lequel il fallait déposer les mémoires avant le 1er février, et on a reçu, pour la simple information de la commission, un projet de règlement, qui est maintenant sur le bureau - j'imagine, enfin - du ministre de l'Éducation, M. Laurin, de l'Ordre des pharmaciens, qui veut en plus, au même moment où l'on discute de ce projet de loi, empêcher les pharmaciens dans toute la

province de Québec, s'il s'en faut, d'utiliser le préfixe ou le suffixe "pharm". On se serait concerté et on n'aurait pas mieux réussi.

Alors, si, en plus de cela, on est astreint à d'autres règles, si les autres peuvent vendre les mêmes produits sur lesquels on n'a même pas le droit de faire la même publicité, je pense qu'on va nous remettre dans une situation encore pire que celle qui prévalait avant que les pharmaciens sentent le besoin de lancer la formule. Mais la formule qui existe aujourd'hui n'existe pas uniquement chez Jean Coutu, chez PHARMAPRIX, chez UNIPRIX, chez n'importe qui; elle existe chez tous les pharmaciens indépendants. Il s'agit de tout le monde. Il s'agit de 1200 pharmaciens indépendants, qui ont tous la même formule, qui sentent tous le besoin de vendre des produits et qui ont tous bénéficié de la loi telle qu'elle existait avant.

Peut-être que la loi actuelle a créé une espèce de - entre guillemets - "affirmative action" pour pharmaciens, en quelque sorte. Si on adoptait le projet de loi actuel - et on est bien heureux de l'ouverture que nous a faite M. le ministre tantôt - tel qu'il est rédigé à l'heure actuelle, on nous met dans une situation pire qu'un dépanneur ou un commerçant ordinaire dans la mesure où il y a d'autres règles qui s'appliquent à nous et qui ne s'appliqueraient pas à eux. C'est ce qui fait que les pharmaciens ont pu prospérer aujourd'hui, comme l'a démontré, avec beaucoup de brio d'ailleurs, l'intervenant précédent, M. Jean Coutu.

C'étaient les remarques additionnelles que je voulais faire.

Le Président (M. Rancourt): Merci. M. le ministre.

M. Biron: M. Raic, je vous remercie de vos remarques. Cela me fait encore mieux comprendre, dans le fond, que votre mémoire a été préparé avec une nette vision du projet de loi. On aurait peut-être dû se rencontrer avant et en discuter un peu plus. Je suis persuadé, à la lecture de votre mémoire et devant l'exposé surtout de la situation de vos membres - les 35 membres -que le projet de loi 59, si on en discute, vous offre une marge de manoeuvre qui vous permettrait, à l'avenir, en tout cas de fonctionner. Mais, encore une fois, je vous fais la même offre que j'ai faite à M. Coutu précédemment: nous sommes ici pour vous écouter d'abord, réfléchir sur le dépôt de vos mémoires et sur vos interventions. Et, entre cette réflexion et une décision qui devrait nous amener à l'adoption d'une nouvelle Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, je suis prêt à rencontrer votre groupe et à discuter avec vous pour voir s'il n'y aurait pas d'autres accommodations qu'on pourrait faire, toujours en tenant compte aussi des interventions d'autres intervenants dans le secteur du commerce de détail.

Le Président (M. Rancourt): M. Raic.

M. Raic: Je ne sais pas si c'est bien fondé d'adresser une question au ministre, mais avez-vous une vague idée de la marge de manoeuvre que vous avez en tête, à peu près?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je ne sais pas si vous avez entendu d'autres mémoires ou si vous avez pris connaissance d'autres mémoires, particulièrement de l'Association des détaillants en alimentation, ou si vous avez lu le mémoire de l'Association des petits commerçants québécois, ou le mémoire du Conseil québécois du commerce de détail, vous avez là quand même une idée d'où la très vaste majorité des commerçants québécois veut aller. À partir de là, je suis disposé à vous rencontrer et à discuter avec vous pour voir comment on peut faire en sorte que votre groupe puisse s'insérer à l'intérieur de la loi, mais avec toute la flexibilité qu'on peut y apporter. Lorsque vous parlez d'une libéralisation du commerce sous toutes ses formes, je suis un fervent de cela, naturellement, mais toujours en mettant certaines normes qui font en sorte que les gens puissent vivre le plus convenablement possible à l'intérieur de ces normes.

Je vous remercie d'être venus et je vous remercie surtout de vous être axés directement sur des points qui n'avaient pas encore été discutés jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Rancourt): Donc, on remercie le groupe PHARMAPRIX. S'il vous plaît! S'il vous plaît! Nous allons demander à l'Association des marchés publics du Québec de prendre place à la table et de présenter ceux qui la représentent.

Association des marchés publics du Québec

M. Laforest (Gilles): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Je vais vous présenter nos représentants. À ma gauche, M. Jean Rizzuto, du Marché public 440, Laval, qui est notre vice-président; M. Maurice Corey qui est le représentant des marchands du Marché public 440, à Laval; à mon extrême droite, M. Noël Charland, marché en construction à Québec Les Halles Fleur-de-Lys, à ma droite, M. Antoine Geloso, vice-président qui représente le Marché Saint-Léonard; moi-même, Gilles Laforest, je représente Les Halles de Longueuil, et je suis président de

l'association qui vous rencontre ce soir, et, finalement, Me Denis Boudrias, conseiller juridique, qui va vous présenter notre mémoire.

Le Président (M. Rancourt): M. Boudrias.

M. Boudrias (Denis); M. le Président, M. le ministre, je ne voudrais pas relancer le ministre mais un ancien député de l'Assemblée nationale devenu juge à la Cour d'appel, Antoine Rivard, avait déjà dit un jour, en boutade: Lorsque vous témoignez devant une cour ou devant une commission parlementaire, vous dites la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, votre avocat dira le reste. Je ne sais pas si c'est dans cet esprit que le président de l'association me demande de faire la présentation du mémoire...

M. Laforest: C'est toute la vérité.

Le Président (M. Rancourt): C'est M. Laforest, cela.

M. Boudrias: Je vais tenter non pas de vous lire le mémoire, mais de vous en donner les points principaux. Comme association, nous partons de loin, l'association est toute récente, elle n'a été incorporée, comme compagnie québécoise sans but lucratif, qu'au cours des dernières semaines. C'est ce qui explique que nous n'avons pas participé à la consultation qui a été faite par le ministre l'an dernier.

Étant arrivés un peu tard dans le débat, nous avons voulu participer d'une façon pleine et entière à cette commission parlementaire et suivre son déroulement à compter du début, pour nous aussi, nous faire une bonne opinion des autres positions défendues par les groupes qui sont venus devant vous jusqu'à maintenant. Nous savons qu'il est important pour nous de voir ce que les autres avaient à dire, de voir vos réactions, MM. les membres de la commission, pour ensuite arriver avec une position plus à point, qui ne fasse pas redondance avec des choses déjà dites, et vous présenter peut-être une réaction à ce que nous avions entendu.

Qu'est-ce que l'Association des marchés publics? C'est une association qui regroupe actuellement tous les marchés publics que l'on retrouve au Québec. Il y en a neuf qui sont construits et en opération et cinq qui seront en opération très prochainement, au cours des mois qui viennent. À l'annexe A de notre mémoire, vous avez la liste de tous ces marchés autant ceux qui sont en opération que ceux qui ouvriront bientôt.

Que sont les marchés publics? Les marchés publics sont un regroupement de petits détaillants, tous indépendants, petits producteurs agricoles qui, plutôt que de vendre leurs produits aux producteurs agricoles chez eux ou de les vendre aux grandes chaînes d'alimentation, ont décidé de se regrouper sous un même toit pour offrir aux consommateurs un plus grand choix de produits frais et aussi de produits d'alimentation un peu plus raffinés, des produits fins, des épices, des pâtes, des choses un peu plus spéciales.

Qu'est-ce qu'on retrouve dans les marchés d'alimentation? Qu'est-ce qu'un marché? Est-ce que c'est une bâtisse tout simplement? C'est beaucoup plus que cela. Dans un marché, on retrouve de l'âme, on retrouve de la tradition. Dans le fond, aujourd'hui, on retrouve dans le marché public ce qu'on retrouvait dans nos marchés, dans nos villes et villages il y a 25 ou 50 ans. J'écoutais l'Association des expositions agricoles - je ne sais pas si c'est comme cela qu'elle s'appelle - j'écoutais Me Jules Allard et les représentants de l'association, qui nous parlaient du folklore autour des expositions agricoles; on pourrait en dire autant des marchés publics. J'ai été élevé à Saint-Jean-sur-Richelieu, où il y a encore un marché depuis 104 ans au moins. À côté de chez nous, à Saint-Hyacinthe, il y en a un aussi.

Partout au Québec, dans le fond, il y avait des marchés où les producteurs de la région se regroupaient différents jours de la semaine et venaient présenter leurs produits aux consommateurs. C'était un lieu de rassemblement et de rencontre. On y rencontrait le maire, on y rencontrait le président de la commission scolaire, son voisin, tout le monde, dans le fond. (20 h 45)

Une voix: Le député.

M. Boudrias: Le député aussi. Combien de députés, messieurs, se sont fait élire parce qu'ils ont été présents à leur marché public durant quatre ans? Je pense que, comme vous le dites, M. le député... Quel est votre comté? Vous êtes M. O'Gallagher.

M. O'Gallagher: Oui. Le Marché de l'Ouest.

M. Boudrias: C'est Robert Baldwin. C'est ce que je cherchais. Le Marché de l'Ouest, c'est dans votre comté, effectivement. C'était un lieu où tout le monde essayait de se retrouver...

Des voix: ...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Boudrias: J'aimerais parler d'un sondage que nous avons fait. Je dois avouer que cela ne donne pas les tendances

électorales, malheureusement.

Une voix: Heureusement pour eux!

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Boudrias: Qu'est-ce qu'on retrouve dans un marché public? Dans la revue L'alimentation au Québec du mois de décembre 1983, la directrice de la revue disait ceci: "Marchés publics, commerces spécialisés, magasins aux dimensions plus humaines que l'on divise en sus en petites boutiques pour les humaniser davantage, voilà donc que les Québécois redécouvrent la romance, le pittoresque et l'originalité." C'est cela les marchés publics. C'est un retour aux sources et c'est dire aux Québécois: Le marché que vous aviez autrefois en plein air, avec la pluie, toutes les intempéries, vous avez cela maintenant d'une façon plus moderne. Vous retrouvez les viandes qui se vendaient autrefois, mais, maintenant, c'est vendu dans des conditions plus hygiéniques, des conditions beaucoup plus acceptables.

Qu'est-ce que le marché public apporte au consommateur? Il lui apporte des produits frais. On relance la mode des produits frais. Pas qu'il n'y en avait pas ailleurs, il y en a toujours eu ailleurs. Par contre, d'en trouver autant dans un même lieu, bien présentés, cela redonne le goût aux consommateurs des produits frais et il a le choix. Cela me rappelle que dans les villes et villages, autrefois, après la grand-messe, on allait au magasin général où on faisait ses achats pour la journée. On allait aussi à la boucherie à côté qui était ouverte. Cela ne remonte pas à tant d'années que les boucheries étaient ouvertes le dimanche. Déjà, dans ce temps, je me souviens, il y avait au moins quatre ou cinq employés, parce qu'il y avait du monde après la grand-messe, le dimanche. Il fallait servir parce qu'après cela on voulait aller au bord de l'eau, faire autre chose.

Le consommateur a des produits plus frais et il a un plus grand choix. Si vous allez dans un marché conventionnel d'alimentation et que vous voulez vous procurer, disons, des carottes, vous allez avoir une sorte de carottes dans un étalage au prix que la chaîne veut bien vous les vendre. Si vous êtes dans un marché public, l'été, vous allez en avoir quinze qui vont vouloir vous vendre des carottes à des prix différents, de qualités différentes. Vous pouvez les regarder et décider: Voilà celles que je veux à ce prix. Vous avez des produits plus frais. Étant donné la concurrence qui existe entre les producteurs et les marchands qui vendent des produits de même nature, ils doivent vous offrir un produit de meilleure qualité. Quant aux prix, ils ne peuvent pas vous charrier parce que le gars à côté, il en vend lui aussi. La concurrence joue. J'ai aimé les remarques que faisait le député d'Outremont cet après-midi à M. Jean Coutu quant aux prix dans les pharmacies. Dans le fond, on retrouve, dans les marchés publics, une saine concurrence dans les produits d'alimentation qu'on ne retrouve nulle part ailleurs au Québec. Je pense que pour le consommateur, c'est extrêmement sain.

On va parler tantôt d'un sondage qu'on a fait récemment. Cela va vous être déposé ce soir. L'idée n'était pas d'arriver avec un "punch" de dernière minute, mais on ne devait avoir ce sondage qu'à la fin de février et nous avons réussi, en tordant les bras de tout le monde, à l'avoir pour la commission parlementaire. Finalement, nous l'avons eu aujourd'hui et nous allons le déposer en commission tantôt. Le sondage va montrer très clairement que les consommateurs veulent que les marchés publics soient ouverts le dimanche.

Maintenant, regardons les marchés publics du point de vue du producteur agricole. Le gros producteur agricole n'a pas trop de problèmes. Il a une grosse production. Il va, à l'occasion, être malheureux du prix que Steinberg ou Provigo va lui donner pour sa laitue, pour ses pommes, pour ce qu'il produit. Le petit et le moyen producteur, lui, ne se rendra même pas chez Steinberg ou chez Provigo. Il ne produit pas de quotas suffisants pour vendre aux chaînes, aux grands de l'alimentation. Par contre, s'il peut vendre lui-même ou par un intermédiaire, parce que, dans les marchés publics, il y a aussi des intermédiaires qui vendent: les boutiquiers qui ne produisent pas, mais qui sont spécialistes de la vente, eux, disent au cultivateur: Toi, tu es bon pour produire, tu vas produire et moi je vais vendre tes produits. Cela existe aussi en partie. C'est un débouché inouï pour les produits.

Combien de cultivateurs, dans les régions périphériques de Montréal ou Québec, avaient des terres très riches et ont cessé de produire, à un moment donné, parce qu'il n'y avait pas de débouchés? Vendre à un comptoir sur le bord du chemin devant la porte, c'est inutile. Il ne passe pas de monde. Ils vendent aux voisins, à quelques passants le dimanche et c'est tout. Vendre dans les grandes chaînes, ils ne pouvaient pas. Ou, s'ils le pouvaient, ils devaient vendre à des prix qui faisaient que cela n'était pas intéressant de produire. Tandis qu'au marché public ils peuvent écouler leurs produits.

M. O'Gallagher disait à d'autres intervenants plus tôt cette semaine qu'il avait vu au Marché de l'Ouest 5000 à 10 000 personnes passer un dimanche. Et ce n'est pas rare; c'est comme cela tous les dimanches et c'est comme cela dans tous les

marchés. Alors, imaginez les autres jours de la semaine, il y a beaucoup de monde aussi. C'est un débouché extraordinaire pour un producteur agricole. Depuis le temps qu'on veut revaloriser l'agriculture au Québec, qu'on veut remettre nos terres en valeur. C'est bien beau de faire cela sur papier au ministère de l'Agriculture, mais sur le terrain il faut les vendre quelque part, ces produits agricoles. On n'ira pas les vendre en Californie; c'est ici qu'on va les vendre. Et les marchés publics, il me semble, sont un excellent débouché pour les vendre. C'est une façon, je pense, de stimuler énormément l'agriculture que d'encourager l'éclosion et le développement des marchés publics. Il y en a neuf actuellement; il y en aura quinze bientôt. Et rien ne dit qu'il ne pourrait pas y en avoir une vingtaine au Québec. Je ne vous dis pas qu'il va y en avoir cinquante; il n'y a probablement pas de place au Québec pour cinquante marchés publics. Ce n'est pas une loi qui va nous le dire. C'est le consommateur qui va dire: Arrêtez, il y en a assez. Le marché va s'autodiscipliner. Je pense que l'une des grandes lois du marché - on a parlé, par exemple, d'ouverture de 17 heures à 18 heures. La plupart des intervenants, pour ne pas dire tous, ont dit: Non, on n'en veut pas des 17 à 18 heures le samedi, parce qu'à partir de 16 h 30 il n'y a plus personne. Même si la loi leur donnait jusqu'à 19 heures, ils n'ouvriraient pas. Je pense que le marché s'autodiscipline et les gens, à un moment donné, le samedi, tirent la ligne. C'est samedi soir; ce n'est plus samedi après-midi et on fait autre chose que magasiner.

Maintenant, quel est l'impact du marché sur les autres commerces d'alimentation? On a parlé beaucoup des petits dépanneurs. Est-ce que le marché public affecte le petit dépanneur? Nous vous soumettons que non. Le petit dépanneur vend du produit d'appoint, pain, lait, beurre, cigarettes, chocolat, journaux, alors que le marché public vend des produits beaucoup plus spécialisés, beaucoup plus sophistiqués. L'individu qui reçoit quelqu'un chez lui à la dernière minute - comme le disaient les gens d'OCTOFRUIT et d'autres - et qui veut offrir quatre ou cinq variétés de fromage ou des charcuteries à ses invités, n'ira pas chez le dépanneur. Le dépanneur ne vend pas cela; il ne vendra jamais cela. Il va aller au marché public. Ce qu'on veut dire par là, c'est que le dépanneur, dans le fond, n'a pas à craindre les marchés publics. Les marchés publics existent depuis 1979 dans le cas des Halles de Longueuil et, à ce que je sache, il n'y a pas eu de dépanneurs ou d'autres marchés d'alimentation qui ont fait faillite depuis 1979 dans le secteur. Le Marché de l'Ouest existe depuis trois ans; les autres marchés, à Laval et à Longueuil, depuis un an ou deux et je pense que c'est la même situation. Ce qui affecte les dépanneurs - et cela a été dit par plusieurs intervenants -c'est beaucoup plus le dépanneur spécialisé du type La Maisonnée ou Provisoir. Probablement que cela peut affecter beaucoup le petit dépanneur, mais pas le marché public. Et on n'affecte pas, non plus, la grande surface. Dans l'enquête de SECOR dont on va vous parler tantôt, on nous dit que l'ensemble des Québécois continue à effectuer son marché d'alimentation chez Steinberg, chez Provigo, chez Métro-Richelieu. On vient dans les marchés pour des commandes d'appoint, pour des commandes secondaires. Dans ce sens-là, on n'enlève pas la commande principale aux grands de l'alimentation; ce n'est pas le marché qu'on vise. Et je ne pense pas que ce soit le marché qu'on récolte un jour. C'est autre chose qu'on vise.

Dans l'économie en général, il y a à peu près 800 commerces dans les marchés publics actuels; 400 producteurs agricoles vont vendre à l'extérieur et 400 boutiquiers et petits commerçants indépendants vont vendre à l'intérieur du marché. L'amendement que nous vous demandons, nous avons tenté bien humblement de l'écrire dans le mémoire, non pas pour dire au législateur comment légiférer, mais pour indiquer au législateur dans quel sens l'association souhaitait l'amendement. On suggère "les marchés publics dont l'activité principale est la vente de produits agricoles à l'extérieur par des producteurs et des commerçants indépendants - ce sont des produits agricoles et c'est vendu par des commerçants indépendants les uns des autres - et à l'intérieur de produits d'alimentation en général par des commerçants et boutiquiers indépendants". Cela dit tout ce que cela veut dire. Ce ne sont pas trois grandes chaînes sous un même toit, ou une seule grande chaîne qui vend des produits, mais des commerçants ou des boutiquiers indépendants.

Vous allez sans doute nous demander à la période de questions si nous sommes prêts à libéraliser pour l'ensemble du secteur de l'alimentation. Si le Québécois est prêt à cela, pourquoi pas? On n'est pas là pour restreindre la loi, en aucune façon. Mais ce que nous vous demandons, c'est un amendement spécifique pour les marchés publics qui sont une réalité au Québec depuis cinq ans, une réalité qui a prouvé qu'elle avait sa place au Québec et qui répond à un besoin du consommateur.

Cela m'amène, à vous parler du sondage que nous avons demandé à la maison SECOR. J'aimerais déposer, avec votre permission, le sondage fait par la maison SECOR au mois de février. Je vais attirer votre attention, dans le document, sur les pages jaunes, au centre, qui contiennent les faits saillants et les conclusions du sondage,

quitte à ce qu'on aille, un peu plus tard, dans les autres pages si c'est nécessaire.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Vous allez essayer de résumer, si vous voulez. Parce que si l'on commence à tout lire cela, les deux groupes qui restent vont finir très tard ce soir. Je pense qu'il faudrait se discipliner. Cela fait une vingtaine de minutes que vous faites votre présentation. J'aimerais bien vous entendre sur l'essentiel, surtout sur les points que vous voulez développer, afin que l'on puisse vous poser des questions.

M. Boudrias: D'accord, M. le ministre. J'avais terminé avec le mémoire. Sauf que je voudrais attirer votre attention sur certaines données de SECOR, qui se trouvent à la page 25, et qui nous disent ceci: En 1982, le marché global de l'alimentation au Québec a représenté 7 500 000 000 $. Là-dessus, les spécialistes, dont nous comprenons à peu près le tiers, puisque nous parlons d'un chiffre d'affaires global de 200 000 000 $...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je voudrais être en mesure de vous suivre. Pouvez-vous nous dire à quel endroit vous prenez les chiffres?

M. Boudrias: À la page 25 de notre mémoire, M. le député de Laporte.

Une voix: Du mémoire.

M. Bourbeau: À la page 25 du mémoire.

Ah bon! Je m'excuse, je croyais que c'était dans le document de SECOR. Très bien, allez-y.

M. Boudrias: Je vous avais renvoyés plus tôt aux pages jaunes.

M. Bourbeau: J'étais dans l'autre document que l'on vient de m'apporter.

M. Boudrias: C'est la dernière mention que je fais au sujet du mémoire comme tel. Le tableau de la page 25 vous indique que les marchés publics, avec 200 000 000 $ de chiffres d'affaires par année, globalement, représentent à peu près 2% du chiffre global de 7 500 000 000 $. Lorsque l'ADA ou d'autres groupes vous disent: Les marchés publics sont un danger, je ne vois vraiment pas comment. On parle de 2% du marché. Même si cela doublait, on prendrait 4% du marché.

Quant au mémoire, je vous ramène immédiatement à la question du dimanche. Vous avez souligné - le député de Laporte ou le député d'Outremont - à l'ADA, ce matin, que la question n'avait pas été posée clairement dans le sondage de Cogem, à savoir si les consommateurs voulaient que ce soit ouvert le dimanche. La question était: Êtes-vous satisfaits des heures actuelles d'affaires? La réponse était prévisible et elle a été, effectivement, très forte. Il faut souligner que le sondage de l'ADA remonte à un an et demi. Je pense qu'on parle de juillet 1982. Il faut souligner également que le sondage de l'ADA a été fait l'après-midi auprès de ménagères, dans l'ensemble du Québec, donc de femmes qui ne travaillent pas.

Le sondage de SECOR va vous indiquer très clairement que 48% des femmes, suivant les statistiques de 1981, étaient au travail. Donc, immédiatement, on voit que l'échantillonnage pris par Cogem n'était pas représentatif, alors que le nôtre l'est. Le sondage fait par SECOR a été fait dans les zones où il y a des marchés publics. L'échantillonnage est fait auprès d'environ 800 personnes. Nous nous sommes dit, M. le Président, M. le ministre et messieurs, que si nous allions demander aux gens s'ils veulent que les marchés publics soient ouverts le dimanche, il faudrait au moins le demander à des gens qui savent ce qu'est un marché public et qui en ont déjà vu. On ne pouvait pas poser la question à Chicoutimi, ni à Rimouski, ni à Sept-Îles. Avec les données que le sondage révèle, même si on avait posé la question à ces endroits, compte tenu d'une pondération qu'il aurait fallu faire quant à la population, les résultats n'auraient pas été tellement différents.

Si on regarde le tableau principal, à la page 27 du mémoire: Êtes-vous favorables à l'ouverture des marchés publics le dimanche? M. le ministre, 83% des consommateurs touchés - d'abord, 75% des consommateurs, qui ont répondu à l'enquête étaient déjà allés dans un marché public, donc les gens savaient de quoi on leur parlait; ils ont répondu en connaissance de cause - nous disent: Oui, nous voulons que ce soit ouvert le dimanche. Et si vous allez à la page 11, dans les pages jaunes, si vous regardez un des tableaux subséquents à la page 27, chez les moins de 45 ans, 90% des gens sont favorables. On est loin des statistiques de Gallup qui parlaient de 38%, plus 11% d'indécis. On est loin du sondage de Cogem, M. le ministre, où il y avait 50% ou un peu plus d'indifférents, à la question: Êtes-vous favorable à un changement des heures d'affaires?" Les indifférents, M. le ministre, ne sont pas contre ou nécessairement pour le statu quo. Ce sont peut être des gens que cela ne dérange pas que ce soit ouvert ou non. (21 heures)

Si je posais une question comme sondeur et que ma réponse était, à 50%, "Je

suis indifférent", je me poserais des questions sur ma question. Vous allez voir qu'on n'a pas ce type de réponse dans notre sondage. 83% des gens, messieurs, veulent que les marchés publics soient ouverts le dimanche. On a dit: Soyons de bon compte et posons la question pour l'ensemble de l'alimentation. Nous étions intéressés de voir si c'était la même chose. Je vous amène à la page 32 du mémoire où on pose la même question: Êtes-vous favorable à ce que l'ensemble des magasins d'alimentation soit ouvert le dimanche? La réponse est favorable à 52%. C'est 30% de différence, pas 3%. Ce n'est pas une erreur mathématique, ce n'est pas une erreur dans la question, il y en a 30%. Il faut expliquer ces 30%. Comment les expliquer?

Dans les raisons pour lesquelles les gens étaient favorables à venir dans les marchés publics, le dimanche, on a beaucoup insisté sur les produits frais, la qualité, l'atmosphère, et que c'est agréable de venir au marché public. C'est une sortie qu'on fait le dimanche avec la famille. Il se passe quelque chose dans un marché public. On n'est pas entre deux rangées de tablettes, des conserves d'un côté et des légumes de l'autre. C'est un centre d'animation où l'on vient rencontrer ses amis. Nous pensons, M. le ministre - et nous vous le soumettons bien humblement - que les 30% de différence entre les gens qui veulent venir au marché public le dimanche et les 52% qui sont prêts à aller dans les autres commerces s'explique par le fait que nous, on est un lieu de regroupement, de rassemblement des gens. On leur présente des activités culturelles, il y a de l'animation. C'est quelque chose de différent. Nous pensons que - c'est plein de statistiques très intéressantes dans ce sondage qui, dans le fond, est l'outil de référence le plus récent que vous puissiez utiliser, il me semble, pour vous inspirer pour faire une loi - la consultation de 1975 date quand même de quelques années.

Le sondage de Cogem remonte aussi à un an et demi et la question posée n'est peut-être pas tout à fait celle qui pouvait permettre de donner une réponse positive à la question du dimanche puisque la question spécifique n'a pas été posée.

Lorsque vous avez fait la consultation, vous vouliez libéraliser la loi. La consultation a été faite de telle façon que les marchés publics, qui n'étaient pas tellement là à l'époque, n'ont pas participé. Il ne semble pas que l'autre son de cloche de ceux qui sont favorables ait été vraiment donné. Quand je regarde le sondage qui dit 83%, on les a pris quelque part. Quand M. Jean Coutu vous dit: 39 000 000, l'an dernier, ces gens sont passés chez nous; ils sont venus de quelque part. Cela ne peut être 90% contre.

J'écoutais la SIDAC du Mail centre-ville de Québec nous dire, mardi soir, que, si les marchés publics ne vendaient que de l'alimentation, dans le fond, elle serait assez favorable. L'ADA ne représente pas tout le monde dans l'alimentation. Tous nos marchands pourraient être membres de l'ADA. Si nos marchands étaient membres de l'ADA, est-ce que cela ne donnerait pas un autre son de cloche à l'intérieur de l'ADA? Peut-être.

J'ai noté, M. le ministre, avec beaucoup d'intérêt, que vous avez parlé, au début de la commission parlementaire, de faire un consensus. Il fallait un consensus. Si j'ai bien compris l'intention du ministre et du gouvernement, la loi ne visait pas à faire des énoncés philosophiques sur les heures d'affaires. Elle visait à être pratique, à répondre à des besoins existants. Je conçois bien, M. le ministre, avec le document de consultation qui a pu résulter de la consultation qui a été faite, que la loi devrait aller dans le sens où elle est allée, en se disant: II est difficile d'avoir une voie directrice ou une philosophie générale; allons-y avec des exceptions au fur et à mesure, lorsque c'est demandé. Je ne dirai pas: Lorsque le nombre le justifie, je pense que je ferais sauter des gens autour de la table, mais on y est allé avec des exceptions quand c'était demandé. C'est ainsi qu'on retrouve des monuments funéraires, des piscines, des marchandises usagées.

Dans l'alimentation, M. le ministre, au début de la commission, vous avez semblé chercher un consensus, de la même façon que vous aviez cherché un consensus dans d'autres secteurs d'activité. Il me semble que l'alimentation, ce n'est pas un secteur: les grandes chaînes, les petits dépanneurs, les marchés publics, ce n'est pas un secteur d'activité. C'est un peu comme les chambres de commerce. Pourquoi les chambres de commerce vous soumettent-elles tout le temps des mémoires qui sont ni chair, ni poisson? C'est parce que tout le monde fait partie des chambres de commerce. On ne peut pas représenter tout le monde et son père et donner un courant d'opinion quand on représente tout le monde. Je pense que l'ADA s'est trouvée prise dans ce même dilemme, d'autant plus qu'on connaît les positions de certains grands de l'alimentation comme Steinberg, qui voudraient libéraliser "at large".

M. le ministre, vous avez parlé au début de consensus; aujourd'hui, nous avons senti une espèce d'ouverture - on parlait moins de consensus - vous avez parlé de modus vivendi. Je n'ai pas fouillé dans les dictionnaires pour voir les différences, les distinctions entre les termes, mais j'ai cru comprendre - et vous me corrigerez - que le consensus semblait impossible à obtenir dans l'alimentation mais qu'il y aurait peut-être une façon de tenir compte des particularités, des disparités de chacun pour que tout le

monde puisse vivre, pour que tout le monde puisse progresser et que le consommateur québécois soit bien servi.

Je pense, M. le ministre - je termine là-dessus avant la période de questions, vous allez peut-être trouver qu'on est un peu long, mais on n'était pas là au mois de mars, on a du chemin à faire pour faire connaître notre point de vue - après avoir eu les outils que vous avez eus en main pour faire le projet de loi, après avoir pris connaissance du sondage de Cogem et de ses limites et après, ce soir, avoir pris connaissance du sondage que vient de faire SECOR, ou le gouvernement pourrait s'inspirer de cet outil qui est le plus récent, qui est scientifiquement bien fait, ou peut-être aller vers une consultation plus large des consommateurs.

Il nous semble que, dans le fond, les heures d'affaires - M. Coutu en parlait aujourd'hui et d'autres en ont parlé - sont d'abord et avant tout faites pour le consommateur. Il ne faut pas que cela pénalise le commerçant non plus, sauf que le commerçant - et M. Coutu l'a expliqué - est un serviteur; il ne sera jamais autre chose qu'un serviteur, un peu comme un député. Pourquoi travaillez-vous en commission parlementaire jusqu'à minuit tous les soirs? Vous avez des lois à étudier; il y a du travail à faire, vous êtes les serviteurs de vos commettants; ce n'est pas toujours facile, et parfois les heures sont longues. C'est la même chose pour le commerçant. On s'en va vers une société de loisirs, mais qui organisera les loisirs? Si on fait du ski trois jours par semaine, il faudra que des hommes travaillent sur les pentes. La société des loisirs n'implique pas que les gens vont travailler moins; elle implique peut-être que les gens des secteurs primaire et secondaire travailleront moins, mais, dans le secteur tertiaire, ils vont travailler beaucoup plus. Il faut que quelqu'un organise les loisirs vers lesquels on s'en va.

Je termine là-dessus. Il m'apparaît que les consommateurs dans la consultation sont un peu les parents pauvres; le député de Laporte l'a souligné. Je suis fier d'une chose à cette commission et l'assocation aussi, ce n'est pas une commission parlementaire partisane. On a senti très peu de partisanerie politique à l'intérieur de la commission. On a senti que vous vous intéressiez tous à la question soumise et que tous, dans un esprit de non-partisanerie, vous cherchiez à faire la meilleure loi pour les Québécois. C'est très enthousiasmant et nous avons confiance que la commission et le gouvernement, par la suite, pourront, à l'aide des paramètres qui auront été définis à la commission et à l'aide des consultations que vous avez promis de faire à la suite de la commission parlementaire, définir une loi qui saura répondre, on l'espère, aux meilleurs intérêts des Québécois.

Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Boudrias.

M. Boudrias: Je m'excuse, si cela a été long. Nous sommes prêts pour la période des questions et des réponses.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je vous remercie. Je vais me discipliner, je ne suis heureusement pas un avocat, alors, on peut peut-être être plus direct avec les gens d'affaires.

M. Boudrias: M. le ministre, vous êtes méchant pour les avocats; cela fait plusieurs fois aujourd'hui. J'ai remarqué...

M. Biron: Je remarque que les avocats parlent longtemps et que les gens d'affaires vont directement au but, c'est toute la différence.

M. Boudrias: Et vous remarquerez lesquels font de l'argent, M. le ministre. Ce sont ceux qui vont au but.

M. Biron: Les avocats sont payés à la minute et les gens d'affaires au profit. Ceci dit, je vous remercie de votre intervention. Je vous écoutais parler et je me demandais pourquoi vous étiez venus nous demander de changer quelque chose; on leur a tout donné dans la loi. Si vous remarquez l'ancienne loi vous permettait seulement d'avoir trois personnes au total dans chacune de vos boutiques. La nouvelle loi vous permet d'avoir trois personnes en même temps sur le plancher. Cela veut dire que vous avez trois personnes, que, six heures plus tard, vous en avez trois autres et que, six heures plus tard, vous en avez encore trois autres. En fait, vous pourriez avoir une dizaine d'employés et faire fonctionner chacune de vos boutiques. Or, dans ce sens-là, j'ai l'impression - à vous entendre, en tout cas - que le pauvre cultivateur qui vient vendre ses fruits et légumes frais n'en a jamais plus de trois en même temps et qu'il n'a pas de problème puisqu'il est couvert.

L'autre qui vend un peu d'alimentation du genre dépanneur est aussi couvert. À peu près tout le monde est couvert, à moins qu'il n'y ait des choses que vous ne m'ayez pas dites en commission. J'ai l'impression qu'à peu près tout cela est couvert par la grande ouverture qui a été faite dans la nouvelle loi, comparativement à l'ancienne, dans le domaine de l'alimentation. S'il y avait quelque chose à l'extérieur de cela, je suis bien prêt à le regarder.

Lorsqu'on parle de marché public, c'est une forme. Demain matin, un marchand de

meubles pourrait arriver avec un marché public qui vendrait des meubles et dire: Ici, c'est un marché public pour la vente de meubles. Je pense que cela ne marchera pas pour rejoindre ce que la grande majorité des gens du domaine du meuble comme du domaine de l'alimentation nous dit. Il faut quand même tenir compte des gens qui représentent les commerçants en alimentation - ils sont environ 12 000 au Québec - et qui nous disent en très grande majorité qu'il faut se discipliner à tant d'heures, mais plus de trois employés en même temps... Je ne vous cache pas que vis-à-vis de l'ADA et des autres commerçants en alimentation, cela a été assez long pour eux d'accepter qu'on passe de trois au total à trois en même temps sur le plancher, ce qui vous donne huit, neuf ou dix employés qui travaillent pour votre entreprise.

Je veux seulement attirer votre attention sur ce point avant de permettre à mon collègue, le député de Châteauguay, de vous poser quelques questions là-dessus. J'ai l'impression que le texte de la loi n'a pas été compris par la plupart de vos membres qui croyaient qu'on était encore à trois au total, alors qu'en pratique nous sommes à trois sur le plancher en même temps qui peuvent être remplacés par trois autres qui, eux, peuvent aussi être remplacés par trois autres. Finalement, sept jours par semaine, cela fait facilement une dizaine d'employés.

M. Boudrias: Est-ce que je peux répondre, M. le ministre?

M. Biron: Oui.

Le Président (M. Rancourt): M. Boudrias.

M. Boudrias: M. le ministre...

M. Biron: Vous avez dit que votre président répondrait. Sa réponse serait peut-être plus courte.

Le Président (M. Rancourt): M. Boudrias.

Une voix: On va laisser ce point technique à Me Boudrias. Après on fera une intervention plus directe.

M. Boudrias: M. le ministre, dans le cas des producteurs agricoles: à l'extérieur, trois employés, je pense qu'il n'y aura pas de problème. Par contre, il y a à peu près 30% des boutiquiers qui sont à l'intérieur des marchés. Vous avez des fromageries, sept personnes; boulangeries, sept personnes; volailleries, cinq personnes; charcuteries, cinq personnes; fruits et légumes, quinze personnes; poissonneries, sept personnes; alimentation, cinq personnes; boucheries, neuf personnes. C'est 30% des boutiques d'à peu près chaque marché - des fois, c'est 25% -qui ont plus de trois employés. Tel que la loi est faite, M. le ministre, ceux qui ont plus de trois employés de façon régulière ne peuvent pas ouvrir le dimanche, même avec trois employés, d'une part. Même si on pouvait le faire, si on en a neuf la semaine, alors qu'on a 30% de nos clients le dimanche où il y a beaucoup plus d'affluence, on ne peut certainement pas ouvrir le dimanche à moins de trois.

Il nous apparaît, M. le ministre, que la règle des trois employés a été faite pour protéger les détaillants d'alimentation, les petits dépanneurs. Dans le fond, ils ont les Maisonnée, les Provisoir dans les jambes et on ne les a pas vraiment protégés. Je ne pense pas qu'une loi puisse protéger un secteur du marché. Le marché s'auto-discipline. Les dépanneurs ont existé et existent toujours malgré les marchés publics, malgré les Maisonnée, malgré les Provisoir. On ne peut pas forcer des gens par une loi à aller acheter à une place plutôt qu'à l'autre. Je pense que le marché se discipline lui-même. Le projet de loi tel qu'il est déposé affecte 30% de nos commerçants d'à peu près tous les marchés. Si on ferme 30% de nos commerces le dimanche, c'est l'ensemble du marché que vous affectez. C'est un concept global. Les gens viennent au marché parce qu'ils vont à la boucherie; ils achèteront éventuellement leur bouteille de vin le dimanche, car cela va être aussi permis. Ils font plusieurs achats le dimanche.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. J'apprécie de vous avoir entendu. Vous m'avez donné le goût d'aller dans un marché public. Je n'y étais pas allé jusqu'à maintenant. Sans doute, si on m'avait posé la question du côté de SECOR, j'aurais été parmi les 75% de gens qui auraient dit: Oui, je suis déjà allé dans un marché public. Je suis déjà allé dans un marché, mais, au sens où vous l'entendez, non. L'explication étant beaucoup plus spécifique, je ne suis jamais allé dans un marché comme celui-là. Je suis convaincu qu'un très grand nombre de personnes à qui vous avez posé la question ont dit: Oui, je suis allé dans un marché public, en ayant à l'esprit le marché que j'ai à l'esprit et qui n'est peut-être pas très différent, mais où il n'y a pas de cloisons, pas de divisions et où le service est un petit peu différent.

M. Boudrias: Cela aurait été défini par l'interviewer, M. le député. (21 h 15)

M. Dussault: Non, je n'étais pas là. Je pense que le sondage a son intérêt, mais il

faudrait faire attention parce qu'à partir du moment où vous dites que les gens à qui on a posé la question savaient de quoi on parlait, puisqu'ils y sont allés... Beaucoup sont allés dans un marché, on peut facilement assimiler les deux et on a probablement raison de le faire, sauf que ce n'est pas tout à fait la même chose. Vous nous avez fait valoir les avantages du marché public sur le plan du produit québécois. Je trouve cela très intéressant. Vous devez sans doute vendre des produits autres que québécois. Les agrumes, cela ne pousse pas beaucoup au Québec. Les boîtes de conserve, enfin toutes sortes de produits qui peuvent venir d'ailleurs, qui ne poussent pas ici, vous devez sûrement en avoir dans les marchés publics.

Avec toutes les explications que vous m'avez données, j'ai eu le même réflexe que le ministre. Je me suis dit: Qu'est-ce qu'ils ont en plus des produits alimentaires et à ce point considérable pour qu'ils y voient un gros problème d'application de la règle de trois? Vous avez tous des commerces avec division, des boutiques, si je peux employer le terme qu'on a employé tout à l'heure. Quelle est la proportion de ce qui est alimentaire là-dedans par rapport à ce qui ne l'est pas? Qu'est-ce qui est alimentaire? Quelle est la proportion? Est-ce que c'est 90% de produits alimentaires qui se vendent là?

Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.

M. Laforest: Je vais répondre à votre question, M. le député. Premièrement, le projet de loi, tel que présenté, pour nous, c'est un recul, parce qu'avant ce projet de loi, par exemple, quelqu'un chez nous qui exploitait un commerce avec sept ou huit employés le samedi aurait toujours pu ouvrir le dimanche s'il avait fait une équipe de nuit. Il aurait dit: Je coupe un peu le service et j'en mets trois le dimanche; donc, je peux fonctionner. Avec le nouveau projet de loi, le commerçant qui, le vendredi, a besoin de cinq employés en même temps sur son plancher ne peut plus ouvrir, parce que la règle de trois, pour lui... Prenons l'exemple d'une boucherie. Chez nous, aux Halles de Longueuil, une boucherie, c'est achalandé. Le propriétaire peut engager jusqu'à dix employés le vendredi et le samedi pour exploiter le commerce.

Deuxièmement, revenons à notre sondage pour une simple précision, M. le député. Le sondage a été fait dans des régions où il y a déjà des marchés publics. La façon dont le sondage a été fait, c'est que SECOR - c'est quand même un groupe sérieux - a bien situé la question et bien situé les gens. Le chiffre auquel on est arrivé, 83% des gens qui sont d'accord pour qu'on ouvre le dimanche, c'est même plus que confirmé. Les marchés publics, tels qu'ils existent chez nous, chez eux ou chez vous, on n'a jamais fait de publicité en disant: On est ouvert le dimanche. Ce n'est pas cela qu'on a fait. On a fait une publicité en disant: Venez chez nous; c'est agréable; venez magasiner en détente; c'est familial. On se rend compte que 30% de notre chiffre d'affaires, 30% de nos clients viennent le dimanche. On n'a pas eu besoin de l'annoncer. Les gens sont venus chez nous principalement le dimanche, parce que notre concept s'y prête. Il y a une comparaison que j'emploie souvent. On leur a demandé: Qu'est-ce qu'on a de plus ou de moins que les autres? La vogue, actuellement, en agriculture - on ne parle pas d'agrumes; on va parler de produits de chez nous - c'est qu'on va cueillir nos pommes et nos fraises. Les vergers sont ouverts du lundi au dimanche. Mais quand les gens vont-ils cueillir leurs pommes? C'est le dimanche qu'on va cueillir des pommes, parce que c'est en famille, c'est agréable, c'est différent. C'est cela chez nous.

M. Dussault: À votre point de vue, quand les gens vont vous voir le dimanche, est-ce qu'ils vont vous voir dans l'idée d'un dépanneur ou s'ils vont vous voir dans l'idée qu'ils vont faire leur commande d'une façon substantielle? C'est quoi, l'approche du consommateur qui va chez nous?

M. Laforest: Tous les documents que vous allez lire vont vous révéler ceci. En moyenne, les gens dépensent 25 $ dans une semaine chez nous. Ces gens-là...

M. Dussault: Cela relève du dépannage. Cela me coûte à peu près le même prix quand je vais chez le marchand de fruits et légumes.

M. Laforest: Non, pas nécessairement.

M. Dussault: Je fais ma commande pour quelques jours et cela me coûte 25 $.

M. Laforest: Peut-être. Mais les gens...

Le Président (M. Rancourt): Oui, M. Laforest.

M. Laforest: M. le ministre a dit: Nous autres, les gens d'affaires, on veut donner des réponses rapidement.

Si je me souviens de la question, les gens...

M. Dussault: Vous en étiez toujours...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: ...à l'interprétation du sondage, à toutes fins utiles.

M. Laforest: D'accord. Pourquoi ces gens-là viennent-ils chez nous? Il y a deux raisons. Ils viennent chez nous parce que c'est agréable et cela ressort clairement partout; c'est une détente. Vous m'avez parlé du choix. Allez faire une commande, le jeudi soir, dans une chaîne d'alimentation, il n'y a pas grand "fun" là. Vous avez une rangée de tablettes, vous attendez une demi-heure pour payer à la caisse et une autre demi-heure pour prendre la commande à l'auto. Il n'y a pas grand plaisir là.

Venez faire une commande dans un marché, je vous invite, M. le député, vous en avez beaucoup qui vous entourent, vous traversez le pont, vous en avez à Dollard-des-Ormeaux, venez chez nous à Longueuil...

M. Dussault: Vous m'avez vendu cela tout à l'heure, comprenez-vous? Votre avocat m'a vendu, très clairement, l'intérêt d'aller vous voir. J'ai le goût, je suis curieux, je vais aller voir, à un moment donné, un des marchés, mais ce n'est pas cela que je veux savoir, parce que si c'est vrai, l'intérêt, je vais le découvrir en allant vous voir. Ce que je veux savoir, c'est dans quel esprit les gens vont-ils vous voir? Est-ce qu'ils vont vous voir dans le même esprit où ils vont chez le dépanneur ou s'ils vont vous voir pour faire substantiellement leur commande de la semaine? Si c'est pour faire leur commande de la semaine et qu'ils la font la fin de semaine, le dimanche, je crains que ce ne soit de la concurrence. Je comprends les associations de marchands qui nous ont dit: Attention, essayez de rétablir l'équilibre dans la loi, parce qu'il y a des gens qui nous font une concurrence trop grande.

Si c'est dans l'esprit du dépannage qu'ils vont vous voir, c'est une autre affaire. Si c'est dans cet esprit et qu'en même temps les gens se divertissent - comme vous nous l'avez dit - bravo, tant mieux! Si c'est dans cet esprit, la loi est tout à fait réceptive au fait que vous dépanniez les gens mais, à ce moment, on vous dit: Vous allez le faire de la même façon que les autres dépanneurs le font, c'est-à-dire avec des règles telles qu'il n'y a pas de concurrence déloyale à l'égard des autres. Parce que c'est notre devoir d'essayer de créer un équilibre, essayer de faire en sorte que les gens vivent harmonieusement entre eux même dans le domaine commercial.

En général, est-ce que les gens y vont - est-ce que cela paraît dans votre sondage - dans l'esprit du dépannage ou s'ils y vont dans l'esprit de faire leur commande substantielle pour la semaine?

Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.

M. Laforest: M. le député, le meilleur exemple, on le vit chez nous. Chez nous, c'est un marché public qui, à l'intérieur, a 25 000 pieds de surface. Dans ces 25 000 pieds de surface, 2000 pieds sont consacrés au dépannage, et ce, seulement depuis six ou sept mois. C'est un service qu'on a ajouté. Pendant les quatre premières années, on a fonctionné... Un marché public, c'est à l'extérieur; on s'entend tous, c'est clair. À l'intérieur, ce sont des spécialités, ce sont des viandes. Les 25 $ que les gens laissent chez nous c'est... À titre d'exemple, sur la rive sud, vous voulez vous trouver un fromage fin, vous voulez vous trouver une charcuterie, une viande spéciale; vous n'avez pas beaucoup de choix. Le dépanneur du coin ne l'a pas. La chaîne ne l'a pas non plus et, si elle l'a, ce n'est pas sa spécialité et ce n'est pas un produit fin. Pour retrouver le même produit, vous auriez à aller à Place Ville-Marie ou à des boutiques très spécialisées. Mais, chez nous, on l'a.

M. Bourbeau: ...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Dussault: Et dans mon cas aussi.

M. Laforest: M. le député, dans un marché public, c'est monnaie courante. Pour nous, on répond à ce nouveau besoin du nouveau consommateur, on l'a dit, l'enquête le démontre. Tu as toute une catégorie de nouveaux consommateurs. On a dit: 48% des femmes travaillent maintenant. Le sondage va vous montrer aussi que 45% ou 50% des foyers sont moins de deux personnes. Ces gens ont des goûts, on développe des goûts nouveaux et une façon nouvelle. C'est à ce besoin que l'on répond.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Si je comprends bien, le consommateur va chez vous, il se promène d'une boutique à l'autre et, quand il sort, il s'est dépanné dans chacun des dépanneurs, il a fini par faire sa commande de la semaine parce qu'il trouve là l'ensemble des produits dont il a besoin pour la semaine. À toutes fins utiles, on va être obligé de penser que c'est vraiment dans l'esprit d'une commande de semaine qu'il va là.

Personnellement, dans l'esprit de celui qui cherche à créer l'équilibre, j'ai beaucoup de difficulté à croire que vous ne faites pas concurrence aux autres entreprises qui donnent le même service, mais davantage concentré dans un même édifice. Vous savez, ce n'est pas parce que les gens vont acheter dans un marché public le dimanche qu'ils mangent plus durant la semaine. Quand on

additionne le total des dépenses qui se font pour manger, ce n'est pas parce que les marchés publics sont arrivés qu'il se dépense plus d'argent maintenant pour manger. À moins que vous ne nous disiez que cela coûte tellement moins cher que cela va faire une différence. Même là, en tenant compte de la différence, on est obligé de penser qu'il y a une concurrence qui se fait.

Comme législateur, je ne pourrais pas rester indifférent au fait que cette concurrence existe. Cela me rend, peut-être, plus sympathique à ce que les associations de marchands sont venus nous dire. Cela ne veut pas dire que je ne suis pas disposé à chercher des accommodements pour tenir compte du fait que vous existez. Qu'il y a maintenant quelque chose qui est parti, une espèce de concept nouveau qui relève d'un concept plus ancien, mais avec des éléments supplémentaires, cela, je l'ai clairement à l'esprit et je pense que le ministre vous l'a dit tout à l'heure. On est ici pour vous écouter et on est conscient des difficultés que cela pose de rectifier un peu le tir. On va chercher ensemble un moyen pour en arriver à corriger cela, mais il ne faut quand même pas penser que les législateurs que nous sommes, parce qu'ils ne sont pas allés dans un marché public, ne sont pas capables de saisir qu'il y a une réalité de concurrence qui est peut-être un peu difficile à accepter pour certains commerçants. Je comprends votre nouveau mode de fonctionnement. Je le trouve sympathique; assez, en tout cas, pour aller voir cela et probablement prendre des habitudes, mais cela me pose des maudits problèmes quand viendra le temps de trancher la question.

De la même façon que le ministre a annoncé, tout à l'heure, qu'il allait faire des efforts pour tenir compte de la réalité des pharmacies, des pharmacies avec extension, des services, tout cela, je pense qu'il va être disposé à chercher à accommoder le projet de loi pour que cela vous fasse le moins mal possible. Or, il y a une réalité qui est difficile à nier, c'est le moins qu'on puisse dire; c'est une réalité difficile à nier, malgré toute la sympathie qui se dégage de vos explications. C'est ce que je voulais vous dire. Pour moi, il est important de clarifier l'approche et la motivation que les gens ont en allant chez vous. À moins que vous ne me disiez que je n'ai pas vraiment compris, c'est un peu l'image que je vais garder.

Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.

M. Laforest: En réponse, M. le député, je vous dirai que cela me fait bien plaisir que vous soyez sympathique à ma cause, mais si, le dimanche, je dois fermer mon établissement, qu'on ferme les marchés publics, écoutez, je me dis... Je ne dramatise pas - il y a des marchands ici - 30% de notre chiffre d'affaires se fait le dimanche.

Vous avez mentionné autre chose: la concurrence. La concurrence, M. le député, on n'en a pas peur; on est bâti autour de cela. Dans un même édifice de 30 000 pieds carrés, il y a cinq boucheries, six chez nous, quatre chez eux, trois fromageries. La concurrence, c'est synonyme de qualité, M. le député. Venez voir cela chez nous. Moi, j'aimerais poser la question. Il y a des marchands ici.

Encore une fois, en terminant, je dirai que les sondages, c'est technique. Ce n'est pas moi qui les ai faits. Les sondages disent encore - et vous les lirez, M. le député -que les gens continuent à faire leur commande principale chez Métro et chez Steinberg. C'est spécial chez nous. Ils viennent chercher une spécialité. Nos plus grosses journées, M. le député, ce sont les dimanches où il pleut. Quand il pleut le dimanche, l'été, ne venez pas chez nous, vous n'aurez pas de place; vous ne pourrez pas nous apprécier. Venez à ce temps-ci, c'est plus tranquille et nos gens de l'extérieur n'y sont pas.

Le Président (M. Rancourt): M. Corey, pour un supplément de réponse.

M. Corey (Maurice): Je vous ferai remarquer que, dans tous les marchés où je suis allé le dimanche, le minimum de gens qu'il peut y avoir dans la journée, c'est à peu près 6 000 personnes. Il y a entre 6 000 et 10 000 personnes qui passent dans les marchés et on réussit à vendre à peu près, dans l'ensemble des marchés, 30% de notre chiffre d'affaires, ce qui représente environ 50 000 $ ou 60 000 $. Ce ne sont pas de grosses commandes.

M. Dussault: Quelle est la proportion...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: ...dans votre marché, qui n'est pas alimentaire, en termes de surface?

M. Corey: Dans tout le marché, c'est de l'alimentation, excepté une tabagie qui offre aussi de l'équipement de cuisine.

M. Dussault: Bon, il reste... Pardon?

M. Corey: Des "kitchen gadgets", pour la cuisine, de l'équipement de cuisine. La tabagie vend des couteaux, des fourchettes, des cuillères, des livres de recettes, etc.

M. Dussault: C'est une drôle d'extension du concept de tabagie.

M. Corey: Disons que c'est cela. Il y a

seulement un magasin. Tout le reste concerne l'alimentation. Le dimanche, dans nos marchés, au moins 30% de la clientèle, ce sont des hommes, ce qu'on ne voit pas dans les autres marchés.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Vous nous dites que l'affluence est telle que le nombre de personnes qu'on autorise par la loi est insuffisant.

M. Corey: Oui, pour chacun... (21 h 30)

M. Dussault: Étant donné que c'est alimentaire très largement, cela ne devrait pas poser de problème puisque c'est du côté alimentaire qu'il y a cette restriction du nombre de personnes. Vous me dites que c'est insuffisant. Le ministre a dit, tout à l'heure, qu'on allait regarder cela. On comprend votre difficulté. Est-ce qu'on aura la certitude absolue que vous avez totalement raison de craindre? Je ne le sais pas, mais on va la regarder, cette affaire. C'est pour cela qu'on vous a écoutés, aujourd'hui. Je comprends votre problème.

Le Président (M. Rancourt): M. Boudrias.

M. Dussault: Le temps passe.

M. Boudrias: Avec votre permission, M. le Président, je comprends que le temps passe, messieurs, mais je pense... On parle de 200 000 000 $ de chiffres d'affaires. 60 000 000 $, ce ne sont pas les chiffres de M. Coutu, mais vous allez fermer nos marchés et c'est drôlement important pour nos marchés. Je pense qu'ils peuvent peut-être bénéficier de quelques minutes de plus pour bien expliquer leur point de vue.

M. Dussault: Pour nous, il n'est pas question de fermer vos marchés.

M. Boudrias: Si vous les fermez le dimanche, vous les fermez.

M. Dussault: On pense que vos marchés sont utiles. On pensait, jusqu'à maintenant -on va regarder cela à la lumière de vos réclamations - que ce que le projet de loi prévoyait pouvait vous permettre de continuer à fonctionner. Il ne faudrait pas croire que l'objectif du projet de loi est de fermer les marchés, loin de là, au contraire.

M. Boudrias: On a compris que ce n'était pas l'objectif de ce projet de loi. On veut bien vous expliquer notre situation parce qu'en pratique, c'est ce qui risque d'arriver si la loi était adoptée telle quelle.

La règle des trois employés ne correspond à aucune espèce de réalité dans aucun secteur d'activité, sauf le petit dépanneur du coin. M. Coutu vous l'a dit. M. Gravel, d'OCTOFRUIT, vous l'a dit. Allez dans une boutique demain, dimanche, et comptez les employés qui sont là. Si vous voulez acheter de la viande fraîchement coupée, il faut un gars pour la couper. Peut-être que ce n'est pas le même qui va l'envelopper. Il faut qu'il y ait une fille à la caisse. S'il y a plus de deux clients en même temps dans la boucherie, il faut peut-être deux "sets" de personnes pour faire tout cela si on veut servir deux clients en même temps. Si vous ne pouvez pas, dans un établissement commercial, aujourd'hui, servir au moins trois clients en même temps, vous n'êtes pas en affaires. C'est cela qu'il faut voir.

Il faut descendre de l'Assemblée nationale et aller voir sur le terrain comment cela se passe. La règle de trois employés est absolument impraticable.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Biron: M. Boudrias, je ne voudrais pas que vous charriiez non plus, quand vous dites qu'on veut fermer vos commerces. À l'heure actuelle, vous le savez, vous avez bâti vos commerces sachant que ceux-ci ont plus de trois employés en tout temps et qu'ils sont dans l'illégalité. Vous le saviez lorsque vous avez pris vos décisions chacun ou chacune d'entre vous. Vous dites qu'on veut fermer vos commerces; au contraire, on a fait un effort énorme pour essayer de sauvegarder le maximum de ce qu'on pouvait essayer de sauvegarder en s'entendant. Parce que nous, il faut quand même vous renvoyer à vos gens d'affaires qui, à quelque 80% et plus, nous disent: II faut avoir quand même certaines règles dans le domaine de l'alimentation. Je voulais juste faire cette mise au point: Vous accusez le gouvernement de fermer vos commerces alors que vous avez accepté délibérément de vivre dans l'illégalité en prenant des risques. Je ne vous blâme pas et on peut le faire dans la vie d'affaires. Ce sont quand même des décisions que vous avez prises.

Le Président (M. Rancourt): M. Boudrias.

M. Boudrias: M. le ministre, lorsqu'un commerçant ouvre son commerce, il ne le fait pas pour contrevenir à une loi. Il le fait parce que son client lui demande d'ouvrir. M. Laforest, en 1979, lorsque le tiers de ses marchands - les deux tiers fonctionnent dans l'absolue légalité, c'est la majorité quand même - ont décidé d'ouvrir, c'est parce que les autres, à côté, étaient ouverts et que les clients leur disaient: Écoutez, pourquoi on va

à côté, le dimanche, et qu'on ne peut pas aller chez vous. La situation de fait s'est développée pendant quatre ou cinq ans et c'est comme cela... Dans le fond, M. le ministre, il m'apparaît qu'une loi doit répondre à un consensus social. Lorsque tout le monde défie la loi, c'est peut-être parce que la loi ne répond plus au consensus social. C'est peut-être la question qu'il faut se poser aussi.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Boudrias: Personne ne rêve de vivre dans l'illégalité, M. le ministre, et, comme avocat, ce n'est certainement pas une recommandation que je ferais à mes clients.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je pense que nos amis des marchés publics peuvent se réjouir. Le député de Châteauguay a dit qu'il leur était sympathique. C'est déjà quelque chose. Ce n'est pas nécessairement la même chose pour l'Opposition à son endroit.

M. Dussault: Cela, on le savait. Vous n'avez pas besoin de le dire publiquement; c'était connu.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Bourbeau: Je voulais poser des questions, mais je pense que je vais laisser parler le député de Robert Baldwin, si M. le Président veut bien lui laisser la parole et, après, je me réserve le droit de poser quelques questions.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Merci. Je voudrais faire un plaidoyer un peu particulier pour les marchés publics. Je voudrais inviter le ministre et le député de Châteauguay et les autres députés du gouvernement, avant de trancher cette question, à aller visiter, le dimanche qui vient ou un autre, des marchés. L'expérience est vraiment quelque chose. Chez nous, il y a le Marché de l'Ouest ouvert depuis trois ans maintenant. Moi, comme père de famille, il y a quelques années, j'avais cinq enfants à la maison, là, j'en ai moins. Mon épouse et moi faisons notre commande à toutes les semaines chez notre marchand Métro, ce qui nous coûte environ 200 $ ou je ne sais trop; cela me coûtait 200 $ dans ce temps-là.

Une voix: Je comprends!

M. O'Gallagher: Malgré cela, on va au Marché de l'Ouest à toutes les semaines. C'est un endroit où l'on rencontre nos amis, on rencontre même les jeunes de nos voisins qui y travaillent. On a l'occasion de rencontrer les cultivateurs sans l'entremise du "middle man", on a la chance de comparer les prix de tous les légumes, pas des légumes empaquetés mais les carottes avec les feuilles et tous les fruits possibles du Québec. On peut également comparer les prix, d'un cultivateur à l'autre. C'est un avantage pour le consommateur et c'est aussi un avantage pour le cultivateur.

Or, à l'intérieur du marché, il y a toute une gamme de boutiques qui offrent toutes sortes de mets. Chez nous, je pense qu'il y a à peu près quatre boucheries, qui emploient au moins une dizaine de personnes. Le service est excellent; le choix et la préparation de la viande, c'est du tout nouveau, cela vient de tous les pays possibles. On a vraiment un excellent choix. C'est la même chose pour les poissonneries; je pense qu'il y en a deux. Il y a plusieurs variétés de poisson; les enfants vont là presque comme si c'était un musée, pour voir les variétés de poisson que l'on peut manger et qui viennent d'autres pays, comme le calmar. Il y a du poisson de toutes les grosseurs possibles. J'en ai mentionné seulement deux.

Il y a des marchands qui offrent des fruits et des légumes qui viennent également de tous les pays possibles, des fleurs ainsi qu'une variété incroyable de mets. Alors, qu'est-ce qu'on y achète? On y dépense normalement, je dirais, en moyenne, peut-être une trentaine de dollars, surtout pour le repas principal du dimanche. On achète un fruit un peu spécial, une coupe de viande française. On se dit: On va essayer cela, c'est quelque chose de nouveau. On achète un poisson qu'on ne retrouve pas chez Métro, ou un pain aux raisins, ou un pain à je ne sais pas trop quoi. On sort de là après avoir rencontré tous ces gens. J'ai demandé aux marchands du Marché de l'Ouest de venir présenter un mémoire et même de prendre la peine d'apporter des photos, des photos du "parking" le dimanche, des photos prises à l'intérieur du marché.

M. Dussault: Est-ce que je peux vous poser une question...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: ...puisque vous vous adressez à nous depuis tout à l'heure? Est-ce que je peux vous poser une question?

M. O'Gallagher: Certainement.

M. Dussault: Est-ce que vous avez déjà

acheté une batterie de cuisine au marché où vous allez acheter...

M. O'Gallagher: II y a une...

M. Dussault: Avsz-vous acheté de la papeterie, des bijoux?

M. O'Gallagher: Non.

M. Dussault: En avez-vous vu au marché?

M. O'Gallagher: II y avait une carriole en avant.

M. Dussault: Oui. Avez-vous acheté du cuir?

M. O'Gallagher: Un jeune homme offrait des mantes, imitation Christian Dior...

M. Dussault: D'accord.

M. O'Gallagher: ...ou je ne sais pas trop!

M. Dussault: Avez-vous acheté du cuir? M. O'Gallagher: Mais pourquoi pas?

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Dussault: Des bibelots?

Le Président (M. Rancourt): Oui.

M. Bourbeau: J'invoque le règlement.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Dussault: II faudrait que le portrait soit complet, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Bourbeau: Je voudrais m'exprimer sur ma question de règlement.

M. Dussault: Le portrait n'était pas très complet.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de...

M. Bourbeau: Laporte.

Le Président (M. Rancourt): ...Laporte, sur une question de règlement.

M. Bourbeau: M. le Président, je pense qu'on dévie d'une façon singulière. On est en train de traiter d'une chose très sérieuse. Le cas des marchés publics, c'est très important parce que - j'aurai l'occasion d'en parler tout à l'heure - on risque de créer une grave injustice à leur endroit. Le député de Robert Baldwin est en train d'expliquer comment il voit la situation et on a un contre-interrogatoire de la part d'un député du gouvernement, ce qui est tout à fait irrégulier. Je pense qu'on...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Bourbeau: ...devrait laisser terminer le député de Robert Baldwin. Après, si le député de Châteauguay veut faire un autre discours, on l'écoutera, malgré qu'on n'ait pas tellement de sympathie à son endroit.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Dussault: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay...

M. Dussault: ...normalement...

Le Président (M. Rancourt): ...sur une question de règlement?

M. Dussault: M. le Président, normalement, ici, on pose des questions à nos invités. Depuis quelques minutes, M. le député de Robert Baldwin s'adresse à nous et est en train de nous faire une démonstration.

Le Président (M. Rancourt): D'accord.

M. Dussault: Je veux bien, M. le Président, sauf qu'il faudrait qu'elle soit complète.

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dussault: J'ai essayé de la rendre la plus complète possible.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay, s'il vous plaît! M. le député de Robert Baldwin, vous avez la parole.

M. O'Gallagher: Je voulais tout simplement vous dire que si vous aviez l'occasion d'aller visiter un marché public en pleine activité le dimanche, ce n'est pas du tout comme la Société des alcools; lorsqu'on entre là, on peut rester à attendre - à Noël, par exemple - pendant dix minutes. Les employés ne sont pas pressés. Ils n'ont pas l'instinct de productivité qu'on retrouve dans un marché où vous êtes boucher de ce côté-ci du corridor et où, en face de vous, dans

le même corridor, il y a un autre boucher qui est en concurrence directe avec vous. Il faut donner le service. Comment pouvez-vous donner le service à une clientèle qui arrive en masse, quand vous avez une restriction sur le nombre de personnes affectées à ce service?

Dans toutes les règles de marketing, dans tout concept de productivité, d'augmentation de l'utilisation de nos jeunes ou du plein emploi, cela ne tient pas debout. On pourrait dire à GM: Oui, vous pouvez faire votre production 24 heures par jour pour avoir des voitures à prix modique. Cependant, garder les mêmes employés 24 heures par jour, cela ne marcherait pas. On ne peut pas répondre aux exigences du marché et à la demande du public avec des règles qui ne font pas de place à la réalité.

Je vous invite tout simplement, avant de prendre une décision sur cette question en particulier, à prendre la peine, un bon dimanche, de visiter nos marchés publics.

Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.

M. Laforest: Je veux remercier le député de Robert Baldwin qui, en plus d'être sympathique à notre cause, semble surtout très familier avec notre cause.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. J'aurais quelques questions à poser aux gens des marchés publics. En page 3 de votre mémoire, vous suggérez un amendement au projet de loi. Vous suggérez qu'on ajoute à l'article 5 de la loi actuelle une définition de ce qu'est un marché public. Enfin, vous suggérez qu'un marché public soit ajouté à la liste des commerces auxquels la loi actuelle ne s'applique pas. Remarquez que le ministre a reçu des demandes semblables de la part de nombreux groupes aujourd'hui et, d'une certaine façon, il tente de résister de son mieux et cela se comprend. Il tente de ne pas inclure tout le monde dans les exceptions car, à ce moment-là, il n'y aurait plus de raison d'avoir de loi.

Il s'agit de voir si, d'une façon dégagée et objective, on peut inclure les marchés publics dans ces exceptions sans créer de préjudice à d'autres marchands. Vous suggérez d'inclure les marchés publics selon une définition que je pense qu'il est important de lire. Je vais le faire rapidement. On écrirait: "Les marchés publics dont l'activité principale est la vente de produits agricoles à l'extérieur par des producteurs ou des commerçants indépendants et à l'intérieur de produits d'alimentation en général par des commerçants et des boutiquiers indépendants."

À l'extérieur, il n'y a pas de problème, ce sont des produits agricoles vendus par des producteurs, des agriculteurs, etc. À l'intérieur, vous limitez la description de ce que vous faites à des produits d'alimentation en général.

La question que je veux vous poser est celle-ci: Est-ce qu'effectivement, dans l'état actuel des choses et dans l'état projeté des choses, vous vous limitez et que vous avez l'intention de vous limiter à des produits d'alimentation quand vous vendez dans les marchés publics?

M. Boudrias: M. le Président, je demanderais à M. Jean Rizzuto de répondre à la question.

Le Président (M. Rancourt): M. Rizzuto.

M. Rizzuto (Jean): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je crois, pour avoir fait la visite de tous les marchés, ceux qui sont bâtis et ceux qui sont en construction dans la province, pouvoir vous dire que la majorité des marchés publics, ce sont des marchés d'alimentation. Vous allez retrouver, sur une surface très minime dans certains marchés, des petites boutiques d'artisanat ou de cadres. Dans la majorité des marchés publics qui existent actuellement, c'est strictement de l'alimentation. (21 h 45)

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Est-ce qu'on peut dire que votre association, à supposer que le ministre retiendrait votre suggestion, serait satisfaite d'une désignation qui ferait en sorte que vous seriez légalement obligés de ne vendre que des produits d'alimentation? Si j'ai bien compris les questions du député de Châteauguay tout à l'heure, il semblerait que certains de vos marchés actuellement excèdent cette description.

Le Président (M. Rancourt): M. Rizzuto.

M. Rizzuto: Actuellement, si on prend le cas du Marché public 440 à Laval et d'autres marchés, sur 83 000 pieds carrés de superficie, il y a peut-être 500 pieds carrés d'articles autres que l'alimentation. Si vous allez au Marché de l'Ouest qui a 125 000 pieds carrés d'alimentation, il y a peut-être 2000 pieds carrés d'artisanat et de bebelles. Je suis sûr que les gens qui représentent ces marchés-là vont se faire un devoir, si la loi est adoptée telle que proposée, de s'en tenir strictement à l'alimentation.

M. Bourbeau: Je vous signale...

Le Président (M. Rancourt): M. le

député de Laporte.

M. Bourbeau: ...que si c'est de l'artisanat, c'est déjà exclu du projet de loi. Alors, il n'y a pas de problème. En vertu de la loi actuelle, si j'ai bien compris les réponses que vous avez faites tout à l'heure au ministre, vous êtes partiellement dans l'illégalité en ce sens que vous avez dit qu'il y a environ 30% de vos boutiques qui ne respectent pas la règle actuelle d'un maximum de trois personnes en même temps dans chaque boutique. Est-ce que cela est exact?

Une voix: C'est exact, M. le député.

M. Bourbeau: Est-ce que ces 30% représentent 30% du volume de vente ou plus de 30% du volume de vente?

Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.

M. Laforest: M. le député, l'implication est plus grave que cela. Un marché public est un tout; les 70%, si je regarde comment est regroupé un marché public... Dans un marché public qui regroupe, par exemple, 30 boutiques, il y a peut-être 23 ou 24 boutiques qui pourraient fonctionner tel que le projet de loi 59 est présenté parce qu'elles peuvent être dans les exclusions: restaurants, confiseries, pâtisserie, biscuiteries; cela pourrait fonctionner. Le problème vient des autres 30%. Ces 30% ne représentent peut-être pas 30% du chiffre d'affaires, mais un marché public est un tout. Si on lui enlève le coeur, on ne peut pas marcher avec seulement deux roues, on ne peut pas marcher avec une béquille.

M. Bourbeau: Je ne vous demande pas de...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je vous pose des questions parce que je voudrais avoir des faits et, après cela, on passera à l'argumentation. Avant de pouvoir pousser plus loin mes questions, je voudrais avoir des faits, si vous n'y voyez pas d'objection. Je ne vous demande pas de vous justifier, je veux simplement savoir si, pour ce qui est de la proportion de vos commerces qui ne respectent pas la loi telle qu'elle existe actuellement, ce chiffre d'affaires est plus grand que 30% ou moins grand que 30%. Est-ce que vous êtes en mesure de répondre à cette question?

M. Laforest: II peut être plus grand...

Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.

M. Laforest: II pourrait être plus grand parce que ces commerces ont un plus grand nombre d'employés. Ce sont les boucheries, principalement.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: La question qui se pose à mon esprit est: Comment se fait-il que des hommes d'affaires comme vous, qui avez investi des dizaines de millions, je présume, pour construire des marchés publics importants, ayez décidé de le faire connaissant la loi actuelle? Comment avez-vous pu réussir à le faire et à fonctionner?

Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.

M. Laforest: Avec la loi telle qu'elle existait, on le pouvait. Au pire, on peut fonctionner, et. je m'explique. Si je prends une boucherie qui, le jeudi et le vendredi, emploie huit employés - je l'ai dit tout à l'heure - avec l'ancienne loi, au pire, si le propriétaire avait un horaire de nuit le samedi et qu'il préparait beaucoup de viande, il pouvait fonctionner le dimanche avec trois employés. Je pense que le nouveau projet de loi ne dit pas cela. Il dit que, dès que c'est un commerce qui requiert plus de trois employés en même temps sur le plancher, il ne peut pas ouvrir le dimanche. Dans une boucherie, le jeudi, le vendredi et le samedi, il en faut dix en même temps sur un même plancher. Cela représente au moins quatre ou cinq boutiques par marché.

M. Bourbeau: Une question qui peut-être...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je n'ai peut-être pas bien fait saisir ma question, mais est-ce que vous avez eu à un moment ou l'autre, au cours de vos démarches préparatoires à la construction, des sons de cloche selon lesquels vous seriez tolérés? Vous avez certainement dû prendre certaines polices d'assurance quelque part. Est-ce que vous vous êtes informés de cela ou avez-vous pris le risque que cela fonctionnerait sans, d'aucune façon, avoir des indications?

Le Président (M. Rancourt): M. Boudrias.

M. Boudrias: M. le député de Laporte, ce que je connais de la question - je n'ai pas fait le tour de tous nos marchés, il faut que je sois honnête là-dessus - cela ne s'est

pas fait comme cela. On a dit à ces gens: Nous ouvrons un marché public où on ne va vendre que de l'alimentation. Il y a peut-être des gens qui ont ouvert des boutiques en se disant: On va être capables de fonctionner avec trois employés. Ils ne pensaient jamais qu'il y aurait l'affluence qu'on a dans les marchés publics depuis le début; ça rentre, ça sort, c'est plein. Très rapidement ils ont réalisé, après avoir ouvert, qu'à trois personnes ce n'était pas suffisant. Ils n'arrivaient pas à satisfaire le client. Ils ont été obligés d'ajouter une quatrième, une cinquième et parfois une sixième personne.

Je ne pense pas qu'aucun de nos marchands ne se soit dit: On va mettre le gouvernement devant un fait accompli et on va le forcer. Ce n'est pas du tout cela. Ils se sont dit: On va ouvrir un marché public, cela va partir lentement et progressivement, on va regarder aller cela, mais les portes se sont ouvertes, cela s'est rempli dès le premier jour et c'est encore vrai aujourd'hui. Ils se sont retrouvés "poignés" pour donner un service au client, il faut qu'ils soient quatre, cinq ou six personnes et la loi n'en permet que trois. C'est une situation de fait qui est arrivée comme cela.

Le ministre, aucun député, personne n'a donné d'assurance aux marchés publics qu'on pourrait fonctionner illégalement. La situation de fait est arrivée comme cela.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je veux reprendre la question du député de Laporte parce que je pense que c'est la vraie question qu'il a posée. M. Boudrias, vous me permettrez de poser la question à M. Geloso. Peut-être que d'autres pourraient également le dire. Est-ce exact qu'on vous a avisés que vous jouiez un jeu dangereux et que vous pourriez être forcés de fermer certaines boutiques ou de ralentir certaines boutiques si vous dépassiez trois employés, cela avant même que vous commenciez la construction de votre marché public?

Le Président (M. Rancourt): M. Geloso.

M. Geloso (Antoine): La question est un peu plus compliquée que cela, M. le ministre.

M. Biron: Est-ce qu'on vous a avisés, oui ou non, avant que vous commenciez...

M. Geloso: Non.

M. Biron: ...que c'était trois employés en même temps?

M. Geloso: Non, je devrais dire le contraire et je crois...

M. Biron: M. Geloso, on devrait peut-être déposer la lettre qu'on vous a fait parvenir là-dessus. Vous saviez, lorsque vous avez commencé - la question du député de Laporte est exacte là-dessus - que vous aviez droit par boutique, au maximum, à trois employés, incluant le patron. Vous avez quand même passé outre à la lettre qu'on vous a fait parvenir.

M. Geloso: On va précéder un peu la lettre, M. le ministre. On a reçu cette lettre à l'automne. Je crois que le printemps passé on a eu l'occasion, à la Chambre de commerce de Laval, de participer à un genre de rencontre de comté pour un sous-secteur économique. C'est à ce moment, autour d'une table ronde, qu'était venu sur le tapis qu'il y avait une consultation qui se faisait sur les marchés publics. À ce moment, on était en voie de construction et j'avais essayé de contacter mes confrères. Comme Me Boudrias l'a dit tantôt, on était engagés dans des efforts de construction, d'organisation. On n'a pas vraiment compris les ramifications de la consultation que vous étiez en train de faire.

Je crois quand même que votre consultation a été faite de bonne foi, a été faite dans l'esprit que même vous et votre ministère vous vous rendiez compte qu'il y avait un besoin de la part du consommateur. Je crois que vous, en tant que ministre, en tant que législateur, devez être un peu compréhensif, sensible à la demande du consommateur. Nous, comme hommes d'affaires, on essaie de réagir à ce que peuvent être les demandes des consommateurs. Je crois que cette commission parlementaire témoigne des demandes de ceux-ci. Si le consommateur ne nous demandait pas d'être ouvert le dimanche, on n'ouvrirait pas. Si le consommateur ne l'exigait pas, on ne répondrait pas; à ce moment, on ne ferait pas de changement à la loi.

Je crois que la question est beaucoup plus complexe que cela.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je vous ai posé une question parce que le député de Laporte a posé la vraie question. Me Boudrias a répondu parce qu'il a dit: Mes clients ne répondront pas; je suis avocat et je peux répondre. J'ai posé la vraie question que le député de Laporte a posée tout à l'heure. Vous avez été avisés avant.

M. Geloso: La lettre en question, qui était de M. Plante et datée du mois d'octobre ou du mois de novembre, est venue bien après l'ouverture de notre propre marché et, deuxièmement, bien après l'ouverture de certains marchés. Je crois

qu'on est un des nouveaux arrivés dans ce domaine. Mes confrères, M. Laforest des Halles de Longueuil, ainsi que du Marché de l'Ouest n'ont pas plus d'expérience que moi dans ce domaine. J'ai un peu suivi. Je crois que c'est ce qui est malheureux, M. le ministre, les lois ne devancent jamais les besoins du consommateur. Les lois sont toujours une réaction à ce que le consommateur demande ou à ce que le public demande. Au moins, j'ai senti que, de la part du ministère, il y avait une volonté d'examiner à fond les heures d'ouverture, vers quoi la société québécoise se dirigeait. Je crois que vous vous êtes ramassés avec des surprises qui étaient avancées de la part d'un groupement. Dans ce groupement, qui dit représenter tout un secteur, il y a d'autres voies. Je crois qu'il y a Steinberg dans les marchés publics. Il y a des indépendants.

Le problème est très complexe. Je crois qu'on n'en détient pas les réponses. Ce que notre association avance, c'est une position qui tend à répondre à un secteur très minime, à certains besoins du consommateur.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: J'aimerais faire certains commentaires ici. Je pense qu'avec l'arrivée devant nous de l'Association des marchés publics il y a vraiment un fait nouveau qui se produit. Depuis le départ, si on regarde l'ensemble des mémoires soumis par les marchands et les commerçants, il y avait une tendance qui se dégageait et qui était de demander plutôt de restreindre la loi que de la libéraliser. On remarquait que ces mémoires venaient surtout des milieux des commerçants et des détaillants. À plusieurs reprises, j'ai déploré le fait qu'on n'avait pas vraiment le point de vue des consommateurs. Les consommateurs, c'est vraiment ceux qu'on doit privilégier en premier lieu. D'ailleurs, plusieurs ont dit qu'ils sont là pour servir les consommateurs et non pas l'inverse.

À l'occasion du mémoire des marchés publics, un sondage nous est déposé. Si vous avez pris le temps de regarder le sondage, enfin, on n'a pas tellement eu le temps, mais en regardant dans les premières pages on voit que c'est un sondage qui a été fait d'une façon extrêmement scientifique. Ils ont une méthodologie qui est tout à fait classique et qui est reconnue avec un coefficient, une marge d'erreur de 2,8% selon les méthodes généralement reconnues. À ma connaissance, c'est probablement le seul sondage qui a été fait d'une façon très scientifique dans les milieux où existent les marchés publics. Comme on l'a fait remarquer tout à l'heure, il est inutile de faire des sondages auprès de gens qui ne savent pas ce que sont les marchés publics, parce qu'à ce moment on risque d'avoir des réponses fausses. On s'est bien préoccupé, de ce côté, depuis le début - et je ne passe pas de remarque sur l'autre côté, je pense bien que c'est la même chose - du point de vue des consommateurs. Je pense que si on tient pour acquis que ce sondage nouveau est exact il y aurait lieu de se poser des questions sur la philosophie qui devrait se dégager du projet de loi.

Il me semble qu'à l'égard des marchés publics on a de sérieux problèmes. C'est peut-être la première fois depuis le début des audiences qu'on a un problème semblable. On a un organisme qui est en place, qui fonctionne, qui a été toléré depuis le début. Le gouvernement a assisté à la naissance de ce mouvement. Même si le ministre nous dit qu'une lettre a été envoyée, à un moment donné, il reste quand même que de nombreux députés ont assisté à l'inauguration de marchés publics. Même le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation s'est présenté à l'inauguration du Marché public de Laval. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, lorsqu'il a inauguré le marché de Laval, savait qu'à Longueuil, depuis trois ou quatre ans, il y avait plus de trois personnes dans les boutiques. Qu'on ne nous dise pas que le gouvernement ignorait que les marchés publics fonctionnaient au-delà de la loi. Il y avait d'autres marchés publics qui existaient à ce moment et, déjà, ils excédaient la norme de trois par boutique. Donc, quand le gouvernement et son ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ont donné une caution morale, si je peux dire, aux marchés publics nouveaux, ils se trouvaient ni plus ni moins à sanctionner une situation de fait. Il ne faut quand même pas nier l'évidence et jouer les pharisiens. (22 heures)

On ne peut quand même pas laisser des gens s'établir en affaires et leur dire, après: Vous êtes dans l'illégalité, mais on vous a laissés faire et vous saviez ce que vous faisiez. La loi actuelle et le nouveau projet de loi font en sorte de protéger certains commerces, par exemple les pharmacies, les librairies, les tabagies. Il y a des régimes d'exception pour ces genres de commerces. Quant aux pharmacies, on va vraiment dans les détails. La loi fait vraiment des efforts tout à fait particuliers pour les légaliser en ajoutant des sous-alinéas: la définition de "menus articles", de "denrées alimentaires", etc., tout cela parce que ces gens-là, historiquement, ont des droits acquis qu'on ne veut pas leur enlever. Donc, la nouvelle loi va également continuer à protéger les pharmacies.

Les marchés publics qui existent

présentement et qui ont été tolérés en vertu de la présente loi risquent, si on regarde la nouvelle loi, d'avoir de sérieux problèmes parce que, si j'ai bien compris, la nouvelle loi va avoir des dents, alors que l'ancienne loi n'en avait pas. Le ministre pourrait bien nous dire: Écoutez! On les a tolérés sous l'ancienne loi; on va les tolérer sous la nouvelle loi. Je pense qu'on ne peut pas dire cela parce qu'on doit s'attendre que, sous la nouvelle loi, il n'y aura plus de tolérance puisqu'on va prévoir des amendes très sévères et que les inspecteurs du gouvernement auront la possibilité de la faire respecter. Il ne faut donc pas commencer dès maintenant à faire une loi en sachant qu'elle ne sera pas observée parce qu'à ce moment-là, on va avoir des problèmes relativement à l'observance de la loi.

Je pense qu'à ce moment-ci, le ministre doit prendre ses responsabilités. Il va falloir qu'à l'égard des marchés publics on fasse quelque chose. Le ministre a fait preuve d'une grande ouverture d'esprit à l'égard de plusieurs des intervenants qui sont venus devant nous, surtout les pharmaciens, en disant: Écoutez! Vous avez une section d'alimentation; vous avez une section de menus articles; on va s'asseoir ensemble et on va trouver une façon d'en sortir, etc. Mais les marchés publics vont être complètement dans l'illégalité si on ne fait rien. Je ne peux pas concevoir que le gouvernement va, tout à coup, décider d'empêcher les marchés publics d'exister après les avoir tacitement acceptés. Pour être responsable, il va lui falloir dans ce cas, poser des gestes concrets pour faire en sorte qu'ils puissent être acceptés.

La suggestion des marchés publics de définir leurs activités d'une façon assez précise, compte tenu de la spécificité, cela pourrait être une solution acceptable. On pourrait peut-être baliser d'une façon assez précise ce que sont les marchés publics et l'inclure dans la section V. Par exemple, on sait que les marchés publics doivent nécessairement, selon la définition, contenir un volet extérieur où les agriculteurs se présentent. Cela exclut déjà tous les marchés d'alimentation qui voudraient aller dans les marchés publics. On sait également que c'est un regroupement de marchands indépendants. Alors, cela exclurait les magasins à succursales ou un supermarché qui prétendrait être composé de petits marchés indépendants, puisque ce doit nécessairement être des marchands indépendants.

Il y a également la nomenclature des produits vendus. On a fait état plus tôt des pharmacies à escompte ou d'immenses pharmacies qui vendaient à peu près de tout, même des caméras, des bicyclettes, je ne sais trop. Dans le cas présent, c'est strictement des produits alimentaires. Déjà, c'est singulièrement rétrécir leur champ d'activité. J'ai l'impression qu'on ne peut tout simplement pas se mettre la tête dans le sable et dire: Écoutez! On va faire ce qu'on peut et on va essayer de voir comment on va régler votre problème. Je pense qu'on a ici un sérieux problème qu'on n'a pas connu depuis le début des auditions. Ces marchés publics existent en vertu d'un état de fait qui a été toléré et ils ne seront pas protégés par la nouvelle loi. Je soumets respectueusement - j'aimerais qu'on puisse trouver un terrain d'entente là-dessus - qu'on puisse, en restreignant ou en tentant de cerner davantage la définition d'un marché public, l'inclure dans les exceptions, de sorte que ces marchés puissent continuer à exister, à vivre et que les consommateurs puissent profiter, comme ils semblent le désirer, en très grande majorité, de ces services spécialisés dont il semble y avoir un grand besoin dans la communauté. Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je vous remercie d'être venus ici. On a vos mémoires. Nous allons les regarder. Il y a quelque chose que vous devez vous rappeler, c'est que la loi est beaucoup plus large qu'autrefois. Elle est passée de trois à neuf ou dix employés par boutique. Je pense que vous devez regarder cela sérieusement.

Deuxièmement, vous me dites qu'il y a des marchés qui sont en construction. Cette fois-ci, ne soyez pas dans l'illégalité. Regardez la loi actuelle et, au moins, soyez conformes à la loi 24, tout en regardant ce qu'il y a dans le projet de loi 59. Ce n'est pas possible qu'on ouvre pour l'avenir... Voyez d'abord vos détaillants en alimentation, soit l'Association des petits détaillants en alimentation ou l'Association des détaillants en alimentation; d'une façon ou d'une autre, vous êtes dans l'alimentation. Si les détaillants en alimentation nous disent que cela a bien du bon sens et qu'ils décident qu'on change cela, on va faire un consensus du secteur, tant mieux. Sinon, on va avoir de drôles de problèmes. Je veux tout simplement vous en aviser aujourd'hui officiellement; je le ferai par lettre demain pour être certain qu'au moins les marchés publics qui sont en construction présentement soient dans la légalité, parce que vous savez que avez agi dans l'illégalité depuis le début.

Quant au reste, encore une fois, tel que je l'ai fait depuis le début, je prends note de votre mémoire. C'est avec beaucoup d'ouverture d'esprit que nous essaierons de voir comment en venir à un consensus général ou global avec ceux et celles qui vendent de l'alimentation.

Le Président (M. Rancourt): M.

Boudrias, le mot de la fin.

M. Boudrias: M. le ministre, je prends bonne note de vos derniers commentaires. Soyez assuré que les marchés publics respecteront la loi en vigueur et s'y conformeront lorsque la loi sera adoptée, en espérant qu'elle nous sera favorable.

M. Biron: II y en a une présentement conformez-vous à celle-là du moins.

M. Boudrias: M. le ministre, vous avez parlé aujourd'hui de modus vivendi. Il me semble que, si la situation a été acceptée depuis cinq ans le ministère pourrait accorder une espèce de trêve jusqu'à ce que la nouvelle loi soit adoptée. Nous ne pouvons pas défaire ce qui est bâti aujourd'hui.

M. Biron: Non, la seule chose que je vous ai...

M. Boudrias: Quant aux nouvelles choses, il est sûr que nous ne ferons pas de nouvelles constructions ou de nouvelles conceptions de marché qui ne tiendraient compte ni de la loi actuelle ni de la prochaine loi proposée.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: D'accord. C'est un conseil que je vous donne pour les quatre ou cinq qui sont présentement en cours. Voyez-y tout de suite, avant qu'il soit trop tard, pour qu'au moins ceux-là soient conformes. D'accord.

M. Boudrias: M. le ministre, dans la mesure où les baux ne sont pas signés, les choses ne sont pas en cours.

M. Biron: Cela se change.

M. Boudrias: M. le ministre, il me reste à vous remercier au nom des marchands de tous les marchés publics et aussi des employés. Nous avons fait remettre tantôt, aux deux côtés de la commission, des lettres d'appui de tous les marchands et de tous les employés des marchés publics. Il nous reste à vous remercier.

M. le Président, au mois de décembre, nous avons fait signer une pétition à des consommateurs de marchés publics. Nous avons recueilli un peu plus de 46 000 signatures. Je ne sais pas si la commission veut prendre notre parole, à savoir que nous avons 46 000 signatures, ou si la commission veut que, dès demain matin, 10 heures, nous déposions la pétition car nous l'avons ici tout près, à l'hôtel, et nous pouvons la déposer devant la commission.

M. Biron: On ne lira pas les 46 000 noms demain.

M. Boudrias: Vous nous faites confiance, même si c'est un avocat qui vous le demande, M. le ministre.

M. Biron: Oui.

M. Boudrias: Je vous en remercie.

M. Biron: Pour une fois.

Le Président (M. Rancourt): D'accord.

M. Boudrias: Une fois n'est pas coutume, mais j'en prends bonne note, M. le ministre.

Le Président (M. Rancourt): D'ailleurs, la commission ne peut recevoir de pétition pour une part, donc, nous prenons acte de...

M. Boudrias: Cela règle le problème.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Nous remercions l'Association des marchés publics du Québec. Merci beaucoup. Puisqu'il est maintenant 22 heures, l'Assemblée étant maîtresse de ses travaux, je crois qu'il y a entente pour entendre les deux autres groupes. Nous allons maintenant appeler l'Union des employés de commerce.

S'il vous plaît, un instant! M. le ministre a demandé la parole.

Union des employés de commerce

M. Biron: Je remarque que, dans votre mémoire, vous vous attaquez à peu près exclusivement au dimanche.

M. Kukovica (Thomas): Oui, M. le ministre. Il faut comprendre que ce mémoire a été fait le 3 avril 1983, à la suite d'une demande de consultation. Par contre, nous avons des observations pertinentes à faire sur le projet de loi 59 ainsi que sur quelques mémoires présentés ici.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Monsieur, si vous voulez bien vous présenter, ainsi que ceux qui vous accompagnent à la table.

M. Kukovica: Mon nom est Thomas Kukovica, président de l'Union des employés de commerce, local 500; à ma gauche, Me Pierre Laplante, qui est notre procureur; à mon extrême gauche, M. Jules Lavoie, président du local 501 de l'Union des employés de commerce; à ma droite, M. Jean Roberge, secrétaire exécutif du conseil provincial de l'Union des employés de commerce et, à mon extrême droite, M. Jean-Guy Provençal, président du local 504, de

Sherbrooke.

M. le Président, nous aimerions, dans un premier temps, dire qui nous sommes et, dans un deuxième temps, vous dire comment nous voudrions aborder notre exposé. Notre exposé se fera en deux temps; dans un premier temps, nous ferons nos observations quant à l'aspect technique et légaliste du projet de loi 59, et nous laisserons Me Pierre Laplante l'exposer. Dans un deuxième temps, nous allons commenter notre mémoire, qui est presque exclusivement centré sur le dimanche, mais qui contient d'autres observations très pertinentes sur d'autres aspects.

L'Union des employés de commerce représente 30 000 travailleurs syndiqués dans toute la province de Québec. Nous sommes le syndicat qui représente 95% de tous les travailleurs syndiqués de l'alimentation ou du commerce au détail: on parle d'alimentation, on parle de magasins d'alimentation, on parle de magasins à rayons, on parle de magasins de meubles, de quincailleries et d'un tas d'autres employés. Nous sommes repartis à travers toute la province de Québec, à partir de Hull, et nous avons des locaux jusqu'en Abitibi, à Chicoutimi, à Rimouski, à Sept-Îles. Nous sommes un syndicat international qui regroupe 140 000 travailleurs au Canada et 1 200 000 travailleurs en Amérique du Nord.

Sans plus tarder, je vais laisser la parole à Me Pierre Laplante, qui va vous exposer nos points de vue et nos observations quant à l'aspect technique et légaliste du projet de loi 59.

Le Président (M. Rancourt): Me Laplante.

M. Laplante (Pierre): Merci, M. le Président. M. le ministre, messieurs les députés, un premier point qu'on remarque, à la lecture du projet de loi, c'est l'absence de définition des termes. On retrouve dans ce projet de loi, par rapport à la loi existante, des concepts juridiques nouveaux. Il y a un danger de susciter de longs débats juridiques s'il n'y a pas de définition des termes. Lorsqu'on précise les mots "produits caractéristiques" apparaissant à l'article 5, au deuxième paragraphe, et lorsqu'on mentionne aussi "menus articles", apparaissant à l'article 5, au troisième paragraphe, évidemment il y en a d'autres, nous souhaiterions qu'il y ait une définition des termes, compte tenu de ces nouveaux concepts juridiques.

Un deuxième point, il y a difficulté de concordance entre la loi existante et le projet de loi. Il faudrait donc, et nous vous le soumettons respectueusement, réviser le projet de loi à la lumière de la loi existante pour rendre concordants les termes légaux utilisés. À titre d'exemple, lorsqu'on mentionne à l'article 5, paragraphe 3, le mot "pharmacie" et qu'on retrouve dans le projet de loi, à l'article 5, paragraphe f, une définition qui correspond, somme toute, à "pharmacie", mais sans en être sûr, et qui se lit comme suit "produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires," il y a un manque de concordance.

Troisième point, le projet de loi modifie à ses articles 2 et 3 un mot qui nous apparaît important. Il s'agit du mot "peut". Celui-ci vient remplacer le mot "doit", qui apparaissait dans la loi existante. Or, on sait fort bien que les tribunaux ont tendance parfois à interpréter les termes "doit" comme voulant dire "peut" et "peut" comme voulant dire "doit". À titre de praticien, je préfère souligner ou débattre l'interprétation qui voudrait dire: Le terme "doit" veut dire "doit", surtout que cela apparaissait dans la loi existante. Je ne vois pas pourquoi on ne retrouverait pas le même terme, c'est-à-dire pour utiliser le terme "doit" plutôt que le terme "peut". Cela apparaît aux deux articles 2 et 3. (22 h 15)

De la même façon, à l'article 2 du projet de loi, on a fait sauter un bout de phrase qui nous apparaît important, ne serait-ce que pour l'interprétation qu'on peut en tirer. C'est la locution "jour ou partie de jour" qui apparaît dans la loi existante et qui n'apparaît plus dans le projet de loi. Par interprétation, si le législateur fait disparaître un bout de phrase dans une loi comme "partie de jour", est-ce qu'on ne peut pas soutenir devant les tribunaux que l'utilisation d'employés de façon illégale pour partie de jour ne contreviendrait pas à la loi puisque cela n'a pas été fait à longueur de journée? Si le législateur l'a prévu dans sa loi et ne le modifie pas dans la loi subséquente, il y a donc matière à interprétation. Somme toute, il y aurait lieu de reprendre exactement les mêmes termes.

Un autre point qui nous apparaît important, M. le Président, M. le ministre, c'est la disparition dans le projet de loi de la possibilité, à l'article 9 de la loi actuelle, pour quiconque de voir à poursuivre et donc d'appliquer la future loi. Pourquoi a-t-on fait disparaître dans le projet de loi la possibilité pour quiconque, y compris tout citoyen, de poursuivre les contrevenants à la loi?

Ceci dit, cela nous amène à vous souligner un autre point important. Non seulement sommes-nous d'avis qu'on devrait retrouver cette locution selon laquelle quiconque peut voir à l'application de la loi, mais, de façon plus spécifique, on devrait également retrouver, de façon nommée dans la loi, la possibilité pour les associations syndicales accréditées, compte tenu du fait que l'application de cette loi a un impact direct sur nos membres, de poursuivre et ce, sans autorisation du ministre.

À titre de suggestion - c'est une idée que nous soumettons à la commission - n'y aurait-il pas lieu de soumettre la juridiction, quant à l'application de cette loi, au Tribunal du travail plutôt qu'au tribunal de droit commun? Les motifs à l'appui de cette intention sont les suivants: il y a, quant à nous, une connexité, une relation étroite entre les relations du travail et l'application de cette loi. Dans un deuxième temps, de façon très pratique, cela aurait pour effet d'accélérer le processus, compte tenu de l'encombrement des rôles en matière de droit commun, en matière pénale.

Finalement - et vous aurez l'occasion d'entendre M. Kukovica sur ce point bien précis - tout le concept de cette loi vient en quelque sorte modifier ce qui existait auparavant. On entendait tantôt les concepts de dépannage et d'opération commerciale normale; je mets cela entre guillemets, cela reste à définir. On opposait la philosophie de dépannage et la philosophie d'opération commerciale, le tout dans le contexte des opérations du dimanche, par exemple. Qui doit et comment doit-on délimiter ce qu'est le dépannage? À quelle limite se situe le dépannage? À quelle limite juridique se situe le dépannage? Qui va le trancher? Je n'ai pas vu dans cette loi les outils et le mécanisme qui sont nécessaires pour y arriver. Je vous soumets donc que vous avez déjà, dans une loi qui s'appelle la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, prévu un mécanisme pour ce type de problème, par exemple, de façon très particulière, la nomination d'un commissaire de la construction chargé d'interpréter et d'appliquer tous les cas litigieux en matière de construction. N'y aurait-il pas lieu, dans les cas où il y aura des difficultés de déterminer le dépannage et les opérations commerciales normales, de soumettre ces problèmes à une autorité quasi judiciaire qui s'appellerait un commissaire pour l'application de cette loi-là?

Telles sont les remarques que nous avions à formuler quant à la technique même, quant aux aspects légaux du projet de loi. Avant de terminer, je m'en voudrais de ne pas souligner les passages du mémoire de l'ADA parce que nous avons eu l'occasion de prendre connaissance dudit mémoire. Il y a au moins trois aspects - nous l'avons lu rapidement - qui ont retenu notre attention et nous voudrions également les faire nôtres.

Ils sont les suivants: à l'article 5, paragraphe 6, ajouter le mot "total" à la suite du mot "fonctionnement"; un deuxième point, une meilleure définition des pouvoirs des inspecteurs; finalement, un troisième point, accorder le pouvoir spécifique au Procureur général ou à l'un de ses substituts de requérir l'émission d'une ordonnance d'injonction en cas de contraventions répétées. Bien que, théoriquement, nous pourrions recourir à cette ordonnance d'injonction par la voie normale, telle que prévue au Code de procédure civile, il n'est pas mauvais, au contraire, il est même bon de prévoir spécifiquement cette possibilité-là. C'est la raison pour laquelle nous sommes d'accord avec les propos tenus par Me Martel.

Ceci termine, M. le Président et M. le ministre, nos représentations sur ces aspects.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Je pourrais juste me permettre de donner une réponse très brève là-dessus, qui, je pense, devrait vous satisfaire. Plusieurs des points que vous avez avancés ont déjà été soumis dans d'autres mémoires. Il y a des décisions qui sont en train de se prendre, en particulier quant à la concordance. Il y a plusieurs de ces cas qui vont être réglés. Vis-à-vis de la définition, il y a déjà beaucoup de jurisprudence qui définit "menus articles" et ainsi de suite. Et, vis-à-vis des poursuites, il y a la Loi sur les poursuites sommaires à laquelle on fait référence dans ce projet de loi; ce n'était pas dans l'ancienne loi et cela permet à quiconque d'entreprendre des poursuites. Il y a beaucoup de choses qui sont en marche. Quant au reste, on prend note de votre intervention. Bien sûr, cela pourra nous éclairer dans nos décisions.

Le Président (M. Rancourt): M. Kukovica, s'il vous plaît!

M. Kukovica: Je vais me référer, M. le Président, M. le ministre et MM. les députés, à la page 5 de notre mémoire où on parle du commerce du dimanche. Non seulement les principaux problèmes reliés à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux ainsi qu'à la loi fédérale du dimanche portent-ils sur les activités commerciales illégales le dimanche, mais, qui plus est, il se dessine actuellement une nette tendance afin que le commerce du dimanche soit libéralisé puisque j'entendais même un député le mentionner; et il y a eu plusieurs représentations qui ont été faites par plusieurs associations.

Le conseil provincial de l'Union des employés de commerce s'oppose fermement à toute libéralisation du commerce le dimanche. On félicite le gouvernement d'avoir inclus le dimanche dans le projet de loi 59.

Non seulement le conseil provincial de l'Union des employés de commerce s'oppose-t-il à toute libéralisation mais le conseil demande, en outre, qu'apparaisse dans la loi québécoise l'interdiction formelle d'exploiter un commerce le dimanche, sous réserve d'exception.

Avant d'aborder l'application de ce principe, il convient, dans un premier temps, de soumettre les raisons qui militent en faveur de l'interdiction des activités commerciales le dimanche.

La qualité de vie d'abord. Je dois vous dire que ce chapitre a été fait à la suite d'une consultation parmi les 30 000 travailleurs que nous représentons et surtout à la suite - je pense que tout le monde ici en est conscient - de la dernière bataille qu'on a dû livrer dans les négociations dans l'alimentation au détail avec les deux géants de l'alimentation. Au coeur des négociations, un des problèmes majeurs qui avaient été soulevés dans les négociations était justement que les employeurs voulaient maintenant fonctionner le dimanche et à rabais. Alors que nous avions deux fois le salaire horaire ou le salaire mensuel, on nous demandait maintenant de travailler le dimanche à temps simple et, dans certains cas, sans aucune prime pour le travail du soir. Alors, vous comprendrez qu'on s'oppose totalement à quelque libéralisation que ce soit.

Pour les membres de l'Union des employés de commerce, la semaine normale de travail débute le lundi matin et se termine le samedi en fin d'après-midi. Les travailleurs de l'industrie du commerce au détail ont appris à composer avec cette situation et ce, depuis de nombreuses années. Il ne faut pas oublier que le commerce au détail, cela veut dire 400 000 travailleurs et travailleuses qui sont aussi des consommateurs et consommatrices. Pour l'Union des employés de commerce, le dimanche constitue la seule et unique journée où tant le travailleur que la travailleuse peuvent planifier et consacrer une journée entière aux activités familiales. Dans notre société contemporaine où les enfants vont à l'école du lundi au vendredi et où les parents sont appelés à travailler du lundi au samedi inclusivement, le dimanche est devenu le seul et unique moment privilégié de la vie familiale.

Conséquemment, toute libéralisation qui ferait en sorte de permettre le commerce le dimanche serait une menace directe à la vie familiale des membres de l'Union des employés de commerce. Il convient également de noter que cet argument s'applique aussi aux salariés non syndiqués de ce secteur de l'industrie qui ont le droit d'être syndiqués. Les membres de l'Union des employés de commerce ne considèrent pas le fait de ne pas travailler le dimanche comme un privilège, mais bien comme un droit fondamental dans une société qui se veut soucieuse du bien-être de ses citoyens.

Nous allons maintenant aborder le deuxième aspect: Les prix des produits et des services. C'est le fruit de nos réflexions, on vous le soumet respectueusement, qu'il ait du sens ou non. On vient tous de ce milieu; on a travaillé dans l'industrie de l'alimentation et du commerce au détail.

D'autre part, le conseil provincial de l'Union des employés de commerce maintient qu'une libéralisation du commerce le dimanche aura pour effet que les prix des produits augmenteront et que les municipalités seront obligées d'augmenter leurs taxes en raison des services qu'elles seront obligées de fournir en surplus. Il en est ainsi puisqu'il est plus coûteux d'exploiter un commerce sur une base de sept jours par semaine que sur une base de six jours par semaine. En contrepartie, l'achalandage nouveau créé par une libéralisation du commerce le dimanche aura tôt fait de nécessiter, à titre d'exemple, l'augmentation des coûts de service comme ceux du transport en commun et de la sécurité policière.

Sans entrer dans le détail de cette mécanique spirale, force nous est de constater que la concurrence étant ce qu'elle est dans ce secteur de l'industrie, le service offert à la clientèle est primordial et, par voie de conséquence, le coût de ce service se répercutera nécessairement sur le prix des produits et ce, de façon directe ou indirecte, comme nous l'avons vu dans les paragraphes précédents.

Nous allons maintenant parler des conventions collectives en vigueur. Finalement, et subsidiairement, l'abolition de l'interdiction de faire commerce le dimanche entraînera de nombreux litiges. On vous a parlé du litige qu'on a vécu au mois d'octobre et au mois de novembre 1983. Je pourrais vous parler de l'expérience que nous vivons en Amérique du Nord et aux États-Unis où nous représentons 1 200 000 travailleurs dans le secteur de l'alimentation et du commerce au détail. Les États qui n'ont pas de loi fédérale sont régis par les municipalités. On a, depuis trois ans, négocié à rabais puisque l'ouverture du dimanche s'est produite au fur et à mesure et l'ouverture de 24 heures en 24 heures. On a dû abandonner le temps supplémentaire, les primes et nos conditions de travail s'en sont ressenties drôlement.

Qu'est-ce que cela a amené? Cela a amené tout simplement trois facteurs importants. Cela a amené plus de temps partiel dans notre industrie. Alors qu'aux États-Unis, c'est 80% de tous les travailleurs qui sont des employés à temps partiel qui ne gagnent pas leur vie où ils travaillent, chez nous, on est encore chanceux qu'il y ait 65% et 70% des travailleurs qui sont des employés à temps partiel. (22 h 30)

Malgré tout, nous voyons des mises à pied massives. On nous parle d'emplois qui sont créés; j'entendais les marchés publics qui créent des emplois, pendant ce temps, juste à côté, ils oublient les 800 travailleurs

que nous avons actuellement en chômage dans le commerce de l'alimentation au détail. Ils oublient les magasins qui doivent fermer. Pas plus tard que la semaine passée, deux grandes chaînes ont annoncé la fermeture de cinq magasins. On va en annoncer combien d'autres. On crée des emplois fictifs, mais on en fait disparaître ailleurs. Il est à prévoir qu'avec une forte proportion d'établissements commerciaux non syndiqués la libéralisation du commerce le dimanche aura tôt fait d'accentuer davantage une concurrence déjà déloyale faite par les établissements non syndiqués à l'endroit des établissements syndiqués.

Ou bien les commerces syndiqués devront supporter un coût d'exploitation supérieur en raison des conventions collectives, ou bien les travailleurs devront accepter une diminution de leurs conditions de travail pour équilibrer la concurrence. C'est ce qui est arrivé lors des dernières négociations parmi 10 000 travailleurs de l'alimentation et du commerce. On a dû avoir des diminutions et des baisses de nos conditions de travail. Le conseil provincial ne saurait accepter qu'une loi vienne, directement ou indirectement, abaisser les conditions de travail de ses membres.

Somme toute, les effets d'une exploitation commerciale continue sur sept jours seront destructeurs pour la qualité de vie des salariés membres de l'Union des employés de commerce et se traduiront inévitablement par une augmentation des coûts auprès du consommateur.

Pour une vraie loi du dimanche. De toute évidence, l'appât du gain, une loi désuète - on l'a vu tantôt avec les marchés publics - et une administration inefficace de cette loi, le tout projeté dans un environnement de très vive concurrence ont fait en sorte que les lois actuelles (provinciale et fédérale) sont devenues inutiles. Une loi efficace doit comporter des mécanismes coercitifs. À ce niveau, on vous félicite. Bravo! On est très satisfait des amendes qui apparaissent au projet de loi 59.

Le commerce constitue, à notre avis, l'industrie où la concurrence demeure la plus féroce et où le moindre avantage consenti à un commerçant par rapport à un autre se transforme inéluctablement en gains pécuniaires appréciables. La faiblesse de la loi et l'absence quasi totale d'administration, cela se comprend, compte tenu du très petit nombre d'inspecteurs. Nous sommes très heureux d'apprendre que les policiers seront maintenant plus vigilants. On comprend qu'ils ne pouvaient pas l'être trop tôt, puisque, avec 40 $ d'amende, quand on fait des profits très intéressants... On souhaite, à l'article 9 de votre projet de loi 59, que nous soyons reconnus expressément comme association accréditée pour que nous puissions nous aussi appliquer cette loi.

Je disais que la faiblesse de la loi et l'absence quasi totale d'administration de cette loi ont créé une situation qui permet de conclure qu'il est plus rentable pour un commerçant de violer la loi que de la respecter. Pour un coût minime, lorsqu'il y en a un, le commerçant agissant dans l'illégalité s'approprie un avantage de marché certain sur son concurrent.

Le meilleur exemple à cela, c'est le Marché de l'Ouest situé juste à côté du centre commercial Fairview et il y a ce qu'on pourrait appeler des magasins de fruits en gros qu'on dit indépendants. Pourtant, on retrouve ces mêmes marchands au marché de Laval, de Greenfield Park. OCTOFRUIT, Toscana, Plantation, est-ce que ce sont des marchés indépendants? Il faudrait se poser la question, puisqu'ils sont un peu partout dans ce qu'on appelle les marchés publics.

Il existe actuellement au Québec des centaines et des centaines de commerces qui font affaires illégalement au détriment de l'industrie et du commerce, c'est-à-dire non seulement au détriment des commerçants respectueux de la loi, mais également au détriment des salariés syndiqués membres de l'Union des employés de commerce. Qu'il nous suffise de citer, dans un premier temps, certains exemples que l'on retrouve partout au Québec et qui, à notre avis, constituent autant de violations flagrantes de cette loi.

Il y a d'abord les marchés aux puces où, chaque dimanche, des dizaines et des dizaines de commerçants vendent tous les produits de détail imaginables et ce, sans aucun respect de la loi du dimanche ainsi que de la loi sur les heures d'ouverture et de fermeture des magasins.

Les dépanneurs, avec ou sans essence, camouflent de petits magasins d'alimentation de détail et ont plus de trois salariés le dimanche. Fait cocasse, nous venons d'en syndiquer un et, lorsque est arrivé le moment pour l'employeur de dévoiler le nombre d'employés qu'il avait, il en avait huit. Or, il ouvre le dimanche.

Il y a les marchés de fruits où, chaque dimanche, une demi-douzaine d'employés, parents ou non du propriétaire, font le commerce de détail. Je ne voudrais pas vous citer des noms, je pense qu'on les connais.

Il y a les nouveaux centres commerciaux où sont apparus des commerces de type boutique et où le regroupement des boutiques dans un même site commercial constitue un exemple frappant d'un centre commercial fonctionnant le dimanche.

Il y a les magasins de "faillite", où l'on retrouve des ventes de pseudo-faillite à l'année une grande opération commerciale le dimanche, puisqu'ils les annoncent même à la télévision.

Il y a les pharmacies où les produits pharmaceutiques contituent l'infime partie des biens commerciaux vendus et où l'on y

retrouve même de la viande, des produits laitiers, des conserves, des jouets, etc.

Ceci dit, depuis quelque temps, une pression est exercée sur les commerçants qui, tout en étant respectueux des lois, voient cette menace de la perte d'une clientèle dans une concurrence déloyale de la part de commerçants opportunistes qui n'hésitent pas à violer la loi pour accaparer d'une part du marché.

Cette pression aura pour conséquence, si aucune correction n'est apportée, que les commerçants respectueux de la loi n'auront d'alternative que de fonctionner commercialement dans l'illégalité, ne serait-ce que pour stopper la diminution de leur clientèle.

Inévitablement, toute contre-attaque au niveau de cette concurrence déloyale aura un effet direct sur les membres de l'Union des employés de commerce en ce qu'ils serviront de main-d'oeuvre à rabais au sein de cette concurrence du dimanche. Conséquemment, nous croyons qu'il y a lieu, en plus d'indiquer clairement l'interdiction de commercer le dimanche, de préciser les exceptions et de les encadrer davantage. C'est un des éléments importants de notre mémoire.

Ainsi devrait être déclarée illégale, en plus des commerces qui ne se conformeraient pas à la loi actuelle, toute superficie commerciale qui excéderait 1200 pieds carrés, y incluant - nous sommes prêts à reconnaître trois personnes - tout espace servant à des fins commerciales le dimanche. Nous sommes prêts à accepter l'exigence des 1200 pieds carrés et de trois personnes.

Ajoutée aux autres critères prévus à la loi actuelle, la définition du périmètre devrait faire en sorte que les pharmacies redeviennent de véritables pharmacies; que les dépanneurs redeviennent de véritables dépanneurs. En outre, chaque établissement commercial faisant partie d'un regroupement géographique d'établissements commerciaux tel que les boutiques dans un centre commercial devrait obtenir une autorisation particulière accordée au mérite et après étude de chaque cas.

Finalement, au texte actuel de la loi, il y aurait lieu d'ajouter une définition des services qui peuvent être rendus le dimanche de façon à permettre une appréciation, cas par cas, de chaque entreprise commerciale opérant le dimanche.

La force coercitive de la loi.

Quant aux amendes - on vous a dit que nous étions très fiers de voir cela dans le projet de loi 59 - un encadrement devrait être prévu, encadrement qui ferait en sorte de prévoir un minimum et un maximum qui soient réalistes et dissuasifs pour la première infraction, le double en termes d'amende en cas de récidive dans la même année et, au cas d'une troisième récidive, la suspension possible du permis d'exploitation commerciale et la fermeture de l'établissement, avec ou sans amende.

En ce qui a trait à la juridiction du tribunal, nous croyons qu'il y aurait lieu que le Tribunal du travail puisse être saisi de plaintes pénales en regard de l'application de cette loi. Les plaintes pourraient être déposées éventuellement, soit par des employeurs, soit par des associations de salariés dûment accréditées par le biais d'un texte législatif approprié.

Un tel encadrement, dans la structure des amendes, ajouté à la célérité des procédures devant le Tribunal du travail, devrait permettre d'amorcer un virage important de la conduite des opérations commerciales illégales le dimanche.

Nous voudrions maintenant répondre à quelques arguments entendus lors des présentations de certains organismes. Nous avons entendu OCTOFRUIT vous dire qu'il y avait besoin de fruits frais. Nous disons que c'est faux; que c'est un faux besoin. Est-ce que la commission a demandé à OCTOFRUIT quels sont ses fournisseurs? Nous croyons que ce sont les mêmes que pour Steinberg, Provigo, IGA et tout autre magasin d'alimentation. Est-ce qu'OCTOFRUIT va prétendre vendre tous ses fruits la journée même et qu'il jette le reste? Est-il en train de prétendre que les grandes chaînes ne vendent pas des produits frais et que c'est seulement parce qu'on est ouvert le dimanche qu'on vend des produits frais? Les moyens de conservation aujourd'hui, en 1984, sont tels que, lorsqu'on a coupé le bananier à l'Équateur, il était totalement vert et qu'il est devenu frais dans le réfrigérateur d'un wagon de CN ou de CP Rail, il n'est pas plus frais chez OCTOFRUIT, parce qu'on le vend le dimanche, qu'ailleurs?

Les marchés publics sont un besoin. Je n'entrerai pas dans tous les savants énoncés qui ont été faits. Qui a créé ce besoin? On dit que le marketing qui a été fait sur les marchés publics est fantastique. Tout à coup, on a créé un besoin et on nous a parlé des marchands, des agriculteurs qui venaient vendre leurs produits. On ne touche pas à ces gens-là; le Marché Central existe depuis de nombreuses années; le Marché Jean-Talon, où les producteurs vont vendre et où les commerçants vont acheter, existe depuis nombre d'années. Il n'est pas assujetti à la loi actuelle et il n'est pas non plus assujetti à votre loi. Qu'est-ce qu'un marché public? C'est peut-être la question à se poser. (22 h 45)

Nous avons la liste des marchands qui vendent dans les marchés publics; prenez le Marché de l'Ouest; prenez le Marché du bonheur, le 440; prenez le Marché Laval ou Greenfield-Park, ce sont des boutiques l'une à côté de l'autre, sous un même toit. Mais quelle différence y a-t-il avec un centre commercial? Est-ce parce que les marchands et les agriculteurs viennent vendre des

produits dans les quelque 20 ou 30 espaces qu'il y a pour eux que ce sont des marchés publics tout d'un coup? Que va-t-il arriver si le centre commercial Fairview décide de s'appeler le marché public Fairview, qu'il donne 20 espaces aux agriculteurs et qu'il y a des boutiques? Est-ce qu'il va être exclu par la loi? Alors, c'est quoi, un marché public? C'est une accumulation de boutiques qui fait que c'est un centre commercial. On a fait du très bon marketing pour nous parler de l'ancienne, mais on a, nous, en tant que société, un choix à faire. Vous et nous avons un choix à faire. On exige et on revendique le dépannage le dimanche, mais on ne veut pas d'opération commerciale au même rythme et de même ampleur qu'un jour de la semaine. Oui, au dépannage; cela est un choix de société qu'on a à faire et on a ce loisir de le faire.

Qu'on parle maintenant de cloisonnement, de la pseudo-pharmacie. Nous sommes d'avis que notre choix de société, c'est d'interdire les opérations commerciales le dimanche, à l'exception du dépannage. PHARMAPRIX, Jean Coutu et tous leurs semblables se sont moqués de la loi à cause des faiblesses administratives. Nous devons stopper les aventuriers qui en profitent. Vous l'avez fait dans un premier temps - on vous en félicite encore - par les amendes. Nous voulons aller plus loin et on dit: On doit le faire aussi par ce qu'on appelle les pieds carrés, les 1200 pieds carrés et les trois employés, puisque la pharmacie va continuer à opérer. Cela va être un vrai dépanneur, un dépannage, car 1200 pieds carrés et trois employés, laissez-moi vous dire que j'ai travaillé dix ans dans le commerce de l'alimentation et du détail, cela se fait, et c'est du vrai dépannage.

Les faillites et les marchés aux puces. Comment cela a-t-il été créé? Cela a été créé par les aventuriers qui ont l'appât du gain. Quand vous voyez de la publicité à la télévision, dans les journaux, qui nous dit que ce sont des faillites, alors que cela fait un an qu'il est en faillite, qu'on vend des habits le dimanche, il va falloir se poser la question: Est-ce que cela fait longtemps, ces faillites? Nous, ce que l'on veut, ce sont les mêmes règles du jeu pour tout le monde.

On a entendu différentes représentations sur les droits acquis. Oui aux droits acquis, au dépannage, mais non à l'exploitation commerciale à grande échelle le dimanche. Des gens l'ont admis eux-mêmes et, bien souvent, il y en a plusieurs qui ont admis qu'ils l'ont fait dans l'illégalité. C'est pour cela qu'en commission parlementaire... On a, je crois, les Québécois, dépassé le seuil de la tolérance, qui est déjà plus élevé qu'ailleurs. On n'a tout simplement qu'à se rappeler la bataille d'IKEA ici même, dans la ville de Québec.

On a aussi entendu le mot réalisme employé par M. le ministre. Nous sommes d'accord. Il faut être réaliste et proche des problèmes de l'industrie de l'alimentation. C'est pourquoi nous sommes d'accord avec le dépannage, mais nous ne sommes pas d'accord avec l'exploitation des commerces, à grande échelle, le dimanche.

On vous met même au défi que, si les enjeux étaient clairs, sur la place publique, entre deux choix, premièrement, la vie familiale le dimanche et, deuxièmement, ce que j'appelle l'appât du gain ou le "fast-buck", nul doute que la réponse serait de permettre le dépannage et de protéger notre vie familiale.

En conclusion, M. le Président, premièrement, nous sommes d'accord pour l'exploitation de certains commerces le dimanche, le dépannage du dimanche, mais nous sommes contre toute exploitation des commerces à grande échelle. Deuxièmement, nous sommes pour qu'on limite à 1200 pieds carrés et à trois personnes en dehors des heures d'ouverture et de fermeture, tel que stipulé dans le projet de loi 59. Nous sommes contre toute libéralisation des heures d'ouverture et de fermeture. Nous ne voyons pas la nécessité d'ajouter une heure le samedi, jusqu'à 18 heures; les commerçants n'y gagneraient absolument rien. Nous sommes totalement opposés à la perte des jours de fermeture obligatoire que la loi actuelle stipule. Le lendemain du jour de l'an jusqu'à 13 heures, pour les 40 000 travailleurs du secteur de l'alimentation et du commerce au détail, c'est aussi fête. Le lundi de Pâques, qui est reconnu par la Loi sur les normes du travail, qu'est-ce qu'on va en faire? On va permettre d'ouvrir cette journée-là et on va devoir travailler. Le jour de l'Action de grâces, qu'est-ce qu'on va en faire? On va travailler. Le lendemain de Noël, jusqu'à 13 heures, c'est aussi fête. Nous nous opposons énergiquement au retrait de ces jours-là dans la loi 24. Nous sommes aussi d'avis que le jour de la Saint-Jean-Baptiste et le jour de la Confédération devraient être reportés au lundi pour permettre aux travailleurs d'avoir deux jours de congé consécutifs. Ce serait probablement très avantageux dans le commerce au détail puisque c'est la journée la moins achalandée.

Nous croyons aussi que la libéralisation que vous voulez faire quant aux six jours précédant le dimanche de Pâques est totalement inutile, premièrement, parce que c'est une fête flottante et, deuxièmement, parce qu'une infime minorité de commerçants en profiteraient puisqu'il n'y a rien de spécial la semaine précédant Pâques, en termes de vente et en termes d'exploitation des commerces d'alimentation ou du commerce au détail.

Nous voudrions aussi attirer votre attention sur le fait que, les 24 et 31 décembre, la loi 24 stipule que la fermeture

devrait se faire à 18 heures. Nous vous soumettons respectueusement que cela devrait être 17 heures. Nous croyons, par expérience - nous vivons dans ce milieu -qu'il n'y a pas beaucoup de consommateurs qui viennent la veille des fêtes, à 18 heures et à 17 heures, faire des achats. Nous pensons que vous devriez changer l'heure pour 17 heures, ce qui offrirait aux membres syndiqués et non syndiqués une vie familiale plus normale.

Mon dernier point, nous croyons que vous devriez remettre dans la loi l'article 9 et dire que toute association syndicale accréditée a droit de poursuivre et de faire respecter la loi. Ainsi, nous serions plusieurs à la faire respecter et ce ne serait certainement pas une innovation dans les lois qui nous régissent. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: M. Kukovica, je pense que votre mémoire est on ne peut plus clair. Après avoir entendu jusqu'à maintenant 25 ou 30 mémoires au cours des derniers jours, je me permets tout simplement de vous remercier et vous féliciter pour la limpidité et la clarté de la présentation de votre mémoire. Ce sont des choses avec lesquelles - vous l'avez mentionné vous-même - nous sommes d'accord. D'autres nous font réfléchir et nous nous pencherons sur ces recommandations au cours des prochains jours, des prochaines semaines. Quant à moi, j'ai trouvé votre présentation tellement claire que je n'ai pas de question à vous poser. Je ne sais pas si mon collègue de Laporte aurait quelques questions.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Vu la clarté du mémoire, M. le Président, et la clarté des propos des représentants de l'Union des employés de commerce et vu aussi l'heure tardive, je pense bien que nous allons passer outre nous aussi.

Le Président (M. Rancourt): Nous vous remercions, messieurs de l'Union des employés de commerce.

Nous allons appeler maintenant l'Association des consommateurs du Québec. Nous accueillons maintenant l'Association des consommateurs du Québec. Si vous voulez bien vous présenter et présenter ceux qui vous accompagnent.

Association des consommateurs du Québec

M. Beauchamp (Jean-Claude): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, à ma gauche, Mme Louise Rivard-Plouffe, présidente de la section Québec-Sainte-Foy de l'Association des consommateurs du Québec. À ma droite, Mme Manon Laporte, membre de l'association et conseillère en consommation. Je suis Jean-Claude Beauchamp, avocat, président de l'Association des consommateurs du Québec.

Les nombreuses associations qui se sont présentées devant vous et plus particulièrement leurs avocats, la plupart du temps, ont soulevé certaines règles de droit, ont rappelé à la commission l'existence de certaines règles de droit. On pourrait en rappeler une en ce qui nous concerne: nul n'est amené à plaider au nom d'autrui. On a pu constater, pendant le peu de temps qu'on a été ici, que tous les intervenants se réclament des intérêts des consommateurs et des besoins des consommateurs pour justifier leur propre position. Humblement, nous allons essayer de vous faire part de ce que les consommateurs ou un groupe de consommateurs pensent du projet de loi 59 et présenter très rapidement l'association.

L'Association des consommateurs du Québec existe depuis 35 ans maintenant. C'est donc l'aînée des associations de consommateurs au Québec. L'association regroupe actuellement environ 800 membres répartis dans toute la province. On exploite, en fait, une dizaine de sections locales et chacune exploite un centre d'information. Nous sommes une association qui est reconnue par l'Office de la protection du consommateur. Nous sommes subventionnés. Peut-être que 800 membres, cela paraît peu aux yeux des membres de la commission. Je peux dire à la commission que si on se compare à la situation des associations de consommateurs un peu partout dans le monde, la comparaison est avantageuse. Le pourcentage des membres de notre association se compare avantageusement avec ce qu'on retrouve dans la plupart des pays occidentaux. (23 heures)

L'association rejoint, par ses publications et ses services, au-delà de 100 000 personnes par année. D'autre part, la situation particulière existant au Québec explique un peu le nombre de membres qu'on retrouve, c'est-à-dire qu'il existe plusieurs associations de consommateurs au Québec. Ce qui distingue peut-être un peu l'Association des consommateurs du Québec des autres, je pense, c'est le fait que notre association ne représente pas et n'a jamais eu la prétention de représenter un groupe particulier de consommateurs, notamment des consommateurs défavorisés économiquement comme certaines associations le font, telles les ACEF. Nous avons toujours eu comme prétention et comme position de tenter de traduire la situation vécue par l'ensemble des consommateurs, du consommateur moyen.

M. le ministre, l'Association des consommateurs du Québec, comme vous le savez, vous a fait parvenir un mémoire, il y un an, sur cette question. Essentiellement, la position que nous avions exprimée à ce moment-là était celle de donner le pouvoir de réglementation dans le domaine des heures d'affaires aux municipalités. Nous disions à ce moment-là que cette façon de procéder permettrait de satisfaire un plus grand nombre de consommateurs. Nous disons que la grande préoccupation du gouvernement doit, selon nous, être de faire en sorte que la situation dans le domaine du commerce évolue en fonction des besoins des consommateurs. Nous savons tous que ces besoins-là ont évolué de façon rapide et de façon importante depuis un certain nombre d'années.

On peut rappeler aux membres de la commission le fait que les gens ne travaillent plus majoritairement - certaines études l'ont démontré - sur un horaire de 9 heures à 17 heures, du lundi au vendredi. Selon certaines statistiques et certaines études faites en 1976, déjà, à cette époque, au Canada, 55% des gens, de la population active travaillaient en dehors des heures régulières, c'est-à-dire de 9 heures à 17 heures du lundi au vendredi. D'autre part, on sait que la structure familiale s'est modifiée considérablement au cours des dernières années. On retrouve beaucoup plus, d'une part, de familles monoparentales ou de gens qui vivent seuls et, d'autre part, de couples où les deux conjoints travaillent, de sorte que cette évolution fait en sorte que les besoins des couples et des consommateurs en général ont évolué et sont différents.

À ce point de vue-là, je peux vous dire, M. le ministre, que, ce soir, j'ai entendu des propos d'associations qui faisaient état des besoins des consommateurs et de leurs recherches pour s'adapter aux besoins des consommateurs, notamment l'Association des marchés publics. Je peux vous dire que leurs propos ne m'ont pas fait "siler" les oreilles, si vous me permettez l'expression. Je pense que l'association est foncièrement d'accord avec la position de ce groupe qui dit qu'il y a eu une évolution des besoins des consommateurs et certains phénomènes, comme celui des marchés publics, correspondent effectivement, si on se fie à la fréquentation de ces endroits-là, à un besoin ressenti par les consommateurs.

Dans notre mémoire, on suggère, premièrement, au gouvernement de redonner le pouvoir de réglementation aux municipalités; pensons aux municipalités régionales de comté; pensons aux communautés urbaines régionales. La situation en milieu urbain est fort différente de celle vécue en milieu rural. Deuxièmement, on demande de maintenir des restrictions en ce qui concerne les heures d'ouverture le dimanche parce que, selon la consultation qu'on a faite auprès de nos membres, il semble y avoir encore beaucoup de réticence en ce qui concerne la libéralisation des heures d'ouverture le dimanche. Je pense qu'il faudrait apporter une correction à notre mémoire quand on dit à la page 3: "L'Association des consommateurs du Québec maintient sa recommandation de ne pas libéraliser les heures d'ouverture des commerces le dimanche... " II faudrait ajouter et lire "sauf si les municipalités l'autorisent". En fait, on dit, en ce qui concerne le dimanche: Laissons le fardeau de la preuve à ceux qui réclament l'ouverture le dimanche alors que, sur semaine, on dit de renverser le fardeau de la preuve et imposons le fardeau de la preuve aux municipalités qui voudraient restreindre les heures d'ouverture sur semaine. Notre recommandation est de libéraliser les heures d'ouverture en semaine. Nous pensons qu'actuellement certaines situations constituent des irritants pour les consommateurs. Nous pensons à certains secteurs particuliers comme l'alimentation, où les commerces de grande surface sont obligés de fermer à 18 heures pile, alors que beaucoup de consommateurs, des couples où les deux conjoints travaillent, doivent aller chercher un enfant à la garderie à 17 heures, faire des déplacements assez importants, etc. Donc, les limites qui sont imposées actuellement nous paraissent sévères. On pense qu'une certaine libéralisation dans ce domaine favoriserait une meilleure réponse aux besoins des consommateurs.

Dans notre mémoire, M. le ministre, comme vous avez pu le constater, nous avons essayé de tenir compte de trois variables importantes, dont celle de l'impact de l'ouverture des commerces sur la vie sociale et familiale. Nous avons souligné à la commission que ces préoccupations portaient surtout sur le dimanche, et non la semaine. C'est la raison pour laquelle on recommande au gouvernement de faire en sorte qu'en principe aucun commerce ne puisse ouvrir le dimanche, sauf les cas qu'on connaît déjà de dépannage - cela a été souligné - et si les municipalités le désirent. Par exemple, la Communauté urbaine de Montréal pourrait réaliser, étant donné son contexte urbain, la densité de sa population, le fait que les gens ont des habitudes de vie fort différentes les uns des autres, que cela répond à un besoin, le fait de libéraliser les heures, le dimanche.

M. le ministre, en ce qui concerne les impacts sur le commerce, la concurrence et les prix, on a voulu attirer votre attention sur ceci. Par exemple, dans le secteur de l'alimentation, le fait d'avoir développé une structure parallèle de dépannage comporte aussi des coûts; il faut y penser. Quand on dit que cela pourrait avoir un impact sur les prix, c'est-à-dire les faire augmenter, on a

un doute là-dessus. On pense que, dans beaucoup de cas, la situation pourrait être à l'inverse; cela pourrait avoir un effet à la baisse sur les prix.

Enfin, en ce qui concerne l'impact sur les travailleurs, encore une fois, on semble faire une adéquation entre la prolongation des heures d'ouverture et la prolongation des heures de travail. Nous pensons qu'il n'y a pas nécessairement adéquation entre les deux et que cela donnerait ouverture à une plus grande souplesse en ce qui concerne les heures de travail. Cela donnerait peut-être ouverture à des nouveaux emplois dans ce secteur et, encore une fois, cela permettrait de satisfaire un plus grand nombre de consommateurs.

M. le ministre, j'ai résumé très sommairement, vu l'heure tardive, l'essentiel de notre mémoire. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: D'abord, je vous remercie de votre sympathie à l'égard des membres de la commission qui ont commencé tôt ce matin et qui ont passé quelques heures au bureau avant de commencer à siéger ici. Je pense qu'on apprécie beaucoup les quelques minutes additionnelles de repos que cela va nous donner ce soir.

Brièvement, quelques commentaires. J'apprécie votre mémoire, votre présentation surtout; je pense que c'est aussi clair d'en écouter la lecture que de le lire. Nous savons maintenant où l'Association des consommateurs du Québec se loge. Je pense que votre intervention vis-à-vis des consommateurs et la perception que nous en avons nous aideront à étudier, au cours des prochains jours, les différents mémoires qui nous ont été soumis ou qui nous seront soumis encore demain.

Je crois qu'on ne pourra pas répondre à votre demande - j'aime mieux vous le dire tout de suite - de transférer aux municipalités le pouvoir de réglementer les heures d'ouverture. Ce pouvoir appartenait aux municipalités avant 1969 et je ne vous cache pas que, si le gouvernement est intervenu à l'époque, c'est que, de l'avis d'à peu près tout le monde, en incluant les municipalités, c'était le vrai bordel. L'Union des municipalités du Québec, avec laquelle nous avons communiqué avant cette commission, nous a dit: Au nom de nos membres, on ne veut pas reprendre cela parce que, si la municipalité de Sainte-Foy réglemente l'ouverture le soir, et si la ville de Québec dit non, finalement, elle est obligée de dire oui à cause du commerce qui s'en va à Sainte-Foy et ainsi de suite. Le dimanche, cela pourrait être la même chose. Cela fera, finalement, autant de régimes que de municipalités, ce qui veut dire que, dès que la première municipalité va libéraliser totalement, en y incluant le dimanche, toutes les autres municipalités, un jour où l'autre, devront suivre.

La plupart des associations, jusqu'à maintenant, l'Union des municipalités du Québec et la plupart des commerçants nous ont dit: On aime mieux qu'il y ait une vision globale dans tout le Québec, quitte à intervenir dans des régions particulières, comme la ville de Hull, aujourd'hui, nous a dit: Pour nous, il y a un problème, parce que, de l'autre côté de la rivière, à Ottawa, c'est ouvert tout le temps; on voudrait avoir une certaine marge de manoeuvre.

Cette marge de manoeuvre est donnée en vertu du projet de loi au ministre qui peut, sur demande de la municipalité ou d'un corps représentatif du milieu, intervenir dans certaines régions dites touristiques ou frontalières pour leur accorder certaines permissions spéciales. Dans ce sens, je crois que la plupart des interventions vont dans le sens contraire de la vôtre, quoique j'apprécie la vôtre et les raisons pour lesquelles vous nous faites cette présentation.

Quant au reste, je vous remercie de votre présentation et je l'apprécie beaucoup. Je ne sais pas si mon collègue, le député de Laporte, aurait quelques questions à vous poser.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: À peine une ou deux, M. le ministre. Je suis content de voir enfin des représentants de consommateurs; on en rêvait depuis le début et on n'en voyait jamais. En définitive, ce sont les consommateurs qui sont concernés, au premier chef, par les heures d'ouverture des commerces. Les commerces existent en fonction des consommateurs et non l'inverse.

Dans votre mémoire, en conclusion, vous semblez dire, si j'ai bien compris votre mémoire, que vous avez reconsulté vos membres récemment et que vous avez observé un certain déplacement. Dans votre conclusion, finalement, vous dites: Nous sommes foncièrement convaincus qu'il faut libéraliser les règles dans ce domaine, pour permettre à la société de s'ajuster plus facilement aux multiples situations et aux besoins constamment en évolution de consommateurs, par ailleurs plus avertis que jamais. On sent là-dedans que vous avez constaté une évolution et que vous tentez de la traduire dans votre mémoire.

Par contre, vous conservez quand même, comme consommateurs, la demande de ne pas permettre les ouvertures le dimanche. Je me pose des questions, compte tenu du sondage qui nous a été livré ce soir par l'Association des marchés publics,

sondage fait exclusivement auprès des consommateurs, mais des consommateurs dans les régions où existent des marchés publics. Ce sondage semble avoir été fait de façon très scientifique et, d'une façon assez étrange, finalement, a été effectué auprès de 800 consommateurs - c'est-à-dire qu'il y a eu 1359 échantillons au départ. Avec les rejets et ce qu'on fait dans les diverses méthodologies, 800 entrevues ont été complétées. Or, 800 est un chiffre étrange, parce que c'est exactement le nombre de membres que vous avez. Les vôtres sont disséminés à travers le Québec et il n'y a pas de marchés publics partout au Québec. Croyez-vous que la pensée des consommateurs évolue suffisamment dans le Québec pour que, éventuellement, vous soyez en mesure de nous dire que les consommateurs -comme, on l'a observé dans les régions où il y a des marchés publics - seraient plutôt en faveur de permettre la libéralisation le dimanche?

Le Président (M. Rancourt): Me Beauchamp.

M. Beauchamp: Je n'aurais pas de difficulté à vous répondre affirmativement pour la raison suivante: d'une part, lorsqu'on parle de maintenir des restrictions sur le dimanche, dans notre mémoire, c'est toujours dans le contexte où le pouvoir est dévolu aux municipalités et en ajoutant: sauf si les municipalités l'entendent autrement. Donc, il faut situer cela dans ce contexte. La raison était bien simple; notre prétention était que les voeux de la population et ceux des consommateurs peuvent être différents en milieu rural ou semi-rural de ceux du milieu urbain. D'autre part, si je me fie au son de cloche qu'on a à l'association en ce qui concerne ceux qui vivent en milieu urbain, je serais porté à croire que les résultats du sondage dont il a été question ici, ce soir, correspondent probablement à une réalité, c'est-à-dire que, en milieu urbain et, en particulier, dans le cas des gens qui habitent près des centres commerciaux et des marchés publics, ce nouveau phénomène est apprécié par les consommateurs. Cela correspond effectivement à une nouvelle façon de se comporter au niveau du commerce et au niveau de la consommation de la part des consommateurs. Oui, c'est le sens de ma réponse.

Mme Rivard-Plouffe (Louise): Notre sondage concernait les commerces en général.

M. Beauchamp: En plus, là, on parle de marchés d'alimentation, presque exclusivement de marchés d'alimentation, alors que, nous, cela portait sur l'ensemble du commerce sans distinction.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Je conclurai, M. le ministre, sur une observation. Puisque nous sommes en présence d'un groupe de consommateurs, je me demande s'il ne serait pas opportun, à ce stade-ci, pour le ministre ou le gouvernement, de reprendre le sondage, de faire faire vraiment un sondage scientifique, non seulement dans la région de Montréal ou dans celles où il y a des marchés publics, mais dans l'ensemble du Québec, auprès des consommateurs cette fois-ci - puisqu'ils semblent avoir été les grands négligés des consultations effectuées - de façon que l'ensemble des parlementaires soient bien informés sur les souhaits des consommateurs.

Les gens qui sont ici, malgré toute leur bonne volonté, n'ont pas les moyens financiers, je pense, de faire un sondage scientifique. Quand un sondage n'est pas fait de façon scientifique, on sait ce que cela vaut; cela ne vaut pas grand-chose. Cela pourrait valoir, mais je ne voudrais pas dire que vous n'êtes pas représentatifs. Au point de vue scientifique, on ne peut l'invoquer de façon très précise. Alors, je me demande si on n'est pas là pour répondre au voeu de la population et si cela ne vaudrait pas la peine, plutôt que de dépenser des millions de dollars en propagande à la télévision pour toutes sortes de choses, de dépenser quelques centaines de milliers de dollars pour faire faire un vrai sondage, de façon qu'on sache quel est le voeu des consommateurs.

M. Fortier: M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Juste un mot. Je crois que votre mémoire fait allusion au fait que vous n'êtes pas sûrs qu'une libéralisation amènerait nécessairement une hausse des prix des produits pour le consommateur. Vous faites allusion au fait qu'une structure parallèle, dans le cas des dépanneurs, semble signifier des prix quelque peu plus élevés. Je ne sais pas si vous étiez ici cet après-midi lorsqu'on a entendu M. Jean Coutu faire état de comparaisons de prix, pour des produits bien précis, entre ses prix et ceux de ses concurrents. Ses concurrents m'ont dit après la réunion qu'ils nous donneraient leur point de vue là-dessus. Selon l'information que M. Jean Coutu nous a donnée - si vous ne l'avez pas, vous devriez en obtenir une copie - contrairement à ce que certaines personnes nous disent, il semblerait que, dans son cas, les prix sont très bons. Il réussit à maintenir ses prix très bas - meilleurs, dans bien des cas - malgré le fait qu'il soit ouvert sept jours par semaine. Je pense que vous devriez comparer cette information avec d'autres

informations. Si c'était le cas, cet argument ne pourrait pas tenir à l'avenir, si vous prenez la défense du consommateur.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Biron: Merci beaucoup d'être venus ce soir, même à une heure passablement avancée, nous faire connaître votre point de vue. Pour une fois que l'Opposition encourage le gouvernement à faire un sondage...

Une voix: II faudrait en profiter et le faire.

M. Biron: ...certainement que je garderai en mémoire longtemps cette ouverture de la part de l'Opposition à l'égard du gouvernement. Merci.

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai bien dit sondage et non pas propagande.

Des voix: Ah! Ah!

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Ceci clôt cette journée d'audition. La commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 15)

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