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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le jeudi 12 décembre 1974 - Vol. 15 N° 194

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du rapport Gauvin


Journal des débats

 

Commission permanente des institutions financières,

compagnies et coopératives

Etude du rapport Gauvin

Séance du jeudi 12 décembre 1974

(Onze heures cinquante minutes)

M. HOUDE (Limoilou, président de la commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre, messieurs!

Commission des institutions financières, compagnies et coopératives. Etude du rapport Gauvin. Les membres de la commission, ce matin, sont les suivants: M. Assad (Papineau), M. Beauregard (Gouin), M. Bellemare (Johnson), M. Bonnier (Taschereau), M. Burns (Maisonneuve), M. Chagnon (Lévis), M. Harvey (Charlesbourg), M. Harvey (Dubuc), M. Léger (Lafontaine), M. Marchand (Laurier), M. Picotte (Maskinongé), M. Roy (Beauce-Sud), M. Tetley (Notre-Dame-de-Grâce), M. Tremblay (Iberville).

Tel que convenu, les membres du comité Gauvin, ce matin, donneront des explications. Je demanderais à M. Gauvin de présenter les membres qui l'accompagnent.

M. GAUVIN (Jean-Louis): Ce sont les exmembres. J'aimerais faire la clarification. M. Rankin, à mon extrême droite, Me Claude Belleau et Me Jean-Marie Bouchard.

M. TETLEY: M. le Président, nous sommes tous contents de la présence, aujourd'hui, des MM. Gauvin, Rankin, Belleau et Bouchard. Je note qu'ils ont distribué un rapport, ou des commentaires préparés, je crois, par M. Gauvin au nom de tous les anciens membres du comité. M. Rankin lui-même a préparé une autre série de commentaires. Je propose que M. Gauvin nous donne ses explications sans autre délai.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Gauvin.

Remarques du comité Gauvin

M. GAUVIN: J'aimerais signaler qu'il ne s'agit pas d'un mémoire que nous présentons. Il s'agit effectivement de quelques remarques personnelles, suite à la lecture des mémoires qui vous ont été présentés, lesquels ont été cependant remis à mes ex-collègues qui m'ont assuré de leur accord en entier.

Depuis que le rapport a été rendu public, en mai dernier, par le gouvernement du Québec et plus spécifiquement depuis le début des audiences de la commission parlementaire, le problème des accidents d'automobile, de la sécurité routière, de l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile a fait l'objet de nombreux commentaires.

Plusieurs groupes se sont sentis menacés par des réformes qui les touchent profondément dans leurs habitudes et dans leur mode de vie. Dans ce débat, il est regrettable que le sort des victimes d'accidents d'automobile n'ait pas prédominé plus qu'il ne l'a fait.

En définitive, les raisons de l'existence même d'un régime d'indemnisation, sont de compenser les victimes et dans ce débat que d'aucuns veulent honnête et franc, leur sort a souvent été relégué au second plan.

M. ROY: Un instant, M. le Président, je regrette, mais nous n'avons pas de copie du document. Je pense que ce serait important quand même que nous puissions en avoir une copie.

UNE VOIX: Le document de M. Gauvin? M. ROY: Oui, le document de M. Gauvin. M. TETLEY: Voilà.

M. LEGER: J'en ai seulement une. Pouvez-vous en faire photocopier d'autres pendant ce temps?

M. TETLEY: Oui. J'en ai distribué d'autres. J'ai donné les copies ce matin. J'ai reçu les copies de M. Gauvin à mon hôtel hier soir. Est-ce possible de photocopier ce texte?

UNE VOIX: Avez-vous une copie?

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): J'ai compris qu'on peut continuer. Alors, vous pouvez continuer, M. Gauvin.

M. GAUVIN: Excusez-moi, j'en ai quelques copies supplémentaires. J'ai demandé ce matin des copies à Mme Watters, la secrétaire de M. Tetley. Elle m'a dit qu'elles étaient à l'impression, alors, j'ai apporté simplement quelques copies. Je regrette, cela m'aurait fait plaisir.

M. LEGER: Quelqu'un a-t-il vérifié s'il y a quorum?

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): II y a quorum. Vous pouvez procéder, M. Gauvin.

M. GAUVIN: Les points soulevés dans les différents mémoires présentés devant la commission étaient connus des membres du comité d'étude sur l'assurance-automobile. On les retrouve dans les mémoires qui avaient été présentés lors des audiences publiques que le comité avait tenues pour une bonne part. Les études effectuées par le comité en ont fait ressortir d'autres et tous ont fait l'objet d'analyse et ont été prises en considération. Après avoir examiné les faits présentés à la commission parlementaire, il ressort qu'aucun fait nouveau mettant en cause les principes mis de l'avant n'a été apporté.

Les quelques remarques qui suivent ont déjà été traitées dans le rapport du comité.

Plutôt que d'attaquer, sous toutes ses facettes, le problème résultant de l'utilisation de l'automobile, on cherche souvent à faire adopter des mesures que l'on croit suffisantes pour réduire la prime d'assurance, seul objet, semble-t-il, des récriminations du public québécois. Améliorez la sécurité routière et tout le problème sera résolu, dit-on dans certains milieux qui se présentent comme spécialistes de la sécurité routière.

Même si on semble être d'accord sur le sens des recommandations au secteur de la sécurité routière, il est opportun de bien situer le débat.

Le Québec possède un dossier d'accidents peu enviable et les causes de cet état de fait sont multiples, de même que les remèdes. Comme dit le rapport, "un accident d'automobile est un événement complexe qui découle rarement d'une cause unique; il est plutôt le fruit d'une combinaison de facteurs qui l'ont rendu inévitable". Avant de suggérer des correctifs, il faut connaître ces facteurs et bien les mesurer.

Très peu d'efforts ont été consacrés au Québec à cette recherche; avec le résultat que bien souvent, les correctifs proposés n'ont pour seul fondement que les idées reçues de ceux qui les avancent, ou parce que la mesure semble avoir eu des résultats valables ailleurs. En fait, il semble que la sécurité routière soit un domaine où bien des gens se croient experts, du simple fait qu'ils conduisent une automobile. Ce qui est encore plus étonnant, c'est que ces propositions sont souvent chiffrées en termes de pourcentages de diminution d'accidents et, bien entendu, de taux de primes d'assurance.

En fait, le problème n'est pas si simple. Car, pour que la circulation automobile s'effectue dans des conditions optimales de sécurité, il est nécessaire d'assurer le bon fonctionnement d'un système complexe qui met en cause, à la fois, le conducteur, son environnement et son véhicule. C'est une erreur de croire que la responsabilité d'un accident doit toujours être imputée aux conducteurs et qu'il est possible de contrôler leur comportement pour éviter les accidents. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte et réagissent constamment les uns sur les autres. Une action partielle peut indirectement entraîner une augmentation du risque sous d'autres aspects. L'adoption d'une mesure doit donc être précédée d'une évaluation scientifique de sa portée, sous peine d'entramer des effets contraires à ceux escomptés. Malheureusement, les différences variables sont difficiles à isoler les unes des autres, parce que, comme dans tous les autres domaines du comportement humain, les conditions de l'analyse sont, à toutes fins pratiques, impossibles à recréer en laboratoire. L'inadéquation des données rend virtuellement impossible l'évaluation systématique des différentes mesures, de manière à déterminer si elles sont efficaces, de nul effet, dommageables ou neutralisées par d'autres mesures concomitantes. Pourtant, lorsque d'aventure il se produit une diminution d'accidents, nombreux sont ceux qui réclament, à leur profit, le crédit d'avoir proposé une réforme. Mais dans l'hypothèse inverse, rares sont ceux qui se font entendre, sauf pour dire ce qui aurait dû être fait.

Le problème n'est pas insoluble, mais il doit être envisagé dans son ensemble et de façon scientifique. "Malheureusement", et je cite le rapport, "cette précaution n'a pas toujours été prise au Québec. Certains programmes semblent plutôt avoir été instaurés parce que, selon le sens commun, on croyait qu'ils pourraient être efficaces. Pareille norme s'avère inadmissible pour la solution globale du problème de la sécurité routière comme d'ailleurs pour tout problème d'ordre technologique ou social".

Une autre contrainte réside dans le coût de cette recherche. Mais elle doit permettre d'éviter de dépenser en pure perte des sommes astronomiques pour des mesures dont l'effet est incertain.

C'est dans cette optique et dans le but également de réaliser la coordination des efforts déployés en matière de sécurité routière, qu'il importe d'établir un conseil de sécurité routière. En effet, le manque de planification des initiatives nuit grandement à faire de la sécurité routière un domaine d'action privilégié au Québec, tout autant qu'un manque de conscience de la gravité du problème tant de la part des autorités que de la population.

La création de cet organisme est une proposition fondamentale, car il serait le mieux placé pour évaluer les différents programmes d'action disponibles, en termes de bénéfices-coûts, par exemple. Certaines études ont souligné que les mesures dissuasives traditionnelles axées principalement sur la punition du conducteur pour les erreurs qu'il a commises ou même les mesures éducatives s'avèrent à l'usage substantiellement moins efficaces que celles destinées à protéger ce conducteur dans un environnement dangereux en soi. Les perspectives sont donc très larges et les solutions, pas aussi évidentes qu'on veut parfois le laisser croire.

Dans ce contexte, il apparaît peu sérieux de proposer des mesures à l'emporte-pièce et en même temps certifier leurs effets en termes de diminutions d'accidents. Assortir de chiffres les propositions faites est hasardeux et souvent n'est pas précédé d'une analyse véritable des coûts et effets des mesures envisagées. Les recommandations mises de l'avant par le comité à ce secteur ont cependant semblé à la fois praticables et urgentes, particulièrement en ce qui concerne la ceinture de sécurité dont l'efficacité n'est plus à démontrer et une surveillance plus sévère de l'application des lois. Leur adoption, cependant, ne devrait pas préjudicier à une évaluation ultérieure de leur utilité par le conseil de sécurité routière, s'il est créé.

Quelles que soient par ailleurs les incidences

bénéfiques de ces mesures, elles ne sauraient à elles seules résoudre le problème de l'indemnisation des victimes d'accidents, pas plus qu'il ne faut compter sur la réforme de l'assurance automobile pour diminuer le dossier d'accidents du Québec.

La sécurité routière n'est pas, et ne peut pas être, quel que soit son degré de perfection, une panacée. Réduire les accidents peut peut-être faire diminuer le coût des primes, mais il n'en faut pas attendre une meilleure indemnisation des victimes, si on conserve un régime dont le principe est justement de faire supporter à certaines d'entre elles le coût des dommages. De même, il ne faut pas espérer améliorer l'efficacité du régime, au niveau de la portion des primes qui est retournée en prestations aux victimes, par une réduction des accidents. Il faut jouer sur tous les tableaux à la fois.

Le régime d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile. En critiquant le régime d'indemnisation fondé sur la faute, le comité n'a pas créé de précédent; la responsabilité avec faute en matière d'accidents fait depuis longtemps l'objet de critiques, un peu partout dans le monde. De plus en plus nombreux sont ceux qui croient que l'utilisation de cette notion entraîne de nombreux désavantages que ne réussissent pas à contrebalancer les bénéfices très aléatoires qu'on peut en retirer.

La notion de responsabilité est-elle de nature à prévenir les accidents? Parmi ces avantages, certains attachent à la notion de faute une valeur préventive. De nombreuses études ont pourtant prouvé que la crainte d'être trouvés responsables ne réussit pas à empêcher les automobilistes de conduire négligemment. Si une crainte est de nature à inhiber les comportements dangereux, c'est la crainte d'un accident, et plus spécifiquement d'être blessé dans ce même accident, et non celle de la responsabilité qui peut s'ensuivre.

Dans les faits, si la responsabilité individuelle a un effet sur le comportement humain, l'achat de l'assurance-responsabilité élimine cet élément et plusieurs auteurs en sont venus à cette conclusion. Ainsi, pour en citer un parmi tant d'autres, soulignons ce que dit le rapport, préparé par l'Ontario Law Reform Commission sur la compensation des victimes d'accident, daté de 1973: "Même si des opinions peuvent varier, nous avons conclu que la justification du maintien du droit de poursuite en responsabilité, par suite d'accident d'automobile, ne peut être basée sur sa valeur préventive".

D'ailleurs, si l'on considère que de nombreux accidents sont le résultat d'erreurs humaines inévitables, comment un système de responsabilité ou même un système pénal peut-il avoir un effet de prévention? Plusieurs auteurs en sont tellement convaincus qu'ils préconisent des mesures de sécurité passives, tels le port de ceinture ou "l'air-bag", la construction de véhicules et de routes plus sécuritaires, comme étant les seules mesures pouvant amener vérita- blement une réduction des conséquences des accidents ou des accidents eux-mêmes.

On croit dans certains milieux que l'augmentation de prime qui est imposée, suite à un accident où l'assuré est trouvé responsable a un effet de prévention. A ce sujet, il faut bien voir que dans le régime actuel de la responsabilité, la surprime imposée au conducteur tenu responsable ne vise pas à punir ce dernier ou à lui faire rembourser les dommages qu'il a causés.

Cette surprime, en effet, n'a aucune relation avec le montant des dommages compensés; elle n'est que l'application d'une théorie statistique vérifiable qui indique que le conducteur, qui a déjà été impliqué dans un accident, devient un moins bon risque et a plus de chances qu'un autre conducteur sans accident d'être de nouveau Impliqué dans un accident de la route.

On attribue à la responsabilité avec faute des vertus morales et punitives, mais on accepte que la sanction soit sans relation nécessaire avec la gravité de la faute. On indique que le maintien du régime de la faute est voulu par le public et ainsi, à l'encontre du rejet de principe de la responsabilité avec faute, on avance que ce changement ne correspond pas au désir de la population. Sur ce sujet, une étude menée pour le compte du Department of Transportation américain conclut que ce qui existe, à une époque donnée, peut presque toujours être présumé comme satisfaisant par plusieurs personnes mais que, si plus d'informations étaient fournies sur les options possibles, le public aurait tendance à favoriser plus de changements.

Il est certain que représenter au public que l'abandon de la faute le prive d'un droit fondamental ne constitue pas un geste de nature à favoriser le changement. Pourtant, cet abandon, dans un régime sans égard à la responsabilité, est consenti en retour d'un droit beaucoup plus fondamental: le droit à l'indemnisation. Car il ne suffit pas de pouvoir s'adresser aux tribunaux pour être compensé d'un dommage: beaucoup de victimes ont cette possibilité dans le régime actuel et ne reçoivent rien. Il faut donc prendre garde de toujours faire une équation entre droit de recours et indemnisation. Il s'agit plutôt de décider lequel des deux objectifs est le plus important ou comment les concilier. Incidemment, le régime proposé par le comité conserve le droit de recours pour le cas où la victime ne serait pas satisfaite de la décision de son assureur. Le droit de recours aux tribunaux n'est donc pas abandonné, tandis que le principe du droit à l'indemnisation est mis de l'avant.

D'autres raisons indiquent encore que la notion de faute doit être abandonnée en tant que mécanisme d'indemnisation. Les délais sont une de celles-là. Comme le signale le Barreau et comme l'affirmait lui-même le comité dans son rapport: "Le phénomène des délais est particulièrement vrai dans le cas de blessures corporelles, où la victime est forcée de laisser le temps

fixer l'étendue véritable des dommages avant de négocier ou d'accepter un règlement final." Et en général, plus les dommages sont élevés, plus les détails de règlements sont longs, conséquence inévitable du régime de responsabilités à base de relations conflictuelles entre victimes et responsables.

Or, la privation de la compensation est d'autant plus lourde à supporter pour les victimes que le montant de la perte est plus élevé et que le paiement tarde à venir. C'est là une inefficacité grave du régime actuel.

Le principal reproche que l'on peut adresser au régime actuel est de mal indemniser les victimes. En principe, ce régime doit permettre à une victime de recevoir compensation complète du préjudice subi en tenant compte des particularités de son cas.

Mais il faut aussitôt ajouter: à la condition que cette victime ne soit pas tenue responsable, qu'elle puisse prouver la faute du responsable et que, au-delà d'un certain montant ($35,000 actuellement), ce responsable ne soit pas insolvable ou inconnu.

En fait, le régime de la responsabilité avec faute empêche l'indemnisation totale ou partielle de plusieurs victimes. Au Québec, environ 28 p.c. des victimes blessées n'ont droit à aucune indemnisation, alors qu'approximativement 6 p.c. n'ont droit qu'à une indemnisation partielle.

Ces chiffres proviennent d'une étude faite à partir de données québécoises. De nombreuses études étrangères ont également prouvé que le régime de la faute laissait sans indemnité ou avec une indemnisation partielle une proportion considérable de victimes.

Il a été possible d'établir qu'au Québec le degré de compensation varie selon le montant de la perte, dans le cas des blessures corporelles. Ainsi, les pertes de moyenne et faible importance sont surcompensées tandis que les pertes les plus considérables sont fortement sous-compensées. Globalement, près de 40 p.c. de la perte économique subie par les victimes qui ont droit à une indemnisation n'est pas compensée par le régime actuel d'assurance-automobile.

Les résultats de l'enquête menée par le comité contredisent hors de tout doute ceux qui affirment que le système juridique actuel ne prévoit qu'une seule règle quant à l'indemnisation du préjudice, soit la compensation pécuniaire intégrale. Au risque de répéter ce qui a déjà été indiqué, soulignons les faits suivants:

Cette enquête n'a considéré que des victimes qui ont droit à une indemnisation selon le système juridique actuel.

Cette enquête a établi à partir de critères préétablis le montant de la perte. Cette dernière n'a pas été comptabilisée comme étant égale au montant de la demande d'indemnisation préparée, soit par la victime ou son procureur. Elle a pris en considération le temps réel de l'absence de gain, en se basant sur l'état de la victime, son âge, son sexe et son revenu. Il s'agit dans les faits des mêmes critères que les témoins experts utilisent pour évaluer la perte de revenu d'une victime dans nos cours de justice.

L'enquête n'a pas évalué les pertes non économiques. Elle s'est limitée à évaluer pour près de 1,700 victimes, les pertes de revenus ou les déboursés résultant de l'accident. Elle a tenu compte des partages de responsabilité qui résultent en une indemnisation provenant de plus d'un assureur, dans certains cas.

Les résultats de cette enquête ne sont pas dilués par la perte de victimes qui n'ont pas droit à l'indemnisation. Qui plus est, si on ajoute des montants pour la perte non économique des victimes qui ont droit à l'indemnisation, l'écart entre la perte et la compensation ne ferait que s'élargir.

Ces dernières pertes non économiques, soit souffrance, douleurs ou perte de jouissance de la vie, ont été ignorées pour une simple raison. Il n'existe aucune façon juste et équitable d'indemniser ces pertes pour la simple raison qu'elles ne sont pas déterminables. Comment peut-on évaluer la valeur d'une main pour une personne dont le revenu n'est pas affecté par sa perte mais qui ne peut plus, par la suite, pratiquer son sport favori, la pêche par exemple, ou même son passe-temps, soit le piano? A quelle somme peut-on évaluer la perte d'un soutien moral que représente un conjoint? Il est inutile de donner plus d'exemples pour démontrer que la douleur ne se monnaie pas. Tout au plus, peut-on accorder une somme d'argent avec laquelle la victime pourra essayer d'oublier sa peine ou se trouver un autre sport ou passe-temps.

Les conclusions de cette enquête effectuée au Québec et visant des victimes ayant droit à l'indemnisation en vertu du régime actuel rejoignent celles effectuées dans d'autres juridictions, soit la Commission d'enquête de la Colombie-Britannique et le Department of Transport des Etats-Unis pour n'en nommer que deux.

La réadaptation des victimes est rendue plus difficile dans le régime actuel. Quel que soit le régime en vigueur, il doit favoriser la réadaptation des victimes. La réadaptation doit s'entendre de la restauration du handicapé au niveau le plus élevé du point de vue physique, mental, social, professionnel et économique qu'il est réalisable selon la science actuelle. Il faut bien comprendre que la réadaptation est à l'avantage de l'individu, de sa famille et de la société mais, pour être efficace, tout doit être mis en oeuvre dès l'événement. Le système juridique actuel, loin de favoriser la réadaptation des victimes, a plutôt tendance à nuire à la réadaptation.

Voyons ce qu'en disent deux études récentes sur le sujet: Selon le rapport de l'Ontario Law Reform Commission mentionné précédemment — et je cite le rapport — "II est intéressant de souligner que si quelqu'un voulait établir le "design" d'un système nuisible aux objectifs de la réadaptation, il serait difficile de faire mieux

que d'inventer le régime de responsabilité avec faute".

Pour sa part, l'étude du Department of Transport du gouvernement américain souligne que "les difficultés rencontrées dans l'utilisation des techniques de réadaptation dans le système de responsabilité avec faute suggèrent fortement la nécessité de l'élaboration d'un régime d'assurance directe ou sans égard à la faute".

Le régime d'indemnisation doit avant tout viser le bien-être des victimes et leur retour aux conditions préexistantes de l'accident. Comment, dans un régime où il faut démontrer le plus de dommages physiques pour recevoir le plus d'indemnisation, peut-on s'attaquer sans délai à rétablir, dans la mesure du possible, l'intégrité du corps humain et mettre tout en oeuvre dès l'accident, pour y arriver?

Devant ces constatations, il importe de trouver les mesures permettant "d'accorder une compensation adéquate aux victimes d'une façon aussi équitable que possible." En établissant des critères de choix répondant aux critiques fondamentales formulées à l'encontre de la responsabilité avec faute, on ne peut faire autrement que de rejeter toute une série de propositions pour n'en retenir qu'une, au niveau des principes d'indemnisation des victimes.

Pour les blessures corporelles, qui représentent les pertes les plus catastrophiques, les critères de choix doivent être: L'indemnisation de toutes les victimes; l'indemnisation selon le concept de la perte économique; le paiement rapide des indemnités selon l'échelonnement des pertes; le non-dédoublement des indemnités; la révision des indemnités.

Ne répondent pas à ces critères toutes les mesures simplement destinées à améliorer le régime de l'assurance-responsabilité. Rendre l'assurance obligatoire par exemple ne réussit à indemniser que les victimes qui ont prouvé la faute d'un tiers. Cette mesure ne favorise donc pas la compensation des pertes des victimes que le régime de la responsabilité laisse sans indemnisation.

Pareillement, les présomptions de faute du genre de celles que l'on retrouve dans notre loi d'indemnisation, ne font que faciliter le recours d'une victime. Outre que pareille présomption est antinomique avec les principes mêmes de la responsabilité avec faute, elle ne réussit pas à faire en sorte que toutes les victimes soient indemnisées.

L'introduction à divers degrés du concept d'assurance sans égard à la responsabilité, même si elle constitue une nette amélioration par rapport au régime actuel, n'est pas de nature à satisfaire non plus tous les critères de choix retenus. La proposition du Barreau, pour prendre un exemple, suggère de modifier le système actuel d'assurance en haussant les prestations du chapitre B déjà existant dans les contrats d'assurance et de les rendre obligatoires. Au nombre de ces prestations, on note "le rem- boursement de la perte de salaire réellement encourue calculé sur la base de 80 p.c. de son salaire brut au jour de l'accident avec un maximum qui serait l'équivalent du salaire minimum de base en vigueur dans la province au moment du paiement". Pareil régime, on le voit, et le Barreau l'affirme lui-même, n'a pour but que d'assurer une indemnité de base payable immédiatement. Par ailleurs, les citoyens continueraient de pouvoir s'adresser aux tribunaux: a) Pour la détermination du droit à l'indemnité sur la base de la responsabilité civile; b) Pour la détermination de l'étendue du préjudice.

La proposition du Barreau ne constitue qu'un baume sur le problème des victimes de fortes pertes qui, en vertu du régime de la responsabilité, sont mal et sous-compensées, sans parler du coût impliqué dans tout le processus. Fondamentalement, cette proposition ne règle pas le problème et maintient les iniquités du système actuel.

Que fait-on dans un tel système pour les victimes innocentes que représentent les dépendants de conducteurs trouvés responsables? Rien ou presque rien. Alors qu'elles ne sont nullement impliquées dans l'événement, elles doivent en supporter les conséquences. Les pertes subies par les victimes non indemnisées se répercutent sur le mode de vie de leurs dépendants et si l'indemnisation de toutes les victimes directes est un objectif valable, on doit l'appliquer a fortiori aux victimes qui subissent des pertes du seul fait de leur état de dépendance envers les premières. C'était là un des objectifs assignés au comité par l'arrêté en conseil qui l'a créé, lorsqu'il souligne de recommander un régime visant à "accorder une compensation adéquate aux victimes d'une façon aussi équitable que possible".

Au surplus, la société finit toujours par faire les frais des victimes non indemnisées. Il est quelque peu illogique de nier à une personne, en vertu d'un régime donné, l'indemnisation qu'elle pourra, du moins en partie, rechercher auprès d'autres régimes. On ne saurait que difficilement justifier les coûts entraînés par cette manière de procéder.

Un inconvénient analogue se retrouve dans la proposition déposée par le Bureau d'assurance du Canada qui, contrairement à celle du Barreau, a cependant pour objectif de compenser totalement toutes les pertes économiques subies par certaines victimes d'accidents d'automobile mais non pas toutes.

Le comité a déjà affirmé qu'à son avis "cette proposition ne va pas jusqu'au bout de sa logique et représente un compromis inacceptable. La proposition du Bureau d'assurance du Canada continue de soumettre au régime traditionnel de la responsabilité, les victimes dont les pertes sont les plus élevées".

Pour justifier le rejet de l'abolition totale du régime de la faute en matière de dommages corporels, le Bureau d'assurance du Canada

s'appuie sur des postulats qui ne résistent pas à une analyse le moindrement sérieuse, soit la croyance populaire, la responsabilité pénale et morale d'un acte occasionnant des décès ou blessures graves, le coût du régime, et le dédoublement des prestations dans le régime préconisé par le comité.

Le comité a envisagé ces arguments dans la préparation de son rapport et les a rejetés. Ainsi, si l'argument moral est bon et valable, alors c'est la proposition totale du Bureau d'assurance du Canada qui doit être rejetée, car on ne peut admettre de maintenir ce principe uniquement pour des accidents graves. Illogisme qui découle fatalement d'un système basé sur la faute en partie.

Au niveau des coûts, il est facile de réduire le coût du régime en réduisant les indemnités, comme le fait la proposition du Bureau d'assurance du Canada, et en transférant à d'autres régimes plus efficaces tout ce qui est possible. En prévoyant que les prestations du régime préconisé par le Bureau d'assurance du Canada seront excédentaires à celles d'un régime d'assurance collective, il est bien certain qu'on réduit les indemnités et, par suite, le coût du régime. La proposition du comité est de faire payer tous les coûts des accidents par l'assurance-automobile, au niveau des blessures corporelles et de réduire les autres indemnités; il n'y a pas de dédoublement de prestations, tel que le dit le BAC dans son mémoire.

En fait, les réductions de coût du régime du BAC ne viennent pas augmenter l'efficacité véritable du régime, et elles peuvent même empirer la situation existante à long terme.

Le régime d'assurance-accident proposé par le comité d'étude sur l'assurance-automobile, outre qu'il donne à la très grande majorité des victimes la certitude d'être compensées de la perte économique résultant des dommages corporels, permet aux plus fortunées d'obtenir une protection certaine, selon le besoin de chacune. Même une victime à revenu élevé peut donc, en se procurant la protection du régime supplémentaire, être assurée d'être indemnisée de toutes ses pertes sans être soumise aux aléas de la responsabilité avec faute. Pour 85 p.c. de la population, cette protection supplémentaire ne sera même pas nécessaire. Des 15 p.c. qui restent, une autre proportion n'aura pas besoin, non plus, d'acheter une assurance excédentaire, étant déjà bien couverte par d'autres régimes d'assurance, par exemple: par l'assurance-salaire ou l'assurance-vie.

Quant à ceux qui devront s'en procurer, outre le fait qu'ils ont les moyens de le faire, il ne faut pas oublier que la prime pour la couverture excédentaire ne sera pas prohibitive; elle sera proportionnelle au montant de couverture désiré et au risque que représente l'assuré.

Au contraire, conserver la faute pour l'excédent du régime de base conduirait à plusieurs illogismes: Alors qu'on prétend abandonner la responsabilité avec faute comme mécanisme d'indemnisation, on viendrait pénaliser l'auteur d'un accident qui, par malchance, a fait une victime dont les moyens financiers étaient grands, tandis qu'on exonérerait complètement l'auteur d'un autre accident, parce que les pertes de ses victimes n'excéderaient pas le régime de base. Autrement dit, on justifierait le fait que l'auteur d'un accident passe d'un régime juridique à un autre, en fonction du montant des pertes des victimes, alors que ce montant est purement fortuit.

Comment peut-on admettre qu'un régime juridique, jugé inadéquat pour régir l'ensemble des réclamations, devienne tout à coup apte à gouverner les plus grosses d'entre elles? Le comité, pour sa part, a affirmé sa conviction que la faute devrait être complètement abolie au niveau des dommages corporels.

Au niveau des dommages matériels qui, bien que mettant en jeu une somme totale importante, comportent des conséquences généralement moins désastreuses pour les victimes, le comité a proposé un régime comportant trois options. D'aucuns y ont vu un régime d'assurance-collision obligatoire. Il n'y a qu'à relire les modalités de l'option A pour se rendre compte que les cas autorisant compensation automatique n'équivalent pas à de l'assurance-collision. L'option A ne fait que reprendre le système actuel, mais en remplaçant la nécessité d'assurer pour les dommages causés par, soit à autrui, par une assurance couvrant les dommages de l'assuré causés par autrui. Cette option, il est vrai, a été conçue pour n'avoir qu'une durée transitoire afin, justement, de permettre au public de s'habituer à la philosophie du nouveau régime qui tendra de plus en plus à abandonner la faute, même au niveau des dommages matériels.

Cette évolution, de toute façon, est irréversible et le Québec devra y venir un jour ou l'autre. Le coût des indemnités du régime proposé est sensiblement le même que celui du régime actuel, en 1974, malgré que les prestations accordées aux victimes de dommages élevés soient beaucoup plus considérables. Il est bien entendu que le coût du régime proposé est influencé par l'inflation que l'on connaît présentement tout comme, cependant, le coût du régime actuel ou de toute autre proposition. Il faudra en tenir compte lorsqu'une date d'implantation d'un nouveau régime aura été déterminée en se basant sur les données pertinentes.

Dans les faits, il est improbable qu'un nouveau régime, quel qu'il soit, puisse être mis en vigueur, à moins qu'on accorde une diminution de la prime au public, du moins en moyenne. Aussi, dans l'élaboration du montant des indemnités de tout régime, il faut tenir compte de ce que le public est prêt à débourser.

Les indemnités élaborées par le comité sont indépendantes des principes du droit à l'indemnisation en ce sens qu'elles peuvent être haussées ou réduites, tout dépendant des objectifs recherchés. Il est possible d'accorder plus, mais il faudra, bien entendu, exiger des primes plus

élevées. On peut également vouloir favoriser différemment certaines catégories de victimes en leur redistribuant autrement les sommes disponibles et, ceci, sans remettre en question les principes du droit à l'indemnisation.

Il ne faudrait pas juger un nouveau régime uniquement sur son côut, mais tenir compte des principes du droit à l'indemnisation. Car, il est facile d'élaborer un régime qui coûtera plus ou moins qu'un autre, mais il faut voir quelles en sont les conséquences pour les victimes et la société en général. Ainsi, on peut réaliser des économies en transférant des coûts des accidents à d'autres régimes d'assurance sous prétexte que ceux-ci sont plus efficaces dans leurs opérations, mais, alors, pourquoi ne pas transférer tous les coûts à ces régimes? La réponse à cet argument est qu'afin d'utiliser les biens disponibles au meilleur escient, il importe que chaque secteur d'activité assume tous les coûts qu'il fait encourir à une société.

Le régime proposé par le comité a été l'objet de discussions, a même été qualifié de radical et révolutionnaire. Il faut souligner que les recommandations du comité rejoignent celles de nombre de gens qui ont étudié le problème de la compensation des victimes d'accidents d'automobile. Ainsi, l'Ontario Law Reform Commission a recommandé l'abolition complète du droit de poursuite en dommages résultant d'accident d'automobile. Le régime préconisé par cet organisme s'apparente aux modalités du régime préconisé par le comité. Il s'agit d'une des études les plus sérieuses qui ont été entreprises récemment au Canada, son rapport datant de 1973.

Une analyse des mémoires soumis à la comission, du moins les plus importants, révèle qu'aucune preuve valable n'a été faite en faveur du maintien du régime actuel ou de son remplacement par d'autres modalités que celles s'appuyant sur les principes préconisés par le comité. Ainsi en est-il du Barreau et du Bureau d'assurance du Canada qui n'ont pas fait de démonstration justifiant leurs attitudes.

L'administration du régime. Plusieurs parties intéressées au dossier sont en complet désaccord avec une réforme de l'administration du régime, alors que pour d'aucuns il n'y a qu'une seule solution, c'est l'étatisation.

Tout d'abord, il est quelque peu curieux que le débat actuel semble se diriger uniquement sur la sécurité routière et sur le "no fault", Par un hasard, on discute fort peu des modifications qui doivent être apportées au mode administratif du régime. Peu d'assureurs ont fait des recommandations pour améliorer l'efficacité du régime qu'ils administrent à l'exception des économies résultant de l'instauration d'un régime partiel "no fault". A les croire, ils opèrent aux coûts les plus bas possible.

Si l'on tient compte cependant que les réformes véritables ne peuvent être entreprises sans un changement profond de la mise en marché de l'assurance avec l'incertitude de ses effets pour un assureur en particulier, il ne faut pas se surprendre si ceux-ci se satisfont du mode opérationnel actuel. Pourant, les chiffres du comité sont là qui démontrent un coût exorbitant du mode administratif et qui indiquent une possibilité substantielle par des réformes appropriées d'en réduire les coûts.

Le mode actuel est inefficace et le comité en a fait la démonstration et aucune preuve du contraire n'a été apportée. A l'aide d'analyse des opérations des compagnies d'assurance et des monopoles étatiques, il a été possible d'établir cette partie du dollar prime qui est retournée au public sous forme de prestations. Car le régime d'assurance doit être vu avant tout comme un régime de compensation et la mesure d'efficacité est de calculer ce qui retourne aux victimes et partant aux assurés.

Les assureurs faisant affaires au Canada semblent avoir adopté une autre attitude et ceci, avec l'accord présumé des autorités de surveillance, tant provinciales que fédérales. Ils considèrent une part importante de leurs frais comme étant assimilables à des prestations et les comptabilisent comme tels. Il s'agit de certains frais de règlement des sinistres, soit les frais juridiques, d'experts en sinistres ou d'estimation des dommages. Une telle attitude est tout à fait injustifiée. En effet, comment le fait d'évaluer le dommage qu'un individu a subi par suite du capotage de son véhicule peut-il être considéré comme une prestation? Il faut se le demander.

Une telle fausse présentation des états financiers permet de faire croire au public qu'on fonctionne à un taux de dépenses de l'ordre de 26 p.c. de la prime. Cependant, si l'on additionne les autres frais qu'on assimile à tort à des prestations, les frais que doivent assumer les assurés se chiffrent à environ 36 p.c. De plus, il faut ajouter les coûts encourus par les victimes à même leurs indemnités, ainsi que les profits des assureurs, et l'on découvre que plus de 40 p.c. de la prime sert à autre chose que la compensation.

Bien entendu, certains frais que doivent encourir les assureurs découlent du régime de responsabilité avec faute, tels la détermination des torts et les frais juridiques qui s'ensuivent. Cependant, l'on ne saurait prétendre que le régime juridique est la cause de tous les frais de règlement, de mise en marché, de sélection des risques, etc., que doivent encourir les assureurs. Il ne fait aucun doute que l'on peut, même dans un régime où la responsabilité est la base de l'indemnisation, réduire l'écart entre la prime totale et la partie qui est retournée sous forme de compensation et ceci par des mesures appropriées.

Pour certains, la recommandation 60 du comité voulant que l'administration soit confiée à l'entreprise privée avec une réforme intégrale, ou que l'Etat prenne en charge ce secteur d'activités ne fait aucun sens. Or, le sens de cette recommandation s'explique du fait que

des régimes existent déjà qui retournent aux assurés plus de 80 p.c. de la prime en compensation; ainsi en est-il de deux monopoles étatiques que le comité a été en mesure d'analyser, leurs opérations le permettant.

Pour arriver à améliorer l'efficacité de l'administration du régime, bien des habitudes doivent être changées et, fondamentalement, la modification la plus importante est celle visant le rôle du courtier. Car, sans cette réforme, d'autres visant entre autres l'abandon de la sélection des risques ne sont pas possibles. S'étant penché sur le problème, le Département des assurances de New York souligne dans une publication que, "aussi longtemps que les assureurs ont le contrôle de leur mode de distribution, il leur sera possible d'ignorer une loi visant à les forcer à accepter tous les assurés. Les avantages potentiels de l'élimination de la sélection des risques sont d'une telle nature qu'ils devraient être considérés comme un objectif à long terme des autorités de surveillance".

Il faut noter que, dans l'optique où l'Etat s'empare de l'administration du régime d'assurance-automobile, les réformes seront faites, soit les changements dans le rôle du courtier, l'élimination de la sélection des risques et la disparition du dédoublement des efforts que l'on connaît présentement.

Le but visé par les réformes sous l'entreprise privée est de réduire les frais d'administration tout en conservant une qualité de service acceptable et le libre choix pour les assurés. L'administration actuelle comporte de nombreux dédoublements qu'il faut éliminer pour rendre le régime efficace.

L'entreprise privée peut, sous l'autorité énergique du gouvernement, faire bénéficier les Québécois d'une meilleure utilisation de leur dollar-prime et ceci, quelles que soient les réformes que l'on apportera au niveau du régime d'indemnisation. Les assurés du Québec sont en droit d'avoir un régime moderne et efficace d'assurance-automobile. Si les assureurs ne veulent relever le défi, ils n'en seront que les perdants à plus ou moins longue échéance.

Quant aux courtiers, au lieu de prétendre que nous n'avons pas compris leur rôle, ils devraient se rendre compte que l'on a, au contraire, voulu revaloriser leur fonction en faisant d'eux de véritables professionnels de l'assurance au lieu de manipulateurs de paperasse, ce qui est la situation présente.

Finalement, un mot sur la position de la CSN. Cette centrale syndicale veut l'instauration au Québec d'un régime semblable à ceux existant dans certaines provinces de l'Ouest canadien.

Les régimes d'indemnisation en vigueur dans ces provinces sont moins avantageux que ce que préconisent tous les projets de réforme mis de l'avant au cours des dernières années. L'on y retrouve pour les victimes de blessures corporelles graves les mêmes iniquités que dans le régime actuel.

Comment se fait-il qu'aucun groupe ayant étudié le problème n'ait retenu, en ce qui concerne l'indemnisation des victimes, l'approche de ces régimes?

Au niveau de l'administration, l'on prétend que les écarts de coûts sont plus grands si on introduit dans le calcul le revenu de placement que réalisent les actionnaires. Il faut réaliser que la formation d'un monopole ne signifie pas la disparition du capital et il existe des exemples de corporations de l'Etat qui le prouvent.

Le capital est nécessaire dans une opération d'assurance et, lorsqu'on crée un monopole d'Etat, on remplace le capital des actionnaires par le droit d'appel aux assurés de toutes les pertes subies. Contrairement aux affirmations contenues dans le mémoire de la CSN, le comité a pris en considération les revenus de placement pour déterminer si le retour sur le capital est trop élevé et, ceci, compte tenu des normes actuelles de solvabilité.

Si le rendement sur le capital est à un niveau acceptable, il y aura une réduction de prime pour le public sous un monopole, mais en retour d'un risque additionnel, soit de défrayer ultérieurement toutes les pertes d'opération. Cette réduction de prime n'est pas une économie pour le public puisque le risque qu'il encourt est alors augmenté.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre.

M. TETLEY: M. le Président, je me demande, et je vous pose la question, de même qu'aux autres membres de la commission: Comment voulez-vous procéder? Nous avons aussi un document présenté par un membre du comité Gauvin, M. Ewin Rankin. J'hésite à demander à M. Rankin de lire ce document. Je vois le chef de l'Opposition officielle. Peut-être a-t-il une bonne suggestion. Ou peut-être le député de Lafontaine.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je n'ai pas lu le document de M. Rankin, mais je sais fort bien qu'il a probablement des choses intéressantes à nous donner. Nous avions gardé, réservé la journée d'aujourd'hui pour entendre les personnes qui ont fait partie de cette commission. Pour ma part, je ne vois pas d'objection à écouter les recommandations de M. Rankin également. Je pense que nous sommes rendus à ce stade où, après avoir entendu différents mémoires, nous pouvons avoir le point de vue des personnes présentes.

On me dit que le comité Gauvin n'existe plus comme tel, sauf que les personnes qui y ont contribué sont les plus à même de répondre aux perceptions qu'en ont eues les différents organismes qui sont venus. Je pense qu'il serait bon que nous continuions à entendre d'autres per-

sonnes de cet organisme qui ont des choses à dire. Je n'ai pas d'objection à les entendre.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Beauce-Sud.

Proposition de report des travaux

M. ROY: M. le Président, étant donné la date où nous nous trouvons, étant donné tout le calendrier des travaux parlementaires, je ne veux pas revenir sur une décision qui a été prise antérieurement. Je me demande réellement, à ce moment-ci, si on peut faire un travail vraiment efficace, nous, les membres de la commission, un travail vraiment positif, en voyageant de la commission parlementaire à l'Assemblée nationale pour les votes ou, encore, étant obligés d'étudier et d'approfondir certains projets de loi qui doivent être adoptés avant l'ajournement de la Chambre.

Etant donné qu'il n'y a pas de projet de loi actuellement déposé concernant l'assurance-automobile, étant donné que nous pourrions, au mois de janvier, tenir une, deux ou trois séances consécutives, au cours desquelles les membres de la commission pourraient se pencher uniquement sur ce dossier et en faire une étude à tête reposée pour en venir aux conclusions qui s'imposent, suite à tout ce que nous avons entendu et également suite aux deux documents qui nous sont remis. M. Gauvin vient de faire lecture de son document personnel... Il y a également le document de M. Rankin que nous avons en main. Malheureusement, nous ne pourrons pas lui demander d'en faire la lecture complète avant une heure, ce qui est une chose impossible. A trois heures, cet après-midi, nous pourrons reprendre les travaux de la commission parlementaire, ici, mais il y a également des projets de loi qui sont actuellement à l'étude devant l'Assemblée nationale et le ministre lui-même a au moins trois projets de loi, à ce que je sache, à faire adopter avant l'ajournement de nos travaux.

Je me demande, sans vouloir noyer le poisson et sans vouloir reporter et retarder l'adoption d'une loi et l'adoption de mesures qui viseraient à corriger toute la question de l'assurance-automobile, s'il ne serait pas plus sage et plus raisonnable de reporter nos travaux au mois de janvier et de les reprendre alors que nous ne serons pas préoccupés par d'autres travaux importants, parce que, jusqu'à maintenant, je ne vois pas comment les membres de la commission pourront faire un travail vraiment sérieux en donnant toute la mesure qu'ils veulent donner à l'étude de cette importante question.

C'est une question que je pose aux membres de la commission et, en ce qui me concerne, je favoriserais énormément l'idée que nous reportions les travaux de la commission au mois de janvier alors que nous n'aurons pas à nous préoccuper, à l'Assemblée nationale, des lois, de la législation et de toutes ces choses, de façon que nous puissions vider complètement cette question et éviter également le fait de convoquer les gens devant nous, une journée déterminée. Ils sont obligés de revenir le lendemain et le surlendemain alors que nous pourrions prendre effectivement, une semaine, une deux ou trois séances, si nécessaire, de façon à tout faire en même temps et permettre aux intéressés et aux personnes concernées par cette question de suivre l'évolution et le dossier pour avoir le maximum d'information et pour que nous puissions également rencontrer ces gens pour discuter avec eux. Je pense que c'est quand même important que nous puissions également, comme membres de la commission, nous informer et contacter des gens, des recherchistes, des spécialistes de la question pour qu'on puisse faire une synthèse complète, objective.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député d'Iberville.

M. TREMBLAY: M. le Président, étant donné le grand sérieux des délibérations de cette commission et surtout, étant donné le privilège que nous avons d'avoir le comité Gauvin ou l'ex-comité Gauvin, par l'entremise de ses principaux porte-parole, M. Gauvin et M. Rankin, j'imagine, moi aussi, que nous serions bien avisés, si les membres du comité sont favorables à cette suggestion de la commission, de nous reporter, probablement vers la troisième semaine de janvier, où nous pourrions, de façon sereine et avec tout le temps que nous pourrions avoir à notre disposition, travailler sur les documents des plus importants que nous ont soumis MM. Gauvin et Rankin. D'ailleurs, les activités actuelles de l'Assemblée nationale semblent nous "poussailler" un peu et je suis convaincu que, lorsque la date du 12 décembre a été retenue pour inviter le comité Gauvin devant nous, on ne prévoyait pas ce bouleversement de la cédule du leader parlementaire du gouvernement en ce qui concerne la présentation des projets de loi.

Alors, je suis d'accord sur une telle suggestion; je ne fais que souhaiter que les membres du comité puissent se rendre agréables à notre souhait.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le ministre.

M. TETLEY: J'ai une question à poser à MM. Gauvin, Rankin, Belleau et Jean-Marie Bouchard. Etes-vous disponibles en janvier?

M. GAUVIN: Je suppose que, si c'est utile, les membres peuvent trouver le moyen à travers leurs occupations de se rendre disponibles. Il faudrait avoir les dates.

M. TETLEY: Oui, mais est-ce que vous

partez en... Je sais que M. Rankin part pour Venise.

M. GAUVIN: II va régler les problèmes d'accidents de bateaux à Venise.

M. TETLEY: Assurez-vous avant de partir, M. Rankin.

M. RANKIN: Le comité peut siéger à Venise.

M. TREMBLAY: Allons, M. le ministre. M. TETLEY: C'est une suggestion.

M. TREMBLAY: Est-ce que le comité nous invite?

M. TETLEY: Est-ce qu'il y a une date proposée par le député de Beauce-Sud ou le député d'Iberville ou d'autres?

M. ROY: Je n'ai pas proposé de date précise, mais je sais que cela devrait se faire en janvier.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député d'Iberville.

M. TREMBLAY: M. le Président, je peux proposer la date du 21 janvier, quitte à m'en tenir...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, nous avions convenu lors de la dernière réunion de cette commission que nous passerions la journée d'aujourd'hui à écouter le rapport des personnes qui ont siégé au sein du comité Gauvin et que nous reviendrions mardi prochain pour discuter.

Je trouve qu'il y a eu beaucoup de perte de temps, tout le monde le sait, devant le projet aussi complexe de cette réforme de l'assurance-automobile. Comme la Chambre a déjà suspendu ses travaux, je pense que nous devrions, au moins, cet après-midi continuer cette séance pour entendre ce que M. Rankin a à nous dire. Au cours de l'après-midi, il y aura peut-être possibilité d'en venir à une entente quelconque concernant une date possible pour janvier. Je pense que nous avons, à ce stade, à la suite des prises de position ou des corrections apportées sur les impressions que le rapport Gauvin donnait au mémoire, quand même un travail à faire. Je propose qu'on ajourne à cet après-midi, quitte à ce que cet après-midi on prenne une décision finale sur le rapport à faire en janvier.

M. TETLEY: M. le Président, le leader parlementaire du gouvernement m'a presque fait des menaces au sujet d'une séance cet après-midi, j'ai dit "presque". Je me demande si cela est possible, car je crois qu'il a déjà convoqué plusieurs commissions.

Puis-je suggérer que le document de M. Rankin, qui n'est pas très long, soit inclus dans le journal des Débats et que les députés de Lafontaine, de Beauce, les autres députés et moi-même nous nous consultions au sujet d'une date? Pour ma part, je ne le cache pas, je préfère la semaine prochaine, tel que convenu. C'est vrai, nous sommes tous tellement bouleversés, j'ai une loi de 615 à 650 articles, plus trois autres lois.

M. TREMBLAY: Cela va bien, votre affaire, M. le ministre.

M. TETLEY: Pardon?

M. TREMBLAY: Cela va bien, votre affaire.

UNE VOIX: A part cela, vous n'avez pas trop de travail?

M. TETLEY: Peut-être peut-on insister pour que le document de M. Rankin soit inclus dans les débats, au lieu de demander...

M. TREMBLAY: Oui.

M. TETLEY: ... à M. Rankin de le lire à haute voix, et les députés en question vont consulter le leader parlementaire pour trouver une solution à notre problème.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Est-ce l'assentiment général des membres de la commission?

M. LEGER: Non, M. le Président. UNE VOIX: D'accord, M. le Président. M. BURNS: Non, M. le Président.

M. LEGER: Nous ne sommes pas d'accord, M. le Président. Il avait été convenu qu'on siégeait cet après-midi, selon l'entente prise lors de l'ajournement de la dernière commission parlementaire. Nous devions siéger toute la journée d'aujourd'hui et même mardi prochain.

Moi, je trouve curieux qu'à ce stade-ci nous ayons entendu toute une série de mémoires sur le rapport du comité Gauvin, chose qui est déjà anormale, et que par la suite, nous allions tout simplement ajourner nos travaux pour repenser cela au mois de janvier. Je trouve que c'est trop tôt. Nous avons quand même à entendre M. Rankin et à faire des recommandations à ce stade-ci pour peut-être nous rencontrer en janvier, mais je trouve anormal d'y arriver, rapidement, en dedans de trois quarts d'heure, et d'accepter le venue des gens du comité Gauvin puis dire: Allez-vous en, on va regarder cela, on va consigner cela au journal des Débats. Je trouve que c'est une partie très importante...

M. TETLEY: On va faire une autre séance...

M. LEGER: Non, mais moi, je calcule qu'on a déjà assez de temps. Il y a des décisions qui doivent être prises. Je ne suis pas d'accord pour que, cet après-midi, on ne siège pas, au moins à 15 heures, quitte à ce qu'on prenne une décision après avoir entendu M. Rankin et adopté des prises de position générales.

M. le Président, on a siégé depuis octobre, régulièrement, sur ce sujet. Or, au moment précis où on arrive à la clôture, du moins, de cette commission, on veut encore reporter cela. Moi, je trouve que c'est inacceptable. Il y a des choses qui doivent être dites. Actuellement, les travaux de la commission devraient être suspendus, puisque les travaux de l'Assemblée nationale le sont. Je propose qu'on revienne à 15 heures, quitte à prendre une décision au cours de l'après-midi sur les débats futurs.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de Taschereau.

M. BONNIER: M. le Président, je voudrais parler en faveur de la proposition du député de Beauce-Sud, pour la simple raison que, ce matin, je me rends compte personnellement que, normalement, ma présence aurait été requise et sans doute la présence d'autres aussi, en Chambre, pour l'étude du projet de loi no 40 en deuxième lecture, et nous avons beaucoup de projets de loi comme ceux-là qui s'en viennent. Le ministre des Institutions financières faisait état d'un certain nombre de projets de loi qu'il a à soumettre.

Je suis d'accord avec le député de Beauce-Sud pour dire qu'actuellement, nous n'avons quand même pas une loi comme telle. Nous sommes à étudier un mémoire, de façon qu'une loi nous soit présentée. Entre ces deux options, l'étude des lois spécifiques que l'on nous suggère, et l'étude de mémoires, je ne voudrais pas dire que les lois sont plus importantes que le mémoire, loin de moi cette idée. Je crois que le rapport Gauvin est extrêmement important. Mais au niveau des priorités actuellement, étant donné les délais que nous avons, je crois que nous n'avons pas le choix si on veut faire un travail sérieux, de remettre en janvier, à la date qui sera convenue, l'étude en profondeur des opinions des membres de l'ex-comité Gauvin.

M. Gauvin disait tout à l'heure: Si vous pensez que notre présence est utile... Je crois que ce n'est pas nécessaire de rassurer M. Gauvin, non plus que les membres de cet ex-comité. Leur présence est non seulement utile, mais extrêmement nécessaire, parce que, tout au long de l'étude des mémoires, nous avons enregistré un certain nombre de points d'interrogation. Sans doute que le mémoire est là, mais je crois que le fait d'avoir des explications verbales, comme nous avons commencé à en avoir ce matin, va drôlement nous éclairer et je pense qu'il faut vraiment appuyer la suggestion du député de Beauce-Sud.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Lorsque j'ai fait ma suggestion tout à l'heure devant la commission parlementaire, c'est en toute objectivité que je l'ai faite. J'ai fait la suggestion pour que nous puissions faire un meilleur travail. Je comprends les remarques que vient de faire mon collègue, le député de Lafontaine. Lors de la dernière séance, j'étais un de ceux qui ont demandé que nous procédions le plus rapidement possible pour qu'on finisse par faire une synthèse de toute l'affaire. Or, depuis hier matin, je me dois de regarder la réalité en face. Il y a douze projets de loi nouveaux inscrits au feuilleton qui n'apparaissaient pas au début de la semaine. Il n'y a rien qui me dit qu'il n'y aura pas au moins une demi-douzaine, peut-être une douzaine d'autres projets de loi.

Si on veut faire un travail sérieux et objectif et examiner toute cette question, à partir de tous les mémoires que nous avons eus, il faut qu'on prenne le temps d'interroger M. Gauvin, M. Rankin et les autres, de façon à pouvoir obtenir le plus de renseignements possible sur cette question, si on peut le faire à ce moment-ci, compte tenu des circonstances dans lesquelles nous sommes plongés. Je n'ai pas voulu ces circonstances. Autrement dit, je dois subir les conséquences.

M. TREMBLAY: Vous êtes une victime.

M. ROY: Je suis une victime. Je vais employer le mot victime, sans indemnisation à l'égard à la faute parce qu'à ce moment, on pourrait avoir un débat avec le ministre ici, devant l'Assemblée nationale.

Mais je pense que si on veut, en toute objectivité... Je ne voudrais pas choquer mon collègue de Lafontaine, ni le chef de l'Opposition officielle, ni leur déplaire, parce que je connais l'intérêt qu'ils ont apporté à toute cette question.

Mais, en ce qui me concerne personnellement, il est à peu près impossible — et c'est le cas de plusieurs membres de l'Assemblée nationale— actuellement, de nous concentrer et de faire le travail le plus efficace possible sur cette question, à cause des circonstances qui nous sont imposées.

M. LEGER: M. le Président, c'est sûr que, dans une fin de session, il y a toute une série de projets de loi qui nous arrivent et qui font que les députés se divisent dans toutes les directions, pour essayer d'être le plus efficace possible. Mais le rapport Gauvin est une chose absolument importante et essentielle. C'est une étape vers une réforme de l'assurance. C'est aussi important, sinon plus, que beaucoup de projets de loi que nous allons avoir en haut.

Je veux mettre le ministre devant deux choix. Ou nous revenons cet après-midi et nous écoutons ce que M. Rankin a à dire, nous lui

posons des questions et l'Opposition a le droit de faire des recommandations au gouvernement. Ou bien on fait cela ou bien le gouvernement doit agir selon la tradition, selon la normalité, c'est-à-dire préparer son projet de loi.

Pour nous, après avoir entendu un comité qui s'est présenté à la commission parlementaire, cela a été enregistré, il y a eu des mémoires présentés, la prochaine étape est la législation. Nous voulons nous prononcer sur la législation du gouvernement. C'est ce que nous voulons. Si le ministre me dit qu'il est capable de nous donner, aujourd'hui, un calendrier de fonctionnement en nous disant: Vous allez avoir le projet de loi pour le début de mars, pour en discuter à l'ouverture de la 31e Législature, et qu'il pourrait y avoir une réforme au cours de l'année 1975, nous serions d'accord. Mais si on est plutôt en train de noyer le poisson en retournant cela en janvier, pour continuer à discuter sur un rapport, je dis: Le ministre est maintenant au courant. Qu'il nous dise, aujourd'hui, à la commission parlementaire s'il est d'accord pour consulter les spécialistes du rapport Gauvin, comme tout ministre doit le faire quand il soumet un projet à l'étude d'une commission et qu'il se prépare à faire une législation. D'ailleurs, il nous l'a déjà annoncée comme étant en préparation depuis déjà plus de six mois.

Nous serions d'accord, à ce moment, pour dire: Nous ajournons les travaux aujourd'hui. Que le ministre nous assure que le projet de loi arrivera en mars. On n'a plus à discuter. Là, on pourra se parler sur les intentions du gouvernement et lui faire nos recommandations. Je pense qu'on a assez perdu de temps. Ou bien, cet après-midi, nous allons lui faire des recommandations, et non pas noyer le poisson et remettre cela au mois de janvier. Mais s'il ne veut pas que nous siégions cet après-midi, parce qu'il y a d'autres projets de loi, qu'il nous dise qu'il y a un calendrier précis et qu'en mars, il y aura un projet de loi sur lequel les députés pourront se prononcer. A ce moment-là, il y aura peut-être dix mois qu'il a en main le rapport de la commission Gauvin. Au lieu de siéger pour entendre les personnes qui ont préparé le rapport Gauvin, que nous parlions des intentions du gouvernement et, à ce moment, on saura qu'il y aura une réforme réelle et qu'on ne noiera pas le poisson!

Le ministre a le choix, en ce qui me concerne. Je vais donner mon accord s'il me dit: D'accord, en mars, il y aura une loi.

M. TETLEY: II n'y en aura pas.

M. LEGER: Le gouvernement aura présenté son choix, c'est là-dessus qu'on veut discuter et non pas passer et perdre du temps à revenir un janvier à une commission qu'on a déjà entendue. Moi, je dis cet après-midi; ou on les rencontre et on va au bout de notre logique, ou bien le ministre nous donne son calendrier et il nous assure qu'il y a une intention gouvernementale qui va être présentée en mars et sur laquelle on pourra discuter.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le ministre.

M. TETLEY: M. le Président, ce n'est pas le député de Lafontaine qui donne des instructions au gouvernement ni au ministre.

M. LEGER: C'est la population derrière nous qui se demande ce que vous en pensez.

M. TETLEY: Vous avez le droit de nous donner des suggestions et vous les avez données; ce n'est pas la première fois. La première suggestion était d'annuler le comité Gauvin, moi je suis content...

M. LEGER: D'annuler le comité Gauvin?

M. TETLEY: ... la commission parlementaire qui a entendu les différents groupes.

M. LEGER: Oui, de présenter un projet de loi et l'étudier.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. TETLEY: ... de procéder par une loi. J'ai cru bon de procéder par la commission parlementaire ce qui était beaucoup plus démocratique. Nous avons un échéancier; au conseil des ministres, nous avons déjà nommé un ancien sous-ministre adjoint de la justice juge responsable de deux comités et il a assisté depuis novembre à nos réunions. Nous avons un échéancier, mais aussitôt que le conseil des ministres aura adopté l'échéancier qui n'est pas une seule loi, parce que ça prend peut-être vingt lois pour adopter les recommandations du comité Gauvin, non pas une seule loi, je vais annoncer nos conclusions avec plaisir. Mais je ne peux pas, avant d'avoir le consentement du conseil des ministres, et du caucus, parce que notre parti est très démocratique... Donc, je dois refuser votre... depuis longtemps...

M. ROY: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. TETLEY: Permettez-moi de terminer! Comme le caucus du parti et celui des autres partis du Parlement certainement... mais je suggère encore et je crois qu'il y a un consensus, à l'exception du parti de l'Opposition officielle, afin qu'au moins les commentaires de M. Gauvin soient imprimés ou inclus dans le journal des Débats...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): ... de M. Rankin.

M. TETLEY: ... de M. Rankin au lieu de demander à M. Rankin de les lire à haute voix; deuxièmement, que nous vérifiions auprès de nos leaders parlementaires s'il est temps de revenir, parce que nous avons tous des questions. J'ai des questions pour M. Gauvin et M. Rankin, M. Belleau et M. Bouchard.

M. LEGER: M. le Président, il est 13 heures et je demande la suspension du débat, tel que le règlement nous le permet, et que nous revenions à 15 heures discuter de ce sujet important.

M. HARVEY (Charlesbourg): Cela vous prend un ordre de la Chambre.

M. LEGER: C'est l'ordre de la Chambre qu'on siège. Actuellement, il est 13 heures et il faut suspendre la séance.

M. TETLEY: L'ordre de la Chambre était de siéger jusqu'à 13 heures.

M. HARVEY (Charlesbourg): Jusqu'à 13 heures.

M. BURNS: Pas du tout. L'ordre de la Chambre était de venir en commission et d'examiner le rapport Gauvin. La Chambre elle-même, par ses règlements, dit qu'à 13 heures, cela suspend automatiquement les travaux. Alors, nous allons être obligés de revenir ici à 15 heures.

M. HARVEY (Charlesbourg): La commission peut prendre ses décisions.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Il est passé une heure.

M. ROY: Le député de Maisonneuve a entièrement raison. Il n'a été aucunement question ce matin d'une limite de temps, lorsque la question...

M. HARVEY (Charlesbourg): C'est à la commission de décider.

M. BURNS: On n'a même plus le droit de décider, il est passé 13 heures. Alors, on suspend les travaux jusqu'à 15 heures, c'est automatique, M. le Président.

M. HARVEY (Charlesbourg): La commission a le droit de décider, M. le Président.

M. BURNS: Non, elle n'a pas le droit.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Je suis d'accord avec le député de Maisonneuve. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

Reprise de la séance à 15 h 8

M. HOUDE, Limoilou (président de la commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: Question de règlement, M. le Président. Les témoins ne sont pas arrivés encore, j'aimerais qu'on attende que les témoins arrivent.

M. TETLEY: La motion que j'ai faite d'ajourner sine die, je la réitère. Je veux dire au député...

Motion d'ajournement

M. BURNS: M. le Président, question de règlement. Cette motion n'a pas été décidée.

M..TETLEY: C'est cela. Vous avez dix minutes pour discuter cela. Je veux dire une chose au député de Maisonneuve. Nous avons eu, ici, pendant des semaines, même des mois une discussion ouverte où je n'ai jamais imposé le bâillon.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. TETLEY: Un instant, je n'ai pas terminé.

M. BURNS: Le règlement a été invoqué.

M. LEGER: Actuellement, le ministre est en train de discuter d'un projet quelconque ou d'une idée quelconque, alors que la question posée par le député de Maisonneuve est la suivante : Nous avons suspendu les travaux de la commission de une heure à trois heures avec la mission d'entendre les gens du rapport Gauvin et ils sont absents actuellement.

M. TETLEY: ... mission.

M. LEGER: Je vais demander directement au ministre si c'est lui qui leur a dit de ne pas venir ou s'il a eu le mandat de la commission parlementaire de dire aux représentants du comité Gauvin...

M. TETLEY: Non.

M. LEGER: ... de ne pas être présents à cette heure-ci.

M. TETLEY: Lorsqu'un membre me l'a demandé, j'ai dit que c'était notre intention, comme il le savait, d'ajourner sine die.

M. LEGER: Du gouvernement, non pas de la commission.

M. TETLEY: Mon intention, la motion que

j'ai déjà faite. Je présente encore la motion d'ajourner sine die pour les raisons déjà données.

M. BURNS: M. le Président, à l'ordre! A l'ordre!

M. ROY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Un instant !

M. ROY: ... question de règlement.

M. BURNS: Cette motion n'est pas receva-ble.

M. ROY: La motion n'est pas recevable pour la bonne raison que j'avais fait une motion, au préalable, et que la commission n'en a pas disposé. Je pense que c'est assez clair que, lorsqu'il y a une motion sur la table, la commission commence à en disposer avant qu'il y ait une nouvelle motion à discuter. Qu'on dispose de la motion que j'ai faite. Sur la motion que j'ai faite, j'aurais quelque chose à dire. J'aurais des questions à poser au ministre avant de dire ce que j'ai à dire là-dessus. Je veux savoir pourquoi les gens du comité Gauvin ne sont pas ici, cet après-midi?

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Pardon, ce n'était pas la motion.

M. ROY: Ce n'était pas la motion, mais avant de revenir sur la motion, c'est une question de privilège que je pose. Je pose cette question de privilège comme membre de la commission. Je suis en droit de savoir, à ce moment-ci, comment se fait-il que les gens du comité Gauvin ne sont pas ici, à la barre?

M. TETLEY: Je vais avec plaisir répondre à cette question, parce que je croyais que votre motion ou ma motion serait adoptée. Lorsqu'il a dit: Est-ce qu'il serait nécessaire... Nous avons du travail important. Je crois que j'ai parlé à un seul membre — soit à M. Rankin ou à M. Gauvin, je ne sais pas lequel des deux — j'ai dit: C'est mon opinion que vous ne serez pas entendus cet après-midi. J'ai pensé à votre motion ou à ma motion.

M. ROY: Sur la motion que j'avais présentée, je l'avais présentée en espérant que cette motion rencontre les désirs de la totalité, je ne dirai pas de la majorité des membres de la commission, mais de la totalité des membres de l'Opposition. J'ai vu que, du côté de l'Opposition officielle, du côté du Parti québécois, ils avaient des objections sérieuses et qu'ils avaient demandé, comme je l'avais demandé d'ailleurs, que nous procédions d'une certaine façon. Les objections que j'avais apportées ce matin étaient qu'il y avait eu beaucoup de changements dans l'ordre des travaux de l'Assemblée nationale et que nous étions dans une situation telle que nous ne pouvions pas, logiquement et normalement, dans des conditions normales avec des délais normaux, travailler en toute quiétude et en toute objectivité en commission parlementaire. Mais je me rends compte d'une chose, c'est qu'aujourd'hui, comme durant les autres séances des commissions, on se fait manoeuvrer, on se fait charrier passablement. On ne sait pas où on va. Or, compte tenu des circonstances, je retire ma motion.

M. TETLEY: M. le Président, je fais la motion pour ajourner sine die.

M. LEGER: M. le Président, sur la motion du ministre...

M. BONNIER: La motion n'a pas été appuyée. Moi, je l'appuie.

M. LEGER: ... je voudrais parler et m'opposer à la motion pour la raison suivante.

M. TETLEY: Prenez le temps, l'Opposition a dix minutes.

M. LEGER: Un instant, M. le Président, dix minutes sur chaque point. Vous avez proposé la motion d'ajournement...

M. TETLEY: Une motion d'ajournement sine die.

M. LEGER: ... et je vais tout simplement amender votre motion pour que nous siégions jusqu'à six heures, de façon que nous puissions poser les questions voulues. Malheureusement, le ministre a imposé le bâillon à cette commission en envoyant chez eux les représentants...

M. TETLEY: Un instant. Une question de privilège.

M. BURNS: A l'ordre! Le député de Lafontaine a le droit de parole.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Lafontaine sur l'amendement à la motion.

M. LEGER: M. le Président, le ministre a imposé le bâillon en prenant de lui-même la responsabilité de dire aux gens du comité Gauvin de ne pas venir à la commission cet après-midi. C'est inacceptable.

M. TETLEY: Question de privilège.

M. BURNS: II n'y a pas de question de privilège en commission.

M. TETLEY: Mais on peut les soulever en tout temps.

M. LEGER: M. le Président, vous enlevez cela sur mon temps.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît ! La parole est au député de Lafontaine.

M. BURNS: Bon!

M. LEGER: M. le Président, la raison pour laquelle nous jugeons cette attitude absolument inacceptable est que nous aurions voulu proposer mieux que cela, c'est que chacun des groupes, ici, soit capable de s'informer, non pas publiquement mais, personnellement, auprès des gens de la commission Gauvin pour obtenir les renseignements qu'ils jugent utiles. Le débat public, en ce qui nous concerne, devrait être terminé. C'est le débat politique qui doit commencer. C'est la raison pour laquelle un débat politique ne peut commencer que s'il y a un projet politique devant nous.

M. le Président, je dis que la commission est arrivée au terme de ses travaux. Nous n'avons pas à ajourner au mois de janvier ou février pour entendre de nouveau les gens du comité Gauvin, qui ne pourraient que répéter ce qu'ils ont dit dans leur rapport.

M. le Président, nous devons tirer certaines conclusions, même si l'aboutissement normal de 17 séances...

M. TETLEY: Permettez-moi une question.

M. LEGER: ... M. le Président, vous m'avez donné dix minutes.

M. TETLEY: D'accord!

M. LEGER: J'ai à peu près 30 secondes de passées, et je veux avoir le temps de dire ce que j'ai à dire.

Il est temps, M. le Président, après les 17 séances que nous avons tenues, que nous arrivions à une législation et qu'un certain nombre de mesures administratives soient mises de l'avant. En tout premier lieu, j'aimerais faire état de l'impression que m'a laissée cette première expérience de l'étude d'un rapport d'une commission d'enquête. C'est une première. On a fait grand état, ces dernières années, et encore dans nos travaux récents, de l'utilisation fréquente des commissions parlementaires. Je suis le premier à admettre qu'il s'agit là d'une institution utile et capable de renfoncer notre appareil législatif. Mais il ne faudrait pas abuser de ce mécanisme encore jeune et en faire un élément clef de stratégie ministérielle. C'est le cas actuellement, M. le Président, un élément clef de stratégie ministérielle.

La Loi des commissions d'enquête n'a pas confié, par caprice, la responsabilité des enquêtes et des rapports d'enquêtes au pouvoir exécutif. Il s'agit là d'une sagesse institutionnelle, M. le Président, que le gouvernement ne devrait pas perdre, encore une fois.

La Chambre et ses commissions sont essentiellement des lieux de débats, et ses commissions sont aussi des lieux de débats et non pas des lieux d'étude et d'examen. Notre activité ordinaire et la façon dont les media s'en emparent nous montrent bien quelles attentes la société a devant l'Assemblée nationale. C'est ce que la loi avait compris, qui demande aux commissions d'enquête de faire rapport aux agents responsables d'établir une mise en oeuvre des recommandations et de faire cela par le cabinet.

Alors, que l'on ne vienne pas nous dire plus tard que nous ne souhaitons pas la diffusion de ces rapports d'enquête. C'est essentiel, dès la remise des rapports. L'Opposition et les simples députés devraient profiter de tous ces documents pour étayer les pressions qu'ils doivent faire sur un pouvoir exécutif qu'il a d'agir. Il s'agit d'un aiguillon que le gouvernement ne devrait refuser à l'Opposition et au public en général que pour des raisons très graves.

Les rapports commandés par l'Etat doivent servir à tous les agents. Il s'agit d'un élément normal, d'un arsenal de tous ceux qui ont pour mission d'équilibrer le pouvoir exécutif, c'est-à-dire l'Opposition et le gouvernement. Ceci dit, il faut quand même convenir, et nous en avons fait la preuve bien satisfaisante, que le débat politique ne peut se faire que sur des positions politiques, des choix et des décisions du gouvernement. J'ai bien dit des débats politiques et non des débats publics, car lorsqu'ils sont tenus par nous, lorsque la société nous les laisse ou nous les confie, ils sont toujours politiques. Si certains de mes collègues croient à une étude objective du rapport Gauvin, qu'ils se méfient, M. le Président. Il n'est pas de serviteurs plus dévoués à des intérêts particuliers quelconques que ceux qui sont aveugles. Devant un tribunal, comme dans tout autre forum, les témoignages d'experts ne sont jamais que des éléments d'une stratégie qui servent autant l'Opposition que le gouvernement.

Lorsqu'un ministre lance un rapport à la curée, en se retranchant dans une fausse neutralité...

M. TETLEY: ... pourquoi...

M. LEGER: Je répète parce que le ministre ne m'écoutait pas. Quand le ministre se sert d'une fausse neutralité pour ne pas agir devant un rapport, cela ne peut être que pour le miner une fois rendu public.

M. TETLEY: Pardon!

M. LEGER: II fallait endosser ce rapport Gauvin...

M. TETLEY: ... 77...

M. LEGER: ... ou il n'avait qu'à le laisser sur les tablettes. C'est ce qu'a compris le ministre des Transports qui a déjà pris à son compte une

partie des recommandations et qui n'a pas semblé désemparé face à d'autres. Le ministre pourra toujours alléguer qu'il a donné au comité un droit de réplique. Nous en avons eu l'expérience aujourd'hui.

Mais le rapport Gauvin... les membres du comité Gauvin ne peuvent guère mieux que revenir à leur rapport et prendre à contre-pied les propositions qu'ils ont entendues deux fois.

C'est au législateur à parler et ce depuis le printemps dernier. Quand on crée un comité d'enquête, on doit savoir, du côté du gouvernement qu'on utilise le meilleur, mais aussi le dernier refuge avant d'agir. Les commissions parlementaires ne doivent pas servir à couvrir les derniers calculs et les dernières hésitations. Les grandes réformes qui ont marqué les affaires sociales, le domaine de l'éducation, de l'enseignement et de la justice ont été examinées en commission parlementaire alors que les ministres avaient fait leur lit.

Il semble que le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, contrairement à ses collègues, n'a pas été élu pour gouverner. Les travaux n'ont pas été inutiles, cependant, parce qu'à défaut de nous éclairer vraiment sur ce qui était souhaitable, c'est-à dire le choix du gouvernement, nous savons maintenant ce qui est accepté dans ce manifeste...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Votre temps est...

M. LEGER: ... et ce qui est refusé. M. TETLEY: ... épuisé.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre !

M. LEGER: M. le Président, j'ai commencé à 3 h 15.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît! En vertu de l'article 77: "Une motion non annoncée d'ajournement du débat peut être faite en tout temps; une telle motion, sauf si elle est faite par un ministre, ne peut être faite qu'une seule fois au cours d'une séance. Elle est mise aux voix sans amendement, à la suite d'un débat restreint au cours duquel un représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix minutes, le proposeur pouvant exercer un droit de réplique de même durée".

M. LEGER: C'est cela.

M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement. C'est parfaitement dans l'ordre ce que le député de Lafontaine et non pas de Maisonneuve... On est tellement à plusieurs endroits en même temps qu'on souffre de dédoublement de personnalité.

M. MARCHAND: Cela fait longtemps que c'est fait.

M. BURNS: Je pense que le député de Lafontaine est en train, actuellement, d'exercer le droit d'un parti reconnu d'exprimer pourquoi il n'est pas d'accord sur la motion qui est faite par le ministre. Il est parfaitement dans l'ordre.

M. TETLEY: Parfaitement d'accord.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Je suis d'accord sur cela, mais la façon dont le député de Lafontaine a procédé, en voulant faire un amendement à la motion... S'il parle strictement sur l'amendement...

M. BURNS: II ne l'a pas fait.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Très bien. Cela va.

M. LEGER: J'espère que vous ne m'enlèverez pas ma minute. Il me reste encore cinq minutes.

M. le Président, l'étude du rapport Gauvin nous a permis quand même de connaître ce qui était accepté et ce qui était refusé par les différents groupes qui sont venus et qui étaient en faveur ou contre.

Ces témoignages nous éclairent sur les intérêts mis en cause et la qualité de leur position. Ainsi, nous avons pu constater que le principe de la responsabilité sans égard à la faute a l'appui d'une faction et de groupes, bien différents, tant des assureurs, des avocats, des automobilistes, des garagistes, que des syndicats. Ils sont d'accord au moins sur une abolition partielle de la responsabilité sans égard à la faute jusqu'à un certain seuil.

Le gouvernement peut s'avancer sans crainte, si c'est cela qui le retenait jusqu'ici. Presque tout le monde est d'accord là-dessus. Il est également manifeste que tout le monde est d'accord pour prendre des mesures draconiennes dans l'administration de quelque régime que ce soit, de façon à comprimer les dépenses propres de ce régime. La volonté de baisser les primes a été exprimée par tout le monde et personne n'est venu dire que l'administration actuelle du plan est optimale.

Le gouvernement peut compter sur ce constat au moins partiel d'échec et il profite actuellement d'un climat exceptionnel d'insatisfaction de la part des assurés et de réformes chez les administrateurs et chez les intermédiaires. C'est le temps de proposer des changements importants.

Enfin, il n'est pas nécessaire de revenir sur le consensus qui s'est établi autour des recommandations visant la sécurité routière. D'ailleurs, le ministre concerné en profite déjà pour agir. Quelles sont les prochaines étapes et qu'est-ce qui doit suivre cette séance? Pour reprendre ce que je disais au début, le ministre des Institu-

tions financières doit suivre la démarche qu'il aurait dû ne pas quitter et réaligner la réforme dans le cheminement normal. On a déjà travaillé sur un texte de loi depuis près de sept mois, nous a-t-il dit. Il n'y a aucune raison, sinon la mollesse et l'indécision, pour que les projets de loi nécessaires à la mise en oeuvre de la politique gouvernementale ne soient pas déposés au début de la session, c'est-à-dire en mars ou à la fin de février. A ce moment, le cabinet aura étudié le rapport Gauvin depuis près d'un an. Le problème est peut-être complexe, mais il est aussi urgent. Le temps nécessaire à la réflexion doit être mesuré suivant le caractère impérieux des réformes à apporter.

S'il n'est pas maintenant aux dernières étapes de la confection d'un projet de loi, le gouvernement est grandement irresponsable. L'importance des intérêts en cause et la difficulté d'un nouvel arbitrage ne doivent pas retarder indûment le législateur. Et selon qu'il entend ou non consulter publiquement enfin l'opinion publique sur ses intentions et ses propositions, le gouvernement doit se hâter encore plus et prévoir le calendrier de la prochaine session, en conséquence.

En effet, cela est nécessaire pour que nous atteignions un objectif bien raisonnable que nous pourrions fixer maintenant, à savoir la mise en branle de la réforme gouvernementale pour l'été prochain.

Le gouvernement ne doit pas étirer les choses, et personne n'est venu lui demander de le faire, tout au contraire. Pour atteindre cet objectif, c'est sa propre inertie qu'il doit combattre, et qu'il n'essaie pas de l'imputer aux assurés, aux assureurs ou à d'autres.

Ainsi, si le gouvernement nous présente un projet de loi au début de mars et que la réforme se fait durant l'été, dès le début de 1976, les Québécois pourront profiter d'un nouveau régime, ce qui est la seule raison pour laquelle nous sommes réunis ici et la seule raison aussi pour laquelle on a commandé un rapport à M. Gauvin. Si, M. le Président, les personnes autour de cette table ont des demandes de renseignements, elles peuvent se référer soit au rapport Gauvin qui est ici ou communiquer directement aux personnes qui sont là. Je pense que M. Gauvin, M. Rankin, M. Belleau, M. Bouchard — il y en a un autre dont j'ai oublié le nom — peuvent être disponibles pour des renseignements non politiques mais techniques. Le débat public sur l'étude du rapport Gauvin a trop duré, il est grand temps que le débat politique sur le choix du gouvernement commence et c'est la raison pour laquelle je m'oppose à l'ajournement des travaux de cette commission et je propose plutôt la clôture de la commission des institutions financières concernant le rapport Gauvin et que le gouvernement se mette immédiatement à nous présenter son projet de loi.

LE PRESIDENT (M.Houde, Limoilou): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, je vois que mon collègue de Lafontaine propose une motion qui va plus loin que celle que j'avais proposée...

LE PRESIDENT (M.Houde, Limoilou): La motion est irrecevable.

M. LEGER: Un instant.

M. BURNS: C'est une indication qu'il fait au ministre.

M. ROY: ... pour le mois de janvier. M. le Président, je ne peux pas être d'accord, à ce moment-ci, pour la motion d'ajournement du ministre et je m'explique. Je voudrais revenir sur un point. Lorsque j'avais fait cette proposition ce matin, il était bien entendu et il n'était pas question, jamais, dans mon esprit, que nous quittions la commission parlementaire des institutions financières, compagnies et coopératives sans qu'un calendrier précis soit établi et accepté par la commission de façon que nous sachions enfin de quelle façon nous allions procéder, comment et quand. C'était le deuxième volet de la motion que j'avais proposée ce matin. A aucun moment et d'aucune façon, j'ai voulu faire en sorte que nous noyions le poisson. J'ai voulu plutôt éviter que ce débat se déroule dans une espèce de labyrinthe d'idées dans l'ensemble de toutes les législations que nous avons à débattre à l'heure actuelle, compte tenu du fait que nous avions demandé également — j'avais appuyé cette demande — que la commission parlementaire siège mardi prochain, alors que nous venons de recevoir des avis disant qu'on convoque une commission spéciale pour étudier la question de l'Hydro-Québec, mardi prochain. Il est évident que devant tous ces faits, on ne peut pas se multiplier à l'infini pour étudier tous les dossiers en même temps. C'était pour donner une note très sérieuse, très précise pour que nous puissions, enfin, nous engager vers des réalisations, vers des solutions et, comme l'a dit le député de Lafontaine, de façon que le débat politique puisse commencer au plus tôt.

M. le Président, fort de l'expérience passée, au cours de laquelle nous avons tenu — je prends les chiffres de mon collègue — 17 séances de la commission parlementaire, pendant lesquelles on a étiré le temps stratégiquement pour tâcher d'étirer la question le plus longtemps possible, de façon à nous amener dans l'entonnoir des quelques jours qui précèdent l'ajournement de la Chambre.

C'est la raison pour laquelle il est important que nous puissions savoir où nous allons dans ce domaine. Le ministre propose l'ajournement sine die de la commission pour faire quoi, convoquer quand et en vertu d'étudier quoi? C'est le point sur lequel on doit s'interroger, M. le Président. Les députés et collègues ministériels ont beau rire, je comprends que ce n'est pas fatigant quand on a seulement à rire derrière, pendant les commissions; mais on ne sait pas du tout où le ministre veut nous

conduire lorsqu'il a fait tout à l'heure sa proposition d'ajournement de la commission parlementaire.

Je pense que le gouvernement doit nous faire connaître ses intentions; il doit nous faire connaître le calendrier de ses décisions ou des autres travaux qui pourront venir, de façon que nous puissions savoir à quoi nous en tenir, et de quelle façon le gouvernement entend procéder.

M. le Président, à ce moment-ci, après 17 séances, on a entendu les différents organismes qui sont venus devant la commission parlementaire, mais les grandes questions que tout le monde se pose, même ceux qui sont venus devant la commission parlementaire: Quelles sont les intentions du gouvernement? Que fera le gouvernement? Pour quand est la législation?

Tous les organismes qui sont venus devant la commission parlementaire ont été unanimes à dire qu'il devait y avoir des réformes dans le régime d'assurance-automobile. Tout le monde a été d'accord là-dessus. Les organismes se sont prononcés sur différentes façons d'apporter ces réformes; certains ont mis l'accent dans le secteur de la sécurité routière; d'autres ont parlé d'un programme comme celui d'Auto-BAC; d'autres ont appuyé le rapport Gauvin et d'autres ont parlé de l'étatisation de l'assurance-automobile.

Que fera le gouvernement? C'est ce qu'on ne sait pas. Quand le fera le gouvernement? On ne le sait pas.

Aujourd'hui, on nous propose l'ajournement sine die de la commission alors qu'on ne sait absolument rien. Qu'est-ce qu'on a fait depuis trois mois? Sinon que de questionner, d'interroger et d'écouter ceux qui viennent devant la commission.

M. MARCHAND: Vous avez formé des partis politiques.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!

M. ROY: Qu'est-ce qu'on a fait à la commission depuis cette période de temps? Quelles sont les intentions du gouvernement? C'est la question que je me pose et c'est une question pour laquelle je veux avoir une réponse, avant que la commission parlementaire soit ajournée.

Je sais, nous sommes trois députés de l'Opposition, nous savons que le gouvernement est fort de sa majorité, on peut un peu présumer du sort de la motion de l'honorable ministre.

Même si nous nous opposons de toutes nos forces, on ne peut pas voter plus qu'une fois. On ne peut pas passer de "télégraphe" ici.

M. TETLEY: Est-ce que vous le faites ailleurs?

M. ROY: Non, je ne le fais pas ailleurs.

M. MARCHAND: Est-ce que le Parti présidentiel passe des télégraphes?

M. ROY: Pour cela, vous irez le lui demander.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît ! A l'ordre !

M. MARCHAND: Vous demanderez cela à votre chef, Dupuis, que vous avez protégé.

M. ROY: M. le Président, je pense quand même, en toute logique et en toute honnêteté, de façon très sérieuse, qu'il est important et que c'est le devoir et l'obligation du ministre de faire connaître les intentions du gouvernement à ce moment-ci en nous disant comment il entend procéder par la suite et quand.

M. TETLEY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le ministre des Institutions financières.

M. TETLEY: ... je ne suis pas étonné, ni blessé par vos remarques. Je sais que c'est le jeu politique, mais nous avons tous un devoir, nous avons le même devoir, celui de trouver une solution au problème de l'assurance-automobi-le. Le député de Beauce-Sud a fait une motion d'ajournement jusqu'en janvier. J'ai même expliqué mon opinion et, en réponse à votre question que j'ai notée comme sixième question ici, j'ai même dit que je préférerais la semaine prochaine, suivant l'espèce de cédule que nous avons proposée et qui n'avait pas force de loi.

Il est important et nous sommes tous d'accord, le député de Lafontaine, le député de Beauce-Sud, le député de Maisonneuve et tous les autres, qu'il faut trouver une solution à nos problèmes. Nous avons bénéficié, aujourd'hui, de la présence de M. Gauvin. Pour donner le ton à cette motion, je dois ajouter que je suis aussi intéressé à trouver une solution que vous.

Deuxièmement, je note que nous avons toujours siégé durant la session seulement le matin. Le député de Maisonneuve n'était pas toujours ici, il était très bien représenté par le député de Lafontaine, mais nous avons siégé seulement le matin. Ce n'est pas nouveau. La semaine dernière, nous avons siégé seulement le matin. En tout, c'était convenu de siéger...

M. BURNS: Avec la CSN, on a siégé l'après-midi.

M. TETLEY: C'est le seul cas où nous avons siégé l'après-midi. C'était un cas spécial. Nous avons fait un grand spécial pour la CSN et j'en étais content. J'arrive...

M. ROY: Si le ministre me le permet, il est bon de noter que, lorsque la CSN est venue

devant la commission parlementaire, vous aviez convoqué deux organismes contrairement à un dans les séances qui ont précédé. Je dois dire au ministre sur ce point que nous avions terminé nos travaux le midi, quand nous avons siégé lors des séances précédentes.

M. TETLEY: Nous en avons eu deux chaque fois en novembre et souvent trois. Que j'aie imposé le bâillon, je n'ai jamais imposé le bâillon, ce n'est pas vrai. Notre gouvernement et surtout cette commission-ci... Tout le monde... J'ai des témoins, tout député a le droit de parler, de dire beaucoup de choses. J'ai cédé souvent même de mon temps. Je me souviens d'une fois où le député de Beauce-Sud m'a donné de son temps. Parler de bâillon n'est pas vrai.

Il y a une contradiction grave dans l'argumentation de mon ami, le député de Lafontaine. Il a dit qu'il fallait voir M. Gauvin. Pourquoi ne viendrait-il pas ici, la semaine prochaine? Après cela, il demande immédiatement la clôture, afin qu'on n'ait pas le droit de poser de questions. C'est tout simplement...

M. LEGER: II y avait deux jours de planifiés, voyons donc!

M. BURNS: Est-ce que vous me permettez une question?

M. TETLEY: Oui, brève, trente secondes. M. BURNS: Très brève. M. TETLEY: Je compte.

M. BURNS: C'est parce que vous venez de parler de M. Gauvin. Les témoins qui ne sont pas là aujourd'hui, qui ne sont pas là dans le moment, comment se fait-il qu'ils ne sont pas là? C'est vous qui leur avez dit...

M. TETLEY: Mais j'ai répondu.

M. BURNS: Non, vous n'avez pas répondu.

M. TETLEY: J'ai dit que j'avais une motion, comme je l'ai dit.

M. BURNS: Vous avez dit aux témoins de ne pas venir parce que vous aviez une motion.

M. TETLEY: Non, ils ont dit: Est-ce qu'on doit venir? J'avais toujours dit que c'était tout simplement le matin. J'ai dit que j'avais une motion, mais j'ai...

M. BURNS: Répondez-moi, M. le ministre. M. TETLEY: Ce n'est pas moi...

M. BURNS: Vous avez accepté ma question. Vous avez dit aux témoins de ne pas venir...

M. TETLEY: Non.

M. BURNS: ... parce que vous aviez une motion...

M. TETLEY: Parce qu'il y avait les motions du député de Beauce-Sud et la mienne. C'était aussi parce qu'ils étaient convoqués tout simplement pour le matin.

M. BURNS: Non, mais vous n'avez pas le droit de faire cela.

M. TETLEY: Mais ce matin... Un instant!

M: BURNS: Vous n'avez pas le droit de dire aux gens de ne pas venir à la commission.

M. TETLEY: Je n'ai pas dit de ne pas venir.

M. BURNS: Non, mais j'ai posé la question au ministre.

M. TETLEY: Non, je n'ai pas dit...

M. BURNS: C'est parce que cette histoire peut rebondir en Chambre demain. Je n'ai pas le droit de poser une question de privilège selon les décisions des présidents, ici. Je n'ai pas le droit de faire une question de privilège à la commission, mais il est possible qu'on en fasse une en Chambre, par exemple.

M. TETLEY: Très bien, et je vais répondre.

M. BURNS: Parce que je ne vois pas qu'un ministre soit capable de dire à des témoins: Ne venez pas cet après-midi, de toute façon, on ne siégera pas.

M. TETLEY: Je n'ai pas dit de ne pas venir, j'ai dit que...

M. BURNS: Non?

M. TETLEY: ... nous avions une motion. Je crois que je l'ai dit à M. Rankin.

M. BURNS: Bon. Comment se fait-il qu'ils ne soient pas ici?

M. TETLEY: Probablement qu'ils ont décidé de ne pas venir, parce que... En tout cas.

M. BURNS: On pourrait peut-être faire une motion pour les faire venir, d'abord.

M. TETLEY: Peut-être, parce que nous avons une motion... Je termine, votre question.

M. LEGER: J'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Question de règlement.

M. LEGER: Le ministre vient d'affirmer une

fausseté. Il vient d'affirmer qu'on ne devait siéger que ce matin, alors qu'à la commission parlementaire de la semaine dernière, il avait été convenu qu'on passait la journée d'aujourd'hui à entendre les gens du rapport Gauvin, et la journée de mardi à discuter ensemble de ce que les gens du rapport Gauvin nous avaient dit.

M. MARCHAND: On les faisait venir deux jours.

M. LEGER: De vous-même, vous venez de dire qu'ils ne devaient être ici que ce matin, alors que la semaine dernière vous avez affirmé qu'ils devaient être ici toute la journée. Alors, d'eux-mêmes, ils ne pouvaient pas s'en aller, parce qu'ils savaient que la commission n'était pas ajournée et qu'eux avaient été convoqués tant que la commission n'est pas ajournée.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. MARCHAND: M. le Président, sur la question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Non, s'il vous plaît!

M. ROY: Bâillon!

M. BURNS: Bâillonnez le député de Laurier.

M. MARCHAND: Question de règlement, M. le Président. Comme j'ai assisté depuis le début aux séances de la commission, j'ai écouté aussi ce que le ministre a dit la semaine dernière. Le ministre a dit qu'il convoquerait le commissaire Gauvin le mardi de la semaine passée et jeudi, mais il n'a pas dit que ce serait toute la journée. Vous affirmez vous aussi une fausseté.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement, parce que le député parle de mardi. On est jeudi aujourd'hui...

M. MARCHAND: C'est jeudi, d'accord. Mardi passé et jeudi.

M. LEGER: Jeudi, aujourd'hui, et mardi prochain. D'accord.

M. MARCHAND: D'accord. Il n'en a jamais été question de toute la journée, toutes nos sessions ont été le matin et rarement l'après-midi. Tout le monde est au courant de cela.

M. LEGER: On devait siéger toute la journée.

M. TETLEY: Merci. En tout cas, je n'ai rien fait avec méchanceté. Je sais que cela se fait toujours, sauf une exception avec une demande spéciale...

M. LEGER: Jamais par méchanceté, je le sais, mais par une politique, oui.

M. TETLEY: ... dans le cas de la CSN, je sais bien. Le député de Maisonneuve est ici, et il est allé voir le leader pour faire un "deal" pour siéger. Nous avons décidé de siéger après une discussion.

M. BURNS: Je n'ai pas fait un "deal", j'ai demandé au leader tout simplement s'il était d'accord pour qu'on siège...

M. TETLEY: C'était décidé à 3 heures.

M. BURNS: ... pour éviter que les gens de la CSN reviennent.

M. TETLEY: J'invoque mon exemple où mardi dernier, cela a été fait par un...

M. BURNS: Oui, mardi dernier, c'est cela.

M. TETLEY: ... cela a été fait avec le consentements des deux partis, et vous avez agi en tant que notre agent ou messager, je ne sais pas, agent officiel. Il n'y avait pas d'entente pour siéger cet après-midi-là avec la CSN. Mais je retourne à un autre argument.

J'ai parlé de la contradiction. Vous ne voulez peut-être pas écouter M. Gauvin ou lui poser des questions. Je crois que j'ai de bonnes questions. Je crois que le député de Beauce-Sud a de bonnes questions. Je crois qu'il est essentiel — et c'était notre politique— d'écouter tout le monde. En ce qui concerne le gouvernement, c'est au gouvernement de prendre ses responsabilités et vous avez raison de nous aviser de ce fait.

Je vous remercie. Parfois, on oublie que nous avons l'obligation d'agir. Laissez-moi dire ce que nous avons fait jusqu'à ce jour.

C'est le ministre d'Etat aux Transports qui avait annoncé l'institution d'écoles de conduite; c'est le ministre des Transports et le ministre de la Justice qui ont annoncé tout un changement dans le système de points de démérite. C'est moi qui ai formé un comité interministériel, dont je suis le président, et c'est accepté par le conseil des ministres; nous avons eu l'honneur de nommer un sous-ministre adjoint de la Justice comme président de deux sous-comités, un sur la sécurité routière, un sur l'assurance. Il est présent ici depuis le 1er novembre, et il a été nommé juge de la cour Provinciale, le 1er décembre. Nous avons des plans au sujet du fonds d'indemnisation et beaucoup d'autres lois, ce n'est pas une seule loi.

Le gouvernement doit agir et le gouvernement doit faire preuve de son action. Que le gouvernement me donne le droit, avant les décisions finales du conseil des ministres ou du caucus, de vous annoncer à l'avance mon opinion. Mais je ne peux pas, et avec regret,

peut-être. Mais vous aurez l'occasion de critiquer ces plans et le résultat.

Donc, M. le Président, je propose le vote.

M. BURNS: M. le ministre...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors, quels sont...

M. BURNS: ... est-ce que le ministre...

UNE VOIX: Une seconde!

M. BURNS: ... me permet une question?

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Est-ce que le ministre permet la question?

M. TETLEY: Oui. Je suis un très gentil garçon.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de Maisonneuve.

UNE VOIX: C'est un ministre très démocratique.

M. BURNS: Vous avez parlé d'un sous-ministre adjoint qui a été nommé juge et qui va siéger comme président d'un sous-comité interministériel. Pour combien de temps ce sous-ministre, cet ex-sous-ministre, juge maintenant, a-t-il été libéré pour cette fonction?

M. TETLEY: Depuis le 1er novembre.

M. BURNS: Depuis le 1er novembre jusqu'à quelle date?

M. TETLEY: II est libéré pour quatre mois.

M. BURNS: Quatre mois, depuis le 1er novembre, c'est-à-dire jusqu'au...

M. TETLEY: L'arrêté en conseil date de...

M. BURNS: II est libéré jusqu'au mois de mars.

M. TETLEY: Disons jusqu'à la fin de mars... M. BURNS: Fin de mars?

M. TETLEY: ... mais il travaillait comme sous-ministre jusqu'au moment de sa nomination comme juge.

M. BURNS: Cela signifie qu'on ne sera pas en mesure d'avoir des recommandations et la position gouvernementale, avant bien loin, au mois de...

M. TETLEY: Nous avons des plans pour agir par étapes, évidemment.

M. BURNS: Vous allez passer par-dessus le sous-comité?

M. TETLEY: Non. Le sous-comité est nommé, mais il peut faire des rapports. Il a déjà fait deux rapports.

M. BURNS: Oui, mais si le sous-comité est formé et à la tête duquel se trouve un juge qui est libéré pour quatre mois...

M. BONNIER: Je m'excuse auprès du député de Maisonneuve...

M. BURNS: Vous n'avez pas à vous excuser. Laissez donc faire! J'ai la parole.

M. BONNIER: Comment "vous n'avez pas d'affaire à vous excuser? "

M. TETLEY: Posez votre question.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de Bellechasse.

M. BURNS: Je dis simplement, M. le ministre...

M. BONNIER: Question de privilège. Tout de même...

M. TETLEY: Non. Posez votre question.

UNE VOIX: Vas-y. Ne te laisse pas influencer.

M. BURNS: C'est cela, la question.

M. BONNIER: Je pense qu'on était tous...

M. BURNS: N'oubliez pas que, si le juge en question a été libéré jusqu'à la fin de mars, approximativement, dans le fond, ce rapport ne viendra pas chez vous avant...

M. BONNIER: On a répondu à cette question.

M. TETLEY: Je n'ai pas de réponse. Nous avons des rapports, par étape, d'autres personnes.

M. BURNS: Vous ne serez pas en mesure de légiférer avant ce temps?

M. TETLEY: Je ne fais aucune promesse de législation. C'est ma réponse. Il n'y a pas d'autres questions.

DES VOIX: Vote.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le vote.

M. ROY: M. le Président, je m'excuse. Question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Question de règlement.

M. ROY: J'ai posé une question au ministre tout à l'heure et le ministre a probablement oublié de me répondre. Je veux savoir si vous avez l'intention de convoquer à nouveau la commission parlementaire.

M. TETLEY: Oui. M. ROY: Quand?

M. TETLEY: Je vais parler au leader parce que c'est entre ses mains. Je vais faire l'impossible pour donner suite à la suggestion du député de Beauce.

M. ROY: Avez-vous l'intention de convoquer à nouveau les membres du comité Gauvin devant cette commission?

M. TETLEY: Mais oui.

M. LEGER: Autrement dit, ce qu'on aurait pu faire aujourd'hui, jeudi, vous voulez remettre cela en janvier. Aujourd'hui et mardi, ce que nous aurions pu faire, c'est remis en janvier.

M. TETLEY: Le député de Beauce-Sud voulait étudier les problèmes qu'il vient de...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. TETLEY: Le vote.

M. LEGER: A quoi sert ce sous-comité...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre ! Quels sont ceux qui sont en faveur de la motion d'ajournement? M. Assad (Papineau)? M. Beauregard (Gouin)? M.Bellemare (Johnson)? M. Bonnier (Taschereau)?

M. BONNIER: Pour.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Burns (Maisonneuve)?

M. BURNS: Sur la motion d'ajournement?

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Oui.

M. BURNS: Comment pensez-vous que je vais voter?

M. MARCHAND: Pour. M. BURNS: Contre.

UNE VOIX: Comment se fait-il que le député de Maisonneuve vote à la place du député de Johnson?

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Chagnon... A l'ordre, s'il vous plaît. On est en train de voter.

M. Chagnon (Lévis)?

M. CHAGNON: Pour.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Harvey (Charlesbourg)?

M. HARVEY (Charlesbourg): Je vais voter en.faveur.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Harvey (Dubuc)?

M. HARVEY (Dubuc): Pour.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Léger (Lafontaine)?

M. LEGER: Comme de raison, contre.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Marchand (Laurier)?

M. MARCHAND: Pour.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Picotte (Maskinongé)?

M. PICOTTE: Pour.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Roy (Beauce-Sud)?

M. ROY: Contre. Ecrivez-le en lettres majuscules.

UNE VOIX: II est contre et ce matin, c'est lui qui l'a proposé.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Tremblay (Iberville)? La motion est adoptée et la commission ajourne ses travaux sine die.

M. BONNIER: Très bien.

(Fin de la séance à 15 h 43)

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