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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mercredi 23 octobre 1974 - Vol. 15 N° 166

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du rapport Gauvin


Journal des débats

 

Commission permanente des institutions financières,

compagnies et coopératives

Etude du rapport Gauvin

Séance du mercredi 23 octobre 1974

(Dix heures cinq minutes)

M. BRISSON (président de la commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente des institutions financières se réunit à nouveau afin de poursuivre l'étude du rapport Gauvin. J'appellerai le porte-parole du premier organisme convoqué, la Chambre de commerce de la province de Québec, Me Gilles Champagne. Me Champagne n'est pas là?

M. LETOURNEAU (Jean-Paul): Bonjour, M. le Président, M. Champagne n'est pas ici aujourd'hui.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Pourriez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

M. LETOURNEAU: Je m'appelle Jean-Paul Létourneau, je suis le vice-président exécutif de la Chambre de commerce de la province de Québec. Je suis accompagné de mon collègue, M. Pierre Morin, directeur général aux affaires publiques à la chambre. Est-ce que nous pouvons commencer dès maintenant, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Oui, allez, faites un résumé de votre mémoire.

M. LETOURNEAU: Entendu.

M. TETLEY: Pardon, M. le Président, est-ce que nous allons suivre la règle d'hier, ou peut-être allons-nous attendre le député de Beauce-Sud, mais...

M. LEGER: Je pense que la règle servait pour hier, mais elle peut encore être utile aujourd'hui sans créer de précédent.

M. TETLEY: Parfait.

LE PRESIDENT (M.Brisson): Alors, la règle est celle-ci: ceux qui viennent exposer leur mémoire ont 20 minutes pour le faire...

M. TETLEY: Ou moins.

LE PRESIDENT (M. Brisson): ... ou moins; ensuite pour la période des questions, le ministre a 20 minutes; le Parti québécois, 10 minutes; le Crédit social, 10 minutes également, de même que les ministériels ont une période de 20 minutes.

M. LEGER: M. le Président, je dois quand même, à ce stade-ci, pour éviter des précédents lors d'autres commissions parlementaires sur lesquelles on voudrait se baser pour établir des habitudes... selon les habitudes normales, vous le savez très bien, le gouvernement et l'Opposition ont ensemble le même temps, habituellement. Du fait de la difficulté de déterminer justement... mon collègue, le député de Beauce, a aussi le droit de s'exprimer. Il n'a jamais été défini que l'Opposition officielle et les autres membres de l'Opposition disposaient du même temps. C'est comme on l'a vécu, avant. Le gouvernement' ne devait pas avoir le double du temps de l'Opposition. Habituellement, le temps alloué au gouvernement équivalait au temps alloué à l'Opposition officielle. Il y a des arrangements qui se faisaient là-dedans entre les partis pour que tous soient équitablement servis dans la période de présentation de chacune de leur recommandation ou de leur opinion. Ce matin, je ne tiens pas à ce que ce soit un précédent, nous acceptons pour le moment, mais il ne faudrait pas que ce soit un précédent.

M. TETLEY: Le gouvernement n'a que 40 minutes et l'Opposition 40 minutes.

M. LEGER: L'Opposition officielle n'a que 20 minutes habituellement.

M. TETLEY: C'est cela.

M. LEGER: Alors, habituellement, c'est le même temps pour le gouvernement et pour l'Opposition.

M. TETLEY: Mais...

M. LEGER: Mais, comme je dis, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, messieurs, si vous voulez...

M. LEGER: ... nous l'acceptons, pourvu que ce ne soit pas un précédent.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Si on discute 20 minutes sur le point, cela ne donnera rien de...

M. LEGER: M. le Président, sur le point de règlement dont vous venez de parler, c'est que si on en discute... Le gouvernement se servirait de cela plus tard en d'autres circonstances. On l'a vu lors du bill 22.

LE PRESIDENT (M. Brisson): II est mentionné dans nos règlements que la période doit être équitablement partagée. D'accord?

M. VEILLEUX: Cela l'est amplement. On est encore trop généreux.

LE PRESIDENT (M. Brisson): M. Jean-Paul Létourneau, s'il vous plaît.

M. LEGER: Le réactionnaire!

Chambre de commerce de la province de Québec

M. LETOURNEAU (Jean-Paul): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, merci, tout d'abord, de nous recevoir.

Comme vous pouvez le constater, notre mémoire est relativement bref, ce qui donnera plus de temps pour poser les questions. Je vous épargnerai le préambule pour passer tout de suite... Si vous me le permettez, je le lirai donc, puisque sa lecture ne prendra certainement pas tout le temps qui nous est alloué, ce qui facilitera la période de questions.

De par l'ampleur qui touche l'un des secteurs importants du monde des affaires, en l'occuren-ce le monde de l'assurance-automobile, la Chambre ne pouvait rester silencieuse. Inspirée de ses politiques d'action — adoptées annuellement, en assemblée générale des membres — et de ses prises de position antérieures, particulièrement les mémoires sur la sécurité routière en mars 1965 et sur l'assurance-automobile en septembre 1967, la Chambre entend faire des représentations au nom de tous ses membres.

Remarques générales. La Chambre entend faire porter l'essentiel de son propos sur les causes fondamentales qui ont donné naissance au comité d'étude sur l'assurance-automobile et je cite: "Attendu que le coût de l'assurance-automobile est de plus en plus élevé au Québec;

Attendu qu'il y a lieu de rechercher les causes de cette hausse et de proposer des moyens pour compenser les victimes d'accidents d'automobile au meilleur coût possible pour la collectivité...", fin de la citation, tirée de l'arrêté en conseil 1676 du 5 mai 1971.

Pour la Chambre, ces causes ont pour origine une même source: l'Etat, l'Etat dans son rôle de législateur et dans son rôle d'administrateur de ses propres lois. Dans ce mémoire nous n'aborderons ni au niveau du principe et encore moins au niveau des modalités, la recommandation d'un nouveau régime (chapitre 3, Partie IV) du rapport du comité. D'abord parce que la Chambre est convaincue qu'elle ne règle pas le problème de fond, soit les causes fondamentales, en ensuite parce qu'un avis de principe entraînerait des questions de modalités sur lesquelles la Chambre doit, en toute humilité, faire état de son manque d'expertise.

Par ailleurs, sur les causes fondamentales de la situation, la Chambre croit pouvoir faire état de connaissances plus étoffées et nous ferons porter nos propos sur la sécurité routière et sur l'application générale des lois qui influencent la fréquence des accidents et le coût de l'assurance-automobile.

Dans ses travaux, le comité d'étude a reconnu toute l'importance qui doit être apportée à la sécurité routière. La Chambre tient à le féliciter et à lui faire part de son appui, en général, aux recommandations qui en découlent.

Sécurité routière. Recommandation de principe. Tel que précédemment énoncé, la Chambre, depuis longtemps, est soucieuse et, en fait, préoccupée par la sécurité routière. De l'ensemble des études qui lui ont été soumises, des opinions qu'elle est allée chercher et, enfin, des mémoires qu'elle a rédigés, il ressort que le coût élevé des primes d'assurance-automobile au Québec est proportionnel à la fréquence des accidents sur nos routes.

Pour la Chambre de commerce, la première démarche à suivre pour voir baisser le prix des primes d'assurance-automobile est de voir à faire baisser le nombre d'accidents en appliquant les lois actuelles et en se dotant, le cas échéant, d'un système de sécurité routière plus efficace.

Sécurité routière. Recommandations générales. La Chambre ne veut pas répéter ce que contiennent les deux mémoires antécédents; elle veut insister sur des principes et des points précis.

Le conducteur. Dans presque tous les cas d'accidents, il est évident que ce sont les conducteurs impliqués qui sont en faute. L'imprudence est la grande cause de tous ces désastres. Elle peut être la conséquence de l'inexpérience, du manque de jugement, de l'ébriété, de la fatigue, de l'état nerveux ou tout simplement du tempérament du conducteur.

Le remède qui s'impose à ce niveau est, de toute évidence, l'éducation tant par des mesures coercitives (cours de conduite obligatoires) qu'incitatrices (campagne de sécurité). Ce ne sont que des exemples qui sont mentionnés. Il peut y avoir d'autres mesures.

La Chambre admet cependant que, malgré tout l'effort possible porté sur l'éducation, de telles mesures, malheureusement, ne peuvent avoir de valeur que si, parallèlement, on les accompagne d'une application rigoureuse de la loi et des normes sécuritaires, en général.

Sur ce point, il est à souligner qu'en 1972, au Canada, sur 6,221 personnes tuées, 1,934 l'ont été en Ontario et 2,017 au Québec. Eu égard à des chiffres proportionnels aux populations des deux provinces, le Québec aurait dû n'avoir que 1,500 victimes.

Il est aussi utile de noter que, sur le plan de l'application des lois (police et tribunaux), la région de Montréal souffre mal la comparaison avec la région de Toronto sur presque tous les aspects et souvent de façon dramatique.

L'éloquence des chiffres démontre que le législateur doit s'empresser d'intervenir par des mesures de formation et d'éducation des conducteurs et par une application rigoureuse et homogène de la loi et des mesures à venir.

Les véhicules à moteur. Bien qu'une minorité d'accidents soient dus à la condition des

véhicules, il n'en demeure pas moins que, dans les faits, la négligence des individus en ce qui regarde la bonne connaissance de leur véhicule est courante. Mais, pour rejoindre ce qui est énoncé ci-haut, il est tout aussi vrai que c'est en général le conducteur imprudent qui est négligent quant à la sécurité de son véhicule.

La Chambre estime qu'il y aurait lieu que le gouvernement prévoie des mesures de vérification obligatoire pour tous les véhicules à moteur enregistrés au Québec quant à la sécurité de leur fonctionnement et de leur conduite.

Dans des expériences antérieures, faites aux Etats-Unis et appliquées ici à titre d'essais, les plaques réfléchissantes sont efficaces dans la prévention d'accidents et l'identification des véhicules. La chambre préconise donc l'utilisation généralisée de telles plaques. Entre toutes les mesures préconisées en ce qui touche les véhicules eux-mêmes, la Chambre insiste particulièrement sur le port de la ceinture de sécurité. La chambre demande que les manufacturiers simplifient son utilisation de façon à inciter les individus à la porter et prie le gouvernement, tel que recommandé dans le rapport Gauvin, de rendre son port obligatoire sous peine d'infraction.

Les routes. Sur ce point, le rapport Gauvin semble faire la preuve d'un fatalisme qui s'assimile presque à de la négligence. Du fait qu'une bonne partie des routes du Québec, par la topographie du sol, soient sinueuses, montagneuses et imprévisibles, la chambre considère qu'il faut faire diligence et imposer des normes de sécurité rigides tant pour la construction des routes que pour leur entretien.

Il faut donc que le gouvernement intervienne à ce niveau pour uniformiser l'entretien des routes, prévenir les défauts et bris du système routier et concevoir une planification à long terme sur la construction, la structure et l'aménagement des routes et autoroutes de la province.

La signalisation. La chambre remarque que, dans plusieurs cas, les enseignes routières semblent faites pour ceux qui connaissent à l'avance la route à suivre. Sur ce point les panneaux et enseignes de signalisation ne sont pas assez clairs et explicites et sont souvent placés à des endroits où ceux qui doivent les consulter sont déjà menacés.

La chambre tient cependant à rendre hommage à l'Office des autoroutes pour le bon exemple qu'il donne en ce domaine.

Sous ce chapitre, il faut combiner une meilleure signalisation et une meilleure efficience de celle-ci par la rationalisation maximale des zones de vitesse limitée, des feux de circulation et des arrêts.

Conclusion. La chambre loue le travail du rapport Gauvin quant aux mesures de sécurité routière qu'il recommande. Cependant, nous déplorons que les commissaires déclarent en substance que les mesures de sécurité routière ne' se passent qu'à long terme et sont fort coûteuses. Page 348 du rapport.

On peut intervenir très rapidement à ce niveau. De plus, il faut considérer qu'il est moins cher de prévenir des accidents et leur cortège de misères et de fardeaux que de les accepter béatement.

Si le Québec possède le système de santé le plus coûteux en Amérique du Nord, si ce n'est au monde, n'est-il pas dès lors assez riche pour se payer une once réelle de prévention?

Par cette même déclaration, la chambre tient à préciser qu'elle n'entend pas voir l'Etat utiliser le rapport pour s'esquiver ou rejeter ses responsabilités et par là tenter de porter l'odieux sur d'autres.

L'illogisme de l'Etat. La chambre contrecarre donc de façon précise la déclaration du rapport Gauvin, à la page 348, quant au coût de la sécurité routière.

Non seulement rejette-t-elle de telles allégations mais elle prétend que, si l'Etat se chargeait vraiment de sa part et appliquait rigoureusement les lois qu'il a édictées, il serait plus logique avec lui-même, il ferait baisser, du fait même, les primes.

La chambre cite, à titre d'exemple, les cas de délit de fuite qui ne sont pas éclaircis au Québec. C'est là une négligence de la part de l'Etat qui engendre l'insousiance et l'irresponsabilité chez l'auteur fautif et un mécontentement marqué chez la victime.

Etude des causes fondamentales et des effets généraux de l'application de certaines recommandations. La chambre, sous ce chapitre, entend dénoncer fermement la deuxième partie de la déclaration de la page 348 à l'effet que le coût excessif des primes d'assurance-automobile est dû, premièrement, à une administration complexe, deuxièmement, au manque de concurrence, troisièmement, au coût trop élevé de la réparation des véhicules.

Administration. Le rapport Gauvin attribue le coût excessif de l'assurance-automobile, entre autres, à une administration indûment complexe. La chambre tient à souligner que ce coût est en partie tributaire des réquisitions au niveau de la prime, du fonds d'indemnisation, d'une surtaxe de 2 p.c. et d'une subrogation, en cas de faute, de l'assurance-automobile aux droits de la victime.

L'administration des compagnies, bien qu'elle soit un sujet éventuel d'économie, ne semble pas un secteur essentiel. En cela, la sécurité routière aurait un bien meilleur rendement.

A la lecture de la recommandation 45 du rapport, il semble que la commission entend laisser au surintendant un pouvoir de fixation des taux, pouvoir qu'il n'exerce pas à l'heure actuelle. La chambre s'insurge en voyant, dans cette concession de pouvoirs, une marge d'interprétation discrétionnaire trop large. Qui définira la solvabilité des compagnies? Qui définira un produit raisonnable et un rendement par rapport au capital investi qui soit acceptable? En période inflationnaire, c'est là remettre, selon la chambre, des pouvoirs dangereusement

trop larges, non seulement du fait que la discrétion du fonctionnaire mais du déséquilibre qu'un tel mécanisme engendrera.

La concurrence. Pour faire suite, le rapport dénonce à la page 348, une absence quasi complète de concurrence. Il n'est pas dans l'intention de la chambre de défendre les entreprises sous cet aspect. Cependant, de par la logique des termes mêmes des recommandations, comment la commission entend-elle stimuler la concurrence entre les compagnies si elle uniformise les clauses d'assurance, abolit la discrimination et le mécanisme de facilité. En fait, par de telles démarches, elle réduit la mobilité ou la souplesse des polices, les standardisant et les rendant donc similaires, d'autant plus que la recommandation 45 concède au surintendant le pouvoir de fixer le taux des primes et la rentabilité.

Il semble donc qu'au contraire de telles mesures ne sont là que pour diminuer la concurrence et par là, rendre encore bien moins service au consommateur.

La concurrence serait, selon nous, d'autant moins existante qu'à l'article 242 de la Loi des assurances S.R.Q., chapitre 295, 1964, la forme et les conditions des polices d'assurance-automobile sont déjà laissées à la discrétion du surintendant des assurances. Dès lors, où peut exister dans les faits la concurrence?

En poussant jusqu'au bout le raisonnement, la chambre croit que, par l'abolition du mécanisme de "Facilité" et la non-sélection des risques, les petites entreprises d'assurance, en général québécoises, seront appelées du fait même à disparaître. Une fois qu'elles seront disparues, devrions-nous assister à la naissance d'un secteur témoin de l'assurance-automobile ou à la nationalisation de l'industrie?

Le coût de la réparation. Si l'on tient compte du fait, en particulier à Montréal, que l'on compte moins d'ateliers de réparation qu'à Toronto, se livrant donc moins de concurrence; qu'inversement nous avons plus de concessionnaires, les réparations coûtent plus cher, que nous avons plus d'accidents graves qu'ailleurs, à cause de la vitesse peut-être en particulier, et que, spécialement en Ontario, il y a des ententes entre les assureurs et les garagistes, l'on ne peut imputer un tel coût à la responsabilité des assureurs.

Conclusion. La Chambre déplore donc le fait que le comité Gauvin n'ait pas étudié la relation entre la fréquence des accidents et le prix de la prime, étude préalable. Bien que nous appuyions les recommandations du rapport quand à la sécurité routière, nous déplorons le fatalisme du comité lorsque celui-ci est confronté à son application.

La Chambre considère que, par cette étude, on tente de disculper l'Etat et d'imputer aux entreprises d'assurance des responsabilités qui dépassent leur mandat ou leur rôle.

La Chambre considère enfin que les recommandations 39 à 45 sont discrétionnaires. Bien que la discrétion administrative représente un facteur d'assouplissement pour l'exercice du pouvoir en général et ce, pour le plus grand bien des individus, la Chambre met en garde la commission parlementaire contre l'arbitraire dans lequel peuvent verser les fonctionnaires si on leur ouvre trop grand, la porte. L'assurance-automobile est, quoi qu'en dise le rapport Gauvin concernant les risques collectifs, une matière qui concerne chaque individu personnellement lorsqu'il est atteint. Il est donc difficile, à partir de cas personnels, d'avoir une certaine cohésion pour contester les décisions des fonctionnaires. La Chambre recommande donc, sous ce chapitre, des textes législatifs précis ou à tout le moins un contrôle judiciaire rapide et souple pour les décisions prises quant au contrôle étatique. La Chambre ayant toujours eu pour principe l'économie de marché, elle ne peut foncièrement accepter ce contrôle étatique. Si les recommandations des mémoires que nous avons déjà présentés avaient été appliquées, le problème qui s'est posé à la commission Gauvin n'aurait même pas existé. Merci, M. le Président et MM. les membres, d'avoir accepté d'entendre ce point de vue.

LE PRESIDENT (M.Brisson): Le ministre des Institutions financières.

M. TETLEY: M. le Président, il est 10 h 25. Je voudrais remercier les représentants de la Chambre de commerce de leur mémoire, de leur présentation et de leur présence. Je note que vous êtes contre l'étatisation et l'intervention de l'Etat, mais vous demandez à l'Etat d'intervenir et de régler certains problèmes. C'est une constatation.

Ma première question est la suivante: Est-ce que vous favorisez un système de "direct writing", c'est-à-dire l'achat au comptoir, par le public, à n'importe quelle compagnie? Par exemple, si je comprends bien, la Royal Insurance ne vend que par les courtiers. Le comité Gauvin suggère qu'il faut ouvrir, forcer toute compagnie à passer par le "direct writing" ou aussi, en même temps, par les courtiers. Est-ce que vous favorisez cette conclusion?

M. LETOURNEAU: M. le Président, si vous me permettez, avant de répondre à la question de M. le ministre, je vous présenterai un autre collègue qui vient de se joindre à notre délégation. Il s'agit de M. Jacques Lavigueur vice-président de la Chambre de commerce et d'industrie du district de Québec.

Concernant la question de M. le ministre, je fais tout d'abord référence à sa première remarque au sujet du rôle de l'Etat où le ministre semble vouloir prendre plaisir à nous mettre en contradiction.

M. TETLEY: Un instant! Vous prenez mon temps. Je préfère que vous répondiez aux questions. Le mémoire parle par lui-même. J'ai

parlé. Vous avez parlé. Pourriez-vous répondre à ma question? Oui ou non, aimez-vous la suggestion et acceptez-vous la suggestion du comité Gauvin au sujet du "direct writing"?

M. LETOURNEAU: Nous avons considéré cette question, M. le Président. Mais comme il est dit dans notre mémoire, pour celle-là et beaucoup d'autres, après examen, il nous est apparu extrêmement difficile de nous prononcer, étant donné...

M. TETLEY: C'est une question de concurrence qui, vous l'avez dit, était très chère.

M. LETOURNEAU: Oui, en effet. Nous avons ce système actuellement. Il existe. Des personnes peuvent aller acheter de l'assurance-automobile...

M. TETLEY: Pas chez la Royal Insurance.

M. LETOURNEAU: ... directement au comptoir, il y a des compagnies qui le font.

M. TETLEY: Mais le comité Gauvin oblige toute compagnie à recevoir, non pas 25 p.c. des compagnies ou un pourcentage, mais toute compagnie à recevoir le client directement. Si vous n'avez pas d'opinion, j'accepte...

M. LETOURNEAU: Je demanderai à mon collègue, M. Morin, de répondre à cette question, M. le Président.

M. MORIN (Pierre): M. le Président, actuellement, environ 14 p.c. des primes automobiles sont écrites ou souscrites par des "direct writers". C'est un marché qui est effectivement libre. C'est le consommateur qui a le choix de s'adresser à un endroit ou à l'autre. Dans ce contexte, nous préférerions que le consommateur puisse toujours continuer à avoir son choix d'aller à l'un ou l'autre.

M. TETLEY: Tant que vous refusez de répondre aux questions, ou vous dites oui ou non à celle-là?

M. MORIN (Pierre): Nous avons répondu.

M. TETLEY: Non, vous voulez dire non. La commission Gauvin ou le comité Gauvin a stipulé que les compagnies pouvaient comprimer leur coût d'administration. Etes-vous d'accord sur cette conclusion?

M. LETOURNEAU: M. le Président, encore une fois nous avons examiné cet aspect. Nous avons obtenu des informations contradictoires de personnes que nous considérons de part et d'autre autorisées et compétentes, ce qui a fait qu'il ne nous était pas possible de nous prononcer. C'est la raison pour laquelle nous ne nous prononçons pas sur toute la partie, comme nous l'avons dit dans notre mémoire, qui concerne le régime, chapitre III, partie 4, parce que nous l'avons examinée attentivement. Nous nous sommes posé plusieurs questions, nous en avons posé à des experts, nous avons, messieurs les membres de la commission, obtenu comme vous-mêmes à cette commission des réponses contradictoires et nous n'avions pas les ressources pour faire les études très approfondies qu'aurait nécessitées l'éclaircissement de cette question, alors que des experts compétents se contredisent sur ces points. C'est la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas prononcés.

M. TETLEY: Parfait. La commission ou le comité Gauvin a suggéré que les commissions totales ou la part d'un dollar de prime des courtiers soient comprimées à 5 p.c. d'un dollar de prime, non pas que les commissions soient descendues à 5 p.c, mais que le total soit comprimé à 5 p.c. Est-ce que c'est une autre recommandation qui tombe dans le domaine gris de vos conclusions ou êtes-vous d'accord sur cette conclusion du comité Gauvin?

M. LETOURNEAU: II nous est apparu a priori que cette recommandation allait très loin, que c'était un chiffre très bas. Le comité Gauvin l'a proposé après une étude sérieuse. Par contre, des gens que nous considérons tout aussi sérieux, des actuaires, ont d'ailleurs avant nous, devant cette commission — et nous étions au fait de leurs études — contesté ce chiffre et démontré qu'il était trop bas. Encore une fois...

M. TETLEY: Aucun actuaire n'est venu ici, sauf M. Gauvin jusqu'à maintenant.

M. LETOURNEAU: Je dis qu'une firme d'actuaires qui a étudié la question a contesté ce chiffre.

M. TETLEY: Avez-vous le rapport ou voulez vous...

M. LETOURNEAU: Nous avons vu le rapport.

M. TETLEY: Voulez-vous le présenter à notre commission?

M. LETOURNEAU: II fait partie du mémoire qui vous a été présenté hier par un autre organisme. Je pense que c'est l'Association des courtiers d'assurance de la province de Québec. II est en annexe à son mémoire.

M. TETLEY: Ah, pardon!

M. LETOURNEAU: Ceci étant dit, nous étions encore une fois devant des opinions d'experts qui ne concordaient pas.

Nous n'avions pas les ressources ni la compétence et l'expertise pour mettre en cause, pour contester l'un ou l'autre, ce qui fait qu'encore

une fois, et comme vous, nous sommes devant l'incertitude et nous ne pouvons nous prononcer.

M. TETLEY: Comment — je pose la question pour que vous y répondiez — l'Etat peut-il agir sans intervenir?

M. LETOURNEAU: M. le Président, M. le ministre a fait une remarque qui a a mené à cette question au début. Il n'a pas semblé désirer que j'y réponde. Je le remercie de transformer sa remarque en une question, ce qui va me donner l'occasion d'y répondre. Nous croyons que l'Etat a une autorité et une compétence déjà acquises dans plusieurs domaines qui ne lui sont pas contestées par le secteur privé, ni par nous, bien au contraire, particulièrement dans le domaine de construction de routes, de sécurité routière, d'application de la justice. Ce sont des domaines où l'Etat a pratiquement exclusivité d'autorité, et nous sommes d'accord là-dessus. Nous demandons que dans ces domaines, l'Etat accomplisse le mieux possible sa tâche et prenne toutes ses responsabilités. C'est là que nous sommes favorables à une intervention et à une action efficace de l'Etat.

Alors, nous disons: Oui, allez-y. Faites cela. La raison pour laquelle nous insistons si fortement sur l'aspect de sécurité routière, c'est que nous-mêmes, avons fait un exercice semblable à celui que vous faites présentement avec un comité qui a examiné le coût de l'assurance-automobile. Nous avons fait cet exercice il y a déjà quelque temps, soit en 1967. Nous avons groupé, autour de la même table, non pas uniquement des experts — qui avaient une connaissance théorique de ce que pouvait être l'assurance-automobile et les raisons qui motivent ses coûts plus élevés ici qu'ailleurs — mais nous avons placé autour de cette table des gens qui étaient des praticiens et qui s'y connaissaient à fond dans ce domaine et sous tous ses aspects.

Je me permettrai, M. le Président...

M. TETLEY: Je n'ai que quelques secondes...

M. LETOURNEAU: Oui.

M. TETLEY: Dans votre rapport, vous avez soulevé la question de sécurité routière. Vous avez dit, si je comprends bien: Intervenir dans la sécurité routière, mais pas auprès des compagnies d'assurance. Très bien! N'oubliez pas que les compagnies ont demandé que l'Etat prenne charge de leurs fonds d'indemnisation, que l'Etat, dans le chapitre B des polices d'assurance, modifie statutairement la police d'assurance, qu'on impose le "no fault" sur une certaine partie des polices d'assurance, c'est-à-dire le chapitre B. Donc, n'oubliez pas que les compagnies sont venues demander, exiger beaucoup d'interventions.

Le système AutoBAC insiste pour qu'il y ait intervention de l'Etat, presque autant que le fait Gauvin, mais dans une autre direction.

Permettez-moi de noter qu'il y a un dilemme dans votre présentation. Pas d'intervention, mais intervention! C'est un peu comme Mackenzie King, lorsqu'il avait parlé de la conscription: "No necessarily conscription, but conscription if necessary". C'est la même chose ici. J'ai le même dilemme que vous. C'est un vrai problème pour moi. Je suis le plus sympathique au monde, mais je ne cache pas le problème.

M. LETOURNEAU: M. le Président, je fais remarquer que nous n'avons pas commenté la recommandation d'AutoBAC. C'est l'industrie de l'assurance qui, elle-même, a proposé cette forme d'assurance. J'imagine qu'elle la propose comme option à ce que propose la commission Gauvin. Alors, l'industrie, devant une menace d'intervention globale de l'Etat dans son secteur d'activité, trouve une solution qui est probablement à mi-chemin et acceptable pour elle, pour autant que l'intervention de l'Etat est concernée. Ce n'est pas mon rôle, ici, d'interpréter la pensée des gens de l'industrie, mais je crois comprendre que leur attitude est motivée par une menace d'étatisation éventuelle.

Or, ils se sont dit: Nous allons essayer de trouver une solution qui satisfasse en partie les recommandations, qui sont faites et qui sont devant le législateur, à l'effet de prendre une part trop grande d'intervention dans nos affaires.

J'aimerais, M. le Président, si vous me le permettez — simplement pour vous dire que nous ne parlons pas à travers notre chapeau et que nous avons vraiment examiné la question de la sécurité routière — vous mentionner les noms des personnes que nous avons consultées et avec lesquelles nous avons travaillé.

M. TETLEY: Pourriez-vous mentionner ces noms lorsque le député de Lafontaine vous posera une question parce que vous prenez mon temps? Ce n'est pas une question que je vous ai posée. Je n'ai pas parlé de la sécurité routière et je veux laisser quelques minutes à mon collègue, le député et ministre Berthiaume. Donc, il reste environ sept minutes et je passe la parole au député de Lafontaine.

M. LEGER : II reste trois minutes.

M. TETLEY: C'est à 10 h 25 que j'ai commencé...

M. LEGER: Pour un ministre, nous sommes toujours d'accord pour qu'il puisse sourire.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Sans aucune injustice, il reste sept minutes. 25 plus 20, cela fait 45.

M. LEGER: Allez! Allez!

M. TETLEY: II veut...

LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre! Le député de Lafontaine.

M. BONNIER: De toute façon...

M. ROY: M. le Président, je voulais justement faire une observation à ce moment-ci. Je vous ferai remarquer que depuis dix heures, on a passé à peu près de huit à dix minutes à parler des minutes. Qu'on arrête donc de parler des minutes...

M. HARVEY (Charlesbourg): Vous êtes arrivé à 10 h 20.

M. ROY: ... et qu'on étudie donc le mémoire et si cela prend dix minutes de plus, cela prendra dix minutes de plus...

M. LACHANCE: Vous prenez dix minutes pour le dire!

M. ROY: ... mais qu'on permette donc à tout le monde...

LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre! M. ROY: ... d'interroger nos invités...

LE PRESIDENT (M. Brisson): On va commencer immédiatement.

M. ROY: ... et avoir des réponses à nos questions. Je ne suis pas intervenu au début justement pour ne pas prolonger le temps inutilement, mais je pense qu'à ce moment-ci, c'est quand même important que je fasse connaître mon point de vue sur ce point. Qu'on procède et qu'on cesse de compter les minutes et les secondes.

M. BERTHlAUME: M. le Président... avec mes collègues, le député de Lafontaine et le député de Beauce-Sud pourraient intervenir et j'interviendrai par la suite.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Lafontaine.

M. LEGER: En lisant les mémoires de nos amis de la Chambre de commerce, nous avons remarqué qu'ils font porter l'essentiel de leurs propos sur ce qu'ils prétendent être la source principale du coût de l'assurance et de la hausse du taux de l'assurance automobile, à savoir l'Etat. Pour une fois, je rejoins mon collègue le ministre, parce que l'Etat, dans son rôle de législateur et dans son rôle d'administrateur et ses propres lois, a un rôle bien précis à jouer, c'est sûr. Mais l'énoncé de départ, qui est conforme aux interventions traditionnelles de la Chambre de commerce, qu'il s'agisse là d'un corps intermédiaire qui se prétend relativement modéré, mais qui fait presque toujours preuve d'un extrémisme et d'un radicalisme surprenant...

En effet, d'une part, la Chambre de commerce soutient toujours que l'Etat doit intervenir le moins possible dans les activités diverses de notre société et, d'autre part, elle attribue à l'Etat et à ses organismes une partie beaucoup plus que justifiée des difficultés que notre société connaît.

Je ne veux pas prendre la part de l'Etat, mais je pense que l'attitude de la Chambre de commerce me surprend encore une fois.

Donc, au niveau des remarques générales, nous devons nous déclarer assez surpris de voir que la Chambre de commerce traitera surtout de l'activité de l'agent social dont elle tient le plus à se distinguer, c'est-à-dire le gouvernement, l'administration publique. Nous aurions été moins étonnés et la Chambre de commerce aurait peut-être plus de crédibilité dans son mémoire, si ce mémoire avait porté sur les autres parties aussi du phénomène de l'assuran-ce-automobile, c'est-à-dire les courtiers et les assurés.

C'est sans doute à titre de contribuable et de justiciable que les représentants de la Chambre de commerce nous adressent leur mémoire et nous les entendrons volontiers à ce titre.

Il serait toutefois bon de souligner qu'ils n'ont pas plus de crédibilité que les autres qui viennent nous voir. Chacun fait partie de la réalité de notre société et chacun a des intérêts personnels à défendre. C'est ce qui est sain et qui permet, lorsqu'il y a des changements qui s'imposent dans une société, de tenir compte de ces intérêts à protéger, à aider. Mais cela ne doit pas être un obstacle majeur insurmontable à un changement qui est dans l'intérêt de toute la collectivité.

M. le Président, dans les remarques bien précises, à la page 2 de votre mémoire, paragraphe 5, c'est le chapitre où on a apporté le plus d'attention, celui qui touche la sécurité routière. La Chambre reprend en bonne partie les recommandations du rapport Gauvin. Nous aimerions cependant savoir ce qu'elle pense tout particulièrement de la recommandation no 9 du rapport Gauvin qui touche le commerce de la réparation d'une automobile, neuve ou usagée. Le rapport, comme vous le savez, recommande que le gouvernement exige une licence provinciale avant d'autoriser qui que ce soit à exploiter un commerce de vente ou de réparation d'automobiles usagées ou neuves ou de vente de pièces usagées ou neuves, de démolition, de reconstruction de voitures. D'après le rapport Gauvin, cette licence permettrait un certain contrôle sur le commerce des pièces des automobiles volées. C'est à la page 65 du rapport Gauvin.

Nous aimerions savoir également votre opinion — en plus de la recommandation 9, vous pourrez me répondre en même temps — sur la recommandation 13, qui touche à un contrôle

plus sévère sur les écoles de conduite et sur les programmes d'enseignement de ces écoles afin qu'ils soient rendus plus complets et soient contrôlés par l'Etat. Est-ce que la Chambre de commerce ne regrette pas, dans ce secteur précis, l'inaction actuelle du gouvernement? Recommandations 9 et 13, une qui touche les licences et l'autre qui touche les écoles de conduite.

M. LETOURNEAU: M. le Président, concernant notre attitude vis-à-vis du rôle de l'Etat, je dois dire qu'encore une fois, nous nous référons au rôle de l'Etat. Qu'il soit bien compris que nous acceptons que l'Etat doive exercer dans certains domaines d'activité, parce que c'est à lui à le faire... C'est un rôle que nous lui reconnaissons pleinement. Nous ne sommes pas des gens qui disent: L'Etat n'a rien à faire, ne devrait pas exister. Nous sommes d'accord, l'Etat est là et a un rôle à jouer et, quand il est là, il a un rôle à jouer que nous reconnaissons, nous croyons que c'est notre devoir d'examiner de quelle façon il s'en acquitte. Si nous ne sommes pas satisfaits, comme tout autre citoyen, nous croyons aussi de notre devoir de le dire. Nous recommandons donc que, dans des secteurs d'activité où c'est son rôle d'agir, qu'il la fasse et qu'il le fasse de façon efficace. Il y a même des domaines où c'est son rôle exclusif, l'administration de la justice, entre autres.

Maintenant, pourquoi en sommes-nous venus à la question de la sécurité? En particulier, pourquoi nous attachons-nous à celle-là plus spécifiquement? C'est parce que nous croyons sûrement que c'est la plus importante. Si nous croyons que c'est la plus importante, ce n'est pas le résultat d'une idée qui nous est venue comme cela spontanément; c'est le résultat d'un examen de la question du coût de l'assurance-automobile que nous avons fait, comme je vous l'ai dit tantôt, il y a déjà un bon moment.

Nous avons fait cet examen avec la collaboration de gens que nous estimions les mieux placés pour nous aider à cerner la question, de gens qui — comme votre question le laisse entendre, et je vais y répondre plus spécifiquement dans quelques moments — peuvent être en conflit et qui sont accusés effectivement d'abus dans le circuit que constitue tout ce phénomène de l'assurance-automobile. Nous avons demandé cela à un type qui avait une expérience dans ce domaine, au niveau du règlement des conflits, lorsqu'il y a des réclamations majeures, M. Jean de Granpré, qui était à l'époque vice-président à la compagnie Bell Canada. Pourquoi avons-nous choisi M. de Granpré? Parce que c'est un homme d'expérience dans ce domaine, d'une part, et, d'autre part, parce qu'il était dans une compagnie, une société qui ne faisait pas appel à une compagnie d'assurance. Il y avait de l'autoassurance-automobile dans cette compagnie, donc elle pouvait être neutre, le plus neutre possible devant les différentes personnes qui pourraient être en conflit sur les questions d'assurance-automobile, d'abus et de coûts. Nous avons fait appel à François Adam, qui était à l'époque directeur général de la Société d'assurance des caisses populaires; nous avons fait appel à Sébastien Allard...

M. LEGER: Est-ce que je peux vous interrompre pour vous dire que je suis malheureusement, moi-même, limité dans le temps?

J'ai plusieurs questions à vous poser, si, à chacune de mes questions, vous faites le tour avant de me répondre... Je vous ai posé la question: Qu'est-ce que vous pensez des recommandations 9 et 13? Est-ce que vous pourriez me répondre là-dessus? Sans cela, je ne pourrai pas vous poser de questions.

M. LETOURNEAU: M. le Président, si vous me permettez, le député de Lafontaine a mis en doute notre crédibilité. Je me dois ici...

M. LEGER: J'ai dit simplement ceci, étant donné que vous n'avez touché que presque uniquement la partie de la sécurité routière, donc la responsabilité gouvernementale. Je me disais que, comme Chambre de commerce, étant donné que vous avez à défendre les intérêts des commerçants, des industriels et de l'entreprise privée en général, vous auriez été très digne de foi si vous aviez trouvé des failles que tous les autres organismes ont trouvées dans le système actuel qui touche des gens qui sont des membres de votre association, c'est-à-dire les courtiers, les assureurs et les assurés comme tels. C'est là-dessus que j'ai dit qu'on aurait aimé que vous parliez.

M. LETOURNEAU: M. le Président, je dois encore une fois établir notre crédibilité sur cette question. Nous avons examiné cette question, nous en avons fait le tour. Je voudrais prouver devant cette commission que ce n'est pas une idée qui nous vient du dessus de la tête, c'est quelque chose que nous avons examiné à fond avec des gens qui ont de l'expérience dans ce domaine. Ce ne sera pas très long, je voulais simplement mentionner le nom de ces personnes.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Etant donné la limite de temps de chaque parti...

M. ROY: M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre, messieurs! S'il vous plaît. Vous voudrez bien vous limiter assez brièvement à répondre aux questions qui vous sont posées.

M.,LETOURNEAU: Je vais essayer d'y répondre le plus brièvement possible. Je vais accélérer le rythme. Nous avons donc fait appel à des gens du camionnage, du service technique de la circulation du ministère de la Voirie, à des gens de la CSN, à quelqu'un de l'Association

des agents de réclamation, à un représentant du ministère de la Justice, à la Fédération des assureurs du Canada, à l'Association des courtiers d'assurance, au Club automobile, donc des consommateurs, au ministère des Transports et Communications, à Michel Parizeau, qui est un spécialiste reconnu dans ce domaine, au comité de l'assurance-automobile de la Fédération des assurances du Canada, à un président de compagnie d'assurance qui fait de l'assurance-automobile, au vice-président exécutif du Club automobile de Québec, au directeur général de la Sûreté du Québec qui était présent à notre comité, à un autre directeur de compagnie d'assurance, pardon, un secrétaire. C'était l'aéropage ou l'éventail de personnes que nous avions autour de la table. Pendant deux ans, elles ont examiné les raisons qui pouvaient exister à savoir pourquoi l'assurance coûtait plus cher au Québec qu'ailleurs dans le Canada. Nous en sommes venus à la même conclusion que nous citons dans ce mémoire, le problème de sécurité routière. Je réponds à la question concernant la recommandation 9 du rapport du comité Gauvin au sujet de la réparation de l'automobile, le coût des réparations.

M. LEGER: Le permis.

M. LETOURNEAU: La recommandation se réfère â d'autres recommandations qui viennent du Canadian Automobile Test Bureau et de la commission Prévost. En principe, nous sommes d'accord sur cette recommandation, M. le Président. Cependant, tout dépend de la façon, encore une fois, dont le gouvernement intervient. Je dis bien que nous sommes d'accord en principe. Il y a certainement des choses à corriger dans ce domaine et il y a lieu d'intervenir pour exercer un certain contrôle, tout dépend de la façon dont on devra l'exercer. Il y a des abus qui ont été décelés par le comité Gauvin. Nous sommes d'accord sur certains de ces abus et que des moyens devraient être pris pour les éviter. Ceci étant dit, nous sommes d'accord, en principe, sur la recommandation, mais nous nous permettons de nous réserver le droit d'intervenir lorsque le gouvernement l'appliquera de telle sorte qu'on ne crée pas une massue très considérable, c'est-à-dire une réglementation ou une loi qui crée des embêtements, des inconvénients et des coûts additionnels à ceux qui exercent leur activité d'une façon raisonnable, et qu'ensuite, lorsqu'on l'applique, on ne rejoigne effectivement que ces gens et que ceux qui font des abus aient découvert avant même que l'encre ne soit sèche sur le projet de loi ou de réglementation, d'autres nouvelles façons d'abuser du public.

C'est souvent ce qui arrive lorsque le gouvernement intervient par réglementation ou législation. On prend des cas théoriques, on essaie d'exercer des contrôles et on crée des façons d'exercer ce contrôle tellement lourdes et difficiles d'application qu'effectivement, si on fait l'examen du rapport ou bénéfice entre la réglementation, la législation, son application et les bénéfices réels acquis au bout de la ligne par les consommateurs, on s'aperçoit parfois que le consommateur n'est pas mieux servi et que ceux qui abusent de lui ont réussi encore une fois à détourner la loi d'autre façon.

Concernant la recommandation numéro 13 au sujet d'un contrôle plus sévère sur les écoles de conduite...

M. LEGER: M. le Président, est-ce que c'est possible d'avoir de la part de la Chambre de commerce une réponse courte et précise?

M. LETOURNEAU: Est-ce que je peux répondre à la question?

M. LEGER: Oui, j'aimerais bien cela.

M. LETOURNEAU: Nous sommes d'accord, en principe, encore une fois, sur la recommandation numéro 13 du comité Gauvin, M. le Président, avec les mêmes réserves que j'ai exprimées pour la recommandation numéro 9.

M. LEGER: Je vous remercie infiniment. Est-ce qu'un représentant de la chambre pourrait maintenant nous dire ce qu'il pense de la recommandation du rapport Gauvin qui parle de mesures de vérification obligatoires et, avec les explications que nous donnait le ministre d'Etat aux Transports, que cela pourrait peut-être coûter $80 ou $60 par vérification annuelle. Est-ce que vous jugez que ce coût-là — vous avez parlé de cela à la réunion précédente, la semaine dernière — ...

M. BERTHIAUME: Je n'ai jamais parlé de prix.

M. LEGER: Vous avez dit des prix. M. BERTHIAUME: Non, non.

M. LEGER: II y a eu un taux qui a été dit dans vos déclarations, je vous les ramènerai en tout cas. C'est peut-être une hypothèse, de toute façon...

LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre, messieurs! Veuillez poser votre question au témoin, s'il vous plaît.

M. LEGER: M. le Président, j'espère que vous ne m'enlèverez pas les deux minutes... pardon, M. le Président, j'ai commencé à moins vingt et je pense que je vais jusqu'à 11 h.

UNE VOIX: La minute de vérité.

M. LEGER: M. le Président, est-ce que vous pourriez me dire si vous êtes d'accord que cette implantation devrait être payée par les automobilistes ou par l'Etat?

M. LETOURNEAU: M. le Président, concernant la recommandation du rapport Gauvin, pour ce qui est de l'inspection obligatoire des véhicules, nous sommes d'accord sur le principe de la recommandation. Cependant, il y a des centaines de façons d'établir un système de vérification des véhicules automobiles. Il y a, à un moment donné, dans le détail de cette vérification, un point de non-rendement proportionnel à savoir jusqu'où on peut pousser cette vérification.

Il y a aussi beaucoup de façons de faire la sélection des véhicules à vérifier. Dans ce domaine, il y a plusieurs expériences qui ont été conduites par des Etats américains et d'autres provinces et nous croyons que le gouvernement devrait s'en inspirer pour déterminer la méthodologie d'approche.

Quant à la question d'inspection des véhicules, nous sommes d'accord sur le principe, il doit y en avoir. La méthodologie d'approche qui soit la plus efficace, ce n'est pas facile à déterminer, c'est un problème technique assez complexe mais qui peut, compte tenu des expériences conduites...

M. LEGER: Vous ne pouvez pas trancher entre l'automobiliste qui le paie ou l'Etat? Vous n'êtes pas encore rendus dans les détails?

M. LETOURNEAU: Non, sur ce point-là, nous n'avons pas examiné la question.

M. LEGER: Parfait.

M. LETOURNEAU: Parce que je ne crois pas que le rapport Gauvin ait fait de recommandations particulières sur cet aspect.

M. LEGER: Maintenant, sur un autre point, vous semblez dire que la baisse des primes pourrait survenir beaucoup plus, ou presque en majorité, par une meilleure sécurité routière. Nous sommes devant le problème qui consiste à savoir quel est le meilleur régime d'assurance-automobile que nous puissions donner à nos concitoyens et, en même temps, quel est le meilleur mode d'administration. Est-ce qu'on doit comprendre, d'après votre mémoire, que le régime actuel semble tout à fait satisfaisant, exception faite de la sécurité routière, que la prime pourrait être réduite uniquement de ce côté-là et qu'il n'y a absolument rien à reprocher au système actuel d'assurance chez ceux qui sont les intervenants, soit les assureurs, les courtiers et les assurés?

M. LETOURNEAU: M. le Président, non, nous ne sommes pas convaincus que le système actuel soit parfait et qu'il ne mérite pas d'amélioration. Cependant les thèmes de référence devant lesquels nous sommes, c'est-à-dire les propositions contenues dans le rapport Gauvin, nous devions les examiner et essayer de les évaluer.

Comme je l'ai dit, au début, dans notre présentation, cela ne nous a pas été techniquement possible de savoir si c'était bien fondé économiquement et si le consommateur serait vraiment bien servi par les amendements au régime d'assurance.

Nous avions déjà fait l'exercice et nous nous étions rendu compte que la façon la plus efficace, la plus sûre, la plus urgente de s'attaquer au problème du coût de l'assurance-automobile, c'était de s'attaquer à la question de la sécurité routière. Effectivement, nous trouvons regrettable que le gouvernement, quand il a reçu ce rapport, ne l'achemine que vers la commission des institutions financières, compagnies et coopératives, ce qui semble indiquer que le seul aspect que le gouvernement soit prêt à traiter et à examiner en détail, c'est surtout celui qui concerne l'assurance-automobile, ce qui n'est pas en soi mauvais...

M. TETLEY: M. le Président, sur un point de règlement, le ministre des Travaux publics était présent et a même annoncé qu'il adopterait une bonne partie de ce qui concerne le transport et les travaux publics. C'est le même homme. Il est venu. Le ministre de la Justice est venu, le ministre d'Etat aux Transports est ici. Je crois que la Chambre de commerce était absente dans le temps.

M. LEGER: M. le Président, je voudrais relever une faute dans votre mémoire. Vous semblez dire que le surintendant va établir lui-même les taux d'assurance alors qu'à la page 65 il est bien dit que le surintendant exigerait des compagnies d'assurance — dans le rapport Gauvin — une justification des taux, ce qui est assez différent et que, pour faire des corrections, il devrait tenir compte d'une des trois recommandations à la page 357 : Qu'il ne le fera que "lorsque les règles de classification des assurés ne sont pas suffisamment précises pour être appliquées de façon objective"; deuxièmement, "lorsque l'emploi de certains taux pourrait mettre en danger la solvabilité d'une compagnie ou constituer un acte de concurrence déloyale"; ou "lorsque les taux seraient susceptibles de permettre des profits excessifs en raison de la faiblesse de la concurrence dans un secteur donné".

Donc, c'est seulement une affirmation, je ne cours pas le risque de vous poser une question. J'ai maintenant...

C'est à cause du temps, vous pouvez répondre pendant qu'un autre vous posera la question, cela sauvera mon temps.

LE PRESIDENT (M. Brisson): II vous reste deux minutes.

M. LEGER: M. le Président, je voulais simplement parler aussi du contrôle du coût de la réparation, tel que le mentionne le rapport Gauvin à la page 276. Vous pouvez me répon-

dre, à la suite, de ce que vous pensez du contrôle du coût de la réparation qui pourrait être plus bas, s'il y avait un contrôle des compagnies d'assurance qui pourraient utiliser leur pouvoir d'achat pour obtenir les meilleurs prix qui retourneraient aux assurés et donc non pas seulement aux compagnies d'assurance.

A cause du temps qui me manque — il pourrait me répondre après cela— je vais seulement dire qu'il semble que la chambre considère, par l'étude du rapport Gauvin, que Gauvin tente de disculper l'Etat et d'imputer aux entreprises d'assurance des responsabilités qui dépassent leur mandat ou leur rôle.

En ce qui nous concerne, nous du Parti québécois, nous considérons que le comité Gauvin, au contraire, en définissant la responsabilité-automobile comme "collective" et en la sortant du champ de la responsabilité individuelle, a créé à l'Etat de nouvelles obligations et un nouveau rôle. Nous ne voulons pas faire le reproche aux entreprises d'assurance de mal assumer le rôle qui leur était jusqu'ici confié. Nous nous demandons cependant, devant une définition "sociale" de l'automobile et des risques que son usage entraîne, si ces agents sont encore les meilleurs et les plus utiles à notre société. Nous nous posons la question comme telle.

Le mémoire de la chambre, pour précieux qu'il soit dans certaines de ses recommandations nous admettons qu'il y a des recommandations très intéressantes dans votre mémoire, entre autres, la sécurité routière — ne nous aide pas pour répondre à cette question et nous le déplorons un peu. Sur ce que je viens de vous demander, est-ce que vous ne pensez pas, entre autres, sur le dernier point concernant le contrôle du coût de réparation, que les assureurs auraient pu obtenir un meilleur prix, donc retourner cela aux assurés, quand on pense que les formes suivantes auraient pu être entreprises: entreprendre une révision constante des normes de travail dans les réparations, tel que spécifié dans le rapport Gauvin; favoriser la recherche de méthodes et de techniques de réparation; négocier ouvertement le taux de rémunération de la main-d'oeuvre en fonction de sa productivité et celui du prix des pièces; négocier le prix des pièces; organiser des réseaux de sources de distribution parallèles pour les pièces de rechange, tant neuves qu'usagées, lorsque ceci s'avère nécessaire?

Le rapport a ajouté qu'il est certain que de telles mesures auraient profité tant aux compagnies d'assurance qu'aux consommateurs. La Chambre peut-elle nous dire ce qu'elle pense de ce passage du rapport Gauvin?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Une courte réponse.

M LETOURNEAU: II y a des choses à améliorer, c'est sûr. Encore une fois, nous avons fait le tour de cette question. Il y a des phénomènes extrêmement complexes qui se manifestent lorsqu'on examine le pourquoi de la situation. Il y a aussi des raisons valables qui sont données par les personnes qui font la réparation des véhicules automobiles pour expliquer pourquoi, en moyenne, les réparations des véhicules après accident au Québec coûtent plus cher qu'ailleurs. Cela revient à une question de gravité d'accident dans beaucoup de cas. Quand les collissions se font à plus haute vitesse, il est normal que les véhicules soient plus endommagés. Il est normal qu'il se dégage à la suite de cette situation des statistiques qui indiquent que cela coûte plus cher de réparer des véhicules après accident au Québec, qu'ailleurs. C'est en bonne partie parce que ces accidents sont plus graves qu'ailleurs. Les statistiques aussi le démontrent. Alors, quand on arrive dans le domaine de la réparation, elle coûte plus cher. On fait des comparaisons et on dit que les réparations coûtent plus cher ici qu'ailleurs. Cela devient discutable, parce que selon les années durant lesquelles on examine la situation, on s'aperçoit que cela varie.

Si on analyse les statistiques les plus récentes concernant les coûts de réparation comparés, entre le Québec et la Colombie-Britannique, on s'aperçoit qu'il y a des rapprochements qui se font. D'autre part, lorsque nous avons questionné les gens qui paient ces coûts de réparation, c'est-à-dire les compagnies d'assurance, les méthodes qu'elles utilisent pour contrôler ces coûts, les débats qu'elles ont avec ceux qui font la réparation, qui s'opposent à certaines mesures de contrôle, la validité des mesures de contrôle, leur efficacité, on s'aperçoit qu'il y aurait sans doute quelques dollars à économiser, bref, que le système n'est pas parfait. Mais de là à dire que l'Etat, en intervenant, va réussir à améliorer considérablement la situation, compte tenu des facteurs que nous avons pu examiner, nous en doutons.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je vous remercie. Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, je note que la Chambre de commerce a attaché énormément d'importance à la question de la sécurité routière. J'ai remarqué qu'à la page... M. le Président, je n'ai pas voulu intervenir, ce matin, sauf une fois, pour dire que c'est tout simplement ridicule...

M. BERTHIAUME: A l'ordre!

M. ROY: Je m'excuse, ce n'est pas moi qui ai abordé le sujet. On passe notre temps à parler des minutes, ce matin, en commission parlementaire et on semble vouloir attacher plus d'importance aux minutes qu'à nos invités et à la raison pour laquelle la commission parlementaire siège.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je ferai remarquer au député...

M. ROY: Je ne vous ai pas interrompu, M. le Président, je m'excuse. C'est vous qui avez commencé à me parler des minutes.

LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre!

M. ROY: Je n'ai pas dépassé mon temps hier, je ne l'ai même pas utilisé. Ce matin, je n'entends pas non plus prendre tout le temps mis à ma disposition. Mais qu'on me permette et qu'on me laisse toute la latitude, la liberté nécessaire — comme je l'ai fait à l'endroit de mes autres collègues qui ont posé des questions — de poser les questions que je voudrai.

M. PAGE: Spectacle!

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je voudrais faire remarquer au député de Beauce-Sud que les membres de la commission, comme hier d'ailleurs, ont limité le temps de chaque parti et que vous avez droit à 20 minutes. Je vous faisais remarquer que vous commenciez à 11 h 5 afin de vous dire que votre temps se terminerait à 11 h 25. Alors, vous avez la parole et posez vos questions.

M. ROY: Votre remarque et votre démarche étaient tout à fait superflues parce que je ne prendrai pas les 20 minutes, je ne les ai pas prises hier.

UNE VOIX: A l'ordre! UNE VOIX: II est vidé.

M. ROY: M. le Président, je veux revenir sur la question de la sécurité routière. Je remarque, à la page 3 du mémoire soumis par la Chambre de commerce, paragraphe 5.1.3, que sur ce point on souligne qu'en 1972 — on parle du pourcentage des accidents au Canada— sur 6,221 personnes tuées, 1,934 l'ont été en Ontario et, 2,017 au Québec. On continue: "Eu égard à des chiffres proportionnels aux populations des deux provinces, le Québec aurait dû avoir 1,500 victimes". Donc, 517 victimes de moins.

M. ROY: J'aimerais demander aux représentants de la Chambre de commerce quelles sont les recommandations particulières qu'ils font. Quelles sont les mesures que le gouvernement devrait prendre — parmi les plus immédiates, peut-être celles qui sont susceptibles d'être les moins dispendieuses, mais qui pourraient être prises immédiatement — en tenant compte des dispositions et des lois actuelles, de façon à pouvoir diminuer et corriger cette situation qui, il ne fait aucun doute, a des conséquences directes sur les primes d'assurance-automobile que les automobilistes doivent payer?

M. LETOURNEAU: M. le Président, l'application des lois! C'est ma réponse, c'est notre réponse. L'application des lois. C'est notre conclusion première et prioritaire. Le courage de l'application des lois. J'ai mentionné tantôt qu'il y avait un directeur de la police provinciale qui était membre de notre comité. Cet homme nous a confié qu'on n'avait pas le courage de l'application du code de la route au Québec, le courage politique de l'application du code de la route.

C'est la principale réponse. Nous sommes tellement loin en arrière des autres, en matière d'application de la loi au Québec, par rapport au reste du Canada, qu'il y a certainement un rendement très efficace qui pourrait être obtenu en partant par l'application de la loi.

Je peux vous citer des statistiques plus dramatiques que celles que nous avons mentionnées qui sont tirées des rapports comparés des services de police de la ville de Toronto et de la ville de Montréal, pour 1973. C'est récent, cela. Les délits, les mises en accusation pour conduite dangereuse, en vertu du code criminel, par la police de la Communauté urbaine de Toronto en 1973, étaient au nombre de 1,043, et, par la police de la Communauté urbaine de la ville de Montréal, étaient au nombre de 21. Les mises en accusation pour conduite dangereuse en vertu du code de la route, par la police de la Communauté urbaine de Toronto en 1973, étaient de l'ordre de 10,000, et, par la police de la Communauté urbaine de Montréal en 1973, étaient de 30.

M. PAGE: ... du code criminel, par exemple.

M. LETOURNEAU: Les deux. Je viens de mentionner les deux.

M. PAGE: Les deux?

M. LETOURNEAU: Premièrement, le code criminel; deuxièmement, le code de la route. Ce sont les deux statistiques que je viens de mentionner qui sont tirées des rapports des...

Pourquoi cette situation? Les décès pour accidents d'automobile en 1973 à Toronto, dans la même circonscription, les décès par suite d'accidents, les mortalités à Toronto, étaient au nombre de 119. A Montréal, de 161. Il faut remarquer que la trame d'occupation du territoire, la trame urbaine dans les deux villes est inverse, en ce sens qu'on estime que, dans la région de Montréal, dans ce qu'on appelle le coeur de la ville, qui est un secteur quand même assez vaste, il y a 65 p.c. de la population et 35 p.c. en banlieue. A Toronto, c'est l'inverse: 35 p.c. dans ce qu'on appelle le coeur, 65 p.c. en banlieue, ce qui implique un trafic beaucoup plus intense d'après les experts. Malgré cette situation, 119 morts à Toronto, 161 à Montréal.

Je pense qu'il y a énormément à faire. Nous avons produit, à l'époque — je le rappelle — en

1967 et en 1965, des documents relativement volumineux concernant la sécurité routière que nous avons remis à toutes les autorités concernées, mais comme le signale le rapport Gauvin, cela demande une grande coordination entre beaucoup de personnes qui sont responsables de la sécurité routière. Il n'y a pas qu'un seul ministère. Il y en a plusieurs.

M. ROY: En somme, si j'ai bien compris, vous semblez souligner que c'est le domaine dans lequel il pourrait se faire quelque chose et le plus rapidement possible, sans que cela implique des coûts supplémentaires au gouvernement.

Compte tenu du fait que les corps policiers sont là et qu'on prenne les responsabilités, les décisions nécessaires de façon que ces gens exercent une plus grande sévérité vis-à-vis des lois et, si j'ai bien compris — je ne veux pas vous suggérer les réponses, mais je veux être sûr d'avoir bien compris — c'est le secteur dans lequel il pourrait y avoir, selon vous, la plus grande économie au niveau des primes d'assurance-automobile.

M. LETOURNEAU: C'est là l'endroit le plus sensible. C'est là où nous sommes convaincus qu'il y a priorité d'intervention et c'est là où nous sommes convaincus que le rapport coût-bénéfice dans l'intervention pourrait être le plus efficace.

Nous avons cette profonde conviction et nous espérons pouvoir la transmettre à la commission. Et quand nous disons cela, ce n'est pas une question de protéger les compagnies d'assurance, cela n'est pas une question d'éliminer les autres actions que vous voulez faire, c'est que nous sommes vraiment convaincus de ce fait. Nous nous en sommes convaincus après avoir fait le tour de la question et nous ne disons pas, M. le député de Beauce-Sud, que cela n'entrafnera pas de coûts additionnels. Je crois que cela entraînera des coûts additionnels, mais nous croyons que les coûts additionnels que cela entrafnera, étant donné la situation tellement pénible dans laquelle nous sommes, tellement en arrière, le rendement de l'investissement dans les bonnes mesures de sécurité. Et là, on ne veut pas s'aventurer trop loin parce que c'est encore assez délicat de dire exactement la méthodologie qu'on devrait utiliser pour appliquer la sécurité routière. Mais l'application de la loi, d'abord, c'est une première chose, et je dirais même l'application d'une loi qui n'est pas parfaite, mais son application aura certainement un impact psychologique important sur la conduite des véhicules moteurs.

Et je me réfère à la page 57 du rapport de la commission Gauvin concernant la question des coûts, de la disponibilité des ressources pour faire ce travail. En conclusion, sur le chapitre concernant la sécurité routière, M. Gauvin dit: "Les exemples pourraient être multipliés, qui prouvent que beaucoup reste à faire — et pourrait être fait — sans que nécessairement tous les efforts financiers du gouvernement soient monopolisés au profit de ce seul secteur. Dans bien des cas, il suffirait d'une répartition plus rationnelle des énergies, aidée par une conscience plus éveillée des gouvernants au problème. Car il faut sûrement attribuer au manque de vigueur de cette dernière une partie de la responsabilité pour le peu de dynamisme manifesté au Québec pour la sécurité routière".

M. ROY: J'aurais une autre question à vous poser, mais vous en avez parlé au paragraphe 5.2.1. et je pense que mon collègue en a parlé également, concernant la vérification obligatoire des véhicules. Avez-vous étudié si les centres de vérification devraient être organisés par le gouvernement ou suggérez-vous une autre méthode d'organiser ces centres de vérification pour les véhicules?

M. LETOURNEAU: Lorsque nous avons examiné cette affaire, nous avons constaté qu'il y avait une carence de mécaniciens compétents pour faire un bon examen des véhicules automobiles sur le plan sécuritaire. Compte tenu de cette carence, l'idée nous est venue, à l'époque, que cet examen devrait être fait dans des établissements privés déjà existants et possédant les qualités requises pour faire un travail de qualité.

C'était notre première réaction à ce problème d'examen des véhicules et on avait pensé à toutes sortes de formules comme l'examen obligatoire de tous les véhicules. On s'est rapidement rendu compte que c'était impensable, que c'était rêver en couleur. On a pensé à des formes de sélection. On a pensé à qui devrait le faire, en quelle sorte de postes et je dois dire que la forme que nous avons retenue était celle de faire faire ces travaux de vérification dans des établissements qui ont déjà une réputation et qui possèdent un personnel compétent pour être certain que le travail sera bien effectué, de manière efficace, de manière rapide, de manière que les points importants de vérification sur le plan sécuritaire soient bien exécutés.

M. ROY: Vous avez parlé d'une pénurie de mécaniciens compétents. Il peut y avoir certaines difficultés dans certaines régions de la province d'organiser cesdits centres. Est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer que l'Etat puisse organiser de ces centres pour que ces derniers soient à la disposition de la population, dans tout le territoire?

M. LETOURNEAU: Nous n'avons pas constaté qu'il y avait un manque de personnes compétentes, même dans les régions éloignées du Québec.

Remarquez que là, nous n'avons pas fait une étude très approfondie de la question. Mais il y a, dans presque toutes les régions du Québec,

des dépositaires qui ont, en général, un personnel relativement compétent. Seulement, c'est le nombre total de ces personnes, compte tenu des besoins nouveaux que pourraient amener des examens de véhicules dans l'ensemble de la province, qui nous laissait sceptiques sur la possibilité de créer de nouveaux centres pour faire cela. Alors, on ne ferait que déplacer des gens qui ne sont pas suffisamment nombreux actuellement.

M. ROY: Sur un autre point, toujours sur la question de la sécurité routière, puisque vous avez réuni plusieurs personnes, plusieurs experts et vous avez fait le tour de la question, vous avez parlé également de routes dangereuses dans votre rapport, — nous savons que nous avons des routes dangereuses dans la province et il y en a d'autres qui auraient besoin de réparation, il faut être député d'un comté rural pour s'en rendre compte — croyez-vous qu'il serait à propos de tenir compte de l'état des routes et d'organiser une certaine sélection, c'est-à-dire une certaine classification des routes pour établir des limites de vitesse différentes? Je prends un exemple, vous allez prendre une route comme la route no 3, ou la route no 5, la route no 1, vous avez une limite de vitesse de 60 milles à l'heure. Vous allez sur d'autres routes comme la route 23, la route nationale qui traverse mon comté, de Québec à la frontière américaine, la route Kennedy, qui est extrêmement tortueuse, il y a des côtes et c'est également la même limite de vitesse. Est-ce que ce phénomène, cette situation, si vous voulez, a été examinée par vos experts de façon à partir d'une limite de 30 milles et 60 pieds plus loin, c'est une limite de 60 milles, alors que les agglomérations, les villages ont tendance à se développer un peu partout. Il semble n'y avoir que deux critères, 30 milles et 60 milles dans la province de Québec. Est-ce que vous avez examiné cette question? Ma question est peut-être un peu complexe, mais je pense que vous avez probablement saisi le sens de ma question de façon à faire une classification et fixer des limites de vitesse logiques, applicables. Une fois qu'elles seront déterminées, qu'on prenne les moyens pour les faire observer. Il y a des places, c'est ridicule et je pense que c'est une des raisons pour lesquelles les policiers sont gênés de faire appliquer les lois.

M. LETOURNEAU: M. le Président, dans sa question le député de Beauce-Sud a d'abord indiqué que nous avions réuni des personnes pour examiner la sécurité routière. Je dois rappeler et préciser que nous avions réuni les personnes que j'ai mentionnées tantôt pour examiner le coût de l'assurance-automobile et c'est à travers cela que nous sommes arrivés à la sécurité routière et que nous avons retenu des recommandations en matière de sécurité routière. Je veux bien signaler qu'on a fait un peu la même démarche que vous faites et nous sommes arrivés à la priorité de la sécurité routière.

Concernant la question de la vitesse, en effet, nous nous sommes arrêtés à cela et nous avons eu des explications du représentant du ministère des Transports et des situations, qui nous apparaissaient, à prime abord, difficilement explicables, nous ont été expliquées. On s'est aperçu que l'approche de la réglementation en matière de vitesse, sur différents tronçons de route, tient compte de beaucoup de facteurs qui ne sont pas apparents au profane et on nous a expliqué des situations qui nous apparaissaient ridicules, de telle sorte qu'on est resté un petit peu sur notre appétit. Quoiqu'on ait constaté qu'il y a des endroits où il y avait des lacunes, effectivement, il en reste. Mais les normes utilisées tenaient compte de beaucoup de facteurs qui ne sont pas nécessairement apparents au profane et qu'il était difficile de condamner le ministère des Transports, dans l'application de ces normes, à moins de faire un examen de la situation, plus approfondi que nous ne pouvions le faire. Des situations, encore une fois, qui a priori nous apparaissaient ridicules nous ont été expliquées et on a compris que ce n'était pas aussi ridicule que cela qu'il y avait des motifs à un moment donné pour dire 30 milles ou 60 milles. Il y a maintenant des limites de 45 milles qui sont indiquées, autant que je sache, ce qui est la situation intermédiaire.

M. ROY: Une dernière question, M. le Président. A la page 5 de votre rapport, lorsque vous parlez de l'illogisme de l'Etat, au deuxième paragraphe, vous dites: "La chambre cite, à titre d'exemple, les cas de délit de fuite qui ne sont pas éclaircis au Québec". Qu'est-ce qui vous fait affirmer que les délits de fuite ne sont pas éclaircis au Québec? Sur quoi vous êtes-vous basés pour affirmer cela?

M. LETOURNEAU: Je vais d'abord donner quelques informations et je demanderai ensuite à mon collègue, M. Lavigueur, de les compléter. Nous nous sommes basés sur des chiffres de l'époque. Mais je vous rappelle ici des chiffres beaucoup plus récents, tirés encore une fois des mêmes sources que celles que je vous ai mentionnées tantôt, soit Montréal et Toronto. Les délits de fuite constatés par la police de la Communauté urbaine de Toronto, en 1973, étaient au nombre de 10,700, ce qui a amené à accuser, par la suite, 1,900 personnes. A Montréal, les délits de fuite constatés étaient au nombre de 12,400 au cours de la même année, ce qui a amené à accuser 1,400 personnes. Vous remarquez le décalage important. Si vous faites le calcul des pourcentages, le nombre de délits de fuite constatés à Toronto est moindre, beaucoup moindre qu'à Montréal, le nombre de personnes accusées est beaucoup plus élevé qu'à Montréal. Vous voyez un décalage très important qui a priori n'apparaît peut-être pas aussi grand, mais si vous faites le calcul des pourcentages, vous allez vous apercevoir que le pourcentage de décalage est très considérable entre les

délits constatés et le nombre de personnes qui sont accusées par la suite. Je demanderai à M. Lavigueur de compléter cette information.

M. LAVIGUEUR (Jacques): Rapidement, c'est pour vous donner des faits qu'on a constatés lorsqu'on s'est rencontré. Vous avez l'exemple d'un Etat comme celui de New York. Si vous avez un accident, vous allez avoir presque immédiatement, dans les 48 heures qui suivent, un avis de l'Etat de New York vous demandant d'expliquer l'accident dans tous ses détails. Ici, au Québec, il semble que la négligence de l'Etat, dont on fait part dans notre rapport, engendre l'insouciance et l'irresponsabilité. C'est que, si on a un délit de fuite ou si on a un accident, même s'il n'y a pas délit de fuite, l'Etat ne semble pas se soucier de savoir ce qui est arrivé, pour essayer de corriger la situation. On l'a remarqué et des gens sont même venus nous dire qu'il était facile d'avoir un délit de fuite ou un accident parce que, par la suite, aucune explication n'est demandée. On l'a remarqué, tant à l'intérieur de la réglementation québécoise que par le truchement des assureurs qui sont venus nous rencontrer et qui nous ont dit: Comment voulez-vous que nous, également, on ait des explications quand l'Etat n'en demande pas? On n'est pas en mesure de le faire et, ce qui arrive bien souvent, c'est une annulation d'assurance ou une augmentation de primes souvent indue parce qu'il n'y a pas d'explications sur les délits de fuite.

M. ROY: Merci.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre d'Etat aux Transports.

M. BERTHIAUME: M. le Président, mes premiers commentaires seront pour dire qu'en ce qui concerne le chapitre de la sécurité routière, le mémoire présenté par la Chambre de commerce nous plaît, dans ce sens qu'on est d'accord sur un grand nombre de questions, peut-être pas sur toutes les questions. J'aimerais quand même mettre ce problème de la sécurité routière dans un certain contexte. Le ministère étant quand même actif dans un grand nombre de dossiers qui intéressent également la Chambre de commerce — soit dit en passant — nous sommes forcément pris pour tamiser toutes ces priorités que nous avons. Je veux simplement souligner quelques-unes de ces priorités pour placer tout cela dans un contexte. Je pense au transport en commun. Je pense au problème des ponts dans la région métropolitaine de Montréal et je pense au lien direct, ici, dans la région de Québec; je pense aux grandes routes, la Transquébécoise; je pense à toutes les activités normales du ministère dans un tas d'autres domaines et nous arrivons aujourd'hui avec la sécurité routière, ce n'est pas aujourd'hui, ce n'est pas la première fois, et, cela aussi, c'est une priorité. Il est évident que toutes ces choses exigent des déboursés assez importants. Il est parfois difficile pour nous, même si on doit reconnaître le bien-fondé des recommandations de la Chambre, il n'est pas toujours possible d'agir immédiatement.

En ce qui concerne le chapitre de la sécurité routière, je tiens à souligner que le ministre des Transports, député de Charlevoix, a déjà annoncé il y a à peu près six mois — peut-être cinq ou sept — mais au printemps dernier, que le ministère serait dorénavant beaucoup plus énergique dans le domaine de la sécurité routière et qu'un grand nombre d'études devaient démarrer à ce moment-là pour reformuler notre politique dans ce domaine-là.

Nous devons reconnaître qu'effectivement, le Québec, en matière de sécurité routière, a été et est encore grandement en retard. Nous tentons de corriger cette situation. D'ailleurs, nous avons, à l'heure actuelle, un grand nombre de dossiers actifs sur ce chapitre.

Les résultats ne sont pas immédiatement apparents et ne le seront pas avant qu'une réglementation ait été adoptée, appliquée et vécue pendant un certain temps.

Vous avez noté au début, comme le fait le rapport Gauvin, que la principale cause des accidents, c'était soit la négligence ou l'inhabilité du conducteur. Nous sommes d'accord sur ce point de vue. D'ailleurs, si je me souviens bien, le rapport Gauvin dit qu'environ 89 p.c. des accidents sont principalement dus à l'un de ces facteurs.

C'est dans ce contexte que nous croyons que, si nous voulons réduire considérablement le taux d'accidents au Québec, c'est principalement par l'éducation et c'est un travail à long terme. Je soupçonne que c'est pour cela que le rapport Gauvin, à la page 348, parle du long terme.

Nous devons changer une mentalité ici au Québec et nous voulons le faire par l'éducation, soit par les écoles de conduite, les écoles du réseau public ou ailleurs ou encore par des programmes de publicité. Non pas que nous ne devons pas y penser, mais nous devons penser surtout à la prochaine génération si nous espérons obtenir des statistiques un peu plus potables que celles que nous connaissons aujourd'hui.

Alors, notre action devrait se diriger principalement de ce côté-là. Vous avez noté le besoin d'éducation plutôt que les mesures coercitives, mais vous n'écartez pas les mesures coercitives, et nous non plus.

Vous avez parlé également de l'application rigoureuse de la loi et vous avez noté en particulier les statistiques sur les infractions, les comparaisons avec Toronto, je crois, et des points qui relèvent du code criminel. Je n'ai pas de chiffres en mémoire, mais je serais curieux d'analyser plus à fond ces statistiques. Parce qu'il est possible qu'un policier donne un billet d'infraction à un individu et appelle cela conduite dangereuse; dans un autre cas, il donne un

billet d'infraction à un conducteur et on appelle cela autre chose: soit dépassement interdit, vitesse indue. Il y a une question de jugement au niveau du policier lui-même — et ce n'est pas un reproche que je fais aux policiers — mais les statistiques, lorsqu'on les sort d'un contexte plus global, portent à interprétation. Je ne suis pas certain moi-même s'il faut les interpréter dans le même sens que vous l'avez fait. Je dis simplement que je ne suis pas certain.

Vous avez comparé également les statistiques ontariennes avec les statistiques québécoises pour 1972. Je crois — encore là, c'est de mémoire — que les statistiques de 1973 sont un peu moins mauvaises que celles-là et je tiens à noter deux choses. D'abord, nous avons des facteurs, ici, qu'on ne retrouve pas en Ontario, particulièrement les conditions climatiques. Il est évident que la neige, la glace et toutes ces choses ont une influence très directe sur le taux d'accidents. Vous l'avez noté indirectement, vous aussi, en parlant de l'entretien un peu plus loin.

Je voulais simplement souligner cela et ce n'est pas par complaisance que je le dis. Je ne dis pas qu'il ne faut pas agir quand même, mais il faut faire un certain ajustement des statistiques dans ce secteur.

Je vous ferai remarquer également que l'Ontario et les autres provinces canadiennes sont aussi insatisfaites de leur programme de sécurité routière et de leurs résultats, au point de vue du contrôle des accidents, que nous le sommes, et que votre Chambre de commerce l'est, M. Létourneau.

Vous avez parlé également de vérification obligatoire et je pense qu'on est d'accord là-dessus. Il y a des problèmes techniques et administratifs assez complexes. Vous avez parlé de l'accréditation des garages, de mécaniciens, vous avez parlé des régions éloignées et d'un certain nombre de problèmes qui se posent à ce chapitre-là. D'abord il faut certifier les garages, parce que pour donner une certaine satisfaction, une certaine assurance au public voyageur, au conducteur qui va faire réparer sa voiture, ce dernier doit être quand même assez certain que la vérification est bien faite.

Donc, il faut accréditer les garages et, ensuite, accréditer aussi des mécaniciens, parce qu'il est évident que ce ne sont pas tous les mécaniciens qui seraient compétents pour faire ce travail. C'est une tâche énorme. Nous sommes en relation avec le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur cette question. On ne peut pas espérer que, dans les prochains mois, il va y avoir quelque chose de concret, mais nous travaillons dans cette direction. A l'heure actuelle, c'est extrêmement complexe et cela touche des questions de relations de travail, de permis de travail et de toutes ces choses. On peut voir, je pense, assez intuitivement, la difficulté que cela pose. En ce qui concerne le territoire du Québec, il n'est pas tout à fait vrai qu'on puisse vérifier tous les véhicules partout dans le Québec. Je ne veux mettre en cause aucun manufacturier, mais je vais quand même prendre un exemple. Supposons que je suis propriétaire d'une Mercédès en Gaspésie ou en Abitibi, cela pourrait être assez difficile et cela pourrait être assez loin pour faire vérifier mon automobile.

Il est évident qu'on ne peut pas, — même si on peut concéder que la Mercédès est une bonne voiture, — exclure le fait. Je prends comme exemple la Mercédès, j'aurais pu prendre autre chose.

Ce sont des problèmes pratiques auxquels on doit faire face. Mais on est loin d'être contre. D'ailleurs, M. Pinard, du temps qu'il était ministre, avait annoncé un programme progressif dans ce domaine. Je note en particulier, encore pour revenir aux questions de priorité, qu'il y a beaucoup de pressions publiques, — avec raison aussi, — pour la vérification des véhicules qui sont d'usage public, comme les autobus scolaires, les taxis et d'autres.

Nous avons commencé dans ce domaine, et ce sont nos premières démarches. Evidemment, c'est plus facile, parce que c'est une clientèle plus limitée. Cela nous permet, en même temps, de prendre de l'expérience dans le domaine pour être plus certains que la politique ou le programme que nous aurons éventuellement sera beaucoup plus efficace et atteindra son objectif réel.

Ensuite, vous avez parlé des plaques réfléchissantes. Je peux peut-être vous répéter ce que je vous ai dit au téléphone hier. Nous avons considéré cette question. Nous l'avons même discutée à la conférence des ministres provinciaux responsables de la sécurité routière, la semaine dernière. Toutes les provinces étaient représentées à cette conférence. Il y a un consensus sur la question. C'est que les plaques réfléchissantes n'ont pas une incidence sur la sécurité routière. D'ailleurs, il y a un essai qui a été fait par l'Etat de la Virginie. On y a immatriculé 100,000 véhicules avec des plaques réfléchissantes et on a pris un échantillon de 100,000 véhicules immatriculés normalement. On a fait des comparaisons, sur une grande période de temps, pour essayer d'établir s'il y avait une relation sur la sécurité routière et on a conclu qu'il n'y en avait pas.

D'ailleurs, la province du Manitoba, qui a cette disposition, cette plaque, depuis maintenant cinq ans, l'abandonne. Il y a deux autres Etats américains qui l'abandonnent, quatre autres plutôt, le Michigan, le Missouri et je n'ai pas eu le temps de vérifier quels étaient les deux autres, mais il y en a deux autres. Je sais qu'il y a un grand nombre d'Etats américains qui l'ont encore. C'est fort possible que, l'inertie gouvernementale étant ce qu'elle est, une fois embarqué dans un programme, il soit toujours difficile de s'en retirer. C'est peut-être pour cette raison. Peut-être qu'ils n'ont pas fait de comparaison d'accidents. Mais l'expérience de la Virginie nous semble concluante. Il y a un consen-

sus, au Canada, entre les provinces, de toute façon, que cela ne semble pas nous donner un bon rapport coût-bénéfice. Etant donné que cela coûterait à peu près trois fois plus cher, approximativement $2 millions additionnels, on croit pouvoir mieux les dépenser ailleurs avec des résultats plus évidents.

En ce qui concerne le port de la ceinture de sécurité, je sais que le député de Charlevoix, le ministre des Transports, en a déjà parlé. Je vais simplement ajouter qu'une des conclusions, une des résolutions de la conférence des ministres a été que tous les gouvernements provinciaux du Canada reconnaissent l'importance de la ceinture de sécurité et son incidence sur les vies.

Par contre, nous croyons que, pour bien appliquer une éventuelle loi dans ce domaine, il en faudrait une plus grande acceptation de la part du public. Nous avons convenu ensemble que, d'ici un an, l'ensemble des provinces, la majorité, sinon toutes, ont accepté un programme d'information, un programme de publicité semblable à celui que nous avons adopté nous-mêmes, il y a maintenant quelques semaines, pour informer le public de ces questions.

Je suis heureux que la question soit souvent dans les journaux ou dans les autres media d'information, de ce temps-ci. Je pense que tout cela joue pour influencer l'opinion publique sur cette question. Si on y arrive, le jour où on l'imposera, on pourra avoir une meilleure garantie de réussite, chose que nous pouvons espérer aujourd'hui. Nous avons convenu, pour un an, de continuer sur des programmes d'incitation, quitte à réévaluer, à la prochaine conférence des ministres qui aura lieu normalement, en octobre 1975.

Vous avez parlé également de construction de routes et de l'entretien des routes. Un bref commentaire là-dessus: Je tiens à souligner qu'évidemment l'incidence sur la sécurité routière est extrêmement importante dans la construction et l'entretien des routes. Le ministère est beaucoup plus avisé aujourd'hui, compte tenu de son expérience passée, sur le "design" des routes et son incidence sur la sécurité routière. D'ailleurs, c'est une des raisons que nous avions évoquées dans le temps pour effectuer la fusion entre le ministère des Transports et le ministère de la Voirie. Aujourd'hui, nos techniciens se parlent. C'est déjà un gros pas en avant, en ce qui concerne l'entretien proprement dit. Soit dit en passant, le ministère dépense approximativement $75 millions par année à l'entretien des routes. Il est évident que la relation est assez directe entre ces $75 millions et la sécurité routière. Je ne dis pas ceci pour dire que c'est trop, mais peu de gens se rendent compte combien, quand même, le ministère est préoccupé par la sécurité routière et l'entretien.

J'aimerais revenir tantôt sur les panneaux et enseignes de signalisation. Vous avez parlé également, ainsi que le député de Beauce-Sud, qui est parti maintenant, des limites de vitesse.

C'est une autre question que nous avons discutée à Winnipeg et il y a eu un consensus là-dessus aussi. C'est que nous croyons utile de réduire la limite de vitesse, à cause de l'expérience américaine, malgré que nous ne voyons pas de relation nécessaire — nous ne l'excluons pas — entre la baisse des limites de vitesse aux Etats-Unis et le taux d'accident. C'est plutôt le nombre de milles parcourus qui pourrait être la cause. Il ne faut jamais en être absolument certain, les statistiques sont les statistiques. Les statistiques sont assez élaborées là-dessus pour pouvoir douter que c'est la limite de vitesse. Je vous citerai une expérience pour le démontrer. Tout de même, sur certaines routes de la province, il y a lieu de réduire la limite de vitesse, soit à 50 ou à 55, particulièrement, sur les routes tortueuses, dans les cas où le terrain est accidenté ou des choses de ce genre. Il y a un consensus dans la province. Evidemment, la situation de chaque province est un peu différente. Si on prend la Colombie-Britannique, c'est parce qu'il y a beaucoup de montagnes. Si on prend l'Alberta, c'est différent, il y a peu de montagnes. Le Manitoba, par exemple, c'est très plat. Evidemment, l'incidence est beaucoup moins grande pour eux.

D'ailleurs, si on regarde sur la Transcanadienne, entre Montréal et Québec, par exemple, la limite de vitesse est 70. Ce n'est sûrement pas là où il y a le plus grand nombre de morts ou même le plus grand nombre d'accidents. Quand un conducteur s'endort ou quelque chose du genre, ou bien, il prend le champ, ou bien, il frappe l'automobiliste ou l'auto en avant de lui, ce ne sont jamais des accidents très graves, étant donné qu'on circule à peu près à la même vitesse. Je pense que le député de Beauce-Sud avait raison en disant que c'est surtout là où les routes sont sinueuses ou montagneuses.

L'expérience à laquelle j'ai fait allusion, c'est une expérience de la Nouvelle-Ecosse. La Nouvelle-Ecosse a installé un radar caché. Pendant plusieurs mois, on a mesuré la vitesse des véhicules qui passaient à un carrefour. C'est une route principale, qui était traversée par une route plus secondaire ou même tertiaire, où la vitesse limite au début était de 45 milles à l'heure. On a constaté que la vitesse moyenne des véhicules, qui passaient au carrefour, était de 64 milles à l'heure, même si l'indication était de 45. Pour en savoir un peu plus long sur ce phénomène, on a mis la vitesse à 60 et mis le radar encore là pendant quelques mois. On a constaté que la vitesse moyenne était de 63 milles à l'heure. Statistiquement, c'est la même chose. On a ensuite réduit à 50 et la vitesse moyenne était de même ordre, de 63 ou 64 milles à l'heure. On s'aperçoit que, finalement, on peut conclure que c'est le conducteur qui porte un jugement, lui-même. Il ne se fie pas tellement sur la signalisation, à moins qu'il soit assuré que cette signalisation est surveillée par un policier en devoir. Evidemment, c'est toujours ce phénomène de la peur.

Suite à ces constatations, et aux constatations de notre ministère dans d'autres cas, ce que nous envisageons présentement, c'est de déterminer les points noirs. Nos statistiques nous permettent de déterminer quels sont les endroits sur les routes du Québec où il y a un grand nombre d'accidents. Nous sommes à faire ce travail présentement, pour ensuite demander à la Sûreté du Québec d'être visible, d'être présente. Nous croyons que, finalement, le nombre de policiers, ne serait peut-être pas nécessairement accru. Ce n'est peut-être pas nécessairement le besoin d'un plus grand nombre de policiers, mais peut-être mieux placés, plus sévères, bien sûr, en les plaçant au bon endroit et aussi en corrigeant ces points noirs, parce qu'il y a un certain nombre de cas qui sont...

M. TETLEY: Une note du président.

M. BERTHIAUME: J'achève. Je pense que cela résume... Je voulais dire aussi que sur les écoles de conduite, nous avons une réglementation qui est en préparation. En fait, nous avons un premier projet qui est prêt et j'espère, au début de 1975, pouvoir le faire adopter par le conseil des ministres, c'est une nouvelle réglementation sur les écoles de conduite, une modification au système de démérite également. Je dis toutes ces choses pour montrer que même si nous sommes critiqués, malgré tout cela, nous sommes actifs et nous essayons d'attaquer globalement tout ce problème de la sécurité routière.

En terminant, je tiens à souligner ce que j'ai dit au début. Nous croyons, malgré tout ce que je viens de dire, que finalement, le meilleur chemin à suivre est celui de l'éducation, parce que c'est le conducteur qu'il faut changer, comme le dit le rapport Gauvin.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de L'Assomption.

M. LETOURNEAU: M. le Président, est-ce que vous me permettez une intervention?

LE PRESIDENT (M. Brisson): La parole est au député de l'Assomption, parce que le ministre, dans ses explications intéressantes a dû prendre 21 minutes.

M. LETOURNEAU: Je serai bref, M. le Président, si vous me permettez.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Après le député de l'Assomption, probablement que les... Vous enchaînerez votre réponse à ses questions.

M. LETOURNEAU: Merci.

M. PERREAULT: A la page 7 de votre rapport, à l'article 7.2.3, vous dites que la Chambre croit que, par l'abolition du mécanis- me de la "Facilité" et la non-sélection des risques, les petites entreprises d'assurance québécoises seront appelées du fait même à disparaître.

Or, on sait que le rapport Gauvin a énormément critiqué la "Facilité" telle qu'elle est appliquée dans le moment. Est-ce que vous proposez une modification du système pour tenir compte des besoins des entreprises d'assurance québécoise?

M. LETOURNEAU: M. le Président, je demanderais à mon collègue, M. Morin, de répondre à cette question, si vous me permettez.

M. MORIN (Pierre): M. le Président, le mécanisme de la "Facilité" permet actuellement de répartir ce qui est convenu d'appeler des "mauvais risques" parmi tous les souscripteurs d'assurance. On suggère le maintien du...

M. PERREAULT: Avez-vous tenu compte des critiques du rapport Gauvin qui dit qu'il y a un trop grand usage du phénomène de la "Facilité"? C'est peut-être une question du contrôle, plutôt que du système lui-même qu'il faudrait remettre en question. C'est qu'actuellement, il se pose des problèmes au niveau de la demande. Autrement dit, qui doit obtenir un V2-C? C'est la formule V2-C généralement qui amène la surprime et l'accès au système de "Facilité". C'est peut-être au niveau du contrôle de l'accès au mécanisme de "Facilité" plutôt que le mécanisme de "Facilité" lui-même qu'il faudrait remettre en question.

M. LETOURNEAU: M. Lavigueur veut ajouter à ces remarques, M. le Président.

M. LAVIGUEUR: Je voudrais être un peu plus précis, M. le Président. Dans la réponse, il faut dire que ce qui nous a étonnés, c'est de voir la réaction des compagnies d'assurance bien québécoises qui sont peut-être les moins bien pourvues dans un marché de gigantisme. Vous savez que des compagnies d'assurance, comme n'importe quelles autres, se sont fusionnées, et que, jusqu'à un certain point, dans les cinq dernières années, les entreprises outre-québécoises ont accéléré le mécanisme de fusion, plus que nos entreprises québécoises. Or, celles-ci nous ont bien relaté qu'il faut faire un trait d'union entre ce qu'on appelle "Facilité" et ce qu'on appelle facilité d'absorption des risques. Ce sont deux choses. Dans un cas, la "Facilité" c'est de placer un risque mauvais dans le marché et de le répartir le plus possible. Dans l'autre cas, c'est de l'absorber pour une compagnie, selon sa grosseur ou selon son envergure.

Or, les compagnies plus petites nous disent ceci: Si elles sont face à un système où la "Facilité" n'existant plus, elles devront absorber leur juste part des risques moins bien tarifiés, elles seront aussi obligées de les absorber dans une moins grande proportion. C'est

normal, leur envergure étant beaucoup moindre, et ce qui donnera plus d'emprise sur le marché à des compagnies de plus grande envergure, ce qui, finalement, fera que la concurrence se fera davantage entre les grandes corporations d'assurance, et ce qui laissera moins de jeu aux petites à faire la concurrence, ce qui pourra les amener, ou les diriger davantage vers d'autres fusions avec des organismes beaucoup plus gros qui seront outre-québécois.

A ce moment, nous pourrons penser que cela pourra amener, comme la conclusion le dit, une fois qu'elles seront disparues: Devons-nous assister à la naissance d'un secteur témoin de l'assurance-automobile ou à la nationalisation de l'industrie?

En d'autres mots, il y a deux façons de voir la nationalisation de l'industrie. C'est de ne pas laisser la concurrence jouer aussi facilement pour les gros que pour les petits et, finalement, voir disparaître les petits à l'avantage des gros qui sont outre les frontières québécoises, dans beaucoup de cas, et donc, plus facilement motivables, vers une nationalisation parce qu'à ce moment, ils n'auront qu'à aller écrire leur assurance ailleurs et ils ont d'autres moyens pour le faire. L'assureur québécois ne doit agir qu'au Québec. C'est dans ce sens qu'on voyait la "Facilité" et la non-sélection des risques comme une partie intégrante de notre rapport, en ce sens que cela affaiblissait — selon les assureurs québécois, en particulier, que nous avons rencontrés, les plus petites industries — leur pouvoir d'absorption des risques. Ils sont bien contents, en d'autres mots, de partager actuellement, les mauvais risques avec tous les autres assureurs sur le plan de la "Facilité".

M. PERREAULT: Ma deuxième question est courte. Si on en arrivait, éventuellement, à la nationalisation de l'industrie de l'assurance par la régie d'Etat, est-ce que votre point de vue serait qu'il y aurait un secteur témoin qui serait créé avant d'arriver à l'étape finale?

M. LETOURNEAU: Je ne crois pas que nous pensions dans ce sens. Je pense d'ailleurs que le rapport Gauvin ne fait pas allusion à des situations de ce genre. C'est tout simplement une hypothèse que nous avons faite dans le contexte où les recommandations du rapport Gauvin seraient appliquées telles quelles et en faisant l'hypothèse que, comme l'a signalé M. La vigueur, dans une application telle quelle, les compagnies basées au Québec seraient défavorisées par le nouveau système de répartition des mauvais risques.

Alors, nous ne favorisons pas la création d'un secteur témoin. Nous disons que, si on fait l'hypothèse de l'application du rapport Gauvin tel que préconisé, cela sera peut-être une idée qui viendra à l'Etat, à ce moment.

Si vous me permettez d'enchaîner comme vous me l'avez permis, M. le Président, concernant les remarques du ministre Berthiaume, je signale comme lui... J'ai mentionné des statistiques tantôt, des comparaisons entre Toronto et Montréal, et je suis d'accord avec lui. Il ne faut pas sauter trop rapidement aux conclusions lorsque, particulièrement, on compare les mises en accusation concernant la conduite dangereuse, les comparaisons entre Montréal et Toronto.

Il ne faut pas nécessairement blâmer les policiers. Il y a toute une situation qui peut causer cela et où le système judiciaire peut être mis en cause. Si, par exemple, les juges au Québec rendent extrêmement difficile la preuve de la conduite dangereuse devant la cour, il peut arriver que les policiers soient découragés d'essayer de faire des causes avec la conduite dangereuse.

Alors, c'est la preuve que la question de la sécurité routière implique beaucoup d'autorités à l'intérieur du gouvernement et que cela peut être complexe de l'aborder. Il ne faut pas tirer de conclusions trop rapides là-dedans. Mais nous soupçonnons que l'attitude des juges, en cour, vis-à-vis d'une accusation de conduite dangereuse, peut avoir une conséquence sur l'attitude des policiers dans l'émission de contraventions pour conduite dangereuse, que cela soit en vertu du code criminel ou en vertu du code de la route. Cela, évidemment, demande encore une fois une étude et c'est pourquoi nous disons qu'il aurait fallu qu'à cette commission... Evidemment, le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives nous l'a signalé tantôt. A d'autres occasions, le ministre des Transports était ici. Mais nous croyons aussi que le ministre de la Justice est d'une façon très importante directement concerné par l'aspect de la sécurité routière, que nous avons soulevé.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Avez-vous terminé?

M. LETOURNEAU: M. le Président, excusez-moi. Concernant les plaques réfléchissantes...

M. TETLEY: Permettez-moi... M. LETOURNEAU: Oui.

M. TETLEY: Nous avons convenu de vous laisser le temps à la fin parce que nous ne voulons pas imposer le bâillon, mais je suis certain que les questions soulèveront les réponses que vous avez en vue.

M. LETOURNEAU: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Charlesbourg.

M. HARVEY (Charlesbourg): M. le Président, à l'instar du ministre d'Etat aux Transports, je crois que vous avez fait un travail formidable, particulièrement au chapitre de la

sécurité routière, qui est un pendant, en fait, indissociable du coût de la prime.

Cette volonté de vouloir réorienter notre action et, comme le disait le ministre précédemment, être beaucoup plus énergique en matière de sécurité routière, cela va certainement avoir des effets bénéfiques.

Dans tout votre mémoire, il y a peut-être une question qui me vient à l'esprit et qui n'a pas été abordée et je ne voudrais pas que la réponse vienne de M. Lavigueur, même si je le connais fort bien, mais compte tenu de son association professionnelle, je voudrais plutôt l'adresser à M. Létourneau. Est-ce que vous favorisez ou non le "no fault", soit la responsabilité sans égard à la faute, en entier ou en partie? Vous n'en faites pas mention dans votre rapport.

M. LETOURNEAU: M. le Président, encore une fois nous avons examiné la question sous tous ses angles et le "no fault" en entier; ce que nous ne sommes pas capables d'apprécier, c'est l'impact que cela aura sur l'attitude du conducteur de véhicule automobile d'une part, et, d'autre part, l'impact que cela aura sur l'équité de l'indemnisation des victimes. Nous croyons qu'il y aura des conséquences, qu'il y aura des cas, d'après le modèle qui a été soumis à cette commission par le rapport Gauvin, il y aura encore des cas d'équité, des cas qui ont d'ailleurs été démontrés par d'autres que nous, préalablement, à cette commission. Alors, nous ne pouvons pas trouver de réponse satisfaisante, nous avons examiné cela sous tous ses angles et, un peu comme vous, nous ne pouvons pas trouver de réponse satisfaisante pour nous brancher, pour nous décider à dire: C'est bon ou ce n'est pas bon. Malheureusement, je dois dire que nous ne pouvons pas répondre à la question malgré tous les efforts que nous y avons mis. Il aurait fallu dépenser des ressources de temps, de personnel et d'argent dont nous ne disposions pas pour avoir des réponses satisfaisantes aux questions que nous nous sommes posées sur cet aspect des recommandations du rapport Gauvin, c'est-à-dire la non-responsabilité. Cela va avoir des impacts. On a examiné l'affaire d'une manière théorique. Mais en pratique aller aussi loin que cela le propose, vraiment cela nous dépasse comme possibilité de conséquences et nous ne sommes pas capables de l'apprécier, de l'évaluer. En conséquence, nous préférons, manquant d'expertises, ne pas nous prononcer, M. le Président.

M. HARVEY (Charlesbourg): Vous déplorez, dans votre mémoire, le manque de discipline du consommateur québécois, du Québécois et cet impact dont vous faisiez état tout à l'heure vis-à-vis du conducteur face à la responsabilité sans égard à la faute, de l'approuver d'une façon sine qua non pourrait risquer encore davantage de gâter la sauce chez le conducteur qui est le moins docile à l'endroit des restrictions qui sont imposées au code de la route. M. Lavigueur peut y répondre, je pense.

M. LAVIGUEUR: C'est une réaction a priori, mais encore une fois il faudrait aller plus loin que ce que nous pouvons constater par l'information disponible, même la plus experte, qui a été présentée devant cette commission et que nous avons pu, d'autre part, examiner.

M. HARVEY (Charlesbourg): Vous êtes d'accord en fait pour l'éducation accélérée, amplifiée et peut-être même antérieure aux années de conduite d'automobile pour le conducteur qui peut débuter à seize ans, même au niveau scolaire.

M. LAVIGUEUR: Oui, nous sommes d'accord pour l'éducation, mais nous sommes d'accord pour une éducation dans un sens très large en ce sens que, pour nous, cela inclut l'application de la loi qui est une forme d'éducation du conducteur de véhicule automobile.

M. HARVEY (Charlesbourg): Une dernière courte question. Lorsque, tout à l'heure vous disiez que les personnes de ressource, notamment de la Sûreté du Québec, déploraient le fait que l'application des lois au Québec n'était pas faite d'une façon aussi rigide qu'elle devrait être faite, est-ce que votre insinuation ne voulait pas laisser planer qu'il pouvait y avoir une influence politique sur le pouvoir judiciaire?

M. LETOURNEAU: Nous ne sommes pas en mesure de faire cette preuve et nous ne...

M. HARVEY (Charlesbourg): Vous n'avez pas insinué cela non plus.

M. LETOURNEAU: Disons que les observations que nous avons recueillies des personnes que nous avons consultées semblent indiquer que l'influence politique est presque toujours présente, n'importe où en ce domaine, mais que la situation sous cet angle s'améliore au Québec. C'est tout ce que nous pouvons dire sur le sujet. Elle s'améliore, dans le sens qu'il y en a de moins en moins.

M. HARVEY (Charlesbourg): Remarquez qu'il ne devrait pas y en avoir, j'en suis sûr. Mais j'appréciais davantage votre réponse tout à l'heure, lorsque vous évoquiez le fait que la preuve, au moment de plaider cette cause en cour, était très difficile à faire par le policier et c'était peut-être la raison de son désintéressement à une poursuite judiciaire" imposée au code de la route pour pénaliser le conducteur qui commet une faute. J'achète davantage cette...

M. LETOURNEAU: Ce qui revient toujours à l'application de la loi par tous les niveaux d'autorité qui ont des responsabilités en fonc-

tion de l'application de la loi et une meilleure coordination de leur action.

M. HARVEY (Charlesbourg): C'est ma dernière question, M. le Président, on parle toujours de budget, de piastres et de cents, vous recommandez dans votre rapport le port de la ceinture. Je pense que là-dessus l'Etat ne peut pas évoquer le fait que ça coûte de l'argent et s'il y a quelque chose, je pense que c'est le devoir de l'Etat d'imposer le port de la ceinture obligatoire. Evidemment, encore là, ça se situe dans un contexte où, d'une façon discutable, on peut l'imposer sur les autoroutes ou sur des routes nationales. Mais, à l'intérieur des murs de certaines municipalités, on chevauche entre des règlements qui s'appliquent au niveau de la restriction de la circulation, de la limite de vitesse dans les villes et la province est au-dessus de tout ça. En principe, je suis entièrement d'accord pour votre recommandation sur le port de la ceinture. Les preuves sont faites aux Etats-Unis et même en Europe maintenant. Je pense que le gouvernement ne peut pas dire que ça coûterait des millions et, si ça sauvait des vies, faisait économiser le citoyen québécois, protégeait surtout le citoyen ou le consommateur, on n'a pas de raison d'hésiter. Evidemment, encore là, il y a de l'éducation à faire pour en arriver à l'imposer. Je pense que le module est en marche et il faudrait y arriver, j'apprécie grandement cette recommandation.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Bellechasse, une dernière question.

M. MERCIER: M. le Président, le député de Charlesbourg a soulevé quelques points sur lesquels j'aurais aimé avoir des commentaires, — nous les avons obtenus — mais de façon plus précise, lorsque vous parlez de l'application des règlements de la circulation et de cette absence de patrouille routière. Ma question est celle-ci: Est-ce que vous seriez favorable à l'implantation d'une patrouille routière autonome ou comparable au Highway Patrol dans les Etats américains?

M. LETOURNEAU: Disons que c'est une question compliquée. La création d'une patrouille spécialisée, théoriquement, devrait donner de meilleurs résultats. Je dis bien, théoriquement, parce qu'il faut considérer beaucoup de facteurs là-dedans. Il y a le facteur du coût qu'il ne faut pas ignorer, parce qu'il y a toujours une question de coût-bénéfice. Il y a aussi et avant tout une question d'attitude et de priorité dans l'esprit de ceux qui sont chargés de la direction des opérations en matière policière. Si on met une priorité sur la question du respect du code de la route, on ne donnera pas, par exemple, cette responsabilité au nouveau, qui arrive, comme étant la chose à faire au départ, pour un type qui n'a pas d'expérience et qui entre au service de la police. Si on convient que ça devrait être fait par des gens qui ont certaines aptitudes et certaines attitudes concernant la sécurité routière, déjà, on a gagné énormément. Si on fait, à la répartition du travail et des responsabilités des agents, une place bien définie et bien identifiée pour le respect de la sécurité routière, déjà on pourra arriver à d'excellents résultats.

Est-ce que la meilleure méthode est la création d'une patrouille spécialisée? Ma réponse est théoriquement oui, seulement il faut examiner à quel coût, encore une fois, on en est bien conscient aussi...

M. MERCIER: Si vous me permettez, vous avez fait allusion à cette absence de courage politique.

M. LETOURNEAU: Oui.

M. MERCIER: Est-ce que le courage politique auquel vous faites allusion, dans l'application des règlements de la circulation, n'est pas au fond cette absence de moyens financiers ou techniques dans l'application des règlements? Si vous avez analysé le système actuel qui prévaut dans la patrouille routière, vous avez constaté qu'il y a une absence de moyens.

M. LETOURNEAU: II y a deux dimensions à cette affaire. Si les moyens financiers sont accordés par l'autorité politique à la force policière pour remplir son devoir en cette matière et que la volonté politique est exprimée auprès de ceux qui en ont la responsabilité, le travail va se faire.

Quand j'ai fait part de la question de courage d'application de la loi, je n'ai fait que citer les propos du directeur de la Sûreté du Québec qui était membre de notre comité à l'époque.

M. MERCIER: Lui avez-vous posé des questions relativement à l'utilisation des effectifs?

M. LETOURNEAU: Nous avons posé des questions très élaborées sur l'utilisation des effectifs, la spécialisation, et je dois dire que la situation qui existait à l'époque a grandement évolué, a changé vers le pire, vers le meilleur et vers le pire encore. Je ne voudrais pas rappeler la situation exacte qui existait à ce moment-là parce qu'elle ne serait pas pertinente dans le contexte actuel. Mais il y a eu des évolutions vers le meilleur et vers le pire et des flottements dans ce domaine-là. Cela semble continuer, on ne sait pas trop de quel côté on va s'orienter. En définitive, je pense que, pour que cela se produise comme on le désire, il faut l'expression d'une volonté politique ferme auprès des responsables de l'activité policière. C'est ce que cela demande, d'abord et avant tout.

M.MERCIER: Ce qui découle évidemment de budgets additionnels?

M. LETOURNEAU: Peut-être. Cela dépend d'où on mettrait la priorité dans le travail des policiers qui sont en service actuellement. Il s'agirait peut-être, tout simplement d'abord, d'augmenter de 10 p.c. ou 20 p.c. la répartition du travail en en mettant plus du côté de la protection routière. Quels sont les besoins ailleurs? Je ne les connais pas en détail. Cela reste à examiner.

M. MERCIER: Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que vous auriez d'autres courtes, très brèves remarques, M. Létourneau?

M. LETOURNEAU: Oui, M. le Président; je vous remercie de m'en fournir l'occasion. J'en ai une concernant une remarque de M. le ministre d'Etat aux Transports, tout à l'heure, sur la question des plaques réfléchissantes. Peut-être que cela ne vous apparaîtra pas comme un point majeur, cependant. Cela nous a frappés à l'époque, cette histoire de plaques réfléchissantes. Nous avons examiné ce dossier et nous sommes au fait de l'étude de la Virginie qui a été examinée par les ministres des Transports du Canada et qui a été faite par le Virginia Highway Research Council; elle a été publiée en décembre 1973, je crois.

Depuis cette étude, il y a eu un examen de cette étude par d'autres experts et une critique assez sévère de l'étude de la Virginie par M. William L. Sax. Directeur des études de sécurité du groupe de la protection des transports en Virginie. Celui-ci met en doute certaines des conclusions ainsi que la méthodologie utilisée par le Highway Research Board de la Virginie.

M. le Président, ce serait une question peut-être assez élaborée. J'aimerais, si vous me le permettez, pouvoir discuter ces aspects techniques avec le ministre responsable et lui présenter les dossiers que nous avons sur ce point, et où nous croyons qu'il y a encore lieu de se poser des questions sur le fait de l'efficacité des plaques réfléchissantes de même que sur leur coût. Encore là, le coût est une dimension, mais s'il y a un rapport coût-bénéfice, qui est à l'avantage de la sécurité, peut-être que la mesure est opportune. D'ailleurs, un grand nombre d'Etats ou de pays ont actuellement et continuent d'avoir satisfaction des plaques réfléchissantes. Je ne voudrais pas m'étendre plus longuement sur ce point.

Concernant le "design" des routes, je vois que le ministère aborde la question de la même façon que nous. Je tiens à signaler que nous avons considérablement raffiné nos recommandations en matière de développement routier et que, contrairement à certaines personnes qui, par exemple, dans le cas de la communication routière entre Québec et Chicoutimi, voulaient obtenir un grand boulevard à quatre voies, notre organisme, nos Chambres de commerce ont été parmi ceux qui ont recommandé les mesures les plus adéquates pour répondre aux besoins, notamment l'addition de pistes le long des côtes longues et des moyens de ce genre.

Ces projets ont justement été entrepris par le ministère et sont beaucoup moins coûteux que de grandes routes très larges qui correspondent foncièrement aux problèmes de sécurité et qui ont considérablement amélioré la situation sur ces routes.

Enfin, concernant la vitesse, nous sommes d'accord avec le ministre que le rapport entre la vitesse et la fréquence des accidents est, jusqu'à un certain point, difficile à établir; mais, encore une fois, que ce soit 50, 60, 70 ou 75 milles à l'heure, l'important, c'est qu'à partir du moment où on affiche une vitesse limite, qu'on la fasse respecter. C'est cela qui est le plus important, beaucoup plus que le chiffre qui est indiqué sur le panneau indicateur signalant le maximum permis. Effectivement, en matière de sécurité routière, selon nous, l'enseigne la plus efficace, c'est le mot "police" écrit sur un véhicule moteur.

M. BERTHIAUME: M. le Président, je ne sais pas si la commission me permettrait de poser une question que j'ai oubliée de poser, concernant la signalisation. Justement, je ne sais pas si vous pourriez expliciter votre point de vue. J'avais dit, pendant mon intervention, que je reviendrais sur la signalisation et je l'ai oublié. En fait, je voulais poser une question. C'est la suivante: Nous considérons, et les autres provinces considèrent que le Québec est le plus avancé en matière de signalisation. On en est bien content, on se tape dans le dos, mais s'il y a des problèmes que vous percevez, j'aimerais que vous puissiez les expliciter.

M. LETOURNEAU: II y a plusieurs affiches routières qui, selon l'avis de membres de notre comité et de personnes qui étaient aussi compétentes — nous l'estimons — en la matière qui sont pas situées aux bons endroits, c'est-à-direpas suffisamment. Je veux parler de la signalisation préventive, c'est-à-dire de la présignalisation, de l'avertissement au conducteur qui va arriver à un carrefour qui peut l'amener à un endroit ou à un autre, du choix des endroits des noms de localités qui apparaissent sur les affiches, comme moyens d'information efficace surtout pour les personnes étrangères à la région: en somme donc, des dimensions, de la présignalisation, de l'endroit où se situe l'affiche routière pour indiquer qu'il y a un carrefour, de la distance de ce carrefour et du choix des endroits où les routes dont on a le choix conduisent.

Je pense qu'on entre dans un débat qui peut être très technique, encore une fois, M. le Président, et nous sommes prêts à en débattre plus longuement avec le ministre intéressé pour faire part de nos suggestions et recommandations.

M. BERTHIAUME: Sur les questions techniques, je suis bien mal placé pour en discuter. Je suis loin d'être un technicien des transports. Je préférerais que ce soit sur la question des plaques ou sur cette question, apporter un commentaire sur la signalisation.

M. LETOURNEAU: II y a un exemple très concret qui se manifeste à Montréal, sur la nouvelle autoroute Ville-Marie, direction ouest.

M. BERTHIAUME: Je me permets de signaler une chose en ce qui concerne l'indication des municipalités, le long de nos routes. Nous indiquons habituellement deux municipalités, la plus près et la plus importante dans la région. La raison pour cela, c'est pour éviter d'avoir une litanie de municipalités dans la signalisation qui justement aurait une incidence négative sur la sécurité; parce que le touriste serait appelé à ralentir et serait distrait pour une assez grande période de temps afin de lire tous les noms.

Vous vous souviendrez, pendant les années cinquante, le genre de signalisation que nous avions au Québec. D'abord, elle était petite et, des fois, on avait des litanies. Je me souviens, dans les Laurentides, par exemple, au nord de Montréal, où il y avait une litanie de municipalités. Cela prenait trente secondes pour les lire toutes. L'incidence sur la sécurité était très importante. Nous croyons qu'en nommant deux municipalités, d'une façon générale, nous ne distrayons pas le conducteur trop longtemps.

Evidemment, tout le monde sait que le ministère des Transports fournit à la population de belles cartes routières. Nous croyons que les touristes, les automobilistes, les étrangers à une région, devraient se prévaloir de ces belles cartes.

M. LETOURNEAU: Pour autant qu'ils peuvent y avoir accès.

M. BERTHIAUME: Ah, facilement!

M. LETOURNEAU: M. le Président, mon collègue, M. Morin, aurait une courte remarque à ajouter concernant la question posée par M. le ministre.

M. MORIN (Pierre): M. le Président, j'aurais un court commentaire sur la signalisation dans le contexte de la construction et de la réparation de routes, que les députés pourraient vérifier à loisir. Actuellement, sur la route 20, il y a de la construction tout près de Québec, un carrefour qui se construit. Il y a une très bonne signalisation routière, même de nuit. Il y a actuellement aussi des travaux qui se font près de Saint-Hyacinthe, en direction ouest, vers Montréal. Lorsque vous arrivez la nuit, il y a des robots, il y a des messieurs robots, mais qui ne se voient que lorsqu'on est rendu sur eux.

M. LETOURNEAU: Alors, c'est un autre point sur lequel nous avons longuement insisté, la question de la signalisation dans les cas de construction de routes, qui est encore, malheureusement, déficiente et le rapport Gauvin, d'ailleurs, se prononce là-dessus. Nous sommes parfaitement d'accord sur la recommandation à ce sujet. C'est un point où il y a de grandes faiblesses, particulièrement au Québec.

M. le Président, je ne voudrais pas prendre plus de temps de la commission, puisque nous arrivons à la conclusion. Je veux tout simplement signaler que nous avons insisté grandement sur la sécurité routière, mais que nous ne parlons pas que de cela, nous avons d'autres recommandations sur le reste du rapport du comité Gauvin. Nous constatons que le comité Gauvin veut donner à l'Etat de nouvelles responsabilités. Nous vous mettons en garde sur la façon dont ces responsabilités peuvent être exercées. Nous considérons la manière dont l'Etat exerce ses responsabilités en matière de sécurité routière. Quand on regarde cela, on se demande avec quelle efficacité l'Etat — et je parle surtout de l'appareil administratif — pourrait mettre en application le chambardement complet que recommande le rapport Gauvin en matière d'assurance-automobile. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre des Institutions financières.

M. TETLEY: M. le Président, MM. Létour-neau, Lavigueur et Morin, je vous remercie de votre présence. Nous notons tous votre première demande qui serait peut-être d'améliorer la sécurité routière. Vous avez d'autres recommandations. Vous avez soulevé le dilemme, l'intervention de l'Etat et pas trop d'interventions. Je crois que la Chambre de commerce a un rôle à jouer comme toute autre institution qui est venue devant nous, les syndicats, le Conseil du patronat, les groupes de consommateurs, etc. Je crois que vous avez très bien rempli votre rôle. Je vous remercie, au nom de tous, de votre présence.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je voudrais aussi remercier la Chambre de commerce d'être venue présenter sa perception des correctifs à apporter dans la situation de l'assurance-automobile. Je voudrais clarifier ce que j'ai dit tantôt concernant la crédibilité. C'est qu'un organisme qui a à défendre les intérêts de ses membres est d'autant plus digne de foi sur un sujet particulier quand il est capable de toucher autant les carences de personnes qui ne sont pas membres de son association que de trouver les déficiences de ses membres. A ce moment, quand on voit qu'il touche les deux aspects, on se dit: Cela doit être assez croyable. Quand il touche très peu l'aspect de ses membres, c'est là

qu'on se dit: II aurait pu aussi trouver les déficiences de ce côté. C'est dans ce sens que j'ai parlé de crédibilité.

LE PRESIDENT (M. Brisson): M. Létour-neau.

M. LETOURNEAU: Merci beaucoup, M. le Président. Je me permets de signaler pour terminer que, si nous avions examiné complètement toute la situation de l'assurance et si nous avions fait rapport complètement sur tout ce que nous avons constaté — qui ne nous a pas amenés à des conclusions, et c'est pour cela que nous n'en avons pas fait rapport — sur tout ce que nous avons été à même de constater dans le domaine de l'assurance... Il y a des lacunes, il y a des failles, nous le reconnaissons. Nous avons considéré les recommandations, les changements qu'on préconisait et, là aussi, il y a tellement de possibilités de failles et d'arbitraire qu'on est resté indécis, à savoir si la proposition était meilleure que la situation actuelle. Merci, M. le Président, de votre patience à nous écouter. Nous avons des copies, pour votre information, sur nos études de 1967 et de 1965 sur le coût de l'assurance-automobile et la sécurité routière. Merci.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Merci infiniment.

Maintenant, j'inviterais M. W. F. Foster, s'il vous plaît. M. Foster, vous avez 20 minutes pour faire votre exposé et un résumé de votre mémoire.

M. William F. Foster

M. FOSTER (William): Thank you, Mr. Chairman.

I am here in my capacity as an interested member of the public with relation to the Gauvin Report, and I feel that I represent a certain segment of the academic community in the statements that I am going to make to this committee.

In my brief, I have commented on two aspects of the Gauvin Report, mainly those relating to highway safety and those relating to the compensation of automobile accident victims.

I do not want to take up your time on the first suggestions that I have made, and I fully support the Gauvin Report on them, but I would like to concentrate mainly on the compensatory aspects of the report, the suggestions made regarding the compensation of automobile accident victims.

The Gauvin Committee's recommendations on the question of compensating automobile accident victims, I feel, should be wholeheartedly endorsed, because the committee's report is one of the few, that have been made, that places the problem in its proper perspective. And here, we are dealing with two central issues: first, accidents, and the second, the victims of these accidents. As we all know, an accident is a fortuitous circumstance, an event or a happening which takes place without the intervention of a human agency or, if a human agency is involved, an accident is something that human does not expect. It is an unusual occurrence.

Now, in the field of automobile accidents, these accidents are not designed, are not intented by drivers. They do occur. Many studies have been made of this issue, and the conclusions that can be drawn from them are summarized in my brief, mainly that automobile accidents, regardless of the care taken of increased road safety, are inevitable. Further, they are the result of human error, not fault, and the result of such other factors as environmental conditions and the mechanical state of the automobile.

Finally, these studies have indicated that you cannot say that drivers involved, in by far the majority of the accidents, are truly at fault. You are dealing with human error.

Now, I do not think these conclusions are surprising when you consider that by far the majority of drivers on Quebec roads have no competence in anything but normal routine driving situations.

Now, to turn to the other central issue, mainly victims, a victim is anyone who suffers loss in an accident. The term "victim" encompasses both plaintiffs and defendents, and it encompasses all those others injured on the roads who today have no recourse under the existing "fault insurance system" of compensation.

The Gauvin Committee, in recommending the compensation of all automobile accident victims, accepts automobile accidents for what they are, an unavoidable and tragic fact of modern life; they are a necessary evil and they affect all aspects of our society and I feel that the costs must be borne by society, which after all, is the beneficiary of the modern transportation system.

The compensation plan recommended by the Gauvin Committee has three main general objectives. The first is community responsibility; the second is universal entitlement to compensation and the third is real, maybe not complete, according to the present system, but real compensation for losses that are suffered.

The only way in which you can assess whether a value judgment, such as that made by the Gauvin Committee, which is that all person should be compensated, is a valid one, is I think, by determining whether the objectives set out by the plan can be fulfilled. And with the Gauvin Committee's recommended plan, I think there is little doubt that the objectives which are set out to be achieved by the report can be achieved.

This cannot be said of the existing fault insurance system. It fails to meet the objectives set for it by its advocates or which the main one, of course, is the Bar of Quebec.

The objectives of the fault insurance system, on reading the brief of the Bar of Quebec, are three in number: The Bar refers to the religious and philosophical basis of the concept of fault, they argue it satisfies the public's sense of justice. The wrongdoer is brought to account. Secondly, they claim that it deters people from acting irresponsibly and educates them to drive more carefully. Thirdly, it is claimed that the existing system guarantees the injured party compensation equivalent to the injury he sustains.

I think there can be little doubt that the various analysis of the fault insurance system, including that in the Gauvin Committee, clearly show that these objectives are not met.

In addition, the existing system is plagued by many other problems in its operation, which result in it being a very wasteful and expensive system to operate and a system which works great hardship even on the victims who are fortunate enough to have recourse to it.

In the past, efforts have been made to reform this fault insurance system of compensating automobile accidents, either by trying to improve it at the financial responsibility and administrative levels, an exemple of this is the highway victims indemnity Act, or by superimposing a system of so-called no fault insurance as was done in Ontario and which the Quebec Bar suggests should be done in Quebec.

None of these solutions have succeeded in taking the heat off this issue and, in fact, the introduction of these reforms, in particular those encouraging the purchase of liability insurance and of so-called no-fault insurance have given impetus to the development of what could be termed the fourth objective of the fault system, namely that of loss distribution, spreading the loss through society.

This objective directly conflicts with those of justice which are referred to before and deterrence.

Because underlying the fault system's objectives of justice and deterrence is the idea that the loss caused by a wrongdoer should be borne by him and the system originally was designed to ensure that this in fact took place. However, through the development of liability insurance the so-called wrongdoer under the fault system, instead of personally footing the bill, is able to pass it on until it is finally absorbed by an appreciable section of the community — wrongdoers and innocents alike, persons who are guilty, sort of speak of causing accidents and the victims who are injured in the accidents. So, all in all, you can summarize the situation by claiming that the existing fault insurance system is both rational and discriminatory in its operation.

If the objective now sought is the distribution of losses arising from automobile accidents there surely must be a simpler, more rapid, more economic, and more just and equitable method of achieving this and I would suggest that the recommendations in the Gauvin report are aimed in the right direction.

To conclude this rather brief presentation, because I would like to leave time for some questions, I would like to point out that I do not think it is necessary, for those who advocate drastic reform as the Gauvin Committee has done, to prove that it is either ideal or perfect. Any system will necessarily be open to criticism because of what are perceived to be defects. However, it should be sufficient if the new system is relatively better and more just from the point of view of society, as a whole, than the system it replaces. If it is, then I think it merits serious consideration and should be adopted. Thank you very much.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. TETLEY: Avant de prendre la parole, est-ce que nous allons continuer ou est-ce que nous allons ajourner pour la période du déjeuner?

M. LEGER: Pardon?

M. TETLEY: Je pose cette question, aux députés ici présents : Ajourner ou continuer?

M. LEGER: J'aimerais qu'on continue un peu plus loin, si on peut le terminer au plus tard à 1 h 20, quelque chose comme cela, si on en a assez.

M. TETLEY: Si on peut tout terminer...

M. LEGER: Moi, je n'ai pas 20 minutes de questions.

M. TETLEY: C'est parfait, moi non plus. Je vais me limiter à peut-être cinq minutes.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'accord.

M. TETLEY: Professor Foster, thank you for coming. I must make a "mise au point" right from the beginning. I note, with pleasure, that you have dealt with the question of the indemnity for a victim of an automobile accident, while in respect to the question of highway safety, you have said that you approuve the Gauvin report and have, I think quite properly, left it at that. I say quite properly because I understand that you were one of the experts, consulted by the Gauvin Committee on highway safety that our questions on road safety should therefore be directed to the commission, when it returns. To question you,

an expert, we would not be questioning the proper person, it should be the commission.

As concerns your recommendations as the proper system of indemnity, I would ask you briefly, to look at your conclusion on page 7, to elaborate where you state and I quote: "In final analysis the crucial question which must be asked when re-evaluating the problem of compensating the victims of automobile accidents is: Should all victims be entitled to compensation, or should only those victims who are injured by the fault of another be entitled to compensation"? Could you, briefly again, summarize this crucial if not primordial point?

M. FOSTER: Basically, the issue involved today, I think, is whether we are going to regard automobile accidents as a phenomena on of our modern society. Similar to the situation which arose in the past with worker's compensation. When it was felt that the existing system which provided workers who where injured in the course of their work, the system which existed then, to provide redress to them for their injuries was totally inadequate to cope with the reality of the situation, the fact that accidents were inevitable because you had a combination of human beings and machines operating that accidents in the majority of cases arose not because any person was truly, morally in fault. Fault, as talked about today in a legal context, is not referred to moral fault or to a guilty mind. That is an objective notion. The many instances when you are driving an automobile, it is only once you had an accident and a jury has looked at the issue in court and a verdict is rendered that you suddenly discover, yes, I was at fault because it is a judgement imposed after the fact. And I feel in the area of automobiles, you have some situations, very drastic situations, that are going to continue to exist. I hope that throughout safety, the total number of accidents and mortalities and injuries can be reduced, but I can quite easily predict that you are never going to stop all accidents or reduce them drastically. So I feel that at this time, society accepted accidents for what they are and, if it is felt that persons who cause accidents should be punished, then leave this to the criminal law and the highway code where morality, the actual state of a person's mind when he is violating, say a rule of the road, engaging in antisocial behavior, can be readily assessed.

M. TETLEY: Professor, an ancillary question please. You say that fault should be in the criminal court, not in the civil court. An argument which has been made before us, often; is that civil fault is a deterrent which reduces accidents. Is there any evidence for or against that proposition?

M. FOSTER: I think the evidence for or against this, would be very difficult to find. But if you look at the various other factors involved, I cannot see that civil liability particularly when you are insured against civil liability, this is why I say it is an irrational system. Liability is supposed to be imposed on people who are at fault. You punish somebody, you expect him to pay the penality. But he does not, his insurer does, it will be much more rational to abolish liability insurance. Then fault, might have a true deterrent effect. The other issues, of course, involved, I can see a person willingly engaging in dangerous driving and saying to himself: I am not going to bother about this question of civil liability, he does not even bother about whether is he going to kill himself, whether he is going to lose his licence. For many more severe penalties in the idea of the public, they do exist, they cannot take place if you drive carelessly, then being dragged into court, having judgment passed against you and having your insurer pay the bill. And yet, then other matters does not seem to influence the driving behaviour of the Quebec public or the public in just about any jurisdiction that has automobiles.

M. TETLEY: Thank you, Professor.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je demanderais à M. Foster si, au départ, il comprend le français.

M. FOSTER: Oui, si vous parlez lentement, s'il vous plaît.

M. LEGER: Alors, je vais parler lentement, de façon à ce qu'on réalise que parfois les deux solitudes se rejoignent, énormément. Je voudrais dire que nous sommes entièrement d'accord sur le mémoire que vous avez présenté. We agree on the content.

M. TETLEY: Politics makes strange bed fellows.

M. LEGER: Cependant, nous trouvons malheureux que nous n'ayons pas eu une copie française de votre mémoire. Cela ne veut pas dire que nous ne l'avons pas compris quand même, puisque son contenu est conforme à notre position. Nous sommes même un peu surpris de voir que notre premier allié, à la commission parlementaire, est un anglophone. Tout comme il doit être lui-même surpris de voir que le Parti québécois soit la seule formation politique au Québec à endosser le rapport Gauvin comme nous le faisons.

Nous sommes particulièrement reconnaissants au professeur Foster de situer son intervention à un niveau qu'on a jusqu'ici qualifié de philosophique.

M. FOSTER: Everybody said it was a philosophical way of thinking.

M. LEGER: En effet, la seule appréciation qui doit être faite du régime proposé par le comité Gauvin n'est pas seulement économique. Si la question du coût est importante, elle ne doit pas être le seul critère exclusif. D'ailleurs le comité Gauvin a explicité, sans aucune réserve, les fondements premiers de ses recommandations dans le chapitre sur les critères de choix pour un nouveau régime d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile.

Nous sommes aussi convaincus que vous l'êtes, que les accidents d'automobile sont, comme vous le dites à la page 4 de votre mémoire — et je vais le dire en français — "un aléa aussi inévitable que tragique de la vie moderne, un mal nécessaire qui affecte l'ensemble de notre société et dont les coûts doivent être assumés par l'ensemble de cette même société, qui après tout, est l'ultime bénéficiaire des avantages de la circulation automobile."

Nous sommes convaincus que la notion de faute est mauvaise et déficiente lorsqu'on l'applique à l'automobile. D'ailleurs d'autres auteurs de mémoire ont affirmé et la plupart ont laissé entendre que la faute est nécessaire à cause de son caractère punitif, ce que nous réprouvons.

Dans votre mémoire, à la page 6, vous parlez de la "deterrence". J'ai essayé de trouver la définition exacte; on m'a dit que "deterrence", c'était une prévention pour arrêter une chose. Je pense que c'est important. La technologie de l'automobile, en attachant à la conduite d'un véhicule automobile des conséquences très lourdes; a rendu désuète la notion de faute.

D'ailleurs, si un homme prudent et raisonnable peut généralement être tenu responsable même d'une faute légère, ce n'est pas la même chose lorsque ce même homme est au volant d'une automobile. Sa capacité habituelle de juger et de décider est altérée par une technologie aussi puissante que celle-là.

Alors, il est impossible à l'individu de faire face à toutes les situations que la conduite d'un véhicule automobile peut entraîner. Si l'on retire le critère de faute du code civil, tous et chacun de nous, quelle que soit la vigilance, la diligence que nous mettons à conduire, on est tous appelés un jour à succomber et à faire une erreur.

Nous ne serions pas prêts, bien sûr, à changer complètement le système, si les coûts entraînés par cette opération étaient trop grands.

Mais, jusqu'ici toutefois, personne n'a prouvé le contraire, personne n'a prouvé que le système proposé par le rapport Gauvin coûterait plus cher. Bien au contraire. Votre mémoire, M. Foster, vient cependant nous rappeler, avec bonheur, que les fondements moraux de la responsabilité sans faute sont beaucoup mieux adaptés à une société comme la société québécoise de 1974. C'est la raison pour laquelle nous appuyons votre mémoire sur le contenu. Je n'aurais qu'une question à vous poser, que vous ne traitez pas comme telle, mais j'aimerais avoir votre opinion là-dessus. C'est la question qui est soulevée, que je vais soumettre à nouveau à M. Gauvin, s'il peut être présent. Je vois que le ministre est parti, j'espère qu'il est allé le chercher. Il ne semble pas être tellement impressionné par la présence de M. Gauvin. Moi, je le suis. Quelle que soit la façon dont M. Gauvin ait pu nous l'expliquer, c'est un peu comme un savant qui explique des choses qu'il n'est pas habitué d'expliquer à des profanes. Je pense que c'est le rôle de M. Gauvin de l'expliquer à des profanes. Je pense qu'il devrait être là, avec M. Rankin qui a fait un bon travail en nous donnant des explications, mais c'est quand même le rapport Gauvin. J'aimerais que M. Gauvin soit présent cet après-midi pour qu'il puisse expliquer à des profanes qui sont intéressés au sujet, les implications et peut-être les trous qu'il peut y avoir dans son mémoire. Il y en a.

La question que je vous pose est la suivante : Qu'arrive-t-il, d'après vous, si on garde un régime de responsabilité sans faute, incluant le régime de base comme le régime supplémentaire, un régime de responsabilité sans faute dans les deux, qu'est-ce qui arrive pour le piéton qui, lui, n'est pas assuré? Est-ce qu'il a encore le droit de recours à une instance civile ou criminelle? Est-ce qu'il est protégé du fait que l'automobiliste qui est assuré contre le piéton, selon la recommandation 21, je pense — c'est la recommandation 21, oui, cela commence à la recommandation 21 — que l'assurance sans responsabilité protège le piéton? C'est donc dire qu'on fait abstraction de la personne qui est à l'intérieur de l'automobile et qui n'est pas le chauffeur. Donc, pour le piéton qui est touché ou qui est affecté par un accident d'automobile, qui le protège comme tel, autant dans l'assurance sans faute que dans l'AutoBAC? Je pense que c'est un problème fondamental. Il faut tenir compte de ce groupe de citoyens comme d'une veuve qui n'a pas d'automobile, qui a des responsabilités et qui est frappée par une automobile, par un automobiliste. Une personne qui a 24 ou 25 ans, qui n'est pas assurée, qui n'a pas d'automobile, qui ne fait pas partie du régime d'assurance, comment est-elle protégée? D'après vous, comment pourrait-on trouver une solution à cela? Si, dans l'ensemble, le rapport Gauvin est acceptable, il y a quand même ce point d'interrogation. Comment voyez-vous le piéton qui peut être protégé par cela, sans avoir à prouver... Sans cela, s'il prouve... Il peut avoir eu un accident autre qu'un accident d'automobile, ce piéton. Il faut qu'il prouve que c'est une automobile qui l'a frappé. Comment peut-on trouver une protection pour le piéton dans le régime "no fault"? Est-ce que vous avez une réponse à cela?

M. FOSTER: Could I just ask for

one clarification? You are saying there is no problem of proof of the accident, just a pedestrian in injured by an automobile accident. Well, the pedestrian would claim from the insurer of the automobile. If there were two automobiles involved and a pedestrian was injured in the process of the collision, he would have a right to claim from either of the insurers and, then, the insurers would share the burden of the compensation between them. The problem that I see, that arises, is with regard to supplementary insurance in a situation like this, because the pedestrian might be able to recover the minimum for which the automobile driver is insured, but what says the pedestrian's loss is greater?

Now, in this area, I have to admit that I disagree slightly with Mr Gauvin on points of detail. When I said that he speaks of community responsability for this scheme, I do not think that he goes quite far enough, because I think the scheme envisages the automobile owner paying the insurance premium to purchase the no fault insurance. I would like to see drivers paying the premium, the automobile owner only having to purchase in excess — he will, of course, be a driver — that in excess, the owner would buy property dommage.

But everybody who drives should be made to purchase insurance, because it is driving that generally causes the accident. It is not merely ownership of an automobile. I would even go one step further and try to find some way — now, you might think I am heading towards state control, I am not really — of making persons who do not drive and who do not own automobiles contribute through some form of taxation, such as everybody contributes to Medicare. I do not think that this would be impossible, and even if the scheme was left in the hands of private insurers, I am sure that a simple and economic method of distributing these extra finances or premimums could be found, so the government could pass them on the insurers in proportion of the insurance they write.

So, in the light of this latter comment that everybody should contribute, I think that the system should be brought to the attention of all persons; every individual will know the basic coverage he possesses and he will be able to — if he thinks that the basic is not sufficient — purchase his own supplementary accident insurance. This is done today. Many people already buy accident insurance to protect them against all sorts of accidents that can arise.

So, this is how I would see — I am not sure if Mr Gauvin would agree, for example — but this is how I would see that a pedestrian, a non-owner of an automobile, a non-driver would protect himself against any loss over and above that, for which he were to obtain compensation under the basic policy.

M. LEGER: Ce que vous dites, c'est quand même une amélioration, mais cela ne tient pas compte du fait que pour celui qui n'a pas d'automobile, qui ne sent pas le besoin de s'assurer comme chauffeur, c'est une bonne amélioration. C'est le chauffeur qui doit s'assurer, même s'il n'a pas d'automobile. Eventuellement, il aura à chauffer, donc il devra avoir une assurance. Je suis d'accord là-dessus. Mais le fait reste que la personne qui est heurtée par un chauffeur doit quand même faire la preuve qu'elle a été heurtée par ce chauffeur. Donc, il y a quand même un besoin de poursuite vis-à-vis du chauffeur. Il y a encore une responsabilité ou une preuve de faute.

M. FOSTER: All you have to establish is that you are involved in an automobile accident. I do not think you would have to prove that it was the driver who ran into you, as a pedestrian, and not you, as a pedestrian, who walked in front of an automobile. As long as you have the fact of an accident, this would be sufficient to entitle you to compensation for the basic, under the driver's policy.

M. LEGER: Oui, mais le conducteur d'automobile qui frappe un piéton, il a, disons, une protection de base. Ce n'est pas parce que le conducteur a une assurance de base qu'il va courir à son assurance et dire: Veuillez rembourser M. X que je viens de frapper. C'est M. X qui doit l'obliger à le rembourser, parce qu'il y a quand même d'autres implications pour le chauffeur. Il peut essayer de s'en débarrasser en disant: Même si je suis assuré par une assurance de base, il y a d'autres implications: pertes de temps, peut-être que ma prime d'assurance va augmenter parce que j'ai eu un accident, etc. Ce n'est pas un intérêt immédiat. Cela peut être un intérêt collectif ou un intérêt de responsabilité sociale que de dire: Je vais avertir mon assurance. Mais le piéton devra quand même poursuivre ou dire au chauffeur: Veuillez me rembourser, ou faire parvenir une mise en demeure quelconque.

M. FOSTER: I can see the problem. The circumstances you outline would be very similar to the ones that exist today when an automobile driver hits a pedestrian. You would still have problems, for example, of hit and run drivers.

M. LEGER: C'est cela. Ce que je vous dis, c'est parce que je pense que c'est une question à laquelle M. Gauvin — s'il était ici cet après-midi, si le ministre peut lui demander de venir — pourrait répondre. Vous remarquez vous-même que c'est quand même un problème.

Une autre question qui me vient à l'esprit — je cherche le terme — concerne celui qui n'est pas le conducteur dans une automobile. Comment appelle-t-on cela? Un occupant qui n'est pas le conducteur. Est-ce que chaque occupant,

une personne qui évalue ses besoins ou sa perte de revenu à $100,000 et une autre qui évalue ses besoins à $35,000, devra dire, avant de monter dans une automobile: Etes-vous couvert pour $35,000 ou pour $100,000, avant que je monte dans l'auto? Il y a quand même ce problème. Ce n'est pas sûr que tous les chauffeurs d'automobile vont s'assurer pour une prime supplémentaire, et, si ce chauffeur n'est assuré que pour la base, son invité dans l'automobile, est-ce qu'il doit, chaque fois, poser la question: II y aura peut-être un accident. Est-ce que vous êtes assuré suffisamment pour que je monte dans votre auto? Il y a quand même un problème de ce côté, si la personne n'a qu'une assurance de base.

M. FOSTER: I would think, as a general rule, that persons who felt they were not adequately protected by the basic insurance would purchase supplementary insurance if they were either owners of automobiles, drivers of automobiles or users, whether just as occupants of automobiles.

M. LEGER: D'accord! Je vous remercie, M. Foster. Vous avez un excellent mémoire. C'est une bonne contribution pour pondérer les autres mémoires. Vous le faites d'une façon très désintéressée, alors que la plupart des organismes viennent ici parce qu'ils sont impliqués dans le système. Ils ont le droit de le faire, mais ils sont quand même partisans d'une défense de leurs biens.

Je pense que nous, nous devons être capables de faire la différence entre le besoin de la collectivité, tenir compte des intérêts en place, qui doivent être quand même aussi reconnus, faire des changements si nécessaire, et tenir compte que, dans les mémoires, ils avaient chacun, quand même, un intérêt à protéger. C'est normal et sain. Merci.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre des Institutions financières.

M. TETLEY: D'autres questions des députés?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député d'Iberville.

M. TREMBLAY: M. le Président, Mr Foster, you will allow me to address you in your own language?

M. FOSTER: Yes.

M. TREMBLAY: On page 3 of this "mémoire", third paragraph, it is just a little remark, you state at the end of this paragraph that is supported by studies, Volume XI, International Encyclopedia and so on, which established that human error, not fault, and factors beyond the control of drivers, are principal causes of accidents.

Personally, to a certain extent, I admit this, but when we have statistics as the ones we have heard along these sessions, particularly the ones which the Canadian Insurance Bureau referred to in its "mémoire" last week, when those statistics illustrate clearly that 55 p.c. of deaths among the drivers is due directly to a certain extent of alcohol drinking or consumption proved by tests, so, is it a human error or a fault to drive a car when you are aware that you have absorbed an over-limited quantity of alcohol or drug of any kind? Well, I would like you to elaborate a little bit on that.

MR FOSTER: Mr Chairman, I would say that it is human nature to drive an automobile after having consumed a certain amount of alcohol.

M. TREMBLAY: What I wanted to know is this: Is it an error or a fault?

MR FOSTER: What is involved in this area is that, in those cases, 50 p.c. or 55 p.c. of deaths may be the result of accidents involving drivers who have consumed a certain amount of alcohol. What percentage of total accidents do these figures represent? My statement refers to the majority of accidents, not to the majority of deaths.

Countless thousands of accidents occur on our roads in which thousands of people are injured and fortunately a fewer number are killed.

M. TREMBLAY: I have admitted that.

M. FOSTER: Yes. These statistics that you are referring to are the instances where you can say that the person was morally at fault in operating automobile and I feel that strong steps should be taken to counter this sort of event, that when it comes to the question of compensation, you see, you are faced with a dilemma. Under the present system, this individual who drives a vehicule is involved in an accident, who is killed or injured, in the process he might have killed or injured somebody else which is regrettable, the question is: Do you deny any recourse and impose this as one method of punishment because he could also be punished under the criminal law or under the highway code. You have to remember that in refusing him any compensation, which the present system does, you are penalizing his family and those who are depending on him for an income and who have little or nothing to say in those cases in the actual actions leading up to and the accident in which this person was involved. So, I am saying you have to divorce, except the fact the majority of accidents are not the result of true human faults such as fault you indicated and then divorce the two issues, put fault where it can really be placed, put it into the criminal

code, into the highway code and worry about compensation as being a totally different problem.

M. TREMBLAY: I certainly would not argue because we would take the whole time of this commission for the whole day, but I do not accept anyway. My personal feeling is this: when a person volontarily drives the car, knowing very well that he spent two or three hours in a night club or in any kind of pub you want, and takes the road, he is a public danger, and this is not an error. Therefore, we must, I think, not pay for our fault but at least be responsible for it. That is all I have to say. Thank you.

Merci M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre des Institutions financières.

M. TETLEY: Professor Foster, thank you for your presence and for your advice and for having taken the time to come here and prepare a brief on this very, very important question. Thank you.

Messieurs, le député de Beauce-Sud m'a posé une question: Combien d'organismes ont manifesté leur intention de venir devant notre commission parlementaire concernant le rapport Gauvin? Voici la réponse: Allstate, Association provinciale des marchands d'automobiles du Québec, CSN, Barreau du Québec, Lloyd's Non-Marine Underwriters, Fédération des ACEF du Québec, Association nationale des camionneurs, Association des avocats de province — c'est encore M. Chapados — Club automobile du Québec, Les Prévoyants du Canada. Le député de L'Assomption a suggéré quelqu'un d'Hydro-Québec parce que, apparemment, ils ont une expérience utile ou intéressante pour le groupe; dernièrement, il a été suggéré que le professeur Tunc, de France, vienne comme témoin expert. C'est une décision qu'on pourra prendre à une date ultérieure.

Ce sont là les organismes. C'est clair que nous n'avons pas le temps de les entendre aujourd'hui et la plupart ne sont pas prêts. Donc, je suggère que la commission ajourne ses travaux sine die, que nous demandions au ministre des Affaires intergouvernementales et leader parlementaire de fixer des dates, peut-être des matinées, le plus tôt possible, et d'inviter ces gens, les uns après les autres, à venir nous présenter leur mémoire.

M. MERCIER: M. le Président, je ne sais pas si le ministre ou le secrétaire des commissions a reçu une demande de la Fédération des commissions scolaires ou d'un groupe de commissions scolaires?

M. TETLEY: Non, pas encore.

M. MERCIER: Et de la Ligue de sécurité de la province de Québec?

M. TETLEY: Mais l'heure limite, c'est cinq heures.

M. MERCIER: D'accord.

M. TETLEY: ... pas peut-être, c'est cinq heures, aujourd'hui, le 23 octobre.

M. MERCIER: D'accord.

M. TETLEY: Je suggère que nous fassions des pressions afin que notre commission siège le plus tôt possible et aussi que MM. Gauvin, Belleau, Rankin et Jean-Marie Bouchard soient invités à revenir, peut-être à la première réunion, répondre à certaines questions déjà soulevées. Est-ce que c'est à votre goût, M. le député de Lafontaine?

M. LEGER: D'accord.

M. TETLEY: Je note l'absence du député de Beauce-Sud, mais je suis certain qu'il est d'accord. Il est allé à une autre réunion. Je présume qu'il est d'accord. Donc, je propose l'ajournement sine die, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 2)

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