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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 11 mai 1977 - Vol. 19 N° 67

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Michaud): Bonjour, messieurs. En tant que président de la commission de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue pour étudier les crédits du ministère de l'Industrie et de Commerce.

Les membres de la commission sont: MM. Bi-ron (Lotbinière), Bordeleau (Abitibi-Est), Boucher (Rivière-du-Loup), Desbiens (Dubuc), Duhaime (Saint-Maurice), Godin (Mercier), Grenier (Mégantic-Compton), Mme Leblanc (Iles-de-la-Madeleine, MM. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), Mailloux (Charlevoix) remplacé par Ciaccia (Mont-Royal); Marcoux (Rimouski), Marquis (Matapédia), Michaud (Laprairie), Pagé (Portneuf) remplacé par Caron (Verdun); Perron (Duplessis), Raynauld (Outremont) et Tremblay (Gouin).

En tant que président, je recommanderais de nommer un rapporteur officiel de la commission, est-ce que M. Desbiens accepterait?

M. Desbiens: D'accord.

Le Président (M. Michaud): M. Desbiens est notre rapporteur officiel. Merci. Je crois que nous allons procéder comme à la normale. Nous allons faire des commentaires d'ordre général et, pour ce faire, je cède la parole au ministre. Ensuite, nous aurons les partis d'opposition. M. le ministre.

M. Caron: M. le Président, avant de commencer, je voudrais faire remarquer à la commission que si on est plus de membres de l'Opposition que le parti au pouvoir, ça veut dire...

M. Biron: C'est qu'on représente 60% de la population.

M. Caron: ...qu'on représente 60% de la population, c'est bon de le mentionner. Ils sont quatre collègues avec le ministre et on est...

M. Grenier: On va faire une motion pour renverser le gouvernement ce matin.

M. Caron: On ne le fera pas, on ne veut pas être désagréable pour le ministre. Parce que, franchement, il est bien fin, bien "smart", on veut collaborer avec lui. M. le ministre, on va accepter de marcher pareil.

Le Président (M. Michaud): M. le député de Verdun...

M. Tremblay: II s'agit d'un geste de collaboration fraternelle.

Le Président (M. Michaud): ...votre commentaire est fait, entendu. S'il n'y a pas d'autres questions ou commentaires, je passerais la parole au ministre.

Exposé préliminaire du ministre M. Rodrique Tremblay

M. Tremblay: Merci, M. le Président. J'ai fait parvenir, la semaine dernière, à chaque membre de la commission un document que j'estime très complet retraçant le détail du budget 1977/78 du ministère de l'Industrie et du Commerce. J'espère que chacun des membres de la commission l'a effectivement reçu. Je vois que chacun a une copie. J'espère aussi que vous avez eu le temps de passer à travers.

C'est avec plaisir que je propose donc à la commission l'étude des dix programmes qui résument les activités de mon ministère.

J'ai, avec moi, aujourd'hui, les officiers du ministère de l'Industrie et du Commerce qui agiront comme personnes-ressources pendant la tenue des séances de la commission. Je voudrais vous présenter, à ma droite, M. John Dinsmore, sous-ministre en titre; à ma gauche, M. Marcel Bergeron, sous-ministre adjoint, responsable de l'administration, responsable de l'expansion de l'industrie et du bureau de la statistique du Québec. Nous avons aussi deux autres sous-ministres qui sont à notre disposition: M. Patrick Hyndman, responsable de la direction générale de l'industrie et M. Pierre Shooner qui s'occupe de la direction générale des services aux entreprises. J'ai aussi avec moi M. Christian Latortue, directeur général à l'administration, de même que d'autres fonctionnaires qui pourront se joindre à nous sur d'autres points précis au cours des séances.

Je voudrais donc, à l'occasion de cette première rencontre de la commission parlementaire de l'industrie et du commerce sur les crédits du ministère, souhaiter la bienvenue à tous les membres de l'assemblée, de même qu'aux journalistes et aux observateurs.

Par le passé, l'Opposition a toujours maintenu un degré élevé dans ses interventions et a permis que l'étude des crédits soit à la fois un exercice de surveillance de l'administration des fonds publics et l'occasion d'un débat de fond sur les choix économiques du gouvernement.

Je souhaite que tous les membres de cette commission puissent, cette année, poursuivre un travail constructif et efficace, comme par le passé, et je fais appel au sérieux et à la modération de chacun pour qu'il en soit ainsi.

Depuis le 15 novembre, le Québec a un nouveau gouvernement. Sur le plan économique, sur le plan de l'industrie, sur le plan du commerce, des pêches et de leur développement, cela signifie de nouvelles attitudes et une volonté plus ferme et

plus prononcée de soutenir l'entreprise autochtone et la promotion des francophones dans les activités économiques.

Les crédits de cette année ne peuvent naturellement refléter totalement nos engagements puisque ces engagements demandent des études préliminaires, qui ne sont pas complétées dans tous les cas, et parce que la préparation du budget 1977/78 a débuté en juin de l'an dernier, longtemps avant que je ne prenne moi-même la direction du ministère.

Vous noterez cependant que nous avons déjà posé des gestes concrets en mettant sur pied, par exemple, une politique d'achat qui vise à récupérer, pour l'entreprise du Québec, une part importante du marché interne.

De plus, nous avons déjà mis en place les éléments du fonds de relance industrielle qui coûtera, dès cette année, plusieurs millions de dollars au gouvernement. On établit le coût de ce nouveau programme à un maximum de $30 millions.

Je souligne que ces sommes n'apparaîtront pas au budget du ministère de l'Industrie et du Commerce, mais qu'elles le prolongent, néanmoins, de façon directe, puisque c'est notre ministère qui est responsable du déroulement du programme. Cela explique d'ailleurs que le budget du ministère lui-même augmente très modérément cette année.

En effet, tant les crédits souscrits largement aux sociétés d'Etat placées sous ma responsabilité que les fonds nécessaires aux mesures d'allégement fiscal sont comptabilisés au ministère des Finances, même si toutes ces sommes sont directement injectées dans les programmes industriels de stimulation et de développement établis par le ministère de l'Industrie et du Commerce.

Parmi les mesures adoptées par le gouvernement et qui donneront lieu à de nouveaux services, je mentionne la création d'une commission permanente des achats dotée d'un secrétariat permanent rattaché au ministère de l'Industrie et du Commerce. La commission interministérielle a déjà tenu deux réunions et le secrétariat est en pleine période d'organisation.

En outre, nous comptons mettre en marche, dès le mois prochain, le programme des Sociétés pour le développement de l'entreprise québécoise, les SODEQ, dont la mise en place a demandé passablement de travail et de temps. En fait, une fois la loi adoptée, il restait à compléter la réglementation, ce qui s'est révélé plus complexe que prévu sur le plan de l'évaluation des coûts pour le Trésor.

De plus, nous travaillons activement au MIC à préparer la substantielle pièce législative qui créera la société de réorganisation industrielle. Nous tenons absolument à étudier soigneusement au préalable l'impact de cette société qui nous semble indispensable comme outil de promotion des petites et des moyennes entreprises et comme instrument de restructuration de certains grands secteurs industriels du Québec.

Nous voulons nous assurer que la société sera bien orientée, qu'elle ne créera aucun dédouble- ment de services et qu'elle aura à sa disposition tous les instruments nécessaires à son action. C'est dire que nous serons prêts à l'automne à formuler des propositions définitives quant à la structure et à l'orientation de cette société.

Cette société sera une des pièces maîtresses de notre action en vue d'ajouter à l'aide offerte aux entreprises québécoises. Son travail se doublera de nombreuses activités dont, au printemps de l'an prochain, en 1978, une importante semaine des petites et moyennes entreprises qui couronnera une série d'activités de stimulation, de recherche et de travail collectif, échelonnée sur quatre mois, à compter de l'automne prochain, partout sur le territoire du Québec.

Le budget du ministère de l'Industrie et du Commerce, pour 1977/78, atteint près de $113 millions, en incluant les fonds statutaires octroyés au Centre de recherche industrielle du Québec. Je signale dans ce budget une augmentation de près de $2 millions aux services et aux directions visant à l'expansion des marchés à l'étranger et à la transformation industrielle du Québec.

Nous connaissons depuis longtemps les carences de l'industrie québécoise dans les secteurs des marchés et de l'exportation de façon générale. Cette année, nous ajouterons au moins onze professionnels dans le secteur économique, aux bureaux et délégations du Québec à l'étranger. De plus, nous accroîtrons substantiellement les missions, les colloques et les séminaires à l'étranger. Au Québec même, nous mettons sur pied ou nous avons l'intention de mettre sur pied, au cours de l'année qui va suivre, un institut de commerce international qui regroupera sous un même toit un grand nombre de services d'information sur les marchés, sur les processus de marketing et sur les activités d'exportation. Nous tenterons ainsi de stimuler et d'orienter la croissance des exportations québécoises sur les marchés extérieurs. Sur ce plan, on notera que la direction de l'expansion industrielle a déjà effectué un travail de base très important en produisant un répertoire de cabinets-conseils du Québec et un inventaire des organismes internationaux actifs dans le secteur économique.

Cette direction a, de plus, réalisé un répertoire des exportateurs québécois qui nous donne des indications claires quant aux secteurs à développer et à stimuler. On comprendra que ces travaux de base sont essentiels, si l'on se rappelle que les cabinets-conseils qui exportent notre technologie à l'étranger pourraient exporter aussi très substantiellement nos produits finis à haute technologie. On notera aussi que les travaux, comme les missions, les colloques, les foires, etc., ont produit l'an dernier des ventes potentielles de plus de $47 millions à l'étranger. Il s'agit donc d'un secteur d'activité qui est très rentable, à mon avis, pour le Québec.

Au plan national, les services aux entreprises auront à leur disposition pour aider le développement des petites et des moyennes entreprises environ $1 million de plus. Cette somme servira à multiplier les activités de stimulation directe, les

échanges internationaux de dirigeants d'entreprises, les colloques, les séminaires sur la gestion, le marketing et l'innovation. Les services aux PME, qu'il s'agisse des services aux entreprises ou des services régionaux, ont traité en 1976/77 plus de 2000 dossiers, dont plus de 500 ont donné lieu à des actions ponctuelles de fonds auprès des petites et des moyennes entreprises.

En 1977/78, le ministère continuera aussi et approfondira son travail de recherche fondamentale sur l'industrie québécoise. Pour sa part, la direction générale de la recherche et de la planification intensifiera encore son travail en complétant notamment ses études sur les secteurs industriels. Durant l'année qui s'est écoulée, la direction générale de la recherche et de la planification a terminé une étude comparative de la structure manufacturière du Québec, une analyse des perspectives de croissance des principaux secteurs industriels et sectoriels et des études sectorielles très importantes comme celle sur l'industrie québécoise du textile que nous avons rendue publique au début de l'année. En 1977/78, ces travaux seront complétés et approfondis.

La direction générale de la recherche et de la planification a également produit, cette année, les comptes nationaux du Québec. Nous établirons désormais, chaque année, sur des bases statistiques rationnelles, la mise à jour des comptes économiques, qui sont un outil indispensable d'analyse critique de notre situation économique.

Côté commerce, nous suivrons de très près les résultats de la commission d'étude sur le fonctionnement et révolution du commerce au Québec. La direction des services commerciaux continue cependant d'être la source de regroupements commerciaux majeurs qui apportent un dynamisme fondamental à notre marché.

Je laisserai le soin aux responsables du Centre de recherche industrielle, de la Société de développement industriel et du Parc industriel de Bécancour de donner plus de précisions sur leurs organismes et leur fonctionnement au cours des sessions de la commission. Il en ira de même pour le secteur des pêches maritimes, que nous souhaitons développer dans les années a venir.

En terminant, quelques observations rapides sur trois autres activités au ministère de l'Industrie et du Commerce.

Sur le plan de l'infrastructure industrielle, nous poursuivons les programmes déjà amorcés quant au développement des parcs industriels et quant à l'aide à la formation de commissariats industriels. Dans ce secteur, les ententes-cadres négociées avec le gouvernement fédéral continueront d'être appliquées. Ces ententes font toutefois l'objet d'une réévaluation globale sur tous les autres plans présentement.

Le gouvernement du Québec a, en effet, décidé de ne retenir ces ententes que dans la mesure où elles impliquent des sommes importantes et où elles s'inscrivent dans le cadre de programmes déjà définis par nous.

Il s'agit là d'une mesure importante qui vise à éviter que le Québec soit amené, dans le cadre de ces ententes, à partager les frais d'activités qu'il n'a pas lui-même suscitées ou amorcées.

Enfin, je signale que le statut du Bureau de la statistique du Québec sera bientôt modifié. Nous proposons à cet effet un amendement législatif qui accordera au BSQ un statut plus élevé et une autonomie d'action accrue.

En bref, donc, le ministère de l'Industrie et du Commerce continue d'être le lieu d'intersection d'un grand nombre d'activités qui sont essentielles à la prise en main de notre économie, et son rôle sera encore accru dans les années qui viennent afin de susciter des changements encore plus nombreux et plus fondamentaux de l'économie québécoise et surtout de la place qu'y tiennent les francophones.

Je remercie publiquement aujourd'hui les fonctionnaires professionnels et les cadres qui travaillent au ministère de l'Industrie et du Commerce, avec un dévouement constant, et je souhaite qu'ils redoublent d'ardeur à l'heure où nous voulons élargir le projet collectif des Québécois par une action économique plus cohérente et plus ferme.

Merci, M. le Président.

Remarques de l'Opposition M. André Raynauld

Le Président (M. Michaud): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au représentant de l'Opposition officielle, le député d'Outremont, pour des commentaires d'ordre général.

M. Raynauld: Merci, M. le Président. Ma première observation sera d'offrir des félicitations au ministre pour le dossier qu'il nous a préparé pour l'étude des crédits.

J'ai eu l'occasion — même s'il est très épais — de le lire et je pense que c'est un document extrêmement utile.

En deuxième lieu, je voudrais souligner que la situation économique actuelle est très mauvaise et que si le ministère de l'Industrie et du Commerce a beaucoup d'activités, c'est au fond par référence à cette situation économique qui sera améliorée ou empirée qu'on devra juger de l'efficacité du ministère de l'Industrie et du Commerce.

A cet égard, je pense qu'on ne sent pas encore, et pas plus dans la présentation du ministre ce matin, cette urgence qui existe au Québec de corriger une situation qui se détériore considérablement.

Nous avons des informations qui sont publiées à peu près toutes les semaines sur la situation économique. Je n'ai pas encore vu de signes encourageants parmi tous les indicateurs qui sont produits et qui nous permettent d'évaluer cette situation. Que cela soit du côté des investissements, où le gouvernement insiste sans cesse pour parler des investissements totaux lorsque nous voulons plutôt parler des investissements privés, qui sont les seuls à réfléter le climat économique général et non pas des investissements publics et on sait

que, de ce côté des investissements privés, les perspectives pour 1977 sont sombres.

En termes réels, ces investissements vont être négatifs. On sait que la situation du chômage se maintient au niveau à peu près le pire, avec de petites variations d'un mois à un autre, mais ce qui est encore plus important, c'est la situation de l'emploi et on s'est fait rappeler de nouveau hier, par l'annonce des dernières statistiques sur l'emploi, que le Québec a perdu 9000 emplois au cours du mois. Cette situation se perpétue de semaine en semaine.

Maintenant, on s'attend, on annonce, aux Etats-Unis par exemple, un taux d'inflation qui me surprend, en ce qui me concerne, et qui est très élevé pour les trois premiers mois de l'année. Cette inflation américaine pourrait se répercuter sur l'économie canadienne et québécoise à un moment très inopportun, avant même que la reprise se soit manifestée au Québec et au Canada, ce qui promet encore des lendemains difficiles.

Ensuite, le gouvernement fait état d'une paix sociale qui aurait été retrouvée comme par enchantement après l'élection du 15 novembre. J'ai vérifié quelques chiffres à cet égard. Par exemple, le nombre de jours-homme perdus par les grèves. On sait qu'en 1976, cela a été la pire année de l'histoire du Québec alors que le Québec a connu 52% des pertes en jours-homme à cause des conflits de travail. Or, depuis les mois de décembre, janvier et février, les trois derniers mois, la proportion n'a pas diminué, la proportion a même augmenté en janvier, elle est rendue à 55%; 55% de tous les conflits de tous les jours-homme perdus au Canada se sont retrouvés au Québec. En février, la proportion a baissé à 45%, je crois. Ce sera à vérifier, 42% ou 45%. Par conséquent, lorsqu'on a un nombre d'employés égal à peu près à 23% de celui de l'ensemble du Canada, je ne pense pas qu'on puisse se réjouir et qu'on puisse faire état d'une grande victoire du côté de la paix sociale.

Le ministre de l'Industrie et du Commerce a prononcé un discours très remarqué, en fin de semaine. S'il n'avait pas contenu ces concepts douteux de dépendance et de relent de colonialisme, j'aurais peut-être même pu l'écrire moi-même. Il a fait état d'une situation extrêmement difficile au Québec en ce qui concerne la productivité, les exportations, un secteur public qui accapare toutes les ressources.

Je suis d'accord avec ce diagnostic général sur l'économie du Québec. La question que je me pose évidemment, c'est que le ministère de l'Industrie et du Commerce et que le ministre de l'Industrie et du Commerce entendent faire pour corriger ces défauts ou ces lacunes de structure dans l'économie du Québec, que le ministre entend faire et qu'il a fait depuis le 15 novembre pour essayer de corriger cette situation économique très néfaste à l'heure actuelle.

Il ne sera pas surpris, je suppose, quand nous allons essayer au cours de ces séances de la commission parlementaire d'obtenir des informations plus particulières sur ce qui s'est produit de- puis le 15 novembre, quels sont les changements d'orientation de politique qui ont été effectués, quelles sont les initiatives que le nouveau gouvernement a prises, quelles sont les initiatives qu'il entend prendre, plutôt que d'examiner simplement la situation générale de l'année financière 1976/77. Je sais, parce que j'ai été très proche du ministre de l'Industrie et du Commerce, à quel point il a déjà étudié la situation économique du Québec. Je me serais attendu, compte tenu de ses longues études, qu'il se présente très rapidement avec des solutions.

Or, jusqu'à maintenant, on n'a pas vu beaucoup de solutions. On a cette campagne d'achat chez nous sur laquelle je reviendrai pour essayer de faire préciser au ministre ce qu'il pense vraiment obtenir d'une politique d'achat de cette nature.

Je note, et avec beaucoup de plaisir, la création de ce fonds de relance dans le budget. J'ai déjà eu l'occasion de féliciter le gouvernement à cet égard. Je pense que c'est une initiative très heureuse, mais c'est une initiative encore mineure. Je note également que, dans l'ensemble du budget, on a donné priorité à une remise en ordre ou à une rigueur financière qui a été imposée au gouvernement en grande partie à cause de l'élection du 15 novembre, une rigueur qui n'était pas appropriée à la situation conjoncturelle du Québec où il aurait fallu une relance beaucoup plus forte que cela n'a été le cas.

Je note évidemment aussi le projet de société de réorganisation industrielle sur laquelle nous savons très peu de choses à l'heure actuelle et, bien sûr, nous aurons l'occasion d'en discuter plus tard.

Mais, hors ces propositions, politique d'achat, fonds de relance et société de réorganisation industrielle, il y a très peu au menu en ce qui concerne des politiques de ce gouvernement qui viseraient à rétablir une situation économique très mauvaise à l'heure actuelle.

Je m'en tiendrai à ces observations très générales pour l'instant, parce que je ne voudrais pas retarder indûment l'étude des crédits. Je voudrais assurer le ministre que nous coopérerons avec lui pour procéder de façon aussi rapide que possible à l'adoption des crédits du ministère.

Le Président (M. Michaud): Nous allons passer aux commentaires généraux du député de Lotbinière.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, moi aussi, j'ai apprécié le rapport détaillé du ministère de l'Industrie et du Commerce. J'ai pu passer à travers au cours des deux dernières journées. J'ai apprécié ce qui s'y faisait. Je voudrais quand même qu'on puisse rendre plus pratique tout ce qui se fait au ministère de l'Industrie et du Commerce.

J'ai constaté, moi qui ai été dans l'entreprise une vingtaine d'années, que je ne connaissais pas, malheureusement, une grande partie des aides

possibles du ministère vis-à-vis des entreprises québécoises. Il semble que les programmes sont peut-être un peu trop théoriques et pas assez pratiques. On devrait, à l'intérieur du ministère, faire en sorte de répondre aux besoins des petites et moyennes entreprises. Il s'agit, pour la plupart, des gens qui ne sont pas spécialistes dans le domaine des subventions, dans le domaine de l'aide du ministère et qui pourraient certainement profiter de ces subventions, de ces aides, si seulement ces gens-là pouvaient savoir qu'elles existent au ministère.

J'ai suggéré, il y a à peu près un mois et demi ou deux mois, des centres de services économiques au niveau de chacun des comtés du Québec. C'est peut-être une formule qui répondrait davantage aux besoins de nos entreprises, de nos commerces, chez nous, afin que ces gens-là puissent aller dans un centre, au niveau de leur comté, sans courir à Québec ou à Montréal, à travers les divers départements du ministère, pour se retrouver. Possiblement qu'avec quelques fonctionnaires au niveau de chacun des comtés du Québec, beaucoup de ces entreprises viendraient demander l'aide du ministère de l'Industrie et du Commerce.

J'ai vécu, depuis que je suis député, plusieurs expériences dans ce sens-là. J'ai connu des gens, un en particulier, il y a environ deux mois, qui a perdu une subvention du ministère de l'Expansion économique régionale, à Ottawa, de $30 000 à $40 000, parce qu'il ne savait pas qu'il pouvait avoir une subvention. Lorsqu'il est venu me voir, son projet était complété. Je lui ai dit: Tu as le droit d'avoir une subvention. Quand commences-tu? Il m'a dit: J'ouvre mes portes demain matin, tout est fait, c'est terminé. Je lui ai demandé pourquoi il n'était pas venu me voir avant, et il m'a répondu qu'il ne savait pas qu'il pouvait avoir de l'aide.

De tels exemples, on en a dans tous les comtés du Québec. C'est pourquoi il faudrait que le ministère de l'Industrie et du Commerce réponde, non seulement à quelques professeurs d'université ou à quelques théoriciens, mais véritablement qu'il descende dans le bas de l'échelle sociale pour retrouver les petites et moyennes entreprises afin de répondre, en pratique, à leurs besoins.

Je comprends qu'on a quand même beaucoup accompli. Je ne veux pas dire qu'il ne se fait rien. Il se fait énormément de choses, mais ce n'est pas assez connu, ce n'est pas assez à la portée des gens de chez nous. Il semble que le ministère aura un défi considérable à relever au cours des prochaines années, comme l'a noté le député d'Outremont tout à l'heure, surtout à cause du taux très élevé de chômage au Québec. C'est véritablement, aujourd'hui, le problème numéro un du Québec. Ce n'est pas un problème de constitution, ce n'est pas un problème de langue. C'est véritablement un problème économique. C'est un problème de création d'emplois et le ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministre en particulier, devrait dépenser toutes ses énergies en fonction de créer de l'emploi, et des emplois permanents pour nos Québécois. Non pas des emplois temporaires créés à coups de subventions au ministère des Transports ou à d'autres ministères du Québec, mais véritablement créer des emplois permanents à même des entreprises québécoises.

Voilà pourquoi j'ai déjà affirmer, en dehors de cette assemblée, et même dans cette assemblée, que le ministre de l'Industrie et du Commerce devrait se servir des comptes économiques d'une façon positive et non d'une façon destructive. Ces comptes devraient servir à orienter les actions du gouvernement pour créer des emplois au Québec et non pas en faire une guerre de chiffres au-dessus de la tête des travailleurs qui ne demandent qu'à gagner $200, $250 ou $300 par semaine, et qui ne demandent pas une guerre de chiffres à coups de milliards. Il devrait y avoir une action positive, dans ce domaine en particulier.

Si on veut véritablement faire la promotion des francophones, comme l'a dit le ministre de l'Industrie et du Commerce, il faut orienter nos francophones vers le domaine de l'industrie. Encore là, ce n'est pas un blâme à l'endroit du ministre d'aujourd'hui ou du ministère, mais historiquement, les francophones se sont dirigés vers des professions libérales, ils ont fait des médecins, des avocats, des notaires, des prêtres ou autres, et pendant ce temps-là, les anglophones se sont dirigés vers l'économie ou vers l'administration.

Historiquement, lorsqu'on a besoin d'un administrateur, on va voir un administrateur. On ne va pas voir un avocat ou un médecin. C'est dans ce sens en particulier qu'aujourd'hui, on retrouve à la tête de nos plus grandes entreprises du Québec, des anglophones. Il faut que le ministère de l'Industrie et du Commerce convainque — c'est lui qui est responsable de l'économie — le ministre de l'Education de donner des cours d'économique en plus grand nombre, au niveau de chacune de nos écoles du Québec. Malheureusement, ces cours d'économique sont facultatifs à l'heure actuelle et, encore là, il n'y a pas assez de nos francophones qui suivent de ces cours d'économique.

Sans aucun doute, à cet égard, le ministère de l'Industrie et du Commerce devrait se pencher sur ce phénomène au Québec, et faire en sorte qu'on enseigne ce qu'est l'administration et qu'on donne le goût de l'entreprise à nos jeunes Québécois.

Concernant les investissements étrangers au Québec, le ministre en a dit un mot tout à l'heure. C'est important. Il y en a aussi un mot dans le rapport. C'est important qu'on vende nos produits à l'extérieur, mais c'est important aussi qu'on attire de l'investissement étranger au Québec. Ce n'est pas malsain, de l'investissement étranger. Il y a non seulement de l'investissement, mais il y a aussi des connaissances techniques que nous n'avons pas ici au Québec et qu'il faut importer si on veut véritablement les connaître un jour.

Je pense en particulier aux sidérurgies. Nous, au Québec, on a une spécialité, c'est de faire des déficits avec nos sidérurgies alors que l'Ontario fait des profits avec les siennes. Il y a certainement moyen d'importer des connaissances en plus

d'importer de l'investissement étranger de l'extérieur. Je vous donne un exemple. On peut avoir d'autres exemples dans le même domaine. C'est véritablement essentiel, à condition que ces entreprises respectent les lois du Québec, jouent le jeu que nous voulons leur faire jouer au Québec, mais on a certainement besoin de faire un effort additionnel vis-à-vis des investissements étrangers pour les attirer chez nous.

Je dois aussi féliciter le ministre en passant, pour cette volonté d'améliorer le commerce à l'extérieur. Je me souviens que j'ai suggéré, il y a une couple de mois, la société de mise en marché des produits du Québec à l'étranger. Je vois la réponse du ministre avec son institut de commerce international. Cela me fait vraiment plaisir. Je vois qu'il y a quelque chose à faire. On pourra continuer dans le même sens, mais, encore là, je regrette que cet institut de commerce international me semble un peu trop théorique. On devrait, à mon point de vue, faire appel aux entreprises privées pour collaborer avec le gouvernement; que le gouvernement soit véritablement minoritaire là-dedans, mais participant, et que les plus grandes entreprises privées aident aux petites et moyennes entreprises à vendre leurs produits à l'extérieur, à faire du commerce avec l'extérieur du pays.

Ce sont des gens qui, déjà, ont de l'expérience, qui ont déjà eu un certain succès dans ces grandes entreprises. Ces grandes entreprises sont certainement prêtes à participer à l'expansion économique du Québec avec les petites et moyennes entreprises.

Je suis heureux aussi de voir le fonds de relance industrielle. Malheureusement, je trouve qu'il ne s'adresse pas assez, quand même, aux gens qui en ont besoin, aux petites et moyennes entreprises qui ne font pas de profit, mais on pourra faire en sorte de les aider éventuellement, bien sûr. Le fonds de relance industrielle, c'est quand même un pas dans la bonne direction, mais il y aurait urgence, de la part du gouvernement du Québec, d'augmenter les fonds disponibles pour ce fonds de relance industrielle et d'y faire participer même les plus grandes entreprises du Québec, afin de les encourager à investir davantage au Québec.

Si on ne veut pas faire participer toutes les grandes entreprises du Québec, on pourra peut-être y aller, en tout cas, avec un secteur pour commencer, comme le secteur des pâtes et papiers qui me semble un secteur crucial à l'heure actuelle. On a beaucoup d'entreprises qui ferment dans les pâtes et papiers. On pourrait certainement les faire bénéficier de fonds de relance industrielle, même si elles sont de grandes entreprises, afin de créer de l'emploi au Québec.

Il s'agit de se demander, à l'heure actuelle, quel est le problème numéro un au Québec. C'est de créer des emplois. Qu'on crée ces emplois par les grandes entreprises ou les petites entreprises, pour le moment, ce n'est pas important, mais c'est important de créer des emplois. Cela vaudrait la peine, je crois, pour le ministère de l'Industrie et du Commerce, d'étudier la possibilité et de de- mander au ministre des Finances d'élargir et d'augmenter les fonds pour ce fonds de relance industrielle et d'en faire profiter les grandes entreprises du Québec ou, au moins pour la première étape, l'industrie des pâtes et papiers à titre expérimental.

Finalement, je crois qu'il est aussi important de noter que beaucoup de Québécois, à l'heure actuelle, à cause d'un climat de tension, d'un climat très émotif, investissent des montants d'argent à l'extérieur du Québec, soit en Ontario, soit en Alberta, soit aux Etats-Unis. Le ministère de l'Industrie et du Commerce devrait peut-être étudier cette situation et faire en sorte de sécuriser ces gens qui, pour quelque raison que ce soit, décident, à l'heure actuelle, depuis quelques mois, d'investir des sommes d'argent considérables à l'extérieur du Québec. A court terme, on ne s'en ressent peut-être pas, mais, à long terme, cela va nuire énormément à la promotion économique du Québec.

Mais, pour cela, il faut d'abord, véritablement, une collaboration avec le gouvernement fédéral de la part du gouvernement provincial et non pas une guerre avec le gouvernement fédéral. C'est important d'avoir sa collaboration à l'heure actuelle. Le gouvernement fédéral est prêt à aider toutes les provinces du Canada. Il faut aussi créer un climat politique sain. Le ministre de l'Industrie et du Commerce devrait être, à mon point de vue, le plus grand promoteur de ce climat politique sain au Québec et non pas être celui qui crée un climat politique malsain.

C'est peut-être important à l'heure actuelle de noter ces choses. Lorsqu'on rencontre beaucoup d'hommes d'affaires, on est conscient de ce qui se passe. Même les petits investisseurs craignent, à l'heure actuelle, d'investir au Québec. Pour cela, il faut créer un climat politique et un climat économique sains et j'ai l'impression que ces gens-là vont revenir au Québec.

Lorsqu'on voit l'exode des capitaux, peut-être que les capitaux, un jour ou l'autre, vont revenir, mais avec de bonnes politiques au ministère de l'Industrie et du Commerce, on pourra empêcher l'exode des cerveaux. C'est cela qui est grave. Lorsque des gens s'en vont du Québec, je crains qu'ils ne puissent revenir. Pour la plupart, ce sont des gens qu'on a formés chez nous, qui ont réussi à établir quelque chose et qui, pour une raison ou pour une autre, parce que l'entreprise déménage ou tout cela, s'en vont à l'extérieur.

C'est une perte économique, c'est une perte morale extraordinaire pour le Québec d'aujourd'hui. En terminant, je suis heureux de voir que le ministre a décidé d'agir vis-à-vis des SODEQ. Je crois qu'au moins, on aura fait un pas pour aider les petites et les moyennes entreprises avec les SODEQ. J'ai hâte de voir quand même comment cela va se comporter, parce que l'expérience n'a pas encore été faite, mais j'assure le ministre de toute ma collaboration pour la réussite des SODEQ dans le Québec, et surtout, je l'assure de toute ma collaboration pour travailler à l'expansion économique du Québec, et surtout, à la création d'emplois au Québec.

Le Président (M. Michaud): Le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais limiter mes remarques générales à deux sujets particuliers, je crois, qui préoccupent les gens de Montréal, les gens de ma région, et qui devraient aussi préoccuper le ministre, la question des sièges sociaux et la question de l'industrie et du commerce à Montréal. J'aimerais, après mes remarques, connaître les commentaires du ministre sur ces deux sujets, parce que je crois que la situation s'aggrave beaucoup, à cause de l'incertitude, à cause de certaines politiques du gouvernement. Je me demande quelle est la position du ministre, s'il accepte que les emplois diminuent à Montréal, s'il croit les statistiques, s'il accepte le principe qu'il faut absolument faire tout ce qui est possible pour retenir les sièges sociaux à Montréal. Quelle est son attitude, quelle importance il attache à cela? Est-ce qu'on ne semble pas oublier que Montréal est non seulement dans la province de Québec, mais que c'est un centre national et un centre international? On a parfois l'impression que les politiques du gouvernement ne donnent pas d'importance à cet aspect. Vous parlez, M. le ministre, d'encourager les francophones dans l'industrie. Nous partageons tous ce désir. On ne veut pas faire de la politique de partisanerie avec cela, je vous assure, M. le ministre. Les inquiétudes des gens à Montréal sont excessives peut-être dans certains cas, je ne peux pas minimiser les craintes de ceux qui peuvent être trop craintifs, mais il y a des craintes très réelles. Ils partagent les buts du gouvernement dans le sens qu'ils réalisent — il n'est pas question de l'unilinguisme anglais — qu'il y a une nouvelle réalité. Je crois que vos politiques et les politiques de vos collègues devraient refléter cela. Parce que si on veut encourager les francophones à être plus actifs et à avoir de meilleurs postes dans l'industrie, il faut principalement que l'industrie demeure au Québec. Autrement, les diplômés de l'Ecole polytechnique, de l'Université de Montréal, les professionnels, où vont-ils aller si toutes ces compagnies disent qu'elles ne pourront pas faire affaire dans le climat actuel et avec les lois que votre gouvernement propose?

Je crois que c'est un problème très réel. On ne devrait pas vraiment faire de la politique avec ce sujet. On devrait l'attaquer et trouver les solutions. L'autre sujet, c'est l'industrie de la construction. Il y a beaucoup de chômage à Montréal dans cette industrie et il n'y a pas de projets. Je demanderais les commentaires au ministre. Est-ce qu'il a des programmes spécifiques à proposer? Est-ce qu'il va faire quelque chose? Encore une fois, on essaie de lier la culture, l'épanouissement de la culture au Québec, mais on oublie l'aspect économique. Ces gens doivent aller chercher de l'emploi hors du Québec, parce qu'ils ne peuvent pas trouver de l'emploi dans la construction. Or, il y a beaucoup d'employés dans la construction, je crois que c'est une industrie assez importante, qui a des retombées sur d'autres industries, cela affecte beaucoup d'austres aspects économiques.

Si ces gens ne peuvent pas trouver d'emploi, ils doivent aller en dehors de la province. Je crois que ça ne nous aidera pas. Cela n'aidera pas le but, les objectifs de votre gouvernement, qui sont d'aider à l'épanouissement de la culture, d'aider à la croissance économique de tous les Québécois et d'encourager les francophones à prendre une plus grande place dans l'industrie. Ce sont des objectifs que nous partageons.

Beaucoup d'autres villes font tout ce qui est en leur pouvoir, que ce soit au Canada ou aux Etats-Unis, pour attirer les sièges sociaux, parce qu'elles en savent la valeur, elles savent ce que ça peut apporter à l'économie. Parfois, nous avons l'impression, à lire les déclarations de quelques-uns de vos collègues, qu'ils n'y attachent aucune importance. Ils disent même: Ecoutez! Si vous n'aimez pas nos politiques, allez-vous-en! C'est quasiment un défi pour eux de quitter... J'espère que ce n'est pas vraiment leur intention. J'espère que vous, comme ministre de l'Industrie et du Commerce, attachez beaucoup plus d'importance à cette situation. Je vous demanderais vos commentaires. Je vous demanderais exactement si vous avez l'intention de faire quelque chose pour apaiser la situation. Parce que quand on reçoit... Ce sont des entreprises qui sont au Québec depuis 1875, 1881. Prenez le Royal Trust. Il s'est toujours considéré comme un siège social à Montréal, comme une entreprise québécoise. Le président est forcé, d'une façon ou d'une autre, à faire certaines déclarations. Je ne mentionne pas les déclarations du président de la Banque Royale. Il y a aussi la CIL et la Dupont. Il y a des compagnies comme Via Rail, qui ont dit: Dans le contexte actuel, on ne pourrait peut-être pas venir s'établir chez vous.

Le but de ça, M. le ministre, ce n'est pas de dire que nous devons écouter toutes les déclarations les plus pessimistes. Il faut prendre en considération peut-être — je suis prêt à l'accepter, M. le ministre — qu'il y en a qui peuvent exagérer un peu, mais c'est un problème actuel.

Même si on prend en considération, qu'on écarte le cas de ceux qui partent en peur, le fait est qu'il y a des compagnies qui sont déjà parties, de petites compagnies. Prenez, par exemple, l'industrie de l'assurance. Quand une compagnie qui a son siège social ici, à Montréal, décide de déménager à Toronto, c'est 30 ou 40 employés qui partent. Si vous multipliez ça, beaucoup de compagnies pensent de même et se croient obligées de faire ça à cause des politiques et de l'incertitude actuelles. Je crois que ça devient un problème assez aigu, et je souhaiterais que, à titre de ministre de l'Industrie et du Commerce, vous ayez quelques programmes, quelque chose à faire ou à dire, pour essayer d'empêcher la fuite des emplois et la fuite des sièges sociaux et aussi pour stimuler l'industrie de la construction.

Dans le budget, on a enlevé, je crois, un montant de $56 millions au chapitre des autoroutes.

Apparemment cela aurait gardé beaucoup de gens au travail, cela aurait créé des emplois, cela aurait eu des effets économiques aussi sur d'autres industries. Dans le climat actuel, je ne crois pas que c'était désirable de couper ce budget pour cette industrie particulière, spécialement à ce temps-ci.

J'aimerais avoir vos commentaires sur ces deux aspects qui touchent l'économie des gens de Montréal, mais, je crois, l'économie du Québec également parce que les taxes qui sont perçues à Montréal font vivre beaucoup de services gouvernementaux.

Si 30 ou 40 administrateurs, qui gagnaient $40 000 ou $50 000 par année, quittent, ce sont des taxes que nous ne percevrons plus, non seulement des impôts que la province ne percevra pas, mais les taxes foncières, les taxes scolaires, etc. Et, les services sont là. Les dépenses de la province ne diminueront pas. Elles vont rester les mêmes; mais si 100, 1000 ou 2000 personnes quittent et que leurs emplois disparaissent avec elles, je crois qu'il viendra un moment où le reste de nous aura des difficultés à partager les dépenses gouvernementales et à trouver des emplois à ceux qui viennent sur le marché du travail.

Alors, j'aimerais avoir vos commentaires, M. le ministre, sur cet aspect particulier.

Le Président (M. Michaud): Le ministre de l'Industrie et du Commerce.

Réplique de M. le ministre

M. Tremblay: Je remercie le député d'Outremont, le député de Lotbinière et le député de Mont-Royal pour les observations très positives qu'ils ont faites à l'endroit de mon ministère et pour la mention des actions que nous avons prises et celles que nous devrions prendre.

Leurs observations couvrent énormément de terrain. Je constate qu'il y a des conseils que je devrais transmettre à d'autres ministères du gouvernement et je vois aussi des conseils qui pourraient être portés à un autre palier de gouvernement, soit le palier fédéral.

Je ferai peut-être des commentaires dans le contexte général, à l'intérieur duquel l'économie du Québec fonctionne présentement, parce qu'il faut garder une juste perspective des moyens dont dispose le gouvernement du Québec pour relancer l'économie.

Tous les observateurs peuvent tracer une relation assez étroite entre la situation qui existe présentement sur le plan économique et celle qui existait dans les années soixante et soixante et un, au Canada.

Nous sommes présentement dans une situation de taux de change flexible avec des politiques monétaires très restrictives, ce qui force les gouvernements, devant des taux de chômage très élevés, à recourir à l'instrument budgétaire, au déficit budgétaire.

Le député d'Outremont faisait remarquer, tout à l'heure, que le gouvernement du Québec dans son dernier budget, fait preuve d'une rigueur fi- nancière qui, compte tenu de la situation économique, était peut-être trop prononcée.

Il faut bien se rendre compte que la politique monétaire du gouvernement canadien, de la Banque du Canada, l'an passé, a été extrêmement restrictive et on peut voir assez clairement les effets qui se sont répercutés sur l'économie du Québec.

Pour les indicateurs monétaires — le député d'Outremont en sera conscient— la masse monétaire représentée par les dépôts et la monnaie en circulation, est passée d'un taux d'accroissement de 14% à 8% en 1976. Donc, 1976 fut une période de restriction monétaire très forte. Même si on regarde l'évolution du taux d'accroissement de la masse monétaire définie de façon plus large en prenant la définition M2, il y a eu une baisse dans le taux d'accroissement de 19,7% à 15,7% en 1976, donc tendance à une restriction monétaire assez poussée au niveau fédéral.

L'an passé, le taux de chômage était très élevé et croissant, résultant des taux d'intérêt au Canada qui étaient, pendant certaines périodes, de trois à quatre points de pourcentage plus élevés qu'aux Etats-Unis.

De là, les entrées très fortes de capitaux que nous avons eues l'an passé, avec le résultat que le taux de change du dollar canadien s'est élevé considérablement et on a vu les conséquences au niveau des industries québécoises en concurrence avec les importations.

Le secteur du textile a été fortement touché et continue de l'être par les importations. Evidemment, il y a un problème de contingentement qui reste à résoudre, mais ce problème est relié au très haut niveau du taux de change. Ce taux de change était élevé en grande partie parce qu'il y a eu des entrées de capitaux très élevées; au contraire parce que le niveau d'inflation au Canada était plus élevé qu'aux Etats-Unis, on aurait dû s'attendre à une baisse du taux de change.

D'autre part, nos exportations, malgré la reprise aux Etats-Unis, ont eu tendance à ralentir malgré la reprise économique aux Etats-Unis parce qu'on peut établir que le taux de change canadien ne reflète pas les coûts relatifs de production au Canada et aux Etats-Unis.

Il ne faudrait donc pas uniquement conclure que la politique financière du gouvernement est insuffisante; il faudrait aussi conclure que la politique monétaire du gouvernement fédéral a été extrêmement restrictive et que c'est certainement un des facteurs principaux qui expliquent pourquoi la reprise économique au Canada et au Québec est tellement plus lente que celle qui prévaut aux Etats-Unis.

Je reviendrai tout à l'heure aux questions plus spécifiques de politique auxquelles les députés faisaient allusion. En ce qui concerne le climat des affaires au Québec, je pense que, depuis quelques mois, on a fait énormément de commentaires, on a mentionné énormément d'indicateurs pour montrer que le climat n'était peut-être pas aussi favorable qu'il devrait l'être pour les affaires. Si on constate les indicateurs courants, et cela en termes relatifs par rapport à ce qui se produit dans

les autres provinces, il faut quand même se rendre compte que le taux de chômage au mois d'avril au Québec ne s'est pas accru, il s'est abaissé alors que, dans la plupart des autres provinces, il s'est accru, même si, en termes désaisonnalisés, il y a eu une baisse de l'emploi, en termes réels, il y a eu une augmentation de 3000 emplois au mois d'avril et une hausse de la population active, ce qui s'est traduit pas une diminution de 12 000 chômeurs. On ne peut pas dire que c'est vraiment une progression fulgurante vers la prospérité économique, mais tout ce qu'on peut dire, c'est que la situation au Québec au plan de l'emploi, n'est pas pire que ce qui existe dans les autres provinces, surtout quand vous considérez qu'une province aussi prospère d'habitude que la Colombie-Britannique a un taux de chômage de 9,1%, ce qui n'est pas tellement éloigné du taux de chômage qu'on a au Québec, qui est de 9,8% pour le mois d'avril.

En ce qui concerne plus spécifiquement le climat des affaires, les perspectives d'investissements qui sont recensés auprès des investisseurs et qui ont été établis au mois de décembre, au mois de janvier et jusqu'à la mi-février, par Statistique Canada, sont quand même la source la plus importante d'évaluation du climat des investissements ou des intentions d'investissements. Le député d'Outremont dit que ces augmentations des investissements prévues pour 1977 vont surtout se concentrer dans le secteur public. Il est vrai que les investissements dans les services d'utilité publique vont s'accroître de 44,4% cette année par rapport à ce qui s'est produit l'an passé, mais si on regarde les investissements dans le secteur de fabrication, un secteur qui, je le concède facilement, est un secteur faible de l'économie du Québec présentement, il y a quand même une augmentation prévue de 28,8% des investissements pour l'année 1977/78. Par conséquent lorsqu'il y a eu une baisse l'an passé de ces investissements de l'ordre de 19,5%...

M. Raynauld: Mais encore à cause des investissements publics, même dans le secteur manufacturier.

M. Tremblay: Certains, comme évidemment l'usine de papeterie de Saint-Félicien, Donohue-Saint-Félicien, évidemment comportent une participation de l'Etat, et puisque la SGF possède 51% de Donohue, mais il y a quand même une participation privée de BC Forest Ltée dans ce projet et c'est un projet de $325 millions. Le même type de projet dans SIDBEC-NorMines implique US Steel pour 8% et British Steel pour 42%, de sorte que, même si ce sont des entreprises d'Etat qui sont les maîtres d'oeuvre de ces investissements, ils sont fait en collaboration avec le secteur privé de l'extérieur du Québec. Au niveau des investissements donc, tout ce que l'on peut dire, c'est que le creux que nous avons connu en 1976 semble être en voie de se corriger en 1977. Je reviendrai tout à l'heure sur le besoin de relance de l'industrialisation au Québec. Il est évident qu'on ne se limitera pas simplement à regarder ces chiffres. Il va falloir avoir, comme gouvernement, une politique beaucoup plus dynamique que dans le passé en ce qui concerne les investissements dans le secteur de la fabrication. Je reviendrai tout à l'heure pour énoncer mon intention dans ce domaine.

En ce qui concerne le climat général et la façon dont les gens perçoivent la situation économique au Québec, je prends simplement à témoin une évaluation qui a été faite par une enquête scientifique à la fin du mois d'avril, dans laquelle on posait la question suivante pour l'ensemble du Canada, auprès de l'ensemble de la population: "Comment jugez-vous les conditions économiques prévalant dans votre région? Estimez-vous qu'elles sont très bonnes, bonnes, pas très bonnes ou mauvaises"?

Or, ceci peut surprendre peut-être des gens qui pensent que la population est très pessimiste au Québec en égard a l'évolution de l'économie. Au Québec, 61% des gens contactés considéraient que les conditions économiques actuelles étaient bonnes et très bonnes, alors qu'en Ontario, nous ne retrouvions que 56% des gens qui avaient la même opinion sur l'évolution de leur économie. On ne peut donc pas dire qu'au Québec il existe un pessimisme économique; il y a peut-être des déclarations pessimistes, mais il n'y a pas de climat pessimiste des affaires. Le gouvernement, je crois, dans ses attitudes, depuis le 15 novembre, n'a rien fait qui puisse diminuer la confiance dans l'économie. Nous avons plutôt posé des gestes pour aider les investissements et aider à la relance des investissements.

Or, si l'on compare l'évaluation que l'on fait en Ontario du climat des affaires, je pense que le climat des affaires en Ontario est plus pessimiste qu'au Québec, quoique les mêmes raisons invoquées pourraient s'appliquer au Québec concernant un certain pessimisme à l'égard de l'avenir de l'économie canadienne.

Je fais état ici d'une enquête qui a été faite par la Chambre de commerce de l'Ontario auprès des hommes d'affaires concernant l'état des affaires en Ontario, et ceci à la fin du mois de mars. On relatait que seulement 18,5% des hommes d'affaires ontariens étaient optimistes quant à la situation des affaires en Ontario. Je peux peut-être le dire en anglais, étant donné que c'est une évaluation publiée dans le Globe and Mail. On disait ceci: "The lack of confidence stems from a variety of sources. The anti-inflation program has not helped the situation and there is uncertainty about what will happen when the controls end, particularly the response of labor..." "Until the uncertainty about what will happen when the controls are removed, as suggested by the president of the Chamber of Commerce, businessmen will be very conservative about investment".

M. le Président, le contrôle des prix et des salaires s'applique non seulement en Ontario, mais au Québec. Il est évident qu'aussi longtemps que nous allons retarder de semaine en semaine et de mois en mois la levée de ces contrôles, plusieurs

industriels vont retarder leurs investissements, ne sachant pas ce que seront les taux d'inflation et les taux d'augmentation des salaires après la levée des contrôles.

Donc, on vort qu'au niveau du climat des affaires, ce n'est pas au Québec où règne le plus d'incertitude; je dirais que d'autres régions souffrent davantage de l'incertitude qui provient du gouvernement fédéral que de celle qui pourrait être sup-posément provoquée par le gouvernement du Québec.

J'en viens aussi, parce que ceci touche au climat des affaires et aux intentions d'investissements, aux commentaires du député de Mont-Royal concernant l'industrie de la construction. Je reviendrai tout à l'heure à la question des sièges sociaux et à la question portant sur l'industrie et le commerce. En ce qui concerne l'industrie de la construction, je pense qu'il faut regarder aussi certains indicateurs, et je pense que si on prend l'opinion des gens qui oeuvrent dans le secteur des hypothèques domiciliaires au Québec, on doit être relativement optimiste concernant la reprise de l'industrie de la construction, même si, dans le secteur de la construction à bureaux, après le boom des Jeux olympiques et des grands projets, eu égard au boom très important de l'an passé avec des augmentations qui dépassaient de 50% les années précédentes, il est normal qu'il y ait un ralentissement relatif.

Mais, dans le secteur de la construction, surtout domiciliaire, j'aimerais prendre à témoin le directeur des prêts hypothécaires de la Banque Royale du Canada, M. Peter Gaskin, qui déclarait récemment que le mois de mars a été un record pour les nouveaux contrats hypothécaires au Québec. M. Gaskin disait que, depuis le mois de novembre, ces hypothèques ont presque doublé par rapport à la même période de l'an dernier pour l'ensemble du Canada.

Cependant, pour le Québec, ces contrats avaient plus que doublé, de sorte qu'en ce qui regarde le secteur de la construction et les nouvelles...

M. Raynauld: M. le ministre, ce n'est pas la construction. Ce sont les hypothèques sur les maisons résidentielles autant que sur les nouvelles.

M. Tremblay: Ou le financement de l'achat de nouvelles maisons, ce qui diminue le stock des maisons existantes et ce qui encourage...

M. Ciaccia: II y a des gens qui ont pris leur hypothèque pour aller placer leur argent en dehors du Québec. C'est inclus dans vos chiffres.

M. Tremblay: L'accroissement des hypothèques signifie l'accroissement des prêts.

M. Ciaccia: Je peux vous donner des cas spécifiques.

M. Tremblay: C'est donc dire que, s'il y a augmentation des hypothèques, il y a une augmentation des acheteurs et, dans un marché...

M. Biron: II y a augmentation des vendeurs aussi.

M. Ciaccia: II n'y a pas augmentation d'acheteurs, il y a augmentation de ceux qui empruntent de l'argent.

M. Tremblay: II y a des vendeurs, mais il y a une augmentation du climat...

M. Raynauld: Avez-vous des statistiques sur la construction de logements?

M. Tremblay: Je n'ai pas de statistiques avec moi. On peut vérifier.

M. Ciaccia: Prenez les chiffres du chômage dans la construction. Vous n'avez pas besoin d'aller voir celui qui prête l'argent. Demandez aux unions, demandez à ceux qui travaillent dans le domaine de la construction. Ce sont les chiffres dont nous avons besoin, pas les chiffres de ceux qui prêtent l'argent. Ils peuvent prêter de l'argent pour diverses raisons.

M. Tremblay: Les prêts hypothécaires sont des prêts qui sont effectués pour des achats de résidences et d'installations, de sorte que, s'il y a un doublement de ces hypothèques, on peut présumer qu'il y a une activité plus intense dans le secteur des achats de propriétés et, par conséquent, que le stock des propriétés tend à baisser, ce qui encourage de nouvelles constructions. Si vous ajoutez à cela une baisse du taux d'intérêt, je pense que le secteur de la construction domiciliaire devrait, au cours de l'année, reprendre une voie ascendante.

J'aimerais faire un commentaire sur les défis économiques auxquels a fait allusion le député d'Outremont et auxquels moi-même j'ai fait allusion dans mon discours, le 3 mai dernier, devant la Chambre de commerce de Montréal.

Il est évident qu'on s'entend sur le fait qu'un taux de chômage d'environ 10% n'est pas tolérable au Québec. Je pense que vous serez d'accord pour qu'il y ait une plus grande intégration des entreprises au fonctionnement de l'économie du Québec, que l'on ait des retombées économiques accrues au niveau du Québec. On sait à partir des tableaux interindustriels des provinces qui montrent que les fuites d'activités économiques au Québec sont beaucoup plus grandes que dans d'autres provinces. Il serait souhaitable d'encourager la sous-traitance à l'intérieur de l'économie du Québec, sans qu'il en résulte une augmentation des coûts. Il y a une économie d'information qui mériterait d'être réalisée; je pense que c'est une de nos responsabilités, comme gouvernement, d'intégrer davantage toutes les entreprises au fonctionnement de l'économie.

J'ai soulevé la question de la productivité. Il est évident qu'on ne peut pas avoir, au Québec,

des taux de salaires qui soient systématiquement plus élevés que dans les économies environnantes, avec une productivité, au niveau des entreprises, qui soit systématiquement plus basse.

Les conséquences d'un pareil dilemne sont des entreprises qui sont moins rentables ou des supports financiers accrus de l'Etat. Si nous avions, dans des situations semblables, une possibilité de variation du taux de change, probablement que cela se refléterait par une variation à la baisse du taux de change. Il y a donc une nécessité de rehausser la productivité et c'est un des thèmes qui va être fortement discuté lors du sommet économique des 24, 25 et 26 mai prochain; c'est une question de réalisme économique et vous pouvez être certain que mon ministère et moi-même en sommes très conscients.

En ce qui concerne les exportations, c'est un autre point faible de l'économie du Québec, un point faible très important. Il faut se rendre compte que cela ne fait que cinq ou six mois que nous sommes au gouvernement alors qu'il s'est établi depuis le début des années soixante-dix, une faiblesse grandissante du secteur d'exportation pour les produits manufacturés.

Le niveau des exportations manufacturières du Québec, en 1976, est à peu près semblable à ce qu'il était en 1971, soit environ $2,5 milliards d'exportation à l'extérieur du Canada, alors que les exportations vers le reste du Canada se sont accrues de façon normale, selon le cycle historique. Nous avons donc un effort très grand à faire pour accroître nos marchés d'exportation, surtout notre marché traditionnel qui est le marché américain avec 67% de nos exportations à l'extérieur du Canada.

Un effort très grand est à faire à ce niveau et nous pourrons en discuter lorsque nous étudierons le programme de notre section d'aide à l'expansion des marchés et ce que nous entendons faire pour relancer les exportations.

Nous souhaitons que les hommes d'affaires soient aussi conscients que le gouvernement de la nécessité de relancer les exportations.

En ce qui concerne l'autre défi que j'ai mentionné, à savoir de ne pas augmenter à un rythme trop rapide, les dépenses publiques, il doit être placé dans un contexte qui n'est pas uniquement celui du Québec même, mais celui de l'économie canadienne en général.

J'ai mentionné qu'une des constatations qui rassortaient des comptes économiques était que la somme des dépenses publiques fédérales-provinciales-municipales au Québec représentait 45% du produit intérieur brut, alors qu'en Ontario, la même somme représentait 35% du produit national brut.

Or, lorsqu'on parle de dédoublement de services, de dédoublement de coûts, je pense qu'on a peut-être une voie de solution qui serait d'avoir une plus grande synchronisation entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec de manière à éviter ces dédoublements. Lorsque le député de Lotbinière mentionnait la prolifération de programmes pour la petite et moyenne entre- prises qui déroutait tous les hommes d'affaires, il indiquait un bon exemple du dédoublement, de ce qui se fait au niveau fédéral et de ce qui se fait au niveau du Québec.

Au niveau fédéral, on a recensé environ 160 programmes pour aider l'entreprise. Nous-mêmes au MIC en avons 90. Lors de la dernière conférence fédérale-provinciale des ministres de l'Industrie et du Commerce, j'ai proposé au ministre fédéral, M. Chrétien, que l'on se serve des quatorze bureaux qu'opère le ministère québécois de l'Industrie et du Commerce comme autant de points de contact selon le modèle auquel vous faisiez allusion tout à l'heure et que l'on puisse avoir les programmes du MEER fédéral et du MIC, les programmes du MIC québécois avec les formulaires, dans un seul endroit, avec notre personnel pour les expliquer dans le détail. Or, j'attends toujours la réponse du fédéral à cette suggestion. C'est une proposition concrète que j'ai faite pour éviter d'avoir une prolifération de bureaux, le MEER ayant ses bureaux, le MIC fédéral ayant ses bureaux et le MIC provincial ayant ses bureaux, de manière à éviter que le petit homme d'affaires, comme vous dites, qui est essentiellement un individualiste, et qui n'a pas tellement de temps à consacrer à pourchasser les fonctionnaires, ne soit pas complètement dérouté et perde l'occasion de recevoir l'aide disponible pour ses projets d'expansion.

Je pense que c'est une des tragédies au Canada d'avoir des dédoublements de services à plusieurs paliers de gouvernement, avec le résultat que nous avons des taux d'imposition très élevés et des taux d'efficacité relativement bas. C'est une des raisons pour lesquelles il serait bon que l'on s'entende, au plan constitutionnel, pour concentrer au niveau le plus avantageux — vous connaissez la position de notre gouvernement sur ce point — les services gouvernementaux pour qu'ils soient le plus efficaces, qu'ils coûtent moins cher à la population et qu'on puisse par conséquent abaisser les impôts, abaisser le fardeau fiscal des contribuables et des entreprises.

Nous courons le danger au Canada présentement, si on continue longtemps dans cette voie, d'entrer dans le cercle vicieux dans lequel se trouve la Grande-Bretagne, à savoir des impôts de plus en plus élevés, parce que les dépenses gouvernementales sont de plus en plus élevées, des déficits gouvernementaux accrus comme vous le proposez, M. le député d'Outremont, pour relancer l'économie, mais qui ont finalement tendance à faire accroître les taux d'intérêt, suivie d'une tendance à une baisse des investissements, un rétrécissement de l'assiette fiscale et une hausse du taux de chômage, de sorte que l'on entre dans un cercle vicieux de pauvreté que nous n'aurions pas intérêt à imiter.

Je pense qu'il y a deux économies que nous ne devrions pas prendre comme modèles, c'est l'économie anglaise et l'économie italienne. Il y a d'autres économies, comme l'économie allemande et l'économie suédoise qui sont des modèles beaucoup plus salutaires à imiter.

Tous ces problèmes structurels vont donc exiger que nous mettions l'accent sur la relance générale de l'industrialisation. C'est évident qu'il y a un problème de dédoublement des services gouvernementaux; c'est un problème constitutionnel, je ne veux pas le minimiser, mais, dans le cas du Québec, il est évident que, depuis 1960, nous avons eu une révolution tranquille qui a visé en grande partie à réaliser un rattrapage au niveau des services publics et parapublics.

Pour l'avenir, nous aurons besoin d'une relance des investissements, une relance dans le secteur de la fabrication de manière à créer des emplois nouveaux, du moins une partie importante des emplois nouveaux qu'exigeront les accroissements de main-d'oeuvre au cours des prochaines années.

Nous constatons présentement que le secteur de la fabrication est très faible. Les chiffres pour le chômage du mois d'avril le démontrent clairement. Il y a eu une baisse de 26 000 travailleurs dans le secteur de la fabrication.

Il est évident que ce secteur a besoin d'une relance urgente et importante. Or, mon ministère, depuis les cinq ou six mois depuis que je n'ai pris la direction, a mis justement l'accent sur cette relance des investissements. La première mesure est une mesure qui vise à stimuler l'achalandage des entreprises et à les motiver à investir dans des secteurs et des produits qui ne sont pas encore fabriqués au Québec. En effet, la politique d'achat vise justement à établir ce lien entre les dépenses du gouvernement et la stimulation industrielle dans des secteurs et des produits qui ne sont pas fabriqués au Québec présentement. C'est la raison fondamentale pour laquelle nous avons décidé de confier la responsabilité de formuler la politique d'achat au ministère de l'Industrie et du Commerce. Il ne s'agit pas uniquement d'avoir une politique d'achat, comme on peut en appliquer généralement à partir de certaines règles, mais il s'agit de lier cette politique d'achat à la promotion industrielle. C'est pour cela que notre direction de la politique d'achat travaille très étroitement avec tous les fonctionnaires impliqués dans la promotion industrielle. Nous établissons le lien, de sorte que nous allons maximiser, à partir des fonds disponibles pour les achats, l'impact industriel recherché auprès des entreprises et l'impact souhaité au niveau des investissements.

Nous observons déjà des résultats qui apparaissent très clairement, même si l'action entreprise n'est encore que préliminaire. Plusieurs entreprises viennent nous rencontrer pour discuter d'implantation, pour pouvoir fabriquer des produits qui ne l'étaient pas au Québec. Je pense que cette réaction est très rapide, car dans ce domaine, il est difficile d'entreprendre des actions rapides pour relancer l'industrialisation.

Le fonds de relance industrielle, évidemment, ne produira pas un impact d'ici quelques semaines. C'est un impact qui va plutôt se produire à moyen terme, mais qui va permettre, encore là, à l'entreprise d'avoir non seulement les fonds, mais le stimulant pour élaborer une programmation des investissements. Nous avons voulu, en rattachant le fonds de relance industrielle à la SDI et au ministère, faire ce lien entre l'homme d'affaires et le ministère pour la programmation de ces investissements. Comme le disait le député de Lotbinière, les hommes d'affaires manquent souvent l'occasion de profiter de certains programmes. Ce programme, nous voulons que tous les hommes d'affaires qui peuvent s'en prévaloir, s'en prévalent. C'est pour cette raison que nous voulons que les hommes d'affaires soient en contact continuel avec le ministère pour tirer le meilleur profit du programme. Nous avons évalué, son coût, pour la première année, à $30 millions. Nous n'avons pas d'objection à ce que ce programme coûte plus cher, si on s'en prévaut. Il n'est pas question pour nous de cacher les programmes. Nous allons les mettre sur la place publique et faire le plus grand nombre d'interventions, en faisant toute la publicité possible. Je passe rapidement sur la question des SODEQ. La question des SODEQ implique... Oui, M. le député?

M. Biron: Pendant que vous passez sur le fonds de relance industrielle, est-ce que je peux vous demander votre première réaction face à cette volonté nouvelle d'essayer d'élargir cela, dans un programme type à l'industrie des pâtes et papiers?

M. Tremblay: Je crois que votre suggestion est bien fondée, parce que nous y avons songé, mais présentement, le programme est conçu pour aider les petites et les moyennes entreprises qui n'ont pas de programme d'investissement continu et qui investissent, d'année en année, sans trop savoir comment orienter leur programme d'expansion. C'est un de ses objectifs majeurs. Par contre, il existe des secteurs industriels, tels le secteur des pâtes et papiers, le secteur de l'amiante — parce que nous voulons transformer davantage l'amiante, — et le secteur des tentes-roulottes, qui est un secteur en difficulté et qui ressemble au secteur des motoneiges au début des années 1970, qui vont avoir besoin d'aide pour la modernisation et la restructuration. Une des fonctions principales de la société de réorganisation industrielle consistera justement à s'occuper de secteurs semblables. C'est pour cela que nous voulons, dès cet automne, si possible, mettre sur pied la société de réorganisation industrielle avec un budget qui sera important. J'ai déjà fait dans le passé des propositions pour faciliter au financement, sur une haute échelle, de cette société — non pas pour renflouer des entreprises qui ne sont pas rentables, mais pour aider les entreprises qui pourraient être rentables, mais qui ont besoin au niveau sectoriel d'être regroupées ou modernisées et d'être restructurées pour éviter des fermetures comme celles qu'on déplore dans le secteur des pâtes et papiers.

Par conséquent, je crois que ce serait faire double emploi que d'orienter un programme de relance industrielle pour la PME et de l'appliquer à des secteurs qui regroupent surtout les grandes entreprises.

Comme je l'ai dit hier à l'Assemblée nationale, nous poursuivons des études de modernisation pour les pâtes et papiers qui vont se terminer dans les semaines à venir. Ces études nous permettrons d'aborder la question de la restructuration de ce secteur, avec le résultat, je l'espère, que vous souhaitez.

Le Président (M. Michaud): Avez-vous terminé, M. le ministre?

M. Tremblay: Je mentionnais évidemment la question des SODEQ. Les SODEQ relèvent de l'initiative privée. Mais mon ministère est à la disposition des groupes d'hommes d'affaires et des caisses d'entraide économique qui sont disposés à créer des SODEQ. Ces demandes seront traitées en priorité. Nous voulons en créer une dizaine d'ici deux ans, mais il n'est pas nécessaire d'attendre deux ans pour les créer. Aussitôt que les demandes nous sont formulées, nous les étudions de façon très expéditive.

Je vais donc revenir, au cours des séances subséquentes, sur d'autres aspects de nos politiques et sur d'autres observations. Je terminerai ici, M. le Président, mes observations préliminaires.

Le Président (M. Michaud): D'accord. Avant de donner la parole au député d'Outremont, j'aimerais aviser cette commission que M. Mercier (Berthier) remplace M. Bordeleau (Abitibi-Est). De plus, j'aimerais aviser les membres de la commission et les fonctionnaires ici présents que cette commission ajournera ses travaux à midi, mais elle reprendra ses travaux jeudi matin — demain matin — à 10 heures, et se poursuivra jusqu'à la fin des crédits, soit jeudi, à 4 heures, jeudi, à 8 heures et, vendredi matin, de 11 heures à 1 heure.

M. le député d'Outremont.

Discussion générale

M. Raynauld: M. le Président, je voulais simplement réagir un peu aux propos généraux que le ministre vient de prononcer.

Je trouve très curieux le diagnostic que le ministre fait sur l'économie du Québec lorsqu'il se reporte aux politiques monétaires et au taux de change. Je pense que le ministre ne peut pas avoir le gâteau et le manger en même temps. Le ministre était opposé aux contrôles fédéraux. S'il était opposé aux contrôles fédéraux, il ne peut quand même pas s'opposer maintenant à ce que la politique monétaire soit restrictive. C'est l'un ou l'autre. C'est une politique qui a été introduite par le gouvernement fédéral. C'est pour ça que je pense bien qu'il ne faudrait pas s'étendre trop longtemps sur ça, mais, quand même, c'était une politique fédérale qui visait à essayer de contenir l'inflation. Il y avait deux façons de le faire. Une façon, c'étaient les contrôles et, l'autre, c'était d'avoir des politiques monétaires plus restrictives et qui...

M. Tremblay: On a eu les contrôles...

M. Raynauld: Bien sûr!

M. Tremblay: ... et la politique monétaire restrictive.

M. Raynauld: Bien sûr! Parce que vous savez très bien que les contrôles qui ne sont pas appuyés par une politique monétaire restrictive ne vous donnent pas de résultats. Je pense qu'il faudrait plutôt se féliciter que le gouvernement fédéral ou que la Banque centrale ait eu une politique monétaire restrictive, de façon à contenir cette inflation qui était une inflation très désordonnée, quand ces politiques ont été introduites, d'ailleurs avant les contrôles, au mois de septembre 1975. Ensuite, là aussi, je pense que, sur la question du taux de change, il est évident que c'est la conséquence d'une politique monétaire restrictive que le taux de change augmente. Là, la question est de savoir si vous pensez qu'on n'avait pas besoin d'une politique comme celle-là pour contrôler l'inflation qu'on avait en 1975.

En ce qui concerne la hausse des taux de change par suite de l'entrée des capitaux et des taux d'intérêt plus élevés au Canada qu'aux Etats-Unis, d'abord, cela aussi est une conséquence de la même politique et, deuxièmement, vous savez comme moi que les entrées de capitaux ont été, en grande partie, dues aux emprunts des provinces et, en grande partie, de la province de Québec, qui a emprunté sur les marchés étrangers pour bénéficier des écarts de taux d'intérêt et, bien sûr, cela a entraîné un taux de change plus élevé qu'autrement.

Donc, je pense, là-dessus, qu'il ne faudrait pas imputer, si vous voulez, à des politiques fédérales une situation économique conjoncturelle qui a été introduite à cause d'un taux d'inflation très élevé. On ne peut pas simplement faire fi de tout ce qui se passait et dire: Oui, ils n'auraient pas dû faire ci, ils n'auraient pas dû faire ça.

L'inflation existait et elle existe d'ailleurs encore aujourd'hui et je pense qu'on ne peut pas, seulement en termes de politique économique générale du Canada et du Québec, simplement regarder le taux de chômage.

Là où on regarde le taux de chômage, c'est en ce qui concerne la politique budgétaire du Québec. A ce moment, c'est pertinent.

M. Tremblay: Mais, comme toile de fond, vous admettez quand même que ces trois politiques fédérales, la politique monétaire, la politique de contrôle des prix et des salaires, la politique du taux de change ont été toutes les trois restrictives et ceci a créé un climat déflationniste.

M. Raynauld: Oui.

M. Tremblay: II est évident que, même si ce sont des choses qui sont éloignées du Québec, ce sont des choses très importantes. La politique monétaire est l'outil le plus important pour stabiliser une économie. Or, c'est dans ce cadre qu'évolue l'économie du Québec.

Quand nos industries d'importation sont défavorisées par une hausse du taux de change, comme l'a été l'industrie du textile, ou lorsque nous avons des hausses des taux d'intérêt comme on en a eu l'an passé qui découragent la construction, il est évident que ces forces économiques fédérales ou provenant des politiques fédérales ont un effet sur l'économie du Québec et il va de soi qu'un budget comme celui du gouvernement du Québec ne peut pas, à lui seul, corriger cet ensemble de forces déflationnistes, même si on a eu l'an passé le déficit le plus élevé qu'on n'ait jamais eu... C'était le gouvernement précédent et c'était un déficit énorme. Finalement, il s'est révélé que c'était un déficit de $1,5 milliard; pour un budget de $10 milliards, lorsqu'on a 15% de déficit, c'est un gros effort.

Or, le gouvernement du Québec fait des efforts au niveau budgétaire pour relancer l'économie, mais, s'il y a des politiques déflationnistes qui proviennent du gouvernement fédéral, ces politiques budgétaires ne réussiront jamais à contrecarrer l'impact négatif qui provient des politiques fédérales.

Il ne faudrait pas se leurrer et croire, parce qu'on augmenterait de $200 millions ou de $300 millions le déficit du gouvernement du Québec, que ceci relancerait de façon déterminante l'économie du Québec.

M. Raynauld: Mon point était simplement que ces politiques fédérales, bien sûr, sont en grande partie responsables de la conjoncture que nous avons, combinée également avec une conjoncture internationale. Je n'en suis pas là-dessus. J'en suis simplement sur le fait que ces politiques sont des politiques qui avaient une justification et, si on commence à attaquer ces politiques en disant: C'est à cause du gouvernement fédéral qu'on a cette conjoncture aussi mauvaise au Québec, je pense qu'on déplace le problème. Ce n'est que là-dessus que j'en suis.

Je pense qu'on ne peut pas non plus dire que ces politiques étaient injustifiées, que c'étaient des politiques qui n'avaient pour dessein que de contenir l'expansion du Québec. C'est simplement sur cela que j'en suis

Evidemment, tout le reste, ce sont des conséquences: les taux de change, l'importation des capitaux.

M. Tremblay: Seulement un dernier point, M. le député. C'est quand même un point important. Vous savez que, dans le passé, les politiques fédérales ont eu tendance à ralentir la reprise de l'économie du Québec parce que le cycle de l'économie du Québec est toujours en retrait avec celui de l'Ontario.

Le danger va encore se produire s'il y a relance de l'économie, l'Ontario revenant à un niveau relativement rapproché du plein emploi à 4% de chômage. Il y aura alors un taux de chômage au Québec de 8% et, on appliquera une politique monétaire très restrictive pour corriger l'inflation qui apparaîtra en Ontario.

Une chose dont il faudrait discuter, c'est s'il ne serait pas logique qu'on commence à penser, sérieusement, au Canada, à décentraliser la politique monétaire. On a aux Etats-Unis douze districts monétaires. Pourquoi ne pas avoir un district monétaire pour chacune des grandes régions économiques du Canada, dont une pour le Québec, et s'organiser, et peut-être faire un pas plus loin, pour aider les trésors publics... Parce que vous avez fait allusion, tout à l'heure qu'il est dangereux pour les trésors publics provinciaux, en période de taux de change flexible, d'aller emprunter des sommes trop grandes à l'extérieur parce qu'ils élèvent le taux de change et détruisent d'une main ce qu'ils créent de stimulation de l'autre par leurs dépenses. Mais, s'il y avait un accès élargi des gouvernements provinciaux auprès de la Banque centrale comme elle le fait avec le gouvernement central et si on avait une vraie décentralisation de la politique conjoncturelle au plan budgétaire, peut-être aurions-nous une politique monétaire davantage adaptée à l'état conjoncturel réel de chacune des économies.

Je pense qu'au niveau de l'économie du Québec, dans le passé, et des études l'ont établi, certaines grandes politiques fédérales comme la politique monétaire ont été appliquées à contretemps au Québec, eu égard à l'état conjoncturel de l'économie.

M. Raynauld: Je pense que c'est un des points importants, en effet. Ces remarques sont des remarques très incomplètes. D'abord, la décentralisation des politiques monétaires aux Etats-Unis, c'est une fiction, et vous le savez très bien. Ce n'est pas parce qu'on aura douze districts qu'on aura dix banques centrales ou dix banques régionales qu'on va avoir des politiques décentralisées sur le plan monétaire. Vous savez très bien qu'aux Etats-Unis il n'y a pas de politique monétaire décentralisée sur le plan du court terme. Il y a des politiques monétaires qui sont légèrement différentes d'un endroit à l'autre. C'est une fiction. Je pense qu'il ne faudrait quand même pas s'en aller là-dedans. Au Canada, le vrai problème c'est: Est-ce possible de décentraliser les politiques monétaires? Personnellement, je pense que c'est très difficile et c'est pour cela que j'ai toujours proposé une décentralisation des politiques ou une régionalisation des politiques budgétaires. Régionaliser une politique monétaire, au Canada en particulier, je pense que c'est très difficile, même vous, vous avez des doutes très sérieux sur l'opportunité, par exemple, d'avoir une monnaie séparée, d'avoir un taux de change qui serait indépendant.

M. Tremblay: Cela, c'est autre chose.

M. Raynauld: Ce n'est pas une chose parce que cela va ensemble. Il n'y a pas lieu d'avoir des banques centrales différentes et des politiques monétaires vraiment séparées, si on a toujours des taux de change fixes et qu'on a la même monnaie, c'est absolument inutile de faire cela. Cela aussi est une autre fiction. Une politique monétaire de-

vient efficace lorsqu'il y a un taux de change flexible. Autrement, il n'y a pas de politique monétaire. C'est simplement une politique fiscale. C'est une chose. La deuxième, il est bien sûr que les politi: ques monétaires fédérales peuvent avoir un impact plus ou moins favorable pour une région, c'est évident, de la même façon que la politique monétaire américaine va avoir un impact sur la conjoncture canadienne. La question, là encore, ce n'est pas de constater cette chose, c'est de se demander si on peut faire mieux. C'est cela la vraie question. Ce que je trouve absolument déplorable, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui se laissent aller à constater des choses et à dire: Regardez donc. La politique monétaire est restrictive avant que l'économie du Québec ne soit reprise. Je suis d'accord sur cette observation, mais la vraie question, encore une fois de politique et de décision, c'est: Est-ce qu'on est capable de faire mieux que cela? Or, j'en doute fortement, sauf en ce qui concerne la politique budgétaire. Vous savez comme moi...

M. Tremblay: La réponse est: Oui, M. le député. On pense qu'on peut faire mieux et c'est la raison pour laquelle nous aurons un référendum. Si nous n'avons pas de politique monétaire, comme vous dites, qui soit adaptée à l'état de l'économie du Québec...

M. Raynauld: Je ne parle pas du plan politique. On parle d'économique.

M. Tremblay: ...il va falloir changer ce genre de politique.

M. Raynauld: On parle d'économique ici.

M. Tremblay: Oui, mais il faut réorganiser le fonctionnement...

M. Raynauld: Donnez-moi des études qui ont prouvé qu'on pouvait avoir une politique monétaire régionalisée au Canada. Donnez-moi des études. Cela fait quinze ans qu'on étudie cela et tous les auteurs sont d'accord qu'il n'y en a pas.

M. Tremblay: On peut avoir un fonctionnement de la part de la banque centrale qui est tout à fait différent de celui qui existe présentement.

M. Raynauld: Ah oui!

M. Tremblay: J'ai été conseiller de sept pays qui avaient la même banque centrale mais qui avaient accès au financement de la banque centrale en fonction d'un prorata, en fonction d'une règle, et je ne vois pas pourquoi nous n'aurions pas de la même façon...

M. Raynauld: C'est la politique monétaire, vous le savez très bien. On a travaillé ensemble sur ce sujet. Il ne faudrait pas charrier. L'Institut des missions de l'Afrique de l'Ouest française n'avait absolument aucune politique monétaire parce qu'il n'y avait pas de possibilité d'en avoir. Comme vous dites, c'étaient des règles automatiques.

M. Tremblay: Chaque trésor pouvait financer jusqu'à 20% de ses dépenses à même la banque centrale. Or, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, c'est une politique administrative.

M. Raynauld: Ce n'est pas une politique monétaire, c'est une politique administrative.

M. Tremblay: Comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, les déficits du gouvernement du Québec sont souvent financés à l'étranger et produisent un effet négatif sur le taux de change. C'est évident que si le gouvernement du Québec avait accès jusqu'à concurrence de 20% à la banque centrale, il en résulterait un impact beaucoup plus positif pour l'économie du Québec.

M. Raynauld: Si vous me permettez de terminer ma petite présentation là-dessus, vous êtes probablement au courant que j'ai été le seul d'ailleurs au Canada en 1970 à avoir proposé la création d'une caisse régionale de stabilisation. Je pense que c'est la mesure et le maximum que l'on peut faire pour régionaliser les politiques monétaires. Ce n'est pas une véritable régionalisation des politiques monétaires, mais ça permettrait à des trésors provinciaux d'avoir une politique conjoncturelle plus libre et plus autonome vis-à-vis du gouvernement fédéral. J'ai été celui qui a proposé un mécanisme permettant de faire ça. On n'a pas besoin de créer de banque centrale, on n'a pas besoin non plus de changer ou de modifier le comportement d'une banque centrale en ce qui concerne le court terme, mais il serait possible de créer une caisse régionale de stabilisation où les provinces en déficit pourraient emprunter des fonds sur le marché canadien et si on était un peu optimiste, emprunter des fonds des provinces qui, elles, devraient être en surplus lorsque la conjoncture est aussi régionalisée qu'elle l'est, comme c'est le cas au Canada.

J'ai proposé cela en 1970, il n'y a jamais personne qui m'a démontré que c'était absurde ou que ça n'avait pas de bon sens, mais il n'y a jamais personne non plus qui a osé le proposer. Parmi les économistes, la réponse que j'ai eue, à plusieurs reprises et même à l'intérieur du conseil économique, puisqu'on vient de produire un rapport sur le développement régional où la question se serait posée. Les chercheurs du conseil économique ont tous été d'accord sur la régionalisation des politiques fiscales, des politiques de stabilisation, mais en ce qui concerne la caisse, ils ont dit: On n'en a pas besoin. C'est automatique.

Personnellement, je ne partage pas ce point de vue, je pense qu'il y aurait intérêt à ce que le gouvernement du Québec essaye de nouveau de mettre en place un mécanisme de cette nature, à ce moment-là, ça n'implique pas de taux de change différent, ça n'implique pas de monnaie indépendante, mais ça n'implique pas non plus qu'on va résoudre, avec cette caisse régionale, le

problème des flux de capitaux qui proviennent des marchés et qui influencent énormément la conjoncture régionale.

Mais ça permettrait à des gouvernements d'avoir une politique fiscale, encore une fois, qui serait régionalisée et c'est pourquoi j'en reviens toujours à cette idée qu'il est possible de régionaliser des politiques fiscales, mais en ce qui concerne les politiques monétaires, je suis beaucoup plus réservé.

Bon ceci...

M. Tremblay: Si vous permettez, M. le député, sur cela, quand même c'est un point important, je crois que c'est une proposition que j'ai toujours trouvée très bonne, mais vous faites vous-même état, après avoir passé six ans à Ottawa comme président du conseil économique que là, on juge que ce n'est pas nécessaire, qu'on a...

M. Raynauld: Ce n'est pas à Ottawa qu'on ne juge pas ça intéressant.

M. Tremblay: Vous avez passé six ans à Ottawa et vous me dites que ça n'a pas été appliqué.

M. Raynauld: J'ai dit que, d'une part, il n'y avait personne qui avait voulu prendre l'initiative de pousser cette histoire et, d'autre part, j'ai fait état d'économistes au conseil économique. Le gouvernement fédéral, en ce qui me concerne et en ce qui concerne cette caisse n'a jamais exprimé d'opinion. Il a exprimé des avis techniques que j'ai reçus mais il ne s'est jamais posé la question. Alors, vous ne devriez pas émettre l'hypothèse que le gouvernement fédéral serait opposé à ce que, par exemple, le gouvernement du Québec — si vous pensez que c'est une bonne idée — repropose un mécanisme comme celui-là. Je pense que vous ne devriez pas supposer que le gouvernement fédéral dirait non.

M. Tremblay: Vous considérez vous-même que l'opinion de plusieurs économistes à Ottawa, dans la fonction publique et du conseil économique reflète une opinion répandue dans la fonction publique fédérale, encore plus, je pense, au ministère des Finances à Ottawa.

C'est qu'on considère qu'il existe un marché unique du travail au Canada, qu'il y a mobilité des facteurs de production et que le fait qu'au Québec, les travailleurs parlent français, etc., et qu'ils doivent devenir des immigrants dans leur propre pays, lorsqu'ils quittent le Québec, ne constitue pas un facteur qui les empêche d'être mobiles. Il s'agit d'appliquer des freins et des stimulants pour l'ensemble du Canada et les choses vont s'ajuster d'elles-mêmes. On se rend compte que cette politique a échoué de façon lamentable. Lorsque vous avez des gradations de taux de chômage qui vont jusqu'à 18% à Terre-Neuve et qui tombent à 6% ou 7% en Ontario, il est évident que ce genre de mobilité des facteurs de production, dans le cadre d'un même climat économique, n'existe pas au Canada. On a donc un besoin d'une régionalisation des politiques économiques.

Le Président (M. Michaud): Messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît! C'est un dialogue extrêmement intéressant, à un niveau très élevé, mais j'aimerais qu'on revienne...

M. Raynauld: M. le Président, je n'avais pas terminé.

Le Président (M. Michaud): C'est à vous la parole, mais j'aimerais qu'on revienne un petit peu plus près du sujet, s'il vous plaît.

M. Raynauld: Je n'avais pas terminé mes autres observations plus générales...

M. Biron: ... Il y a 300 000 ou 400 000 chômeurs au Québec qui se demandent ce qu'on va faire pour eux autres demain matin. C'est cela l'important.

Le Président (M. Michaud): M. le député d'Outremont, s'il vous plaît.

M. Raynauld: M. le député, je serai obligé de dire que si on était capable de trouver une solution à cela, on aurait peut-être une solution pour ces 300 000 chômeurs.

Toujours en rapport avec les remarques qui ont été faites par le ministre de l'Industrie et Commerce, je voulais ajouter deux petites remarques encore, si vous me le permettez. Sur les programmes d'aide aux entreprises et le dédoublement qui peut exister, le ministre a mentionné qu'il y avait 160 programmes fédéraux et 90 programmes d'aide au Québec. Cela en fait beaucoup. Je voudrais simplement raconter qu'il y a deux ans, à peu près, j'ai reçu une demande d'un projet de recherche pour mettre sur ordinateur les programmes d'aide aux entreprises, parce qu'il n'y avait plus personne qui pouvait en bénéficier, tellement c'était mêlé, tellement c'était complexe, et qu'on ne savait jamais en vertu de quelle loi et de quel programme particulier quelqu'un pouvait demander de l'aide.

Je voudrais simplement exprimer mon appui le plus total à un effort de rationalisation pour essayer de réduire le nombre de programmes, pour qu'il n'y ait pas 240 portes auxquelles il faut frapper, lorsqu'une entreprise particulière désire une aide gouvernementale qui lui est due, puisque c'est inscrit dans les lois.

En ce qui concerne le secteur public et les références qui ont été faites, là encore, à des dédoublements, je voudrais mentionner là-dessus que s'il y a une différence aussi élevée dans la proportion du produit national brut et du produit provincial brut au Québec et en Ontario, je serais surpris que ce soit dû principalement à des dédoublements. Je serais très surpris, parce que le même problème se pose en Ontario et au Québec. La province d'Ontario a aussi ses propres programmes de dépenses — et je ne fais pas seulement allusion aux programmes d'aide aux entreprises, mais à l'ensemble des programmes — et si l'Ontario a 35% et le Québec 45%, je pense que c'est dû à d'autres facteurs et en particulier à la faiblesse de l'économie québécoise en général.

Si on a les mêmes services et qu'on veut toujours donner les mêmes services qu'ailleurs et qu'on est moins riche, bien sûr, la proportion de ces services, le coût de ces services dans la richesse nationale va représenter une proportion beaucoup plus élevée. Je pense que, là encore, si on veut être réaliste sur ces points, il va falloir admettre à un moment donné que si la productivité est inférieure au Québec et si la capacité de produire est inférieure au Québec, il va falloir ajuster les dépenses, il va falloir ajuster les services que l'on offre à la population, parce qu'à l'heure actuelle, il semble, d'après toutes les indications, qu'on n'a pas les moyens de maintenir les services que nous avons à l'heure actuelle, compte tenu de la plus faible productivité de l'économie du Québec.

M. Tremblay: On n'a pas les moyens d'avoir deux gouvernements qui font la même chose. Il y a un besoin de concentration des pouvoirs.

M. Raynauld: J'ai commencé à dire justement que ce ne serait pas à cause des dédoublements principalement qu'on aurait ce genre de situation. C'est absolument évident. Les dédoublements, vous ferez une étude là-dessus, et quand vous en trouverez pour 2% de différence entre l'Ontario et le Québec, je baisserai mon chapeau. Ce sera 2% au maximum. La raison, ce n'est pas cela, la raison, ce sont les services sociaux qu'on maintient au même niveau, c'est la progression absolument extravagante qui a été faite dans ces services sociaux, depuis 1969, en grande partie, à cause du gouvernement fédéral, mais aussi avec l'appui de la province de Québec dans tous les cas et ce secteur public est devenu un secteur public immense.

En ce qui concerne la province de Québec en tant que telle, je ne pense pas qu'elle soit au-dessus de tout soupçon, puisque nous avons la réputation — je pense que c'est vrai — de vouloir intervenir constamment dans l'économie. Nous créons de nouvelles sociétés tous les jours; nous créons de nouveaux programmes tous les jours, et si on veut réduire l'importance du secteur public, je pense qu'il va falloir dire la vérité. Cette vérité, c'est qu'il va falloir que l'Etat cesse de percevoir des impôts pour aider tout le monde. Je pense que ce ne sera pas possible.

Ma dernière observation était sur la référence intéressante qui a été faite à la Grande-Bretagne et à l'Italie. Là aussi, je pense que la grande différence qui existe dans les secteurs publics de ces pays par rapport aux autres est peut-être une bonne indication. Là, il n'y a pas de dédoublement possible, parce que ce sont des pays bien indépendants, mais cela reflète exactement la même situation dans le secteur public qui est gonflé. On me dit qu'en Grande-Bretagne, la proportion du secteur public est de 60% du produit national brut. En Italie, je ne sais pas quel est le chiffre, mais il y a une corrélation à établir, et qui d'ailleurs a été établie par certains économistes, entre cette pléthore d'un secteur public et la faiblesse objective de l'économie si on la mesure par des niveaux de productivité comparés, par exemple, d'un pays à un autre.

Donc, si on veut s'attaquer à cela, je pense qu'on va aller — je suis d'accord avec vous — sur le diagnostic, mais si on veut aller là, je pense qu'il va falloir confronter les citoyens à cette réalité de productivité et de capacité de produire des revenus et des richesses qui vont bien au-delà des dédoublements mineurs, à mon avis, de programmes entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.

Je ne veux pas engager un débat sur les dédoublements. Dans la mesure où il y en a et, dans la mesure où vous êtes capables de les réduire, j'applaudis des deux mains, mais vous n'avez pas besoin de faire l'indépendance du Québec pour faire cela.

Le Président (M. Michaud): Merci, M. le député. M. le député de Berthier.

M. Mercier: Je pense que le député d'Outremont passe sous silence une des données bien caractéristiques de l'économie de l'Ontario par rapport à celles de l'économie du Québec.

En Ontario, vous avez un secteur secondaire de pointe, avec la pétrochimie, avec l'industrie automobile, plus sensible à l'inflation, alors qu'au Québec, vous avez un secteur secondaire très faible avec les textiles, avec la chaussure, avec le meuble. Alors, forcément, la même politique monétaire, la même politique quant à l'importation et l'exportation ont des effets tout à fait différents sur l'économie de l'Ontario et sur celle du Québec. C'est une donnée dont il faut tenir compte. Si vous augmentez la demande pour les produits d'une autre technologie, vous créez une surchauffe de l'économie de l'Ontario qui, ayant un taux de chômage plus bas, forcément, cela augmente le pouvoir de négociation des travailleurs; d'autre part, augmentant le niveau de fonctionnement de l'économie de l'Ontario, vous créez de l'inflation qui, dans un marché libre, est répartie à la grandeur du Canada. C'est ce qui fait que vous pouvez avoir, à l'intérieur d'un même pays, en même temps, l'inflation et la récession, ce qui, en terme d'économie, est une chose anormale.

Je pense qu'il faudra en arriver à adopter des politiques, une certaine forme de protectionnisme, des politiques monétaires, puis des politiques d'importation et d'exportation qui vont tenir compte des caractéristiques de l'économie québécoise, sans cela, on n'en sortira jamais. Si vous n'avez pas de politique anti-inflationniste, étant donné qu'on consomme des biens de l'Ontario, on augmente la surchauffe, on exporte, par le biais des intérêts intergouvernementaux, des multinationales qui tournent à la grandeur du pays, partout l'inflation.

Alors, c'est un peu la situation dans laquelle on est. On a des secteurs très faibles qui auraient besoin d'un renouvellement de la technologie et qui ne trouvent pas les capacités d'emprunt suffisantes, parce que le taux d'intérêt est très élevé, et comme nos marges de profit sont plus réduites dans ces secteurs d'activité, on traîne tout un secteur secondaire qui dépérit. Cette donnée, on ne peut pas la négliger. Je pense que c'est l'essentiel des...

M. Raynauld: Qui paie pour la protection?

M. Mercier: II faut repenser les données économiques dans un contexte québécois.

M. Raynauld: Si vous voulez protéger, qui paiera? Ce sont les Québécois qui paient. Alors, vous n'êtes pas plus avancé qu'avant.

M. Mercier: Oui, je reprendrai une question, entre autres, quand vous parlez des services sociaux. Comment ferez-vous dans un marché libre pour en arriver à avoir des services qui sont un besoin pour l'ensemble de la population canadienne? Comment pouvez-vous en arriver à convaincre une population québécoise de demander des taux de salaire plus bas ou des services sociaux moins considérables, parce que l'économie québécoise a des taux de rendement moins élevés, alors que vous n'avez pas les outils pour corriger cela et vous avez un marché tout à fait libre? Tant qu'on est à l'intérieur du même pays, il n'y a aucune justification à des décalages considérables entre les régions du Canada.

Le Président (M. Michaud): M. le ministre.

M. Tremblay: En termes concrets, ce que soulève le député de Berthier, c'est vraiment la question de régionalisation des politiques. Le député d'Outremont, tout à l'heure, a rappelé la suggestion qu'il a déjà faite d'établir un fonds de stabilisation conjoncturel. Je pense que c'est une excellente suggestion, mais cette suggestion illustre le manque de préoccupation régionale du gouvernement fédéral. Je n'ai pas besoin de souligner les résultats des récentes études sur l'impact du ministère fédéral de l'Expansion économique régionale qui a été très peu important pour le Québec et même, depuis 1969, qui peut même être évalué comme négatif. Mais, lorsque mon ministère, par exemple, met sur pied une politique d'achat pour favoriser l'établissement de nouvelles entreprises, de nouvelles industries, ceci, évidemment, se fait à partir d'un budget qui est le budget tronqué d'un gouvernement provincial.

Si on avait, au niveau fédéral, la préoccupation qu'on a eue aux Etats-Unis de développer les régions, je pense que ces actions conjuguées feraient que les taux de chômage régionaux au Canada seraient beaucoup plus uniformisés. Aux Etats-Unis, comme vous dites, on a utilisé une certaine protection, mais ceci s'est fait par le truchement des contrats de la défense. Le gouvernement américain, pour relancer l'économie du sud des Etats-Unis qui était une région qui périclitait sur le plan économique, a décidé de concentrer les contrats de la défense dans le sud des Etats-Unis.

Au Canada, on n'a pas de politiques d'achat qui tienne compte des réalités économiques régionales. La politique des contrats de défense ne reflète pas non plus cette réalité. Les comptes économiques du Québec ont quand même fourni une information que nous ne possédions pas: si on considère les dépenses en salaires, biens et services et les investissements du gouvernement fédéral, elles n'ont jamais dépassé 16% des dépenses totales fédérales de 1961 à 1975, alors que le Québec représente 27% et plus de la population canadienne. Par conséquent, même si, au niveau du Québec, au niveau du MIC, on fait des efforts concernant une politique d'achat, concernant un fonds de relance industrielle, etc., si le fédéral, d'autre part, n'a pas la préoccupation de soutenir l'activité économique sur une base régionale, on en restera toujours avec des demi-mesures, des demi-interventions. Si par contre vous replacez cela dans le cadre d'une concentration au Québec des pouvoirs de taxation et des pouvoirs de dépenses, il m'apparaît évident que l'impact régional serait plus grand au Québec qu'il ne l'est présentement.

Le Président (M. Michaud): Messieurs, il est midi. Nous devons ajourner, à moins que vous ne permettiez au dernier intervenant de prendre la parole. Etes-vous d'accord?

Le député de Lotbinière. Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Biron: D'accord. J'aurais eu quelques questions à poser au ministre, spécialement lorsqu'il a parlé de l'exportation de nos produits. Je suis d'accord avec lui à 100%, mais, pour exporter nos produits, il faut quand même que le coût de nos produits soit compétitif n'importe où à travers le monde, même avec l'Ontario, les Etats-Unis ou ailleurs, et j'aurais voulu savoir, et je lui poserai la question en revenant à la prochaine séance, ce que le ministère de l'Industrie et du Commerce s'attend de faire pour aider nos entreprises beaucoup plus compétitives, avoir une productivité accrue, baisser leur coût et j'aurais voulu aussi poser quelques questions sur la conscience sociale de nos travailleurs et surtout sur le sommet économique.

J'ai aimé son approche en parlant de collaboration avec le gouvernement fédéral. Je crois principalement que les provinces doivent définir leurs priorités de développement économique régional, mais aussi, à cause de l'impact du gouvernement fédéral dans les décisions provinciales, je voudrais que le ministre considère sérieusement d'inviter le gouvernement fédéral ou quelques observateurs du fédéral au sommet économique, afin qu'ils sachent véritablement ce qu'on veut au Québec. Il n'est pas question de les faire participer à temps plein, mais au moins comme observateurs pour qu'ils sachent les priorités du Québec.

Le Président (M. Michaud): Messieurs, je vous remercie de votre collaboration. La commission de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche pour l'étude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 3)

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