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(Vingt heures six minutes)
Le Président (M. Desbiens): La commission permanente des
institutions financières et coopératives a reçu le mandat
d'étudier les crédits du ministère. Je m'excuse du retard,
j'étais à la commission des transports et elle a
décidé de passer tout droit.
Les membres de la commission sont Mme Bacon (Chomedey), M. Blais
(Terrebonne), M. de Belleval (Charlesbourg), M. French (Westmount), M. Gravel
(Limoilou), M. Guay (Taschereau), M. Lafrenière (Ungava), M. Lincoln
(Nelligan), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges) remplaçant M. Maciocia
(Viger), M. Parizeau (L'Assomption), M. Tremblay (Chambly).
Les intervenants sont: M. Baril (Arthabaska), M. Bordeleau
(Abitibi-Est), M. Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Forget
(Saint-Laurent), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Martel (Richelieu), M.
Rocheleau (Hull) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Il serait dans l'ordre de nommer un rapporteur. Est-ce qu'il y a une
suggestion? Oui?
M. le député de Limoilou.
M. Gravel: Est-ce que je pourrais suggérer M.
Lafrenière comme rapporteur.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
l'Ungava, est-ce que vous acceptez?
Cela va.
Est-ce que vous avez une procédure spéciale à
proposer?
Discussion générale
M. Parizeau: Moi, M. le Président, je suggérerais
que nous procédions dans l'ordre des programmes.
Le Président (M. Desbiens): Avec remarques
préliminaires au début.
M. Parizeau: M. le Président, j'hésite un peu
à faire des remarques préliminaires un peu longues, d'une part
parce que cela fait relativement très peu de temps que je suis dans le
ministère en question, d'autre part, depuis le temps que j'y suis, mon
travail a consisté davantage à servir de sapeur-pompier que de
ministre.
Dans ces conditions, je pense qu'on peut peut-être simplement
examiner les crédits un à un et répondre aux questions,
aux commentaires ou aux interventions qui viendront de nos amis d'en face.
Le Président (M. Desbiens): Vous êtes d'accord sur
cette procédure?
M. French: Oui.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount.
M. French: Je pense qu'on serait tout à fait d'accord. Il
s'agit d'abord de féliciter le ministre des nouvelles
responsabilités qui viennent s'ajouter au lourd fardeau qu'il porte
déjà et lui assurer que l'Opposition comprend très bien le
fait qu'il vient tout juste d'arriver. Non seulement cela, mais qu'il avait
beaucoup d'autres choses a faire en même temps. Je pense que, si cela
vous convient, on va procéder de façon informelle. Il y a
plusieurs sujets que nous voudrions discuter dans l'ordre que vous voudrez
bien. Je ne pense pas avoir autre chose à dire à ce
moment-ci.
Le Président (M. Desbiens): On passe alors au programme no
1, protection du consommateur.
M. Parizeau: Non, cela est transféré. Je pense
qu'il va falloir, M. le Président, se servir à la fois des
crédits généraux et du livre des modifications des
crédits. La protection du consommateur fait maintenant partie du
ministère de l'Habitation et de la Protection du consommateur. Je
suppose donc que cela ne relève plus de notre commission.
Le Président (M. Desbiens): Le programme no 2. Livre des
crédits...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Simplement dans la mesure
où apparaît dans le livre des modifications des crédits la
somme d'environ 1 400 000 $, je me demandais si ce sont les crédits
à voter ici, pour mon information. À ce moment-ci, est-ce qu'on a
juridiction pour regarder ce qu'il y a dans le montant de 1 400 000 $ qui reste
dans les crédits à voter au programme no 1 qui relève du
ministère?
M. Parizeau: Non. Normalement, nous ne votons pas les mandats
spéciaux. En deux mots, jusqu'à ce que le Parlement se
réunisse à nouveau, il y avait un ministère des
Consommateurs, Coopérativees et Institutions financières. Pendant
deux mois, il y a eu des mandats spéciaux qui ont dû être
déposés à l'Assemblée nationale, mais qui ne sont
pas à voter. Dès l'ouverture de la Chambre, il était
déjà décidé que la consommation allait au
ministère de l'Habitation et de la Protection du consommateur. Donc, les
crédits que nous votons en Chambre sont ceux d'un ministère de
l'Habitation et de la Protection du consommateur et nous n'avons plus,
littéralement, sauf erreur, à voter ce qui concerne maintenant
une autre commission que la nôtre, même si des dépenses ont
été effectuées depuis le début de l'année
financière. Mais à partir de mandats spéciaux, on ne vote
pas.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Un sixième.
M. Parizeau: Pardon?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Un sixième, deux
douzièmes exactement.
M. Parizeau: Deux douzièmes.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est cela.
M. French: Même si la loi concernant le transfert n'a pas
été, si je ne m'abuse, adoptée à l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Desbiens): Une fois que
l'Assemblée nationale...
M. French: Je ne veux pas parler des détails
techniques...
M. Parizeau: Non, mais elle le serait à la suite d'un
rapport d'une autre commmission que la nôtre, sauf erreur.
Le Président (M. Desbiens): S'il n'y a pas de rapport
d'une autre commission, l'Assemblée nationale, de toute façon,
est appelée à voter le budget dans son entier. Ce qui fait qu'on
passerait immédiatement au programme 2.
M. Parizeau: C'est cela.
Contrôle et surveillance du développement
des entreprises
Le Président (M. Desbiens): Si j'ai bien compris, on peut
discuter de n'importe quel élément et on adoptera le programme
globalement.
M. le député de Westmount.
M. French: On peut toucher la question de la Bourse de
Montréal, la Commission des valeurs mobilières. Je pense que
ça fait à peu près cinq ou six ans qu'il y a des tarifs
négociés pour les courtiers en valeurs mobilières aux
États-Unis. Cela ne fait pas aussi longtemps, mais presque aussi
longtemps que cela a été discuté ici. Étant
donné l'état de santé toujours un peu faible de la Bourse
de Montréal, je me demandais si le ministre avait des réflexions
quant à cette question. On sait, à moins que je me trompe, que
les tarifs sont approuvés par la Commission des valeurs
mobilières. Elle donne, en effet, son accord tacite ou explicite au fait
que ce n'est pas une situation concurrentielle, c'est une situation de prix
néqociés entre les courtiers.
M. Parizeau: Ce que le député de Westmount me
demande, au fond, ne pourra pas, je pense, être précisé
tant qu'on n'abordera pas la réforme de l'ensemble de la loi de la
Commission des valeurs mobilières, mais je vais quand même lui
donner un certain nombre de mes impressions et, comme on peut dire, de mes
préjugés favorables.
La première fois que ce qu'on pourrait appeler une sorte de
libéralisation des tarifs s'est posée récemment,
c'était à l'occasion de l'imposition du programme
d'épargne-actions. Nous avons eu l'occasion de discuter assez
longuement. Vous savez que les courtiers, dans le programme
d'épargne-actions, ont à assurer des rapports sur lesquels on va
se baser, à toutes fins utiles, pour reconnaître l'avantage fiscal
qui découle du programme d'épargne-actions. Donc, ils remplissent
une fonction indiscutable, une fonction essentielle au système fiscal
qui comporte ou qui peut comporter des honoraires, donc, des tarifs. (20 h
15)
Je pense que mon attitude à cet égard a été
très claire. Il y avait effectivement comme d'habitude deux
thèses: ou bien on s'entend sur des tarifs et on les approuve et ils
s'appliquent à tout le monde ou on laisse la concurrence jouer. La
décision dans ce cas, ça a été que la concurrence
jouerait. Je ne cacherai pas, M. le Président, que je suis un
très grand amateur de concurrence. Mon
préjugé favorable va nettement dans cette voie. Il y a
trop d'endroits où le réflexe corporatif s'est manifesté
et je vous avouerai que je n'y tiens pas tant que ça. Il peut y avoir
des circonstances et c'est pour cela que je ne veux pas prendre un enqagement
trop formel jusqu'à ce que j'aie eu l'occasion de regarder encore une
fois cette révision générale de la Loi sur les valeurs
mobilières. Il peut y avoir des cas où il faut baliser le jeu de
la concurrence. Mais mon premier réflexe en est un essentiellement de
laisser jouer la concurrence.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Ça va.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount.
M. French: Je pense que l'ancien président de la
Commission des valeurs mobilières avait, à un moment
donné, livré l'avis que l'Assemblée nationale devrait se
prononcer là-dessus. Je sais que finalement cela ne relève pas de
lui de prendre une décision comme ça. Cela relève du
ministre. Mais, en principe, est-ce que le ministre verrait ça comme une
question pour l'Assemblée nationale ou une question au niveau de
négociations et de discussions qui auraient lieu entre le ministre et la
Commission des valeurs mobilières?
M. Parizeau: Dans la mesure où la loi comporterait des
dispositions sur ce sujet, quelque disposition que ce soit, n'importe quoi,
évidemment, cela relèverait de l'Assemblée nationale. Mais
est-ce qu'il est nécessaire même qu'on se prononce
là-dessus? Dans le cas du programme d'épargne-actions, vous ne
trouverez rien dans la loi qui dit: Les courtiers doivent avoir des honoraires
minimums ou des honoraires déterminés ou pas d'honoraires du
tout. En fait, cela a été essentiellement une décision du
ministre des Finances de dire: Je ne me mêle pas de cela. On pourrait
donc, à la limite, en arriver à une situation où a) la loi
est muette, donc, l'Assemblée nationale n'en est pas saisie et b) le
ministre est muet aussi, donc, personne n'en est saisi. "And let the best man
win". En somme, si on veut faire jouer la concurrence, on n'est pas
forcé de se prononcer sur quoi que ce soit. On dit: Réglez cela
entre vous...
M. French: Ce serait quand même...
M. Parizeau: ...et là, en ce moment, c'est quoi? Il y aura
une discussion entre les courtiers pour déterminer si, par entente entre
eux, ils détermineraient une sorte de tarif ou bien s'ils laisseraient
jouer la concurrence. Là, on pourrait fort bien imaginer,
premièrement, de les laisser régler cela entre eux et,
deuxièmement, si à ce moment-là cela paraissait, pour une
raison ou pour une autre, contraire à l'intérêt public,
d'intervenir. Mais pourquoi faut-il que le gouvernement intervienne constamment
pour établir des règles du jeu au départ? C'est commode
dans certains cas, mais pourquoi? Pourquoi faut-il toujours que ce soit le
premier recours? Il y a des fois comme celle-là où l'intervention
du gouvernement peut être une intervention de dernier recours. Si
effectivement il y avait une entente qui était telle que c'était
clairement contre l'intérêt public, on intervient, mais dans
l'intervalle?
M. French: Peut-on présumer que dans le brouillon de la
nouvelle loi de la Commission des valeurs mobilières, cette question
n'est pas abordée? Je n'ai pas l'intention de demander
systématiquement à toutes les questions ce qu'il y aurait
dedans.
M. Parizeau: Non, non, mais il est évident qu'il y a une
décision à prendre à ce moment-là.
M. French: Est-ce que ce sera abordé dans la nouvelle
loi?
M. Parizeau: Quand je dis qu'il y a une décision à
prendre, c'est cela. Pour des raisons évidentes, compte tenu du peu de
temps que j'ai eu dans ce ministère, je ne sais pas encore comment je
vais trancher, mais je dis: Mon préjugé favorable est dans le
sens que le gouvernement intervienne là-dedans le moins possible, sauf
intervenir par la suite si, encore une fois, le fonctionnement est tel qu'il
est contraire à l'intérêt public, mais en vertu de quoi?
Quand des médecins sont rémunérés par la
Régie de l'assurance-maladie, on détermine leurs tarifs, bien
sûr, mais s'il n'y avait pas de Régie de l'assurance-maladie,
est-ce qu'on imaginerait que le gouvernement fixe les tarifs?
M. French: L'analogie est quand même intéressante
dans le sens que, si le gouvernement ne s'insère pas dans la situation,
et pour le cas des médecins, et pour le cas des courtiers, on se demande
si, vraiment, ça va changer beaucoup de choses à la situation
actuelle. Je comprends qu'on ne peut pas...
M. Parizeau: Je dois dire à cet égard -je reprends
toujours l'analogie avec le dernier cas que j'ai eu dans les mains,
c'est-à-dire celui du programme d'épargne-actions - que le fait
que le gouvernement, sous quelque forme que soit et par quelque canal que ce
soit, refuse d'entrer dans la
discussion a amené une remarquable concurrence et une
variété totale de taux de la gratuité complète
à des honoraires relativement importants. Cela en soi n'est pas mauvais,
mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les autorités
compétentes dans le cas du programme d'épargne-actions ont
refusé de donner des signaux téléphoniques ou même
des impressions en disant: Ça ne nous regarde pas.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Dans le programme no 2, à
l'élément 3, contrôle, surveillance et développement
des associations coopératives, je vois qu'il y a une baisse assez
significative d'environ 450 000 $, ce qui représente à peu
près 18%. Est-ce que, justement, c'est dans le cadre de ce que vous
disiez... On est bien au programme no 2?
Des voix: Oui.
M. Lincoln: Est-ce que c'est dans le cadre de ce que vous disiez,
moins de surveillance par le gouvernement? Il y aura moins de contrôle de
la part du gouvernement? Peut-être pourriez-vous nous dire, parce que
c'est une baisse assez importante comparativement à l'année
dernière, si la réduction du personnel va se faire à
l'élément contrôle, surveillance et développement?
Quelles étaient les motivations pour réduire cet
élément par rapport aux autres dans le budget total du programme
no 2?
M. Parizeau: Je vais vérifier d'abord, M. le
Président, pour voir si ça ne viendrait pas simplement de postes
vacants. Ce n'est même pas cela. Il s'agit essentiellement d'un
prêt à des Esquimaux qui est passé une seule fois.
M. Lincoln: Vous voulez dire l'année dernière.
M. Parizeau: C'est cela.
M. Lincoln: C'était pour le développement...
M. Parizeau: C'est le développement des associations
coopératives. Il y a eu un prêt de 600 000 $, prêt à
court terme et à long terme à la Fédération des
coopératives du Nouveau-Québec. Évidemment, ça
gonfle le montant pour une année.
M. Lincoln: C'est-à-dire qu'il n'y a pas de changement de
politique quant au contrôle, à la surveillance...
M. Parizeau: Je dois dire que dans ce poste, comme dans bien
d'autres que nous examinerons ce soir - mon sous-ministre va en avoir des
frissons, parce que je n'en ai pas parlé avant - l'essentiel du budget
du ministère est formé de salaires.
Dans l'optique des compressions de personnel, je suis très
conscient que 10% des postes à peu près au ministère des
Institutions financières et Coopératives sont vacants. Il faut
sans doute davantage de personnes à certains endroits, mais je ne suis
pas certain s'il en faut 10%. Il est évident que, dans le courant de
l'année, à l'intérieur des postes vacants à l'heure
actuelle dans le ministère, il est possible qu'il y ait des
compressions. Là, je ne pourrai pas, pour reprendre une discussion que
nous avons eue hier avec le député de Saint-Laurent dans une
autre commission, garantir des habitudes contractées au Conseil du
trésor. Nous ne continuerons pas de jouer dans le ministère des
Institutions financières et Coopératives. Une fois qu'on a pris
l'habitude du couteau, vous savez, cela se poursuit pendant un certain temps.
Je ne me fais pas trop d'illusion sur le plan des programmes d'effectifs.
Le contrôle et la surveillance, cela n'implique pas des effectifs
considérables; cela implique d'abord et avant tout une très
grande qualité de personnel, mais un petit nombre de gens. Je ne vous
cacherai pas que j'ai une profonde admiration quant à la façon
dont les services du surintendant des assurances à Ottawa se sont
développés sur une période de trente ans, avec très
peu de monde. À cet égard, je n'ai jamais été
particulièrement impressionné par le fait qu'en ajoutant encore
des gens de façon sédimentaire on améliore les choses. Les
boîtes qui contrôlent le mieux sont très souvent celles qui
ont le moins de monde. Le Conseil du trésor exerce une surveillance
absolument rigoureuse sur le gouvernement avec au total, en incluant les
téléphonistes et les réceptionnistes, 210 personnes, je
crois.
M. Lincoln: Puis-je vous poser une petite question avant de
passer...
M. Parizeau: II est possible qu'il y ait des réductions
dans le courant de l'année à cet égard qui vont plus loin
que celles qu'on pourrait voir ajourd'hui.
M. Lincoln: Je voudrais vous poser une très courte
question avant de passer la parole à d'autres, mais, en regardant cet
élément, je pensais que le contrôle, la surveillance et le
développement des institutions, c'étaient les fonds que vous
aviez pour exercer le contrôle, pour stimuler le développement et
que tous les prêts que vous faisiez pour lancer une
coopérative,
c'était extrabudgétaire. Est-ce que les prêts seront
inclus dans les coûts budgétaires?
M. Parizeau: Normalement, cela passe par
l'extrabudgétaire. Pourquoi cela a été imputé
à ce poste, cette année; excusez-moi, je demande deux minutes
pour apprendre la mécanique.
C'est un peu ce que je pensais, M. le Président, c'est parce que
cela s'est toujours fait comme cela. Je reconnais avec le député
de Nelligan que 600 000 $ de prêts, des prêts de cette façon
devraient être normalement extrabudgétaires. Il a parfaitement
raison, bien sûr.
M. Lincoln: C'est extrabudgétaire.
M. Parizeau: Des prêts à des associations de ce
genre doivent normalement être extrabudgétaires. Mais en
1980-1981, cela a été inscrit au budgétaire ici, et cela
ne réapparaît pas en 1981-1982 puisqu'il a été fait
une fois.
M. Lincoln: D'accord.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de Chomedey.
Société de développement
coopératif
Mme Bacon: J'aimerais aborder, M. le Président, la
Société de développement coopératif. C'est
peut-être un vieux fonds d'expérience qui me fait dire que je
déplore un peu qu'on n'ait pas laissé au mouvement
coopératif beaucoup plus de leadership qu'on ne lui en a laissé.
C'est évident que la mise de fonds de constitution, quand on regarde le
montant qui est mis par le gouvernement et le montant qui est
déposé par le mouvement coopératif, il est normal
peut-être qu'à ce moment le gouvernement prenne le leadership,
mais j'aurais aimé que cela se fasse autrement.
Il y a quand même des problèmes au niveau de la
Société de développement coopératif, quand on pense
par exemple à l'habitation. On achète des stocks de logements
avec l'intention d'établir des coopératives. J'aimerais savoir
où on en est rendu dans cela. Est-ce qu'il y a une planification? Est-ce
qu'il y a des échéanciers de faits au niveau de la
Société de développement coopératif, en ce qui
touche l'habitation?
M. Parizeau: M. le Président, est-ce que je pourrais
demander l'indulgence du député de Chomedey et passer le micro au
président de la Société de développement
coopératif qui est avec nous ce soir et qui, j'en suis sûr,
pourrait répondre à la question. (20 h 30)
Le Président (M. Desbiens): Au nom du ministre.
M. Parizeau: Oui, il y a des plans au niveau de la
Société de développement coopératif. Comme vous le
savez sans doute, il y a une filiale qui a été mise sur pied qui
s'appelle effectivement SDC-Habitation, pour indiquer la continuité de
l'organisme. L'objectif de cette entreprise est évidemment
d'acquérir un certain nombre de stocks de logements en vue de les
coopératiser, c'est-à-dire de les remettre dans les mains des
individus et qu'ils en deviennent propriétaires par le biais de la
formule coopérative et, ainsi, régler un certain nombre de
problèmes aigus. D'ailleurs, cette souche vient à la fois des
intentions du mouvement coopératif en général et du
gouvernement qui avait indiqué par là son désir d'avoir un
secteur coopératif plus fort.
La SDC-Habitation a actuellement près de 2000 unités de
loqement - disons quelques 1900 unités de logement qu'elle a en main
actuellement - et son objectif est de maintenir un stock continuel, parce
qu'elle est toute jeune; elle a moins d'un an, c'est-à-dire elle a un an
et quelques mois. Je m'excuse, elle a quinze ou seize mois. Son objectif est de
maintenir un stock constant de 5000 unités de logement. Ces 5000
unités de logement sont passées à un rythme approximatif
d'un tiers par année aux gens sous forme coopérative. Les gens
qui sont à l'intérieur de ces unités ou les gens qui y ont
intérêt convertissent ces stocks de logements en
coopératives et ils en deviennent propriétaires à ce
moment-là.
Un point qu'il est intéressant de noter, c'est que cette SDC veut
faire ses frais en soi, en ce sens que la Société de
développement coopératif a consenti des actions dans cette
entreprise et également un prêt d'actionnaire. Au bout d'un
certain exercice, ces fonds seront remis puisque l'objectif est de remettre
cette filiale entre les mains des coopératives d'habitation et
possiblement après une entente conjointe avec les partenaires
coopératifs financiers, dans une période de cinq ans.
Mme Bacon: Est-ce qu'il y a des liens étroits avec ce
qu'on appelle LOGIPOP, la rénovation des habitations? Est-ce que vous
avez des liens qui sont...
M. Parizeau: Le seul lien qui peut exister, c'est que LOGIPOP
comme tel est un organisme auquel on ne touche pas nécessairement. Quand
il y a des questions de rénovation, par exemple, il y a des subventions
qui sont disponibles pour faire de la rénovation. Évidemment, les
coopératives y ont droit. Maintenant, nous, en tant que filiale, n'avons
pas eu du tout à toucher à
ces fonds-là.
Ce sont des opérations parallèles.
Mme Bacon: Oui.
M. Parizeau: II n'y a pas de lien organique entre les deux.
Mme Bacon: II y a eu le sommet sur le mouvement coopératif
et je pense que plusieurs engagements avaient été pris à
ce moment-là par certains membres du gouvernement. J'aimerais demander
si on a pensé, ou si on prévoit regarder les lois des caisses
d'épargne et de crédit.
M. Parizeau: Je m'excuse...
Mme Bacon: On a parlé de lois de caisses d'épargne
et de crédit et on a dit à ce moment-là qu'il y avait des
possibilités dans un avenir pas trop lointain. Y a-t-il des plans
à ce sujet?
M. Parizeau: Oui. Il y a, je pense, des modifications dans la
législation des caisses d'épargne et de crédit qu'il faut
réexaminer probablement davantage encore qu'on ne le pensait il y a
quelques mois.
Une voix: ...
M. Parizeau: II y a plusieurs axes dans la rénovation de
ces lois. Il est évident, par exemple, qu'il y a une sorte
d'intégration à faire, d'amendements aux lois qui ont
été adoptées graduellement depuis un certain nombre
d'années, mais souvent à la pièce et qui n'ont pas, je
pense, été intégrées assez correctement.
Certainement, c'est juste une question de cohérence, mais enfin c'est
quand même important.
Deuxièmement, les caisses d'entraide et de crédit sont en
train de développer des organismes nouveaux dont le rôle, sur les
marchés monétaires et financiers, est appelé à
s'accentuer considérablement dans l'avenir. Là aussi, il faut que
la loi soit en mesure de suivre. Le cas peut-être le plus typique
à cet égard est la caisse centrale. La loi est relativement
jeune, mais d'ores et déjà on se rend compte que simplement pour
être en mesure de faire en sorte que ça suive les exigences du
marché où ils vont fonctionner, il faut faire avancer la loi
assez rapidement.
Troisièmement, et en un certain sens c'est peut-être la
chose la plus importante, il faut réexaminer la loi des caisses
d'épargne et de crédit de façon à mieux
refléter sur le plan juridique le rôle qu'elles jouent comme
organisme quasi bancaire, c'est-à-dire comme n'importe quel organisme
bancaire ou quasi bancaire, d'assurer la meilleure des protections possible
pour l'épargnant ou pour le déposant. Je dois dire que notre loi
actuelle est, dans sa philosophie même, un peu ambivalente, ambiguë.
Pendant des années - je suis sûr que la députée de
Chomedey se souvient de ces grandes discussions - on a été
très impressionné par le fait qu'il fallait élargir les
pouvoirs de placement des caisses d'entraide et des organismes qui les
représentent.
Je me souviens d'une époque où il était interdit
aux caisses pop ou à la fédération d'acheter des actions.
Cela leur était totalement interdit. On a cru faire un pas en avant
considérable en leur permettant d'acheter des actions à la
condition que les actions, une à une, que les titres, un à un,
soient approuvés par le Conseil des ministres. C'était vraiment
une situation complètement aberrante et cela ne fait pas tellement
lonqtemps. On a, d'année en année, augmenté les pouvoirs
de placement des caisses d'épargne et de crédit, ce qui
était normal, pour leur permettre de jouer un certain rôle sur le
plan du développement économique. Maintenant, il faut combiner
cela avec la reconnaissance aussi que ce sont des organismes qui ont beaucoup
de caractéristiques des organismes bancaires et que,
parallèlement à l'élargissement des pouvoirs de placement,
il faut aussi des clauses de prudence, de liquidité, de
disponibilité possiblement plus astreignantes que celles que,
jusqu'à maintenant, on avait dans la loi. Dans ce sens, oui, sur les
trois plans que j'ai indiqués, il faut, je pense, procéder
à une refonte assez importante des lois des caisse d'entraide... Je
m'excuse. Le lapsus indique le genre de mes préoccupations. Je voulais
dire des caisses d'épargne et de crédit.
Mme Bacon: À ce sommet, on a fait beaucoup de promesses,
je pense, au mouvement coopératif. J'aimerais en rappeler quelques-unes
au ministre. On a parlé aussi, à ce moment-là, de
révision complète de la Loi des coopératives agricoles.
Cela ne me semble pas encore réalisé. Est-ce qu'il y a une
planification dans ce sens au niveau du ministère?
M. Parizeau: On me dit que le projet de loi est prêt
à ce sujet. C'est simplement une question de l'examiner, de faire les
recommandations appropriées au Conseil des ministres et, ensuite, de
faire passer ça par...
Mme Bacon: On a aussi fait mention, à ce moment-là,
de programmes d'éducation coopérative en collaboration avec
l'ENAP; je pense que c'est le ministre d'État au Développement
économique qui a parlé de la réalisation de tels
programmes.
M. Parizeau: J'ai vu dans les rapports des services,
effectivement, un certain
nombre de choses à ce sujet. Je comprends que c'est
embrayé, que c'est lancé.
Mme Bacon: Est-ce qu'on prévoit aussi des modifications
à la Loi sur les associations coopératives?
M. Parizeau: On me dit que là encore les études
sont faites, c'est une question essentiellement de se prononcer dessus et de
voir quel genre de loi sera apportée à l'automne
éventuellement.
Mme Bacon: Si ma mémoire est fidèle - il me semble
que c'est à ce moment aussi - on a parlé de dépôts
par le gouvernement à la caisse centrale Desjardins.
M. Parizeau: Le problème est beaucoup plus vaste.
Mme Bacon: Oui.
M. Parizeau: II est beaucoup plus vaste que les questions de
dépôts.
Mme Bacon: Je simplifie.
M. Parizeau: C'est une opération qui est commencée
déjà depuis quelque temps. C'est appelé à prendre
beaucoup d'ampleur dans les années qui viennent. C'est un paradoxe
extraordinaire de penser que, quand le gouvernement de Québec ou
Hydro-Québec emprunte en Allemagne les organismes centraux, les
coopératives allemandes, les "gerossenschaft" font partie de nos
syndicats d'émission des titres. Les organismes centraux des
coopératives allemandes sont en plein centre du financement des
obligations d'Hydro-Québec et du gouvernement de Québec. Mais au
Québec, non. Parce qu'ils n'ont jamais disposé jusqu'à
maintenant d'un instrument qui leur permettrait de faire cela. Dans ce sens,
dès que le projet de caisse centrale est apparu, on a poussé
dessus aussi fort qu'on pouvait. Il est très important qu'effectivement
la caisse centrale non seulement ait des ressources, mais, d'autre part, un
mode de gestion, un mode de participation au marché monétaire, au
marché financier qui lui permette de jouer le rôle dans les
opérations gouvernementales de caractère financier que sa taille
au Québec justifierait.
Déjà on a posé un certain nombre de gestes. Par
exemple, dans le syndicat d'émission des titres de la province depuis
que la caisse centrale existe, là maintenant elle en fait partie. Ce
n'est pas très important le rôle que ça joue
là-dedans, mais enfin au moins cela en fait partie pour la
première fois. Ils apparaissent dans ce qu'on appelle le "tombstone" des
emprunts, ils apparaissent quelque part, ils n'apparaissaient jamais avant.
Deuxièmement, dans les organismes bancaires prêteurs
à court terme du gouvernement de Québec, nous avons
traditionnellement eu toutes les banques à charte. Après
ça on a cherché à embarquer les unions régionales.
Il est évident que l'union régionale ne pouvait pas jouer un
très grand rôle dans les emprunts à court terme du
gouvernement par rapport à la Banque de Montréal, la Banque
Nationale ou la Banque Royale. La caisse centrale fait maintenant partie de ces
organismes prêteurs à court terme du gouvernement de
Québec. À l'occasion d'opérations comme, par exemple,
celle des obligations d'épargne l'an dernier, où on a
ramassé beaucoup plus d'argent qu'on s'y attendait, il y a eu des
dépôts faits par le ministère des Finances pour la
première fois justement dans les caisses populaires ou dans des
organismes qui les représentent. La caisse centrale, une fois que
vraiment elle fonctionnera correctement, devrait normalement, quand nous sommes
en situation non pas d'emprunt, mais de dépôt, pouvoir servir au
même titre que les autres organismes bancaires à cette fin.
C'est ce qui se produit depuis deux, trois ans, si vous voulez. C'est
une sorte de mécanique d'éducation mutuelle. La priorité
du gouvernement est très claire. C'est que nous tenons absolument,
dès que ces organismes centraux coopératifs apparaissent,
à ce qu'on les intègre aux opérations financières
courantes du gouvernement. Cela s'est fait depuis deux ou trois ans très
rapidement. Il reste beaucoup de chemin à faire; on ne se fait pas
d'illusions. Ce ne sont pas des virages qu'on prend en six mois. Cela va
prendre plusieurs années avant que l'heureux concubinage des
autorités publiques et des institutions financières puisse les
rejoindre autant que d'autres et peut-être possiblement davantage que
d'autres parce que ces mouvements représentent une telle masse au
Québec qu'il n'y a pas de raisons que ce ne soit pas nettement plus
important, à un moment donné, que, par exemple, les banques
à charte dont le rôle au Québec est passablement moins
important. C'est vers ça qu'on se dirige.
Mme Bacon: Je reviendrais peut-être avec une
dernière question au niveau des coopératives d'habitation. Je
pense qu'il y a déjà eu un peu de problèmes dans
l'embauche des travailleurs. Il y a eu des discussions avec l'Office de la
construction à ce sujet?
M. Parizeau: Je m'excuse, mais c'est la première fois que
j'entends dire qu'il y a eu des problèmes d'embauche avec les
travailleurs dans le domaine des coopératives d'habitation. À
quel niveau, pouvez-vous m'expliquer davantage? (20 h 45)
Mme Bacon: C'est bien fragmentaire,
mon information, mais on me dit qu'au niveau de l'embauche des
travailleurs, il y avait des problèmes et qu'il serait nécessaire
d'avoir des discussions avec l'Office de la construction. C'est pour cette
raison que je vous demande: Est-ce que vous sentez qu'il y a un problème
ou est-ce que vous sentez que ce n'est pas nécessaire? Est-ce qu'il y a
quand même des discussions qui ont lieu de temps à autre entre les
coopératives d'habitation et l'Office de la construction?
M. Parizeau: Le seul élément que je pourrais
apporter là-dedans, c'est qu'au moment du sommet, une demande avait
été faite de la part des coopératives d'habitation pour
avoir une certaine exemption pour qu'elles puissent engager leurs travailleurs
sans passer par l'Office de la construction, mais, à mon avis, il n'y a
rien eu de ce côté et je n'ai jamais entendu parler du
problème comme tel...
Mme Bacon: Par la suite.
M. Parizeau: ...d'aucune façon.
Mme Bacon: D'accord.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount.
M. Parizeau: Est-ce que la députée de Chomedey...
On pourrait quand même discuter de la chose avec l'Office de la
construction simplement pour lui demander si, effectivement, il a quelque chose
et si oui, en communiquer l'essentiel à la députée de
Chomedey.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount. Est-ce que le programme 2... M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Forget: Saint-Laurent.
Le Président (M. Desbiens): Excusez-moi. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, le ministre des Institutions
financières pourrait-il juger à propos de commenter une
déclaration qui a été imputée à son
collègue, le ministre du Travail, M. Marois, qui suggérait que
bientôt l'Assemblée nationale sera appelée à
étudier un projet de loi en vertu duquel les entreprises qui mettent
à pied des employés devraient ouvrir tous leurs livres à
l'inspection gouvernementale de manière qu'on vérifie le
bien-fondé de la décision? C'est contenu dans une
déclaration que le Soleil a citée le 9 mars dernier. Une telle
loi, si elle est envisagée, serait-elle soumise à l'application
du ministère du Travail ou du ministère des Institutions
financières à ce titre de surveillance et de développement
des entreprises, ou serait-ce appliqué par le ministère du
Travail, comme cela se fait peut-être dans certains cas où une
entreprise, au moment de sa fermeture, doit obéir à un certain
nombre d'exigences légales?
M. Parizeau: M. le Président, j'apprécie beaucoup
la question du député de Saint-Laurent, parce qu'elle se voudrait
un peu embarrassante, mais la réponse est évidente. Si une
idée comme celle-là donnait lieu à une décision,
elle ne pourrait aboutir qu'en vertu de la loi des licenciements collectifs qui
relève du ministère du Travail dans ses applications. Donc, le
ministère des Institutions financières et Coopératives
n'aurait rien à y voir. De la même façon que si on change
le mode d'impôt d'une entreprise, l'inspection des livres ne va pas se
faire par le ministère des Institutions financières et
Coopératives. C'est le ministère du Revenu qui s'en occupe. La
loi des licenciements collectifs étant au ministère du Travail,
son application est forcément au ministère du Travail.
M. Forget: Doit-on comprendre cependant que l'affirmation du
colllègue du ministre est une indication d'une intention ferme du
gouvernement d'introduire à l'Assemblée nationale une telle
disposition législative?
M. Parizeau: Oh, M. le Président, je suis certain que
posée dans la commission appropriée, la réponse
viendrait.
M. Forget: Mais la solidarité ne tient-elle plus?
Tient-elle seulement entre certains ministres et pas entre certains autres?
C'est annoncé à l'indicatif présent comme étant une
intention ferme: Le gouvernement du Québec prépare un projet de
loi qui obligera les sociétés à faire inspecter leurs
livres comptables avant de pouvoir effectuer la mise à pied
d'employés.
M. Parizeau: M. le Président, ce n'est pas tellement une
question de solidarité ministérielle. C'est une question de
division du travail; chaque commission a son mandat. Cela n'est manifestement
pas du mandat de notre commission. D'aucune espèce de façon cela
pourrait venir ici.
Quant à l'utilisation du présent plutôt que du
conditionnel par la voie des journaux, s'il fallait qu'on corrige chaque fois
qu'on remplace dans un journal un conditionnel par un présent, on
n'aurait plus le temps de travailler.
M. Forget: On doit comprendre, cependant, que si cette
hypothèse peut être soulevée par un membre du gouvernement
qui
l'était et le demeure, ça suppose un jugement implicite
sur le travail de surveillance qui se fait au ministère des Institutions
financières,
M. Parizeau: Non, pas du tout.
M. Forget: Surveillance des entreprises, contrôle et
surveillance du développement, qui sont des mots assez forts, supposent
qu'on ne fait pas qu'un travail d'archives. Cela suppose que l'on surveille et
contrôle effectivement quelque chose. Est-ce qu'on peut nous expliquer
quels sont les buts, effectivement, de cette surveillance et de ce
contrôle? Je comprends qu'on émet des chartes et qu'on a les
exigences de rapports annuels, mais est-ce que cela va au-delà de ces
exigences, plutôt de type conservateur, d'archives, ou va-t-on plus loin?
Quelle utilisation en fait-on précisément?
M. Parizeau: M. le Président, je ne sais plus exactement
de quoi nous parlons. Nous sommes au programme 2, le titre du programme, c'est
"Contrôle et surveillance du développement des entreprises". Bien!
Il y a ensuite une définition du programme: Ce programme vise à
assurer un contrôle sur la création et la modification des
entreprises opérant au Québec. Il y a maintenir un contrôle
et une surveillance du développement des associations
coopératives et des activités immobilières. Je ne vois
rien dans ce que vient de dire le député de Saint-Laurent qui
impliquerait que l'hypothèse qu'il soulevait ou le relevé d'un
article de journal amènerait, en vertu du programme 2, le
ministère des Institutions financières et des Coopératives
à surveiller des entreprises en cas de licenciement collectif. Dans la
définition du programme, il n'y a rigoureusement rien qui dit cela.
M. Forget: Admettons que cela fait partie de la modification des
entreprises.
M. Parizeau: Alors, la surveillance devient maintenant la
modification. Non, nous jouons sur les mots.
M. Forget: Je ne joue pas sur les mots, je lis simplement la
description sur laquelle le ministre attire notre attention puisqu'il veut y
aller avec précaution en utilisant le mot à mot des
définitions. La création et la modification des entreprises,
ça doit être à propos de quelque chose.
M. Parizeau: Oui, les changements de charte.
M. Forget: Strictement les changements de charte. C'était
donc la question que je posais; il était plus simple de répondre
oui, tout simplement. J'ai dit: Vous vous bornez donc à des
opérations d'archives. C'est-à-dire qu'on inscrit les
renseignements nécessaires sur une formule, on émet la charte et,
après cela, c'est fini, on ferme le tiroir. C'est bien le tableau qui se
dégaqe de l'opération.
M. Parizeau: Non, M. le Président, ce ne sont pas des
opérations d'archives. Par exemple, il y a le choix du nom. Quiconque a
créé une entreprise le sait bien, il faut savoir, quand on
choisit un nom, s'il correspond à d'autres entreprises qui ont
déjà le même nom. Le fichier des entreprises, la
décision de les incorporer sous un nom ou sous un autre est une fonction
parfaitement normale, courante, traditionnelle et qui va continuer. Un service
de création, d'émission de charte, de vérification de noms
ne peut fournir, comme la plus belle fille du monde, que ce qu'il a. C'est sa
fonction et il la remplit.
M. Forget: C'est tout ce qu'il a en fait.
M. Parizeau: C'est déjà très bien.
M. Forget: C'était le but de la question. Merci.
Le Président (M. Desbiens): Le programme 2 sera-t-il
adopté?
M. French: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount.
M. French: Après ce qu'on vient d'entendre, je devrais
d'abord m'excuser d'être passé au programme 3 en pensant que
c'était le programme 2; ma première série de questions
était un peu déplacée, je m'excuse. J'ai lu dans le
rapport une référence, toujours concernant les
coopératives, que j'ai trouvée intéressante. Des analyses
ont été effectuées ayant comme objectif de
déterminer une formule susceptible de permettre l'application du
régime d'épargne-actions aux coopératives et aux
institutions financières coopératives. Je pense que je sais
pourquoi la référence est si ambiguë, mais je me demande si
on pourrait avoir un peu d'éclaircissements là-dessus. Est-ce que
c'est possible?
M. Parizeau: L'essentiel du débat au sujet de l'extension
de l'épargne-actions aux coopératives, je pourrais le
résumer de la façon suivante: Pour ce qui a trait aux
coopératives proprement dites, par opposition aux coopératives
d'épargne et de crédit, dans la mesure où les parts
sociales ont souvent un certain degré de permanence ou sont
émises une fois pour toutes, en tout cas ne sont pas rachetables
à demande, cela ne pose
aucune difficulté particulière. Il en est de même
pour ce qui a trait à des compagnies appartenant à des
coopératives ayant une structure de compagnie. Cela ne pose pas de
difficultés particulières non plus, il suffit d'émettre
des actions et c'est admissible.
Là où la difficulté s'est présentée,
c'est à l'égard des caisses d'épargne et de crédit.
Dans ce cas-là, les parts sociales, par analogie, et je dirais par
analogie seulement, parce que je sais à quel point il faut peser ses
mots quand on aborde ce genre de question, le capital social est rachetable au
fond à demande. Il est donc impensable que l'on offre un avantage fiscal
à un titre qui peut être émis, remboursé, enfin,
racheté quelques jours plus tard, donnant lieu à une nouvelle
émission rachetable quelques jours plus tard à la seule fin
d'obtenir un avantage fiscal. Ce que nous disons depuis déjà un
certain temps, c'est qu'à l'égard des caisses d'épargne et
de crédit, on veut qu'elles assurent, qu'elles émettent un type
de titre qui ait une certaine permanence pour que ces titres puissent profiter
de l'épargne-actions.
On peut fort bien imaginer que ce ne soit pas la même permanence
que les actions des compagnies qui, sauf dans certains cas où la loi
récente du Québec s'applique, ne sont pas rachetables dans
l'ensemble par les compagnies elles-mêmes. Elles sont émises une
fois pour toutes. On n'est pas obligé d'imaginer une permanence du
même ordre, mais il faut au moins que le capital social soit assez
stable, assez permanent, non rachetable pendant une période assez longue
pour qu'on ouvre l'épargne-actions. Cela me paraît être la
seule façon de respecter non seulement la lettre de la Loi sur
l'épargne-actions, mais l'esprit de l'épargne-actions.
L'idée du programme d'épargne-actions, c'est de faire en sorte
que l'on puisse dans les entreprises favoriser l'augmentation de
l'équité par rapport à la dette en rendant l'achat
d'équité plus intéressant sur le plan fiscal, encore
faut-il que ce soit une véritable équité,
équité qui ait un certain degré de permanence. Alors, nous
avons eu effectivement passablement de discussions là-dessus. Je ne peux
pas dire que le mouvement coopératif dans son ensemble applaudit
frénétiquement chaque fois que j'exprime ce principe. Au sommet
coopératif justement, certains des représentants du mouvement
n'étaient pas particulièrement emballés par ce que j'avais
à dire, mais cela me paraît être un principe fondamental. Si
on veut respecter l'esprit de l'épargne-actions, il faut que cela
s'applique à des parts sociales qui aient un certain degré de
permanence, ce qu'elles n'ont pas à l'heure actuelle pour les Caisses
d'épargne et de crédit.
Le Président (M. Desbiens): Le programme no 2 sera-t-il
adopté? M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Programme no 3. Le programme
no 3 est-il adopté? M. le député de Westmount.
Contrôle, surveillance et développement
des institutions financières
M. French: Je pense que le ministre ne sera pas
étonné qu'on revienne un peu sur les caisses d'entraide
économique. On peut peut-être commencer en demandant un briefing
sur la situation actuelle, celle des 48 dernières heures pour savoir
comment cela s'annonce actuellement.
M. Parizeau: M. le Président, je demanderai l'indulqence
des députés de cette commission, si je pèse un peu mes
mots pour des raisons évidentes et si je fais appel à des
formules de prudence élémentaire. (21 heures)
Je pense qu'il est clair que depuis lundi l'excitation qui entoure les
émissions de télévision de TVA et qui a donné lieu
à des retraits tombe petit à petit. Je pense que, hier, à
toutes fins utiles, on assistait à la fin de cette excitation. Il est
clair aussi qu'un article publié dans un hebdomadaire de
Montréal, hier, et faisant état d'une sorte de scénario de
la Fédération des caisses d'entraide à l'effet de fermer
sept caisses a réalimenté dans ces caisses aujourd'hui une
excitation inévitable qui n'a pas de commune mesure, cependant, à
ce qu'on a vu lundi ou mardi dernier. C'est beaucoup moins fort et c'est
beaucoup plus localisé.
C'est un peu embêtant parce qu'effectivement ce scénario
existait, à un moment donné, à la fédération
des caisses, mais nous nous étions entendus avec elle pour qu'il ne soit
pas appliqué, en tout cas, dans l'immédiat. Pour une raison
très simple, c'est que les quelques caisses en question restent
rentables, je dirais, ne perdent pas d'argent - elles n'en font peut-être
pas beaucoup mais elles n'en perdent pas - et que, pendant une certaine phase,
en tout cas, la solidarité du mouvement pouvait assurer la
solidité de l'ensemble. Et c'est ce scénario d'ailleurs que nous
avons, la fédération et nous, adopté.
Mais comme un scénario antérieur existait,
qu'effectivement cet hebdomadaire en a fait état, nous sommes en face,
aujourd'hui, non pas d'une recrudescence, encore une fois, cela ne ressemble
absolument pas à ce qu'on a vu au début de la semaine, mais c'est
agaçant. Il est très difficile, dans un climat comme
celui-là et dans cette structure de liberté de presse qui existe
chez nous, d'éviter qu'à un moment
donné l'un ou l'autre des médias "effervescent" un peu et,
mettant la main sur un document, se précipitent ou ne se
précipitent pas pour sortir quelque chose d'un peu spectaculaire. C'est
embêtant, mais enfin, qu'est-ce que vous voulez, on prend l'habitude de
vivre avec cela.
Quant à l'appui que le gouvernement du Québec donne aux
caisses d'entraide à travers cette mauvaise phase temporaire qu'elles
connaissent, tout est réglé, tous les documents sont en ordre,
sont signés, les pipe-lines nécessaires pour prêter les
liquidités temporaires nécessaires ont été mis en
place. À cet égard, je n'ai rien de particulier à ajouter
à ce que j'ai dit à l'Assemblée nationale, sauf souligner
cependant que, d'autre part, faisant appel à une entente à
laquelle j'avais fait allusion à l'Assemblée nationale, une
entente signée il y a une douzaine d'années entre la Régie
de l'assurance-dépôts du Québec et la Société
d'assurance-dépôts du Canada, des avances sont maintenant
autorisées de la Société d'assurance-dépôts
du Canada à la Régie de l'assurance-dépôts du
Québec et cela aussi est réglé.
Dans ce sens, les gouvernements et, je pense, la
fédération elle-même ont pris les mesures
appropriées pour que cette effervescence temporaire retombe, sujette
évidemment à des péripéties comme celles de
l'hebdomadaire d'hier et du problème mineur par rapport à ce
qu'on a connu au début de la semaine et aujourd'hui.
M. French: Selon la réponse que le ministre a
donnée en Chambre et ce qu'il vient de dire ici, il y avait une certaine
attention à apporter, à la fin de l'année fiscale des
caisses, à la conjoncture des taux d'intérêt, au manque
d'harmonisation dans la maturité des investissements, à l'actif
et au passif. Il y avait aussi une référence un peu plus
ambiquë, pour des raisons qu'on comprend, au fait que la croissance a
été rapide, qu'il y avait peu d'enthousiasme qui avait pris,
à un moment donné... Je ne sais pas si c'est le moment, mais je
vais quand même demander au ministre ce qu'il pense du problème un
peu plus profond - ce n'est pas le mot - problème qui réside un
peu plus dans la ligne d'orientation, dans la responsabilité du
gouvernement depuis maintenant quelques années. De notre
côté, par exemple, on attendait - on ne voulait pas poser cette
question en Chambre - un certain éclatement. Probablement que les
fonctionnaires du ministre et le ministre lui-même l'attendaient aussi,
mais tout cela pour dire qu'il y a quand même plus que les facteurs
à l'extérieur des responsabilités des gérants.
Alors, il s'agit de revenir un peu sur le rapport qui a été, je
pense, soumis au ministère dans le temps, le rapport de la Commission
des valeurs mobilières. Je soulève un certain nombre de
problèmes, c'est sérieux. Sans vouloir entrer dans les
détails, je me demande si le ministre pourrait partager avec nous ses
idées sur ce plan, d'ici six mois, d'ici l'automne, quant aux
réglementations des caisses d'entraide.
M. Parizeau: M. le Président, dans le genre de
circonstances que nous connaissons actuellement, on comprendra que je ne
veuille pas être trop - comment dit-on en anglais? That I do not want to
rock the boat - pour des raisons très claires. Il n'en reste pas moins
que je reviendrai à ce que je disais tout à l'heure en
réponse à Mme la députée de Chomedey sur les
révisions à apporter aux lois non pas des caisses d'entraide,
mais des coopératives et des caisses d'épargne et de
crédit. C'est un problème que nous avons bien connu au Canada,
d'abord avec les banques à charte et, plus récemment, avec les
compaqnies de fiducie. Il est important - c'est peut-être la principale
chose finalement, fondamentalement - d'assurer une très qrande
solidité à toutes les institutions qui ramassent l'épargne
du public, et cela implique des exiqences féroces, il n'y a pas d'autre
mot, à l'égard, par exemple, des coefficients de
liquidités et non seulement à leur application, mais à
leur définition: qu'est-ce qu'on met là-dedans? Un coefficient de
liquidités, manifestement, ne peut pas comporter des immeubles. Chaque
fois qu'apparaissent au Canada des problèmes de cet ordre avec un
groupe, cela aura eu au moins toujours l'avantage d'amener, par la suite, des
précisions bien plus grandes sur le plan de ce que les liquidités
doivent comporter sur le plan des réserves des institutions, sur le plan
non pas tellement de la qualité du contrôle, mais aussi de la
fréquence des contrôles exercés par les pouvoirs
publics.
Je pense que ce à quoi nous assistons à l'heure actuelle
nous fait comprendre que ces principes de prudence ne sont pas seulement bons
pour les banques à charte, ils ne sont pas seulement bons pour les
compagnies de fiducie, ils doivent l'être pour toute institution
financière du même genre qui perçoit l'épargne du
public.
Remarquez qu'un bon bout de chemin a été fait sur ce plan
depuis quelques années mais, là, on se rend compte à quel
point il y a un bout de chemin à faire encore. À cet
égard, il ne faut pas avoir peur d'une certaine férocité
de la part des pouvoirs publics et de la part des organismes de
surveillance.
Je m'excuse auprès du député de Westmount de ne pas
être plus explicite dans le contexte actuel mais là encore je
pense qu'il voit où est mon préjuqé favorable.
M. French: Je suis convaincu que le
ministre me pardonnera d'avoir souligné le fait qu'il y avait
déjà, je pense, amplement d'avertissements, d'études de
faites. Ce n'est pas une découverte qu'on fait de la
réalité de circonstances pareilles pour n'importe quelle
institution financière qui se voit confier autant d'argent et autant
d'éparqne, mais plutôt qu'on vive simplement les prévisions
qui ont été faites il y a quelques années, face auxquelles
le gouvernement n'a pas, je pense, agi avec assez de fermeté, ce qui
aurait évité au ministre lui-même de vivre le
problème qu'il vit actuellement. Je ne veux pas...
M. Parizeau: Je comprends très bien ce que dit le
député de Westmount, mais disons que les textes auxquels il se
réfère ne tombent pas sous les yeux d'un aveugle et les
recommandations ne tombent pas dans les oreilles d'un sourd non plus. Il m'est
difficile d'ajouter quoi que ce soit dans le contexte actuel, M. le
Président.
M. French: D'accord, c'était beaucoup plus une
constatation qu'une question.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je voulais poser une question sur l'article 3 du
programme no 3, une question d'information. Récemment -c'est un peu mon
secteur, c'était mon secteur - les compagnies d'assurances, pas
québécoises mais certainement une ou deux compagnies
fédérales, sont en instance de flancher ou ont des
problèmes tout à fait majeurs, comme vous devez le savoir,
à cause d'une espèce de guerre de tarifs, de taux, etc. Je me
demandais s'il y avait un plan, au Québec, pour les compagnies
québécoises d'assurances pour augmenter le dépôt des
nouvelles compaqnies qui se formeront.
Justement, un des problèmes que nous avons eus avec les
compagnies fédérales était que c'était assez
facile, pour 1 000 000 $, de lever une compagnie fédérale. Ces
compagnies poussaient comme de petits champignons et elles avaient des
problèmes. En fait, j'en connais qui ont de sérieux
problèmes. Je me demandais si c'était dans votre programme,
à court ou à moyen terme, de revoir cette situation par rapport
aux nouvelles compagnies qui se formeront au Québec et de leur demander
un dépôt accru de réserve.
M. Parizeau: II faut que je regarde cette situation. Je n'ai pas,
à l'heure actuelle, de préjugé favorable dans un sens ou
dans l'autre parce que je ne suis vraiment pas au fait des
développements récents là-dedans. Nous en étions
arrivés, à un moment donné - je parle d'il y a quelques
années, cela fait longtemps que je n'ai pas rouvert ce genre de dossier
- à une situation où pour l'essentiel les compagnies d'assurances
fonctionnaient avec des chartes fédérales et étaient sous
la juridiction du surintendant à Ottawa. Au fond, les provinces, dans
l'ensemble, et le Québec en particulier, ne jouaient plus un rôle
particulièrement important sur le plan de la surveillance, parce que,
dans une bonne mesure, la surveillance à Ottawa était
considérée comme très stricte, tellement stricte... Au
fond, lorsque des compagnies - c'est vrai pour les compagnies de fiducie
d'ailleurs, au même titre - fonctionnent dans plusieurs provinces, c'est
toujours le gouvernement ou l'autorité la plus stricte, qui
détermine les règles pour tous les autres. Le gouvernement
fédéral l'était indiscutablement, terriblement strict. Si
bien qu'à toutes fins utiles c'est le service du terrible M. Humphreys
qui déterminait la situation pour tout le monde. Il semblerait - je ne
peux pas aller plus loin que ça à l'heure actuelle parce qu'il
faut vraiment que j'entre dans le dossier pour savoir ce qui s'est passé
- qu'effectivement cette espèce de très grande rigueur qu'on a
observée pendant tellement longtemps là-bas ait
été, je ne sais pas si on peut dire relâchée. Est-ce
que c'est l'effet de l'inflation qui fait que les montants qui étaient
dans la loi... (21 h 15)
M. Lincoln: L'effet de l'inflation est capital, c'est
sûr.
M. Parizeau: Oui... Ne représentent plus du tout le genre
de protection que cela présentait autrefois? C'est peut-être
simplement cela. Mais je comprends très bien ce que dit le
député de Nelligan. Il y a un problème. On vient de le
voir récemment. Là je plaiderais simplement l'utilité de
regarder le dossier et de voir, par rapport à ce qui se fait à
Ottawa, où à Québec on doit se placer. Je voudrais
cependant dire au député de Nelliqan qu'en tout état de
cause, s'il y a une balise, il y a un garde-fou qui paraît important dans
ce domaine, c'est que Québec n'accepte pas, je ne pense pas que cela ait
été le cas jusqu'à maintenant, mais en tout cas il
faudrait que ce soit clairement affirmé, il ne faut pas que
Québec devienne plus laxiste qu'Ottawa, comment dire, pour inciter les
entreprises qui auraient peur d'un contrôle sérieux de venir
prendre une charte chez nous.
M. Lincoln: Je ne veux pas aller dans le sens contraire.
M. Parizeau: Tout ce que je peux dire au député de
Nelligan, c'est que le plancher, je le mets là. À partir de
là, on va voir ce qu'on pourra construire, mais là je plaiderais
simplement qu'il faut que je regarde le
dossier.
M. Lincoln: Je crois que le problème se place du point de
vue de l'inflation. C'est sûr.
M. Parizeau: Je crois.
M. Lincoln: Peut-être qu'il y a un petit relâchement
mais, quand on disait 1 000 000 $ il y a dix ans de cela, cela voulait dire
quelque chose, mais aujourd'hui ce n'est rien. On prétend aujourd'hui
que c'est beaucoup plus facile de lever ce capital, mais qui ne protège
pas assez. Peut-être que, si Québec regardait la question
conjointement ici, ça inciterait Ottawa à faire quelque chose. Je
pense que c'est une question qui va se produire de plus en plus si ça
continue de la même façon.
M. Parizeau: Sur ce principe, nous ne pourrons que d'être
d'accord.
M. Blais: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Je sais que M. Parizeau dit qu'il répugne
à la surveillance des compagnies. Mais pour les compagnies
incorporées selon la troisième partie de la loi et qui sont
subventionnées, donc, le gouvernement s'ingère de façon
très positive, il n'a aucun contrôle. Les compagnies culturelles,
universités, etc. Et le conseil d'administration se vote lui-même
très souvent des salaires souvent faramineux et plus ou moins
élevés selon que les subventions entrent beaucoup ou pas. Est-ce
qu'il y aurait une place pour de l'ingérence directe?
M. Parizeau: Oui. Justement l'intervention du
député de Saint-Laurent, je pense, me permet d'établir
selon quel principe ce genre d'ingérence peut se faire. Le
ministère des Institutions financières et Coopératives ne
doit normalement fonctionner que sur des clauses de portée
générale. Par exemple, la divulgation des renseignements. On peut
demander aux compagnies plus ou moins de renseignements et on peut les rendre
publics parce que ce n'est pas tout d'obtenir des renseignements d'une
compagnie, il faut avoir aussi une politique quant à savoir ce qu'on
rend public dans les renseignements divulgués par les compagnies. La
divulgation cela peut être, et je dis cela à titre purement
hypothétique pour répondre à la question qui m'est
posée... Il y a quand même d'autres gouvernements ou d'autres
autorités publiques ailleurs qu'au Québec qui, par exemple,
demandent les salaires payés aux cadres d'une compagnie, aux principaux
dirigeants. Cela n'existe pas chez nous, mais enfin la Securities and Exchange
Commission aux États-Unis, cela existe. Ce n'est pas du
bolchévisme, cela. Il y a des gouvernements tout à fait
capitalistes qui font cela depuis longtemps.
Nous pouvons donc comme organisme de surveillance des compagnies en
général établir des règles générales
de divulgation. Quand il s'agit maintenant d'un comportement ou du
contrôle d'un comportement sur quelque chose d'aussi spécifique
que, par exemple, les dirigeants d'organismes incorporés en vertu de la
troisième partie de la Loi sur les compagnies et qui ont comme
caractéristique additionnelle qu'ils reçoivent des subventions de
l'État pour plus que X% de leur budget total, est-ce que l'État,
dans ces conditions, va avoir un droit de reqard sur les salaires en question?
Cela doit normalement retourner à chacun des ministères
concernés si nous parlons d'organismes culturels, par exemple. Ce n'est
pas du ministère des Institutions financières que cela
relèverait. Cela relèverait du ministère des Affaires
culturelles et là, vous comprenez que je suis tout à fait dans
l'hypothétique, parce qu'enfin cela ne relève pas de moi, ce
ministère, mais on pourrait fort bien imaginer - ce ne serait pas
impensable - que le paiement de la subvention soit conditionné par ce
ministère des Affaires culturelles à certains comportements sur
le plan de la rémunération de ceux qui dirigent l'organisme sans
but lucratif en question. Ce ne serait pas du tout impensable. Seulement, ce
n'est pas au ministère des Institutions financières qui, lui, ne
peut pas aller plus loin que simplement des règles
générales de divulgation. Remarquez que ce serait
déjà important de savoir, seulement savoir. Parfois, c'est une
arme, savoir, mais la condition d'application d'une subvention relève du
ministère qui applique la subvention.
On en a des exemples. Beaucoup de nos subventions sont conditionnelles
à la réalisation de certaines choses. Par exemple, les
subventions de la Société de développement industriel aux
entreprises, par le truchement de rabais d'intérêts, ne sont pas
données inconditionnellement aux entreprises. Elles sont données
dans la mesure où les contrats de services, les honoraires de
professionnels, etc., comportent une priorité à des
professionnels du Québec, où certains types de contrats sont
donnés à des entreprises québécoises. Il n'y a pas
de honte à assortir le paiement d'une subvention d'un certain nombre de
conditions. L'organisme qui demande la subvention a le choix entre faire deux
choses; ou bien refuser la subvention parce qu'il n'aime pas les conditions, ou
accepter la subvention et
remplir les conditions. Seulement, cela ne viendrait pas du
ministère des Institutions financières. Là, ce serait
applicable par chacun des ministères concernés.
M. Blais: Cela pourrait peut-être venir du ministère
des Institutions financières si les compagnies incorporées par la
troisième partie de la loi et subventionnées étaient
obligées par la Loi des institutions financières de rendre public
un bilan complet dans tous les moindres détails. C'est dans ce sens.
M. Parizeau: Ah! Là, on revient à la question de la
divulgation. Là, ce ne sont pas des conditions guant au fonctionnement
de l'institution. Ce sont des conditions guant aux renseignements. Des
conditions quant aux renseignements, cela relèverait normalement du
ministère des Institutions financières et c'est de la
divulgation. Je pense qu'à partir du moment où le travail est
effectivement séparé de cette façon, chacun saura ce qu'il
fait et les vaches seront bien gardées.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: Deux questions. Dernièrement, les membres du
gouvernement ont parlé d'une possibilité d'étendre le
régime d'assurance automobile aux dommages matériels. J'aimerais
avoir l'opinion du ministre. Est-ce un ballon? Les compagnies doivent
s'inguiéter.
M. Parizeau: Je pense qu'il y a eu des interventions, dès
le lendemain, qui ont clarifié bien des choses et qui ont indiqué
que l'assurance d'État sur la tôle n'était pas pour un
avenir prévisible.
Mme Bacon: Deuxième question. J'écoutais avec
plaisir le ministre, tout à l'heure, nous vanter les mérites des
services du Surintendant des assurances, au niveau fédéral. On
sait que le coût des services du Surintendant, ici au Québec, a
augmenté avec les années et augmente d'année en
année. Est-ce qu'on a l'intention d'y regarder de plus près ou si
ces coûts augmenteront encore dans les années qui viennent? Il y a
quand même une escalade des coûts.
M. Parizeau: Un instant, s'il vous plaît. Je cherche
simplement un petit tableau.
Je parlais tout à l'heure, M. le Président, des effectifs
et de la qualité des effectifs par opposition à leur nombre. Il
est évident qu'à la Direction des assurances, nous avons,
à l'heure actuelle, cinq cadres et 31 professionnels en poste, deux
postes de cadres qui sont vacants et huit postes de professionnels. C'est un
des services où utiliser au maximum les postes disponibles me
paraît important. N'est-ce pas? Encore une fois, vous me direz que c'est
relativement peu de chose, ça ne se voit pas par des augmentations
sensationnelles de budget, on ne parle pas de millions de dollars, mais six,
sept, dix, douze personnes vraiment spécialisées de plus dans un
service de surveillance peuvent jouer un râle très important.
Mme Bacon: Est-ce qu'on a quand même l'intention, à
un moment donné, de stabiliser ces coûts ou si on doit s'attendre
encore à des augmentations de coûts d'année en
année?
M. Parizeau: Là, ça dépendrait des
révisions dans les lois dont nous parlions tout à l'heure. Il est
trop tôt pour moi pour conclure là-dessus.
Dans le cas des assurances, j'imagine que c'est probablement moins
susceptible de donner lieu à des changements majeurs. Les compagnies
d'assurances n'ont pas à être surveillées de semaine en
semaine, de quinze jours en quinze jours. Mais imaginons par exemple un
mécanisme de surveillance hebdomadaire, ou toutes les deux semaines, des
liguidités dans un certain nombre d'institutions financières.
Évidemment, il faut plus de monde, c'est clair, par rapport à ce
que nous avons à l'heure actuelle. Mais c'est trop tôt, il
faudrait d'abord qu'on examine les dossiers et, après cela, qu'on
détermine le nombre de personnes que ça prend pour administrer un
certain système de surveillance efficace. À première vue,
ça me semblerait moins évident dans le cas des assurances que,
possiblement, ailleurs.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le ministre, vous parliez un
peu plus tôt du rôle de surveillance du ministère à
l'égard des gens qui émettent des instruments par lesquels on
ramasse l'épargne des Québécois. À ce sujet, je
vous ferai remarquer que les activités d'émission d'instruments
quels qu'ils soient appellent, au point de vue des mécanismes de
contrôle, la mise en place de gens, de personnel, de mécanismes en
général. Je me demandais si, déjà, le
ministère se préoccupe des retombées sur le fonctionnement
et les activités de contrôle d'un plan qui pourrait être
extrêmement populaire, apparemment, d'après son initiateur qui
lui-même l'appelle le plan Biron. Je voudrais savoir jusqu'à quel
point cet engouement du ministre de l'Industrie et du Commerce pour une
participation plus active, de plus de gens, à l'équité des
sociétés, les PME, surtout, dans lesguelles il travaille,
pourrait, au point de vue de la qualité de la divulgation qui serait
faite par
une PME qui appellerait ses employés à participer à
l'équité... Jusqu'à quel point le ministère
serait-il appelé à intervenir dans ce programme?
M. Parizeau: Vraiment, il faut que je coiffe à la fois mes
deux chapeaux de ministre des Finances et des Institutions financières
parce qu'on est exactement à la jonction. C'est un cas où il
faudrait s'assurer que la main gauche sait ce que fait la main droite, et vice
versa. Il y a dans ce plan, communément appelé le plan Biron
à l'heure actuelle, un certain nombre de caractéristiques de
l'épargne-actions, mais avec des changements dans les modalités
fiscales. Là, il s'agit essentiellement de savoir si on y va ou si on
n'y va pas sur le plan d'aménagements dans les lois de l'impôt,
cela vient dans le travail normal du ministère des Finances qui dit: Je
propose un changement aux impôts dans tel sens plutôt que dans tel
autre. Cela ne met pas en cause le ministère des Institutions
financières.
Deuxièmement, il y a des caractéristiques du plan qui ont
trait à la fois à la participation des employés, mais dans
le cadre de certaines conditions qui seraient ou ne seraient pas posées:
Est-ce que ces employés doivent être syndiqués, ne pas
être syndiqués, etc.? Ce serait normalement dans l'ordre de la loi
qui serait présentée. Troisièmement, il y a deux choses
qui relèvent des institutions financières, je pense. Il y a
d'abord la divulgation dans le cadre de la préparation d'un prospectus
et, ensuite, des divulgations périodiques une fois que le prospectus a
été émis. (21 h 30)
Je suis très frappé de voir, dans le cadre actuel de
l'épargne-actions, à quel point la Commission des valeurs
mobilières a remarquablement simplifié les procédures
d'émission d'un prospectus. C'est une des choses qui m'étonnent
le plus que de voir à quel point beaucoup de PME croient encore que
l'épargne-actions ne leur est pas admissible, parce que, sortir un
prospectus, c'est le faire approuver par la Commission des valeurs
mobilières et que cela coûte une fortune. Ce n'est pas exact. Il y
a eu une série de petites émissions, d'émissions
plutôt de petites entreprises par la Commission des valeurs
mobilières, enfin, autorisées par la Commission des valeurs
mobilières en vertu d'un prospectus, dans le cadre de
l'épargne-actions et dans le cadre des formules simplifiées qui
ont été mises de l'avant par la Commission des valeurs
mobilières, qui indiquent qu'effectivement le coût
d'émission n'est pas du tout exorbitant. Il faut d'abord savoir cela. Je
sais que la Bourse de Montréal a préparé une espèce
de petit dépliant, a cherché à faire comprendre à
quel point c'était faisable et pas cher de faire une émission
dans ce cadre-là, mais il faut que cela "percole" maintenant dans les
entreprises pour qu'elles saisissent cela.
Il resterait dans la question que posait le député de
Vaudreuil-Soulanges une chose. Est-ce que, compte tenu de la nature du plan en
question, il faudrait avoir des exigences sur le plan de la divulgation
périodique des résultats de la compaqnie, exigences qui sont plus
grandes que celles qui existent à l'heure actuelle? À supposer
que la réponse soit oui, il faut des exigences en termes de divulgation
qui soient un peu plus astreignantes; la réponse ne pourrait pas
l'être pour le plan seulement.
Je suis assez impressionné de voir depuis quelques années
à quel point passablement d'entreprises non publiques, non cotées
en bourse, ont commencé à vendre des actions à leurs
employés sans attendre nécessairement le plan dont on parle. Si
à un moment donné on doit aborder de nouvelles exigences en
termes de divulgation, il ne faudrait pas que ce soit simplement en fonction de
ce plan, mais en fonction de ce phénomène assez nouveau dans
notre société qui fait qu'un nombre assez surprenant
d'entreprises vendent maintenant des actions à leurs employés,
même quand ces actions ne sont pas cotées en bourse. Je pense
qu'on n'a pas suffisamment mis l'accent, par exemple, sur des choses comme -
non, ce n'est pas tellement qu'on n'a pas mis l'accent, mais on a oublié
- cette compagnie de papier de Témiscamingue qui a été
reprise par ses employés et par un groupe de cadres de la CIP. Comment
s'appelle-t-elle maintenant?
Une voix: Tembec.
M. Parizeau: Tembec, voilà! Tembec est le prototype d'une
compagnie dont une bonne partie des actions appartient à ses
employés. Évidemment, Tricofil est un cas beaucoup plus
célèbre, mais il y en a pas mal. À un moment donné,
on aura à se poser la question, à savoir si on doit chanqer les
exigences en termes de divulgation, mais ce serait là-dessus et ce ne
serait pas seulement en fonction du plan, ce serait d'une façon
générale pour faire en sorte que la divulgation pour toutes ces
entreprises qui ne sont pas cotées en bourse, qui n'ont pas d'exigences
de divulgation, à cause des règlements de la bourse... quel genre
de divulgation elles doivent faire à leurs employés qui sont en
même temps actionnaires.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, le
ministre évoquait que, depuis quelques années, on assiste
à ce phénomène de participation des employés
à l'entreprise, mais, ce que je retiens, c'est que c'est à la
suite d'une décision volontaire du propriétaire
d'une PME que cela se produit, alors que l'impression que je retiens
pour l'instant du plan Biron, c'est qu'on s'en va vers une forme d'obligation
de participation. C'est une impression.
M. Parizeau: Ah! non, pas du tout. C'est qu'au fond n'importe
quel patron pourrait fort bien refuser de mettre le plan en application. Il
pourrait le faire. Il y aura des incitations fiscales à ce qu'il le
fasse, mais personne ne sera forcé de le faire. Non, il n'y a pas
d'élément coercitif dans ce plan.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je voudrais poser une question au ministre au sujet
de la Bourse de Montréal. La Bourse de Montréal, du point de vue
de son importance par rapport à la Bourse de Toronto, ou à la
Bourse de Vancouver, ou à la Bourse de Calgary, ces dernières
années a perdu du terrain, elle est arrivée à
représenter à peu près 10% des valeurs vendues au Canada.
Elle a été devancée par Vancouver. Là, il y a
peut-être une possibilité que Calgary prenne plus
d'importance.
Je voudrais savoir si le ministre a un programme quelconque. Je sais que
l'épargne-actions dont les actions vont arriver en Bourse cela va aider
la chose, mais c'est un peu le problème, les gros deviennent plus gros,
les petits restent petits. Je sais que la Bourse a eu un développement
assez bon, les deux dernières années, le chiffre d'affaires a
augmenté, mais malgré cela le chiffre d'affaires à
Toronto, à Calgary, à Vancouver a augmenté dans une
proportion plus forte.
Est-ce que vous avez des programmes pour que la Bourse de
Montréal reprenne son essor? Quelle est votre vue de l'avenir de la
Bourse pour qu'elle reste un secteur important de notre économie et
obtienne au moins 10%, soit sa place actuelle?
M. Parizeau: M. le Président, les idées que
j'exprime là ne viennent pas du mois que j'ai passé au
ministère, mais cela remonte à bien des années en
arrière. Je ne sais plus si je réagis comme ministre ou
simplement comme observateur de la Bourse depuis des années. Mais,
fondamentalement, je ne crois pas que des changements dans la structure de la
Bourse, dans ses conditions de fonctionnement, dans les nouveaux marchés
qu'elle peut ouvrir vont faire en sorte que tout à coup elle prenne une
sorte de vigueur comparée aux autres Bourses canadiennes qui
l'amèneraient, disons, à regagner une bonne partie du terrain
perdu. Cela ne veut pas dire que des changements comme ceux-là ne
doivent pas se faire. Certaines des initiatives qui ont été
prises par la Bourse de Montréal depuis quelques années
effectivement ont fait qu'en tout cas la Bourse de Montréal est rentable
et puis que le chiffre d'affaires a augmenté. Ce sont des initiatives
heureuses, mais ce ne sont pas des panacées.
J'imagine que, pendant le temps que je serai ministre ici, je verrai
passer probablement autant de propositions qu'on en a vues passer, au cours des
dernières années. Je crois que dans l'ensemble, il n'y a jamais
eu de problème entre le gouvernement et la Bourse de Montréal
quant à déterminer si telle nouvelle initiative est bonne ou
mauvaise. Habituellement, c'est l'expression d'un peu d'imagination, de pas mal
de bon sens et ces choses-là se faisaient. Mais, je ne vois pas, quelles
que soient les améliorations qu'on puisse apporter et quel que soit
l'esprit d'innovation des dirigeants de la Bourse de Montréal, que tout
à coup on trouve la panacée qui permette de regagner une bonne
partie de la place perdue. Parce qu'il s'agit fondamentalement d'un
problème qui est culturel.
Il y a une étude qui a été faite sous la direction
de M. Kierans, à l'époque où il était
président de la Bourse de Montréal, sur les habitudes de
placements des Québécois; anglophones et francophones. Le
contraste était absolument prodigieux entre les deux groupes. Les
francophones, d'une façon générale, étaient, comme
on le sait, beaucoup moins attirés dans les placements en actions et,
d'autre part, dans la mesure où ils étaient attirés par
les placements en actions, ils le faisaient selon des voies tout à fait
traditionnelles. J'ai vu beaucoup de gens acheter des actions: on commence par
acheter de la Bell Téléphone, si on devient très
excité on achète un peu de CPR et puis, à l'époque,
comme Loto-Québec n'existait pas, on achetait 500 $ d'actions de mines.
Mais Loto-Québec a remplacé cela. C'était cela un
portefeuille habituel.
Cela devient très difficile, face à une place
financière comme Toronto où se retrouve maintenant un grand
nombre de centres de décisions au niveau des portefeuilles corporatifs,
de se trouver d'autre part à Montréal, avec pour des raisons
culturelles, beaucoup de gens dans notre société qui
préfèrent acheter de Sainte-Gudule paroisse ou de
Saint-Elzéar scolaire, dix ans, fonds d'amortissement, etc., que
d'équités. On peut taper sur la table, s'en plaindre, s'en
désoler, mais on ne change pas les réflexes des gens en deux ou
trois ans, ce n'est pas possible.
Je ne vous cacherai pas qu'une des raisons - ce n'est pas la seule -
pour lesquelles le programme d'épargne-actions semble avoir des
possibilités pour l'avenir à cet égard, c'est que, face
à des gens qui n'achetaient pas beaucoup d'actions, il rend maintenant,
ce programme, l'achat d'actions payant en termes de réduction de taxes.
Et
c'est une constatation de beaucoup de courtiers à Montréal
que, depuis que l'épargne-actions existe, toute une série de
professionnels, d'hommes d'affaires, de gens qui n'achetaient pas d'actions ont
ouvert des comptes chez les courtiers pour faire détenir les actions en
vertu des dispositions de la loi pour être en mesure d'en acheter, donc
de réduire leur compte d'impôt. C'est peut-être plutôt
avec des mesures fiscales d'incitation comme celle-là que par des
changements de structures - peut-être un jour, mais je ne me fais pas
d'illusion, ce ne sera pas à court terme - qu'effectivement, les actions
seront quelque chose de beaucoup plus accepté beaucoup plus
généralement dans notre société et que la place de
Montréal, enfin la Bourse de Montréal, reflétera une
importance un peu plus grande que celle qu'elle a maintenant. Mais je ne me
fais pas d'illusion, je ne verrai pas cela. J'allais dire que mon
sixième ou mon septième successeur le verra peut-être,
quoique aux Institutions financières et Coopératives, six ou sept
successeurs, cela peut venir très vite. Alors, disons le
quatorzième, dans ce cas-là.
Le Président (M. Desbiens): Le programme 3 est-il
adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. Le programme 4
est-il adopté? M. le député de Westmount.
Gestion interne et soutien
M. French: Je vois encore la Loi sur les valeurs
mobilières et il me vient à l'esprit de demander si le ministre
serait en mesure de nous dire si on verra des amendements à
l'automne.
M. Parizeau: Oui.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'ai simplement une question,
M. le Président, dont la réponse m'éclairerait sur le
fonctionnement et la structure du ministère. Je remarque qu'à
gestion interne et soutien, finalement, ce sont les frais
généraux administratifs, je présume, du ministère.
Je constate qu'ils ne changent pas entre la version originale du livre des
crédits et les modifications de crédits, alors
qu'évidemment il y a 7 000 000 $ de moins de budget au ministère
à la suite du transfert de tout ce qui concerne la protection du
consommateur et un autre ministère. À ce moment-là, on
fait des ratios et on constate que les frais généraux
représentent un peu plus du tiers du budget total du ministère
alors qu'ils ne représentaient qu'un peu moins du quart avant ces
transferts-là. J'essaie de voir avec vous, M. le ministre, pourquoi il
n'y a pas de changement, finalement, dans la masse de frais
généraux, de "overhead" au ministère, alors qu'une grande
partie des budgets qui était administrée ou dont vous
étiez responsable en est disparue. À moins que la réponse
soit que l'Office de la protection du consommateur est parfaitement...
M. Parizeau: Non. C'est que la décision d'envoyer la
consommation dans un autre ministère est venue après
l'établissement des crédits généraux. Le livre des
modifications qui a été publié après ce transfert
n'en est un que de modifications formelles, c'est-à-dire des transferts
de postes. Le livre des modifications que nous avons devant nous ne comporte,
au net, aucun changement dans les crédits généraux, ni en
plus ni en moins. Si cela en comportait, ce serait, en fait, un nouveau livre
de crédits. Le livre des modifications, comprenons-nous bien, au total,
ne change rien au livre des crédits généraux. Donc, comme
on ne pouvait tout de même pas passer le scalpel à
l'intérieur du programme 4 pour dire qu'il y en a une partie qui va
aller à la consommation, il y a des choses à examiner à
partir de maintenant, cela va de soi. C'est une des choses que je dois voir.
Mais seulement on ne va pas corriger les crédits sur le document qui
nous est présenté. L'année prochaine, la question sera
intéressante parce que là on verra bien.
Maintenant, d'autre part, il faut ajouter ceci. C'est qu'effectivement
la consommation avait un certain nombre de structures qui avaient une assez
grande autonomie et qui ont été déplacées en
même temps. Alors, il ne faut pas non plus s'imaginer qu'il va y avoir
des bouleversements considérables dans la gestion interne et soutien.
Mais vous avez raison. Il reste que - le député de
Vaudreuil-Soulanges a raison - quand même, il faut examiner cela à
la lumière des changements qui sont intervenus dans les structures.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: Une dernière question, M. le Président.
Je sais que le ministre a énormément de responsabilités,
mais il y a un dossier qui est très important et c'est le dossier sur
l'épargne au Québec. Il y a eu énormément de
consultations qui ont été faites. Des mémoires ont
été soumis. Plusieurs organismes se sont penchés sur le
dossier, l'ont étudié, ont formulé des suggestions ou des
recommandations au ministre. Est-ce qu'on va donner suite bientôt
à toutes ces recommandations? Est-ce qu'on va faire des rencontres, des
commissions parlementaires? Je ne sais pas
de quelle façon le ministre entend le faire, mais est-ce qu'il y
a déjà une planification de faite à ce sujet-là?
(21 h 45)
M. Parizeau: Là, je vous avouerai que je plaide un
peu...
Mme Bacon: Le manque de temps.
M. Parizeau: ... le manque de temps ces jours-ci. D'après
ce que je comprends, à peu près les trois quarts des
consultations qui devaient suivre le rapport sur l'épargne sont
terminés. Le ministre d'État au Développement
économique et l'ex-ministre des Institutions financières, c'est
à peu près ce qu'ils me donnent comme estimation de la
consultation qui devait être faite, à peu près les trois
quarts sont terminés. Là, j'arrive un peu bizarrement dans ce
dossier; les trois quarts de la consultation étant terminés, il
faut donc que je sache exactement ce qui s'est produit et, d'autre part, je
termine le dernier quart et, après cela, je verrai. Mais il est
évident, dans l'ordre des choses dont nous avons discuté ce soir
et compte tenu des circonstances, que je serai la cause d'un petit délai
inévitable.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount.
M. French: Dans le même dossier, est-ce que le ministre est
d'accord avec la conclusion de l'étude, dans la fameuse question de
l'importation ou de l'exportation de l'épargne des
Québécois, que le Québec est un importateur et non pas un
exportateur d'épargnes?
M. Parizeau: Cela dépend des années. Nous avons
été un exportateur d'épargnes pendant plusieurs
années, jusqu'à la crise du pétrole, au fond. Sauf,
peut-être, l'année 1966, pendant l'Exposition universelle. Nous
sommes devenus après cela un importateur net d'épargnes à
cause essentiellement de la balance des comptes courants. La balance des
comptes courants a viré au milieu des années soixante-dix. Cela
dépend de la balance des comptes courants du Québec. Cela varie
selon l'état de nos importations de biens et services et nos
exportations de biens et services. Il n'y a pas de permanence, ce n'est pas un
élément religieux, ce truc-là. Cela dépend
essentiellement de la force des exportations par rapport au montant de nos
importations.
Effectivement, en gros - je pense que cela s'est présenté
à peu près comme ça -on a été exportateur
pendant des années et des années, sauf en 1966, et ensuite il y a
eu un virage à partir du moment où le prix du pétrole
importé a augmenté considérablement. Comme les
exportations du Québec, depuis trois ans, ont doublé et que la
facture du pétrole, elle, n'a pas doublé pendant cette
période, si nos exportations continuent de s'accroître aussi
rapidement que ça a été le cas au cours des trois
dernières années, il est probable que la situation actuelle va se
renverser d'ici peu. Mais on ne légifère pas sur la balance des
comptes courants; elle est ce qu'elle est, compte tenu des efforts que tout le
monde y met, à un moment donné, pour essayer de pousser les
exportations le plus rapidement possible. On pourrait difficilement baser des
structures ou des lois là-dessus, sur le phénomène en
lui-même.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
J'espère que non.
M. Parizeau: II serait bizarre, encore une fois, d'avoir des
structures et des lois basées sur une balance des comptes courants. Ce
serait assez inédit.
Le Président (M. Desbiens): Le programme 4 est-il
adopté? Adopté. Programme 5.
M. Parizeau: Je pense qu'il n'y a pas de proqramme 5.
Le Président (M. Desbiens): Excusez. La commission des
institutions financières et coopératives a rempli le mandat qui
lui a été confié, celui d'adopter les crédits du
ministère. Je demanderais au rapporteur de faire diligence auprès
de l'Assemblée nationale pour faire son rapport. À moins que vous
n'ayez des choses à ajouter, j'ajournerai les travaux de la commission
sine die en remerciant chacun des participants.
M. Parizeau: II nous reste à vous remercier, M. le
Président.
(Fin de la séance à 21 h 50)