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Version finale

30e législature, 4e session
(16 mars 1976 au 18 octobre 1976)

Le jeudi 3 juin 1976 - Vol. 17 N° 78

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de la Justice


Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Etude des crédits du ministère de la Justice

Séance du jeudi 3 juin 1976 (Seize heures trente minutes)

M. Brisson (président de la commission de la justice): A l'ordre, messieurs!

La commission se réunit afin d'étudier les crédits du ministère de la Justice. M. Séguin (Pointe-Claire) remplace M. Bienvenue (Crémazie); M. Cornellier (Saint-Hyacinthe) remplace M. Ciaccia (Mont-Royal). Ce sont les seuls changements qui m'ont été fournis.

M. Burns: Voulez-vous me donner les autres membres, M. le Président?

Le Président (M. Brisson): M. Bédard (Chicoutimi), M. Bellemare (Johnson), évidemment M. Séguin (Pointe-Claire), M. Burns (Maisonneuve), M. Cornellier (Saint-Hyacinthe), M. Choquette (Outremont).

M. Burns: II ne peut pas être à deux places, M. Cornellier, il remplace déjà quelqu'un.

Le Président (M. Brisson): M. Cornellier, c'est ça que je dis. Excusez, M. Ciaccia...

M. Burns: Oui.

Le Président (M. Brisson)': M. Ciaccia n'est pas ici, il est remplacé par M. Cornellier.

M. Burns: M. Cornellier, d'accord.

Le Président (M. Brisson): M. Choquette (Outremont), M. Desjardins, est-ce que c'est trop vite?

M. Burns: Oui.

Le Président (M. Brisson): Alors, dites-le moi. Dites oui, après chaque nom.

M. Burns: Desjardins, ça va.

Le Président (M. Brisson): M. Desjardins (Louis-Hébert), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Levesque (Bonaventure).

M. Burns: Cela va.

Le Président (M. Brisson): M. Pagé (Portneuf).

M. Burns: Cela va.

Le Président (M. Brisson): M...

M. Caron: ...Assad...

M. Burns: C'est le temps, là.

Le Président (M. Brisson): C'est le temps de le dire.

M. Caron: Oui, oui, M. Assad.

Le Président (M. Brisson): M. Assad...

M. Burns: M. Pagé n'est pas membre, c'est M. Assad.

M. Caron: Oui.

M. Burns: D'accord.

M. Caron: II remplace M. Levesque.

M. Burns: Ah bon!

Le Président (M. Brisson): M. Assad remplace M. Levesque.

M. Burns: Assad à la place de M. Levesque. Et M. Pagé est membre?

M. Caron: Oui. Il est à Vancouver.

Le Président (M. Brisson): Comté de Papineau, hein, c'est ça?

M. Burns: M. Pagé. M. Caron: Oui.

Le Président (M. Brisson): M. Pagé... M. Assad (Papineau) remplace M. Levesque (Bonaventure).

M. Burns: M. Pagé (Portneuf)...

Le Président (M. Brisson): M. Pagé (Portneuf), M. Perreault (L'Assomption), M. Samson (Rouyn-Noranda).

M. Burns: Samson, oui.

Le Président (M. Brisson): M. Springate (Sainte-Anne).

M. Burns: Springate, ça va.

Le Président (M. Brisson): M. Sylvain (Beauce-Nord).

M. Burns: Cela va.

Le Président (M. Brisson): M. Tardif, du comté d'Anjou.

M. Burns: Tardif.

Le Président (M. Brisson): Oui.

M. Burns: C'est lui qui va faire des méchantes choses à M. Auguste Choquette.

M. Tardif: ...

M. Burns: C'est tout ça, M. le Président, d'accord?

Le Président (M. Brisson): D'accord.

M. Burns: M. Séguin, M. Cornellier, M. Bédard, M. Bellemare, M. Burns, M. Choquette, M. Desjardins, M. Assad, M. Pagé, M. Perreault, M. Samson, M. Lalonde, M. Springate, M. Sylvain, M. Tardif.

Le Président (M. Brisson): Quinze en tout, c'est ça que vous avez?

M. Burns: Cela va.

Le Président (M. Brisson): Alors...

M. Burns: Le quorum est de 9.

Le Président (M. Brisson): Le quorum est de 9 incluant le président.

M. Lalonde: Incluant...

Le Président (M. Brisson): Le président. Le président est compté dans le quorum.

M. Lalonde: Alors on est 9.

Le Président (M. Brisson): On me suggère de nommer, comme rapporteur de cette commission, M. Springate.

M. Burns: Est-ce que vous allez rapporter cela en anglais ou en français?

M. Springate: Les deux.

Le Président (M. Brisson): Alors, messieurs...

M. Burns: Dans la langue officielle?

Le Président (M. Brisson): Nous commençons l'étude des crédits par le programme...

M. Springate: Dans les langues officielles de notre pays.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre!

M. Burns: C'est une question qui se pose. Est-ce que cela va être dans la langue officielle ou si cela ne sera pas dans la langue officielle?

M. Springate: Dans les langues officielles de notre pays. Si vous n'aimez pas cela, nommez-vous un autre rapporteur. C'est aussi simple que cela.

M. Burns: Je propose le député de Saint-Hyacinthe, M. le Président, à la place du député de Sainte-Anne.

Une Voix: II n'a pas le physique pour être dans la police.

M. Lalonde: Ecoute, il a le droit de rapporter dans les deux langues. Ce sont les délibérations de la...

M. Burns: Je veux savoir ce que c'est. Et si je ne suis pas content de la réponse qui m'est donnée par le député de Sainte-Anne...

Le Président (M. Brisson): Pour être sérieux, j'ai deux propositions. J'ai M. Springate et M. Cornellier, du comté de Saint-Hyacinthe. Est-ce qu'on demande le vote sur ces deux propositions? Vote à main levée?

M. Burns: Non, je demande tout simplement l'appel des députés membres de la commission, M. le Président. Quant à moi, je propose le député de Saint-Hyacinthe comme rapporteur.

M. Lalonde: La première proposition doit être mise aux voix d'abord, celle suggérant M. Springate.

M. Caron: M. Cornellier est seulement de passage aujourd'hui; alors, il faut prendre un membre de la commission, de préférence.

M. Burns: Ce n'est pas mon problème à moi.

Le Président (M. Brisson): Messieurs, à l'ordre! On a perdu assez de temps, on n'est pas pour niaiser tout l'après-midi.

M. Burns: II n'est pas question de niaiser, M. le Président. J'ai fait une proposition pour nommer le député de Saint-Hyacinthe.

Le Président (M. Brisson): Je m'excuse, je ne m'adresse pas à vous.

M. Burns: Merci.

Le Président (M. Brisson): De toute façon, je mets aux voix le choix de M. Springate, en premier lieu. Pour ou contre M. Springate comme rapporteur. M. Bédard (Chicoutimi), absent.

M. Burns: S'il avait été ici, il aurait voté contre.

Le Président (M. Brisson): M. Bellemare (Johnson), absent. M. Séguin?

M. Séguin: Pour.

Le Président (M. Brisson): M. Burns.

M. Burns: Contre.

Le Président (M. Brisson): M. Cornellier?

M. Corneillier: Pour.

Le Président (M. Brisson): M. Choquette?

M. Choquette: Je m'abstiens.

Le Président (M. Brisson): M. Desjardins?

M. Desjardins: Pour.

Le Président (M. Brisson): M. Lalonde?

M. Lalonde: Pour.

Le Président (M. Brisson): M. Levesque. M. Assad n'est pas ici. M. Pagé non plus. M. Perreault n'est pas ici. M. Samson n'est pas ici.

Le Président (M. Brisson): M. Springate? M. Springate: Pour.

Le Président (M. Brisson): M. Sylvain n'est pas ici. M. Tardif?

M. Tardif: Pour.

Le Président (M. Brisson): Six pour, un contre et une abstention. M. Springate, vous êtes élu rapporteur de cette commission.

Messieurs, nous commençons par le programme 13, contentieux criminel. Crédits à voter, $6 133 400. L'honorable ministre.

Exposé du Solliciteur général M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, avant d'entrer en détail dans le programme 13, j'aimerais, au début de l'étude de ces crédits, donner une indication des responsabilités qui m'incombent à titre de Solliciteur général et qui ont été définies dans l'arrêté en conseil 3473, approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil le 31 juillet 1975.

Ces responsabilités couvrent le secteur du contentieux criminel, de la sécurité publique et le programme des enquêtes et expertises scientifiques pour fins judiciaires. Le secteur de la sécurité publique comprend le programme de la coordination des activités de la sécurité publique, le programme de la normalisation et de la surveillance de l'excercice des fonctions de police, celui de la protection civile et également celui de la.pro-tection de la société, des citoyens et de leurs biens.

Le programme de la protection de la société, des citoyens et de leurs biens, qui relève de la Sûreté du Québec, représente 87,5% des crédits du Solliciteur général, soit $121 049 500.

Comme vous pouvez le voir à la page 16-2 du livre des crédits pour l'année financière se terminant le 31 mars 1977, les crédits des programmes 13 à 19, inclusivement, se totalisent à $138 328 200, comparativement au budget de $125 091 100 pour l'année 1975/76, soit une augmentation de l'ordre de 10,6%.

Au cours d'un bref exposé général, j'aimerais fournir, concernant les ressources financières, des explications additionnelles. D'abord, le contentieux criminel. Me François Tremblay, a été appelé à assumer les responsabilités de la direction générale aux affaires criminelles. La direction générale comprend les bureaux des procureurs de la couronne et le service des fraudes et faillites.

Au cours de l'année 1975/76, la direction générale a poursuivi son programme de régionalisation des bureaux des procureurs de la couronne. Nous avons nommé des procureurs-chefs responsables de ces bureaux régionaux.

Afin d'assurer une plus grande disponibilité et d'améliorer la qualité des services de la couronne, nous prévoyons poursuivre notre programme de nomination de procureurs de la couronne permanents en vue de remplacer graduellement les procureurs de la couronne à temps partiel:

La direction générale comprend donc un effectif autorisé de 290 postes qui se répartit comme suit: Personnel-cadre, 6; professionnels, 152; techniciens, 5; employés de bureau, 123. L'effectif occasionnel est évalué à 24 personnes-année et, au 26 février 1976, il n'y avait que 7 procureurs à temps partiel.

Le programme de la coordination des activités de la sécurité publique comprend la direction recherche et programmation de la sécurité publique; la formation des policiers, l'Institut de police à Ni-colet et la sécurité interne. La direction recherche et programmation, qui est sous la responsabilité du sous-ministre associé, M. Paul Benoît, a poursuivi ses études dans le domaine des modalités de financement des corps de police municipaux en ce qui concerne les activités policières du secteur criminel, du financement des corps policiers des réserves indiennes.

L'Institut de police du Québec a poursuivi ses programmes de formation adaptés à sa clientèle. Ils comprennent des cours de formation de base, des cours de formation au parapolicier, des cours de recyclage, des cours de spécialisation et, enfin, de formation des cadres.

De plus, dans le cadre de son service d'examen de promotion à l'intention des différents corps policiers du Québec, l'Institut de police du Québec a tenu 40 examens de promotion dans 25 villes différentes. Durant l'année en cours, l'Institut de police du Québec développera des cours spécialisés qui s'adresseront à un groupe bien spécifique de policiers préoccupés par la lutte aux incendies criminels ainsi que par la lutte au crime économique.

Le service de sécurité interne, qui est sous la responsabilité de M. Roger Jobin, voit à la sécurité des membres du Conseil exécutif. L'effectif autorisé du service de sécurité interne est de 46 postes. Il y a actuellement environ 7 postes d'agents de la paix à combler.

La normalisation des fonctions policières. Sous cette rubrique, nous avons connu, au cours de l'année précédente, la modification au règlement no 7, qui réunit les normes d'embauche des agents et cadets de la Sûreté du Québec et des

corps policiers municipaux. Les exigences nouvelles, entre autres, dans ces normes sont les tests psychométriques et concernent la scolarité.

Le développement du professionnalisme policier. Des programmes de formation dans les CEGEP et les 1736 policiers inscrits à la session de l'automne de 1975 sont les points majeurs à considérer sous cette rubrique.

Concernant la déontologie policière, en décembre 1975, la commission a constitué un comité pour étudier cette question. Au cours de l'année dernière, 1975/76, la Commission de police a été saisie de 141 demandes d'enquête. Ce sont quelques statistiques que je donne pour bien situer dans quel contexte l'étude des crédits se fait concernant ces différents organismes ou directions.

Les effectifs policiers au 1er janvier 1975 étaient, à la Sûreté du Québec, de 4019, dans les cités et villes de 9240, dans les municipalités, de 162, pour un total de 13 421, accompagnés d'effectifs civils totalisant 3017, de sorte que le taux d'encadrement moyen par mille de population desservie par les corps municipaux de police était de 1,98%.

Concernant le service le plus important, en nombre au moins, le service de police de la Communauté urbaine de Montréal, nous avons vu l'étude qui a été faite par la Commission de police du plan Daigneault concernant l'implantation du plan des ressources physiques et humaines. Ce rapport de la Commission de police qui a été rendu public en décembre ou en janvier dernier a fait l'objet d'une consultation assez vaste et devrait très prochainement faire l'objet d'une décision du gouvernement en vertu des lois.

Une des responsabilités qui m'a été dévolue à l'intérieur de la Commission de police, c'est-à-dire qui avait été dévolue à la Commission de police, mais qui concernait plus généralement le Solliciteur général, est la Commission d'enquête sur le crime organisé. On a vu, durant l'année qui s'est terminée le 31 mars, les efforts redoublés qui ont été faits par la Commission de police via la CECO pour lutter contre ce phénomène de criminalité qui est un de ceux qui sont les plus difficiles à combattre.

Nous avons vu avec quelle efficacité la Commission d'enquête sur le crime organisé s'est attaquée aux réseaux importants des criminels organisés. Nous pourrons discuter de cette question plus en détail, lorsque nous arriverons au programme concernant la Commission de police.

A la protection civile, M. Paul Brown, ancien sous-ministre du Tourisme, a été nommé coor-donnateur des activités de la protection civile à mon cabinet.

Au cours de l'année 1975/76, ce service a développé des plans de fonctionnement, a réalisé des programmes de formation et a procédé à l'implantation de treize nouveaux postes et à la liaison de quatre bureaux régionaux au bureau central. De plus, il a amélioré ses moyens de communication avec le complément des réseaux de radio provinciaux et régionaux et de l'équipement électronique.

La protection civile a été responsable de la coordination des opérations des mesures d'urgence à l'occasion de la tornade de Saint-Bonaventure le 24 juillet 1975 et plus récemment lors des inondations qui ont frappé plusieurs régions de la province. M. Brown dirige le bureau d'aide financière qui a été mis sur pied il y a quelques semaines.

Concernant la Sûreté du Québec, on peut mentionner, à part naturellement les opérations normales et quotidiennes, quelques réformes qui ont été complétées durant l'année 1975/76: la fusion du poste de Saint-Siméon au poste de La Malbaie, par exemple, et du poste de Rivière-au-Tonnerre au poste de Havre Saint-Pierre et le partage du territoire avec le poste de Sept-lles, afin d'assurer une meilleure présence policière aux populations concernées; la formation d'unités spécialisées en crime économique ainsi que d'unités spécialisées en localisation d'individus d'intérêt policier, à Montréal et à Québec; la création d'une équipe en plongée sous-marine à Québec; l'organisation et la participation à l'organisation de la sécurité des Jeux olympiques 1976, en collaboration avec le service de police de la Communauté urbaine de Montréal, de la Gendarmerie royale du Canada, des Forces armées canadiennes et des corps policiers municipaux concernés; l'organisation de corps policiers autochtones pour les réserves indiennes de Bersimis, Nanouane, Natashquan et j'en passe; le rattrapage dans la régionalisation des activités suivantes: soit la création d'une équipe régionale alcool et moralité à Saint-Hyacinthe et l'augmentation de l'effectif de dépistage des stupéfiants. Actuellement, nous comptons 17 équipes régionales alcool et moralité.

Les objectifs et principaux projets pour l'exercice financier 1976/77 concernant la Sûreté du Québec sont la création du district no 9 sur la Côte-Nord, la régionalisation des renseignements spéciaux et généraux dans certains districts, l'évaluation du rôle de technicien en scènes de crime en explorant la possibilité de remplacer les policiers par des policiers auxiliaires, la création de trois équipes régionales alcool et moralité à Drummondville, Val-d'Or et Mont-Laurier, compte tenu de la disponibilité d'embauche, la sécurité olympique, naturellement... Pardon?

M. Choquette: L'insécurité olympique.

M. Lalonde: La sécurité olympique. Vous ne faites pas confiance à nos corps de policiers?

M. Choquette: Non, l'insécurité financière.

M. Lalonde: Bon! L'augmentation de 43 policiers et de 10 fonctionnaires pour améliorer la présence policière, compte tenu du contrat de travail et de son implication dans le domaine des crimes économiques. Au niveau de la gestion interne et au niveau du soutien à la Sûreté du Québec, les réalisations pour l'année 1975/76 ont été la modification et la normalisation des uniformes,

des équipements policiers pour les rendre plus fonctionnels, la construction des postes de Co-wansville, Saint-Ambroise, Shawinigan et Valley-field, l'aménagement des postes de Baie-Comeau, Berthierville, Gaspé et Notre-Dame-du-Lac, la modification et l'agrandissement du système radio de dix ou douze canaux et l'achat de 300 appareils "walkie-talkie " pour satisfaire leurs besoins actuels et en prévision des Jeux olympiques, la mise sur pied d'équipes de techniciens en explosifs dans les districts de l'Estrie, de la Mauricie et de l'Outaouais, l'organisation d'une campagne publicitaire afin de s'assurer l'embauche de personnel qualifié, et j'en passe.

Il ne faudrait pas non plus oublier, dans les deux périodes, soit l'ancienne, la dernière, et la période courante, les efforts additionnels et très efficaces de la Sûreté du Québec au niveau de la surveillance routière, ce qui fait partie d'un ensemble plus général de la politique du gouvernement concernant la sécurité routière, mais qui est aussi un élément essentiel pour atteindre nos fins sur cette question.

Alors, comme je l'ai indiqué au début de l'exposé, j'ai passé quelques articles que l'on pourra regarder plus en détail, M. le Président, au cours de l'étude.

Les ressources financières requises s'établissent donc à $138 328 200 et le poste Traitements représente près de 80% de l'ensemble de ces crédits. L'augmentation de $13 237 100 est attribuée principalement à l'augmentation de traitements à la Sûreté du Québec, à la suite de la mise en application des conventions collectives. Les effectifs de ces programmes s'établissent à 6224 postes, dont 5792 pour la Sûreté du Québec. Il en résulte une augmentation des effectifs de 79 postes, soit 1,3% de l'effectif total de 1975/76.

Alors, au cours de notre discussion, M. le Président, il me fera plaisir de fournir de plus amples renseignements sur tous les sujets qui pourront intéresser les membres de cette commission.

Le Président (M. Brisson): Est-ce que le député de Maisonneuve a des remarques?

Remarques de M. Robert Burns

M. Burns: M. le Président, très brèves. Je m'en voudrais de passer outre à la réaffectation des responsabilités à l'intérieur du ministère de la Justice, en particulier par les responsabilités accordées au ministre qui est notre vis-à-vis, le Solliciteur général par rapport à ce qui existait auparavant. Je pense que, sans vouloir présumer des remarques du député d'Outremont, je me rappelle qu'il s'était lui-même, avec l'expérience qu'il avait, opposé à cette façon de réexaminer le partage des responsabilités à l'intérieur du ministère de la Justice.

Je dois dire, en tout cas, s'il est encore d'accord avec ça, que je partage entièrement son avis. Plus particulièrement ce qui m'inquiète énormément, c'est le fait que vous retrouviez sous la même responsabilité, c'est-à-dire celle du Sollici- teur général, le programme 13, qui vise à assurer l'application du code criminel et le programme 14, qui vise à informer le ministère sur l'évolution de la criminalité au Québec, à suggérer les politiques et les programmes au ministère dans le domaine de la police et à assurer la coordination de l'activité policière. En même temps, on retrouve également sous l'autorité de ce même ministre le programme 15 qui s'appelle "Normalisation et surveillance de l'exercice des fonctions de police", qui vise à assurer la préparation des politiques et des normes concernant les activités des corps de police du Québec, leur surveillance et leur coordination.

Je m'explique, M. le Président, c'est vraiment là le sujet de mon inquiétude. Si je me rappelle bien le livre blanc qui avait été présenté par l'ex-ministre de la Justice, nous avions de façon très détendue et je dirais très au-dessus d'une situation conflictuelle, examiné la possibilité de scinder les responsabilités du ministère de la Justice qui sont, d'une part, judiciaires et, d'autre part, policières.

C'est peut-être comme ça qu'on peut facilement résumer la situation. Je m'étais, à ce moment-là, posé ouvertement et publiquement des questions sur le bien-fondé d'une telle scission de ces deux types de pouvoir, me disant que ce n'était pas, à toutes fins pratiques, le type de division de ces responsabilités qui faisait qu'à un moment donné, on se retrouvait dans un état policier ou dans un état où les policiers avaient plus ou moins d'importance.

C'était beaucoup plus la mentalité qui présidait à ce type de scission entre les deux responsabilités qui nous amenait à penser qu'un Etat où vous aviez un ministère de l'intérieur, à toutes fins pratiques, un ministère de la police, pouvait être très facilement acceptable par l'ensemble de la population.

Je donnais, à titre d'exemple, à ce moment-là, la Grande-Bretagne où vous avez, à toutes fins pratiques, un ministère de l'Intérieur. Mais c'est beaucoup plus la mentalité de l'autorité politique et de l'ensemble des citoyens qui donne à ce ministère de l'Intérieur son caractère. Je citais, comme étant une façon assez différente d'aborder le problème, le ministère de l'Intérieur, en France, avec les CRS et tout ce que vous voulez, et qui est orienté vers un cadre policier beaucoup plus qu'on peut le sentir en Grande-Bretagne.

Peu importe, M. le Président, ce n'est pas l'objet de mon propos. Ce qui m'a étonné, c'est qu'après cette discussion, à savoir diviser les responsabilités policières, d'une part, et les mettre sous la responsabilité du Solliciteur général, et garder, en principe, selon le livre blanc, sous l'autorité du ministre de la Justice, les responsabilités judiciaires, je me rends compte qu'on mêle les deux, actuellement, avec la division qu'on a faite. C'est pourquoi je me référais aux programmes 13, 14 et 15.

Je trouve personnellement, et il me semble que le Solliciteur général devrait lui-même trouver absolument inacceptable de retrouver, sous son

autorité, l'application du Code criminel et, à toutes fins pratiques, l'administration de la police.

Je n'ai pas à faire de longues diatribes contre le travail des policiers. Au contraire, je pense même que les policiers — que ce soient les policiers provinciaux ou que ce soient encore les policiers de grandes municipalités, comme celle de la CUM, celle de la CUQ — font leur travail avec les moyens qu'on leur donne et avec la plus grande sincérité possible. Ce n'est pas du tout l'objet de mon propos.

Je trouve cependant absolument anormal que la partie qui enquête, la partie qui doit appliquer la loi, qui doit amener des criminels devant les tribunaux, puisqu'on parle, entre autres, du contentieux criminel au programme 13, soit également sujette à la même autorité que celle qui décide de procéder à des actions devant les tribunaux. Pour moi, c'est absolument incompatible.

Nous avions, à l'époque, je pense, assez généralement applaudi à la nomination d'un directeur général ou d'un sous-ministre adjoint — en l'occurrence, il s'agit actuellement d'un sous-ministre adjoint — de qui relevaient les affaires policières à l'intérieur du ministère de la Justice.

A ce moment-là, vous aviez le chapeau total ou, si vous voulez, la possibilité qu'à l'intérieur d'un grand ministère de la Justice, vous retrouviez les deux mêmes fonctions.

Mais lorsqu'on prend la peine d'exclure des responsabilités du ministère de la Justice certaines responsabilités, à ce moment-là, je pense qu'on aurait dû, tout au moins, se référer au livre blanc qui, en 1972 ou 1973, avait été présenté...

M. Choquette: 1971.

M. Burns: ... en 1971, avait été présenté par l'ex-ministre de la Justice. A ce moment-là, je trouvais cela convenable parce que là, on faisait vraiment la division, mais sur une base tout autre que celle qu'on utilise actuellement.

Personnellement, je regrette et je trouve inacceptable la division des responsabilités qui a été faite à la suite du remaniement ministériel de la fin de l'été dernier ou au début de l'automne dernier.

Je ne crois pas que, si on fait un tel type de division de responsabilités, on puisse retrouver, sous une même autorité, des administrations de la police et des affaires judiciaires en matière criminelle. Je ne crois pas que ce soit viable. Je crois, au contraire, que cela ne peut qu'inciter les citoyens à être méfiants.

Personnellement, je pense que la police n'est pas là pour créer de la méfiance à l'endroit des citoyens, bien au contraire, elle est là pour protéger les citoyens et créer une atmosphère de sécurité à l'endroit de l'ensemble des citoyens. Mais si, sous une même autorité, cela peut paraître, M. le Président, comme vouloir fendre les cheveux en quatre, ce que je dis, je pense que, fondamentalement et à la longue, on s'en rendra compte.

C'est dans l'intérêt de l'administration de la justice elle-même que je soulève ce problème. Je pense qu'on a vraiment fait fausse route, lorsqu'on a remis, sous une même autorité ces deux responsabilités.

C'est, M. le Président, la seule remarque que j'ai à faire à ce stade-ci. Je trouve que le gouvernement du Québec, avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'on ait gâté l'atmosphère, tant du côté des policiers eux-mêmes que du côté des citoyens, avant qu'on ait causé des dommages sérieux à l'ensemble des citoyens québécois, je demande au ministre s'il n'y aurait pas lieu de réviser cette attitude et de revoir si on doit diviser les deux types de responsabilités sous deux autorités différentes, si on ne devrait pas revoir cela, selon les thèmes ou les orientations qui nous avaient été indiqués par le livre blanc de 1971 du ministère de la Justice.

Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.

Le partage des responsabilités

M. Lalonde: M. le Président, j'ai entendu, comme le député de Maisonneuve, l'ancien ministre de la Justice exprimer son désaccord il y a quelques mois sur cette question, quoique je ne me souviens pas l'avoir entendu exprimer son désaccord au moment où cela a été fait.

De toute façon, c'est académique. Ce qui me frappe là-dedans, c'est que le désaccord, relativement à cette question, ou même ce désaccord exprimé par le député de Maisonneuve semble être fait un peu dans l'abstrait. Regardez abstraitement cette question, parce que, avant cette division des responsabilités entre deux ministres, on avait les mêmes responsabilités pour le même ministre qui, lui, en plus, avait d'autres responsabilités.

Je ne vois pas comment on aurait pu dénaturer la responsabilité commune ou jointe des affaires criminelles et des affaires policières, quand c'est encore un seul ministre qui s'occupe de ces deux responsabilités, alors qu'auparavant, c'était un seul ministre qui s'en occupait.

M. Burns: Sauf, M. le ministre, permettez-moi de vous dire, si c'est cela qui vous fait accrocher, que, dans le cadre — cela je l'ai bien dit — d'un ministre de la Justice qui a des responsabilités larges, de qui relèvent un certain nombre de responsabilités comme celles des policiers et celles des affaires criminelles, c'est bien différent, a partir du moment où vous dites: On en fait une responsabilité particulière.

On sort de l'administration de la justice ou, si vous voulez, du ministère de la Justice certaines choses. On les réunit sous l'autorité d'un seul ministre et ces responsabilités m'apparaissent comme absolument incompatibles, là, c'est bien différent que sous le grand chapeau d'une responsabilité globale du ministère de la Justice. C'est cela que je dis.

M. Lalonde: C'est cela que j'appelle abstrait un peu comme approche, parce que...

M. Burns: Ce n'est pas du tout abstrait. Vous allez voir avec le temps que vous allez le regretter. C'est cela qui va arriver.

M. Lalonde: Concrètement, c'était la même chose avant, sauf que le ministre de la Justice avait encore d'autres responsabilités, en plus de celles qui sont dévolues au Solliciteur général actuellement. La crainte exprimée ou la possibilité qu'un Etat policier s'installe petit à petit, je pense, est aussi encore injustifiée de par le fait qu'on ait divisé entre deux ministres la responsabilité qui, autrefois, était celle d'un seul ministre.

L'Etat policier, au fond, qu'est-ce que c'est? C'est lorsque les décisions affectant la population sont prises par des policiers, non plus sur des affaires policières, mais sur des affaires qui devraient relever des autorités civiles. Je pense ainsi au moins depuis que j'ai la responsabilité de cette partie du ministère de la Justice. Parce qu'il faut quand même souligner que le ministère de la Justice n'a pas été divisé. Les mêmes structures demeurent. Le même sous-ministre répond aux deux ministres et toute la structure est restée la même. Donc, depuis que j'ai cette responsabilité, je ne pense pas qu'on puisse me reprocher d'avoir manqué de vigilance en ce qui concerne la responsabilité policière comme telle.

Ne mentionnons qu'un cas, par exemple, celui de Sky Shops.

M. Burns: L'APLQ...

M. Lalonde: L'APLQ, c'est une chose qui est arrivée avant moi, mais...

M. Burns: ...vous allez voir comment vous réagissez, par la suite, à ça.

M. Lalonde: En prenant Sky Shops, par exemple, on a vu de quelle vigilance nous avons fait preuve pour bien nous assurer que l'administration de la Justice, que l'aspect policier soit fait, naturellement, par des policiers, mais que l'aspect examen de la preuve et ensuite introduction de la cause en cour soit faite par des procureurs de la couronne; cela a été fait publiquement. D'ailleurs, je n'ai pas besoin de donner d'autres détails là-dessus. C'est cette vigilance, cet esprit alerte dont il faut faire constamment preuve pour être bien sûr que chacun fait son métier, et la population n'aura aucune crainte de voir s'installer un régime policier chez nous.

M. Choquette: M. le Président, puis-je avoir la parole sur ce sujet?

Le Président (M. Brlsson): Le député d'Outremont.

M. Choquette: M. le Président, étant donné que j'ai été mis en cause par l'intervention de mon collègue...

M. Burns: Bien involontairement.

M. Choquette: ...le député de Maisonneuve, ainsi que par le Solliciteur général, j'aimerais...

M. Lalonde: Bien volontairement. M. Choquette: Pardon?

M. Lalonde: Lui dit: Bien involontairement; moi, je dis: Bien volontairement.

M. Choquette: D'une façon ou de l'autre, M. le Président, j'aimerais quand même intervenir, à ce moment-ci, pour clarifier la discussion si possible.

Tout d'abord, je dois dire que je n'ai pas été consulté sur cette division du ministère de la Justice. Je l'ai apprise par les journaux subséquemment à d'adoption de l'arrêté en conseil auquel a fait référence le Solliciteur général. Par conséquent, je ne pouvais pas, dans les circonstances où je me trouvais, étant devenu ministre de l'Education, m'ériger contre une décision qui avait été prise par le premier ministre et, probablement, par quelques ministres qui étaient à Québec, ici, à ce moment-là, et qui avaient entériné l'arrêté en conseil en question. Mais qu'il soit bien clair et bien compris que je n'ai jamais approuvé et que je n'approuverai jamais cette division très artificielle, sinon absolument néfaste, pour la bonne administration de la justice.

Comment se fait-il que dans aucun pays démocratique et civilisé à ma connaissance, on n'ait adopté une telle division? C'est une question qu'on peut se poser. A Ottawa, le Solliciteur général a la responsabilité de la police, mais il n'a aucune responsabilité en matière de poursuites criminelles. Il n'a aucune responsabilité en matière de poursuites statutaires. En France, c'est exactement la même situation qui prévaut. En Angleterre, le Home Secretary est responsable de la police, mais il y a le Procureur général qui est responsable des poursuites criminelles.

Alors, dans aucun régime occidental n'a-t-on fait une salade comme celle qui a été faite sous l'autorité du premier ministre actuel. Donc, je pense que c'est suffisant, M. le Président, pour nous mettre la puce à l'oreille. Lorsqu'on décide de fractionner les responsabilités de la Justice, il faut le faire d'une façon qui soit compatible avec une justice objective et qui cherche à donner aux ministres intéressés les fonctions qui leur reviennent.

Il est vrai que dans le libre blanc que nous avions publié au ministère de la Justice, en 1971, nous annoncions la possibilité d'une division du ministère de la Justice étant donné la multiplicité de ses fonctions.

Je serais le dernier à m'opposer, sur le fond de la question, à ce qu'on partage les responsabilités en matière de police et en matière de poursuite criminelle entre deux ministres conformément au modèle qui existe dans beaucoup de pays, comme je l'ai mentionné tout à l'heure.

Mais encore faut-il le faire de la bonne façon et ne pas le faire en donnant au Solliciteur général une responsabilité qui porte à la fois sur la police

et sur les poursuites criminelles. A ce moment, on n'a pas du tout réussi à faire le partage de responsabilités qui sont certainement très larges entre deux ministres qui peuvent avoir une responsabilité sur ce sujet.

Donc, je dis qu'en fait le partage qui a été fait a correspondu, purement et simplement, à un expédient temporaire, qu'il est de nature à mettre en cause la bonne administration de la justice — et je pèse mes mots quand je dis cela — qu'il est certainement de nature à poser des interrogations extrêmement sérieuses sur les intentions de ceux qui ont procédé à un tel partage des responsabilités, d'autant plus que l'infrastructure est restée exactement la même, car le sous-ministre actuel de la Justice, M. Robert Normand, qui assiste notre Solliciteur général, est resté le sous-ministre des deux ministres en question. C'est ce qui fait que, même sur le plan administratif, le partage qui a été fait est éminemment criticable, car les fonctions actuelles du sous-ministre de la Justice, qui doit se partager entre deux ministres, font que la tâche, pour lui, doit naturellement devenir extrêmement difficile à supporter.

Mon expérience au ministère de la Justice m'a appris que la tâche du sous-ministre de la Justice, dans un ministère comme il existait, est nécessairement lourde, mais maintenant qu'il doit répondre à deux ministres qui se sont partagé la tâche, suivant une règle de conduite qui est discutable, sinon criticable, je dis qu'à ce moment, on rend la fonction de ce premier fonctionnaire du ministère de la Justice absolument impossible et que l'administration de la justice en souffrira.

J'ajouterai aussi que si on creuse le problème, on se rend compte jusqu'à quel point il y a des anomalies dans le partage qui a été fait. Prenons, par exemple, les poursuites statutaires. Elles sont restées sous la juridiction du ministre de la Justice. Elles ne tombent pas sous l'autorité du Solliciteur général à ce moment-ci.

Donc, c'est le ministre de la Justice qui décide des poursuites statutaires; pour prendre un cas qui est très contemporain, des poursuites à instituer contre les dirigeants syndicaux dans le monde hospitalier ou dans le monde de l'enseignement, mais cela n'est pas le Solliciteur général.

Or, il peut très bien se faire... Et j'aimerais aussi en profiter, entre parenthèses, pour demander au Solliciteur général s'il s'est posé des questions sur l'opportunité de certaines poursuites criminelles à l'égard d'actions syndicales qui ont été posées ces mois derniers à l'occasion de ce conflit syndical qui se prolonge dans le domaine de l'enseignement et dans le domaine hospitalier, et s'il ne s'est pas posé des questions, je dis qu'à ce moment, le Solliciteur général a vraiment vu lui échapper une dimension extrêmement importante de ses responsabilités.

De toute façon — il pourra répondre plus tard, à la fin de mon intervention — est-ce qu'on ne voit pas l'anomalie qui résulte de la situation actuelle? Le ministre de la Justice, M. Gérard-D. Levesque, doit s'interroger en conscience sur les poursuites à instituer pour obtenir des amendes extrêmement élevées qu'on sait contre les syndicats et, pendant ce temps, le Solliciteur général, de son côté, devrait possiblement se poser des questions sur l'opportunité de poursuites criminelles à l'occasion des mêmes actions.

Ceci nous montre jusqu'à quel point cette situation qui existe au ministère de la Justice et qui a été créée à l'occasion du remaniement auquel le député de Maisonneuve a fait allusion tout à l'heure, jusqu'à quel point, dis-je, cette situation est inacceptable, bâtarde et n'est pas claire quant à l'attribution des responsabilités. Elle est un mélange de responsabilités, d'un ministre de l'Intérieur et d'un Procureur général qui, à mon sens, ne pourrait pas être acceptable.

Je donne un autre exemple pour illustrer ma pensée. Qu'on prenne, par exemple, le cas des coroners et des commissaires aux incendies. A ce que je sache, les commissaires aux incendies et les coroners relèvent de l'autorité du Procureur général et non pas de l'autorité du Solliciteur général.

Alors, s'il s'agit, par exemple, d'un incendie criminel ou, en fait, d'une enquête du coroner à tenir...

M. Lalonde: Vous permettrez que je vous interrompe. Cela relève du Solliciteur général.

M. Choquette: A-t-on creusé juridiquement parlant et avez-vous eu une opinion juridique qu'on pouvait attribuer les fonctions qui appartiennent au Procureur général, en vertu de la Loi des coroners et des commissaires des incendies qu'on pouvait les attribuer à un autre qu'au Procureur général. Je pose aussi la question.

M. Lalonde: La réponse, c'est oui.

M. Choquette: Vous avez une opinion juridique?

M. Lalonde: On a les officiers du ministère qui ont donné leur opinion là-dessus selon laquelle c'était possible.

M. Choquette: Que c'était possible.

M. Lalonde: Et que cela a été fait correctement.

M. Choquette: Et est-ce que l'arrêté en conseil le dit?

M. Lalonde: L'arrêté en conseil le mentionne.

M. Choquette: J'aimerais bien voir une copie de l'arrêté en conseil en question.

M. Lalonde: Je ne sais pas si je l'ai ici.

M. Burns: Y a-t-il moyen de l'avoir éventuellement?

M. Lalonde: II y a sûrement moyen de I avoir.

M. Burns: Au courant de la journée, s'il a été publié au début...

M. Lalonde: II a été publié dans la Gazette officielle de la fin du mois de juillet ou au début du mois d'août 1975. Je n'ai aucune objection à vous en remettre une copie lorsque je l'aurai. Il s'agit de retrouver la Gazette officielle en question.

M. Choquette: D'accord. J'ignorais la situation au point de vue des coroners et des commissaires aux incendies, mais j'aimerais beaucoup qu'on creuse cette question, car je ne suis pas sûr du tout, je n'ai pas la même assurance que le Solliciteur général lorsqu'il parle de ce sujet.

M. Lalonde: De même que...

M. Choquette: D'autant plus que j'ai même constaté des flottements à la Chambre lorsque j'ai soulevé des questions qui concernaient des enquêtes à être faites par des coroners, on ne savait pas, qui du ministère de la Justice, qui du Solliciteur général devait répondre à la question et chacun se lançait des regards...

M. Lalonde: Pas du tout, le flottement était dans l'esprit du député d'Outremont.

M. Choquette: ... pour savoir lequel répondrait à la question.

M. Lalonde: C'est un flottement qui était dans votre esprit.

M. Burns: ... très facile à dire.

M. Choquette: Le député de Maisonneuve est un témoin impartial et il l'a constaté.

M. Lalonde: Je ne conteste pas l'impartialité du député de Maisonneuve. Mais cela a toujours été très clair dans mon esprit et dans l'esprit du... D'ailleurs, c'est verbatim dans l'arrêté en conseil qui a été publié que la responsabilité des coroners et des commissaires aux incendies relève du solliciteur général. Il n'y a aucun doute là-dessus, sauf que je me souviens de l'incident. Le député d'Outremont adressa la question au ministre de la Justice faisant preuve du flottement qu'il y avait dans son esprit, celui du député d'Outremont, non pas celui du ministre de la Justice. Poliment le ministre de la Justice m'a passé la parole pour répondre.

M. Choquette: Oui, parce que moi j'ai les idées claires. C'est la différence entre vous et moi. Moi, je vous dirai ceci: C'est qu'à un moment donné, j'ai envoyé un télégramme à votre collègue, le ministre de la Justice, M. Gérard-D. Leves-que, lui demandant la nomination d'un coroner spécial pour enquêter sur le décès des quatre ouvriers au lieu de travail des Jeux olympiques et j'ai reçu une réponse de votre collègue le ministre de la Justice, me disant que, l'après-midi même, il avait nommé un coroner spécial.

M. Lalonde: Bravo! Il vous a donné l'information et la nomination a été faite par moi.

M. Choquette: Alors, on ne sait plus du tout à qui s'adresser dans ces conditions, puisque votre propre confrère ne sait même pas que c'est vous qui en êtes responsable.

M. Lalonde: Encore là, je regrette que cela ait pu augmenter le flottement dans l'esprit du député d'Outremont, mais je crois qu'à ce moment-là, dû à une absence de ma part, du territoire de la province, le ministre de la Justice agissait aussi comme Solliciteur général, temporairement, comme il arrive quand un ministre prend des vacances ou est absent, il se fait remplacer pour que ses fonctions continuent à être remplies.

M. Choquette: De toute façon, je pense que ce sujet méritera d'être clarifié au cours de nos débats. Pour le moment, je pense que nous n'ayons peut-être pas assez de renseignements pour trancher, mais il n'en reste pas moins que le problème reste entier en ce qui concerne les poursuites statutaires et les poursuites criminelles. Là je pense que le solliciteur général ne peut m'offrir une réponse aussi catégorique qu'il m'en offre une dans le domaine des coroners et des commissaires des incendies. Car, les poursuites statutaires, de toutes natures à ce que je sache, appartiennent encore au ministre de la Justice et non pas au Solliciteur général.

M. Lalonde: C'est exact.

M. Choquette: Le problème, en somme de l'action judiciaire à faire dans le domaine des poursuites statutaires ou du droit criminel pour des incidents identiques, remarquez bien, comme, par exemple, dans le cas de ces grèves qui ont lieu, reste complet. Si on s'en rapporte à toute la jurisprudence et à toute la doctrine en matière de droit constitutionnel, le Procureur général, c'est-à-dire, au fond, l'ancêtre du ministre de la Justice actuel et du Solliciteur général actuel dans le gouvernement québécois, lorsqu'il décide d'instituer des poursuites, qu'elles soient de nature criminelle ou statutaire, doit s'interroger en conscience sur les effets sociaux, sur la bonne administration de la Justice de poursuites qu'il décide d'entreprendre.

Or, lorsqu'on a divisé la tâche entre deux individus, je dis, à ce moment-là, qu'on est devant une situation qui est d'une absurdité qui saute aux yeux, car la conscience du Solliciteur général peut être toute différente de celle du ministre de la Justice et inversement. L'opportunité de prendre des poursuites, l'étendue de ces poursuites, la gravité des poursuites à être entreprises, tout cela mérite d'être pesé dans certaines occasions. Je ne dis pas dans toutes les occasions, car je sais qu'il y a nombre de poursuites qui se prennent sans une intervention d'un ministre quelconque, mais, dans des occasions comme celles qui intéressent la paix sociale, par exemple, comme celles qui prévalent actuellement au Québec, à ce moment-là, le

fractionnement qui a été fait entre les fonctions des deux ministres en question est absolument contraire, en somme, à une direction de la justice qui correspond aux meilleurs intérêts de la société.

M. Lalonde: M. le Président, le plaidoyer du député d'Outremont m'étonne. D'un côté, il s'oppose à ce que les responsabilités des affaires criminelles et des affaires policières aient été confiées à un ministre alors que, dans le temps où le député d'Outremont était ministre de la Justice, il avait non seulement ces deux responsabilités, mais il en avait d'autres. Du même souffle, il nous reproche de ne pas avoir ajouté aux responsabilités du Solliciteur général les affaires pénales statutaires. Alors, on voit jusqu'à quel point son argumentation manque de netteté. Ce qu'il convient de se poser, c'est la question suivante: Est-ce que l'administration de la justice est bien faite? Je comprends que cet état de choses n'existe que depuis un peu moins d'un an, mais l'examen de l'administration de la Justice depuis ce temps est, je pense, tout à fait évident et concluant. L'administration de la justice au Québec, je pense, ne s'est jamais aussi bien portée, que ce soit au niveau de la lutte au crime organisé, que ce soit au niveau des enquêtes, des activités policières, que ce soit au niveau de la surveillance routière, tout tend à prouver que cette division des responsabilités non seulement n'est pas néfaste, mais a ajouté un dynamisme nouveau dans ces activités...

M. Choquette: ... expression.

M. Lalonde: ... qui sont extrêmement importantes pour que nous protégions la société et aussi nos libertés. Je pense que c'est dans les faits que nous devons juger et non pas abstraitement, à savoir: Est-ce qu'on devrait faire comme la France? Est-ce qu'on devrait faire comme l'Angleterre? Nous allons prouver, dans les faits, que nous l'avons fait, mais le peu de temps peut nous donner un tableau qui n'est pas aussi clair. Mais je suis sûr que nous allons prouver que cette formule va améliorer l'administration de la justice criminelle au Québec, que ce soit au niveau du travail des policiers ou de celui des procureurs de la couronne, c'est-à-dire du programme 13 sur lequel nous sommes actuellement.

Le député d'Outremont parlait du sous-ministre. Naturellement, le sous-ministre avait les mêmes charges avant, sauf qu'il y avait un seul ministre.

M. Choquette: II y a une grosse différence.

M. Lalonde: Ce n'est pas tellement sérieux, je pense, cette question-là.

M. Burns: Ah! Non, voyons donc.

M. Lalonde: Non. Je vois beaucoup de méfiance...

M. Burns: C'est parce que vous ne voulez pas comprendre.

M. Lalonde: ... mais je pense qu'on doit juger dans les faits seulement, et je ne vois pas de formule magique, à savoir que c'est seulement d'une façon que cela doit se faire. Je pense qu'on va juger de l'efficacité de cette formule dans les faits. Alors, M. le Président, je n'ai plus rien à dire là-dessus.

M. Burns: C'est là-dessus que le Solliciteur général ne veut pas comprendre apparemment. C'est, à partir du moment où vous faites une division à l'intérieur du ministère de la Justice, qu'on est apte à juger de la qualité de la division. Si on garde ça sous une même autorité à l'intérieur du ministère de la Justice et que vous retrouvez un grand nombre de responsabilités comme cela existait auparavant, le problème ne se pose pas, sinon comme il avait été posé dans le libre blanc de 1971.

Mais, à partir du moment où vous faites cette division, c'est là qu'on est en mesure de dire que vous faites une division qui est absolument hybride, qui ne correspond à rien au point de vue de la façon d'envisager la division entre, par exemple, le contentieux criminel et les affaires policières. C'est là que la question se pose et que le Solliciteur général dise que le député d'Outremont et moi-même posons de faux problèmes quand nous soulevons ça, je pense qu'il joue à l'autruche tout simplement. Il refuse d'examiner ce problème que son gouvernement a lui-même mis devant l'opinion publique en faisant cette division. C'est ça qu'on est en train de lui dire.

A partir du moment où la division est faite, c'est là qu'on se met à poser des questions.

M. Choquette: Nous posons la question sur le plan des principes. Si ces questions ne sont pas résolues correctement sur le plan des principes, les situations qui en découlent sont de nature à donner ouverture à toutes sortes d'interprétations, d'abus, enfin de critiques. Et cela n'est pas...

M. Lalonde: Qu'on me nomme un abus, je pense que les résultats, jusqu'à maintenant, sont concluants. Il y a des activités encore accrues au niveau de l'administration de la justice criminelle au Québec.

Les coûts de la police

M. Choquette: Là, j'aurai autre chose à dire sur ça. Parce que, d'après l'exposé que vous avez fait tout à l'heure, j'ai noté qu'il n'y a eu aucune initiative nouvelle prise dans le secteur de l'administration de la justice depuis que j'ai quitté ce ministère. Je ne vois absolument rien dans vos activités qui ne soit pas le prolongement immédiat de tout ce qui a été fait antérieurement. Je ne vois absolument rien dans votre exposé qui démontre que vous avez lu et même compris les proposi-

tions qui étaient contenues dans le livre blanc, La Justice contemporaine. Je dis simplement qu'on a la preuve que, à ce que vous nous dites, vous avez bien géré votre secteur d'activités, mais il n'y a absolument rien, dans ce que vous nous avez dit, qui représente le moindre élément de nouveauté pour parfaire l'administration de la justice.

Je ne dis pas que ça ne viendra pas, je le souhaite, mais c'est la conclusion que je dois tirer des propos au cours desquels vous avez exposé ce que vous avez fait depuis que vous êtes là.

M. Lalonde: Là encore, le député d'Outremont m'étonne. Il dit que la division — en fait, ce n'est pas une division, c'est le même ministère — est néfaste et, du même souffle, il dit que ça va aussi bien qu'avant. Alors que, si j'avais tout chambardé...

M. Choquette: Non, non, non, écoutez...

M. Lalonde: ...à l'encontre de tous les livres de toutes les couleurs qu'il a pu faire auparavant, peut-être qu'on pourrait voir dans ses gestes des indications d'intentions ombrageuses, mais non, c'est l'intensification du service à la population au niveau policier et criminel, c'est ça qui est ma fonction. Il y a aussi naturellement des réformes à faire. Je ne pense pas, puisque le député d'Outremont parle de son temps, qu'il a quand même fait ses livres blancs dans les trois premiers mois ou dans les six premiers mois de son règne. Il faut quand même prendre contact et prendre contrôle des dossiers et, éventuellement, des réformes nécessaires, seulement celles qui seront nécessaires pour la meilleure administration de la justice, un meilleur service à la population, seront apportés.

D'ailleurs, j'ai indiqué récemment qu'un projet de loi serait apporté pour améliorer, par exemple, la lutte au crime organisé, pour amener des réformes qui nous sont apparues nécessaires actuellement, qui auraient probablement été non seulement non nécessaires, mais non désirables il y a quelques années. Mais ça, c'est dans l'évolution normale des choses.

M. Choquette: Si on me permet, sur un autre sujet. Le ministre ne nous a absolument rien dit de ses relations avec Ottawa au sujet de la réclamation que j'avais faite, à l'époque, au plan de la police et des coûts de la police. J'aimerais beaucoup que le ministre nous expose les démarches qu'il a faites dans ce domaine pour que le Québec obtienne les mêmes avantages financiers que huit autres provinces canadiennes.

M. Lalonde: Naturellement, M. le Président, le dossier que l'ancien ministre a laissé était dans un état pas tellement gai lorsque je l'ai pris. Je pense qu'on peut appeler cela un échec, jusqu'à un certain point. Le refus était froid et catégorique de la part d Ottawa. Je ne m'adresse pas au bien-fondé...

M. Choquette: Peut-être justement à cause de la faiblesse de votre premier ministre.

M. Lalonde: Je ne m'adresse pas au bien-fondé du... On peut toujours chercher des coupables ailleurs que chez soi.

M. Burns: Quant à moi, comme observateur impartial, je ne suis pas porté à le croire.

M. Lalonde: Encore là, je demanderais au député de Maisonneuve de ne pas invoquer son impartialité trop souvent. Peut-être qu'à un moment donné...

M. Burns: Je suis absolument impartial dans cette affaire.

M. Lalonde: ... je ne pourrai pas me ranger de son côté.

M. Burns: Je ne sors pas de ce cabinet-là et je n'y entre pas, alors...

M. Lalonde: Reste que le dossier est bien fondé.

M. Choquette: S'il y a quelqu'un qui est neutre, c'est bien le député de Maisonneuve.

M. Burns: Bien oui. Je regarde cela comme arbitre.

M. Lalonde: Politic makes friends of bad fellows.

Le dossier, naturellement, est valable, très bien fondé et nous l'avons représenté, mais...

M. Choquette: Quand?

M. Lalonde: Lors de la conférence fédérale-provinciale... Enfin, immédiatement après mon entrée en fonction, à la première conférence fédérale-provinciale qui a eu lieu. Je crois qu'elle avait eu lieu à Ottawa. C'est avant celle de Halifax du mois d'octobre 1975.

J'avais représenté la demande telle qu'elle avait d'ailleurs été faite par l'ancien ministre de la Justice et nous avons eu à peu près la même mesure de succès jusqu'à maintenant. Mais le dossier n'est pas mort. Il s'agit de développer une stratégie différente et de créer un climat qui va faire que la volonté du fédéral vis-à-vis de cette question sera plus positive.

Les attitudes que nous avons eues concernant l'administration de la justice, l'intégrité de l'administration de la justice criminelle au Québec, entre autres, je reviens encore une fois à l'affaire Sky Shops, a démontré clairement — j'ai été naturellement bien appuyé par le jugement de la Cour suprême du 1er avril — je ne veux pas donner au député d'Outremont plus de crédit qu'il n'en mérite, que ces procédures avaient été prises lors de sa présence au ministère de la Justice.

En occupant de plus en plus intégralement le champ qui nous est dévolu par la constitution, nos réclamations sur la question, entre autres, soulevées par le député d'Outremont, seront prises plus sérieusement en considération.

Je pense que je dois d'abord m'employer à occuper intégralement le champ de l'administration de la justice criminelle et, je le répète, le jugement de la Cour suprême du 1er avril a rendu les choses très claires à ce point de vue-là.

Après coup, je pense que ce sera beaucoup plus facile. Nous aurons des arguments d'autant plus lourds, plus pesants, lorsque nous réclamerons d'Ottawa l'indemnisation pour les services policiers.

M. Choquette: M. le Président, il y a une affirmation du Solliciteur général que je ne peux pas laisser passer sans commentaires. Le dossier au sujet de la réclamation pour les coûts du service de la police, au Québec, est un dossier qui a été extrêmement bien préparé et monté.

A l'époque, nous avons sensibilisé vraiment la population québécoise, surtout les conseils municipaux, les organismes socio-économiques à cette réclamation qui a toute sa valeur, qui la conserve d'ailleurs à ce moment-ci, et nous avons aussi multiplié les démarches auprès des autorités fédérales, que ce soit le Solliciteur général, que ce soit d'autres représentants du pouvoir central.

Si nous n'avons pas eu gain de cause, ce n'était pas parce que la réclamation n'était pas bien fondée. C'est que nous avons rencontré, chez l'interlocuteur, un manque de compréhension du problème. Mais, comme le dit...

M. Lalonde: La situation est à peu près la même.

M. Choquette: ... le Solliciteur général, je pense que le jugement de la Cour suprême dans l'affaire du crime organisé, c est-à-dire sur la requête de Diorio, je pense, et Fontaine, établit, avec une certitude absolue sur le plan juridique, la position provinciale en matière d'administration de la justice C'est donc un excellent tremplin d'où partir pour insister de nouveau auprès des autorités fédérales pour obtenir raison; d'autant plus que je vois dans ce jugement de la Cour suprême un véritable tournant sur le plan constitutionnel, car on se rappellera qu'on a eu de nombreuses conférences interprovinciales et des conférences également avec les autorités fédérales où toutes ces questions de l'autorité fédérale en matière d'administration de la justice ont fait l'objet de discussions avec le ministre de la Justice fédéral et le Solliciteur général.

Nous avions énormément de difficultés, au cours de ces conférences, à faire admettre aux autorités fédérales que l'administration de la justice est une matière qui appartient en propre aux provinces et nous avions beaucoup de difficultés à leur faire admettre de faire les reculs nécessaires sur les initiatives qui ont été prises depuis une dizaine d'années par les autorités fédérales dans le domaine de l'administration de la justice sous différents ministres de la Justice fédéraux qui se sont succédé.

Mais voilà que le jugement de la Cour suprême tranche le débat, une fois pour toutes, et reconnaît que le secteur de l'administration de la justice ne peut pas subir d'empiétement de la part des autorités fédérales. A mon sens, c'est un des jugements les plus prometteurs pour l'avenir des droits provinciaux, qu'il s'agisse d'administration de la justice ou de domaines qui peuvent être connexes.

Je voudrais, à ce moment-ci, faisant abstraction de toute partisanerie et de ma situation actuelle qui fait que je siège dans l'Opposition, insister auprès du Solliciteur général pour qu'il utilise à sa pleine valeur et qu'il réitère, d'une façon énergique, les positions antérieurement prises. Pour ma part, je ne vois pas que les autorités fédérales pourront résister éternellement au bien-fondé de la position qui a été établie, étayée, je pense, autant par le jugement de la Cour suprême que par la documentation, le dossier qui avait été préparé antérieurement dans le domaine des coûts de la police.

A mon sens, il devrait obtenir gain de cause dans ce dossier, à condition d'y mettre la conviction et l'ardeur que j'aimerais lire sur sa figure aujourd'hui.

M. Lalonde: Naturellement. Merci, M. le Président. Je remercie le député d'Outremont pour son encouragement. Le dossier n'est pas mort, loin de là. Je m'accorde totalement avec le député d'Outremont pour dire que cette réclamation doit continuer de faire l'objet de nos démarches les plus vigoureuses.

J'aimerais avoir son optimisme quand il dit qu'éventuellement, le fédéral va accepter notre position, parce qu'il a vu la position du fédéral par la réponse qu'il a eue de M. Allmand, je pense. C'est presque une décision catégorique et sans retour. Rien n'empêche que cela a été à peu près la première chose que j'ai faite en arrivant au ministère, même avant le jugement de la Cour suprême. Mais le jugement de la Cour suprême, avec les notes extrêmement limpides, par exemple, du juge Dickson, détermine, une fois pour toutes et de façon définitive — je m'accorde entièrement avec le député d'Outremont— la juridiction exclusive des provinces sur l'administration de la justice criminelle.

Nous allons utiliser cette situation qui est en notre faveur pour tenter de trouver une ouverture et une stratégie qui nous permettront d'avoir gain de cause.

M. Choquette: Puis-je attirer l'attention du Solliciteur général sur le fait qu'à I'époque où la réclamation dans le domaine des coûts de la police a été présentée, le Québec a bénéficié, cette année-là ou ces années-là, d'avantages financiers résultant de la péréquation par suite de la fixation du prix de l'huile qui donnait certainement des avantages financiers assez considérables au Québec, et que ceci a pu être un facteur dans la fin de non-recevoir que nous avons essuyée à I'époque sur la question des coûts de la police.

Je me rappelle avoir conversé avec un ministre fédéral qui m'a dit: Ecoutez! En gros, vous en avez assez cette année, en voulant dire: Vous avez beaucoup d argent qui résulte de la péréquation

de l'huile. Pourquoi insister sur la réclamation des coûts de la police? Voilà que la réclamation dans le domaine des coûts de la police posait une question de principe. Pour moi, je ne l'ai jamais abandonnée. Mais la situation n'est plus la même non plus sur le plan de la péréquation par suite de la fixation du prix du baril d'huile à la grandeur du pays, etc., de telle sorte qu'à ce point de vue, cet obstacle n'existe plus à ce moment-ci.

Est-ce que le Solliciteur général pourrait nous dire où en sont les autorités fédérales quant à la signature de conventions avec les huit autres provinces et quelle est la base de la contribution fédérale au maintien de la GRC agissant comme force provinciale dans les autres provinces canadiennes? Est-ce que ces contrats sont signés, à ce moment-ci?

M. Lalonde: Je ne pense pas qu'ils soient signés de façon définitive. Cela a fait l'objet de conservations, de discussions lors de la dernière réunion que nous avons eue à Halifax, et l'état du dossier n'apparaissait pas très clair à ce moment-là. Je crois que des arrangements... Parce que l'échéance était soit toute proche, soit arrivée...

M. Choquette: L'échéance est le 30 avril ou le 30 mars 1976.

M. Lalonde: C'est 1976. Alors, l'échéance est arrivée maintenant et, depuis lors, des arrangements temporaires auraient été déterminés pendant que, d'autre part, le fédéral étudie en profondeur cette question pour offrir une autre formule aux huit provinces qui, actuellement, recourent aux services de la GRC pour leurs services policiers.

M. Choquette: Alors, je soumets au Solliciteur général que c'est le moment...

M. Lalonde: Ah oui!

M. Choquette: S'il y a un moment, c'est le moment stratégique où il faut intervenir avec force, car, une fois les conventions signées avec les huit autres provinces, vous serez obligés d'attendre peut-être encore dix ans avant de faire renaître le problème et lui donner une certaine actualité.

M. Lalonde: Oui. Nous l'avons fait d'ailleurs... L'Ontario, je pense, a exprimé son intérêt aussi dans cette question. L'Ontario et le Québec voient dans cette situation, un avantage ou une occasion propice pour discuter la question de la réclamation du Québec.

Nous allons, à la prochaine conférence fédérale-provinciale, dans quelques jours, à Vancouver, soulever cette question, c'est-à-dire qu'elle sera soulevée. Nous allons participer tout d'abord à la conférence interprovinciale, pendant la demi-journée qui précède la conférence fédérale-provinciale, et cela fera l'objet de discussions. Mais c'est un élément de stratégie qu'il ne faut pas oublier.

M. Choquette: Je trouve que la réponse du ministre est fort peu encourageante pour moi qui ai été un peu à l'origine de cette initiative. Que cela serve d'élément de stratégie, je comprends qu'un gouvernement a des stratégies, a différents dossiers à faire valoir. J'ai fait partie d'un gouvernement assez longtemps pour le savoir, mais je pense que le ministre ne gagnera rien avec les autorités fédérales pour une attitude empreinte de mollesse. Si le ministre réussit à avoir gain de cause, cela sera parce qu'il se sera affirmé avec vigueur et qu'il se rappelle que, sur ce plan, il aura l'opinion publique québécoise derrière lui.

Je suis très désintéressé sur le plan politique au moment où je lui fais ces...

M. Burns: Lorsque le député d'Outremont avait annoncé cette attitude, il n'y a aucun parti en Chambre, que cela soit de l'Opposition ou du côté ministériel, qui était en désaccord avec le ministre de la Justice du temps. Bien au contraire.

M. Choquette: C'est tout à fait exact. M. Lalonde: Sûrement.

M. Burns: Et on a encouragé le ministre du temps à multiplier ses efforts...

M. Lalonde: Je ne sais pas ce qui fait dire au député d'Outremont que nous ferions preuve de mollesse actuellement.

M. Burns: On a l'impression que vous êtes désintéressé.

M. Lalonde: Pas du tout. Il reste toutefois qu'en frappant du poing sur la table et en envoyant des lettres percutantes, cela ne produit pas nécessairement des résultats proportionnellement conformes au ton de la voix. Il y a toute la question de la stratégie et, là-dessus, je pense que chacun a son style.

M. Burns: On va en reparler dans quinze ans.

M. Lalonde: On en reparlera...

M. Burns: Dans quinze ans.

M. Lalonde: Non. J'espère...

M. Burns: C'est ce qui va arriver.

M. Lalonde: Cela a pris combien d'années, cette situation, jusqu'à maintenant? Cela a pris quand même quelques années, depuis que le député d'Outremont a fait sa réclamation.

M. Choquette: Je pense que cela a commencé il y a à peu près deux ans.

M. Lalonde: Deux ans.

M. Choquette: Mais je dis au Solliciteur géné-

ral que, d'un autre côté, une attitude faiblarde ne le mènera pas très loin.

M. Lalonde: Cela ne sera pas notre attitude.

M. Choquette: Je suis content de vous l'entendre dire.

Le cas de l'APLQ

M. Burns: Avant qu'on quitte le sujet général de cette division des responsabilités entre les deux ministères, j'aimerais soulever un problème qui a été amené en Chambre et qui, pour moi, est peut-être une indication — justement, c'est peut-être une des premières indications — de l'incompatibilité des responsabilités qui sont sous son autorité et, entre autres, c'est l'affaire de l'Agence de presse libre du Québec.

Nous avons à de nombreuses reprises — sans exagérer, je pourrais dire à trois reprises — soulevé le problème de l'Agence de presse libre du Québec ou de l'APLQ. Vous avez actuellement, de votre côté, du côté du Solliciteur général, un piétinement absolument incroyable. On n'a pas de réponse. Le ministre fait enquête. D'autre part, il est possible qu'éventuellement, à la suite d'une telle enquête, des plaintes puissent être portées devant les tribunaux; actuellement, l'enquête est une enquête maison, qui est faite par les policiers.

Tout le monde se rappelle de cette effraction — appelons-la exactement par son nom — commise par des policiers de la Gendarmerie royale du Canada, par des policiers de la Sûreté du Québec et par des policiers de la Communauté urbaine de Montréal. Chaque fois que nous avons posé ces questions au Solliciteur général, depuis qu'il est en poste, on s'est toujours fait dire: On est en train d'enquêter. On n'a pas de résultats de cette enquête. On examine l'affaire. Chaque fois, nous avons demandé: Est-ce fait par des policiers? Est-ce une enquête maison? Possiblement que pourrait sortir de cela une recommandation qui relève du contentieux criminel selon laquelle des plaintes soient portées devant les tribunaux contre certains individus qui s'adonnent à être dans les corps policiers concernés. Je ne veux pas présumer cela, mais je vous signale, parce que vous me demandiez tout à l'heure et vous demandiez au député d'Outremont de nous donner des exemples d'incompatibilité entre ces deux fonctions, du contentieux criminel et de l'administration des affaires policières. Je vous en donne une et, entre autres, je vous demande encore aujourd'hui de nous donner des nouvelles de cette affaire.

M. Lalonde: J'ai répondu à quelques reprises que les corps policiers devaient nous faire rapport de cette situation. Nous avons reçu des renseignements. J'ai demandé au Solliciteur général du Canada de me faire parvenir, de la part de la GRC, un rapport sur la participation de ce corps de police à l'opération. On m'informe justement que nous devrions recevoir ce rapport incessamment. Il faut bien se rendre compte quand même que c'est une opération tripartite où il y avait la participation— je pense que c'est clair— je l'ai indiqué qu'il y avait eu justement cette...

M. Burns: Puis-je vous rappeler que, quant à la GRC, le rapport a été déposé en Chambre il y a déjà deux semaines, sinon plus?

M. Lalonde: Pas à ma connaissance le rapport comme tel. Le Solliciteur général du Canada a donné des informations en Chambre.

M. Burns: Oui, il a dit d'ailleurs que c'était votre responsabilité.

M. Lalonde: Oui. M. Burns: C'est cela.

M. Lalonde: Je n'ai pas connaissance qu'il y ait eu un rapport comme tel que j'aurais pu me procurer à la Chambre des Communes. J'ai demandé à la GRC, je pense que c'est tout à fait normal qu'on commence par là et, lorsque tous les faits nous seront connus, à ce moment-là, nous... J'allais dire...

M. Burns: II faut savoir cela.

M. Lalonde: Naturellement...

M. Burns: Cela n'a pas de bon sens...

M. Lalonde: ... le plus tôt possible.

M. Burns: cela fait exactement un mois et demi qu'on pose des questions là-dessus.

M. Lalonde: Oui, mais c'est une opération qui a eu lieu...

M. Burns: Bien voyons donc! Bonguienne, c'est une affaire qui remonte à 1971!

M. Lalonde: ... il y a quelques années. M. Burns: C'est bien sûr. Bien oui.

M. Lalonde: II n'y a pas du tout de piétinement, au contraire, nous avons indiqué, je pense, très clairement que nous voulions voir exactement ce qui s'était passé, pour prendre ensuite les dispositions pour établir les responsabilités. C'est ce que nous allons faire.

M. Burns: Je trouve cela absolument inconcevable, M. le ministre.

M. Lalonde: Cela peut ne pas plaire au député de Maisonneuve...

M. Burns: Entre vous et moi.

M. Lalonde: ... mais, c'est cela.

M. Burns: Ce n'est pas que cela ne me plaît

pas, c'est que ce sont des choses que, si elles existent, sont très graves, qui, si elles existent, doivent recevoir une réponse rapidement de la part du Solliciteur général, qui possiblement peuvent amener à des plaintes criminelles. De là, je tire la conclusion de l'ambiguïté de vos deux responsabilités. C'est là-dessus... Moi, actuellement...

M. Lalonde: Si cela avait été sous l'ancien régime d'un seul ministre de la Justice, il aurait eu les mêmes responsabilités...

M. Burns: Non.

M. Lalonde: Bien oui.

M. Burns: Non, peut-être pas.

M. Lalonde: Vis-à-vis de la police et vis-à-vis des affaires criminelles.

M. Burns: Non, parce qu'une chose que vous ne semblez pas vouloir comprendre c'est qu'à l'intérieur d'un grand ministère de la Justice où les deux responsabilités relèvent, entré autres, des responsabilités du ministère de la Justice, on n'a pas pris la peine de poser un geste précis pour sortir de l'autorité du ministère de la Justice un certain nombre de choses.

Vous connaissez autant que moi le vieil adage qu'on n'amende pas une loi, on ne pose pas des gestes précis sans normalement, à moins qu'on soit complètement fou, avoir une intention particulière derrière... On n'amende pas une loi sans vouloir que cette loi amendée dise quelque chose.

M. Lalonde: Au niveau des responsabilités...

M. Burns: On ne divise pas, à l'intérieur d'un ministère, un certain nombre de responsabilités sans vouloir changer quelque chose de précis.

M. Lalonde: Au niveau des responsabilités.

M. Burns: C'est ce que je vous demande: Qu'est-ce que vous avez voulu changer? Et entre autres, dans le cas de l'APLQ, est-ce que je ne suis pas en droit de me poser justement cette question, de dire que cela piétine, parce que véritablement cela relève de la même autorité?

M. Lalonde: Non. Au niveau des responsabilités ministérielles, je pense qu'on ne peut pas appliquer le même principe que le député de Maisonneuve vient de décrire pour les lois. Ce n'est pas un amendement législatif. On peut nommer, et on l'a vu, cela arrive souvent...

M. Burns: Non, mais c'est un arrêté en conseil.

M. Lalonde: ... on nomme, par exemple, un ministre d'Etat, on lui donne des responsabilités particulières. On l'a vu au ministère de l'Education, par exemple, où il y a un ministre d'Etat qu'on n'avait pas auparavant. Est-ce que cela veut dire qu'on avait des intentions inavouées de faire des choses inavouables? Pas du tout, c'est simplement...

M. Burns: Ce n'est pas du tout la même chose.

M. Lalonde: ... lorsque le besoin se fait sentir, pour imprimer à l'action de ce ministère une plus grande efficacité parce que, naturellement, deux têtes cela vaut mieux qu'une. C'est relativement simple à comprendre.

M. Choquette: M. le Président, je ne peux tout simplement pas laisser passer des propos comme ceux du Solliciteur-général qui, au nom d'une espèce d'efficacité superficielle factice, qui ne correspond à rien, qui est une espèce de slogan émis par son chef, il y a quelques années, un slogan complètement usé qui ne correspond pas du tout aux records ou aux dossiers du gouvernement actuel, je ne peux pas accepter qu'on laisse passer des phrases aussi creuses que cela sans y répondre. Au fond, soit que le Solliciteur général comprend et ne veut pas comprendre, soit qu'il ne comprend pas. Si le Solliciteur général n'est pas capable de se rendre compte de l'ambiguïté de la situation actuelle, ambiguïté qui résulte, n'est-ce-pas, de responsabilités qui, traditionnellement, n'appartiennent pas au même ministre, à partir du moment où on a fait une division du ministère de la Justice, ou ambiguïté qui résulte de la situation que j'ai mentionnée tout à l'heure, qu'il y a un ministre qui est responsable des poursuites pénales et l'autre est responsable de l'application du code criminel, s'il n'est pas capable de se rendre compte que c'est une situation absurde, je dis qu'il n'est tout simplement pas à la hauteur d'être Solliciteur général et d'être ministre dans un gouvernement.

Quand on vient nous servir des analogies comme celles qu'on a faites au ministère de l'Education avec des ministres d'Etat responsables de l'enseignement secondaire et d'autres responsables de l'enseignement élémentaire, ça n'a pas du tout la même importance. Si le ministre avait lu un peu les auteurs sur l'exercice de ses fonctions et les impératifs sur le plan de la conscience que ça importe, il ne nous répondrait pas ainsi. Il ne nous donnerait pas ce genre de réponse tout à fait superficielle qui ne va pas du tout au fond des questions, qui ne correcpond pas du tout aux principes en cause.

C'est ce qui est absolument incroyable et c'est ce qui explique actuellement que le gouvernement dont vous faites partie a justement ce caractère très superficiel qui ne correspond plus, qui ne colle plus à la réalité. Ce qui fait qu'aujourd'hui, vous avez tellement de gens déçus de l'administration gouvernementale.

M. Lalonde: Beaucoup moins que vous pensez, beaucoup moins.

M. Choquette: Je pense que je ne dénature

pas du tout la réalité lorsqu'on a l'impression d'avoir un gouvernement fantôme.

M. Lalonde: Naturellement, je ne m'attends pas à pouvoir convaincre l'ancien ministre de la Justice.

M. Choquette: Est-ce qu'on pourrait me permettre de continuer mon intervention, M. le Président?

M. Lalonde: Continuez.

M. Choquette: Je comprends qu'elle n'est pas agréable aux oreilles du Solliciteur général, un charmant garçon pour qui, par ailleurs, j'ai de l'estime. Mais d'un autre côté, je pense...

M. Burns: Ce n'est pas avec des charmants garçons qu'on fait des ministres.

M. Choquette: Ce n'est pas nécessairement avec eux. On peut en faire peut-être des ministres d'Etat à l'Education, mais on n'en fait pas des ministres de la Justice ou des gens responsables des poursuites criminelles.

M. Lalonde: On en fait des chefs de parti peut-être?

M. Choquette: Cela, peut-être, peut-être. M. Lalonde: Des chefs de particule.

M. Choquette: Peut-être. Mais je ne veux pas me mettre en cause dans cette discussion, je suis ici pour...

M. Lalonde: II ne veut pas se mettre en cause, mais il essaie depuis tantôt.

M. Choquette: Mais je dois critiquer, c'est mon rôle.

M. Lalonde: Certain, surtout que vous n'avez pas deux chapeaux du tout, ah non. Comme ancien ministre de la Justice, ah non.

M. Choquette: Mais mon rôle n'est pas de vous...

M. Lalonde: Mais je vous écoute quand même très patiemment.

M. Choquette: Oui d'accord.

M. Burns: Je dois vous dire que je me sentais plus en sécurité avec l'ancien ministre de la Justice qu'avec les deux actuels.

M. Lalonde: Cela veut dire peut-être qu'il y a une meilleure administration de la justice. Si vous vous sentez moins en sécurité, ce n'est pas mon problème, c'est le vôtre.

M. Burns: Très bien...

M. Lalonde: C'est votre problème, ce n'est pas le mien.

M. Burns: Même des fois trop protégé, mais en tout cas.

M. Lalonde: Comptez sur nous autres.

M. Choquette: Mais si on me permet de revenir sur la question de fond, sans en faire du tout une question qui pourrait hérisser le Solliciteur général à ce moment-ci, malgré que je lui dois bien la vérité. Je l'invite fortement à se pencher sur les incompatibilités, les ambiguïtés actuelles qui ont été créées maintenant depuis presque un an dans sa situation et celle du ministre de la Justice actuel. Je dis que ce n'est certainement pas une situation qui peut se poursuivre. Elle va certainement avoir des conséquences, si elle n'en a pas déjà eu. Parce que, n'oubliez pas une chose, nous ne sommes pas dans les dossiers du ministère de la Justice. Je ne suis pas là pour aller voir ce qu'il s'y passe; le député de Maisonneuve n'a pas accès aux dossiers du ministère de la Justice pour voir ce qu'il s'y fabrique.

Donc, nos critiques, à ce moment-ci, elles sont au plan des principes, je l'admets. Mais il peut surgir des situations où on verra justement les enfants qui vont naître de ce mariage du Solliciteur général avec le ministre de la Justice. A ce moment-là, peut-être que le ministre actuel regrettera amèrement de s'être mis dans cette situation remplie d'équivoques et d'ambiguïtés.

M. Lalonde: M. le Président, je ne m'attends pas de pouvoir convaincre le député d'Outremont. Mais quand même, si cela peut le rassurer, disons que je suis fort conscient des responsabilités qui m'ont été confiées. Je pense qu'on se rejoint en disant que c'est aux fruits qu'on va juger et je suis tout à fait tranquille à ce point de vue là.

Qu'on juge aux faits, d'accord. Cela fait seulement dix ou onze mois; c'est assez difficile de faire un bilan, mais, quand même, je suis totalement optimiste et tranquille là-dessus. On jugera aux faits, aux résultats.

M. le Président, que voulez-vous que je vous dise en plus de cela? Je suis sûr que le député d'Outremont ne l'acceptera jamais.

M. Burns: Ce que je pourrais vous dire, c'est que je propose la suspension des travaux de la commission jusqu'à la date ou l'heure où cela plaira à la commission de siéger, mais je pense que c'est à 8 h 15.

Le Président (M. Brisson): C'est à 8 heures, pour 8 h 15.

M. Lalonde: Cela va. Merci.

M. Burns: Si, du côté ministériel, le quorum est protégé, je vais être là.

Le Président (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux jusqu'à 8 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 25

M. Brisson (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs!

Nous avons quorum, étant donné que M. André Harvey (Charlesbourg) remplace M. Pagé (Portneuf).

M. Harvey (Charlesbourg): J'ai une correction, M. le Président, à vous apporter dès le départ. C'est que M. Gérard-D. Levesque, leader du gouvernement, m'a demandé de le représenter ce soir et c'est lui que je remplace ce soir.

Le Président (M. Brisson): Messieurs, étant donné la gloire, la gloriole et l'orgueil de l'honorable député de Charlesbourg...

M. Burns: On n'a pas quorum...

Le Président (M. Brisson): ... M. Assad (Papineau) pourra peut-être remplacer M. Pagé (Portneuf) ou vice versa. De toute façon, cela revient au même.

M. Harvey (Charlesbourg): Vous ferez bien ce que vous voudrez, mais, moi, M. Gérard-D. Levesque m'a demandé...

Le Président (M. Brisson): Donc, selon les volontés de M. André Harvey (Charlesbourg), il remplace M. Levesque (Bonaventure) et M. Assad (Papineau), par contre, remplace M. Pagé (Portneuf). Il y a dix présences. Le quorum est de neuf. Donc, il est constaté que...

M. Burns: M. Lacroix remplace qui? Une Voix: II ne sait pas compter.

Le Président (M. Brisson): Le quorum est de neuf.

M. Lacroix: Je remplace le député du Parti québécois qui n'est pas présent.

Le Président (M. Brisson): Nous allons passer immédiatement au programme no 13 qui s'appelle contentieux criminel. Le programme vise à assurer l'application du Code criminel.

M. Choquette: M. le Président, si vous me permettez, avant de passer à l'étude spécifique de ce programme, j'aimerais continuer la discussion avec le ministre sur des questions de portée générale qu'il a abordées au cours de son brillant exposé de cet après-midi.

Le Président (M. Brisson): A une condition, c'est qu'on ne revienne pas sur le même sujet que cet après-midi, parce que j'ai remarqué, en me remémorant le débat, que, à trois reprises, l'honorable ministre avait répondu aux mêmes questions sous des formes différentes, mais c'étaient les mêmes questions. Il faudra que ce soient des questions différentes de celles qui ont été posées cet après-midi.

M. Burns: M. le Président, quand même, il y a une chose qu'il faut se dire ici. C'est que s'il y a un endroit où on peut avoir une discussion libre, beaucoup plus facile qu'en Chambre, c'est lors de l'étude des crédits...

M. Lalonde: Je n'ai pas d'objection pour ma part.

Le Président (M. Brisson): Je suis convaincu que le député de Maisonneuve ne veut pas allonger les débats.

M. Burns: M. le Président, je vous demande... Non, pas du tout.

Le Président (M. Brisson): II a sûrement compris ce à quoi je...

M. Burns: Je vous demande simplement ceci, M. le Président, avec l'accord du ministre. Je pense que c'est au niveau des crédits qu'on peut avoir cette discussion franche, ouverte, même si elle est embêtante, si cela déplaît au ministre ou si cela déplaît au président.

Je pense que c'est le moment où l'Opposition peut vraiment soumettre un certain nombre de questions et revenir sur la question lorsqu'elle n'est pas satisfaite. Le ministre peut nous dire carrément qu'on est dans les patates les plus totales. Moi, je l'accepte comme règle du jeu, cet...

M. Lalonde: M. le Président, je suis totalement d'accord. Je ne veux pas du tout limiter, imposer une camisole de force. Je comprends que votre travail de président a pour but d'assurer la cohérence des débats. D'un autre côté, je partage l'avis que c'est un endroit où, de façon assez privilégiée, on peut repasser toutes les questions, se livrer à tous les défoulements. En fait, c'est à notre avantage, quant à moi, d'avoir cette occasion de démontrer notre volonté, au gouvernement, d'administrer les biens publics de la meilleure façon possible. Je suis prêt à répondre à toutes les questions. Nous n'avons rien à cacher.

Le Président (M. Brisson): D'accord. D'ailleurs, cela ne va pas selon le bon plaisir ou la complaisance du président. C'est selon la volonté des membres. Je voulais simplement signaler le fait.

M. Burns: Non, vous avez raison, M. le Président, de le faire et de nous rappeler à l'ordre.

Le Président (M. Brisson): L'honorable député de Rosemont.

M. Choquette: C'est le député d'Outremont. Le Président (M. Brisson): Ah! d'Outremont.

M. Choquette: S'il vous plaît! Je regrette, M. le Président, que le député de Rosemont ne soit pas ici ce soir pour nous éclairer.

Le Président (M. Brisson): II serait sûrement insulté. Je retire mes paroles.

M. Choquette: II devrait être assis à côté de vous, M. le Président...

Le Président (M. Brisson): Le député d'Outremont.

M. Choquette: ...pour vous guider dans les questions de procédure les plus délicates que vous aurez à déceler ce soir.

M. Harvey (Charlesbourg): ...

M. Choquette: Si, à un moment donné, vous voulez avoir ses lumières, je serai prêt à ajourner les travaux de la commission pour...

Le Président (M. Brisson): Connaissant votre sagesse, je suis sûr que je n'aurai à rendre aucune décision difficile.

Le corps policier de la CUM

M. Choquette: D'accord. Le ministre a fait allusion, au cours de son exposé, au rapport sur l'allocation des ressources humaines et physiques, rapport présenté par le directeur de la police de la CUM, M. Daigneault. Ce rapport a fait l'objet d'une étude par la Commission de police et de certaines recommandations qui ont été rendues publiques.

On sait, à ce sujet-là, que le rapport Daigneault, suivi des recommandations de la Commission de police, doit faire l'objet d'une approbation par le Conseil des ministres. Il y a déjà plusieurs mois que la Commission de police a donné son avis sur l'allocation des ressources humaines et physiques quant à l'organisation de la police de la Communauté urbaine de Montréal.

Je voudrais donc demander au ministre où en est cette affaire? Quel est l'état de la situation en ce qui concerne l'organisation du corps de police de la Communauté urbaine de Montréal?

M. Lalonde: En effet, j'en ai parlé cet après-midi parce que cela fait l'objet d'une étude poussée actuellement au ministère, étude qui est tout près de sa conclusion.

La loi prévoit que les recommandations de la Loi de police doivent être approuvées, avec ou sans modalités par le Conseil des ministres. Tout de suite après que le rapport eut été rendu public par la Commission de police, en janvier, j'ai consulté, largement, tous les organismes impliqués et l'on sait qu'il y en a plusieurs.

On peut parler de la fraternité, de la direction de la police, du Conseil de sécurité, de la Commission de police, de l'Association des fonctionnaires municipaux. Enfin, je les ai tous vus. Il y a eu aussi la Conférence des maires, le conseil consultatif des maires de banlieue et maintenant, après cette ronde de négociations qui a pris plusieurs semaines, nous avons étudié le rapport de la Commission de police, à la lumière aussi du rapport Daigneault et nous sommes, actuellement, au Conseil des ministres, à examiner les dispositions que nous allons prendre là-dessus.

Alors, je pense qu'on devrait avoir des nouvelles d'ici une semaine ou deux semaines parce que je suis fort conscient, comme le député d'Outremont peut l'être aussi, qu'il s'agit d'une question qui est devenue urgente.

On a fait l'intégration de la police de la Communauté urbaine de Montréal et la loi prévoyait que le directeur devait faire, sans délai... Je ne me souviens plus de la terminologie de la loi.

M. Choquette: ...

M. Lalonde: Et quand je vois le temps... Je n'ai aucun reproche à faire, naturellement, parce que c'était quand même un problème complexe, ni à la Commission de police, ni au directeur, mais on a vu quand même que cela a pris plusieurs mois, sinon plusieurs années pour le directeur pour faire le tour de la question et l'opposition de certaines municipalités de banlieue au rapport Daigneault a donné lieu à l'appel devant la Commission de police.

C'est le rapport de la Commission de police qui a réussi dans une bonne mesure à concilier certains intérêts qu'on croyait au départ difficiles à concilier. Cela va sûrement aider le gouvernement à énoncer, par son approbation, une politique qui va, je pense, faire faire un pas en avant à l'intégration de la police de la Communauté urbaine, dans la voie d'une meilleure intégration, pas nécessairement une plus grande, et aussi dans la voie, peut-être, d'une augmentation de la déconcentration au niveau de la décision du district, de façon à rendre plus acceptable et plus humaine l'action de la police au niveau des banlieues, surtout. D'ici une dizaine de jours, je pense qu'on aura une conclusion.

M. Choquette: Ai-je bien compris le ministre lorsqu'il dit que déjà les recommandations de la Commission de police, avec les recommandations du Solliciteur général ou des autorités du ministère de la Justice, sont présentées devant le conseil des ministres?

M. Lalonde: Déjà, il y a une recommandation que j'ai faite au conseil des ministres pour traiter les recommandations de la Commission de police, c'est-à-dire savoir de quelle façon les recommandations de la Commission de police devront être approuvées, avec ou sans modalité.

M. Choquette: Peut-on dire que la question a déjà fait l'objet d'une discussion au conseil des ministres?

M. Lalonde: Oui, cela a déjà fait l'objet d'une discussion au conseil des ministres, discussion dont évidemment je ne peux révéler la teneur.

M. Choquette: On devrait avoir une décision, d'après ce que vous dites, dans une semaine ou deux?

M. Lalonde: A peu près, oui.

M. Choquette: Quant à la Commission d'enquête sur le crime organisé...

M. Séguin: Un instant, M. le Président, je ne voudrais pas interrompre le député d'Outremont sur sa question précédente, ni sur les réponses du ministre. Il y a deux ou trois petits points qui ne me paraissent pas très clairs. Dans le groupe ou les groupements que vous avez mentionnés comme ayant été consultés, je n'ai pas entendu mentionner, par exemple, la députation gouvernementale, la députation de l'île de Montréal, soit les députés des différents comtés. Y a-t-il eu, oui ou non, consultation avec ce groupe, individuellement ou en groupe? Je n'ai pas eu connaissance qu'il y en ait eu.

M. Lalonde: Certains députés m'ont exprimé leur intérêt dans la question. J'en ai discuté avec eux, mais il faut dire que le fait que nous ayons discuté assez intensément de la question avec les autorités municipales des banlieues a sûrement enlevé une certaine pression à l'égard des députés représentant ces municipalités. Parce que les municipalités de banlieue, la conférence des maires de banlieue en général ont bien accueilli le rapport de la commission de police, en ce sens que tout en maintenant l'intégration, on recommanderait une certaine décentralisation de la décision, ce qui était de nature à satisfaire à leurs désirs. C'est peut-être pour cela que j'ai eu beaucoup moins de demandes de la part des députés.

M. Choquette: Cela m'étonne que le Solliciteur général n'ait pas consulté le député de Pointe-Claire, parce que tous ceux qui sont à la Chambre depuis bien des années savent que le député de Pointe-Claire est un des députés qui s'est le plus intéressé à toutes les questions qui se rapportent à la Communauté urbaine de Montréal et, en particulier, le service policier.

M. Burns: C'est vrai.

M. Choquette: Alors, je me demande quelle sorte de consultation vous avez pu poursuivre si, en plus de ne pas consulter des députés de l'île de Montréal, y compris certains députés de l'Opposition comme le député de Maisonneuve et le député d'Outremont, vous n'avez même pas consulté un de vos députés qui est le plus au fait de la situation.

M. Lalonde: Tout le monde sait, M. le Président, que je suis extrêmement ouvert à la consultation, je l'ai prouvé relativement à plusieurs dossiers, y compris le dossier de la langue officielle et le dossier dont on parle actuellement.

M. Burns: N'abordez pas le sujet de la langue.

M. Lalonde: N'importe quand. Quand vous voudrez.

M. Burns: Cela va durer longtemps.

M. Lalonde: Naturellement, l'intérêt le plus direct, quant à l'application du rapport de la Commission de police, est représenté par les autorités municipales des banlieues. Alors, j'ai largement consulté les banlieues, la conférence des maires de banlieue pourra en être témoin; c'est pour cette raison, je crois, que je n'ai eu aucun problème relativement à la consultation vis-à-vis des députés.

M. Choquette: Vous semblez avoir un problème avec le député de Pointe-Claire qui n'a pas été consulté.

M. Séguin: Non, voici...

M. Harvey (Charlesbourg): II est capable de répondre pour lui-même.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs! Le député de Pointe-Claire a la parole.

M. Séguin: Ce n'est pas la question d'avoir été consulté ou non. Mais, dans la nomenclature que vous avez faite des corps et des organisations que vous auriez consultés, vous ou quelqu'un de votre ministère, je n'avais pas entendu mentionner les noms ou le groupement, par exemple, parlementaire. J'ai raison de croire que même l'exécutif ou le comité spécialisé dans l'étude de certains rapports de police, que je ne nommerai pas, ou d'autres commentaires sur la police, ne représenteraient peut-être pas très clairement la position des municipalités.

C'est dire que si j'ai accès à des consultations sur ce problème, ça me place comme représentant de 10 ou 11 municipalités, dans une position beaucoup plus favorable pour discuter avec eux, non pas pour ou contre, je ne mentionne pas ce fait. Il est vrai, comme a mentionné le député d'Outremont, que le hasard a voulu que j'aie été très souvent contre une proposition en faveur d'une autre. Je me suis plié chaque fois et j'ai l'intention de me plier encore au désir de la majorité, puisque nous sommes en démocratie, et il faut reconnaître cette voix de la majorité. Mais encore faut-il, je pense, qu'il y ait possibilité de se faire entendre et peut-être dans quelques minutes tomber entièrement d'accord avec ce qui peut être suggéré.

Cela m'amène à poser la deuxième question. Suite à l'approbation que pourrait donner le Conseil des ministres à toute cette chose, est-ce qu'on a l'intention d'aller devant une commission parlementaire? Si oui, fin de la question, sinon, quelle sera la façon donnée aux députés représentant les secteurs de la région concernée pour se faire entendre?

M. Lalonde: C'est la façon normale, ordinaire. Peut-être que la consultation intense que j'ai eue,

comme je l'ai dit tantôt, je ne veux pas me répéter, avec le milieu et les autorités municipales a été la cause que les députés n'ont pas eu tellement de pression de la part de leur municipalité pour faire valoir leurs représentations auprès de l'exécutif. Si j'avais eu une seule demande, une seule suggestion d'un député, je sais que j'aurais été très heureux de réunir les députés concernés et de les consulter là-dessus.

M. Séguin: II ne s'agissait pas, je pense — encore là vous me rappellerez à l'ordre, M. le Président — pour moi de me faire entendre, parce que j'avais été amené à croire que toute cette chose serait mise à l'étude et que, pendant cette étude, soit en commission parlementaire ou autrement, nous aurions l'occasion de nous exprimer.

Inutile, naturellement, de faire une espèce de lobbying professionnel à l'intérieur du groupe gouvernemental, si on avait, en réalité, fixé une période à plus tard, pour que je puisse être entendu.

Ma question est...

M. Lalonde: Je suis prêt à entendre le député de Pointe-Claire demain matin, s'il le faut.

M. Séguin: Ecoutez! Un instant!

M. Lalonde: L'idée, c'est que cette question a fait l'objet de plusieurs études dont, tout d'abord, l'étude du chef Daigneault. Deuxièmement, il y a un appel qui a été entendu publiquement par la Commission de police, qui a été longuement étudié. Celle-ci a reçu officiellement les représentations des maires de banlieues et, formellement, de la Conférence des maires de banlieues, par son président qui était représenté, à ce moment-là, par le maire de ville La Salle, M. Raymond, dans mon comté.

C'est peut-être le fait que cette consultation a eu lieu qui fait que je n'ai pas eu une seule demande de la part d'un des députés. Dieu sait si je sais que des députés représentant de telles municipalités ont exprimé leur intérêt, depuis plusieurs années et cela inclut naturellement le député de Pointe-Claire. Mais je vous dis bien franchement que c'est peut-être pour cela que je n'ai pas eu une seule demande. Mais, si j'en ai une dans les jours qui suivent, je...

M. Choquette: M. le Président, on a vraiment l'impression d'assister à une discussion au caucus libéral entre...

M. Harvey (Charlesbourg): Ah!

M. Choquette: Oui, c'est vrai, je le dis en toute...

M. Lalonde: Ce n'est pas l'habitude que vous aviez d'y assister, M. le Président.

M. Choquette: J'ai assisté à plus de...

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, mes- sieurs! S'il n'y a plus d'autres questions générales, je vais passer aux questions du programme 13.

M. Choquette: Non, mais...

Une Voix: Cela a l'air à faire nouveau pour vous.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, s il vous plaît!

M. Choquette: M. le Président, je demande la parole.

M. Séguin: Le député d'Outremont m'étonne.

Le Président (M. Brisson): L'honorable député d'Outremont.

M. Harvey (Charlesbourg): ... libéraux.

Le Président (M. Brisson): L'honorable député d'Outremont concernant les crédits du ministère de la Justice.

M. Choquette: Toujours, M. le Président, mais je voulais simplement dire...

Le Président (M. Brisson): Questions?

M. Choquette: Oui. Questions? Interventions, plutôt. Il n'y a pas juste des questions, il y a des interventions.

Le Président (M. Brisson): Intelligentes.

M. Choquette: Parce que c'est vous qui êtes le juge de l'intelligence?

Le Président (M. Brisson): Non, non. Je vous demande des interventions intelligentes.

M. Choquette: Je vous remercie beaucoup. M. Harvey (Charlesbourg): ...

M. Choquette: Si on commence à juger les interventions intelligentes à l'Assemblée nationale...

M. Harvey (Charlesbourg): On pourrait vous envoyer des lettres...

M. Choquette: Cela pourrait réduire le nombre...

M. Harvey (Charlesbourg): ... pour vous convoquer au caucus.

Le Président (M. Brisson): ... commission parlementaire.

M. Choquette: Je voulais simplement dire... M. Harvey (Charlesbourg): ... vous écrire.

M. Choquette: Je voulais simplement dire que le principe général...

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs!

M. Harvey (Charlesbourg): II n'y a pas "à l'ordre messieurs!"

M. Choquette: ... il y a d'autres députés sur l'île de Montréal que des députés qui appartiennent au caucus du Parti libéral.

M. Harvey (Charlesbourg): Nommez-les.

M. Choquette: II y en a assez, quand même. Si on donne un privilège de consultation à certains députés, je pense qu'on devrait l'avoir aussi. Est-ce que le ministre s'opposerait?

M. Lalonde: J'aimerais que le député d'Outremont relise la transcription. Je pense avoir fait attention, avoir été extrêmement prudent, dans ma réponse au député de Pointe-Claire, pour ne pas dire que je serais prêt à rencontrer la députation libérale. J'ai dit: Tous les députés intéressés.

M. Choquette: Ah! Je suis content que vous le spécifiiez.

M. Lalonde: Si je vois que la question est sérieuse et n'est pas dilatoire...

M. Choquette: Non.

M. Lalonde: ... cela me fera plaisir de consulter les députés. C'est peut-être un certain changement au ministère de la Justice, mais je le fais.

M. Choquette: Un changement qui serait certainement bienvenu, M. le Président. En fait, le ministre n'est pas susceptible, à ce moment-ci, de nous dire s'il a l'intention de procéder à une consultation parmi les députés de l'île de Montréal sur le plan d'intégration?

M. Lalonde: Si j'en ai...

M. Harvey (Charlesbourg): C'est...

M. Choquette: M. le Président, je m'oppose aux interventions du député de Charlesbourg.

M. Harvey (Charlesbourg): C'est déjà fait. M. Lalonde: II y a eu une large consultation.

M. Harvey (Charlesbourg): II y a eu une large consultation, il l'a dit tout à l'heure.

M. Lalonde: Si, plus spécifiquement plus particulièrement...

M. Choquette: Parmi les députés...

M. Lalonde: ... les députés me faisaient des représentations qui étaient pertinentes, mais sans retarder quand même le processus d'un mécanisme qui a pris beaucoup plus de temps que désiré au départ et qui est devenu urgent. Je suis fort conscient que c'est devenu maintenant urgent de doter le service de police de la Communauté urbaine de Montréal d'un plan bien pensé d'allocation de ces ressources humaines et physiques.

C'est pour cela que, sans vouloir précipiter le débat, je pense qu'il est maintenant temps pour le gouvernement, avec toutes les consultations que nous avons eues, le rapport Daigneault, le rapport de la Commission de police, d'autres consultations que j'ai faites en janvier et même encore plus récemment, qu'on prenne position maintenant.

M. Choquette: Non seulement vous n'allez rien précipiter, mais je suis prêt à parier qu'on n'aura pas de décision du Conseil des ministres avant le mois de septembre prochain.

M. Lalonde: Que pariez-vous? La CECO

M. Choquette: Je serais prêt à parier hors de cour. M. le Président, si on me permet de changer de sujet, je voudrais demander au ministre certains éclaircissements sur une déclaration qu'il a faite récemment quant à l'avenir de la Commission d'enquête sur le crime organisé. J'ai lu dans les journaux le compte rendu d'une conférence de presse ou d'une déclaration que le ministre a faite à ce sujet. Il promet une législation qui ferait que l'enquête sur le crime organisé serait retirée à la Commission de police. C'est, en gros, ce que j'ai retenu de sa déclaration. Je comprends qu'il peut y avoir d'autres aspects que le ministre ait en vue.

Je vais lui demander si la loi qu'il envisage d'introduire devant l'Assemblée nationale, ce serait fait avant l'ajournement des travaux, au mois de juin ou enfin, avant la fin de la session actuelle.

M. Lalonde: Mon intention est de le faire avant l'ajournement des travaux de la session actuelle. Naturellement, je suis assujetti, comme tous les membres du gouvernement, aux travaux, aux priorités, aux autres contraintes qui entourent naturellement tous les travaux de la Chambre, mais c'est évident que j'ai l'intention de présenter cette loi avant l'ajournement.

M. Choquette: Est-ce que le Conseil des ministres a approuvé les grands principes de la loi que le ministre entend apporter?

M. Lalonde: Lorsque la loi sera prête, je vais la déposer en Chambre.

M. Choquette: ... mais je ne dis pas le contraire, à ce moment-ci.

M. Lalonde: Ce n'est pas à moi à dire à la commission ce que le Conseil des ministres a fait.

Mais, s'il approuve un projet de loi et s'il autorise le Solliciteur général à le déposer en Chambre, après approbation, il sera déposé en Chambre. A ce moment-là, le député d'Outremont sera informé des décisions du gouvernement.

M. Choquette: Je ne demande pas au Solliciteur général de me faire part des décisions prises. Je demande simplement au Solliciteur général si les travaux sont suffisamment avancés pour qu'il soit prêt à déposer un tel projet de loi d'ici quelques semaines, c'est-à-dire d'ici la fin des travaux parlementaires précédant la tenue des Jeux olympiques.

M. Lalonde: M. le Président, comme je l'ai dit tantôt, sous réserve de toutes les contraintes qui s'imposent, si je suis en mesure de déposer un projet de loi, je le ferai avant l'ajournement et, à ce moment-là, cela prouvera que le conseil des ministres s'est prononcé.

M. Choquette: Non, mais là, le ministre veut jouer à cache-cache avec moi. Je veux savoir, moi, si le gouvernement a pris des décisions quant à l'orientation de ce projet de loi.

M. Lalonde: Quotidiennement, le gouvernement prend des décisions.

M. Choquette: Bien oui, mais arrêtez donc de me servir des phrases creuses comme ça!

M. Lalonde: Oui, mais si ça ne me tente pas de vous dire ce que le gouvernement a fait hier.

M. Choquette: Ah oui! Je vous demande si les orientations sont déterminées à ce moment-ci. C'est tout. Je ne vous demande pas quelles . Je vous demande si c'est déterminé à ce moment-ci.

Une Voix: Oui.

M. Choquette: Si vous me dites oui, vous me dites oui. Si vous me dites non, c'est non.

M. Lalonde: Bien, écoutez! Je ne vois pas comment ça peut intéresser la commission parlementaire sur l'étude des crédits que l'orientation ait été déterminée hier ou va être déterminée demain. J'ai dit, lors d'une séance de la commission parlementaire, très franchement et très librement, que nous sommes actuellement au point de conclure... Parce que, pour déposer un projet de loi avant l'ajournement... Nous sommes au début de juin. Tout porte à croire que la session pourrait être ajournée soit à la fin de juin, soit en juillet, comme on le fait généralement. Si j'ai un projet de loi à présenter avant la fin de juin, avant l'ajournement, des orientations ont naturellement été prises. Mais lesquelles, et tout ça, ça sera déterminé, ça sera rendu public lorsque le projet de loi sera déposé.

M. Choquette: Mais supposons, par exemple, que le projet ne soit pas déposé avant l'ajournement des travaux parlementaires, ça reporte les choses à l'automne prochain. Donc, qu'advient-il de l'enquête sur le crime organisé?

M. Lalonde: C'est hypothétique, savoir. M. Choquette: C'est hypothétique, mais...

M. Lalonde: Quand même, je peux rassurer le député d'Outremont. On a montré notre volonté, depuis que je suis au ministère de la Justice, de faire face au crime organisé par une lutte intensifiée, et nous n'avons pas du tout l'intention d'arrêter.

M. Choquette: En somme, à ce moment-ci, on ne sait absolument pas à quoi s'en tenir sur le dépôt d'un tel projet de loi et l'adoption d'un tel projet de loi avant...

M. Lalonde: J'ai dit que j'ai l'intention de déposer un projet de loi avant l'ajournement. Maintenant, il faut quand même que je fasse quelques réserves. Je ne suis pas tout seul dans le gouvernement. Il y a un programme législatif et si, par hasard, par accident, malgré ma volonté, ce n'était pas présenté, je ne veux quand même pas tromper cette commission. Mais toutes choses étant normales, un projet de loi sera déposé avant l'ajournement.

M. Choquette: Est-ce que le Solliciteur général a l'intention de faire adopter ce projet de loi avant l'ajournement?

M. Lalonde: Oui, M. le Président, toutes choses étant normales. J'espérerais qu'il soit adopté justement pour procéder à la transition de la commission actuelle à la nouvelle commission.

M. Choquette: Est-ce que le Solliciteur général considère impératif non seulement de déposer un tel projet de loi, mais de le faire adopter avant l'ajournement des travaux, compte tenu que l'enquête actuelle expire au début de septembre?

M. Lalonde: L'enquête actuelle... C'est-à-dire qu'on a renouvelé le mandat du banc actuel jusqu'au 30 septembre, d'abord pour compléter les audiences qu'on a vues la semaine dernière et pour préparer son rapport. On m'avait demandé trois mois. J'ai pensé que quatre mois, ce serait un peu plus sûr. Nous l'avons prolongé jusqu'à la fin de septembre. Si, par hasard, il était impossible, pour toutes sortes de raisons, d'adopter ce projet de loi, naturellement, il n'y a aucun doute que le mandat de la Commission d'enquête sur le crime organisé serait prolongé, parce que nous croyons que la commission d'enquête a fait un excellent travail et nous ne voulons pas que son travail souffre d'une interruption qui, d'après moi, serait mauvaise et serait sûrement malvenue.

M. Choquette: Dans ces conditions, ça vou-

drait dire que l'enquête sur le crime organisé continuerait dans sa forme actuelle et que ce que nous promet le ministre comme améliorations à la lutte au crime organisé ne veut pas dire grand-chose, compte tenu qu'il est prêt à reconduire le mandat de la commission.

M. Lalonde: Cela a voulu dire passablement de choses depuis le mois d'août de l'an dernier. Vous avez été témoin de la lutte qu'on a faite aux grandes familles?

M. Choquette: La lutte que vous avez faites vous personnellement, cela voulait...

M. Lalonde: Je pense que la population, en grande majorité, est d'accord avec le gouvernement là-dessus.

M. Choquette: Je pense que l'immense majorité de la population est d'accord avec ce que l'ancien ministre de la Justice a fait. C'est bien différent.

M. Lalonde: Les tentatives de l'ancien ministre de la Justice de s'approprier le crédit sont très farfelues...

M. Choquette: Mais c'est l'ancien ministre...

M. Lalonde: ...parce qu'il était membre d'un gouvernement qui l'a quand même soutenu là-dessus.

M. Choquette: ...de la justice.

M. Lalonde: Alors, qu'il n'essaie pas de prendre le mérite.

M. Choquette: Je pense que je devrais prendre la part normale qui me revient, parce que c'est l'ancien ministre de la Justice qui a soutenu...

M. Harvey (Charlesbourg): Vous étiez dans un bon gouvernement.

M. Choquette: M. le Président, je m'oppose...

M. Harvey (Charlesbourg): Vous étiez dans un bon gouvernement, à ce moment.

M. Choquette: ...à ce qu'un imbécile nous interrompe.

M. Harvey (Charlesbourg): Un instant.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre! Je pense que ces paroles sont antiparlementaires.

M. Harvey (Charlesbourg): M. Choquette, s'il vous plaît...

Le Président (M. Brisson): Je pense que vos paroles ont sûrement dépassé votre pensée.

M. Harvey (Charlesbourg): J'aimerais que, lui, le dise.

M. Choquette: Etant donné que c'est la vérité, je pense que cela se pardonne.

M. Harvey (Charlesbourg): J'aimerais que cela soit vous qui le disiez.

Le Président (M. Brisson): Je fais appel à votre calme, à votre sérénité.

M. Harvey (Charlesbourg): Non. Un instant.

Le Président (M. Brisson): Le député de Rosemont.

M. Harvey (Charlesbourg): Non. Le député de Rosemont est un bon joueur.

M. Choquette: J'en ai assez d'entendre le député de Charlesbourg. S'il continue, je vais vous demander de le rappeler à l'ordre, M. le Président.

M. Harvey (Charlesbourg): Mais le député de Rosemont, non pas de Rosemont, mais le député d'Outremont est un bon joueur, habituellement.

M. Burns: Vous le provoquez constamment en l'appelant le député de Rosemont. Cela n'a pas de bon sens.

M. Harvey (Charlesbourg): Le député d'Outremont est un bon joueur, habituellement. Je pense que...

M. Choquette: Je suis prêt à l'être encore.

M. Harvey (Charlesbourg): ...vous avez charrié un peu.

M. Choquette: Je suis prêt à l'être encore, M. le Président, si le député de Charlesbourg me permet de continuer mon intervention.

M. Harvey (Charlesbourg): Mais vous ne retirez pas vos paroles?

Le Président (M. Brisson): Messieurs, je fais appel à votre sérénité, à votre calme et à votre intelligence.

M. Choquette: Vers la fin de la séance, si vous améliorez votre conduite, je le ferai.

Le Président (M. Brisson): S'il vous plaît!

M. Harvey (Charlesbourg): Vous n'êtes pas du tout à fait correct. De toute façon, si vous négociez ainsi, votre avenir ne m'inquiète pas. Il est déjà très bien enterré. Vous êtes un fossoyeur de votre avenir.

Le Président (M. Brisson): Le député d'Outremont a-t-il d'autres interventions?

M. Harvey (Charlesbourg): Vous êtes un fossoyeur de votre avenir politique. Vous ne me surprenez pas.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs!

M. Desjardins: M. le Président, je regrette d'intervenir là-dessus, mais je ne peux pas accepter, selon nos règlements, qu'un parlementaire taxe un collègue d'imbécile. Je crois que c'est antiparlementaire.

M. Burns: Non. Ce n'est pas vrai.

M. Desjardins: Le député d'Outremont doit retirer ses paroles.

M. Burns: Voulez-vous nous donner des précédents?

M. Harvey (Charlesbourg): II veut se payer la traite un peu.

M. Burns: II n'y a pas de problème.

M. Harvey (Charlesbourg): Quand tu es déçu, quand tu es fossoyeur...

M. Desjardins: C'est à vous à prendre la décision, M. le Président. Ce n'est pas au député de Maisonneuve.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs!

M. Harvey (Charlesbourg): II n'y a rien de trop bas pour vous.

M. Burns: Vérifiez vos origines avant de parler.

M. Harvey (Charlesbourg): Profitez-en.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs. Je pense que c'est un à un.

M. Harvey (Charlesbourg): Non. Il n'y a rien de trop bas pour vous.

Le Président (M. Brisson): Le député d'Outremont a-t-il d'autres interventions intelligentes à faire?

M. Choquette: Oui.

M. Harvey (Charlesbourg): Oh! C'était très bien, M. le Président. Je pense qu'il va se payer la traite maintenant.

M. Choquette: En réponse aux propos du Solliciteur général, je voudrais simplement dire que si cette enquête a donné des résultats, c'est largement — je ne dis pas exclusivement — à cause d'efforts qui ont été mis par l'ancien ministre de la Justice, même si je dois le dire en ma propre faveur...

M. Lalonde: Oui. Cela perd un peu de valeur, si vous comptez seulement sur vous pour recevoir des fleurs.

M. Choquette: C'est cela. Bon.

M. Lalonde: Ecoutez. Je suis prêt à vous donner du crédit.

M. Harvey (Charlesbourg): Dire qu'il a été ministre de la Justice!

M. Choquette: C'est moi qui ai pris les problèmes de la Commission d'enquête sur le crime organisé, dans le temps où elle avait énormément de difficulté à vivre, à l'époque où elle était très critiquée dans l'opinion publique et parmi les media d'information. Je l'ai soutenue par mes efforts et j'ai pris mes responsabilités à l'époque. Je ne regrette pas ce que j'ai fait. Aujourd'hui, maintenant que l'enquête a donné des résultats dont je félicite ceux qui en ont été les artisans, je n'essaie pas d'en tirer plus de crédit qu'il ne m'en appartient, mais je ne peux faire autrement que de dire que la direction que nous avons adoptée à l'époque, les mesures que nous avons prises, malgré les difficultés de mise en place, tout cela a fini par donner des résultats.

Alors, je pense que le Solliciteur général aurait tort de chercher à minimiser les efforts que j'y ai mis personnellement.

M. Lalonde: Loin de moi l'intention de minimiser les efforts de l'ancien ministre de la Justice. Je pense que tout le monde reconnaîtra son mérite, mais il aurait dû me laisser le temps de le dire.

M. Choquette: Que voulez-vous? Il fallait bien que je vous aiguillonne un peu.

M. Lalonde: C'eût été plus efficace, mais quand même. Il manque de confiance.

M. Choquette: II fallait bien que je vous aiguillonne un peu pour vous faire voir les choses dans leur perspective exacte.

Sujets divers

M. Choquette: Je voudrais demander au Solliciteur général, sur un autre sujet, s'il a considéré, depuis quelque mois, l'application du Code criminel en rapport avec des actes posés par des dirigeants syndicaux, en rapport avec certaines grèves illégales ou certains arrêts de travail illégaux qui ont eu lieu.

M. Lalonde: Oui.

M. Choquette: Je voudrais savoir ce qu'il a fait pour considérer ces situations, quelles analyses il a faites de ces situations et comment il a conclu sur les analyses qu'il a pu faire.

M. Lalonde: II n'y a pas encore de conclusion, mais tous les faits qui sont portés à notre connais-

sance sont réunis et, le cas échéant, si les faits donnent ouverture à des poursuites, il n'y a aucun doute qu'elles pourraient être prises.

M. Choquette: A quel genre de situation le Solliciteur général se réfère-t-il?

M. Lalonde: II y a tout le Code criminel. C'est très large comme situation. Il peut y avoir des provocations à commettre des actes illégaux et toutes sortes de situations qu'on a connues d'ailleurs, au Québec, dans le passé. Nous n'éliminons aucune possibilité. Il s'agit quand même de voir si les faits que nous possédons sont suffisants pour justifier des actions et c'est ce que nous sommes en train d'examiner actuellement.

M. Choquette: Autre question, M. le Président. Il en a été question, plutôt dans l'intervention du Solliciteur général. Qu'est-il advenu du service des coroners et des commissaires des incendies? Qu'a-t-il été fait dans ce domaine au point de vue administratif?

M. Lalonde: Quant aux coroners, on connaît l'existence d'une étude qui a été faite et qui a d'ailleurs fait l'objet d'une discussion lors de l'étude des crédits pour l'année précédente. Suite à cette étude, elle n'a pas été donnée formellement avant que j'arrive au ministère. Toutefois, l'esprit et même des recommandations dans cette étude pour qu'on institue la permanence dans ce secteur, comme on l'a fait dans le secteur des procureurs de la couronne, seraient sûrement désirables. Nous avons commencé à donner suite à cette recommandation. Nous nous apprêtons à nommer des coroners permanents aussitôt que nous pourrons le faire, en fonction, naturellement, des restrictions budgétaires auxquelles nous faisons face actuellement et des possibilités dans chaque région.

M. Choquette: Ces mesures ne requerraient-elles pas des amendements aux lois actuelles?

M. Lalonde: Si on devait faire une réforme complète, suite à une étude poussée, il est possible qu'on doive apporter des amendements à la Loi des coroners entre autres. J'ai parlé d'ailleurs assez récemment, devant l'Association du barreau canadien, de l'intention du gouvernement de pousser cette étude et de déterminer quelles seraient les mesures législatives qu'on devrait apporter. Actuellement, cela ne fait pas l'objet d'une décision immédiate en ce sens que nous avons d'autres priorités. Je vois dans un avenir quand même pas trop éloigné des mesures qui pourraient être prises pour améliorer le service des coroners et, au besoin, apporter les aménagements législatifs nécessaires.

M. Choquette: Pour ce qui est des améliorations ou enfin des amendements législatifs, on ne peut prévoir que de tels amendements seront apportés avant l'ajournement de nos travaux parlementaires?

M. Lalonde: Non.

M. Choquette: Quelles sont les priorités législatives du Solliciteur général?

M. Lalonde: J'ai indiqué tantôt que j'avais un projet qui est à l'étude actuellement concernant la Commission d'enquête sur le crime organisé qui va nécessiter des amendements législatifs. Il y en a un certain nombre d'autres qui pourront être apportés en même temps dans diverses lois pour améliorer les services policiers, par exemple, améliorer l'action du Conseil de sécurité à Montréal, à la Communauté urbaine de Montréal. Comme je l'ai dit tantôt, ces mesures seront déposées bientôt et le député d'Outremont et tous les autres députés, membres de cette commission, seront en mesure de voir ce que le gouvernement a l'intention d'offrir à la Chambre.

M. Choquette: Si je comprends bien, d'après la réponse du Solliciteur général, il aurait deux priorités législatives à ce moment-ci. Premièrement des amendements à la Loi de police relativement à l'enquête sur le crime organisé et deuxièmement des amendements à la Loi de la communauté urbaine de Montréal.

M. Lalonde: II y a aussi, comme d'ailleurs j'en avais parlé lors du colloque organisé par la Commission de police, il y a quelques mois, une définition plus précise de la vocation de la Commission de police et de la vocation de la direction générale de la sécurité publique, qui pourraient faire l'objet aussi de législations au même moment. C'est à peu près, actuellement, les principales mesures législatives qui devraient être apportées.

M. Choquette: Et dans quel sens le Solliciteur général voit-il une meilleure définition des vocations de la Commission de police et de la direction générale de la sécurité publique?

M. Lalonde: Dans le bon sens.

M. Choquette: Ecoutez, M. le Président. Si le Solliciteur général sait ce dont il parle...

M. Lalonde: J'ai dit au député d'Outremont tantôt qu'on est en train d'étudier cela, que des décisions vont être prises incessamment, qu'un projet de loi va être déposé. Il verra à ce moment-là ce qu'on a à dire. Ce n'est pas ici, à la commission au moment de l'étude des crédits, le temps d'examiner un projet de loi.

M. Choquette: Non, il ne s'agit pas de cela. Il s'agit simplement de demander au Solliciteur-général quelles sont ses orientations...

M. Lalonde: Nous voulons donner à la direction générale de la sécurité publique un mandat clair, un mandat précis qui va lui permettre de lever de terre. On a vu, depuis son organisation, son institution, depuis la nomination du sous-ministre

associé, une période d'implantation, une période d'organisation. Maintenant, je pense qu'il faut réellement définir... D'ailleurs, conformément aux recommandations qui ont été faites dans les écrits qu'on a vus à ce propos dans le passé, pour que la direction générale sache réellement quel est exactement son champ d'action, que la Commission de police aussi le sache et qu'on puisse travailler plus clairement dans des champs beaucoup plus précis.

M. Choquette: Et quels seront ces champs d'action respectifs?

M. Lalonde: On le verra quand on verra le projet de loi.

M. Choquette: D'après le Solliciteur général, qui a certainement des vues sur la situation actuellement, il peut quand même nous dire là ou cela requiert d'être mieux défini entre la Commission de police et la direction générale de la sécurité publique?

M. Lalonde: Oui, mais le député d'Outremont sait très bien que la Commission de police est un organisme autonome à pouvoirs normatifs surtout, pouvoir d'enquête sur les corps de police, a aussi une mission relativement à la prévention de la criminalité. Le député d'Outremont sait mieux que personne quelle était l'intention du ministère lorsque la direction générale de la sécurité publique a été instituée. Elle aussi a une vocation de prévention du crime. Il faut quand même définir plus clairement que cela n'a été fait dans le passé pour permettre à ces deux organismes de remplir pleinement leurs tâches.

M. Choquette: Est-ce que le ministre dirait qu'il y a des zones de conflits et que même des conflits se sont élevés entre la direction générale de la sécurité publique et la Commission de police?

M. Lalonde: Je ne sais pas si le député d'Outremont a été témoin de quelque fait qu'il voudrait nous rapporter?

M. Choquette: Je demande au Solliciteur général...

M. Lalonde: C'est parce que j'ai vu son clin d'oeil au député de Maisonneuve. Peut-être que c'est...

M. Burns: Ce n'est pas un clin d'oeil, M. le Président, il y a eu un signe d'intelligence entre le député d'Outremont et moi-même.

M. Lalonde: Alors, on peut voir l'intelligence dans les yeux du député d'Outremont? Point d'interrogation?

Il reste quand même que, lorsque...

M. Burns: C'est une très bonne question...

M. Lalonde: ... on institue une nouvelle direction dans un ministère comme ça, il faut définir petit à petit son champ d'action pour éviter un dédoublement d'action qui n'est pas favorable à une bonne administration de la justice.

M. Choquette: Où est ce dédoublement?

M. Lalonde: II peut être dans tous les secteurs connexes.

M. Choquette: Connexes à quoi? M. Lalonde: Connexes...

M. Choquette: Quand c'est connexe, c'est connexe par rapport à quelque chose.

M. Lalonde: Connexe chacun à leur mission. M. Choquette: Mais où?

M. Lalonde: Chacun à leur mission. Le député d'Outremont sait très bien quelle est la mission de chacun...

M. Choquette: Bien non, bien non...

M. Lalonde: C'est lui-même qui a institué la direction générale. Je suis bien prêt à éclairer cette commission. Maintenant, si le député d'Outremont veut jouer un jeu pour essayer de faire disparaître sa science...

M. Choquette: Le Solliciteur... non, non, non...

M. Lalonde: ... de l'administration de la justice en faisant appel à son expérience...

M. Choquette: Non, non... pas du tout...

M. Lalonde: ... comme ministre de la Justice pendant cinq ans...

M. Choquette: ... pas du tout...

M. Lalonde: ...je ne tomberai pas dans le panneau.

M. Choquette: Pas du tout, il ne s'agit pas de ça du tout. Parce que...

M. Lalonde: Posez des questions intelligentes, je vais donner des réponses.

M. Choquette: Oui, mais le Solliciteur général pourrait avoir des vues différentes des miennes. Mais je lui demande...

M. Lalonde: J'espère.

M. Choquette: ... souhaitons-le.

M. Lalonde: Parce que je m'aperçois que le député d'Outremont ne s'est pas rendu compte

d'un certain nombre de choses lorsqu'il pose des questions.

M. Choquette: Ah oui! Je me suis rendu compte, mais il y a un journal des Débats...

M. Lalonde: Alors, s'il a les réponses, qu'il ne pose pas les questions, qu'il donne les réponses.

M. Choquette: Non, mais il y a un journal des Débats, il y a un public, il y a des députés...

M. Lalonde: Est-ce que c'est pour le public, pour la galerie que le député d'Outremont...

M. Choquette: Non, non, M. le Président...

M. Burns: Ce n'est pas ça, c'est qu'il voulait avoir un tête-à-tête avec le ministre.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs! Je n'aimerais pas que ce soient des conflits d'intérêt personnel...

M. Burns: C'est bien simple.

M. Choquette: Pas du tout, je ne suis pas personnel du tout, je demande...

Le Président (M. Brisson): ... et je pense que c'est ça qui se dessine...

M. Choquette: ... au Solliciteur général s'il a les mêmes idées que moi ou s'il en a des différentes.

M. Harvey (Charlesbourg): II en a des meilleures.

M. Lalonde: J'espère que je n'ai pas les mêmes que vous.

M. Choquette: Ah bon! Alors, si elles sont différentes, dites-nous en quoi.

M. Harvey (Charlesbourg): C'est ça. Une Voix: Vous le verrez en temps et lieu.

M. Choquette: Je parle d'un domaine particulier, les conflits...

M. Lalonde: Cela dépend...

M. Choquette: ...ou des vocations...

M. Lalonde: Je ne sais pas quelles sont les idées du député d'Outremont, je ne le sais pas, quelles sont les idées du député d'Outremont là-dessus.

M. Choquette: Bien voyons!

M. Burns: Ce ne sont pas les idées du député d'Outremont...

M. Lalonde: ...je pose la question, quelles sont les idées...

M. Choquette: C'est vous qui m'avez mis en cause, moi, je suis...

M. Burns: C'est quoi, votre politique à vous, c'est ça qu'on veut savoir?

M. Lalonde: Ma politique est d'atteindre le degré d'efficacité le plus grand possible pour l'administration des deniers publics en ce qui concerne l'administration de la justice.

M. Choquette: Dans le domaine particulier de la direction générale et de la Commission de police.

M. Lalonde: Dans tous les domaines, y compris ceux de la direction générale et de la Commission de police.

M. Choquette: Vu qu'on est dans ce domaine particulier, je demande au ministre quelles sont les zones qui méritent clarification entre les vocations respectives de ces deux organismes?

M. Lalonde: Le député d'Outremont sait très bien que la Commission de police, avec son rôle normatif, a rendu naturellement des services très grands à la société, dans le domaine policier en particulier. Mais, par la création de la direction générale de la sécurité publique, on pouvait trouver des zones où on ne savait pas exactement lequel devait agir. Ce n'est pas bon, surtout dans le domaine de la prévention de la criminalité, dans le domaine des statistiques, que deux organismes fassent la même chose. Alors, il s'agit de bien définir lequel peut faire le travail et de le faire.

M. Choquette: Est-ce que le Solliciteur général voudrait donner à la direction générale de la sécurité publique la responsabilité sur les statistiques de la criminalité au Québec?

M. Lalonde: M. le Président, je pense que j'ai bien indiqué quelles sont les zones de préoccupation que nous avons actuellement pour donner une meilleure efficacité aux organismes dont on étudie les crédits actuellement. En ce qui concerne exactement la façon dont nous allons procéder pour déterminer les tâches de chacun, je crois qu'on devra attendre le projet de loi parce que j'ai indiqué qu'un projet de loi serait incessamment déposé en Chambre à ce sujet.

M. Choquette: Tout à l'heure, vous avez mentionné statistiques et prévention de criminalité. Moi, je veux savoir...

M. Lalonde: Quel est l'exemple que j'ai donné? On verra au moment du dépôt de la loi de quelle façon...

M. Choquette: Pour le moment, vous n'êtes pas prêt à...

M. Lalonde: ...on veut déterminer le rôle de chacun.

M. Choquette: Pour le moment, vous n'êtes pas prêt à nous dire comment vous allez clarifier les vocations respectives...

M. Lalonde: Si le projet de loi était déposé, naturellement je pourrais vous le dire.

M. Choquette: Alors, ce sont les trois priorités législatives du Solliciteur général, la CECO et la Commission de police, enfin le rôle de la CECO dans la Commission de police; deuxièmement, il nous a mentionné la clarification des responsabilités de la direction générale de la sécurité publique et de la Commission de police; troisièmement, il nous a mentionné un autre champ qu'il prévoyait pour une loi. Je pense qu'il a mentionné une autre cas qui m'échappe en ce moment.

M. Lalonde: C'est la CUM, pour...

M. Choquette: Oui. Pour le rôle du Conseil de sécurité publique.

M. Lalonde: Oui, pour améliorer la position du Conseil de sécurité dans la tâche qu'il a à faire vis-à-vis du corps policier de la Communauté urbaine de Montréal. Dans cette question-là, on verra aussi, au moment du dépôt de la loi, quels sont les aménagements qui seront apportés.

M. Choquette: Mais pour le moment, on ne peut pas savoir...

M. Lalonde: Non, on ne peut pas savoir.

M. Choquette: ... comment pense le Solliciteur général.

M. Lalonde: J'ai sûrement des intentions et des propositions, mais il n'est que juste que ces propositions trouvent leur forme dans un projet de loi déposé en Chambre, pour voir quelle est exactement la volonté du gouvernement.

M. Choquette: Bien. Merci.

Le Président (M. Brisson): L'honorable député de Maisonneuve a-t-il des questions?

M. Burns: Oui, j'ai quelques questions, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): Interventions...

M. Burns: Oui, j'ai en particulier une question, et j'aimerais que le ministre nous dise quelle est sa conception de l'utilisation de la préenquète dans des cas où véritablement — et je ne peux que citer le cas du sénateur Giguère, le cas — et je ne veux même pas en discuter comme tel — du député de Saint-Henri, l'actuel député de Saint-Henri, et le député fédéral de... M. Yanakis, en tout cas, j'oublie le nom de son comté...

Le Président (M. Birsson): C'est subjudice. Les préenquêtes

M. Burns: Oui. Je donne cela uniquement à titre d'exemple. Je ne veux pas aller au fond, je ne veux pas aller au mérite de ces causes-là. Je voudrais savoir, de la part du ministre, quelle est sa conception de l'utilisation de la préenquête dans des cas où, justement, des personnes qui sont connues sur le plan public et quelle différence il fait de cette utilisation de la préenquête, par rapport à l'utilisation habituelle de la préenquête qui, à toutes fins pratiques, est une discrétion judiciaire?

J'aimerais que le ministre nous donne sa conception de l'utilisation de la préenquête là-dessus.

M. Lalonde: II faut tout d'abord bien souligner que la préenquête est une décision du juge de paix qui reçoit la dénonciation et qui détermine, s'il y a lieu d'examiner les témoins avant d'autoriser, d'assermenter la dénonciation. Du point de vue judiciaire strictement, c'est la perspective dans laquelle se situe le problème.

Du point de vue de tradition, je pense que, si on regarde en arrière, depuis le mois d'août l'an dernier, je ne pense pas qu'il y ait eu beaucoup de préenquêtes au Québec. Je pense à une préenquête; c'est possible qu'il y en ait eu d'autres.

On me rapporte que, traditionnellement, depuis quelques années, il y a une moyenne de 20 à 30 préenquêtes par année. 80% des cas seraient des cas de policiers qui, de par la nature de leurs fonctions, peuvent être sujets à des dénonciations, soit malicieuses, soit vengeresses.

Est-ce que c'est ce qui inspire le juge de paix dans chaque cas, de faire preuve de prudence et d'examiner, ex parte et à huis clos, la preuve qui soutient la dénonciation possible? Maintenant, ce n'est pas une politique du Solliciteur général, comme ce n'était pas, je crois, une politique du ministre de la Justice, auparavant, parce que c'est une décision du juge de paix qui reçoit la dénonciation

Ce qu'on peut constater, par exemple, comme je vous l'ai dit tantôt, c'est que, dans 80% des cas, c'étaient des policiers, donc, des hommes publics. Il y a eu des avocats, des députés, des sénateurs. Il y a eu aussi des débardeurs; il y a eu des ouvriers, mais qui étaient mêlés à des événements qui ont eu un caractère de notoriété publique. Ce n'était pas nécessairement la fonction occupée par les personnes, mais le genre de situation où elles se trouvaient.

Je vous parle d'une situation qui existe depuis quelques années et que j'ai demandé à mes fonctionnaires de me décrire pour savoir exactement dans quelle perspective se situe la préenquête, lorsqu'on m'a recommandé, dans le cas de Sky Shops, d'accepter qu'il y ait une préenquête.

M. Burns: Est-ce que le ministre a changé de politique, depuis un mois à peu près, relativement à cela?

M. Lalonde: Je ne crois pas. Pourquoi?

M. Burns: C'est parce que vous ne m'avez pas répondu la même chose quand je vous ai posé la question en Chambre.

M. Lalonde: Je ne le sais pas. Est-ce un contre-interrogatoire ou un...

M. Burns: Non, écoutez...

M. Lalonde: Je n'ai pas la transcription de ce que j'ai répondu en Chambre.

M. Burns: C'était beaucoup plus difficile pour moi de vous poser la question.

M. Lalonde: Vous voulez m'accuser de vous mentir ou de...

M. Burns: Non, je veux savoir...

M. Lalonde: C'est possible que la question que vous m'avez posée en Chambre n'ait pas été posée de la même façon.

M. Burns: Je veux savoir simplement si vous avez changé d'attitude, depuis un mois, relativement à cela, parce qu'il y a un mois, vous m'avez dit que c'était une prérogative du ministère, que vous vouliez continuer à l'utiliser, etc.

M. Lalonde: La prérogative du ministère, c'est une décision judiciaire. Le procureur de la couronne a sûrement un rôle à jouer là-dedans, de le suggérer, de le demander ou, enfin, de le proposer. C'est une tradition, enfin, une habitude qui existe depuis bien avant que j'arrive. Ce n'est pas au procureur de la couronne, par exemple, de décider. La décision, lorsqu'elle est prise, elle est prise par un juge, un juge de paix.

Ensuite, la préenquête, elle est conduite par le juge. Naturellement, le procureur de la couronne, à ce moment, aide, assiste le juge en question pour présenter les témoins, pour présenter la preuve.

M. Burns: Je vais vous poser une question directe, M. le ministre. Est-ce que, vous-même, comme Solliciteur général, vous donnez mandat à vos substituts ou, si vous voulez, aux substituts du procureur général — c'est un peu bizarre comme situation — de demander une préenquête dans des cas comme celui de Sky Shops?

M. Lalonde: Non. Ce qui est arrivé, c'est que, conformément à la tradition, on m'a suggéré, dans ce cas, le seul cas où j'ai eu la suggestion, qu'il y aurait lieu qu'une suggestion soit faite, qu'une préenquête soit tenue. La demande, la suggestion...

M. Burns: Mais en vertu de quels critères?

M. Lalonde: Des critères que je vous ai donnés tantôt.

M. Burns: Non, mais dans le cas de Sky Shops, par exemple?

M. Lalonde: Ah oui! des hommes publics. C'est un homme public.

M. Burns: Est-ce qu'il y avait une enquête policière qui avait été faite dans ce cas?

M. Lalonde: Sûrement.

M. Burns: Bon. Vous savez, M. le ministre... Là, je ne veux pas vous interrompre, mais je veux tout simplement qu'on reste sur le même terrain et qu'on discute de la même chose. Vous savez fort bien, M. le ministre, que, dans les cas où il y a des préenquêtes, c'est justement pour éviter qu'un citoyen hurluberlu décide à un moment donné, par exemple, dans votre cas, de porter une plainte contre vous, qui n'a rien à faire avec vous, qui n'a rien à faire avec votre vie privée, ni quoi que ce soit. C'est cela, la préenquête.

Mais lorsque vous avez une enquête policière qui est faite, je comprends mal que le Solliciteur général utilise cela comme étant un élément de suggestion, lorsqu'il y a une enquête policière qui a été faite.

M. Lalonde: Pas nécessairement, j'essaie de me souvenir.

M. Burns: C'est cela que je voudrais que vous me déterminiez. Quels sont vos critères, eu égard à cela?

M. Lalonde: Le critère ne tient pas nécessairement compte de qui fait la dénonciation, en ce sens que... Si on prend, par exemple, le cas de Pat De Caen où une enquête avait été faite au sein du corps de police de la Communauté urbaine de Montréal. Donc, c'était une enquête policière.

M. Burns: Oui.

M. Lalonde: Une préenquête a quand même été ordonnée par le juge, parce que...

M. Burns: C'est son droit au juge.

M. Lalonde: ...parce que le policier, à ce moment...

M. Burns: Je ne me plains pas que ce soit le juge qui le fasse.

M. Lalonde: Non, mais le juge... Laissez-moi terminer, parce que c'est important.

M. Burns: On ne parle plus de la même affaire.

M. Lalonde: Parce que le policier, quand il fait son enquête, ne doit se rapporter qu'à des témoignages, même pas pris sous serment, souvent ce ne sont même pas des déclarations écrites, qu'à des dénonciations de témoins éventuels. Qu'est-ce

qui assure le juge que tel ou tel témoin va dire la même chose une fois rendu sous serment? C'est cette précaution qui...

M. Burns: L'enquête préliminaire, elle est faite pourquoi? Cela sert à quoi?

M. Lalonde: L'enquête préliminaire est faite tout à fait pour une autre fin.

M. Burns: Pour savoir s'il y a matière à procès.

M. Lalonde: Pour déterminer s'il y a matière à procès, oui.

M. Burns: Oui. Je vais vous donner ma conception, M. le ministre.

M. Lalonde: C'est inscrit dans la loi.

M. Burns: Vous allez me dire si j'ai tort. D'accord? C'est une discussion qui mérite d'être tenue, à mon avis et je ne veux pas vous la tenir en chambre.

D'ailleurs, comme je vous ai posé des questions le 27 avril dernier, c'est bien normal que le président me dise, à un moment donné: Vous charriez! Vous posez des questions qui laissent croire que vous êtes en train de contre-interroger le Solliciteur général.

Mais prenons un exemple vraiment tiré de loin. Je m'appelle Jos Bleau. Je déteste le Solliciteur général. Je déteste le député d'Outremont, peu importe, ou je déteste le député de Chauveau...

M. Choquette: De Charlesbourg.

M. Burns: De Charlesbourg, je m'excuse.

M. Choquette: Ce n'est pas possible de le détester.

M. Burns: Je décide, pour une raison qui m'est personnelle, à cause, justement, de ce phénomène que je déteste l'individu en question, moi, Jos Bleau, de me présenter devant un juge et de dire: Le Solliciteur général ou le député de Charlesbourg ou le député d'Outremont sont des receleurs, ce qui est absolument faux, soit dit en passant. Il n'y a aucune accusation là-dessus, mais ce sont des gens qui font du recel à temps plein. Bon! D'accord? Le juge qui reçoit la plainte, à ce moment-là, devant Jos Bleau, dit: Ecoutez! Quand même, vous y allez un peu fort. Avez-vous quelque chose comme... C'est ça, une préenquête...

M. Harvey (Charlesbourg): Des éléments de preuve.

M. Burns: Mais, quand vous avez une enquête policière, comme dans le cas, par exemple, de Sky Shops, qui est tenue, en principe, qui doit être crédible, là, vous avez la poursuite normale. C'est ça le but de la question que je vous posais, le 27 avril dernier. Je vous demandais: Comment le ministre peut-il concevoir la technique de la préenquête demandée par le Procureur général et non par un juge avec l'axiome qui veut qu'en matière de justice criminelle, tous les accusés sont censés, a priori, être égaux devant la loi, et avec l'axiome qui veut que la justice soit rendue de façon publique, à moins que cette façon de procéder soit contraire à l'ordre public ou à la morale? Parce qu'inévitablement, à partir du moment où vous avez une préenquête, vous avez également un drôle de phénomène qui fait que ça se fait in camera, ces choses, et vous n'avez pas l'aspect public. Ce sont deux problèmes de base qui se posent, de sorte que je me demande comment non pas le Procureur général, mais, en l'occurrence, le Solliciteur général peut se sentir libre de recommander à ses substituts de demander une préenquête dans un cas comme, par exemple, l'affaire Sky Shops, et, possiblement, justifier le fait que la Gendarmerie royale soit tellement écoeurée de la situation qu'elle porte plainte en Ontario, parce qu'en Ontario, apparemment, le Solliciteur général est moins prêt à regarder ce genre de choses avec beaucoup de synpathie?

M. Lalonde: C'est vrai qu'on me dit que, dans les autres provinces, en Ontario en particulier, on utilise moins cette institution qui est quand même inscrite dans le Code criminel. C'est une question de tradition, de mentalité? Je l'ignore. J'ai pris la situation telle qu'elle était quand je suis arrivé.

Il reste quand même, et je ne pense pas que ce soit ici le forum pour justifier la décision du juge en question dans le cas de Sky Shops. Il est vrai quand même que le juge n'avait pas, à ce moment-là, ni le Procureur de la couronne, les 20 caisses de documents qui étaient en possession de la GRC et que le juge a ordonné après coup de les faire venir.

M. Burns: Avant les 20 caisses...

M. Lalonde: Bien oui, mais il ne les avait pas les 20 caisses. Il n'avait pas la documentation. Peut-être qu'après...

M. Burns: Est-ce que vous avez déjà vu, M. le Solliciteur général, un juge, lorsqu'une plainte est portée, à la suite d'une enquête policière, dire: Amenez-moi vos 20 caisses avant que j'accepte de signer cette plainte?

M. Lalonde: On l'a vu dans le cas de Sky Shops.

M. Burns: Ce n'est pas vous autres qui avez demandé une préenquête dans ce cas?

M. Lalonde: C'est le Procureur de la couronne...

M. Burns: N'avez-vous pas donné mandat au Procureur de la couronne de la demander?

M. Lalonde: Demander, On peut le suggérer. Le Procureur de la couronne peut suggérer.

M. Burns: Je pense que ce n'est pas votre rôle. C'est ça. C'est toute la philosophie de l'affaire que je vous pose.

M. Lalonde: Je pense que, dans la fonction de Procureur de la couronne, le substitut du Procureur général, qui est quand même un officier de justice, protégé par une loi spéciale, qui lui enlève certains privilèges de citoyens et qui l'astreint à décider, dans son âme et conscience, de la meilleure façon de procéder pour une saine administration de la justice, je pense qu'à ce moment-là, le Procureur général est sûrement bienvenu d'écouter les suggestions et, le cas échéant, si elles lui semblent bien fondées, de les accepter.

Ce n'est pas le Solliciteur général et je serais surpris que dans le passé cela ait été le ministre de la Justice qui, proprio motu, parce qu'on fait appel à une tradition, c'est la première fois...

M. Burns: Dans le cas de Sky Shops...

M. Lalonde: ... dise à ses substituts de demander une préenquête.

M. Burns: ... qu'est-il arrivé?

M. Lalonde: Je vais l'expliquer. C'est le substitut du Procureur général, en charge du dossier, avec son patron le procureur chef, le sous-ministre de la Justice, le sous-ministre associé aux affaires criminelles qui, après avoir étudié la question, m'ont suggéré qu'il y aurait lieu de...

M. Burns: Vous avez donné un mandat à vos substituts.

M. Lalonde: J'ai accepté leur point de vue, après avoir posé plusieurs questions dans le sens...

M. Burns: Comment se fait-il que cela n'arrive jamais dans le cas du même Jos. Bleau de tout à l'heure? Lorsque M. Jos. Bleau en question se fait accuser de conduite dangereuse, comment cela se fait-il que vous ne le faites pas dans ce cas? Et comment cela se fait-il que le juge ne demande pas des tonnes de documents avant de dire: M. Jos. Bleau, on vous accuse de conduite dangereuse. Imaginez-vous que vous faites perdre la job à ce gars. J'ai des exemples comme ce n'est pas croyable et ce sont des cas qui arrivent quotidiennement. Y a-t-il deux systèmes de justice? Y a-t-il deux façons de l'envisager selon le revenu annuel de l'individu?

M. Lalonde: Non. Ce n'est pas une question de revenu.

M. Burns: Non. mais est-ce que c'est cela? M. Lalonde: Ce n'est pas une question de ri- chesse. J'ai dit tantôt qu'il y avait des débardeurs dont la dénonciation avait fait l'objet d'une préenquête.

M. Burns: Dans quels cas?

M. Lalonde: II faudrait que j'aie les détails ici. On m'a rapporté un cas qui a eu lieu avant que je n'arrive.

M. Burns: Vous parlez des débardeurs. M. Lalonde: Un groupe de débardeurs. M. Burns: Oui.

M. Lalonde: Un événement... Et il y a eu quelques avocats, non pas parce qu'ils sont riches, mais dont la fonction fait en sorte que, comme cela pourrait arriver au député de Maisonneuve parce qu'il est député et non pas parce qu'il s'appelle...

M. Burns: Cela m'est arrivé et il n'y a pas eu de préenquête dans mon cas, imaginez-vous donc! Je suis allé plaider ma propre cause. Correct?

M. Lalonde: Je ne sais pas quand c'est arrivé, mais...

M. Burns: Une infrastructure au Code de la route. J'ai été acquitté d'ailleurs.

M. Lalonde: Une infraction au Code de la route, c'est une autre chose. Mais les personnes dont la fonction peut provoquer des dénonciations malicieuses et dans le cas de Sky Shops... Naturellement, il y avait eu une enquête de la police.

M. Burns: Une enquête policière. M. Lalonde: Policière.

M. Burns: Je ne parle pas de dénonciations malicieuses. Je vous parle d'enquête policière.

M. Lalonde: Mais les 20 caisses de documents, par exemple, la couronne ne les avait pas eues.

M. Burns: Oui. imaginez-vous donc!

M. Lalonde: Normalement, la couronne, sauf quand il s'agit...

M. Burns: Vous pouvez porter une plainte.

M. Lalonde: Voulez-vous me permettre de terminer?

M. Burns: Oui.

M. Lalonde: Normalement, quand la couronne a l'occasion et la chance d'examiner la preuve et

de voir à ce que tout soit suffisant, à ce moment, il n'y a pas autant besoin... Enfin, le juge ne voit le besoin, j'imagine...

M. Burns: Pour vous, une préenquête, c'est pour examiner la preuve. C'est cela?

M. Lalonde: Non, mais c'est un élément dont on peut...

M. Burns: A quoi sert une préenquête? M. Lalonde: ... tenir compte.

M. Burns: C'est ce que j'aimerais savoir. Qu'est-ce que c'est une préenquête? A quoi cela sert-il?

M. Lalonde: C'est pour s'assurer du sérieux de la plainte.

M. Burns: Bon. Quand la police porte une plainte, ce n'est pas sérieux, il faut une enquête.

M. Lalonde: Cela peut ne pas être sérieux si la police ne s'en rapporte qu'à des témoignages de gens qui auraient intérêt, par exemple, à nuire à une personne publique, non pas parce que la police est intermédiaire entre les deux, que cela assure l'authenticité des témoignages. Maintenant, le juge... Je comprends que cela se fait ex parte, cela se fait in camera et...

M. Burns: ... sans publicité. M. Lalonde: ... sans publicité. M. Burns: C'est cela.

M. Lalonde: Mais, il y a une conclusion qui est publique à un certain moment. Ou bien il y a une plainte, ou il n'y en a pas. Dans le cas de policiers, il est arrivé à quelques reprises qu'il n'y a pas eu de plainte. Dans d'autres cas, il y en a eu. Dans un certain cas, une avocate, dont je me souviens, il y a vait eu une préenquête; il y a eu une plainte et elle a été acquittée. Donc, la préenquête ne signifie pas qu'elle est coupable. C'est simplement afin de prouver le sérieux de la chose. C'était une avocate, peut-être qu'elle...

M. Burns: Dans le cas des 34 grévistes de la United Aircraft, y a-t-il eu une préenquête là-dedans?

M. Lalonde: II peut y avoir aussi, naturellement, un conflit.

M. Burns: Non, mais je vous pose la question.

M. Lalonde: J'y répondrai tantôt. Je ne crois pas qu'il y en ait eu une.

M. Burns: Moi, je vous dis qu'il n'y en a pas eu.

M. Lalonde: II n'y en a pas eu II peut y avoir aussi un conflit entre les parties en question, soit, comme dans le cas de Sky Shops, pour savoir si on devrait porter une plainte de conspiration ou de l'acte "substantif", à ce moment-là, entre les procureurs de la couronne et la police; c'était le cas dans Sky Shops.

M. Burns: Ce n'est pas fait pour cela, une préenquête.

M. Choquette: Mais, après l'enquête préliminaire, le juge peut toujours ajouter des chefs d'accusation.

M. Burns: C'est cela. Il peut ajouter des chefs, il peut même dire à la personne: je m'excuse...

M. Lalonde: C'est tout cela mis ensemble.

M. Burns: ... on vous a traîné devant les tribunaux inutilement. Il n'y a pas de matière à procès, allez-vous en chez vous, monsieur, avec notre bénédiction.

M. Lalonde: Je pense que, dans le cas de personnes...

M. Burns: C'est cela que je veux savoir, c'est quoi, les critères?

M. Lalonde: ... dont la fonction, pas parce qu'ils sont riches, pas nécessairement parce qu'ils sont sénateurs ou députés, mais dont la fonction peut attirer des témoignages malicieux, vengeurs, à ce moment-là, je pense que je ne suis pas contre cela, la préenquête. Je pense que cela fait partie de tout le mécanisme d'une saine administration de la Justice.

M. Burns: Yvon Dupuis, lorsqu'il a été traîné devant les tribunaux, il y a quelques années, à la suite d'un problème de piste de courses dont il a été acquitté et honorablement, soit dit en passant, c'est cela qui est grave... Avez-vous fait une préenquête dans ce cas-là? Je vous pose la question. Non, mais je veux dire, vous nous parlez de continuité.

M. Lalonde: vous nous parlez d'un fait de dix ans, quoi?

M. Burns: Cela remonte à 1960, je ne sais pas. M. Lalonde: Seinze ans, donc.

M. Choquette: Je pense que le procureur de la couronne était l'actuel ministre de l'éducation, il pourrait nous parler de la cause en connaissance de cause.

M. Lalonde: Je ne connais pas la cause.

M. Burns: Vous me parlez de précédents, on va remonter aussi loin...

M. Lalonde: Vous pouvez me citer des milliers de causes où il n'y a pas eu de préenquête. D'accord. Je vous ai dit qu'il y en avait une trentaine par année sur les milliers de causes qu'on prend à Montréal.

M. Burns: Oui, je vais vous parler des dommages, entre autres, qui sont causés aux travailleurs de la United Aircraft, actuellement, que vous assiégez littéralement à coups d'appels, même s'il y a des acquittements. C'est drôle que, dans ce cas, vous n'avez même pas pensé à faire une préenquête. Il y a du monde là-dedans qui n'est pas capable de travailler à cause de vous, M. le ministre.

M. Lalonde: Ecoutez, il ne faut pas charrier.

M. Burns: Oui, c'est cela. A cause de votre ministère, d'accord.

M. Lalonde: Si, à ce moment-là, le procureur de la couronne...

M. Burns: On va se parler franchement.

M. Lalonde: Le procureur de la couronne, à ce moment-là, qui n'a quand même pas d'intérêt ni d'un côté, ni de l'autre, sauf de servir la justice, a cru bon de ne pas suggérer de préenquête pour toutes sortes de raisons. Il n'y en a pas eu. L'opinion du procureur de la couronne...

M. Burns: Ce qui à mon avis est tout à fait normal.

M. Lalonde: ... est très importante là-dedans.

M. Burns: C'est tout à fait normal. C'est une discrétion judiciaire, l'utilisation de la préenquête. Je ne comprends pas en vertu de quoi le Solliciteur général ou le procureur général, mettons cela avant et après la réforme en question, peu importe, en vertu de quoi, c'est une initiative qui vient directement du ministère. C'est cela que je ne comprends pas. Depuis tout à l'heure, je cherche un critère objectif...

M. Lalonde: Ecoutez.

M. Burns: Qui puisse m'assurer qu'il n'y a pas deux systèmes de justice au Québec.

M. Lalonde: II n'y a rien qui défend à un juge de paix qui reçoit une dénonciation...

M. Burns: C'est tout à fait sont droit. Je l'admets.

M. Lalonde: ... d'accepter ou de refuser une suggestion ou même d'inviter une suggestion...

M. Burns: Mais, ce n'est pas l'initiative de votre ministère.

M. Lalonde: ... ou même de le faire sans suggestion.

M. Burns: Oui.

M. Lalonde: Mais c'est vrai que, dans certains cas, la suggestion est faite par le substitut du procureur général. En fait, on me dit que c'est comme cela que cela se fait depuis longtemps.

M. Choquette: Juste une question, si vous me permettez, collègue, de vous interrompre. Dans l'affaire de Sky Shops, quels étaient les motifs de conflits entre la police et !a couronne, parce que vous nous avez mentionné cela tout à l'heure? Je voudrais savoir les motifs de conflits.

M. Lalonde: Je les ai donnés tantôt. M. Choquette: Non, mais pas les motifs.

M. Lalonde: Je vais vous donner des faits. La police avait des tas de documents et on en a pas eu. On a eu seulement une espèce de mémoire, des précis plus ou moins complet, qui n'a pas satisfait notre procureur de la couronne. De là sa conclusion qu'il ne pouvait conclure d'une façon précise.

Alors, de là, probablement sa conclusion qu'on devrait avoir une préenquête...

M. Choquette: Pas du tout, parce que la préenquête qui a été ordonnée est intervenue seulement après que les plaintes ont été portées en Ontario.

M. Burns: C'est cela.

M. Choquette: C'est complètement faux ce que vous dites.

M. Lalonde: Un instant là, M. le Président, le député d'Outremont s'écarte. Il s'égare.

M. Burns: Non.

M. Choquette: Je ne m'écarte pas du tout. C'est que...

M. Lalonde: II parle en ignorance totale. Et, à part cela, il aurait dû écouter ce que j'ai dit en réponse à des questions dans des entrevues. Depuis une semaine — et je l'ai dit en Chambre et je vous en donnerai la transcription s'il le faut — on était prêt à porter la dénonciation, et c'est seulement à partir de ce moment-là que la différence d'opinion a été exprimée et nous avons attendu, espérant pouvoir convaincre le corps policier en question du bien-fondé de notre position. C'est allé jusqu'au ministère de la Justice à Ottawa, parce qu'il s'agissait d'un corps policier qui relevait de l'autorité fédérale. Tout à coup, alors que nous attendions la conclusion de ces rencontres qu'il y avait au niveau fédéral, où notre point de vue était expliqué et étudié, hors de la connaissance même des gens du ministère fédéral de la Justice, hors de notre connaissance, évidemment, les représentants de la GRC sont allés déposer une plainte à Ottawa. Alors, ce n'est pas après. Oui, chronologiquement après, mais nous étions prêts avant.

M. Choquette: Donc, vous avez...

M. Lalonde: Ce n'est pas parce qu'un corps policier a décidé de prendre ne main l'administration de la justice que nous allions nous faire charrier ici. C'est pour cela que...

M. Choquette: Je connais cela et cela ne m'impressionne pas.

M. Lalonde: Laissez faire, moi aussi, je connais cela. C'est pour cela que nous avons décidé qu'ici au Québec ce n'était pas comme cela que se faisait la justice.

M. Choquette: Mais ce que je veux savoir et ce que je veux clarifier avec le ministre, et je n'essaie pas de tendre des pièges ou quoi que ce soit, ce que je veux savoir, c'est si la divergence à l'origine portait sur la nature de l'accusation à déposer ou portait sur la tenue d'une préenquête qui d'ailleurs fut ordonnée après qu'on eut porté des accusations en province d'Ontario.

M. Lalonde: Cela portait sur la nature de la plainte à porter et nos procureurs de la couronne étaient d'avis que, pour toutes les raisons que j'ai mentionnées tantôt, il était désirable de tenir une préenquête.

M. Choquette: Cela portait sur les deux là-bas. Sur la nature de la plainte.

M. Lalonde: Pour déterminer la plainte. Alors, la GRC n'était pas d'accord avec cette façon de procéder et elle a refusé de signer la plainte.

M. Choquette: Donc, cela portait sur deux questions, la plainte, l'accusation, et cela portait sur l'opportunité de tenir une préenquête. Est-ce que c'est cela?

M. Lalonde: Elles sont reliées toutes les deux.

M. Choquette: Laissez faire que ce soit relié ou non. Je veux savoir si l'idée de préenquête a surgi seulement après qu'on eut déposé des plaintes.

M. Lalonde: Non, avant, la semaine précédente.

M. Choquette: Avant.

M. Lalonde: La semaine précédente. C'est justement ce qui a été un des...

M. Burns: Est-ce que vous avez des dates précises là-dessus.

M. Lalonde: Je les ai données en Chambre.

M. Burns: Non, vous ne les avez pas données en Chambre.

M. Lalonde: Je les ai données en Chambre.

M. Burns: Non, je m'excuse. C'est moi qui vous ai posé une question là-dessus. Justement, je n'étais pas satisfait de votre réponse. J'ai dit: On reviendra...

M. Lalonde: Je les ai peut-être données à une conférence de presse. En tout cas, je n'ai pas les dates ici, mais je pourrais vous les trouver. Je sais que c'était une semaine exactement de différence.

M. Burns: Est-ce que vous vous souvenez de la date de i'ordonnance de la préenquête dans le cas de Sky Shops?

M. Lalonde: Nous étions, d'après le calendrier que je peux voir — je peux me tromper, je peux faire erreur d'une journée ou deux — le 13 avril. C'était en avril, le 13, on était prêt. Même le représentant de la GRC avait contribué, avait assisté le procureur de la couronne, M. Tarasofsky, pour rédiger la plainte, la dénonciation, et là, il a refusé de la signer. On a attendu une semaine. Il faut dire qu'il y a une grande fin de semaine entre les deux...

M. Choquette: Oui, mais...

M. Lalonde: Laissez-moi terminer. Il y avait un congé, un lundi et, le vendredi, il a été déterminé que, le mardi, il serait à Ottawa pour examiner ça avec les représentants du ministère de la Justice. C'est le mardi après-midi, je crois, hors de la connaissance de tout le monde, qu'ils ont déposé sans nous le dire. Le mercredi, nous avons décidé de continuer les démarches que nous avions déterminées, dont nous espérions persuader la GRC du bien-fondé. Mais, n'ayant pu le faire, nous avons simplement décidé de le faire à ce moment-là, une semaine après le moment où nous étions prêts à le faire.

M. Choquette: Quant à la nature de la plainte à porter, je comprends qu'il y a eu divergence là aussi, en plus de l'opportunité de tenir une préenquête, à ce que nous a dit le ministre. La divergence, d'après ce que j'ai compris, d'après des réponses antérieures du ministre, était de savoir si on devait porter une accusation de conspiration ou si on devait porter une accusation d'offense substantive, c'est ça?

M. Lalonde: Oui, et contre... Là, je voudrais quand même faire appel au jugement des membres de cette commission sur le danger de s'impliquer davantage dans une cause qui est devant un juge actuellement. Je ne voudrais pas entrer...

M. Burns: On ne va pas au fond.

M. Choquette: On ne va pas au fond...

M. Lalonde: On touche un peu à la suffisance de la preuve et des choses comme ça.

M. Choquette: Pas la suffisance, pas la preuve, je demande si la divergence portait...

M. Lalonde: Si la divergence pouvait porter... M. Choquette: Bon, défendez-vous sur ça.

Le Président (M. Brisson): II ne faudrait pas que des questions...

M. Choquette: On connaît ça, connaît ça.

M. Burns: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: Depuis le début, le député d'Outremont et moi-même ne posons pas de questions qui puissent être préjudiciables, je vous le soumets bien humblement et bien respectueusement, M. le Président, à quelque personne que ce soit, impliquée dans ces causes-là.

Le Président (M. Brisson): Jusqu'à maintenant, d'accord.

M. Burns: Ce que nous demandons actuellement au Solliciteur général, ce sont des comptes sur la façon — c'est le rôle d'une commission parlementaire qui examine les crédits— dans un cas particulier et à cause d'une certaine philosophie qui doit, à mon avis, présider à une certaine façon de porter des plaintes et surtout à une certaine conception de l'administration de la justice. C'est là-dessus uniquement, je pense que le député d'Outremont n'a pas outrepassé ça, moi non plus, en tout cas, si je le fais, M. le Président dites-le moi, je vais marrêter tout de suite, tout de suite, je vais me fier à vous, je n'ai pas du tout l'intention...

Le Président (M. Brisson): Non, mais c'est parce que...

M. Burns: ... de causer préjudice à qui que ce soit.

M. Lalonde: Je suis d'accord avec le député de Maisonneuve, ses questions ont porté pas mal sur la question de la philosophie. Mais le député d'Outremont me pose des questions qui, pour mériter une réponse complète, pourraient m'amener à parler soit de la suffisance de preuve ou d'un élément qui est important aussi.

M. Choquette: Non, c'est vous-même qui m'avez dit qu'il y avait eu divergence sur la nature de la plainte à porter. Ce n'est pas moi qui ai dit ça. Ne me faites pas porter vos responsabilités.

M. Lalonde: C'est parce qu'on parle d'un cas spécifique qui est devant les tribunaux quand même. Le député d'Outremont doit quand même comprendre qu'on est sur un terrain délicat.

M. Choquette: Je veux juste...

M. Lalonde: Sur la philosophie générale, le député de Maisonneuve a posé des questions. Je lui ai expliqué les vues que j'ai héritées, en grande partie, d'une certaine tradition. Si le député d'Outremont veut me poser des questions là-dessus, d'accord.

M. Burns: Le 29 mars, M. le ministre, si vous me permettez, M. le député d'Outremont, le 29 mars 1976, ça vous dit quelque chose, dans l'affaire Sky Shops?

Est-ce que ce ne serait pas la date où le dossier de la GRC a été remis?

M. Lalonde: Peut-être pas la date où il a été remis, mais la date que portait le premier précis, le seul en fait, que la GRC a remis à Me Tarasofsky, à sa demande; il le demandait depuis plusieurs semaines, et c'est quelques jours plus tard, le 13 avril, c'est ça que j'ai dit?

M. Burns: Oui, tout à l'heure, mais je vous parlerais du 20 avril qui est une autre date importante.

M. Lalonde: Enfin, vous parlerez de cette date, si vous voulez, mais c'est quelques jours plus tard, pour prouver que nos procureurs de la couronne ne se sont pas traîné les pieds là-dessus, la première fois qu'il y avait un précis énonçant ce que la GRC croyait être les éléments pertinents, et c'est quelques jours plus tard, au maximum deux semaines, qu'il a été prêt à procéder là-dessus.

M. Burns: Si je vous partais du 29 mars et que je vous disais qu'il y a une autre date importante qui s'appelle le 20 avril, est-ce qu'entre ces deux dates, il y a eu des échanges verbaux ou écrits entre le Solliciteur général ou ses représentants et la GRC?

M. Lalonde: Représentants, sûrement, parce que le 13 avril, c'est la date où Me Tarasofsky était prêt à déposer la plainte et où le conflit a éclaté, en fait, entre le représentant de ia GRC, M. Stamlar et Me Tarasofsky.

Mais avant, je crois que c'est avant cette date, donc avant le 13, que le procureur de la couronne, Me Girouard et son patron, M. Tremblay, le sous-ministre de la Justice, sous-ministre associé des affaires criminelles, m'avaient indiqué que c'était la marche à suivre désirable, avant le 13, parce que le 13, ils étaient censés la déposer.

Il y a eu un écart d'une semaine à cause du conflit qu'on voulait voir résoudre après s'être expliqué, pour démontrer le bien-fondé de notre point de vue et c'est le 20 avril que la plainte a... Le mardi, est-ce que c'est... C'est soit le 19 ou le 20, en tout cas, que la plainte... C'est un mardi après-midi, si je me souviens bien, que la plainte a été déposée à Ottawa. Le lendemain, la plainte était déposée à Montréal et la préenquêie a été ordonnée.

M. Choquette: Qui a déposé la plainte à Montréal?

M. Lalonde: Un officier de la Sûreté du Québec.

M. Choquette: Comment a-t-il pu jurer de la véracité?

M. Lalonde: II a pris connaissance des éléments de la preuve qui lui avaient été...

M. Choquette: Oui, mais vous n'aviez pas de document?

M. Lalonde: A même le précis et tout ce que le procureur de la couronne connaissait de l'affaire.

M. Choquette: Et il a pu jurer qu'il était croya-blement informé...

M. Lalonde: II était informé croyablement par le procureur de la couronne qui avait quand même les documents — pas tous, pas les 20 caisses — qui avaient été. jusqu'à ce moment-là, transmis par la GRC.

M. Choquette: Et cet officier de police, c'était la première fois qu'il était, en somme, saisi de ces faits-là, pour pouvoir porter une plainte?

M. Lalonde: Je ne sais pas s'il avait été informé quelques jours avant, je ne le sais pas.

M. Choquette: Mais est-ce qu'il avait été impliqué dans l'enquête?

M. Lalonde: Non. !l avait été croyablement informé par le...

M. Burns: II n'avait pas les caisses de documents?

M. Choquette: II prend un officier de police qui porte une plainte basée sur ce qu'un procureur de la couronne lui dit?

M. Lalonde: Et les documents qui sont à sa disposition.

M. Choquette: II n'y avait pas de document à ce moment-la.

M. Lalonde: Mais les documents que le procureur de la couronne avait.

M. Choquette: Un certain précis... M. Lalonde: Le précis.

M. Choquette: ... d'après ce que vous nous avez dit.

M. Lalonde: Oui.

M. Choquette: Vous êtes satisfait de cette façon d'administrer la justice?

M. Lalonde: Je ne sais pas si... Je ne pense pas que ce soit une façon courante de procéder. Généralement, c'est le policier qui est en charge de l'enquête qui fait la dénonciation.

Dans certaines juridictions, c'est le procureur de la couronne qui, lui-même est croyablement informé, à l'extérieur du Québec, par les officiers de police. Là, c'était l'officier de police qui était croyablement informé par le procureur de la couronne.

Je ne pense pas que cela devrait être une procédure courante.

M. Choquette: Je demande une autre question au Solliciteur général. Qu'est-ce qui arrive si les accusés sont condamnés ou sont acquittés en Ontario, relativement à la plainte qui est portée dans le Québec et qui fait double emploi?

M. Lalonde: Naturellement, il ne peut pas y avoir double emploi. S'il y a une condamnation en Ontario, à ce moment-là, pour la même... C'est assez hypothétique. On peut converser comme cela sur...

M. Choquette: il y a nécessairement double emploi.

M. Lalonde: Pas nécessairement. Le double emploi commence seulement au moment d'une condamnation.

M. Choquette: Oui, mais il y a nécessairement double emploi.

M. Lalonde: Pas maintenant.

M. Choquette: Puisqu'ils vont être inévitablement acquittés ou condamnés.

M. Lalonde: Oui, mais...

M. Choquette: Dans un cas. il y a autrefois acquit ' et une autre fois il y a autrefois "convict".

M. Lalonde: Oui, mais à ce moment-là, il n'y a pas double emploi, parce que là, on ne peut pas procéder.

M. Choquette: Mais écoutez. Est-ce que, d après vous, c'est correct de soumettre des gens, des justiciables, à des accusations multiples dans différentes juridictions et les faire répondre pour les mêmes actes que vous présumez coupables? Est-ce que d'après vous, c'est une bonne administration de la justice?

M. Burns: Et quels qu'ils soient, ces justiciables.

M. Choquette: Et quels qu'ils soient, ces gens-là?

M. Lalonde: Ce n'est pas une pratique désirable. Mais, dans ce cas-ci, je pense que c est dû à la conduite de la GRC que je trouve inacceptable.

Depuis ce temps-là, nous avons eu des conversations avec la direction de la GRC et je crois que ce genre de situation ne se représentera pas.

Je sais que c'est exceptionnel et je l'ai déploré. Nous allons ...

M. Choquette: Oui, mais...

M. Lalonde: ... faire tout le nécessaire pour que cette situation ne soit pas préjudiciable naturellement aux accusés.

M. Choquette: Ces gens sont obligés de retenir des avocats dans les deux juridictions. Ils sont obligés de faire des voyages pour se rendre dans les deux palais de justice. Ils sont obligés de répondre aux mêmes accusations, en substance.

M. Lalonde: Le problème, c'est que, encore là, il faudrait que j'entre dans les détails de la preuve qui est devant les tribunaux actuellement pour répondre... Je m'excuse. J'aimerais bien une discussion de juristes. J'ai fait quand même...

M. Choquette: Si le ministre m'a dit qu'il ne veut pas répondre...

M. Lalonde: Je ne veux pas enlever ma responsabilité là-dedans; je l'assume entièrement. J'ai eu quand même des conseillers spéciaux là-dessus. Il faudrait que j'aille dans les éléments de preuve qui ont eu lieu en Ontario versus Québec dont il faut aussi tenir compte.

M. Choquette: Compte tenu de ce qu'une accusation avait été portée en Ontario, avant l'accusation portée dans le Québec, est-ce que le Solliciteur général n'a pas considéré, à ce moment, qu'il était peut-être aussi bien de laisser la justice onta-rienne suivre son cours?

M. Lalonde: Non, je pense qu'il était bon que la justice québécoise suive son cours, comme nous avions l'intention de le faire.

M. Choquette: Pourquoi?

M. Lalonde: Nous avions suggéré une préenquête sur une dénonciation de l"'acte substantif" qui est différent à tout point de vue de la conspiration qui avait été déposée à Ottawa. Je comprends que c'était en relation avec le même acte, mais je crois que lorsqu'on peut éventuellement — je ne veux pas préjuger, soit de la préenquête ou de tout résultat de procédure — abstraitement, avoir l'"acte substantif", c'est préférable de la conspiration.

M. Choquette: C'est la même chose.

M. Lalonde: Comme saine administration de la justice, c'est mieux.

M. Choquette: C'est la même chose, M. le Président.

M. Lalonde: Les condamnations, c'est différent.

M. Choquette: J'ai des opinions complètement différentes de celles du Solliciteur général. Que quelqu'un soit tenu coupable de conspiration...

M. Lalonde: Au niveau de la condamnation, ce n'est pas la même chose.

M. Choquette:... quelle est la différence? Bien oui, c'est la même chose.

M. Lalonde: Les éléments de preuve aussi, ce n'est pas la même chose.

M. Choquette: A part cela, n'oubliez pas une chose. Advenant une condamnation en Ontario, qu'est-ce qu'il arrive des procédures dans le Québec? Est-ce que tous ces efforts n'ont pas été inutiles?

M. Lalonde: C'est une question hypothétique, M. le Président. On pourrait s'étendre, je ne sais pas combien de temps là-dessus, advenant ceci, advenant cela. J'ai dit que nous avons pris nos responsabilités là-dessus et nous allons les prendre en tenant compte des développements qui peuvent survenir.

M. Choquette: Moi, si vous me demandez mon opinion, je trouve que vous les avez mal prises, que vous les avez...

M. Lalonde: Je ne vous demande pas votre opinion.

M. Choquette: Je la donne.

M. Lalonde: Probablement que vous auriez pris la même décision que moi, à ce moment.

M. Choquette: Probablement que non, M. le Président. Mais, je dis ceci...

M. Lalonde: C'est facile à dire de l'arrière, de l'arrière-banc.

M. Choquette: Non. M. le Président, j'ai pris d'autres décisions et j'ai été obligé de les défendre. Donc, je m'attends que le ministre actuel va être capable de défendre les siennes.

M. Lalonde: J'ai pris mes responsabilités et je pense que c'est pour la...

M. Choquette: Mais je demande...

M. Lalonde: ... meilleure administration de la justice, et aussi, en affirmant très clairement la juridiction du Québec dans l'administration de la justice.

M. Choquette: Cela a été là le facteur primordial...

M. Lalonde: Non.

M. Choquette: ... qui vous a amené à faire déposer...

M. Lalonde: Est-ce que le député d'Outremont trouve que ce n'est pas important l'administration de la justice?

M. Choquette: Un instant! Cela a été le facteur primordial...

M. Lalonde: Non.

M. Choquette: ... qui vous a poussé à amener un officier de police de la Sûreté du Québec, qui n'était pas familier avec ce dossier, à déposer une plainte et faire étudier une autre cause dans le Québec, alors que...

M. Lalonde: Tout...

M. Choquette: ... vous saviez pertinemment bien qu'il y avait une accusation au même effet, ou à peu près, en Ontario.

M. Lalonde: M. le Président, je trouve le député d'Outremont... Je cherche un qualificatif pas trop dur...

M. Choquette: Perspicace.

M. Lalonde: ... parce qu'il sait très bien que je ne peux pas répondre à ce genre de question sans entrer dans des éléments...

M. Choquette: ...

M. Lalonde: Non, sans entrer dans certains éléments. Naturellement, c'est facile de son côté, il n'a plus de responsabilité. Je fais appel à son sens des responsabilités pour qu'il voit que je ne veux pas le suivre sur ce terrain, justement, parce que je prends mes responsabilités. Je ne veux pas faire de déclarations qui pourraient préjudicier aux choses qui sont devant le tribunal actuellement, parce qu'il me parle d'un cas spécifique. S'il avait suivi la même attitude, la même façon d'aborder la question que celle du député de Maisonneuve, on aurait pu parler plus largement sur la philosophie, à savoir si c'est bon ou si ce n'est pas bon, si on devrait rejeter cela.

Là, on est rendu dans une cause qui est quand même... Je comprends qu'il n'y a pas encore de plainte.

M. Choquette: Vous n'aimez pas parler de choses concrètes, d'après ce que je vois.

M. Lalonde: Je ne sais pas. Je pense que, dans le concret, M. le Président, je pourrais me mesurer au député d'Outremont assez facilement.

M. Choquette: De choses concrètes dans l'administration...

M. Lalonde: Oui, des choses concrètes, mais ça me surprend que le député d'Outremont, après avoir passé cinq ans à la Justice, ne se rende pas compte qu'on peut faire des déclarations qui peuvent nuire à l'administration de la justice dans des causes qui sont devant les juges.

M. Choquette: Nous ne parlons pas du tout...

M. Lalonde: Non, mais je fais appel à son sens de la justice.

M. Choquette: Vous faites appel à la meilleure partie de moi-même, et je suis prêt à suivre le Solliciteur général et à lui concéder toutes les occasions de ne pas répondre à ces questions si ça peut affecter l'issue de causes qui sont actuellement devant les tribunaux.

M. Lalonde: Je pense que je suis allé au maximum de ce que je peux dire.

M. Choquette: Donc, je dis simplement qu'actuellement, nous en sommes restés au processus décisionnel qui a amené le ministère de la Justice à procéder d'une certaine façon. C'est tout ce que nous avons cherché à explorer, le député de Maisonneuve et moi. Je pense que ça n'engage d'aucune façon le résultat éventuel de ces causes...

M. Lalonde: Jusqu'à maintenant...

M. Choquette: ... sauf que je dis ceci: J'indique au Solliciteur général qu'il y a actuellement des accusations devant des tribunaux qui font double emploi, les unes par rapport aux autres.

M. Lalonde: Seulement, le double emploi — ça me surprend que l'ancien ministre de la Justice ne le sache pas — n'existe que lorsqu'il y a une condamnation, et c'est l'opinion des experts en droit criminel.

M. Choquette: Je pose la question suivante dans un cas parfaitement hypothétique...

M. Lalonde: Ce doit être considéré seulement s'il y avait une condamnation ou un acquittement.

M. Choquette: ... au Solliciteur général. Non! Mais je pose la question suivante au Solliciteur général. Supposons, par exemple, qu'il serait question de porter une accusation contre un monsieur accusé dans le district de Québec. Est-ce qu'il tolérerait que, simultanément, on porte une accusation de conspiration dans le district de Montréal? Il dirait: C'est absurde! C'est le même raisonnement qui s'applique dans le cas actuel.

M. Lalonde: Mais dans 10 000 cas sur 10 001, c'est ça qui se passe, voyons donc!

M. Choquette: II faut que ça...

M. Lalonde: Je sais que c'est une situation

exceptionnelle, indésirable, qu'on n'a pas recherchée...

M. Choquette: Le Solliciteur général...

M. Lalonde: Non, laissez-moi terminer! ...mais, quand même, devant cet événement, il fallait prendre nos responsabilités. Nous avons pris nos responsabilités pour la meilleure administration de la justice.

M. Choquette: Parce que ce qui vous a préoccupé, c'était, comme vous nous l'avez dit plus tôt, de montrer que la justice québécoise ne serait pas en retard sur la justice ontarienne.

M. Lalonde: Non, ce n'est pas ça du tout. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que c'est notre responsabilité d'administrer la justice criminelle au Québec, et il 'allait quand même prendre nos responsabilités. Nous l'avons fait.

Le Président (M. Brisson): Messieurs, je constate que nous siégeons depuis dix heures ce matin. Il serait peut-être temps de demander l'ajournement, si les membres sont d'accord?

Des Voix: On est d'accord.

Le Président (M. Brisson): La commission ajournerait ses travaux sine die?

M. Lalonde: Sine die, oui.

Le Président (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 3)

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