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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 20 avril 1977 - Vol. 19 N° 29

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude de certaines questions relatives à la sécurité au travail des policiers de la Sûreté du Québec


Journal des débats

 

Etude de certaines questions relatives

à la sécurité au travail des policiers

de la Sûreté du Québec

(Seize heures trente minutes)

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, messieurs! La commission de la justice est réunie aujourd'hui, si je m'en réfère à l'avis qui a été donné à l'Assemblée nationale, afin d'étudier certaines questions relatives à la sécurité au travail des policiers de la Sûreté du Québec, notamment l'opportunité d'avoir, pour chaque véhicule automobile de patrouille, deux policiers pour chaque période de relève.

Les membres de la commission de la justice sont M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), remplacé par M. Pagé (Portneuf); M. Burns (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Johnson (Anjou), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)...

M. Ciaccia: Je voudrais signaler, M. le Président, que M. Lalonde est en délégation avec les députés ministériels. Ils sont partis cet après-midi, alors, il s'excuse.

Le Président (M. Bertrand): II ne sera pas remplacé?

M. Ciaccia: II sera remplacé par M. Verreault (Shefford).

Le Président (M. Bertrand): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Verreault (Shefford); M. Marois (Laporte), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Springate (Westmount), M. Tardif (Crémazie) et M. Vaillancourt (Jonquière).

Je voudrais que la commission se nomme un rapporteur. Est-ce qu'il y a une proposition?

Une Voix: Je propose le député de Papineau.

Le Président (M. Bertrand): Le député de Papineau accepte-t-il d'être le rapporteur de la commission de la justice?

M. Bédard: ... M. Charbonneau. Pourquoi refuser?

M. Pagé: C'est un honneur. Vous acceptez? Bon. Bonne initiative.

Le Président (M. Bertrand): Le député de Papineau accepte d'être rapporteur de la commission parlementaire de la justice.

A ce stade-ci, je suis prêt à céder la parole immédiatement au ministre de la Justice pour un bref exposé.

Exposé préliminaire du ministre de la Justice

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, la commission parlementaire permanente de la justice, comme vous le savez, est convoquée aujourd'hui dans le but d'examiner l'opportunité d'avoir, pour chaque véhicule de patrouille de la Sûreté du Québec, deux policiers en devoir à chaque période de relève. Ce mandat de la commission a été précisé à la demande de l'Association des policiers municipaux du Québec.

Toutefois, je crois qu'on comprendra que des problèmes connexes reliés à l'ensemble du problème de la sécurité au travail des policiers pourront quand même être soulevés par des participants, ne serait-ce que dans le but de projeter un éclairage plus complet sur l'ensemble de la question.

Cette étude devrait, à mon avis, M. le Président, être basée sur des faits et des données statistiques et non sur l'émotivité. Les recommandations que pourra formuler cette commission devront s'appliquer sur la réalité quantifiée et vérifiée scientifiquement et en tenant compte du coût et de son effet d'entraînement sur les corps de police municipaux, de l'efficacité et de la qualité des services de patrouille offerts et en tenant compte aussi du cadre général des opérations d'un corps de police.

M. le Président, je tiens à dire que cette commission n'a pas pour but de raviver le conflit qui a surgi autour de cette question, mais d'évaluer une situation de fait dans un contexte justement plus positif et dans un cadre qui se prête à la discussion et aux échanges.

Cette commission, je crois bien, n'a pas non plus pour mission de se substituer aux mécanismes de négociation collective qui étaient déjà en branle entre la Sûreté du Québec et l'Association des policiers provinciaux.

Je dois rappeler que si j'ai accepté de sortir ce problème précis du cadre général des négociations, c'est que j'étais conscient de l'urgence d'apporter une solution la plus juste et la plus équitable possible à cette question, même si le contexte ne s'y prêtait guère. Au cours des jours précédant l'assemblée générale des policiers, j'avais été saisi de la demande de l'Association des policiers provinciaux du Québec. Elle avait été évaluée, discutée et j'avais effectué des démarches visant à obtenir les autorisations financières nécessaires afin de pouvoir avancer l'offre finale qui, essentiellement, se résume ainsi et je le dis pour l'ensemble, au bénéfice des membres de la commission. L'offre finale, donc, qui se résume ainsi: Présence obligatoire de deux patrouilleurs par véhicule pour les relèves du soir et de la nuit; durant la relève de jour, soit généralement entre 6 h du matin et 16 h de l'après-midi, les policiers devront aussi être deux par véhicule pour répondre à

certaines situations spécifiques comportant un danger ou un risque bien déterminé.

Enfin, quant aux policiers qui ne sont pas affectés à la patrouille, mais qui doivent participer à certaines opérations comportant un risque sérieux, le président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, qui est devant nous, se rappellera que nous avions également exprimé, de par nos offres, l'opinion qu'ils devraient être également deux par véhicule lorsque — je l'ai dit tout à l'heure — il s'agissait d'opérations constituant des risques facilement identifiables.

M. le Président, le coût de cette proposition gouvernementale a été évalué aux environs de $5 millions. On aura l'occasion d'y revenir au cours des travaux de cette commission.

Cette position a été avancée après une séance de négociations avec les représentants syndicaux le mardi soir 5 avril, et au début de la nuit du 6 avril, alors que les policiers n'étaient pas encore en grève.

Je leur fis part, entre autres, d'une façon tout à fait spéciale, par l'entremise de leur président, M. Raymond Richard, qui est ici, de notre offre plus que raisonnable et avantageuse, par rapport à la situation que vivent les policiers de l'Ontario, des autres provinces et des Etats-Unis, où le patrouilleur est généralement seul.

Malheureusement, je crois qu'un climat d'émotion a peut-être contribué un peu à faire en sorte que la proposition qui avait été recommandée à ce moment-là, je crois, fut rejetée par une très faible marge et, le matin du 6 avril, les policiers provinciaux, comme on s'en rappelle, entreprenaient malheureusement une grève illégale.

Dès ce moment, j'ai clairement indiqué qu'il n'était pas question de négocier avec des policiers en grève illégale, évitant toute déclaration provocatrice. J'ai maintenu la même attitude tout au long du conflit, tout en les informant que j'étais prêt à étudier le problème général de la sécurité du travail des policiers, dès qu'il y aurait retour à la légalité.

C'est dans ce contexte, M. le Président, que j'ai proposé la convocation de la commission parlementaire de la justice, qui est le mécanisme qui a été retenu, de plein accord entre les parties.

Je souhaite que les délibérations qui s'amorcent maintenant se déroulent dans un climat positif et objectif et, en cela, je n'hésite pas à faire confiance à toutes les parties qui ont exprimé le désir d'être entendues et qui seront effectivement entendues, mais je crois qu'il est nécessaire d'avoir ce climat — nous l'aurons, ce climat — positif et objectif qui est susceptible d'apporter une réponse ou des recommandations adéquates aux attentes de chacun.

Pour ma part, M. le Président, si tel est votre désir, nous sommes prêts, je crois, à procéder et à entendre les représentants de l'Association des policiers provinciaux du Québec.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie, M. le ministre de la Justice. Je pense qu'il conviendrait peut-être de laisser, de la même fa- çon, aux représentants de l'Opposition officielle le soin de faire quelques brefs commentaires au début de la commission.

Remarques de l'Opposition M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président! Au tout début des travaux de cette commission, l'Opposition officielle et, j'imagine bien, tous les intéressés ainsi que le public québécois veulent savoir exactement comment se pose le problème que nous avons à étudier.

L'avis inscrit aujourd'hui au feuilleton de l'Assemblée nationale mentionne qu'il s'agit d'étudier — je souligne le mot "étudier" — certaines questions relatives à la sécurité de travail des policiers de la Sûreté du Québec, notamment l'opportunité d'avoir, pour chaque véhicule-automobile de patrouille, deux policiers pour chaque période de relève.

Il y a cependant une question préliminaire qui doit être posée. Il y a eu un arrêt de travail des policiers à Drummondville, pendant quelques jours, et le ministre s'est référé à ce sujet à certains événements qui sont arrivés, qui sont survenus dans ces circonstances. Il y a eu des propositions venant du ministère de la Justice. Il y a eu enfin des négociations qui ont amené les policiers à reprendre le travail. Tout cela fait qu'aujourd'hui, cette commission parlementaire se réunit.

La question préliminaire que nous voulons poser est celle de connaître exactement l'interprétation, non seulement du ministère de la Justice, mais aussi, de l'Association des policiers, l'interprétation de l'entente qui a amené la reprise du travail policier et la convocation de cette commission parlementaire.

Je voudrais, M. le Président, si vous me le permettez, tenter de faire établir à ce moment quelle est véritablement la nature du travail que nous entreprenons au niveau de cette commission parlementaire.

A l'Assemblée nationale le mardi 12 avril, le ministre de la Justice a affirmé qu'il avait — et je cite — "proposé la commission parlementaire afin d'étudier l'ensemble de la sécurité au travail des policiers." Alors, cela semble être le mandat de la commission. Le ministre ajoutait — et je cite—"qu'il n'a pas été question de troquer la commission parlementaire contre le retour au travail". Alors, il affirmait qu'il avait dit, tout au long du conflit aux parties concernées, que les offres gouvernementales —je cite—"étaient des offres finales et définitives, que c'étaient aussi des offres plus que raisonnables". Le ministre ajoutait, cependant—je cite encore— "qu'il restait ouvert et prêt à étudier en profondeur toutes les implications de la sécurité du travail des policiers." "La commission parlementaire — continuait le ministre — ne change absolument rien aux offres qui ont été faites et qui ont été respectées par le ministre de la Justice au nom du gouvernement. La

commission parlementaire est — disait le ministre— le cadre dans lequel pourrait se faire l'étude en profondeur du problème soulevé."

A la question que lui posait mon collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys et ancien Solliciteur général, M. Fernand Lalonde, pour savoir s'il était exact que la commission parlementaire aurait le droit de décider, en définitive, sur la question de la sécurité du travail, le ministre a répondu —je cite encore — "que le député devrait savoir quels sont les droits et jusqu'où vont les droits des commissions parlementaires et qu'il n'est pas question de changer la juridiction que peut avoir une commission parlementaire".

Je voudrais, dès maintenant, demander au porte-parole de l'Association des policiers en quels termes exactement le ministre de la Justice ou l'un de ses représentants du ministère ont défini devant eux le mandat et le rôle de la commission parlementaire. Est-ce que, selon votre interprétation de ce que le ministre vous a dit, vous estimez que cette commission est simplement un cadre de discussion ou si vous préférez le lieu d'un examen en profondeur du problème que vous vivez, ou bien, si dans ce que l'on vous a dit, vous avez l'impression que cette commission doit nécessairement conclure ses travaux en faisant des recommandations précises. Ou encore, est-ce que, et toujours d'après ce que l'on vous a dit, vous êtes d'opinion que cette commission peut, en quelque sorte, agir comme arbitre dans le conflit que vous avez présentement avec le ministère de la Justice. Autrement dit...

Je crois que c'est important, M. le Président, d'établir dès maintenant si vous êtes d'avis que cette commission parlementaire est simplement un cadre de discussions, ou bien un organisme duquel vous attendez des recommandations précises, ou encore un organisme que vous voulez voir agir en quelque sorte comme arbitre. En second lieu, M. le Président, dans la mesure où vous avez vous-même fait appel aux élus du peuple, au cours de la fin de semaine de Pâques — je m'adresse à l'Association des policiers — je voudrais vous demander dans quelle mesure votre interprétation du rôle et des pouvoirs de cette commission a influé sur votre décision de reprendre le travail.

Nous aimerions, M. le Président, avoir des réponses à ces questions et avoir l'avis du président ou des représentants de l'Association des policiers pour établir clairement le mandat de cette commission, afin que nous puissions savoir dans quel cadre nous allons continuer nos discussions.

M. Léger: Sur un point de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Le député de Lafontaine.

M. Léger: Selon les procédures normales des commissions parlementaires, les articles 133 et suivants, lorsque les commissions parlementaires invitent des groupes à venir présenter des mémoi- res, habituellement, le ministre concerné fait un exposé général, le représentant de l'Opposition fait son exposé par la suite et, avant d'entamer la période de questions, il est normal que nous entendions le groupe qui est ici nous expliquer l'essence de son mémoire. Par la suite, chaque parti, selon l'ordre habituel, pourrait poser les questions voulues, permettant d'éclairer la commission parlementaire sur les orientations qu'elle pourrait prendre par la suite.

M. le Président, je pense que ce n'est pas le moment, lors de l'exposé préliminaire, de poser des questions à un groupe qui n'a pas encore eu l'occasion d'exposer son mémoire.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): Le député de Portneuf.

M. Pagé: Question de règlement, M. le Président. Sur la question de règlement, je conviens avec le député de Lafontaine qu'il sera opportun de poser des questions relativement au mémoire, concernant les différents objets qui seront soulevés par l'Association des policiers provinciaux.

Cependant, à la lueur des déclarations que le ministre a faites, pendant les quelques jours qui ont entouré cette question, par des déclarations à la télévision... Je me rappelle aussi très bien une émission de télévision, ici à Québec, sur une ligne ouverte, lorsque le ministre a eu une question relative à l'éventuelle commission qui allait siéger, il a clairement indiqué à ce moment-là que la commission parlementaire aurait un pouvoir de recommandation.

D'autre part, dans les déclarations qui ont été faites à la presse par les représentants des policiers provinciaux, quant à moi tout au moins, j'ai perçu que l'interprétation que l'association faisait de la commission d'aujourd'hui, c'était en quelque sorte une commission d'arbitrage ou encore une commission, un groupe de parlementaires qui allaient étudier un sujet spécifique aussi important que celui-là et que par la suite cette commission allait avoir un pouvoir de recommandation soit à la Chambre ou encore au conseil des ministres, par la voix du ministre de la Justice. Avant d'aborder toute cette question... D'ailleurs, le ministre en a lui-même fait part dans sa déclaration lorsqu'il disait et je le cite, M. le Président: C'est dans ce contexte que j'ai proposé — alors il a proposé lui-même, il en fait état — c'est dans ce contexte que j'ai proposé la convocation de la commission parlementaire de la justice, qui est le mécanisme qui a été retenu.

Ce qu'on voudrait savoir au départ, avant qu'on aborde cette question c'est en vertu de quoi cela a été retenu, pour qu'on sache exactement quel est le mandat de la commission. Quels sont nos attributs ici? Je pense qu'à ce titre, on a le droit de poser des questions.

Le Président (M. Bertrand): Avez-vous terminé, M. le député de Portneuf? Je permettrai une

seule intervention du député de Johnson là-dessus et ensuite, je rendrai une décision.

M. Bellemare: Je crois, M. le Président, que devant les faits, cela aurait dû être établi avant que le ministre fasse sa déclaration et que l'Opposition officielle fasse ses recommandations, cette procédure à suivre. Maintenant qu'on a un peu fait son lit, je pense que l'Union Nationale devrait, par la voix de son député de Nicolet, donner son opinion sur le problème et, après, s'il y a une question de procédure, vous déciderez en l'occurrence, de la manière la plus convenable, du rôle qu'on devrait jouer. Mais on devrait entendre, comme on a commencé, le gouvernement, maintenant que le parti de l'Opposition officielle a parlé que l'Union Nationale se fasse entendre et après, on discutera de la procédure qu'il faudra maintenir ou suivre. Je ne suis pas prêt à partager toutes les idées qui ont été émises. J'ai sur cela certaines réserves, je les ferai valoir en temps et lieu.

Le Président (M. Bertrand): MM. les membres de la commission parlementaire, cette discussion quant à la nécessité et à la raison d'être de la commission parlementaire sur la justice a déjà fait l'objet de questions à l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale a résolu de se réunir en commission parlementaire.

Maintenant, nous y sommes. Je pense que nous sommes là, comme pour toutes les commissions parlementaires, dans un premier temps, pour permettre au ministre d'émettre un certain nombre de commentaires dans un bref exposé, de même qu'à l'Opposition officielle, c'est ce que nous venons de vous permettre, de même qu'à l'Union Nationale, de même qu'au Parti créditiste. Par la suite, parce que c'est là aussi la fonction d'une commission parlementaire, nous entendrons le mémoire de l'Association des policiers provinciaux du Québec, et par la suite, lorsque nous entreprendrons la période des questions, à ce moment-là, l'Opposition pourra demander un certain nombre de précisions à l'Association des policiers provinciaux ou au gouvernement, et au gouvernement de répondre à ces questions.

Pour l'instant, je considère que nous devons poursuivre le procédé habituel des commissions parlementaires, permettre au représentant de l'Opposition officielle de terminer son bref exposé, permettre à l'Union Nationale de faire le sien, au représentant du Parti créditiste et à tout autre député qui voudrait faire une brève intervention en préambule et, par la suite, entendre l'Association des policiers provinciaux.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais ajouter que nous n'avons aucune objection, même nous souhaitons que l'Union nationale puisse faire son exposé maintenant et, après que le député de Rouyn-Noranda aura fait son exposé, à ce moment-là, on pourrait demander aux représentants de l'Association des policiers de répondre aux questions que l'Opposition a soulevées. Alors, nous n'avons aucune objection à ce qu'à ce moment-ci nous procédions par des interventions des partis.

M. Bédard: C'est parce qu'on ne veut pas que tout soit mêlé.

Le Président (M. Bertrand): D'accord! Je crois qu'on s'entend très bien, cela va merveilleusement. Est-ce que vous aviez terminé, M. le député?

M. Ciaccia: J'avais terminé ma brève intervention.

Le Président (M. Bertrand): M. le représentant de l'Union Nationale, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, nous sommes venus ici aujourd'hui pour entendre...

Le Président (M. Bertrand): Un instant! Les services techniques m'ont demandé tantôt que chaque député parle bien dans son micro. Il y a des gens qui ont de la difficulté à entendre dans la salle.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Nous sommes venus ici aujourd'hui pour entendre et pour connaître le point de vue des policiers de la Sûreté du Québec sur la question de la sécurité; nous sommes venus ici également pour entendre les autres groupes ou comités ou organismes qui voudront bien donner leur opinion sur le sujet de la sécurité au travail des corps de police du Québec et surtout de la Sûreté du Québec.

Cependant, comme certains autres membres de la commission l'ont mentionné, il serait peut-être bon de savoir exactement quel sera le mandat de la commission. Ce sera peut-être ici une occasion également, comme l'ont dit plusieurs éditorialistes de journaux de la province, de jeter un regard critique sur le fonctionnement et le budget de la Sûreté du Québec; ce serait également Une occasion de passer en revue toute l'organisation de la Sûreté du Québec, et, comme c'est le principal but également, d'entendre les doléances de la Sûreté du Québec à cette commission parlementaire sur la question de la sécurité.

L'Union Nationale, par son chef, M. Biron, M. Bellemare et moi-même, a suivi de très près le conflit entre la Sûreté du Québec et le ministère de la Justice. Je suis moi-même allé à Drummondville, demeurant très près, pour visiter les lieux, les abords du Centre culturel. Malheureusement, je n'ai pas été reconnu parce que je ne suis peut-être pas encore aussi populaire que le ministre de la Justice, mais j'aurais quand même aimé pouvoir rentrer et dialoguer avec les policiers qui étaient là, les écouter et entendre leurs doléances. D'un autre côté, nous avons reçu hier des documents du ministre de la Justice et j'en ai fait une lecture assez rapide, parce que ce sont des documents

assez considérables et il y a des prises de position qui sont nettement établies dans ce document et qui semblent favoriser la thèse de la patrouille à un homme.

Pour expliciter cette position prise dans les documents, j'en ai tiré quelques extraits et je voudrais entre autres faire une citation qui dit que... "les avantages offerts par la patrouille motorisée à un homme dépassent de beaucoup les arguments à l'encontre de ce genre de patrouille".

On donne également les avantages de la patrouille motorisée à un homme qui sont entre autres les suivants: "un plus grand rayon d'action de la patrouille et une réaction plus rapide de la demande de service de police et une surveillance plus efficace et c'est une plus grande économie pour le budget du ministère de la Justice." On dit également... "plus que toute autre méthode de patrouille, l'utilisation de la voiture à un homme accroît le champ et l'efficacité de la surveillance et cela, tout en accusant un meilleur rendement par dollar perçu en taxe."

Egalement, à la page 7 du document, on cite des statistiques du Uniform Crime Report, disant entre autres... "Il a été établi que 52% des policiers tués en service travaillaient par paire, tandis que 48% patrouillaient seuls. Dans 52% des cas impliquant un patrouilleur seul, l'agent avait reçu l'aide de confrères quand il a été tué, ce qui veut dire que ce n'est que dans 23% des cas que l'agent se trouvait seul".

M. Bellemare: C'est la documentation du gouvernement, ça?

M. Fontaine: C'est la documentation qui nous a été fournie par le ministre.

M. Bédard: Toute la documentation?

M. Fontaine: Un instant, je vais continuer... "Enfin, tous les arguments en faveur de la thèse de la patrouille à deux sont réfutés un à un par le document en question".

M. Charbonneau: Vous parlez...

Le Président (M. Bertrand): Voulez-vous, s'il vous plaît, d'un côté comme de l'autre, être extrêmement respectueux du droit de parole qui est accordé à un parti politique, c'est le temps d'un bref exposé. Par la suite, tout autre député pourra aussi prendre la parole.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Et on va même jusqu'à dire, dans ces documents... "les arguments des tenants de la thèse de la patrouille à deux sont des arguments qui s'appuient uniquement sur des concepts d'ordre émotif."

Je voudrais terminer ce bref exposé en demandant au ministre de la Justice si ces documents qui nous ont été fournis représentent la thèse, la politique, la position du ministre de la Justice et du gouvernement sur cette question. Si c'est le cas, je me demande ce qu'on fait ici aujourd'hui.

Le Président (M. Bertrand): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, on est réuni ici aujourd'hui en fonction d'un ordre de la Chambre pour étudier toute la question de la sécurité des policiers, et je dis qu'il est très malheureux que, dernièrement, les policiers provinciaux aient été obligés, en quelque sorte, d'alerter l'opinion publique pour en arriver à se faire entendre. J'aurais préféré qu'un règlement intervienne plutôt que de voir un arrêt de travail que l'on a dit, je ne suis pas avocat ni juge, illégal. Je ne suis pas tellement favorable à ce genre d'arrêt de travail. Mais un fait demeure, c'est qu'avant que cela se produise, il me semble qu'il aurait été valable qu'on utilise peut-être des moyens qu'on utilise aujourd'hui et peut-être d'autres moyens aussi.

Le conflit est né du fait que nos policiers provinciaux ont pris conscience et avec raison d'un certain danger. Depuis ces derniers temps, il y a eu trois policiers qui ont été victimes d'assassinat et peut-être bien que même si ce n'est pas dans la tradition que les policiers patrouillent 24 heures par jour à deux dans une même voiture, nous nous devons de regarder ce problème non pas avec des considérations d'argent, mais plutôt avec des considérations purement humaines qui nous amènent à nous rattacher directement à la sécurité du policier comme tel et également à la sécurité de sa famille, de sa femme, de ses enfants et de ses proches.

Il n'y a pas que le policier qui puisse être en danger dans de telles circonstances. Beaucoup de gens peuvent être impliqués. Je dis que ces personnes qui ont pour devoir de protéger le public québécois sont en droit de s'attendre de ceux qui prennent les décisions à un minimum de support.

Bien sûr, de loin, c'est plus facile de soutenir que c'est suffisant, un seul policier par patrouille. Bien sûr, de loin, quand on n'est pas impliqué directement, c'est assez facile probablement de soutenir qu'il n'y a pas de danger.

M. le Président, il y a une tradition qui existe. C'est généralement un policier par patrouille. Mais il y a aussi des faits nouveaux, qui se rattachent, je pense — ce n'est pas uniquement un problème qui relève du ministère de la Justice du Québec — au fait qu'à toutes fins pratiques, il n'existe pas de peine capitale pour quelqu'un qui assassine un policier, au Canada.

Or, ceci augmente énormément les risques, énormément. Il fut un jour où les gens — la population en général — étaient toujours prêts à donner un coup de main aux policiers. Il fut un jour où même des malfaiteurs qui commettaient un vol avec effraction ne risquaient pas de tirer sur un policier, parce qu'ils avaient au-dessus de la tête cette peine capitale qui existait dans ce temps-là et qui n'existe plus aujourd'hui. Je ne veux pas que l'on interprète mes paroles comme étant une argumentation favorable ou défavorable à la peine capitale, ce n'est pas le cas.

Mais je pense que c'est un incident qui doit nous faire comprendre que l'augmentation du risque est survenue surtout ces dernières années. C'est donc pourquoi j'utiliserai des mots qui ont été utilisés avant moi par le ministre actuel du Travail, lorsqu'il a dit à un groupe qu'il avait des préjugés favorables. Je dis immédiatement, je n'ai pas besoin d'attendre tellement longtemps, que je me suis fait une opinion à partir du gros bon sens et que j'ai des préjugés favorables à ce que nous accordions à la Sûreté du Québec la possibilité qu'il y ait, 24 heures par jour, deux policiers par voiture-patrouille.

M. le Président, les policiers sont constamment, je pense, sur la brèche. On ne peut pas prévoir — et j'ai regardé les déclarations du ministre où, à certaines heures, on pourrait permettre deux officiers par voiture, à certaines autres heures, un seul et, dans certains cas où il y a danger appréhendé, on pourrait aller à deux policiers. Je pense que lorsqu'il s'agit de la protection du public, ce n'est pas toujours, en pratique, facile de déterminer à quel moment donné il y a plus de danger qu'à un autre moment. Bien sûr, quand on sent qu'il y a danger, on le sait. Mais n'est-ce pas que certaines des choses qui sont arrivées dernièrement sont arrivées à certains moments où on n'avait pas prévu le danger. C'est donc dire que le danger, puisque ce sont les protecteurs du public, existe, lorsqu'il y a malfaiteurs en cause, et les protecteurs du public sont directement visés, c'est le cas de le dire. Ce sont eux qui, au moment le plus inattendu, peuvent être les victimes, comme cela a été malheureusement le cas.

M. le Président, je félicite les policiers provinciaux qui ont accepté de retourner au travail, parce que je pense que leur devoir était de retourner au travail. Notre devoir à nous maintenant, ce n'est pas une question de vouloir donner satisfaction ou passer pour plus généreux que d'autres; qu'on étudie cette question et qu'on essaie de bien les comprendre et surtout de ne pas s'arrêter, en matière de sécurité, à la question budgétaire, qu'on s'arrête plutôt à la question humanitaire. C'est plus important.

Les gens sont retournés au travail et ils ont fait confiance en quelque sorte à la commission parlementaire pour retourner au travail. Autant je puis les féliciter d'être retournés au travail, je dois aussi, en toute justice et équité, souligner que le ministre de la Justice n'avait pas, dans les circonstances, étant donné l'illégalité de la grève, d'autre choix que de leur demander de retourner au travail avant de convoquer une commission parlementaire ou avant de poser les gestes qu'on pose maintenant ou qu'on pourra poser plus tard. Je pense qu'il est important que cette nuance soit apportée aussi.

Je n'ai pas eu la chance, bien honnêtement, de parcourir toute cette brique qui nous a été fournie au moment où e devais siéger à une autre commission parlementaire. J'en ai eu un résumé. Bien sûr, le ministère fait connaître ses positions, le ministère, dans ce qu'il a fourni aux députés, y va dans tous les détails, les détails techniques. Il y a des gens qui, au ministère, connaissent bien le problème et la situation. Nous aurons un mémoire de l'Association des policiers provinciaux qui est aussi assez volumineux. J'imagine qu'on ira dans tous les détails également.

En terminant, je souhaite que nous tous, autour de cette table, qui représentons différents comtés, les différents partis, nous considérions cette question — je le dis encore une fois — non pas en termes d'argent, mais en termes de sécurité, en termes pratiques et surtout en termes réellement humanitaires.

M. Bédard: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): M. le ministre de la Justice, avant que vous ne demandiez d'avoir la parole pour ajouter quelques brefs commentaires, je voudrais permettre à d'autres députés qui voudraient exprimer leur point de vue, de le faire immédiatement avant que nous n'écoutions l'Association des policiers provinciaux. Je reconnais M. le député d'Anjou.

Autres points de vue M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: M. le Président, à titre de membre de cette commission, c'est évidemment avec plaisir que j'entendrai les représentants de l'Association des policiers provinciaux. Je voudrais toutefois qu'on établisse peut-être clairement le sens de certains mots et ce sont peut-être les remarques du député de Rouyn-Noranda qui vont m'amener à le faire. Il ne faut quand même pas confondre la dimension humanitaire avec la dimension sécuritaire. Il ne faut pas confondre la dimension humanitaire avec la dimension émotive. Les décisions que le ministère de la Justice aura à prendre, les positions du ministère de la Justice et les recommandations de cette commission, après le débat qui suivra l'audition des parties, devront s'inspirer, je pense, de critères qui, tout en tenant compte fondamentalement de la notion de la sécurité des policiers, ne peuvent pas ignorer la dimension très claire des faits qui sont soumis par différentes analyses, celles que les policiers nous soumettent comme celles que le ministère de If Justice a entre ses mains et nous a soumis. Et, également, de façon corollaire, puisque nous sommes ici pour administrer l'argent des contribuables, on devra tenir compte de la dimension économique et budgétaire de telles décisions.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Papineau.

M. Jean Alfred

M. Alfred: Dans le même ordre d'idées, je ne voudrais pas reprendre les propos de mon confrère d'Anjou que je partage. Je vous dis que j'aborde cette commission sans préjugé, ni favorable, ni défavorable. Je pense que seuls les faits

devraient parler. Nous devons nous en tenir à l'objectivité, à la scientificité et à la rationalité pour pouvoir prendre une décision.

Je tiens à préciser une autre chose: les documents que nous avons ici sont des documents de travail qui ne nous empêchent nullement d'écouter l'adversaire, pas l'adversaire, mais l'autre partie, afin d'arriver à une solution qui sera valable pour nous tous.

Le Président (M. Bertrand): Le député de Jonquière.

M. Claude Vaillancourt

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, peu importe les propos tenus par le porte-parole de l'Union Nationale. Etant moi-même avocat, je voudrais assurer tout d'abord les policiers de la Sûreté du Québec que, malgré tous les documents qu'on a pu nous remettre, j'aborde personnellement cette commission dans un esprit de neutralité et que j'entends émettre des avis à la suite des différentes thèses qui vont nous être soumises par l'Association des policiers. Je m'élève fortement contre les affirmations ou les présomptions du député de Nicolet-Yamaska, car il y a une règle de procédure qui veut qu'un député ne doit jamais mettre en doute la parole d'un autre député. Or...

Une Voix: Je ne l'ai pas mise en doute.

M. Vaillancourt (Jonquière):... dans le journal des Débats que citait tout à l'heure le député, je pense que le ministre déclarait aborder cette commission dans le but d'étudier tout le problème de la sécurité des policiers. Je peux vous assurer, en tout cas, que c'est dans cet esprit que j'aborde cette commission.

M. Fontaine: Une question de privilège, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): II n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Bellemare: Question de règlement.

Le Président (M. Bertrand): Quel règlement?

M. Fontaine: M. le Président, ce que j'ai fait, c'est que j'ai posé ma question au ministre de la Justice. Je lui ai demandé si le document qu'il nous a présenté était la position du gouvernement. Probablement qu'on aura une réponse là-dessus, mais je n'ai nullement interprété ses paroles. Ce sera à lui à faire le point là-dessus.

Le Président (M. Bertrand): D'accord. Alors, à ce stade, nous pourrions déjà entendre...

Réponse de M. le ministre

M. Bédard: Avec votre permission, M. le Président, je pourrais peut-être ajouter quelques mots, au moins pour répondre à la question qui m'a été posée par le député de Nicolet-Yamaska. Comme je considérais une commission parlementaire, non pas comme une manoeuvre de diversion, ni comme un show politique, mais comme un instrument de travail dont on peut se servir pour autant qu'on accepte tous de l'être, je crois qu'on m'aurait fait sûrement des reproches si je n'avais pas cru bon, au moins, de soumettre à l'attention des membres de la commission certains documents qui ne sont pas une opposition, mais certains documents d'information que vous avez entre les mains, maintenant, qui constituent, effectivement, une étude approfondie faite par la Commission de police du Québec, bien avant qu'il y ait les événements qui nous amènent ici, et qui constituent aussi une série d'études concernant d'autres corps policiers, que ce soit en Ontario ou encore aux Etats-Unis, des statistiques, effectivement, qui, à mon sens, se doivent d'être portées à l'attention de l'ensemble des membres de la commission pour qu'ils puissent mieux juger, je dirais même, pour aller plus loin, qu'ils puissent mieux questionner ou interroger les groupes que nous avons invités à comparaître ici sur cette question précise de la sécurité au travail des policiers. Alors, je crois et je le dis encore...

M. Bellemare: Ces documents ont été remis aux policiers.

M. Bédard: Oui, j'avais demandé qu'on en remette une copie. Est-ce qu'on pourra le faire le plus rapidement possible? J'ai cru bon d'en remettre en même temps à tous les membres de la commission pour que tout le monde soit informé en même temps. Je pense que notre devoir, c'est bien simple, c'est d'étudier sérieusement ce que les représentants de l'Association des policiers provinciaux ont à nous dire, de même que les membres de la Sûreté du Québec ou encore d'autres personnes ou experts qu'ils jugeront bon de nous faire entendre, d'étudier tout cela dans le contexte précis du mandat qui a été donné par l'Assemblée nationale.

Je veux quand même soulever un point: je ne puis accepter dans la déclaration initiale de l'Opposition officielle où on fait état qu'il y a eu des négociations qui ont amené les policiers au travail. Je voudrais bien que ce soit clair. Tant que les policiers ont été dans un état d'illégalité, il n'y a pas eu de négociation.

Je pense que là-dessus, non seulement je peux le dire, mais également le président de l'association, avec qui j'ai participé à une émission de télévision, et qui avait bien souligné qu'il n'y avait pas eu de négociation sur le fond des offres, telles que le gouvernement les avait faites, qu'il n'y avait pas eu d'arrangement en-dessous de la table non plus, ni de promesses cachées, sans le dire, pour que ce soit clair. De la même manière que durant tout ce malheureux conflit j'ai tenu à déposer dès mardi, à la reprise des travaux de l'Assemblée nationale, toutes les déclarations que j'avais faites durant cette période, déclarations dans lesquelles je me suis bien gardé d'avoir un ton de provoca-

tion, mais j'ai, tout simplement, adopté des attitudes fermes. Je crois que l'Opposition serait bien mal placée de reprocher à un gouvernement d'avoir des attitudes fermes, après qu'il eut fait des offres qu'elle jugeait très raisonnables.

M. le Président, autrement dit, je voudrais également mentionner qu'à une commission parlementaire, on étudie une question bien précise, celle qui nous est proposée. Je voudrais vous dire qu'elle ne s'inscrit pas dans une négociation, parce que, dès que nous avons fait les offres finales dont j'avais informé le président de l'Association des policiers provinciaux, offres qui représentaient la position du gouvernement et du ministre de la Justice, j'ai très bien mentionné — je l'ai fait tout le temps qu'a duré le conflit — l'ouverture que je voulais manifester, une fois fait le retour à la légalité pour étudier le plus en profondeur possible, l'ensemble du problème de la sécurité au travail, mais, notamment, et d'une façon tout à fait spéciale, le problème qui a, plus précisément, amené le conflit.

Cette ouverture d'esprit — je n'ai pas changé — je l'ai encore, et, je crois, plutôt que de s'aventurer ou encore de continuer dans des discussions de technicité, comme par exemple, de savoir quels sont les pouvoirs de cette commission...

M. Ciaccia: C'est important.

M. Bédard: Mais oui, mais laissez-moi finir. Il me semble qu'il y a assez de gens responsables qui ont d'ailleurs été déjà députés, qui connaissent les pouvoirs d'une commission parlementaire, qui peut être un pouvoir de recommandation ou de suggestion. Bon! Ces pouvoirs sont inhérents à une commission parlementaire, et je pense bien qu'il n'est pas nécessaire de le répéter. C'est dans cet esprit que la commission parlementaire siège aujourd'hui. Je souhaiterais, si les membres de la commission en viennent à la conclusion qu'on a étudié suffisamment en profondeur, le problème qui est devant nous, à ce moment-là, qu'on en arrive à des recommandations précises, avec une ouverture d'esprit, pas avec des idées préconçues, au départ.

M. Pagé: M. le Président, si le ministre me permet une question, j'ai suivi tout à l'heure la question, combien importante, de savoir et de déterminer immédiatement le mandat de la commission. Je pense que c'est important, parce que, vous-même, M. le ministre, vous venez de faire état et de dire: Nous sommes appelés à étudier ce problème... D'abord, si c'est une étude, je suis fort surpris de constater que le document que vous nous avez remis, ne l'a pas été à l'Association des policiers provinciaux. Cela, je le regrette. J'espère que c'est par inadvertance. J'espère que ce n'est pas une omission volontaire de votre part.

M. Bédard: Continuez votre "show" politique, si vous voulez continuer.

M. Pagé: D'autre part, je voulais vous poser la question suivante: Vous parlez d'études. Par contre, le député de Papineau — je suis certain qu'il va abonder dans le même sens que moi — a parlé de décisions. Le député de Papineau a dit: Si on a des décisions à prendre; le député de Johnson a dit: Si on a des recommandations à faire et, enfin, le député de Jonquière a parlé, un peu comme si on était juge dans cette affaire, en faisant état qu'on se devait d'être impartial. Je pense que ces différentes questions vous amènent, M. le ministre, à préciser, d'autant plus, le mandat exact. Si on fait des recommandations, jusqu'où seront-elles suivies? Si des décisions sont prises, ici, par l'ensemble des députés, jusqu'où ces décisions seront-elles suivies par le ministre et le Conseil des ministres?

M. Léger: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Quel article, M. le député de Lafontaine?

M. Léger: M. le Président, vous avez statué, tantôt, sur la façon dont cette commission parlementaire devrait fonctionner: entendre d'abord le ministre, puis les représentants de chacun des partis et, enfin, les invités, ici, qui ont un mémoire à nous présenter. Par la suite, il y aurait des recommandations sur le rôle précis que la commission parlementaire pourrait se donner.

Vous avez statué là-dessus, M. le Président? Je ne vois pas pourquoi on ne serait pas immédiatement en train d'entendre ceux qui ont des choses à nous dire, puisque, M. le Président, c'est à la suite de leur demande que la commission sera éclairée et pourra prendre des décisions par la suite.

M. Pagé: M. le Président, sur la question de règlement...

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Portneuf, d'abord il n'y a pas de question de règlement précise qui a été invoquée. Je pense que chacun voulait faire valoir son point de vue. Si le ministre de la Justice n'avait pas demandé de prendre la parole, sans doute que le député de Portneuf ne l'aurait pas prise par la suite pour relancer le débat. J'avais tantôt rendu une décision que je maintiens. Selon le principe même du fonctionnement des commissions parlementaires de cet ordre, c'est-à-dire qui reçoivent des groupes de l'extérieur, je crois qu'il convenait de laisser la parole à chacun des partis politiques. Il s'agit maintenant d'entendre l'Association des policiers provinciaux. Par la suite, tout le monde aura le loisir de poser aux représentants de l'Association des policiers provinciaux toutes les questions sur leur présence en commission parlementaire, et le ministre, éventuellement aura à répondre, parce que c'est toujours la responsabilité de cette commission parlementaire de faire des recommandations ou d'acheminer des suggestions à l'Assemblée nationale.

Alors, je voudrais demander à M. Raymond Richard qui est président de l'Association des po-

liciers provinciaux du Québec de nous présenter son équipe dans un premier temps, les gens qui raccompagnent à la table. Je voudrais tout de suite informer les membres de la commission parlementaire qu'aujourd'hui nous entendons les représentants de l'Association des policiers provinciaux du Québec et que demain, normalement, nous devrions entendre les représentants de la Sûreté du Québec. Donc, il faudra voir, dans notre échéancier, à respecter un peu les gens que nous devons faire venir demain. Maintenant, je demanderais au président de nous présenter les gens qui sont avec lui.

M. Johnson: Pour qu'il n'y ait pas de confusion par la suite, pourriez-vous statuer sur cela et répéter peut-être ce que dit le règlement concernant le temps alloué aux témoins devant une commission, de telle sorte que, si une partie ou l'autre déborde du temps normalement prévu qu'on assigne aux témoins, on sache bien qu'effectivement on déborde du temps prévu pour ne pas avoir à la dernière minute la mauvaise surprise de dire que cela devrait être fini etc.?

M. Pagé: J'espère qu'ils auront le temps voulu tout au moins.

M. Bédard: Ne vous inquiétez donc pas.

Une Voix: Arrête de faire de la petite "politi-caillerie".

Le Président (M. Bertrand): D'une façon générale, la commission est libre de fixer les procédures, pour le temps entre autres; je pense qu'on peut se sentir libres de ce côté.

M. Ciaccia: M. le Président, me permettez-vous une question? Puisque le ministre...

Le Président (M. Bertrand): Vous ne revenez pas sur la décision que j'ai rendue?

M. Ciaccia: Non, je ne reviens pas du tout sur la décision. Puisque le ministre vient de nous faire savoir qu'il n'a pas donné les copies des mémoires qu'il nous a données aujourd'hui, serait-ce dans l'ordre de demander à la commission et de demander aux membres de l'association s'ils préféreraient, avant de répondre à nos questions ou avant de soumettre, de nous donner leur mémoire... S'ils veulent prendre le temps de prendre connaissance des documents que le ministère de la Justice a fait parvenir à tous les membres de cette commission afin que dans leur exposé ils puissent discuter en toute connaissance de cause. On pourrait peut-être ajourner ou continuer nos travaux. Je demande seulement si les membres de l'association préféreraient avoir l'opportunité d'examiner les documents que le ministère de la Justice a préparés et nous a fait parvenir.

M. Bédard: Sur la question de règlement, M. le Président...

M. Bellemare: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Je pense qu'on perd un temps considérable avec toutes sortes de tatillonnages. Entendons donc ces gens qui sont prêts à nous livrer un message et plus tard, s'il y a lieu, s'ils veulent revenir, ils auront le droit de revenir. Mais procédons, faisons quelque chose. On va passer pour des gens qui ne sont pas sérieux. On perd un temps considérable à tâtonner, à enculer des mouches.

Le Président (M. Bertrand): Merci, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: II est temps de marcher, il est temps qu'on entende ces gens.

M. Ciaccia: Vous ne pensez pas, M. le Président que... Je n'ai pas demandé la parole. J'ai demandé seulement de regarder ces documents que vous-même avez critiqués...

M. Bellemare: C'est un vieux...

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, messieurs, à l'ordre. Je pense que tout le monde accueillera avec le plus grand plaisir la suggestion du député de Johnson et de toute façon, le président allait empêcher qu'il y ait toute autre intervention sur cette question. Nous allons entendre le représentant de l'Association des policiers provinciaux. Je lui demanderais de présenter les gens qui l'accompagnent à la table.

Association des policiers provinciaux du Québec

M. Richard (Raymond): M. le Président, M. le ministre de la Justice, honorables membres de la commission parlementaire, laissez-moi vous présenter à ma gauche le secrétaire général de l'association, M. Yvon Bergeron; à ma droite, Me Lau-rian Barré qui est conseiller juridique de l'Association des policiers provinciaux du Québec et M. Jean-Marie Bouchard, vice-président de l'Association des policiers.

Une Voix: Et vous?

M. Richard (Raymond): Raymond Richard, président de l'Association des policiers.

Le Président (M. Bertrand): M. Richard, auriez-vous l'amabilité d'approcher le micro.

M. Richard (Raymond): L'Association des policiers provinciaux du Québec, qui regroupe quelque 4000 membres, a mandaté ses représentants pour exposer à la commission parlementaire de la justice et pour soumettre à l'appréciation des membres de cette commission la demande de

l'association visant à obtenir la présence de deux patrouilleurs par véhicule sur la relève de jour. Le présent mémoire se veut un document de travail qui vous indique l'essentiel de nos représentations, mais qui sera complété au fur et à mesure par des exposés et des documents portant sur différents aspects qui y sont prévus.

Etant donné que nous aurions aimé, M. le Président, vous soumettre notre mémoire plus tôt, le temps nous en a empêchés, nous allons nous permettre d'en faire seulement un résumé et d'appuyer sur certains points plus précisément. Nous avons également remis une carte de la province de Québec qui vous indique l'endroit des différents postes de la Sûreté, soit 107. Lors de l'analyse des effectifs et du territoire desservi que nous entendons vous soumettre, référence y sera faite et des explications vous seront alors données.

Nous allons, si vous le permettez, faire une rétrospective, sans faire la lecture du document que nous vous avons présenté, des événements et du problème en litige pour dire ce qui nous a amenés au litige actuel. Par la suite, nous parlerons d'opération et de travail de patrouille, d'étude du système de patrouille à deux hommes, d'analyse des faits et incidents survenus au cours des dernières années, d'analyse des effectifs et du territoire desservi, d'études comparatives avec divers autres milieux. En tout, M. le Président, nous aurions à faire entendre devant cette commission 21 témoins qui auront des textes et nous essaierons de vous donner, au fur et à mesure, d'autres textes qui vont venir compléter notre mémoire. Nous avons l'intention de démontrer à la commission que la décision des membres de faire quelques journées de "sit-in" à Drummondville n'a pas été une décision basée sur l'émotivité. Nous allons également, non pas travailler seulement avec les statistiques, mais nous allons démontrer à cette commission qu'il est nécessaire que deux membres soient de jour sur un véhicule de patrouille et nous allons également démontrer à la commission qu'avec les effectifs actuels de la Sûreté du Québec, il est possible, avec une meilleure répartition, que cette efficacité soit maintenue et il est possible également qu'avec le même coût, deux membres puissent travailler sur une auto-patrouille.

Je vais, si vous me le permettez, vous faire une rétrospective des événements et problèmes en litige sans lire textuellement tout ce qui est dans le mémoire.

La présence de deux policiers par autopatrouille n'est pas, comme certains ont voulu le prétendre, une demande fondée sur l'émotivité, résultant du décès de l'agent Robert Brabant le 30 mars dernier. Au contraire, l'Association des policiers provinciaux du Québec, depuis une dizaine d'années, a déjà soulevé le point au cours de ses négociations. Le point a été soulevé d'une façon plus précise lors des négociations de la convention collective de 1974, fin de 1974, début de 1973, et, à ce moment-là, à la suite des assemblées de sections et à la suite des négociations aux comités paritaires et conjoints, les membres de la Sûreté du Québec voyaient insérer dans leur convention collective le texte suivant que vous pouvez retrou- ver à la page 4 du mémoire. Durant la nuit, soit de 20 heures à 6 heures, pour les postes où le personnel en temps régulier le permet, la Sûreté doit faire en sorte qu'il y ait deux membres par véhicule de patrouille. Ce que nous pouvons mentionner aux membres de la commission, c'est qu'avant notre négociation de 1973, il arrivait de temps à autre, dans plusieurs postes de la Sûreté, qu'un membre qui était seul sur un véhicule recevait l'aide d'un confrère. Avec la négociation de la convention collective de 1973, cette politique de doubler dans certains cas un véhicule a été abolie par la Sûreté du Québec.

Ce que nous pouvons aussi dire aux membres de cette commission, c'est que, depuis la signature de notre convention collective de 1974 à 1977, même à plusieurs occasions, des membres de la Sûreté ont demandé, dans certains territoires où il y avait, le soir ou la nuit, seulement un véhicule, de travailler en double, soit deux membres et, à toutes les occasions, cela a été refusé par la Sûreté du Québec.

Nous avons eu, depuis quatorze mois, le décès de trois membres de la Sûreté du Québec, les deux derniers étaient, au mois de novembre, le confrère Desfossés et par la suite, le 30 mars 1977, le confrère Brabant. Ce que notre mémoire démontre, c'est que l'association, suite au décès de ces deux policiers de la Sûreté du Québec, a tout fait en sorte pour laisser les membres au travail, leur demander de respecter leur convention collective et même, malgré le manque de sécurité, continuer à protéger le citoyen.

Le cas Brabant du 30 mars a fait certainement déborder le vase et malgré l'insistance, malgré des appels à l'association à divers postes auprès des délégués, les membres ont décidé d'envoyer des télégrammes à l'association demandant une assemblée générale spéciale qui devait avoir lieu après les funérailles civiques. Nous nous sommes opposés à cette politique, mais, conformément à la constitution, nous avons été obligés de tenir cette assemblée générale en date du mardi, le 5 avril 1977. La suite, on la connaît, et c'est après l'assemblée générale qui s'est terminée le 12 avril, avec la commission parlementaire, que les membres de la Sûreté du Québec sont retournés dans leurs unités respectives.

Chose qui serait importante à signaler, et nous aimerions appuyer sur ce fait, c'est que l'Association des policiers provinciaux du Québec a avisé à plusieurs reprises la Sûreté du Québec du problème que causait la patrouille à un seul homme. Dans notre convention collective, en faisant le dépôt de nos demandes en date du 14 décembre 1976, l'association déposait une clause qu'on retrouvait à la page 10 du mémoire: "II est entendu que les membres affectés aux enquêtes sur les véhicules de patrouille doivent, en tout temps, travailler en équipe de deux."

Ceci faisait suite à une décision du congrès des délégués de 1976, qui fut acceptée unanimement par les 175 délégués réunis en congrès à Québec. Malgré les efforts déployés par l'association, les négociations pour le renouvellement de la convention collective n'ont guère progressé. Bien

plus, le 18 mars dernier, c'est extrêmement important, lors d'une séance du comité paritaire et conjoint, la Sûreté du Québec déposait un document intitulé: Demandes patronales. On pouvait y noter que non seulement la Sûreté du Québec refusait d'accéder à la demande de l'association concernant les deux policiers par auto-patrouille, mais elle demandait purement et simplement d'abroger la clause déjà existante dans la convention collective aux fins d'assigner deux membres par véhicule de patrouille, de 20 heures à 6 heures le matin. On avait ça dans notre convention collective, de 1974 à 1977, suite aux demandes de l'association, mais la Sûreté nous demandait, en date du 18 mars dernier, d'abroger cette clause de deux membres le soir et la nuit lorsque les besoins du service le permettaient.

C'est non seulement incompréhensible pour l'association, mais c'est une attitude qui, selon nous, frôle l'inconscience et l'inconséquence. Les négociations se sont donc déroulées suite à l'assemblée générale spéciale sur le sujet et, en date du 12 avril 1977, suite à une solution de dernière heure proposée par le ministre de la Justice, les membres de la Sûreté du Québec, sur recommandation de leur syndicat, retournaient au travail.

C'est un bref exposé, une rétrospective de ce qui nous a amenés à la commission parlementaire d'aujourd'hui.

M. Barré (Laurian): Si M. le Président me permet d'intervenir, c'est simplement pour souligner quelques points additionnels. D'abord, vous retrouvez à la page 11 du mémoire qui vous a été soumis, que le problème demeure actuellement en litige et vous le retrouvez encore dans le deuxième paragraphe de cette page. C'est donc dire que la question qui demeure en litige et qui est soumise à cette commission parlementaire porte essentiellement sur la présence obligatoire de deux policiers par véhicule de patrouille sur la relève de jour. Ceci, par le fait que vous retrouvez aux pages 10 et 11 de ce même mémoire le compte rendu des dernières offres soumises par le ministre de la Justice sur cette question de patrouille.

Il y a également un point additionnel que je voudrais vous soumettre, qui est survenu depuis le 12 avril dernier et qui revêt, à ce stade-ci, une extrême importance.

Il avait effectivement été convenu, avec le ministre de la Justice, et ceci a fait l'objet de son offre, qu'une grille de cas spéciaux serait immédiatement négociée au comité paritaire. Cette grille devait prévoir les cas où deux patrouilleurs, à bord d'un même véhicule, devront répondre lorsque ces cas surviennent au cours de la relève de jour.

En d'autres termes, il s'agit d'une liste d'appels qui, en raison des risques que cela peut présenter, nécessitent l'intervention de deux patrouilleurs à bord d'un même véhicule, sur la relève de jour. Les parties, en l'occurrence le ministre de la Justice et les représentants de l'association, avaient même reconnu les points de repère quant à l'établissement d'une telle liste, en mentionnant, entre autres, les vols à main armée, les descentes dans les débits de boissons alcooliques, le blocage de routes, l'opération 100 et autres cas analogues.

Effectivement, nous sommes en mesure de vous dire que deux séances de négociation ont été tenues au comité paritaire depuis le 12 avril dernier pour tenter, justement, de négocier et de régler la question de cette fameuse grille. Aujourd'hui, nous sommes en mesure de vous dire que rien n'a été décidé, étant donné que les représentants de la Sûreté du Québec persistent à vouloir établir une liste qui n'est absolument pas conforme à l'entente et qui se révèle trop restrictive dans son application. Autrement dit, au lieu de prévoir une liste aussi précise que possible des cas spéciaux, la Sûreté du Québec — et soit dit en passant, la Sûreté du Québec n'est, en aucun moment, intervenue au cours des discussions qui se sont déroulées entre l'association et le ministre de la Justice sur cette question — préfère une formule selon laquelle le policier qui fait face à une situation susceptible de dégénérer en violence, pour employer les termes des représentants de la Sûreté, que ce policier attende l'arrivée d'un confrère ou l'aide d'un citoyen avant d'intervenir. Ce n'est plus, à notre avis, le principe de deux patrouilleurs par véhicule. C'est plutôt la règle de la non-intervention immédiate ou encore, si vous voulez, la règle de l'intervention après coup de deux véhicules à un seul patrouilleur, ce qui est très différent, à notre point de vue, de l'entente envisagée.

Nous avons tenu à vous faire part de cette situation pour bien vous faire comprendre que la grille des cas spéciaux, non seulement n'est pas une solution au problème auquel on est confronté, c'est-à-dire le problème de la patrouille à deux hommes sur la relève de jour, mais qu'on ne peut même pas établir une telle grille malgré les efforts qui ont été faits jusqu'à maintenant en ce sens. Cela indique bien, à notre point de vue — d'ailleurs, nous aurons l'occasion d'y revenir tout au cours des représentations que nous entendons faire à cette commission — la nécessité d'adopter une formule claire, précise et bien établie, qui prévoit la présence de deux patrouilleurs par véhicule sur la relève de jour. Ce qui fait, M. le Président, que le problème de la patrouille sur la relève de jour demeure entier au moment où on se parle et que l'association s'attend, suivant le mandat que les membres lui ont accordé, qu'une décision résulte de l'étude qui sera faite ici, en commission parlementaire, sur la question qui demeure en litige, à savoir la présence de deux policiers, de deux patrouilleurs par véhicule sur la relève de jour.

Le Président (M. Bertrand): Nous n'avons pas fini d'entendre le mémoire de l'Association des policiers provinciaux. Je vais demander à M. Richard de poursuivre.

M. Richard (Raymond): M. le Président, c'est ce qui résume la rétrospective, la première partie de notre mémoire.

Je ne sais pas s'il y a des membres de la commission qui aimeraient poser des questions, avant de procéder à la deuxième partie, opération et travail de patrouille. Cela termine notre première partie.

M. Bédard: Poursuivez.

M. Richard (Raymond): On poursuit. Pour bien comprendre le problème en litige et pouvoir ainsi apprécier le bien-fondé des demandes de l'association, concernant les patrouilleurs sur la relève de jour, nous croyons qu'il importe...

M. Samson: Est-ce que je pourrais demander à M. le Président si on ne pourrait pas prier nos invités, lorsqu'il y a lecture d'une partie de leur mémoire, de nous citer la page. Cela va nous permettre de mieux suivre.

M. Richard (Raymond): D'accord, page 13. ... de bien situer le travail du patrouilleur et de définir son rôle et ses fonctions. Dans cette optique, nous avons demandé à quatre membres de la Sûreté qui ont exercé ou qui exercent encore la fonction de patrouilleur de venir vous expliquer en quoi consiste leur travail et ce qu'il comporte de responsabilités, qu'il s'agisse de patrouille en milieu rural, urbain et semi-urbain.

M. le Président, si vous permettez, j'aimerais inviter M. Philippe Michaud, caporal à la Sûreté du Québec au poste de Sherbrooke, à venir nous livrer son exposé. M. Michaud est entré à la Sûreté du Québec en 1965, il y a dix ans, comme patrouilleur. Il a travaillé au poste de New Carlisle ainsi qu'au poste de Rimouski. M. le Président, M. Michaud.

M. Ciaccia: Le débat sur le règlement se continue aussi avec l'exposé. Chez les représentants, chacun semble soulever certaines questions. Peut-on poser certaines questions maintenant, de notre part, au fur et à mesure qu'ils font leur exposé du problème?

Le Président (M. Bertrand): II est nettement mieux, comme on procède habituellement, de leur permettre de faire leur exposé, de le terminer et, par la suite, nous pourrons poser toutes les questions.

M. Ciaccia: C'est parce qu'il y a des questions très importantes.

M. Bédard: Respectez la présidence.

M. Ciaccia: C'est en vertu du mandat, ce qu'ils attendent de nous.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! A l'ordre! Vous ne voulez pas ajouter encore à ce genre de débat oiseux qui tourne en rond et qui ne nous permet pas de continuer d'entendre M. Richard.

M. Charbonneau: Je ne me permets pas de juger des débats. La seule chose que je voudrais faire remarquer, M. le Président, c'est que cela m'intéresserait de savoir combien il va y avoir de témoins, de personnes concernant le mémoire comme tel, et non pas uniquement les témoins qui pourraient venir présenter d'autres mémoires pour appuyer la thèse. Là, on est rendu à deux personnes sur le même mémoire. Je veux seulement savoir combien de personnes le président de l'association entend faire entendre sur le mémoire en particulier.

Une Voix: II y en a 21.

Le Président (M. Bertrand): M. Richard a parlé de 21 personnes.

M. Charbonneau: 21 sur l'ensemble du dossier, monsieur.

M. Richard (Raymond): Sur notre mémoire et ce qu'on a préparé, 21 témoins, y compris les experts.

M. Charbonneau: Est-ce qu'on attaque les 21 pour passer?

Le Président (M. Bertrand): M. Richard, puis-je vous poser une simple question, s'il vous plaît? Est-ce que vous avez évalué le temps que vous auriez à prendre pour la lecture complète de votre mémoire, en incluant les 21 personnes.

M. Richard (Raymond): D'après le temps que nous avons évalué, nous en aurions pour la journée complète de demain, parce qu'on procède, comme je l'ai mentionné, avec les cinq ou six parties de notre mémoire, ou quatre témoins dans la partie qui nous intéresse actuellement: opération et travail de patrouille. Nous avons quatre témoins qui vont traiter exclusivement de cette partie du rapport. Par la suite, nous allons aller dans l'analyse des faits avec d'autres témoins. On a des témoins pour chaque partie, pour développer chaque partie du rapport. Je pense que cela devrait prendre toute la journée de demain, M. le Président.

M. Bédard: Avec votre permission. M. le Président, étant donné cet ordre de discussion que vous vous êtes donné, je pense qu'il y aurait peut-être lieu, concernant cette partie, d'entendre les quatre témoins que vous voulez y affecter. Ensuite, peut-être que la commission pourra réévaluer, selon les circonstances, s'il y a lieu de poser les questions maintenant ou plus tard.

M. Richard (Raymond): M. le Président, nous sommes tout à fait d'accord. Nous n'avons aucune objection. Nous allons procéder suivant les règles établies par la commission parlementaire.

Le Président (M. Bertrand): Vous avez bien cinq chapitres à présenter tels que décrits à la page 12.

M. Richard (Raymond): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Qu'un des témoins à faire entendre.

M. Richard (Raymond): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Alors, entendons le premier. Je pense qu'effectivement, il sera peut-être plus facile de travailler en vous posant des questions après chacun des chapitres.

M. Bellemare: M. le Président, si vous permettez, avec l'expérience du premier témoin qui va paraître, M. Michaud, on va pouvoir juger de l'opportunité d'entendre les trois autres. Ecoutez, si ce sont des redites, on est bien prêt à les entendre, on a le temps pour le faire. Seulement, je voudrais que vous compreniez que la commission parlementaire a aussi un temps précieux à consacrer à d'autres choses. On est actuellement à faire l'étude des crédits de tous les ministères. Le budget n'est pas encore adopté. Les discours sur le budget, il y en a trois de prononcés. On est en pleins travaux parlementaires. Je voudrais que vous compreniez qu'on est prêt à vous donner tout le temps voulu, mais il faudrait que vous compreniez aussi que le temps qu'on vous alloue, on l'enlève à bien du monde. Si c'est une redite, pour nous répéter l'expérience vécue, comme plusieurs autres l'ont lu à la fin de votre mémoire, on est capable de lire cela et on le comprend facilement. Si c'est cela que doit venir nous dire M. Mi-chaud, on le jugera, mais si ce sont des redites, il faudrait essayer de résumer cela, pour qu'on n'entende pas 21 personnes, qui prendront la journée de demain. Il y a aussi demain, des commissions parlementaires qui vont siéger de même que la Chambre à 15 heures. Il y a aussi la Sûreté du Québec, qu'il faut entendre cette semaine.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Johnson, je pense que nous pourrions, et nous inspirant de l'expérience qu'on vivra pour le premier chapitre "Opération et travail de patrouille", entendre les quatre. Par la suite, on verra bien les conclusions qu'il faut tirer.

M. Bellemare: Si ce sont des redites, écoutez...

Le Président (M. Bertrand): On verra bfen les conclusions qu'il faut tirer de semblables procédés. Alors, M. Richard, je vous laisse poursuivre avec la lecture du premier chapitre "Opération et travail de patrouille".

M. Barré: Si M. le Président me permet brièvement d'intervenir à ce stade... En réponse à la question soulevée par le député, c'est qu'effectivement, il peut y avoir des témoins qui seront entendus devant cette commission, et qui viendront témoigner sur un même aspect. Nous abordons actuellement l'aspect "Opération et travail de patrouille". Nous sommes d'avis que pour bien évaluer et apprécier le problème qui vous est soumis, il faut, d'abord et avant tout, bien comprendre en quoi consiste le travail du patrouilleur. Mainte- nant, le travail de patrouilleur n'est pas nécessairement le même, suivant qu'il s'effectue sur le boulevard Métropolitain à Montréal, en Gaspésie, à Sherbrooke ou ailleurs. Or, ce que nous avons voulu faire ressortir, ce sont toutes les implications du travail de patrouilleur, que ce soit en milieu urbain, semi-urbain ou rural, afin que vous ayez une idée complète, précise, de la situation ou du rôle du patrouilleur. Parallèlement...

Le Président (M. Bertrand): Excusez-moi, une seconde! Je pense qu'on s'est bien entendu. On va faire l'expérience, de cette façon, avec le premier chapitre "Opération et travail de patrouille". Je pense que, par la suite, il faudra quand même laisser aux membres de la commission parlementaire, le soin de tirer eux-mêmes les conclusions sur la nécessité de poursuivre le même type de déposition de rapports, par certains individus, pour les autres chapitres. Alors, si vous voulez, on va commencer avec celui-là, ensuite on verra.

M. Barré: On est entièrement d'accord là-dessus. Nous voulons simplement souligner qu'il nous avait été dit et bien indiqué que nous aurions, devant cette commission parlementaire, l'occasion de vider pleinement la question, afin que les membres de cette commission soient en possession de tous les éléments pour prendre les décisions qui s'imposent.

Le Président (M. Bertrand): II ne saurait être question de vous en priver, monsieur.

M. Ciaccia: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Bertrand): Quel numéro?

M. Ciaccia: 64. Non seulement l'article 64, mais le sous-article 3, si vous voulez vraiment qu'on soit explicite.

Le Président (M. Bertrand): Oui.

M. Ciaccia: Premièrement, M. le Président, je ne suis pas d'accord... On a l'impression qu'on veut nous couper la parole, chaque fois que les membres de l'Opposition veulent soulever une question. La raison pour laquelle on veut soulever cette question...

Une Voix: Vous charriez!

M. Ciaccia: C'est l'article 64-3. La raison pour laquelle je soulève cette question, c'est justement pour essayer d'appuyer les propos du député de Johnson. L'article 64-3 du règlement prévoit spécifiquement qu'à la commission parlementaire, ça prend seulement un représentant du gouvernement pour soumettre une motion qui va avoir pour effet que le gouvernement va dépenser des sommes additionnelles. C'est vrai que nous ici, à cette table, je vais le tenir pour acquis, nous connaissons tous la juridiction, le mandat possible d'une commission parlementaire. Mais peut-être que ces

gens qui nous font face ne savent pas les pouvoirs d'une commission parlementaire.

M. Bédard: On y viendra à ce point.

M. Ciaccia: Sur ce point, s'il vous plaît, M. le Président.

M. Vaillancourt (Jonquière): Voulez-vous le laisser parler, s'il vous plaît?

M. Pagé: Laissez-le terminer!

M. Ciaccia: S'il vous plaît! Je veux seulement terminer.

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas la place pour faire de la politique ici.

M. Ciaccia: Non, mais, écoutez...

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!

M. Ciaccia: M. le Président, ne serait-il pas... Voici ma question — je vais terminer cette question...

Le Président (M. Bertrand): Allez-y donc! Terminez! je vous en prie!

M. Ciaccia: S'il vous plaît! Ne serait-il pas temps, avant de continuer à entendre des témoins et ce mémoire, d'établir ce que ces gens pensent que nous pouvons faire? Peut-être que ça peut changer le nombre de témoins qu'ils vont avoir. S'ils savent qu'on ne peut pas prendre de décisions...

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!

M. Ciaccia: C'est ma question, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! A l'ordre!

M. Bédard: La meilleure manière de respecter les policiers, c'est de les écouter à l'heure actuelle. Alors, écoutons-les!

Le Président (M. Bertrand): M. le ministre de la Justice, je voudrais, s'il vous plaît, vous demander de collaborer avec les autres membres et les gens de l'Opposition aussi. Vous revenez sur le débat qui avait été engagé tantôt, M. le député de Mont-Royal. Cela a été réglé. Nous avons convenu d'entendre l'Association des policiers provinciaux. Nous avons décidé que nous tirerions les conclusions de l'expérience de l'audition de quatre personnes au chapitre "Opérations et travail de patrouille". Voulez-vous, s'il vous plaît, nous allons poursuivre nos travaux? Ces gens sont venus pour se faire entendre. Je pense que nous les empêchons de le faire.

M. Bédard: C'est ce que je viens de vous dire, M. le Président.

M. Ciaccia: C'était notre voeu de base qu'ils soient ici. C'est pour les entendre qu'ils sont ici. Nous verrons les représentations, quand elles auront été faites...

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! A I ordre! A l'ordre! M. Richard.

M. Richard (Raymond): Si vous le permettez, je laisse la parole à M. Michaud.

M. Michaud (Philippe): M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire, mon nom est Philippe Michaud. Je suis caporal à la Sûreté du Québec et attaché au poste de Sherbrooke comme assistant. Je suis entré à la Sûreté du Québec en janvier 1965. J'avais alors 19 ans. Au mois de décembre de la même année, après avoir fait un stage à Québec, je fus transféré au poste de New Carlisle, en Gaspésie, où je fus affecté à la route comme patrouilleur-enquêteur et aussi à l'escouade des alcools et de la moralité.

En septembre 1968, on me transféra au poste de Rimouski, où je fus successivement patrouilleur et enquêteur. Je fis, par la suite, un stage d'une année et demie au bureau de la sécurité routière de Rimouski et, en 1971, je fus muté à l'unité d'urgence du district du Bas-Saint-Laurent, jusqu'au mois d'août 1974. On me transféra alors à Sherbrooke, comme mentionné précédemment, tout d'abord comme lecteur, puis comme assistant au poste.

Voilà pour les présentations.

Maintenant, si on regarde un peu plus en détail ce travail effectué au cours de douze dernières années, nous pouvons constater que, durant près de dix années, j'ai travaillé comme patrouilleur au niveau des différentes unités.

Il m'a fallu alors travailler sur les trois relèves, soit de jour, de soir et de nuit.

Pour mieux vous faire connaître les fonctions inhérentes à un patrouilleur, nous parlerons indépendamment sur ces trois relèves en y apportant comme anecdotes quelques faits vécus.

Relève de nuit.

A son arrivée au bureau, le membre prend contact avec ses confrères de la relève précédente pour le "briefing" habituel. Puis, il part en patrouille dans son véhicule identifié. Il concentrera beaucoup plus son travail sur la prévention, vu le ralentissement marqué de la circulation durant la nuit. Il serpentera alors les routes secondaires et les places de villégiature. Il aura à vérifier de temps à autre certains véhicules suspects rencontrés sur ces routes. Plusieurs dangers viendront alourdir son travail: la noirceur, l'isolement des maisons d'habitation, le pourquoi de la présence de ce ou ces véhicules à ces endroits et enfin l'état du conducteur et passager du véhicule intercepté.

Une nuit, alors que je patrouillais seul, j'interceptai un véhicule qui circulait en zigzaguant. Je réalisai une fois sur l'accotement qu'il était occupé par cinq personnes qui étaient toutes en état d'ébriété très avancée. Personne ne pouvait me venir en aide car j'étais seul en devoir et le poste

le plus près se trouvait à environ 36 milles d'où j'étais. Il me fut alors impossible d'effectuer l'arrestation de l'individu sur place, car ils étaient cinq contre un. Je dus procéder par enquête afin de le mettre en accusation. Comme résultat, la non-efficacité de mon travail et une perte de temps importante. En outre, durant ces périodes de nuit, nous effectuons des vérifications des principaux commerces de nos territoires respectifs et là aussi, nombreux sont les dangers que nous courons. Nous avons fréquemment à arrêter des individus en flagrant délit. Pour terminer cette période nous avons aussi à patrouiller les grandes artères et à couvrir des accidents mineurs, majeurs et des délits de fuite. A deux heures de la nuit, j'intercepte un véhicule pour un feu arrière brûlé. Quoi de plus banal. Mais j'appris quelques minutes plus tard du jeune conducteur qu'il avait pris cette automobile dans une cour d'hôtel et qu'il voulait simplement se rendre chez lui à quelque dix milles de la ville. Il m'a fallu attendre qu'un confrère, qui était à quelque 20 milles vienne m'aider car je ne pouvais laisser mon prisonnier seul dans le véhicule départemental pendant que je m'occupais à fouiller ledit véhicule et à le faire remorquer dans un garage. Que serait-il arrivé si j'avais eu affaire à un dur à cuire?

Une autre nuit, vers les 3 h 30, je reçois un appel pour un accident avec blessés graves. Sur les lieux, je constate le très grand danger que nous courons tous, car l'accident est survenu sur une route sinueuse de la Gaspésie dans une courbe très prononcée et un des véhicules impliqués est au milieu de la route. Il y a deux blessés à l'intérieur.

Je dois secourir les blessés, prendre les détails, faire la circulation, appeler une ambulance et une remorque et prendre les déclarations des témoins. Je suis seul.

Parlons maintenant de la relève du soir. Cette relève a quelque chose de spécial en elle-même, car nous travaillons presque la moitié de ces neuf heures durant le jour selon les saisons. Donc, de nombreuses fonctions diverses peuvent être cumulées. Mentionnons les patrouilles statiques, les patrouilles préventives, la couverture d'accidents de toutes sortes, la continuation des enquêtes, le blocage routier, les opérations de radar, l'enlèvement des permis, les sommations et les subpoenas, la réception de plaintes diverses, ainsi que l'assistance à d'autres escouades.

La patrouille statique. Cette patrouille consiste à faire en sorte que les véhicules de la Sûreté du Québec soient vus de la circulation présente. On stationne nos véhicules dans des endroits névralgiques afin de faire penser au public d'être prudent sur nos routes. Souvent, au cours de ces patrouilles, nous recevons des messages de véhicules à surveiller ou à vérifier ou encore, si vu, à détenir. Il est arrivé au poste de Sainte-Anne-des-Monts où, par exemple, à la suite d'une tentative de vérification, le tout se termina par une poursuite sur une distance de plus de 25 milles. L'agent réussit à intercepter le véhicule suspect et à saisir une certaine quantité d'alcool frelaté. L'agent avait conduit à des vitesses folles, tiré des coups de feu et demandé l'aide d'un poste voisin, Matane, et ce au cours de la poursuite. Il était seul.

Patrouille préventive. Nous en avons parlé, au sujet de l'équipe de nuit et la même chose se répète au niveau de la sécurité. Une bonne patrouille préventive, faite dans des conditions sécuritaires pour les parties en cause, peut amener comme résultat une baisse de la criminalité et une hausse du taux de solution de la criminalité.

Accidents mineurs et majeurs et délits de fuite. Au cours d'une période de travail, nous sommes appelés à nous rendre sur le lieu de nombreux accidents, les uns mineurs, d'autres majeurs. On ne sait jamais ce que nous réserve un accident; conducteur en état d'ivresse, lieu de l'accident précaire par rapport à la circulation, mauvaise position des blessés dans le véhicule ou encore un ou des véhicules volés impliqués dans ces mêmes accidents. Tous ces facteurs font que nos patrouilleurs sont vraiment exceptionnels pour pouvoir réussir à s'en tirer, mais, oui, et parfois à quel prix! Parfois, c'est le public qui risque de payer la note. Je me souviens d'un après-midi vers les seize heures, à Oaktown, en Gaspésie, où un camion citerne de gaz propane avait brisé l'une de ses valves.

Le liquide volatile s'échappait sous pression, créant un nuage opaque sur une distance de 50 pieds de longueur par 20 pieds de hauteur. La circulation était bloquée et les curieux s'étaient rassemblés. Je n'ai pu contenir qu'une partie de la foule car j'étais seul. Puis, à un moment donné, je vis à travers le nuage un vieil homme s'aventurer avec son cheval et son traîneau, nous étions au printemps. Il aurait suffi d'une seule étincelle provoquée par le fer du traîneau pour que l'explosion se produise. Selon le chauffeur du camion, aucune des quelque soixante personnes présentes n'aurait survécu à la suite de cette déflagration.

Opération radar. Même si, automatiquement, le radar fonctionne avec un minimum de deux hommes, un opérateur et un intercepteur, il serait bon de préciser que celui qui manoeuvre l'appareil ne peut être considéré comme deuxième homme puisqu'il est stationné à quelque 2000 pieds de son confrère et qu'au cas d'un incident lors d'une interception, il n'aurait pas le temps d'intervenir. Le problème ne se présente que rarement, heureusement.

Relève de jour. Pour cette période, la plupart des fonctions du soir et de la nuit se trouvent dans ce champ quotidien. Nous notons l'absence du facteur de la nuit, mais, par contre, selon les statistiques, nous couvrons environ 25% plus de cas répartis en interceptions de véhicules, accidents de circulation, émissions de billets d'infraction, sans compter les avis de 48 heures.

Nous couvrons aussi deux fois les heures de pointe, soit le matin et le midi. Aussi si l'on tient toujours compte des statistiques, nous pouvons dire sans crainte d'erreur que les vols qualifiés ont lieu en majeure partie durant les heures de travail, le jour. Que risque-t-il de survenir si un de nos patrouilleurs est pris sur la scène d'un tel crime? Vous en connaissez tous la réponse aussi bien que

moi, messieurs.

Juin 1968, 15 h 10. Appel de la banque de Nouvelle-Ecosse de Port-Daniel, vol à main armée. Par pure coïncidence, au même moment, l'agent Paradis prend en chasse, non loin des lieux, un véhicule qui circule à haute vitesse. C'est le véhicule des voleurs. Paradis ne le sait pas et les trois occupants sont armés jusqu'aux dents. La poursuite se fait sur une distance de près de 18 milles, puis l'un des "Gunmen" lui tire dessus à travers sa vitre arrière. L'agent Paradis ne peut riposter car il est impossible, à cette vitesse, de conduire et de tirer en même temps. Les "gunmen" réussissent à s'enfuir dans les bois après avoir abandonné leur véhicule. Ils sont arrêtés deux jours plus tard au cours de l'opération 100.

Ces derniers temps, j'ai, par la force des événements, fait une rétrospective de mes dix années de travail comme patrouilleur.

Je remercie dame chance d'être encore vivant aujourd'hui, car combien de fois, seul à bord de mon véhicule de patrouille, ai-je poursuivi, à des vitesses excessives, des individus qui étaient, soit en état de boisson, en conduite dangereuse, en délit de fuite ou au cours d'un vol de véhicule ou autre et qu'en même temps, je parlais "sur" la radio pour tenter de donner ma position et j'essayais de griffonner sur ma tablette le numéro de plaque afin de ne pas l'oublier, au cas où. Dieu qu'un compagnon m'aurait été utile.

Comme nous venons ensemble de le constater, les mêmes travaux ou fonctions se rencontrent sur les trois relèves. Sur les relèves 1 et 3, nous travaillons officieusement jumelés tandis que sur la relève 2, nous sommes seuls. Or, un accident de la circulation couvert le jour ou la nuit comportera toujours les mêmes implications au niveau de la sécurité.

Une vérification de routine faite le jour ou la nuit représentera toujours le même fort pourcentage de danger. N'oublions pas les 25% de plus d'interceptions le jour. Un individu arrêté en état de boisson le jour ou la nuit apportera toujours le même danger d'agressivité et de résistance.

Et enfin, l'arrestation ou l'interception d'individus ayant commis un vol qualifié ou étant recherchés pour crime majeur, comportera toujours les mêmes dangers, le jour ou la nuit.

Je suis profondément convaincu qu'en travaillant deux par véhicule, en tout temps, nous réaliserons une meilleure efficacité dans notre travail et que dans cette condition, le policier et le public se sentiront plus protégés.

Le Président (M. Bertrand): Merci. Il est six heures trois minutes. Normalement, nous aurions dû ajourner les travaux de la commission à six heures. Je crois qu'il a été convenu à l'Assemblée nationale, de nous réunir demain matin, à dix heures.

Les travaux de la commission parlementaire de la justice sont ajournés à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 18 h 4)

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