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Etude de certaines questions relatives
à la sécurité au travail des
policiers
de la Sûreté du Québec
(Seize heures trente minutes)
Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, messieurs! La
commission de la justice est réunie aujourd'hui, si je m'en
réfère à l'avis qui a été donné
à l'Assemblée nationale, afin d'étudier certaines
questions relatives à la sécurité au travail des policiers
de la Sûreté du Québec, notamment l'opportunité
d'avoir, pour chaque véhicule automobile de patrouille, deux policiers
pour chaque période de relève.
Les membres de la commission de la justice sont M. Alfred (Papineau), M.
Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), remplacé par M.
Pagé (Portneuf); M. Burns (Maisonneuve), M. Charbonneau
(Verchères), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Clair (Drummond), M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska), M. Johnson (Anjou), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lacoste
(Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)...
M. Ciaccia: Je voudrais signaler, M. le Président, que M.
Lalonde est en délégation avec les députés
ministériels. Ils sont partis cet après-midi, alors, il
s'excuse.
Le Président (M. Bertrand): II ne sera pas
remplacé?
M. Ciaccia: II sera remplacé par M. Verreault
(Shefford).
Le Président (M. Bertrand): M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Verreault (Shefford); M.
Marois (Laporte), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire), M.
Springate (Westmount), M. Tardif (Crémazie) et M. Vaillancourt
(Jonquière).
Je voudrais que la commission se nomme un rapporteur. Est-ce qu'il y a
une proposition?
Une Voix: Je propose le député de Papineau.
Le Président (M. Bertrand): Le député de
Papineau accepte-t-il d'être le rapporteur de la commission de la
justice?
M. Bédard: ... M. Charbonneau. Pourquoi refuser?
M. Pagé: C'est un honneur. Vous acceptez? Bon. Bonne
initiative.
Le Président (M. Bertrand): Le député de
Papineau accepte d'être rapporteur de la commission parlementaire de la
justice.
A ce stade-ci, je suis prêt à céder la parole
immédiatement au ministre de la Justice pour un bref exposé.
Exposé préliminaire du ministre de la
Justice
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, la commission
parlementaire permanente de la justice, comme vous le savez, est
convoquée aujourd'hui dans le but d'examiner l'opportunité
d'avoir, pour chaque véhicule de patrouille de la Sûreté du
Québec, deux policiers en devoir à chaque période de
relève. Ce mandat de la commission a été
précisé à la demande de l'Association des policiers
municipaux du Québec.
Toutefois, je crois qu'on comprendra que des problèmes connexes
reliés à l'ensemble du problème de la
sécurité au travail des policiers pourront quand même
être soulevés par des participants, ne serait-ce que dans le but
de projeter un éclairage plus complet sur l'ensemble de la question.
Cette étude devrait, à mon avis, M. le Président,
être basée sur des faits et des données statistiques et non
sur l'émotivité. Les recommandations que pourra formuler cette
commission devront s'appliquer sur la réalité quantifiée
et vérifiée scientifiquement et en tenant compte du coût et
de son effet d'entraînement sur les corps de police municipaux, de
l'efficacité et de la qualité des services de patrouille offerts
et en tenant compte aussi du cadre général des opérations
d'un corps de police.
M. le Président, je tiens à dire que cette commission n'a
pas pour but de raviver le conflit qui a surgi autour de cette question, mais
d'évaluer une situation de fait dans un contexte justement plus positif
et dans un cadre qui se prête à la discussion et aux
échanges.
Cette commission, je crois bien, n'a pas non plus pour mission de se
substituer aux mécanismes de négociation collective qui
étaient déjà en branle entre la Sûreté du
Québec et l'Association des policiers provinciaux.
Je dois rappeler que si j'ai accepté de sortir ce problème
précis du cadre général des négociations, c'est que
j'étais conscient de l'urgence d'apporter une solution la plus juste et
la plus équitable possible à cette question, même si le
contexte ne s'y prêtait guère. Au cours des jours
précédant l'assemblée générale des
policiers, j'avais été saisi de la demande de l'Association des
policiers provinciaux du Québec. Elle avait été
évaluée, discutée et j'avais effectué des
démarches visant à obtenir les autorisations financières
nécessaires afin de pouvoir avancer l'offre finale qui, essentiellement,
se résume ainsi et je le dis pour l'ensemble, au bénéfice
des membres de la commission. L'offre finale, donc, qui se résume ainsi:
Présence obligatoire de deux patrouilleurs par véhicule pour les
relèves du soir et de la nuit; durant la relève de jour, soit
généralement entre 6 h du matin et 16 h de l'après-midi,
les policiers devront aussi être deux par véhicule pour
répondre à
certaines situations spécifiques comportant un danger ou un
risque bien déterminé.
Enfin, quant aux policiers qui ne sont pas affectés à la
patrouille, mais qui doivent participer à certaines opérations
comportant un risque sérieux, le président de l'Association des
policiers provinciaux du Québec, qui est devant nous, se rappellera que
nous avions également exprimé, de par nos offres, l'opinion
qu'ils devraient être également deux par véhicule lorsque
je l'ai dit tout à l'heure il s'agissait
d'opérations constituant des risques facilement identifiables.
M. le Président, le coût de cette proposition
gouvernementale a été évalué aux environs de $5
millions. On aura l'occasion d'y revenir au cours des travaux de cette
commission.
Cette position a été avancée après une
séance de négociations avec les représentants syndicaux le
mardi soir 5 avril, et au début de la nuit du 6 avril, alors que les
policiers n'étaient pas encore en grève.
Je leur fis part, entre autres, d'une façon tout à fait
spéciale, par l'entremise de leur président, M. Raymond Richard,
qui est ici, de notre offre plus que raisonnable et avantageuse, par rapport
à la situation que vivent les policiers de l'Ontario, des autres
provinces et des Etats-Unis, où le patrouilleur est
généralement seul.
Malheureusement, je crois qu'un climat d'émotion a
peut-être contribué un peu à faire en sorte que la
proposition qui avait été recommandée à ce
moment-là, je crois, fut rejetée par une très faible marge
et, le matin du 6 avril, les policiers provinciaux, comme on s'en rappelle,
entreprenaient malheureusement une grève illégale.
Dès ce moment, j'ai clairement indiqué qu'il
n'était pas question de négocier avec des policiers en
grève illégale, évitant toute déclaration
provocatrice. J'ai maintenu la même attitude tout au long du conflit,
tout en les informant que j'étais prêt à étudier le
problème général de la sécurité du travail
des policiers, dès qu'il y aurait retour à la
légalité.
C'est dans ce contexte, M. le Président, que j'ai proposé
la convocation de la commission parlementaire de la justice, qui est le
mécanisme qui a été retenu, de plein accord entre les
parties.
Je souhaite que les délibérations qui s'amorcent
maintenant se déroulent dans un climat positif et objectif et, en cela,
je n'hésite pas à faire confiance à toutes les parties qui
ont exprimé le désir d'être entendues et qui seront
effectivement entendues, mais je crois qu'il est nécessaire d'avoir ce
climat nous l'aurons, ce climat positif et objectif qui est
susceptible d'apporter une réponse ou des recommandations
adéquates aux attentes de chacun.
Pour ma part, M. le Président, si tel est votre désir,
nous sommes prêts, je crois, à procéder et à
entendre les représentants de l'Association des policiers provinciaux du
Québec.
Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie, M. le
ministre de la Justice. Je pense qu'il conviendrait peut-être de laisser,
de la même fa- çon, aux représentants de l'Opposition
officielle le soin de faire quelques brefs commentaires au début de la
commission.
Remarques de l'Opposition M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président! Au tout début
des travaux de cette commission, l'Opposition officielle et, j'imagine bien,
tous les intéressés ainsi que le public québécois
veulent savoir exactement comment se pose le problème que nous avons
à étudier.
L'avis inscrit aujourd'hui au feuilleton de l'Assemblée nationale
mentionne qu'il s'agit d'étudier je souligne le mot
"étudier" certaines questions relatives à la
sécurité de travail des policiers de la Sûreté du
Québec, notamment l'opportunité d'avoir, pour chaque
véhicule-automobile de patrouille, deux policiers pour chaque
période de relève.
Il y a cependant une question préliminaire qui doit être
posée. Il y a eu un arrêt de travail des policiers à
Drummondville, pendant quelques jours, et le ministre s'est
référé à ce sujet à certains
événements qui sont arrivés, qui sont survenus dans ces
circonstances. Il y a eu des propositions venant du ministère de la
Justice. Il y a eu enfin des négociations qui ont amené les
policiers à reprendre le travail. Tout cela fait qu'aujourd'hui, cette
commission parlementaire se réunit.
La question préliminaire que nous voulons poser est celle de
connaître exactement l'interprétation, non seulement du
ministère de la Justice, mais aussi, de l'Association des policiers,
l'interprétation de l'entente qui a amené la reprise du travail
policier et la convocation de cette commission parlementaire.
Je voudrais, M. le Président, si vous me le permettez, tenter de
faire établir à ce moment quelle est véritablement la
nature du travail que nous entreprenons au niveau de cette commission
parlementaire.
A l'Assemblée nationale le mardi 12 avril, le ministre de la
Justice a affirmé qu'il avait et je cite "proposé
la commission parlementaire afin d'étudier l'ensemble de la
sécurité au travail des policiers." Alors, cela semble être
le mandat de la commission. Le ministre ajoutait et je cite"qu'il
n'a pas été question de troquer la commission parlementaire
contre le retour au travail". Alors, il affirmait qu'il avait dit, tout au long
du conflit aux parties concernées, que les offres gouvernementales
je cite"étaient des offres finales et définitives,
que c'étaient aussi des offres plus que raisonnables". Le ministre
ajoutait, cependantje cite encore "qu'il restait ouvert et
prêt à étudier en profondeur toutes les implications de la
sécurité du travail des policiers." "La commission parlementaire
continuait le ministre ne change absolument rien aux offres qui
ont été faites et qui ont été respectées par
le ministre de la Justice au nom du gouvernement. La
commission parlementaire est disait le ministre le cadre
dans lequel pourrait se faire l'étude en profondeur du problème
soulevé."
A la question que lui posait mon collègue, le
député de Marguerite-Bourgeoys et ancien Solliciteur
général, M. Fernand Lalonde, pour savoir s'il était exact
que la commission parlementaire aurait le droit de décider, en
définitive, sur la question de la sécurité du travail, le
ministre a répondu je cite encore "que le
député devrait savoir quels sont les droits et jusqu'où
vont les droits des commissions parlementaires et qu'il n'est pas question de
changer la juridiction que peut avoir une commission parlementaire".
Je voudrais, dès maintenant, demander au porte-parole de
l'Association des policiers en quels termes exactement le ministre de la
Justice ou l'un de ses représentants du ministère ont
défini devant eux le mandat et le rôle de la commission
parlementaire. Est-ce que, selon votre interprétation de ce que le
ministre vous a dit, vous estimez que cette commission est simplement un cadre
de discussion ou si vous préférez le lieu d'un examen en
profondeur du problème que vous vivez, ou bien, si dans ce que l'on vous
a dit, vous avez l'impression que cette commission doit nécessairement
conclure ses travaux en faisant des recommandations précises. Ou encore,
est-ce que, et toujours d'après ce que l'on vous a dit, vous êtes
d'opinion que cette commission peut, en quelque sorte, agir comme arbitre dans
le conflit que vous avez présentement avec le ministère de la
Justice. Autrement dit...
Je crois que c'est important, M. le Président, d'établir
dès maintenant si vous êtes d'avis que cette commission
parlementaire est simplement un cadre de discussions, ou bien un organisme
duquel vous attendez des recommandations précises, ou encore un
organisme que vous voulez voir agir en quelque sorte comme arbitre. En second
lieu, M. le Président, dans la mesure où vous avez
vous-même fait appel aux élus du peuple, au cours de la fin de
semaine de Pâques je m'adresse à l'Association des
policiers je voudrais vous demander dans quelle mesure votre
interprétation du rôle et des pouvoirs de cette commission a
influé sur votre décision de reprendre le travail.
Nous aimerions, M. le Président, avoir des réponses
à ces questions et avoir l'avis du président ou des
représentants de l'Association des policiers pour établir
clairement le mandat de cette commission, afin que nous puissions savoir dans
quel cadre nous allons continuer nos discussions.
M. Léger: Sur un point de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Bertrand): Le député de
Lafontaine.
M. Léger: Selon les procédures normales des
commissions parlementaires, les articles 133 et suivants, lorsque les
commissions parlementaires invitent des groupes à venir présenter
des mémoi- res, habituellement, le ministre concerné fait un
exposé général, le représentant de l'Opposition
fait son exposé par la suite et, avant d'entamer la période de
questions, il est normal que nous entendions le groupe qui est ici nous
expliquer l'essence de son mémoire. Par la suite, chaque parti, selon
l'ordre habituel, pourrait poser les questions voulues, permettant
d'éclairer la commission parlementaire sur les orientations qu'elle
pourrait prendre par la suite.
M. le Président, je pense que ce n'est pas le moment, lors de
l'exposé préliminaire, de poser des questions à un groupe
qui n'a pas encore eu l'occasion d'exposer son mémoire.
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Bertrand): Le député de
Portneuf.
M. Pagé: Question de règlement, M. le
Président. Sur la question de règlement, je conviens avec le
député de Lafontaine qu'il sera opportun de poser des questions
relativement au mémoire, concernant les différents objets qui
seront soulevés par l'Association des policiers provinciaux.
Cependant, à la lueur des déclarations que le ministre a
faites, pendant les quelques jours qui ont entouré cette question, par
des déclarations à la télévision... Je me rappelle
aussi très bien une émission de télévision, ici
à Québec, sur une ligne ouverte, lorsque le ministre a eu une
question relative à l'éventuelle commission qui allait
siéger, il a clairement indiqué à ce moment-là que
la commission parlementaire aurait un pouvoir de recommandation.
D'autre part, dans les déclarations qui ont été
faites à la presse par les représentants des policiers
provinciaux, quant à moi tout au moins, j'ai perçu que
l'interprétation que l'association faisait de la commission
d'aujourd'hui, c'était en quelque sorte une commission d'arbitrage ou
encore une commission, un groupe de parlementaires qui allaient étudier
un sujet spécifique aussi important que celui-là et que par la
suite cette commission allait avoir un pouvoir de recommandation soit à
la Chambre ou encore au conseil des ministres, par la voix du ministre de la
Justice. Avant d'aborder toute cette question... D'ailleurs, le ministre en a
lui-même fait part dans sa déclaration lorsqu'il disait et je le
cite, M. le Président: C'est dans ce contexte que j'ai proposé
alors il a proposé lui-même, il en fait état
c'est dans ce contexte que j'ai proposé la convocation de la commission
parlementaire de la justice, qui est le mécanisme qui a
été retenu.
Ce qu'on voudrait savoir au départ, avant qu'on aborde cette
question c'est en vertu de quoi cela a été retenu, pour qu'on
sache exactement quel est le mandat de la commission. Quels sont nos attributs
ici? Je pense qu'à ce titre, on a le droit de poser des questions.
Le Président (M. Bertrand): Avez-vous terminé, M.
le député de Portneuf? Je permettrai une
seule intervention du député de Johnson là-dessus
et ensuite, je rendrai une décision.
M. Bellemare: Je crois, M. le Président, que devant les
faits, cela aurait dû être établi avant que le ministre
fasse sa déclaration et que l'Opposition officielle fasse ses
recommandations, cette procédure à suivre. Maintenant qu'on a un
peu fait son lit, je pense que l'Union Nationale devrait, par la voix de son
député de Nicolet, donner son opinion sur le problème et,
après, s'il y a une question de procédure, vous déciderez
en l'occurrence, de la manière la plus convenable, du rôle qu'on
devrait jouer. Mais on devrait entendre, comme on a commencé, le
gouvernement, maintenant que le parti de l'Opposition officielle a parlé
que l'Union Nationale se fasse entendre et après, on discutera de la
procédure qu'il faudra maintenir ou suivre. Je ne suis pas prêt
à partager toutes les idées qui ont été
émises. J'ai sur cela certaines réserves, je les ferai valoir en
temps et lieu.
Le Président (M. Bertrand): MM. les membres de la
commission parlementaire, cette discussion quant à la
nécessité et à la raison d'être de la commission
parlementaire sur la justice a déjà fait l'objet de questions
à l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale a
résolu de se réunir en commission parlementaire.
Maintenant, nous y sommes. Je pense que nous sommes là, comme
pour toutes les commissions parlementaires, dans un premier temps, pour
permettre au ministre d'émettre un certain nombre de commentaires dans
un bref exposé, de même qu'à l'Opposition officielle, c'est
ce que nous venons de vous permettre, de même qu'à l'Union
Nationale, de même qu'au Parti créditiste. Par la suite, parce que
c'est là aussi la fonction d'une commission parlementaire, nous
entendrons le mémoire de l'Association des policiers provinciaux du
Québec, et par la suite, lorsque nous entreprendrons la période
des questions, à ce moment-là, l'Opposition pourra demander un
certain nombre de précisions à l'Association des policiers
provinciaux ou au gouvernement, et au gouvernement de répondre à
ces questions.
Pour l'instant, je considère que nous devons poursuivre le
procédé habituel des commissions parlementaires, permettre au
représentant de l'Opposition officielle de terminer son bref
exposé, permettre à l'Union Nationale de faire le sien, au
représentant du Parti créditiste et à tout autre
député qui voudrait faire une brève intervention en
préambule et, par la suite, entendre l'Association des policiers
provinciaux.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais ajouter que nous
n'avons aucune objection, même nous souhaitons que l'Union nationale
puisse faire son exposé maintenant et, après que le
député de Rouyn-Noranda aura fait son exposé, à ce
moment-là, on pourrait demander aux représentants de
l'Association des policiers de répondre aux questions que l'Opposition a
soulevées. Alors, nous n'avons aucune objection à ce qu'à
ce moment-ci nous procédions par des interventions des partis.
M. Bédard: C'est parce qu'on ne veut pas que tout soit
mêlé.
Le Président (M. Bertrand): D'accord! Je crois qu'on
s'entend très bien, cela va merveilleusement. Est-ce que vous aviez
terminé, M. le député?
M. Ciaccia: J'avais terminé ma brève
intervention.
Le Président (M. Bertrand): M. le représentant de
l'Union Nationale, M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, nous sommes venus ici
aujourd'hui pour entendre...
Le Président (M. Bertrand): Un instant! Les services
techniques m'ont demandé tantôt que chaque député
parle bien dans son micro. Il y a des gens qui ont de la difficulté
à entendre dans la salle.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Nous sommes venus ici
aujourd'hui pour entendre et pour connaître le point de vue des policiers
de la Sûreté du Québec sur la question de la
sécurité; nous sommes venus ici également pour entendre
les autres groupes ou comités ou organismes qui voudront bien donner
leur opinion sur le sujet de la sécurité au travail des corps de
police du Québec et surtout de la Sûreté du
Québec.
Cependant, comme certains autres membres de la commission l'ont
mentionné, il serait peut-être bon de savoir exactement quel sera
le mandat de la commission. Ce sera peut-être ici une occasion
également, comme l'ont dit plusieurs éditorialistes de journaux
de la province, de jeter un regard critique sur le fonctionnement et le budget
de la Sûreté du Québec; ce serait également Une
occasion de passer en revue toute l'organisation de la Sûreté du
Québec, et, comme c'est le principal but également, d'entendre
les doléances de la Sûreté du Québec à cette
commission parlementaire sur la question de la sécurité.
L'Union Nationale, par son chef, M. Biron, M. Bellemare et
moi-même, a suivi de très près le conflit entre la
Sûreté du Québec et le ministère de la Justice. Je
suis moi-même allé à Drummondville, demeurant très
près, pour visiter les lieux, les abords du Centre culturel.
Malheureusement, je n'ai pas été reconnu parce que je ne suis
peut-être pas encore aussi populaire que le ministre de la Justice, mais
j'aurais quand même aimé pouvoir rentrer et dialoguer avec les
policiers qui étaient là, les écouter et entendre leurs
doléances. D'un autre côté, nous avons reçu hier des
documents du ministre de la Justice et j'en ai fait une lecture assez rapide,
parce que ce sont des documents
assez considérables et il y a des prises de position qui sont
nettement établies dans ce document et qui semblent favoriser la
thèse de la patrouille à un homme.
Pour expliciter cette position prise dans les documents, j'en ai
tiré quelques extraits et je voudrais entre autres faire une citation
qui dit que... "les avantages offerts par la patrouille motorisée
à un homme dépassent de beaucoup les arguments à
l'encontre de ce genre de patrouille".
On donne également les avantages de la patrouille
motorisée à un homme qui sont entre autres les suivants: "un plus
grand rayon d'action de la patrouille et une réaction plus rapide de la
demande de service de police et une surveillance plus efficace et c'est une
plus grande économie pour le budget du ministère de la Justice."
On dit également... "plus que toute autre méthode de patrouille,
l'utilisation de la voiture à un homme accroît le champ et
l'efficacité de la surveillance et cela, tout en accusant un meilleur
rendement par dollar perçu en taxe."
Egalement, à la page 7 du document, on cite des statistiques du
Uniform Crime Report, disant entre autres... "Il a été
établi que 52% des policiers tués en service travaillaient par
paire, tandis que 48% patrouillaient seuls. Dans 52% des cas impliquant un
patrouilleur seul, l'agent avait reçu l'aide de confrères quand
il a été tué, ce qui veut dire que ce n'est que dans 23%
des cas que l'agent se trouvait seul".
M. Bellemare: C'est la documentation du gouvernement,
ça?
M. Fontaine: C'est la documentation qui nous a été
fournie par le ministre.
M. Bédard: Toute la documentation?
M. Fontaine: Un instant, je vais continuer... "Enfin, tous les
arguments en faveur de la thèse de la patrouille à deux sont
réfutés un à un par le document en question".
M. Charbonneau: Vous parlez...
Le Président (M. Bertrand): Voulez-vous, s'il vous
plaît, d'un côté comme de l'autre, être
extrêmement respectueux du droit de parole qui est accordé
à un parti politique, c'est le temps d'un bref exposé. Par la
suite, tout autre député pourra aussi prendre la parole.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Et on va même
jusqu'à dire, dans ces documents... "les arguments des tenants de la
thèse de la patrouille à deux sont des arguments qui s'appuient
uniquement sur des concepts d'ordre émotif."
Je voudrais terminer ce bref exposé en demandant au ministre de
la Justice si ces documents qui nous ont été fournis
représentent la thèse, la politique, la position du ministre de
la Justice et du gouvernement sur cette question. Si c'est le cas, je me
demande ce qu'on fait ici aujourd'hui.
Le Président (M. Bertrand): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Camil Samson
M. Samson: M. le Président, on est réuni ici
aujourd'hui en fonction d'un ordre de la Chambre pour étudier toute la
question de la sécurité des policiers, et je dis qu'il est
très malheureux que, dernièrement, les policiers provinciaux
aient été obligés, en quelque sorte, d'alerter l'opinion
publique pour en arriver à se faire entendre. J'aurais
préféré qu'un règlement intervienne plutôt
que de voir un arrêt de travail que l'on a dit, je ne suis pas avocat ni
juge, illégal. Je ne suis pas tellement favorable à ce genre
d'arrêt de travail. Mais un fait demeure, c'est qu'avant que cela se
produise, il me semble qu'il aurait été valable qu'on utilise
peut-être des moyens qu'on utilise aujourd'hui et peut-être
d'autres moyens aussi.
Le conflit est né du fait que nos policiers provinciaux ont pris
conscience et avec raison d'un certain danger. Depuis ces derniers temps, il y
a eu trois policiers qui ont été victimes d'assassinat et
peut-être bien que même si ce n'est pas dans la tradition que les
policiers patrouillent 24 heures par jour à deux dans une même
voiture, nous nous devons de regarder ce problème non pas avec des
considérations d'argent, mais plutôt avec des
considérations purement humaines qui nous amènent à nous
rattacher directement à la sécurité du policier comme tel
et également à la sécurité de sa famille, de sa
femme, de ses enfants et de ses proches.
Il n'y a pas que le policier qui puisse être en danger dans de
telles circonstances. Beaucoup de gens peuvent être impliqués. Je
dis que ces personnes qui ont pour devoir de protéger le public
québécois sont en droit de s'attendre de ceux qui prennent les
décisions à un minimum de support.
Bien sûr, de loin, c'est plus facile de soutenir que c'est
suffisant, un seul policier par patrouille. Bien sûr, de loin, quand on
n'est pas impliqué directement, c'est assez facile probablement de
soutenir qu'il n'y a pas de danger.
M. le Président, il y a une tradition qui existe. C'est
généralement un policier par patrouille. Mais il y a aussi des
faits nouveaux, qui se rattachent, je pense ce n'est pas uniquement un
problème qui relève du ministère de la Justice du
Québec au fait qu'à toutes fins pratiques, il n'existe pas
de peine capitale pour quelqu'un qui assassine un policier, au Canada.
Or, ceci augmente énormément les risques,
énormément. Il fut un jour où les gens la
population en général étaient toujours prêts
à donner un coup de main aux policiers. Il fut un jour où
même des malfaiteurs qui commettaient un vol avec effraction ne
risquaient pas de tirer sur un policier, parce qu'ils avaient au-dessus de la
tête cette peine capitale qui existait dans ce temps-là et qui
n'existe plus aujourd'hui. Je ne veux pas que l'on interprète mes
paroles comme étant une argumentation favorable ou défavorable
à la peine capitale, ce n'est pas le cas.
Mais je pense que c'est un incident qui doit nous faire comprendre que
l'augmentation du risque est survenue surtout ces dernières
années. C'est donc pourquoi j'utiliserai des mots qui ont
été utilisés avant moi par le ministre actuel du Travail,
lorsqu'il a dit à un groupe qu'il avait des préjugés
favorables. Je dis immédiatement, je n'ai pas besoin d'attendre
tellement longtemps, que je me suis fait une opinion à partir du gros
bon sens et que j'ai des préjugés favorables à ce que nous
accordions à la Sûreté du Québec la
possibilité qu'il y ait, 24 heures par jour, deux policiers par
voiture-patrouille.
M. le Président, les policiers sont constamment, je pense, sur la
brèche. On ne peut pas prévoir et j'ai regardé les
déclarations du ministre où, à certaines heures, on
pourrait permettre deux officiers par voiture, à certaines autres
heures, un seul et, dans certains cas où il y a danger
appréhendé, on pourrait aller à deux policiers. Je pense
que lorsqu'il s'agit de la protection du public, ce n'est pas toujours, en
pratique, facile de déterminer à quel moment donné il y a
plus de danger qu'à un autre moment. Bien sûr, quand on sent qu'il
y a danger, on le sait. Mais n'est-ce pas que certaines des choses qui sont
arrivées dernièrement sont arrivées à certains
moments où on n'avait pas prévu le danger. C'est donc dire que le
danger, puisque ce sont les protecteurs du public, existe, lorsqu'il y a
malfaiteurs en cause, et les protecteurs du public sont directement
visés, c'est le cas de le dire. Ce sont eux qui, au moment le plus
inattendu, peuvent être les victimes, comme cela a été
malheureusement le cas.
M. le Président, je félicite les policiers provinciaux qui
ont accepté de retourner au travail, parce que je pense que leur devoir
était de retourner au travail. Notre devoir à nous maintenant, ce
n'est pas une question de vouloir donner satisfaction ou passer pour plus
généreux que d'autres; qu'on étudie cette question et
qu'on essaie de bien les comprendre et surtout de ne pas s'arrêter, en
matière de sécurité, à la question
budgétaire, qu'on s'arrête plutôt à la question
humanitaire. C'est plus important.
Les gens sont retournés au travail et ils ont fait confiance en
quelque sorte à la commission parlementaire pour retourner au travail.
Autant je puis les féliciter d'être retournés au travail,
je dois aussi, en toute justice et équité, souligner que le
ministre de la Justice n'avait pas, dans les circonstances, étant
donné l'illégalité de la grève, d'autre choix que
de leur demander de retourner au travail avant de convoquer une commission
parlementaire ou avant de poser les gestes qu'on pose maintenant ou qu'on
pourra poser plus tard. Je pense qu'il est important que cette nuance soit
apportée aussi.
Je n'ai pas eu la chance, bien honnêtement, de parcourir toute
cette brique qui nous a été fournie au moment où e devais
siéger à une autre commission parlementaire. J'en ai eu un
résumé. Bien sûr, le ministère fait connaître
ses positions, le ministère, dans ce qu'il a fourni aux
députés, y va dans tous les détails, les détails
techniques. Il y a des gens qui, au ministère, connaissent bien le
problème et la situation. Nous aurons un mémoire de l'Association
des policiers provinciaux qui est aussi assez volumineux. J'imagine qu'on ira
dans tous les détails également.
En terminant, je souhaite que nous tous, autour de cette table, qui
représentons différents comtés, les différents
partis, nous considérions cette question je le dis encore une
fois non pas en termes d'argent, mais en termes de
sécurité, en termes pratiques et surtout en termes
réellement humanitaires.
M. Bédard: M. le Président...
Le Président (M. Bertrand): M. le ministre de la Justice,
avant que vous ne demandiez d'avoir la parole pour ajouter quelques brefs
commentaires, je voudrais permettre à d'autres députés qui
voudraient exprimer leur point de vue, de le faire immédiatement avant
que nous n'écoutions l'Association des policiers provinciaux. Je
reconnais M. le député d'Anjou.
Autres points de vue M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: M. le Président, à titre de membre de
cette commission, c'est évidemment avec plaisir que j'entendrai les
représentants de l'Association des policiers provinciaux. Je voudrais
toutefois qu'on établisse peut-être clairement le sens de certains
mots et ce sont peut-être les remarques du député de
Rouyn-Noranda qui vont m'amener à le faire. Il ne faut quand même
pas confondre la dimension humanitaire avec la dimension sécuritaire. Il
ne faut pas confondre la dimension humanitaire avec la dimension
émotive. Les décisions que le ministère de la Justice aura
à prendre, les positions du ministère de la Justice et les
recommandations de cette commission, après le débat qui suivra
l'audition des parties, devront s'inspirer, je pense, de critères qui,
tout en tenant compte fondamentalement de la notion de la
sécurité des policiers, ne peuvent pas ignorer la dimension
très claire des faits qui sont soumis par différentes analyses,
celles que les policiers nous soumettent comme celles que le ministère
de If Justice a entre ses mains et nous a soumis. Et, également, de
façon corollaire, puisque nous sommes ici pour administrer l'argent des
contribuables, on devra tenir compte de la dimension économique et
budgétaire de telles décisions.
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Papineau.
M. Jean Alfred
M. Alfred: Dans le même ordre d'idées, je ne
voudrais pas reprendre les propos de mon confrère d'Anjou que je
partage. Je vous dis que j'aborde cette commission sans préjugé,
ni favorable, ni défavorable. Je pense que seuls les faits
devraient parler. Nous devons nous en tenir à
l'objectivité, à la scientificité et à la
rationalité pour pouvoir prendre une décision.
Je tiens à préciser une autre chose: les documents que
nous avons ici sont des documents de travail qui ne nous empêchent
nullement d'écouter l'adversaire, pas l'adversaire, mais l'autre partie,
afin d'arriver à une solution qui sera valable pour nous tous.
Le Président (M. Bertrand): Le député de
Jonquière.
M. Claude Vaillancourt
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, peu
importe les propos tenus par le porte-parole de l'Union Nationale. Etant
moi-même avocat, je voudrais assurer tout d'abord les policiers de la
Sûreté du Québec que, malgré tous les documents
qu'on a pu nous remettre, j'aborde personnellement cette commission dans un
esprit de neutralité et que j'entends émettre des avis à
la suite des différentes thèses qui vont nous être soumises
par l'Association des policiers. Je m'élève fortement contre les
affirmations ou les présomptions du député de
Nicolet-Yamaska, car il y a une règle de procédure qui veut qu'un
député ne doit jamais mettre en doute la parole d'un autre
député. Or...
Une Voix: Je ne l'ai pas mise en doute.
M. Vaillancourt (Jonquière):... dans le journal des
Débats que citait tout à l'heure le député, je
pense que le ministre déclarait aborder cette commission dans le but
d'étudier tout le problème de la sécurité des
policiers. Je peux vous assurer, en tout cas, que c'est dans cet esprit que
j'aborde cette commission.
M. Fontaine: Une question de privilège, M. le
Président.
Le Président (M. Bertrand): II n'y a pas de question de
privilège en commission parlementaire, M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Bellemare: Question de règlement.
Le Président (M. Bertrand): Quel règlement?
M. Fontaine: M. le Président, ce que j'ai fait, c'est que
j'ai posé ma question au ministre de la Justice. Je lui ai
demandé si le document qu'il nous a présenté était
la position du gouvernement. Probablement qu'on aura une réponse
là-dessus, mais je n'ai nullement interprété ses paroles.
Ce sera à lui à faire le point là-dessus.
Le Président (M. Bertrand): D'accord. Alors, à ce
stade, nous pourrions déjà entendre...
Réponse de M. le ministre
M. Bédard: Avec votre permission, M. le Président,
je pourrais peut-être ajouter quelques mots, au moins pour
répondre à la question qui m'a été posée par
le député de Nicolet-Yamaska. Comme je considérais une
commission parlementaire, non pas comme une manoeuvre de diversion, ni comme un
show politique, mais comme un instrument de travail dont on peut se servir pour
autant qu'on accepte tous de l'être, je crois qu'on m'aurait fait
sûrement des reproches si je n'avais pas cru bon, au moins, de soumettre
à l'attention des membres de la commission certains documents qui ne
sont pas une opposition, mais certains documents d'information que vous avez
entre les mains, maintenant, qui constituent, effectivement, une étude
approfondie faite par la Commission de police du Québec, bien avant
qu'il y ait les événements qui nous amènent ici, et qui
constituent aussi une série d'études concernant d'autres corps
policiers, que ce soit en Ontario ou encore aux Etats-Unis, des statistiques,
effectivement, qui, à mon sens, se doivent d'être portées
à l'attention de l'ensemble des membres de la commission pour qu'ils
puissent mieux juger, je dirais même, pour aller plus loin, qu'ils
puissent mieux questionner ou interroger les groupes que nous avons
invités à comparaître ici sur cette question précise
de la sécurité au travail des policiers. Alors, je crois et je le
dis encore...
M. Bellemare: Ces documents ont été remis aux
policiers.
M. Bédard: Oui, j'avais demandé qu'on en remette
une copie. Est-ce qu'on pourra le faire le plus rapidement possible? J'ai cru
bon d'en remettre en même temps à tous les membres de la
commission pour que tout le monde soit informé en même temps. Je
pense que notre devoir, c'est bien simple, c'est d'étudier
sérieusement ce que les représentants de l'Association des
policiers provinciaux ont à nous dire, de même que les membres de
la Sûreté du Québec ou encore d'autres personnes ou experts
qu'ils jugeront bon de nous faire entendre, d'étudier tout cela dans le
contexte précis du mandat qui a été donné par
l'Assemblée nationale.
Je veux quand même soulever un point: je ne puis accepter dans la
déclaration initiale de l'Opposition officielle où on fait
état qu'il y a eu des négociations qui ont amené les
policiers au travail. Je voudrais bien que ce soit clair. Tant que les
policiers ont été dans un état d'illégalité,
il n'y a pas eu de négociation.
Je pense que là-dessus, non seulement je peux le dire, mais
également le président de l'association, avec qui j'ai
participé à une émission de télévision, et
qui avait bien souligné qu'il n'y avait pas eu de négociation sur
le fond des offres, telles que le gouvernement les avait faites, qu'il n'y
avait pas eu d'arrangement en-dessous de la table non plus, ni de promesses
cachées, sans le dire, pour que ce soit clair. De la même
manière que durant tout ce malheureux conflit j'ai tenu à
déposer dès mardi, à la reprise des travaux de
l'Assemblée nationale, toutes les déclarations que j'avais faites
durant cette période, déclarations dans lesquelles je me suis
bien gardé d'avoir un ton de provoca-
tion, mais j'ai, tout simplement, adopté des attitudes fermes. Je
crois que l'Opposition serait bien mal placée de reprocher à un
gouvernement d'avoir des attitudes fermes, après qu'il eut fait des
offres qu'elle jugeait très raisonnables.
M. le Président, autrement dit, je voudrais également
mentionner qu'à une commission parlementaire, on étudie une
question bien précise, celle qui nous est proposée. Je voudrais
vous dire qu'elle ne s'inscrit pas dans une négociation, parce que,
dès que nous avons fait les offres finales dont j'avais informé
le président de l'Association des policiers provinciaux, offres qui
représentaient la position du gouvernement et du ministre de la Justice,
j'ai très bien mentionné je l'ai fait tout le temps qu'a
duré le conflit l'ouverture que je voulais manifester, une fois
fait le retour à la légalité pour étudier le plus
en profondeur possible, l'ensemble du problème de la
sécurité au travail, mais, notamment, et d'une façon tout
à fait spéciale, le problème qui a, plus
précisément, amené le conflit.
Cette ouverture d'esprit je n'ai pas changé je l'ai
encore, et, je crois, plutôt que de s'aventurer ou encore de continuer
dans des discussions de technicité, comme par exemple, de savoir quels
sont les pouvoirs de cette commission...
M. Ciaccia: C'est important.
M. Bédard: Mais oui, mais laissez-moi finir. Il me semble
qu'il y a assez de gens responsables qui ont d'ailleurs été
déjà députés, qui connaissent les pouvoirs d'une
commission parlementaire, qui peut être un pouvoir de recommandation ou
de suggestion. Bon! Ces pouvoirs sont inhérents à une commission
parlementaire, et je pense bien qu'il n'est pas nécessaire de le
répéter. C'est dans cet esprit que la commission parlementaire
siège aujourd'hui. Je souhaiterais, si les membres de la commission en
viennent à la conclusion qu'on a étudié suffisamment en
profondeur, le problème qui est devant nous, à ce
moment-là, qu'on en arrive à des recommandations précises,
avec une ouverture d'esprit, pas avec des idées
préconçues, au départ.
M. Pagé: M. le Président, si le ministre me permet
une question, j'ai suivi tout à l'heure la question, combien importante,
de savoir et de déterminer immédiatement le mandat de la
commission. Je pense que c'est important, parce que, vous-même, M. le
ministre, vous venez de faire état et de dire: Nous sommes
appelés à étudier ce problème... D'abord, si c'est
une étude, je suis fort surpris de constater que le document que vous
nous avez remis, ne l'a pas été à l'Association des
policiers provinciaux. Cela, je le regrette. J'espère que c'est par
inadvertance. J'espère que ce n'est pas une omission volontaire de votre
part.
M. Bédard: Continuez votre "show" politique, si vous
voulez continuer.
M. Pagé: D'autre part, je voulais vous poser la question
suivante: Vous parlez d'études. Par contre, le député de
Papineau je suis certain qu'il va abonder dans le même sens que
moi a parlé de décisions. Le député de
Papineau a dit: Si on a des décisions à prendre; le
député de Johnson a dit: Si on a des recommandations à
faire et, enfin, le député de Jonquière a parlé, un
peu comme si on était juge dans cette affaire, en faisant état
qu'on se devait d'être impartial. Je pense que ces différentes
questions vous amènent, M. le ministre, à préciser,
d'autant plus, le mandat exact. Si on fait des recommandations, jusqu'où
seront-elles suivies? Si des décisions sont prises, ici, par l'ensemble
des députés, jusqu'où ces décisions seront-elles
suivies par le ministre et le Conseil des ministres?
M. Léger: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Bertrand): Quel article, M. le
député de Lafontaine?
M. Léger: M. le Président, vous avez statué,
tantôt, sur la façon dont cette commission parlementaire devrait
fonctionner: entendre d'abord le ministre, puis les représentants de
chacun des partis et, enfin, les invités, ici, qui ont un mémoire
à nous présenter. Par la suite, il y aurait des recommandations
sur le rôle précis que la commission parlementaire pourrait se
donner.
Vous avez statué là-dessus, M. le Président? Je ne
vois pas pourquoi on ne serait pas immédiatement en train d'entendre
ceux qui ont des choses à nous dire, puisque, M. le Président,
c'est à la suite de leur demande que la commission sera
éclairée et pourra prendre des décisions par la suite.
M. Pagé: M. le Président, sur la question de
règlement...
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Portneuf, d'abord il n'y a pas de question de règlement précise
qui a été invoquée. Je pense que chacun voulait faire
valoir son point de vue. Si le ministre de la Justice n'avait pas
demandé de prendre la parole, sans doute que le député de
Portneuf ne l'aurait pas prise par la suite pour relancer le débat.
J'avais tantôt rendu une décision que je maintiens. Selon le
principe même du fonctionnement des commissions parlementaires de cet
ordre, c'est-à-dire qui reçoivent des groupes de
l'extérieur, je crois qu'il convenait de laisser la parole à
chacun des partis politiques. Il s'agit maintenant d'entendre l'Association des
policiers provinciaux. Par la suite, tout le monde aura le loisir de poser aux
représentants de l'Association des policiers provinciaux toutes les
questions sur leur présence en commission parlementaire, et le ministre,
éventuellement aura à répondre, parce que c'est toujours
la responsabilité de cette commission parlementaire de faire des
recommandations ou d'acheminer des suggestions à l'Assemblée
nationale.
Alors, je voudrais demander à M. Raymond Richard qui est
président de l'Association des po-
liciers provinciaux du Québec de nous présenter son
équipe dans un premier temps, les gens qui raccompagnent à la
table. Je voudrais tout de suite informer les membres de la commission
parlementaire qu'aujourd'hui nous entendons les représentants de
l'Association des policiers provinciaux du Québec et que demain,
normalement, nous devrions entendre les représentants de la
Sûreté du Québec. Donc, il faudra voir, dans notre
échéancier, à respecter un peu les gens que nous devons
faire venir demain. Maintenant, je demanderais au président de nous
présenter les gens qui sont avec lui.
M. Johnson: Pour qu'il n'y ait pas de confusion par la suite,
pourriez-vous statuer sur cela et répéter peut-être ce que
dit le règlement concernant le temps alloué aux témoins
devant une commission, de telle sorte que, si une partie ou l'autre
déborde du temps normalement prévu qu'on assigne aux
témoins, on sache bien qu'effectivement on déborde du temps
prévu pour ne pas avoir à la dernière minute la mauvaise
surprise de dire que cela devrait être fini etc.?
M. Pagé: J'espère qu'ils auront le temps voulu tout
au moins.
M. Bédard: Ne vous inquiétez donc pas.
Une Voix: Arrête de faire de la petite
"politi-caillerie".
Le Président (M. Bertrand): D'une façon
générale, la commission est libre de fixer les procédures,
pour le temps entre autres; je pense qu'on peut se sentir libres de ce
côté.
M. Ciaccia: M. le Président, me permettez-vous une
question? Puisque le ministre...
Le Président (M. Bertrand): Vous ne revenez pas sur la
décision que j'ai rendue?
M. Ciaccia: Non, je ne reviens pas du tout sur la
décision. Puisque le ministre vient de nous faire savoir qu'il n'a pas
donné les copies des mémoires qu'il nous a données
aujourd'hui, serait-ce dans l'ordre de demander à la commission et de
demander aux membres de l'association s'ils préféreraient, avant
de répondre à nos questions ou avant de soumettre, de nous donner
leur mémoire... S'ils veulent prendre le temps de prendre connaissance
des documents que le ministère de la Justice a fait parvenir à
tous les membres de cette commission afin que dans leur exposé ils
puissent discuter en toute connaissance de cause. On pourrait peut-être
ajourner ou continuer nos travaux. Je demande seulement si les membres de
l'association préféreraient avoir l'opportunité d'examiner
les documents que le ministère de la Justice a préparés et
nous a fait parvenir.
M. Bédard: Sur la question de règlement, M. le
Président...
M. Bellemare: M. le Président...
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Je pense qu'on perd un temps considérable
avec toutes sortes de tatillonnages. Entendons donc ces gens qui sont
prêts à nous livrer un message et plus tard, s'il y a lieu, s'ils
veulent revenir, ils auront le droit de revenir. Mais procédons, faisons
quelque chose. On va passer pour des gens qui ne sont pas sérieux. On
perd un temps considérable à tâtonner, à enculer des
mouches.
Le Président (M. Bertrand): Merci, M. le
député de Johnson.
M. Bellemare: II est temps de marcher, il est temps qu'on entende
ces gens.
M. Ciaccia: Vous ne pensez pas, M. le Président que... Je
n'ai pas demandé la parole. J'ai demandé seulement de regarder
ces documents que vous-même avez critiqués...
M. Bellemare: C'est un vieux...
Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, messieurs, à
l'ordre. Je pense que tout le monde accueillera avec le plus grand plaisir la
suggestion du député de Johnson et de toute façon, le
président allait empêcher qu'il y ait toute autre intervention sur
cette question. Nous allons entendre le représentant de l'Association
des policiers provinciaux. Je lui demanderais de présenter les gens qui
l'accompagnent à la table.
Association des policiers provinciaux du
Québec
M. Richard (Raymond): M. le Président, M. le ministre de
la Justice, honorables membres de la commission parlementaire, laissez-moi vous
présenter à ma gauche le secrétaire général
de l'association, M. Yvon Bergeron; à ma droite, Me Lau-rian
Barré qui est conseiller juridique de l'Association des policiers
provinciaux du Québec et M. Jean-Marie Bouchard, vice-président
de l'Association des policiers.
Une Voix: Et vous?
M. Richard (Raymond): Raymond Richard, président de
l'Association des policiers.
Le Président (M. Bertrand): M. Richard, auriez-vous
l'amabilité d'approcher le micro.
M. Richard (Raymond): L'Association des policiers provinciaux du
Québec, qui regroupe quelque 4000 membres, a mandaté ses
représentants pour exposer à la commission parlementaire de la
justice et pour soumettre à l'appréciation des membres de cette
commission la demande de
l'association visant à obtenir la présence de deux
patrouilleurs par véhicule sur la relève de jour. Le
présent mémoire se veut un document de travail qui vous indique
l'essentiel de nos représentations, mais qui sera complété
au fur et à mesure par des exposés et des documents portant sur
différents aspects qui y sont prévus.
Etant donné que nous aurions aimé, M. le Président,
vous soumettre notre mémoire plus tôt, le temps nous en a
empêchés, nous allons nous permettre d'en faire seulement un
résumé et d'appuyer sur certains points plus
précisément. Nous avons également remis une carte de la
province de Québec qui vous indique l'endroit des différents
postes de la Sûreté, soit 107. Lors de l'analyse des effectifs et
du territoire desservi que nous entendons vous soumettre,
référence y sera faite et des explications vous seront alors
données.
Nous allons, si vous le permettez, faire une rétrospective, sans
faire la lecture du document que nous vous avons présenté, des
événements et du problème en litige pour dire ce qui nous
a amenés au litige actuel. Par la suite, nous parlerons
d'opération et de travail de patrouille, d'étude du
système de patrouille à deux hommes, d'analyse des faits et
incidents survenus au cours des dernières années, d'analyse des
effectifs et du territoire desservi, d'études comparatives avec divers
autres milieux. En tout, M. le Président, nous aurions à faire
entendre devant cette commission 21 témoins qui auront des textes et
nous essaierons de vous donner, au fur et à mesure, d'autres textes qui
vont venir compléter notre mémoire. Nous avons l'intention de
démontrer à la commission que la décision des membres de
faire quelques journées de "sit-in" à Drummondville n'a pas
été une décision basée sur
l'émotivité. Nous allons également, non pas travailler
seulement avec les statistiques, mais nous allons démontrer à
cette commission qu'il est nécessaire que deux membres soient de jour
sur un véhicule de patrouille et nous allons également
démontrer à la commission qu'avec les effectifs actuels de la
Sûreté du Québec, il est possible, avec une meilleure
répartition, que cette efficacité soit maintenue et il est
possible également qu'avec le même coût, deux membres
puissent travailler sur une auto-patrouille.
Je vais, si vous me le permettez, vous faire une rétrospective
des événements et problèmes en litige sans lire
textuellement tout ce qui est dans le mémoire.
La présence de deux policiers par autopatrouille n'est pas, comme
certains ont voulu le prétendre, une demande fondée sur
l'émotivité, résultant du décès de l'agent
Robert Brabant le 30 mars dernier. Au contraire, l'Association des policiers
provinciaux du Québec, depuis une dizaine d'années, a
déjà soulevé le point au cours de ses négociations.
Le point a été soulevé d'une façon plus
précise lors des négociations de la convention collective de
1974, fin de 1974, début de 1973, et, à ce moment-là,
à la suite des assemblées de sections et à la suite des
négociations aux comités paritaires et conjoints, les membres de
la Sûreté du Québec voyaient insérer dans leur
convention collective le texte suivant que vous pouvez retrou- ver à la
page 4 du mémoire. Durant la nuit, soit de 20 heures à 6 heures,
pour les postes où le personnel en temps régulier le permet, la
Sûreté doit faire en sorte qu'il y ait deux membres par
véhicule de patrouille. Ce que nous pouvons mentionner aux membres de la
commission, c'est qu'avant notre négociation de 1973, il arrivait de
temps à autre, dans plusieurs postes de la Sûreté, qu'un
membre qui était seul sur un véhicule recevait l'aide d'un
confrère. Avec la négociation de la convention collective de
1973, cette politique de doubler dans certains cas un véhicule a
été abolie par la Sûreté du Québec.
Ce que nous pouvons aussi dire aux membres de cette commission, c'est
que, depuis la signature de notre convention collective de 1974 à 1977,
même à plusieurs occasions, des membres de la Sûreté
ont demandé, dans certains territoires où il y avait, le soir ou
la nuit, seulement un véhicule, de travailler en double, soit deux
membres et, à toutes les occasions, cela a été
refusé par la Sûreté du Québec.
Nous avons eu, depuis quatorze mois, le décès de trois
membres de la Sûreté du Québec, les deux derniers
étaient, au mois de novembre, le confrère Desfossés et par
la suite, le 30 mars 1977, le confrère Brabant. Ce que notre
mémoire démontre, c'est que l'association, suite au
décès de ces deux policiers de la Sûreté du
Québec, a tout fait en sorte pour laisser les membres au travail, leur
demander de respecter leur convention collective et même, malgré
le manque de sécurité, continuer à protéger le
citoyen.
Le cas Brabant du 30 mars a fait certainement déborder le vase et
malgré l'insistance, malgré des appels à l'association
à divers postes auprès des délégués, les
membres ont décidé d'envoyer des télégrammes
à l'association demandant une assemblée générale
spéciale qui devait avoir lieu après les funérailles
civiques. Nous nous sommes opposés à cette politique, mais,
conformément à la constitution, nous avons été
obligés de tenir cette assemblée générale en date
du mardi, le 5 avril 1977. La suite, on la connaît, et c'est après
l'assemblée générale qui s'est terminée le 12
avril, avec la commission parlementaire, que les membres de la
Sûreté du Québec sont retournés dans leurs
unités respectives.
Chose qui serait importante à signaler, et nous aimerions appuyer
sur ce fait, c'est que l'Association des policiers provinciaux du Québec
a avisé à plusieurs reprises la Sûreté du
Québec du problème que causait la patrouille à un seul
homme. Dans notre convention collective, en faisant le dépôt de
nos demandes en date du 14 décembre 1976, l'association déposait
une clause qu'on retrouvait à la page 10 du mémoire: "II est
entendu que les membres affectés aux enquêtes sur les
véhicules de patrouille doivent, en tout temps, travailler en
équipe de deux."
Ceci faisait suite à une décision du congrès des
délégués de 1976, qui fut acceptée unanimement par
les 175 délégués réunis en congrès à
Québec. Malgré les efforts déployés par
l'association, les négociations pour le renouvellement de la convention
collective n'ont guère progressé. Bien
plus, le 18 mars dernier, c'est extrêmement important, lors d'une
séance du comité paritaire et conjoint, la Sûreté du
Québec déposait un document intitulé: Demandes patronales.
On pouvait y noter que non seulement la Sûreté du Québec
refusait d'accéder à la demande de l'association concernant les
deux policiers par auto-patrouille, mais elle demandait purement et simplement
d'abroger la clause déjà existante dans la convention collective
aux fins d'assigner deux membres par véhicule de patrouille, de 20
heures à 6 heures le matin. On avait ça dans notre convention
collective, de 1974 à 1977, suite aux demandes de l'association, mais la
Sûreté nous demandait, en date du 18 mars dernier, d'abroger cette
clause de deux membres le soir et la nuit lorsque les besoins du service le
permettaient.
C'est non seulement incompréhensible pour l'association, mais
c'est une attitude qui, selon nous, frôle l'inconscience et
l'inconséquence. Les négociations se sont donc
déroulées suite à l'assemblée
générale spéciale sur le sujet et, en date du 12 avril
1977, suite à une solution de dernière heure proposée par
le ministre de la Justice, les membres de la Sûreté du
Québec, sur recommandation de leur syndicat, retournaient au
travail.
C'est un bref exposé, une rétrospective de ce qui nous a
amenés à la commission parlementaire d'aujourd'hui.
M. Barré (Laurian): Si M. le Président me permet
d'intervenir, c'est simplement pour souligner quelques points additionnels.
D'abord, vous retrouvez à la page 11 du mémoire qui vous a
été soumis, que le problème demeure actuellement en litige
et vous le retrouvez encore dans le deuxième paragraphe de cette page.
C'est donc dire que la question qui demeure en litige et qui est soumise
à cette commission parlementaire porte essentiellement sur la
présence obligatoire de deux policiers par véhicule de patrouille
sur la relève de jour. Ceci, par le fait que vous retrouvez aux pages 10
et 11 de ce même mémoire le compte rendu des dernières
offres soumises par le ministre de la Justice sur cette question de
patrouille.
Il y a également un point additionnel que je voudrais vous
soumettre, qui est survenu depuis le 12 avril dernier et qui revêt,
à ce stade-ci, une extrême importance.
Il avait effectivement été convenu, avec le ministre de la
Justice, et ceci a fait l'objet de son offre, qu'une grille de cas
spéciaux serait immédiatement négociée au
comité paritaire. Cette grille devait prévoir les cas où
deux patrouilleurs, à bord d'un même véhicule, devront
répondre lorsque ces cas surviennent au cours de la relève de
jour.
En d'autres termes, il s'agit d'une liste d'appels qui, en raison des
risques que cela peut présenter, nécessitent l'intervention de
deux patrouilleurs à bord d'un même véhicule, sur la
relève de jour. Les parties, en l'occurrence le ministre de la Justice
et les représentants de l'association, avaient même reconnu les
points de repère quant à l'établissement d'une telle
liste, en mentionnant, entre autres, les vols à main armée, les
descentes dans les débits de boissons alcooliques, le blocage de routes,
l'opération 100 et autres cas analogues.
Effectivement, nous sommes en mesure de vous dire que deux
séances de négociation ont été tenues au
comité paritaire depuis le 12 avril dernier pour tenter, justement, de
négocier et de régler la question de cette fameuse grille.
Aujourd'hui, nous sommes en mesure de vous dire que rien n'a été
décidé, étant donné que les représentants de
la Sûreté du Québec persistent à vouloir
établir une liste qui n'est absolument pas conforme à l'entente
et qui se révèle trop restrictive dans son application. Autrement
dit, au lieu de prévoir une liste aussi précise que possible des
cas spéciaux, la Sûreté du Québec et soit dit
en passant, la Sûreté du Québec n'est, en aucun moment,
intervenue au cours des discussions qui se sont déroulées entre
l'association et le ministre de la Justice sur cette question
préfère une formule selon laquelle le policier qui fait face
à une situation susceptible de dégénérer en
violence, pour employer les termes des représentants de la
Sûreté, que ce policier attende l'arrivée d'un
confrère ou l'aide d'un citoyen avant d'intervenir. Ce n'est plus,
à notre avis, le principe de deux patrouilleurs par véhicule.
C'est plutôt la règle de la non-intervention immédiate ou
encore, si vous voulez, la règle de l'intervention après coup de
deux véhicules à un seul patrouilleur, ce qui est très
différent, à notre point de vue, de l'entente
envisagée.
Nous avons tenu à vous faire part de cette situation pour bien
vous faire comprendre que la grille des cas spéciaux, non seulement
n'est pas une solution au problème auquel on est confronté,
c'est-à-dire le problème de la patrouille à deux hommes
sur la relève de jour, mais qu'on ne peut même pas établir
une telle grille malgré les efforts qui ont été faits
jusqu'à maintenant en ce sens. Cela indique bien, à notre point
de vue d'ailleurs, nous aurons l'occasion d'y revenir tout au cours des
représentations que nous entendons faire à cette commission
la nécessité d'adopter une formule claire, précise
et bien établie, qui prévoit la présence de deux
patrouilleurs par véhicule sur la relève de jour. Ce qui fait, M.
le Président, que le problème de la patrouille sur la
relève de jour demeure entier au moment où on se parle et que
l'association s'attend, suivant le mandat que les membres lui ont
accordé, qu'une décision résulte de l'étude qui
sera faite ici, en commission parlementaire, sur la question qui demeure en
litige, à savoir la présence de deux policiers, de deux
patrouilleurs par véhicule sur la relève de jour.
Le Président (M. Bertrand): Nous n'avons pas fini
d'entendre le mémoire de l'Association des policiers provinciaux. Je
vais demander à M. Richard de poursuivre.
M. Richard (Raymond): M. le Président, c'est ce qui
résume la rétrospective, la première partie de notre
mémoire.
Je ne sais pas s'il y a des membres de la commission qui aimeraient
poser des questions, avant de procéder à la deuxième
partie, opération et travail de patrouille. Cela termine notre
première partie.
M. Bédard: Poursuivez.
M. Richard (Raymond): On poursuit. Pour bien comprendre le
problème en litige et pouvoir ainsi apprécier le
bien-fondé des demandes de l'association, concernant les patrouilleurs
sur la relève de jour, nous croyons qu'il importe...
M. Samson: Est-ce que je pourrais demander à M. le
Président si on ne pourrait pas prier nos invités, lorsqu'il y a
lecture d'une partie de leur mémoire, de nous citer la page. Cela va
nous permettre de mieux suivre.
M. Richard (Raymond): D'accord, page 13. ... de bien situer le
travail du patrouilleur et de définir son rôle et ses fonctions.
Dans cette optique, nous avons demandé à quatre membres de la
Sûreté qui ont exercé ou qui exercent encore la fonction de
patrouilleur de venir vous expliquer en quoi consiste leur travail et ce qu'il
comporte de responsabilités, qu'il s'agisse de patrouille en milieu
rural, urbain et semi-urbain.
M. le Président, si vous permettez, j'aimerais inviter M.
Philippe Michaud, caporal à la Sûreté du Québec au
poste de Sherbrooke, à venir nous livrer son exposé. M. Michaud
est entré à la Sûreté du Québec en 1965, il y
a dix ans, comme patrouilleur. Il a travaillé au poste de New Carlisle
ainsi qu'au poste de Rimouski. M. le Président, M. Michaud.
M. Ciaccia: Le débat sur le règlement se continue
aussi avec l'exposé. Chez les représentants, chacun semble
soulever certaines questions. Peut-on poser certaines questions maintenant, de
notre part, au fur et à mesure qu'ils font leur exposé du
problème?
Le Président (M. Bertrand): II est nettement mieux, comme
on procède habituellement, de leur permettre de faire leur
exposé, de le terminer et, par la suite, nous pourrons poser toutes les
questions.
M. Ciaccia: C'est parce qu'il y a des questions très
importantes.
M. Bédard: Respectez la présidence.
M. Ciaccia: C'est en vertu du mandat, ce qu'ils attendent de
nous.
Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! A l'ordre! Vous ne
voulez pas ajouter encore à ce genre de débat oiseux qui tourne
en rond et qui ne nous permet pas de continuer d'entendre M. Richard.
M. Charbonneau: Je ne me permets pas de juger des débats.
La seule chose que je voudrais faire remarquer, M. le Président, c'est
que cela m'intéresserait de savoir combien il va y avoir de
témoins, de personnes concernant le mémoire comme tel, et non pas
uniquement les témoins qui pourraient venir présenter d'autres
mémoires pour appuyer la thèse. Là, on est rendu à
deux personnes sur le même mémoire. Je veux seulement savoir
combien de personnes le président de l'association entend faire entendre
sur le mémoire en particulier.
Une Voix: II y en a 21.
Le Président (M. Bertrand): M. Richard a parlé de
21 personnes.
M. Charbonneau: 21 sur l'ensemble du dossier, monsieur.
M. Richard (Raymond): Sur notre mémoire et ce qu'on a
préparé, 21 témoins, y compris les experts.
M. Charbonneau: Est-ce qu'on attaque les 21 pour passer?
Le Président (M. Bertrand): M. Richard, puis-je vous poser
une simple question, s'il vous plaît? Est-ce que vous avez
évalué le temps que vous auriez à prendre pour la lecture
complète de votre mémoire, en incluant les 21 personnes.
M. Richard (Raymond): D'après le temps que nous avons
évalué, nous en aurions pour la journée complète de
demain, parce qu'on procède, comme je l'ai mentionné, avec les
cinq ou six parties de notre mémoire, ou quatre témoins dans la
partie qui nous intéresse actuellement: opération et travail de
patrouille. Nous avons quatre témoins qui vont traiter exclusivement de
cette partie du rapport. Par la suite, nous allons aller dans l'analyse des
faits avec d'autres témoins. On a des témoins pour chaque partie,
pour développer chaque partie du rapport. Je pense que cela devrait
prendre toute la journée de demain, M. le Président.
M. Bédard: Avec votre permission. M. le Président,
étant donné cet ordre de discussion que vous vous êtes
donné, je pense qu'il y aurait peut-être lieu, concernant cette
partie, d'entendre les quatre témoins que vous voulez y affecter.
Ensuite, peut-être que la commission pourra réévaluer,
selon les circonstances, s'il y a lieu de poser les questions maintenant ou
plus tard.
M. Richard (Raymond): M. le Président, nous sommes tout
à fait d'accord. Nous n'avons aucune objection. Nous allons
procéder suivant les règles établies par la commission
parlementaire.
Le Président (M. Bertrand): Vous avez bien cinq chapitres
à présenter tels que décrits à la page 12.
M. Richard (Raymond): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Bertrand): Qu'un des témoins
à faire entendre.
M. Richard (Raymond): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Bertrand): Alors, entendons le premier.
Je pense qu'effectivement, il sera peut-être plus facile de travailler en
vous posant des questions après chacun des chapitres.
M. Bellemare: M. le Président, si vous permettez, avec
l'expérience du premier témoin qui va paraître, M. Michaud,
on va pouvoir juger de l'opportunité d'entendre les trois autres.
Ecoutez, si ce sont des redites, on est bien prêt à les entendre,
on a le temps pour le faire. Seulement, je voudrais que vous compreniez que la
commission parlementaire a aussi un temps précieux à consacrer
à d'autres choses. On est actuellement à faire l'étude des
crédits de tous les ministères. Le budget n'est pas encore
adopté. Les discours sur le budget, il y en a trois de prononcés.
On est en pleins travaux parlementaires. Je voudrais que vous compreniez qu'on
est prêt à vous donner tout le temps voulu, mais il faudrait que
vous compreniez aussi que le temps qu'on vous alloue, on l'enlève
à bien du monde. Si c'est une redite, pour nous répéter
l'expérience vécue, comme plusieurs autres l'ont lu à la
fin de votre mémoire, on est capable de lire cela et on le comprend
facilement. Si c'est cela que doit venir nous dire M. Mi-chaud, on le jugera,
mais si ce sont des redites, il faudrait essayer de résumer cela, pour
qu'on n'entende pas 21 personnes, qui prendront la journée de demain. Il
y a aussi demain, des commissions parlementaires qui vont siéger de
même que la Chambre à 15 heures. Il y a aussi la
Sûreté du Québec, qu'il faut entendre cette semaine.
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Johnson, je pense que nous pourrions, et nous inspirant de l'expérience
qu'on vivra pour le premier chapitre "Opération et travail de
patrouille", entendre les quatre. Par la suite, on verra bien les conclusions
qu'il faut tirer.
M. Bellemare: Si ce sont des redites, écoutez...
Le Président (M. Bertrand): On verra bfen les conclusions
qu'il faut tirer de semblables procédés. Alors, M. Richard, je
vous laisse poursuivre avec la lecture du premier chapitre "Opération et
travail de patrouille".
M. Barré: Si M. le Président me permet
brièvement d'intervenir à ce stade... En réponse à
la question soulevée par le député, c'est
qu'effectivement, il peut y avoir des témoins qui seront entendus devant
cette commission, et qui viendront témoigner sur un même aspect.
Nous abordons actuellement l'aspect "Opération et travail de
patrouille". Nous sommes d'avis que pour bien évaluer et
apprécier le problème qui vous est soumis, il faut, d'abord et
avant tout, bien comprendre en quoi consiste le travail du patrouilleur.
Mainte- nant, le travail de patrouilleur n'est pas nécessairement le
même, suivant qu'il s'effectue sur le boulevard Métropolitain
à Montréal, en Gaspésie, à Sherbrooke ou ailleurs.
Or, ce que nous avons voulu faire ressortir, ce sont toutes les implications du
travail de patrouilleur, que ce soit en milieu urbain, semi-urbain ou rural,
afin que vous ayez une idée complète, précise, de la
situation ou du rôle du patrouilleur. Parallèlement...
Le Président (M. Bertrand): Excusez-moi, une seconde! Je
pense qu'on s'est bien entendu. On va faire l'expérience, de cette
façon, avec le premier chapitre "Opération et travail de
patrouille". Je pense que, par la suite, il faudra quand même laisser aux
membres de la commission parlementaire, le soin de tirer eux-mêmes les
conclusions sur la nécessité de poursuivre le même type de
déposition de rapports, par certains individus, pour les autres
chapitres. Alors, si vous voulez, on va commencer avec celui-là, ensuite
on verra.
M. Barré: On est entièrement d'accord
là-dessus. Nous voulons simplement souligner qu'il nous avait
été dit et bien indiqué que nous aurions, devant cette
commission parlementaire, l'occasion de vider pleinement la question, afin que
les membres de cette commission soient en possession de tous les
éléments pour prendre les décisions qui s'imposent.
Le Président (M. Bertrand): II ne saurait être
question de vous en priver, monsieur.
M. Ciaccia: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Bertrand): Quel numéro?
M. Ciaccia: 64. Non seulement l'article 64, mais le sous-article
3, si vous voulez vraiment qu'on soit explicite.
Le Président (M. Bertrand): Oui.
M. Ciaccia: Premièrement, M. le Président, je ne
suis pas d'accord... On a l'impression qu'on veut nous couper la parole, chaque
fois que les membres de l'Opposition veulent soulever une question. La raison
pour laquelle on veut soulever cette question...
Une Voix: Vous charriez!
M. Ciaccia: C'est l'article 64-3. La raison pour laquelle je
soulève cette question, c'est justement pour essayer d'appuyer les
propos du député de Johnson. L'article 64-3 du règlement
prévoit spécifiquement qu'à la commission parlementaire,
ça prend seulement un représentant du gouvernement pour soumettre
une motion qui va avoir pour effet que le gouvernement va dépenser des
sommes additionnelles. C'est vrai que nous ici, à cette table, je vais
le tenir pour acquis, nous connaissons tous la juridiction, le mandat possible
d'une commission parlementaire. Mais peut-être que ces
gens qui nous font face ne savent pas les pouvoirs d'une commission
parlementaire.
M. Bédard: On y viendra à ce point.
M. Ciaccia: Sur ce point, s'il vous plaît, M. le
Président.
M. Vaillancourt (Jonquière): Voulez-vous le laisser
parler, s'il vous plaît?
M. Pagé: Laissez-le terminer!
M. Ciaccia: S'il vous plaît! Je veux seulement
terminer.
M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas la place pour
faire de la politique ici.
M. Ciaccia: Non, mais, écoutez...
Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!
M. Ciaccia: M. le Président, ne serait-il pas... Voici ma
question je vais terminer cette question...
Le Président (M. Bertrand): Allez-y donc! Terminez! je
vous en prie!
M. Ciaccia: S'il vous plaît! Ne serait-il pas temps, avant
de continuer à entendre des témoins et ce mémoire,
d'établir ce que ces gens pensent que nous pouvons faire?
Peut-être que ça peut changer le nombre de témoins qu'ils
vont avoir. S'ils savent qu'on ne peut pas prendre de décisions...
Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!
M. Ciaccia: C'est ma question, M. le Président.
Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! A l'ordre!
M. Bédard: La meilleure manière de respecter les
policiers, c'est de les écouter à l'heure actuelle. Alors,
écoutons-les!
Le Président (M. Bertrand): M. le ministre de la Justice,
je voudrais, s'il vous plaît, vous demander de collaborer avec les autres
membres et les gens de l'Opposition aussi. Vous revenez sur le débat qui
avait été engagé tantôt, M. le député
de Mont-Royal. Cela a été réglé. Nous avons convenu
d'entendre l'Association des policiers provinciaux. Nous avons
décidé que nous tirerions les conclusions de l'expérience
de l'audition de quatre personnes au chapitre "Opérations et travail de
patrouille". Voulez-vous, s'il vous plaît, nous allons poursuivre nos
travaux? Ces gens sont venus pour se faire entendre. Je pense que nous les
empêchons de le faire.
M. Bédard: C'est ce que je viens de vous dire, M. le
Président.
M. Ciaccia: C'était notre voeu de base qu'ils soient ici.
C'est pour les entendre qu'ils sont ici. Nous verrons les
représentations, quand elles auront été faites...
Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! A I ordre! A
l'ordre! M. Richard.
M. Richard (Raymond): Si vous le permettez, je laisse la parole
à M. Michaud.
M. Michaud (Philippe): M. le Président, messieurs les
membres de la commission parlementaire, mon nom est Philippe Michaud. Je suis
caporal à la Sûreté du Québec et attaché au
poste de Sherbrooke comme assistant. Je suis entré à la
Sûreté du Québec en janvier 1965. J'avais alors 19 ans. Au
mois de décembre de la même année, après avoir fait
un stage à Québec, je fus transféré au poste de New
Carlisle, en Gaspésie, où je fus affecté à la route
comme patrouilleur-enquêteur et aussi à l'escouade des alcools et
de la moralité.
En septembre 1968, on me transféra au poste de Rimouski,
où je fus successivement patrouilleur et enquêteur. Je fis, par la
suite, un stage d'une année et demie au bureau de la
sécurité routière de Rimouski et, en 1971, je fus
muté à l'unité d'urgence du district du Bas-Saint-Laurent,
jusqu'au mois d'août 1974. On me transféra alors à
Sherbrooke, comme mentionné précédemment, tout d'abord
comme lecteur, puis comme assistant au poste.
Voilà pour les présentations.
Maintenant, si on regarde un peu plus en détail ce travail
effectué au cours de douze dernières années, nous pouvons
constater que, durant près de dix années, j'ai travaillé
comme patrouilleur au niveau des différentes unités.
Il m'a fallu alors travailler sur les trois relèves, soit de
jour, de soir et de nuit.
Pour mieux vous faire connaître les fonctions inhérentes
à un patrouilleur, nous parlerons indépendamment sur ces trois
relèves en y apportant comme anecdotes quelques faits vécus.
Relève de nuit.
A son arrivée au bureau, le membre prend contact avec ses
confrères de la relève précédente pour le
"briefing" habituel. Puis, il part en patrouille dans son véhicule
identifié. Il concentrera beaucoup plus son travail sur la
prévention, vu le ralentissement marqué de la circulation durant
la nuit. Il serpentera alors les routes secondaires et les places de
villégiature. Il aura à vérifier de temps à autre
certains véhicules suspects rencontrés sur ces routes. Plusieurs
dangers viendront alourdir son travail: la noirceur, l'isolement des maisons
d'habitation, le pourquoi de la présence de ce ou ces véhicules
à ces endroits et enfin l'état du conducteur et passager du
véhicule intercepté.
Une nuit, alors que je patrouillais seul, j'interceptai un
véhicule qui circulait en zigzaguant. Je réalisai une fois sur
l'accotement qu'il était occupé par cinq personnes qui
étaient toutes en état d'ébriété très
avancée. Personne ne pouvait me venir en aide car j'étais seul en
devoir et le poste
le plus près se trouvait à environ 36 milles d'où
j'étais. Il me fut alors impossible d'effectuer l'arrestation de
l'individu sur place, car ils étaient cinq contre un. Je dus
procéder par enquête afin de le mettre en accusation. Comme
résultat, la non-efficacité de mon travail et une perte de temps
importante. En outre, durant ces périodes de nuit, nous effectuons des
vérifications des principaux commerces de nos territoires respectifs et
là aussi, nombreux sont les dangers que nous courons. Nous avons
fréquemment à arrêter des individus en flagrant
délit. Pour terminer cette période nous avons aussi à
patrouiller les grandes artères et à couvrir des accidents
mineurs, majeurs et des délits de fuite. A deux heures de la nuit,
j'intercepte un véhicule pour un feu arrière brûlé.
Quoi de plus banal. Mais j'appris quelques minutes plus tard du jeune
conducteur qu'il avait pris cette automobile dans une cour d'hôtel et
qu'il voulait simplement se rendre chez lui à quelque dix milles de la
ville. Il m'a fallu attendre qu'un confrère, qui était à
quelque 20 milles vienne m'aider car je ne pouvais laisser mon prisonnier seul
dans le véhicule départemental pendant que je m'occupais à
fouiller ledit véhicule et à le faire remorquer dans un garage.
Que serait-il arrivé si j'avais eu affaire à un dur à
cuire?
Une autre nuit, vers les 3 h 30, je reçois un appel pour un
accident avec blessés graves. Sur les lieux, je constate le très
grand danger que nous courons tous, car l'accident est survenu sur une route
sinueuse de la Gaspésie dans une courbe très prononcée et
un des véhicules impliqués est au milieu de la route. Il y a deux
blessés à l'intérieur.
Je dois secourir les blessés, prendre les détails, faire
la circulation, appeler une ambulance et une remorque et prendre les
déclarations des témoins. Je suis seul.
Parlons maintenant de la relève du soir. Cette relève a
quelque chose de spécial en elle-même, car nous travaillons
presque la moitié de ces neuf heures durant le jour selon les saisons.
Donc, de nombreuses fonctions diverses peuvent être cumulées.
Mentionnons les patrouilles statiques, les patrouilles préventives, la
couverture d'accidents de toutes sortes, la continuation des enquêtes, le
blocage routier, les opérations de radar, l'enlèvement des
permis, les sommations et les subpoenas, la réception de plaintes
diverses, ainsi que l'assistance à d'autres escouades.
La patrouille statique. Cette patrouille consiste à faire en
sorte que les véhicules de la Sûreté du Québec
soient vus de la circulation présente. On stationne nos véhicules
dans des endroits névralgiques afin de faire penser au public
d'être prudent sur nos routes. Souvent, au cours de ces patrouilles, nous
recevons des messages de véhicules à surveiller ou à
vérifier ou encore, si vu, à détenir. Il est arrivé
au poste de Sainte-Anne-des-Monts où, par exemple, à la suite
d'une tentative de vérification, le tout se termina par une poursuite
sur une distance de plus de 25 milles. L'agent réussit à
intercepter le véhicule suspect et à saisir une certaine
quantité d'alcool frelaté. L'agent avait conduit à des
vitesses folles, tiré des coups de feu et demandé l'aide d'un
poste voisin, Matane, et ce au cours de la poursuite. Il était seul.
Patrouille préventive. Nous en avons parlé, au sujet de
l'équipe de nuit et la même chose se répète au
niveau de la sécurité. Une bonne patrouille préventive,
faite dans des conditions sécuritaires pour les parties en cause, peut
amener comme résultat une baisse de la criminalité et une hausse
du taux de solution de la criminalité.
Accidents mineurs et majeurs et délits de fuite. Au cours d'une
période de travail, nous sommes appelés à nous rendre sur
le lieu de nombreux accidents, les uns mineurs, d'autres majeurs. On ne sait
jamais ce que nous réserve un accident; conducteur en état
d'ivresse, lieu de l'accident précaire par rapport à la
circulation, mauvaise position des blessés dans le véhicule ou
encore un ou des véhicules volés impliqués dans ces
mêmes accidents. Tous ces facteurs font que nos patrouilleurs sont
vraiment exceptionnels pour pouvoir réussir à s'en tirer, mais,
oui, et parfois à quel prix! Parfois, c'est le public qui risque de
payer la note. Je me souviens d'un après-midi vers les seize heures,
à Oaktown, en Gaspésie, où un camion citerne de gaz
propane avait brisé l'une de ses valves.
Le liquide volatile s'échappait sous pression, créant un
nuage opaque sur une distance de 50 pieds de longueur par 20 pieds de hauteur.
La circulation était bloquée et les curieux s'étaient
rassemblés. Je n'ai pu contenir qu'une partie de la foule car
j'étais seul. Puis, à un moment donné, je vis à
travers le nuage un vieil homme s'aventurer avec son cheval et son
traîneau, nous étions au printemps. Il aurait suffi d'une seule
étincelle provoquée par le fer du traîneau pour que
l'explosion se produise. Selon le chauffeur du camion, aucune des quelque
soixante personnes présentes n'aurait survécu à la suite
de cette déflagration.
Opération radar. Même si, automatiquement, le radar
fonctionne avec un minimum de deux hommes, un opérateur et un
intercepteur, il serait bon de préciser que celui qui manoeuvre
l'appareil ne peut être considéré comme deuxième
homme puisqu'il est stationné à quelque 2000 pieds de son
confrère et qu'au cas d'un incident lors d'une interception, il n'aurait
pas le temps d'intervenir. Le problème ne se présente que
rarement, heureusement.
Relève de jour. Pour cette période, la plupart des
fonctions du soir et de la nuit se trouvent dans ce champ quotidien. Nous
notons l'absence du facteur de la nuit, mais, par contre, selon les
statistiques, nous couvrons environ 25% plus de cas répartis en
interceptions de véhicules, accidents de circulation, émissions
de billets d'infraction, sans compter les avis de 48 heures.
Nous couvrons aussi deux fois les heures de pointe, soit le matin et le
midi. Aussi si l'on tient toujours compte des statistiques, nous pouvons dire
sans crainte d'erreur que les vols qualifiés ont lieu en majeure partie
durant les heures de travail, le jour. Que risque-t-il de survenir si un de nos
patrouilleurs est pris sur la scène d'un tel crime? Vous en connaissez
tous la réponse aussi bien que
moi, messieurs.
Juin 1968, 15 h 10. Appel de la banque de Nouvelle-Ecosse de
Port-Daniel, vol à main armée. Par pure coïncidence, au
même moment, l'agent Paradis prend en chasse, non loin des lieux, un
véhicule qui circule à haute vitesse. C'est le véhicule
des voleurs. Paradis ne le sait pas et les trois occupants sont armés
jusqu'aux dents. La poursuite se fait sur une distance de près de 18
milles, puis l'un des "Gunmen" lui tire dessus à travers sa vitre
arrière. L'agent Paradis ne peut riposter car il est impossible,
à cette vitesse, de conduire et de tirer en même temps. Les
"gunmen" réussissent à s'enfuir dans les bois après avoir
abandonné leur véhicule. Ils sont arrêtés deux jours
plus tard au cours de l'opération 100.
Ces derniers temps, j'ai, par la force des événements,
fait une rétrospective de mes dix années de travail comme
patrouilleur.
Je remercie dame chance d'être encore vivant aujourd'hui, car
combien de fois, seul à bord de mon véhicule de patrouille, ai-je
poursuivi, à des vitesses excessives, des individus qui étaient,
soit en état de boisson, en conduite dangereuse, en délit de
fuite ou au cours d'un vol de véhicule ou autre et qu'en même
temps, je parlais "sur" la radio pour tenter de donner ma position et
j'essayais de griffonner sur ma tablette le numéro de plaque afin de ne
pas l'oublier, au cas où. Dieu qu'un compagnon m'aurait
été utile.
Comme nous venons ensemble de le constater, les mêmes travaux ou
fonctions se rencontrent sur les trois relèves. Sur les relèves 1
et 3, nous travaillons officieusement jumelés tandis que sur la
relève 2, nous sommes seuls. Or, un accident de la circulation couvert
le jour ou la nuit comportera toujours les mêmes implications au niveau
de la sécurité.
Une vérification de routine faite le jour ou la nuit
représentera toujours le même fort pourcentage de danger.
N'oublions pas les 25% de plus d'interceptions le jour. Un individu
arrêté en état de boisson le jour ou la nuit apportera
toujours le même danger d'agressivité et de résistance.
Et enfin, l'arrestation ou l'interception d'individus ayant commis un
vol qualifié ou étant recherchés pour crime majeur,
comportera toujours les mêmes dangers, le jour ou la nuit.
Je suis profondément convaincu qu'en travaillant deux par
véhicule, en tout temps, nous réaliserons une meilleure
efficacité dans notre travail et que dans cette condition, le policier
et le public se sentiront plus protégés.
Le Président (M. Bertrand): Merci. Il est six heures trois
minutes. Normalement, nous aurions dû ajourner les travaux de la
commission à six heures. Je crois qu'il a été convenu
à l'Assemblée nationale, de nous réunir demain matin,
à dix heures.
Les travaux de la commission parlementaire de la justice sont
ajournés à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 18 h 4)