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Commission permanente des institutions
financières,
compagnies et coopératives
Etude du rapport Gauvin
Séance du jeudi 12 décembre 1974
(Onze heures cinquante minutes)
M. HOUDE (Limoilou, président de la commission permanente des
institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre,
messieurs!
Commission des institutions financières, compagnies et
coopératives. Etude du rapport Gauvin. Les membres de la commission, ce
matin, sont les suivants: M. Assad (Papineau), M. Beauregard (Gouin), M.
Bellemare (Johnson), M. Bonnier (Taschereau), M. Burns (Maisonneuve), M.
Chagnon (Lévis), M. Harvey (Charlesbourg), M. Harvey (Dubuc), M.
Léger (Lafontaine), M. Marchand (Laurier), M. Picotte
(Maskinongé), M. Roy (Beauce-Sud), M. Tetley
(Notre-Dame-de-Grâce), M. Tremblay (Iberville).
Tel que convenu, les membres du comité Gauvin, ce matin,
donneront des explications. Je demanderais à M. Gauvin de
présenter les membres qui l'accompagnent.
M. GAUVIN (Jean-Louis): Ce sont les exmembres. J'aimerais faire la
clarification. M. Rankin, à mon extrême droite, Me Claude Belleau
et Me Jean-Marie Bouchard.
M. TETLEY: M. le Président, nous sommes tous contents de la
présence, aujourd'hui, des MM. Gauvin, Rankin, Belleau et Bouchard. Je
note qu'ils ont distribué un rapport, ou des commentaires
préparés, je crois, par M. Gauvin au nom de tous les anciens
membres du comité. M. Rankin lui-même a préparé une
autre série de commentaires. Je propose que M. Gauvin nous donne ses
explications sans autre délai.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Gauvin.
Remarques du comité Gauvin
M. GAUVIN: J'aimerais signaler qu'il ne s'agit pas d'un mémoire
que nous présentons. Il s'agit effectivement de quelques remarques
personnelles, suite à la lecture des mémoires qui vous ont
été présentés, lesquels ont été
cependant remis à mes ex-collègues qui m'ont assuré de
leur accord en entier.
Depuis que le rapport a été rendu public, en mai dernier,
par le gouvernement du Québec et plus spécifiquement depuis le
début des audiences de la commission parlementaire, le problème
des accidents d'automobile, de la sécurité routière, de
l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile a fait l'objet de
nombreux commentaires.
Plusieurs groupes se sont sentis menacés par des réformes
qui les touchent profondément dans leurs habitudes et dans leur mode de
vie. Dans ce débat, il est regrettable que le sort des victimes
d'accidents d'automobile n'ait pas prédominé plus qu'il ne l'a
fait.
En définitive, les raisons de l'existence même d'un
régime d'indemnisation, sont de compenser les victimes et dans ce
débat que d'aucuns veulent honnête et franc, leur sort a souvent
été relégué au second plan.
M. ROY: Un instant, M. le Président, je regrette, mais nous
n'avons pas de copie du document. Je pense que ce serait important quand
même que nous puissions en avoir une copie.
UNE VOIX: Le document de M. Gauvin? M. ROY: Oui, le document de M.
Gauvin. M. TETLEY: Voilà.
M. LEGER: J'en ai seulement une. Pouvez-vous en faire photocopier
d'autres pendant ce temps?
M. TETLEY: Oui. J'en ai distribué d'autres. J'ai donné les
copies ce matin. J'ai reçu les copies de M. Gauvin à mon
hôtel hier soir. Est-ce possible de photocopier ce texte?
UNE VOIX: Avez-vous une copie?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): J'ai compris qu'on peut continuer.
Alors, vous pouvez continuer, M. Gauvin.
M. GAUVIN: Excusez-moi, j'en ai quelques copies supplémentaires.
J'ai demandé ce matin des copies à Mme Watters, la
secrétaire de M. Tetley. Elle m'a dit qu'elles étaient à
l'impression, alors, j'ai apporté simplement quelques copies. Je
regrette, cela m'aurait fait plaisir.
M. LEGER: Quelqu'un a-t-il vérifié s'il y a quorum?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): II y a quorum. Vous pouvez
procéder, M. Gauvin.
M. GAUVIN: Les points soulevés dans les différents
mémoires présentés devant la commission étaient
connus des membres du comité d'étude sur l'assurance-automobile.
On les retrouve dans les mémoires qui avaient été
présentés lors des audiences publiques que le comité avait
tenues pour une bonne part. Les études effectuées par le
comité en ont fait ressortir d'autres et tous ont fait l'objet d'analyse
et ont été prises en considération. Après avoir
examiné les faits présentés à la commission
parlementaire, il ressort qu'aucun fait nouveau mettant en cause les principes
mis de l'avant n'a été apporté.
Les quelques remarques qui suivent ont déjà
été traitées dans le rapport du comité.
Plutôt que d'attaquer, sous toutes ses facettes, le
problème résultant de l'utilisation de l'automobile, on cherche
souvent à faire adopter des mesures que l'on croit suffisantes pour
réduire la prime d'assurance, seul objet, semble-t-il, des
récriminations du public québécois. Améliorez la
sécurité routière et tout le problème sera
résolu, dit-on dans certains milieux qui se présentent comme
spécialistes de la sécurité routière.
Même si on semble être d'accord sur le sens des
recommandations au secteur de la sécurité routière, il est
opportun de bien situer le débat.
Le Québec possède un dossier d'accidents peu enviable et
les causes de cet état de fait sont multiples, de même que les
remèdes. Comme dit le rapport, "un accident d'automobile est un
événement complexe qui découle rarement d'une cause
unique; il est plutôt le fruit d'une combinaison de facteurs qui l'ont
rendu inévitable". Avant de suggérer des correctifs, il faut
connaître ces facteurs et bien les mesurer.
Très peu d'efforts ont été consacrés au
Québec à cette recherche; avec le résultat que bien
souvent, les correctifs proposés n'ont pour seul fondement que les
idées reçues de ceux qui les avancent, ou parce que la mesure
semble avoir eu des résultats valables ailleurs. En fait, il semble que
la sécurité routière soit un domaine où bien des
gens se croient experts, du simple fait qu'ils conduisent une automobile. Ce
qui est encore plus étonnant, c'est que ces propositions sont souvent
chiffrées en termes de pourcentages de diminution d'accidents et, bien
entendu, de taux de primes d'assurance.
En fait, le problème n'est pas si simple. Car, pour que la
circulation automobile s'effectue dans des conditions optimales de
sécurité, il est nécessaire d'assurer le bon
fonctionnement d'un système complexe qui met en cause, à la fois,
le conducteur, son environnement et son véhicule. C'est une erreur de
croire que la responsabilité d'un accident doit toujours être
imputée aux conducteurs et qu'il est possible de contrôler leur
comportement pour éviter les accidents. Plusieurs facteurs entrent en
ligne de compte et réagissent constamment les uns sur les autres. Une
action partielle peut indirectement entraîner une augmentation du risque
sous d'autres aspects. L'adoption d'une mesure doit donc être
précédée d'une évaluation scientifique de sa
portée, sous peine d'entramer des effets contraires à ceux
escomptés. Malheureusement, les différences variables sont
difficiles à isoler les unes des autres, parce que, comme dans tous les
autres domaines du comportement humain, les conditions de l'analyse sont,
à toutes fins pratiques, impossibles à recréer en
laboratoire. L'inadéquation des données rend virtuellement
impossible l'évaluation systématique des différentes
mesures, de manière à déterminer si elles sont efficaces,
de nul effet, dommageables ou neutralisées par d'autres mesures
concomitantes. Pourtant, lorsque d'aventure il se produit une diminution
d'accidents, nombreux sont ceux qui réclament, à leur profit, le
crédit d'avoir proposé une réforme. Mais dans
l'hypothèse inverse, rares sont ceux qui se font entendre, sauf pour
dire ce qui aurait dû être fait.
Le problème n'est pas insoluble, mais il doit être
envisagé dans son ensemble et de façon scientifique.
"Malheureusement", et je cite le rapport, "cette précaution n'a pas
toujours été prise au Québec. Certains programmes semblent
plutôt avoir été instaurés parce que, selon le sens
commun, on croyait qu'ils pourraient être efficaces. Pareille norme
s'avère inadmissible pour la solution globale du problème de la
sécurité routière comme d'ailleurs pour tout
problème d'ordre technologique ou social".
Une autre contrainte réside dans le coût de cette
recherche. Mais elle doit permettre d'éviter de dépenser en pure
perte des sommes astronomiques pour des mesures dont l'effet est incertain.
C'est dans cette optique et dans le but également de
réaliser la coordination des efforts déployés en
matière de sécurité routière, qu'il importe
d'établir un conseil de sécurité routière. En
effet, le manque de planification des initiatives nuit grandement à
faire de la sécurité routière un domaine d'action
privilégié au Québec, tout autant qu'un manque de
conscience de la gravité du problème tant de la part des
autorités que de la population.
La création de cet organisme est une proposition fondamentale,
car il serait le mieux placé pour évaluer les différents
programmes d'action disponibles, en termes de
bénéfices-coûts, par exemple. Certaines études ont
souligné que les mesures dissuasives traditionnelles axées
principalement sur la punition du conducteur pour les erreurs qu'il a commises
ou même les mesures éducatives s'avèrent à l'usage
substantiellement moins efficaces que celles destinées à
protéger ce conducteur dans un environnement dangereux en soi. Les
perspectives sont donc très larges et les solutions, pas aussi
évidentes qu'on veut parfois le laisser croire.
Dans ce contexte, il apparaît peu sérieux de proposer des
mesures à l'emporte-pièce et en même temps certifier leurs
effets en termes de diminutions d'accidents. Assortir de chiffres les
propositions faites est hasardeux et souvent n'est pas
précédé d'une analyse véritable des coûts et
effets des mesures envisagées. Les recommandations mises de l'avant par
le comité à ce secteur ont cependant semblé à la
fois praticables et urgentes, particulièrement en ce qui concerne la
ceinture de sécurité dont l'efficacité n'est plus à
démontrer et une surveillance plus sévère de l'application
des lois. Leur adoption, cependant, ne devrait pas préjudicier à
une évaluation ultérieure de leur utilité par le conseil
de sécurité routière, s'il est créé.
Quelles que soient par ailleurs les incidences
bénéfiques de ces mesures, elles ne sauraient à
elles seules résoudre le problème de l'indemnisation des victimes
d'accidents, pas plus qu'il ne faut compter sur la réforme de
l'assurance automobile pour diminuer le dossier d'accidents du
Québec.
La sécurité routière n'est pas, et ne peut pas
être, quel que soit son degré de perfection, une panacée.
Réduire les accidents peut peut-être faire diminuer le coût
des primes, mais il n'en faut pas attendre une meilleure indemnisation des
victimes, si on conserve un régime dont le principe est justement de
faire supporter à certaines d'entre elles le coût des dommages. De
même, il ne faut pas espérer améliorer l'efficacité
du régime, au niveau de la portion des primes qui est retournée
en prestations aux victimes, par une réduction des accidents. Il faut
jouer sur tous les tableaux à la fois.
Le régime d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile.
En critiquant le régime d'indemnisation fondé sur la faute, le
comité n'a pas créé de précédent; la
responsabilité avec faute en matière d'accidents fait depuis
longtemps l'objet de critiques, un peu partout dans le monde. De plus en plus
nombreux sont ceux qui croient que l'utilisation de cette notion entraîne
de nombreux désavantages que ne réussissent pas à
contrebalancer les bénéfices très aléatoires qu'on
peut en retirer.
La notion de responsabilité est-elle de nature à
prévenir les accidents? Parmi ces avantages, certains attachent à
la notion de faute une valeur préventive. De nombreuses études
ont pourtant prouvé que la crainte d'être trouvés
responsables ne réussit pas à empêcher les automobilistes
de conduire négligemment. Si une crainte est de nature à inhiber
les comportements dangereux, c'est la crainte d'un accident, et plus
spécifiquement d'être blessé dans ce même accident,
et non celle de la responsabilité qui peut s'ensuivre.
Dans les faits, si la responsabilité individuelle a un effet sur
le comportement humain, l'achat de l'assurance-responsabilité
élimine cet élément et plusieurs auteurs en sont venus
à cette conclusion. Ainsi, pour en citer un parmi tant d'autres,
soulignons ce que dit le rapport, préparé par l'Ontario Law
Reform Commission sur la compensation des victimes d'accident, daté de
1973: "Même si des opinions peuvent varier, nous avons conclu que la
justification du maintien du droit de poursuite en responsabilité, par
suite d'accident d'automobile, ne peut être basée sur sa valeur
préventive".
D'ailleurs, si l'on considère que de nombreux accidents sont le
résultat d'erreurs humaines inévitables, comment un
système de responsabilité ou même un système
pénal peut-il avoir un effet de prévention? Plusieurs auteurs en
sont tellement convaincus qu'ils préconisent des mesures de
sécurité passives, tels le port de ceinture ou "l'air-bag", la
construction de véhicules et de routes plus sécuritaires, comme
étant les seules mesures pouvant amener vérita- blement une
réduction des conséquences des accidents ou des accidents
eux-mêmes.
On croit dans certains milieux que l'augmentation de prime qui est
imposée, suite à un accident où l'assuré est
trouvé responsable a un effet de prévention. A ce sujet, il faut
bien voir que dans le régime actuel de la responsabilité, la
surprime imposée au conducteur tenu responsable ne vise pas à
punir ce dernier ou à lui faire rembourser les dommages qu'il a
causés.
Cette surprime, en effet, n'a aucune relation avec le montant des
dommages compensés; elle n'est que l'application d'une théorie
statistique vérifiable qui indique que le conducteur, qui a
déjà été impliqué dans un accident, devient
un moins bon risque et a plus de chances qu'un autre conducteur sans accident
d'être de nouveau Impliqué dans un accident de la route.
On attribue à la responsabilité avec faute des vertus
morales et punitives, mais on accepte que la sanction soit sans relation
nécessaire avec la gravité de la faute. On indique que le
maintien du régime de la faute est voulu par le public et ainsi,
à l'encontre du rejet de principe de la responsabilité avec
faute, on avance que ce changement ne correspond pas au désir de la
population. Sur ce sujet, une étude menée pour le compte du
Department of Transportation américain conclut que ce qui existe,
à une époque donnée, peut presque toujours être
présumé comme satisfaisant par plusieurs personnes mais que, si
plus d'informations étaient fournies sur les options possibles, le
public aurait tendance à favoriser plus de changements.
Il est certain que représenter au public que l'abandon de la
faute le prive d'un droit fondamental ne constitue pas un geste de nature
à favoriser le changement. Pourtant, cet abandon, dans un régime
sans égard à la responsabilité, est consenti en retour
d'un droit beaucoup plus fondamental: le droit à l'indemnisation. Car il
ne suffit pas de pouvoir s'adresser aux tribunaux pour être
compensé d'un dommage: beaucoup de victimes ont cette possibilité
dans le régime actuel et ne reçoivent rien. Il faut donc prendre
garde de toujours faire une équation entre droit de recours et
indemnisation. Il s'agit plutôt de décider lequel des deux
objectifs est le plus important ou comment les concilier. Incidemment, le
régime proposé par le comité conserve le droit de recours
pour le cas où la victime ne serait pas satisfaite de la décision
de son assureur. Le droit de recours aux tribunaux n'est donc pas
abandonné, tandis que le principe du droit à l'indemnisation est
mis de l'avant.
D'autres raisons indiquent encore que la notion de faute doit être
abandonnée en tant que mécanisme d'indemnisation. Les
délais sont une de celles-là. Comme le signale le Barreau et
comme l'affirmait lui-même le comité dans son rapport: "Le
phénomène des délais est particulièrement vrai dans
le cas de blessures corporelles, où la victime est forcée de
laisser le temps
fixer l'étendue véritable des dommages avant de
négocier ou d'accepter un règlement final." Et en
général, plus les dommages sont élevés, plus les
détails de règlements sont longs, conséquence
inévitable du régime de responsabilités à base de
relations conflictuelles entre victimes et responsables.
Or, la privation de la compensation est d'autant plus lourde à
supporter pour les victimes que le montant de la perte est plus
élevé et que le paiement tarde à venir. C'est là
une inefficacité grave du régime actuel.
Le principal reproche que l'on peut adresser au régime actuel est
de mal indemniser les victimes. En principe, ce régime doit permettre
à une victime de recevoir compensation complète du
préjudice subi en tenant compte des particularités de son
cas.
Mais il faut aussitôt ajouter: à la condition que cette
victime ne soit pas tenue responsable, qu'elle puisse prouver la faute du
responsable et que, au-delà d'un certain montant ($35,000 actuellement),
ce responsable ne soit pas insolvable ou inconnu.
En fait, le régime de la responsabilité avec faute
empêche l'indemnisation totale ou partielle de plusieurs victimes. Au
Québec, environ 28 p.c. des victimes blessées n'ont droit
à aucune indemnisation, alors qu'approximativement 6 p.c. n'ont droit
qu'à une indemnisation partielle.
Ces chiffres proviennent d'une étude faite à partir de
données québécoises. De nombreuses études
étrangères ont également prouvé que le
régime de la faute laissait sans indemnité ou avec une
indemnisation partielle une proportion considérable de victimes.
Il a été possible d'établir qu'au Québec le
degré de compensation varie selon le montant de la perte, dans le cas
des blessures corporelles. Ainsi, les pertes de moyenne et faible importance
sont surcompensées tandis que les pertes les plus considérables
sont fortement sous-compensées. Globalement, près de 40 p.c. de
la perte économique subie par les victimes qui ont droit à une
indemnisation n'est pas compensée par le régime actuel
d'assurance-automobile.
Les résultats de l'enquête menée par le
comité contredisent hors de tout doute ceux qui affirment que le
système juridique actuel ne prévoit qu'une seule règle
quant à l'indemnisation du préjudice, soit la compensation
pécuniaire intégrale. Au risque de répéter ce qui a
déjà été indiqué, soulignons les faits
suivants:
Cette enquête n'a considéré que des victimes qui ont
droit à une indemnisation selon le système juridique actuel.
Cette enquête a établi à partir de critères
préétablis le montant de la perte. Cette dernière n'a pas
été comptabilisée comme étant égale au
montant de la demande d'indemnisation préparée, soit par la
victime ou son procureur. Elle a pris en considération le temps
réel de l'absence de gain, en se basant sur l'état de la victime,
son âge, son sexe et son revenu. Il s'agit dans les faits des mêmes
critères que les témoins experts utilisent pour évaluer la
perte de revenu d'une victime dans nos cours de justice.
L'enquête n'a pas évalué les pertes non
économiques. Elle s'est limitée à évaluer pour
près de 1,700 victimes, les pertes de revenus ou les
déboursés résultant de l'accident. Elle a tenu compte des
partages de responsabilité qui résultent en une indemnisation
provenant de plus d'un assureur, dans certains cas.
Les résultats de cette enquête ne sont pas dilués
par la perte de victimes qui n'ont pas droit à l'indemnisation. Qui plus
est, si on ajoute des montants pour la perte non économique des victimes
qui ont droit à l'indemnisation, l'écart entre la perte et la
compensation ne ferait que s'élargir.
Ces dernières pertes non économiques, soit souffrance,
douleurs ou perte de jouissance de la vie, ont été
ignorées pour une simple raison. Il n'existe aucune façon juste
et équitable d'indemniser ces pertes pour la simple raison qu'elles ne
sont pas déterminables. Comment peut-on évaluer la valeur d'une
main pour une personne dont le revenu n'est pas affecté par sa perte
mais qui ne peut plus, par la suite, pratiquer son sport favori, la pêche
par exemple, ou même son passe-temps, soit le piano? A quelle somme
peut-on évaluer la perte d'un soutien moral que représente un
conjoint? Il est inutile de donner plus d'exemples pour démontrer que la
douleur ne se monnaie pas. Tout au plus, peut-on accorder une somme d'argent
avec laquelle la victime pourra essayer d'oublier sa peine ou se trouver un
autre sport ou passe-temps.
Les conclusions de cette enquête effectuée au Québec
et visant des victimes ayant droit à l'indemnisation en vertu du
régime actuel rejoignent celles effectuées dans d'autres
juridictions, soit la Commission d'enquête de la Colombie-Britannique et
le Department of Transport des Etats-Unis pour n'en nommer que deux.
La réadaptation des victimes est rendue plus difficile dans le
régime actuel. Quel que soit le régime en vigueur, il doit
favoriser la réadaptation des victimes. La réadaptation doit
s'entendre de la restauration du handicapé au niveau le plus
élevé du point de vue physique, mental, social, professionnel et
économique qu'il est réalisable selon la science actuelle. Il
faut bien comprendre que la réadaptation est à l'avantage de
l'individu, de sa famille et de la société mais, pour être
efficace, tout doit être mis en oeuvre dès
l'événement. Le système juridique actuel, loin de
favoriser la réadaptation des victimes, a plutôt tendance à
nuire à la réadaptation.
Voyons ce qu'en disent deux études récentes sur le sujet:
Selon le rapport de l'Ontario Law Reform Commission mentionné
précédemment et je cite le rapport "II est
intéressant de souligner que si quelqu'un voulait établir le
"design" d'un système nuisible aux objectifs de la réadaptation,
il serait difficile de faire mieux
que d'inventer le régime de responsabilité avec
faute".
Pour sa part, l'étude du Department of Transport du gouvernement
américain souligne que "les difficultés rencontrées dans
l'utilisation des techniques de réadaptation dans le système de
responsabilité avec faute suggèrent fortement la
nécessité de l'élaboration d'un régime d'assurance
directe ou sans égard à la faute".
Le régime d'indemnisation doit avant tout viser le
bien-être des victimes et leur retour aux conditions préexistantes
de l'accident. Comment, dans un régime où il faut
démontrer le plus de dommages physiques pour recevoir le plus
d'indemnisation, peut-on s'attaquer sans délai à rétablir,
dans la mesure du possible, l'intégrité du corps humain et mettre
tout en oeuvre dès l'accident, pour y arriver?
Devant ces constatations, il importe de trouver les mesures permettant
"d'accorder une compensation adéquate aux victimes d'une façon
aussi équitable que possible." En établissant des critères
de choix répondant aux critiques fondamentales formulées à
l'encontre de la responsabilité avec faute, on ne peut faire autrement
que de rejeter toute une série de propositions pour n'en retenir qu'une,
au niveau des principes d'indemnisation des victimes.
Pour les blessures corporelles, qui représentent les pertes les
plus catastrophiques, les critères de choix doivent être:
L'indemnisation de toutes les victimes; l'indemnisation selon le concept de la
perte économique; le paiement rapide des indemnités selon
l'échelonnement des pertes; le non-dédoublement des
indemnités; la révision des indemnités.
Ne répondent pas à ces critères toutes les mesures
simplement destinées à améliorer le régime de
l'assurance-responsabilité. Rendre l'assurance obligatoire par exemple
ne réussit à indemniser que les victimes qui ont prouvé la
faute d'un tiers. Cette mesure ne favorise donc pas la compensation des pertes
des victimes que le régime de la responsabilité laisse sans
indemnisation.
Pareillement, les présomptions de faute du genre de celles que
l'on retrouve dans notre loi d'indemnisation, ne font que faciliter le recours
d'une victime. Outre que pareille présomption est antinomique avec les
principes mêmes de la responsabilité avec faute, elle ne
réussit pas à faire en sorte que toutes les victimes soient
indemnisées.
L'introduction à divers degrés du concept d'assurance sans
égard à la responsabilité, même si elle constitue
une nette amélioration par rapport au régime actuel, n'est pas de
nature à satisfaire non plus tous les critères de choix retenus.
La proposition du Barreau, pour prendre un exemple, suggère de modifier
le système actuel d'assurance en haussant les prestations du chapitre B
déjà existant dans les contrats d'assurance et de les rendre
obligatoires. Au nombre de ces prestations, on note "le rem- boursement de la
perte de salaire réellement encourue calculé sur la base de 80
p.c. de son salaire brut au jour de l'accident avec un maximum qui serait
l'équivalent du salaire minimum de base en vigueur dans la province au
moment du paiement". Pareil régime, on le voit, et le Barreau l'affirme
lui-même, n'a pour but que d'assurer une indemnité de base payable
immédiatement. Par ailleurs, les citoyens continueraient de pouvoir
s'adresser aux tribunaux: a) Pour la détermination du droit à
l'indemnité sur la base de la responsabilité civile; b) Pour la
détermination de l'étendue du préjudice.
La proposition du Barreau ne constitue qu'un baume sur le
problème des victimes de fortes pertes qui, en vertu du régime de
la responsabilité, sont mal et sous-compensées, sans parler du
coût impliqué dans tout le processus. Fondamentalement, cette
proposition ne règle pas le problème et maintient les
iniquités du système actuel.
Que fait-on dans un tel système pour les victimes innocentes que
représentent les dépendants de conducteurs trouvés
responsables? Rien ou presque rien. Alors qu'elles ne sont nullement
impliquées dans l'événement, elles doivent en supporter
les conséquences. Les pertes subies par les victimes non
indemnisées se répercutent sur le mode de vie de leurs
dépendants et si l'indemnisation de toutes les victimes directes est un
objectif valable, on doit l'appliquer a fortiori aux victimes qui subissent des
pertes du seul fait de leur état de dépendance envers les
premières. C'était là un des objectifs assignés au
comité par l'arrêté en conseil qui l'a créé,
lorsqu'il souligne de recommander un régime visant à "accorder
une compensation adéquate aux victimes d'une façon aussi
équitable que possible".
Au surplus, la société finit toujours par faire les frais
des victimes non indemnisées. Il est quelque peu illogique de nier
à une personne, en vertu d'un régime donné,
l'indemnisation qu'elle pourra, du moins en partie, rechercher auprès
d'autres régimes. On ne saurait que difficilement justifier les
coûts entraînés par cette manière de
procéder.
Un inconvénient analogue se retrouve dans la proposition
déposée par le Bureau d'assurance du Canada qui, contrairement
à celle du Barreau, a cependant pour objectif de compenser totalement
toutes les pertes économiques subies par certaines victimes d'accidents
d'automobile mais non pas toutes.
Le comité a déjà affirmé qu'à son
avis "cette proposition ne va pas jusqu'au bout de sa logique et
représente un compromis inacceptable. La proposition du Bureau
d'assurance du Canada continue de soumettre au régime traditionnel de la
responsabilité, les victimes dont les pertes sont les plus
élevées".
Pour justifier le rejet de l'abolition totale du régime de la
faute en matière de dommages corporels, le Bureau d'assurance du
Canada
s'appuie sur des postulats qui ne résistent pas à une
analyse le moindrement sérieuse, soit la croyance populaire, la
responsabilité pénale et morale d'un acte occasionnant des
décès ou blessures graves, le coût du régime, et le
dédoublement des prestations dans le régime
préconisé par le comité.
Le comité a envisagé ces arguments dans la
préparation de son rapport et les a rejetés. Ainsi, si l'argument
moral est bon et valable, alors c'est la proposition totale du Bureau
d'assurance du Canada qui doit être rejetée, car on ne peut
admettre de maintenir ce principe uniquement pour des accidents graves.
Illogisme qui découle fatalement d'un système basé sur la
faute en partie.
Au niveau des coûts, il est facile de réduire le coût
du régime en réduisant les indemnités, comme le fait la
proposition du Bureau d'assurance du Canada, et en transférant à
d'autres régimes plus efficaces tout ce qui est possible. En
prévoyant que les prestations du régime préconisé
par le Bureau d'assurance du Canada seront excédentaires à celles
d'un régime d'assurance collective, il est bien certain qu'on
réduit les indemnités et, par suite, le coût du
régime. La proposition du comité est de faire payer tous les
coûts des accidents par l'assurance-automobile, au niveau des blessures
corporelles et de réduire les autres indemnités; il n'y a pas de
dédoublement de prestations, tel que le dit le BAC dans son
mémoire.
En fait, les réductions de coût du régime du BAC ne
viennent pas augmenter l'efficacité véritable du régime,
et elles peuvent même empirer la situation existante à long
terme.
Le régime d'assurance-accident proposé par le
comité d'étude sur l'assurance-automobile, outre qu'il donne
à la très grande majorité des victimes la certitude
d'être compensées de la perte économique résultant
des dommages corporels, permet aux plus fortunées d'obtenir une
protection certaine, selon le besoin de chacune. Même une victime
à revenu élevé peut donc, en se procurant la protection du
régime supplémentaire, être assurée d'être
indemnisée de toutes ses pertes sans être soumise aux aléas
de la responsabilité avec faute. Pour 85 p.c. de la population, cette
protection supplémentaire ne sera même pas nécessaire. Des
15 p.c. qui restent, une autre proportion n'aura pas besoin, non plus,
d'acheter une assurance excédentaire, étant déjà
bien couverte par d'autres régimes d'assurance, par exemple: par
l'assurance-salaire ou l'assurance-vie.
Quant à ceux qui devront s'en procurer, outre le fait qu'ils ont
les moyens de le faire, il ne faut pas oublier que la prime pour la couverture
excédentaire ne sera pas prohibitive; elle sera proportionnelle au
montant de couverture désiré et au risque que représente
l'assuré.
Au contraire, conserver la faute pour l'excédent du régime
de base conduirait à plusieurs illogismes: Alors qu'on prétend
abandonner la responsabilité avec faute comme mécanisme
d'indemnisation, on viendrait pénaliser l'auteur d'un accident qui, par
malchance, a fait une victime dont les moyens financiers étaient grands,
tandis qu'on exonérerait complètement l'auteur d'un autre
accident, parce que les pertes de ses victimes n'excéderaient pas le
régime de base. Autrement dit, on justifierait le fait que l'auteur d'un
accident passe d'un régime juridique à un autre, en fonction du
montant des pertes des victimes, alors que ce montant est purement fortuit.
Comment peut-on admettre qu'un régime juridique, jugé
inadéquat pour régir l'ensemble des réclamations, devienne
tout à coup apte à gouverner les plus grosses d'entre elles? Le
comité, pour sa part, a affirmé sa conviction que la faute
devrait être complètement abolie au niveau des dommages
corporels.
Au niveau des dommages matériels qui, bien que mettant en jeu une
somme totale importante, comportent des conséquences
généralement moins désastreuses pour les victimes, le
comité a proposé un régime comportant trois options.
D'aucuns y ont vu un régime d'assurance-collision obligatoire. Il n'y a
qu'à relire les modalités de l'option A pour se rendre compte que
les cas autorisant compensation automatique n'équivalent pas à de
l'assurance-collision. L'option A ne fait que reprendre le système
actuel, mais en remplaçant la nécessité d'assurer pour les
dommages causés par, soit à autrui, par une assurance couvrant
les dommages de l'assuré causés par autrui. Cette option, il est
vrai, a été conçue pour n'avoir qu'une durée
transitoire afin, justement, de permettre au public de s'habituer à la
philosophie du nouveau régime qui tendra de plus en plus à
abandonner la faute, même au niveau des dommages matériels.
Cette évolution, de toute façon, est irréversible
et le Québec devra y venir un jour ou l'autre. Le coût des
indemnités du régime proposé est sensiblement le
même que celui du régime actuel, en 1974, malgré que les
prestations accordées aux victimes de dommages élevés
soient beaucoup plus considérables. Il est bien entendu que le
coût du régime proposé est influencé par l'inflation
que l'on connaît présentement tout comme, cependant, le coût
du régime actuel ou de toute autre proposition. Il faudra en tenir
compte lorsqu'une date d'implantation d'un nouveau régime aura
été déterminée en se basant sur les données
pertinentes.
Dans les faits, il est improbable qu'un nouveau régime, quel
qu'il soit, puisse être mis en vigueur, à moins qu'on accorde une
diminution de la prime au public, du moins en moyenne. Aussi, dans
l'élaboration du montant des indemnités de tout régime, il
faut tenir compte de ce que le public est prêt à
débourser.
Les indemnités élaborées par le comité sont
indépendantes des principes du droit à l'indemnisation en ce sens
qu'elles peuvent être haussées ou réduites, tout
dépendant des objectifs recherchés. Il est possible d'accorder
plus, mais il faudra, bien entendu, exiger des primes plus
élevées. On peut également vouloir favoriser
différemment certaines catégories de victimes en leur
redistribuant autrement les sommes disponibles et, ceci, sans remettre en
question les principes du droit à l'indemnisation.
Il ne faudrait pas juger un nouveau régime uniquement sur son
côut, mais tenir compte des principes du droit à l'indemnisation.
Car, il est facile d'élaborer un régime qui coûtera plus ou
moins qu'un autre, mais il faut voir quelles en sont les conséquences
pour les victimes et la société en général. Ainsi,
on peut réaliser des économies en transférant des
coûts des accidents à d'autres régimes d'assurance sous
prétexte que ceux-ci sont plus efficaces dans leurs opérations,
mais, alors, pourquoi ne pas transférer tous les coûts à
ces régimes? La réponse à cet argument est qu'afin
d'utiliser les biens disponibles au meilleur escient, il importe que chaque
secteur d'activité assume tous les coûts qu'il fait encourir
à une société.
Le régime proposé par le comité a été
l'objet de discussions, a même été qualifié de
radical et révolutionnaire. Il faut souligner que les recommandations du
comité rejoignent celles de nombre de gens qui ont étudié
le problème de la compensation des victimes d'accidents d'automobile.
Ainsi, l'Ontario Law Reform Commission a recommandé l'abolition
complète du droit de poursuite en dommages résultant d'accident
d'automobile. Le régime préconisé par cet organisme
s'apparente aux modalités du régime préconisé par
le comité. Il s'agit d'une des études les plus sérieuses
qui ont été entreprises récemment au Canada, son rapport
datant de 1973.
Une analyse des mémoires soumis à la comission, du moins
les plus importants, révèle qu'aucune preuve valable n'a
été faite en faveur du maintien du régime actuel ou de son
remplacement par d'autres modalités que celles s'appuyant sur les
principes préconisés par le comité. Ainsi en est-il du
Barreau et du Bureau d'assurance du Canada qui n'ont pas fait de
démonstration justifiant leurs attitudes.
L'administration du régime. Plusieurs parties
intéressées au dossier sont en complet désaccord avec une
réforme de l'administration du régime, alors que pour d'aucuns il
n'y a qu'une seule solution, c'est l'étatisation.
Tout d'abord, il est quelque peu curieux que le débat actuel
semble se diriger uniquement sur la sécurité routière et
sur le "no fault", Par un hasard, on discute fort peu des modifications qui
doivent être apportées au mode administratif du régime. Peu
d'assureurs ont fait des recommandations pour améliorer
l'efficacité du régime qu'ils administrent à l'exception
des économies résultant de l'instauration d'un régime
partiel "no fault". A les croire, ils opèrent aux coûts les plus
bas possible.
Si l'on tient compte cependant que les réformes véritables
ne peuvent être entreprises sans un changement profond de la mise en
marché de l'assurance avec l'incertitude de ses effets pour un assureur
en particulier, il ne faut pas se surprendre si ceux-ci se satisfont du mode
opérationnel actuel. Pourant, les chiffres du comité sont
là qui démontrent un coût exorbitant du mode administratif
et qui indiquent une possibilité substantielle par des réformes
appropriées d'en réduire les coûts.
Le mode actuel est inefficace et le comité en a fait la
démonstration et aucune preuve du contraire n'a été
apportée. A l'aide d'analyse des opérations des compagnies
d'assurance et des monopoles étatiques, il a été possible
d'établir cette partie du dollar prime qui est retournée au
public sous forme de prestations. Car le régime d'assurance doit
être vu avant tout comme un régime de compensation et la mesure
d'efficacité est de calculer ce qui retourne aux victimes et partant aux
assurés.
Les assureurs faisant affaires au Canada semblent avoir adopté
une autre attitude et ceci, avec l'accord présumé des
autorités de surveillance, tant provinciales que
fédérales. Ils considèrent une part importante de leurs
frais comme étant assimilables à des prestations et les
comptabilisent comme tels. Il s'agit de certains frais de règlement des
sinistres, soit les frais juridiques, d'experts en sinistres ou d'estimation
des dommages. Une telle attitude est tout à fait injustifiée. En
effet, comment le fait d'évaluer le dommage qu'un individu a subi par
suite du capotage de son véhicule peut-il être
considéré comme une prestation? Il faut se le demander.
Une telle fausse présentation des états financiers permet
de faire croire au public qu'on fonctionne à un taux de dépenses
de l'ordre de 26 p.c. de la prime. Cependant, si l'on additionne les autres
frais qu'on assimile à tort à des prestations, les frais que
doivent assumer les assurés se chiffrent à environ 36 p.c. De
plus, il faut ajouter les coûts encourus par les victimes à
même leurs indemnités, ainsi que les profits des assureurs, et
l'on découvre que plus de 40 p.c. de la prime sert à autre chose
que la compensation.
Bien entendu, certains frais que doivent encourir les assureurs
découlent du régime de responsabilité avec faute, tels la
détermination des torts et les frais juridiques qui s'ensuivent.
Cependant, l'on ne saurait prétendre que le régime juridique est
la cause de tous les frais de règlement, de mise en marché, de
sélection des risques, etc., que doivent encourir les assureurs. Il ne
fait aucun doute que l'on peut, même dans un régime où la
responsabilité est la base de l'indemnisation, réduire
l'écart entre la prime totale et la partie qui est retournée sous
forme de compensation et ceci par des mesures appropriées.
Pour certains, la recommandation 60 du comité voulant que
l'administration soit confiée à l'entreprise privée avec
une réforme intégrale, ou que l'Etat prenne en charge ce secteur
d'activités ne fait aucun sens. Or, le sens de cette recommandation
s'explique du fait que
des régimes existent déjà qui retournent aux
assurés plus de 80 p.c. de la prime en compensation; ainsi en est-il de
deux monopoles étatiques que le comité a été en
mesure d'analyser, leurs opérations le permettant.
Pour arriver à améliorer l'efficacité de
l'administration du régime, bien des habitudes doivent être
changées et, fondamentalement, la modification la plus importante est
celle visant le rôle du courtier. Car, sans cette réforme,
d'autres visant entre autres l'abandon de la sélection des risques ne
sont pas possibles. S'étant penché sur le problème, le
Département des assurances de New York souligne dans une publication
que, "aussi longtemps que les assureurs ont le contrôle de leur mode de
distribution, il leur sera possible d'ignorer une loi visant à les
forcer à accepter tous les assurés. Les avantages potentiels de
l'élimination de la sélection des risques sont d'une telle nature
qu'ils devraient être considérés comme un objectif à
long terme des autorités de surveillance".
Il faut noter que, dans l'optique où l'Etat s'empare de
l'administration du régime d'assurance-automobile, les réformes
seront faites, soit les changements dans le rôle du courtier,
l'élimination de la sélection des risques et la disparition du
dédoublement des efforts que l'on connaît présentement.
Le but visé par les réformes sous l'entreprise
privée est de réduire les frais d'administration tout en
conservant une qualité de service acceptable et le libre choix pour les
assurés. L'administration actuelle comporte de nombreux
dédoublements qu'il faut éliminer pour rendre le régime
efficace.
L'entreprise privée peut, sous l'autorité énergique
du gouvernement, faire bénéficier les Québécois
d'une meilleure utilisation de leur dollar-prime et ceci, quelles que soient
les réformes que l'on apportera au niveau du régime
d'indemnisation. Les assurés du Québec sont en droit d'avoir un
régime moderne et efficace d'assurance-automobile. Si les assureurs ne
veulent relever le défi, ils n'en seront que les perdants à plus
ou moins longue échéance.
Quant aux courtiers, au lieu de prétendre que nous n'avons pas
compris leur rôle, ils devraient se rendre compte que l'on a, au
contraire, voulu revaloriser leur fonction en faisant d'eux de
véritables professionnels de l'assurance au lieu de manipulateurs de
paperasse, ce qui est la situation présente.
Finalement, un mot sur la position de la CSN. Cette centrale syndicale
veut l'instauration au Québec d'un régime semblable à ceux
existant dans certaines provinces de l'Ouest canadien.
Les régimes d'indemnisation en vigueur dans ces provinces sont
moins avantageux que ce que préconisent tous les projets de
réforme mis de l'avant au cours des dernières années. L'on
y retrouve pour les victimes de blessures corporelles graves les mêmes
iniquités que dans le régime actuel.
Comment se fait-il qu'aucun groupe ayant étudié le
problème n'ait retenu, en ce qui concerne l'indemnisation des victimes,
l'approche de ces régimes?
Au niveau de l'administration, l'on prétend que les écarts
de coûts sont plus grands si on introduit dans le calcul le revenu de
placement que réalisent les actionnaires. Il faut réaliser que la
formation d'un monopole ne signifie pas la disparition du capital et il existe
des exemples de corporations de l'Etat qui le prouvent.
Le capital est nécessaire dans une opération d'assurance
et, lorsqu'on crée un monopole d'Etat, on remplace le capital des
actionnaires par le droit d'appel aux assurés de toutes les pertes
subies. Contrairement aux affirmations contenues dans le mémoire de la
CSN, le comité a pris en considération les revenus de placement
pour déterminer si le retour sur le capital est trop élevé
et, ceci, compte tenu des normes actuelles de solvabilité.
Si le rendement sur le capital est à un niveau acceptable, il y
aura une réduction de prime pour le public sous un monopole, mais en
retour d'un risque additionnel, soit de défrayer ultérieurement
toutes les pertes d'opération. Cette réduction de prime n'est pas
une économie pour le public puisque le risque qu'il encourt est alors
augmenté.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre.
M. TETLEY: M. le Président, je me demande, et je vous pose la
question, de même qu'aux autres membres de la commission: Comment
voulez-vous procéder? Nous avons aussi un document
présenté par un membre du comité Gauvin, M. Ewin Rankin.
J'hésite à demander à M. Rankin de lire ce document. Je
vois le chef de l'Opposition officielle. Peut-être a-t-il une bonne
suggestion. Ou peut-être le député de Lafontaine.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je n'ai pas lu le document de M.
Rankin, mais je sais fort bien qu'il a probablement des choses
intéressantes à nous donner. Nous avions gardé,
réservé la journée d'aujourd'hui pour entendre les
personnes qui ont fait partie de cette commission. Pour ma part, je ne vois pas
d'objection à écouter les recommandations de M. Rankin
également. Je pense que nous sommes rendus à ce stade où,
après avoir entendu différents mémoires, nous pouvons
avoir le point de vue des personnes présentes.
On me dit que le comité Gauvin n'existe plus comme tel, sauf que
les personnes qui y ont contribué sont les plus à même de
répondre aux perceptions qu'en ont eues les différents organismes
qui sont venus. Je pense qu'il serait bon que nous continuions à
entendre d'autres per-
sonnes de cet organisme qui ont des choses à dire. Je n'ai pas
d'objection à les entendre.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Beauce-Sud.
Proposition de report des travaux
M. ROY: M. le Président, étant donné la date
où nous nous trouvons, étant donné tout le calendrier des
travaux parlementaires, je ne veux pas revenir sur une décision qui a
été prise antérieurement. Je me demande réellement,
à ce moment-ci, si on peut faire un travail vraiment efficace, nous, les
membres de la commission, un travail vraiment positif, en voyageant de la
commission parlementaire à l'Assemblée nationale pour les votes
ou, encore, étant obligés d'étudier et d'approfondir
certains projets de loi qui doivent être adoptés avant
l'ajournement de la Chambre.
Etant donné qu'il n'y a pas de projet de loi actuellement
déposé concernant l'assurance-automobile, étant
donné que nous pourrions, au mois de janvier, tenir une, deux ou trois
séances consécutives, au cours desquelles les membres de la
commission pourraient se pencher uniquement sur ce dossier et en faire une
étude à tête reposée pour en venir aux conclusions
qui s'imposent, suite à tout ce que nous avons entendu et
également suite aux deux documents qui nous sont remis. M. Gauvin vient
de faire lecture de son document personnel... Il y a également le
document de M. Rankin que nous avons en main. Malheureusement, nous ne pourrons
pas lui demander d'en faire la lecture complète avant une heure, ce qui
est une chose impossible. A trois heures, cet après-midi, nous pourrons
reprendre les travaux de la commission parlementaire, ici, mais il y a
également des projets de loi qui sont actuellement à
l'étude devant l'Assemblée nationale et le ministre
lui-même a au moins trois projets de loi, à ce que je sache,
à faire adopter avant l'ajournement de nos travaux.
Je me demande, sans vouloir noyer le poisson et sans vouloir reporter et
retarder l'adoption d'une loi et l'adoption de mesures qui viseraient à
corriger toute la question de l'assurance-automobile, s'il ne serait pas plus
sage et plus raisonnable de reporter nos travaux au mois de janvier et de les
reprendre alors que nous ne serons pas préoccupés par d'autres
travaux importants, parce que, jusqu'à maintenant, je ne vois pas
comment les membres de la commission pourront faire un travail vraiment
sérieux en donnant toute la mesure qu'ils veulent donner à
l'étude de cette importante question.
C'est une question que je pose aux membres de la commission et, en ce
qui me concerne, je favoriserais énormément l'idée que
nous reportions les travaux de la commission au mois de janvier alors que nous
n'aurons pas à nous préoccuper, à l'Assemblée
nationale, des lois, de la législation et de toutes ces choses, de
façon que nous puissions vider complètement cette question et
éviter également le fait de convoquer les gens devant nous, une
journée déterminée. Ils sont obligés de revenir le
lendemain et le surlendemain alors que nous pourrions prendre effectivement,
une semaine, une deux ou trois séances, si nécessaire, de
façon à tout faire en même temps et permettre aux
intéressés et aux personnes concernées par cette question
de suivre l'évolution et le dossier pour avoir le maximum d'information
et pour que nous puissions également rencontrer ces gens pour discuter
avec eux. Je pense que c'est quand même important que nous puissions
également, comme membres de la commission, nous informer et contacter
des gens, des recherchistes, des spécialistes de la question pour qu'on
puisse faire une synthèse complète, objective.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Iberville.
M. TREMBLAY: M. le Président, étant donné le grand
sérieux des délibérations de cette commission et surtout,
étant donné le privilège que nous avons d'avoir le
comité Gauvin ou l'ex-comité Gauvin, par l'entremise de ses
principaux porte-parole, M. Gauvin et M. Rankin, j'imagine, moi aussi, que nous
serions bien avisés, si les membres du comité sont favorables
à cette suggestion de la commission, de nous reporter, probablement vers
la troisième semaine de janvier, où nous pourrions, de
façon sereine et avec tout le temps que nous pourrions avoir à
notre disposition, travailler sur les documents des plus importants que nous
ont soumis MM. Gauvin et Rankin. D'ailleurs, les activités actuelles de
l'Assemblée nationale semblent nous "poussailler" un peu et je suis
convaincu que, lorsque la date du 12 décembre a été
retenue pour inviter le comité Gauvin devant nous, on ne
prévoyait pas ce bouleversement de la cédule du leader
parlementaire du gouvernement en ce qui concerne la présentation des
projets de loi.
Alors, je suis d'accord sur une telle suggestion; je ne fais que
souhaiter que les membres du comité puissent se rendre agréables
à notre souhait.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le ministre.
M. TETLEY: J'ai une question à poser à MM. Gauvin, Rankin,
Belleau et Jean-Marie Bouchard. Etes-vous disponibles en janvier?
M. GAUVIN: Je suppose que, si c'est utile, les membres peuvent trouver
le moyen à travers leurs occupations de se rendre disponibles. Il
faudrait avoir les dates.
M. TETLEY: Oui, mais est-ce que vous
partez en... Je sais que M. Rankin part pour Venise.
M. GAUVIN: II va régler les problèmes d'accidents de
bateaux à Venise.
M. TETLEY: Assurez-vous avant de partir, M. Rankin.
M. RANKIN: Le comité peut siéger à Venise.
M. TREMBLAY: Allons, M. le ministre. M. TETLEY: C'est une
suggestion.
M. TREMBLAY: Est-ce que le comité nous invite?
M. TETLEY: Est-ce qu'il y a une date proposée par le
député de Beauce-Sud ou le député d'Iberville ou
d'autres?
M. ROY: Je n'ai pas proposé de date précise, mais je sais
que cela devrait se faire en janvier.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Iberville.
M. TREMBLAY: M. le Président, je peux proposer la date du 21
janvier, quitte à m'en tenir...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, nous avions convenu lors de la
dernière réunion de cette commission que nous passerions la
journée d'aujourd'hui à écouter le rapport des personnes
qui ont siégé au sein du comité Gauvin et que nous
reviendrions mardi prochain pour discuter.
Je trouve qu'il y a eu beaucoup de perte de temps, tout le monde le
sait, devant le projet aussi complexe de cette réforme de
l'assurance-automobile. Comme la Chambre a déjà suspendu ses
travaux, je pense que nous devrions, au moins, cet après-midi continuer
cette séance pour entendre ce que M. Rankin a à nous dire. Au
cours de l'après-midi, il y aura peut-être possibilité d'en
venir à une entente quelconque concernant une date possible pour
janvier. Je pense que nous avons, à ce stade, à la suite des
prises de position ou des corrections apportées sur les impressions que
le rapport Gauvin donnait au mémoire, quand même un travail
à faire. Je propose qu'on ajourne à cet après-midi, quitte
à ce que cet après-midi on prenne une décision finale sur
le rapport à faire en janvier.
M. TETLEY: M. le Président, le leader parlementaire du
gouvernement m'a presque fait des menaces au sujet d'une séance cet
après-midi, j'ai dit "presque". Je me demande si cela est possible, car
je crois qu'il a déjà convoqué plusieurs commissions.
Puis-je suggérer que le document de M. Rankin, qui n'est pas
très long, soit inclus dans le journal des Débats et que les
députés de Lafontaine, de Beauce, les autres
députés et moi-même nous nous consultions au sujet d'une
date? Pour ma part, je ne le cache pas, je préfère la semaine
prochaine, tel que convenu. C'est vrai, nous sommes tous tellement
bouleversés, j'ai une loi de 615 à 650 articles, plus trois
autres lois.
M. TREMBLAY: Cela va bien, votre affaire, M. le ministre.
M. TETLEY: Pardon?
M. TREMBLAY: Cela va bien, votre affaire.
UNE VOIX: A part cela, vous n'avez pas trop de travail?
M. TETLEY: Peut-être peut-on insister pour que le document de M.
Rankin soit inclus dans les débats, au lieu de demander...
M. TREMBLAY: Oui.
M. TETLEY: ... à M. Rankin de le lire à haute voix, et les
députés en question vont consulter le leader parlementaire pour
trouver une solution à notre problème.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Est-ce l'assentiment
général des membres de la commission?
M. LEGER: Non, M. le Président. UNE VOIX: D'accord, M. le
Président. M. BURNS: Non, M. le Président.
M. LEGER: Nous ne sommes pas d'accord, M. le Président. Il avait
été convenu qu'on siégeait cet après-midi, selon
l'entente prise lors de l'ajournement de la dernière commission
parlementaire. Nous devions siéger toute la journée d'aujourd'hui
et même mardi prochain.
Moi, je trouve curieux qu'à ce stade-ci nous ayons entendu toute
une série de mémoires sur le rapport du comité Gauvin,
chose qui est déjà anormale, et que par la suite, nous allions
tout simplement ajourner nos travaux pour repenser cela au mois de janvier. Je
trouve que c'est trop tôt. Nous avons quand même à entendre
M. Rankin et à faire des recommandations à ce stade-ci pour
peut-être nous rencontrer en janvier, mais je trouve anormal d'y arriver,
rapidement, en dedans de trois quarts d'heure, et d'accepter le venue des gens
du comité Gauvin puis dire: Allez-vous en, on va regarder cela, on va
consigner cela au journal des Débats. Je trouve que c'est une partie
très importante...
M. TETLEY: On va faire une autre séance...
M. LEGER: Non, mais moi, je calcule qu'on a déjà assez de
temps. Il y a des décisions qui doivent être prises. Je ne suis
pas d'accord pour que, cet après-midi, on ne siège pas, au moins
à 15 heures, quitte à ce qu'on prenne une décision
après avoir entendu M. Rankin et adopté des prises de position
générales.
M. le Président, on a siégé depuis octobre,
régulièrement, sur ce sujet. Or, au moment précis
où on arrive à la clôture, du moins, de cette commission,
on veut encore reporter cela. Moi, je trouve que c'est inacceptable. Il y a des
choses qui doivent être dites. Actuellement, les travaux de la commission
devraient être suspendus, puisque les travaux de l'Assemblée
nationale le sont. Je propose qu'on revienne à 15 heures, quitte
à prendre une décision au cours de l'après-midi sur les
débats futurs.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Taschereau.
M. BONNIER: M. le Président, je voudrais parler en faveur de la
proposition du député de Beauce-Sud, pour la simple raison que,
ce matin, je me rends compte personnellement que, normalement, ma
présence aurait été requise et sans doute la
présence d'autres aussi, en Chambre, pour l'étude du projet de
loi no 40 en deuxième lecture, et nous avons beaucoup de projets de loi
comme ceux-là qui s'en viennent. Le ministre des Institutions
financières faisait état d'un certain nombre de projets de loi
qu'il a à soumettre.
Je suis d'accord avec le député de Beauce-Sud pour dire
qu'actuellement, nous n'avons quand même pas une loi comme telle. Nous
sommes à étudier un mémoire, de façon qu'une loi
nous soit présentée. Entre ces deux options, l'étude des
lois spécifiques que l'on nous suggère, et l'étude de
mémoires, je ne voudrais pas dire que les lois sont plus importantes que
le mémoire, loin de moi cette idée. Je crois que le rapport
Gauvin est extrêmement important. Mais au niveau des priorités
actuellement, étant donné les délais que nous avons, je
crois que nous n'avons pas le choix si on veut faire un travail sérieux,
de remettre en janvier, à la date qui sera convenue, l'étude en
profondeur des opinions des membres de l'ex-comité Gauvin.
M. Gauvin disait tout à l'heure: Si vous pensez que notre
présence est utile... Je crois que ce n'est pas nécessaire de
rassurer M. Gauvin, non plus que les membres de cet ex-comité. Leur
présence est non seulement utile, mais extrêmement
nécessaire, parce que, tout au long de l'étude des
mémoires, nous avons enregistré un certain nombre de points
d'interrogation. Sans doute que le mémoire est là, mais je crois
que le fait d'avoir des explications verbales, comme nous avons commencé
à en avoir ce matin, va drôlement nous éclairer et je pense
qu'il faut vraiment appuyer la suggestion du député de
Beauce-Sud.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Beauce-Sud.
M. ROY: Lorsque j'ai fait ma suggestion tout à l'heure devant la
commission parlementaire, c'est en toute objectivité que je l'ai faite.
J'ai fait la suggestion pour que nous puissions faire un meilleur travail. Je
comprends les remarques que vient de faire mon collègue, le
député de Lafontaine. Lors de la dernière séance,
j'étais un de ceux qui ont demandé que nous procédions le
plus rapidement possible pour qu'on finisse par faire une synthèse de
toute l'affaire. Or, depuis hier matin, je me dois de regarder la
réalité en face. Il y a douze projets de loi nouveaux inscrits au
feuilleton qui n'apparaissaient pas au début de la semaine. Il n'y a
rien qui me dit qu'il n'y aura pas au moins une demi-douzaine, peut-être
une douzaine d'autres projets de loi.
Si on veut faire un travail sérieux et objectif et examiner toute
cette question, à partir de tous les mémoires que nous avons eus,
il faut qu'on prenne le temps d'interroger M. Gauvin, M. Rankin et les autres,
de façon à pouvoir obtenir le plus de renseignements possible sur
cette question, si on peut le faire à ce moment-ci, compte tenu des
circonstances dans lesquelles nous sommes plongés. Je n'ai pas voulu ces
circonstances. Autrement dit, je dois subir les conséquences.
M. TREMBLAY: Vous êtes une victime.
M. ROY: Je suis une victime. Je vais employer le mot victime, sans
indemnisation à l'égard à la faute parce qu'à ce
moment, on pourrait avoir un débat avec le ministre ici, devant
l'Assemblée nationale.
Mais je pense que si on veut, en toute objectivité... Je ne
voudrais pas choquer mon collègue de Lafontaine, ni le chef de
l'Opposition officielle, ni leur déplaire, parce que je connais
l'intérêt qu'ils ont apporté à toute cette
question.
Mais, en ce qui me concerne personnellement, il est à peu
près impossible et c'est le cas de plusieurs membres de
l'Assemblée nationale actuellement, de nous concentrer et de faire
le travail le plus efficace possible sur cette question, à cause des
circonstances qui nous sont imposées.
M. LEGER: M. le Président, c'est sûr que, dans une fin de
session, il y a toute une série de projets de loi qui nous arrivent et
qui font que les députés se divisent dans toutes les directions,
pour essayer d'être le plus efficace possible. Mais le rapport Gauvin est
une chose absolument importante et essentielle. C'est une étape vers une
réforme de l'assurance. C'est aussi important, sinon plus, que beaucoup
de projets de loi que nous allons avoir en haut.
Je veux mettre le ministre devant deux choix. Ou nous revenons cet
après-midi et nous écoutons ce que M. Rankin a à dire,
nous lui
posons des questions et l'Opposition a le droit de faire des
recommandations au gouvernement. Ou bien on fait cela ou bien le gouvernement
doit agir selon la tradition, selon la normalité, c'est-à-dire
préparer son projet de loi.
Pour nous, après avoir entendu un comité qui s'est
présenté à la commission parlementaire, cela a
été enregistré, il y a eu des mémoires
présentés, la prochaine étape est la législation.
Nous voulons nous prononcer sur la législation du gouvernement. C'est ce
que nous voulons. Si le ministre me dit qu'il est capable de nous donner,
aujourd'hui, un calendrier de fonctionnement en nous disant: Vous allez avoir
le projet de loi pour le début de mars, pour en discuter à
l'ouverture de la 31e Législature, et qu'il pourrait y avoir une
réforme au cours de l'année 1975, nous serions d'accord. Mais si
on est plutôt en train de noyer le poisson en retournant cela en janvier,
pour continuer à discuter sur un rapport, je dis: Le ministre est
maintenant au courant. Qu'il nous dise, aujourd'hui, à la commission
parlementaire s'il est d'accord pour consulter les spécialistes du
rapport Gauvin, comme tout ministre doit le faire quand il soumet un projet
à l'étude d'une commission et qu'il se prépare à
faire une législation. D'ailleurs, il nous l'a déjà
annoncée comme étant en préparation depuis
déjà plus de six mois.
Nous serions d'accord, à ce moment, pour dire: Nous ajournons les
travaux aujourd'hui. Que le ministre nous assure que le projet de loi arrivera
en mars. On n'a plus à discuter. Là, on pourra se parler sur les
intentions du gouvernement et lui faire nos recommandations. Je pense qu'on a
assez perdu de temps. Ou bien, cet après-midi, nous allons lui faire des
recommandations, et non pas noyer le poisson et remettre cela au mois de
janvier. Mais s'il ne veut pas que nous siégions cet après-midi,
parce qu'il y a d'autres projets de loi, qu'il nous dise qu'il y a un
calendrier précis et qu'en mars, il y aura un projet de loi sur lequel
les députés pourront se prononcer. A ce moment-là, il y
aura peut-être dix mois qu'il a en main le rapport de la commission
Gauvin. Au lieu de siéger pour entendre les personnes qui ont
préparé le rapport Gauvin, que nous parlions des intentions du
gouvernement et, à ce moment, on saura qu'il y aura une réforme
réelle et qu'on ne noiera pas le poisson!
Le ministre a le choix, en ce qui me concerne. Je vais donner mon accord
s'il me dit: D'accord, en mars, il y aura une loi.
M. TETLEY: II n'y en aura pas.
M. LEGER: Le gouvernement aura présenté son choix, c'est
là-dessus qu'on veut discuter et non pas passer et perdre du temps
à revenir un janvier à une commission qu'on a déjà
entendue. Moi, je dis cet après-midi; ou on les rencontre et on va au
bout de notre logique, ou bien le ministre nous donne son calendrier et il nous
assure qu'il y a une intention gouvernementale qui va être
présentée en mars et sur laquelle on pourra discuter.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le ministre.
M. TETLEY: M. le Président, ce n'est pas le député
de Lafontaine qui donne des instructions au gouvernement ni au ministre.
M. LEGER: C'est la population derrière nous qui se demande ce que
vous en pensez.
M. TETLEY: Vous avez le droit de nous donner des suggestions et vous les
avez données; ce n'est pas la première fois. La première
suggestion était d'annuler le comité Gauvin, moi je suis
content...
M. LEGER: D'annuler le comité Gauvin?
M. TETLEY: ... la commission parlementaire qui a entendu les
différents groupes.
M. LEGER: Oui, de présenter un projet de loi et
l'étudier.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît
!
M. TETLEY: ... de procéder par une loi. J'ai cru bon de
procéder par la commission parlementaire ce qui était beaucoup
plus démocratique. Nous avons un échéancier; au conseil
des ministres, nous avons déjà nommé un ancien
sous-ministre adjoint de la justice juge responsable de deux comités et
il a assisté depuis novembre à nos réunions. Nous avons un
échéancier, mais aussitôt que le conseil des ministres aura
adopté l'échéancier qui n'est pas une seule loi, parce que
ça prend peut-être vingt lois pour adopter les recommandations du
comité Gauvin, non pas une seule loi, je vais annoncer nos conclusions
avec plaisir. Mais je ne peux pas, avant d'avoir le consentement du conseil des
ministres, et du caucus, parce que notre parti est très
démocratique... Donc, je dois refuser votre... depuis longtemps...
M. ROY: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. TETLEY: Permettez-moi de terminer! Comme le caucus du parti et celui
des autres partis du Parlement certainement... mais je suggère encore et
je crois qu'il y a un consensus, à l'exception du parti de l'Opposition
officielle, afin qu'au moins les commentaires de M. Gauvin soient
imprimés ou inclus dans le journal des Débats...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): ... de M. Rankin.
M. TETLEY: ... de M. Rankin au lieu de demander à M. Rankin de
les lire à haute voix; deuxièmement, que nous vérifiions
auprès de nos leaders parlementaires s'il est temps de revenir, parce
que nous avons tous des questions. J'ai des questions pour M. Gauvin et M.
Rankin, M. Belleau et M. Bouchard.
M. LEGER: M. le Président, il est 13 heures et je demande la
suspension du débat, tel que le règlement nous le permet, et que
nous revenions à 15 heures discuter de ce sujet important.
M. HARVEY (Charlesbourg): Cela vous prend un ordre de la Chambre.
M. LEGER: C'est l'ordre de la Chambre qu'on siège. Actuellement,
il est 13 heures et il faut suspendre la séance.
M. TETLEY: L'ordre de la Chambre était de siéger
jusqu'à 13 heures.
M. HARVEY (Charlesbourg): Jusqu'à 13 heures.
M. BURNS: Pas du tout. L'ordre de la Chambre était de venir en
commission et d'examiner le rapport Gauvin. La Chambre elle-même, par ses
règlements, dit qu'à 13 heures, cela suspend automatiquement les
travaux. Alors, nous allons être obligés de revenir ici à
15 heures.
M. HARVEY (Charlesbourg): La commission peut prendre ses
décisions.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Il est passé une
heure.
M. ROY: Le député de Maisonneuve a entièrement
raison. Il n'a été aucunement question ce matin d'une limite de
temps, lorsque la question...
M. HARVEY (Charlesbourg): C'est à la commission de
décider.
M. BURNS: On n'a même plus le droit de décider, il est
passé 13 heures. Alors, on suspend les travaux jusqu'à 15 heures,
c'est automatique, M. le Président.
M. HARVEY (Charlesbourg): La commission a le droit de décider, M.
le Président.
M. BURNS: Non, elle n'a pas le droit.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Je suis d'accord avec le
député de Maisonneuve. La commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
Reprise de la séance à 15 h 8
M. HOUDE, Limoilou (président de la commission permanente des
institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre,
messieurs!
M. BURNS: Question de règlement, M. le Président. Les
témoins ne sont pas arrivés encore, j'aimerais qu'on attende que
les témoins arrivent.
M. TETLEY: La motion que j'ai faite d'ajourner sine die, je la
réitère. Je veux dire au député...
Motion d'ajournement
M. BURNS: M. le Président, question de règlement. Cette
motion n'a pas été décidée.
M..TETLEY: C'est cela. Vous avez dix minutes pour discuter cela. Je veux
dire une chose au député de Maisonneuve. Nous avons eu, ici,
pendant des semaines, même des mois une discussion ouverte où je
n'ai jamais imposé le bâillon.
M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. TETLEY: Un instant, je n'ai pas terminé.
M. BURNS: Le règlement a été invoqué.
M. LEGER: Actuellement, le ministre est en train de discuter d'un projet
quelconque ou d'une idée quelconque, alors que la question posée
par le député de Maisonneuve est la suivante : Nous avons
suspendu les travaux de la commission de une heure à trois heures avec
la mission d'entendre les gens du rapport Gauvin et ils sont absents
actuellement.
M. TETLEY: ... mission.
M. LEGER: Je vais demander directement au ministre si c'est lui qui leur
a dit de ne pas venir ou s'il a eu le mandat de la commission parlementaire de
dire aux représentants du comité Gauvin...
M. TETLEY: Non.
M. LEGER: ... de ne pas être présents à cette
heure-ci.
M. TETLEY: Lorsqu'un membre me l'a demandé, j'ai dit que
c'était notre intention, comme il le savait, d'ajourner sine die.
M. LEGER: Du gouvernement, non pas de la commission.
M. TETLEY: Mon intention, la motion que
j'ai déjà faite. Je présente encore la motion
d'ajourner sine die pour les raisons déjà données.
M. BURNS: M. le Président, à l'ordre! A l'ordre!
M. ROY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Un instant !
M. ROY: ... question de règlement.
M. BURNS: Cette motion n'est pas receva-ble.
M. ROY: La motion n'est pas recevable pour la bonne raison que j'avais
fait une motion, au préalable, et que la commission n'en a pas
disposé. Je pense que c'est assez clair que, lorsqu'il y a une motion
sur la table, la commission commence à en disposer avant qu'il y ait une
nouvelle motion à discuter. Qu'on dispose de la motion que j'ai faite.
Sur la motion que j'ai faite, j'aurais quelque chose à dire. J'aurais
des questions à poser au ministre avant de dire ce que j'ai à
dire là-dessus. Je veux savoir pourquoi les gens du comité Gauvin
ne sont pas ici, cet après-midi?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Pardon, ce n'était pas la
motion.
M. ROY: Ce n'était pas la motion, mais avant de revenir sur la
motion, c'est une question de privilège que je pose. Je pose cette
question de privilège comme membre de la commission. Je suis en droit de
savoir, à ce moment-ci, comment se fait-il que les gens du comité
Gauvin ne sont pas ici, à la barre?
M. TETLEY: Je vais avec plaisir répondre à cette question,
parce que je croyais que votre motion ou ma motion serait adoptée.
Lorsqu'il a dit: Est-ce qu'il serait nécessaire... Nous avons du travail
important. Je crois que j'ai parlé à un seul membre soit
à M. Rankin ou à M. Gauvin, je ne sais pas lequel des deux
j'ai dit: C'est mon opinion que vous ne serez pas entendus cet
après-midi. J'ai pensé à votre motion ou à ma
motion.
M. ROY: Sur la motion que j'avais présentée, je l'avais
présentée en espérant que cette motion rencontre les
désirs de la totalité, je ne dirai pas de la majorité des
membres de la commission, mais de la totalité des membres de
l'Opposition. J'ai vu que, du côté de l'Opposition officielle, du
côté du Parti québécois, ils avaient des objections
sérieuses et qu'ils avaient demandé, comme je l'avais
demandé d'ailleurs, que nous procédions d'une certaine
façon. Les objections que j'avais apportées ce matin
étaient qu'il y avait eu beaucoup de changements dans l'ordre des
travaux de l'Assemblée nationale et que nous étions dans une
situation telle que nous ne pouvions pas, logiquement et normalement, dans des
conditions normales avec des délais normaux, travailler en toute
quiétude et en toute objectivité en commission parlementaire.
Mais je me rends compte d'une chose, c'est qu'aujourd'hui, comme durant les
autres séances des commissions, on se fait manoeuvrer, on se fait
charrier passablement. On ne sait pas où on va. Or, compte tenu des
circonstances, je retire ma motion.
M. TETLEY: M. le Président, je fais la motion pour ajourner sine
die.
M. LEGER: M. le Président, sur la motion du ministre...
M. BONNIER: La motion n'a pas été appuyée. Moi, je
l'appuie.
M. LEGER: ... je voudrais parler et m'opposer à la motion pour la
raison suivante.
M. TETLEY: Prenez le temps, l'Opposition a dix minutes.
M. LEGER: Un instant, M. le Président, dix minutes sur chaque
point. Vous avez proposé la motion d'ajournement...
M. TETLEY: Une motion d'ajournement sine die.
M. LEGER: ... et je vais tout simplement amender votre motion pour que
nous siégions jusqu'à six heures, de façon que nous
puissions poser les questions voulues. Malheureusement, le ministre a
imposé le bâillon à cette commission en envoyant chez eux
les représentants...
M. TETLEY: Un instant. Une question de privilège.
M. BURNS: A l'ordre! Le député de Lafontaine a le droit de
parole.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît! Le
député de Lafontaine sur l'amendement à la motion.
M. LEGER: M. le Président, le ministre a imposé le
bâillon en prenant de lui-même la responsabilité de dire aux
gens du comité Gauvin de ne pas venir à la commission cet
après-midi. C'est inacceptable.
M. TETLEY: Question de privilège.
M. BURNS: II n'y a pas de question de privilège en
commission.
M. TETLEY: Mais on peut les soulever en tout temps.
M. LEGER: M. le Président, vous enlevez cela sur mon temps.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît ! La
parole est au député de Lafontaine.
M. BURNS: Bon!
M. LEGER: M. le Président, la raison pour laquelle nous jugeons
cette attitude absolument inacceptable est que nous aurions voulu proposer
mieux que cela, c'est que chacun des groupes, ici, soit capable de s'informer,
non pas publiquement mais, personnellement, auprès des gens de la
commission Gauvin pour obtenir les renseignements qu'ils jugent utiles. Le
débat public, en ce qui nous concerne, devrait être
terminé. C'est le débat politique qui doit commencer. C'est la
raison pour laquelle un débat politique ne peut commencer que s'il y a
un projet politique devant nous.
M. le Président, je dis que la commission est arrivée au
terme de ses travaux. Nous n'avons pas à ajourner au mois de janvier ou
février pour entendre de nouveau les gens du comité Gauvin, qui
ne pourraient que répéter ce qu'ils ont dit dans leur
rapport.
M. le Président, nous devons tirer certaines conclusions,
même si l'aboutissement normal de 17 séances...
M. TETLEY: Permettez-moi une question.
M. LEGER: ... M. le Président, vous m'avez donné dix
minutes.
M. TETLEY: D'accord!
M. LEGER: J'ai à peu près 30 secondes de passées,
et je veux avoir le temps de dire ce que j'ai à dire.
Il est temps, M. le Président, après les 17 séances
que nous avons tenues, que nous arrivions à une législation et
qu'un certain nombre de mesures administratives soient mises de l'avant. En
tout premier lieu, j'aimerais faire état de l'impression que m'a
laissée cette première expérience de l'étude d'un
rapport d'une commission d'enquête. C'est une première. On a fait
grand état, ces dernières années, et encore dans nos
travaux récents, de l'utilisation fréquente des commissions
parlementaires. Je suis le premier à admettre qu'il s'agit là
d'une institution utile et capable de renfoncer notre appareil
législatif. Mais il ne faudrait pas abuser de ce mécanisme encore
jeune et en faire un élément clef de stratégie
ministérielle. C'est le cas actuellement, M. le Président, un
élément clef de stratégie ministérielle.
La Loi des commissions d'enquête n'a pas confié, par
caprice, la responsabilité des enquêtes et des rapports
d'enquêtes au pouvoir exécutif. Il s'agit là d'une sagesse
institutionnelle, M. le Président, que le gouvernement ne devrait pas
perdre, encore une fois.
La Chambre et ses commissions sont essentiellement des lieux de
débats, et ses commissions sont aussi des lieux de débats et non
pas des lieux d'étude et d'examen. Notre activité ordinaire et la
façon dont les media s'en emparent nous montrent bien quelles attentes
la société a devant l'Assemblée nationale. C'est ce que la
loi avait compris, qui demande aux commissions d'enquête de faire rapport
aux agents responsables d'établir une mise en oeuvre des recommandations
et de faire cela par le cabinet.
Alors, que l'on ne vienne pas nous dire plus tard que nous ne souhaitons
pas la diffusion de ces rapports d'enquête. C'est essentiel, dès
la remise des rapports. L'Opposition et les simples députés
devraient profiter de tous ces documents pour étayer les pressions
qu'ils doivent faire sur un pouvoir exécutif qu'il a d'agir. Il s'agit
d'un aiguillon que le gouvernement ne devrait refuser à l'Opposition et
au public en général que pour des raisons très graves.
Les rapports commandés par l'Etat doivent servir à tous
les agents. Il s'agit d'un élément normal, d'un arsenal de tous
ceux qui ont pour mission d'équilibrer le pouvoir exécutif,
c'est-à-dire l'Opposition et le gouvernement. Ceci dit, il faut quand
même convenir, et nous en avons fait la preuve bien satisfaisante, que le
débat politique ne peut se faire que sur des positions politiques, des
choix et des décisions du gouvernement. J'ai bien dit des débats
politiques et non des débats publics, car lorsqu'ils sont tenus par
nous, lorsque la société nous les laisse ou nous les confie, ils
sont toujours politiques. Si certains de mes collègues croient à
une étude objective du rapport Gauvin, qu'ils se méfient, M. le
Président. Il n'est pas de serviteurs plus dévoués
à des intérêts particuliers quelconques que ceux qui sont
aveugles. Devant un tribunal, comme dans tout autre forum, les
témoignages d'experts ne sont jamais que des éléments
d'une stratégie qui servent autant l'Opposition que le gouvernement.
Lorsqu'un ministre lance un rapport à la curée, en se
retranchant dans une fausse neutralité...
M. TETLEY: ... pourquoi...
M. LEGER: Je répète parce que le ministre ne
m'écoutait pas. Quand le ministre se sert d'une fausse neutralité
pour ne pas agir devant un rapport, cela ne peut être que pour le miner
une fois rendu public.
M. TETLEY: Pardon!
M. LEGER: II fallait endosser ce rapport Gauvin...
M. TETLEY: ... 77...
M. LEGER: ... ou il n'avait qu'à le laisser sur les tablettes.
C'est ce qu'a compris le ministre des Transports qui a déjà pris
à son compte une
partie des recommandations et qui n'a pas semblé
désemparé face à d'autres. Le ministre pourra toujours
alléguer qu'il a donné au comité un droit de
réplique. Nous en avons eu l'expérience aujourd'hui.
Mais le rapport Gauvin... les membres du comité Gauvin ne peuvent
guère mieux que revenir à leur rapport et prendre à
contre-pied les propositions qu'ils ont entendues deux fois.
C'est au législateur à parler et ce depuis le printemps
dernier. Quand on crée un comité d'enquête, on doit savoir,
du côté du gouvernement qu'on utilise le meilleur, mais aussi le
dernier refuge avant d'agir. Les commissions parlementaires ne doivent pas
servir à couvrir les derniers calculs et les dernières
hésitations. Les grandes réformes qui ont marqué les
affaires sociales, le domaine de l'éducation, de l'enseignement et de la
justice ont été examinées en commission parlementaire
alors que les ministres avaient fait leur lit.
Il semble que le ministre des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives, contrairement à ses collègues,
n'a pas été élu pour gouverner. Les travaux n'ont pas
été inutiles, cependant, parce qu'à défaut de nous
éclairer vraiment sur ce qui était souhaitable, c'est-à
dire le choix du gouvernement, nous savons maintenant ce qui est accepté
dans ce manifeste...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Votre temps est...
M. LEGER: ... et ce qui est refusé. M. TETLEY: ...
épuisé.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre !
M. LEGER: M. le Président, j'ai commencé à 3 h
15.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît! En
vertu de l'article 77: "Une motion non annoncée d'ajournement du
débat peut être faite en tout temps; une telle motion, sauf si
elle est faite par un ministre, ne peut être faite qu'une seule fois au
cours d'une séance. Elle est mise aux voix sans amendement, à la
suite d'un débat restreint au cours duquel un représentant de
chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix minutes, le proposeur
pouvant exercer un droit de réplique de même durée".
M. LEGER: C'est cela.
M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement.
C'est parfaitement dans l'ordre ce que le député de Lafontaine et
non pas de Maisonneuve... On est tellement à plusieurs endroits en
même temps qu'on souffre de dédoublement de
personnalité.
M. MARCHAND: Cela fait longtemps que c'est fait.
M. BURNS: Je pense que le député de Lafontaine est en
train, actuellement, d'exercer le droit d'un parti reconnu d'exprimer pourquoi
il n'est pas d'accord sur la motion qui est faite par le ministre. Il est
parfaitement dans l'ordre.
M. TETLEY: Parfaitement d'accord.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Je suis d'accord sur cela, mais la
façon dont le député de Lafontaine a
procédé, en voulant faire un amendement à la motion...
S'il parle strictement sur l'amendement...
M. BURNS: II ne l'a pas fait.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Très bien. Cela va.
M. LEGER: J'espère que vous ne m'enlèverez pas ma minute.
Il me reste encore cinq minutes.
M. le Président, l'étude du rapport Gauvin nous a permis
quand même de connaître ce qui était accepté et ce
qui était refusé par les différents groupes qui sont venus
et qui étaient en faveur ou contre.
Ces témoignages nous éclairent sur les
intérêts mis en cause et la qualité de leur position.
Ainsi, nous avons pu constater que le principe de la responsabilité sans
égard à la faute a l'appui d'une faction et de groupes, bien
différents, tant des assureurs, des avocats, des automobilistes, des
garagistes, que des syndicats. Ils sont d'accord au moins sur une abolition
partielle de la responsabilité sans égard à la faute
jusqu'à un certain seuil.
Le gouvernement peut s'avancer sans crainte, si c'est cela qui le
retenait jusqu'ici. Presque tout le monde est d'accord là-dessus. Il est
également manifeste que tout le monde est d'accord pour prendre des
mesures draconiennes dans l'administration de quelque régime que ce
soit, de façon à comprimer les dépenses propres de ce
régime. La volonté de baisser les primes a été
exprimée par tout le monde et personne n'est venu dire que
l'administration actuelle du plan est optimale.
Le gouvernement peut compter sur ce constat au moins partiel
d'échec et il profite actuellement d'un climat exceptionnel
d'insatisfaction de la part des assurés et de réformes chez les
administrateurs et chez les intermédiaires. C'est le temps de proposer
des changements importants.
Enfin, il n'est pas nécessaire de revenir sur le consensus qui
s'est établi autour des recommandations visant la sécurité
routière. D'ailleurs, le ministre concerné en profite
déjà pour agir. Quelles sont les prochaines étapes et
qu'est-ce qui doit suivre cette séance? Pour reprendre ce que je disais
au début, le ministre des Institu-
tions financières doit suivre la démarche qu'il aurait
dû ne pas quitter et réaligner la réforme dans le
cheminement normal. On a déjà travaillé sur un texte de
loi depuis près de sept mois, nous a-t-il dit. Il n'y a aucune raison,
sinon la mollesse et l'indécision, pour que les projets de loi
nécessaires à la mise en oeuvre de la politique gouvernementale
ne soient pas déposés au début de la session,
c'est-à-dire en mars ou à la fin de février. A ce moment,
le cabinet aura étudié le rapport Gauvin depuis près d'un
an. Le problème est peut-être complexe, mais il est aussi urgent.
Le temps nécessaire à la réflexion doit être
mesuré suivant le caractère impérieux des réformes
à apporter.
S'il n'est pas maintenant aux dernières étapes de la
confection d'un projet de loi, le gouvernement est grandement irresponsable.
L'importance des intérêts en cause et la difficulté d'un
nouvel arbitrage ne doivent pas retarder indûment le législateur.
Et selon qu'il entend ou non consulter publiquement enfin l'opinion publique
sur ses intentions et ses propositions, le gouvernement doit se hâter
encore plus et prévoir le calendrier de la prochaine session, en
conséquence.
En effet, cela est nécessaire pour que nous atteignions un
objectif bien raisonnable que nous pourrions fixer maintenant, à savoir
la mise en branle de la réforme gouvernementale pour l'été
prochain.
Le gouvernement ne doit pas étirer les choses, et personne n'est
venu lui demander de le faire, tout au contraire. Pour atteindre cet objectif,
c'est sa propre inertie qu'il doit combattre, et qu'il n'essaie pas de
l'imputer aux assurés, aux assureurs ou à d'autres.
Ainsi, si le gouvernement nous présente un projet de loi au
début de mars et que la réforme se fait durant
l'été, dès le début de 1976, les
Québécois pourront profiter d'un nouveau régime, ce qui
est la seule raison pour laquelle nous sommes réunis ici et la seule
raison aussi pour laquelle on a commandé un rapport à M. Gauvin.
Si, M. le Président, les personnes autour de cette table ont des
demandes de renseignements, elles peuvent se référer soit au
rapport Gauvin qui est ici ou communiquer directement aux personnes qui sont
là. Je pense que M. Gauvin, M. Rankin, M. Belleau, M. Bouchard il
y en a un autre dont j'ai oublié le nom peuvent être
disponibles pour des renseignements non politiques mais techniques. Le
débat public sur l'étude du rapport Gauvin a trop duré, il
est grand temps que le débat politique sur le choix du gouvernement
commence et c'est la raison pour laquelle je m'oppose à l'ajournement
des travaux de cette commission et je propose plutôt la clôture de
la commission des institutions financières concernant le rapport Gauvin
et que le gouvernement se mette immédiatement à nous
présenter son projet de loi.
LE PRESIDENT (M.Houde, Limoilou): Le député de
Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, je vois que mon collègue de
Lafontaine propose une motion qui va plus loin que celle que j'avais
proposée...
LE PRESIDENT (M.Houde, Limoilou): La motion est irrecevable.
M. LEGER: Un instant.
M. BURNS: C'est une indication qu'il fait au ministre.
M. ROY: ... pour le mois de janvier. M. le Président, je ne peux
pas être d'accord, à ce moment-ci, pour la motion d'ajournement du
ministre et je m'explique. Je voudrais revenir sur un point. Lorsque j'avais
fait cette proposition ce matin, il était bien entendu et il
n'était pas question, jamais, dans mon esprit, que nous quittions la
commission parlementaire des institutions financières, compagnies et
coopératives sans qu'un calendrier précis soit établi et
accepté par la commission de façon que nous sachions enfin de
quelle façon nous allions procéder, comment et quand.
C'était le deuxième volet de la motion que j'avais
proposée ce matin. A aucun moment et d'aucune façon, j'ai voulu
faire en sorte que nous noyions le poisson. J'ai voulu plutôt
éviter que ce débat se déroule dans une espèce de
labyrinthe d'idées dans l'ensemble de toutes les législations que
nous avons à débattre à l'heure actuelle, compte tenu du
fait que nous avions demandé également j'avais
appuyé cette demande que la commission parlementaire siège
mardi prochain, alors que nous venons de recevoir des avis disant qu'on
convoque une commission spéciale pour étudier la question de
l'Hydro-Québec, mardi prochain. Il est évident que devant tous
ces faits, on ne peut pas se multiplier à l'infini pour étudier
tous les dossiers en même temps. C'était pour donner une note
très sérieuse, très précise pour que nous
puissions, enfin, nous engager vers des réalisations, vers des solutions
et, comme l'a dit le député de Lafontaine, de façon que le
débat politique puisse commencer au plus tôt.
M. le Président, fort de l'expérience passée, au
cours de laquelle nous avons tenu je prends les chiffres de mon
collègue 17 séances de la commission parlementaire,
pendant lesquelles on a étiré le temps stratégiquement
pour tâcher d'étirer la question le plus longtemps possible, de
façon à nous amener dans l'entonnoir des quelques jours qui
précèdent l'ajournement de la Chambre.
C'est la raison pour laquelle il est important que nous puissions savoir
où nous allons dans ce domaine. Le ministre propose l'ajournement sine
die de la commission pour faire quoi, convoquer quand et en vertu
d'étudier quoi? C'est le point sur lequel on doit s'interroger, M. le
Président. Les députés et collègues
ministériels ont beau rire, je comprends que ce n'est pas fatigant quand
on a seulement à rire derrière, pendant les commissions; mais on
ne sait pas du tout où le ministre veut nous
conduire lorsqu'il a fait tout à l'heure sa proposition
d'ajournement de la commission parlementaire.
Je pense que le gouvernement doit nous faire connaître ses
intentions; il doit nous faire connaître le calendrier de ses
décisions ou des autres travaux qui pourront venir, de façon que
nous puissions savoir à quoi nous en tenir, et de quelle façon le
gouvernement entend procéder.
M. le Président, à ce moment-ci, après 17
séances, on a entendu les différents organismes qui sont venus
devant la commission parlementaire, mais les grandes questions que tout le
monde se pose, même ceux qui sont venus devant la commission
parlementaire: Quelles sont les intentions du gouvernement? Que fera le
gouvernement? Pour quand est la législation?
Tous les organismes qui sont venus devant la commission parlementaire
ont été unanimes à dire qu'il devait y avoir des
réformes dans le régime d'assurance-automobile. Tout le monde a
été d'accord là-dessus. Les organismes se sont
prononcés sur différentes façons d'apporter ces
réformes; certains ont mis l'accent dans le secteur de la
sécurité routière; d'autres ont parlé d'un
programme comme celui d'Auto-BAC; d'autres ont appuyé le rapport Gauvin
et d'autres ont parlé de l'étatisation de
l'assurance-automobile.
Que fera le gouvernement? C'est ce qu'on ne sait pas. Quand le fera le
gouvernement? On ne le sait pas.
Aujourd'hui, on nous propose l'ajournement sine die de la commission
alors qu'on ne sait absolument rien. Qu'est-ce qu'on a fait depuis trois mois?
Sinon que de questionner, d'interroger et d'écouter ceux qui viennent
devant la commission.
M. MARCHAND: Vous avez formé des partis politiques.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!
M. ROY: Qu'est-ce qu'on a fait à la commission depuis cette
période de temps? Quelles sont les intentions du gouvernement? C'est la
question que je me pose et c'est une question pour laquelle je veux avoir une
réponse, avant que la commission parlementaire soit ajournée.
Je sais, nous sommes trois députés de l'Opposition, nous
savons que le gouvernement est fort de sa majorité, on peut un peu
présumer du sort de la motion de l'honorable ministre.
Même si nous nous opposons de toutes nos forces, on ne peut pas
voter plus qu'une fois. On ne peut pas passer de "télégraphe"
ici.
M. TETLEY: Est-ce que vous le faites ailleurs?
M. ROY: Non, je ne le fais pas ailleurs.
M. MARCHAND: Est-ce que le Parti présidentiel passe des
télégraphes?
M. ROY: Pour cela, vous irez le lui demander.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît ! A
l'ordre !
M. MARCHAND: Vous demanderez cela à votre chef, Dupuis, que vous
avez protégé.
M. ROY: M. le Président, je pense quand même, en toute
logique et en toute honnêteté, de façon très
sérieuse, qu'il est important et que c'est le devoir et l'obligation du
ministre de faire connaître les intentions du gouvernement à ce
moment-ci en nous disant comment il entend procéder par la suite et
quand.
M. TETLEY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le ministre des Institutions
financières.
M. TETLEY: ... je ne suis pas étonné, ni blessé par
vos remarques. Je sais que c'est le jeu politique, mais nous avons tous un
devoir, nous avons le même devoir, celui de trouver une solution au
problème de l'assurance-automobi-le. Le député de
Beauce-Sud a fait une motion d'ajournement jusqu'en janvier. J'ai même
expliqué mon opinion et, en réponse à votre question que
j'ai notée comme sixième question ici, j'ai même dit que je
préférerais la semaine prochaine, suivant l'espèce de
cédule que nous avons proposée et qui n'avait pas force de
loi.
Il est important et nous sommes tous d'accord, le député
de Lafontaine, le député de Beauce-Sud, le député
de Maisonneuve et tous les autres, qu'il faut trouver une solution à nos
problèmes. Nous avons bénéficié, aujourd'hui, de la
présence de M. Gauvin. Pour donner le ton à cette motion, je dois
ajouter que je suis aussi intéressé à trouver une solution
que vous.
Deuxièmement, je note que nous avons toujours siégé
durant la session seulement le matin. Le député de Maisonneuve
n'était pas toujours ici, il était très bien
représenté par le député de Lafontaine, mais nous
avons siégé seulement le matin. Ce n'est pas nouveau. La semaine
dernière, nous avons siégé seulement le matin. En tout,
c'était convenu de siéger...
M. BURNS: Avec la CSN, on a siégé l'après-midi.
M. TETLEY: C'est le seul cas où nous avons siégé
l'après-midi. C'était un cas spécial. Nous avons fait un
grand spécial pour la CSN et j'en étais content. J'arrive...
M. ROY: Si le ministre me le permet, il est bon de noter que, lorsque la
CSN est venue
devant la commission parlementaire, vous aviez convoqué deux
organismes contrairement à un dans les séances qui ont
précédé. Je dois dire au ministre sur ce point que nous
avions terminé nos travaux le midi, quand nous avons siégé
lors des séances précédentes.
M. TETLEY: Nous en avons eu deux chaque fois en novembre et souvent
trois. Que j'aie imposé le bâillon, je n'ai jamais imposé
le bâillon, ce n'est pas vrai. Notre gouvernement et surtout cette
commission-ci... Tout le monde... J'ai des témoins, tout
député a le droit de parler, de dire beaucoup de choses. J'ai
cédé souvent même de mon temps. Je me souviens d'une fois
où le député de Beauce-Sud m'a donné de son temps.
Parler de bâillon n'est pas vrai.
Il y a une contradiction grave dans l'argumentation de mon ami, le
député de Lafontaine. Il a dit qu'il fallait voir M. Gauvin.
Pourquoi ne viendrait-il pas ici, la semaine prochaine? Après cela, il
demande immédiatement la clôture, afin qu'on n'ait pas le droit de
poser de questions. C'est tout simplement...
M. LEGER: II y avait deux jours de planifiés, voyons donc!
M. BURNS: Est-ce que vous me permettez une question?
M. TETLEY: Oui, brève, trente secondes. M. BURNS: Très
brève. M. TETLEY: Je compte.
M. BURNS: C'est parce que vous venez de parler de M. Gauvin. Les
témoins qui ne sont pas là aujourd'hui, qui ne sont pas là
dans le moment, comment se fait-il qu'ils ne sont pas là? C'est vous qui
leur avez dit...
M. TETLEY: Mais j'ai répondu.
M. BURNS: Non, vous n'avez pas répondu.
M. TETLEY: J'ai dit que j'avais une motion, comme je l'ai dit.
M. BURNS: Vous avez dit aux témoins de ne pas venir parce que
vous aviez une motion.
M. TETLEY: Non, ils ont dit: Est-ce qu'on doit venir? J'avais toujours
dit que c'était tout simplement le matin. J'ai dit que j'avais une
motion, mais j'ai...
M. BURNS: Répondez-moi, M. le ministre. M. TETLEY: Ce n'est pas
moi...
M. BURNS: Vous avez accepté ma question. Vous avez dit aux
témoins de ne pas venir...
M. TETLEY: Non.
M. BURNS: ... parce que vous aviez une motion...
M. TETLEY: Parce qu'il y avait les motions du député de
Beauce-Sud et la mienne. C'était aussi parce qu'ils étaient
convoqués tout simplement pour le matin.
M. BURNS: Non, mais vous n'avez pas le droit de faire cela.
M. TETLEY: Mais ce matin... Un instant!
M: BURNS: Vous n'avez pas le droit de dire aux gens de ne pas venir
à la commission.
M. TETLEY: Je n'ai pas dit de ne pas venir.
M. BURNS: Non, mais j'ai posé la question au ministre.
M. TETLEY: Non, je n'ai pas dit...
M. BURNS: C'est parce que cette histoire peut rebondir en Chambre
demain. Je n'ai pas le droit de poser une question de privilège selon
les décisions des présidents, ici. Je n'ai pas le droit de faire
une question de privilège à la commission, mais il est possible
qu'on en fasse une en Chambre, par exemple.
M. TETLEY: Très bien, et je vais répondre.
M. BURNS: Parce que je ne vois pas qu'un ministre soit capable de dire
à des témoins: Ne venez pas cet après-midi, de toute
façon, on ne siégera pas.
M. TETLEY: Je n'ai pas dit de ne pas venir, j'ai dit que...
M. BURNS: Non?
M. TETLEY: ... nous avions une motion. Je crois que je l'ai dit à
M. Rankin.
M. BURNS: Bon. Comment se fait-il qu'ils ne soient pas ici?
M. TETLEY: Probablement qu'ils ont décidé de ne pas venir,
parce que... En tout cas.
M. BURNS: On pourrait peut-être faire une motion pour les faire
venir, d'abord.
M. TETLEY: Peut-être, parce que nous avons une motion... Je
termine, votre question.
M. LEGER: J'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Question de règlement.
M. LEGER: Le ministre vient d'affirmer une
fausseté. Il vient d'affirmer qu'on ne devait siéger que
ce matin, alors qu'à la commission parlementaire de la semaine
dernière, il avait été convenu qu'on passait la
journée d'aujourd'hui à entendre les gens du rapport Gauvin, et
la journée de mardi à discuter ensemble de ce que les gens du
rapport Gauvin nous avaient dit.
M. MARCHAND: On les faisait venir deux jours.
M. LEGER: De vous-même, vous venez de dire qu'ils ne devaient
être ici que ce matin, alors que la semaine dernière vous avez
affirmé qu'ils devaient être ici toute la journée. Alors,
d'eux-mêmes, ils ne pouvaient pas s'en aller, parce qu'ils savaient que
la commission n'était pas ajournée et qu'eux avaient
été convoqués tant que la commission n'est pas
ajournée.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. MARCHAND: M. le Président, sur la question de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Non, s'il vous plaît!
M. ROY: Bâillon!
M. BURNS: Bâillonnez le député de Laurier.
M. MARCHAND: Question de règlement, M. le Président. Comme
j'ai assisté depuis le début aux séances de la commission,
j'ai écouté aussi ce que le ministre a dit la semaine
dernière. Le ministre a dit qu'il convoquerait le commissaire Gauvin le
mardi de la semaine passée et jeudi, mais il n'a pas dit que ce serait
toute la journée. Vous affirmez vous aussi une fausseté.
M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement, parce
que le député parle de mardi. On est jeudi aujourd'hui...
M. MARCHAND: C'est jeudi, d'accord. Mardi passé et jeudi.
M. LEGER: Jeudi, aujourd'hui, et mardi prochain. D'accord.
M. MARCHAND: D'accord. Il n'en a jamais été question de
toute la journée, toutes nos sessions ont été le matin et
rarement l'après-midi. Tout le monde est au courant de cela.
M. LEGER: On devait siéger toute la journée.
M. TETLEY: Merci. En tout cas, je n'ai rien fait avec
méchanceté. Je sais que cela se fait toujours, sauf une exception
avec une demande spéciale...
M. LEGER: Jamais par méchanceté, je le sais, mais par une
politique, oui.
M. TETLEY: ... dans le cas de la CSN, je sais bien. Le
député de Maisonneuve est ici, et il est allé voir le
leader pour faire un "deal" pour siéger. Nous avons décidé
de siéger après une discussion.
M. BURNS: Je n'ai pas fait un "deal", j'ai demandé au leader tout
simplement s'il était d'accord pour qu'on siège...
M. TETLEY: C'était décidé à 3 heures.
M. BURNS: ... pour éviter que les gens de la CSN reviennent.
M. TETLEY: J'invoque mon exemple où mardi dernier, cela a
été fait par un...
M. BURNS: Oui, mardi dernier, c'est cela.
M. TETLEY: ... cela a été fait avec le consentements des
deux partis, et vous avez agi en tant que notre agent ou messager, je ne sais
pas, agent officiel. Il n'y avait pas d'entente pour siéger cet
après-midi-là avec la CSN. Mais je retourne à un autre
argument.
J'ai parlé de la contradiction. Vous ne voulez peut-être
pas écouter M. Gauvin ou lui poser des questions. Je crois que j'ai de
bonnes questions. Je crois que le député de Beauce-Sud a de
bonnes questions. Je crois qu'il est essentiel et c'était notre
politique d'écouter tout le monde. En ce qui concerne le
gouvernement, c'est au gouvernement de prendre ses responsabilités et
vous avez raison de nous aviser de ce fait.
Je vous remercie. Parfois, on oublie que nous avons l'obligation d'agir.
Laissez-moi dire ce que nous avons fait jusqu'à ce jour.
C'est le ministre d'Etat aux Transports qui avait annoncé
l'institution d'écoles de conduite; c'est le ministre des Transports et
le ministre de la Justice qui ont annoncé tout un changement dans le
système de points de démérite. C'est moi qui ai
formé un comité interministériel, dont je suis le
président, et c'est accepté par le conseil des ministres; nous
avons eu l'honneur de nommer un sous-ministre adjoint de la Justice comme
président de deux sous-comités, un sur la sécurité
routière, un sur l'assurance. Il est présent ici depuis le 1er
novembre, et il a été nommé juge de la cour Provinciale,
le 1er décembre. Nous avons des plans au sujet du fonds d'indemnisation
et beaucoup d'autres lois, ce n'est pas une seule loi.
Le gouvernement doit agir et le gouvernement doit faire preuve de son
action. Que le gouvernement me donne le droit, avant les décisions
finales du conseil des ministres ou du caucus, de vous annoncer à
l'avance mon opinion. Mais je ne peux pas, et avec regret,
peut-être. Mais vous aurez l'occasion de critiquer ces plans et le
résultat.
Donc, M. le Président, je propose le vote.
M. BURNS: M. le ministre...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors, quels sont...
M. BURNS: ... est-ce que le ministre...
UNE VOIX: Une seconde!
M. BURNS: ... me permet une question?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Est-ce que le ministre permet la
question?
M. TETLEY: Oui. Je suis un très gentil garçon.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Maisonneuve.
UNE VOIX: C'est un ministre très démocratique.
M. BURNS: Vous avez parlé d'un sous-ministre adjoint qui a
été nommé juge et qui va siéger comme
président d'un sous-comité interministériel. Pour combien
de temps ce sous-ministre, cet ex-sous-ministre, juge maintenant, a-t-il
été libéré pour cette fonction?
M. TETLEY: Depuis le 1er novembre.
M. BURNS: Depuis le 1er novembre jusqu'à quelle date?
M. TETLEY: II est libéré pour quatre mois.
M. BURNS: Quatre mois, depuis le 1er novembre, c'est-à-dire
jusqu'au...
M. TETLEY: L'arrêté en conseil date de...
M. BURNS: II est libéré jusqu'au mois de mars.
M. TETLEY: Disons jusqu'à la fin de mars... M. BURNS: Fin de
mars?
M. TETLEY: ... mais il travaillait comme sous-ministre jusqu'au moment
de sa nomination comme juge.
M. BURNS: Cela signifie qu'on ne sera pas en mesure d'avoir des
recommandations et la position gouvernementale, avant bien loin, au mois
de...
M. TETLEY: Nous avons des plans pour agir par étapes,
évidemment.
M. BURNS: Vous allez passer par-dessus le sous-comité?
M. TETLEY: Non. Le sous-comité est nommé, mais il peut
faire des rapports. Il a déjà fait deux rapports.
M. BURNS: Oui, mais si le sous-comité est formé et
à la tête duquel se trouve un juge qui est libéré
pour quatre mois...
M. BONNIER: Je m'excuse auprès du député de
Maisonneuve...
M. BURNS: Vous n'avez pas à vous excuser. Laissez donc faire!
J'ai la parole.
M. BONNIER: Comment "vous n'avez pas d'affaire à vous excuser?
"
M. TETLEY: Posez votre question.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Bellechasse.
M. BURNS: Je dis simplement, M. le ministre...
M. BONNIER: Question de privilège. Tout de même...
M. TETLEY: Non. Posez votre question.
UNE VOIX: Vas-y. Ne te laisse pas influencer.
M. BURNS: C'est cela, la question.
M. BONNIER: Je pense qu'on était tous...
M. BURNS: N'oubliez pas que, si le juge en question a été
libéré jusqu'à la fin de mars, approximativement, dans le
fond, ce rapport ne viendra pas chez vous avant...
M. BONNIER: On a répondu à cette question.
M. TETLEY: Je n'ai pas de réponse. Nous avons des rapports, par
étape, d'autres personnes.
M. BURNS: Vous ne serez pas en mesure de légiférer avant
ce temps?
M. TETLEY: Je ne fais aucune promesse de législation. C'est ma
réponse. Il n'y a pas d'autres questions.
DES VOIX: Vote.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le vote.
M. ROY: M. le Président, je m'excuse. Question de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Question de règlement.
M. ROY: J'ai posé une question au ministre tout à l'heure
et le ministre a probablement oublié de me répondre. Je veux
savoir si vous avez l'intention de convoquer à nouveau la commission
parlementaire.
M. TETLEY: Oui. M. ROY: Quand?
M. TETLEY: Je vais parler au leader parce que c'est entre ses mains. Je
vais faire l'impossible pour donner suite à la suggestion du
député de Beauce.
M. ROY: Avez-vous l'intention de convoquer à nouveau les membres
du comité Gauvin devant cette commission?
M. TETLEY: Mais oui.
M. LEGER: Autrement dit, ce qu'on aurait pu faire aujourd'hui, jeudi,
vous voulez remettre cela en janvier. Aujourd'hui et mardi, ce que nous aurions
pu faire, c'est remis en janvier.
M. TETLEY: Le député de Beauce-Sud voulait étudier
les problèmes qu'il vient de...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. TETLEY: Le vote.
M. LEGER: A quoi sert ce sous-comité...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre ! Quels sont ceux qui sont
en faveur de la motion d'ajournement? M. Assad (Papineau)? M. Beauregard
(Gouin)? M.Bellemare (Johnson)? M. Bonnier (Taschereau)?
M. BONNIER: Pour.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Burns (Maisonneuve)?
M. BURNS: Sur la motion d'ajournement?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Oui.
M. BURNS: Comment pensez-vous que je vais voter?
M. MARCHAND: Pour. M. BURNS: Contre.
UNE VOIX: Comment se fait-il que le député de Maisonneuve
vote à la place du député de Johnson?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Chagnon... A l'ordre, s'il vous
plaît. On est en train de voter.
M. Chagnon (Lévis)?
M. CHAGNON: Pour.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Harvey (Charlesbourg)?
M. HARVEY (Charlesbourg): Je vais voter en.faveur.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Harvey (Dubuc)?
M. HARVEY (Dubuc): Pour.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Léger (Lafontaine)?
M. LEGER: Comme de raison, contre.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Marchand (Laurier)?
M. MARCHAND: Pour.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Picotte (Maskinongé)?
M. PICOTTE: Pour.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Roy (Beauce-Sud)?
M. ROY: Contre. Ecrivez-le en lettres majuscules.
UNE VOIX: II est contre et ce matin, c'est lui qui l'a
proposé.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Tremblay (Iberville)? La motion
est adoptée et la commission ajourne ses travaux sine die.
M. BONNIER: Très bien.
(Fin de la séance à 15 h 43)