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Commission permanente de la justice
Etude du projet de loi no 41
Séance du jeudi 12 août 1976
(Dix heures treize minutes)
M. Cornellier (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs! La commission de la justice reprend ce
matin l'étude du projet de loi no 41, Loi modifiant la Loi de police, la
Loi des commissions d'enquête et d'autres dispositions
législatives. Tel que mentionné à l'ajournement d'hier
soir, le premier organisme à se faire entendre ce matin sera
l'Association de bienfaisance et de retraite des policiers de Montréal.
J'invite donc ses représentants à prendre place au centre de la
table.
Association de bienfaisance et de retraite des
policiers de Montréal
M. Legault (Claude): M. le Président, mon nom est Claude
Legault. Je suis président de l'Association de bienfaisance et de
retraite des policiers de Montréal.
Le Président (M. Cornellier): M. Legault, pourriez-vous
vous déplacer d'une chaise, s'il vous plaît, afin que tous les
membres de la commission puissent bien vous voir?
M. Legault: Je suis accompagné ce matin de M. Roy et de M.
DeCaen, deux administrateurs de la caisse de retraite. Nous sommes
principalement intéressés par l'article 60 du projet de loi no
41. La seule remarque que nous voudrions vous faire, c'est que nous nous
trouvons satisfaits de la façon dont l'article est rédigé
actuellement. Egalement, nous pouvons vous dire que nous avons l'autorisation
du président de la Fraternité des policiers de Montréal,
de la CUM, qui, lui également, se déclare satisfait de cet
article.
Je voudrais, par contre, vous dire que, si jamais, au cours des
débats de cette commission parlementaire, des gens désiraient y
apporter quelque modification que ce soit, à ce moment-là, nous
aimerions être réentendus afin de pouvoir discuter en profondeur
des changements qui pourraient y être apportés. Nous voudrions
également, M. le ministre, vous soumettre une demande concernant
l'article 358 de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal.
Nous aimerions que le dernier paragraphe de l'article 358, se lise: L'article
358 de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal est
modifié en remplaçant le dernier paragraphe par: "Le
présent article s'applique aux policiers de la communauté
urbaine."
La raison de ceci est qu'à l'époque, en 1971, devant
l'incertitude où se trouvaient les policiers de la communauté
urbaine en matière de caisse de retraite, avait été
ajouté un paragraphe pour que les policiers soient exclus des
possibilités de transférabilité de caisse de retraite,
c'est-à-dire d'une caisse de retraite du gouvernement du Canada, de la
province de Québec ou d'autres caisses de la communauté
urbaine.
Aujourd hui, quoique le règlement ne soit pas encore au point au
stade où sont rendues les négociations nous pouvons dire que cet
article serait seulement limitatif et enlèverait un droit aux policiers
qui voudraient, pour une raison quelconque, retourner travailler à la
Communauté urbaine dans un autre service que celui de la police. Donc
nous vous demandons si c'était possible, lors de cette étude du
projet de loi 41, de faire cette modification. Je peux vous dire que j'en ai
discuté avec les intéressés, soit la Communauté
urbaine de Montréal et le Conseil de sécurité, et que tout
le monde se trouve d'accord sur cette demande que je vous fais ce matin.
M. Lalonde: M. Legault, je vous remercie de votre intervention.
Malheureusement, comme vous le voyez, les compliments sont beaucoup plus courts
que les autres remarques; alors, je vous remercie de vous être
déclaré satisfait de l'article 60. C'était d'ailleurs
à la demande de l'ABRPM en bonne partie que cet article avait
été fait. En ce qui concerne votre dernière demande, je
vous remercie de m'en avoir parlé aussi; je pense que vous avez
consulté les officiers du ministère, hier. Il semble que cela ne
crée aucun problème. Nous allons l'examiner. Probablement en
troisième lecture, lors de l'étude article par article, nous
pourrons examiner un amendement dans ce sens.
M. Legault: Je vous remercie, M. le ministre.
M. Burns: Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir copie de cet
amendement que vous suggérez?
M. Legault: Oui, sûrement, je vous en ferai parvenir une
copie tantôt. Merci, M. le Président, c'est tout.
Le Président (M. Cornellier): Messieurs, je voudrais
corriger un oubli que j'ai fait à l'ouverture de la séance. J'ai
mentionné quelques changements dans la liste des noms des membres de la
commission. M. Côté (Matane) remplace M. Bienvenue
(Crémazie); M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Ciaccia
(Mont-Royal); M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. Levesque (Bonaventure); M.
Caron (Verdun) remplace M. Springate (Sainte-Anne). J'inviterais maintenant les
représentants de la Fraternité des policiers de la CUM à
venir faire leurs représentations.
Fraternité des policiers de la CUM
M. Masse (Gilles): M. le Président, messieurs les membres
de la commission, mon nom est Gilles Masse, président de la
Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de
Montréal.
Je suis accompagné, à ma gauche, de Gilbert
Côté, qui est responsable de la discipline dans le
même syndicat, et, à ma droite, de Pierre Lenoir, qui est
le vice-président de la même fraternité.
En débutant, j'aimerais vous remercier de I occasion que vous
nous donnez de participer à I élaboration des lois. Je voudrais
vous dire que la Fraternité des policiers est en accord avec une
très grande majorité des articles qui sont proposés dans
le projet de loi no 41. et particulièrement avec l'article 60 qui a
laissé plusieurs personnes songeuses d après ce qu'on entend:
alors, je tiens à profiter du moment pour vous dire que la
Fraternité des policiers est complètement d'accord avec l'article
60. c'est-à-dire de remettre à ' ABRPM tous les pouvoirs de
négociation du fonds de pension pour les policiers de la CUM.
Nous n'avons que quelques petits points à soulever concernant ce
projet de loi. Le premier se situe à l'article 9 où on peut lire
un amendement à l'article 17 de la Loi de police: Le
lieutenant-gouverneur en conseil peut, si les circonstances l'exigent, adopter
des règlements sur les sujets visés dans le présent
article.
Or, l'article 17 vise un certain nombre de sujets dont, entre autres,
les codes de déontologie et de discipline pour les policiers et les
fonctions que les policiers peuvent accomplir à I intérieur de
leur corps de police. La fraternité considère que la Commission
de police, étant un organisme neutre qui a été mis en
place pour assurer une certaine cohérence sur le plan de l'organisation
et de l'administration de tous les corps policiers du Québec, devrait
avoir seule le pouvoir de déterminer ces fonctions.
A l'article 18, on constate que le lieutenant-gouverneur en conseil a un
droit de veto sur les décisions de la Commission de police. Maintenant,
avec cet amendement qui est ajouté à l'article 17. on constate
que le lieutenant-gouverneur en conseil se donne le pouvoir de
réglementer
Nous considérons que, de façon très
hypothétique, il peut s'agir là d un danger pour I'autonomie des
corps de police et que ce droit de réglementation devrait continuer d
être déterminé par la Commission de police avec un droit de
veto par le lieutenant-gouverneur en conseil afin de respecter ce principe qui
nous vient de Boston Tea Party "no taxation without representation".
Deuxième point que nous voudrions soulever, c est à I
article 36 où on constate qu'"à la demande du
lieutenant-gouverneur en conseil il dirige et on parle du bureau de
recherche sur la criminalité du Québec et coordonne les
enquêtes policières menées dans le cadre d'une
enquête visée dans l'article 20 de la Loi des commissions
d'enquête". Or, la fraternité considère qu'on limite ici la
possibilité et la responsabilité des commissaires qui auront
à faire des enquêtes spéciales telles que
déterminées par (article 20 de la loi. On ne voit pas pourquoi le
lieutenant-gouverneur en conseil aurait le pouvoir de demander cela. En fait,
le BRQCO ne pourrait que diriger et coordonner les enquêtes
policières qui lui sont demandées par le lieutenant-gouverneur en
conseil.
Or, on considère qu'une commission d'enquête
spéciale, qui est un outil spécial, devrait avoir tous les
pouvoirs de coordonner et de diriger elle-même son enquête, si
jamais le lieutenant-gouverneur en conseil décide qu'il y a une
enquête à faire dans ce domaine.
L'autre point que nous aimerions soulever est à l'article 42
où on reporte dans la loi l'article 20 concernant les commissions
d'enquête. On reporte dans cette loi un article de la loi de la
Commission de police qui se lit comme suit: La présente section ne
s'applique qu'à une enquête sur les activités d une
organisation ou d'un réseau, ses ramifications et les personnes qui y
concourent, ordonnée par le lieutenant-gouverneur en conseil lorsqu'il a
des raisons de croire que dans la lutte contre le crime organisé, le
terrorisme ou la subversion il est de I intérêt public de tenir
une telle enquête."
Cette loi avait été adoptée en premier en 1971.
La fraternité considère que les commissions
d'enquête sont un outil excessivement dangereux pour la démocratie
et qu'en fait elles vont à I encontre de l'esprit de notre
système juridique fondé sur la common law". Ces commissions d
enquête doivent avoir lieu exclusivement dans des circonstances des plus
exceptionnelles. Il n y a pas lieu, présentement, de craindre, dans le
contexte social actuel, des problèmes de terrorisme ou de subversion qui
pourraient impliquer qu'une enquête spéciale soit faite sur ce
domaine.
Dans le domaine du crime organisé, je pense qu'il est assez clair
qu une enquête est importante et nécessaire. Par contre, dans le
domaine du terrorisme et de la subversion le domaine de la subversion
est pratiquement indéfini dans nos lois la fraternité
considère que ce pouvoir de déterminer une enquête sur le
sujet devrait être exclusif à I Assemblée nationale et non
pas au lieutenant-gouverneur en conseil, que ce ne soit que pour enlever une
certaine crainte de danger pour la démocratie politique dans l'esprit de
certaines gens.
Autre point que nous aimerions soulever dans l'article 42. Les
commissaires peuvent, sur autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil et
suivant les modalités et conditions qu'il prescrit, établir pour
la durée d'une enquête un bureau de recherche multidisciplinaire
en vue de mener à bonne fin l'exécution de leur mandat. Or, dans
le même sens que tout à l'heure, la fraternité
considère que les commissaires devraient avoir toute la latitude pour
déterminer eux-mêmes s ils ont besoin d'un bureau de recherche
multidisciplinaire pendant la durée de leur enquête.
Comme dernier point, il s'agit de I'article 53. où on peut lire
que le Conseil de sécurité peut recommander à la
communauté urbaine I adoption d un règlement concernant la
déontologie et la discipline des policiers de la communauté et
visant ". etc.
La fraternité considère que cet article n'est pas assez
rigoureux et qu au lieu de permettre, par les mots le Conseil de
sécurité peut recommander à la Communauté urbaine
l'adoption d'un code de déontologie ". l'article devrait se lire: "Le
Conseil de sécurité doit... "
Je dois vous dire que les policiers de la Communauté urbaine, en
plus d'essayer de trouver où est le patron pour négocier, ont un
problème, c'est qu'ils n'ont pas de code de discipline depuis un certain
temps. Nous avons pas mal hâte d'avoir un code de discipline afin de
savoir ce qu'on peut taire et ce qu'on ne peut pas faire.
De plus, nous croyons que la communauté devrait avoir
l'obligation d'accepter et de réglementer automatiquement le code de
discipline qui serait proposé par le Conseil de sécurité.
On est dans une situation où, possiblement toujours
hypothétiquement la Communauté urbaine pourrait, d'une
façon indirecte, amender ce code de discipline en le laissant sur la
tablette, pour employer une expression très connue, en disant au Conseil
de sécurité: On n'adopte pas votre code tout de suite parce qu'il
y a un article qui ne fait pas notre affaire. A un moment donné, le
Conseil de sécurité pourrait changer cet article.
Or, on considère qu'on devrait obliger le Conseil de
sécurité à présenter un code de discipline dans les
plus brefs délais et la communauté urbaine à l'adopter
d'une façon systématique.
Messieurs, je vous remercie. Ce sont, grosso modo, les seules remarques
que la fraternité a à faire. Je tiens à vous dire que sur
le contenu du petit document que je vous ai présenté,
l'exécutif de la Fraternité des policiers est unanime. C'est
à l'unanimité qu'on vous présente ce document.
Le Président (M. Cornellier): L honorable Solliciteur
général.
M. Lalonde: Je remercie M. Masse et ses collègues de la
fraternité. Si vous voulez, on peut repasser un à un les points
que vous avez soulevés.
Tout d'abord, à l'article 9, vous contestez l'opportunité
de donner au lieutenant-gouverneur en conseil l'initiative de la
réglementation. Vous savez qu'aujourd'hui, comme vous l'avez
décrit, d'ailleurs, c'est la Commission de police qui a l'initiative de
préparer les règlements, mais qu'ils ne sont adoptés
qu'avec l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil qui n'a pas, dans la
loi, le pouvoir de les amender.
Cela peut créer une espèce de goulot d'étranglement
au niveau de la réglementation, à savoir que, si une disposition
ou quelques dispositions du règlement ne paraissent pas acceptables au
lieutenant-gouverneur en conseil, à ce moment, il faut tout rejeter.
Dans les faits, ce n'est pas comme cela que cela se passe. Naturellement, il y
a consultation avec la Commission de police, mais il reste que cela peut
créer une certaine lenteur sur le processus d'adoption des
règlements.
Deuxièmement, les priorités de la Commission de police ne
sont pas nécessairement celles du gouvernement. Vous l'avez dit, la
Commission de police est un organisme autonome et est habilitée à
établir ses propres priorités. Il peut arriver en pratique que
des priorités différentes ou des urgences différentes
apparaissent au gouvernement.
Troisièmement, le pouvoir de réglementation est
normalement dévolu au lieutenant-gouverneur en conseil. Ce n'est pas
exceptionnel que le lieutenant-gouverneur en conseil ait le pouvoir
d'initiative des règlements. Je pense même que c'est la
règle générale. Dans les cas particuliers où nous
avons des situations où nous avons besoin d'expertise, à ce
moment, que l'initiative ou la consultation d'un organisme expert soit
prévue, il n'y a pas de mal à cela, mais que l'initiative ne soit
qu'à un organisme indépendant du gouvernement et qui doit
conserver son indépendance... Il peut arriver que le fait de gouverner
ne soit pas conforme aux principes quand même fondamentaux de notre
démocratie, à savoir que la responsabilité demeure quand
même au gouvernement de poser des gestes pour le bien de la population et
ne peut pas être sur les épaules d'un organisme
indépendant.
Je vous livre tous ces points pour vous donner l'esprit dans lequel cet
amendement a été proposé dans le projet de loi no 41. Ceci
permettrait, par exemple, de laisser à la Commission de police le soin
de continuer la préparation de ses règlements suivant les
priorités qu'elle s est données de façon
indépendante, autonome, sans intervention du gouvernement, strictement
en vertu de ses propres préoccupations, de sa propre connaissance du
milieu, et aussi au gouvernement éventuellement de faire face à
une situation inattendue et de prendre l'initiative d'un règlement. Les
inquiétudes que vous exprimez sont peut-être en principe
possibles, oui, à savoir: Est-ce qu'à ce moment le gouvernement
se trouverait à légiférer de façon indirecte,
à rencontre de ce que fait, dans le même temps, la commission de
police?
Je ne pense pas que ce soit ni dans l'intérêt du
gouvernement, ni dans l'intérêt de ses clientèles
particulières, qui est la fonction policière; je ne pense pas que
ce soit le cas. Je pense qu'un gouvernement qui le ferait travaillerait contre
lui-même. Il faut quand même compter un peu sur la cohérence
fondamentale de nos gens en place.
M. Masse (Gilles): C'est toujours, M. le ministre, dans un esprit
très hypothétique que nous avons fait toutes les remarques qui
sont contenues dans ce document. C'est dans un esprit d'efficacité que
vous avez introduit cet article dans la loi. Comme vous le dites si bien, c'est
ordinairement le lieutenant-gouverneur en conseil qui réglemente. Par
contre, on a fait des exceptions dans le domaine de la justice, et c'est notre
appareil judiciaire, où il y a danger pour la liberté des
citoyens, ou il y a danger pour la justice. A ce moment-là, l'appareil
judiciaire, on l'a toujours laissé complètement neutre et avec
tous les pouvoirs.
Je pense aux conséquences que cela peut avoir. Effectivement, la
responsabilité gouvernementale est toujours là, mais quand il
s'agit de justice je pense aux pouvoirs des tribunaux il y a
possibilité que des juges, qui sont là dans le domaine de la
justice, obligent le gouvernement à dépenser l'argent de la
population selon l'interprétation qu'ils vont donner de la loi. Comme
exemple de cela, je pense au jugement de la Cour su-
prême aux Etats-Unis qui a obligé le gouvernement à
laisser les Noirs aller dans les écoles avec les Blancs; cela a
amené des dépenses incroyables pour le gouvernement
américain et tout le système du "busing". C'est une
décision qui a eu des implications économiques très
grandes, décision qui a eu des implications politiques aussi très
grandes. C'est l'appareil judiciaire qui avait le pouvoir exclusif de
déterminer cela. C'est dans ce sens où il y a danger pour la
liberté des citoyens, où il y a danger d'ingérence
politique dans l'opération policière. C'est dans cet esprit que
la Commission de police a été constituée, afin de
dépolitiser la police au niveau municipal. Un amendement comme ça
dans la loi peut laisser croire qu'il y a possibilité qu'on repolitise
la police, mais à ce moment-là à un autre niveau
gouvernemental, c'est-à-dire au niveau du provincial.
M. Lalonde: Oui, mais je pense qu'il faut quand même faire
la distinction entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir réglementaire.
Je ne pense pas qu'on puisse assimiler le fait pour le gouvernement de
réglementer, qui est prévu par la loi, à une
opération du pouvoir judiciaire. Il n'y a pas de doute que le pouvoir
judiciaire doit conserver son indépendance et il le fait dans le
quotidien.
M. Masse (Gilles): Prenons un exemple très extrême
que je pourrais...
M. Lalonde: Si vous voulez me laisser terminer.
M. Masse (Gilles): Oui.
M. Lalonde: Lorsque vous parlez d'ingérence politique
possible, il faut quand même reconnaître que le pouvoir de
réglementation ne rejoint pas l'aspect de l'opération
policière; c'est simplement le pouvoir de réglementer sur
certains aspects. L'opération elle-même n'est pas du tout
touchée par ce pouvoir.
M. Masse (Gilles): Bon. Voici où il y a une
possibilité. Je vous donne un exemple extrême. L'article 17 donne
le pouvoir à la Commission de police de déterminer les fonctions
des policiers.
Or, le lieutenant-gouverneur en conseil pourrait déterminer qu'il
n'est pas de la fonction des policiers d'enquêter ou de former une
escouade qui s'occuperait de la corruption politique, par exemple.
M. Lalonde: A ce moment-là, je pense bien que ce
gouvernement-là se ferait battre pas longtemps après.
M. Masse (Gilles): Ah! bien là, c'est une autre
question.
M. Lalonde: Bien oui, mais il y a quand même la
responsabilité qu'il faut considérer. Le gouvernement, même
s'il est formé d'hommes politiques, reste quand même responsable
envers la popula- tion et mesure ses gestes en fonction de cette
responsabilité-là. Je pense bien que le pouvoir de
réglementation d'un gouvernement, quel qu'il soit, ne peut pas
être assimilé tout d'abord au pouvoir judiciaire parce que, dans
le cas qui nous occupe, il réglemente sur une fonction policière
et, deuxièmement, ne peut pas atteindre l'opération quotidienne
qui est l'endroit où on déplorait tellement d'ingérence
politique autrefois et que l'avènement de la Commission de police et de
tous les règlements qui ont été appliqués depuis ce
temps ont quand même réussi à éliminer en grande
partie.
M. Masse (Gilles): Disons que notre comportement s'explique
peut-être par les problèmes que nous avons à la police de
la Communauté urbaine de Montréal où nous constatons que
l'organisation policière peut être passablement perturbée
à la suite de décisions qui sont plus politiques que
d'organisation policière. C'est dans ce sens...
M. Lalonde: Alors ce serait surtout... Oui.
M. Masse (Gilles): ... que nous sommes plutôt...
M. Lalonde: Alors ce serait surtout au niveau de la fonction
policière que vous craignez. Est-ce qu'il y a d'autres secteurs
particuliers?
M. Masse (Gilles): De la fonction aussi et la
détermination des grades.
M. Lalonde: Détermination des grades.
M. Masse (Gilles): Ce sont deux points qui nous touchent
particulièrement et que nous considérons comme dangereux.
Le Président (M. Cornellier): Sur ce même article,
le député de Johnson.
M. Bellemare (Johnson): Je suis sûr, M. le ministre, que la
Commission de police a dû être consultée sur cet article en
particulier et elle a dû donner son assentiment.
M. Lalonde: Oui, naturellement la Commission de police je
ne peux pas dire la Commission de police comme telle, je ne sais pas si cela
fait l'objet d'une étude au niveau de la commission comme telle
mais le président a sûrement été consulté. Je
ne veux pas non plus invoquer l'assentiment ou la désapprobation
hypothétique du président d'un organisme touché par un
projet de loi comme cela pour en prouver le bien-fondé ou non. Vous
mettez à ce moment-là un fonctionnaire, un haut fonctionnaire
dans une situation, une position difficile où il ne peut pas se
défendre.
M. Bellemare (Johnson): A cause des arguments invoqués ce
matin. Sans révéler le pour ou le contre de la décision
qui a pu être rendue, la consultation qui a pu être faite, il n'y a
pas eu de la part de la Commission de police des avis par
exemple qui ont été donnés, ou des restrictions qui
ont été fournies au ministre dans la préparation du texte
de cet article.
M. Lalonde: Le président de la Commission de police
je présume qu'il a consulté lui-même sa commission nous a
sûrement donné son avis sur divers aspects, pas seulement
celui-là.
Il nous a fait des suggestions, ce qui se fait quotidiennement avec les
organismes des ministères impliqués dans la préparation
d'un projet de loi. Mais c'est assez difficile, comme je vous le dis,
d'invoquer ou de prendre à témoin un fonctionnaire, si haut
fonctionnaire soit-il. parce que cela le met dans une position qui n'est pas
juste à son égard. Il n'est pas sur la tribune pour se
défendre, faire des représentations ou plaider. Alors, je pense
qu'il serait difficile pour moi de me laisser entraîner par le
député de Johnson sur ce terrain.
M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas du tout cela. Ce n est pas
un piège.
M. Lalonde: Non, non, mais quand même.
M. Bellemare (Johnson): Mais il a été dit tout
à l'heure par le représentant de la fraternité qu'il n'y
avait jamais eu, je pense, dans l'application de la politique de la justice de
dérogation quant à la réglementation. On a dit tout
à I'heure qu'il y a eu des dérogations ailleurs au point de vue
de la réglementation qui est faite par le lieutenant-gouverneur en
conseil, mais que, dans la justice, on ouvrirait peut-être une porte, une
nouvelle facette à cette réglementation si on répondait au
voeu qui a été exprimé ce matin. Est-ce que ce ne seraient
pas des précédents que l'on établirait?
M. Lalonde: Je ne sais pas si je saisis bien la remarque du
député de Johnson. Maintenant, s'il se réfère
à ce que M. Masse a dit plus tôt; pour dire que ce serait un
précédent ici où le lieutenant-gouverneur, en
matière de justice ou, enfin, en ce qui concerne le ministère de
la Justice, aurait l'initiative de réglementation, je ne pense pas que
ce soit ce qu'il a dit.
M. Masse (Gilles): Non, non. ce n est pas ce que j'ai dit.
M. Lalonde: Parce que cela n est sûrement pas un
précédent.
M. Masse (Gilles): Avant l'existence de la Commission de police,
il y avait cela.
M. Lalonde: Tout d'abord et maintenant vous avez la Commission de
contrôle des permis d'alcool, la Commission des loyers où le
lieutenant-gouverneur a une initiative de réglementation comme celle que
l'on propose actuellement. C'est assez exceptionnel, en fait, la situation
actuelle où un organisme indépendant a l'initiative de la
réglementation.
M. Burns: Là, je partage les inquiétudes de la
fraternité parce que, dans le fond, ramenons-nous à l'aide de
base et à l'origine de la Commission de police. Sauf erreur, la
Commission de police a été mise sur pied pour agir un peu comme
ce tampon entre le pouvoir politique et les divers corps de police
affectés. Si je me trompe, bien dites-le tout de suite, mais je ne le
pense pas.
M. Lalonde: Vous ne faites pas erreur, mais je voudrais faire la
distinction suivante: C'était surtout M. Masse pourra me corriger
si je fais erreur aussi entre le pouvoir municipal et non pas le pouvoir
provincial.
M. Burns: C'est la même chose, à mon avis: c'est le
même argument qu'on peut avancer pour soutenir ce tampon entre le pouvoir
politique municipal et les corps de police municipaux et le pouvoir politique
provincial et les autres corps de police en général. Cela n'a
l'air de rien, mais, à mon avis, le petit paragraphe qu'on ajoute
à la fin, c'est tout simplement une loi spéciale permanente que
vous faites. C'est-à-dire que. lorsque les circonstances, au dire du
lieutenant-gouverneur en conseil, s'y prêteront, vous pouvez
réglementer sur tous les sujets qui concernent l'article 17 de la Loi de
police. Moi. je pense, au contraire, qu'avec ce tampon tel qu'il est
actuellement et avec la valeur qu'il a en tout cas, la Commission de
police, comme institution, a cette valeur de tampon, à mon avis
le lieutenant-gouverneur en conseil devrait faire l'impossible pour ne pas se
servir de cela de sorte que, s'il veut vraiment s'en servir, il faille
procéder par une loi éventuellement et que ce soit
l'Assemblée nationale.
Je rejoins les préoccupations de M. Masse là-dessus: ces
pouvoirs sont des pouvoirs qui devraient être exposés en public,
et non pas une simple réglementation qui se fait en catimini au Conseil
des ministres.
M. Bellemare (Johnson): Ma question a été
posée au début à savoir si la Commission de police avait
été consultée, parce qu'on la soustrait à une de
ses obligations.
M. Lalonde: C est-à-dire qu'elle conserve
l'initiative.
M. Bellemare (Johnson): Oui. oui. d accord.
M. Lalonde: Mais elle la partage avec le
lieutenant-gouverneur.
M. Bellemare (Johnson): Mais c est comme dit l'article, si les
circonstances l'exigent. C'est important parce qu'à la Commission de
police, comme dit le député de Maisonneuve, il a sûrement
été prévu dans sa loi ce que vous lui enlevez maintenant.
Vous ne le lui enlevez pas, mais vous vous retenez un pouvoir extraordinaire de
plus, par-dessus la Commission de police. Le député de
Maisonneuve a parfaitement raison: je pense qu'il y a certaines
inquiétudes à y avoir. C'est le droit à la liberté
que vous attaquez dans le fond: la liberté d'abord de la décision
de la Commission de police
et la liberté des individus qui. dans deux cas particuliers,
comme je dis dans les grades et dans l'autre cas...
M. Burns: Déterminer les fonctions qui doivent être
exercées et les grades qui peuvent être
décernés...
M. Lalonde: Oui. oui.
M. Burns: Je veux dire, si jamais le lieutenant-gouverneur en
conseil décide d'intervenir là-dessus, c'est absolument
incroyable, on peut passer par-dessus peut-être des choses que vous
aurez, vous, de la fraternité ou les autres syndicats de policiers,
négociées avec vos employeurs respectifs. Je trouve que c'est
exactement cela qu'on appelle une loi spéciale. C est un pouvoir
absolument occulte, c est-à-dire que personne ne va publiquement devoir
en prendre connaissance parce que c'est un geste administratif que le
gouvernement pose.
M. Lalonde: Mais je pense qu'il faut quand même corriger.
Dans les faits les règlements jusqu'à maintenant proposés
par la Commission de police, même si ce n'était pas exigé
par la loi, ont toujours été...
M. Burns: Soumis.
M. Lalonde: ... soumis et sont publiés dans la Gazette
officielle.
M. Burns: D'accord, bien oui.
M. Lalonde: Et donc soumis au public. Là, I'espèce
de petite patente occulte du député de Maisonneuve en prend pour
son rhume.
M. Burns: Non, mais je vous dis ceci, la décision va se
prendre où? Elle va se prendre dans le secret, vous savez que je ne
charrie pas quand je dis le secret, elle va se prendre dans le secret du
Conseil des ministres. Vous-même, le Solliciteur général,
ne pouvez pas me dévoiler, même si nous étions bien amis,
malgré que nous ne sommes pas des ennemis non plus, mais...
M. Lalonde: Simplement...
M. Burns: Vous ne pourriez pas, autour d'un verre de bière
avec moi, me dévoiler les secrets du Conseil des ministres, et c'est
à ce point-là
M. Lalonde: Tous les règlements qui sont adoptés
par le lieutenant-gouverneur en conseil, je n'en connais pas le nombre, mais je
pourrais dire qu'il y a plusieurs centaines de dispositions
légales...
M. Burns: Mais oui. mais...
M. Lalonde: ...et je crois que le lieutenant-gouverneur en
conseil peut adopter des règle- ments. A ce moment-là, il en a
l'initiative. Dans la très grande majorité des cas. c est la
règle. Alors, le fait que ce soit adopté au Conseil des
ministres, qui, d autre part, est assujetti à la règle de la
confidentialité, n'a pas pour effet de lui donner un caractère
ombrageux...
M. Burns: Non, non, mais écoutez, comprenez-moi, c'est que
je pense qu'à l'origine la Loi de police qui a été
adoptée sagement, d'ailleurs, sous l'Union Nationale à
l'époque prévoyait justement ce tampon pourquoi?
Parce qu'il s'est posé des problèmes d intervention
politique au niveau surtout municipal, je I'admets. Mais on a prévu cet
organisme justement et on lui a donné des pouvoirs extraordinaires,
lesquels, je I admets, habituellement sont entre les mains du
lieutenant-gouverneur en conseil, c est-à-dire du cabinet des ministres.
Il s'agit d'un domaine tellement délicat, si on peut dire,
c'est-à-dire un des rouages importants de l'administration de la
justice. Tout à l'heure, vous repreniez M. Masse là-dessus en
disant: Ecoutez, ce n est pas l'appareil judiciaire. La police n'est pas
I'appareil judiciaire, mais c'est un rouage tellement important de
I'administration de la police. C est quand même ce rouage qui met en
application des lois que nous votons, que les organismes municipaux mettent de
lavant. C est justement pour se protéger et surtout pour garder la
crédibilité des corps de police qu on tente d éloigner la
politique de cela. C'est l'idée de base de la Commission de police. Je
dis que. si les circonstances spéciales exigeaient que le
lieutenant-gouverneur en conseil, c est-à-dire le cabinet des ministres
doive adopter des règlements qui sont actuellement du ressort de la
Commission de police, c est assez important, cette intervention, que cela
devrait se faire à I'Assemblée nationale. Donc, il faudrait que
vous amendiez carrément la loi pour le faire spécifiquement. C
est ce que je dis.
M. Bellemare (Johnson): Je vous repose ma question, M. le
ministre. La Commission de police a-t-elle été
consultée?
M. Lalonde: Je vous ai dit tantôt quelle a
été consultée...
M. Bellemare (Johnson): Non. vous ne m'avez rien dit.
M. Lalonde: ... sur tous les articles.
M. Bellemare (Johnson): Vous ne m'avez pas dit s'il y avait eu
une dissidence.
M. Lalonde: Cela, non, je ne vous l'ai pas dit.
M. Bellemare (Johnson): Vous ne m'avez pas dit. non plus, si cela
avait été bien accepté. C'était là mon
piège.
M. Lalonde: Je ne peux pas sonder les reins et les coeurs.
Je savais qu'il en avait un, le député de Johnson.
M. Masse (Gilles): En fait. M. le ministre, ce qui a
préoccupé la fraternité, à la lecture quand on a
constaté l'addition de ce paragraphe dans la loi, c'est qu'on s'est
demandé pourquoi, après avoir institué une Commission de
police pour dépolitiser la police et lui donner un très grand
nombre de pouvoirs, et le lieutenant-gouverneur se gardant, par l'article 18,
un droit de veto ce qui est très bien, ce sur quoi nous sommes en
parfait accord à un moment donné, aujourd'hui, on change
complètement l'esprit de cette loi qui était: Vous
réglementez, et on se garde un droit de veto. Maintenant, on change
l'esprit de la loi et on dit: Vous réglementez, on se garde un droit de
veto et, en plus de cela, on peut réglementer d'une façon
permanente.
M. Lalonde: Bien.
M. Masse (Gilles): C'est dans ce sens qu'est notre
intervention.
M. Lalonde: Ma réponse, je l'ai donnée tantôt
et je vais la donner dans une autre forme. Etant donné, quand
même, l'aspect assez exceptionnel de cette façon de
procéder, de cette façon de réglementer, cela a
réduit de beaucoup la responsabilité du gouvernement comme telle
dans un secteur qui est extrêmement important. Si, par hypothèse,
la Commission de police décidait de ne plus préparer de
règlements... Par hypothèse... C'est quand même exact
qu'une commission, un organisme indépendant comme cela ne peut pas
recevoir d'ordres. Il n'est pas question de faire d'intervention politique.
M. Bums: Vous ferez une loi à ce moment.
M. Lalonde: Si, par hypothèse ce n est pas du tout
la réalité la Commission de police décide que le
règlement concernant les normes d'admission, c'est le no 6 dans ses
priorités et qu'il y a cinq autres priorités. Or, nous, nous
croyons qu'il est urgent de changer les règlements pour permettre
l'admission des femmes dans la police, par exemple. Va-t-on devoir attendre que
la Commission de police arrive au no 6? C'est encore une hypothèse, ce
n'est pas comme cela que c'est arrivé. Je prends cet exemple justement
parce que c'est arrivé autrement dans le cas du règlement no 7.
Cela enlève un pouvoir au gouvernement qui est, lui, responsable
à la population. La Commission de police c'est fait comme cela
n'a pas de responsabilités vis-à-vis de la population. De
là à confier à une commission, à un organisme
indépendant que ce soit à la Commission de police ou
à un autre tellement de responsabilités qui, normalement,
devraient peut-être revenir au gouvernement, parce qu'il est responsable
vis-à-vis la population, parce qu'il va voir régulièrement
la population pour se faire juger... Il ne faut pas, non plus, jouer à
l'autruche et dire: On confie toutes nos responsabilités à des
organismes indépendants et, ensuite...
C'est pour cela que je pense, sans porter un jugement sur le geste du
gouvernement qui a adopté la loi à ce moment-là
probablement que cela paraissait une excellente idée qu'il y a
lieu de récupérer ce pouvoir normal non pas en l'enlevant
complètement à la Commission de police, l'expertise est
là. Dans les faits, ce qu'il va arriver, c'est que si jamais le
gouvernement dit qu'il voit une urgence à adopter tel règlement
et qu'après consultation à la Commission de police on
s'aperçoit que. pour la Commission de police, ce n'est pas tellement une
urgence pour toutes sortes de raisons, question d'effectif, question de budget,
tout ce que vous voulez, à ce moment-là il y a une consultation
quand même qui peut être faite entre la Commission de police et les
services du ministère de la Justice qui préparent le
règlement de toute façon.
M. Burns: M. le Président, dans le fond, sur les principes
de base, on ne s'obstine pas. Sur les principes de base, que le gouvernement,
comme représentant de l'ensemble des citoyens du Québec, dans
l'intérêt public, dans l'intérêt
général des citoyens du Québec, doive et se sente
obligé d'intervenir, il n'y a pas de chicane là-dessus. Tout le
monde est d'accord là-dessus. Ce serait prôner l'anarchie que de
tenter de soulever une thèse opposée à celle-là. Ce
qu'on vous dit, cependant, c'est que l'idée de base moi, en tout
cas, j'y crois très sincèrement de dépolitiser les
corps policiers se retrouve dans la loi par l'existence d'une Commission de
police. Les membres de la Commission de police ne sont pas des hommes
politiques, ne sont pas des gens qui doivent la permanence de leurs fonctions
à une réélection. C'est bon que ce soit comme cela.
Si, vraiment, une bonne journée, vous sentez
nécessairement, du côté gouvernemental, que vous avez
l'obligation de prendre une position qui n'est pas assumée par les
fonctions normales de la Commission de police et disons que, par impossible
presque, la Commission de police refuse systématiquement de se
préoccuper d'un certain nombre de problèmes qui sont
prévus à l'article 17, je dis que, le cas échéant,
c'est quelque chose le gouvernement qui a I appareil législatif entre
les mains, on le sait, vous faites assez de lois spéciales et de lois
matraques contre les travailleurs qui font des grèves légales,
vous le faites assez souvent et assez régulièrement qu'on sait
que vous avez cet appareil législatif entre les mains vous le
ferez et vous le ferez publiquement, vous porterez les conséquences
publiques de ces gestes.
Ce que je ne veux pas, personnellement en tout cas, quand on
étudiera le texte article par article, je vous dis que je serai
férocement contre ce sont toutes ces intrusions du
lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire du cabinet des ministres,
répétons-le on ne le dira jamais assez souvent dans
l'administration de la Loi de police. Vous le ferez publiquement et vous aurez,
à ce moment-là, à vous justifier publique-
ment et non pas dans le secret du cabinet, publié ou non dans la
Gazette officielle. Cela ne me dérange pas du tout. Parce que,
publié dans la Gazette officielle après que cela ait
été décidé, vous savez, on a beau crier, il n'y a
pas grand-chose à faire là.
M. Lalonde: On m'a mal compris. Il est publié, en fait,
avant d'être adopté.
M. Burns: Avant ou après, cela ne dérange rien.
M. Lalonde: Avant d'être adopté, c'est
publié.
M. Burns: Cela ne dérange rien.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président...
M. Burns: Vous me nommerez les 52 personnes, au Québec,
qui lisent la Gazette officielle!
M. Bellemare (Johnson): ... est-ce que, depuis l'adoption de
cette Loi de la Commission de police et surtout en vertu de l'article 18,
où il y a un droit de veto du gouvernement, il y a eu des cas
particuliers où le gouvernement se serait senti obligé, selon les
circonstances, comme l'exige la fin de l'article, d'agir? Est-ce qu'il y a un
seul cas depuis l'adoption de la Loi de police où l'intervention du
gouvernement aurait été requise? Je ne pense pas.
M. Lalonde: Le député de Johnson...
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, la loi est bonne,
non pas parce que c'est nous qui l'avons faite mais...
M. Burns: Mais c'est parfait comme raisonnement! Est-ce qu'il y a
un seul cas? Il utilise une expression...
M. Lalonde: II utilise des expressions que j'ai connues
ailleurs.
M. Burns: Montrez-moi un seul cas!
M. Bellemare (Johnson): Je ne vous dis pas cela, M. le
Président, parce qu'on avait la...
M. Lalonde: En fait, c'est pour donner plus de souplesse.
M. Bellemare (Johnson): En voulant améliorer la loi, vous
la rendez pire. Vous mettez des bâtons.
M. Lalonde: C'est ...
M. Bellemare (Johnson): Ah non! vous mettez des gens en tutelle.
Et cela, c'est mauvais. La loi, actuellement, donne l'exercice de toute
liberté, l'expression de toute liberté. Or, le gouvernement
arrive et dit: Maintenant... Et ma question du début: Est-ce que la
Commission de police a été consultée?
M. Lalonde: Le député de Johnson m'a dit que
c'était un piège.
M. Bellemare (Johnson): Ce n'était pas un piège,
c'était pour savoir la vérité vraie.
M. Burns: Je trouve très saine cette approche du
député de Johnson, c'est-à-dire que, lorsque vous amenez
un amendement aussi important que celui-là, on se dit: Bien,
écoutez, est-ce qu'on légifère juste au cas où?
Vous faites l'inverse de la situation habituelle de législation,
c'est-à-dire...
M. Lalonde: Je regrette, on rétablit simplement...
M. Burns: Savez-vous ce que vous faites là?
M. Lalonde: ...ce qui devait être depuis le
début.
M. Burns: Vous me faites penser au gars qui dit: J'ai des
solutions, as-tu des problèmes? C'est exactement l'inverse. Vous dites:
Au cas où il y en aurait des problèmes, moi je me donne des
solutions d'avance. Cela vient de s'éteindre.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je n'avais pas
fini.
M. Burns: Excusez-moi.
M. Bellemare (Johnson): Vous êtes tous les deux
là...
M. Burns: Non, mais je trouvais que vous aviez tellement
raison.
M. Bellemare (Johnson): Bon, merci pour une fois.
M. Lalonde: Je trouvais que vous aviez tellement tort.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, cette loi,
jusqu'à ce jour, a apporté des fruits extraordinaires pour
dépolitiser tout le système. Il y a eu des difficultés
énormes qui ont été traversées par la Commission de
police et qui ont prouvé que cette loi était bonne, sans avoir
cette stipulation spéciale qu'on introduit aujourd'hui: Si les
circonstances l'exigent.
Est-ce que dans le passé les circonstances l'ont exigé? Je
dis non. La Commission de police est de tout repos, la meilleure
sécurité pour le gouvernement. A partir de là, le
gouvernement n'a pas le droit, je pense, de se donner des
responsabilités supplémentaires quand cela peut être
réglé autrement et surtout sans que personne ne puisse
préjuger de l'attitude du gouvernement. Cela est important dans une loi.
Parce que cette loi va rester dans nos statuts et un jour ou l'autre le
ministre la met là pour que... Ce n'est pas de la bonne
législation. S'il y avait eu un cas particulier où le ministre
pourrait nous dire: Oui. cela s'est produit
de telle manière et nous avons agi, mais nous n'avions pas le
pouvoir. Mais, en vertu de l'article 18. vous avez le veto; c est sûr et
certain que vous pouvez l'exercer
M. Lalonde: Oui. mais le veto, le député de Johnson
sait très bien...
M. Bellemare (Johnson): Je vais finir, s il vous plaît,
parce que je ne voudrais pas interrompre le ministre, il est tellement
éloquent. Mais je dis qu'ils ont parfaitement raison de craindre la
loi-bâton. Et puis cette loi-bâton, on la sent; moi qui suis un
législateur depuis quelques années, je sens que le gouvernement
veut encore mettre sa griffe quelque part. Pourquoi ne pas vivre dans un
état de confiance? Pourquoi mettre tous ces gens dans une
inquiétude morbide? Je ne sais pas pourquoi le gouvernement va si loin.
Est-ce qu'il a une intention particulière? Je dis que la loi doit
être saine, elle doit être acceptable, elle doit être remplie
de confiance pour ceux qui ont à l'exécuter, ceux qui ont
à la mettre en application. Alors je dis que la Commission de police a
dû être consultée. Le ministre faisait tout à l'heure
des restrictions mentales, en disant: Vous savez, pour tous les articles, on a
eu de bonnes opinions. Mais sur cela, par exemple, il a dû avoir des
remarques, parce que je connais les membres de la Commission de police, moi,
pas mal plus que le ministre. Je sais avec quelle fermeté on a dû
vouloir faire respecter les droits acquis. A partir de là. le
député de Maisonneuve a parfaitement raison de dire que c est
occulte et cela est un pouvoir dont vous n'avez pas besoin.
M. Burns: C'est un chèque en blanc qu'il nous demande.
M. Bellemare (Johnson): Oui.
M. Lalonde: M. le Président, on a l'opinion de la
fraternité là-dessus; les questions ont été
posées, je pense, à fond. On en a profité pour faire le
débat qu on aurait fait...
M. Burns: On va le refaire.
M. Bellemare (Johnson): On va le refaire et vous n'avez pas fini
là-dessus.
M. Lalonde: Je remercie le député de Maisonneuve de
m avoir annoncé sa férocité.
M. Burns: Ah oui!
M. Bellemare (Johnson): Ah oui! Il a raison.
M. Burns: Bon, non. je vous donnais les indications pour que vous
ayez le temps d'y penser.
M. Lalonde: Cela me fait peur!
M. Burns: Non, je sais que cela ne vous fait pas plus peur que
cela, parce que de toute façon vous légiférez au Quebec,
le gouvernement actuel, comme si le Québec vous appartenait en
propriété directe. Cela est une autre affaire.
M. Tardif: ...
M. Burns: Oui. puis vous allez l'entendre souvent, parce que vous
faites exactement cela.
M. Lalonde: Bon...
M. Burns: Je veux juste vous dire pour que, si jamais il y a du
monde derrière vous, dans vos conseillers, qui peuvent, d ici à
ce qu'on discute de I'article en question, le ramener à des normes un
petit peu plus logiques, peut-être que cela évitera un
débat assez long. Moi en ce qui me concerne, en tout cas...
M. Lalonde: II n'y a pas de doute...
M. Burns: ...je tiens à vous dire que je ne laisserai pas
passer cela ainsi.
M. Lalonde: II n'y a pas de doute que...
M. Bellemare (Johnson): Le ministre va s'amender; je ne sais pas
s'il va s amender, mais il va regarder cela de près. C'est un homme
brillant: il va, lui. comprendre le bien-fondé de la requête qui
est faite ce matin.
M. Lalonde: Le député de Johnson a recours à
toutes les manoeuvres, même la flatterie.
M. Bellemare (Johnson): Bien, pour faire un bon
législateur il faut avoir tout cela.
M. Lalonde: II n y a pas de doute que le gouvernement, en
proposant cet amendement, n'avait pas I'intention de spollier ni la Commission
de police, ni la population d un droit
M. Bellemare (Johnson): ... que vous autres.
M. Lalonde: S il y avait des modifications à apporter
à cet amendement pour rassurer la fraternité, entre autres, et
les gens qu elle représente, l'Opposition même, on est prêt
à la rassurer de temps en temps...
M. Bellemare (Johnson): Ah!
M. Lalonde: ... il n'y a pas de doute qu'on y songera
sérieusement.
M. Bellemare (Johnson): On est la pour cela, pour fournir de
bonnes idées.
M. Burns: Une chance que vous nous avez, de plus.
M. Lalonde: On ne vous changera pas, on va vous garder
là.
M. Burns: On va dire comme on a déjà dit: Vous
autres, la seule chose, votre avenir, il est de ce côté-ci de la
table. Ne vous en faites pas.
M. Lalonde: A l'article 36, une inquiétude semblable avait
été exprimée par un organisme précédent,
peut-être était-ce par le député d Outremont, dans
le débat d hier, à savoir que le lieutenant-gouverneur en conseil
puisse demander au BRQCO de diriger, de coordonner des enquêtes
policières menées dans le cadre d'une enquête visée
par I article 20. J'avais expliqué au député d'Outremont
et à la commission que ce n est pas exclusif, naturellement, que
c'était simplement pour s assurer qu'une collaboration sûre
s'établisse entre cet organisme permanent de recherche sur le crime
organisé et une enquête ponctuelle, parce que la nature même
de la loi ne prévoit pas une enquête permanente, donc, qu'il y ait
cette collaboration, ce qui n'a pas toujours été le cas dans un
passé plus ou moins éloigné, que cela ne limite pas la
commission d'enquête, qui pourrait être instituée sur le
crime organisé éventuellement, de recourir à tout autre
moyen d'enquête, mais que si le lieutenant-gouverneur le demande au
bureau de recherche, il va donner sa collaboration. Pourquoi pas? Comment
peut-on penser qu une commission d enquête sur le crime organisé
pourrait se passer du BRQCO qui est le seul organisme permanent de recherche
sur le crime organisé.
Cela me semble cohérent et cela ne limite pas la commission
d'enquête éventuelle à recourir à tout autre moyen
d'enquête qu'elle peut penser utile pour mener à bonne fin son
enquête.
M. Masse (Gilles): C'est peut-être le texte qui n'est pas
clair quand on lit: A la demande du lieutenant-gouverneur en conseil, il dirige
et coordonne les enquêtes policières menées dans le cadre
de l'article 20. c'est-à-dire les enquêtes spéciales.
On est complètement d'accord. Autant on s opposerait à ce
qu'il n'existe au Québec qu'un seul corps de police, autant nous sommes
d'accord avec le besoin de l'existence d'un bureau de recherche sur la
criminalité qui va coordonner et qui va mettre de l'ordre un peu dans
les informations policières.
Là où nous nous posons une question, c'est à savoir
s'il y a une enquête spéciale. En vertu de I'article 20, on se dit
que cette enquête spéciale doit avoir tous les pouvoirs. On ne
veut pas enlever au lieutenant-gouverneur en conseil le choix d'exiger qu'il y
ait une enquête sur un point particulier, mais on ne veut pas que ce
choix limite la possibilité des membres d'une commission
d'enquête, comme on le verra un peu plus loin dans d'autres articles,
à établir un bureau de recherche à l'intérieur de
la commission sur l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil.
Quant à la commission d'enquête, si jamais on en a besoin
d'une c est une chose extraordinaire, très spéciale
qu'elle ait le pouvoir de déterminer elle-même la coordination de
ses enquê- tes. C est tout ce qu'on demande. On ne veut pas qui I y ait
quelque chose d'enlevé dans cela, mais on voudrait qu'on ajoute ou qu on
éclaircisse cet article afin qu'il soit clair que les commissaires ont
carte blanche pour faire leur enquête, même chose que dans l'autre
article un peu plus loin.
M. Bellemare (Johnson): En somme, ce n'est qu'une
formulation.
M. Lalonde: Je pense que votre message est assez clair. Je n ai
pas d autre question là-dessus.
Sur I article 42, je me pose certaines questions à savoir si
votre recommandation à l'effet d'enlever les mots terrorisme ' et
"subversion", d'enlever ces deux crimes du cadre d'une enquête
spéciale, repose, si j'ai bien compris votre mémoire, surtout sur
le fait que, depuis l'inscription de ces crimes dans la loi en 1972, il n'y a
pas eu d'actes enfin, il y en a peut-être eu aussi
évidents qu'auparavant.
M. Masse (Gilles): Entre autres, entre autres. Ce qu'on dit.
c'est qu'une commission d'enquête spéciale, genre CECO comme celle
qu'on a eue, était un mal nécessaire pour la justice. Quand il y
a une commission d'enquête, cela démontre certaines faillites, du
moins temporaires, de notre système judiciaire. C'est parce que le
système judiciaire, qu'on considère comme le plus beau et le plus
juste au monde, a failli à un moment donné. L'esprit qui doit
motiver quand on fait une commission d'enquête, c'est une commission
extraordinaire dans une situation spéciale.
On dit qu'une commission d'enquête sur la subversion, qui est
excessivement difficile à définir, est très dangereuse
pour la démocratie. On dit que, dans ce cas particulier de la subversion
ou du terrorisme, bien cela devrait être l'Assemblée nationale qui
détermine le besoin d'une commission d'enquête et non pas le
lieutenant-gouverneur en conseil.
M. Lalonde: Mais là, écoutez...
M. Masse (Gilles): On met en parallèle le contexte de 1971
qui a amené cette loi et les changements qui se sont produits depuis
1971, soit que le terrorisme est pas mal disparu en apparence. Il y a eu aussi
des changements importants, parce qu on constate que toutes les commissions
d'enquête, que ce soit la CECO, que ce soit la commission d'enquête
sur la liberté syndicale, se sont toujours faites à l'aide de
l'écoute électronique. Or. depuis 1971, il y a eu un changement
qui s'est opéré avec le bill C-176, les amendements du Code
criminel à l'article 178 où l'outil principal pour faire une
commission d'enquête n'appartient plus au pouvoir provincial, mais
appartient exclusivement au pouvoir fédéral par la Loi des
secrets officiels.
Or, étant donné que le contexte est changé,
étant donné que c'est moins dangereux que c'était,
étant donné qu'on a moins d'outils pour faire une commission
d'enquête sur le terrorisme
et la subversion, parce que c'est remis entre les mains du Solliciteur
général du Canada et limité à lui et que c'est un
danger pour la démocratie, on se dit qu'on devrait enlever cela et, si
jamais il y avait urgence ou il y avait problème de terrorisme, à
ce moment-là, l'Assemblée nationale pourrait déterminer
que cela prend une commission d'enquête et amender les lois de cette
façon. C'est tout simplement...
M. Lalonde: Maintenant, mon problème...
M. Masse (Gilles): ... l'esprit qui a motivé cette
position.
M. Lalonde: ... là-dedans, c'est d'abord quand vous dites
que c'est le Solliciteur général du Canada, vous ne niez pas que
la loi elle-même prévoit que le procureur général
d'une province peut l'utiliser.
M. Masse (Gilles): C'est cela.
M. Lalonde: Vous voulez dire que le cadre de l'utilisation de
l'écoute électronique a changé depuis 1971.
M. Masse (Gilles): Exactement, je dis que les policiers du
Québec n'ont pas la possibilité, sur autorisation du procureur
général ou du ministre de la Justice ou des juges, de faire de
l'écoute électronique dans le domaine du terrorisme, de la
sédition et de la subversion et qu'il n'y a que le Solliciteur
général qui peut le permettre. Or, l'outil principal qui
permettrait de faire une enquête dans ce domaine, on ne l'a plus. Ensuite
de cela, le problème, il n'est plus là. Or, on se dit que, dans
ce cas-là, il y a une certaine cohérence aussi; c'est qu'à
la CUM on est en train d'augmenter les effectifs pour lutter contre le crime
organisé et de diminuer au minimum les effectifs pour lutter contre le
terrorisme. Or, on se dit: S'il y a un problème de crime
organisé, on fait une enquête sur le crime organisé, on
augmente les effectifs policiers pour lutter contre le crime organisé,
cela se tient. Si on diminue les effectifs et qu'on perd nos outils dans le
domaine de la lutte au terrorisme, et que le terrorisme est disparu on se dit:
On peut retirer cela très facilement de la loi, même pour
sécuriser certaines personnes dans notre société qui
craignent cette partie.
M. Lalonde: Justement, en parlant de crainte, est-ce que vous ne
pensez pas c'est peut-être une opinion que je vous demande, vous
n'êtes pas obligé de répondre que justement
l'existence de cette loi, telle qu'elle est actuellement, n'aurait pas
été une des raisons pour lesquelles la situation au niveau du
terrorisme s'est améliorée au Québec depuis 1972? Je vous
pose la question.
M. Masse (Gilles): Vous me demandez une opinion, je peux...
M. Lalonde: Non, mais parce que...
M. Masse (Gilles): Non, je ne crois pas sincèrement que ce
soit cette loi qui a été comme une épée de
Damoclès, si vous voulez, sur le terrorisme. Je pense que c'est
plutôt la loi des mesures de guerre en 1970 qui est encore dans l'esprit
de tout le monde.
M. Lalonde: Depuis 1972?
M. Burns: II y a aussi, et il va falloir le dire une fois pour
toutes, qu'on s'est aperçu que c'était le fait de quelques
individus, quelques rares individus. Pendant la crise d'octobre, on a
arrêté environ 460 ou 475 personnes et il y a à peine dix
personnes qui ont été condamnées pour cette chose. On
s'est rendu compte que c'était très marginal ce problème.
Tout le monde avait grimpé dans les rideaux en 1970, en 1971 et
même en 1972, mais on s'est rendu compte que de toute façon
c'était tout à fait marginal comme problème. C'est surtout
cela. Vous voyez des représentants de corps policiers qui viennent nous
dire: D'après nous autres, franchement, le problème du terrorisme
et de la subversion... C'est sûr qu'il va toujours y en avoir; il y aura
toujours un terrorisme et un subversif quelque part, c'est bien sûr, dans
n'importe quelle société. Mais que ce ne soit pas un
phénomène généralisé, on est rendu au point
que tout le monde le reconnaît, excepté le gouvernement, qui
brandit tout le temps la possibilité de subversion, puis les
méchants, puis toute l'affaire.
M. Lalonde: L'autre problème que j'ai à votre
proposition, et cela touche un peu au discours de deuxième lecture du
député de Maisonneuve, c'est que vous dites: Si on a une
situation de terrorisme, à ce moment on pourra adopter une loi pour
permettre de se donner des moyens de le combattre. Mais si j'en crois ce que le
député de Maisonneuve nous disait lors de son discours de
deuxième lecture, lorsque le gouvernement a proposé en 1972 le
texte actuel, tel qu'il existe dans la loi, tout le monde s'est senti
obligé de voter pour parce qu'on était juste après les
événements d'octobre 1970, alors est-ce qu'on ne se trouve
pas...
M. Burns: On avait une très mauvaise perception de la
situation que nous voyons d'une façon meilleure aujourd'hui.
M. Lalonde: A ce moment-là, on ne sera pas dans une
meilleure situation si on attend que le terrorisme existe pour adopter une
autre loi. Ne serait-il pas mieux de le laisser là simplement?
M. Burns: Je conseille au ministre, et c'est un conseil d'ami que
je lui fais, de relire les Débats; il n'était même pas
à ce moment membre de l'Assemblée nationale. Je lui conseille de
lire comment cette loi est venue, je lui conseille de repenser au contexte qui
existait à ce moment. Je lui conseille également de se pencher
sur l'addition des mots "terrorisme" et "subversion", parce que c'est venu sous
forme d'amendement et ce n'était pas dans le texte original,
c'était le crime organisé.
Oui. oui. je vois le sous-ministre qui me fait des gros yeux. Il
était greffier en loi à ce moment, il devrait s en souvenir: c
est lui qui l'a préparée la loi.
M. Lalonde: Le député de Maisonneuve ne devrait pas
faire référence au sous-ministre comme cela, il ne peut pas se
défendre.
M. Burns: C est parce que c'est un de mes bons amis; alors, je
peux bien lui faire cela de temps à autre.
M. Bellemare (Johnson): C est différent, cela
M. Masse (Gilles): Je voudrais simplement faire une remarque pour
qu'on n interprète pas mal mes paroles. Nous ne disons pas qu'il n y a
pas de problème de terrorisme, nous ne disons pas que la police ne doit
pas lutter contre le terrorisme. On dit que la police a un certain nombre
d'outils pour lutter contre le terrorisme et que les escouades qui luttent
contre le terrorisme et la subversion doivent continuer d exister et de
travailler. Ce que nous disons, c'est qu'il n'y a pas lieu présentement
d avoir une commission d enquête spéciale sur le terrorisme, genre
CECO. Tout ce qu'on dit c'est qu'il faut continuer à lutter contre le
terrorisme pour le prévenir et. si jamais il y a urgence, à ce
moment, qu'on procède.
M. Lalonde: Vous ne croyez pas que le terrorisme et la subversion
sont des crimes qui. comme ce qu'on appelle le crime organisé, font
appel à un haut degré de clandestinité et de violence? Je
pense que ce sont les deux caractères qui les mettent dans la même
catégorie. J'en parle avec assez de détachement parce que. comme
le disait tantôt le député de Maisonneuve, je ne faisais
pas partie de l'Assemblée nationale quand elle a discute d'inclusion de
ces termes dans la loi. Comme j aurai l'occasion de le dire tantôt, le
but de I exercice de la loi 41 étant surtout de faire un
réaménagement administratif en ce qui concerne I enquête
sur le crime organisé et d'ajouter des dispositions pour la protection
des droits individuels.
On a simplement pris I'objet tel qu'il se présentait et on l'a
remis dans la loi 41. Mais je vous pose la question: Ne trouvez-vous pas sage,
à titre de président d'un organisme aussi représentatif
que la fraternité, qu un gouvernement qui que ce soit qui soit au
pouvoir, dépolitisons simplement le débat pour une minute
se conserve certains moyens spéciaux, aussi spéciaux
vis-à-vis du terrorisme et de la subversion que pour le crime
organisé, puisque ce sont des crimes qui ont ces deux caractères
bien particuliers de clandestinité et de violence?
M. Masse (Gilles): Nous sommes...
Le Président (M. Cornellier): Le depute de Johnson.
M. Lalonde: Je pose la question à M. Masse, si vous le
permettez.
M. Bellemare (Johnson): Oui. mais, avant qu'iI réponde, j
aurais mon opinion à donner, si cela ne vous déplaisait pas.
M. Masse (Gilles): Je ne voudrais pas oublier, non plus.
M. Bellemare (Johnson): Mais non. mais vous me répondrez
après.
M. Masse (Gilles): Normalement, lorsque le député
de Johnson parle, c'est assez long.
M. Lalonde: Non. non. il est tellement éloquent.
M. Bellemare (Johnson): Non. mais ne me félicitez pas
parce que je suis disposé à vous approuver. A l'encontre de mon
collègue de Maisonneuve, je pense que le commencement de la sagesse, c
est la peur.
Je suis un vieux qui circule dans la population et je pense que ce
pouvoir qu'on ajoute, c est un pouvoir discrétionnaire, c'est sûr.
mais, lorsque le Conseil des ministres a raison de croire qu il y aurait du
terrorisme ou de la subversion, le gouvernement se donne un pouvoir. Mais il
n'y a pas seulement nous qui devons donner notre opinion: il y a la population
en général. Sur cela. I'article, je suis prêt à le
voter. Qu on mette le terrorisme ou la subversion. On dit que cela baisse, tant
mieux, cela baissera encore plus. Je suis d accord que ces termes doivent
figurer dans cet article comme prévention.
On vote de multiples lois pour la prevention des feux de forêt,
pour la prévention de toutes sortes de choses, la prévention
quant à I environnement, mais dans un domaine aussi spécifique
que celui du terrorisme et de la subversion j'ai lu le débat que
vous avez fait en 1971 sur la loi. Lorsque vous avez présenté
votre amendement sur le terrorisme et la subversion, je trouve que
c'était bien détaillé pour exprimer aujourd nui la raison
pour laquelle c est là. A mon avis, et c est celui de mon caucus...
M. Burns: Est-ce unanime?
M. Bellemare (Johnson): C est unanime II n y a pas de
problème chez nous.
M. Lalonde: Est-ce le caucus de I alliance?
M. Bellemare (Johnson): Non. non L alliance, c'est possible au
mois d octobre. Présentement, je suis encore en titre et en fait. Mais
je pense que les corps de police n'auraient pas raison de demander la
suppression de ces termes parce qu ils sont véritablement
nécessaires pour I avenir. On vit dans un monde qui est en
évolution rapide et ce qui était bon il y a un an ne le sera
peut-être plus demain.
On a vécu des périodes difficiles dans la province et je
pense que ce n est pas de trop d ajouter le terrorisme et la subversion. Je
suis prêt à endosser le gouvernement sur cela, pas sur tout.
parce que ces termes sont absolument nécessaires. Il y a bien des
termes dans les lois qui sont exigibles, mais ceux-là sont
préférables à bien d'autres.
Cela n'a pas été trop long, M. Masse?
M. Masse (Gilles): Non. En fait, pour répondre à la
question du ministre, si je résume bien, vous m'avez demandé si
je ne trouvais pas sage que le gouvernement se garde une possibilité de
loi spéciale dans certains domaines qui sont très dangereux, de
moyens spéciaux.
M. Lalonde: Comme ce moyen, l'est.
M. Masse (Gilles): Exactement. Alors, on considère que le
gouvernement a toujours la possibilité de recourir à des moyens
spéciaux au moment où il en a besoin.
M. Bellemare (Johnson): C'est plus long, cela prend plus de
temps.
M. Masse (Gilles): C'est ça, c'est que...
M. Bellemare (Johnson): Le Parlement, la loi, puis les
études, la prolongation, tandis que là, si cela se produisait du
jour au lendemain, le ministre a le pouvoir. Alors, je pense que "trop fort
casse pas " et que c'est une sécurité. Cela vaut la peine.
M. Burns: Vous lirez les débats de la semaine du 10
octobre 1970, vous les lirez, d'accord? Et vous verrez un certain nombre de
cas.
M. Bellemare (Johnson): J'ai lu cela.
M. Lalonde: Je n'ai pas d'autres questions à poser
là-dessus. Le débat sera repris plus tard.
M. Burns: On reviendra là-dessus. En ce qui me concerne,
c'est loin d'être fini.
M. Lalonde: La remarque suivante, je pense, se
réfère directement au projet de loi. Vous parlez de l'article qui
concerne le bureau de recherche multidisciplinaire. Votre objection est qu'on
le soumette à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil?
M. Masse (Gilles): Le Conseil de sécurité n'a pas
le pouvoir de réglementation. Or, le Conseil de
sécurité...
M. Lalonde: Je m'excuse, je suis encore dans le bureau de
recherche multidisciplinaire.
M. Masse (Gilles): Excusez!
M. Lalonde: Au cas où il y aurait une enquête sur le
crime organisé.
M. Masse (Gilles): La loi dit que les commissaires peuvent, sur
autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil... C'est exactement dans le
même sens. On dit qu'on devrait éliminer cela; et les commissaires
peuvent avoir un bureau de recherche multidisciplinaire pour le temps de leur
enquête sans avoir l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil,
tout simplement. C'est exactement dans le même sens que les autres
interventions qu'on a faites pour les autres articles.
M. Lalonde: Je saisis bien votre objection. La question suivante
est à propos du code de déontologie. Je comprends votre
préoccupation. La raison d'être de cet article est qu'on nous a
démontré que la communauté urbaine n'a pas le pouvoir
d'adopter une résolution concernant le code de déontologie
actuellement, ce qui créerait cette situation indésirable
où un corps policier aussi important que celui de la Communauté
urbaine de Montréal n'a pas de code moderne et unique de
déontologie pour la discipline de ses membres.
Toutefois, j'hésite à vous suivre quand vous nous demandez
d'ordonner à la communauté urbaine... C'est pour la raison
suivante; on nous reproche souvent d'enlever aux autorités locales
élues leurs responsabilités. Il me semble que, dans la mesure
que, quand on parle de la force policière, la responsabilité
demeure à la Communauté urbaine de Montréal par le biais
du Conseil de sécurité, on devrait respecter leurs
responsabilités et leur donner la chance d'aller les exercer et aussi
leur donner le pouvoir de le faire. L'article veut seulement leur donner le
pouvoir de le faire.
M. Masse (Gilles): C'est cela, mais où on a un
problème, et je pense que tout le monde le sait, c'est que cela fait
longtemps qu'on attend ce code de discipline, et on a mis cet article de loi
pour qu'enfin on ait un code de discipline.
Ce qu'on dit, c'est que le Conseil de sécurité, qui est
maintenant composé de sept personnes, dont quatre sont élues et
trois sont nommées, est très représentatif de la
population. Il devrait, lui, avoir le pouvoir de déterminer notre code
de discipline et non pas être dans l'obligation d'attendre qu'un autre
palier de gouvernement comme la Communauté urbaine de Montréal
donne son assentiment.
M. Burns: Dans le fond, ce que vous dites, c'est que le pouvoir
de mettre en vigueur ou de déterminer ce code de discipline devrait
passer des mains de la communauté urbaine au Conseil de
sécurité.
M. Masse (Gilles): Exactement comme on le disait tout à
l'heure. On ne veut pas que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse
déterminer les fonctions des policiers, on ne veut pas que le
gouvernement de la Communauté urbaine de Montréal puisse
déterminer le code d'éthique des policiers de la CUM. Tout ce
qu'on demande, c'est que ce soit le Conseil de sécurité qui ait
le pouvoir de le faire et qu'il le fasse. Là, il y a un problème
de réglementation où le Conseil de sécurité n'a pas
le pouvoir de réglementer. Or, ce qu'on dit. c'est exactement comme le
budget du Conseil de sécurité où la communauté
urbaine est dans
l'obligation de l'accepter. Qu'on mette la même disposition dans
cela et qu'on dise que la communauté urbaine soit dans l'obligation
d'accepter le code. Parce que là, il n'y a pas...
M. Burns: A ce moment, sur le plan de la technique
législative, il ne sert à rien de dire que le Conseil de
sécurité doit recommander à la communauté, laquelle
doit adopter... A ce moment, vous transférez le pouvoir.
M. Masse (Gilles): Si c'est possible...
M. Burns: Si l'amendement que vous suggérez est que ce
soit le Conseil de sécurité qui ait le pouvoir d'adopter ce code
de discipline, auriez-vous objection à dire que le Conseil de
sécurité peut adopter un règlement concernant la
déontologie, la discipline etc. sur approbation du lieutenant-gouverneur
en conseil?
Parce que là, c'est quand même, comme vous le dites,
à cette personne qu'on remet un pouvoir assez important. Si vous mettez
la protection du lieutenant-gouverneur en conseil c'est une formule qui
est très courante dans nos lois à l'effet qu'un organisme
qui a des pouvoirs délégués de la part du gouvernement
peutc'est le cas, je pense justement, de la Commission de contrôle
des permis d'alcoo l établir des règlements, il a besoin de
l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire du
Conseil des ministres, par la suite.
M. Masse (Gilles): En fait, je vous laisse vous amuser avec les
textes de loi.
Ce que les policiers veulent, à la CUM, c'est qu'un organisme
neutre comme le Conseil de sécurité nous dirige, nous donne un
code de déontologie et de discipline dans les plus brefs
délais.
M. Lalonde: J'ai bien saisi votre point de vue. Je ne pense pas
qu'il y ait d'autres remarques. A moins que d'autres membres de la commission
aient des questions à poser. J'aimerais vous remercier de votre
intervention et de vos lumières, en mon nom personnel et au nom aussi
des membres de la commission.
M. Masse (Gilles): Je vous remercie, messieurs...
M. Burns: On vous remercie.
M. Masse (Gilles): ... d'avoir eu la patience de nous
écouter.
M. Burns: Cela a été très
intéressant. Vous avez permis d'amorcer un certain débat,
même deux.
M. Bellemare (Johnson): Deux.
Le Président (M. Cornellier): J'inviterais maintenant les
resprésentants du Barreau à bien vouloir venir faire leurs
représentations.
Barreau de la province de Québec
M. Brossard (André): M. le Président, je m'appelle
André Brossard. Je suis le bâtonnier du Barreau de la province de
Québec. Vous me permettrez tout d'abord de remercier les membres de la
commission d'avoir consenti à nous inviter à vous adresser la
parole, aujourd'hui, afin de vous faire nos remarques concernant le projet de
loi no 41.
Vous me permettrez également de vous présenter les gens
qui m'entourent. Vous avez, à ma gauche, Me Philippe Casgrain, qui
était un des membres du comité, qui est aujourd'hui
désigné comme le comité Yarosky, qui a
préparé le premier rapport du Barreau sur les commissions
d'enquête. Vous avez autour de moi tous les membres, sans exception, du
comité administratif du Barreau de la province de Québec. Nous
avions hier, qui n'ont pas pu demeurer avec nous, malheureusement, aujourd'hui,
les autres membres du comité Yarosky, soit Me Harvey Yarosky, Me Joseph
Nuss ainsi que Me Gilbert Morier.
Vous me permettrez peut-être une petite remarque dans le cas de Me
Gilbert Morier pour vous souligner que Me Gilbert Morier est un substitut du
procureur général. C'est un procureur de la couronne que nous
avions adjoint à notre comité précisément pour nous
assurer que nous avions, dans la préparation du mémoire qui vous
a été remis, les points de vue de toutes les parties susceptibles
d'être impliquées.
Si nous sommes en délégation aussi nombreuse, c'est pour
souligner, entre autres choses, l'importance fondamentale que nous attachons
aux dispositions du projet de loi.
L'honorable Solliciteur général mentionnait, hier, que le
Barreau voulait discuter de la CECO. Vous me permettrez peut-être de
rectifier cet énoncé de l'honorable Solliciteur
général. Nous ne sommes pas ici pour faire le procès de la
CECO ou pour discuter de la CECO. Nous sommes ici pour discuter essentiellement
d'amendements à la Loi des commissions d'enquête et d'amendements
à la Loi de police et non pas pour faire une lutte au sujet de la CECO,
en aucune façon.
Le Barreau je pense que ce n'est pas nécessaire d'insister
longuement est évidemment contre le crime organisé aussi
fortement que les membres de cette commission peuvent l'être et, en
aucune façon, nos représentations ne visent à diminuer ou
à tenter d'entraver la lutte au crime organisé. Au contraire,
comme nous vous le soumettrons tout à l'heure, les propositions que nous
allons faire visent à continuer la lutte contre le crime
organisé, entre autres choses, et visent également à
appuyer certaines des mesures du projet de loi no 41 qui sont de nature
à améliorer les outils pour lutter contre le crime
organisé.
Nous sommes évidemment conscients que la majorité des
dispositions du projet de loi no 41 contre lesquelles nous nous opposons,
existaient dans la Loi de police, et qu'elles sont transposées
simolement d'une loi à une autre, ce que le ministre Lalonde appelait un
réaménagement. Vous nous
permettrez cependant de souligner que si nous trouvons le projet de loi
no 41 foncièrement mauvais, c'est que nous trouvons également que
les dispositions qui existaient antérieurement dans la Loi de police
étaient foncièrement mauvaises. Ce n'est pas parce qu'une loi a
existé depuis 1972 qu'elle est devenue bonne pour ces raisons.
Le député de Maisonneuve a donné des explications
quant au contexte et quant aux raisons qui. en 1972. ont motivé
l'adoption de la Loi de police, et les amendements à la Loi de police
à cette époque. Ces raisons, nous les faisons nôtres et je
pense que des mesures qui ont été adoptées en 1972 dans un
contexte de quasi-psychose à l'époque, il faut l'avoir
vécu pour s'en souvenir, n'ont peut-être pas permis une
étude aussi sereine et aussi froide que des dispositions aussi
exorbitantes auraient dû justifier à l'époque. Mais
à l'occasion de l'amendement que propose le Solliciteur
général et du transfert de ces dispositions de la Loi de police
à la Loi des commissions d'enquête, nous croyons qu'il faut,
à ce moment, les étudier de nouveau, et les réanalyser de
façon froide, de façon sereine et de façon objective.
Nous craignons également dans ce transfert de la Loi de police
à la Loi des commissions d'enquête une sorte de
consécration permanente, que l'on confère une certaine
respectabilité à des dispositions qui, à notre point de
vue, n'auraient jamais dû exister. De plus, dans ces mêmes
amendements d'aujourd'hui du projet de loi no 41, on retrouve des dispositions
qui vont encore au-delà de ce que nous pouvions retrouver d'exorbitant
dans l'ancienne Loi de police et qui leur confèrent un caractère
encore plus dangereux, pour ne pas dire davantage.
Peut-être que pour situer la position du Barreau, vous nous
permettrez de faire un certain historique de la position du Barreau à ce
sujet. Parce que je sais que certains d'entre vous ont considéré
que notre réaction avait peut-être été assez
violente. Soyez, assuré que. si elle a été violente, M. le
Président, c'est parce que quand on regarde, à notre point de
vue, ces dispositions du projet de loi no 41. elles nous font
sincèrement craindre pour I avenir.
C est dès 1975 que le Barreau, suite à la commission
d'enquête Cliche et aux premières phases de la Commission d
enquête sur le crime organisé, s'est penché de façon
plus particulière à I occasion d'un congrès ici à
Québec, sur les commissions d'enquête. C'est à la suite de
cette étude ou de ce premier jet d expression d'opinions sur les
commissions d'enquête qu'un comité spécial a
été formé par le Barreau. Ce comité spécial
a fourni son rapport au mois de mai, a été entériné
à I unanimité par le Conseil général du Barreau, a
été remis aux autorités gouvernementales, malheureusement,
dans les deux ou trois jours qui ont précédé le
dépôt du projet de loi no 41.
Suite au dépôt du projet de loi no 41. considérant
que ce projet de loi no 41 ne tenait compte, en aucune façon, des
recommandations que le Barreau pouvait avoir faites dans son rapport initial,
nous avons demandé, à ce moment-là, la tenue d'une
commission parlementaire Nous avons fait livrer aux députés, au
mois de juin, un premier mémoire préliminaire jeté sur
papier en 48 heures, évidemment, parce qu'à ce moment-là
tout nous indiquait que le gouvernement voulait faire adopter le projet de loi
en troisième lecture avant la fin de session, le 29 juin. Le temps,
évidemment, nous manquait à ce moment-là pour faire une
critique et une analyse exhaustive des dispositions du projet de loi no 41.
Comme le projet de loi n'a pas été adopté et a
été déféré à cette commission
parlementaire, nous vous avons fait remettre, avant-hier ou hier suivant le
cas. le mémoire beaucoup plus détaillé, beaucoup plus
fouillé que nous avons préparé dans l'intérim.
C'est pour cela que vous remarquerez peut-être, ceux qui ont pu comparer
les deux mémoires, que celui que nous vous avons remis hier va beaucoup
plus loin que celui que nous vous avions remis au début de juin.
Ce que nous vous proposons aujourd'hui, c'est simplement de profiter de
l'occasion de l'étude article par article d un projet de loi qui vise
à amender la Loi des commissions d'enquête, entre autres, pour
donner au Québec une nouvelle Loi des commissions d enquête, une
loi générale et globale des commissions d'enquête, qui
pourrait couvrir toutes les commissions d'enquête, tout en donnant
à toutes les sortes de commissions d'enquête, que ce soit contre
le crime organisé, le terrorisme ou la sédition j'emploie
le mot "sédition" volontairement parce que je n'aime pas le mot
"subversion" qui est absolument indéfinissable et qui peut englober
toutes sortes de choses tous les pouvoirs qui peuvent leur être
nécessaires.
Avant de passer aux recommandations du Barreau, vous me permettrez de
résumer ce à quoi nous nous opposons, de façon violente
pour certains, dans le projet de loi qui est devant vous actuellement et qui
fait que ce projet de loi nous semble totalement inacceptable. D'abord, notre
philosophie de base, notre position de base est que toutes les commissions
d'enquête doivent être soumises à une même
procédure, aux mêmes règles fondamentales de protection des
droits des témoins. Par conséquent, nous nous opposons donc au
départ à l'article 20 qui est prévu pour la Loi des
commissions d'enquête et qui créerait un statut d'exception pour
certains types de commissions d enquête. C est la première
objection que nous avons.
Comme nous vous lavons dit. nous craignons la permanence, parce que nous
croyons sincèrement qu'une commission d enquête doit porter sur
une situation donnée, limitée dans le temps. Cela est nouveau de
la loi 41. c'est nouveau de 1976. Par la rédaction actuelle de l'article
73a et de I article 73b projetés dans la Loi de police, nous voyons une
force de police parallèle qui serait même une supracommission
d'enquête puisqu'on lui confère, dans sa rédaction
actuelle, le pouvoir de diriger les commissions d enquête qui pourraient
être constituées pour lutter contre le crime organisé, le
terrorisme et la subversion.
Ceci nous paraît absolument contraire à un autre principe
de base: c'est que les commissions d'enquête doivent être
autonomes, elles doivent avoir elles-mêmes tous les pouvoirs de
décider de
la nature et des enquêtes qui doivent être faites. Elles
doivent avoir les pouvoirs de diriger elles-mêmes, d'orienter
elles-mêmes ces enquêtes, alors que le dernier alinéa de
l'article 73b, tel qu'il est rédigé actuellement, confère
ce pouvoir à une force policière dépendant directement du
lieutenant-gouverneur en conseil et ayant un caractère permanent. Ceci
nous semble constituer une police parallèle qui risque d'être
même éventuellement une police politique.
Le projet de loi no 41 consacre aux commissaires des pouvoirs qui sont
absolument exorbitants et inconnus ailleurs, si ce n'est au Québec
depuis 1972, quant aux perquisitions. On donne non seulement aux commissaires
le pouvoir d'émettre eux-mêmes leurs propres mandats, mais on leur
donne le pouvoir de les exécuter eux-mêmes s'ils le
désirent. Vous avez le juge-enquêteur qui est susceptible de
descendre dans la rue et de se faire policier en même temps pour
perquisitionner lui-même.
On donne à ceux qui exécuteront ces mandats le pouvoir
d'utiliser la force nécessaire pour effectuer les fouilles et pour
contraindre les personnes à remettre les objets devant faire l'objet de
la saisie. Pendant un instant, imaginez-vous l'officier muni d'un tel mandat,
qui a le pouvoir d'utiliser la force nécessaire et qui demande à
un individu chez qui il perquisitionne de lui remettre un objet défini.
Cet objet peut être sur la personne de l'individu, il peut être
ailleurs et l'individu peut refuser de le lui remettre.
Qu'est-ce que c'est, messieurs, à ce moment-là, que la
force nécessaire pour le contraindre à le remettre? Il y a un
mot, cela peut paraître violent, mais il y a un mot qui peut venir
à l'esprit, quand on pense à ce qui se fait dans certains pays
comme le Brésil ou l'Algérie pendant la guerre d'Algérie,
pour contraindre une personne à révéler où sont les
objets que l'on veut saisir. On donne également le pouvoir de
perquisitionner sans mandat, en cas d'urgence. Le cas d'urgence est
évidemment laissé à la discrétion des
policiers-enquêteurs. Ce sont là les deux dernières
dispositions en particulier concernant des pouvoirs que vous ne retrouvez nulle
part, dans aucune loi dans un pays démocratique ou qui se veut
démocratique.
Le projet de loi ne confère non plus aucune protection
réelle aux témoins. C'est un des buts du projet de loi, tel que
l'a expliqué l'honorable Solliciteur général lors du
débat en deuxième lecture, de conférer aux témoins,
d'une part, et aux personnes qui pourraient être impliquées,
d'autre part, le droit de témoigner s'ils le veulent, le droit de
contre-interroger d'autres témoins, le droit d'être
contre-interrogés. Or le projet de loi que vous avez devant vous ne
confère aucun de ces droits. Il en laisse l'octroi à la
discrétion des commissaires. La commission Cliche par exemple, la CECO
à l'occasion, dans leur discrétion, ont déjà
accordé certains de ces droits, ont déjà permis certains
contre-interrogatoires, mais dans des formes qui sur le plan pratique ne
voulaient rien dire. La situation demeure absolument inchangée avec le
projet de loi.
Les personnes qui sont impliquées dans une commission
d'enquête comme témoins ou comme accusés éventuels
ou comme accusés par un tiers ou comme faussement accusés, ce n
est pas une faveur des commissaires à laquelle ils ont droit. C'est un
droit réel. Les commissaires doivent être obligés de
l'accorder et de le respecter ce droit-là, et le projet de loi 41 ne le
donne pas.
Vous avez également, dans ce projet de loi, une disposition qui
est absolument on me pardonnera l'expression aberrante; c'est
l'article 40 projeté. Son seul et unique effet possible est de
soustraire à toutes fins pratiques les commissions d'enquête de la
juridiction et du contrôle des tribunaux supérieurs, ce qui
n'existe nulle part ailleurs non plus. Pensez-vous qu'un seul individu,
même dans le cas d'un abus flagrant de procédure par les
commissions d'enquête, osera s'adresser aux tribunaux supérieurs,
en se sachant passible d'un emprisonnement minimum automatique de trois mois et
d'une amende minimum automatique de $25 000, si le juge, à la demande
des trois commissaires-enquêteurs ou d'un commissaire-enquêteur,
décidait que son recours est frivole. Personne n'oserait, dans aucun
cas.
C'est une disposition que vous ne retrouvez non plus nulle part
ailleurs, dans aucun pays dit civilisé ou démocratique. Le
Solliciteur général a voulu faire, dans son discours en
deuxième lecture, un parallèle entre cette mesure et ce qui
existe dans le Code de procédure civile à l'article 527, mais il
n'y a aucun parallèle possible. Ce que le Code de procédure
civile prévoit en matière civile, c'est que, si vous faites un
appel jugé frivole et dilatoire par trois juges d'une cour d'Appel, vous
êtes passible des dommages-intérêts que vous avez
causés, mais pas d'une amende minimum et pas d'un emprisonnement
minimum. Ce sont des dommages-intérêts réels si vous avez
occasionné des frais à la couronne en portant votre cause en
appel. Je parle de commissions d'enquête, je sors du domaine civil. Le
parallèle qui aurait pu être fait c est que, si en allant devant
un tribunal supérieur vous occasionnez des frais inutiles à la
couronne, on condamne l'appelant frivole à payer ces frais.
Cela aurait été un parallèle auquel nous nous
serions peut-être quand même opposés, mais le
parallèle aurait été valable, mais pas entre un
emprisonnement et une amende.
Les principes que nous soumettons et qui doivent être
considérés dans l'étude de nos recommandations sont assez
simples. Nous sommes d'abord entièrement d'accord, évidemment,
pour que le pouvoir exécutif soit muni d'instruments efficaces pour
lutter contre le crime organisé. Nous croyons, cependant, que les forces
policières telles que constituées, telles que structurées
et avec la coordination et les outils de renseignement et de coordination que
le projet de loi no 41 entend leur donner sont suffisantes pour lutter contre
le crime organisé.
Nous avons entendu, depuis hier après-midi, plusieurs groupements
policiers et je pense qu'en faisant un peu la somme de ce que nous avons
entendu, nous nous rendons compte que ce qui
semble manquer à ces gens c'est une espèce de
cohésion et de coordination, mais qu'ils ont vraiment tout ce qu'il faut
pour lutter efficacement contre le crime organisé. Il suffisait
d'entendre le représentant de la Fraternité des policiers de la
CUM tout à l'heure vous dire exactement la même chose.
Nous croyons fondamentalement que le rôle d'une commission
d'enquête n'est pas de lutter contre le crime organisé ou le
terrorisme. Par définition, le rôle d'une commission
d'enquête est de rechercher des faits dans les cadres d'une situation
précise et donnée et de faire des recommandations au
gouvernement, au lieutenant-gouverneur en conseil, quant aux moyens d'action
qui devraient être pris dans tel ou tel cas qui faisait l'objet de leur
étude.
Nous ne croyons pas non plus je sais que sur ce point nous ne
sommes pas en accord avec beaucoup d'autres organismes que le rôle
d'une commission d'enquête soit d'éduquer ou de sensibiliser la
population. Nous croyons que le rôle essentiel d'une commission
d'enquête, c'est la stricte recherche de faits. Quant à
l'éducation et la sensibilisation, le gouvernement, le
législateur remplira ce rôle.
Si nous donnons à une commission d'enquête,
s'appelle-t-elle la CECO, ce rôle de sensibiliser le public, cela
mène à donner à une commission d'enquête le
rôle de condamner sur la place publique des individus qui n'auront jamais
été trouvés coupables par un tribunal de droit commun. Je
sais que vous entendrez probablement ou possiblement après nous un
porte-parole de la CECO qui viendra tout probablement vous dire que le seul
moyen de lutter efficacement contre le crime organisé, c'est de
l'étaler sur la place publique et que cela mène à des
résultats foudroyants tels le remplacement quasi immédiat d'un
chef d'un réseau j'aimerais qu'on définisse un jour ce
qu'est un réseau son remplacement par un autre. Est-ce que c'est
vraiment efficace comme lutte contre le crime organisé?
C'est pour cela que nous nous sommes adjoints, dans notre comité
un procureur de la couronne qui, lui, est essentiellement d'accord avec ce que
nous présentons aujourd'hui.
Le droit des témoins, c'est un droit fondamental; le droit des
parties impliquées, c'est un droit fondamental. Que comprend ce droit?
Il comprend d'abord le droit de se défendre, c'est-à-dire de
témoigner si on l'implique à sa demande et non pas à la
discrétion des commissaires. Il a, évidemment, le droit
d'être représenté et assisté d'un avocat, il a le
droit de contre-interroger les témoins qui l'accusent ou qui
l'impliquent, il a le droit de ne pas être blâmé par une
commission d'enquête sans avoir eu le chance de se faire entendre ou sans
être avisé qu'on allait le blâmer.
Là-dessus, je reconnais une nette amélioration sur ce qui
existe dans le projet de loi 41. Il a droit également, le témoin
ou cette personne, au respect de ce qu'il y a de plus sacré pour un
citoyen et qui est son domicile; en d'autres mots, il a le droit qu'on ne le
perquisitionne pas sans que tous les éléments de contrôle
possibles existent avant l'émission d'un mandat de perquisition. Il a un
droit d'appel sur une décision qui le concerne parce que personne n'a le
monopole de la vérité, fût-il commissaire dans une
commission d'enquête. Il a droit également à une
discrétion, c'est-à-dire qu'il peut avoir le droit d'être
entendu à huis clos dans certains cas. Il a surtout droit à un
procès juste et équitable s'il doit être
éventuellement poursuivi devant les tribunaux de droit commun; un
procès objectif, ce qui implique qu'il ne doit pas avoir
été condamné déjà dans l'opinion publique
avant d'être poursuivi devant les tribunaux.
Ceci implique également que, si on a suffisamment de preuves
contre un individu pour le traduire devant les tribunaux, on n'a pas à
le parader devant une commission d'enquête préalable; on doit le
traduire avec la preuve qu'on a immédiatement devant le tribunal, si
cette preuve est déjà suffisante. Si on n'a jamais de preuve
suffisante pour le traduire devant les tribunaux, on n'a pas le droit de le
condamner dans l'opinion publique. Et c'est entre les deux que se situe le
véritable rôle d'une commission d'enquête, que ce soit sur
la liberté syndicale ou sur le crime organisé. C'est lorsque
peut-être il n'y a pas assez de preuves et qu'on cherche cette preuve,
mais non pour condamner sur place l'individu pour le traduire
éventuellement devant les tribunaux. Agir autrement, c'est
court-circuiter notre système judiciaire, c'est faire un constat public
d'échec. Si on dit qu'il n'y a pas moyen d'agir autrement, c'est faire
un constat public d'échec de notre système judiciaire qui existe
depuis des générations et qui a fait ses preuves dans plusieurs
autres juridictions. C'est faire un constat d'échec aussi pour la
province de Québec parce qu'aucune autre province au pays n'a
semblé trouver nécessaire de sortir des tribunaux de droit commun
pour condamner les individus sur la place publique. Si c'est le constat
d'échec qu'on veut faire, messieurs, les conséquences peuvent en
être graves pour l'avenir.
Nous croyons également qu'une commission d'enquête doit
être soumise aux tribunaux de droit commun. Ce contrôle doit
s'exercer à deux niveaux, à deux étapes, dans
l'émission des mandats de perquisition et également ces tribunaux
de droit commun doivent avoir la possibilité de réviser, d'une
part, certaines décisions rendues par les commissions d'enquête
lorsqu'elles impliquent les droits des individus et des citoyens et, d'autre
part, le droit d'intervenir si une commission d'enquête excède ou
abuse de sa juridiction.
Nous croyons, enfin, que les commissaires-enquêteurs doivent
être là comme des juges, c'est-à-dire des personnes
absolument objectives, impartiales, sereines, qui ne sont pas là pour
poursuivre elles-mêmes, qui sont là simplement et froidement pour
rechercher les faits et une vérité, toute relative que la
vérité puisse toujours être.
C'est dans ce contexte que nous faisons les recommandations que nous
vous avons faites et qui sont dans le mémoire. Nous vous invitons
évidemment à lire le mémoire. Je n'ai pas l'intention,
sinon peut-être en réponse aux questions que les
membres de la commission pourront m adresser, de détailler devant
vous verbalement ou de répéter ce qui est déjà par
écrit devant vous.
Vous me permettrez simplement de résumer essentiellement les
recommandations que nous vous faisons d amendements au projet de loi 41.
D'abord, en ce qui concerne les articles 73a et 73b. nous n avons pas d
objection de principe à la formation ou à I institutionnalisation
de ce bureau. C'est dans les cadres de la recherche par le gouvernement d'une
structure administrative adéquate pour lutter contre le crime
organisé.
Nous demandons simplement la suppression du dernier alinéa de
l'article 73b pour les raisons que je vous ai déjà
mentionnées. Cet alinéa confère au lieutenant-gouverneur
en conseil un pouvoir direct sur ce bureau, dans les cadres d'une commission
d'enquête, et confère à ce bureau la direction des
enquêtes, alors que la commission d'enquête doit demeurer libre et
autonome de faire appel à qui elle veut pour diriger et coordonner les
enquêtes. Comme nous le mentionnons dans notre mémoire en regard
de l'article 3 de la Loi des commissions d'enquête et de l'article 42
projeté, la commission d'enquête, d après nos
recommandations, jouira de tous les pouvoirs voulus pour faire appel à
ce bureau, mais elle le décidera elle-même.
Nous recommandons également qu'en principe, tel que le projet de
loi 41 le prévoit à l'article 5a de la Loi des commissions d
enquête avec laquelle nous sommes d'accord les commissions
d enquête doivent être publiques. Mais entendons-nous sur la
portée du mot public". Quel est le but, dans quel but voulons-nous
qu'une commission d'enquête soit publique? C est essentiellement pour que
l'on puisse contrôler la procédure et pour que les
représentants du public qui assistent à de telles commissions
d'enquête soient en mesure de garantir que les règles normales de
la procédure et que les droits des témoins soient
observés. Si nous voulons que ce soit public, ce n'est pas dans un but
d'information ou d'éducation populaire, c est dans un but de protection
des témoins et des parties qui seront traînés devant cette
commission d'enquête. C est pour cela que nous concluons, dans une de nos
recommandations essentielles, que toute diffusion électronique soit
interdite.
Nous pourrons revenir tout à Iheure. en réponse à
vos questions, sur les motifs pour lesquels nous demandons l'interdiction de
diffusion de séance ou de partie de séance de commission d
enquête par les media et les moyens électroniques.
Nous recommandons également que les moyens de perquisition soient
émis par un juge de la Cour supérieure et non par les
commissaires eux-mêmes. Nous recommandons que, quant au reste des
perquisitions, elles soient soumises aux dispositions du droit commun, du code
criminel, qui a fait ses preuves et qui est suffisant dans toutes les autres
juridictions pour effectuer quelque perquisition que ce soit. Il n'y a aucune
raison d'aller au-delà des dispositions du code criminel en
matière de perauisition.
Nous demandons également que les droits des témoins soient
consacrés, mais de façon absolue. Droit de se faire entendre
lorsqu ils ont un intérêt direct et sérieux dans l'objet de
l'enquête ou qu'ils sont impliqués par un tiers: droit de
contre-interroger un témoin qui les impliquerait, par leur avocat: un
témoin a droit d être contre-interrogé par son propre
avocat: un témoin ou une partie impliquée a également le
droit de contre-interroger d'autres témoins sur des faits pertinents qui
la concernent, droit d'être prévenu d'un blâme possible et
droit, surtout, d'être entendu. Si vous vous référez
à larticle 38 du projet de loi 41. nous recommandons des amendements
majeurs à cet article 38. parce que nous jugeons que. dans sa
rédaction actuelle, il pourrait évidemment être rendu
inopérant tout simplement par une application arbitraire de cet article.
Par exemple, on pourrait aviser une personne douze heures à l'avance, en
sachant qu'elle est en vacances ou dans l'incapacité de se
présenter devant la commission, qu'elle va être
blâmée et l'inviter à se présenter devant la
commission d'enquête, sachant fort bien qu'elle ne pourra pas le faire.
Si vous regardez la rédaction de cet article actuellement, c'est l'effet
possible. Nous proposons à ce sujet un amendement à la
rédaction.
Evidemment, nous apportons, dans les amendements que nous
suggérons, certains qualificatifs à ces droits des
témoins, parce que nous sommes conscients qu'il ne faut pas que la
permission de contre-interroger ou que la permission d être entendu vise
ou vienne à paralyser les travaux de l'enquête.
Alors, nous acceptons certaines limitations à ce droit de
contre-interroger. à ce droit de témoigner, qui sont dans les
amendements que nous vous suggérons.
Nous recommandons également l'institution d un droit d appel de
toute décision qui serait rendue par les commissaires dans les cadres de
la Loi des commissions d'enquête. Nous devons évidemment accepter
la possibilité d'un excès ou d un abus de juridiction, donc d'une
demande d'émission de bref de prérogative.
Nous sommes conscients qu'un abus de ces procédures d appel ou
d'évocation pourrait effectivement paralyser complètement une
commission d enquête. C est pour cela que. dans les amendements que nous
vous recommandons, il est prévu qu'un appel et que l'émission
d'un bref d'évocation ne contient aucun sursis, aucun ordre de sursis en
soi et que. par conséquent, les procédures d une commission
d'enquête peuvent continuer nonobstant appel, nonobstant émission
d un bref d'évocation, à moins d'une ordonnance spécifique
du juge du tribunal supérieur, ordonnance qu il ne pourrait pas
émettre sinon sur requête écrite signifiée au
préalable au procureur général avec un avis suffisant pour
que le procureur général puisse contester cette demande de
sursis.
Nous croyons que. si vous acceptez ces dispositions, vous
répondez aux objections de ceux qui prétendent que I'appel ou la
procédure d'évocation risque de paralyser une commission d
enquête. Si. malgré une telle procédure que nous re-
commanderions, on continuait à craindre que les procédures
d'appel entravent la bonne marche d'une commission d'enquête, je pense
que ce serait encore là faire un constat d'échec ou tout au moins
manifester à l'égard de nos tribunaux supérieurs un manque
de confiance. Lorsqu'un gouvernement manifeste un manque de confiance envers
les tribunaux supérieurs, là encore je vous invite à
penser aux conséquences à long terme que cela peut avoir dans
l'opinion publique.
Pour conclure, et avant de répondre à vos questions,
finalement, ce que nous vous soumettons, ce n'est rien d'extraordinaire. Vous
allez retrouver la moitié, au moins, de ce que nous vous
suggérons, sinon plus, dans la Loi des commissions d'enquête de
l'Ontario. Je pense que la province d'Ontario a eu des commissions
d'enquête qui ont bien fonctionné, a eu des commissions
d'enquête sur certains aspects du crime organisé. Nous vous
suggérons également, suivant les informations qu'on a, les
recommandations de la Commission de réforme du droit au ministre de la
Justice fédéral, mutatis mutandis, dans la
généralité des principes que nous vous recommandons.
Le principe émis dans le mémoire du comité Yarosky,
qui est reproduit sous forme législative dans notre mémoire
d'aujourd'hui, n'est pas si extraordinaire que la province de la
Colombie-Britannique a pris la peine de consulter le Barreau du Québec
sur cette question. Il n'y a donc pas à craindre de ce que nous vous
proposons, mais nous soumettons, d'autre part, que si vous acceptez les
recommandations et les amendements qu'on vous suggère, le Québec
pourra se vanter, après coup, d'avoir peut-être la Loi des
commissions d'enquête la plus complète et la plus efficace
d'aucune juridiction au Canada, d'une part, et d'avoir également une des
lois qui respectera le mieux et le plus complètement les droits
fondamentaux des citoyens, des témoins et des individus susceptibles
d'être impliqués devant de telles commissions d'enquête.
Je vous remercie et je vous invite à poser toutes les questions
que vous désirez.
Le Président (M. Cornellier): L'honorable Solliciteur
général.
M. Lalonde: Me Brossard, je vous remercie de votre
présentation. Je pourrais aussi en profiter pour remercier le Barreau de
s'être imposé l'effort qu'il a fait relativement à cette
question des commissions d'enquête par la voie de l'étude du
comité Yarosky.
Cela fait déjà, quand même, plus d'un an, je crois,
que vous vous êtes penchés sur cette question. Il n'y a aucun
doute que les conclusions auxquelles vous en êtes venus vont aider cette
commission en particulier et les citoyens en général à
mieux comprendre quels sont les problèmes qu'une société
comme la nôtre rencontre dans la recherche du meilleur équilibre
entre, d'une part, la lutte à la criminalité et, d'autre part, la
plus grande liberté possible au niveau individuel.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire je pense que c'est ici qu'il
faut le dire de façon plus for- melle la présentation du
projet de loi no 41 n'avait pas pour prétention de remettre en question
tous les éléments, tous les problèmes fondamentaux que la
discussion que nous avons eue depuis hier et depuis votre présentation
soulève. D'autre part c'est le bienfait, je pense, du jeu
démocratique et parlementaire la présentation du projet de
loi no 41, en ce qui concerne simplement la question des enquêtes, qui se
voulait un réaménagement administratif avec l'addition de
quelques dispositions concernant la protection des gens, c'est le cas,
soulève une discussion fondamentale. Loin de moi l'intention de
l'éviter. Votre présence ici et la tenue de cette commission
parlementaire en sont l'illustration.
Le mémoire du Barreau fait suite et est très
fidèle, je crois, à l'étude Yarosky et à ses
conclusions fondamentales. Il soulève des problèmes
d'équilibre tels que, sachant votre venue ici, je vous ai avisé,
Me Brossard, et aussi le député de Maisonneuve que je demanderais
a la CECO de nous déléguer un représentant qui pourrait
agir à titre de conseiller expert en matière d'enquête sur
le crime organisé. Je l'ai dit hier. Me Dagenais, le procureur-chef de
la Commission d'enquête sur le crime organisé, est ici et,
après l'examen de votre mémoire, je lui demanderai de nous
éclairer aussi.
Il faut bien comprendre que cette demande, cette procédure n'a
pas pour but de faire mettre en doute les conclusions du Barreau par quelqu'un
qui devrait normalement être contre. Ce n'est pas du tout la question.
Mais vous vous souvenez, lorsque j'avais, avec le juge Dutil, consulté
le comité Yarosky en présence des deux bâtonniers d'alors,
c'est-à-dire qu'on était dans un interrègne, je crois,
à ce moment, et Me Brossard, vous étiez là, que nous
recherchions justement la formule qui permettrait de donner le plus de
protection possible aux témoins tout en permettant à une
enquête de fonctionner. De là les aménagements concernant
la protection des témoins et qui sont constamment, comme vous le
reconnaissez, soumis à la discrétion des commissaires. Nous
demanderons à Me Dagenais de nous faire des remarques à ce
sujet.
Vous concluez, à différents titres, que les forces
policières sont suffisantes pour lutter contre le crime organisé.
A quelle étude le Barreau s'est-il astreint pour faire cette conclusion?
Quoique vous l'aménagez ou l'assaisonnez de cette réserve, c'est
compte tenu des dispositions de la loi 41 qui en assure la coordination.
M. Brossard: Disons que c'est plutôt une déclaration
de principe que, dans toute société bien structurée et
bien organisée, les forces policières doivent être
adéquates pour lutter contre le crime organisé.
M. Lalonde: C est un voeu plus qu'une conclusion.
M. Brossard: Vous dites vous-même qu'elles ne sont pas
adéquates ou qu'elles ne sont pas structurées adéquatement
ou qu'elles ne sont pas suffisantes. Quant à nous, nous croyons
qu'elles
doivent être suffisamment structurées, suffisamment bien
organisées. Pour autant que votre projet de loi no 41 vise à
améliorer les structures existantes, nous sommes d'accord avec ce but,
mais nous ne pouvons pas accepter comme prémisses, dans une
société qui se veut structurée et organisée,
l'affirmation de principe que nos forces policières ne sont pas
suffisantes. Là, on va se poser la question, si c'est le cas: Le
problème, il est où? C'est peut-être à ce niveau
qu'une commission d'enquête devrait enquêter. C'est notre
position.
Une commission d'enquête vis-à-vis du crime
organisé, si les forces policières sont inadéquates, doit
enquêter pour savoir pourquoi les forces policières sont
inadéquates et faire des recommandations, mais pas lutter
elle-même contre le crime organisé.
M. Lalonde: L'insuffisance des forces policières peut
être de deux ordres; soit au niveau des effectifs, au niveau de la
formation, du budget, de l'équipement et aussi au niveau des moyens
qu'on donne aux forces policières pour combattre un certain type de
criminalité. Le policier, à part le renseignement qu'il recueille
de différentes manières, par l'interview de témoins ou de
suspects, de façon électronique mais combien limitée de
plus en plus...
M. Brossard: Disons que le Barreau aurait peut-être des
divergences d'opinions à ce sujet.
M. Lalonde: Comme d'habitude. Ce n'est pas un reproche. Le
policier n'est quand même pas muni des mêmes moyens qu'un organisme
comme une commission d'enquête, par exemple pouvoir contraindre un
témoin à venir témoigner sous serment. Le policier n'a pas
ce moyen. Vous voulez dire, quand vous déclarez que les forces
policières sont suffisantes pour lutter contre le crime organisé,
qu'on n'a pas besoin de recourir à l'enquête?
M. Brossard: Pas du tout. M. Lalonde: Non?
M. Brossard: D'abord, il y a un principe de base auquel nous
croyons fortement, nous, dans un système judiciaire et qui veut que
toute personne est présumée innocente à moins de preuve du
contraire. Nous croyons à ce principe de base et nous croyons
évidemment au principe corollaire qui veut que, normalement, un individu
ne puisse pas être contraint de témoigner contre lui-même.
Si c'est dans un but de simple recherche de faits, ce principe peut, à
l'occasion, subir certaines exceptions, mais si c'est dans le but de faire
condamner l'individu dans l'opinion publique...
M. Lalonde: Je comprends.
M. Casgrain: Est-ce que vous permettez une remarque? Si vous me
permettez. Vous brandissez le mot...
M. Lalonde: C'est Me Philippe Casgrain, pour les fins du journal
des Débats.
M. Brossard: Comme j'ai demandé aux autres membres du
comité Yarosky de m'accompagner précisément pour pouvoir
répondre sur des aspects peut-être plus techniques à
l'occasion, si vous n'avez pas d'objection, je demanderais à Me Casgrain
de répondre.
M. Casgrain: Je ne savais pas que j'avais besoin de la
permission. De toute façon, merci. Ce que je voulais dire, M. le
Solliciteur général, avec tout le respect que je vous dois, c'est
que vous mentionnez, vous brandissez, pour ainsi dire, les mots "crime
organisé". A partir du moment où vous dites à quelqu'un:
II y a un crime organisé, c'est terrible, il faut faire quelque chose,
vous pourriez, demain, utiliser un autre terme. Ce pourrait être le viol
qui est en recrudescence et vous diriez que cela prend des moyens
spéciaux pour régler ce problème.
Il est évident, dans n'importe quel système judiciaire,
que, si vous pouvez manipuler un témoin, hors la présence du juge
ou autrement, il va témoigner beaucoup plus facilement. Il est certain
également qu'administrer une justice punitive se fait beaucoup plus
facilement, lorsqu'on est à l'abri des regards indiscrets. A cette
enseigne, chaque fois qu'on parle de péché ou de crime ou
d'état de ce genre, il est bien certain que le désir intime,
serait de régler le problème au plus vite, en éliminant
justement cet appareil judiciaire qui puisse avoir semblé, au premier
abord, encombrant.
Ce que nous vous disons, nous, c'est qu'on ne peut pas, dans une
société, décider qu'on aura un système de droit
spécial pour combattre un crime quelconque, fut-il le crime
organisé. C'est ce qu'on dit. On vous dit que vous formez, dans le bill
41, un bureau chargé de coordonner les recherches, cela nous
paraît une des solutions les plus recherchées. Mais à
partir du moment où est formé ce bureau, et à partir du
moment où une commission d'enquête peut-être vous aidera
à l'améliorer en ayant découvert les failles qui peuvent
exister au sein des forces policières ou même des gens en place,
vous pouvez encore l'améliorer.
On ne peut pas changer le système judiciaire à l'occasion
de pareilles choses. Vous me permettrez, sans vous en accuser, de vous rappeler
le début de l'inquisition, le mot paraît extraordinaire, mais je
vous souligne en passant que l'inquisition a été instaurée
précisément dans le même contexte, alors que les papes
disaient: II y a des gens qui ont l'audace de penser différemment de
l'Eglise. On va faire un petit système d'inquisition très
ordinaire pour permettre cette question exceptionnelle. Cela n'a pas pris
tellement de temps avant qu'effectivement cela devienne un instrument politique
et puis on s'est rendu compte... puis là aussi, on avait des situations
spéciales. On se disait: Bien c'est effrayant, il y a des gens qui
sont des schismatiques ou, autrement, trouvons un moyen d'enquête
exceptionnel.
On est en 1976, il n'y a rien de tellement changé dans la face du
monde. On a fini par instaurer des systèmes qui sont peut-être un
peu encombrants, mais qui ont éliminé le pilori et qui ont
éliminé les moyens spéciaux, qui ont éliminé
les chambres rouges. Je ne vous fais pas un blâme et je ne pense pas que
ce soit votre désir, mais, selon nous, consacrer dans la loi et dans les
faits, un moyen quelconque spécial de combattre un crime quelconque,
fut-il le plus horrible, c'est effectivement instaurer dès maintenant,
le désir éventuellement de s'en servir pour d'autres fins.
Et c est à cet égard que, lorsqu'on voit dans votre
article le mot subversion", cela nous effraye. J'ai confiance en vous; mais,
disons que demain matin un autre gouvernement en qui vous, vous n'auriez
peut-être pas confiance, veuille instaurer pareille enquête, sur un
parti politique quel qu'il soit, il n'y aurait pas de raison pour que les
mêmes considérations s'y appliquent; il n'aurait qu'à dire;
On considère, nous, le gouvernement, qu'il y a une circonstance
très spéciale.
Faites enquête dès maintenant sur cet horrible organisme
qui est un réseau de gens pensant mal et faites-le surtout sur la place
publique et là, on va les détruire rapidement. C'est ce qu'on
vous dit.
M. Lalonde: Moi, je fais confiance à la population; alors,
il n'y a aucun problème.
M. Casgrain: Bien moi, je suis du peuple, vous savez, alors!
M. Lalonde: Mais, si je comprends bien, l'idéal serait
qu'on puisse combattre toute forme de criminalité par les moyens
ordinaires, conventionnels de I administration de la justice.
M. Brossard: Vous ne devez avoir qu'un seul système
judiciaire.
M. Lalonde: C est I idéal, n'est-ce pas?
M. Casgrain: Je serais consentant là-dessus.
M. Lalonde: Oui. c'est cela.
M. Brossard: Ce n'est pas seulement un idéal.
M. Lalonde: Pour toute forme de criminalité.
M. Brossard: Bien, ce n'est pas un idéal.
M. Burns: C est cela.
M. Brossard: C est cela et il faut que cela reste cela.
M. Lalonde: Oui, mais, quand...
M. Brossard: On a un système judiciaire.
M. Lalonde: ...je dis conventionnel, je veux dire sans faire
appel à des commissions d'enquête.
M. Casgrain: Non. non. les commissions d enquêtes sont
là pour rechercher les faits. Si vous constatez que votre corps
policier, dans la municipalité de Saint-Glin-Glin qui n'a pas 5000
habitants ou qui devrait avoir un corps policier, je ne sais pas trop,
fonctionne mal. faites-en une commission d'enquête. Ils vont vous faire
rapport en disant: II arrive que, dans ce coin-là, il y a quelque chose
qui ne fonctionne pas et qui n'est pas très catholique, même si on
ne parle pas d'inquisition, entre le maire et le chef de police. Là,
vous réglerez votre problème à la lumière de ce
qu'on vous dira, mais vous n'instaurerez pas, à ce moment, un
système spécial de police qui sera chargé de régler
ce problème en utilisant le genre de moyens dont vous parlez ici.
M. Brossard: Je pense qu'il faudrait éviter une confusion.
Nous ne nous opposons pas à ce qu'il y ait une commission
d'enquête, à l'occasion, sur le crime organisé. Ce n'est
pas du tout ce à quoi nous nous opposons.
M. Lalonde: On a déjà émis des doutes
à savoir ce qu'est le crime organisé.
M. Brossard: Non, non, on ne s'oppose pas à cela. Je
voudrais qu'on se comprenne bien.
M. Lalonde: Oui.
M. Brossard: Ce que nous disons d abord, c est que l'article 1 de
la Loi des commissions d'enquête actuelle vous donne tous les pouvoirs
nécessaires pour en constituer des commissions d'enquête sur le
crime organisé à l'occasion d'un problème bien
défini, tel qu'on le mentionnait tout à l'heure, par exemple,
pourquoi telle force policière est inefficace contre tel crime. On a
aucune objection de principe à cela. Ce à quoi nous nous opposons
fondamentalement, c'est que le but de la commission d'enquête devienne
non pas la recherche de faits ou de causes à un mal donné, mais
devienne un tribunal parallèle servant à condamner sur la place
publique des gens qu'on est incapable de traduire devant les tribunaux.
M. Burns: Avec un budget spécial.
M. Brossard: Là. vous court-circuitez votre système
judiciaire. Vous faites un système judiciaire parallèle.
M. Lalonde: Je comprends bien votre point de vue. D ailleurs,
c'est ce qui sous-tend toute votre position en tant que Barreau
vis-à-vis du projet de loi no 41.
Et c'est, d'ailleurs, je pense, à moins que vous ne me corrigiez,
la raison qui préside à votre conclusion, à savoir que le
rôle d'une commission d'enquête sur le crime organisé n'est
pas de lutter contre le crime organisé, mais de lutter contre des
criminels organisés.
M. Brossard: C est-à-dire que ce n'est pas son rôle
de suppléer à des lacunes policières: son rôle est
de trouver pourquoi il peut y avoir des lacunes policières et là
de vous faire les recommandations voulues.
M. Lalonde: Ce n'est pas non plus son rôle, vous concluez,
de sensibiliser la population.
M. Brossard: Ah! cela non.
M. Lalonde: Vous savez que la commission Prévost avait
demandé justement que la population soit sensibilisée.
M. Brossard: Nous n'avons pas d objection à ce que la
population soit sensibilisée à lexistence du crime
organisé, mais nous disons: Vous avez tous les autres moyens à
votre disposition. Je pense que le gouvernement dans ses structures.
l'Assemblée nationale, avec tous vos moyens de communication, vous avez
tout ce qu'il faut pour sensibiliser la population.
M. Lalonde: Mais cela n'appartient pas à la commission
d'enquête?
M. Brossard: Ce n'est pas le rôle de la commission d
enquête. Si la commission d'enquête remplit ce rôle, elle ne
peut en arriver qu à une seule conclusion, qu'un seul résultat
qui va être de condamner sur la place publique des individus contre
lesquels il n'existe pas de preuve suffisante.
Prenons un exemple. Vous avez eu la phase CECO sur la viande
avariée. La CECO, à ce moment-là, agissait dans un
rôle de sensibilisation publique et également dans un rôle
de condamnation. Elle a fait des recommandations au gouvernement quant à
un certain nombre de plaintes criminelles qui devaient être
apportées; je pense qu'il y avait 25 à 30 noms dans ces
recommandations. Mais vos substituts en ont porté combien de plaintes
après et ils ont obtenu combien de condamnations? La preuve était
insuffisante pour obtenir une condamnation contre les autres, mais les autres
ont quand même été condamnés à jamais dans
l'opinion publique. Là vous avez vraiment court-circuité notre
système judiciaire.
M. Lalonde: Vous soulevez un point qui est tout à fait
pertinent. En effet, on s'est aperçu, après avoir soumis la
preuve qui avait justifié la commission d'enquête de recommander
telles poursuites contre un tel, un tel et un tel, que la preuve, dans
plusieurs cas, n'était pas suffisante à l'opinion de nos experts
en la matière, c est-à-dire les procureurs de la couronne. Donc,
il y a peut-être eu, un moment donné, un court-circuit dans les
communications.
Mais c'est une question qui peut être réglée
facilement. Il n'est plus question que la CECO fasse des recommandations de
poursuivre un tel pour tel crime, du moins dans un rapport écrit. Les
relations, les communications entre les procureurs de la couronne et la CECO
sont assez immédiates pour que nous assumions nos
responsabilités. Si une preuve que nous ne connaissions pas est
révélée, à I'occasion d'une commission d
enquête, que ce soit le système judiciaire conventionnel qui I
examine et amène le suspect devant les tribunaux, si la preuve est
suffisante. Je pense que c'était très vrai dans le cas de la
viande avariée. Nous n avons pu amener devant les tribunaux qu une
certaine partie des personnes mentionnées et seulement une partie des
plaintes recommandées. C est quand même une parenthèse. Il
reste le fait que ce soit fait publiquement, cela a pu sensibiliser la
population sur l'existence d'une forme de criminalité sournoise que l'on
ne soupçonnait pas. La pègre était rendue dans notre
assiette et on ne le savait pas. Ne trouvez-vous pas qu'il y a une certaine
valeur positive à ce qu'une commission sur le crime organisé
fasse justement ce genre de sensibilisation?
M. Brossard: Encore là, il faut s entendre. La
sensibilisation qui a résulté de la phase de la commission
d'enquête sur la viande avariée a été une
conséquence de la recherche de certains faits. Ce à quoi nous
nous opposons, c'est que cela devienne le but de la commission d enquête.
A ce moment, pour atteindre cet effet, cela devient le but. Vous risquez
d'enlever aux commissaires-enquêteurs leur objectivité, leur
impartialité. Selon notre opinion, ces gens qui président
à une commission d'enquête doivent être très froids.
Ils ne sont pas là pour préjuger du résultat final de la
commission d enquête. Si vous leur donnez comme but de sensibiliser
l'opinion publique, quel est le risque? C'est que la commission
d'enquête, alors, devienne orientée vers ce but. Pour orienter la
commission d'enquête vers ce but et pour l'atteindre, il va falloir que
les commissaires choisissent les éléments de preuve qui leurs
paraissent efficaces à cette fin.
A ce moment-là, ils perdent complètement de vue ce qui
doit être le but premier, qui est la recherche de tous les faits
même ceux qui peuvent ne pas faire leur affaire dans une orientation
d'éducation populaire.
M. Lalonde: M. le Président, je sais qu'on doit suspendre
immédiatement. J'aurais seulement une question avant la suspension, si
vous me le permettez. Je disais tantôt que, quoique ce n'était pas
le but de l'exercice, on en est rendu à se poser des questions sur les
aspects fondamentaux de ce problème. Le Barreau, en 1972, lorsque cela a
été étudié, a-t-il fait des représentations?
Je vous demande cela seulement par curiosité, je n'étais pas
là. Elles n ont pas été écoutées?
M. Brossard: Je répondrais ceci à l'honorable
Solliciteur général. Souvenez-vous, encore une fois, de la
façon dont les amendements ont été adoptés en 1972,
sanctionnés le 8 juillet, rapidement, à la fin de la
session...
M. Burns: En fin de session...
M. Brossard: ...enfouis entre 82 autres projets
de loi, d'une part; deuxièmement dans la psychose qui existait
à cette époque et, troisièmement, dans une époque
de changement d'administration au Barreau. La réponse: En 1972, le
Barreau, malheureusement je le regrette n'a pas fait les
représentations qu'il aurait dû faire.
M. Lalonde: Mieux vaut tard que jamais.
M. Brossard: Mais ce n'est pas une raison pour que nous ne les
fassions pas aujourd'hui.
M. Lalonde: Mieux vaut tard que jamais.
M. Casgrain: Vous admettrez qu'on se reprend bien!
M. Lalonde: Cela peut peut-être expliquer
l'intensité de l'indignation!
M. Casgrain: Vous admettrez qu'on se reprend très
bien!
M. Lalonde: Cela peut peut-être expliquer
l'intensité de l'indignation, mais mieux vaut tard que jamais!
M. Burns: C'est, d'ailleurs, pour la même raison, M. le
ministre, qu'aujourd'hui je suis férocement, aussi férocement
contre le projet de loi, parce que je me le suis fait passer entre les dents en
1972.
D'ailleurs, pour ajouter à cette réponse du Barreau, je
peux vous dire qu'à ma connaissance, en 1972, le seul organisme qui nous
avait mis la puce à l'oreille était la Ligue des droits de
l'homme, par la voix de son président du temps, M. Champagne, qui est
heureusement, maintenant, vice-président, je pense, de la Commission des
droits et libertés de la personne du Québec. C'est le seul,
véritablement je tiens à lui rendre ce témoignage
qui avait soulevé le problème, qui même nous avait,
dans un échange public de lettres, dans les colonnes aux lecteurs dans
les journaux, engueulés assez vertement. Là-dessus, je pense que
c'est le seul véritable organisme qui s'était manifesté
à l'époque. En tout cas, on n'a pas à faire le
procès de cette période.
M. Lalonde: C'est simplement pour montrer la perspective dans
laquelle cela se passe.
M. Burns: En terminant, je veux très sincèrement
remercier le Barreau pour cette présentation. La seule chose que je
regrette, Me Brossard, M. le bâtonnier, c'est que vous ne soyez pas
à mes côtés quand on discutera article par article. Je suis
sûr que vous feriez un très bon avocat à la commission
lorsqu'on discutera de ce projet.
Je dois vous dire que je partage l'ensemble de vos recommandations. En
tout cas, au nom de l'Opposition, on peut vous dire qu'on partage cette
position. Cela va peut-être vous étonner, mais je peux même
vous dire que je ne suis pas loin d'être convaincu sur le seul point de
désaccord que j'avais sur le mémoire du Barreau,
c'est-à-dire l'aspect de la publicité. Je pense que vous touchez
très sérieusement au coeur du problème lorsque vous dites
que la publicité qu'on accorde à ce type de commission
d'enquête résulte, dans les faits, à condamner quelqu'un
qui ne l'a pas été par les voies normales des tribunaux et par
les règles précises qu'on a expérimentées depuis de
nombreuses années et qui se sont trouvées efficaces pour
protéger les individus.
En terminant, à cause de la façon
désintéressée avec laquelle vous apportez ce
mémoire devant la commission et l'engagement, si vous voulez, au sens
social du mot, je ne suis pas loin de vous dire que cela me rend encore plus
fier d'être membre du Barreau, et je vous remercie de cette
présentation.
Le Président (M. Cornellier): Messieurs, la commission
suspend ses travaux jusqu'à quinze heures. Le Barreau pourra revenir
pour continuer l'étude et sera suivi de la Fédération des
policiers.
(Suspension de la séance à 12 h 37)
Reprise de la séance à 15 h 10
M. Cornellier (président de la commission permanente de la
justice): A I ordre, messieurs! La commission de la justice reprend ses
travaux. Nous en sommes toujours à l'étude du mémoire du
Barreau. Je cède immédiatement la parole au Solliciteur
général.
M. Lalonde: La présentation qui a été faite
par M. le Bâtonnier me semble assez exhaustive. Il n'est pas question,
naturellement, de commencer l'étude article par article de cette loi
à ce stade-ci de nos travaux. Je n'aurais pas de question sauf
celles plus générales que j'ai posées au début
à poser actuellement sur les idées fondamentales,
générales, les grands principes de la présentation du
Barreau.
Quant à moi, je pense que son mémoire est très
clair, il repose sur des principes très clairement exprimés et j
en félicite le Barreau. Puisqu il n est pas question d'aborder
l'étude article par article maintenant, je n'aurais pas d'autres
questions à moins que des membres de cette commission désirent
aller plus avant.
M. Burns: J aurais simplement une question à l'endroit de
M. le Bâtonnier. Vous avez, ce matin, exprimé l'inquiétude
du Barreau relativement à la publicité qui doit être
donnée ou qui est donnée actuellement aux travaux de la
Commission d enquête sur le crime organisé en particulier.
Cela m'a particulièrement frappé lorsque vous nous avez
dit qu'à toutes fins pratiques je vous l'ai mentionné
à la fin de la séance ce matin cela équivalait
à condamner quelqu'un, dans de nombreux cas, sans que
véritablement un procès ait eu lieu. C'était, dans votre
présentation, un des aspects. Vous nous disiez: Si vous voulez avoir des
explications additionnelles, c'est là que je pourrai vous en donner
Est-ce que cela vous tenterait de nous donner plus de détails sur la
position du Barreau relativement à ce sujet?
M. Brossard: Nous sommes évidemment d'accord pour que les
commissions soient publiques. Je pense que c'est très clair.
M. Bellemare (Johnson): Que les commissions soient?
M. Brossard: Publiques. Essentiellement publiques, ouvertes au
public, sauf dans certains cas bien définis qui sont prévus par
l'article 33 projeté et auquel nous suggérons quand même
certains amendements. Ce à quoi nous nous opposons essentiellement dans
la publicité qui est donnée aux commissions et de façon
très claire, c'est à la diffusion par les media
électroniques. Les raisons sont multiples, elles sont de deux ordres.
D'abord il y a la position de principe de base que ce n'est quand même
pas un procès qui doit viser à condamner des individus dans I
opinion publique. Je pense qu'on en a parlé abondamment ce matin.
Il y a d'autres raisons d ordre également plus pratique, plus
concrètes pour s'opposer à la télé- diffusion par
exemple ou même à la reproduction à la radio en direct ou
en différé. L'expérience que nous avons dans la pratique
devant les tribunaux est telle que l'on sait fort bien que pour quiconque qui
est appelé comme témoin devant un tribunal, même dans la
cause la plus simple qui soit, c est déjà un traumatisme
jusqu'à un certain point. Demandez à quiconque qui a
été appelé à témoigner devant un tribunal,
même un avocat appelé à témoigner devant un
tribunal, c est quelque chose d'un peu traumatisant.
M. Lalonde: Peut-être surtout un avocat. M. Brossard:
Peut-être...
M. Bellemare (Johnson): Un premier ministre surtout.
M. Brossard: ...mettez-lui...
M. Burns: Dans le cas du premier ministre ils remettent la cause
indéfiniment, puis ce n est pas grave.
M. Bellemare (Johnson): Cela a pris dix ans mais elle a
passé.
M. Burns: Oui?
M. Bellemare (Johnson): C était la cause des
témoins de Jéhovah.
M. Burns: Oui. mais il y en a une autre actuellement, la baie
James; on n'en entend plus parler, je ne sais pas, on a oublié cela.
M. Brossard: C'est sub judice. C est sub judice.
M. Lalonde: C est une cause civile.
M. Burns: La cause d'outrage au tribunal du premier ministre
actuel.
M. Lalonde: M. le Bâtonnier aurait des... M. Burns:
Je parle...
M. Lalonde: ...des commentaires à faire
là-dessus.
M. Brossard: Je vais être obligé de me
récuser.
M. Burns: Je ne parlerai pas de la liste. M. le
Bâtonnier.
M. Brossard: Ceci dit, pour continuer dans la ligne
amorcée, mettez à ce témoin, en plus de cela, des
projecteurs, des caméras.
Même si la technique d'aujourd'hui fait en sorte qu'on peut filmer
sans projecteur, en cachant les caméras, mettez-lui dans la tète
qu il témoigne non pas devant trois commissaires, quelques spectateurs
et quelques avocats, mais devant
deux millions de personnes et ce témoin, qu'on le veuille ou non,
ta vérité que vous allez en sortir dans un interrogatoire, cela
va être une vérité qualifiée en fonction des deux
millions d auditeurs qui l'écoutent. C'est inévitable. Le
même phénomène va jouer inévitablement dans le cas
des commissaires et dans le cas des procureurs. Tout être est humain. Que
ce soit un juge, un avocat, il sait que deux millions de personnes le regardent
ou un million. Il va vouloir se présenter non seulement sous son
meilleur jour, mais sous le jour qu'il peut croire le meilleur pour les gens
qui le regarderont.
Humainement parlant, cela va fausser sa propre attitude vis-à-vis
de l'enquête à laquelle il participe. Cela va lui enlever un
certain élément d'objectivité et de
sérénité. Cela va plus loin. J'ai vécu une partie
minime de la commission d'enquête Cliche. Vous avez des témoins
qui je ne donnerai pas de noms, il y en a qui sont quand même
très près du gouvernement et qui ont témoigné
devant la commission d'enquête Cliche par un souci
d'honnêteté, par exemple, à une question donnée,
vont non pas hésiter, mais réfléchir quelques secondes
à la réponse qu'ils sont appelés à donner pour
donner la réponse la plus exacte, la plus précise qui soit.
Nous, qui sommes dans le métier, savons que ce témoin est
un témoin honnête qui cherche la réponse précise.
Les journalistes de la presse parlée ou écrite ou
électronique ont également l'expérience et sont capables
de faire la distinction entre ce témoin qui cherche la réponse
précise et le témoin qui cherche à fuir la question, de
sorte que, dans leur rapport après coup, ils vont faire la distinction.
Projetez cela devant deux millions de téléspectateurs, qui n'ont
pas l'expérience de la cour, qui n'ont peut-être jamais
été appelés comme témoins devant un tribunal, et
montrez-leur, à un moment donné, des hésitations d'un
témoin ou ce qui paraît être une hésitation.
Ou laissez-leur écouter à la radio, comme j'en ai
écouté, des silences de témoins avant que la
réponse vienne et le risque, ce n'est même plus un risque, c'est
une quasi certitude que leur conclusion, c'est que ce témoin, quel qu'il
soit, cherche à fuir la question, hésitant et réticent,
cherche un faux-fuyant. C'est une objection additionnelle que nous avons au
media électronique.
De plus, il y a des témoins qui sont appelés devant des
commissions d'enquête qui ont des rôles absolument secondaires,
accessoires, qui sont convoqués quelquefois pour faire le lien entre un
individu x et un individu y, mais un lien vraiment accidentel sans que cela les
implique.
Les journalistes, quand ils font leurs rapports, font cette distinction,
souvent n'en parlent même pas de ces témoins. Mettez-les à
la télévision et imaginez le tort que cela peut causer à
ces individus parce que malheureusement et quels que soient les avertissements
que les commissaires peuvent donner au préalable, dans l'opinion
publique, quand vous êtes appelé à comparaître devant
une commission d'enquête qui s appelle une commission d'enquête sur
le crime organisé, si on vous assigne, c'est parce que vous faites
partie de cela. C'est inévitable. Alors, ce témoin accidentel,
accessoire, dont les journalistes ignoreraient même l'existence dans
leurs rapports, a été vu par un million de personnes.
On le dit dans notre mémoire, je pense que vous allez me
dispenser de donner des noms de cas précis, nous avons des cas
précis de témoins qui ont perdu, à la suite d une simple
comparution devant la CECO, des prêts dont les hypothèques sont
exigées par des banques parce que, selon
Iopinion du gérant de la compagnie de fiducie et du gérant
de banque, ce bonhomme avait été assigné devant la CECO,
on I avait vu à la télévision, c'était un mauvais
risque, alors que la presse parlée n'en avait jamais glissé un
mot dans ses rapports.
Ce sont des risques qui existent à la
télédiffusion. Ensuite, si vous voulez, on peut revenir
maintenant sur le plan du principe. La télévision nous fait
penser un peu à l'époque où. pour mettre fin à la
sorcellerie, on brûlait les sorcières sur la place publique. Je ne
pense pas que cela ait mis fin à la sorcellerie à
l'époque. Je n'ai pas l'impression que brûler les gens sur la
place publique dans une commission d'enquête sur le crime
organisé, c est ce qui va mettre fin au crime organisé.
Nous n'y voyons aucune utilité pratique: nous y voyons une
série d'inconvénients qui sont très sérieux et
très graves. C'est pour cela que nous nous opposons à ce genre de
publicité.
M. Lalonde: M. le président, pour reprendre cette
même question, j aimerais faire une distinction entre, justement, ce que
Me Brossard décrit comme étant le témoin accidentel et I
autre témoin. Je pense que vous le reconnaissez, il a existé, en
particulier à la CECO, ce qu'on appelle des ordonnances de
non-communication. Ce genre de témoins n'apparaissait pas à la
télévision. Son nom n'était pas mentionné du tout,
ni à la télévision, ni sur les ondes. Pensez-vous qu'on
peut prendre soin au moins de cet aspect particulier par la voie de
l'ordonnance de non-publication?
M. Brossard: Non. Je ne pense pas que l'ordonnance de
non-publication soit suffisante. Ce témoin peut être un
témoin vraiment assigné par erreur et l'ordonnance de publication
règle son cas. Ce que j'appelle le témoin accidentel peut
être un témoin, quand même, essentiel à la commission
d'enquête pour faire le lien entre deux individus. A ce moment, ce
témoin accidentel peut être un témoin qui va venir
contredire un autre témoin sur un détail de relation
individuelle.
II est accidentel en ce sens que lui n'a rien à voir avec le
crime organisé, mais il peut être essentiel, à un moment
donné, à la commission d'enquête pour faire le lien entre
deux personnes. A ce moment, la commission d'enquête n'émettra pas
une ordonnance de non-publication parce que son témoignage devient un
élément essentiel à sa preuve.
M. Casgrain: Si vous me le permettez, je pense également
que, si vous commencez à négocier à savoir combien il y
aura de couverture de télévision, vous violez le principe
même que nous entendons soumettre. Ce que nous disons, c'est
que le principe même d'une saine administration de la justice et
d'une commission d'enquête, c'est le calme et la
sérénité dans lesquels doivent se dérouler ces
séances. C'est ce qui est l'essentiel. Il ne s'agit pas pour nous de
dire que la commission jugera, elle, qui devra ou non passer à la
télévision. Elle peut faire une erreur en choisissant ses
vedettes et elle peut être tentée à l'occasion de se
choisir des vedettes, parce que c'est justement là que nous en sommes. A
partir du moment où vous permettez que ce soit véritablement une
série de télévision, un spectacle populaire, c'est
fini.
On peut bien négocier et éviter que quelques-uns soient
souillés, mais l'erreur est possible et elle continuera à se
répéter au fur et à mesure. La tentation est là
aussi d'assurer la continuité de la série en question. Il ne faut
pas se leurrer, c'est évident que c'est extrêmement populaire ce
genre de chose, il n'y a pas de doute là-dessus. Et puis, à cette
enseigne, s'il fallait se fier là-dessus, évidemment, on serait
pour une télévision en couleur avec tout ce qu'il faut. Mais ce
n'est pas parce que c'est populaire que c'est nécessairement bon. A
cette enseigne, je ne me souviens pas, mais il paraît qu'il y a eu une
époque où les pendaisons se faisaient en public, ensuite on les
faisait devant un petit groupe; c'était une faveur pratiquement
extraordinaire que d'avoir un billet pour assister à la pendaison. Cela
a l'air fou, mais on rejoint en fait la justice faite sur une place publique.
Ce n'est pas un principe qui est bien, bien nouveau.
M. Burns: Les films d'horreur, Me Casgrain, sont très
populaires de ce temps-là.
M. Casgrain: Certainement. Quand on a fait le film Jaws je
vais vous donner un exemple on a cru que les gens n'iraient plus se
baigner. Savez-vous que c'est le contraire qui s'est produit? Il y a encore
plus de gens qui sont allés, pour vous montrer que l'exemple qu'on veut
faire n'est pas nécessairement celui qui va empêcher les gens de
commettre le délit. Je prétends que ce qui est important dans le
principe c'est le calme et la sérénité dans lesquels
pareilles commissions doivent fonctionner. A partir du moment où vous
leur dites: Vous vous donnez en spectacle, que ce soit une partie du spectacle,
que ce soit en différé ou non, je pense que nous ne pouvons pas
violer ce principe.
M. Burns: Concernant un autre des points que vous avez
soulevés, M. le Bâtonnier, je partage entièrement votre
avis à l'effet qu'une commission d'enquête n'a pas pour but de
lutter contre le crime organisé ou tout autre mandat qu'on pourrait lui
soumettre, mais beaucoup plus de rechercher des faits. Dans les commissions
d'enquête, je pense que vous avez fait référence
principalement à la CECO et à la commission qu'on appelle la
commission Cliche maintenant sur la liberté syndicale, avez-vous
soit vous-même du bureau de direction du Barreau ou encore par des
remarques qui ont pu vous être faites par des membres
remarqué que ces commissions avaient, en pratique, fait autre chose ou
tenté de faire autre chose que de simplement rechercher les faits?
Là-dessus, j'aimerais avoir vos commentaires, par exemple, sur la CECO,
sur la commission Cliche.
D'après vous, est-ce que ces deux commissions jusqu'à
maintenant, ont été beaucoup plus des commissions
d'enquête, au vrai sens du mot, au véritable sens du mot je
me restreins, je ne vous donne même pas mon opinion là-dessus,
mais je la demande à des spécialistes du milieu, à des
gens qui sont des avocats et qui savent un peu comment fonctionne une
commission d'enquête et comment cela fonctionne devant les tribunaux
ont-elles respecté le désir que vous exprimez dans votre
mémoire, ou bien, d'autre part, n'ont-elles pas un peu
débordé ce cadre que vous nous indiquez?
M. Brossard: Je suis convaincu, Me Burns, que vous ne nous
demandez pas un jugement sur l'efficacité des deux commissions
d'enquête?
M. Burns: Non, non, pas du tout sur l'efficacité, mais sur
la façon dont les séances ont été tenues et par
rapport aux remarques que vous faites.
M. Brossard: Ce que nous avons à reprocher, je pense,
c'est un reproche commun que l'on peut faire à la commission Cliche et
à la CECO. Ce n'est pas un blâme que je leur porte, parce que les
dispositions juridiques qui les gouvernaient à l'époque
étaient évidemment inadéquates, mais certainement que les
droits des témoins, devant ces deux commissions d'enquête, n'ont
pas été respectés. Je m'explique. Tant à la
commission d'enquête Cliche qu'à la Commission d'enquête sur
le crime organisé, voici la procédure qui a été
suivi. Quand un témoin se présentait assisté d'un avocat,
le témoin était interrogé par le procureur ad hoc de la
commission et interrogé par les commissaires qui, évidemment,
savent les points sur lesquels ils veulent interroger le témoin.
L'avocat du témoin ne pouvait pas, par exemple, contre-interroger ce
témoin, sinon en soumettant sa question à l'avance, au procureur
ad hoc de la commission qui. lui, la posait au témoin après avoir
obtenu la permission des commissaires. Vous avez exercé, à un
moment donné, et je pense que tous les avocats qui ont pratiqué
devant les tribunaux savent pertinemment qu'une réponse à une
question donnée, plus souvent qu'autrement, entraîne une autre
question en ce qu'elle était incomplète.
Il est impossible de contre-interroger un témoin, même son
propre client, en passant par l'entremise d'un autre et en lui donnant la
question, quand elle est un peu longue, par écrit au préalable ou
verbalement quand elle n'est pas trop longue, en espérant qu'il
l'interprète fidèlement en la posant au témoin; ce n'est
pas un contre-interrogatoire valable. Surtout que vous êtes bloqué
là, ça arrête là.
Je ne sache pas que la commission Cliche ou que la CECO ait permis le
contre-interrogatoire de témoins par les avocats d'autres parties
impli-
quées ou d'autres témoins impliqués par le
témoignage de celui qui est dans la boîte. Remarquez bien que cela
s'est fait dans le passé. La commission Cliche et la CECO ne sont pas
les deux premières commissions d'enquête que le gouvernement du
Québec a ordonnées. Il y a eu l'enquête Coffin, il y a eu
l'enquête Caron et il y en a eu un tas d'autres.
M. Burns: Prévost.
M. Brossard: II y a eu l'enquête Prévost. Vous avez
eu, au fédéral, l'enquête Estey sur Air Canada. Dans toutes
ces enquêtes je ne parle pas de Prévost, je l'ignore
l'enquête Coffin, l'enquête Caron, l'enquête Estey,
l'enquête Dorion sur l'affaire Lucien Rivard, vous aviez une batterie
d'avocats, de personnes impliquées dans cette enquête ou
susceptibles de l'être, qui avaient le droit de contre-interroger les
témoins. Les commissaires les invitaient à les contre-interroger
et cela n'a jamais paralysé la bonne marche de ces commissions
d'enquête. Le contre-interrogatoire, dans ces conditions, doit être
limité. On ne contre-interroge pas à tort et à travers.
Dans nos recommandations, on demande des précisions au
contre-interrogatoire.
M. Burns: Je m'excuse, M. le Bâtonnier, mais est-ce que je
peux vous poser une question? Quand vous dites que cela ne peut pas paralyser
le travail de la commission, cet aspect du contre-interrogatoire, est-ce que
vous avez des règles précises ou bien si vous me dites que les
règles actuelles de droit commun peuvent s'appliquer sans aucun
empêchement au déroulement de la commission?
M. Brossard: Ce que nous vous suggérons en matière
de contre-interrogatoire, par exemple, ce sont certaines limitations. L'avocat
qui contre-interroge son propre client après qu'il a été
interrogé par le procureur ad hoc, nous disons qu'il l'interroge sur les
faits qui ont été mentionnés dans son examen en chef. C
est déjà une première limite. Si c'est l'avocat d'un tiers
impliqué par ce témoin, nous disons que le contre-interrogatoire
doit porter sur les faits allégués par ce témoin qui
implique ce tiers. En plus de ces limites, vous avez la règle que le
commissaire dispose de tous les pouvoirs d'un juge de la Cour
supérieure. Or, un des pouvoirs inhérents d'un juge de la Cour
supérieure est d'interrompre un contre-interrogatoire qui sort
complètement des cadres de l'objet qui est discuté ou du
témoignage en chef. Non seulement on suggère des règles,
mais il y a, en plus, les pouvoirs inhérents du juge de la Cour
supérieure qui peut l'interrompre.
Il y a un élément qui est aussi très important. Je
me souviens d'un nom. A un moment donné, vous avez eu, à la
première phase de la CECO, un nommé Abud, si mes souvenirs sont
bons, qui est venu témoigner sur...
M. Burns: Les chevaux.
M. Brossard: ...des chevaux, puis des vedettes sportives. Je
pense qu'il a passé un gardien de but puis tout cela; il en a
passé du monde dans son témoignage. Dans un cas semblable,
suivant la proposition qu'on vous fait, non seulement l'avocat de cette
personne-là aurait droit de contre-interroger le témoin sur les
faits mentionnés par le témoin, mais également sur sa
crédibilité, sur les causes de reproches qui peuvent lui
être faits.
Or cela peut devenir essentiel, à un moment donné, que ce
soit un avocat d'un tiers qui le fasse ce contre-interrogatoire. Si, pour le
procureur ad hoc de la commission, ce témoin est un témoin
important dans un élément de preuve qu'il veut apporter devant la
commission d'enquête, ce ne sera certainement pas son
intérêt à lui de faire des reproches à ce
témoin après coup, puis d'attaquer sa crédibilité.
Cela prend un avocat autre que le procureur ad hoc pour le faire à un
moment donné. Alors nous disons que l'avocat de la personne
accusée par ce bonhomme a le droit de venir contre-interroger ce
témoin-là, mais dans certaines limites, pour ne pas paralyser.
Comme je vous dis, l'expérience passée révèle que
cela s'est fait et que cela n'a jamais paralysé les commissions
d'enquête.
Or, pourquoi l'a-t-on empêché lors de la commission
d'enquête Cliche, pourquoi l'empêche-t-on actuellement dans
l'enquête sur le crime organisé? Or ce que nous vous
suggérons nous c'est que ce soit un droit strict dans la loi. Et je ne
suis pas sûr que les commissaires vont être contre cela, parce que
dans le rapport Yarosky, avant qu'il soit rédigé, il y en a
plusieurs qui ont été interrogés, dont le juge Cliche
lui-même. Ils ont été consultés tous ces
gens-là, avant que le rapport Yarosky soit publié. On a eu la
somme d'impressions de plusieurs commissaires. En toute honnêteté,
cependant, je dois dire que les commissaires de la Commission d'enquête
sur le crime organisé n'ont pas été rencontrés,
à la suite d'un accident de parcours.
Vous demandez quelle expérience on a eue. Le Barreau a suivi la
commission d'enquête Cliche, c'est-à-dire certains membres ont
été appelés à suivre une partie des séances
de la commission d'enquête Cliche. Nous avons même
désigné à un moment donné un représentant
permanent pour assister aux séances de la Commission d'enquête sur
le crime organisé. Ce qu'on vous livre c'est un peu le fruit de ces
expériences.
M. Burns: D'accord.
Le Président (M. Cornellier): Est-ce qu'il y a d'autres
questions à l'endroit des représentants du Barreau?
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais remercier les
représentants du Barreau de leur mémoire, de leur
présentation, de leur disponibilité. J'aimerais, après
l'audition du Barreau, demander à Me Jacques Dagenais de nous
éclairer sur certains aspects des questions qui ont été
soulevées. Après, il y aura peut-être lieu de faire des
remarques que je me réserve pour ce moment-là.
M. Burns: II y a la Fédération des policiers
municipaux aussi.
M. Lalonde: Cela n'élimine pas la
fédération, je parle sur le mémoire du Barreau.
M. Burns: Ah bon! D accord. Alors, merci encore une fois,
messieurs du Barreau, merci. M. le Bâtonnier.
Le Président (M. Cornellier): Merci bien, messieurs. On
inviterait Me Dagenais à venir faire ses représentations.
Commission d'enquête sur le crime
organisé
M. Dagenais: Je ne voudrais pas que vous ayez l'impression,
puisque je viens ici seul, qu'on ne prend pas la chose au sérieux.
M. Lalonde: Me Dagenais, j'ai demandé au président
de la Commission d enquête sur le crime organisé de nous
désigner quelqu un qui pourrait éclairer la commission
relativement à certaines recommandations du rapport du Barreau. Pourquoi
le rapport du Barreau?
Tout d'abord parce que je ne pense pas qu'il ait été
convenable que nous demandions à un organisme du gouvernement de venir
commenter le projet de loi lui-même. Nous ne voulons pas vous imposer ce
rôle. Ce n'est pas du tout le but de ma demande. Tout simplement, parce
que le rapport du Barreau est fondé sur une approche, sur des principes
qui semblent fondamentalement différents, sinon contraires à ceux
qui ont été suivis actuellement, tout d'abord qui ont
été inscrits dans la loi en 1972 et qui ont été
suivis par les différentes commissions depuis, y compris la commission
actuelle formée par le ban actuel depuis le début de l'an
dernier. Je comprends que vous avez été mandaté par la
commission pour venir répondre à nos questions là-dessus.
C'est exact?
M. Dagenais: C'est exact.
M. Burns: Ecoutez, le préalable m'inquiète un peu.
Je pense que le mémoire soumis par le Barreau est tout à fait
valable, à mon avis; je vous conseille très sérieusement
de le relire et de l'approfondir; il ne se base pas sur des prémisses
tout à fait limitées, comme il semble que vous veuillez le faire,
M. le ministre. Le Barreau, comme j'ai compris son mémoire, est
préoccupé par l'ensemble de la mentalité qui
préside à ce type de commissions d'enquête et à
cette façon d'envisager une commission d'enquête, en particulier,
par le fait je retiens cette expression qui m'apparaît très
valable pour qualifier le projet de loi d'instituer un système de
justice parallèle à la justice traditionnelle que nous
connaissons et qui a déjà fait ses preuves. J'aimerais bien que
vous ne le lanciez pas, et cela, dans l'intérêt de Me Dagenais
lui-même, dans un corridor qui n'est pas du tout celui qui nous a
été présenté par le Barreau. Le
Barreau nous a dit tout simplement que ce n'était pas possible
d'envisager un système de justice parallèle de ce style. Comme je
disais à quelqu'un à l'heure du lunch, à midi, il est bien
sûr qu'il y a des correctifs qu'il faut apporter à un certain
nombre de problèmes, en particulier, concernant le crime
organisé. Quand on entend le Barreau nous dire: Ecoutez, si vous voulez
apporter des correctifs, apportez-les aux bons endroits. Il ne faut pas tout
simplement mettre de côté tout le système et empêcher
le système judiciaire de fonctionner comme tel. Il y a un vieux proverbe
russe que je vous rappelle qui est assez...
M. Lalonde: En russe?
M. Burns: Non, je ne le dirai pas en russe. Il y a un vieux
proverbe russe qui s'applique à la situation actuelle. Il ne faut pas
jeter le bébé avec l'eau du bain. Quand, à un moment
donné, le bébé a été nettoyé, il ne
faut pas jeter l'eau du bain avec le bébé et toute la
patente.
M. Lalonde: Je ne sais pas qui est le bébé
là-dedans.
M. Burns: Non, mais je vous dis qu'actuellement la question est
de savoir si on se pose les véritables problèmes ou si on ne se
les pose pas. Est-ce que vous-même, M. le ministre, vous ne tentez pas de
faire bifurquer la discussion sur des cas qui touchent l'ensemble de la
population, parce quelle a pu voir ses petits films d'horreur
régulièrement à la télévision, qui
s'appellent les séances de la commission d'enquête sur le crime
organisé ou pas. Il ne faudrait pas se mêler. C'est uniquement
cette précaution que je mets de lavant à ce moment.
M. Lalonde: Je vais rassurer le député de
Maisonneuve. Si j'ai donné cette impression, je vais me corriger, ce
n'était pas du tout mon intention de vouloir limiter...
M. Burns: Vous avez fait votre introduction avec Me
Dagenais...
M. Lalonde: Ce que je veux dire, c'est que je n'ai pas
demandé à la CECO de venir commenter tout le projet de loi comme
tel. C'est simplement qu'il est évident et il était
évident depuis la production du rapport Yarosky et ensuite le rapport
entériné par le Barreau, ensuite par le mémoire que nous
avons, qu'on est devant deux approches assez différentes.
Je pense qu'il est désirable que cette commission parlementaire
qui est appelée à étudier le projet de loi article par
article, qui a été appelée hier et aujourd'hui à
entendre des représentants de divers groupements et plus
particulièrement du Barreau sur la question de l'enquête sur le
crime organisé, doive quand même profiter de l'expérience
qui a été faite depuis quelques années des articles tels
qu'ils existaient jusqu'à maintenant et qui sont reproduits presque
verbatim...
M. Burns: M. le ministre, je vous mets en garde contre vos
"provisoes" à l'égard de Me Da-genais, surtout que Me Dagenais
est, je pense, un salarié à l'emploi de l'Etat du Québec,
si je ne me trompe pas. Les personnes qu'il a sans doute consultées sont
nommées par le bureau du Solliciteur général, tout au
moins par le ministère de la Justice en général, peu
importe le moment où les divisions ont été faites. Dans le
fond, c'est une expertise intraministérielle que vous voulez nous
donner.
M. Lalonde: Oui, oui.
M. Burns: Alors, il ne faudrait quand même pas charrier,
non plus, à ce niveau-là. C'est un de vos employés
à qui vous demandez actuellement de venir nous donner son opinion.
M. Lalonde: Je ne pense pas que Me Dagenais accepterait
d'être étiqueté de cette façon.
M. Burns: Je m'excuse, je ne veux pas charrier
là-dessus...
M. Lalonde: Laissez-moi terminer.
M. Burns: ... mais on pourrait demander d'où vient le
chèque de paie de Me Dagenais. Je veux dire que ce sera aussi clair que
cela.
M. Lalonde: Là, il n'y a pas de doute, naturellement;
comme procureur de la CECO, c'est un employé de l'Etat. Mais il y a
aussi le fait que la CECO comme telle est la seule à avoir vécu
l'expérience quotidiennement que la loi telle qu'elle existe
actuellement et telle qu'elle est reproduite dans ses grandes lignes dans le
projet de loi no 41. Alors, c'est à ce titre-là. Par exemple, on
nous dit: Les droits des témoins devraient être reconnus de
façon absolue sans contrainte, sans qu'on recoure à la
discrétion des commissaires.
Me Dagenais a vécu des enquêtes à la CECO. Est-ce
pratique, dans son opinion? C'est une question d'opinion. Une enquête
faite de cette façon peut-elle, quand même, demeurer sous le
contrôle de la commission d'enquête? C'est l'enquête à
ce moment-là; ce n'est pas un procès. Alors, c'est le genre de
question. Perquisition sans mandat qui est dans la loi actuellement. C'est
reproduit tel quel.
M. Burns: Malheureusement.
M. Lalonde: Ce serait peut-être bon de demander à Me
Dagenais: Est-ce que cela a été utilisé, est-ce que c'est
utile? Pensez-vous que ce soit utile? Le Barreau s'est soulevé contre
cela.
M. Burns: Je n'ai pas d'objection à poser ce genre de
questions à Me Dagenais, sauf que, de la façon dont vous avez
fait votre introduction, je me sens l'obligation, aussi bête que cela
puisse paraître, de rappeler qu'il s'agit d'une personne qui est à
votre emploi, à qui vous posez cette question. D'accord?
M. Lalonde: Alors, Me Dagenais, justement, les
préoccupations du Barreau c'est mon opinion sont
partagées par plusieurs personnes et groupements. Le fait, par exemple
et là je parle encore pour moi d'avoir tenté de
reproduire un certain nombre de dispositions qui avaient été
prises par la CECO pour protéger dans une certaine mesure le droit des
témoins ou des personnes mentionnées et de prévoir un
mécanisme d'intervention dans l'enquête en est une
illustration.
Maintenant, nous avons dans le projet de loi assujetti ce genre
d'exercice au contrôle des commissaires. Le Barreau nous propose de
laisser le contre-interrogatoire complètement sans contrainte de la part
des commissaires.
Ayant participé à une telle enquête, est-ce que vous
pensez que ce serait possible, pratique, que le contrôle de
l'enquête pourrait être maintenu et que la marche de
l'enquête pourrait quand même être ordonnée?
M. Dagenais: Avant de répondre à cette question, je
ne sais pas si vous me permetteriez de faire un peu un retour en
arrière. Je voudrais tout d'abord faire un préambule, parce que
je dois dire que le siège que j'occupe est très inconfortable. On
m'a demandé de venir ici présenter le point de vue de ceux qui
avaient vécu l'enquête sur le crime, un peu de ceux qui s'occupent
du "law enforcement" l'application de la loi. Je viens vraiment ici non pas en
tant que salarié qui veut préserver un emploi. Quant à
moi, mon emploi se termine dans quelques semaines. Je veux bien, si cela peut
intéresser les gens autour de la table, répondre à
l'invitation du Solliciteur général. Cela fait quelque huit
années que je travaille dans le domaine comme procureur de la couronne,
ensuite comme conseiller juridique de la police. J'ai aussi été
à la Ligue des droits de l'homme comme secrétaire et je me suis
posé pas mal de questions. C'est un peu dans ce sens, si cela a quelque
intérêt, que je peux livrer des observations qui ont
été le fruit d'une réflexion constante, aussi pour avoir
côtoyé des organismes analogues qui se trouvent aux Etats-Unis et
pour avoir discuté constamment de la question.
Je pense que toutes les questions, et en particulier la question que
vous me posez, M. le Solliciteur général, la réponse
découle pas mal d'un postulat de base et d'une philosophie ou d'une
approche à la question du crime organisé. C'est pour cela que je
sollicitais tout à l'heure la permission de faire un retour en
arrière parce que cela dépend dans quelle voie on s'engage et
quelle est la façon de voir le problème du crime organisé.
Avec beaucoup de respect pour le mémoire du Barreau, qui est d'une
rigueur et d'une cohérence remarquables, je pense qu'il est un
mémoire qui méconnaît une certaine réalité.
Je concède que c'est assez normal qu'il en soit ainsi parce que j'ai
noté que les membres qui ont conçu le comité du Barreau,
aucun d'entre eux ne s'est jamais occupé de "law enforcement" comme tel.
Aucun n'a vraiment, à ma connaissance, fonctionné à
l'intérieur du système de l'application de la loi. C'est pour
cela que c'est assez difficile. On a parlé de Me Mo-
rier ce matin, mais ]e crois que Me Morier a été
recruté dans les dernières semaines. Il ne faisait pas partie du
comité Yarosky. Egalement, je ne sache pas non plus que les corps
policiers... Je sais pertinemment que les corps policiers n'ont pas
été consultés et que tous ceux qui auraient pu parler de
leur expertise du crime organisé ne l'ont pas été. Je
voudrais apporter I'envers de la médaille, si vous le voulez.
M. Burns: Me Dagenais, je vois que vous avez le nom de Me Joseph
Nuss qui a participé à une enquête. C est connu cela, mais
peut-être que vous étiez trop jeune à ce moment pour le
savoir. Il a participé à l'enquête concernant l'Union des
marins. C'est justement ce type d'enquête qui a eu lieu. Je me souviens
que Me Joseph Nuss était très directement impliqué dans ce
type d enquête.
M. Dagenais: Faites-vous une équation entre l'Union des
marins et le crime organisé?
M. Burns: Non, je ne fais pas une équation. Si vous voulez
faire le finfin cela ne me fait rien, je vais continuer à le faire. Je
n'étais pas parti à faire le finfin. mais je vous dis tout
simplement que le comité qui a présidé au rapport du
Barreau, vous tentez de le discréditer au départ en disant: C est
du monde qui ne connaît pas cela. Je vous dis: Je suis prêt
à en discuter, mais cela m'inquiète un peu, quand vous partez
avec ces prémisses-là Votre crédibilité, à
ce moment, à mes yeux, en est d'autant plus diminuée. Non
seulement vous êtes un salarié du ministère qui
présente ce projet de loi, mais en plus vous nous démontrez
actuellement carrément que vous avez même des
préjugés à l'endroit de certaines remarques qui sont
faites par le Barreau, qui, à mon avis, agit de façon absolument
désintéressée. Ce ne sont pas des clients qu'il
représente ici, aujourd'hui.
M. Lalonde: Je ne veux pas interrompre le député de
Maisonneuve, mais je pense que je devrais quand même laisser
continuer...
M. Burns: II y a bien des choses que je ne peux pas accepter.
M. Lalonde: II y a des genres d'interruption qui ne sont pas de
nature à permettre un débat ordonné.
M. Burns: II y a des patentes que je ne peux pas accepter, comme
par exemple...
M. Lalonde: II donne son opinion.
M. Burns: ... je ne peux pas accepter qu'il n'y ait pas quorum
actuellement. M. le Président, je signale qu'il n'y a pas quorum.
M. Dagenais: Je regrette, M. le député. . M.
Burns: Non. on n'a pas quorum.
Le Président (M. Cornellier): On vient de signaler qu'il
n'y a pas quorum. Je me vois donc dans l'obligation de suspendre la commission
pour quelques minutes. A l'ordre messieurs!
M. Caron: M. le Président, avant de commencer, je voudrais
bien, pour le journal des Débats, spécifier qu'il n'y a qu un
membre de l'Opposition. C'est pour cela que c'est difficile pour le parti
ministériel...
M. Burns: Cela ne fait rien, I'Opposition est là.
M. Caron: Oui, elle est bien représentée, mais elle
est représentée par une personne seulement.
M. Burns: C est cela. Mais, avec 100 députés, si
vous n êtes pas capables d obtenir un quorum de neuf D'accord?
Cherchez-vous des problèmes?
M. Desjardins: Qui sont les membres? M. Caron: Nommez donc
les membres. M. Burns: Les membres... M. Caron: Les membres qui
sont absents?
M. Desjardins: II n'y a pas 100 membres de la commission.
M. Burns: Cela ne me fait rien, je suis là.
M. Caron: Quels sont les membres qui manquent?
M. Burns: En tout cas. moi. j'ai été là tout
le temps.
M. Caron: On ne dit pas un mot pour vous, mais pour nous, qu'on
nous donne une chance aussi.
M. Burns: II n'y a pas de chance à vous donner.
Le Président (M. Cornellier): A l'ordre!
M. Burns: On vous demande à peine 10% de votre
députation. Voyons donc!
Le Président (M. Cornellier): A Tordre! La parole est
à Thonorable Solliciteur général.
M. Burns: Un sur six, je vous dis qu'on nous en donne un maudit
paquet par rapport à ce qu on vous demande.
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais, à ce
stade-ci, quand même, inviter, non pas tous les membres, parce qu'il ne
s'agit que d'un membre qui a eu cette attitude, le député de
Maisonneuve, à offrir aux témoins, à Me Dagenais. toute la
courtoisie que tous les autres membres ont offerte à tous les autres
témoins qui ont été ici. à qui on n a pas
posé de question de façon à essayer de les
discréditer auprès de la commission et de le lais-
ser éclairer la commission, poser des questions pertinentes. Je
n'accepterai pas, quant à moi, de manoeuvre d'intimidation à
l'endroit de qui que ce soit, à l'endroit de quelque témoin que
ce soit.
M. Burns: Ce n'est pas possible.
Le Président (M. Cornellier): L'honorable
député de Maisonneuve.
M. Burns: M. le Président, d'accord, bien calmement, pas
choqué, ni rien et tout gentiment, je veux seulement dire ceci:
J'espère que Me Dage-nais a compris le message que je lui ai fait
passer, soit qu'il ne peut pas venir ici et intimider la commission
parlementaire, comme, possiblement... parce que ce n'est pas moi qui ai
parlé d'intimidation, d'accord, c'est vous...
M. Lalonde: Ce n'est sûrement pas... M. Burns: C'est vous
qui en avez parlé.
M. Lalonde: Ce n'est sûrernent pas Me Dage-nais qui a fait
de l'intimidation.
M. Burns: Non. il ne viendra pas ici pour intimider la
commission, comme il peut peut-être intimider un certain nombre de
personnes devant la commission d'enquête sur le crime organisé. Je
ne porte même pas de jugement. Mais je vous dis simplement ceci: On est
ici pour entendre Me Da-genais comme expert, d'accord? C'est en tant qu'expert
qu'on veut entendre Me Dagenais et j'y ai consenti. J'ai donné mon
consentement et au chef de cabinet du Solliciteur général et au
Solliciteur général lui-même lorsqu ils m'ont
demandé si je croyais à propos d'entendre Me Dagenais. Je suis
d'accord, je répète cet accord. Mais il faudrait qu'on s'entendre
sur le fait que Me Dagenais n'est pas ici pour défendre le projet de
loi, mais pour nous donner, justement, des faits, comme le demandait le
Barreau. On forme un peu une commission d'enquête, actuellement. On
recherche des faits pour nous éclairer, pour éventuellement
prendre les décisions les plus sages possible relativement à cet
amendement de la loi. Dans ce cadre, je vous dis tout de suite que je ne serai
pas un antagoniste à l'endroit de Me Dagenais et je présume que
Me Dagenais n'en sera pas un à mon endroit non plus. Je m'excuse
auprès de Me Dagenais, parce que ce n'est pas de sa faute la
façon dont s'est amorcée cette affaire. C'est plutôt votre
faute, M. le ministre, vous avez ouvert le débat dans ce sens et,
malheureusement, Me Dagenais a été obligé de se lancer
à toutes fins pratiques dans une défense du projet de loi.
D'accord, je vous dis ce que j'en pense.
Si vous voulez continuer comme cela, cela ne me fait rien, mais c'est
sur Me Dagenais que cela va retomber.
M. Lalonde: Je ne veux pas prolonger la discussion
là-dessus, mais je me demande comment le député de
Maisonneuve peut conclure que Me Dagenais défend le projet de loi
à ce stade-ci et j'ai bien précise au début qu'il
n'avait pas été demandé ici pour le faire quand il
a à peine eu le temps de donner son opinion sur le rapport du Barreau.
C'est justement ce pourquoi on l'a demandé.
M. Burns: Je ne veux pas revenir là-dessus, mais Me
Dagenais se sent obligé de dire qu'à toutes fins pratiques les
personnes qui faisaient partie du comité Yarosky ne sont peut-être
pas des gens qui connaissent le sujet autant que cela.
M. Lalonde: C'est-à-dire...
M. Burns: A ce moment, on est rendu dans le mérite de
l'affaire.
M. Lalonde: ... "sportsman".
M. Burns: Bien oui, qu'est-ce que vous voulez, c'est votre
question qui a provoqué cela. Rendez-vous compte de cela.
M. Lalonde: Si cela peut vous faire plaisir, je peux accepter la
responsabilité pour ne pas prolonger le débat.
M. Burns: D'accord.
Le Président (M. Cornellier): Me Dagenais, voulez-vous
poursuivre?
M. Dagenais: Je regrette que le député de
Maisonneuve ait pris mes paroles comme de l'insolence. En
réalité, ce que je voulais dire, c est que le domaine du crime
organisé est un domaine à part de tous les autres. Là
où je voulais en venir, c'est qu'une commission d'enquête,
traditionnellement parlant, a effectivement pour but de renseigner les corps
publics afin qu'ils prennent action; en ce sens, des moyens extraordinaires
comme la télévision ou la publicité ne sont pas absolument
nécessaires. Mais, à mon sens et à celui des gens avec qui
je travaille, une commission d'enquête sur le crime organisé est
une commission d'enquête extrêmement originale, si on peut dire, en
ce sens que la participation du public dans la lutte au crime organisé
est absolument indispensable.
Si je prends par comparaison une commission d'enquête sur
l'immigration, pour donner cet exemple, il n'est vraiment pas nécessaire
de mettre le public dans le coup, de demander la participation du public, de le
sensibiliser et de le renseigner, pas nécessairement, parce que les
remèdes peuvent être de nature législative ou encore cela
peut être un changement de structures. Dans le domaine du crime
organisé, que vous doubliez les effectifs de police, que vous doubliez
les budgets, l'équipement, vous ne changerez rien si la situation
demeure ce qu'elle est, c'est-à-dire que le public ne marche pas. Vous
avez besoin, pour trouver des gens coupables, pour faire condamner des
criminels, de témoins. Vous avez également besoin, pour prendre
connaissance des activités du crime orqanisé, de citoyens qui
vont les dénoncer.
Et le gros problème dans le domaine du crime
organiséc'est le problème de base c'est qu'il n'y a
pas de dénonciateurs. Ce n'est pas nécessairement parce que le
crime organisé ne procure que des services qui sont les bienvenus, mais
vous avez un problème de confiance de la part du public, puis un
problème de peur. Vous n'avez pas de dénonciateurs et, si parfois
vous en avez, ce sont des dénonciateurs qui ne voudront jamais aller
à la cour. C'est pour cela que c'est absolument indispensable que le
public soit dans le coup. C'est l'expérience que j'ai eue. C'est pour
cela qu'il semble, et c'est mon opinion, qu'à l'heure actuelle on n'ait
trouvé rien de mieux que les commissions d'enquête sur le crime
organisé, les commissions qui démasquent, qui mettent sur la
place publique des activités de ces gens qui fonctionnent dans le
secret, des activités mêmes de ces sociétés qu'on
peut appeler les sociétés secrètes.
On peut voir qu'aux Etats-Unis c'est aussi la formule qui a
été retenue, notamment dans les Etats où le crime
organisé est le plus actif. Il y a des commissions aux Etats-Unis qui
s'occupent du crime organisé dans l'Etat du New Jersey, dans l'Etat de
New York, l'Etat de Pennsylvanie, où vous avez notamment la ville de
Philadelphie. Vous avez également une commission législative dans
l'Illinois. Ce sont, à ma connaissance, les quatre commissions qui
s'occupent de crime organisé. Il y en a une cinquième
également qui est la commission sénatoriale, qui est une
commission permanente. Alors c'est, si vous voulez...
M. Burns: Vous remarquez qu'il n'y en a pas au Nevada.
M. Dagenais: II y a d'autres Etats aussi, il y a la Californie,
mais cela marche. C'est la raison principale. Quand on a commencé notre
travail, nous, enfin quand j'ai débuté à la Commission
d'enquête sur le crime organisé, on a rencontré une
résistance considérable de la part des citoyens. Personne ne
voulait venir témoigner. Les choses ont commencé à
embrayer, parce qu'on leur a dit: Ecoutez, vous n'êtes pas isolés,
vous n'êtes pas des personnes qui viennent au bâton contre une
organisation. Nous allons en regrouper un certain nombre; comme cela vous ne
serez pas seuls, vous ne serez pas les seuls à être cloués
au pilori, les seuls à encourir des dangers, vous allez
bénéficier de la protection d'un groupe.
On prenait même des engagements avec eux On leur disait: On
s'engage à ne pas vous assigner si vous êtes seuls ou si, à
votre avis, il n'y a pas un groupe suffisamment considérable pour
dénoncer un certain racket qui vous apporterait de la protection, une
certaine sécurité. Quand la roue a commencé à
tourner et quand les audiences ont démarré, c'est incroyable,
pendant les audiences, la quantité de témoins qui sont venus nous
voir et qui ont dit: On voudrait embarquer, nous aussi, dans cette grande
caravane. On voit qu'il y a un effort, qu'il y a une volonté
déterminée de faire échec au crime organisé ou de
démasquer des gens qui n'ont jamais été
démasqués.
Il y a des gens qui ont offert, parfois sans qu'on les connaisse
même, de venir témoigner et de raconter leur expérience.
C'est un phénomène qui est un peu difficile à expliquer,
c'est un phénomène qui est complexe, mais c'est en ce
sens-là que nous voyons une utilité à une commission
d'enquête sur le crime organisé. Il faut bien comprendre que, dans
le processus judiciaire traditionnel, aucune organisation n'est jamais
démasquée. Le droit criminel en vertu duquel on fonctionne, et
qui est un droit magnifique, n'est vraiment pas fait pour démasquer des
complots.
Je peux vous donner un exemple pratique de ceci. Quelqu'un qui aurait un
établissement licencié et qui ferait l'objet de menaces
d'extorsion encourrait vraisemblablement des ennuis connus, par exemple, des
groupes qui viennent commencer des batailles chez lui si le type ne se plie pas
aux demandes du milieu. Ou encore on va descendre ses vitrines ou on va lancer
des bombes puantes, lui faire toutes sortes d'ennuis dans ce genre.
Le résultat brut d'une action comme celle-ci en cour, c'est que
vous avez une plainte, par exemple, pour assaut sur un individu.
Généralement, l'assaut va faire partie d'un complot très
vaste, souvent qui s'oriente dans un secteur donné, avec des bandes
assez considérables. Mais, avec le droit criminel que l'on connaît
il est normal, il est bien qu'il en soit ainsi la
dénonciation n'est faite que pour un acte criminel bien
spécifique. Que vous ayez tout un ensemble d'actes posés par
d'autres personnes qui sont toujours faits dans le même but, ce n'est pas
possible d'en faire la preuve à l'intérieur du même
procès. J'insiste bien qu'il est normal qu'il en soit ainsi. Le droit
criminel est un droit qui vise à châtier un seul acte et on ne
peut pas prendre connaissance de tout ce qui gravite autour de cela.
Si, pendant le cours du procès, le cabaretier a des menaces d'une
tierce personne, c'est impossible d'en parler. C'est impossible de parler
également d'une autre personne qui n'a rien à voir avec
l'accusé, qui serait allée demander des paiements de protection.
C'est impossible de parler d'une autre personne qui serait venue le menacer
dans son établissement. Les complots et les sociétés
secrètes ne sont jamais exposés et vous n'avez devant le
magistrat qu'un acte isolé qui peut consister à lancer une chaise
dans une fenêtre.
M. Burns: Me Dagenais, est-ce que vous me permettez simplement
une question incidente à ce que vous dites actuellement?
NI. Dagenais: Certainement.
M. Burns: Est-ce que justement ce que vous dites là ne
soutient pas la thèse qu'une commission d'enquête se doit
d'être une commission qui recherche des faits et, dans ce sens-là,
qui fait un travail supplétif à celui fait par les tribunaux dans
le grand cadre de l'administration de la justice? Donc, elle essaie de trouver
des liens entre MM. X, Y et Z, alors qu'une plainte normale devant les
tribunaux pour assaut, pour extorsion ou pour quoi que ce soit, ou pour
fraude en tout cas. mettez
tous les actes criminels que vous voulez ne peut pas nous
apporter une certaine réponse comme élément de
solution.
A ce moment-là, est-ce qu'on n'est pas en mesure de croire que la
commission d'enquête, même sur le crime organisé, peut
prendre son véritable sens en recherchant des faits de cette nature,
évidemment, pour autant que les individus concernés,
c'est-à-dire les témoins convoqués devant la commission,
puissent avoir les droits qu'on reconnaît devant les tribunaux à
quelque personne que ce soit? Pour vous, est-ce impossible de fonctionner dans
ce type d'organisation au niveau d'une commission d enquête?
M. Dagenais: Je ne suis pas sûr si je saisis bien la
question. Bien sûr. les tribunaux ont un rôle capital à
jouer. Est-ce que le rôle d'une enquête sur le crime
organisé peut être qualifié de supplétif. C'est un
rôle différent. A mon sens, c'est écrit nulle part, ce
n'est pas une vérité éternelle qu'une commission
d'enquête sur le crime organisé doit nécessairement
n'être qu'une commission qui a pour but de rechercher les faits et d'en
informer le gouvernement, en mettant de côté I'aspect lutte contre
le crime et l'aspect sensibilisation du public. Comme je l'ai expliqué
tout a I'heure, à cause de la réalité particulière
du crime organisé qui est une vaste conspiration puissante et
secrète, il est nécessaire de noliser la participation du public.
Jusqu'ici, la façon la plus efficace qu'on a trouvée, c'est la
Commission d'enquête sur le crime organisé et c'est dans ce cadre
qu'elle s'insère.
Je ne vois pas nécessairement la Commission d enquête sur
le crime organisé comme une chose permanente, mais il est
nécessaire de créer un mouvement, de créer une confiance
dans le public, de rassurer le public, de le convaincre d embarquer. Comme je
le disais, le moyen qui a semblé le plus efficace, c est le fait de
démasquer, sur la place publique, l'ampleur des organisations, c est de
pointer du doigt, d'identifier des gens et de décrire les
activités. En même temps, vous avez un second rôle à
une telle commission: en informant le public, cela aide également le
public à mieux se protéger contre les activités de ces
gens-là.
Je pourrais vous décrire, par exemple, la façon dont les
organisations prennent possession des endroits licenciés ' pour pouvoir,
on le sait mieux trafiquer leurs activités, comme le prêt usuraire
ou encore la vente de la drogue. On a eu, à la commission, le cas de
l'hôtel Iroquois par lequel on a décrit avec passablement de
détails comment s est faite une véritable prise de possession,
prise en main de I hôtel par un groupe. Des leçons comme
celles-là semblent être très utiles et très
bénéfiques pour I'ensemble de la population des hôteliers
ou des gens qui possèdent des commerces munis d'un permis de vente
d'alcool.
Il y a beaucoup de témoignages qui nous sont venus en ce
sens-là. Ils ont dit: Cela a été très
intéressant, très instructif pour nous, de voir comment on s'y
prend, cela nous permet de mieux y réagir. Je ne peux pas vous parler
librement d'autres dos- siers que la commission étudie, mais je pourrais
vous parler en termes généraux d une fraude qui existe dans toute
la province présentement, par des groupements qui utilisent ce qu'on
appelle la publicité sympathique, c'est-à-dire la
publicité en faveur des paralytiques ou des sourds-muets. Il y a des
millions de dollars, de fait, des millions de dollars qui sont soutirés
par ces organismes qui empochent l'argent pour leurs fins personnelles. Or. une
façon très efficace de mettre la population en garde contre cela,
il me semble, c'est de la divulguer sur la place publique.
M. Burns: Cela, d'après vous, ferait partie du mandat de
la Commission d'enquête sur le crime organisé.
M. Dagenais: Cela en découle naturellement, que de faire
une enquête publique sur les activités qui sont
précisées au mandat. Vous avez, de plus, vos paroles du 29 mai:
II y a des gens pour qui il faut passablement de publicité pour les
faire bouger.
M. Burns: Je pense que c est juin.
M. Dagenais: Excusez-moi, c est juin. Alors une des grandes
fiertés que nous avons des enquêtes qui ont lieu cette
année, c est que, pour la première fois, depuis très
longtemps, la police de la CUM, à cause de la publicité massive
qui a été faite sur un certain qroupe d individus, soit le groupe
Dubois, a construit une escouade spécialisée de vingt
enquêteurs qui vont étudier le problème de cette
organisation extrêmement puissante qui contrôle bon nombre
d'activités et bon nombre de secteurs de la ville.
C'est une chose qui n'était jamais arrivée jusqu'ici. Le
président de la fraternité a dit ce matin même, il me l'a
appris, qu'il se faisait une grosse intensification de la part du corps de
police de la CUM sur la lutte contre le crime organisé au point de vue
des effectifs.
Alors, c est une autre façon de publiciser la dangerosité'
et l'étendue des pouvoirs de ces groupes: les corps publics, les
organismes publics intéressés sont un peu acculés à
la nécessité de réagir. On a pu voir, lors des
dernières audiences, que bien peu des clients de la commission d
enquête payaient de I impôt.
Je sais que. depuis lors, le ministère du Revenu, semble-t-il,
prend l'affaire en main et va tenter de s'occuper avec beaucoup plus de
dynamisme des gens du monde interlope qui, contrairement aux contribuables, ne
semblent pas être ennuyés outre mesure par le fisc. Bien
sûr, ce sont tous des effets qui n'auraient probablement pas
été atteints si la commission avait siégé d'une
façon moins publique.
M. Lalonde: Si je comprends bien, Me Dagenais, oui. au
départ, le premier but ou le but ultime d'une commission
d'enquête, par exemple sur le crime organisé, c est de trouver des
faits. En ce qui concerne le crime organisé particulièrement, la
seule façon de trouver des faits, c'est en même
temps de sensibiliser la population, de là la publicité.
Est-ce que j'ai bien saisi votre raisonnement?
M. Dagenais: Ce n'est pas exactement ce que j'ai voulu dire. Le
premier objectif, à mon sens, d'une commission d'enquête sur le
crime organisé, n'est pas comme pour une commission d'enquête
classique, de renseigner le gouvernement sur la criminalité, parce que
le gouvernement pourrait s adresser au corps de police concerné et en
avoir un assez bon portrait. Dans mon esprit, la raison d être d'une
commission d'enquête sur le crime organisé, c'est de sensibiliser
la population. C'est son objectif. Comment le fait-elle? En démasquant
sur la place publique les activités de ces organisations criminelles
secrètes.
M. Burns: Quand vous dites "sensibiliser' , qu est-ce que vous
voulez dire? Qu'il faille montrer à la population que cela existe, le
crime organisé, et que cela existe dans tel ou tel domaine? Est-ce cela
que vous voulez dire? Sensibiliser la population, qu est-ce que c'est?
M. Dagenais: C'est faire la démonstration des
activités. Les gens savent que le crime organisé existe, mais
cela reste quand même une notion très vague.
M. Burns: Oui.
M. Dagenais: Vous savez, de la même façon que, si on
se faisait dire que, dans le temps de la guerre au Vietnam, 1000 personnes
étaient mortes lors d un certain assaut, ceia restait une chose
extrêmement vague. Tout le monde savait que des gens se faisaient tuer au
Vietnam. Tout le monde sait qu'il y a du crime organisé à
Montréal, mais cela reste abstrait. La seule façon vraiment de
stimuler un esprit, c'est de lui démontrer d'une façon
concrète comment cela fonctionne, l'ampleur de cela.
M. Burns: M. Dagenais, moi qui suis probablement un des 95% ou
peut-être même plus que cela de la population qui n'ont jamais rien
eu à faire avec le crime organisé, comment pensez-vous que je
puisse vous être utile si vous me sensibilisez à l'existence que
je connais déjà du crime organisé? Qu'est-ce que je peux
faire? Je me prends, non pas comme membre de l'Assemblée nationale, mais
je me prends comme simple citoyen. Je n'ai jamais rien eu et je suis convaincu
que tout le monde dans la salle ici n'a jamais rien eu à faire avec le
crime organisé, sauf vous qui, comme procureur de la couronne,
heureusement, avez eu quelque chose à faire avec cela. Je pense
qu'à part vous dans la salle on peut dire qu'à peu près
tout le monde n'a jamais rien eu à faire avec le crime organisé.
Le fait que je sois sensibilisé à l'existence du crime
organisé, qu'est-ce que cela vous donne comme procureur de la
commission, sinon de satisfaire mon instinct de badaud qui est de dire: Regarde
donc cela, c'est de cela qu'il a l'air, Claude Dubois. Il répond comme
cela aux questions de Me Dagenais. Regarde donc cela, c'est cela. Dans le fond,
c'est un peu avec I'aide des services publics poursuivre ce désir,
à mon avis, très bas de I'ensemble des citoyens de voir des films
d'horreur. Dans le fond, c est cela.
M. Dagenais: II est très difficile de faire abstraction
de...
M. Burns: C'est le lien que j'aimerais faire dans vos remarques
entre le besoin de rendre public... Là-dessus, je vous avoue que le
Barreau m'a très sérieusement ébranlé, alors que je
n'étais pas convaincu qui I faille mettre de côté les
aspects de rendre publics les travaux d une commission parlementaire telle que
la vôtre.
M. Lalonde: Pas parlementaire.
M. Burns: Excusez-moi, une commission d enquête telle que
la vôtre. J'ai été très sérieusement
touché ce matin. Je suis à la recherche d'une solution.
C'est justement de la part d'un témoin expert comme vous que je
cherche une voie pour essayer d en arriver à me fixer. Je me pose
très sérieusement des questions quand vous parlez de sensibiliser
la population. J'admets, comme vous l'avez fait il y a quelques minutes, que le
crime organisé est reconnu, qu'il existe en particulier à
Montréal. Tout le monde sait que, dans toutes les grandes capitales le
crime organisé existe, cette société parallèle,
avec ses règles à elle qui n'ont rien à faire avec les
règles de la société démocratique que tout le monde
s'impose. Tout le monde reconnaît que cela existe. Mais là
où j'ai de la difficulté à vous suivre, c'est le fait que
rendre publiques les auditions, par exemple, de la CECO, ce soit un
élément important dans une poursuite d'un objectif, qui est
d'enrayer le crime organisé. En tout cas, jusqu'à maintenant je
ne vous saisis pas là-dessus. A moins que vous me sensibilisiez
là-dessus, que vous me disiez que Paolo Violi existe et que son
système existe et que les Dubois existent et que vous mettiez ces gens
devant l'opinion publique, que vous les montriez à la
télévision, je ne suis pas convaincu que le fait de me
sensibiliser à l'existence de tels "réseaux ", comme disait Me
Casgrain tout à l'heure, cela vous aide beaucoup de me sensibiliser
à cela.
M. Dagenais: Bien, j'espère que c'est utile de
sensibiliser un législateur.
M. Burns: C'est cela que je cherche. Je ne parle pas de moi en
tant que législateur, je parle de moi en tant que citoyen.
M. Dagenais: Vous savez, les citoyens occupent différentes
fonctions dans la société. J'étais pour vous dire que cela
m'est difficile, quand vous me posez cette question, de faire abstraction du
fait que vous êtes un législateur parce qu'on aura des
recommandations...
M. Burns: Oui, oui, d'accord.
M. Dagenais: ... dans un rapport qui va suivre. Le fait que les
législateurs soient sensibilisés pour nous est quelque chose qui
rend la...
M. Burns: Vous n'avez pas besoin de la télévision
pour nous sensibiliser, les législateurs. Nous sommes 110 et vous pouvez
nous mettre au courant de vos travaux régulièrement. D'ailleurs,
j'aurai des questions tout à l'heure qui, peut-être, vont nous
aider à être plus au courant de vos travaux. En tout cas, on y
reviendra.
M. Dagenais: Je répondrai à ceci, M. Burns. Vous
dites que les législateurs n'ont pas besoin d'être
sensibilisés par la télévision ou par la publicité;
à la suite de l'enquête sur la viande avariée qui touchait
quand même marginalement le crime organisé, je pense que cela n'a
pas pris un mois avant que l'enquête soit finie pour qu'une loi, qui
était en préparation depuis cinq ans, soit votée. Alors,
cela a semblé avoir un certain effet du côté du
législateur.
M. Burns: Mais pensez-vous que c'est la télévision,
que c'est la radio qui a...
M. Dagenais: C'est la publicité, c'est le fait que le
problème a été souligné avec tellement de force et
de publicité sur la place publique que cela en faisait une chose qui
était devenue intolérable pour tout le monde et où une
action immédiate était demandée. Je peux me tromper, mais
c'est comme cela que j'interprète en dedans de moi-même la
vivacité de l'action de la Législature par la suite.
Vous savez, pour lutter contre le crime organisé, des tas de gens
ont des responsabilités en ce sens. Je peux vous donner un exemple du
point de vue de la magistrature. Il y a eu, par le banc
précédent, des auditions sur le prêt usuraire. Le
prêt usuraire était considéré avant comme une chose
assez bénigne et on imposait généralement des amendes qui
étaient purement des amendes. Ce n'était pas
considéré comme une plaie sociale. On situait mal le prêt
usuraire comme une source de revenu majeure du crime organisé. A la
suite de l'exposé public du prêt usuraire, on a constaté
que la magistrature a pris conscience de l'importance du
phénomène et on a assisté à des sentences qui
étaient beaucoup plus adéquates. Un autre exemple que je pourrais
vous donner du point de vue de la Législature, c'est en matière
de possession d'arme à feu. Des statistiques que nous avons recueillies
à la commission d'enquête démontrent que pour être
trouvé en possession d'un révolver chargé à bloc,
même pour des récidivistes, la sentence moyenne était $50
d'amende.
Un juge me disait récemment que, depuis qu'il avait entendu une
certaine preuve faite à la CECO... Il s'agissait d'une conversation dans
laquelle quelqu'un du milieu disait à son interlocuteur qu'il
s'était fait poigner comme un cave, parce qu'il n'avait pas son
révolver sur lui. L'autre lui disait: Voyons, Roger, c'est $75 d'amende.
Roger lui disait: Je ne l'avais pas proche. Impliquant que, par mesure de
prudence, il l'avait laissé dans le tiroir de son bureau, ou
peut-être dans le sac à main de sa femme. L'autre lui disait:
Voyons, Roger, c'est $75 d'amende, que tu l'aies sur toi ou que tu l'aies sur
la personne d'un autre.
Cela sensibilise la magistrature; mais je ne voudrais pas
m'étendre et abonder en exemples dans ce domaine. Cela sensibilise
également les gens qui sont pris avec ces énormes
problèmes et qui se sentent tout à fait isolés et qui ne
veulent pas encourir des risques qu'ils entrevoient comme énormes pour
faire des héros solitaires et aller eux seuls contre une organisation.
Le fait de voir qu'une commission qui siège publiquement
révèle les activités des gens, et qu'il y a une
série de témoins qui viennent en groupe les démasquer
crée c'est peut-être difficile à expliquer ce
mouvement, crée cette roue qui fait dire aux gens: Ça y est,
l'époque est révolue; dorénavant il y a un effort
marqué de la part de l'administration publique, il y a un désir
de déraciner le crime organisé, de déraciner les grands du
crime organisé. On les dévoile sur la place publique, on les
identifie et il y a ce phénomène de caravane, si je peux dire,
qui se produit. C'est une chose qu'on constate.
M. Burns: Vous qui êtes avocat, l'argument qui nous a
été livré, ce matin, par le Barreau, voulant que le fait
de rendre publics, dans certains cas on nous citait comme exemple, les
cas de la viande avariée des phénomènes, dans le
sens large du mot, de crime organisé, cela équivaut à
condamner quelqu'un sur la place publique sans que le processus normal
judiciaire ait été suivi, vous touche-t-il? Cela
dérange-t-il un peu votre argumentation voulant qu'il soit
nécessaire que ces auditions puissent être non seulement
publiques, mais l'objet de publicité, par la
télédiffusion, la radiodiffusion, les journaux et qu'il n'y ait
pas de possibilité à toutes fins pratiques de huis clos, parce
que le cas est jugé nécessaire? Pour vous, est-ce que cela vous
préoccupe? Je m'adresse à vous comme avocat, comme expert,
même si vous êtes plus spécialisé en poursuite qu'en
défense, qui êtes, je pense, préoccupé, comme tous
les membres du Barreau à ce que l'administration de la justice se fasse
dans les meilleures conditions possible à l'intérieur du
Québec.
M. Dagenais: Je vous dirais tout d'abord là-dessus que ce
phénomène n'est pas l'apanage d'une commission d'enquête
sur le crime organisé, c'est l'apanage de toute commission
d'enquête. A ce que je sache, dans les statuts québécois,
toutes les commissions d'enquête sont publiques. C'est forcément
une chose qu'on doit voir comme un mal nécessaire, parce que, qu'elle
que soit la situation sur laquelle vous enquêtez publiquement, si on
enquête, c'est qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond et,
inévitablement, vous allez devoir identifier des personnes qui sont
à l'origine de ce qui ne va pas, des personnes qui n'auront pas rempli
les devoirs que leur impose la loi ou qui auront violé la loi. A ce
moment, la question se pose pour tout type d'enquête, quel qu'il
soit.
Pour terminer ma réponse, je vous dirais que, pour autant que les
personnes qui sont ainsi dénoncées le sont en tant que membres de
société criminelle, cela me fait beaucoup moins mal que si on
faisait une enquête sur la dissidence politique ou sur quelque autre
forme d'activité légitime que ce soit. Jusqu'ici, je ne crois pas
qu'on se soit amusé à apporter des preuves sans queue ni
tète ou sans force.
En général, les gens qui ont été ainsi
exposés fonctionnaient en marge de la société,
fonctionnaient à l'intérieur du crime, et ne cherchaient
qu'à exploiter la société.
M. Burns: Je reviens toujours à cet aspect publicitaire.
Qu'on s'entende bien, je n'ai aucune espèce d'objection à ce que
ces enquêtes soient tenues de façon publique, c'est-à-dire
que le public y accède et puisse être informé. C'est
l'aspect de publicité de ces commissions qui me préoccupe
actuellement. Croyez-vous, par exemple, que cela aide nécessairement au
citoyen moyen, qui n a rien à faire avec le crime organisé et qui
n'a jamais rien eu à faire avec le crime organisé? Tout à
l'heure, vous preniez mon cas. Ce n'est pas en tant que législateur. Je
vous parle de mon voisin qui s'appelle Joe Blow. Pensez-vous que mon voisin qui
s'appelle Joe Blow est très sérieusement touché par le
fait qu'un prostitué mâle se présente devant la commission
avec cagoule et derrière un écran et qu'on dramatise tout cela et
que cela va vraiment le sensibiliser? Est-ce cela? Vous n'avez pas
répondu à ma question encore. Ce prostitué mâle,
cagoulé et derrière un écran, avec sa voix masquée
encore tel autre personnage; en tout cas, il y a eu quelques
témoins cagoulés et masqués, derrière un
écran cela fait quoi pour sensibiliser la population? Cette
sensibilisation, si elle existe, qu'est-ce que cela donne dans les faits?
M. Dagenais: On peut, pour répondre à cette
question, catégoriser les effets ou les groupes de gens et la
façon spécifique dont eux peuvent être touchés. J'ai
mentionné, tout à l'heure, les gens qui détiennent des
responsabilités dans la société. Je pense que ce point est
couvert.
M. Burns: Que les juges soient sensibilisés et que les
législateurs le soient, je suis entièrement d'accord. Mais vous
n'avez pas besoin d'une commission d'enquête pour cela.
M. Dagenais: Les corps publics, également la police.
M. Burns: D'accord. La police, ils sont dedans. S il y en a qui
le savent, c'est bien eux.
M. Lalonde: Pas dans le crime organisé.
M. Burns: Ils ne sont pas dans le crime organisé
excusez, là mais ils sont tellement proches qu'ils savent
drôlement que cela existe. Ce n'est pas eux qu'il faut sensibiliser. Ils
sont aux prises avec cela régulièrement.
M. Dagenais: Mais c est encore drôle. Si vous me permettez
juste d'insister un peu sur cet aspect même de la police: c est qu il en
va de la police comme de toutes les grosses organisations. Souvent, elles ont
tellement à faire à court terme quelles oublient le long terme.
Pour combattre des organisations qui ont le moindrement d ampleur, cela demande
de délaisser le court terme, de délaisser le flot constant de
plaintes qui parviennent chaque jour dans un poste de police, pour créer
une escouade qui mettra le temps que cela prendra et lui donner
l'équipement. Cette escouade travaillera sur un projet qui durera deux
ans...
M. Burns: Pour autant qu'on les laisse travailler. C est une
autre affaire II faudrait peut-être aussi ce n est peut-être
pas votre problème: c est peut-être à mon vis-à-vis
qu il faudrait que je dise cela qu'on les laisse travailler et qu'on leur
laisse faire leur boulot.
M. Lalonde: Je vais demander une motion pour détails.
M. Burns: Je vais vous en donner une motion pour détails.
Je vais vous sortir les quelque 22 questions que je vous ai posées au
cours de la dernière session. Les enquêtes traînent...
M. Lalonde: On les laisse travailler là.
M. Burns: Vous les laissez travailler, certain.
M. Lalonde: Sans I'interférence du public ou de la
politique.
M. Burns: Vous expérez qu ils travaillent le plus
longtemps possible.
M. Lalonde: Me Dagegais. si vous me le permettez, pour prendre un
peu le même genre de questions, vous avez parlé des juges, des
législateurs. Le simple citoyen, le commerçant au coin de telle
rue, est-ce que c est important, pour lui. qu'il sache ce qu'est le crime
organisé?
M. Dagenais: Vous avez, dans la population, toute cette
catégorie de gens qui sont susceptibles d être des victimes du
crime organise. Ceux-là, cela leur permet de mieux se protéger,
de mieux réagir. Il y a des témoignages qui nous sont parvenus
à l'effet suivant: Avoir su que tel individu était membre du
crime organisé, j'aurais avisé... C'est un exemple pratique d'un
commerçant que je vous donne, qui nous a dit que son beau-frère
s'était fait embarquer pour $30 000 dans un "joint venture" avec un
individu, qui s'était fait lessiver. Avoir su que cette personne
fonctionnait en marge des lois, c est sûr qu'il ne l'aurait pas fait et c
est sûr que moi, en ayant eu connaissance, je laurais conseillé
autrement. Cela permet aux gens de mieux se protéger.
Vous avez différents types, vous avez la clientèle des
gens qui sont victimes plus ou moins
consentantes du "shylock". J'imagine que les gens embarquent
là-dedans sans trop savoir que, comme disait un témoin, le
"shylock" c'est comme Bell Canada; une fois que vous avez contracté avec
eux c'est jusqu'à la fin de vos jours. Cela les met en garde dans le
domaine de la drogue; c'est la même chose que de divulguer le fait que la
drogue qui est mise sur le marché est souvent d'une qualité qui
met en danger la vie des gens. C'est utile pour les gens qui ont des commerces,
des ateliers cela ne sert à rien de revenir là-dessus, on
l'a dit tout à l'heure ils peuvent savoir quelles sont les
méthodes d'infiltration.
Enfin pour tous les genres d'activité du crime organisé
où une couche de citoyens peuvent être touchés, cela leur
permet de mieux se prémunir, de la même façon que lorsqu'il
y a eu des auditions dans le passé sur le jeu. C'est très
innocemment que les gens parient et, effectivement, le jeu n'est pas en soi un
acte qui est moralement repréhensible et qui fait frémir
d'indignation les gens. Mais je peux vous dire, par exemple, que dans l'Etat du
Texas il y a un organisme qui s'occupe de l'application de la loi, qui fait des
annonces à la télévision pour dire que dans cet Etat le
jeu est la deuxième source de revenu du crime organisé et que
tous les gens qui bien innocemment parient par l'entremise d'un "bookmaker "
enrichissent la caisse de ces gens et leur permettent de diversifier leurs
activités. Enfin, pour les gens qui n'auraient rien à faire avec
ces activités, l'utilité c'est que ça crée une
indignation qui est absolument nécessaire pour que la
société réagisse vis-à-vis de cela. Si vous n'avez
pas d'information et de sensibilisation et d'indignation, la situation va se
perpétuer.
M. Lalonde: Me Dagenais, on parle de publicité; je pense
qu'il faut distinguer entre une publicité télévisée
ou radiodiffusée du moins, je pense que c'est dans ce sens que le
Barreau a fait la distinction et le fait de tenir des auditions
publiques qui sont rapportées dans les journaux. Si on éliminait
la publicité télévisée ou radiodiffusée
c'est comme si je vous contre-interrogeais n'est-il pas vrai
qu'il y aurait quand même connaissance, de la part de la population, de
l'activité de ces gens qui seraient démasqués, comme vous
le dites, dans vos auditions? Autrement dit, on parle d'impact ici. On parle de
plus ou de moins de publicité.
M. Dagenais: C'est cela, c'est exactement cela, c'est la question
de plus ou moins d'impact. Je ne voudrais pas qu'on pense qu'à la
commission on est des maniaques de la télévision.
Personnellement, on en a fait l'expérience pendant un an de temps et,
maintenant, on s'interroge nous-mêmes sur les grandeurs et les
misères de la télévision. C'est que la
télévision, bien sûr, augmente l'impact. D'ailleurs on l'a
vu; d'après un sondage dont i'ai pu prendre connaissance, qui a
été fait par un organisme qui n'a rien à voir avec nous,
le sujet numéro 1 de discussion des gens au Québec ce
sondage a été fait à l'échelle de la province
était la question du crime organisé. C'est sûr que
cela est dû à la télévision. Maintenant, si vous
voulez, comment dire, les limites inhérentes à la
télévision, ce sont certaines des limites qui ont
été touchées par le Barreau ce matin. Par exemple, cela ne
permet pas dans l'interrogatoire d'un individu de pouvoir aller aussi à
fond qu'on le voudrait, parce qu'inévitablement, pour chercher la
vérité ou chercher des renseignements chez quelqu'un qui est un
témoin hostile, qui ne veut pas répondre, cela demande un
interrogatoire très long, cela demande beaucoup de
répétitions. Le media de la télévision apporte
nécessairement et là je rejoins les propos du
bâtonnier Brassard des limitations à cela. Il y a des
choses, à la télévision, qui ne sont pas possibles parce
que, forcément, cela rendrait une chose que l'on veut
intéressante si l'on veut que les gens écoutent, il faut
que la chose soit intéressante beaucoup moins intéressante.
Forcément, ce sont des limitations...
M. Burns: ... pas maintenir une cote d'écoute.
M. Dagenais: Je comprends que cela peut sembler risible. Mais, si
vous avez un objectif qui est celui d'informer les gens, vous devez le faire
d'une façon intéressante.
M. Burns: Cela m'inquiète beaucoup de vous entendre dire
cela parce que c'est beaucoup plus, dans le fond, une recherche de faits que
vous devez faire plutôt que d'avoir une cote d'écoute à la
télévision ou à la radio.
Je fais simplement une parenthèse non pas à votre endroit,
Me Dagenais, mais à l'endroit du Solliciteur général qui
est membre du cabinet. Je lui rappelle que depuis 1970, je réclame la
télédiffusion des débats à l'Assemblée
nationale. Or, on se refuse, du côté gouvernemental, à le
faire à cause de problèmes de cadrage, de "mixing " ou je ne sais
pas quoi, je ne connais pas les termes techniques. Peut-être que nos amis
de la Tribune de la presse peuvent nous les donner. A cause du montage qui peut
être fait et qu'à un moment donné on trouve un
député, en gros plan, en train de se jouer dans le nez, ou une
histoire comme cela, ce sont des choses aussi bêtes qui, depuis 1970,
empêchent la télédiffusion des débats à
l'Assemblée nationale. Ce serait bien grave de montrer nos
députés dans des situations qui ne sont pas conformes aux
règles, etc.
M. Lalonde: Surtout ceux qui font des colères. M.
Burns: Moi, cela ne me fait rien.
M. Caron: Vous êtes le seul membre de l'Opposition.
M. Burns: Si je fais une colère, je la ferai, la
colère, elle passera à la télévision et j'en
prendrai la responsabilité si elle est mal faite. C'est tout. Ce sont
des risques qu'on est en droit de prendre. C'est drôle comme on est... Il
n'y a pas de problème quand un citoyen est amené devant une
commission d'enquête. C'est sa réputation. Dieu
sait que nous autres, notre réputation comme politicien, vous
savez, elle n'est pas extraordinaire. Vous avez vu les derniers sondages.
M. Caron: On le sait, quant à vous.
M. Burns: Elle n'est pas extraordinaire, comme politicien. Je ne
parle pas de parti.
M. Caron: Non, non.
M. Burns: Parce que là, c est encore pire chez vous.
Une Voix: Attendez les élections.
M. Burns: Comme politicien, c'est quelque chose. J'en parle en
toute liberté. Moi, j'ai à peu près la plus basse cote.
Les trois cotes les plus basses dans la société sont
actuellement: les politiciens, les avocats et les syndicalistes. Moi, je les
réunis toutes les trois. Quant à moi, ce n'est pas grave, je n'ai
pas de complexe là-dessus. Cela m'étonne énormément
qu'on soit aussi ouvert à l'égard de la
télédiffusion des enquêtes comme celle de la CECO et que,
du côté des débats de l'Assemblée nationale,
où on ne parle pas quand même de choses méchantes, en
principe, on parle, du moins habituellement, de choses qui sont
supposément être faites pour l'amélioration de la condition
du citoyen, mais cela, il ne faut pas le montrer à la
télévision, ce serait péché. Je ne sais pas, mais
je me pose un certain nombre de questions sur ces deux attitudes.
M. Lalonde: Je ne sais pas si la question était
posée au témoin ou si elle nous était posée
à nous.
M. Burns: Non. j'ai dit à Me Dagenais que je ne le
mêlais pas à cela, parce que là. évidemment, j'ai
bifurqué politiquement un peu.
M. Lalonde: Oui.
M. Burns: Je ne veux pas vous embarquer là-dedans, Me
Dagenais.
Le Président (M. Cornellier): L'honorable
député de l'Assomption.
M. Perreault: J'aurais une question à poser au
témoin. J'ai regardé quelques émissions de la CECO
à la télévision. Ne trouvez-vous pas qu'à quelques
occasions c'est plutôt une affaire de showmanship" qu'on essayait de
faire plutôt qu'autre chose?
M. Burns: "Showmanship". C'est cela. La cote d'écoute.
M. Perreault: "Showmanship".
M. Burns: C est un peu ce que Me Dagenais nous disait tout
à l'heure. Il faut que ce soit intéressant.
Une Voix: Une vedette.
M. Perreault: Pour répondre au député de
Maisonneuve, c'est une des raisons pour lesquelles je me suis toujours
opposé je n'ai pas peur de le dire aux débats
télévisés de I Assemblée nationale. Parce qu'on
vivra la même chose, du showmanship ".
M. Burns: Cela veut dire que vous êtes contre le fait que
cela passe à la télévision, à la radio...
M. Perreault: Les débats de l'Assemblée
nationale?
M. Burns: ...les débats de la CECO?M.
Perreault: Absolument!
M. Burns: Non. non, on parle des débats de la CECO.
M. Perreault: Oui. je suis contre. Oui. M. Burns: Vous
êtes contre? M. Perreault: Oui M. Burns: Bon.
M. Perreault: Je suis contre toutes ces affaires-là.
M. Burns: Allez-vous être présent au vote, quand on
votera là-dessus?
M. Perreault: Oui. Je suis contre. M. Burns: Vous allez
être là? Oui? M. Perreault: Oui.
M. Desjardins: II fera comme le député de
Maisonneuve, il s absentera.
M. Burns: Je ne m absente pas. moi.
M. Perreault: Je reviens à ma question. Cela a
été l'opinion de plusieurs, que j'ai rencontrés, et qui.
à l'occasion de certains débats de la CECO. ont trouvé
qu'on n'a pas recherché les faits tellement mais on a plutôt
créé une image de vedette devant la population.
M. Dagenais: Ecoutez, si c'est votre impression personnelle, je
peux difficilement faire quoi que ce soit pour vous empêcher de l'avoir,
si c'est ce que vous avez ressenti en regardant les débats
télévisés. Ce que j'ai dit précédemment, je
pense, expliquait suffisamment que ce n'était pas ce que l'on
recherchait. On a toujours essayé d'exposer une situation de la
façon la plus complète possible. Avant qu'un témoin soit
amené en audience publique, je peux vous assurer qu'il y avait des
centaines d'heures, dans le cas des témoins les plus importants, qui ont
été utilisées à vérifier mi-
nutieusement toutes les affirmations du témoin. Ce que I'on
recherchait, c'était d exposer de la façon la plus
complète, la plus vraie et la plus juste une situation qu'on croyait
néfaste et qui devait être corrigée.
M. Perreault: Ma deuxième question est celle-ci: Est-ce
qu'il n'y a pas aussi danger, avec la télévision, d'avoir dans le
passé peut-être marqué certains hommes par association? On
a, par association mentionné des noms et tout de suite ils sont
impliqués comme responsables dans le crime organisé. On a nui
à des réputations, comme l'a mentionné le Barreau tout
à l'heure. C'est absolument vrai. J ai des cas que je connais, dont la
réputation a été détruite à la
manière dont on a procédé. En présentant leur
image, c'est aussi grave que s il était le premier caïd de la
pègre et bien souvent, on n'a rien prouvé même.
Je vais mentionner le cas d'un député ici qui a
été traîné devant la CECO. Qu'est-ce qu'on a
prouvé dans le rapport? Conduite, on n'a rien prouvé. Par contre,
on l'a détruit, c'est ce qui est mauvais. On n'a rien prouvé.
Qu'on se ferme ou bien donc qu'on prouve. C est cela mon point de vue. On a
détruit un député ici; qu'on le prouve s'il a fait quelque
chose: qu'on arrête de laisser soupçonner. Qu on l'accuse!
M. Burns: De plus en plus je veux vous voir présent au
vote là, vous.
M. Perreault: Quand j'ai quelque chose à dire, je n'ai pas
peur de le dire.
M. Lalonde: Quand vous parlez de sensibiliser la population, vous
ne parlez pas d'augmenter votre cote d'écoute.
M. Dagenais: Vous voulez dire?
M. Lalonde: Comme vous nous l'avez expliqué tantôt,
la télévision pour vous, à part de sensibiliser la
population, est-ce qu'il y a d'autres fins que vous recherchez?
M. Dagenais: Je pense bien que l'utilité majeure de la
télévision, c est précisément d'informer et de
sensibiliser avec le maximum d'impact. Je vous réponds en toute candeur,
c'est l'utilité de la télévision. En fait, c'est de
maximiser la connaissance du public sur un phénomène; à
part cela, cela n'a pas de raison d'être.
M. Lalonde: II y a un autre aspect des droits des témoins,
à part la publicité qui est dans l'esprit de nous tous, non
seulement à cause du mémoire du Barreau, mais aussi je pense que
cela a été partagé par les commissaires de la CECO, c'est
d'essayer de trouver des mécanismes pour permettre aux témoins de
rétablir la vérité s'ils ont été l'objet de
remarques défavorables. On a proposé, dans le rapport du Barreau,
de laisser appliquer à la Commission d'enquête sur le crime
organisé comme à d'autres commissions d'enquête Me
Brossard en a donné des exemples, vous l'avez entendu, il a
mentionné la commission Dorion, je pense, et il y en a une autre
le contre-interrogatoire du témoin totalement libre aux avocats qui
étaient désireux de le faire, soit pour rétablir la
vérité, soit même pour attaquer sa
crédibilité et le discréditer auprès de la
commission.
Est-ce qu'à l'enquête sur le crime organisé ce
système serait acceptable?
M. Dagenais: Je pense que c'est une des recommandations du
rapport de la CECO d'institutionnaliser une chose au sujet de laquelle on avait
ouvert la porte. En toutes lettres dans nos recommandations, on recommande
d'instaurer le contre-interrogatoire des témoins par l'avocat du
témoin lui-même, ainsi que l'avocat de toute personne qui serait
visée par le témoignage de cette personne.
M. Lalonde: A moins que je fasse erreur, et corrigez-moi, il me
semble que dans le rapport de la CECO, le rapport préliminaire, on
assujettissait ce mécanisme à l'autorisation préalable des
commissaires dans chaque cas.
M. Dagenais: Oui.
M. Lalonde: Mais le Barreau suggère de le laisser libre,
totalement à l'initiative des avocats qui représentent les
parties.
M. Dagenais: D'accord, je vois la distinction que vous
faites.
M. Lalonde: Elle est majeure. M. Dagenais: Elle est
majeure.
M. Lalonde: Cela fait la différence avec un contrôle
complet dans le rapport de la commission. Je ne vous demande pas d'opinion. Le
projet de loi c'est inscrit dans les dispositions nouvelles de la loi 41
prévoit un mécanisme de demande aux commissaires, à
huis clos, etc. C'est beaucoup plus rigide. Dans l'autre système,
préconisé par le Barreau, c'est totalement libre. Est-ce que vous
pensez que le deuxième système pourrait facilement être
acceptable dans l'enquête sur le crime organisé?
M. Dagenais: Personnellement, je pense qu'il faudrait quand
même maintenir une distinction entre une commission d'enquête et un
tribunal. C'est pour cela que je suis personnellement en faveur d'un
contrôle par les commissaires du droit au contre-interrogatoire. Mais que
ce droit soit octroyé sur justification de l'intérêt de la
personne et de la pertinence du contre-interrogatoire, pour qu'on ne se
retrouve pas avec des situations qu'on vit quotidiennement devant les tribunaux
où des contre-interrogatoires durent des journées et des
journées de temps et s'éloignent passablement du sujet.
M. Burns: Me Dagenais, si vous lisez le texte que le Barreau nous
recommande je vous le dis,
peut-être que vous n'avez pas eu le temps d'en prendre
connaissance, je ne vous blâme pas le texte se lit comme suit: Les
commissaires doivent, sur demande, autoriser l'interrogatoire du témoin
par son avocat sur les faits, aux conditions qu'il fixe, etc. que
propose le projet de loi sur les faits pertinents mentionnés lors
de son examen en chef, ou le contre-interrogatoire du témoin par
l'avocat d'une personne dont le nom ou les activités ont
été mentionnés par ce témoin ou par l'avocat d'un
témoin, tant sur les faits mentionnés par le témoin et
impliquant cette personne ou cet autre témoin que les causes de reproche
pouvant exister contre ce témoin. Est-ce que vous pensez que cela peut
empêcher les travaux d'une commission telle que celle sur l'enquête
du crime organisé?
M. Dagenais: Oui, c'est que si on se réfère
à l'expérience vécue, la commission a surmonté
peut-être 70 brefs. Disons qu'on a passé une grande partie de nos
activités à contester ou à répondre à des
contestations à notre sujet. On a été constamment l'objet
de procédures qui, dans bien des cas, avaient pour but avoué ou
inavoué de retarder ou d'empêcher l'interrogatoire de certains
témoins. Il y a encore des contestations qui sont pendantes depuis trois
ou quatre ans. C'est pour cela qu'il me semblerait qu'il serait utile de
conserver aux commissaires une certaine discrétion qui serait
exercée publiquement sur la façon dont seraient conduits les
interrogatoires et sur les sujets qui pourraient faire l'objet des
contre-interrogatoires.
M. Burns: C'est bien bizarre, Me Dagenais, mais depuis 1944,
c'est-à-dire depuis la date à laquelle l'accréditation
syndicale existe par voie d'autorité quasi judiciaire,
c'est-à-dire depuis que vous avez soit la loi des relations du travail
ou la loi des relations ouvrières ou le Code du travail, vous avez eu un
grand nombre et je vous défie de me le dire, c'est dans les
quatre chiffres, sinon dans les cinq chiffres de brefs
d'évocation ou, en général, de brefs de
prérogatives, qui ont été émis à l'encontre
de la Commission des relations du travail, maintenant du
commissaire-enquêteur, dans le temps de la Commission des relations
ouvrières. Jamais personne n'a pensé mettre des
empêchements à tout cela.
M. Dagenais: Là, vous me comprenez mal...
M. Burns: C'est bien bizarre. Pourtant c'est un droit
fondamental, le droit d'association.
M. Dagenais: Je n'ai jamais dit qu'il fallait limiter les recours
contre la commission.
M. Burns: Mais oui, mais là...
M. Dagenais: Je vous ai tout simplement dit que la façon
dont on avait vécu l'expérience...
M. Burns: Vous me parlez du nombre...
M. Dagenais: ... on pourrait s'attendre à des
contre-interrogatoires qui dureraient des journées et des
journées.
M. Burns: Tant mieux. Je veux dire, si cela se fait dans le cadre
légal, si cela se fait dans un cadre tout à fait normal d'une
société qui permet aux gens de s'exprimer. C'est bien sûr
qu'on ne vous demandera jamais l'unanimité dans quelque
société que ce soit et surtout pas dans le domaine qui vous
concerne actuellement, c'est-à-dire le domaine du crime organisé.
C'est bien sûr que vous allez avoir des gens pour et des gens contre,
surtout ceux qui font du crime organisé. Ils vont tout faire pour
essayer d'être contre, mais, si je m'adonne par hasard à passer
dans ce groupe et si on décide que je fais partie du crime
organisé, je vais être en maudit si je ne peux pas utiliser tous
mes droits, si je ne peux pas être contre-interrogé par mon
avocat, si mon avocat ne peut pas contre-interroger des témoins qui
mentionnent mon nom, si, à un moment donné, je ne peux pas me
plaindre d'un certain nombre d'irrégularités à l'endroit
d'une telle commission d'enquête. Je vous fais le parallèle qui
est quand même aussi important, soit dit en passant. C'est tellement
important qu'on a une autre commission d'enquête qui a été,
disons, aussi populaire, puisqu'on parle de cote d'écoute, que la
Commission d'enquête sur le crime organisé, la commission Cliche.
Dans ce cas-là, comme dans tous les autres, on a parlé de
liberté syndicale, etc. Et, depuis 1944, il y a pourtant un tas de gens
qui font des brefs d'évocation et ce sont particulièrement des
patrons qui le font.
Le mouvement syndical dit: On va attendre le temps que cela prendra et
ces gens passent à travers toutes les procédures. On n'a pas
décidé que c'était tellement grave, cette attaque directe
à l'endroit de la liberté et du droit de l'association, qu'il
faille dire: Les enquêtes, ce sera le commissaire-enquêteur qui va
mettre cela de côté et il entendra qui il voudra, il
contre-interrogera qui il voudra et, quand ces gens iront devant les tribunaux
de façon frivole ou dilatoire, à ce moment-là, il y aura
une amende de $25 000 ou une peine d'emprisonnement de trois mois; jamais
personne n'a pensé à cela. Tout à coup, dans le cas du
crime organisé, qui vise des marginaux dans la société
il faut bien se le dire, qui ne vise pas l'ensemble de la
société, mais vise des gens très
précisément, non identifiables peut-être, mais
précisément limités au point de vue du nombre on se
retrouve avec une autre loi des mesures de guerre parce que c'est bien
important et que, peut-être, sur le plan politique, un certain
gouvernement a décidé de refaire sa crédibilité
avec cela.
M. Lalonde: M. le Président...
M. Dagenais: Juste pour répondre très
brièvement à la position que je mets de l'avant. La position que
je défends est une position qui est mitoyenne et elle provient de nous,
de notre rapport
où nous avons suggéré que le droit au
contre-interrogatoire soit instauré formellement dans la loi...
M. Burns: Bon.
M. Dagenais: ...et qu'également, les personnes puissent
faire entendre des témoins à l'appui de leurs prétentions.
Ce n'est quand même pas une position extrême, mais nous disons,
comme position médiane, que nous réservons quand même aux
commissaires le droit de pouvoir, à un moment donné, dire: Eh
bien! Voici, le sujet que l'on veut toucher n est pas pertinent ou le droit est
utilisé d'une façon qui se veut dilatoire ou abusive.
M. Burns: Me Dagenais, je me rappelle l'époque je
ne suis pas un vieil avocat, mais j'ai quand même une quizaine
d'années de... bien, je commence à être vieux, j'en regarde
d'autres qui sont plus vieux que moi. mais... où des avocats qui
voyaient leurs services réservés par des gens qui,
éventuellement, pouvaient être accusés de meurtre, avaient
toutes les difficultés du monde à participer à un
contre-interrogatoire devant la cour du coroner; je me rappelle cette
époque qui a heureusement changé. Elle n a pas changé dans
la loi, elle a changé dans les faits, c'est-à-dire qu'on s'est
accommodé, à un moment donné, de l'existence de l'avocat
de l'éventuel accusé de meurtre. C'est quand même cela. Il
ne faut pas poser de problème là-dessus. Je me disais: Cela n'a
pas de bon sens, c'est quelqu'un qui, éventuellement, a des chances de
mettre son cou sur la planche ou, en tout cas, dans la corde, à qui on
dit: Tu n'as pas le droit d'avoir un avocat qui te représente ici.
A l'époque je me souviens de cela dans les
années 1957, 1958 et 1960, on avait toutes les difficultés du
monde, à une enquête du coroner, d'intervenir en disant: Je suis
le procureur de M. Untel. On disait: M. Untel n'est accusé de rien et
vous n'avez rien à faire ici. C'est quand même extraordinaire
quand on savait que c'était le témoin important. Je n'ai pas
à vous raconter ce que cela veut dire, un témoin important dans
une enquête du coroner. C'est le gars qui, éventuellement, s'il y
a responsabilité criminelle, risque d'être accusé.
Je me demande si, dans le fond, on ne fait pas un peu la même
chose. Remarquez que c'est moins grave. On ne dit pas qu'il s'agit de peine de
mort, qui est attachée à cela. Mais il s'agit quand même,
dans bien des cas de la réputation des gens et peut-être
même, éventuellement, de leur liberté, s'il y a des
poursuites qui sont intentées à la suite de cela. Il me semble
que c'est un minimum de dire que l'individu qui est amené devant la
commission a le droit d'être représenté par avocat, de se
faire interroger par son avocat, de se faire contre-interroger et de faire
contre-interroger les autres témoins qui, éventuellement,
pourraient l'impliquer dans cette affaire. Cela m'apparaît comme une
chose des plus normales et des plus décentes. Je ne vois pas en quoi une
telle mesure, telle que suggérée par le Barreau, pourrait
empêcher le travail légitime, normal de la Commission
d'enquête sur le crime organisé ou de toute autre commission
d'enquête.
M. Dagenais: Ce sur quoi on discute présentement, c'est
à savoir si les commissaires devraient ou non conserver une
discrétion.
M. Burns: C'est cela.
M. Dagenais: Je vous réponds là-dessus que je pense
que la discrétion n'est pas incompatible avec un bon exercice des
libertés civiles de chacun et, en même temps, serait de nature
à assurer une plus grande efficacité aux travaux de la
commission.
M. Burns: Est-ce que ce n'est pas un droit fondamental,
d'après vous, de pouvoir avoir ce droit? Est-ce que ce n'est pas
fondamental pour n'importe quel individu de recourir aux services d'un avocat
s'il le désire et de se faire représenter devant quelque
organisme judiciaire ou quasi judiciaire qui existe? Est-ce que ce n'est pas
fondamental pour un individu de dire: Jusqu'à preuve du contraire, je
suis encore innocent? Est-ce que ce n'est pas fondamental de dire à cet
individu: On va se mettre de ton côté pour prouver que,
jusqu'à preuve du contraire, tu es innocent et tu vas avoir toutes les
chances de t'en tirer si c'est nécessaire. C'est cela, dans le fond, la
représentation d'un avocat devant ces tribunaux.
M. Lalonde: Me Dagenais, si vous me le permettez, on sait que
l'aspect intimidation...
M. Burns: J'aimerais bien que Me Dagenais me réponde au
nom de la CECO.
M. Dagenais: Je suis bien d'accord avec vous. C'est absolument
fondamental.
M. Lalonde: Est-ce que l'aspect intimidation, qui est
inhérent à tout le système du crime organisé,
serait une des raisons pour lesquelles il serait préférable que
les commissaires aient un droit de regard dans l'exercice de
contre-interrogatoire? Par exemple, est-ce que vous craindriez que des
témoins victimes pourraient être intimidés indirectement
par des contre-interrogatoires d'avocats représentant les personnes
qu'ils accusent plus ou moins? Est-ce que ce n'est pas dans ce sens?
M. Dagenais: C'est une chose avec laquelle il faut vivre. Je
dirais que, plus fondamentalement, je ne verrais pas pourquoi une preuve qui
voudrait être faite par la partie adverse ne pourrait pas
également être auscultée de la même façon que
les preuves que la commission désire apporter. Je peux vous donner un
exemple concret d'une expérience qu'on a vécue où on s'est
félicité d avoir voulu faire cette vérification
auparavant. Il s'agissait d'une accusation de meurtre qui avait
été lancée par le témoin McSween concernant Roger
Fontaine. Ce sont des faits qui sont publics: on
peut en parler en toute liberté. Au lendemain de l'audition de
McSween, l'avocat de Fontaine nous est arrivé avec un témoin et
il nous a dit qu'il voulait faire la preuve que son client n'était pas
sur les lieux lors du meurtre. Les commissaires ont dit: Très bien, on
va entendre le témoin à huis clos auparavant et, si vos
prétentions sont exactes, vous en ferez la preuve. Il s'est passé
ce phénomène étrange. Je me souviens très bien de
l'incident. C'était à cinq heures, quelques minutes après
la fin des audiences, où le témoin s'est adressé aux
commissaires, est entré dans la salle, quasiment poussé par son
avocat et a demandé aux commissaires, l'air quelque peu
hébété: Est-ce que je suis obligé de
témoigner ici, est-ce que je peux m'en retourner chez moi?
On lui a demandé: Est-ce qu'on pourrait savoir qui vous
êtes, tout d'abord? Il a dit: Est-ce que je suis obligé de donner
mon nom? Je vous demande juste une chose; je suis un citoyen qui respecte les
lois, je vis avec ma famille tranquillement et je voudrais m'en retourner chez
nous. Les commissaires se sont adressés à son avocat, qui nous a
assurés que le témoin était un témoin volontaire
qui venait faire la lumière. Tout le monde était très
surpris de la situation. Le témoin nous a quasiment implorés
c'est en toutes lettres dans le huis clos de s'en retourner chez
lui sans avoir à dire qui il était et quoi que ce soit
d'autre.
M. Burns: Si vous avez un cas comme cela et si vraiment vous avez
un avocat qui a intimidé son client à ce point, c'est une plainte
directe au Barreau que vous devez faire. C'est une situation qui, vous allez
l'admettre, est tout à fait exceptionnelle. Ce n'est pas en amendant la
loi de façon à brimer les droits fondamentaux de la personne que
vous allez corriger un cas tout à fait, mais vraiment tout à fait
exceptionnel. Je suis prêt à...
M. Dagenais: Je m'excuse, mais cela va beaucoup plus loin que
cela.
M. Burns: Voulez-vous dire que tous les avocats amènent
leurs clients de force devant la Commission d'enquête sur le crime
organisé ou ailleurs devant les tribunaux?
M. Dagenais: Le principe qu'il faut comprendre là-dedans,
M. Burns, c'est que, si la commission s'impose la discipline, s'impose avec
rigueur de vérifier les témoignages qu'elle produira, il me
semble que ce serait normal également que la même chose se fasse
pour les témoins qui soient produits par les personnes qui sont
amenées devant la commission ou qui sont mentionnées devant la
commission. A ce moment-là, vous pourriez vous retrouver avec la
même situation que vous déplorez, à savoir que des
témoins viennent en public lancer des accusations à gauche et
à droite. Il faut absolument vérifier la portée,
l'authenticité des témoignages qui vont être produits
devant la commission, que cela vienne d'un côté ou de l'autre.
M. Burns: Mon argument est le suivant. Si vous avez des cas aussi
aberrants que celui que vous venez de mentionner je vous crois sur
parole, je ne mets pas du tout votre parole en doute c'est un cas
disciplinaire du Barreau. Cela devrait être de votre devoir, même,
de porter plainte contre cet avocat, si vous avez suffisamment de preuves
à l'effet que c est lavocat qui a forcé ce témoin à
venir témoigner. Il a excédé son rôle, il a
même outrepassé tout ce qu'on peut imaginer comme rôle d'un
avocat. A part cela, il faudrait peut-être interroger cet avocat, comme
témoin, devant la Commission d'enquête sur le crime
organisé. Il a peut-être des intérêts dans cette
affaire-là.
Mais je vous dis que, peu importe I'exemple que vous me donnez, cela ne
justifie pas, dans mon esprit, un amendement aussi grave et important quant aux
droits fondamentaux de la personne que celui qu'on nous propose dans le projet
de loi no 41. Je n'accepte même pas la discrétion qu'on pourrait
donner aux commissaires de dire: Ils décideront s'il doit y avoir
contre-interrogatoire ou pas. Les droits fondamentaux, les libertés
civiles des personnes, on ne joue pas avec cela. S il y a des abus, ce sont les
abus qu'il faut corriger, pas par une loi générale. Comme on le
dit souvent, pour guérir une situation, il ne faut pas tout balayer. Il
ne faut pas jeter le bébé avec I'eau du bain!
M. Dagenais: Mais je pense qu'il serait quand même prudent
d'imposer les mêmes vérifications aux témoins qui sont
produits par les avocats de certaines personnes représentées ou
qui sont visés par la commission. Il faudrait imposer la même
vérification que celle qui est faite pour les témoins qui sont
produits par la commission. Il me semble que ce serait prudent parce que, sans
cela, vous pouvez avoir la même situation que vous déplorez, dans
vos paroles, de quelqu'un qui viendrait dire n'importe quoi sur n'importe
qui.
M. Burns: Mais la loi, actuellement, telle que projetée
par le gouvernement, nous dit: Les commissaires peuvent, sur demande et aux
conditions qu'ils fixent, autoriser l'interrogatoire, le contre-interrogatoire,
etc. La suggestion qui nous est faite, que je trouve beaucoup plus en accord
avec le respect des libertés individuelles et des droits fondamentaux de
la personne, nous dit que les commissaires, non pas peuvent mais doivent, sur
demande, autoriser, sans aucune condition, I'interrogatoire et le
contre-interrogatoire. Cela m'apparaît comme beaucoup plus normal, en
tout cas, surtout quand on est dans un domaine où cela devient...
Depuis le début on parle surtout de commission d'enquête
sur le crime organisé, mais cela pourrait s'appliquer à tout
autre type d'enquête qui pourrait s'insérer dans un domaine aussi
difficile à cadrer que le crime organisé, aussi difficile au
point de vue des personnes et de la nature des choses qui sont
discutées, mais particulièrement quand on est dans ce domaine, au
moins qu'on laisse les libertés fondamentales aux personnes, leurs
droits fondamentaux. Il me semble que c est
la première chose qu'on va respecter. Moi, je ne serais pas
satisfait, en tout cas, d'être convoqué demain devant la CECO avec
un texte qui me dit que peut-être parce que c'est cela que cela
veut dire mon avocat pourra m'interroger, peut-être mon avocat
pourra contre-interroger des gens qui parlent à mon sujet. Ce
peut-être c'est uniquement dû à la discrétion des
commissaires. J'ai bien du respect pour les gens qui sont là, mais, je
m'excuse, mes droits sont pas mal plus importants que leur peut-être
à eux autres. C'est dans ce sens que je n'accepte pas ce genre de texte.
Je ne vois pas comment décemment on peut accepter de commettre une telle
incartade aux droits communs puis aux libertés fondamentales. Je ne
pense pas, d'autre part, si vous me prouviez c'est un peu le sens de mes
questions, Me Dage-nais, depuis le début que le fait d'inscrire
un texte permet véritablement l'exercice en vertu du droit commun que
tout le monde on connaît, l'exercice du droit à l'interrogatoire
puis au contre-interrogatoire, je ne pense pas que cela nuise aux travaux de
votre commission. Bien là, j'y songerais, mais je ne pense pas que vous
soyez en mesure de me prouver cela.
M. Lalonde: II ne semble pas que le témoin ait quelque
chose à ajouter sur cette question.
M. Oagenais: Peut-être sur la question du
contre-interrogatoire, il y aurait peut-être possibilité
effectivement de je ne veux pas prendre position sur le projet de loi ou
non... Mais je pense bien que le point que vous faites, à mon point de
vue, en matière de discrétion de contre-interrogatoire, pourrait
être "phrasé" de telle sorte que le contre-interrogatoire soit un
droit de plein droit pour quelqu'un mais que le contrôle des commissaires
existe au niveau de la pertinence et au niveau de la tactique dilatoire. Je
pense que là-dessus on se rejoint très bien. Sur la question de
la preuve du témoin, je persiste à penser qu'il faudrait quand
même vérifier cela auparavant.
M. Burns: Est-ce que...
M. Lalonde: Quand vous parlez de la pertinence...
M. Burns: Sur la pertinence, c'est un droit qui existe en vertu
de la Loi de la preuve. Qu'est-ce que vous voulez, si quelqu'un veut absolument
témoigner relativement à un sujet qui n'a rien à faire
avec la discussion qui est en cours, je pense bien que c'est la
discrétion totale des commissaires, parce qu'ils ont, en vertu du
chapitre 11 de nos lois, les mêmes pouvoirs qu'un juge de la Cour
supérieure en matière de preuve puis ils peuvent simplement dire:
Ecoutez, monsieur, on n'a pas le goût d'entendre parler de la couleur des
culottes de votre belle-mère, si on est en train de parler d'autre
chose. Moi, il me semble que c'est évident, on n'a pas besoin de le dire
dans la loi, cela existe déjà dans notre législation
actuelle.
M. Dagenais: II reste que...
M. Burns: Sur l'aspect pertinence, moi, il me semble que c'est
une discrétion qu'on n'a même pas besoin de remettre dans la loi
à la faveur des commissaires. Mais, quant aux droits, par exemple,
fondamentaux de l'individu qui se présente devant cette commission, qui
est convoqué devant cette commission, il me semble qu'on doit tout au
moins les répéter, parce que cela est important. Ou tout au
moins, si on ne le répète pas, qu'on ne mette pas des textes
comme celui qu'on nous propose, qui empêche le libre exercice de droits
fondamentaux. C'est dans ce sens. Je vous suis parfaitement et je suis d'accord
avec vous, c'est bien évident que, si par des témoignages
dilatoires, on veut empêcher les travaux de la commission, les
commissaires devraient, à ce moment, dans la mesure de l'exercice de
leurs pouvoirs normaux, dire: Ecoutez, monsieur ou madame, on n'a pas le
goût de vous entendre là -dessus, parce que vous nous parlez de
quelque chose qui ne nous concerne pas. Pour moi, cela ne se pose pas comme
problème. Ce qui cause comme problème, c'est le genre de texte
où on soumet à la possibilité et aux humeurs, sans jeu de
mots, des commissaires et aux conditions qu'ils fixent le droit à
l'interrogatoire et au contre-interrogatoire. Cela m'inquiète
beaucoup.
M. Lalonde: Me Dagenais, je ne voudrais pas prendre trop de
temps, parce qu'il y a une autre partie, un autre témoin qu'il faudra
entendre avant la fin de la séance de cet après-midi, mais il y a
une question il y en a certainement plusieurs autres plus
particulièrement la question des perquisitions sans mandat.
La loi actuelle contient une disposition permettant de procéder
à une perquisition sans mandat en cas d'urgence. Pourriez-vous me dire
si, selon votre expérience, cette procédure a été
utilisée et si elle est donc utile à l'enquête sur le crime
organisé?
M. Dagenais: Elle n'a jamais été utilisée
et, pour aller droit au but, ce n'est pas une chose qui nous semble
nécessaire ou utile. C'était dans la loi. On n'a jamais cru bon
de l'utiliser. Il ne s'est jamais présenté d'occasion et, en plus
de cela, je pense bien que le principe du mandat de perquisition et d'un mandat
pour entrer chez qui que ce soit est un des principes qu'il faut maintenir dans
notre droit. Je ne sais pas exactement ce qu'on recherchait dans cette
disposition spécifique, mais il reste que, si jamais un policier
découvre une chose qui constitue une preuve d'importance, il y a
toujours moyen pour lui d'aller chercher un mandat de perquisition, quitte
à laisser un confrère, si l'objet n'est pas couvert par un mandat
de perquisition, sur les lieux, si c'est une preuve vitale, et d'aller se
chercher un mandat de perquisition.
M. Burns: Cela va nous aider. J'espère que c'est un
article qui va sauter. Cela va faire une chicane de moins, cela, M. le
ministre.
M. Lalonde: II en reste assez d'autres!
Bon! Compte tenu du peu de temps qui! nous reste, je m'en tiendrais,
quant à moi. à ces questions qui nous donnent une bonne
perception de l'approche...
M. Burns: J ai simplement, si vous le voulez bien, une ou deux
questions encore à Tendrait de Me Dagenais. et je suis bien content d
avoir quelqu'un de la CECO pour recevoir ces questions.
Le Président (M. Cornellier): ...
M. Burns: M. le Président, vous m intimidez.
Le Président (M. Cornellier): C est une question que je
pose.
M. Burns: C'est très bref. Ce ne sont peut-être pas
des aspects qu on a touchés actuellement, mais jusqu à maintenant
un certain nombre d intervenants devant la commission nous ont laisse entendre
qu un certain nombre de pouvoirs que le lieutenant-gouverneur en conseil se
réservait, entre autres le pouvoir de réglementation dans le cas
des corps policiers au-dessus de la Commission de police ou des choses comme
cela, pour moi. me laissent songeur quant à un problème global,
c'est-à-dire I'intervention politique.
Je ne vous prends pas par surprise, je fais une introduction disant que
c est dans ce sens que je vous la fais. Est-ce que. jusqu'à maintenant,
il y a des dossiers que vous avez étudiés à huis clos, a
la CECO. qui ont été mis de côté à cause d
interventions politiques?
M. Dagenais: Jamais.
M. Burns: Ce n est jamais arrive?
M. Dagenais: Jamais arrivé.
M. Burns: Jamais arrivé?
M. Dagenais: Je dois vous dire...
M. Burns: Ce n est jamais arrive depuis que vous êtes
là ou avant?
M. Dagenais: Je peux parler de ce que je connais.
M. Burns: Depuis quand êtes-vous la?
M. Dagenais: Je suis là depuis février 1975.
M. Burns: Février 1975.
M. Dagenais: Cela couvre les dossiers auxquels vous pensez.
M. Burns: Cela couvre les dossiers, par exemple, de
Loto-Quebec...
M. Dagenais: De la Société des alcools.
M. Burns: ...et de la SAQ.
M. Dagenais: Je peux vous dire tout.
M. Burns: Je vais vous poser une question. N'y a-t-il pas eu
je prends la formule que ma indiquée tout à I heure le
Solliciteur general des enquêtes à huis clos sur ces deux
domaines...
M. Dagenais: Oui.
M. Burns: ...de Loto-Quebec et de la SAQ?
M. Dagenais: La Loto-Québec? Pas que ]e sache.
M. Burns: Non.
M. Dagenais: Je pense bien que la réponse est non. Pas que
je sache. Je n ai pas toujours été procureur-chef, mais je ne
crois pas. Il y a eu une enquête à huis clos sur les dossiers de
la Société des alcools.
M. Burns: La SAQ. Bon! Comment se fait-il qu à la suite
des enquêtes à huis clos il n y ait pas eu d audition publique
relativement à cela?
M. Dagenais: La genèse de ce dossier s est
présentée de la façon suivante. A I'occasion de
I'étude des rubans du projet Vegas, qui est un projet bien connu de la
Sûreté du Québec, il y avait eu...
M. Burns: Bien connu tout court.
M. Dagenais: ... une conversation au cours de laquelle on pouvait
voir qu un fonctionnaire de la Société des alcools la
Régie à l'époque faisait I'objet d une tentative de
manipulation par des gens du milieu. Alors pour nous, c est un filon
intéressant et c est un filon sur lequel on a enquêté.
Quand je parle de gens du milieu, il s'agissait de Frank Dasti. A la suite de
l'enquête, on s est aperçu que dans le cours de deux semaines, ce
fonctionnaire avait été muté. C'était un
fonctionnaire qui était mal pris, il y a des gens qui essayaient de le
faire chanter, et semble-t-il. d après ce qu on pouvait voir, les gens
du milieu voulaient utiliser cela, étant donné qu'il était
à la Société des alcools, pour I aider vis-à-vis
des gens qui le faisaient chanter et en retirer des avantages.
L enquête a démontré que je crois que c est a
peu près juste, je ne voudrais pas épingler une date
précise dans les deux semaines qui ont suivi la conversation,
question qui laissait supposer bien des choses, le fonctionnaire a
été muté et cette tentative a avorté
complètement. Maintenant, dans le cours du dossier, comme on l'a
déjà mentionné, il y a un certain nombre de pratiques dont
on a pris connaissance, dont on a fait rapport au Solliciteur general, pardon
au ministre de la Justice de I'époque, le Procureur
général, qui était Jérôme Choquette. Quant
à nous, la raison pour la-
quelle on n'a pas poursuivi les travaux, c'était qu'il ne s
agissait aucunement de crime organisé.
C était mon opinion également à l'époque et
c'était l'opinion de tout le groupe avec qui je travaillais. On
comprenait que c'était hors mandat. Je peux même vous dire,
étant donné l'aspect délicat du dossier, que des opinions
ont été sollicitées de la part de gens indépendants
de l'extérieur Ces derniers ont formulé des opinions juridiques,
savoir si c était ou non dans le mandat; or, les trois opinions
concordaient.
M. Burns: Alors ce que vous avez...
M. Dagenais: C'est une précaution supplémentaire
qui a été prise à cause de l'implication
particulière de ce dossier.
M. Burns: Cela va. cela m éclaire. Alors, à quelle
époque avez-vous fait rapport au Procureur général?
M. Dagenais: Je l'ai remis à I'été. je ne
peux pas vous dire le mois, je crois que c était en mai ou juin.
M. Bums: 1976? M. Dagenais: 1975.
M. Burns: 1975. cela fait déjà un an et plus. Vous
ne le savez pas, mais je suis en train de me bâtir un dossier J'ai donc
hâte que la session recommence.
M. Lalonde: Vous saviez déjà cela.
M. Burns: Ah! mais je l'ai, comme disent les Anglais directly
from the horse's mouth. Je m excuse, je ne vous traite pas de cheval,
monsieur.
M. Lalonde: Cela vous prouve que vous utilisez toujours la
vérité.
M. Burns: Non, non, mais c est parce que là vous allez
avoir de la difficulté à me dire que vous faites encore
enquête, alors que vous avez des rapports. Cela fait déjà
un an.
M. Lalonde: Puis, d'ailleurs, le député de
Maisonneuve a remarqué que malgré, je n ose pas dire son
impertinence, mais la non-pertinence de ses questions au débat, je l'ai
laissé aller jusqu à maintenant.
M. Burns: Pour une fois qu'on a quelqu'un de la CECO devant nous,
puis une personne autorisée...
M. Lalonde: Je ne vois pas beaucoup ce que ces questions ont
à voir avec le rapport du Barreau.
M. Burns: Non, non, je ne parle pas du rapport du Barreau,
écoutez, il est venu témoigner ici, il me semble que je ne suis
pas limité au rapport du Barreau.
M. Lalonde: Au rapport du Barreau et il faut quand même
reconnaître...
M. Burns: Depuis quand? Je n'ai vu cela nulle part. Quant
à vous, M. le Président, avez-vous décidé cela,
vous?
M. Lalonde: ... reconnaître...
M. Burns: Je n'ai pas vu cela, est-ce que vous avez
décidé qu'on ne pouvait pas sortir de...
M. Lalonde: ... que Me Dagenais, dans ses fonctions, a. il le
sait, je n'ai pas besoin de lui dire, habituellement...
M. Burns: Oui, je sais ce que vous allez lui dire, vous allez lui
dire de se fermer la boîte à la prochaine question que je vais lui
poser.
M. Lalonde: ... il y a un caractère de
confidentialité à respecter.
M. Burns: Je sais ce que vous allez lui dire. C'est un
avertissement gentil que vous êtes en train de lui faire. Bon!
M. Lachance: II n'a n'en à cacher.
M. Burns: II n'y a rien à cacher. Bon, tant mieux!
Quand cette décision a-t-elle été prise que
c'était hors mandat, m'avez-vous dit, des consultations à
l'extérieur? Quelle définition vous donniez-vous à votre
mandat sur le crime organisé? Vous êtes capable de nous le
dire.
M. Dagenais: Oui. Pour nous, le crime organisé est un
ensemble de gens dans une société dont I'objectif est de vivre du
crime. Il ne s'agirait pas, par exemple, d'individus qui, dans le cours de
leurs affaires, vont à l'occasion faire des choses malhonnêtes,
pour faciliter un profit.
Pour nous, les gens du crime organisé sont des gens qui font une
profession du crime.
M. Burns: C'est-à-dire...
M. Dagenais: Ce sont des criminels professionnels.
M. Burns: ...que leur travail, c'est de gagner de l'argent avec
le crime.
M. Dagenais: En marge des lois.
M. Burns: En marge des lois. Bon. Est-ce que cela irait, dans
votre esprit, jusqu'à englober des gens qui ont un commerce tout
à fait légitime, par exemple, au hasard, un commerce comme la
vente de fromage et qui à l'occasion de la vente de fromage, se
mettraient à faire des profits de façon irrégulière
en vertu de la loi? Est-ce que cela irait aussi loin que cela ou si cela n'est
pas couvert?
M. Dagenais: Vous savez, c'est difficile de
parler sur un exemple aussi vague que celui-là. Dans notre
esprit, il faut que le caractère majeur des activités ou du
gagne-pain de ces gens soit une façon continue de violer les lois et
d'en tirer des profits.
M. Burns: Si, par exemple, j'ai une entreprise tout à fait
légitime qui, en soit, me rapporte des revenus et que cela me sert,
à toutes fins pratiques, même si cela me rapporte seulement 25% de
mes revenus, un peu de couverture pour faire des actes illégaux de
façon systématique, cela, à vos yeux, n'apparaîtrait
pas comme du crime organisé.
M. Dagenais: C'est un peu différent. Si vous me dites que
l'ensemble de vos activités, c'est-à-dire 75%, c'est de vivre du
crime et que l'entreprise est une couverture...
M. Burns: Non, l'exemple que je vous donne, c'est 75% tout
à fait légitime. Je vends des pommes de terre ou je vends du
fromage ou je vends... Est-ce qu'on a des experts ici qui veulent
m'éclairer?
M. Caron: Si ce n'est pas de la marchandise volée.
M. Burns: Bon. Je m'excuse. Je demandais aux témoins
experts, à moins qu'il n'y ait des témoins experts ici.
M. Caron: Vous êtes un expert.
M. Burns: Non, je ne suis pas un expert. Je pose des
questions.
M. Caron: Je suis expert à Loto-Québec; alors,
lorsque cela viendra...
M. Burns: On vous réserve pour cela. Me Dagenais, dans le
cas que je vous donne, disons qu'au maximum 75% de mes activités sont
tout à fait légitimes. Je vends des pommes de terre ou je vends
des casquettes. Cela me rapporte 75% de mes revenus, sauf que, de façon
régulière et de façon systématique, il y a au moins
25% de mes revenus qui me viennent d'actes illégaux qui sont faits sous
le couvert de mon opération tout à fait légitime. Pour
vous autres, est-ce que c'était considéré comme hors
mandat?
M. Dagenais: C'est très difficile. J'opinerais
plutôt que ce serait hors mandat.
M. Burns: Ah bon!
M. Dagenais: En général, le crime organisé
ne fonctionne pas de cette façon. Ce sont des gens qui, d'emblée,
fonctionnent dans le crime d'une façon continue et
régulière.
M. Burns: C'est-à-dire qu'il ne faut pas gagner sa vie
à autre chose que de vendre de la crème glacée, si c'est
nécessaire, et faire d'autre chose à côté.
M. Lalonde: M. le Président... M. Burns: Est-ce
cela?
M. Dagenais: Ecoutez, pour répondre à votre
question, qui n'a rien à se reprocher? S'il fallait qu'une commission
d'enquête sur le crime organisé enquête sur toutes les
irrégularités du fonctionnement de chaque groupe d'individus, il
faudrait enquêter sur tous les acheteurs dans toutes les grandes
compagnies qui, certainement, je ne veux pas trop m'avancer
...
M. Burns: Ce que je veux savoir, c'est si, dans la
définition que vous faites de votre mandat, il est absolument
nécessaire que vous puissiez déceler un système et peu
importe l'activité principale.
M. Dagenais: Assurément. Ce sont les normes en fonction
desquelles on fonctionne.
M. Burns: Vous dites...
M. Dagenais: C'est la définition qu'on s'est
donnée.
M. Burns: ...qu'un système d'actes illégaux ou
criminels ou, en tout cas, poursuivables devant les tribunaux, pour vous
autres, c'est du crime organisé, peu importe l'importance de
l'entreprise légitime qui puisse être le couvert de cela. Est-ce
que je vous comprends bien là-dessus?
M. Dagenais: Oui, je vous donne un exemple; si vous avez dans un
bureau un type qui est un administrateur et qui, plutôt que de louer des
photocopieurs Xerox, loue des photocopieurs IBM parce qu'il est avantagé
par IBM, vous avez une partie de ses activités qui sont
illégales.
Mais allons-nous appeler cela du crime organisé? Le
caractère de crime organisé nécessite un contexte tout
à fait différent.
M. Burns: C'est assez difficile à définir, c'est
cela?
M. Dagenais: J'ai proposé une définition. Ce qui
est difficile, c'est d'appliquer la définition à un exemple aussi
vague que celui que vous me donnez. Vous dites que c'est 25% de ses
activités. Quelles sont ses activités, ce type se fait $5000 par
années et il perçoit $1250 en commission, il est seul et il agit
seul et n'a aucun lien avec le milieu et ne recourt pas à
l'intimidation? Là je vous dirais carrément non, cela ne nous
regarde pas.
M. Burns: D'accord. Vous venez de lâcher le mot. Pour vous,
le crime organisé est-ce une référence au milieu, ce qu'on
appelle le milieu, c'est-à-dire la pègre, le monde interlope?
Pour vous est-ce un élément essentiel?
M. Dagenais: Non. M. Burns: Non?
M. Dagenais: Non. Mais il y a...
M. Lalonde: M. le Président, excusez-moi, je ne veux pas
interrompre ce cours sur le crime organisé extrêmement
intéressant.
M. Burns: Ce n est pas un cours, au contraire c'est...
M. Lalonde: Ecoutez, j'aimerais prendre la parole; excusez-moi
une seconde, parce que je veux me référer, M. le
Président, aux travaux de cette commission. Il reste un organisme
à entendre d'ici l'ajournement à 18 heures; M. Marcil est ici
depuis hier. Sans trop insister sur la pertinence, j'aimerais quand même
rappeler au député de Maisonneuve, pour au moins être aussi
disponible et courtois que possible à l'endroit de la
Fédération des policiers, s'il n y aurait pas lieu de passer
à la fédération. Je fais appel à la
compréhension du député de Maisonneuve.
M. Burns: Vous avez ma compréhension la plus totale, M. le
Président, mais je vais vous dire aussi que dans votre projet de loi il
est fortement question du crime organisé, que déjà des
gens qui sont venus devant nous nous ont pointé entre autres un certain
nombre de références à l'article 20 de la loi qui est
amendée par l'article 42 de la loi.
M. Lalonde: Oui, mais j'ai dit que je ne faisais pas trop de cas
de la pertinence. Je veux tout simplement faire appel à sa
collaboration.
M. Burns: J'aime mieux cela parce que, si vous me dites que je
pose des questions en dehors du projet de loi, je vais m'insulter.
M. Lalonde: Non, non.
M. Burns: Je suis habituellement gentil, avec un caractère
affable. Je veux tout simplement vous demander en conclusion, Me Dagenais, si
d'après vous c'est difficile de cadrer, de définir
véritablement ce qu'est le crime organisé. Est-ce que je vous
comprends mal si j'interprète la suite de vos réponses comme
étant une affirmation à l'effet que de définir le crime
organisé, c'est très difficile?
M. Dagenais: C est sûr que c'est difficile. C'est
sûr; on a quand même, malgré que ce soit difficile, un
certain nombre de critères, de normes que je vous ai
énoncés tout à l'heure. C'est sûr que ce n'est pas
facile.
M. Burns: Quand arrivent des problèmes de
définition du mandat, du cadre de votre mandat, à ce moment,
est-il habituel à votre connaissance, soit par vous ou soit encore par
les commissaires, de consulter l'autorité du ministère de la
Justice?
M. Dagenais: En l'occurrence, ce ne sont pas des gens du
ministère de la Justice qui ont été consultés, il
s'agit de personnes qui étaient indépendantes. Il y a un juge
à la retraite, un juge émi- nent d'une des plus hautes instances.
Il y avait également en l'occurrence des juristes de grand renom qui
étaient considérés par nous comme des gens absolument
neutres, qui n avaient pas d'affiliation politique comme telle.
M. Burns: Mais, règle générale, est-ce au
ministère de la Justice que vous en référez pour
vérifier si c'est dans le cadre de votre mandat?
M. Dagenais: Ni en règle générale, ni en
règle spécifique. On aime bien penser qu'on est
indépendant et on le pense actuellement.
M. Burns: Alors ce n est pas arrivé dans d'autres cas que
ceux auxquels on s'est référé?
M. Dagenais: Non, absolument pas. c'était la seule
situation cocasse qui s'est produite. Enquêtant sur un filon où
manifestement il y avait une tentative d'influence du crime organisé sur
un fonctionnaire du gouvernement ou, enfin, d'une régie gouvernementale,
on s'est trouvé à prendre connaissance de faits qui constituaient
des actions repréhensibles, mais qui étaient tout à fait
en dehors du genre de sujets que l'on couvre d'habitude.
M. Burns: Mais qui représentaient une certaine constance,
une certaine permanence, si on peut dire, dans les actes
irréguliers?
M. Dagenais: Vous me permettrez de réfléchir.
Oui.
M. Burns: ...qui représentait une certaine
continuité.
Merci, Me Dagenais. Je m'excuse d'avoir été si long et
d'avoir, au dire même du Solliciteur-général...
M. Dagenais: Vous n'avez pas à vous excuser, je suis venu
ici pour répondre aux questions.
M. Burns: ...qui a l'habitude de m interrompre comme cela,
outrepassé le mandat de la commission alors que, même au dire de
notre président vaillant et vigilant, j'étais dans le cadre de la
commission.
M. Lalonde: Je remercie Me Dagenais.
Le Président (M. Cornellier): J'inviterais maintenant le
représentant de la Fédération des policiers. M. Marcil,
vous avez la parole.
Fédération des policiers
M. Marcil (Guy): M. le Président, je tiens
premièrement à remercier les membres de la commission de nous
entendre. Comme j'ai eu l'occasion de le dire. hier, nous avions
été I'un des groupes qui avait prôné cette
commission. En fait, on accepte le fait que nous sommes passés, hier,
pour nous retrouver peut-être à la fin coincés avec l'heure
de l'ajournement. Tout de même, il
reste qu'on a pris cette chance et nous apprécions le fait que la
commission nous entende.
Je suis accompagné, à ma gauche, du président de la
fédération qui a été élu au dernier
congrès de la fédération, M. André Nadon et
à ma droite, du procureur de la fédération, Me
Louis-Claude Trudel.
Si on n'a pas préparé de mémoire, je voudrais
simplement indiquer aux membres de la commission que nous avons mis plusieurs
heures à regarder ce projet de loi. D'ailleurs, nous avons fait un
voyage en avion au moment où la grève d'Air Canada
sévissait et c'est un voyage qui restera mémorable pour moi et
pour notre procureur. Partis de Rouyn pour Québec, le pilote s est
perdu, on s'est retrouvé à Mirabel. De toute façon, cela
nous aura permis au cours de cette envolée d'étudier le projet
et, par la suite, de l'approfondir au cours des semaines qui ont suivi
M. Burns: Vous êtes comme nous. M. Marcil, vous
étudiez des projets de loi. sous tension.
M. Marcil: Sous tension. A la remarque du député de
Maisonneuve, je tiens à souligner que cette tension, je l'ai connue
personnellement au cours des dernières années. En fait, depuis
1969, j'ai toujours été ici, au mois de décembre, à
la fin de la session. Historiquement, j'ai passé le mois de
décembre à Québec, parce que c'était toujours
à ce moment que le ministre de la Justice, dans le temps,
présentait ses projets de loi, ainsi qu'à la clôture de la
session au mois de juin. Si bien et je pense dans ces remarques, tout de
même, pour nous... Quand on considère que la session s'est
terminée le mercredi et que votre projet a été
déposé le jeudi précédent par l'honorable leader du
gouvernement, M. Lévesque, notre congrès commençait le
dimanche.
Nous sommes venus vous rencontrer, mais nous savions, à ce
moment-là, que le temps était court et nous avions demandé
cette commission parlementaire parce que nous pensions, tout de même,
qu'il y avait certaines implications assez sérieuses au niveau des
principes du bill comme tels. Je vous ai référé à
ce bill comme à une salade de fruits dans laquelle on trouvait tous les
éléments qui, en fait, composent une telle salade,
peut-être avec un peu de raifort à l'occasion ou un peu de
noyaux!
Tout de même, je voudrais, avant de commencer à parler sur
l'ensemble du projet, dire en passant, que cela m'a permis de constater quelles
étaient les objections, quelle était la philosophie du bill qui a
été exprimée par les membres de la commission et aussi par
les personnes intéressées à se faire entendre.
Dans les remarques de Me Dagenais, tout de même, qui vient de
terminer, il y en a une qui mérite certaines considérations.
C'est peut-être, dans l'ensemble de la police du Québec, un
problème où nous les policiers, on se pose de sérieuses
questions. Quand il dit que les commissions d'enquête ont eu pour but ou
pour effet de sensibiliser les hommes politiques, la population, je peux
comprendre un peu les nuances. J'accepte la par- tie de son exposé, qui
est valable, qui est fondée. Mais, quand il dit qu'elles sensibilisent
la police. )e me pose de sérieuses questions. Qu'on fasse une commission
d enquête pour sensibiliser la police, je trouve cela pas mal fort,
surtout quand on parle du groupe des Dubois et qu'on dit depuis 20 ans
que les Dubois font la pluie et le beau temps, si ce n est pas 25 ans
que cela prend une commission d enquête pour sensibiliser la police
à former une escouade qui va essayer de contrôler le groupe des
Dubois. Ce n'est pas la base, ce n est pas la base comme telle. Moi, j'ai tout
de même vécu 25 ans et je connais, je pense, l'esprit qui anime
les policiers à la base, mais je dis qui I y a un problème
sérieux quand le procureur de la CECO vient nous dire qu'un des effets
obtenus par la commission, cela a été de sensibiliser la
police.
Je voudrais tout de même souligner un des problèmes des
policiers: le moral qui existe présentement est un moral qui, soit
à la communauté urbaine ou au niveau du Québec, n'est pas
simplement dû à une question de salaire j'y reviendrai
tantôt mais surtout à une question d'appartenance, une
question dans laquelle aussi on trouve un certain sens professionnel de la
fonction.
Malheureusement, le principe de Peter s est établi dans les
hautes directions de la police, aussi bien de la Communauté urbaine de
Montréal que dans une grande majorité des corps de police dans le
Québec et cela, ce n'est pas sans nous sensibiliser à la
base.
Ceci étant dit, je reprends les discussions du mémoire
comme tel. Il y a beaucoup de questions qui ont été posées
et, en fait, il faut peut-être faire un peu d'histoire pour essayer de
comprendre la philosophie du bill 41. Je pense qu'ici, à la commission
parlementaire, nous nous sommes toujours fait un devoir de venir vous
rencontrer, de rencontrer les membres du gouvernement aussi bien que
l'Opposition, et mes prédécesseurs ont fait la même chose.
Tout de même, nous étions à lavant-garde quand le ministre
du temps, M. Cho-quette, avait présenté un projet: la police et
la sécurité des citoyens. Le projet comme tel. si je me souviens,
avait eu l'assentiment de l'Opposition et même de la presse
écrite. Les quelques groupes qui se sont fait entendre ont
été trois groupes de policiers et le Barreau, à ce
moment-là.
Cependant, nous avions dit, sur le livre blanc de M. Choquette,
après l'avoir décortiqué pendant une semaine, que si le
livre blanc était mis en vigueur tel quel, nous nous dirigions vers un
Etat policier. C'étaient les conclusions de notre mémoire que
j'ai ici, que nous avions fait entendre dans le temps.
Cependant, on regarde depuis ce temps et on s aperçoit que les
mécanismes qui étaient prévus dans le livre blanc sont
à s'instaurer de façon assez subtile parmi les services de
police.
Cela je ne sais pas s'il y a quelqu'un qui est conscient de cela. Mais,
tout de même, on regarde le rôle que le législateur se
donne, on regarde le rôle que le Solliciteur général se
donne, et on commence à se poser de sérieuses questions: qui
contrôle la police par le biais?
Si on regarde la Communauté urbaine de Montréal, 5000
policiers; si on regarde la Sûreté du Québec, tout le monde
sait que la Sûreté du Québec, par le mécanisme,
relève du Solliciteur général. Si on regarde la
Communauté urbaine de Montréal, quatre membres sont élus
et trois sont nommés d'office par le gouvernement ou par le cabinet des
ministres. Sur les trois qui sont élus, le président, pour qu'une
motion soit acceptée, il faut qu'il fasse partie de la majorité.
Je ne fais pas de procès d'intention, je vous dis simplement les
questions qu'on peut se poser sur le contrôle du gouvernement, du
Solliciteur général et du lieutenant-gouverneur à
différents paliers.
Quand on regarde en fait le projet comme tel, on y retrouve encore une
fois le mécanisme du lieutenant-gouverneur, le mécanisme du
Solliciteur général, le mécanisme du BRQCO, le
mécanisme de la direction générale. Tout cela on l'avait
exprimé dans le livre blanc, nous avions exprimé certaines
réserves quant à la création d'un ministère de
l'intérieur. Souvenons-nous que c'était la création d'un
ministère de l'intérieur, souvenons-nous aussi du moment
où le livre blanc a été écrit, c'est après
la crise d'octobre 1970. Le livre blanc a alors été écrit
en grande partie par les membres de la Commission de police et la
préface a été faite par le ministre du temps. Cela
s'était fait sous le couvert d'un grand secret, les déplacements
de la Commission de police à travers l'Europe. On nous a amenés
en commission parlementaire les grandes philosophies du Home Office alors qu'on
retrouvait les mécanismes du ministère de l'Intérieur en
France. On s'était opposé, surtout quand on regarde certains
articles, et je vous en citerai simplement un ou deux pour vous sensibiliser.
On parlait au niveau des relations du travail et on y revient encore dans le
mécanisme; dans la loi, on parle des fonctions et tantôt j'y
toucherai. On disait dans les propositions que la question des relations du
travail dans les corps policiers, la composition des unités de
négociation, la négociation des conventions collectives et
l'établissement des conditions de travail fassent l'objet d'une
étude et de recommandations par un comité conjoint formé
de représentants du ministère du Travail et du ministère
de la Justice ou du nouveau ministère et que le comité travaille
en étroite collaboration avec les représentants des syndicats
policiers, les membres de la direction des corps policiers et les principaux
employeurs et représentants d employeurs de policiers. L'article 66
était réellement la cerise sur le sundae: Que l'on élimine
les conventions collectives, les clauses susceptibles d'entraver
l'efficacité des corps de police ou de nuire à leur gestion
efficace cela voulait dire ce qui était le contenu entre les deux
couverts, cela voulait dire me tenir dans le panier. Mais on voit, encore une
fois, dans le mécanisme qui est prévu ici, dont je vous parlerai
tantôt à l'article 18, que déjà ces
mécanismes sont en voie de s'installer.
La première remarque qu'on vous fait est le rôle de la
Commission de police. La Commission de police comme telle a été
créée en 1968 M. Bellemare, ce matin, en faisait mention.
Nous autres, nous l'avons demandée la Commission de po- lice dans le but
évident de sortir de la politique. Même si ce matin on disait que
c'était au niveau des policiers municipaux, il y avait certainement
l'aspect politique au niveau de la Sûreté provinciale, si on se
situe à l'époque de 1968. La Commission de police a
été créée. Je pense qu'elle a fait un bon boulot
avec le personnel qu'elle avait; au fur et à mesure qu'elle en fait,
elle a obtenu plus de personnel; elle a aussi obtenu plus de pouvoirs.
A cet article, on s'aperçoit que la Commission de police a le
pouvoir de faire de la réglementation, de déterminer les
statistiques, de prévoir la façon dont agit un membre de la
Sûreté du Québec, un policier des autoroutes ou un policier
municipal, etc., déterminer les fonctions qui peuvent être
exercées et les grades qui peuvent être exercés dans un
corps de police municipal ou dans un corps de police des autoroutes.
Ce qui est arrivé, c'est que la Commission de police pouvait tout
au moins nous rencontrer, former des comités. Les comités
étaient des comités multidisciplinaires dans lesquels on
retrouvait des gérants de ville, des représentants des
municipalités, des présidents des municipalités,
l'état-major, etc., il y avait un groupe avec qui on pouvait discuter
sur un projet de règlement. Il n'y a pas de doute que la partie
syndicale s'est opposée fondamentalement à certains
règlements de la Commission de police. Il n'y a pas de doute, il y a des
choses qui venaient directement de front avec des principes que nous
connaissions dans notre mouvement depuis des années.
Mais si c'est simplement cela, je n'impute pas d'intention, en fait,
j'ai toujours prôné que la Commission de police ne devrait pas
avoir des pouvoirs décisionnels pour une foule de raisons et ce n'est
pas mon intention aujourd'hui de faire le procès de la Commission de
police. Si on s'est toujours opposé fondamentalement, tout au moins, on
avait un mécanisme qui nous sécurisait et dans lequel nous
étions consultés. Mais il est arrivé à un moment
donné que la consultation, il n'y en a plus eu parce qu'en fait, les
documents ou les projets sont allés sur les tablettes.
Si, aujourd'hui, par le biais, on dit: C'est d'accord la Commission de
police peut déterminer les fonctions qui vont être exercées
dans un corps de police et les grades, si elle sait que la
fédération, la fraternité et les policiers, de front, vont
faire des objections sérieuses; tout au moins, on va savoir qu'un
règlement va être fait et on va au moins avoir la chance de se
défendre. Je ne dis pas que c'est simpliste, je dis que la Commission de
police aujourd'hui sait que, sur la fonction des sergents détectives,
elle va avoir une bataille rangée. Je ne sais pas, elle peut
simplement... Encore une fois, je ne fais pas de procès d'intention,
mais il s'agira tout simplement pour le législateur, le
lieutenant-gouverneur en conseil de nous passer un beau règlement et de
sortir les sergents détectives d'une unité de négociation,
de déterminer telle fonction, etc. C'est vrai, cela va être
publié dans la Gazette, mais qui rencontre qui, qui lit la Gazette et
qui a un pouvoir de représentation afin de faire voir notre point de
vue?
Si vous me dites que c est simplement d engager des femmes
policières, je termine mon argument. Vous dites que le
lieutenant-gouverneur en conseil peut, si les circonstances l'exigent, adopter
des règlements sur les sujets visés dans le présent
article: le présent article parle des fonctions qui peuvent être
exercées, les grades, et. chez nous, cela nous affecte depuis
longtemps...
Il y a une chose que je veux souligner entre parenthèses.
Quand vous permettrez que les policiers perdent des droits fondamentaux
que les travailleurs ont dans le mouvement syndical au niveau du Code du
travail, la société, si elle est permissive, aura permis
elle-même que puisse se créer un Etat policier puis de perdre
certains de ses privilèges. Cela, je le dis, puis c'est fondamental. On
nous a donné des droits, à nous policiers, on a mis des
mécanismes, mais, aujourd'nui. d'un côte j'en parlerai
tantôt il y a une régie qui vient de nous statuer, de
l'autre côté, la Commission de police qui vient de nous faire des
règlements ou des recommandations qui sont aussi fondamentales que de
dire à un employeur: Vous devrez vous adresser au
commissaire-enquêteur pour réviser le certificat
d'accréditation des policiers, le cas des policiers de Laval; ou aussi
bien nous imposer aussi des horaires de travail.
En fait, si on n'a plus le droit à l'intérieur de nos
conventions de négocier des choses aussi fondamentales, puis, de lautre
côté, qu'il y a une régie, là on sent certainement
que I étau se resserre. Je n'ai pas besoin des chefs de police pour
venir dire: Vous devriez nous enlever le droit d'association. C'est justement
ce qu'on est en train de faire présentement avec les mécanismes
qu'on essaie de nous passer.
Ceci étant dit, c'est la même chose dans la Commission de
police. Présentement, elle a un pouvoir de recommandation. Pourquoi
mettre dans la loi qu'elle a, en fait, le droit de donner un avertissement, une
réprimande, une mutation, qu elle détermine une suspension avec
ou sans traitement? Déjà, simplement elle a un pouvoir de
recommandation. Pourquoi, si elle a un pouvoir de recommandation, lui donner,
en fait, cette définition dans une loi, dont l'employeur va pouvoir se
servir au niveau de l'arbitrage des griefs? Déjà, il s'en sert
à toutes sortes de sauces. Le mécanisme qui est prévu par
le Code du travail nous permet d'aller devant un arbitre et permet, à un
moment donné, de rectifier la situation selon ce que la convention
collective prévoit.
C'est l'article 18, à la page 11. Quand on parle de la direction
générale de la sécurité publique, c est là
qu est un peu l'histoire. Au lendemain de la crise d'octobre 1970, nous avons
dit à la fédération, au ministre, à la Commission
de police, dans un colloque, que cette situation, à notre point de vue,
ne devait pas se répéter. Nous avons fait l'analyse des
événements d octobre et nous avons dit au ministre: Vous vous
êtes fait passer un sapin.
Nous avons dit: Pourquoi n'avez-vous pas eu quelqu'un de
compétent qui aurait pu vous mettre en garde de peser sur un bouton
rouge ou sur un bouton panique et qui aurait pu vous dire: La situation
était celle-là, celle-là? Je sais que c était du
morning quarterback". Je sais que c'était ce qu'on peut appeler dans le
langage du football des décisions du lendemain matin.
Mais nous avons insisté en commentant le livre blanc en disant
qu'il ne devrait pas y avoir de ministre de l'intérieur et nous avons
soutenu que le ministre, tout au moins, aurait pu avoir quelqu'un de
qualifié qu il aurait pu consulter dans les événements
comme la crise d'octobre 1970.
Aujourd hui. face aux discussions que nous avons entendues, nous avons
cherché à quelle place la direction générale de la
police était créée. Je peux vous dire, M. le ministre, que
longuement nous nous sommes attachés à cet article qui. tout de
même, si on le regarde, comprend environ une dizaine de lignes. On
cherche, en fait, dans une direction qui se veut administrative, quand on dit
collaborer dans les domaines de sa comptétence. On recherche où
est sa compétence, on cherche où est sa création, quels
sont ses besoins et quelle est la nécessité d'une direction
générale de la police, du moins dans le texte qu'on peut voir.
Cette direction, tout de même, ce qu on a pu constater, c est que vous
avez pris de la Commission de police surtout les... C était au niveau du
domaine de la prévention, que la Commission de police avait auparavant
et qui. aujourd hui. a été transféré à la
direction générale de la police. Le grand thème, le grand
changement de la Commission de police versus la direction
générale a été au niveau de la
prévention.
Cependant, si on regarde bien I'article, je crois qu elle est sous I
autorité du procureur général. On voit aussi qu elle doit
collaborer dans les domaines de sa competence avec les organismes oeuvrant en
matière policière et les commissaires aux enquêtes
visées dans I'article 20. Si on regarde l'article 20...
M. Lalonde: ... pour le crime organisé. C est I'article 20
de la Loi des commissions d'enquête.
M. Marcil: C est pour le crime organisé. Cependant, qu
est-ce qu'on fait aussi à l'article 20. quand on dit: Contre le crime
organisé, le terrorisme ou la subversion? C'est bien cela...
M. Lalonde: Oui. vous avez raison. C est le crime
organisé, le territoire et la subversion.
M. Marcil: En fait, si on peut regarder, dans un premier temps,
on situe dans l'organigramme une direction générale qui est sous
l'autorité du procureur général, qui collabore dans les
domaines de sa compétence. Dans les domaines de sa compétence, on
se réfère à l'article 20. A I article 20, en plus du crime
organisé, on parle de terrorisme et de subversion. Je pense à
l'exposé qui a été fait par le président de la
fraternité ce matin: sans élaborer tout de même, nous nous
accordons avec I'exposé qu il a fait sur les termes employés,
terrorisme et subversion et sur la situation actuelle du terrorisme et de la
subversion. Je ne sais pas les
réponses que vous me donnerez sur la direction
générale, une direction administrative, l'inclure dans une loi.
alors qu'on ne connaît pas le champ de sa compétence.
L'arrêté en conseil, je ne l'ai jamais lu; alors, je ne
sais pas ce qui est indiqué dans l'arrêté en conseil comme
tel.
M. Lalonde: M. Marcil, je ne veux pas vous interrompre.
Préférez-vous que je vous réponde immédiatement?
Parce que j'ai laissé...
M. Marcil: Oui. oui.
M. Lalonde: Alors, pour prendre ce point-là en
particulier, la direction générale de la sécurité
publique, il faut d'abord dire: Cela a été peut-être un
hiatus tantôt de votre part. Ce n'est pas la direction
générale de la police, c'est de la sécurité
publique.
M. Marcil: Je m'excuse, cela a été un hiatus.
M. Lalonde: Ses devoirs sont bien définis par la loi. le
nouvel article 27a. Elle est chargée d'élaborer des politiques et
des programmes de sécurité publique et d'en promouvoir
l'implantation: de favoriser et de promouvoir la coordination des
activités policières et parapolicières; d'informer,
naturellement, le procureur général sur la situation et
l'évolution de la criminalité et de favoriser et de promouvoir la
prévention de la criminalité et ensuite d'avoir la
collaboration.
Vous avez raison, cela donne suite au livre blanc qui avait
été élaboré au sein du ministère, mais cela
n'a pas pour effet, je pense, de créer une ingérence politique
dans la fonction policière parce qu il est bien normal que ceux qui sont
responsables du gouvernement, de gouverner, soient ceux qui élaborent
les politiques et les programmes concernant la population. Dans ce cas-ci, ce
sont des politiques et des programmes de sécurité publique.
Lorsque nous n'avions que la commission de police... La distinction est
essentielle entre la commission de police, qui est un organisme
indépendant, autonome, qui doit le demeurer, et la direction
générale de la sécurité publique, qui fait partie
du ministère de la Justice, donc, fait partie du gouvernement
directement.
On ne peut pas compter et on ne doit pas compter sur un organisme
indépendant pour élaborer des politiques qui pourraient
entraîner des dépenses. C'est, je pense, un principe fondamental
du gouvernement que la responsabilité de dépenser entraîne
aussi la responsabilité d'élaborer les politiques pour
dépenser.
Alors, c'est tout à fait normal que ce soit au ministère
de la Justice; cela aurait bien pu être une direction qui existe
actuellement ou qui existait avant la création de celle-ci qui aurait
été chargée, même sans avoir besoin de le mettre
dans la loi, d'élaborer des politiques dans le secteur de la
sécurité publique.
On j'exclus la personne qui parle a choisi il y a deux
ans, je crois, de créer cette direction générale de la
sécurité publique pour bien établir I'assiette
administrative où ces travaux se feraient. Pourquoi, maintenant,
arrive-t-on avec un article de loi? Je pense que j'ai eu l'occasion de
l'expliquer, soit hier ou aujourd'hui. C'est pour bien déterminer la
fonction respective de la commission de police, d'une part, et de la direction
générale de la sécurité publique, d'autre part. Cet
article de loi n'a pas pour effet de créer la direction, elle existe
déjà. Ce n'est qu'un service administratif qui fait partie du
ministère de la Justice. Mais, il est bon pour la population en
général, il est bon aussi pour les clientèles
spécifiques, en particulier les corps de police et tout le milieu
policier, que ce soit bien détermine, quelle est la fonction de chacun,
pour éviter qu'il y ait confusion. Naturellement, de la confusion
naît le désordre. C'est le but d'inclure cet article dans ce
projet de loi. Je ne vois pas qu'on puisse présumer quelque effet
malfaisant de I'inclusion. Si vous avez des préoccupations
particulières là-dessus, j'aimerais que vous me les
expliquiez.
M. Marcil: Au fait, les préoccupations, c'est qu'on ne
voit pas pourquoi vous ne le donneriez pas à la direction si elle doit
avoir certain pouvoir dans sa compétence. Elle ne devrait pas être
institutionnalisée de la même façon qup la commission de
police l'a été dans la loi.
M. Lalonde: C'est strictement une question de mécanisme
législatif. On n'a pas besoin de créer par loi les services
administratifs qui font partie des ministères. Le ministère de la
Justice, oui, mais les organismes spécifiques, comme la commission de
police, d'accord, on n'a pas besoin de le faire. On en parle à cette
loi-ci, parce qu'il s'agit, je pense, d'une question importante pour tout le
milieu policier en particulier, de savoir quelle est le mandat
spécifique de la commission de police et vis-à-vis de la
direction générale de la sécurité publique.
Si je peux revenir quelques instants aux questions que vous avez
soulevées, me le permettez-vous ou préférez-vous
continuer?
M. Marcil: Oui, parfait.
M. Lalonde: Vous vous opposez au fait que le
lieutenant-gouverneur en conseil puisse réglementer... J'ai aussi
expliqué aujourd hui dans quel but nous avons partagé les
initiatives de la réglementation entre la commission de police et le
lieutenant-gouverneur en conseil. Le fait pour le lieutenant-gouverneur en
conseil d'avoir l'autorité dans la réglementation étant la
règle générale et l'exception étant la situation
actuelle, j'ai dit que j'étais prêt à examiner les
préoccupations qui pourraient se faire jour à cause du fait que
le lieutenant-gouverneur en conseil aurait peut-être désormais le
droit de légiférer sur des questions bien particulières,
comme la fonction.
Ce n'est surtout pas un but d'ingérence politique dans la
question. Alors, s'il faut apporter des précautions dans la
rédaction, je pense qu'on est prêt à l'examiner.
D'ailleurs, dans l'étude article
par article, on pourra apporter les précautions
nécessaires.
Vous avez parlé de l'article 18. L'article 18 donne une liste des
différentes sanctions qui pourraient être recommandées.
Comme vous le savez, les décisions à la commission ne sont pas
exécutoires. Ce sont des recommandations qui sont faites aux
autorités municipales en question. Toutefois, il est arrivé, dans
le passé, que des recommandations, la loi ne prévoyant pas un
éventail suffisamment divers de sanctions, devaient être faites en
termes généraux. Les conseils municipaux les
interprétaient parfois de façon exorbitante. Je pense que cela va
permettre à la Commission de police de préciser
spécifiquement quel genre de sanctions elle prévoit dans sa
recommandation. Cela est, je pense, au point de vue de l'efficacité de
son travail vis-à-vis des conseils municipaux, une amélioration.
C'est strictement pour cela.
M. Marcil: Remarquez bien, si vous me permettez, dans la
dernière partie, j'ai tout de même connu la naissance de la
commission, j'ai été partie à ses premières
décisions. Je pourrai vous dire, entre autres, celle qui nous a
touchés, à la Fraternité des policiers de Montréal,
qui s'appelait comme telle dans le temps. Suite aux événements du
7 octobre, la commission, clairement et précisément avait
recommandé un renvoi, la dégradation, une suspension de 15 jours.
C'est aux environs de 1970 que la décision a sorti, à l'automne
1970.
Dans un autre cas, celui de Trois-Rivières, les types ont
été renvoyés. On a fait un grief, on a gagné. On a
fait toutes les cours. Ils n'ont jamais voulu les réintégrer. Je
peux vous dire que c'est une histoire qui prendrait peut-être plus de
temps mais tout de même la commission, dans le temps, avait
été assez catégorique.
La seule chose, sur cet article, lorsque la commission rend une
décision, que la ville prend charge de cette décision, pour
l'amener en arbitrage ou pour le renvoyer, je peux vous dire qu'on a une
côte à remonter. Je ne vois pas, si ce sont des recommandations,
pourquoi expliquer de façon aussi déterminée des
recommandations ou des sanctions que la Commission de police peut imposer.
C'est simplement l'observation qu'on voulait faire.
M. Lalonde: C'est-à-dire, il faut éviter
l'arbitraire.
M. Trudel: Si vous me permettez, M. le Président, je pense
qu'en fait, à l'égard de cet article 18 du projet, on comprend
mal étant donné que la Commission de police est un
organisme qui fait des recommandations dans cette partie de sa
compétence, pour ce qui touche les enquêtes sur les corps
policiers ou les membres des services policiers, comme c'est uniquement une
compétence de recommandations pourquoi on est obligé de
définir à ce point le type de recommandation qui peut être
fait. Ce que l'on craint, on le vit à certaines occasions, c'est qu'au
moment où l'employeur, c'est-à-dire les municipalités, ou
encore l'arbitre, saisi d'un grief à la suite d'une recommandation de la
Commission de police qui aurait été entérinée par
l'employeur, se trouve embarrassé, alors il se pose des problèmes
de juridiction, l'on se dise: Jusqu'à quel point, étant
donné que maintenant c'est prévu dans l'article 18 que la
commission peut faire des recommandations aussi précises, l'arbitre
peut-il intervenir? C'est ce qu'on craint.
M. Burns: Ce que vous craignez, Me Trudel, dans le fond, c'est
que l'arbitre se sente lié par la recommandation de la Commission de
police?
M. Trudel: Oui. Je comprends que le temps passe, on pourrait
peut-être donner certains exemples. M. Marcil parlait du cas de
Trois-Rivières. On l'a vécu le cas de Trois-Rivières.
C'est dans les premières recommandations qui ont été
faites par la Commission de police. On a eu énormément de
difficulté à convaincre l'arbitre qu'il pouvait aller
au-delà de l'enquête faite par la Commission de police et
au-delà de la recommandation de la Commission de police. Parce que,
quant à la ville de Trois-Rivières, l'employeur avait, à
ce moment, pris la position suivante devant l'arbitre: La Commission de police
a fait une enquête, la Commission de police a fait des recommandations en
conséquence, ces recommandations ont été
entérinées par le conseil municipal, vous, comme arbitre, n'avez
pas à reprendre une enquête qui a déjà
été faite. Et on a eu un certain nombre d'heures de débat
pour parvenir à convaincre l'arbitre, à ce moment, à dire:
Vous avez une juridiction pleine et entière. Nous craignons beaucoup que
l'on répète ce genre de confusion, étant donné que
dans le projet de loi ici on fixe de façon précise ce que la
Commission de police peut dire.
M. Burns: Est-ce que cela vous rassurerait d'ajouter je
pense tout haut, tout simplement, à ce moment-ci à cet
article le maintien, par exemple, du droit de l'arbitre, nonobstant les
dispositions de l'article 18, de modifier quelque décision qui aurait pu
être prise à la suite de la recommandation? Si on ajoutait quelque
chose pour le clarifier, pour ne pas que vous ayez à faire face à
des problèmes juridiques et à de longs débats devant les
conseils d'arbitrage.
M. Trudel: Oui.
M. Burns: Cela aiderait.
M. Lalonde: Alors nous prenons note de vos remarques à ce
sujet. Nous avons passé la question de la DGSP où nous
étions sur cela, M. Marcil, si vous voulez continuer.
M. Marcil: A l'article 36, en fait ce qui a été
souligné aussi par des groupes qui nous ont
précédés, notre appréhension est que la
création ou ce qui existe présentement, le bureau de la recherche
sur le crime organisé où on retrouve à la
page 18: A la demande du lieutenant-gouverneur en conseil il dirige et
coordonne des enquêtes policières menées dans le cadre dune
enquête visée dans l'article 20. En fait, là-dessus, dirige
et coordonne les enquêtes . quant à nous, nous nous posons
certaines questions et nous avons certaines appréhensions quant au
rôle que ce bureau de la recherche sur le crime organisé peut
exercer.
Je vous ferai grâce de toute l'argumentation qui a
été donnée sur le sujet.
M. Lalonde: Je vous ferai grâce de ma réponse. Je
pense qu'on est pas mal sensibilisé sur les appréhensions qui
sont ressenties dans divers milieux.
M. Marcil: A première vue. quand on a regardé ce
projet de loi. ce qui nous a sauté aux yeux, je pense que c'était
évident, c est l'abolition des corps de police, en fait, la
possibilité d'abolir les corps de police dans une municipalité de
5000 habitants et moins.
A l'article 25 de la page 13. on dit: Une municipalité de 5000
habitants ou plus est tenue d'établir par règlement et de
maintenir sur son territoire un corps de police: le lieutenant-gouverneur en
conseil peut toutefois, pour la période qu il détermine,
dispenser une telle municipalité de cette obligation s'il est d'avis que
les circonstances le justifient. "
Je pense que des chiffres ont été avancés et cela
peut représenter environ une soixantaine de municipalités. Le
chiffre que vous avez donné, qui vous a été soumis est pas
mal exact, c'est environ 400 policiers. Je reprends la dernière partie
du mémoire de I'APPQ. le dernier paragraphe où ils ont une
certaine appréhension quant à leur avenir. Je peux vous dire
aussi que c est probablement le problème no 1 des policiers du
Québec. Qu est-ce qui arrive? C est un manque de sécurité.
Cela part de la communauté urbaine, cela va à la
Sûreté du Québec tel qu énoncé, cela va chez
les policiers municipaux. Ces policiers, qui ont peut-être oeuvré
pendant quinze ou vingt ans dans des situations assez pénibles, qui ont
donné de bons services à une communauté, aujourd'hui, sont
sous le coup de I'abolition d un service de police et risquent de perdre leur
emploi. Tout de même, je pense que ces gens jouent un rôle
fondamental.
La solution au problème serait peut-être de regarder la
police dans son ensemble, ce qu'on n'a pas fait depuis plusieurs années.
Depuis 1968-1969. il y a eu la création de la Commission de police,
l'Institut de police à Nicolet, la communauté urbaine,
l'intégration. Nous avons dit à plusieurs reprises que nous
aurions dû faire le point. Nous aurions peut-être dû
intéresser une partie, un segment de la population. L Ontario l'a fait:
elle a créé un task force' sur les besoins futurs de la police,
ses coûts, s'est demandé: Est-ce que la population reçoit
la même qualité de services, etc?Je pense que. dans
cet article de la loi. il y a un manque de planification qui devra se corriger,
à mon point de vue, dans un avenir très rapproché. Le
problème d'insécurité, je le dis,. existe à la
communauté urbaine depuis l'abolition de I escouade ou. en fait, de
postes. Cela existe aussi en vertu de la loi et dans d'autres domaines.
D'ailleurs, I'APPQ vous l'a fait sentir ou l'a fait voir dans son
mémoire.
Nous comprenons qu une ville qui serait créée dans
l'avenir ne serait pas tenue de le faire. La première chose qu'une ville
se donne, quand elle est fondée, c'est un service de police et
d'incendie. Ce sont les deux premiers services qu'on peut donner à une
communauté. Je ne vois pas les raisons pour lesquelles on pourrait dire
qu une ville de 5000 habitants et moins ne serait pas tenue de maintenir un
service de police. Nous faisons la recommandation que les corps de police
existants devraient être maintenus.
M. Lalonde: D'abord, je peux vous dire que l'intention du
gouvernement n'est pas, par ce changement de critère, critère de
la population au lieu du critère de I'organisation municipale, de
permettre ou d encourager I'abolition de corps de police dans des
municipalités qui en auraient déjà, mais qui. ayant une
population de moins de 5000 habitants, pourraient strictement et en principe
les abolir.
Au contraire, j'ai l'intention, au moment de I examen article par
article de cette loi. d examiner avec la commission parlementaire les
aménagements qui pourraient être apportés pour au moins
assujettir l'abolition qui pourrait, en principe, être possible à
une approbation quelconque, peut-être celle du lieutenant-gouverneur en
conseil, comme, par exemple, la dispense est actuellement assujettie à
l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil.
M. Burns: Vous n iriez pas aussi loin que de garantir le maintien
des corps de police existants qui sont visés par les
municipalités de moins de 5000 habitants.
M. Lalonde: Parce que cela crée un problème
pratique, tout simplement. En inscrivant dans la loi une obligation de les
maintenir, cela pourrait créer une situation, par exemple, où une
municipalité qui est en voie de disparition, littéralement,
serait obligée, tout simplement parce qu'elle avait moins de 5000
habitants le x octobre ou novembre 1976 et que la loi a été
changée à ce moment-là, de le maintenir
indéfiniment.
M. Burns: Qu est-ce que vous feriez alors de la protection des
droits des policiers qui sont déjà en poste dans ce
métier-là?
M. Lalonde: Oui. c est cela. Moi. je ne vois pas comment une
municipalité de cité ou de ville, qui a un corps de police jusqu
à maintenant, à moins que sa population ne diminue et que la
ville ne soit en état de disparition, pourrait, sans démontrer un
tel fait, se départir de son corps de police actuel. C'est pour cela que
je proposerais je ne peux pas donner la forme actuellement, mais
peut-être simplement le principe d'assujettir l'abolition d'un
corps de police d une municipalité qui en
avait un actuellement, mais qui aurait moins de 5000 habitants à
l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, comme la dispense
actuellement l'est.
M. Burns: Mais cela ne protège pas les droits des
policiers qui pourraient être visés par une telle disposition, par
exemple.
M. Lalonde: Cela les protège dans les faits. D'un autre
côté, comment peut-on obliger une municipalité qui a un
corps de police, mettons de trois policiers à maintenir son corps de
police, si elle est en voie de disparition?
M. Perreault: Oui, mais, M. le ministre, il ne faudrait pas
penser juste aux policiers; il faudrait penser à la population. Moi,
j'ai dans mon cas la ville de l'Epiphanie chez nous qui a 3500 habitants et qui
a un corps de police. Si le conseil municipal disait demain matin, en vertu de
la loi, on le fait disparaître, la population serait privée d'un
service qu'elle a depuis des années et vous laissez cela à la
merci d'un conseil municipal.
M. Lalonde: Non, non, c'est cela, j'ai l'intention...
M. Perreault: Cela ne marche pas.
M. Lalonde: Est-ce que le député m'a bien
compris?
M. Perreault: Oui. j'ai très bien compris, mais disons
que. .
M. Lalonde: Justement l'amendement que je voulais apporter
éventuellement lors de l'étude de la loi article par article
serait pour assujettir l'abolition au consentement préalable du
lieutenant-gouverneur en conseil, comme, actuellement, des municipalités
de cité ou de ville qui, d'après la loi actuelle, sont
obligées d'avoir un corps de police peuvent avoir la dispense avec le
même genre de mécanisme.
M. Nadon: M. le Président, si vous le permettez, je me
demande si la sotution concernant les corps de police où la population
est de 5000 habitants et moins ne serait pas justement de régionaliser
une partie de ces secteurs pour rendre à la population une protection
à laquelle elle a droit. J'imagine que, si éventuellement on
vient à tendre vers la disparition de ces corps de police là,
c'est bien sûr que le fardeau de la protection reviendrait à la
Sûreté du Québec.
Alors, moi, je pense qu'à l'heure actuelle, dans des grosses
municipalités où il y a un corps de police établi, on
paye, en somme, deux formes de taxation en ce qui concerne la police, une au
niveau municipal et l'autre au niveau provincial. Alors, je me demande s'il n'y
a pas une discrimination qui existe présentement là où il
y a un corps de police, où on doit payer sous forme de taxation
municipale pour une police et également pour la Sûreté du
Québec.
On a créé à un moment donné la
Communauté urbaine de Montréal. J'imagine que. dans le temps, c
était possiblement pour alléger le fardeau financier de la police
de Montréal qui devrait être réparti au niveau de toutes
les municipalités sur I'île de Montréal. Alors, je me
demande si on ne pourrait pas adopter la même philosophie en ce qui
concerne le reste des municipalités à travers la province. Alors,
on pourrait, évidemment, améliorer la protection, mais
évidemment la population devra peut-être supporter un fardeau
financier qui serait supérieur à celui qu'elle supporte
déjà par ses impôts concernant la Sûreté du
Québec, ou la police de la Sûreté du Québec.
Je pense, moi. qu'à ce moment-là on en arriverait à
un certain équilibre. Je pense que la Fédération l'a
manifesté dans le passé: en ce qui concerne la
régionalisation, lorsque même cela avait été
annoncé, en 1974, sur la rive sud. on s est réjoui de cette
décision. Par la suite, je ne sais pas ce qui s'est passé, mais
on a tout simplement abandonné la question de la régionalisation
sur la rive sud. Alors, moi. je pense, au nom de la fédération,
que la population serait certainement mieux desservie en ayant des corps de
police mieux structurés.
Cette structure pourrait être possible à l'intérieur
d'un corps de police qui deviendrait régionalisé au niveau des
différentes parties de la province. Alors, c est la question que je vous
pose. A ce moment-là, ne serait-il pas plus utile de pallier,
plutôt que d'affaiblir un secteur au niveau de la population concernant
la protection à laquelle elle a droit? Ne devrons-nous pas plutôt
tenter de l'améliorer? Cette forme serait peut-être la
régionalisation.
M. Marcil: Si vous permettez. M. le Président,
peut-être juste pour renchérir, présentement il y a des
comtés; dans le comté de Laprairie, il y a un corps de police
intermunicipal dans lequel vous avez trois villes, dont deux ont moins de 5000
habitants et une est aux environs de 5000 habitants, soit Delson. Ce corps de
police a environ 12 policiers. Déjà on a permis, par le biais du
comté, de créer un service de police dont les frais sont
en-courrus par trois municipalités. Mais peut-être la question,
pour faire suite à ce que M. Nadon dit: Quel est le besoin réel
de mettre cet article dans la loi? Est-ce un cas d'espèce? Est-ce une
ville? Est-ce deux villes? Mais pourquoi, pour une ville, peut-on mettre dans
une loi généralisée de cette façon les besoins de
la communauté? Je pense à ce qui a été dit par le
député de L'Assomption tout de même. Je pense bien qu'on a
la responsabilité aussi de protéger la population d'abus d
abolitions de corps de police. Je ne vois pas pourquoi le procureur
général serait encore une fois habilité à donner sa
permission.
Déjà on a beaucoup de misère. Il y a du chantage
qui se fait au niveau des négociations. Par exemple, la ville de
Bedford; chaque fois qu'on va négocier avec la ville de Bedford, ils
nous mettent sous le nez qu'ils vont abolir le corps de police. Là, nous
sommes toujours pris dans des sentiments: on dit: On va accepter cela pour ne
pas
qu'ils abolissent le corps de police. Nous sommes toujours pris dans une
question de chantage. Alors, je ne vois pas le besoin de cet article dans la
loi; d'ailleurs, il vous a été soumis par le ministre des
Affaires municipales, remarquez bien.
M. Lalonde: Cela a été discuté
sûrement avec les Affaires municipales, mais comme j'ai dit tantôt,
et je ne l'ai peut-être pas dit assez clairement, je n'ai pas l'intention
de laisser tomber des corps de police. Au contraire, je pense que les
aménagements qu'on peut apporter par voie d'amendements à
l'étape de l'étude article par article pourraient être
l'affirmation du principe du maintien des corps de police dans ces
municipalités, sauf en cas d'exception, avec le consentement du
lieutenant-gouverneur en conseil. Ce serait donc l'affirmation du principe du
maintien.
M. Marcil: Mais c'est parce qu'on a toujours cette
épée de Damoclès, c'est l'insécurité; elle
existe à la Communauté urbaine, aussi paradoxal que cela peut
paraître. Mais elle existe, avec cette article, lorsqu'une ville va dire
qu'elle abolira son corps de police. Avant que le corps de police puisse
être au courant, cela va prendre peut-être cinq ou six mois.
Pendant cinq ou six mois, tout le monde va être sur les nerfs; le corps
de police va-t-il être aboli, oui ou non? Je prends un article de la Loi
de police qui permet la fusion des villes. Là j'ai un problème de
fusion de Brossard et de Saint-Lambert. Cela fait à peu près 30
appels téléphoniques que nous recevons: Brossard va-t-il
être fusionné avec Saint-Lambert? Il faut que la Commission de
police donne son autorisation.
Il n'y a pas un gars qui sait de quelle façon la fusion va se
faire. Je vous ai écrit, vous m'avez répondu qu'en fait vous
n'étiez pas au courant; mais depuis il y a des développements et
la Commission de police en a été saisie. Mais encore une fois, au
niveau de cette fusion, vous avez un corps de police jeune et un corps de
police plus âgé à Saint-Lambert; déjà il y a
des conflits d'adaptation, il y a une insécurité. Allons-nous
être fusionnés avec Brossard? J'ai dit: Je ne le sais pas, c'est
la Commission de police. Encore une fois on revient à cela: Ton corps de
police va-t-il être aboli? Je ne le sais pas, la ville l'a envoyé
au lieutenant-gouverneur en conseil ou au procureur général, cela
peut se faire ou non.
Mais pourquoi toujours ce climat d'insécurité, pourquoi ne
ferait-on pas réellement un corps de police qui va être
créé pour les besoins d'une population qui va avoir une
planification au lieu de marcher toujours avec des articles, marcher au
pifomètre, pour faire de l'expression, et dire: Cela devrait marcher
dans le contexte actuel? Pourquoi ne ferions-nous pas une planification
à long terme des services de police au lieu de créer des articles
semblables?
M. Lalonde: Pour répondre à la première
question de M. Nadon, la question de la régionalisation, j'ai
exprimé mon prédécesseur aussi l'intention
d'adopter une politique de régionalisation des corps policiers, sauf
qu'il nous apparaît désirable qu'une telle politique soit en
même temps appuyée par une politique financière.
C'est actuellement la période de restrictions budgétaires
qu'on connaît qui ne m'a pas permis de faire du progrès tel que
désiré. Il n'y a pas de doute, M. Nadon, que nous encourageons la
régionalisation, dépendant naturellement de tous les
critères démographiques et géographiques, des corps
policiers qui seuls sont un peu démunis ou insuffisants.
M. Marcil, pour revenir à votre question, le principe, c'est le
maintien; l'exception serait tout simplement avec le consentement. Je pense que
cela constituerait un tampon suffisant pour empêcher que des corps de
police ne disparaissent tout simplement parce qu'ils ont moins de 5000
habitants, alors qu'il y en avait un. Je ne pense pas, non plus, que cela
pourrait encourager, au contraire, le chantage dont vous nous faites part en ce
qui concerne une ville en particulier, parce que cela ne dépendrait pas
d'elle, ni des autorités municipales à savoir si elle pourrait
abolir le corps policier.
NI. Burns: Si vous me le permettez, M. le ministre, M. Marcil a
soulevé un point qui m'intéresse, mais sur lequel vous avez
passé rapidement, c'est l'aspect consultation avec le ministère
des Affaires municipales. Dans cette affaire, quel est le type de consultations
que vous avez eues en dehors, évidemment, du fait que le ministre des
Affaires municipales fait partie du cabinet? Nécessairement, en
principe, il est d'accord avec ce projet de loi. Mais quel est le type de
consultations que vous avez eues avec le ministère des Affaires
municipales relativement à ce critère de 5000 habitants que vous
mettez dans la loi?
M. Lalonde: Au niveau des fonctionnaires et, ensuite, j'ai eu des
discussions avec le ministre des Affaires municipales, de sorte que le
ministère des Affaires municipales est en accord avec cette nouvelle
approche.
M. Burns: Cela date d'il y a longtemps? M. Lalonde: C'est
tout à fait récent. M. Burns: Après la
fermeture...
M. Lalonde: En ce qui me concerne, c'est récent. C'est
possible que les fonctionnaires en parlent depuis un bon moment. Il y a un tas
de choses dans la loi 41 qui avaient été discutées depuis
pas mal longtemps, soit avec les fonctionnaires, soit aussi avec les divers
organismes qu'on a entendus depuis hier. Je ne pourrais pas vous dire à
partir de quelle date les fonctionnaires ont commencé à en
parler, mais moi, j'en ai discuté avec le ministre des Affaires
municipales quelque temps avant le dépôt de la loi, lorsqu'on a
traversé l'étape du conseil des ministres et du comité de
législation.
M. Perreault: C'est un bon point.
M. Lalonde: On m'informe aussi que le comité de
réforme des lois municipales songe justement à recommander
l'abolition de cette distinction entre cité et ville. Cette distinction
était le critère qu on avait dans le projet de loi 41. On se
trouve à le prévoir, à le précéder. Est-ce
que l'honorable député de L'Assomption veut ajouter quelque
chose?
M. Perreault: II y a un bon point là-dedans, parce qu il y
a des municipalités de 5000 habitants qui n'ont pas de corps de police.
Là. vous allez leur faire I obligation d'en avoir un, ce qui est
très bon.
M. Lalonde: II y en a quelques-unes qui n en ont pas
M. Perreault: Qui n en ont pas.
M. Lalonde: II n'y en a pas tellement.
M. Perreault: II y en a de 5000 habitants qui n'en ont pas.
M. Lalonde: II y a cinq municipalités au sens du Code
municipal, dont deux sont immenses, celle du Témiscamingue, la partie
nord-ouest, et la Côte-Nord du golfe Saint-Laurent, et il y a Ascot,
Notre-Dame-des-Prairies, près de Joliette, et
Saint-Louis-de-Terrebonne.
M. Perreault: Je parlais justement du cas de
Notre-Dame-des-Prairies. C'est un cas typique, c est une banlieue de Joliette
où il n y a pas de système policier.
M. Marcil: A l'article 46, disons que le président de
l'association des policiers d autoroutes est ici, M. Ouellet. Je crois qu'il
concourt avec la grande majorité des articles qui déterminent le
statut des policiers des autoroutes. Je crois qui I y a environ 20 à 25
articles dont plusieurs sont de concordance. Simplement, nous aimerions,
après consultation, que les règles prévues pour I
alinéa précédent, ce qui est au Code du travail,
déterminent le droit d'affiliation entre policiers municipaux, qu'en
fait les mêmes droits leurs soient conférés, parce qu'en
fait l'Office des autoroutes, c'est très limité comme nombre.
On demanderait à ce moment qu'ils aient les mêmes
privilèges que les policiers municipaux, soit de faire partie de la
Fédération des policiers du Québec.
M. Lalonde: M. Marcil, vous vouliez attirer notre attention sur
peut-être la défectuosité de la rédaction qui
semblait ne permettre au nouveau corps de police des autoroutes de ne s
affilier qu avec un autre corps de policiers d autoroutes, ce qui serait un
non-sens, étant donné qu il n'y en a pas. Ce n est pas du tout
l'intention; des amendements, encore là, seront apportés pour
clarifier la situation et laisser la liberté d'affiliation aux membres
de ce corps de police.
M. Marcil: Aux articles 58 et 59. c est en fait les pouvoirs
d'une municipalité d'engager des constables spéciaux pour
l'émission des billets de stationnement Cela a été
souligné par les chefs de police, ils ont souligné leur
objection, on se demande pourquoi. On aurait peut-être pu comprendre cela
de l'Union des municipalités, mais nous aimerions tout de même que
ces gens, si jamais ils sont engagés, aient une protection syndicale,
qu'ils aient un droit de parole ou un droit d'association. Dans les
circonstances on n est pas ici pour vendre à quelque association ou
à quelque syndicat ou centrale, mais nous aimerions peut-être,
nous, la fédération des policiers, avoir le droit de
négocier les salaires, des conditions de travail de ces gens qui seront
engagés. Nous sommes conscients que cela pourrait apporter certainement
des conditions de travail ou des salaires qui pourraient être
différents, vu la nature de leur emploi et de leur travail. Je dois vous
souligner qu à Toronto. l'Association des policiers négocie pour
les cols blancs qui sont affectés à leur service aussi bien que
les mécaniciens, aussi bien les gens qui sont préposés
à l'émission des billets de stationnement. Ce sont des
unités distinctes du certificat d accréditation des policiers de
Toronto. Nous ne voyons pas pourquoi ces gens qui seraient engagés
pourraient être au gré des vents ou au gré d'un conseil
municipal qui statuerait sur des salaires minimums ou des conditions de travail
qui seraient réellement déplorables. Nous vous demandons tout de
même qu ils aient le privilège ou le droit d'association. Nous
vous recommandons de permettre au syndicat d avoir une unité
différente; il pourrait négocier pour ces gens.
M. Lalonde: M. Marcil, je ne vois pas de dispositions dans le
projet de loi qui empêchent ces employés de s associer. La loi ne
prétend pas du tout réglementer toute la question d'association
de ces employés. Si ce sont des employés municipaux ils peuvent
s'associer avec d'autres services et faire partie des syndicats qui sont en
place. Est-ce que vous suggérez qu ils puissent s associer avec la
Fédération des policiers...
M. Marcil: Disons que la ville de Québec on engagerait
quinze; pourquoi, un niveau du certificat d accréditation, ne
pourrait-on pas avoir une unité de négociation distincte pour ces
gens? C est un travail qui pourrait être similaire ou quelque chose de
semblable. On pourrait avoir une unité distincte, on pourrait avoir le
droit de négocier les conditions de travail, les salaires de ces
gens.
M. Lalonde: Oui, mais la loi. telle quelle est là. laisse
la liberté totale.
M. Marcil: C est parce qu'elle ne le permet pas aux policiers
municipaux; au niveau de notre certificat d accréditation, ils seront
engagés comme agents spéciaux. Ils n auront pas le statut qui est
déterminé par la Loi de police ou le Code du travail au niveau du
droit d'affiliation, au niveau du droit d accréditation. Si on va devant
les
commissaires-enquêteurs, automatiquement, on regardera les lois et
les objections, mais on dira qu'on n'a pas le droit d accréditer ces
gens, parce qu'ils ne sont pas des policiers...
M. Lalonde: Parce que ce ne sont pas des policiers, le principe
étant que seulement les policiers...
M. Marcil: C est cela. C est pour cela qu'on vous demande de le
mettre dans la loi.
M. Burns: Les policiers ne forment qu'exclusivement en somme des
unités de négociation précises. C est cela que vous
soulevez comme problème.
M. Marcil: C est cela.
M. Lalonde: ...s'affilier qu à d'autres.
M. Trudel: C est-à-dire, M. le Président, si vous
me permettez. M. le ministre, évidemment, il y a la règle de
l'article 4 du Code du travail qui dit qu'une association de policiers
municipaux ne peut regrouper que des policiers municipaux et que ces
associations ne peuvent se regrouper en fédération que pour
autant que ce sont des associations de policiers municipaux.
Il y a aussi la Loi de police qui définit, qui parle des membres
de la Sûreté du Québec, des policiers municipaux et,
maintenant, avec le projet qu on étudie, des policiers des autoroutes et
des constables spéciaux. Ici, on ne parle pas de constables
spéciaux, on parle d'agent spécial. On se demandait où
pouvait se situer ce nouveau type de fonction policière ou
parapolicière. Les faits qu'on soulevait, c'est à la suite de
l'intervention de l'association des chefs, hier, qui a justement
souligné cela. Quel sera le statut et où vont se situer les
personnes qui seront engagées comme agents spéciaux par une
municipalité, par une cité, par une ville? Seront-elles reconnues
comme cols bleus, seront-elles reconnues comme cols blancs ou si elles doivent
se rattacher à l'accréditation, à la juridiction syndicale
des policiers?
M. Lalonde: Ce ne sont sûrement pas des policiers. C'est
justement pour cela qu'on permet la création, par les
municipalités, de ce genre de service. Il nous paraît que coller
des billets de stationnement n'est pas une fonction strictement
policière. La fonction policière a été promue ces
dernières années, la formation du policier a augmenté et
les coûts du service policier ont augmenté. Il nous paraît,
à la demande de plusieurs municipalités, désirable de
donner le feu vert à ces municipalités de faire ce genre de
service sans que ce soit limité à des policiers. Ce que vous nous
demandez ne semble pas suivre, ou enfin, ne pas tenir compte de ce principe
voulant que ce soient maintenant des non-policiers qui fassent ce genre de
travail.
M. Marcil: Même à cela, pourquoi ne serait-ce pas
une unité distincte dans laquelle on prendra en considération ce
que vous dites? Je vous l'ai dit tantôt, Toronto négocie pour les
mécaniciens, négocie pour les cols blancs. C'est le syndicat de
policiers qui négocie. Vous avez quatre unités de
négociation à l'intérieur.
En fait, la crainte que j'exprime, c'est la création, encore une
fois, d'autres organismes de billets de stationnement. Déjà, la
Sûreté du Québec vous a fait connaître son point de
vue dans son mémoire. Quant à nous, nous avons essayé. Il
y a beaucoup de gens d'agences privées qui sont venus me voir, ils sont
exploités de façon honteuse. Encore une fois, il n'y a aucune
réglementation. Le grand public, à l'occasion, les mélange
à des policiers. Ils sont appelés pour des conflits ouvriers, ils
ont leur force de frappe, etc., ou leurs unités mobiles. Vous avez,
encore une fois, la création... On l'a compris, c'est ici que j'ai
perdu en fait, je peux dire que j'ai perdu la bataille des billets
de stationnement, un certain soir, il y a deux ans, quand le ministre Choquette
n'était pas de bonne humeur. Il m'a dit, le matin: "Vous avez
gagné" et, le soir: "Vous perdez". J'ai perdu simplement parce que le
matin j'avais gagné. Je n'aurais pas dû perdre le matin et gagner
le soir. Il s'agissait de billets de stationnement de la ville de
Québec. C'est un débat qui a duré deux heures. Le principe
a été établi, le principe a été
créé.
Je dis, aujourd'hui, qu'on élargit le principe pas simplement
à la ville de Québec, mais à toutes les
municipalités. Là, on va encore avoir des gars comme on en a
engagé à Montréal, défavorisés, des gens
infirmes qui vont se tenir sur les coins de rue à des salaires stupides,
dans le danger, en plus, sur des coins très achalandés; des
personnes âgées avec aucune condition de travail ou de salaire. On
s'en vient avec tout ce que je vous ai dit, encore avec les pauvres de la
société qu'on va engager pour distribuer les billets de
stationnement. Ils n ont pas de mécanisme pour s'intégrer
à un syndicat.
Nous aurions aimé avoir une unité distincte.
M. Lalonde: II y a deux choses, là-dedans. Qu'ils aient
les mécanismes pour s'intégrer à un syndicat, d'accord;
mais, ce que vous demandez, c'est davantage, c est que ce soit avec le syndicat
des policiers.
M. Marcil: Oui.
M. Lalonde: Cela va un peu plus loin.
M. Marcil: Oui.
M. Burns: Si je comprends bien les remarques de M. Marcil et de
Me Trudel, ils veulent tenter de nous souligner, avant que le problème
ne se pose, le type de problèmes auxquels, ils auront à faire
face tout à l'heure. C'est-à-dire que vous allez avoir le
problème, d'abord, de la détermination d'une telle unité
de négociation qui, fort probablement, si on laissait le cas comme il
est là, sera déterminée comme une unité distincte;
mais, après cela, il va y avoir un problème en vertu du Code du
travail, de l'affiliation ou non. Peut-être
que de ces gens-là vont être intéressés
à être représentés par des syndicats de policiers,
à cause de la proximité du travail des deux.
C'est quand même, actuellement, un travail qui est effectué
par des policiers à travers le Québec en général
et, le jour où vous créez ce type de fonction spéciale,
à ce moment-là vous avez tout le problème de l'affiliation
syndicale et l'aspect que soulevait Me Trudel tout à l'heure,
c'est-à-dire le fait que les policiers essentiellement font ensemble
partie d'une seule et même unité de négociation.
Moi, je ne le sais pas, mais je trouve cela sage que vous nous souleviez
le problème dès ce moment-ci et qu'on tente de le prévoir
pour que vous ne vous lanciez pas dans des contestations judiciaires inutiles
et longues pour rien. Entre autres, moi, je verrais très bien qu'on
laisse la liberté à ces gens, quitte à ce qu'on dise qu'il
peut se former une unité de négociation distincte. Qu'ils aient
au moins la possibilité de s'affilier et de demander à des
associations de policiers de les représenter, à cause de la
proximité du travail. C'est beaucoup plus au travail parapolicier que du
travail para col bleu, si on veut être précis.
M. Lalonde: Cela demanderait un amendement à l'article
4.
M. Burns: Ou, en tout cas, qu'on fasse une
référence. Enfin, il n'y a rien qui nous empêche, à
l'intérieur de cette loi-ci, de faire des amendements au Code du travail
pour préciser des choses.
M. Lalonde: Non.
M. Trudel: Vous en faites un actuellement.
M. Lalonde: Alors, vous en faites plus qu'un, parce que dans les
articles qui traitent de l'Office des autoroutes, il y en a plusieurs.
M. Burns: A l'article 50 on en a fait.
M. Lalonde: Alors, je prends note de vos représentations,
M. Marcil. Merci beaucoup.
M. Marcil: En fait, j'aurais peut-être un autre point
à vous soulever sur le projet comme tel, cela termine nos
représentations. En fait, les craintes qu'on vous a soumises, c'est sur
le rôle du procureur général, sur le rôle du
lieutenant-gouverneur en conseil qu'on voit apparaître à peu
près au niveau de tous les organismes. Le voeu qu'on vous exprime, c'est
peut-être de planifier les services de police à long terme, quels
sont leurs besoins. En réalité, moi, je pense que, dans le
Québec, vous avez des gars qui à la base sont drôlement
motivés. Mais, comme la pluie vient d'en haut, la motivation aussi doit
venir d'en haut et, malheureusement, ce n'est pas le contexte. Je ne peux pas
jeter le blâme exclusivement sur les chefs de police. Il y a des aspects
politiques dans l'affaire aussi bien au niveau des décisions que vous
pouvez prendre ou au niveau des décisions que certaines
municipalités peuvent prendre. Mais, tout de même, le voeu que
j'exprime depuis plusieurs années: il est temps qu'on fasse le point sur
les services de police, qu'on regarde de fond une réorganisation
sérieuse pour tous les policiers du Québec. Si on doit s'en aller
vers une police unique, au moins qu'on dise ouvertement qu'on s'en va vers une
police unique. On pourra vous dire, comme je vous le disais
antérieurement, qu'on est conscient des dangers d'une telle police
unique, mais, par le biais du projet qui est proposé et
déjà par le rôle que le gouvernement peut jouer à
l'intérieur de la Sûreté du Québec ou de la
Communauté urbaine de Montréal, on s'aperçoit
déjà que vous contrôlez environ 75% à 80% des
effectifs policiers, disons, dans le Québec.
Par le biais, je ne vous fais pas de procès d'intention, mais
déjà votre contribution à la communauté urbaine se
situe à $30 millions et déjà vous avez un mot à
dire au niveau du service de police de la communauté urbaine, par des
gens qui sont nommés par le gouvernement. Je ne fais pas de
procès d'intention, mais je vous dis que, dans les faits, c'est ce qui
existe.
M. Lalonde: Oui, M. Marcil, je vous ai bien écouté.
D'ailleurs, vous aviez déjà touché ce point-là au
début, mais je ne pense pas que je puisse ne pas vous répondre au
moins de façon préliminaire. Ce n'est sûrement pas
l'intention du gouvernement de créer une police unique, loin de
là. En fait, la création du corps de police des autoroutes en est
peut-être justement une indication. C'est un nouveau corps de police,
c'est loin d'être une intégration ou une régionalisation
ou, enfin, une généralisation d'une seule police. Toutefois, de
plus en plus, oui, on peut retourner dans l'historique que vous avez
effleuré. Vous partiez, disons, de la Commission de police il y a
presque dix ans. De plus en plus, les gouvernements précédents et
le gouvernement s'impliquent dans la définition du service de
sécurité publique et du service que le citoyen a droit d'attendre
dans ce secteur. Je pense que cela a été pour le bien de la
population en général et aussi, si vous regardez ce qui s'est
passé depuis 1968, du policier en particulier qui se retrouve, je pense,
beaucoup mieux actuellement, beaucoup plus détaché de
l'intervention politique directe qu'on retrouvait quotidiennement,
autrefois.
Je pense donc que le projet de loi 41 apporte des correctifs. C'est un
projet de loi qui n'est pas tellement commode à étudier parce
qu'il touche à un tas de choses, mais qui ont été
ramassées à l'expérience souvent à la demande
d'organismes comme le vôtre et qui ont été, à un
moment donné, un peu comme un bill omnibus, ramenées ensemble
pour corriger certaines choses. Ce n'est donc pas du tout, je pense, à
l'occasion de ce projet de loi qu'on peut prétendre que le gouvernement
fait une intervention à la planche dans le domaine policier pour prendre
le contrôle de la police, loin de là.
On définit de façon plus précise le rôle de
la Commission de police; on définit de façon plus précise
aussi celui de la direction générale de la
sécurité publique: on apporte quelques aménagements
tout à fait spécifiques concernant certaines fonctions
policières, certains aspects policiers, mais, dans l'ensemble, la
situation reste telle quelle.
Le souhait que vous faites, par exemple, est peut-être très
pertinent: il faudrait peut-être s'asseoir tranquillement et songer
à ce qu'est la fonction policière, à ce qu'est l'avenir du
policier au Québec, de la police en général, et où
nous nous en allons. Là-dessus, je suis totalement d'accord avec
lidée. Quelle forme cela devrait-il prendre? Naturellement, il y a
peut-être lieu justement de confier à quelqu'un ou à un
groupe de travail cette charge, cette fonction de préparer un travail
là-dessus et qu'ensemble toutes les parties concernées s'assoient
et définissent, comprennent ce qui nous arrive et ce qui va arriver
à la population en matière de sécurité publique
dans l'avenir.
M. Marcil: En terminant, disons que dans leur exposé, les
chefs de police ont glissé un moment donné sur les
ralentissements qui pouvaient exister présentement. Dans certains corps
de police où cela a été effleuré, je pense que
personne de la commission a relevé les propos des chefs de police.
J'aimerais tout simplement tout de même profiter de cette commission
parlementaire pour vous dire qu'il y a un problème sérieux qui
existe dans les corps municipaux de la province. Présentement, il y a
environ 14 villes où les négociations ont été
modifiées par la régie des mesures antiinflation. Environ la
moitié de ces décisions étaient des sentences artibrales
basées sur les principes du Code du travail et où l'arbitre a
jugé selon l'équité et la preuve.
Cela nous a pris à peu près 20 ans pour avoir des
décisions arbitrales qui avaient du bon sens parce qu'auparavant on
avait des types qui venaient de la Cour provinciale ou d autres milieux, qui
n'avaient pas la formation qu aujourd'hui certains arbitres ont; je vous le
dis, la situation est sérieuse. On m'a déjà
reproché de ne pas avoir avisé certaines personnes de
problèmes qui pouvaient exister il y a environ cinq ou six ans à
Montréal. Je peux vous dire que. présentement, la situation pour
nous est sérieuse. Dans la ville de Sen-neterre, les gars gagnent
à peu près $7000 à $8000 de moins que ceux qui sont mieux
nantis; ce sont trois policiers qui vont à l'arbitrage, ils y rapportent
dans les $180 par semaine et l'arbitre leur donne 40%. Ils
s'hypothèquent avec la caisse populaire pour un emprunt de $3500; les
trois gars ont peut-être quelques années.
Cela sort de façon stéréotypée. Toutes les
décisions partent de 41% à 12%. Shawinigan, Grand'Mère,
Trois-Rivières ont été les régions pauvres des
policiers pendant des années. Au moment où une décision
leur est favorable quelque temps après le 14 octobre, ils partent de
$303, perdent $50 par semaine et sont obligés de rembourser $1500.
Là j'arrête, mais j'ai Baie-Comeau, Senneterre, Shawinigan.
M. Lalonde: Beauport.
M. Marcil: J ai aussi Charlesbourg, Beauport et d ici I automne,
j'ai certainement encore 30 villes où nous prévoyons en fait
aller à l'arbitrage. Si vous nous avez enlevé le droit de
grève ou si le législateur a cru que nous n'avions pas le droit
de grève et que vous avez donné un mécanisme de
conciliation et d'arbitrage et qu'aujourd'hui, en fait, le rôle de
l'arbitre, on s en fout éperdument. cela veut-il dire qu'on a le droit
de grève?
Si en fait, dans les mécanismes qui ont prévu larbitrage.
la sentence qui était ce qu'on dit en anglais binding' , ce qui liait,
est partie, si, au-jourd'hui on ne l'a plus, revient-on au mécanisme
antérieur?
En fait, c est peut-être pour démontrer, pour prouver qu'il
y a eu une injustice. Je tiens à vous souligner que nous autres, nous
attendons de prendre nos responsabilités. Je ne sais pas les
décisions que nous allons prendre. Mais, vous admettrez avec moi que
pendant des années les villes ont dit. pour ne pas qu'il y ait
parité avec les grands frères ou les mieux nantis, qu'ils n
avaient pas la formation. Aujourd'hui, en vertu de la Loi de police, tout le
monde a les mêmes critères d'embauche, tout le monde a la
même formation, tout le monde a le même recyclage. On aura le
même uniforme, la même couleur d'auto. Vous avez des
disparités, si je prends Tracy et Trois-Rivières,
d'au-delà $115 par semaine avec une ville qui est à 30 milles
près de Montréal, où ils gagnent $225 par semaine. Je ne
le sais pas. Je ne peux pas arriver et dire à des gars:
Honnêtement, les gars, vous allez être les "tétés "
de la société encore pendant trois ans. Malheureusement, comme je
vous ai dit, on a négocié, on a apporté devant tout le
monde notre preuve, qui nous a semblé très bonne. On nous a
donné raison dans la grande majorité des cas. C est ce qu on a
exposé en capsule devant les arbitres. Au moment où on obtient
des sentences, on s aperçoit aujourd hui qu'on revient et que les gars
sont obligés de rembourser de l'argent. Ils sont encore
hypothéqués. Dans le cas de Trois-Rivières, c'est un
arbitrage qui a coûté au moins $15 000 aux gars. Je vous souligne
simplement cet état de fait. Je ne sais pas ce qu'on peut faire
là-dedans. Je peux vous dire que nous autres, nous allons prendre nos
responsabilités.
M. Lalonde: M. Marcil, j'ai pris connaissance des
décisions de la Régie des mesures antiinflationnistes concernant
certains corps policiers. Vous savez que ces lois s'appliquent à divers
groupements, enfin presque à tout le monde. Je dis presque tout le monde
pour ne pas dire tout le monde, y compris les députés, qui se
voient enlever un pourcentage d augmentation prévu soit par la loi, dans
le cas des députés, soit par la négociation,
négociation qui comprend, dans tout le processus, même le droit de
grève.
Je sais que c'est une consolation très pauvre que de dire: II y
en a d'autres qui sont dans la même situation que nous autres. Il est
possible que l'introduction de cette mesure qui est radicale,
anti-inflationniste doive éventuellement être accompagnée
de concepts différents de négocia-
tion puisque cela vient changer les règles du jeu de façon
pas mal frustrante. A ce stade-ci, la seule chose que je peux constater c'est
que la loi des mesures anti-inflationniste s'applique autant aux policiers
qu'aux autres citoyens.
M. Marcil: Vous admettrez, comme travailleur, que c'est une
injustice, une loi qui est aussi rétrograde que cette loi. Il n'y a pas
de mots pour décrire, à mon point de vue, les principes de cette
loi qui fausse ce qu'on a essayé, au cours de 100 à 125 ans,
d'obtenir, soit un statut dans une société. On le fait d'une
façon arbitraire et avec des mécanismes de contrôle aussi
rétrogrades. Je pense que le prédécesseur de M. Bourassa a
dit en 1963 ou 1964: Quand les lois sont injustes, il n'y a rien qu'on puisse y
faire. On ne peut pas empêcher un certain désordre. En fait, c'est
peut-être aussi dans ce contexte qu'on vous fait nos
représentations. Pour nous, la loi est là. Il reste que nous
prendrons sans doute les moyens que nous croyons légitimes pour obtenir
la satisfaction de certaines revendications.
M. Lalonde: Je suis content de vous l'entendre dire. Je ne
m'attendais pas à autre chose que ce soit des moyens légitimes.
Il n'y a aucun doute que les citoyens qui sont assujettis à cette loi,
lorsqu'elle est appliquée, ne peuvent pas, naturellement,
l'apprécier. Je ne veux pas faire, naturellement, l'apologie de cette
loi. Je ne pense pas que ce soit ici la tribune.
M. Burns: Vous auriez de la difficulté à faire
l'apologie de cette loi.
M. Lalonde: II reste que l'inflation attaque toujours les plus
faibles et qu'il est bon que des mesures soient prises à un moment
donné et que ce soient les plus faibles qui en profitent. Je m'en tiens
à ces mots en référence avec ce projet de loi
anti-inflationniste; mais il reste que chacun des citoyens est, à un
moment donné, victime de cette loi, victime dans son sentiment
personnel, parce qu'il n'a pas obtenu ce qu'il pensait obtenir, non seulement
ce qu'il pensait avoir droit d'obtenir, mais ce qu'un autre mécanisme
lui avait reconnu, que ce soit une convention collective, que ce soit un
arbitrage. L'analogie...
M. Marcil: Si vous lisiez simplement les lettres qui sont
envoyées aux municipalités la façon
stéréotypée, la façon réellement
dégradante... une lettre envoyée le 21, prenez-la, ils ont
seulement changé les chiffres, cela passe dans la machine, signe-moi
cela, puis on fout tout par-dessus bord, un mécanisme dans lequel on a
essayé d'améliorer notre standing. Il n'y a aucun sérieux
pour moi là-dedans. Je ne sais pas, au niveau de l'appel,
premièrement, c'est une recommandation; deuxièmement, c'est
lorsqu'il y a une ordonnance qu'il a droit à l'appel puis, pour avoir le
droit d'appel, il faut que les gars remboursent. Pour avoir justice, aller en
appel, puis pas le mouvement syndical, pas le côté syndical, le
côté patronal qui a le droit d'aller en appel, seulement lorsque
les deniers auront été remboursés. Vous savez la
caricature qui illustrait à Trois-Rivières la Régie
antiinflation, on poigne le policier, on le secoue, puis la ville est là
pour ramasser les deniers. Quand on regarde tout le mécanisme qui est
prévu là-dedans, on ne peut pas être étouffé
de rire, puis on ne peut pas s'en aller devant nos membres et dire: Les gars,
vous allez baisser la tête, encore une fois, pendant trois ans et au
moment où on a obtenu de quoi, vous allez continuer d'être les
tétés" d'une société. Alors, comme je vous ai dit
auparavant, tout le monde a à peu près le même travail
à faire aujourd'hui, tout le monde a à peu près les
mêmes compétences. Comment voulez-vous que j'aille expliquer cela
à des membres et qu'on va prendre cela avec un sourire et avec un
suçon. Bien non.
M. Lalonde: Alors, M. Marcil, je comprends votre sentiment. Je
prends acte aussi des remarques que vous faites sur la procédure
apparemment qui, d'après vous, est inacceptable, enfin la façon
d'envoyer ces ordonnances. Il y a peut-être moyen d'améliorer la
procédure. Maintenant, la réalité de la vie, dans la lutte
contre l'inflation, c'est cela.
M. Marcil: C'est justement I'apologie de la loi. les principes.
L'inflation, c'est quoi? Elle touche qui? Les plus tétés sont
encore... c'est impossible, pour marcher avec 18% à $17 000. puis 8%.
$12 000 et puis cela continue pendant trois ans... C est aussi simple que cela.
Vous ne pouvez jamais essayer de faire le rattrapage que tout le monde pensait,
qu'on s'attendait de faire, les plus grosses forces de police qui, au cours des
années, j'ai tout de même été le président
pendant six ans puis on s'est comparé avec Toronto à cause de
tout un contexte d'une ville qui pouvait se comparer avec Toronto... Mais d un
autre côté aussi, on a essayé de rattraper les autres,
parce qu on a dit: Tout le monde fait le même boulot.
Je voulais simplement vous souligner à la fin, cet état de
choses, et remercier la commission parlementaire de nous avoir entendus sur le
projet.
M. Lalonde: Je vous remercie, M. Marcil, M. Trudel, M. Nadon de
vos représentations et de votre patience surtout à vous faire
entendre devant la commission. Quant à vos dernières remarques,
j'enregistre le message que vous avez fait de façon publique par le
truchement de cette commission.
M. Burns: Je vous remercie, M. Marcil. Me Trudel, M. Nadon, de
votre collaboration et surtout des lumières que vous nous apportez
à l'examen de ce projet de loi.
Le Président (M. Cornellier): Merci. Messieurs. La
commission ajourne sine die.
(Fin de la séance à 19 h 4)