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Etude des crédits du ministère de la
Justice
(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs, s'il vous
plaît! La commission de la justice est réunie pour étudier
les crédits budgétaires du ministère de la Justice. Les
membres de la commission, pour la présente séance, sont: MM.
Alfred (Papineau), Bédard (Chicoutimi), Blank (Saint-Louis), Charbonneau
(Verchères), Ciaccia (Mont-Royal), Clair (Drummond), Fontaine
(Nicolet-Yamaska), Johnson (Anjou), Laberge (Jeanne-Mance), Lacoste
(Sainte-Anne), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); Fallu (Terrebonne) en
remplacement de Marois (Laporte); Samson (Rouyn-Noranda), Shaw (Pointe-Claire),
Springate (Westmount); Burns (Maisonneuve) en remplacement de Proulx
(Sainte-Jean) ou l'inverse?
M. Proulx: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Clair): Comme membre permanent?
M. Proulx: Oui, depuis hier, à l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Clair): Effectivement, si c'est un
changement intervenu hier. MM. Tardif (Crémazie), Vaillancourt
(Jonquière). Le député de Verchères accepterait-il
d'agir comme rapporteur de cette commission?
M. Charbonneau: Oui, M. le Président. M. Lalonde:
L'Opposition est d'accord. Le Président (M. Clair): Vous acceptez?
Oui.
M. Charbonneau: Nous n'en attendions pas moins de vous.
Le Président (M. Clair): Messieurs, comme vous avez pu le
constater...
M. Bédard: ... lu très bien. M. Lalonde: Oui, je
l'ai déjà lu. M. Bédard: Vous vous le rappelez? M.
Lalonde: Je me le rappelle, oui.
Le Président (M. Clair): ... je suis membre de cette
commission et la présidence m'a demandé de préciser. Je
vous demanderai plus d'indulgence que n'en a eu la présidence en me
demandant de présider puisque j'aurais fort aimé participer au
débat. J'espère que vous ne me ferez pas grief d'être
à la fois président et membre de cette commission. Je tenterai
d'être aussi objectif que possible.
M. Lalonde: M. le Président, je pense qu'on concourt au
choix du président. On vous fait confiance en ce qui concerne votre
impartialité, sans aucun doute. J'ai cru comprendre que le
président participerait au débat; je n'ai jamais vu cela dans une
commission parlementaire.
M. Bédard: Ce n'est pas ce qu'a voulu dire le
président.
Le Président (M. Clair): Je n'ai pas l'intention...
M. Lalonde: Ce n'est pas ce qu'il a voulu dire, ah, bon!
Le Président (M. Clair): ... de participer au
débat.
M. Lalonde: Tout ce que je peux déplorer, c'est que vous
ne puissiez pas participer au débat. On l'aurait bien aimé.
Le Président (M. Clair): Vous ne pouvez le déplorer
plus que moi. M. le ministre.
Exposé préliminaire du ministre
Marc-André Bédard
M. Bédard: Au début des travaux de cette
commission, pour le bénéfice des membres de la commission, je
voudrais présenter ceux avec qui j'ai l'occasion de collaborer tous les
jours, au niveau du ministère de la Justice, qui m'accompagnent ce
matin: Me Robert Normand, sous-ministre; Mlle Lyse Lemieux, sous-ministre
associé aux affaires civiles et pénales; le Dr Maurice Gauthier,
sous-ministre à la détention et à la probation; M.
François Tremblay, sous-ministre aux affaires criminelles; M.
René Langevin, sous-ministre aux bureaux d'enregistrement, aux
regis-traires et à l'administration. Est-il ici?
Egalement, M. Paul Benoît, sous-ministre à la
sécurité publique: M. Paul Brown, responsable de la protection
civile et des mesures d'urgence; Me Daniel Jacoby, directeur
général des affaires législatives; M. Pierre-G. Dorion,
directeur général des greffes; M. Verreault, assistant du
directeur général des greffes; M. Jean-Claude Dubois, directeur
du budget; M. Jacques Dufour, adjoint de M. Dubois; M. Clément
Ménard, directeur général du personnel; Mme Lyne Fournier,
adjointe de M. Ménard; M. Réal Dionne, directeur de
l'équipement et de l'aménagement; M. Jean-Marc Ruel, directeur
des services comptables; M. le juge Roger Gosselin, président de la
Commission de police; M. Paul Lemelin, adjoint administratif de la commission;
M. le juge Jacques Trahan, président de la Commission de contrôle
des permis d'alcool; M. le juge Guy Dorion, président du Tribunal de
l'expropriation; M. René Hurtubise, président de la Commission
des droits et des libertés de la per-
sonne; M. Yves Lafontaine, vice-président de la Commission des
services juridiques; M. René Morin, directeur des services financiers de
la commission; M. Jacques Tellier, président du comité de
protection de la jeunesse; M. Paul Pé-riard, vice-président du
comité de protection de la jeunesse; M. Pierre Morin, responsable des
coroners et des morgues; M. Raymond Labrecque, adjoint administratif aux
affaires criminelles.
M. le Président, je voudrais dire qu'en entrant au
ministère, j'ai trouvé chez tous ceux que je viens de nommer, et
à tous les échelons, une équipe prête à
travailler solidairement avec moi, afin de donner aux Québécois
une meilleure administration de la justice. Egalement, dès mon
entrée en fonction, je voudrais mentionner d'une façon
particulière que j'ai trouvé chez Me Robert Normand,
sous-ministre en titre, un précieux collaborateur.
J'ai été à même de constater et
d'apprécier son dévouement inlassable et son sens des
responsabilités. Egalement, j'ai été à même
d'apprécier chez lui un sens de loyauté sans réserve,
doublé d'une efficacité remarquable qui est sans doute due
à un jugement sûr basé sur une expérience de
plusieurs années.
J'ai également pu apprécier chez lui, ce qui est bien
important pour un ministre qui entre en fonction, un sens de la
solidarité et également un idéal qu'on peut facilement
déceler chez lui de bien servir. Je voudrais d'une façon
générale exprimer le plaisir que j'ai, depuis le 15 novembre, de
travailler avec lui et son équipe.
M. le Président, dans un premier temps, j'aimerais
présenter aux membres de la commission une revue générale
des principaux secteurs d'activité du ministère de la Justice. A
l'examen du livre des crédits déposé par le ministre des
Finances, vous constaterez que les crédits du ministère de la
Justice se répartissent en sept secteurs et seize programmes.
Quatre de ces programmes représentent 79,1% du total du budget du
ministère, à savoir la Sûreté du Québec, $135
213 600, ce qui représente 41% du budget; fonctionnement du
système judiciaire, $53,7 millions, 16,1%; la garde des détenus
et des prévenus, $43 115 500, 13,1%; l'aide juridique et
financière, $28 978 300, pour un pourcentage de 8,8%.
J'ai dressé, M. le Président, à l'intention des
membres de la commission, une liste de projets, tant au point de vue
administratif que législatif, qui devront être amorcés
d'ici à la fin de la présente année financière. Au
niveau des orientations dont certaines modifieront, je crois,
profondément, au cours des prochaines années, le monde
judiciaire, policier et pénitentiaire, il faut mentionner notamment la
réévaluation des mécanismes et des structures de lutte au
crime organisé, la détermination de la façon dont nous
allons adopter le nouveau Code civil, tout en assurant une consultation
adéquate et une information tant de l'ensemble de la population que du
judiciaire, ainsi que la préparation des ajustements administratifs
nécessaires à son application d'une façon
cohérente.
L'évaluation des résultats du projet pilote de
Longueuil et, s'il y a lieu, la poursuite de l'intégration des
cours municipales de façon progressive est sur une base volontaire,
cependant, et l'examen des recommandations du groupe de travail sur les
fonctions policières, qui doit remettre son rapport annuel à
l'automne.
Enfin, face à la surpopulation que nous connaissons dans les
établissements de détention qui relèvent de notre
juridiction, il nous faudra non seulement accélérer et
étendre le programme des mesures alternatives à
l'incarcération mais il faudra aussi explorer de nouvelles avenues.
Au point de vue législatif, je poursuis actuellement l'examen des
projets de loi suivants que j'entends soumettre incessamment à
l'Assemblée nationale. Premièrement, des amendements au Code de
procédure civile dont celui qui portera à $500 la juridiction de
la Cour des petites créances, des amendements à la Loi de police
et à la Loi de la communauté urbaine de Montréal, des
amendements au Code civil relativement à la puissance paternelle. De
plus, je déposerai cet automne un projet de loi sur la
réorganisation des tribunaux judiciaires et quasi judiciaires.
Le ministère de la Justice a aussi collaboré
étroitement à l'élaboration de la Loi de la protection de
la jeunesse et à la Loi instituant l'action collective.
Enfin, j'ai l'intention de procéder à l'examen de la Loi
des règlements et procédures administratives de la Commission de
contrôle des permis d'alcool.
Au niveau administratif, j'entends intensifier la formation et le
perfectionnement des policiers, notamment au niveau de la police municipale.
J'entends également améliorer la lutte au crime économique
et fournir à cette fin à la Sûreté du Québec
des moyens plus appropriés.
Enfin, les Statuts refondus seront publiés au cours de la
présente année financière.
Avant d'aborder le détail des crédits au niveau des
programmes, j'aimerais formuler quelques commentaires sur le budget de
l'année 1976/77 et indiquer aux membres de cette commission les
écarts réels entre le budget de l'année passée et
celui de l'année 1977/78. Aux pages 16-1 et 16-2 du livre des
crédits pour l'année 1977/78, vous constaterez que les
crédits demandés par le ministère de la Justice se
totalisent à $329 733 300 comparativement au budget modifié de
$328 971700 pour l'année 1976/77, soit une augmentation apparente de
moins de 1%. . Toutefois, si on procède à un examen plus
détaillé des crédits de l'année 1976/77, nous
constatons que les crédits concernant la rétroactivité des
traitements, l'aide financière apportée aux victimes d'inondation
et les Jeux olympiques ne sont pas reconduits pour le budget de 1977/78.
L'Assemblée nationale a approuvé, au début de
l'exercice 1976/77, des crédits originaux de $277 257 700, si l'on
exclut les programmes de la Commission des loyers et de la Régie des
loteries et courses, lesquels ont été transférés au
ministère des Affaires municipales et au ministère du Revenu
respectivement.
Durant l'exercice 1976/77, les crédits addi-
tionnels de $51 714 000 furent obtenus de la façon suivante:
fonds de suppléance, $15 903 600; mandats spéciaux, $20 000 000;
budgets supplémentaires, $15 810 400. L'octroi de ces crédits
additionnels a été rendu nécessaire pour répondre
aux besoins suivants: d'abord, la mise en application des conventions
collectives et des ajustements aux traitements, $19 467 700; l'aide
financière aux victimes d'inondation, $20 000 000; les ressources
requises afin d'assurer une certaine sécurité au niveau des Jeux
olympiques, $7 600 000; l'impact budgétaire de l'augmentation du volume
et des prix, $3 355 300; l'expansion apportée au niveau de certaines
activités du ministère telles que la Commission des droits et
libertés de la personne, Commission de refonte des lois, Service
d'enquête sur le crime organisé, etc., $1 291 000.
Les ressources additionnelles pour donner suite à la mise en
application des conventions collectives et à l'augmentation du volume
furent affectées principalement au niveau des programmes suivants:
Sûreté du Québec $4 286 500; établissements de
détention, $6 480 000, ce qui représente une augmentation du
volume de $1 615 000; traitements des juges, $3 400 000; Direction
générale des griefs $1 095 000, ce qui représente une
augmentation de volume de $720 000; aide juridique, $2 884 100; indemnisation
des victimes d'actes criminels, $600 000, et d'autres dépenses pour un
montant de $1 322 000.
Si l'on exclut des crédits prévus au budget comparatif de
1976/77 les montants qui furent accordés pour l'aide financière
aux victimes d'inondation, à savoir $18 000 000, et pour assurer la
sécurité pour les Jeux olympiques, $9 000 000, l'augmentation du
budget du ministère est de $28 260 000, soit un taux de croissance de
9,4%.
Ces crédits de $28 260 000 sont pour les fins suivantes: mise en
application des conventions collectives, $14 millions; augmentation du volume
et des prix, 135 postes, pour un montant de $8 960 000; mise sur pied d'un
système de plai-doierie interne, ce qui représente 180 postes,
pour un montant de $2 100 000; crédits additionnels pour donner suite
à l'augmentation du nombre de jours-homme de travail afin de permettre
de combler les postes réguliers déjà prévus, $2 300
000; mise sur pied de différents projets ce qui a
nécessité 40 postes, pour un montant de $900 000.
Au niveau de l'augmentation du volume et des prix, des ressources
additionnelles de $8 960 000 et de 135 postes seront affectées
principalement au niveau des programmes suivants: Direction des
établissements de détention, 35 postes, pour un montant de $2 926
000; Aide juridique, $1 458 000; Direction générale des greffes,
45 postes, pour $395 000; Sûreté du Québec, 35 postes, pour
un montant de $3 400 000; Commission de contrôle des permis d'alcool,
entre autres, transfert aux municipalités des droits perçus sur
la vente de spiritueux, 5 postes, $375 000, et d'autres programmes qui
représentent 15 postes pour un montant de $406 000.
Malgré des contraintes budgétaires, j'ai obtenu du Conseil
du trésor des crédits pour permet- tre le démarrage, la
réalisation de certains projets et l'expansion de certains services. Ces
projets sont: la mise sur pied de la Commission de refonte des lois, $500 000;
l'intensification du rôle et des fonctions de la Direction
générale de la sécurité publique, 3 postes, $140
000; l'intensification de la formation et du perfectionnement des policiers, 5
postes, $240 000; l'augmentation des moyens d'action du Comité de
protection de la jeunesse, 11 postes, $120 000; l'expansion du Service de
l'informatique, 18 postes, $160 000; l'amélioration des services
d'analyse et de contrôle, 3 postes $40 000.
Le ministère de la Justice étant un ministère de
services, le personnel constitue naturellement notre principale ressource.
L'effectif permanent du ministère s'établit à 12 928,
comparativement à 12706 pour l'année 1976/77.
Toutefois, si l'on tient compte des 100 postes accordés au cours
de 1976/77 pour le service des plaidoiries internes et de la correction de 33
postes de l'effectif des juges de l'élément 1, formulation de
jugements, du programme 1, fonctionnement du système judiciaire,
l'augmentation réelle est de 355.
En ce qui concerne les employés occasionnels, la réduction
de 85 hommes-année est due au fait que les ressources requises pour les
projets suivants ne se répéteront pas au cours de l'année
1977/78; entre autres, le bureau d'aide financière pour les victimes
d'inondation, 50, les postes prévus afin de fournir le soutien
nécessaire pour assurer le fonctionnement des activités de la
Commission des loyers, 30 postes, et le transfert de juridiction qui a
touché 5 postes.
Je voudrais ici signaler le danger de tirer des conclusions uniquement
sur la base des chiffres apparaissant au budget. Ainsi, en matière de
personnel, l'effectif autorisé est une chose et le personnel en place en
est une autre. Il peut y avoir un écart quand même
considérable entre ces deux données. A titre d'exemple,
l'effectif autorisé du personnel de surveillance des
établissements de détention est passé de 1778 à
1885, soit une augmentation de 107 postes. De ces 107 postes additionnels, 82
furent accordés au cours de l'année 1976/77. Malgré cette
injection, l'effectif en place n'est passé que de 1718 postes, en date
du 15 août 1976, à 1779 postes occupés en date du 2 mai
1977, soit une augmentation de 61 personnes.
Par suite de l'effort conjugué de nos directions de la
détention et du personnel au niveau du recrutement et grâce aux
postes additionnels accordés pour le présent exercice financier,
je prévois qu'il y aura plus de 150 surveillants additionnels dans nos
établissements de détention au cours de l'année
1977/78.
Les revenus prévus pour l'année 1977/78 ont
été évalués à $76 505 000. Ces revenus se
répartissent comme suit, au niveau des principales catégories:
droits et permis sur la vente des boissons alcooliques, $23 750 000; amendes et
infractions imposées en vertu du Code de la route, $14 300 000;
enregistrement de droits, $9 500 000; contributions payées par les
policiers à un régime de retraite, $5 650 000; amendes
imposées en
vertu du Code criminel, $6 500 000; contributions du gouvernement du
Canada pour l'aide juridique et la protection civile, $3 520 000; autres
sources de revenus, $4 785 000.
Ces prévisions furent établies en tenant compte du taux de
croissance de certaines catégories de revenu au cours de l'année
1976/77. Pour l'année 1976/77, les revenus seront de l'ordre de $68 845
700. Des augmentations de revenu sont prévues au niveau des points
suivants: droits et permis sur la vente de spiritueux et de vins aux
détenteurs de permis, $2 millions; enregistrements de droits et actes
judiciaires, $1 600 000; amendes et infractions imposées en vertu du
Code de la route, $2 600 000; amendes imposées en vertu du Code
criminel, $1 500 000.
Concernant le budget des équipements, j'ai soumis au ministre des
Travaux publics et de l'Approvisionnement notre programmation des
équipements pour l'année 1977/78. Cette programmation comprend le
parachèvement de certaines constructions, de nouvelles initiatives et
aménagements majeurs. Nous avons obtenu du ministère des Travaux
publics et du Conseil du trésor une enveloppe budgétaire de $20
800 000 pour la réalisation de ces projets. Cependant, je suis conscient
qu'au cours des deux dernières années le budget des
équipements du ministère de la Justice a été
grandement affecté par des difficultés financières et
administratives, mais je suis confiant que nous parviendrons, cette
année, à cause de l'état de vétusté de
certains édifices je pense, notamment, aux prisons de Sherbrooke,
Trois-Rivières, Saint-Jérôme et Sept-lles à
réaliser concrètement une part plus importante de ce budget.
Au cours de votre analyse des crédits, au niveau des programmes,
il me fera plaisir de vous fournir de plus amples renseignements sur certains
aspects de la gestion que vous aimeriez analyser plus en détail. Par la
même occasion, je vous préciserai les réalisations des
responsables de programmes et les actions qui ont été prises pour
résoudre les problèmes qui se posent dans le cadre des
opérations courantes. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Clair): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Commentaires de l'Opposition M. Fernand
Lalonde
M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord m'associer au ministre en ce qui concerne les bons mots qu'il a eus
à l'égard des fonctionnaires du ministère de la Justice.
Ayant eu à les connaître presque tous, ceux qui sont ici, au
moins, et d'autres qui ne sont pas ici, pendant un peu plus d'un an, je
concours carrément, et avec enthousiasme, à l'appréciation
que le ministre a eue à leur égard. Compétence,
désir de travailler, de faire toujours mieux, loyauté, ce sont,
je pense, des qualités que l'on retrouve à peu près
à tous les niveaux. Il est malheureux que seulement un petit nombre,
quoique assez impressionnant je ne sais pas si le ministre a voulu
m'enterrer sous le poids de toutes ces compétences soit ici
présent.
M. Bédard: Non, je veux essayer de vous donner le plus de
renseignements possible, conscient de mes possibilités.
M. Lalonde: Non seulement chez ceux qui sont ici, mais chez
d'autres, on retrouve ces qualités et je suis sûr que c'est chez
ces fonctionnaires que le gouvernement pourra trouver un appui véritable
non seulement pour préparer des politiques, pour en faire
l'administration, mais aussi, je l'espère, pour l'empêcher de
faire des erreurs. On dit que la machine administrative est immense, est
grosse, c'est vrai. Dans un certain sens, c'est lourd à porter, mais
d'un autre côté cela assure une continuité qui, souvent,
nous évite des erreurs.
Plus particulièrement à l'égard du sous-ministre,
le ministre a eu des bons mots, tout à fait mérités et j'y
concours entièrement.
M. le Président, à l'occasion des premiers crédits,
non seulement d'un nouveau ministre de la Justice, mais d'un nouveau
gouvernement, je pense qu'on doit éviter de chercher la bête
noire. Je le dis avec d'autant plus de conviction que l'an dernier
c'étaient mes premiers crédits, et ce n'est pas ce qu'on a fait
à mon égard. Je pense que les budgets des années 1977/78
et 1976/77 se ressemblent beaucoup. Il y a les détails que le ministre
vient de nous donner sur les augmentations, que nous pourrons analyser dans les
nouvelles entreprises du gouvernement à propos des $28 millions
d'augmentations, les lois dont on nous a donné quelques détails,
mais j'avoue que la présentation du ministre m'a beaucoup
déçu.
J'aurais espéré qu'à l'occasion de cette
première présentation de crédits le ministre en profite
pour informer la commission, dont l'Assemblée nationale, dont nous
sommes une créature ou une extension, et le public sur les grandes
orientations de son ministère. Six mois, si ce n'est pas suffisant pour
connaître en détail tous les programmes et toutes les
opérations quotidiennes, c'est sûrement suffisant pour qu'un
nouveau gouvernement, et plus particulièrement un ministre de la Justice
se fasse une idée, acquière une conception de son rôle.
Je le déplore d'autant plus, M. le Président, parce qu'on
a eu l'occasion, depuis six mois, de se poser des questions quant à la
conception que le ministre se fait de son rôle. Je prendrai seulement
quelques exemples, je veux parler de la décision du cabinet et du
ministre concernant le retrait des plaintes sur les lois 253 et 23. J'en
prendrai aussi à témoin le comportement du ministre relativement
à l'accident où a trouvé la mort M. Edgar Trottier et,
enfin, le comportement du ministre en ce qui concerne la Charte des droits et
libertés de la personne vis-à-vis de la charte linguistique.
Ces trois exemples sont de taille. On peut s'attendre, même d'un
ministre expérimenté, des erreurs quotidiennes mais, pourvu que
la moyenne
au bâton soit bonne, on peut juger favorablement un gouvernement.
Il y a aussi des erreurs de jugement concernant des décisions
importantes, mais qu'on peut corriger. Cela encore c'est humain et c'est dans
l'ordre des choses. Mais, lorsque c'est ce que je considère une erreur
quant à la nature de la fonction que l'on occupe, à ce
moment-là je dois prendre l'occasion de ces crédits pour rappeler
et demander au ministre de bien se convaincre, se persuader de l'importance de
sa fonction comme ministre de la Justice.
On s'attend que le ministre de la Justic c'est assez traditionnel
dans notre régime politique de responsabilité
ministérielle soit un ministre, surtout à cause de sa
fonction de Procureur général, en ce qui concerne l'application
du Code criminel et aussi des lois pénales, on s'attend, dis-je, que le
ministre de la Justice conserve constamment une distance avec le gouvernement;
que le ministre de la Justice, dans certaines décisions, soit en
deça ou au-delà, ou enfin au-dessus, en dehors, s'il le faut, du
groupe des autres ministres, y compris le premier ministre.
On s'attend, et cela est une tradition longuement établie dans
notre système parlementaire d'origine britannique, que le Procureur
général prenne ses décisions de façon
complètement indépendante du gouvernement. Là
réside la crédibilité du Procureur général
et là réside aussi la protection de l'intégrité de
sa fonction.
Je rappelle au ministre que dans un cas analogue, il y a quand
même quelques années, il s'agit du Campbell's Case, qui est
arrivé dans les années 1920 en Angleterre, un gouvernement a
été renversé, a dû quitter les rênes du
pouvoir, justement parce que les membres du cabinet et le premier ministre
s'étaient un peu trop impliqués dans une décision,
à savoir si on devait soit porter plainte ou retirer des plaintes au
criminel. C'est avec autant de sérieux que cela qu'on considérait
la décision ou l'implication du cabinet. Plusieurs
éléments analogues, on les retrouve dans le Campbell's Case, dans
les années 1920 il s'agissait, je crois du premier gouvernement
travailliste et dans la façon de procéder du ministre et
du gouvernement en ce qui a trait au retrait des plaintes suivant les lois 23
et 253.
Le ministre a invoqué la justice sociale. Naturellement, à
force de parler de justice sociale, à un moment donné on ne sait
pas ce que c'est, et le ministre a négligé de nous dire quels
étaient les paramètres de sa justice sociale. Il importe que le
gouvernement, s'il a l'intention de changer la so-, ciété, il
nous dise quelle société il veut implanter. Si le gouvernement
considère que des lois ne sont pas conformes à sa conception de
la société, qu'il nous dise quelles sont ces lois. Lorsque j'ai
demandé au ministre, en Chambre, lors de l'incident des lois 23 et 253
quelles lois le citoyen devraient maintenant respecter, le ministre a
semblé trouver ma question déplacée. Mais cela revient
à cela. Le ministre de la Justice est le gardien de ce que la
démocratie a de plus fondamental, la loi.
Si des lois adoptées conformément à notre
régime démocratique sont considérées comme
étant contraires à la conception qu'un nouveau gouvernement se
fait de la société, c'est son devoir de dire à la
société et aux citoyens quelles sont ces lois. Est-ce que ce sont
toutes les lois qui imposent aux travailleurs des obligations? A ce
moment-là, il faudrait dire que ce sont ces lois et dire aussi quelles
autres lois que les lois 23 et 253. Est-ce que la loi ou la
réglementation, par exemple, qui impose le permis de travail dans le
domaine de la construction pour tout travailleur et qui, contrairement aux lois
23 et 253, cause des inconvénients graves non pas à ceux qui ne
veulent pas travailler, mais à ceux qui veulent travailler, est conforme
à la justice sociale telle que conçue par le nouveau
gouvernement?
J'invite le ministre à prendre connaissance du Campbell's Case
avec beaucoup d'attention. Je peux même lui donner la
référence, c'est dans un bouquin qui s'appelle "The Law Officers
of the Crown", de J. Edwards, où on étudie en détail cet
incident qui a mené au renversement d'un gouvernement par la
négligence du Procureur général de bien protéger
l'intégrité de sa fonction. Quant à l'accident, le
défaut ou la négligence du ministre de la Justice de prendre ses
distances, encore une fois, dans un cas où son chef, celui-là
même qui l'avait nommé, était personnellement
impliqué, a créé dans l'esprit de beaucoup de gens, dont
je me fais le porte-parole... C'est mon devoir, même s'il est assez
délicat, de parler d'un cas qui a troublé et qui trouble encore
beaucoup de Québécois, même ceux qui sont sympathiques
naturellement à ceux...
M. Charbonneau: Vous êtes le seul à avoir le front
de faire cela.
M. Lalonde: Est-ce que le député veut
bâillonner, lui qui s'est...
M. Charbonneau: Non, continuez, vous êtes bien parti.
M. Lalonde: ... institué le député-limier
lors de cet accident, je ne sais pas à la demande de qui? Est-ce que
vous représentiez le ministre de la Justice à ce
moment-là?
M. Charbonneau: Non. Vous pouvez revenir sur cela, si cela vous
fait plaisir.
M. Lalonde: Bon. Alors, dans ce cas-là, on devait
s'attendre que le ministre protège l'intégrité de sa
fonction. Je l'avais invité, pas publiquement je ne l'avais pas
fait de façon partisane mais par une lettre, que je n'avais pas
publiée, à faire attention, à se tenir à distance
de cette situation pour protéger l'intégrité de sa
fonction. Or, il ne l'a pas fait. Je l'ai demandé une deuxième
fois après sa décision, immédiatement après que je
le lui avais demandé publiquement. Je ne voulais pas faire de politique
avec cela, je pense que c'est trop important, mais le ministre a
été muet. Je l'ai redemandé lors du débat sur le
discours inaugural, en donnant un peu plus en détail les raisons pour
lesquelles le ministre aurait dû ne pas se mettre dans cette situation,
aurait dû ne
pas intervenir dans la décision du coroner en lui demandant de la
réviser. Là encore, le ministre n'a pas cru bon de
répondre à nos demandes. C'est un autre incident important
où on est en droit de se poser des questions quant à la
conception que le ministre se fait de ses fonctions.
Encore aussi importante a été la position du ministre
relativement à la Charte des droits et libertés de la personne.
Après s'être engagé en Chambre à faire en sorte
qu'aucune disposition de cette loi ne soit violée par la loi sur la
langue, le ministre a je ne sais si c'est par ignorance ou par cynisme
dit que, puisqu'on change la Charte des droits et libertés de la
personne, on ne la viole pas. Il sait très bien que, dans l'esprit des
gens, son engagement à voir à ce que la Charte des droits et
libertés de la personne soit respectée signifiait qu'elle soit
respectée telle qu'elle était à ce moment-là, non
pas qu'on l'amputerait pour ensuite la respecter. Drôle de façon
de respecter une loi que de lui enlever des droits. C'est important parce que
la Charte des droits et libertés de la personne, c'est fondamental et
au-dessus de toute politique, au-dessus de toute partisanerie, de tout parti
politique, couleur, race, langue, religion. C'est fondamental pour chacun des
citoyens. Là, le ministre de la Justice est, en quelque sorte, le
protecteur de tous les citoyens.
Avec quelle jalousie devrait-il protéger ce document qui
représente ce qui est fondamental dans les droits et les libertés
des gens! Avec quelle jalousie devrait-il s'opposer! Dans cette fonction, il se
trouve presque constamment en opposition avec ses collègues. C'est assez
normal parce que, lorsqu'on légifère pour collectiver, en quelque
sorte, des démarches du gouvernement, on se trouve à diminuer les
libertés des gens souvent pour de meilleurs intérêts
communs. Mais, quand même, quotidiennement, chacun de ses
collègues va se trouver à proposer soit des lois ou des
règlements qui vont affecter les droits et libertés des gens, et
c'est au ministre de la Justice, qui est au-dessus du cabinet, de
protéger jalousement la Charte des droits et des libertés de la
personne, de permettre qu'elle ne soit changée qu'après un
processus d'étude et un processus démocratique le plus
détaillé possible.
C'est pour cela que je trouve absolument impensable qu'on ampute tout ce
qui concerne la langue, dans la Charte des droits et libertés de la
personne, sans soumettre la question à la Commission des droits de la
personne de façon formelle, et sans même soumettre l'amendement
à la Charte à la commission parlementaire de la justice.
Ce sont les trois exemples que je voulais mentionner, tout simplement
pour illustrer jusqu'à quel point je me pose des questions sur la
conception que le ministre de la Justice se fait de ses fonctions, et c'est
important. Au-delà de l'administration des crédits qu'on va voter
sûrement pour le ministère de la Justice, au-delà des
décisions quotidiennes au point de vue administratif, au-delà des
lois qui devront être présentées pour améliorer soit
les lois actuelles, soit apporter d'autres démarches, il y a la fonction
de ministre de la Justice, surtout en ce qui concerne sa fonction de Procureur
général qui doit être comprise par le ministre de la
Justice. Il doit mettre fin à cette impression que beaucoup de gens ont
qu'il ne se fait de sa fonction qu'une conception plutôt faible. Il ne
doit pas être perçu comme étant le lieutenant du cabinet ou
du premier ministre. Il doit prendre ses distances avec le gouvernement. Ce qui
est important je le vois rire, il ne devrait pas rire...
M. Bédard: C'est parce que vous vous êtes souvent
fait faire cette accusation, dans le temps du gouvernement
précédent.
M. Lalonde: Jamais je n'ai eu cette accusation, mais pour ne pas
être accusé de cela, combien d'attention faut-il apporter dans les
décisions qu'on prend pour ne pas paraître, au moins,
l'être?
C'est ce qui est important.
M. Bédard: L'important c'est de paraître?
M. Lalonde: Non. Ne pas l'être et ne pas, ensuite,
paraître l'être. Il faut que la justice soit faite, mais il faut
aussi qu'elle apparaisse être faite.
M. Bédard: Je comprends votre réflexion, vous
faisiez partie d'un gouvernement d'images. Je vous répondrai tout
à l'heure.
M. Lalonde: Je pense que le ministre devrait prendre l'occasion
de ses crédits pour nous convaincre de la plus haute conception possible
qu'il se fait de ses fonctions. Quant au détail des crédits,
j'aurai des questions plus précises à poser lorsque nous
attaquerons les programmes un par un. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Clair): Le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Tout comme mes
prédécesseurs, je voudrais m'associer à eux pour
féliciter toute l'équipe des fonctionnaires du ministère
de la Justice, qui ont bien voulu accompagner leur ministre. Je dois
également féliciter le ministre de la Justice de s'être
fait accompagner de cette équipe compétente; je pense qu'il
s'agit, à ce qu'on m'a dit, d'une des premières fois que le
ministre se fait accompagner de toute l'équipe de fonctionnaires. Il
s'agit d'une heureuse initiative qui permettra aux membres de la commission
d'avoir des renseignements plus complets sur toute l'activité du
ministère.
D'un autre côté, j'aurais aimé que le ministre de la
Justice, dans son exposé initial, en profite, et cela aurait
été une occasion idéale, pour donner une vue d'ensemble de
son rôle comme ministre de la Justice comme Procureur
général au Québec. Nous aurions aimé
connaître l'ensemble de ses vues, de ses politiques quant à
l'avenir du mi-
nistère de la Justice. Ce que le ministre du Travail a fait,
d'ailleurs, dans sa commission parlementaire. Je pense que cela aurait
été ici une occasion idéale pour le faire. Peut être
qu'il profitera de l'étude des crédits pour donner des
explications plus complètes, mais je pense qu'il est de tradition que le
ministre de la Justice, ou les différents ministres qui prennent la
parole dans les commissions donnent l'ensemble de leurs politiques au
début. Je présume que le ministre le fera un peu plus tard.
M. le Président, l'année financière 1977/78 sera
sans doute une période extrêmement difficile et ardue pour le
ministère de la Justice et en particulier pour son titulaire actuel. Les
problèmes nombreux et complexes auxquels le ministre devra faire face,
dans les semaines et les mois à venir, seront d'une nature si
fondamentale pour la bonne marche de l'administration de la justice dans cette
province que j'éprouve, personnellement, beaucoup d'inquiétude
pour l'avenir, non seulement des personnes et des groupes qui oeuvrent dans le
domaine de la justice, mais aussi pour un bon nombre de nos institutions
judiciaires dont l'existence même est remise en question. Je fais ici
allusion, bien sûr, tant aux problèmes d'ordre constitutionnel que
représentent certains jugements rendus récemment par les
tribunaux supérieurs du Québec relativement à la
constitution-nalité de certains tribunaux créés par
l'Assemblée nationale qu'aux problèmes que je considère
d'ordre administratif et qui touchent le rôle de la coordination de nos
forces policières, ainsi que l'état déplorable d'un bon
nombre de nos centres de détention et prisons de juridiction
provinciale.
D'ailleurs, M. le Président, je ne suis pas le seul inquiet
à ce sujet. Le ministre l'est aussi, si je me fie à ses
déclarations en Chambre récemment. Il a raison de l'être au
moment même où la Cour suprême est saisie de la question de
la constitu-tionnalité du Tribunal des transports, dans l'affaire
Farrah, suite à des jugements en faveur de la thèse de
l'inconstitutionnalité. La Cour suprême et la Cour d'appel du
Québec se prononcent là-dessus, à ce moment même. Au
même moment aussi, l'Agence provinciale de Québec conteste la
consti-tutionnalité du Tribunal du travail devant la Cour
supérieure, c'est-à-dire devant la même cour qui a
jugé inconstitutionnel le Tribunal des transports, il n'y a pas si
longtemps. Voici qu'encore une fois, dans un jugement qui ne date que de
quelques semaines, la Cour supérieure déclare inconstitutionnel
un deuxième tribunal québécois, en l'occurrence le
Tribunal des professions.
Au-delà de la question juridique, sur laquelle se prononcera
éventuellement la Cour suprême du Canada, à savoir si
l'article 96 de l'AANB permet au gouvernement québécois de nommer
lui-même ses propres juges et de conférer aux tribuneaux qu'il a
créés une juridiction de surveillance et de contrôle sur
les tribunaux inférieurs s'apparentant à celle qu'exerçait
la Cour supérieure avant 1877, il existe un problème beaucoup
plus grave qui est de nature politique.
De plus en plus je constate, comme plusieurs autres
Québécois, que la solution à ce problème
constitutionnel qui met en cause l'existence même de la Cour provinciale
et peut-être même celle d'autres tribunaux, par exemple, le
tribunal d'expropriation et la Cour de bien-être social, ne se trouve pas
au niveau des recours juridiques, malgré tout mon respect pour nos
institutions judiciaires.
Malheureusement, la Cour suprême, comme tout autre tribunal, doit
interpréter la loi et non la modifier. Or, le problème est devenu
à ce point complexe et important, de par les conséquences qu'il
entraîne, qu'une simple interprétation ne suffit plus. C'est une
modification des règles du jeu qui s'impose, tout comme dans le dossier
controversé de la câblodiffusion dans le domaine des
communications.
Dans ces deux dossiers, la solution est avant tout d'ordre politique et
elle implique des négociations entre Québec et Ottawa pour
modifier la constitution à ce sujet. D'ailleurs, sur ce point, je
partage entièrement l'idée émise par Me Jean-Charles
Bonenfant, professeur de droit constitutionnel à l'Université
Laval, qui dit: "Le moyen le plus simple de régler le problème
serait encore l'amendement de la constitution et l'abandon aux provinces des
provisions contenues dans l'article 96 au sujet de la nomination des juges de
la juridiction de la Cour supérieure".
Dans ce même article, Me Bonenfant nous faisait part de sa
perception de la situation cocasse qui règne, à l'heure actuelle,
et que le ministre lui-même a qualifié d'absurde en Chambre,
l'autre jour. Me Bonenfant disait: "Pendant que des juges de nomination
provinciale administrent des lois fédérales, comme le Code
criminel, la Loi des aliments et drogues, etc., des juges de nomination
fédérale de la Cour supérieure, logés et entretenus
par le Québec, ayant des services de secrétaires
rémunérés par le provincial, passent la majeure partie de
leur temps à administrer des lois civiles québécoises.
C'est une situation qu'il a qualifiée de cocasse et je partage son
opinion là-dessus. Je partage également l'avis du ministre de la
Justice voulant que ces problèmes de compétence et de conflit de
juridiction découlent d'une constitution qui est absolument
dépassée et inadéquate. J'ai été heureux,
l'autre jour, de l'entendre dire qu'il allait faire tout son possible pour que
cette juridiction et cette compétence du Québec soient
respectées.
Mais ses efforts, en ce qui nous concerne, ne doivent pas se limiter
à franchir les étapes des appels jusqu'au recours ultime de la
Cour suprême du Canada. Ils comprennent d'abord et avant tout une
volonté d'entamer immédiatement des négociations avec
Ottawa, avec l'appui des autres provinces, pour mettre un frein a
l'ambiguïté légale, aux pertes d'argent et
d'efficacité qui sont le lot du régime actuel des contestations
qu'on connaît. Tout geste positif et constructif du ministre en ce sens
recevra notre appui et notre encouragement. S'il le faut, nous ferons toutes
les motions nécessaires pour que l'Assemblée nationale toute
entière endosse les actions du ministre.
A notre avis, c'est là le rôle d'une Opposition responsable
qui reconnaît, au-delà des choix poli-
tiques, des terrains d'entente où la solidarité des
Québécois s'impose.
Il va de soi, M. le Président, que tout ce branle-bas
constitutionnel ne favorise aucunement un déblocage dans le dossier
chéri du ministre, depuis la publication du livre blanc sur la justice,
à savoir la réorganisation du système judiciaire
québécois.
La réorganisation des tribunaux actuels, comme le Tribunal du
travail et le Tribunal de la famille, ce n'est pas pour aujourd'hui. Le
ministre a beau déclaré, comme il l'a fait en avril à
Chicoutimi, beaucoup d'eau coulera sous les ponts à moins que le
ministre réussisse à en venir à une entente à
l'amiable avec le gouvernement fédéral dans un avenir
relativement rapproché.
Néanmoins, j'aimerais bien, à ce moment-ci, que le
ministre nous dise où en est rendu ce dossier qui a passé entre
les mains de deux ministres de la Justice avant d'aboutir dans les siennes.
Sans dévoiler des secrets d'Etat, le ministre pourrait nous expliquer
l'évolution de ce dossier, particulièrement en ce qui a trait au
Tribunal de la famille et à la possibilité de créer, comme
cela existe en France et ailleurs, une section administrative qui regrouperait
les tribunaux administratifs actuels. Personnellement, en ma qualité de
juriste, cette question m'intéresse comme elle intéresse
plusieurs autres membres de cette commission, bien sûr, et le public en
général.
A titre de dernières remarques sur cette première partie
de mon exposé, je m'en voudrais de passer sous silence deux gestes
posés par le ministre depuis sa nomination qui remettent en cause des
questions d'ordre constitutionnel. Il y a, d'abord, l'annonce que le ministre
de la Justice se propose de faire devant la Cour supérieure, au moment
où il le jugera opportun, de contester la constitutionnalité de
la définition de la fonction du Procureur général du
Canada, du moins comme le définit le Parlement du Canada à
l'article 2 du Code criminel, en vertu de l'article 92 de l'AANB. Cette
décision est liée non seulement à l'attitude du ministre
fédéral, Ron Basford, dans l'affaire Morgentaler, mais aussi
à un cas plus récent impliquant la double condamnation de
Montréalais accusés d'avoir enfreint la Loi sur les
narcotiques.
Si je comprends bien les motifs politiques qui poussent le ministre
à agir ainsi, j'aimerais cependant qu'il nous explique davantage les
motifs juridiques qui sont les siens, y compris son intention ou non d'aller
plus loin que le stade d'une requête devant la Cour
supérieure.
En dernier lieu, j'ai beaucoup apprécié la
déclaration du ministre, au début de cette Semaine de la police,
affirmant qu'il avait l'intention d'exiger du gouvernement
fédéral, comme l'avait fait l'un de ses
prédécesseurs, M. Jérôme Choquette, un montant de
$300 millions ou de $400 millions pour les services que remplit, depuis
plusieurs années, la Sûreté du Québec à la
place de la Gendarmerie royale du Canada. Le ministre pourrait-il nous dire
s'il est exact, comme le rapportent les journaux, que cette demande sera faite
officiellement à la prochaine réunion
fédérale-provinciale des ministres de la Justice? Est-ce que le
montant de $300 millions à $400 millions environ est exact? Si oui, cela
voudrait dire qu'on réclame une récupération qui couvre la
période de l'entente intervenue entre Ottawa et les huits provinces
concernées, soit de 1966 à 1976, dix ans.
Y a-t-il eu des pourparlers récemment avec l'Ontario dans ce
dossier pour faire front commun, ce qui s'est déjà fait dans le
passé? Le ministre n'ignore pas que cette situation, qui l'oppose au
gouvernement d'Ottawa, a également un revers qui est intéressant
et quelque peu embarrassant aussi pour lui vis-à-vis des
municipalités québécoises. En effet, l'actuel maire de
Québec, M. Gilles Lamontagne, président de l'Union des
municipalités du Québec avant qu'il ne brigue les suffrages dans
le comté de Langelier, a réclamé à deux reprises
depuis le 15 janvier 1975 un montant de plus de $3 millions parce que les
policiers municipaux de Québec remplissent une partie des fonctions qui
devraient normalement relever des policiers provinciaux. Le ministre doit
savoir que cette demande risque de faire boule de neige, compte tenu de la
santé financière très précaire de nos
municipalités à l'heure actuelle. D'ailleurs, il y a eu, en 1975,
une enquête commandée par les municipalités du Nord-Ouest
québécois sur l'efficacité et le coût des corps
policiers de cette région, qui indique que, dans les villes de 5000
âmes et moins, le pourcentage du temps des policiers consacré aux
règlements municipaux se situe aux environs de 15%, comparativement
à 45% dans les villes de 15 000 âmes et plus; 25% à
l'application des lois provinciales, comparativement a 10% à
l'application des lois fédérales et 60% à l'application
des lois fédérales comparativement à 45%.
A la suite de cette enquête, ces municipalités ont
réclamé une aide financière des gouvernements provincial
et fédéral qui serait proportionnellement aux services rendus,
à défaut de quoi elles demanderaient que ces deux paliers de
gouvernement prennent tout simplement en main l'application de leurs lois et
règlements, ce qui apparaît logique à première
vue.
D'ailleurs, plusieurs municipalités ont demandé
récemment, de dissoudre leurs corps policiers municipaux en vue de
régler ce problème financier. Je prévois, M. le
Président, que ce genre de requête va se multiplier dans les
semaines et les mois à venir. Il va falloir que le gouvernement se rende
à l'évidence, ou il accorde aux municipalités ayant des
corps de police une aide financière additionnelle, ou il permet
l'abolition de ce service pour le remplacer par la Sûreté du
Québec.
M. le Président, il s'agit d'un problème important et dont
l'urgence n'a pas besoin d'être démontrée, elle est
évidente. Nombre de petites et moyennes municipalités sont
touchées par ce problème, y compris celle de Nicolet, dans mon
propre comté. Est-ce que le ministre a élaboré ou est en
train d'élaborer une politique cohérente en ce sens? Y aurait-il
une aide financière sous forme de compensation, comme le veut le maire
de Québec et les maires du Nord-Ouest québécois?
J'aimerais que le ministre réponde à ces questions
qui touchent directement des centaines de milliers de personnes dans
toutes les régions du Québec.
Ceci dit, M. le Président, il y a un autre point qui
mérite une attention particulière de la part de cette commission
et qui affecte plus de la moitié des crédits du ministère,
soit directement, soit indirectement, il s'agit de la politique
policière du gouvernement. Déjà le ministre a eu
l'occasion de préciser sa pensée et de faire connaître son
approche lors du colloque de la Commission de police du Québec qui a eu
lieu à Montréal, le 11 janvier dernier. On nous a parlé,
à ce moment, non seulement de la place et du rôle du policier dans
la société québécoise, mais aussi de la
nécessité pressante de confier à la Sûreté du
Québec, la responsabilité d'une grande collaboration et d'une
véritable coordination entre tous les corps policiers du
Québec.
Il a même parlé de transformer la SQ en une sorte de
Sûreté nationale, une fois l'indépendance faite, quoique
cela ne soit pas très clair, puisque le ministre a été
obligé de démentir une rumeur, samedi dernier, voulant que le
ministère de la Justice songe à effectuer une
réorganisation majeure qui entraînera la création d'un
ministère de l'intérieur et, il va de soi, d'une
Sûreté nationale.
Habituellement, il n'y a pas de fumée sans feu. Qui dit vrai?
Est-ce que c'est le journal ou est-ce que c'est le ministre? Le ministre
admettra qu'on a le droit de se poser la question. Le ministre a parlé
aussi de l'instauration d'un régime de retraite minimum, avec
possibilités de transfert pour les policiers du Québec. Il a
parlé également d'amendements à la loi 41 pour
réaménager les structures de la CECO, pour améliorer les
cours de recyclage à l'Institut de police de Nicolet, pour clarifier les
fonctions respectives de la Commission de police du Québec et de la
direction générale de la sûreté publique du
ministère de la Justice, de façon à éviter le
double emploi.
Depuis trois mois, ces projets ont sûrement évolué
et j'aimerais que le ministre fasse le point, non seulement sur ces sujets mais
aussi sur sa conception du rôle du policier au sein de notre
société, sur l'avenir des policiers municipaux par rapport
à la Sûreté du Québec, un très grand sujet
d'inquiétude à l'heure actuelle.
Qu'il fasse le point également sur la crise de leadership qui
existe depuis un certain temps au sein de la CUM et du Conseil de la
sécurité de l'île de Montréal, laquelle crise risque
de dégénérer en conflit violent, suite à la
réaction négative des maires de banlieue qui rouspètent
contre le coût exorbitant des services de police dans la
métropole. Le ministre pourra aussi faire le point sur
l'opportunité de créer des corps policiers régionaux et de
mieux structurer les responsabilités confiées aux
différents corps policiers dans l'ensemble du Québec.
Je sais que le ministre me dira que plusieurs de ces points sont
présentement à l'étude, notamment par le groupe
d'étude créé récemment sur la réforme de la
police. Mais cela ne doit pas, à mon avis, empêcher le ministre,
de nous livrer ses opinions sur les grandes orientations qu'il sou- haite
donner à son ministère dans ce domaine, au cours de la
présente année financière.
Il y a aussi, M. le Président, un sujet qui me tient à
coeur et qui me préoccupe particulièrement, il s'agit des
conditions de vie qui sont faites et qui existent actuellement dans nos centres
de détention et nos prisons provinciales.
Encore hier, je lisais dans le quotidien Le Soleil que des
enquêteurs du ministère de la Justice étudiaient une
série de plaintes formulées par un groupe de 105 détenus
et prévenus du centre de détention de Québec, qu'on
appelle la prison d'Orsainville, relatives à leurs conditions de
détention. Ces mêmes personnes menacent de passer aux actes
cela peut même aller jusqu'aux émeutes et la violence comme on l'a
connu auparavant s'il n'y a pas de changement dans le comportement des
autorités d'ici peu.
Leur position va plus loin, pour exiger une commission d'enquête
sur ce centre de détention provincial. C'est extrêmement troublant
et angoissant de voir que les leçons d'hier n'ont pas porté
fruit. A ma connaissance ce ne sont pas les premières plaintes qui nous
viennent d'Orsainville. Pourquoi semble-t-il y avoir si peu de changements et
de réformes constructives dans ce secteur particulier de
l'administration de la justice? Ce secteur, soit dit en passant, a
marqué souvent très négativement un grand nombre de
personnes qui y séjournent, surtout parmi les plus jeunes. D'ailleurs,
la situation n'est pas beaucoup plus reluisante dans plusieurs autres centres
du Québec.
M. le Président, j'aurais une suggestion à faire au
ministre de la Justice dans le but d'être cons-tructif et de faire un peu
de ce que j'appelle de la législation préventive. Dans le but de
corriger ce qui ne va pas et de prévenir des événements
désagréables qui finissent presque toujours en émeutes ou
en violence, est-ce que le ministre accueillerait favorablement la suggestion
suivante? Puisque c'est la mode à l'heure actuelle, pourrait-on
créer une commission d'enquête, genre "task force", pour faire le
point sur la situation de nos centres de détention et les
réformes qui s'imposent? On l'a fait au niveau fédéral
pour les pénitenciers, on a envoyé sur place un groupe
représentatif de députés accompagnés de certains
fonctionnaires et des ministres intéressés pour qu'ils prennent
connaissance des problèmes qui se posent concrètement dans ces
centres et fassent rapport à la commission parlementaire de la
justice.
Je soumets l'idée, le ministre en fera ce qu'il en veut, mais je
crois que ce serait profitable pour tous les intéressés, les
détenus et les prévenus, ainsi que pour les députés
législateurs. M. le Président, il y a plusieurs autres points
plus techniques que j'aurais voulu aborder, entre autres les clauses privatives
dans presque toutes les lois qu'on peut rencontrer au Québec, les
amendements au Code de la route dont on a parlé dans le livre bleu de
Mme Payette, l'aide juridique, question d'admissibilité, question de
tarifs, la hausse de taxation des témoins devant les tribunaux. Je pense
que tous ces points on pourra les toucher
dans l'étude particulière de chacun des crédits du
ministère, chacun des secteurs. Je terminerai donc là-dessus mon
exposé initial et nous aurons le loisir de revenir sur ces sujets
lorsque chacune des études de programmes individuels sera faite. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Clair): M. le ministre de la Justice.
Réplique du ministre
M. Bédard: M. le Président, j'essaierai de
répondre à quelques-unes des questions qui m'ont
été posées par les représentants de l'Opposition
officielle ou de l'Union Nationale. Ce n'est pas par mauvaise foi mais il y a
eu un flot de questions qui fait qu'il est fort possible que, tout en
étant de bonne foi, je puisse en oublier. Lorsque nous
procéderons à l'analyse des différents programmes, il nous
sera loisible d'être plus explicite sur chacune des questions qui ont
été portées à mon attention par les deux
représentants.
M. Lalonde: Je n'ai pas d'objection que le ministre
réponde aux questions du représentant de l'Union Nationale, mais
j'avais fait exprès pour ne pas poser de questions précises sur
les programmes pour attendre d'y arriver. Si le ministre veut y répondre
maintenant, mais à condition qu'on puisse y revenir lorsque nous irons
dans chacun des programmes. En ce qui concerne, c'est comme le ministre voudra
procéder.
M. Bédard: II reste que l'exposé du
représentant de l'Union Nationale, qui a été très
positif, pose certaines questions auxquelles je répondrai rapidement,
quitte à approfondir lorsque les programmes se présenteront.
Je suis très heureux que le représentant de l'Union
Nationale partage la même inquiétude que j'ai exprimée sur
les contestations qui s'accumulent concernant les juridictions de nos
différents tribunaux administratifs, entre autres, le Tribunal des
transports, le Tribunal du travail, le Tribunal des professions. J'ai eu
déjà l'occasion d'exprimer mon opinion là-dessus et il est
évident que c'est un cas, vraiment, où les problèmes
constitutionnels font que nous pouvons nous ramasser dans une situation quand
même assez absurde où toute une structure de tribunaux
administratifs a été mise sur pied par le Québec afin de
rendre justice le plus équitablement possible en fonction de chacune de
ses juridictions ou des problèmes concernés par ces
différents tribunaux.
Tel que je l'ai exprimé, je n'ai pas l'intention
d'ailleurs je ne le pourrais pas comme ministre de la Justice de
commenter des jugements qui ont été rendus concernant certains
tribunaux. Maintenant, j'ai informé la Chambre que nous étions en
appel sur chacun de ces jugements et que notre intention ferme était de
lutter jusqu'au bout afin de pouvoir faire reconnaître la juridiction de
ces tribunaux en particulier.
Egalement, le représentant de l'Union Natio- nale a
exprimé sa préoccupation bien fondée de la
nécessité d'une réorganisation des tribunaux. Je crois que
cela s'impose. C'était déjà une politique qui avait
été émise ou une nécessité qui avait
été traduite dans le livre blanc de la justice. Nous allons
essayer de passer du domaine des grandes orientations ou des grandes intentions
au domaine des réalisations pratiques. Dans ce sens-là, je puis
vous dire que je suis pour à l'heure actuelle les consultations avec le
Barreau, d'une part, avec des membres du Barreau; avec, également, la
Conférence des juges. J'ai eu l'occasion d'en rencontrer les principaux
représentants. D'autres consultations se font au niveau du
ministère afin que cette réorganisation des tribunaux puisse
devenir une réalité dès l'automne, tout au moins qu'un
projet de loi puisse être déposé à cet effet parce
que là-dessus il y a une nécessité.
Je crois que le nombre de tribunaux fait que les citoyens ont vraiment
de la difficulté à se retrouver à travers tout cet
appareil judiciaire. Il y a un besoin de cohérence qui s'impose. Dans ce
sens-là, du point de vue de l'orientation générale, je
crois qu'il est nécessaire d'avoir une cour générale au
Québec avec des tribunaux qui soient spécialisés dans des
domaines bien particuliers, que ce soit dans le domaine criminel, dans le
domaine du travail, dans le domaine du droit de la famille.
Maintenant, j'ai exprimé les difficultés que nous avions
dans certaines sphères d'activité à constituer des
tribunaux spécialisés qui puissent vraiment remplir tout le
rôle qu'on attendrait, d'eux. Entre autres, si on prend le Tribunal de la
famille on s'aperçoit que les matières de divorce, de pension
alimentaire, sont de juridiction fédérale et que cela constitue
un élément important lorsqu'on parle d'un tout cohérent
qui s'occupe de la famille à partir de l'enfant en réglant tous
les problèmes qui peuvent se poser non seulement au niveau de l'enfant
mais au niveau du couple aussi.
C'est évident que, dans un cas comme celui-là, c'est
difficile, à cause des juridictions partagées
fédérales et provinciales, d'en arriver rapidement non seulement
à quelque chose de cohérent, mais à quelque chose de
significatif aussi. Mais ceci ne nous empêchera pas, d'une part, de
continuer à approfondir le sujet et, d'autre part, de faire les
démarches que nous croirons indiquées auprès du
gouvernement fédéral afin de récupérer certaines
sphères de juridictions, de manière que, dès l'automne,
tel que nous l'avons exprimé dans le discours inaugural, il y ait le
dépôt d'un projet de loi sur la réorganisation des
tribunaux.
M. Fontaine: Est-ce que vous me permettez une autre question?
Le Président (M. Clair): II vaudrait peut-être mieux
poser les questions une fois que le ministre aura terminé sa
réponse.
M. Bédard: Le représentant de l'Union Nationale a
également parlé de la réforme globale qui s'impose au
niveau de l'ensemble des forces policières, des corps policiers
municipaux entre au-
tres. Je dois vous dire, pour le moment, tel que vous l'avez
mentionné, qu'il y a déjà un groupe de travail. Nous avons
reconnu cette nécessité, puisque nous avons donné le feu
vert à un groupe de travail qui a pour fonction d'étudier d'une
façon particulière les fonctions policières, les
régimes de retraite. Je compte beaucoup sur ce groupe de travail pour
nous éclairer et nous indiquer les différentes avenues qui
pourraient se présenter afin de mettre de l'ordre dans une situation qui
en a besoin. Dans un premier geste avant de parler de réforme des corps
policiers municipaux ou d'autres corps policiers, je pense qu'il est important
de voir à ce que les fonctions policières soient bien
définies. Dans ce sens, le groupe de travail, qui fait, à l'heure
actuelle, des efforts très intensifs pour arriver à
l'échéance fixée à l'automne, sera de nature
à nous donner des orientations qui seront sans doute
étudiées avec beaucoup d'attention non seulement par le
gouvernement, mais également par l'Opposition.
Du point de vue des grandes orientations dans ce domaine, j'ai
déjà affirmé que je n'étais en aucune façon
d'accord avec la formation d'une seule force policière au Québec
et je pense que cela constitue une position assez fondamentale. Je n'ai pas
l'intention d'aller dans l'expression de mes idées personnelles sur
l'ensemble des autres éléments qui vont être
étudiés par le groupe de travail, parce qu'à ce
moment-là, j'ai l'impression que ce ne serait pas respecter le travail
qu'on a demandé à ce groupe d'effectuer. Si, du point de vue
gouvernemental, le ministre de la Justice exprime clairement toutes ses
orientations dans ce domaine, je considère que non seulement ce ne
serait pas respecter le groupe de travail déjà en place, mais ce
serait rendre très difficile une action positive, puisque,
politiquement, je ne crois pas qu'il soit indiqué que le ministre de la
Justice donne carrément ses opinions et soit, ensuite, placé dans
une situation politique de donner l'impression de reculer sur certains points,
si le groupe de travail n'arrive pas aux mêmes vues.
Je pense que c'est une prudence élémentaire. Lorsqu'on
croit à la consultation, lorsqu'on croit vraiment à
l'efficacité d'un groupe tel que celui qui a été
constitué. Je pense que c'est un élément de prudence
fondamentale que d'attendre, au moins, que ce groupe fasse connaître ses
recommandations, ce qui ne nous empêche pas, je vous le dis en passant,
de continuer, personnellement, la réflexion en profondeur, de
manière à être plus en mesure de mieux évaluer les
recommandations qui vont être faites par ce groupe de travail.
M. Lalonde: A quelle date attend-il le rapport? M. Bedard: Nous
l'avons fixée à l'automne. M. Lalonde: A l'automne.
M. Bédard: Maintenant, entre-temps, comme vous le savez,
comme vous l'a souligné, d'ailleurs, le représentant de l'Union
Nationale, il y a plu- sieurs municipalités qui demandent l'abandon de
leur corps policier. Nous avons, au ministère, pas moins d'une
quarantaine de demandes en ce sens, ce qui est très impressionnant,
très important. Je crois qu'il y a certaines municipalités qui
croient, peut-être, que le projet de loi 41 est adopté et que
toute municipalité de moins de 5000 âmes a le droit d'abandonner
son corps de policiers. Tel n'est pas le cas.
Comme vous le savez, il y a une procédure bien établie.
Les municipalités qui sont régies par la Loi des cités et
villes doivent aviser le ministre de la Justice d'une telle intention. En ce
qui regarde le ministre de la Justice, la procédure est de refiler cette
demande à la Commission de police qui émet une recommandation.
Ensuite, avec cette recommandation, c'est le Conseil des ministres qui
décide, le lieutenant-gouverneur en conseil qui décide, sur
recommandation du ministre de la Justice. Devant les demandes qui nous ont
été acheminées en si grand nombre, nous les avons
transmises à la Commission de police qui en fait l'analyse et qui va
nous faire les recommandations appropriées.
Il y a également, quand on parle de force policière,
l'interrogation que s'est posée le représentant de l'Union
Nationale sur la future sûreté nationale. Je dois dire qu'entre la
déclaration que j'ai faite lors de la réunion de la Commission de
police, à Montréal, et celle que j'ai faite tout
dernièrement, il n'y a pas de contradiction. J'ai toujours dit qu'une
sûreté nationale est nécessairement reliée
d'ailleurs, vous m'avez déjà posé la question en Chambre
sur la formation d'une sûreté nationale, ce qui est normal
à une décision démocratique que les
Québécois seront appelés à prendre. A partir du
moment où cette décision démocratique est positive, il est
évident que des responsabilités spécifiques devront
être confiées à un corps policier. Dans les circonstances,
je pense bien que ce n'est que constater ce qui existe, que d'admettre que la
Sûreté du Québec constitue, à l'heure actuelle, le
corps policier parmi les mieux structurés, qui couvre l'ensemble du
territoire du Québec et a qui des responsabilités
spécifiques pourraient être confiées. Entre-temps, la
Sûreté du Québec fait le travail qu'elle doit faire et
très bien.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question. Est-ce que
vous permettez une question? C'est qu'il semble y avoir une
ambiguïté.
M. Bédard: J'aimerais mieux...
M. Lalonde: Au cas de l'indépendance...
M. Bédard: On reviendra là-dessus. Je suis
prêt à une discussion générale. Vous aurez
l'occasion...
M. Lalonde: C'est tout à fait positif, parce que...
M. Fontaine: Question de règlement, M. le
Président. On m'a refusé une question tout à
l'heure, je pense qu'on devrait avoir le même traitement.
M. Lalonde: Je pense que vous avez raison. On n'aurait pas
dû vous la refuser. Voulez-vous la poser? Laissez-moi poser la
mienne.
Le Président (M. Clair): Je pense que le
député de Nicolet-Yamaska a raison. Pour le meilleur ordre
possible de fonctionnement, je vous prierais de noter les questions. On aura
l'occasion d'y revenir en étudiant le programme 15.
M. Lalonde: Enfin, question de règlement...
M. Bédard: M. le Président, dans leur
appréciation générale, les représentants, tant de
l'Opposition officielle que de l'Union Nationale, ont cru bon je pense
bien que c'était leur droit de me poser des questions auxquelles
on me demande nécessairement de répondre. J'essaie de le faire le
plus valablement possible. Mais, comme il y avait presque un déluge de
questions, il est normal que cela puisse prendre un certain temps.
M. Lalonde: Question de privilège, M. le Président.
Je veux simplement que le débat soit le plus positif possible, que ce
soit conduit de cette façon aussi; c'est qu'on risque de
dédoubler, ni plus ni moins, un peu. Quand on va revenir sur les
programmes particuliers, on va revenir sur ces questions. A dessein je
l'ai dit d'ailleurs à la fin de mon exposé je
m'étais gardé de poser des questions précises; j'aurais pu
en poser 50, j'en ai ici.
M. Bédard: M. le Président.
M. Lalonde: C'est une question de règlement.
Naturellement, je n'ai pas d'objection, le représentant de l'Union
Nationale a choisi une autre stratégie, c'est tout à fait
correct, sauf que, quand le ministre répond à des questions, cela
en soulève d'autres. Quand on va revenir dans ces programmes, on va se
trouver à répéter ni plus ni moins et faire perdre un peu
le temps de la commission. C'est la seule remarque que je fais. C'est vrai que
je peux attendre d'arriver à ces programmes, mais c'est une question de
cohérence de la discussion tout simplement.
M. Bédard: M. le Président.
Le Président (M. Clair): M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Tel que l'a exprimé tout à
l'heure le représentant de l'Opposition officielle, chacun des
représentants de parti a adopté une stratégie bien
particulière. Celle du représentant de l'Union Nationale a
été d'aller dans des cas très pratiques, de poser des
questions très positives sur des problèmes auxquels on a à
faire face. Je pense bien qu'à partir de ce moment, M. le
Président, chacun récolte les fruits de sa stratégie.
Pour ce qui est des questions ou des observations que j'ai
été à même de constater dans l'exposé
d'ouverture du représentant de l'Opposition officielle, il peut se
consoler, je vais y venir dans quelques minutes.
M. Lalonde: M. le Président, ce n'est pas pour cela, c'est
simplement pour essayer de poser des questions à mesure...
M. Charbonneau: Une question de règlement, M. le
Président.
M. Lalonde: D'accord, je vais me... Il me semble que votre
décision est rendue.
Le Président (M. Clair): Ma décision est rendue
effectivement. Je peux préciser l'article en vertu duquel je la
rends.
Nous avons commencé par un exposé général du
ministre. Les deux partis de l'Opposition ont été appelés
à faire des commentaires généraux. S'ils ont voulu y
inclure des questions assez précises, j'ose espérer que le
ministre, dans sa réponse, demeurera au stade des commentaires
généraux également. Nous aurons l'occasion de revenir.
Avant d'aller jusqu'au bout des commentaires généraux, j'ai la
liste des députés ministériels qui eux aussi
désirent se faire entendre qui, je pense, pourront se faire entendre
avant qu'on aborde les programmes un par un. Cela vous va?
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Clair): M. le ministre.
M. Bédard: Pour continuer dans le domaine policier, le
représentant de l'Union Nationale m'a demandé comment je
concevais le rôle du policier. C'est très simple, c'est qu'en
aucune façon je ne crois qu'il doive être de quelque
manière que ce soit le bras de l'Etat ou encore le serviteur servile de
quelque gouvernement que ce soit, mais qu'il fasse tout simplement son devoir,
qu'il prenne pleinement ses responsabilités, qui consistent à
faire respecter l'ordre dans la société.
Il y a également le problème très important qu'a
soulevé le représentant de l'Union Nationale en ce qui a trait
aux centres de détention. J'ai mentionné, tout à l'heure,
qu'il y avait des urgences qui se présentaient en ce qui a trait
à la réfection ou construction de certains centres de
détention. Il y a des situations qui sont complètement
inacceptables, en ce qui me regarde, qui constituent plus que des
priorités mais des urgences, humainement parlant. Je me suis
référé, entre autres, aux centres de détention de
Trois-Rivières, de Sherbrooke, Saint-Jérôme et de Sept-Iles
également.
Vous pouvez être convaincu que je vais faire toutes les pressions
nécessaires auprès des autorités administratives afin que
cela débouche de ce côté. C'est assez surprenant de voir
jusqu'à quel point, dans ce domaine, il s'est fait peu de chose, si on
pense aux années passées.
Le député s'est référé au cas
d'Orsainville. Je comprends qu'il y a eu une pétition signée par
certains détenus. Je ne sais pas si le député a pris
connaissance d'un article de journal qui a paru cette semaine et qui,
effectivement, démontrait qu'il n'y avait pas de problèmes
majeurs, si on s'en réfère seulement à cette
pétition. Il y avait une demande, de la part des détenus, d'avoir
le droit d'écouter certains programmes. Pour le reste, le journaliste en
question, qui a fait le tour de la situation, explicitait très
clairement qu'il n'y avait pas de problèmes majeurs si on parle du cas
particulier d'Orsainville. Si on parle d'autres cas, il y en a, des
problèmes à régler. Si on pense à Par-thenais,
c'est évident qu'il va y avoir nécessité d'une action la
plus rapide possible de la part des autorités gouvernementales.
Vous avez fait, entre autres, la suggestion positive de penser à
créer une commission d'enquête pour étudier l'ensemble des
conditions de détention, le problème de la détention au
Québec. Je considère que c'est une suggestion très
positive qu'a faite le représentant de l'Union Nationale et je vais y
apporter toute l'attention nécessaire.
D'autres points ont été évoqués par le
représentant de l'Union Nationale: entre autres, l'avenir de la CECO ou
l'avenir de la luttre contre le crime organisé. Il est clair que cette
lutte doit être intensifiée, il n'y a pas de doute
là-dessus. La phase d'analyse est pas mal terminée, je pense
bien. Nous devons avoir d'ici le 31 juillet, un rapport final de la CECO. Nous
allons travailler dans le sens de savoir quelles structures pourraient
être établies en fonction de l'intensification de la luttre contre
le crime organisé. Là-dessus, j'ai la ferme intention de faire
des consultations; il y en a déjà qui sont commencées.
J'ai eu l'occasion, naturellement, de rencontrer et de discuter
déjà avec ceux qui sont le plus impliqués au niveau de la
CECO et je me propose, au cours des mois de juin et juillet, d'aller
jusqu'à provoquer une réunion des principales personnes qui ont
été mêlées de près à la lutte contre
le crime organisé; non seulement réunir ces personnes, mais y
ajouter aussi des personnes spécialisées dans le domaine et qui
peuvent être prises à l'extérieur. J'ai envisagé
d'impliquer dans ce travail de réflexion non seulement le ministre, mais
également les membres de la commission parlementaire, y compris les
représentants de l'Opposition officielle et de l'Union Nationale.
Je ne veux pas dire par là que ce serait une commission
parlementaire en bonne et due forme. Je parle plutôt d'une réunion
où on aurait l'occasion, toutes les parties intéressées,
de pouvoir échanger des points de vue, de pouvoir discuter en
profondeur. Ensuite, je crois que cela aurait des effets positifs qui nous
permettraient de mieux nous orienter sur la structure et la forme que devrait
prendre la lutte contre le crime organisé.
Il y a d'autres sujets très intéressants qui ont
été soulevés par le représentant de l'Union
Nationale; ce sont ceux dont je me rappelle au moment où on se parle. On
pourra y revenir, tel que je l'ai dit tout à l'heure. En ce qui a trait
au représentant de l'Opposition officielle, il a fait une
première remarque à l'effet qu'il était déçu
de la présentation. Remarquez que je m'y attendais de toute
façon, quelque présentation qui ait pu être faite.
On m'a reproché de ne pas donner de grandes orientations. M. le
Président, je dois vous dire que cela fait six mois que nous sommes au
ministère. J'ai eu l'occasion de rencontrer tous ceux avec qui j'ai
à travailler de très près. Les problèmes ne
manquent pas. Je crois que, lorsqu'on parle de grandes orientations et qu'on y
croit vraiment, on ne fait jamais d'erreurs en s'accordant une certaine
réflexion plus approfondie.
D'ailleurs, je m'explique mal cette déception, puisque j'ai quand
même dressé, à l'intention de la commission, une liste de
projets du point de vue législatif et du point de vue administratif qui
sont de nature, à mon sens, à permettre d'évaluer non pas
de grandes orientations, mais les sentiments profonds qui peuvent m'animer en
fonction des urgences qui se présentent.
De toute façon, j'ai toujours eu peur des grandes orientations,
comme des grands livres blancs qui sont pleins de bonnes intentions, mais dont
souvent la réalisation prend du temps. J'aime mieux poser des gestes
pratiques qu'on peut analyser, qui peuvent être de nature, autrement dit,
à éclairer l'Opposition officielle sur ce qu'elle appelle les
grandes orientations.
Entre autres, depuis mon arrivée au ministère, M. le
Président, j'ai élaboré et mis en application une nouvelle
politique des mandats. Comme grande orientation, cela voulait dire simplement
que c'en était fini avec le patronage qui existait dans ce domaine. Plus
besoin de parler de grandes orientations dans ce domaine-là, puisqu'on
est passé à un domaine pratique. On ne peut pas dire que ceux qui
nous ont précédés n'ont pas eu le temps de corriger la
situation; c'est une situation qui durait depuis des années.
J'ai également élaboré et mis en application un
nouveau processus de nomination des juges. Je l'ai fait dans le but, je l'ai
dit, de démystifier le processus de nomination des juges. Ce n'est pas
qu'il y avait des choses extrêmement mystérieuses
là-dedans, mais il reste que, du point de vue de la justice, il est
important de penser à la perception des gens.
M. Lalonde: C'est ce que je disais tantôt.
M. Bédard: Dans ce sens, je crois que le nouveau processus
que j'ai mis au point sera de nature à démystifier, justement, la
nomination des juges et à améliorer aussi, je crois, la
qualité de ceux qui seront appelés à des postes aussi
importants.
D'ailleurs, au moment où je vous parle, déjà les
comités ont été formés puisqu'il y a environ neuf
nominations à faire. Les comités ont déjà
été formés. Je ne crois pas indiqué, pour le
moment, de nommer les personnes qui sont affectées à
l'intérieur de chaque comité parce que cela pourrait
peut-être avoir comme effet de les exposer à certaines pressions.
Je n'en fais pas une question de
principe puisque, de toute façon, lorsque les concours seront
terminés, tous ceux qui ont été nommés pour remplir
la fonction à l'intérieur d'un jury seront nécessairement
portés à l'attention du public.
Cela est encore un geste pratique qui indique au moins une grande
orientation, en ce qui me regarde, qui est celle de rapprocher le plus possible
la justice de la compréhension des gens. Je pense que la population a
besoin de comprendre l'appareil judiciaire le plus possible afin de ne pas
être effrayée par cet appareil.
J'ai également, et cela je pense que c'est un cas pratique, eu
l'occasion de faire face à deux grèves dans le domaine policier,
à Montréal entre autres, et celle de la Sûreté du
Québec. Je dois dire que beaucoup de frustrations se sont
accumulées chez les policiers. Je crois qu'une attention plus
particulière aurait pu être accordée par ceux qui nous ont
précédés, en fonction de donner plus de motivation aux
policiers d'avoir la fierté d'appartenir à leur corps policier et
d'y travailler.
Au cours de ces deux grèves, je pense, comme ministre de la
Justice, avoir fait respecter quelque chose qui est essentiel comme principe,
à savoir que le gouvernement ne négociait pas lorsque des
policiers étaient en grève illégale. Je pense que, pour
qui veut en faire l'analyse, cela représente une grande orientation, au
moins une grande détermination de faire en sorte que la loi soit
respectée, en premier lieu, au moins par les policiers qui ont la
fonction de la faire respecter. Je crois que là-dessus nous n'avons
sûrement pas de leçon à recevoir de la part des
gouvernements qui nous ont précédés.
Le représentant de l'Opposition officielle a laissé planer
des doutes sur l'ensemble de l'enquête concernant l'accident d'Edgar
Trottier. Je ne sais pas s'il a des éléments nouveaux à
apporter à notre attention. S'il en a, je lui demande, sur-le-champ, de
nous donner ces nouveaux éléments. Je pense, en ce qui me
regarde, comme ministre de la Justice, que j'ai adopté une attitude
là-dedans qui non seulement se défend, mais qui, à mon
sens, doit être l'attitude que le ministre doit adopter, entre autres, de
respecter le processus judiciaire d'enquête qui était en cours
à ce moment-là. C'est ce que nous avons fait.
On a laissé entendre, tout à l'heure, que nous avions
demandé au coroner de réviser sa décision, son opinion. Ce
n'est pas le cas du tout, et le représentant de l'Opposition officielle
le sait très bien.
C'est que nous avons tout simplement porté à son attention
un fait nouveau qui n'était pas un fait de nature à aider de
quelque façon que ce soit qui que ce soit, mais au contraire qui se
devait d'être analysé. Autrement dit, nous avons eu le souci que
tous les faits concernant cette enquête soient portés à
l'attention du public. Je crois être allé beaucoup plus loin que
n'importe quel de ceux qui nous ont précédés puisque j'ai
trouvé indiqué de faire connaître à la presse en
général l'ensemble et le contenu de tous les témoignages
recueillis par les policiers au cours de cette enquête.
Je crois que, à quelques exceptions près, la presse en
général, le public ont considéré que non seulement
je n'avais pas adopté une attitude de ministre de la Justice qui veut
cacher quoi que ce soit, mais, au contraire, celle d'un ministre de la Justice
qui veut porter à l'attention de la population l'ensemble des faits qui
ont entouré ce cas.
Je voulais respecter on a parlé d'enquête publique
là-dedans je préférais laisser agir la justice par
le processus normal qui est l'enquête policière et
également la nomination d'un coroner. Je crois que c'était
très important de laisser agir le processus normal de la justice afin de
valoriser et de revaloriser le processus judiciaire normal.
Les enquêtes publiques ne sont pas un jouet avec lequel on s'amuse
comme le faisaient peut-être un peu trop souvent ceux qui nous ont
précédés, une véritable enquête publique. Il
faut prendre garde de laisser l'impression à la population qu'il n'y a
de véritable justice que lorsqu'on s'embarque dans une enquête
publique. Il faut que le citoyen apprenne à avoir confiance dans le
processus judiciaire normal, et c'est pour cela que nous ne sommes intervenus
en aucune façon dans ce processus. Je défie l'Opposition
officielle de pouvoir dire le contraire et je crois que la décision que
nous avons prise par après de porter à l'attention l'ensemble non
seulement des éléments mais de tous les témoignages
était l'attitude la plus ouverte possible et en même temps
constituait une amorce de revalorisation du processus judiciaire normal.
Encore une fois, je le dis, si l'Opposition officielle a des
éléments nouveaux à porter à notre attention,
qu'elle le fasse. Sinon, qu'elle arrête de faire de la basse
démagogie avec cela. Qu'elle arrête.
M. Lalonde: Maintenant ou plus tard?
M. Bédard: Vous pouvez le faire tout de suite si vous
voulez, si vous avez des faits nouveaux à porter à notre
attention.
M. Lalonde: Tout à l'heure vous avez dit qu'on devait
attendre au programme.
M. Bédard: Non, on va continuer avec la
période...
M. Lalonde: C'est M. le Président qui décide ici,
ce n'est pas... On n'est pas en Chambre.
Le Président (M. Clair): J'interprète les propos du
ministre comme vous invitant à le faire dès que vous aurez
l'occasion de le faire.
M. Lalonde: ...faire au programme 1.
M. Bédard: Vous pouvez ne pas attendre le programme. Quand
j'aurai fini mon exposé, j'essaierai de répondre le mieux
possible à vos questions. Ecoutez, si vous avez des faits nouveaux,
portez-les à notre attention. Sinon, arrêtez de
déblatérer là-dessus et de faire de la petite
politique.
M. Lalonde: J'aimerais, comme question de règlement,
rappeler au ministre de la Justice que ce n'est pas faire de la
démagogie que de se servir des voies normales pour poser des questions
de façon la moins partisane possible, surtout après qu'il eut
négligé à deux ou trois reprises de répondre
à mon invitation sans faire même de réponse
une enquête publique.
C'est la première occasion que j'ai de soulever la question alors
qu'il est devant moi. Les autres fois, c'étaient des demandes en
Chambre.
M. Bédard: C'est là votre question de
règlement?
M. Lalonde: Non, c'est que je m'oppose à l'emploi des mots
"déblatérer" et "démagogie", M. le Président.
Le Président (M. Clair): Je ne vois pas qu'il y avait
là matière à une question de règlement. M. le
ministre, je vous invite à continuer.
M. Bédard: Je crois que les commentaires de l'ensemble de
la presse, en général, sauf quelques exceptions, face à
l'attitude que j'ai adoptée et à tous les éléments
que j'ai portés à l'attention de l'ensemble de la population, a
été loin'd'être négative, au contraire. De toute
façon, j'ai la conviction d'avoir fait mon devoir pleinement concernant
ce cas particulier.
Je partage également l'idée qui a été
émise par l'Opposition officielle qu'un ministre de la Justice doit
prendre ses distances et qu'effectivement il doit être en mesure de
pouvoir juger avec objectivité tous les faits portés à son
attention, que ce soit du point de vue législatif ou que ce soit du
point de vue des enquêtes de toutes sortes. Je peux vous dire que cette
distance, je la garde et je continuerai de la garder.
Concernant les plaintes relatives aux lois 23 et 253, le
représentant de l'Opposition officielle a essayé de laisser
entendre que c'était une décision du Conseil des ministres. Je
voudrais bien lui rappeler que j'ai toujours dit et affirmé que
c'était une décision du ministre de la Justice. L'abandon des
plaintes, ce n'est pas le Conseil des ministres qui a pris cette
décision, c'est le ministre de la Justice qui l'a prise et qui en a
informé le Conseil des ministres. J'ai tout simplement voulu savoir
et je pense que c'était normal, dans les circonstances de
la part du Conseil des ministres quelle attitude on entendait prendre
concernant les lois 23 et 253. Je crois qu'elles doivent être
amendées en profondeur, et le Conseil des ministres partageait cette
opinion, à savoir de modifier en profondeur ces deux lois 23 et 253, la
loi 253 entre autres.
Concernant la décision de retirer les plaintes dans le cas des
lois 23 et 253, je ne veux pas recommencer tout le débat qu'on a eu
à l'Assemblée nationale là-dessus. Cependant, je voudrais
quand même rappeler au représentant de l'Opposition officielle, en
ce qui a trait à la loi 23, que même le Conseil supérieur
de l'Education avait émis l'opinion que jamais une loi comme
celle-là n'aurait dû être adoptée par le
gouvernement.
Concernant la loi 253 il y a, d'une part, une loi qui assure les
services essentiels et, d'autre part, il y a aussi l'esprit avec lequel elle a
été appliquée et les effets de son application, qui ont
été vraiment à rencontre de l'esprit de la loi
elle-même puisque, dans bien des cas où des commissaires devaient
voir à l'application de la loi 253, ces derniers en sont venus à
la conclusion que cela prenait plus d'employés pour assurer les services
essentiels qu'il n'y en avait en temps normal. Ce n'était sûrement
pas là l'esprit de la loi ni l'application qu'on attendait de la loi
253.
Je l'ai dit et je le répète encore une fois, qu'un
ministre de la Justice doit tenir compte du contexte social, parce que les
décisions qu'il a à prendre sont importantes au point qu'elles
peuvent contribuer à améliorer le climat social ou peuvent
contribuer au contraire. En ce sens, la justice ne doit pas être
simplement une barrière légaliste derrière laquelle on se
retranche pour ne pas regarder des réalités sociales, pour ne pas
évaluer l'effet d'une décision. Je n'ai pas l'intention de
reprendre le débat, mais je me rappelle que j'avais indiqué,
à ce moment, que maintenir ces plaintes aurait signifié la
faillite des syndicats, puisqu'ils auraient pu être condamnés
à payer entre $9 millions et $50 millions. Ce n'est pas en essayant
c'est ma conviction d'abattre les syndicats ou de les acculer
à la faillite qu'on va régler le problème du syndicalisme.
Le climat social, à ce moment, il faut se le rappeler, du point de vue
au moins des relations de travail, était tellement vicié que je
crois qu'il y avait nécessité d'un geste significatif en fonction
de l'améliorer.
J'avais également souligné qu'il fallait tenir compte du
fait que certaines dispositions de ces lois avaient été
carrément inadéquates par rapport à leur objectif; que le
gouvernement et c'est ma conviction avait entretenu une politique
de provocation dans les relations de travail, entre autres, une de ces lois
avait été adoptée en pleine période de
négociation; que notre gouvernement, c'est important, le gouvernement du
Québec avait l'intention de modifier ces lois en profondeur et que nous
devions nous interroger sur les effets sociaux de ces décisions. C'est
en tenant compte de tous ces considérants, et j'en passe, que je suis
convaincu d'avoir pris la bonne décision. Ceux qui se sont permis de
l'analyser dès maintenant, c'était leur droit, en sont venus
à certaines conclusions qui peuvent être défavorables, mais
je suis convaincu que, si on laisse le temps un peu passer, on se rendra compte
que c'était assurément la meilleure décision à
prendre dans les circonstances.
Concernant la Charte des droits et libertés de la personne en
fonction de la Charte de la langue française, M. le Président,
l'Opposition officielle essaie de faire croire au monde qu'amender la Charte
des droits et libertés de la personne, cela
équivaut à faire un affront à la charte, cela
équivaut à vouloir faire de la discrimination. Ce n'est vraiment
pas le cas, parce que la Charte des droits et libertés de la personne
constitue, à mon sens, une loi qui est susceptible d'amélioration
comme n'importe quelle autre loi. J'en conviens, étant donné
l'importance de la Charte des droits et libertés de la personne, il faut
être très délicat, il faut être très prudent
avant, disons, de procéder à quelque modification que ce soit.
J'ai le plus profond respect, M. le Président, envers la Commission des
droits de la personne, comme j'ai le plus profond respect de la Charte des
droits et libertés de la personne. Il ne faut quand même pas
considérer la charte comme étant un bloc de ciment qui ne peut
pas bouger. Je voudrais faire remarquer, lorsque l'Opposition officielle nous
fait un reproche d'amender la Charte des droits et libertés de la
personne, comme nous le faisons à l'intérieur de la Charte de la
langue française, que ce n'est pas un précédent que nous
créons.
A moins que l'Opposition officielle ne l'ait oublié, je voudrais
lui rappeller qu'ils ont présenté un projet de loi no 56, en
1976, intitulé: Loi modifiant la Charte des droits et libertés de
la personne. La loi était alors en vigueur. Je voudrais également
faire remarquer que l'amendement qui avait été apporté par
le Parti libéral avait même un effet rétroactif. Si vous
voulez plus de détails sur cet amendement que vous avez
déjà apporté, je pourrai vous en donner en vous expliquant
le contenu du projet de loi no 56.
Je ne veux pas faire une condamnation de cette attitude qu'a cru bon
prendre le gouvernement précédent; je veux simplement faire
ressortir qu'on devrait arrêter de penser que lorsqu'on veut amender la
charte, nécessairement c'est un affront envers la charte elle-même
et les membres de la Commission des droits de la personne.
Ma position a été claire je pense que le
représentant de l'Opposition officielle, cette journée-là,
n'était pas en Chambrej'ai expliqué, le plus clairement
possible, le point de vue du gouvernement, face à l'amendement de la
Charte des droits et libertés de la personne qui est proposé dans
la Charte de la langue française.
D'un point de vue juridique je répète
intégralement ce que nous avions explicité à ce moment
et législatif, pour qu'il n'y ait pas d'incompatibilité
ou, mieux encore, pour éviter toute prétendue
incompatibilité, une disposition était nécessaire, et le
gouvernement l'a prévue en insérant dans le projet de loi no 1
l'article 172. De sorte que si le projet de loi no 1 était adopté
dans sa forme actuelle, d'un point de vue juridique et législatif, il
n'irait pas à rencontre de la Charte des droits et libertés de la
personne. Il en découlerait nettement que, du point de vue juridique,
aucune disposition de la Charte de la langue française ne peut
constituer une discrimination au sens de la Charte des droits et
libertés de la personne. C'est l'essentiel de ce que j'ai dit de la
position du gouvernement, du point de vue juridique et législatif.
Maintenant, j'avais également souligné qu'il fallait aller
plus en profondeur, qu'il fallait essayer de trouver l'ajustement qu'il est
nécessaire de faire, ce n'est pas toujours facile, entre, d'une part,
les droits collectifs et. d'autre part, les droits individuels. La Charte des
droits et libertés de la personne énonce, entre autres:
"Considérant que tout être humain possède des droits et
libertés intrinsèques destinés à assurer sa
protection et son épanouissement; considérant que les droits et
libertés de la personne humaine sont inséparables des droits et
liberté d'autrui et du bien-être général..." de
sorte que lorsque la Charte de la langue française vient affirmer des
droits collectifs fondamentaux, aussi bien pour la majorité que pour la
minorité, elle vient compléter, à notre humble opinion,
à un niveau fondamental, la Charte des droits et libertés de la
personne, au chapitre des droits linguistiques. Dès lors, il est
parfaitement légitime et justifié de faire de ces deux chartes
des lois fondamentales de notre société et de les mettre sur un
même pied.
Il n'en reste pas moins, et cela demeure ma conviction, que non
seulement le gouvernement mais également les partis de l'Opposition
doivent essayer de relever le défi, d'ajuster cette affirmation
nécessaire, non seulement des droits de la majorité, mais
également des droits de la minorité. J'ajoute également
que je crois que cet ajustement doit être fait avec les droits
individuels. C'est ce que nous allons essayer de faire, lors de la discussion
du projet de loi no 1.
J'espère que, dans ce sens, l'Opposition officielle contribuera,
par ses efforts, à faire en sorte que nous trouvions le bon ajustement.
Je dois dire que la Commission des droits de la personne a exprimé son
intention de venir se faire entendre à la commission parlementaire qui
discutera le projet de loi no 1.
A ce moment-là, on aura l'occasion de le faire. Je crois que ce
n'est pas indiqué à l'intérieur de l'étude des
présents crédits. Je l'ai souligné parce que le
représentant de l'Opposition officielle l'avait fait dans son texte
d'ouverture, mais je crois que nous aurons l'occasion d'en discuter plus en
profondeur dans le climat le plus serein possible.
Il y a peut-être d'autres points qui ont également
été soulevés par le représentant de l'Opposition
officielle, mais...
M. Lalonde: On y reviendra.
M. Bédard: ... il s'agira d'y revenir à
l'étude de chacun des programmes.
M. Lalonde: Le débat semble engagé sur des choses
que j'ai suggérées, mais peut-être que d'autres membres de
la commission préféreraient avoir le droit de parole maintenant.
Je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Clair): Effectivement, M. le
député. Jusqu'à maintenant, nous avons entendu les
commentaires généraux du ministre, les vôtres, la
réponse du ministre, et je devine une réplique de votre part et
de la part de l'Union Nationale.
M. Lalonde: Allez-vous me l'accorder éventuellement?
Le Président (M. Clair): Je vous l'accorderai
éventuellement.
M. Lalonde: D'accord.
Le Président (M. Clair): Immédiatement, on pourrait
entamer la liste des députés ministériels qui ont
manifesté le désir de faire des commentaires
généraux, eux aussi, au début de cette commission. Le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. La première
remarque que je voudrais faire est la suivante. Je suis particulièrement
heureux d'apprendre de la bouche du ministre de la Justice qu'il avait
trouvé, dès son arrivée au ministère, chez les
fonctionnaires, des marques profondes de loyauté envers l'Etat
québécois que le gouvernement actuel a eu le mandat de diriger et
de renforcer. Un Etat, même fédéré, à mon
sens, est à la fois un instrument que se donne un groupe d'hommes, une
société pour améliorer et favoriser son mieux-être,
son existence, ses conditions matérielles, sociales et
économiques, mais c'est également, à mon sens, un outil de
maintien de l'ordre. Je pense que la notion de maintien de l'ordre est inscrite
dans la notion même de l'Etat.
Liée à cette notion de maintien de l'ordre dans une
société, dans un groupe d'hommes qui vivent ensemble, il y a
aussi la notion même de protection et de continuité de cet Etat.
Le rôle de gardien de l'ordre et de protection de
l'intégrité de l'Etat étant dévolu au ministre de
la Justice, il est primordial que ce dernier puisse compter sur une
loyauté et une collaboration professionnelle de ses fonctionnaires et,
notamment, des forces policières.
Le ministre a très bien précisé que le gouvernement
actuel n'entendait pas, par exemple, au chapitre des forces policières,
considérer les agents de la paix comme des "bras" du pouvoir ou du
gouvernement actuel. Par ailleurs, l'ensemble des membres de cette
société, l'ensemble des citoyens de l'Etat
québécois sont en droit d'exiger des fonctionnaires du
ministère de la Justice, des policiers en particulier, qu'ils aient des
attitudes qui soient à la hauteur de leur mandat et de leur serment
d'office. Regardons ce qui s'est passé au cours des dernières
années. Le ministre de la Justice a signalé de nombreuses
frustrations qui avaient cours dans le milieu policier, qui ont donné
lieu à quelques reprises j'oserais même dire à
maintes reprises à des fuites, à des manquements parfois,
peut-être pas nécessairement au serment d'office, mais aux
règles, aux attitudes dont on s'attend normalement des policiers.
On peut se poser la question: Est-ce qu'on doit d'abord blâmer les
gens qui ont eu ces attitudes ou les gens qui ont provoqué, chez des
employés de l'Etat, chez des serviteurs de la population, ce genre
d'attitude? Pour avoir, comme journaliste, "bénéficié" de
ces fuites de renseigne- ments et pour avoir, à plusieurs reprises, eu
l'occasion d'entrer en contact avec de nombreux gardiens de la paix qui ont
vécu des frustrations nombreuses, je pense qu'il est important que
dorénavant le gouvernement, comme je l'ai indiqué, et le groupe
d'hommes qui, dans une société, a le mandat de diriger l'appareil
de l'Etat, obtienne la collaboration des forces policières.
A l'inverse, il importe que celles-ci obtiennent des garanties
suffisantes de l'Etat et de l'ensemble de la société pour pouvoir
effectuer leur travail d'une façon complètement impartiale et
hautement professionnelle.
A ce propos, je pourrais peut-être ajouter qu'on est
également en droit, comme membre, non pas d'un Etat
fédéré qui est le Québec, mais d'un Etat souverain
au niveau international, l'Etat canadien, d'exiger la même chose des
forces policières qui relèvent de l'Etat central. J'ose
espérer, M. le Président, que les citoyens
québécois pourront bénéficier, dans les prochaines
années qui vont être cruciales pour l'avenir du Québec, des
mêmes services professionnels de leurs employés au niveau du
gouvernement fédéral. Pour être un peu plus précis,
j'ose espérer, M. le Président, que les policiers
fédéraux, que je connais très bien, en particulier ceux
qui oeuvrent au Québec, ne seront pas utilisés, comme l'ont
été malheureusement dans le passé certains policiers du
Québec, par le pouvoir fédéral pour tenter d'influencer le
cours de l'histoire ainsi que la vie sociale et politique du Québec.
Connaissant non pas la majorité, mais beaucoup de ces
fonctionnaires fédéraux qui sont également au service des
citoyens québécois, je suis convaincu que chez la majorité
d'entre eux il y a également un désir de servir de façon
fort professionnelle les citoyens du Québec. J'espère que ce
désir est également celui des autorités
fédérales que l'on paye actuellement au même titre que
celles du gouvernement du Québec.
Je pourrais également ajouter, M. le Président, que la
notion de maintien de l'ordre est fondamentale au niveau du concept de
ministère de la Justice. Dans ce sens-là, je comprends assez mal
les réactions et les commentaires du représentant de l'Opposition
officielle concernant le retrait de certaines poursuites. Ce qu'il semble
oublier, c'est que son gouvernement avait lui-même provoqué et
accentué une bonne partie du désordre social qui existait qu
Québec.
A ce niveau, à titre de responsable de l'appareil de l'Etat, il
avait contribué à déprécier et dévaloriser,
au niveau de beaucoup de citoyens, la signification du droit et de l'ordre dans
une société. A mon sens, il était urgent qu'on puisse
poser rapidement des gestes, non pas pour faire en sorte que le climat social
soit pur et parfait on n'a qu'à se rendre compte qu'encore
aujourd'hui, le climat social au Québec est loin d'être
complètement apaisé mais poser des gestes qui jalonnent un
rétablissement de la paix sociale au Québec.
Par ailleurs, lorsque le représentant de l'Opposition officielle
indiquait que le ministre de la
Justice ou que le Procureur général devait prendre ses
décisions indépendamment du gouvernement ou prendre ses distances
vis-à-vis des autres membres de l'Exécutif et du corps
législatif lié au parti gouvernemental, il se
référait, j'imagine, aux notions mêmes de la justice qui
vise à traiter équitablement les membres d'une
société en fonction des règles écrites et non
écrites que se donne cette société.
Je pense que tout le monde autour de cette table est d'accord avec ce
principe fondamental, mais on peut se demander quels sont les motifs qui
animaient les gens qui avaient jadis, il y a quelques mois, la
responsabilité de diriger l'Etat, lorsque, par exemple, dans le cas de
la Commission d'enquête sur le crime organisé, on a utilisé
à des fins, j'oserais dire, bassement partisanes les mandats qui
étaient confiés au compte-gouttes à cette commission
d'enquête. A combien de reprises n'a-t-on pas fait durer le suspense de
l'existence de cette commission d'enquête jusqu'à la
dernière limite d'un mandat pour, par la suite, prolonger ce mandat de
quelques mois, empêchant les gens qui travaillaient au sein de cette
commission d'oeuvrer d'une façon professionnelle, avec une perspective
d'avenir qui leur permettrait de travailler efficacement à
l'intérieur du mandat qui leur était confié.
Je pourrais également je pense que ce n'est pas le moment
de s'étendre sur ce sujet faire la genèse de l'histoire de
cette commission d'enquête pour peut-être en arriver à une
conclusion qui ne met pas en cause les gens qui ont oeuvré au sein de
cette commission d'enquête, mais qui met en cause les motifs qui ont
amené le précédent gouvernement à créer une
telle commission d'enquête. On s'apercevrait sans doute que, parmi les
motifs louables qu'il pouvait y avoir à la création d'une telle
commission d'enquête, il y avait aussi des motifs de stratégie
politique qui nous guidaient et nous incitaient à avoir des
réponses à donner. Lorsque certains faits inévitablement,
un jour ou l'autre, éclateraient au grand jour, il fallait avoir une
réponse à donner.
On pourrait également demander au représentant de
l'Opposition officielle, qui était Solliciteur général
à l'époque...
M. Lalonde: On pourrait laisser aller le député de
Verchères longtemps. Je voudrais lui rappeler que nous sommes dans une
commission parlementaire où c'est le gouvernement actuel qui propose ses
crédits.
M. Charbonneau: Oui, exactement. Je comprends, mais j'ai
l'impression que, dans ce cas, vous l'avez probablement oublié
vous-même lors de votre exposé.
M. Lalonde: Non, je ne veux pas le limiter, mais s'il me pose des
questions... L'ancienne Opposition officielle a posé ces questions l'an
dernier aussi. Lisez les Débats.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Verchères, vous pouvez continuer votre
exposé.
M. Charbonneau: J'ai l'impression, M. le représentant de
l'Opposition officielle, que vous avez oublié, lorsque vous avez fait
votre présentation, à quelle genre de commission on était
ce matin.
J'aurai, par la suite, lors de l'étude des crédits de
chaque programme, des commentaires à formuler. Mais je ne pouvais pas
passer sous silence votre attitude ainsi que certains de vos propos.
J'ajouterai, concernant ce travail que vous-même avez effectué
à une certaine époque...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Verchères, je vous invite à vous adresser au
président.
M. Charbonneau: Merci, M. le Président, je m'excuse. Si
l'on veut parler de l'indépendance du ministère de la Justice et
de ses dirigeants vis-à-vis de l'appareil gouvernemental,
vis-à-vis de l'Exécutif, on aurait pu également se poser
des questions quant à la façon dont certaines enquêtes ont
été menées, par exemple la façon dont on a fait
parader certains policiers lors de l'enquête sur le Village olympique, et
la façon dont certains représentants gouvernementaux ont
été jusqu'à fixer des délais précis pour la
conclusion d'une enquête policière qui, de toute évidence,
devant l'ampleur du travail à effectuer, ne commandait certes pas un
"dead-line" particulier en fonction d'objectifs politiques.
M. Lalonde: De quelle enquête voulez-vous parler?
M. Charbonneau: L'enquête sur le Village olympique.
M. Lalonde: Pour la limitation de l'enquête, vous voulez
dire?
M. Charbonneau: Oui, vous regarderez les articles que j'avais
publiés à cette époque et qui n'ont jamais
été démentis.
M. Lalonde: Ecoutez, s'il avait fallu démentir tous les
articles que vous écriviez, on aurait passé tout notre temps
à faire cela.
M. Charbonneau: J'ai l'impression que, dans ce cas-là,
vous auriez certes pu apporter un éclairage intéressant.
M. Lalonde: Vous parlez d'une enquête qui a eu un plein
succès. Prenez-en d'autres.
M. Fontaine: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: De quelle enquête voulez-vous parler, qui
a eu un plein succès?
M. Lalonde: Sur le Village olympique.
M. Fontaine: M. le Président, question de
règlement. On assiste à un dialogue entre deux
députés qui participent à la commission. Je pense qu'il
vaudrait mieux laisser le député de Verchères continuer
son exposé et s'adresser au président et, par la suite, si
d'autres représentants de la commission ont des remarques à
faire, ils pourront le faire.
Le Président (M. Clair): Je ne déciderai pas s'il
s'agit d'une question de règlement, M. le député de
Nicolet-Yamaska, mais j'invite le député de Verchères
à continuer ses commentaires généraux.
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Lorsque le
représentant de l'Opposition officielle réclame et reproche au
ministre de la Justice de ne pas avoir tenu une enquête rapide dans
l'incident Trottier, on pourrait lui demander si cet incident, placé en
comparaison avec l'importance des événements de la crise
d'octobre, ces derniers événements n'auraient pas incité
une enquête publique à l'époque, alors que tout cela
était très chaud, d'actualité et hautement
d'intérêt public.
M. Lalonde: Vous parlez d'un temps où je n'y étais
pas.
M. Charbonneau: D'un temps où vous étiez dans le
gouvernement.
M. Lalonde: Non. Je suis arrivé en 1973. Il faudrait que
le journaliste informé s'informe davantage.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, voulez-vous, s'il vous plaît, respecter le droit de
parole du député de Verchères!
M. Lalonde: M. le Président, c'est difficile parce que,
là, il y a tellement de faussetés qui sont en train de se
dire.
Le Président (M. Clair): Je comprends que c'est difficile,
M. le député de Marguerite-Bourgeoys, mais vous aurez l'occasion
de...
M. Lalonde: Oui. Je prends des notes, mais là...
Le Président (M. Clair): ... faire vos commentaires. J'ai
encore du papier.
M. Lalonde: J'invoque votre indulgence, M. le
Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Si vous avez besoin de papier pour vos notes, on
va vous en fournir. Tout cela pour dire que, fondamentalement,
indépendamment des remarques du représentant de l'Opposition
officielle, je suis assez heureux de constater que, dans le projet du ministre
de la Justice, on retrouve ce qui, à mon sens, constitue des
préoccupations greffées peut-être aux deux principes
fondamentaux qui doivent guider un ministère de la Justice dans une
société démocratique.
D'une part, vous avez, je pense, l'exigence d'une protection publique
liée à l'exigence du respect des droits de l'homme et des droits
individuels. Je pense qu'il n'y a rien de plus difficile, dans une
société démocratique, que de tenter de créer un
équilibre entre ces deux principes fondamentaux au chapitre de la
protection publique, et la discussion pourra être plus explicite au
moment de l'étude particulière des programmes.
Je suis assez heureux de constater dans quelle orientation se dirige le
ministre de la Justice en fonction de la lutte à ce qu'il a
appelé le crime organisé et l'insistance qu'il veut
également mettre sur la lutte à la criminalité
économique qui prend de plus en plus d'importance dans une
société moderne, industrielle et postindustrielle. Ce genre de
criminalité a été, à mon sens, laissé de
côté pendant les dernières années, bien qu'on ait vu
des tentatives de faire en sorte que la lutte à ce type de
criminalité commence à s'organiser d'une façon
professionnelle au Québec. Connaissant les gens qui travaillent dans ce
type de protection publique, je suis à même de dire à cette
commission qu'il était temps que des autorités gouvernementales
disent clairement leur intention de voir ce type de criminalité
être parmi les préoccupations constantes d'un gouvernement.
Il y a également, au chapitre de la protection publique,
l'amélioration des structures policières et le perfectionnement
des policiers, en particulier des policiers municipaux, qui s'inscrivent dans
l'amélioration de la qualité de la protection publique qui est
offerte aux citoyens du Québec. J'endosse pleinement les remarques de
l'Union Nationale qui signalait les lacunes à ce sujet et qui posait des
questions, à mon sens, fort pertinentes sur le type de structures de
protection publique dont la société québécoise doit
se doter au cours des prochaines années, et la qualité des
services qui seront rendus par ces structures.
Par ailleurs, comme je le disais tantôt, autant la protection
publique est un principe fondamental, autant, également, la protection
des droits individuels est un principe fondamental. Contrairement à ce
que, peut-être, plusieurs pourraient penser, ma formation m'a
amené à être assez sensibilisé à la
réalité de la criminalité dans notre société
et aux motifs qui amènent des gens à devenir des criminels plus
ou moins professionnels. Tout cela pour dire que je pense que l'ensemble des
citoyens dans une société ont une part importante de
responsabilité dans le phénomène criminel et qu'à
ce titre, ils doivent, par leur Etat, par leur instrument collectif qu'est
l'Etat, faire en sorte que leur responsabilité puisse amener des gens
qui ont commis des délits à retrouver une place valable au sein
de cette société. Autant les hommes
ont le droit de se protéger, autant, je pense, ils n'ont aucun
droit de se venger. Il est important que rapidement l'Etat
québécois améliore son système de détention,
de privation de liberté, en fonction du respect des droits de l'homme et
en fonction, aussi, d'une meilleure efficacité de la protection
publique.
Ce sont, M. le Président, les commentaires généraux
que je voulais faire à la suite des exposés du ministre de la
Justice ainsi que des représentants de l'Opposition. J'aurai sans doute
l'occasion de revenir lors de la discussion de programmes particuliers ou
d'articles particuliers. Je vous remercie.
Le Président (M. Clair): J'ai encore en lice le
député de Sainte-Anne et le député de Papineau. Il
est cependant 12 h 40.
M. Lalonde: II est midi quarante-deux. Alors, au lieu de
commencer pour trois minutes, peut-être que vous préférez
suspendre?
Le Président (M. Clair): Je préférerais que
le député de Sainte-Anne demande la suspension des débats
jusqu'à seize heures ou à la fin de la période des
questions, suivant la plus rapprochée de ces deux
échéances.
M. Lacoste: M. le Président, je demande la suspension des
débats.
Le Président (M. Clair): Les travaux sont suspendus
jusqu'à seize heures ou immédiatement après la
période des questions, suivant la plus rapprochée de ces deux
échéances.
(Suspension de la séance à 12 h 43)
Reprise de la séance à 16 h 31
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!
La commission parlementaire de la justice se réunit pour
continuer l'étude des crédits budgétaires de la commission
permanente de la justice. Les membres de la commission pour aujourd'hui sont:
M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M.
Charbonneau (Verchères), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Clair (Drummond),
M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Johnson (Anjou), M. Laberge (Jeanne-Mance),
M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Marois
(Laporte) remplacé par M. Beauséjour (Iberbille); M. Samson
(Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Springate (Westmount), M. Proulx
(Saint-Jean), M. Tardif (Crémazie), M. Vaillancourt
(Jonquière).
Y a-t-il d'autres remplacements? Au moment où nous avons suspendu
nos travaux à treize heures, le député de Sainte-Anne
avait demandé la suspension. Je lui redonne donc la parole. M. le
député de Sainte-Anne.
Aide juridique et cliniques juridiques
M. Lacoste: Merci, M. le Président. Pour peut-être
compléter l'exposé du député de Nicolet-Yamaska,
j'ai décidé d'aborder dans le cadre de cette commission
parlementaire de l'étude des crédits du ministère de la
Justice un point particulier. Il s'agit de l'aide juridique versus les
cliniques juridiques.
M. le ministre, cet aspect de la question, comme vous le savez, est
très important pour moi, d'autant plus que j'ai été
à même de constater le fonctionnement de l'une de ces cliniques
juridiques. Le député doit devenir un élément et un
lien humain entre le gouvernement et les citoyens, trop souvent perdus dans les
dédales de l'administration publique et d'autant plus de
l'administration de la justice.
Comme vous le savez, au cours de l'exercice financier 1976/77, la
Commission des services juridiques a subventionné des organismes qui
n'étaient pas des bureaux au sens de la Loi de l'aide juridique. A sa
réunion du 30 mai 1974, à la recommandation du Centre
communautaire juridique de Montréal, la Commission des services
procédait à l'accréditation de la Clinique juridique
communautaire de la Pointe Saint-Charles et de la Petite Bourgogne Inc.
Contrairement aux centres communautaires juridiques qui relèvent
de l'aide juridique, la Clinique juridique de la Pointe Sainte-Charles et de la
Petite Bourgogne est entièrement contrôlée par un conseil
de citoyens élu en assemblée générale du quartier
et conserve son autonomie en dehors des cadres de la loi comme corporation
indépendante.
Il est important de souligner que l'aspect juridique traditionnel d'une
clinique juridique, c'est-à-dire les causes qui ont été
entendues devant les tribunaux ou les divers corps administratifs, ne
comprend qu'une partie du travail qui touche la réforme du droit.
La lutte contre la pauvreté, qui est toujours la base et la raison
d'être d'une clinique juridique, ne se borne pas aux instances
judiciaires ou administratives.
Par contre, la présence de ces avocats en tant que conseillers
juridiques est essentielle pour les groupes communautaires afin de les aider
à faire prévaloir leurs intérêts.
Evidemment, le travail devant les instances juridiques n'exclut pas le
travail avec les groupes communautaires et, en fait, souvent les interventions
des avocats, au niveau juridique, ont aidé à la formation des
groupes et de leurs membres. Par exemple, les diverses actions que la clinique
juridique de Pointe Saint-Charles a intentées contre Gaz
Métropolitain Incorporée et l'Hydro-Québec, en ce qui
concerne les questions de coupures de service et d'exigence d'un
dépôt de sécurité, ont connu un certain degré
de succès au point de vue juridique et sont beaucoup plus importantes
quand on voit cette expérience à l'intérieur d'une lutte
menée par plusieurs groupes communautaires des quartiers, non seulement
aux limites de Pointe Saint-Charles mais aussi dans toute l'île de
Montréal.
Le succès devant les tribunaux sur la question des droits des
chômeurs ayant 65 ans et plus; la rencontre d'un avocat de la clinique
juridique mandaté pour représenter devant les conseils arbitraux
et un juge arbitre, qui s'est soldée par une victoire de la clinique
juridique; une requête pour injonction interlocutoire pour empêcher
la démolition d'un poste de pompiers par la ville de Montréal
qui, aujourd'hui, est remplacé par une bibliothèque municipale et
une salle communautaire pour les personnes âgées, c'est là
le travail social d'une clinique juridique, qui est complété par
le même genre de travail que les bureaux d'aide juridique.
Ces initiatives visent, pour la plupart, à régler en
profondeur les problèmes qui frappent le quartier. Elles amènent
de nouvelles formes d'organisation sociale qui misent sur la
responsabilité des gens concernés. Ce type de
développement, encore à ses débuts, répond à
une nécessité vivement ressentie dans une société
en transformation continuelle et qui se cherche. La preuve en est l'influence
que ces initiatives du quartier ont eue sur d'autres organisations semblables
au Québec. Je prends, comme exemple, la clinique juridique de Pointe
Saint-Charles que l'ancien gouvernement libéral a prise comme type de
clinique juridique pour faire la Loi de l'aide juridique.
Le travail communautaire oblige ces cliniques à pratiquer un
droit nouveau qui, quoique bien peu spectaculaire, n'en demeure pas moins
essentiel. Toutefois, ces cliniques juridiques doivent avoir un certain
degré dans l'obligation de confidentialité qu'elles doivent aux
clients communautaires.
C'est pourquoi ils ne doivent pas être rendus publics sans
l'autorisation des avocats concernés, il va de soi. Je cite ici le
Devoir du 14 avril 1975: "La prise en charge de l'Etat ne doit pas trop
bê- tement bureaucratiser l'aide juridique". Le gouvernement devrait
respecter les expériences comme celle de Pointe Saint-Charles, qui l'ont
précédé dans plusieurs de ces domaines. On connaît
le long combat que la Clinique juridique de Pointe Saint-Charles a dû
livrer pour rester fidèle à elle-même; la clinique
juridique du même quartier est davantage respectée, semble-t-il du
service gouvernemental de l'aide juridique.
M. le Président, durant mon discours sur le message inaugural
à l'Assemblée nationale, j'avais dit qu'un député,
de nos jours, doit être un animateur dans son milieu, c'est-à-dire
quelqu'un qui apporte des éléments nouveaux à la
réflexion des électeurs, même en dehors des périodes
électorales. Il doit avoir le courage de dire ce qu'il doit dire et de
faire ce qui doit être fait dans l'intérêt des citoyens de
son comté. Je crois à ce type de cliniques juridiques. Je dois
dire aux membres de la commission parlementaire que je ferai tout en mon
pouvoir pour défendre ce type de cliniques juridiques et tenter d'amener
des solutions à leurs problèmes. M. le Président, j'ai dit
ce qui devait être dit et j'ai fait ce qui devait être fait, et
cela pour l'intérêt d'une clinique juridique et pour
l'intérêt des citoyens.
Le Président (M. Clair): Le député de
Papineau.
M. Alfred: M. le Président, j'aurais voulu que cette
commission parlementaire de la justice soit au-dessus de toute partisanerie. Je
suis très heureux de voir, bien sûr, que l'Opposition de l'Union
Nationale ait compris cela et ait posé des questions pertinentes au
ministre. Malheureusement, l'Opposition officielle est incapable d'une telle
élévation. Cela me permet de toucher à quatre points:
premier point, le mode de nomination des juges; deuxième point, la
modification en profondeur des lois 23 et 253; troisièmement, faire
allusion à l'accident dont a parlé le chef de l'Opposition
officielle et, finalement, parler du comportement du ministre dans certaines
interventions.
A propos de certains règlements qui se faisaient lors du
gouvernement précédent, certaines idées me trottaient dans
l'esprit et aussi dans l'esprit de la population. Je me demandais si le fait de
régler aussi vite certaines choses ne dépendait pas de leur
nomination. Un éditorialiste du Droit disait, un jour, de quelqu'un qui
avait été nommé juge par le gouvernement Bourassa: Parce
qu'il manque de jugement, on le nomme juge. Cela a été
cité par un éditorialiste du Droit. Donc, je félicite le
nouveau ministre pour le nouveau processus établi pour instaurer la
confiance dans la nomination de ceux qui doivent restaurer la justice au
Québec.
Concernant la modification en profondeur des lois 23 et 253, je ne peux
pas ne pas vous rappeler la situation chaotique que créait
volontairement, peut-être, et délibérément le
gouvernement précédent. Je me demandais si ce n'était pas
volontairement qu'on créait des états de crise afin de forcer la
population québécoise à détester la classe
laborieuse. On laissait pourrir des situations et, au moment où
les esprits étaient surchauffés, on adoptait des lois à
toute vapeur. Ces lois adoptées à toute vapeur contribuaient
à aggraver le climat dans les relations de travail. Je ne pense pas que
ce soit avec des lois matraques qu'on va rétablir le climat social au
Québec. Ce gouvernement prétend maintenant nous faire des
leçons. A ce moment, je n'étais, bien sûr, pas ici, je
n'occupais pas la place que j'occupe maintenant, mais je voyais un gouvernement
qui agissait sans discernement et sans pédagogie.
Concernant l'allusion qu'a faite, ce matin, l'Opposition officielle
à l'affaire Edgar Trottier, je qualifie cette allusion de politique
basse et mesquine.
Concernant le comportement du ministre de la Justice, à propos
des lois 23 et 253, je trouve ce comportement justifiable; je le qualifie
même d'impeccable. La population laborieuse du Québec et la
population québécoise en général attendaient que le
ministre de la Justice, encore une fois, répare les pots que l'ancien
gouvernement avait cassés. Je ne pense pas que le peuple
québécois attendait une autre solution du ministre de la
Justice.
Nous autres, ce que nous voulons dans ce gouvernement, c'est de chercher
tous les moyens d'être justes, de dépolitiser ces débats,
de ne pas, avoir de collusions, d'établir la démarcation entre le
législatif et le judiciaire. Nous allons travailler de façon
à assainir le climat social. Ce que nous souhaitons, ce que nous
aimerions, c'est que l'Opposition officielle fasse preuve de sérieux et
ne recherche pas de votes car le public québécois n'accepte plus
cette façon de faire de l'électora-lisme.
C'est ensemble, je pense, que nous allons chercher à
résoudre les problèmes auxquels le Québec aura à
faire face; c'est la raison pour laquelle je demanderais à l'Opposition
officielle de se rajuster, bien sûr et je la comprends, c'est
difficile de se situer dans une ère nouvelle afin de comprendre
le Québec nouveau. Le Québec d'après le 15 novembre n'est
plus ce Québec qu'on a connu avant. Je demanderais à l'Opposition
officielle de laisser son médiévalisme politique pour se
brancher, comme l'a compris d'ailleurs, je pense, l'Union Nationale, sur la
voie d'une approche nouvelle pour régler des problèmes nouveaux
dans un monde qui veut qu'on soit sincère et franc dans le
règlement des problèmes. Merci.
Le Président (M. Clair): Je devine le désir du
ministre de répondre à certaines interrogations qui ont
été posées lors des commentaires généraux
des députés ministériels.
S'il y avait consentement unanime, messieurs de l'Opposition, nous
pourrions laisser le ministre répondre immédiatement à ces
commentaires généraux pour ensuite passer à votre
réplique de part et d'autre. Est-ce que cela irait?
M. Lalonde: Très bien.
Le Président (M. Clair): M. le ministre.
M. Bédard: Je serai très bref. Je m'en tiendrai
à ce qui me paraît être des interrogations. Entre autres, le
député de Sainte-Anne nous a parlé avec beaucoup
d'éloquence de la clinique Saint-Charles. Il a informé la
commission qu'il se battrait très fort si l'existence de la clinique
était menacée. Je dois faire remarquer que ce n'est pas la
première intervention que fait le député de Sainte-Anne
concernant la clinique Saint-Charles. Il a eu l'occasion déjà,
à plusieurs reprises, de m'en parler. Je dois dire au
député de Sainte-Anne, de même qu'aux membres de la
commission, que l'expérience des cliniques juridiques, non seulement
c'est important pour les députés, mais je crois que c'est
important pour la population, et il n'est pas question d'arrêter cette
expérience. Au contraire, je la trouve non seulement louable, mais
valable, et nous avons déjà commencé à
évaluer je parle à partir du 15 novembre leur
action. Nous allons continuer de le faire au cours de l'année et je suis
convaincu que cette expérience de la clinique juridique de Pointe
Saint-Charles, qui a été d'ailleurs, on l'a souligné tout
à l'heure, à l'origine de l'aide juridique, constitue une
expérience à ne pas arrêter, au contraire.
Le Président (M. Clair): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais simplement, sans
entrer dans un débat sur des questions que j'ai soulevées, quand
même accepter l'invitation du ministre, soit donner ma réaction.
Je passe par-dessus, pour l'instant, les questions auxquelles le ministre a
touché en réponse à des questions précises du
représentant de l'Union Nationale.
J'ai cru qu'il était bon que l'on invite le ministre
actuellement, à ce stade de son mandat, à mieux définir la
conception qu'il a de sa fonction de ministre de la Justice et plus
particulièrement de Procureur général.
Ceci, dans une tentative positive de l'aider naturellement, comme c'est
le rôle de l'Opposition de le faire, à mieux accomplir ses
fonctions et à mieux jouer son rôle.
Quant au retrait des plaintes concernant les lois 23 et 253, je ne veux
pas aller plus loin là-dessus. J'ai donné cela comme exemple.
Cela a donné lieu à un débat complet sur une motion de
blâme. On en reparlera sûrement plus tard, lorsqu'on pourra juger
de l'efficacité de cette approche dans la tentative du gouvernement
d'établir et de maintenir le climat social en se servant de l'instrument
démocratique par excellence qu'est la loi pour ce faire.
Affaire Trottier
J'ai mentionné aussi l'attitude du ministre en ce qui concerne la
décision du coroner relativement à la mort de M. Trottier. Je
veux tout de suite me référer à une remarque du
député de Papineau
à l'effet que je faisais de la politique basse et mesquine en ce
faisant. Cela indique jusqu'à quel point cette question est
délicate non pas à cause de l'individu qui en a été
la victime, mais de celui qui en a été l'auteur.
Je me rappelle aussi la remarque du ministre qui m'a demandé ce
matin de porter à son attention tout fait nouveau. Cela indique
jusqu'à quel point cette question a été traitée
d'une façon incomplète par le ministre, ce que je lui reproche.
Je l'ai invité, sans partisanerie c'était même
confidentiel, par lettre, avant que sa décision soit prise; je l'ai fait
publiquement après; je l'ai fait en Chambre une troisième fois
à confier toute cette question à un tiers
indépendant.
S'il l'avait fait, je ne serais pas dans l'obligation de me poser des
questions sur son comportement, sur l'attitude qu'il a eue, sur son jugement et
on ne serait pas tous ici dans une situation où on est un peu mal
à l'aise.
M. Bédard: Je ne suis pas mal à l'aise, moi. Je
tiens à vous le dire. Si vous l'êtes, parlez pour vous, parce que
moi, je ne suis pas mal à l'aise.
M. Lalonde: Je parle pour moi. Disons que tous, à
l'exclusion du ministre, on est mal à l'aise de parler de cette question
qui naturellement est très délicate.
La demande du ministre qui m'était adressée de porter
à son attention tout fait nouveau, cela indique bien que l'enquête
n'a pas répondu à toutes les questions.
M. Bédard: M. le Président, question de
règlement. Je n'ai jamais dit ni affirmé que l'enquête
n'avait pas répondu à toutes mes questions.
M. Lalonde: C'est moi qui le prétends. Je me suis
référé à votre demande de porter à votre
attention...
M. Bédard: Vous dites que le fait que je vous aie
demandé, s'il y avait des faits nouveaux, de les porter à mon
attention, cela indique...
M. Lalonde: Cela indique, pour moi...
M. Bédard: ... que j'ai l'impression de ne pas être
au courant de tous les faits. C'est complètement faux.
M. Lalonde: Cela m'indique, à moi, que l'enquête n'a
pas répondu à toutes les questions. Si cela avait
été confié à un tiers non politique, toutes les
questions auraient reçu une réponse, et on n'aurait pas
été dans cette situation où on est obligé, soit,
d'une part, de ne pas poser de questions sur une décision politique d'un
ministre, qu'il est de notre devoir de faire, ou bien, d'autre part, de le
faire, mais d'avoir l'air de faire de la basse politique.
M. Bédard: Question de règlement. M. le
Président, pour un ex c'est le cas de le dire, heu- reusement
qu'il n'a pas été longtemps là pour un
ex-solliciteur général, qualifier la décision qu'on a
rendue de décision politique, alors que c'est une décision
judiciaire qui a été rendue par le coroner Laniel, franchement
c'est vraiment tromper intentionnellement.
M. Lalonde: Je n'ai pas interrompu le ministre quand il a
parlé, qu'il me laisse faire.
M. Bédard: Non, il y a un bout à charrier.
M. Lalonde: C'est une décision d'un homme politique.
M. Bédard: Parler de tiers indépendant. Le coroner
Laniel, si vous voulez l'accuser et croire que ce n'est pas quelqu'un
d'indépendant, si vous voulez tout remettre en cause, les policiers qui
ont fait cette enquête...
M. Lalonde: Ne vous choquez pas. Vous disiez tout à
l'heure que vous n'étiez pas mal à l'aise.
M. Bédard: Oui, je vais me choquer. Quand je vois des
insinuations aussi bassement formulées par un ex-solliciteur
général...
M. Lalonde: Laissez-moi terminer. Soyez calme.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Bédard: ... d'une façon objective.
M. Lalonde: C'est une décision d'un homme politique de ne
pas faire une enquête publique. C'est cette décision qui, je
crois, est politique.
M. Charbonneau: ... suivre son cours.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Voulez-vous me laisser terminer sans interruption,
s'il vous plaît. Je ne l'ai pas fait à votre égard.
M. Bédard: Oui, vous l'avez fait.
M. Lalonde: Enfin, je m'excuse si je l'ai fait mais pas souvent,
j'ai été rappelé à l'ordre par le
président.
Alors, il a préféré laisser agir la justice par le
processus normal, pour revaloriser le processus normal. Il semble que ce soit
un très mauvais exemple parce que, au fond, en plus de la
décision qui devait être prise sur cette question, il y avait
l'intégrité de la fonction du ministre qui, à mon sens,
est une valeur extrêmement précieuse et qui aurait dû
l'inspirer à prendre une décision beaucoup plus prudente.
Je n'ai pas l'intention de poser des questions actuellement,
espérant que le ministre verra la lu-
mière un peu plus tard. Ce n'est pas mon devoir de faire
l'enquête pour le ministre. Je n'ai pas les moyens de le faire non plus.
Ce n'est pas mon rôle, comme membre de l'Opposition, et lorsque le
ministre mentionne que les commentaires de la presse l'avaient approuvé,
je ne pense pas que ce soit quand même ceci dit en toute
déférence pour ceux qui étaient autrefois journalistes et
les journalistes actuels le critère fondamental de la
décision d'un procureur général, à savoir si les
journaux sont en sa faveur ou non.
M. Bédard: Là-dessus, je suis d'accord avec
vous.
M. Lalonde: Vous êtes d'accord avec moi
là-dessus.
M. Charbonneau: On a toujours tendance à utiliser les
journalistes à toutes les sauces.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Ce n'est pas moi qui les ai utilisés, c'est le
ministre, cette fois-ci.
M. Charbonneau: Je regarde la façon dont vous posez les
questions en Chambre. Chaque jour, vous utilisez les journalistes. Hier, M.
Lévesque, avec Jean-V. Dufresne. Chaque jour, on les utilise de la
façon qu'on veut.
M. Lalonde: Je m'excuse, M. le Président, je ne l'ai pas
interrompu dans son intervention parce que ce qu'il dit, s'il avait
été dans l'ancien gouvernement, il se serait aperçu...
M. Charbonneau: C'était la même chose avant, vous
savez.
M. Lalonde: Oui, certain.
M. Charbonneau: Je me le rappelle.
M. Alfred: Là, nous...
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!
Je pense qu'il est de mon devoir de vous rappeler l'article 26 de notre
règlement qui prévoit que, pendant le cours des séances,
les députés demeurent assis et gardent le silence, à moins
d'avoir obtenu le droit de parole et, actuellement, c'est le
député de Marguerite-Bourgeoys qui a la parole. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'avais, M. le Président, invoqué cet
incident, qui n'est malheureusement pas terminé, pour indiquer de quelle
façon le ministre me semble être sur la mauvaise voie dans la
conception qu'il devrait avoir de ses fonctions. J'ai aussi mentionné,
comme dernier exemple, la question de la Charte des droits et libertés
de la personne. Le ministre dit je tente de le citer mais si ce n'est
pas verbatim, on me pardonnera, j'ai pris des notes au moment où il
parlait que l'amender cela n'équivaut pas à y faire
affront. Naturellement, amender une loi, ce n'est pas y faire affront, c'est
généralement dans le but de l'améliorer, de la rendre plus
actuelle. Mais lorsqu'il s'est engagé en Chambre à la respecter,
je pense que, dans l'esprit de tous les gens, c'était la respecter telle
quelle.
Lorsqu'il parle d'amendements à la charte, j'aimerais lui citer
des extraits du débat où un député disait: Mais ne
croyez-vous pas que, lorsqu'une loi est adoptée et qu'elle contrevient
aux dispositions de la loi concernant la liberté des personnes, cette
loi doit, pour être adoptée, subir un peu plus de
difficultés avant d'avoir sa sanction, pour souligner justement de
façon concrète le fait qu'on contrevient à un des
principes énoncés dans cette loi, c'est-à-dire la charte
des libertés de la personne? Cette citation est au bout du nom de M.
Burns, le mardi 21 janvier 1975. M. Burns disait plus tard: Je pense, par
exemple, aux deux tiers ou aux trois quarts ou à une autre
formalité qui souligne qu'il s'agit d'un cas véritablement
exceptionnel. Le vice-premier ministre actuel était du même avis
et renchérissait: Cette Charte des droits et libertés de la
personne, si on voulait l'amender, on devrait le faire d'une façon
ouverte, directe et possiblement, c'était leur voeu, avec une
majorité qualifiée, démontrant par là l'importance
que l'Opposition officielle d'autrefois qui est le gouvernement actuel
apportait à cette charte.
C'est ce que je veux trouver chez le ministre actuellement. Il dit: II
faut être prudent avant de modifier la charte. Je suis d'accord et la
façon n'est pas un article no 172, à la fin d'une loi, amputant
une partie de cette charte sans avis de la Commission des droits de la
personne, qui est quand même le conseiller privilégié du
ministre en l'occurrence, sans débats devant la commission parlementaire
de la justice. Ce n'est pas cette façon qui va démontrer
l'attention jalouse qu'ils doivent porter à cette charte et à son
contenu.
C'est pour cela, M. le Président, que j'avais mentionné
cet exemple et que je voudrais que mes remarques se terminent quant aux
généralités sur une note positive. C'était
dans cet esprit que je les avais faites. J'inviterais le ministre, après
six mois... Six mois, ce n'est pas beaucoup d'expérience, mais quand
même, il ne s'agit pas d'une question d'expérience ici, mais
plutôt d'une question de conception que le ministre de la Justice devrait
avoir de l'importance de sa fonction. Je l'assure de la collaboration de
l'Opposition à chaque fois qu'il devra s'opposer à des accrocs
à la Charte des droits et libertés de la personne, en
particulier, qui pourraient être tentés, de façon, souvent,
même pas consciente, dans des démarches ou des décisions
soit administratives soit législatives du gouvernement. C'est d'une
façon positive que je voudrais que cette charte, qui est quand
même un acquis dans notre héritage législatif, un acquis
dans notre société, même si elle n'a pas la valeur qu'un
tel document aurait s'il faisait partie d'une constitution, par exemple, soit
la pierre d'assise de l'action du ministre dans la protection des droits des
citoyens. Ce sont seulement
les remarques que je voulais faire, M. le Président. On pourra,
dans l'étude des crédits programme par programme, aller plus
à fond sur les questions soulevées jusqu'à maintenant.
M. Bédard: M. le Président, le député
de Marguerite-Bourgeoys m'a rappelé que le poste de ministre de la
Justice était un poste important. Je tiens à lui dire qu'il n'est
pas besoin de l'être longtemps pour s'en rendre compte. Je tiens à
lui dire que je sais jusqu'à quel point c'est une lourde
responsabilité, et j'en suis conscient. D'autant plus que des
décisions d'un ministre de la Justice peuvent être d'une
importance telle qu'elles peuvent contribuer à améliorer le
climat social ou à le détériorer. En conséquence,
un ministre de la Justice doit essayer d'allier la compréhension, d'une
part, et la fermeté, d'autre part, pour faire en sorte que ses
décisions contribuent plutôt à améliorer le climat
social de ce côté.
Je tiens à lui dire que j'assume ces responsabilités avec
beaucoup d'humilité et que je sais jusqu'à quel point il est
important, si vous me permettez l'expression, de ne pas se prendre pour un
autre lorsqu'on a à occuper ce poste. Je tiens à lui redire que
j'ai un profond respect de la Charte des droits et libertés de la
personne, de la même manière que j'ai un profond respect des
droits individuels et, également, un profond respect des droits
collectifs, des droits de la majorité, et que c'est dans un effort, je
dirais de Justice avec un grand J qu'on doit essayer de trouver
un ajustement entre ces différents droits, de manière que la
discrimination ne s'installe en aucune façon. C'est pour cela que j'ai
mentionné tout à l'heure et je ne veux pas faire un débat
sur la Charte des droits et libertés de la personne...
M. Lalonde: Ce serait bien cela.
M. Bédard: ... ni sur la Charte de la langue
française. C'est pour cela que je lui ai dit tout à l'heure que
ma conviction était que la Charte de la langue française venait
affirmer des droits collectifs fondamentaux, aussi bien pour la majorité
que pour les minorités, et qu'elle venait compléter, à un
niveau fondamental, la Charte des droits et libertés de la personne au
chapitre des droits linguistiques. Dès lors, il est parfaitement
légitime et justifié de faire de ces deux chartes des lois
fondamentales de notre société et peut-être de les mettre
sur le même pied, tenant compte du contexte que nous avons à vivre
comme majorité au Québec, mais faisant quand même partie
d'une minorité canadienne.
C'est ma conviction profonde. On peut ne pas partager la technique
législative employée, mais je crois que le député
de Marguerite-Bourgeoys sait jusqu'à quel point je veux être
respectueux de cette Charte des droits et libertés de la personne et,
qu'au niveau de la commission parlementaire sur la Charte de la langue
française, on aura l'occasion d'appronfondir ce côté.
Concernant l'accident qui a entrainé la mort de M. Edgar
Trottier, le représentant de l'Opposi- tion officielle a cru bon de
revenir à la charge en disant qu'on aurait dû confier cette
enquête à un tiers indépendant. Moi, M. le
Président, je tiens à vous dire ma conviction que le coroner
Laniel a constitué effectivement un tiers indépendant. Si le
représentant de l'Opposition veut mettre en doute le caractère
indépendant dont a fait preuve le coroner Laniel, j'espère qu'il
sera plus précis dans ses affirmations. Je crois également que
les policiers qui ont eu à faire enquête ont fait leur travail
sans interférence de quelque manière que ce soit. Ils ont fait
leur travail d'enquête policière ainsi qu'il doit être fait.
Si on veut mettre en doute leur travail, j'espère qu'on sera plus
précis sur ce point.
Je continue de croire qu'il y a avantage a essayer de valoriser le
processus judiciaire normal, de manière que ne se dégage pas,
à un moment donné, dans la population l'image que la vraie
justice passe par une enquête publique. A partir du moment où le
processus judiciaire normal a été respecté, tant au niveau
de l'enquête qu'au niveau de celui qui a à rendre jugement, je
crois qu'on doit contribuer à augmenter cette confiance dans la
population.
Là-dessus, le représentant de l'Opposition ne semble pas
partager mon point de vue, c'est son droit. Je voudrais lui faire remarquer que
j'étais conscient qu'il s'agissait du premier ministre qui,
effectivement, était relié à ce cas dont vous avez fait
état. C'est pour cela que, non pas au niveau de l'enquête, mais au
niveau de la publication de cette enquête, j'ai cru qu'il était de
mon devoir de ce qui n'est pas fait dans toutes les enquêtes du
coroner porter à l'attention de la population toute
l'enquête policière qui avait été faite, tous les
témoignages concernant, d'une part, la vitesse, puisqu'il s'agit d'un
accident, concernant l'alcool, concernant également l'état du
véhicule, concernant toutes les circonstances de l'accident, tous les
témoins, les versions intégrales. Le dossier au complet a
été porté à l'attention de la presse en
général.
Je pense que c'est une attitude que je croyais nécessaire,
justement, de manière qu'il n'y ait pas cette image de vouloir cacher
quoi que ce soit. A partir de ce moment, j'ai la conviction, d'une part,
d'avoir respecté le processus judiciaire normal, de l'avoir
valorisé; d'autre part, d'avoir adopté une attitude d'exception,
étant donné les circonstances et les personnes impliquées,
de manière que la population soit au courant de l'ensemble de ces
témoignages. Je pense que, si nous avions eu droit à autant de
transparence de la part du gouvernement qui nous a
précédés dans tous les dossiers qui pouvaient être
d'un intérêt public autant que celui-là, il y a bien des
questions que nous ne nous poserions plus.
M. Lalonde: Si vous voulez parler des dossiers, parlez-en.
M. Bédard: Vous nous parlez...
Le Président (M. Clair): Le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, concernant cet incident
Edgar Trottier, je pense que, dans l'Union Nationale, à ce que je sache,
peut-être que des parlementaires en ont parlé
personne n'en a parlé jusqu'à ce jour, tout simplement par
respect pour un parlementaire qui est impliqué dans cet incident. Je
comprends mal aujourd'hui l'attitude du Parti libéral, de l'Opposition
officielle qui, à mon avis, semble vouloir porter un coup bas
indécent à un parlementaire qui a été
impliqué dans ce dossier.
Je pense que c'est essayer de se faire de la publicité avec un
incident sur lequel une enquête a été faite et tout a
été rendu public, comme l'a dit le ministre de la Justice. Je ne
pense pas qu'aujourd'hui ce soit l'intérêt de la justice de
relever cela. Pour une fois, un parlementaire et même un premier ministre
du Québec a été traité à l'égal de
tout autre Québécois vis-à-vis de cet incident. Il a subi
le sort que tout autre Québécois, toute autre personne aurait
subi dans la population.
Nous allons sans doute continuer à nous abstenir de faire quelque
commentaire que ce soit. Nous considérons qu'il s'agit d'une affaire
classée, à moins que des faits nouveaux soient
révélés à la connaissance du public.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
M. Fontaine: Ce n'est pas une question de règlement, M. le
Président.
M. Lalonde: Vous avez dit que c'était une question de
règlement, au début.
M. Fontaine: J'ai demandé une question de règlement
pour avoir la parole.
M. Lalonde: J'en soulève une, une question de
règlement.
Le Président (M. Clair): En vertu de quel article du
règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys?
M. Lalonde: Vous les avez tous, les articles. Je vais vous dire
ceci et vous allez le trouver facilement.
M. Bédard: Cela, c'est fort!
M. Lalonde: Le député de l'Union Nationale n'a pas
le droit, d'après le règlement, de prêter des motifs...
M. Ciaccia: Article 96.
M. Lalonde: ...selon l'article 96, à un
député à cause d'une intervention.
M. Fontaine: Je faisais comme vous, je parlais pour
moi-même.
M. Lalonde: Je pense que c'est défendu par le
règlement. J'ai expliqué tantôt, je ne sais pas s'il a
écouté, que c'était simplement mon devoir; ce n'est pas
facile, naturellement, parce qu'on sait que, c'est un parlementaire qui est
impliqué et pas n'importe lequel. C'est mon devoir de faire en sorte que
l'institution qu'on appelle le ministre de la Justice, que
l'intégrité de cette institution soit protégée.
M. Bédard: Dites-moi en quoi cela n'est pas
protégé?
M. Lalonde: Laissez-moi finir!
M. Bédard: Oui, mais il y a un bout à jouer avec
des mots qui ne veulent rien dire dans votre bouche!
M. Lalonde: Laissez-moi terminer!
M. Alfred: M. le Président, question de
privilège.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Papineau, il n'y a pas de question de privilège en commission
parlementaire.
M. Alfred: Les allusions du député de
Marguerite-Bourgeoys m'agacent.
Le Président (M. Clair): Ah bon!
M. Lalonde: Alors, c'est votre privilège d'être
agacé! C'est cela, un privilège.
M. Fontaine: M. le Président...
M. Lalonde: J'étais à dire, avant d'être
interrompu, que je n'ai pas parlé de l'accident comme tel, je n'ai pas
parlé de la personne qui était impliquée dans l'accident,
j'ai parlé du ministère de la Justice et de l'attitude du
ministre de la Justice dans ce cas-là seulement, comme j'aurais pu
parler de l'attitude du ministre de la Justice dans un autre cas où un
coroner aurait rendu une décision. Qu'on garde bien à l'esprit
les balises de mon intervention, ce n'est pas du tout pour faire de la basse
politique et de la publicité. Je sais jusqu'à quel point c'est
délicat.
M. Alfred: Vous n'aurez pas de votes avec cela.
M. Lalonde: Ce n'est probablement pas très rentable non
plus d'en parler, au contraire. D'ailleurs, le député de l'Union
Nationale a terminé en disant: A moins qu'il y ait des faits nouveaux.
Si on avait eu une enquête publique, cela serait fermé pour vrai
et les faits nouveaux auraient tous été connus, alors que si
jamais quelqu'un pose une question à l'extérieur de la
Chambre...
M. Bédard: Encore des allusions malveillantes!
M. Lalonde: Non.
M. Bédard: Même s'il y a une enquête publique,
cela n'empêche pas que des faits nouveaux puissent être
portés à l'attention des autorités. C'est
complètement faux, ce que vous dites.
M. Lalonde: S'il y avait des faits nouveaux, plus tard, ce serait
toute l'intégrité de l'institution du ministère de la
Justice qui serait en cause C'est cela que je veux éviter.
M. Bédard: C'est complètement faux. Vous ne faites
pas la distinction entre l'honnêteté d'un homme, qui est ministre
de la Justice et qui juge sur des faits qui sont portés à sa
connaissance.
M. Lalonde: Ce n'est pas une question d'honnêteté,
c'est une question de jugement.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: On peut rendre un mauvais jugement
honnêtement.
Le Président (M. Clair): S'il vous plaît!
M. Bédard: Je vous mets au défi de prendre tous les
faits qui ont été portés à ma connaissance
et j'en ai informé l'ensemble de la population et d'arriver
à une autre conclusion que celle à laquelle je suis
arrivé.
M. Lalonde: Je ne veux pas faire l'enquête ici.
M. Bédard: Je ne suis pas ministre de la Justice pour
préparer des spectacles.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: Je suis ministre de la Justice pour prendre les
décisions que je crois les plus indiquées...
M. Lalonde: Je ne veux pas faire l'enquête Ici, mais la
façon dont vous avez agi permet à d'autres de le faire.
M. Bédard: ...en fonction des intérêts de la
justice.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!
A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!
M. Bédard: Cela permet à des hommes comme vous de
le faire, vous qui venez faire des allusions avec absolument aucun
élément nouveau.
M. Lalonde: Ce ne sont pas des allusions du tout, je mets en
doute votre jugement, pas votre honnêteté.
M. Bédard: Si vous mettez en doute mon jugement...
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: ...je pose une question non pas de
privilège mais de règlement, M. le Président. Si le
député de Marguerite-Bourgeoys met en doute mon jugement, qu'il
prenne tous les témoignages qui ont été portés
à l'attention du public. Qu'il les prenne et qu'il les analyse;
après cela, on verra qui a manqué de jugement.
M. Lalonde: M. le ministre sait très bien que ce n'est pas
ici l'endroit pour faire une enquête.
M. Bédard: Arrêtez de dire des choses à peu
près!
M. Lalonde: Mais c'est quand même l'endroit ici, pour
l'Opposition, lorsqu'elle le croit indiqué, de mettre en doute le
jugement d'une décision du ministre.
M. Bédard: D'accord, mais à condition d'avoir des
faits pertinents. A condition...
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: La pertinence, c'est de faire une enquête
publique, je l'ai dit vingt fois. Je vous l'ai demandé vingt fois.
M. Bédard: Bien oui, mais apportez-nous des faits.
Dites-moi les faits sur lesquels je me suis basé qui ne justifient pas
la décision rendue.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît, à l'ordre!
M. Burns: La SAQ, est-ce qu'on a des réponses
là-dessus? La SAQ, Loto-Québec; vous avez été
Solliciteur général pendant cette période, vous en preniez
des décisions, vous, à ce moment-là.
M. Lalonde: On essaie d'essayer! Bien vous l'êtes dedans,
vous l'avez la... Les enquêtes ont eu lieu.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Oui, les enquêtes ont eu lieu.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!
A l'ordre! Monsieur...
M. Burns: Des compléments d'enquêtes.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, M. le
député de Maisonneuve, s'il vous plaît!
M. Burns: Le ministre actuel de la Justice a entendu ces
folies-là de votre part, dans votre bouche...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Maisonneuve.
M. Burns: ...puis là vous venez niaiser avec des affaires
comme cela, voyons donc. Arrêtez de vous abaisser, vous êtes rendu
trop bas, on va être obligé de creuser le plancher.
M. Lalonde: Depuis que le ministre est arrivé, on a moins
d'ordre ici. Est-ce qu'il y a moyen de l'amener à l'ordre, lui là
le "slugger"?
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît.
Le président va devoir suspendre si on ne peut avoir l'ordre dans cette
commission. Messieurs, à l'ordre s'il vous plaît!
M. Burns: Pas de bon sens.
M. Bédard: Une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Clair): Sur une question de
règlement, M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, c'est le
privilège de l'Opposition de mettre en doute le jugement rendu par un
ministre concernant un cas particulier. Je lui reconnais ce droit.
M. Lalonde: C'est ce que je fais.
M. Bédard: Ce que je dis en même temps, c'est que le
sérieux du travail d'Opposition officielle oblige celui qui
représente l'Opposition officielle à amener des faits pertinents
qui soient de nature à nous permettre d'analyser jusqu'à quel
point son allusion ou son affirmation de manque de jugement n'est pas une
affirmation gratuite. Ce que je lui dis: Prenez tous les faits vous avez
eu le dossier comme les autres, vous avez dû en faire l'analyse
amenez-moi des faits, après analyse, qui auraient été de
nature à mener à une autre décision que celle que j'ai
prise de respecter, ne l'oubliez pas, de respecter la décision rendue
par le coroner Laniel. A ce moment-là je suis prêt à vous
écouter, mais n'arrivez pas seulement avec des allusions qui ne veulent
rien dire...
M. Lalonde: Je ne fais aucune allusion.
M. Bédard: ...mais qui veulent tout dire, puis qui
contribuent à dévaloriser la justice.
M. Lalonde: C'est mon opinion, et je l'ai exprimée, que le
ministre de la Justice a fait un mauvais jugement là-dedans; j'ai le
droit de le dire, c'est mon devoir de le dire.
M. Alfred: M. le Président, question de
règlement...
M. Burns: Dites-le...
M. Bédard: Dites-le; sans preuve, cela vaudra ce que cela
vaudra.
M. Lalonde: C'est mon devoir, vous n'êtes pas d'accord,
vous n'êtes pas d'accord peut-être, mais j'ai quand même le
droit de le dire, je... Ce n'est pas ici...
M. Bédard: Mais je vous dis pourquoi je ne suis pas
d'accord, parce que vous ne dites pas pourquoi.
M. Lalonde: ...l'endroit pour faire l'enquête.
M. Bédard: Si vous n'êtes pas capable de dire
pourquoi le jugement que j'ai rendu n'est pas correct je ne vois pas pourquoi
vous en parlez.
M. Lalonde: ...l'endroit de faire l'enquête, je n'ai pas
les moyens de faire l'enquête pour vous, vous avez tous les moyens.
Le Président (M. Clair): A l'ordre!
M. Lalonde: Faites donc une enquête publique.
Le Président (M. Clair): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Burns: Dites-nous donc pourquoi le ministre de la Justice
s'est trompé.
Le Président (M. Clair): Monsieur, à l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Bédard: Je ne vois pas pourquoi vous en parlez. Pardon,
question de règlement, M. le Président. Sur ce
cas-là...
M. Burns: Si le ministre de la Justice s'est trompé, il va
l'accepter.
M. Lalonde: Parce que des choses comme cela peuvent arriver parce
qu'il n'y a pas eu d'enquête publique. S'il y avait eu une enquête
publique, on ne serait pas en train de se chicaner.
M. Bédard: Une question de règlement, M. le
Président.
M. Burns: Dites-nous donc cela.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, monsieur!
M. Bédard: II y a juste vous qui essayez de faire une
histoire avec de l'histoire passée, comme a dit le représentant
de l'Union Nationale. Juste vous. Si vous pensez que c'est cela, si vous pensez
que c'est cela votre rôle, faites-le.
M. Lalonde: C'est ce que j'ai dit. Bon.
M. Bédard: Ce que je vous dis, sur le cas dont on parle,
on est sur un pied d'égalité, parce que l'enquête n'est pas
cachée dans mes tiroirs, les témoignages des témoins ne
sont pas cachés dans les tiroirs du ministère, les analyses qui
ont été faites, elles ne sont pas cachées dans les tiroirs
du ministère de la Justice. C'est que vous les avez...
M. Burns: Cela c'est nouveau.
M. Bédard: Ils ont été livrés
à la population, à tous les parlementaires et à toute la
population, de telle façon que vous avez le même dossier, devant
vous, que celui que j'ai devant moi et sur lequel j'ai porté jugement.
Alors, apportez-moi des faits juridiques qui puissent sous-tendre au moins ce
que vous avancez. Cessez de jouer avec des affirmations gratuites comme
celles-là qui dévalorisent la justice.
M. Lalonde: Le ministre de la Justice ne s'aperçoit pas...
non c'est justement pour valoriser sa fonction, pour la protéger.
Le Président (M. Clair): Le député de
Papineau, sur une question de règlement.
M. Alfred: M. le Président, comme je vous le disais,
l'Opposition officielle faisait de la basse politique avec cela. Le Parti
libéral voulait faire une enquête sur la spéculation du sol
de l'Outaouais québécois, où en est rendue cette
enquête-là? Pourtant elle était publique. Vos
enquêtes étaient publiques et on n'a rien...
M. Lalonde: Demandez-le au gouvernement. Ce n'est pas nous le
gouvernement.
M. Alfred: Vous avez dépêché des
fonctionnaires dans l'Outaouais pour faire une enquête publique et quand
j'ai demandé à votre ex-ministre des Affaires municipales
où en était cette enquête, il n'en restait plus rien.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Papineau, à l'ordre s'il vous plaît! Il ne s'agit pas d'une
question de règlement, M. le député de Papineau. Le
député de Sainte-Anne a demandé la parole également
sur une question de règlement; j'espère qu'il s'agit cette fois
effectivement d'une question de règlement.
M. Burns: L'ancien Sollciteur général savait
tellement ce qui ce passait dans ce domaine que quand on lui a parlé de
l'enquête Gilbert, il a dit: Gilbert qui?
Le Président (M. Clair): M. le député de
Maisonneuve. Le député de Sainte-Anne a demandé la parole
sur une question de règlement.
M. Burns: C'était fort cela. Il savait ce qui se passait
en maudit!
M. Lacoste: Puisque la question de règlement a
été soulevée par l'ex-solliciteur général
sur l'exposé du député de l'Union Nationale, c'est
peut-être le privilège de l'Opposition de mettre en doute les
décisions du ministre de la Justice, mais c'est quand même le
privilège de l'Union Nationale de mettre en doute l'approche du Parti
libéral.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Sainte-Anne, il ne s'agit pas là, encore une fois, à mon point de
vue, d'une question de règlement. Je pense que nous allons revenir
immédiatement au député de Nicolet-Yamaska qui
était en train de faire sa réplique à la suite de la
réponse du ministre de la Justice.
M. Lalonde: M. le Président, vous me permettrez quand
même... La question de règlement que j'ai posée en vertu de
l'article 96, c'était pour rétablir les motifs...
Le Président (M. Clair): M. le député,
à l'ordre s'il vous plaît! M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, la question de règlement que vous avez
prétendu soulever n'était sûrement pas soulevée en
vertu de l'article 96, qui ne fait aucunement mention du principe que vous avez
soulevé, voulant qu'on n'avait pas le droit de mettre en cause la bonne
foi de quelqu'un.
M. Charbonneau: L'article 96 ne mentionne d'aucune
façon...
M. Lalonde: C'est dans le règlement quand même.
Comme président vous devez le faire appliquer.
Le Président (M. Clair): C'est dans le règlement
effectivement, mais le règlement prévoit le cas de mise en doute
de la bonne foi d'un parlementaire, alors que le député de
Nicolet-Yamaska semblait plutôt, s'il le faisait, mettre en doute la
bonne foi d'un parti politique, ce qui n'est pas le cas.
M. Lalonde: Non, il s'adressait à moi. C'est moi qui ai
fait l'intervention. On ne va pas faire de distinction là, M. le
Président. Le tout très respectueusement dit, c'était une
question de règlement très... Je vais la terminer là,
cependant parce que je vois que cela soulève un débat et j'ai
été interrompu constamment, mais je voulais quand même que
cela soit inscrit que c'est une allusion tout à fait injuste et qu'il
n'a pas le droit de faire.
Le Président (M. Clair): Si vous vouliez que ce soit
inscrit, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, cela l'est
sûrement.
M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, je ne pensais pas soulever
un débat aussi extraordinaire en disant ce que j'ai dit. Je voulais tout
simplement donner la position de l'Union Nationale à ce sujet. Je ne
pense pas que des débats comme celui auquel on vient d'assister soient
de nature à faire avancer la réforme de notre système
judiciaire.
Je voudrais revenir plutôt aux remarques générales
et aux questions que j'avais posées ce matin dans mon exposé
concernant la constitutionnalité des tribunaux et concernant
également la lutte, au niveau juridique, que doit mener le ministre de
la Justice dans le but de faire appel des décisions qui ont
été rendues par les tribunaux supérieurs du
Québec.
Je me demande à ce stade si, parallèlement à la
lutte judiciaire que doit mener le ministre de la Justice, il n'a pas
également l'intention de mener une lutte politique en vue d'en venir
à une entente avec Ottawa sur la réforme de la constitution au
sujet de ces tribunaux. A mon avis, si nous ne pouvons en venir à une
réforme constitutionnelle, cela bloquera également la
réforme administrative que le ministre se propose de faire. Il a
même divulgué ce matin une certaine partie de la réforme
administrative qui devrait être faite pour l'automne prochain.
Je me demande si le ministre de la Justice ne devrait pas essayer de
lutter sur les deux plans en même temps pour en arriver à une
solution à ce problème et, également, je me demande si le
fait de ne faire qu'une lutte judiciaire ne serait pas de nature à
empêcher l'évolution qu'il a manifesté l'intention de
faire.
M. Bédard: Disons que nous faisons la lutte sur deux
plans. Le plan judiciaire, je pense bien que c'est normal que ce soit le plan
indiqué pour le moment, étant donné que dans certains cas
nous sommes face à des jugements desquels nous sommes allés en
appel. Encore une fois je ne peux me prononcer sur le fond, mais tel que je
vous l'ai dit ce matin, nous allons faire tous les efforts nécessaires,
assigner les avocats les mieux préparés possible afin de pouvoir
gagner en dernière instance...
Sur le plan politique, je serais porté à vous dire que
tant qu'on restera dans le système que nous connaissons, je ne vois pas
très proche le temps où cesseront les batailles de juridictions
auxquelles j'ai fait allusion.
Je serais porté à vous dire que, globalement, nous faisons
la bataille politique. Vous connaissez très bien les objectifs du Parti
québécois et du gouvernement. Si la population majoritairement
était d'accord avec l'objectif du Parti québécois à
l'occasion du référendum, j'ai l'impression que non seulement
cela diminuerait, mais que cela réglerait une grande partie de ces
conflits de juridictions dans lesquels nous perdons du temps, nous perdons de
l'argent, des énergies et qui contribuent à rendre plus
difficiles des réformes fondamentales qui doivent être faites dans
le domaine judiciaire.
M. Fontaine: Est-ce qu'on doit comprendre que le ministre de la
Justice ne veut Das négocier immédiatement avec le
fédéral, mais qu'il entend plutôt attendre la question du
référendum? D'autre part, au sujet de la lutte qu'on veut mener
devant les tribunaux, on connaît les délais qui sont
nécessaires pour en arriver à obtenir des jugements de la Cour
d'appel et de la Cour suprême. Est-ce que nécessairement la
réforme administrative qu'on voulait faire ne sera pas bloquée en
attendant ces jugements?
M. Bédard: Elle ne sera pas bloquée. Elle sera
moins complète, comme je l'expliquais au début de la
dernière séance. J'apportais certains exemples en ce qui a trait
à certains tribunaux comme le Tribunal de la famille, entre autres. Elle
sera moins complète, moins cohérente, peut-être moins
consistante. Peut-être le contexte nous rend-il plus difficile la
réorganisation cohérente des tribunaux, mais cela ne
l'empêche pas quand même et cela ne justifierait pas qu'une
attention toute particulière et que des efforts particuliers ne soient
pas faits en vue d'effectuer cette réorganisation des tribunaux.
D'ailleurs, indépendamment du contexte politique ou du contexte
juridique, notre intention est vraiment de déposer à
l'Assemblée nationale un projet de loi concernant la
réorganisation des tribunaux.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, dans la même ligne, n'y
a-t-il pas bientôt une réunion des procureurs
généraux des différentes provinces et du
fédéral?
M. Bédard: Ce n'est pas décidé d'une
façon finale, mais il est possible qu'à la fin de juin il y ait
une telle réunion des ministres de la Justice des différentes
provinces.
M. Lalonde: Est-ce qu'à l'ordre du jour de cette
réunion vous avez l'intention de demander justement que la question des
tribunaux soit discutée, vu justement les décisions judiciaires
concernant l'inconstitutionnalité de certains tribunaux?
M. Bédard: Je tiens à vous dire que cela a
été inscrit à la dernière réunion des
ministres de la Justice, à Toronto. Maintenant, étant
donné l'ordre du jour très chargé, on n'a pas pu aborder
ce sujet. Mais je compte bien, étant donné que c'est encore
à l'ordre du jour, aborder la question lors de la prochaine
réunion et également aborder la question de la réclamation
que le Québec fait au fédéral de $300 millions à
$400 millions concernant les forces policières.
M. Lalonde: Alors, la réponse à la question du
député serait affirmative. Vous avez l'intention de faire la
lutte politique aussi pour essayer de faire
reconnaître cela, sans oublier naturellement l'option fondamentale
de votre parti.
M. Bédard: Sans oublier cet objectif que nous poursuivons,
il est évident que, tant que nous restons dans le cadre constitutionnel
que nous connaissons, il est de notre devoir de faire tous les efforts
possibles pour améliorer la justice, de faire les réclamations
nécessaires auprès du gouvernement fédéral
d'obtenir en cela l'appui des autres provinces, et de fournir aussi, quand cela
est nécessaire, notre appui à certaines réclamations
faites par d'autres provinces au niveau du gouvernement
fédéral.
M. Lalonde: Vous avez sûrement l'appui de l'Opposition
officielle et nous vous souhaitons bonne chance!
M. Bédard: Concernant la réclamation
d'octrois...
M. Lalonde: Quand je dis: Bonne chance, ce n'est pas
péjorativement. J'espère que vous allez réussir.
M. Bédard: Là-dessus, je suis porté à
croire que vous êtes sincère quand vous me souhaitez bonne chance!
Vous pouvez être sûr qu'on va essayer d'employer tous les
arguments, quoiqu'ils ont pas mal été employés
jusqu'à maintenant. On sait que cette somme, qui peut se chiffrer autour
de $300 millions à $400 millions, est due par le gouvernement
fédéral au gouvernement du Québec. C'est une question de
justice. C'est tellement clair qu'on se demande pourquoi on a encore à
faire des revendications au gouvernement fédéral à ce
sujet. Cela montre jusqu'à quel point, même quand c'est clair,
c'est toujours difficile avec le gouvernement fédéral.
M. Lalonde: Très difficile.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Sur cette question, M. le Président, je
voudrais savoir du ministre de la Justice...
M. Bédard: II y aurait peut-être une petite
distinction. Je serai très appuyé par le premier ministre,
contrairement peut-être au ministre de la Justice qui m'a
précédé.
M. Lalonde: Je ne pense pas. Vous faites de la vieille histoire.
Je pense que l'appui était là.
Le Président (M. Clair): Le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Sur cette question, M. le Président, je
voudrais savoir du ministre de la Justice s'il a fait des démarches pour
obtenir l'appui de l'Ontario sur la question de la réclamation de sommes
dues?
M. Bédard: A Toronto, j'ai fait des démarches et je
suis convaincu, là-dessus, que nous aurons l'appui des autres
provinces.
M. Lalonde: II me semble que l'Ontario était toujours
d'accord sur cette réclamation, ils sont dans la même
position.
M. Bédard: C'est cela. Ils l'ont déjà
donnée, d'ailleurs.
M. Lalonde: Quant aux autres provinces, elles ne sont pas tout
à fait d'accord parce que cela leur en enlève un peu étant
donné que... Enfin, je vous laisse terminer le dossier.
Corps de police municipaux
M. Fontaine: Je voudrais revenir sur la question des corps
policiers municipaux. Que va faire le ministre, face aux différentes
demandes et aux nombreuses demandes des corps policiers municipaux concernant
les différentes dissolutions de leurs corps de police qu'ils demandent?
Que fera le ministre, face aux réclamations qu'ils font, comme, par
exemple, celle du maire de la ville de Québec? Est-ce qu'on va
subventionner ces corps policiers municipaux? Qu'est-ce qu'on va faire face
à l'attitude municipale?
M. Bédard: Concernant les demandes d'abandon
formulées par les municipalités au sujet de leurs corps
policiers, il est évident, comme je l'ai dit ce matin, que cela pose un
problème. Il y a déjà un groupe de travail qui est
formé, qui peut être de nature à nous aider à
formuler une politique d'ensemble sur une question de ce genre.
Maintenant, il va falloir quand même évaluer, le plus
rapidement possible, les différents modes de remplacement qui pourraient
être envisagés, à savoir que les services policiers soient
subventionnés par la Sûreté du Québec, avec ou sans
rémunérations, parce que je pense bien qu'il y a une question de
justice. Il y a des municipalités qui abandonnent leur corps policier.
Les municipalités qui l'ont fait jusqu'à maintenant, disons que
la sécurité n'était en aucune façon en danger
puisque dans ces municipalités, pour la plupart, il y avait
déjà un poste de la Sûreté du Québec et la
Sûreté essaie de voir à assurer la
sécurité.
Il va falloir penser, également, à certaines formes,
peut-être, d'intégration de corps policiers, penser aussi à
une politique d'aide financière aux municipalités. Maintenant,
vous connaissez les contraintes budgétaires auxquelles le gouvernement
doit faire face. Je pense que la preuve n'est plus à faire. Si nous
pouvions récupérer du gouvernement fédéral les $300
à $400 millions dont on parlait tout à l'heure, cela nous
permettrait sûrement d'élaborer ou de penser à
élaborer une politique d'aide financière qui soit
indiquée, dans les circonstances.
Il reste quand même que, dans chacun des cas que j'ai
soulignés ce matin, ils ont été
déférés à la Commission de police. Nous attendons
les recommandations de la Commission de police et,
pour le moment, nous allons prendre des décisions cas par cas,
étant très conscients de l'urgence qu'il y ait une politique
globale de mise à jour concernant ce problème.
M. Lalonde: Est-ce que, si vous me permettez, vous pouvez me
donner une idée du nombre de demandes qui ont été faites
par des municipalités à la Commission de police ou directement
à vous-même, puis référées à la
Commission de police?
M. Bédard: Quelques-unes ont été
adressées directement à la Commission de police, parce que toutes
les municipalités ne connaissent pas nécessairement le rouage ou
la procédure. D'autres nous ont été adressées au
ministère de la Justice. Disons en tout une quarantaine de demandes.
M. Lalonde: Cela concerne combien de policiers à peu
près, en tout? Ce sont des petits corps policiers, ils ne doivent pas
être très nombreux.
M. Bédard: D'ailleurs, dans tous les cas, cela concerne de
petits corps policiers.
M. Lalonde: Cela peut être quoi, moins de 100, par exemple,
une quarantaine de policiers?
M. Bédard: Vous permettez. Disons que cela peut
représenter, concernant les corps des municipalités qui ont fait
la demande, à peu près une cinquantaine de policiers.
M. Lalonde: Une cinquantaine de policiers seulement.
M. Bédard: Oui.
M. Lalonde: 40 corps avec une cinquantaine de policiers.
M. Bédard: Environ de 50 à 100 policiers.
M. Lalonde: Est-ce que vous avez déjà reçu
des recommandations de la Commission de police à ce propos?
M. Bédard: Nous n'avons pas encore reçu de
recommandations de la Commission de police.
M. Fontaine: M. le Président, est-ce que le ministre est
conscient également que certains corps policiers municipaux, de tout
petits corps, soit un, ou deux, ou trois policiers, ne s'adressent pas au
ministère de la Justice ou à la Commission de police et tout
simplement demandent à leurs policiers de démissionner, ce qui
est une autre façon de procéder sans que personne ne puisse s'en
apercevoir?
M. Bédard: Cette procédure est peut-être
employée, mais j'ai l'impression que les demandes d'abandon de corps
policiers, cela crée quand même certains remous au niveau d'une
population qui est concernée. La plupart, non seulement la plupart, la
très grande majorité des conseils municipaux acheminent leurs
demandes d'abandon soit à la Commission de police ou au ministère
de la Justice.
M. Fontaine: Le ministre de la Justice, je pense, a un pouvoir de
recommandation au Conseil des ministres sur les décisions qui doivent
être prises concernant les abandons de corps policiers.
M. Bédard: Pouvez-vous répéter, s'il vous
plaît!
M. Fontaine: Le ministre de la Justice, je pense, a un pouvoir de
recommandation au Conseil des ministres concernant la dissolution des corps de
police.
M. Bédard: Cette recommandation, le ministre de la Justice
a à la formuler après avoir reçu la recommandation
motivée de la part de la Commission de police. Je n'en ai pas
reçu encore. Il est évident qu'à mesure que nous allons en
recevoir nous allons prendre les décisions qui vont s'imposer,
après analyse du dossier, avec les représentants de la Commission
de police.
M. Lalonde: Quelle contrainte cela crée sur la
Sûreté du Québec au point de vue budgétaire,
d'effectif, parce que cela doit vous forcer soit à augmenter...
M. Bédard: Pour le moment, cela ne crée pas de
contraintes. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, dans la
plupart des cas il y a un poste de la Sûreté du Québec qui
se trouve aux alentours et, à ce moment, ils continuent tout simplement
le travail qu'ils effectuaient normalement. Dans aucun cas, à ma
connaissance, il n'y a eu nécessité d'augmentation des effectifs
de la Sûreté du Québec.
M. Fontaine: Dans le cas où on force des
municipalités, des corporations municipales à continuer d'avoir
un corps policier municipal, est-ce que le ministre va prendre des mesures pour
qu'effectivement ces décisions, dans les faits, soient
respectées? Est-ce qu'on va les subventionner pour qu'ils puissent
continuer à fonctionner?
Quel mécanisme va-t-on employer à ce moment?
M. Bédard: Malheureusement, il n'y a pas de sanction
prévue dans la loi.
M. Fontaine: Maintenant, concernant le conflit de la
Sûreté du Québec...
M. Bédard: II y a, par exemple, un bon pouvoir
d'incitation...
M. Lalonde: Mais temporairement.
M. Bédard: ...que nous essaierons de faire valoir.
C'est très clair, il n'y a pas de sanction prévue dans la
loi.
M. Fontaine: II n'y a pas d'amendement prévu, non
plus?
M. Bédard: Pas pour le moment.
M. Fontaine: Maintenant, concernant le conflit qu'on a connu
à la Sûreté du Québec, dernièrement, je ne
veux pas dévoiler des secrets d'Etat, je ne veux pas envenimer le
conflit non plus d'aucune façon, mais j'ai ouï-dire qu'il y aurait
eu une entente, récemment, sur la grille de cas prévue.
M. Bédard: Concernant les négociations qui se
poursuivent à l'heure actuelle entre les autorités de la
Sûreté du Québec et les policiers, elles vont très
bien. Effectivement, il y a eu un accord sur la grille de cas spéciaux
présentant des risques. Un échéancier a été
fixé afin d'accélérer les négociations. Je crois
qu'il y a lieu d'espérer que, dans un délai raisonnable, ces
négociations puissent se terminer. J'en suis très heureux. Je
pense que tous les membres de la commission parlementaire de la justice qui ont
eu à étudier l'ensemble de la question de la
sécurité au travail des policiers, après avoir fait un bon
travail, se réjouiront aussi sûrement de savoir que les
négociations vont très bien.
M. Fontaine: Est-ce que les recommandations de la commission
parlementaire ont pu influencer les négociations?
M. Bédard: Là-dessus, je ne voudrais pas faire une
relation de cause à effet. Je pense que ce qui est important, c'est de
constater qu'après avoir vécu un conflit qui a été
regrettable, qui peut marquer un certain retard, que nous reprendrons en
travaillant très fort avec les autorités de la
Sûreté et l'ensemble des policiers de la Sûreté du
Québec, ce conflit étant réglé, et les
négociations se poursuivant, on se rend compte surtout que la motivation
est en train non seulement de revenir, mais de s'affermir, de s'intensifier, ce
qui fera en sorte que je l'ai toujours dit on essaie de
travailler dans le sens que tous les policiers du Québec, soit de la
Sûreté du Québec ou des corps policiers municipaux, soient
fiers d'appartenir à leur corps policier et que l'ensemble des
Québécois aussi soient fiers de leurs corps policiers, que ce
soient les corps municipaux ou la Sûreté du Québec.
Je pense que nous n'avons qu'à nous réjouir d'avoir
été ferme tout au long du conflit que nous avons eu à
vivre, après avoir fait des offres raisonnables.
C'est peut-être un peu dans ce sens-là que je crois
à la justice; autrement dit, que j'évalue la manière dont
un gouvernement doit se conduire s'il veut être respecté par la
population, à savoir faire des offres raisonnables et, en même
temps, être très ferme quand c'est le temps. La justice, dans ce
sens-là, doit allier la compréhension et la fermeté. Je
suis très heureux que vous m'ayez posé la question, parce qu'on
ne peut que se réjouir de la bonne marche des négociations au
niveau de la Sûreté du Québec.
M. Fontaine: Soyez assuré que nous nous en
réjouissons également. J'ai parlé, ce matin, un peu de la
contestation du rôle du Procureur général du Canada. Est-ce
que le ministre peut nous dire s'il va aller plus loin dans ce dossier?
Qu'est-ce qu'il prévoit?
M. Bédard: Disons que, dès qu'une occasion se
présentera de pouvoir contester le pouvoir du fédéral ou
du Procureur général du Canada de porter des plaintes sur des cas
autres que ceux qui relèvent du Code criminel, nous le ferons. Je peux
même vous dire qu'il y a eu une entente à cet effet lors de la
réunion des ministres de la Justice à Toronto. Il y a eu une
entente disant que, lorsqu'un cas de cette nature se présenterait,
solidairement, nous verrions à faire tous les efforts nécessaires
pour contester auprès du fédéral ce pouvoir du Procureur
général du Canada.
M. Lalonde: A quelle loi faites-vous référence
quand vous parlez de lois autres que celles du Code criminel?
M. Bédard: Les drogues.
M. Lalonde: Les drogues, parce que c'est à
l'extérieur?
M. Bédard: Oui.
M. Lalonde: Est-ce que les procureurs
généraux...
M. Bédard: En ce qui a trait au Code criminel, cela...
M. Lalonde: ... des provinces, certains enfin, n'ont pas
l'initiative de poursuivre en matières de drogues aussi?
M. Bédard: Ils peuvent le faire, mais le
fédéral peut le faire aussi.
M. Lalonde: Oui, je sais, mais n'y a-t-il pas des ententes,
actuellement, qui se font cas par cas?
M. Bédard: Personnellement, je n'ai pas eu, jusqu'à
maintenant, de cas précis où il y a eu entente dans le sens dont
vous parlez.
M. Lalonde: Je ne veux pas répondre pour vous, mais
j'avais cru qu'il y avait eu un progrès de fait par voie d'entente, au
moins sur le Code criminel.
M. Bédard: II n'y en a pas eu. M. Lalonde: Non?
M. Bédard: En tout cas, depuis que je suis là, il
n'y a vraiment pas eu d'entente.
M. Lalonde: II n'y a pas eu d'entente.
M. Bédard: Au contraire, si ce sujet-là a
été soulevé au niveau de la réunion des ministres
de la Justice, je pense que c'est parce que c'est un point qu'on trouvait
solidairement important et il a été entendu qu'on ferait tous les
efforts, dès qu'un cas se présenterait, pour...
M. Lalonde: Contester le rôle du Procureur
général.
M. Bédard: ... contester le rôle du Procureur
général du Canada dans ce domaine.
Le Président (M. Clair): Le député
d'Iberville.
M. Beauséjour: M. le Président, lors du
débrayage de la Sûreté du Québec, une directive
aurait été envoyée aux municipalités à
l'effet d'assumer les services nécessaires pour la
sécurité des citoyens. Maintenant, une chose est certaine, cela a
occasionné plus d'heures pour les policiers et, comme de raison, cela
revient aux frais des municipalités. Est-ce qu'il y a possibilité
de compensation pour les municipalités qui ont été
obligées de défrayer un peu les heures supplémentaires
à cet effet?
M. Bédard: Disons que, jusqu'à maintenant, on a eu
seulement une demande de la part d'une municipalité à l'effet de
payer du temps supplémentaire qui avait été
occasionné par cette grève.
M. Beauséjour: Est-ce qu'il y a possibilité qu'elle
ait une réponse favorable? Je sais que j'en ai une; je ne sais pas si
c'est celle-là.
M. Bédard: Je serais porté à vous dire que
c'est un échange de services qui peut se faire. Maintenant, nous allons
étudier le cas; je préférerais ne pas me prononcer
aujourd'hui là-dessus.
M. Beauséjour: D'accord.
Le Président (M. Clair): Etat donné que je n'ai pas
d'autres intervenants en lice, je présume que nous pourrions entamer
immédiatement l'étude des programmes un à un. Maintenant,
je pose une question aux divers partis représentés à la
commission: Est-ce que nous suivons les programmes dans l'ordre où ils
sont présentés, 1, 2, 3, et ainsi de suite? Oui?
M. Lalonde: Bien, moi, je suggérerais que le ministre
aborde les programmes dans l'ordre qu'il veut, selon les personnes qui sont
disponibles.
Le Président (M. Clair): Je posais la question en tenant
compte également du fait que, si l'Opposition désirait adopter un
certain nombre de programmes rapidement, peut-être que cela pour- rait
libérer des personnes. Je le fais simplement à titre de
suggestion.
M. Lalonde: Je ne sais pas si on est prêt à cela,
parce que, lors des questions particulières, sauf celles qui avaient
été soulevées par l'Union Nationale, j'avais cru qu'on
conserverait notre droit de revenir sur chacune de ces questions à
l'intérieur des programmes.
Le Président (M. Clair): Effectivement. C'était
simplement à titre de suggestion. J'appellerai donc le programme 1. M.
le ministre, le programme 1, cela va? Le ministre de la Justice.
M. Lalonde: On a des questions. M. Bédard: On va
procéder par...
Le Président (M. Clair): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Fonctionnement du système judiciaire
M. Lalonde: Je vois que, dans le programme du Parti
québécois, on parle d'un accroissement de l'autonomie
administrative du pouvoir judiciaire. Je pense qu'on est dans le fonctionnement
du système judiciaire, ici au programme 1. Est-ce que le ministre a
l'intention d'apporter des réformes? Je fais écho à des
interventions qui ont été faites lors du dernier congrès
du Barreau, où certains prétendaient que l'efficacité
judiciaire serait augmentée si les cours avaient une plus grande
autonomie administrative, par exemple si on leur donnait un budget à
administrer, puis qu'elles pouvaient prendre des décisions
administratives. Je parle nécessairement des juges en chef et de
l'appareil administratif de la cour et non pas de l'appareil judiciaire. Je
vois au programme du Parti québécois, concernant la justice.
"Dans le but de placer la justice au-dessus de tout soupçon, a) 3-a), en
accroissant l'autonomie administrative du pouvoir judiciaire?
C'est pour cela que je demande au ministre: Est-ce que vous avez
actuellement, des dispositions, des recherches ou, enfin, quelque chose en
préparation dans ce sens?
M. Bédard: Je crois que c'est un élément
très important. Il va falloir essayer de trouver des solutions. Je pense
que c'est normal qu'il soit de nature à augmenter l'autorité
administrative des tribunaux. Je dois vous dire sur ce point que j'ai eu
l'occasion d'avoir une première rencontre avec les représentants
de la Conférence des juges et, durant toute la période de
l'été, j'ai l'intention d'avoir des consultations. Cet
élément doit être analysé en fonction de l'ensemble
de la réorganisation judiciaire qu'on veut effectuer. Au moment
où nous nous parlons, nous en sommes certainement à la
période de consultations.
C'est une demande qui est faite par la Conférence des juges.
M. Lalonde: Faite par la Conférence des juges à
votre égard?
M. Bédard: Oui, on a eu l'occasion d'avoir des
conversations là-dessus.
M. Lalonde: Avez-vous l'intention de donner suite?
M. Bédard: Je leur ai demandé de formuler d'une
façon plus précise, une proposition concrète, ce qu'ils
entendraient par une autorité administrative accrue. Nous aurons
l'occasion de continuer ces consultations en temps et lieu.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska, sur le programme 1.
M. Fontaine: A la commission de la justice sur le conflit des
policiers de la Sûreté du Québec, on avait parlé de
la possibilité d'avoir des policiers auxiliaires qui pourraient
signifier des procédures ou se servir de huissiers qui sont actuellement
dans l'entreprise privée, si on peut dire. Est-ce que le ministre a
envisagé cette solution pour diminuer l'effort des policiers dans ce
domaine?
M. Bédard: Je ne sais pas si cette question se situe
à l'intérieur du programme concernant la Sûreté du
Québec, mais indépendamment de cela, je crois que c'est une
question qui relève vraiment du groupe de travail sur l'analyse des
fonctions policières. Effectivement, les conclusions qui seront
portées à notre attention par ce groupe seront de toute
première importance. C'est un des premiers éléments de son
mandat.
M. Fontaine: Le ministre avait annoncé, il y a quelque
temps, l'engagement d'avocats pour les poursuites pénales. Ces avocats
ont été engagés à temps plein et, j'imagine, aussi
probablement avec des secrétaires pour avoir un soutien administratif
pour les aider. Si on s'en rapporte à la situation qui existait avant
l'engagement de ces avocats, lorsqu'un avocat de pratique privée
était engagé par le ministère pour des poursuites
pénales, la personne qui était accusée payait les frais de
la cause et les frais de l'avocat en question.
M. Bédard: Si elle était condamnée.
M. Fontaine: Si elle était condamnée. Cela arrivait
assez souvent qu'elle l'était.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska, je ne voudrais pas intervenir et restreindre inutilement les
questions, mais je pense que cela relève beacoup plus du programme 10,
sauf erreur, où on parle de l'application des diverses lois
pénales du Québec.
M. Bédard: Cela concerne le contentieux, je crois que ce
serait plus indiqué au programme 9. Je ne veux pas être
formaliste.
Le Président (M. Clair): 9 ou 10.
M. Fontaine: Oui, ou au Soutien administratif aux cours de
justice. On parle de soutien administratif aux cours de justice. Je n'ai pas
d'objection à retenir ma question, mais quand on parle de soutien
administratif, je pense que cela pourrait entrer là-dedans.
M. Bédard: Enfin, si vous n'avez pas d'objection.
Le Président (M. Clair): Je n'ai pas d'objection, allez-y,
M. le ministre.
M. Bédard: En ce qui regarde...
M. Fontaine: Je n'avais pas terminé, M. le ministre. Ce
que je voulais dire, c'est qu'auparavant les personnes qui étaient
condamnées payaient les frais de l'avocat en question. Aujourd'hui, vous
avez engagé des avocats à temps plein pour travailler à
votre ministère pour faire les mêmes poursuites et les personnes
qui sont condamnées continuent encore à payer ces frais. Le
ministre disait à ce moment-là qu'il voulait épargner de
l'argent à la population en cessant de payer des avocats de pratique
privée. Or, je pense que la population continue à payer le
même prix.
M. Bédard: Une petite minute, je vous prie. Il y a un
problème technique.
M. Fontaine: Oui, d'accord.
M. Bédard: C'est un problème technique et
réel que le député de Nicolet-Yamaska soulève.
C'est un privilège qu'ont les juges de condamner à payer
ou non les frais et à fixer ces frais. Il semble que plusieurs ont
commencé à exclure les frais des avocats au niveau du statut
provincial en disant que, maintenant que ce sont des fonctionnaires,
semble-t-il que le gouvernement n'aurait pas à les payer. Ce
problème est réel et, justement, nous allons proposer à Me
Normand, notre sous-ministre, une solution pour pallier ce problème
parce qu'effectivement ce sont des frais que nous avions l'habitude de
percevoir et qui pourraient nous échapper.
M. Fontaine: Cela veut dire que vous reconnaissez la
validité de mon intervention à l'effet que la population a
été, en quelque sorte, un petit peu trompée jusqu'à
maintenant, sur la question...
M. Bédard: Au contraire, il me semble. Cela coûte
moins cher s'ils ne paient plus de frais.
M. Fontaine: Non, mais quand vous avez fait votre
déclaration ministérielle, vous avez dit que vous engagiez des
avocats dans votre ministère pour épargner de l'argent à
la population, alors qu'elle continue à payer les mêmes frais de
cours et, en plus, doit, par ses taxes, payer les avocats que vous avez
engagés.
M. Bédard: Ce n'est pas au niveau des frais de cour qu'on
a dit qu'on épargnerait. Auparavant,
des mandats étaient donnés par le gouvernement à
des avocats de la pratique privée.
M. Fontaine: Ils ne vous coûtaient rien, ces avocats?
M. Bédard: Non. Cela représentait un certain
montant. Nous avons changé ce système en engageant des avocats
d'une façon permanente, au ministère de la Justice, pour deux
raisons: on voulait mettre fin au patronage qui existait dans ce domaine;
deuxièmement, nous avions exprimé notre conviction que cette
réforme se traduirait par une diminution des coûts, et nous avons
la même conviction. Dans ce sens, cela coûte moins cher à la
population.
M. Fontaine: Actuellement, vous pensez que cela coûte moins
cher à la population. Est-ce que vous ne pensez pas que les avocats qui
agissaient...
M. Bédard: Je pourrais peut-être vous donner une
idée de l'ensemble de ce qui a pu donner cette réforme,
jusqu'à maintenant. Pour l'année 1976/77, les crédits
votés au chapitre des honoraires professionnels résultant des
mandats confiés aux avocats et notaires de la pratique privée
étaient de $657 900 au programme 9 du contentieux général
du gouvernement, $2 164 700 au programme 10 du contentieux pénal, et
$208 900 au programme 11 du contentieux criminel, pour un total de $3 031 500,
auquel il faut ajouter une somme de $1 million votée en faveur des
autres ministères, soit une prévision globale de $4 031 500.
Les dépenses à ce titre ont été de $2 987
600 pour le ministère de la Justice, et de $1 600 000 pour les autres
ministères, soit une dépense totale de $3 988 200. Si on avait
maintenu la politique de recours aux services des avocats et notaires de la
pratique privée, le coût probable, pour l'année 1977/78,
aurait été de $4 784 600 et ce, afin de tenir compte d'une
révision des tarifs.
Au budget de 1977/78, nous avons prévu des crédits de $3
389 000 pour l'implantation d'un système de plaidoierie interne, en
matières civile et pénale, et pour la mise sur pied d'une
étude de notaires. Ces crédits se répartissent comme suit:
Programme 9: Contentieux général du gouvernement. Au niveau des
traitements, 110 postes, $1 959 000; frais de déplacement, $220 000,
divers, $35 000, pour un total de $2 214 000. Au programme 11: Contentieux
criminel, les traitements représentent 70 postes, à savoir $1 100
000, frais de déplacement, $50 000, et pour diverses autres
dépenses, $25 000, ce qui veut dire, $1 175 000 au niveau du Contentieux
criminel, pour un total de $3 389 000.
Nous avons également inscrit des crédits de $1 637 000
pour assurer le paiement des honoraires résultant des mandats en cours
d'exécution le 2 décembre 1976. Ces crédits se
répartissent comme suit: Programme 9, Contentieux général
du gouvernement, $666 000; Contentieux pénal au programme 10, $946 300;
programme 11, Contentieux criminel, $25 000, pour un total de $1 637 300. Ce
qui veut dire que, pour la première année de fonctionnement, la
réduction de l'ordre de $ 1 395 600, soit l'écart entre les
coûts estimés des deux systèmes, est annulée par les
crédits de $1 637 300 que nous avons dû inscrire au budget pour
acquitter les honoraires résultant des mandats confiés avant le
15 novembre 1976, ce qui est normal.
Donc cela représente certainement déjà, on peut
l'entrevoir en fonction de l'avenir, une épargne qui sera significative,
toutes proportions gardées. Mais ce qui est important aussi c'est que
pour une fois on s'est donné l'occasion de former, je crois du
moins c'est mon ambition au niveau du gouvernement, un véritable
contentieux, le plus structuré possible, ce qui est normal pour un
gouvernement d'avoir.
M. Lalonde: Est-ce que vos $3 308 000 tiennent compte de ce que
tous...
M. Fontaine: M. le Président, j'avais la parole.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska. Je voudrais demander au ministre s'il y a possibilité
de déposer son document...
M. Lalonde: M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. Fontaine: Je demanderais la suspension du débat.
M. Lalonde: Nous violons tous le règlement.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska, effectivement, nous violons tous le règlement, il est
six heures cinq. La commission suspend ses travaux jusqu'à...
M. Bédard: Vous me permettez, M. le Président, pour
la question de déposer le document, je vais en faire faire des
photocopies, puis je le déposerai pour le bénéfice des
membres de la commission.
Le Président (M. Clair): Nous apprécierons, M. le
ministre.
La commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures ce
soir.
(Suspension de la séance à 18 h 5)
Reprise de la séance à 20 h 22
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs! Au moment
où nous avons suspendu nos travaux, cet après-midi, nous en
étions à l'étude du programme 1. A la suite des
débats vigoureux qui ont eu lieu cet après-midi et de certains
commentaires que m'ont formulés les gens du journal des Débats,
je demanderais à tous et chacun de bien vouloir tenir compte du travail
que doivent effectuer les gens qui travaillent au journal des Débats;
c'est particulièrement difficile de reproduire les propos des
intervenants lorsqu'ils parlent plusieurs à la fois. Je suis convaincu
que tous et chacun d'entre nous considérons que ce que nous disons est
important et nous voulons que ce soit reproduit.
Au moment où nous avons suspendu, nous en étions donc au
programme 1. Le député de Nicolet-Yamaska avait demandé la
suspension de nos travaux, alors je lui accorde la parole immédiatement.
M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Bédard: Est-ce sur le cas que vous avez
soulevé?
M. Fontaine: Non, je n'avais pas l'intention de revenir
là-dessus immédiatement.
M. Bédard: Pour en finir sur le cas que vous avez
soulevé de certains juges qui, à un moment donné, lorsque
des gens sont condamnés, ne condamnent pas aux frais, ce qui fait qu'au
bout de la ligne c'est l'Etat qui est obligé de payer...
M. Fontaine: Ce n'est pas exactement le sens de mes paroles.
M. Bédard: ... et que cela peut représenter un
certain montant, je pense que là-dessus vous avez raison. Les cas que
vous avez soulevés sont, pour le moment, des cas d'exception. Il est
évident qu'il ne faut pas que cela devienne une règle
générale. On va aviser en conséquence auprès des
juges afin de faire certaines représentations.
M. Fontaine: Peut-être que le ministre n'a pas très
bien compris le sens de mon intervention. Ce n'est pas moi qui ai
soulevé les cas d'exception en question, c'est un fonctionnaire qui a
répondu à ma question. Ma question était d'une
portée plus générale, mais je suis bien conscient du fait
que ces questions ne font peut-être pas partie de cet
élément. On pourra peut-être y revenir plus tard, quand
j'aurai eu l'occasion de vérifier le document qu'on nous a
déposé à la commission, si vous n'avez pas
d'objection.
M. Bédard: En tout cas, vous aviez l'air de faire
vôtres certaines des représentations qui ont été
faites.
M. Fontaine: Oui. Je voulais revenir sur l'élément
1, Formulation de jugements. L'article 13 du projet de loi qui a
été déposé sur la charte de la langue officielle
dit: Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et les organismes
exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent
être rédigés en français ou être
accompagnés d'une version française dûment
authentifiée."
Le ministre pourrait-il nous dire s'il y a des statistiques ou si on a
fait des recherches au niveau du gouvernement à savoir combien de
jugements, au Québec, actuellement, sont rédigés en langue
française et en langue anglaise combien de chaque côté
et nous faire savoir si, à la suite de l'adoption de l'article 13
cela occasionnerait des coûts additionnels au ministère de la
Justice pour la traduction?
M. Bédard: Sur les statistiques, en toute
honnêteté, j'aime mieux que les fonctionnaires
répondent.
M. Lalonde: Je n'ai aucune objection à ce que les
fonctionnaires viennent donner des réponses précises; c'est tout
à fait normal.
M. Bédard: C'est sur des points techniques.
M. Lalonde: Elles vont apparaître, d'ailleurs, au nom du
ministre dans la transcription et cela va améliorer la qualité
des réponses.
M. Bédard: Je comprends que vous voulez avoir des
réponses différentes de celles que vous avez eues cet
après-midi. Mais, sur le plan politique, c'est autre chose.
M. Lalonde: Oui, sûrement des meilleures.
M. Bédard: Voici, nous n'avons pas eu, à ce jour,
plus de vingt demandes environ de traduction de jugements. Suite à des
représentations qui ont été faites par le juge en chef
Deschênes de la Cour supérieure, nous avons entrepris, il y a
quelques mois déjà, de faire la traduction complète des
jugements qui sont rendus en langue anglaise. Alors, c'est le ministère
des communications qui a cette responsabilité et tous mes protonotaires
et greffiers ont reçu une directive pour envoyer ces jugements à
traduire au ministère des Communications qui, conformément
à la loi, s'occupe de les traduire.
M. Fontaine: Alors, cela se fait déjà
actuellement.
M. Bédard: Cela se fait présentement. Maintenant,
ce qui arrive, c'est que, compte tenu du nombre de jugements à traduire
et compte tenu également du nombre de traducteurs dont peut disposer le
ministère des Communications, nous avons prévu des demandes
spécifiques, une façon de les demander spécifiquement,
pour être certains de fournir aux gens qui en font la demande la version
française du jugement à l'intérieur des délais
d'appel.
M. Blank: Vous avez dit conformément à la loi.
Quelle loi?
M. Lalonde: La loi 22.
M. Bédard: Oui, qui s'applique encore actuellement.
M. Lalonde: Parce que la loi 22 impose la traduction des
jugements.
M. Bédard: C'est cela.
M. Blank: Si on le demande.
M. Fontaine: M. le Président, est-ce que ces traductions
qui sont faites sont prises à même les crédits du
ministère de la Justice ou à même ceux du ministère
des Communications?
M. Bédard: Au ministère des Communications.
M. Fontaine: Merci.
Le Président (M. Clair): Le député de
Verchères et, ensuite, le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais demander au
ministre s'il a des projets ou s'il a des intentions en vue de corriger la
lenteur de l'appareil judiciaire dans certaines cours quant au nombre de
remises et aux nombreux délais qui existent.
Peut-être a-t-il également des données sur
l'évaluation des coûts qu'entraînent les délais
nombreux dans certaines cours, tant au palais de justice de Montréal que
dans d'autres palais de justice à travers le territoire du
Québec? C'est ma première question, M. le Président.
M. Lalonde: ... y compris pour les services policiers qui,
souvent, voient à ce que les policiers soient présents. Et quand
cela ne procède pas, c'est de l'argent perdu.
M. Charbonneau: Oui, exactement.
M. Blank: Est-ce qu'on fait une distinction entre les causes
civiles et les causes criminelles?
M. Charbonneau: Dans mon esprit, c'était beaucoup plus
dans le domaine des affaires criminelles, mais on peut facilement
englober...
M. Blank: Dans les causes civiles, il y a moins de délais.
C'est difficile d'avoir une remise dans des causes civiles. Cela prend une
requête spéciale au juge en chef, et c'est très difficile
d'avoir une remise en Cour supérieure. Dans la cour criminelle c'est une
autre affaire. Je suis d'accord avec vous. Je plaide une cause demain qui a
été intentée au mois de mars l'année passée,
une affaire très minime, mais cela a été remis quinze
fois, je pense.
M. Charbonneau: Outre les coûts, à mon sens, il y a
un problème de protection publique et de justice
élémentaire. La protection publique, c'est qu'il arrive souvent,
par le nombre de délais, que des prévenus qui,
éventuellement, pourraient devenir un danger pour la
société, obtiennent des remises en liberté sous caution,
d'une part. Par ailleurs, il y a aussi toutes les personnes innocentes qui sont
prises dans l'appareil judiciaire. J'ai l'impression que pour tous ces gens,
une justice plus accélérée leur éviterait des
angoisses, un paquet de problèmes humains, qui sont assez dramatiques
pour les gens qui n'ont rien à se reprocher et qui sont traduits devant
des tribunaux criminels.
M. Bédard: C'est évident que les lenteurs de la
justice, dans certains domaines, devant certaines cours, ne peuvent faire
autrement que d'avoir des effets négatifs vis-à-vis les citoyens.
Dans certains cas, cela équivaut presque à des dénis de
justice.
Il reste quand même qu'il faudrait faire la différence
entre le droit ciminel et le droit civil. En ce qui regarde le droit criminel,
je crois que les délais, d'une façon générale, sont
moins longs. Ce qu'il faut considérer aussi c'est que, souvent, les
délais, en matière criminelle, en tout cas, constituent presque
des moyens de défense.
M. Lalonde: Avec les options.
M. Bédard: Ensuite de cela avec les options, disons la
possibilité pour les prévenus d'opter pour des procès
devant jury. Il y a aussi, quand il s'agit de certains cas de premier
délit, des avocats, dans l'intérêt même du
prévenu, qui demandent certaines remises pour permettre à
l'individu qu'ils représentent de faire certaines preuves de
réhabilitation qui soient de nature à influencer le tribunal en
fonction d'une sentence plus clémente. Ce délai permet au
juge...
M. Blank: ... expérience.
M. Bédard: ...d'apprécier jusqu'à quel point
durant ce délai le prévenu a pu donner des signes tangibles
d'aptitudes à la réhabilitation. En ce qui a trait au droit
civil, j'admets que les délais sont plus longs et peuvent avoir des
conséquences plus importantes. Concernant les petites créances,
il semble que les délais je parle de délais moyens
pourraient être aux alentours de trois à quatre mois au niveau de
la Cour provinciale. Mais cela dépend des districts. Effectivement, je
sais que dans le district du Saguenay-Lac-Saint-Jean...
M. Blank: Franchement, sur le côté civil à
Montréal, les avocats n'ont aucune plainte.
M. Bédard: ... les délais ne sont pas plus longs
qu'il ne faut.
M. Blank: Les causes civiles à Montréal
actuellement n'engendrent aucune plainte ni des avocats ni des clients.
M. Charbonneau: ...quant au criminel à
Montréal.
M. Blank: Je ne parle pas du criminel. J'en parlerai quand
viendra mon tour. Mais, sur les causes civiles, il y a eu une
amélioration admirable durant les dernières années.
M. Bédard: Si vous me permettez de donner
approximativement ce que pourraient être les délais moyens
à l'heure actuelle, c'est qu'au niveau des petites créances cela
se situe autour de trois à quatre mois; concernant la Cour provinciale,
de six à sept mois; concernant la Cour supérieure, cela varie
d'un endroit à l'autre. Il y a des régions, des endroits
où cela peut être assez rapide mais cela peut aller jusqu'à
des délais de deux ans et même plus. Il est évident
qu'à ce moment-là il faut poser des gestes qui soient de nature
à diminuer les délais. En ce qui regarde la Cour d'appel, les
délais seraient aux alentours d'un an et demi, deux ans et même
plus, ce qui constitue des délais importants. Il va falloir essayer
d'analyser les principales raisons de ces lenteurs, du point de vue judiciaire.
Est-ce l'accumulation des causes?
Est-ce que, pour une bonne part, les demandes
répétées de remise de la part des avocats constituent un
élément important, quand on parle de la Cour provinciale, de la
Cour supérieure...
Une Voix: Cour des sessions.
M. Bédard: ... de la Cour des sessions aussi, mais au
criminel. Je pense que les demandes de remise des avocats y sont pour beaucoup.
Egalement, peut-être l'oreille attentive des juges devant de telles
demandes. Est-ce que vous avez d'autres...
Une Voix: Vous avez les délais moyens, justement.
M. Charbonneau: La deuxième question que je voudrais
poser, M. le Président, c'est si on peut déterminer combien
d'argent le Québec fournit pour le soutien administratif des tribunaux
fédéraux.
M. Bédard: Est-ce que vous faites la distinction entre la
Cour fédérale comme telle et les cours dont les juges sont
nommés par le gouvernement fédéral mais qui, quand
même, oeuvrent au niveau provincial?
M. Charbonneau: En fait, je n'avais pas fait cette distinction
et, dans mon esprit, j'avais les cours dont les juges sont nommés par le
gouvernement fédéral.
M. Lalonde: Cela comprend la Cour supérieure et la Cour
d'appel.
M. Bédard: Ce sont des cours du Québec. Je
comprends que les juges sont nommés par le gouvernement
fédéral, mais, dans ce sens, il n'y a pas de coûts
additionnels.
M. Charbonneau: En fait, il y a des coûts, mais qui sont de
la juridiction du gouvernement du Québec. La Cour
fédérale, elle...
M. Bédard: La Cour fédérale est
complètement à part. Elle a un endroit où elle
siège et c'est elle qui paie ce que cela coûte. Dans ce sens, les
autres cours, même si les juges sont nommés par le gouvernement
fédéral, il reste que, quand même, ce sont des cours du
Québec.
M. Lalonde: Pour la Cour fédérale, c'est le
gouvernement fédéral qui paie pour tout le soutien
administratif.
M. Bédard: Oui. C'est cela.
M. Lalonde: Pour la Cour supérieure, la Cour d'appel,
c'est le gouvernement provincial qui paie pour le soutien administratif...
Une Voix: Le salaire des juges est payé par le
fédéral.
M. Bédard: Exactement.
M. Lalonde: Le salaire des juges est payé par le
fédéral. La question du député de Verchères,
c'était: Combien cela coûte? Vous n'avez pas ces statistiques.
M. Bédard: Non. La question du député de...
M. Lalonde: ... de Verchères...
M. Bédard: ... Verchères visait à savoir ce
que cela nous coûtait, dans le sens que cela pourrait être des
choses qui vont être payées par le fédéral. Au
niveau du Québec, cela ne nous coûte rien, ce sont les cours du
Québec. Maintenant, quel est le coût de ces cours-là...
M. Charbonneau: Au niveau de l'administration des cours
fédérales, par exemple.
M. Bédard: ... je pourrais vous le donner, mais je ne l'ai
pas.
M. Charbonneau: On déborde le cadre des tribunaux, je
pense, quand on parle d'administration des lois fédérales. Il y a
des lois fédérales dont certaines applications sont faites par
des services policiers québécois.
M. Blank: II y a le Code criminel.
M. Bédard: Oui, mais le Code criminel, c'est de
juridiction fédérale.
M. Charbonneau: La loi sur les stupéfiants.
M. Lalonde: Je ne sais pas si le gouvernement a besoin d'aide
actuellement parce que je vois un député ministériel poser
des questions au ministre et cela n'a pas l'air très clair, la
réponse.
M. Bédard: Ce n'est pas la réponse. Je veux savoir
exactement ce que veut dire le député de Verchères.
M. Lalonde: Nous sommes prêts à aider le
gouvernement, vous savez. Cela me surprendrait, d'ailleurs, que le ministre ait
la réponse actuellement, parce que c'est quand même un jeu de
statistiques qui n'existent pas, je pense, à savoir ce que cela
coûte au gouvernement du Québec pour administrer des lois
fédérales. Par exemple, au niveau des juges qu'on nomme, vous
avez les juges des sessions de la paix qui administrent le Code criminel, qui
sont nommés et payés par le provincial, mais pour administrer des
lois fédérales. Le député de Verchères parle
de la Loi des aliments et drogues. Vous avez aussi les palais de justice, les
secrétaires, les greffiers et tout le reste.
M. Blank: Vous le trouverez dans les comptes nationaux de M.
Tremblay.
M. Charbonneau: Peut-être qu'il nous faudrait un bilan
économique du fédéralisme dans le domaine de la
justice.
M. Bédard: C'est ce que j'ai dit au député
de Verchères. Véritablement, on n'a pas de statistiques
là-dessus. Que voulez-vous que je vous dise?
M. Lalonde: Est-ce la dernière question du
député?
M. Charbonneau: Si vous voulez poser des questions
additionnelles, je vous en prie.
M. Lalonde: On a ici dans le programme 1, l'élément
1, formulation de jugements.
M. Blank: Sur la question des remises, sur la question du temps
que cela prend pour une cause. Il y a une place où je trouve un peu
exagérés les délais, c'est dans le district de
Montréal, dans des cas de divorce par défaut ou exparte. Je pense
qu'il est un peu irrégulier, car une personne du district de
Québec peut voir son cas de divorce exparte ou par défaut entendu
dans les 30 jours après signification. A Montréal, cela prend
presque un an. Je pense que c'est un peu long.
M. Lalonde: C'est un peu pour encourager la
réconciliation.
M. Blank: Oui, peut-être. Mais, quand il y a des enfants
qui sont en route, c'est un peu différent. Franchement, il y aurait
peut-être moyen d'arranger cela, par d'autres juges ou d'autres cours. Je
pense que maintenant il y a deux cours qui siègent chaque jour à
Montréal seulement pour entendre des cas exparte ou par
défaut.
Cela prend au moins huit à neuf mois avant que la cause soit sur
la liste, et à Québec, après les vingt jours de
délai vous pouvez vous inscrire en cour de pratique
immédiatement. Cela prend deux ou trois jours et vous avez votre cause.
Cela c'est la question des divorces.
Dans le domaine criminel...
M. Bédard: Le député soulève un point
qui est exact, nous allons essayer de le corriger. Cela n'a pas
été fait dans le passé.
M. Blank: J'ai été témoin, au palais de
justice à Montréal, dans les causes criminelles,
récemment, dans les derniers deux, trois mois, de remises, de remises et
de remises, du gaspillage d'argent à cause de la détention des
prisonniers de Montréal à Orsainville. La moitié du temps,
on a oublié de faire venir les prisonniers d'Orsainville, ou on les
oublie à Orsainville, et à Orsainville ils pensent qu'ils sont
à Parthenais. C'est tout un mélange. Je ne sais pas si c'est
administratif ou quoi, mais j'ai vu des causes et des causes remises. Il y a
une cause sur mon bureau qui est bloquée. Elle a été
remise une deuxième fois, puis on ne sait pas encore quand cela va
revenir. Il y a deux raisons, c'est que le monsieur est la moitié du
temps à Orsainville quand il doit être à Parthenais, et
quand il est à Parthenais on le demande à Orsainville. Mais
aussi, c'est un cas qui prendrait toute une journée pour l'enquête
préliminaire et on cherche un juge. Le monsieur est
incarcéré maintenant depuis quatre mois et il n'a pas encore eu
son enquête préliminaire.
Même si je peux demander au juge de rejeter la plainte, cela ne
donne aucune chance parce que la police va l'arrêter le lendemain et il
doit recommencer encore le jeu. Je ne blâme pas, il n'y a personne qui
l'a fait intentionnellement. Mais suivant ces faits entre Orsainville et
Parthenais, moi, je ferais une suggestion au ministre. Juste en face du palais
de justice, il y a un stationnement pour les fonctionnaires. Il pourrait
construire un centre de détention juste en face du palais de justice,
avec un tunnel, on n'aurait pas de problème de transfert. Il y a une
vingtaine d'années, quand la police provinciale était dans
l'ancien palais de justice, on n'avait pas de problème avec les
prisonniers, on les transférait, par le tunnel, de l'ancien au nouveau
palais de justice. Depuis la construction de Parthenais, personne n'est
satisfait. On a des problèmes de transfert de prisonniers. Si on avait
un nouveau centre de détention moderne, efficace, juste en face du
palais de justice, il y a assez de place, le gouvernement est
propriétaire de ce terrain, on peut construire quelque chose avec un
tunnel, on n'aurait pas de problèmes et cela coûterait moins cher
pour le gouvernement et ce serait efficace pour les accusés.
M. Bédard: Je comprends que si on faisait suite à
la suggestion...
M. Blank: C'est dans le comté de Saint-Louis, à
part cela.
M. Bédard: C'est dans le comté de Saint-Louis,
à part cela! Si on faisait suite à la suggestion du
député, on n'aurait peut-être plus de problèmes de
transfert mais, entre-temps, on a quelques problèmes de contingences
financières. On va étudier cela.
M. Charbonneau: M. le Président, une question
additionnelle sur les délais.
Le Président (M. Clair): Le député de
Verchères.
M. Charbonneau: C'est peut-être le domaine que je connais
le plus. Est-ce que la situation des délais, à la cour
criminelle, au palais de justice de Montréal, est pas mal plus
importante que dans les autres districts judiciaires ou si cela se compare?
M. Bédard: A Montréal, aux Sessions de la paix,
cela varie de deux mois et demi à treize mois, ce qui n'est pas...
M. Lalonde: Aux assises, est-ce que vous avez la
réponse?
M. Bédard: Non. Aux assises criminelles, je regrette, je
ne les ai pas. J'ai les Sessions de la paix, j'ai les statutaires, les
supérieures civiles, les provinciales civiles, les CSS; les assises
criminelles, je ne les ai pas. C'est très court.
M. Lalonde: C'est très court, maintenant? M.
Bédard: Oui. Une Voix: Deux mois.
M. Lalonde: II y a beaucoup d'améliorations depuis
quelques années là-dedans?
M. Bédard: Oui, dans toute la province. M. Lalonde: C'est
depuis le juge Lamer.
M. Bédard: Sommes-nous en train de décerner des
médailles?
M. Lalonde: II faut quand même donner le mérite
à ceux à qui il revient.
M. Bédard: Je n'ai pas d'objection à cela.
Le Président (M. Clair): Le député de
Nicolet-Yamaska, sur le même sujet.
M. Fontaine: Je ne sais pas si je suis à jour mais il y a
eu un conflit, à un moment donné, à l'intérieur des
cadres intermédiaires, au palais de justice de Montréal, qui
causait des délais considérables. Le juge Fabien avait fait une
sortie au mois d'avril à ce sujet, est-ce que c'est réglé,
le conflit, avec les cadres intermédiaires?
M. Bédard: C'est réglé.
M. Fontaine: Maintenant, concernant les plaintes statutaires,
est-ce qu'on peut nous dire s'il y a eu une amélioration dans la
rapidité pour entendre les plaintes depuis que ce sont les avocats du
ministère qui font les poursuites?
M. Bédard: II semble que cela marche très bien, il
n'y a aucun retard, si on veut évaluer par comparaison avec la
célérité avec laquelle on procédait auparavant.
Nous n'avons eu aucune plainte de ce côté.
Le Président (M. Clair): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Nous avons à l'élément 1,
formulation de jugements, $11 377 000 contre, l'an dernier, $11 900 000.
M. Bédard: Voulez-vous préciser l'élément
?
Formulation de jugements
M. Lalonde: L'élément 1. Formulation de jugements.
Tout d'abord j'ai deux questions qu'est-ce que c'est la
formulation de jugements? C'est beaucoup d'argent. Le ministre pourrait-il nous
donner les détails de ces budgets et le pourquoi de la diminution
d'à peu près un demi-million de dollars entre l'année
dernière et l'année courante?
M. Bédard: Cela regarde simplement des traitements de
juge. Cette réduction est due au fait que pour l'année 1977/78
les juges qui travaillent pour différentes commissions ou organismes
n'ont pas été inclus dans le présent budget; leur
traitement est inclus au niveau des budgets des différentes
commissions.
M. Lalonde: II y a eu un transfert de traitement?
M. Bédard: C'est cela.
M. Lalonde: Parlant de traitement de juges, est-ce que le
gouvernement a l'intention de prendre une décision concernant le
traitement des juges? On sait jusqu'à quel point le Parti
québécois s'était opposé à l'augmentation il
n'y a pas tellement longtemps. Est-ce que le gouvernement a l'intention de
laisser cela tel quel? Va-t-on revenir sur la position prise lors de
l'augmentation du traitement des juges, il n'y a pas tellement longtemps?
M. Bédard: Je crois qu'en ce qui a trait au traitement des
juges, c'est une situation qui sera réévaluée lorsque nous
procéderons à la réorganisation des tribunaux judiciaires.
D'ailleurs, si vous vous le rappelez, lors des débats en Chambre,
à l'Assemblée nationale à Noël, entre autres,
l'opposition du Parti québécois avait toujours été
motivée en grande partie par un élément qui faisait qu'on
nous présentait en pièces détachées simplement un
projet de loi concernant l'augmentation des juges, mais sans que tout cela
s'inscrive à l'intérieur d'un cadre général de
réorganisation des tribunaux. Je crois que lorsque nous
procéderons justement à la réorganisation des tribunaux,
c'est un sujet qui sera étudié comme les autres.
M. Lalonde: Maintenant, ces $11 377 500, qu'est-ce que cela
comprend à part les traitements
des juges? Est-ce que le ministre pourrait nous donner des
détails? Parce que Formulation de jugements, c'est quand même
assez large comme description.
M. Bédard: II y a les traitements qui représentent
un montant de $9 398 400; primes, allocations et indemnités, $8500, puis
il y a les pensions qui représentent $1 500 000, pour le total de $11
690 000, et également les frais de déplacement pour $360 000.
M. Lalonde: Ce sont tous les juges qui sont nommés et
payés par le gouvernement provincial, non seulement ceux des Sessions de
la paix. De la Cour provinciale aussi?
M. Bédard: Exactement, tous les juges nommés par le
gouvernement provincial. Cela comprend également la Cour du
bien-être, les juges nommés par la Cour du bien-être.
M. Lalonde: Maintenant, je ne sais pas si, à
l'élément 1 il y a encore d'autres questions, je serais
prêt à passer à l'élément 2.
Le Président (M. Clair): Le député de
Saint-Louis, est-ce que c'était sur l'élément 1?
M. Blank: Non, non. j'ai déjà passé mon
message.
Le Président (M. Clair): Le député de
Nicolet-Yamaska sur l'élément 1 du programme 1.
M. Fontaine: Puisqu'on a abordé la question des juges, je
n'avais qu'une question sur la nomination des juges. Selon le nouveau
système, les personnes qui veulent être nommées juges
peuvent postuler à un concours, mais on m'a posé la question
récemment, à savoir, si pour les juges qui sont nommés
dans les régions plutôt éloignées des grandes
villes, on va toujours prendre les juges de la région ou si des
personnes de l'extérieur peuvent postuler l'emploi.
M. Bédard: Dans la déclaration ministérielle
que j'ai faite concernant la mise en application de ce nouveau processus de
nomination des juges, j'avais pris soin de mentionner qu'il y aurait
certainement une considération particulière pour les
régions lorsqu'il s'agirait de nommer des juges à
l'intérieur des régions. A partir du moment où il y a des
avocats qui ont postulé l'emploi, il me semble que c'est normal que le
fait qu'ils appartiennent à une région en particulier où
on doit nommer un juge, constitue un facteur important.
M. Blank: Est-ce que vous en avez eu des candidats après
vos annonces dans les journaux?
M. Bédard: Je vais vous donner le détail sans vous
donner les noms.
M. Blank: Je ne demande pas les noms.
M. Lalonde: Mon nom n'est pas là toujours? M.
Bédard: Pas encore.
M. Blank: S'il y a un "blank space", c'est le mien.
M. Bédard: Les jurys sont déjà formés
et ils ont commencé leur travail de sélection. Il y a 105 avocats
qui ont posé leur candidature pour les neuf postes vacants. Tel que je
vous l'ai dit, les comités de sélection sont formés.
M. Blank: C'est le "no fault insurance" qui fait cela.
M. Bédard: Ils commencent leurs travaux au cours des jours
qui viennent.
M. Lalonde: Cela fera 96 déçus.
M. Bédard: Le plus important, c'est que cela fasse de bons
candidats, de bons juges.
M. Lalonde: Je voudrais poursuivre là-dessus. Le ministre
tantôt et je sais que sa position est inspirée d'un bon
motif a dit...
M. Bédard: Toutes mes positions sont inspirées d'un
bon motif.
M. Lalonde: C'est quelque chose que l'Opposition officielle le
reconnaisse. Il a dit tantôt que les comités ont été
nommés, mais qu'il préfère ne pas les rendre publics. Je
me demande si, au nom de la transparence, de la limpidité du
gouvernement, il n'y aurait pas lieu qu'il les rende publics. Cela pourrait
réinscrire dans tout ce processus le sentiment, l'impression des gens
que c'est un peu occulte, ces décisions.
M. Bédard: Imaginez-vous comment c'était avant!
M. Lalonde: On savait que c'était le ministre dans ce
temps-là.
M. Bédard: Personne ne voyait rien avant.
M. Lalonde: Le Conseil des ministres, parce que j'espère
que le ministre conserve sa liberté entière...
M. Bédard: Le ministre conserve sa liberté
entière.
M. Lalonde: ... d'entériner une suggestion de ces
comités. Là-dessus, j'avais compris que c'était
conservé et cela me rassure parce qu'au fond la responsabilité
ministérielle doit demeurer.
M. Bédard: Aucun doute.
M. Lalonde: II y a, par exemple, des jurys dans la fonction
publique qui sont appelés à examiner
des séries de candidatures pour toutes sortes de postes. Il n'y a
rien de secret là-dedans. Tout le monde sait qui sont les membres du
jury. Pour ma part, je leur ferais confiance si le ministre les a
nommés, c'est qu'il a confiance en eux pour espérer et
croire qu'ils seraient tout à fait étanches à des
tentatives d'influence. Le fait de dire: Je n'ose pas les nommer maintenant,
j'ai l'impression...
M. Bédard: Sur l'opportunité ou non de donner des
noms, ce n'était pas une position inflexible.
M. Lalonde: D'ailleurs, j'ai senti que c'était une
interrogation.
M. Bédard: Je m'interrogeais au moment où vous
m'avez posé la question. Je me demandais jusqu'à quel point, en
vous donnant les noms, il y avait un danger de pressions indues auprès
de ces personnes. Remarquez que je n'ai pas d'objection de principe à
donner les noms.
M. Lalonde: Si le ministre les a choisis, c'est qu'il a confiance
en eux. Je pense que c'est leur faire confiance aussi publiquement de ne pas
les cacher, pas nécessairement de leur faire une publicité indue,
mais de ne pas les cacher.
A ce point de vue, c'est simplement pour être dans la même
ligne de pensée que le ministre. Etant donné qu'il a confiance en
eux, qu'il leur a demandé de faire ce choix, j'invite le ministre
à les rendre publics. C'est une marque de confiance additionnelle
à leur égard.
M. Bédard: Remarquez que je l'ai dit, je n'ai pas
d'objection fondamentale à donner les noms. Je peux les donner. Je dois
vous dire cependant que ce ne sont pas, tel que vous l'avez dit,
nécessairement toutes des personnes choisies par le ministre. Ce sont
des personnes qui, à un moment donné, ont été
recommandées soit par le Barreau ou par les juges en chef.
M. Lalonde: Qui ont été acceptées par le
ministre, donc choisies par le ministre mais sur recommandation.
M. Bédard: Je vais vous donner la liste de ceux qui ont
à travailler à la sélection. A la Cour provinciale, vous
avez un jury formé du juge en chef adjoint, Robert Cliche; M. Yvan
Gagnon, bâtonnier à la section de Québec; Mme Jeanne
Blackburn, vice-présidente de l'AFEAS de Chicoutimi,
représentante du public. Il y a, à la Cour provinciale, M. Allan
Begold, juge en chef; Me Pierre Jutras, avocat de Victoriaville; M. Bruno
Smith, directeur général adjoint de la Caisse populaire à
Saint-Frédéric. Au Tribunal du travail, le juge Jean-Paul
Geoffroy, juge en chef; M. Claude Ber-nier, représentant du public; et
Me Michel Decary, avocat de Montréal. A la Cour municipale de
Montréal, il y a l'honorable Paul-Emile Champagne, juge en chef; Me
Serge Ménard, avocat de Montréal; Mme Laurette Robillard,
présidente du
Conseil du statut de la femme. Dans les Cours de session de la paix, le
juge Guy Guérin; le représentant du Barreau, Me André
Brassard; et le représentant du public, M. Jean-Paul Gilbert, membre de
la commission des libérations conditionnelles.
M. Blank: Je vois qu'à la Cour municipale, on va
peut-être avoir la première femme juge.
M. Lalonde: J'aurais une précision parce que...
M. Bédard: Comme vous pouvez le constater, je pense que ce
sont tous des choix de personnes...
M. Blank: Je peux féliciter le ministre pour le choix du
jury.
M. Lalonde: Je pense que oui. Je ne les connais pas tous, mais il
a dit pour la Cour provinciale, le juge Robert Cliche, M. Yvan Gagnon, Mme
Jeanne Blackburn, de Chicoutimi, il y a beaucoup de bon monde à
Chicoutimi. Ensuite, il a répété pour la Cour
provinciale...
M. Blank: ... pour Montréal et l'autre pour
Québec.
M. Bédard: C'est parce qu'il y a le district d'appel de
Québec et il y a le district d'appel de Montréal. C'est cela.
M. Lalonde: Ah bon! c'est pour les deux districts.
Le Président (M. Clair): Le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Je suis un peu profane en la matière et le
ministre me ramènera dans la bonne voie s'il juge que ma question est
impertinente. Devant la question du député de
Marguerite-Bourgeoys et la réponse du ministre, la question qui me vient
à l'esprit est la suivante: N'y aurait-il pas lieu également,
étant donné l'importance des juges dans une
société, et le fait que ces gens-là soient hautement
considérés dans la société, dans le milieu, que le
nom des candidats soit rendu public? Il y a peut-être des objections qui
ne me viennent pas à l'esprit.
M. Lalonde: Avant que le ministre réponde, est-ce que je
peux vous donner une objection que le ministre va vous donner?
M. Bédard: Là-dessus, je dois vous dire que j'ai
une objection fondamentale à donner les noms des candidats.
M. Blank: Les 90 qui ne sont pas choisis perdent leur
clientèle.
M. Lalonde: Le ministre m'a...
M. Bédard: Si vous permettez, l'une des raisons
principales, c'est que la plupart des candidats offrent leurs services d'une
façon confidentielle. Je pense que c'est normal, c'est leur droit, et
c'est comme cela dans la fonction publique. Et je crois qu'il est
indiqué de ne faire connaître que ceux qui, effectivement, seront
nommés.
M. Lalonde: Je vais accepter cette raison du ministre. Lorsque
j'avais demandé, dans une question au feuilleton, le nom de tous les
candidats qui s'étaient rendus disponibles pour les nouveaux programmes
d'avocats et de notaires, le ministre m'a donné seulement le nom de ceux
qui ont été choisis.
Le ministre m'a donné privément l'explication, disant
qu'il y a des avocats qui perdraient leur "job" si c'était su qu'ils
s'étaient présentés à une autre fonction, et j'ai
accepté d'emblée.
M. Charbonneau: N'étant pas avocat et comprenant les
discussions d'avocats, cela me fait plaisir de me renseigner.
M. Lalonde: Je suis d'accord avec le ministre
là-dessus.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Concernant encore les juges, est-ce que le ministre
pourrait nous dire s'il entend aborder bientôt une réforme plus
globale du système judiciaire, comme l'organisation du travail des
magistrats, l'établissement de règles de déontologie, la
mise au point de critères pour la révocation des juges, leur
recyclage et leur perfectionnement? Est-ce qu'il y a quelque chose de
prévu prochainement?
M. Bédard: Non. Tous ces sujets sont importants et il
faudra les analyser. Je crois que cela s'inscrit à l'intérieur du
cadre de la réorganisation des tribunaux judiciaires. Je ne vous dis pas
qu'on aura trouvé une réponse à tous les sujets qui ont
leur importance et que vous mentionnez, mais il est évident qu'on devra
faire une analyse en profondeur de chacun de ces sujets. Si nous ne sommes pas
prêts à donner des solutions dans chaque cas, nous le dirons.
M. Lalonde: Je n'ai pas entendu totalement la question du
député. Est-ce que cela comprenait aussi le code d'éthique
de la magistrature qui est dans le programme du Parti
québécois?
M. Bédard: Oui.
M. Lalonde: Cela comprend cela, aussi?
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Clair): L'élément 1 du
programme 1 sera-t-il adopté?
M. Lalonde: Adopté.
Le Président (M. Clair): L'élément 2.
Soutien administratif aux cours de justice
M. Lalonde: L'élément 2, M. le Président,
comprend $40 millions. Je pense qu'on est en devoir de demander au ministre
quels sont les détails de ces sommes d'argent, sous le soutien
administratif aux cours de justice.
M. Bédard: II y a les traitements, qui représentent
une somme de $31 547 200; autres rémunérations, $2 232 100;
communications, $638 800; services, $3 766 400; entretien et
réparations, $28 100; loyers, $552 400; fournitures $1 134 900 et autres
dépenses, $52 500.
M. Lalonde: M. le Président, on voit une
augmentation...
M. Bédard: II y a aussi matériel et
équipement, $170 800, et c'est tout, ce qui fait un total de $40 123
200.
M. Lalonde: On voit une augmentation de $36 500 000 à $40
123 000.
M. Bédard: Cela, c'est une augmentation...
M. Lalonde: J'imagine qu'une bonne partie de ces augmentations
est due aux traitements.
M. Bédard: Cela est dû, d'une part, à la mise
en application des conventions collectives qui nécessitera, au cours de
1977/78, des crédits additionnels de l'ordre de $2 328 000. Il y a
également l'accroissement du nombre d'employés en place qui
nécessitera des déboursés additionnels de l'ordre de $562
900. Il y a les crédits requis pour les 45 postes additionnels
accordés en vue de répondre à l'augmentation du volume de
travail, ce qui représente une somme de $325 000. Il y a les
crédits additionnels requis pour les personnes qui prendront leur
congé de préretraite, ce qui représente $33 900. Il y a
également l'utilisation d'agences de sécurité pour la
garde des palais de justice et des jurés lors des assises criminelles,
ce qui entraînera des déboursés additionnels de l'ordre de
$247 000, et d'autres augmentations et diminutions qui représentent une
somme de $61 700.
M. Lalonde: M. le Président, il y a $31 millions de
traitements là-dedans. Est-ce que le ministre pourrait nous
décrire quels sont ces employés? Est-ce que ce sont tous les
employés des palais de justice, greffiers, secrétaires, etc.?
M. Bédard: Tous les employés au niveau de chacun
des palais de justice. Est-ce que vous voulez des détails
additionnels?
M. Lalonde: Non, pas tous les noms mais c'est seulement...
M. Bédard: Non, sûrement pas.
M. Lalonde: C'est seulement les palais de justice?
M. Bédard: C'est cela.
M. Lalonde: Personne n'est inclus là-dedans au
ministère de la Justice. Sauf peut-être ceux je vois des
signes que oui en arrière de vous qui sont directement
impliqués, intéressés dans ce programme.
M. Bédard: Une quarantaine de personnes au niveau de la
Direction générale des greffes qui est au ministère de la
Justice.
M. Le Président (M. Clair): Le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je n'ai pas beaucoup de questions, sauf que
je ne sais pas si cela peut entrer là-dedans il y a un
problème qui est assez important dans l'administration de la justice,
qui est celui des témoins. Je ne sais pas si on a envisagé
prochainement de donner une augmentation aux témoins qui viennent
témoigner en cour, surtout au pénal.
M. Bédard: Je peux vous dire qu'en ce qui regarde les
témoins et les jurés on est conscient que les montants ne sont
pas suffisants. Je peux vous dire que nous avons fait des recommandations afin
que ces montants soient augmentés, afin d'avoir des crédits
additionnels qui nous permettent de les augmenter.
M. Fontaine: Cela n'est pas prévu dans des crédits
présentement?
M. Bédard: Non.
M. Le Président (M. Clair): Le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, est-ce qu'il serait
possible de savoir combien d'agences de sécurité traitent avec le
gouvernement pour la garde des palais de justice? Quelles sont ces agences de
sécurité?
M. Bédard: Je n'aurais pas la réponse...
M. Charbonneau: Est-ce que...
M. Bédard: Au cours de l'étude des crédits,
on fournira ces réponses.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Clair): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ... puisqu'on est encore au programme 1, est-ce que
le ministre a des disposi- tions à proposer, concernant la disparition
progressive des Cours municipales au profit des Cours des sessions de la paix
en matière criminelle et de la Cour provinciale en matière
civile?
M. Bédard: Là-dessus, quoi qu'il se fasse, cela
doit se faire, d'abord, sur une base volontaire. J'ai mentionné, ce
matin, qu'il y avait une expérience pilote qui se faisait au niveau de
Longueuil. Nous allons analyser ce que peut donner cette expérience
pilote. Je crois qu'il y aurait avantage à ce qu'une telle
intégration se fasse. Je suis conscient quand même des
difficultés que cela peut amener. Je crois qu'il y a lieu, pour le
moment en tout cas, d'attendre et d'évaluer l'expérience pilote
qui se fait à Longueuil.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre favorise le transfert de ces
responsabilités en matière criminelle de la Cour municipale
à la Cour des sessions de la paix? Je pense plus particulièrement
à Montréal.
M. Bédard: Je pense avoir été clair tout
à l'heure en disant que je favorisais cette intégration.
M. Lalonde: Je n'étais pas sûr d'avoir compris. Vous
favorisez ce transfert.
M. Bédard: Maintenant, je conditionnais une prise de
position défénitive aux résultats de l'expérience
pilote qu'on fait à Longueuil. Je suis conscient du fait que ce n'est
pas une chose qui peut se réaliser du jour au lendemain.
M. Lalonde: Dans quel district judiciaire le ministre
prévoit-il des problèmes, à part Montréal? Est-ce
qu'il y a plusieurs districts judiciaires où ces transferts pourraient
créer des problèmes? On a l'expérience pilote de
Longueuil.
M. Bédard: Nous avons eu certaines demandes de la part de
municipalités qui seraient prêtes à procéder et
même à favoriser ce transfert, cette intégration. Il y a
d'autres municipalités qui s'y opposent carrément. Je crois qu'il
y aura lieu de réévaluer cela de concert avec le ministère
des Affaires municipales.
Le Président (M. Clair): Le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Une petite question, M. le Président.
Est-ce qu'il existe des statistiques sur l'efficacité de la garde des
dossiers dans les différents palais de justice? Je pourrais
peut-être poser ma question à l'inverse. Je me rappelle qu'il y a
eu à quelques reprises des incidents où on rapportait des
disparitions de dossiers dans différents greffes de palais de justice.
Est-ce que vous pouvez nous dire si, au cours d'une année, cela se
produit fréquemment? De quelle importance peuvent être les
disparitions de dossiers, ou les disparitions de documents à
l'intérieur des dossiers aux greffes, ou est-ce occasionnel?
M. Bédard: Des disparitions de dossiers, c'est
extrêmement rare. Ce qui peut se produire à l'occasion, c'est que
des dossiers soient mal classés. Dans les endroits à gros volume,
nous avons des codes de couleurs pour les chemises, ce qui évite
justement de mal classer des dossiers.
M. Lalonde: Ce ne sont pas des disparitions, ce sont des
égarements?
M. Charbonneau: C'est ce qui existe, malgré tout, je pense
bien...
M. Bédard: C'est du mauvais classement.
M. Lalonde: ... des cas exceptionnels où c'est une
disparition, mais, à ce moment, c'est voulu, c'est provoqué.
M. Charbonneau: Oui, j'imagine bien.
M. Lalonde: Grâce à un complot ou à une
conspiration quelconque.
M. Charbonneau: Sans doute.
M. Lalonde: A ce moment, j'imagine que le ministre de la Justice
ordonne des enquêtes.
M. Charbonneau: J'ose l'espérer.
M. Bédard: II n'y a aucun doute là-dessus. S'il y a
des cas de cette nature, vous me les signalerez.
Le Président (M. Clair): L'élément 2, du
programme 1 est-il adopté?
M. Lalonde: Adopté.
Tribunal de l'expropriation
Le Président (M. Clair): Adopté. Elément 3
du programme 1.
M. Lalonde: M. le Président, l'élément 3,
c'est le Tribunal de l'expropriation. Il n'y a à peu près pas
d'augmentation. Est-ce que le ministre pourrait nous dire quelles sont les
prévisions pour l'année courante des travaux du Tribunal de
l'expropriation? Naturellement, le Tribunal de l'expropriation n'est
occupé qu'en fonction des expropriations qui sont faites plus
particulièrement par le pouvoir public. Est-ce que des lignes ont
été tracées? Est-ce que cela va diminuer? Est-ce que cela
va augmenter? Quels sont les problèmes particuliers auxquels fait face
ce tribunal actuellement?
M. Bédard: II n'y a pas de problèmes vraiment
particuliers auxquels a à faire face le Tribunal de l'expropriation. Je
sais que cela procède avec beaucoup de célérité; en
ce qui regarde Québec, les délais sont très courts,
Montréal également. Cependant, il y a à signaler d'une
façon tout à fait particulière le fait que certains
jugements retardent beaucoup trop et que nous espérons que cette
situation se corrigera.
M. Lalonde: M. le Président, le juge je me pensais
devant le prétoire pardon, le ministre vient de parler des
jugements qui retardent trop. C'est un sujet assez délicat.
M. Bédard: Qui est très délicat, mais c'est
une constatation qu'honnêtement je dois faire.
M. Lalonde: Je ne veux pas embarquer le ministre
là-dedans, pas du tout, parce que je sais jusqu'à quel
point...
M. Bédard: Ce sont des cas très particuliers.
M. Lalonde: Non, je sais que le ministre est assez courageux de
le mentionner. Maintenant, est-ce que le ministre a pensé à des
dispositions spéciales? Est-ce que la loi lui donne certains
pouvoirs?
M. Bédard: Vous savez que mes pouvoirs sont très
limités là-dedans.
M. Lalonde: Est-ce que la persuasion lui permettrait de corriger
cela?
M. Bédard: Je m'en arroge un, c'est de le dire.
M. Lalonde: Est-ce que ce défaut dans le prononcé
des jugements est généralisé ou si c'est exceptionnel?
M. Bédard: C'est exceptionnel, je dirais même
très exceptionnel.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre a pu déceler des
raisons? Est-ce une question de santé de quelques juges qui sont en
charge? Est-ce que c'est une question de complexité des cas?
M. Bédard: J'aimerais mieux ne pas élaborer. Je
sais que, dans certains cas, la transcription judiciaire a retardé
beaucoup, mais pas à un point tel qu'on ne serait pas en mesure de
souhaiter que les cas exceptionnels se résolvent le plus rapidement
possible.
M. Lalonde: Avant de féliciter le ministre pour sa
déclaration, est-ce que je pourrais lui demander quels sont ces
délais? Est-ce six mois, un an ou un an et demi?
M. Bédard: Vous avez un regard interrogateur qui a l'air
de le savoir.
M. Lalonde: Quand on a plaidé quinze ans devant des cours,
on ne pose jamais des questions sans savoir les réponses.
M. Bédard: Le délai normal à Québec,
c'est de deux ou trois mois, ce qui est très raisonnable. A
Montréal, c'est de trois ou quatre mois, ce qui est très
raisonnable aussi, sauf les cas exceptionnels dont je vous ai parlé tout
à l'heure.
Dans un cas, il y a un délai de plus d'un an, puis dans l'autre
cas, c'est de deux ans.
M. Lalonde: J'espère que le message du ministre sera
entendu.
M. Bédard: Je l'espère aussi.
Le Président (M. Clair): Le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je comprends que le Tribunal de l'expropriation
entend des causes et rend des jugements qui, en moyenne, semble se rendre assez
rapidement. Je voudrais demander au ministre de la Justice si, d'un autre
côté, lorsque arrive le temps de verser les indemnités
suite à ces jugements, il n'y aurait pas eu des rencontres avec le
ministre des Finances. Dans mon comté, à différents
endroits, on m'avise que le paiement des indemnités prend beaucoup de
retard. Est-ce que le ministre de la Justice aurait eu des discussions à
ce sujet avec le ministre des Finances?
Une Voix: Ce serait très nouveau!
M. Fontaine: D'ailleurs, je pense que le gouvernement doit verser
des intérêts là-dessus.
M. Bédard: Je n'ai pas eu de conversation
particulière soit avec le ministre des Transports ou le ministre des
Finances. Cela relève en grande partie du ministre des Transports.
M. Fontaine: Est-ce qu'il y aurait possibilité que le
ministre puisse avoir une conversation sérieuse avec ses
confrères à ce sujet?
M. Bédard: Je prends note de la suggestion. M.
Fontaine: C'est tout.
Le Président (M. Clair): L'élément 3 du
programme 1 sera-t-il adopté?
M. Lalonde: Adopté.
Le Président (M. Clair): Adopté. Programme 2. M. le
ministre, avez-vous des commentaires généraux?
M. Bédard: Bien. Une Voix: Adopté.
M. Lalonde: II faut me prendre plus tard pour que je ne sois pas
là.
Protection des droits et libertés de la
personne
M. Bédard: En ce qui a trait aux commentaires
généraux, l'année financière 1977/78 marque le
début de l'existance du programme 2, Protection des droits et
libertés de la personne. Ce programme se divise en deux
éléments, soit l'élément 1, pour la Commission des
droits et libertés de la personne, et l'élément 2,
comité pour la protection de la jeunesse, lequel d'ailleurs, faisait
partie du programme 3, élément 1, en 1976/77.
Les variations aux crédits de 1977/78 par rapport à
1976/77, je pense qu'il serait peut-être indiqué qu'on
procède par élément.
Le Président (M. Clair): Nous débuterons avec
l'élément 1. M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Avant qu'on commence à étudier le
programme 2, puisque la Commission des droits de la personne n'existe que
depuis très peu de temps et qu'elle n'a pas encore eu l'occasion de
déposer un rapport annuel je pense qu'elle s'apprête
à le faire prochainement et du fait que nous ne connaissons pas le
bilan de ses activités concernant le nombre de plaintes, les lacunes
dans la loi, les réussites obtenues et les déficiences dans le
fonctionnement de la commission, les effectifs de la commission, n'y aurait-il
pas lieu, avant d'aller plus loin dans l'étude du programme,
étant donné que le président de la commission est ici,
qu'il puisse nous faire un bilan général de la dernière
année financière avant de passer à l'étude de
chacun des éléments?
M. Lalonde: L'Opposition officielle appuie cette demande.
M. Bédard: Effectivement, comme vous le savez, la Charte
des droits et libertés de la personne est entrée en vigueur le 28
juin dernier. Dans notre premier rapport annuel, qui est déjà
entre les mains de l'Editeur officiel et qui, normalement, devrait être
publié au début de juin, évidemment, nous soumettons des
réponses à peu près à toutes les questions qui nous
ont été soumises il y a quelques instants.
Grosso modo, la commission compte 60 postes, en réponse à
une question précise. Au total, j'entends le personnel professionnel de
cadre, de soutien, etc., et nous avons, pour le moment, un bureau principal
à Montréal et un bureau dans la ville de Québec
conformément, d'ailleurs, à la loi. Bien sûr, au personnel
s'ajoutent les commissaires qui sont au nombre de onze; évidemment,
seulement deux, actuellement, sont à temps plein, le président et
le vice-président.
De juin au 31 décembre, puisque, conformément à la
loi, le rapport annuel devait couvrir cette période qui se termine le 31
décembre, nous avons reçu, comme nous vous l'indiquerons, quelque
2000 demandes de tout genre.
Cela peut être aussi bien des demandes de renseignements que des
demandes d'information. Cela peut être des demandes d'aide, par exemple,
pour organiser un colloque ou pour avoir un programme d'éducation dans
les droits de la personne, dans des écoles, dans des organismes de tout
genre. Bien sûr, il y a aussi toutes sortes d'autres interventions, des
études de cas, des enquêtes qui nous sont demandées.
Nous avions, dans les six premiers mois, entre 151 et 160 dossiers
d'enquête ouverts. Tout ceci va croissant, puisque nous avions
jugé opportun de profiter de l'été pour roder un petit peu
la machine, si je peux dire, parce que, dans le domaine des droits de la
personne, il n'existait pas préalablement beaucoup de professionnels ou
de gens habitués à s'adonner aux différentes
activités professionnelles.
Nous avons commencé, donc, sans publicité ou avec une
possibilité bien minimale, d'autant plus que, comme tout le monde
parlait à l'époque des Olympiques, toute publicité
eût été plus ou moins inutile. C'est à l'automne que
nous avons un petit peu accentué la question publicitaire avec des
conférences de presse, aussi bien à Montréal qu'à
Québec, et maintenant nous avons couvert l'Abitibi, le Bas-du-Fleuve, la
Gaspésie, etc.
Je vous donne une idée. Si au point de départ, en juillet,
le premier mois, nous avions 124 demandes, en mars dernier, par ailleurs, nous
en avions 900. Il y a une courbe croissante qui est rattachée à
la publicité, pas à la publicité je n'aime pas le mot,
mais à l'information que nous transmettons aux gens, leur faisant savoir
qu'il s'agit de droits et non de privilèges. Mon Dieu, actuellement, je
le regrette, dans les six premiers mois, c'est inévitable et normal,
près de 90% des demandes nous viennent des régions de
Montréal et de Québec, ce qui veut dire qu'il n'y a à peu
près que 10% des demandes qui nous viennent d'autres régions.
Cela se divise également entre hommes et femmes, ceux qui
s'adressent à nous; à peu près 50% sont des hommes et 50%
sont des femmes. Au point de vue linguistique, à peu près 80%
s'adressent à nous en langue française et 20%, en langue
anglaise. Cela ne veut pas dire, qu'il s'agit dans tous les cas de gens
d'origine anglaise, d'origine française. Il y a des groupes ethniques
qui s'adressent à nous en français ou en anglais. Alors, grosso
modo c'est ceci. Ensuite, quant aux plaintes ou aux études de cas, aux
enquêtes, les principaux secteurs sont les suivants: D'abord les plaintes
portent principalement dans le domaine du travail. Près de 50% de nos
enquêtes concernent la discrimination dans le secteur du travail, ensuite
dans le secteur du logement et différentes autres raisons
subséquemment. Si cette fois on ne parle pas de secteurs mais de motifs
de discrimination, 50% invoquent la discrimination basée sur le sexe, en
tout cas dans les six premiers mois, alors que 20% invoquent la race; 13%, les
convictions politiques, etc. Cela, en décroissant.
Donc, en deux mots, dans le secteur du travail, discrimination
invoquée surtout par les femmes; c'est une courbe significative dans
notre travail. Alors, en gros ce sont des statistiques que je vous ai
livrées. J'ignore si vous voulez davantage de renseignements, combien de
temps vous voulez que je parle, moi je suis à votre disposition.
M. Fontaine: Est-ce que vous avez des recommandations à
faire?
M. Bédard: Ces recommandations, voici où vous allez
les retrouver. Nous allons déposer à l'Assemblée
nationale, aussitôt que l'Editeur officiel l'aura terminé, ce
rapport qui est intitulé: Un défi de justice pour tous.
Dans la première partie nous formulons un certain nombre de
recommandations concrètes concernant des amendements possibles à
la charte.
M. Lalonde: Avez-vous eu plusieurs demandes d'avis, au
ministère de la Justice, depuis que vous êtes en fonction?
M. Bédard: J'ai fait une demande d'avis juridique
concernant le financement des partis. D'ailleurs, c'était à la
suggestion du leader de l'Opposition officielle. C'est la seule demande, en ce
qui me regarde, que j'ai formulée à l'intention de la Commission
des droits de la personne, sachant que la commission peut de son chef
émettre des avis lorsqu'elle le juge à propos. Entre autres, la
commission nous a fait savoir qu'elle désirait venir se faire entendre
lorsque la commission parlementaire sur le projet de loi no 1
siégerait.
M. Lalonde: Le no 1 ou le no 2? Les deux?
M. Bédard: Le no 1. Nous faisons une recherche, la
commission s'est déjà réunie, elle va se réunir
à nouveau. C'est un dossier hautement complexe et délicat.
M. Blank: Le projet de loi no 1 ou le no 2?
M. Bédard: Le numéro 1. Nous rendrons
assurément notre avis public. Est-ce qu'on ira en commission
parlementaire? Je pense que c'est une question de modalité.
M. Lalonde: Je pense qu'il y a un certain problème pour
une régie gouvernementale, quoique la Commission des droits de la
personne prenne une certaine distance vis-à-vis du gouvernement de par
la nomination de ses membres et tout, à comparaître devant une
commission, quoique nous le souhaiterions. Est-ce que le président de la
commission pourrait nous indiquer je ne sais pas s'il peut le faire
dans quel sens vont ses recommandations? Je ne veux pas l'inviter
à donner tous les détails, mais est-ce que c'est dans le sens de
l'augmentation des droits ou de la diminution de ce qui est contenu
actuellement dans la charte?
M. Bédard: M. le Président, question de
règlement. Je crois qu'il est indiqué de ne pas commencer un
débat qui doit avoir lieu en commission parlementaire où nous
aurons l'occasion de nous exprimer amplement sur le sujet. On en est quand
même au stade de l'étude des crédits. La commission, tel
que nous le dit son président, en est au stade de l'étude.
M. Lalonde: Si je peux interrompre le ministre, ce n'est pas du
tout sur la question de la loi no 1, c'est simplement que le
président...
M. Bédard: Concernant les recommandations, bien oui, c'est
cela.
M. Lalonde: ...a dit que son rapport contenait certaines
recommandations.
M. Bédard: Je trouve que c'est prématuré. Je
vous le dis, question de règlement, je trouve que c'est
prématuré de demander dans quel sens vont les recommandations. Je
pense que c'est un privilège de la commission de faire connaître
ses recommandations en temps opportun.
M. Fontaine: M. le Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska, sur la question de règlement?
M. Fontaine: M. le Président, sur la question de
règlement, je pense que le président de la commission a dit tout
à l'heure qu'il devait soumettre son rapport au 31 décembre
1976.
M. Bédard: Pas le soumettre. Cela couvrait cette
période.
M. Fontaine: Donc, l'année financière se terminait
à cette période. Je pense que c'est tout simplement une question
de rédaction qui l'empêche de nous soumettre aujourd'hui les
conclusions de son rapport. Je pense qu'il serait d'ordre public de
connaître les recommandations que la commission peut faire.
Le Président (M. Clair): Sur la question de
règlement, je pense qu'on pourrait, pour autant que je suis
concerné, trancher immédiatement dans le sens suivant: Les
questions sont toujours adressées au ministre via le président.
Il est généralement reconnu qu'en commission parlementaire,
même lors de l'étude des crédits d'un ministère, si
on invite des présidents de commission à venir se faire entendre,
les questions ne leur sont pas adressées directement, mais sont
adressées au ministre concerné via le président. Je crois
comprendre que la question, même s'il ne m'appartient pas de
décider du bien-fondé de cette question, a reçu la
réponse du ministre. A ce moment-là je ne vois pas pourquoi on
continuerait le débat. Je pense que le ministre a fait connaître
sa réponse.
M. Lalonde: M. le Président, on est encore sur la question
de règlement.
Si le ministre a permis au président de la commission de venir
donner des détails, des indications très précises sur son
rapport qui n'est pas encore publié, je ne vois pas pourquoi il
musellerait tout à coup le président en ce qui concerne...
M. Bédard: Question de règlement, soyez donc
honnête. Il n'est pas question de museler.
M. Lalonde: J'ai le droit de parole.
Le Président (M. Clair): M. le ministre, s'il vous
plaît! A l'ordre! Je voudrais simplement vous rappeler ce que je vous
signalais au début de la séance. Pour le bénéfice
du journal des Débats, je vous demande de parler seulement un à
la fois, tant du côté ministériel que du côté
de l'Opposition, s'il vous plaît.
Le député de Marguerite-Bourgeoys sur une question de
règlement.
M. Lalonde: M. le Président, j'étais donc en train
de dire que je ne vois pas pourquoi le ministre tenterait d'empêcher le
président ou, enfin, lui-même refuserait de le faire, puisque
là, vous avez raison et je concours avec votre décision
c'est au fond le ministre qui répond par la voix du
président de la commission dans ce cas-ci, alors qu'il a
déjà permis au président de la Commission des droits de la
personne de donner plusieurs détails de son rapport qui sera rendu
public. D'autant plus que l'article 68 de la Charte des droits et
libertés de la personne prévoit que "la commission doit, au plus
tard le 31 mars de chaque année je ne fais aucun reproche
à la commission de ne pas l'avoir fait au 31 mars, parce qu'on sait
jusqu'à quel point surtout le premier rapport est assez complexe
à faire remettre au président de l'Assemblée
nationale un rapport de ses activités". Ce n'est même pas au
ministre de la Justice qu'il est remis. Le ministre n'a aucun contrôle
sur ce rapport; il appartient au président. Je ne vois pourquoi on ne
pourrait pas, pour le bénéfice de tous les membres de cette
commission, tant du côté ministériel que de notre
côté, donner une indication sur le sens des recommandations qu'il
entend faire dans son rapport.
Le Président (M. Clair): Sur la question de
règlement, le ministre.
M. Bédard: II faudrait bien comprendre, ne pas essayer,
encore une fois, de faire de la démagogie ou de fausses
interprétations. Je n'ai pas dit que le ministre avait un droit
spécial sur le rapport qui doit être fourni par la commission. En
aucune façon, je n'ai dit cela. Le représentant de l'Opposition
officielle le dit lui-même: La commission doit faire rapport au
président de l'Assemblée nationale. Je pense qu'il donne,
à ce moment-là, à mon sens, l'argument majeur qui fait que
ce n'est pas à la commission parlementaire de la justice, que ce soit
à l'étude des crédits ou à toute autre occasion,
que le président doit faire son rapport, mais au président de
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson m'avait demandé la parole sur la question de
règlement.
M. Johnson: Le député d'Anjou, M. le
Président.
Le Président (M. Clair): Le député
d'Anjou.
M. Fontaine: II était assis de ce côté-ci,
d'ailleurs, tout à l'heure.
Le Président (M. Clair): C'est sûrement ce qui a
entraîné la confusion.
M. Johnson: M. le Président, j'ai l'impression à un
moment donné qu'il y a eu un quiproquo. Est-ce que le
député de Marguerite-Bourgeoys demandait au président de
la Commission des droits de la personne d'évoquer le côté
de sa recommandation ou de son opinion au sujet de la loi no 1 ou parlait-il de
son rapport?
M. Blank: C'est sur cela que le ministre a fait erreur.
M. Lalonde: Non pas du tout, non.
M. Bédard: Non, je n'ai pas pensé cela. Ne nous
mêlons pas. On a posé des questions pour savoir dans quel sens
allaient quelques-unes des recommandations qui pouvaient être contenues
à l'intérieur du rapport qui doit être
déposé. Sur la question de règlement, je crois que la
Commission des droits de la personne se doit de faire rapport au
président de l'Assemblée nationale et non à la commission
parlementaire de la justice. C'est tout. C'est loin de vouloir museler qui que
ce soit.
M. Blank: Oui, le but de ce rapport, c'est de nous aider pour
l'étude des crédits. Normalement, suivant l'article 68 de la
charte, cela doit être déposé le 31 mars. C'est la raison
pour laquelle la date est fixée.
M. Bédard: Oui, mais peu importe que la date soit
dépassée, il reste que c'est très clair qu'il doit faire
rapport au président de l'Assemblée nationale.
M. Blank: Le gouvernement prétend être transparent,
qu'est-ce qu'il a à cacher? S'il doit être publié d'ici une
dizaine de jours, je ne comprends pas.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: Vous voulez dire que vous ne voulez pas
comprendre.
M. Blank: Je ne comprends pas.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: Demandez-lui s'il croit qu'il doit donner son
rapport en premier lieu au président de l'Assemblée nationale. Si
le président croit que non et s'il veut nous en livrer le contenu, c'est
sa responsabilité.
Le Président (M. Clair): Je me répète. Il
m'apparaît que les questions en commission parlementaire ne peuvent pas
être adressées que, via le président, au ministre
concerné.
Jusqu'à maintenant, à ma connaissance, le président
de la Commission des droits de la per- sonne a toujours demandé
l'assentiment du ministre pour répondre à une question, ce qui
est tout à fait normal. Je pense que, en réponse à la
question posée par le député de Marguerite-Bourgeoys, le
ministre a répondu: Si cette question ne satisfait pas le
député de Marguerite-Bourgeoys, malheureusement, je pense que ce
n'est pas par une question de règlement qu'on pourrait forcer le
ministre à ...
M. Lalonde: ... répondre...
Le Président (M. Clair): ... répondre autre chose
que ce qu'il a répondu. Il est maître de sa réponse.
M. Lalonde: M. le Président, je prends donc acte du fait
que le ministre ne veut pas répondre.
M. Bédard: M. le Président, pour qu'il n'y ait pas
de fausse interprétation, ce n'est pas un refus de répondre,
c'est que je crois que sur la question de règlement, le président
doit acheminer son rapport, en tout premier lieu, au président de
l'Assemblée nationale. C'est une commission qui relève de
l'Assemblée nationale. Maintenant, pour que ce ne soit pas
interprété de quelque manière que ce soit comme un refus,
je laisse la parole au président de la Commission des droits de la
personne, M. le Président.
Le Président (M. Clair): Je pense que j'ai tranché
la question déjà. Il ne s'agit pas...
M. Fontaine: M. le Président, je pense que vous devez
laisser à tous les opinants qui veulent prendre la parole sur la
question de règlement la chance de s'exprimer.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska, j'ai entendu. Je suis suffisamment informé pour vous
faire connaître la décision que je vous ai fait connaître
tantôt, et je donne la parole immédiatement au
député de Marguerite-Bourgeoys pour continuer sur
l'élément 1 du programme 2.
M. Lalonde: M. le Président, après votre
décision, j'ai entendu le ministre offrir à la commission que le
président de la Commission des droits de la personne dise ce qu'il en
pense.
M. Bédard: Oui. Pour faire suite à votre question,
je prends cette précaution, de peur comme c'est votre habitude
d'interpréter faussement, en fait, une question de
règlement...
M. Lavoie: Vous n'avez pas le droit de me prêter des
intentions comme celle-là.
M. Bédard: Je vous en prête là-dessus. M.
Lalonde: M. le Président...
M. Bédard: Je fais plus que vous les prêter, je vous
les donne.
M. Lalonde: ... j'ai encore la parole, M. le
Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Puisque le ministre dit qu'il ne refuse pas, mais
enfin, fait défaut de répondre à nos questions concernant
les recommandations, si ce n'est pas un refus, c'est une absence, enfin, de
réponse.
M. Bédard: Gardez votre interprétation.
M. Lalonde: Oui, mais, enfin, j'ai le droit d'exprimer mon
interprétation.
M. Bédard: Vous nous donnez raison, c'est incroyable!
M. Lalonde: Vous n'êtes peut-être pas d'accord mais,
quand même, on verra!
M. Bédard: D'accord!
M. Lalonde: La transparence et la limpidité sont
peut-être de ce côté-ci, non pas de l'autre
côté.
M. Bédard: C'est cela.
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais demander...
M. Bédard: Quelle transparence?
M. Lalonde: ... au ministre, sur la question plus
particulière qui intéresse beaucoup de Québécois
actuellement, le projet de loi no 1, s'il a l'intention et je reconnais
que c'est une répétition d'une question que j'ai posée
à l'Assemblée nationale de consulter la Commission des
droits de la personne, s'il s'est ravisé et s'il a changé
d'idée à ce propos.
M. Bédard: Non, je n'ai pas changé d'idée,
je réfère le député à la réponse que
je lui ai donnée en Chambre cette semaine. Le gouvernement a émis
son opinion, c'est notre conviction que nous procédons d'une
façon juridique et législative, une façon qui est
indiquée. Maintenant, j'ai bien mentionné que la Commission des
droits de la personne avait le droit d'émettre des opinions et qu'elle a
le droit de différer, c'est évident, d'opinion avec ce que nous
avons pu exprimer, et qu'à ce moment, nous verrons.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Verchères, une question additionnelle.
M. Charbonneau: Est-ce qu'on pourrait demander au
président de la Commission des droits de la personne, via le ministre,
si, comme on a semblé le croire dans certains milieux, notamment dans
l'Opposition officielle, l'opinion de M. Cham- pagne était l'opinion
générale et officielle de la Commission des droits de la
personne?
M. Bédard: Je tiens à dire que la commission a
déjà dit ouvertement qu'elle n'avait été
sollicitée d'aucune façon sur ce sujet, et qu'elle n'avait pris,
à ce jour, aucune position.
Je pense que, dans le cas auquel vous vous référez, M.
Champagne aurait été consulté à titre personnel.
Donc, à la commission, on ne peut lui imputer aucune opinion à ce
jour. Je vous ai laissé savoir tantôt qu'il y en a une qui est en
cours de gestation.
M. Charbonneau: Juste une précision additionnelle dans le
sens de la première question. Est-ce qu'on peut savoir exactement,
peut-être que d'autres membres de la commission le savent, mais je
l'ignore pour le moment, le poste exact de M. Champagne au sein de la
commission?
M. Bédard: II est vice-président de la
commission.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je vois qu'il y a plusieurs intervenants en lice, je
voudrais préciser. Il y a le député de
Marguerite-Bourgeoys, le député de Nicolet-Yamaska, le
député d'Anjou, le député de Verchères et le
député de Laval. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais adresser ma
question au ministre et non plus au président de la commission. On a
beaucoup parlé, depuis quelque temps, de la Charte de la langue
française et de la Charte des droits et libertés de la personne.
Je ne veux pas faire l'historique des débats depuis le 23 mars dernier,
mais il reste que je crois percevoir dans le public et même au
gouvernement, sûrement à l'Opposition officielle, une
inquiétude dans la tentative de concilier les deux chartes. J'ai dit: Je
crois aussi percevoir au gouvernement. Si j'en crois ce que j'ai lu dans les
journaux, certaines interventions publiques, soit du ministre d'Etat au
développement culturel, même du premier ministre, on cherche
réellement de quelle façon on pourrait concilier les deux. J'ai
déjà exprimé mon opinion à savoir que rejeter du
revers de la main la Charte des droits et libertés de la personne, comme
on le fait dans le projet de loi, à l'article 172, n'est pas la
solution.
J'inviterais le ministre de la Justice à nous dire, comme
ministre de la Justice responsable à l'égard de
l'Assemblée nationale et de toute la population, s'il est prêt
à s'imposer les efforts nécessaires pour tenter de définir
la conciliation nécessaire qui doit être faite entre les droits
collectifs on sait qu'une loi linguistique doit nécessairement
reconnaître les droits collectifs et les droits individuels qui
sont reconnus dans la Charte des droits et libertés de la personne.
Ainsi on n'aurait pas comme résultat la simple amputation de la Charte
des droits et libertés de la personne, comme tente de le faire le projet
de loi actuellement, mais une
définition complète, froide, cohérente de ces
droits. Tout le monde, enfin tous les Québécois sont d'accord
avec les objectifs de la loi no 1 de faire du français la langue
prédominante au Québec. Mais tous les Québécois,
aussi, doivent s'inquiéter du traitement que le gouvernement, que ce
soit par la loi no 1 ou une autre loi, fait de cette Charte des droits et
libertés de la personne, qui est quand même un document
fondamental dans toute société. J'invite le ministre à
nous dire s'il est prêt à s'imposer cet exercice. L'Opposition
officielle est non seulement prête, mais désire participer
à cet exercice, de sorte que le résultat final soit
cohérent, acceptable pour tout le monde.
M. Bédard: J'invite l'Opposition officielle à venir
participer à cet exercice lorsqu'il y aura la discussion à la
commission parlementaire du projet de loi no 1. On aura l'occasion de faire cet
exercice. Nous croyons nécessaire de trouver un ajustement entre droits
collectifs, d'une part, et droits individuels, droits de la majorité et
de la minorité. Que voulez-vous, on diffère fondamentalement
d'opinion. Je crois que la Charte de la langue française vient affirmer
des droits collectifs fondamentaux aussi bien pour la majorité que pour
les minorités et qu'elle vient compléter, même, à un
niveau fondamental la Charte des droits et libertés de la personne, au
chapitre des droits linguistiques. On aura l'occasion, je crois, au cours de ce
débat à la commission parlementaire sur le projet de loi no 1, de
le discuter à fond. Ce sera l'endroit tout indiqué.
M. Lalonde: M. le Président, je ne pense pas qu'on
diffère d'opinion, je pense que cette opinion est partagée et par
le gouvernement et par l'Opposition officielle, entre autres, à savoir
de faire du français la langue prédominante au Québec.
Mais il me semble que le gouvernement devrait s'imposer un effort beaucoup plus
cohérent pour définir là ou commencent les droits
individuels et où se terminent les droits collectifs, ou inversement
où commencent les droits collectifs et où se terminent les droits
individuels, de sorte qu'en commission parlementaire, quelle qu'elle soit
et je déplore le fait que ce ne soit pas en commission
parlementaire de la justice nous puissions discuter d'un document
beaucoup plus complet que l'article 172 qui ne fait qu'amputer la Charte des
droits et libertés de la personne de tout ce qui concerne la langue.
J'invite le ministre, et c'est très positif, parce qu'il faut,
à un moment donné, s'imposer cet exercice. On va devoir le faire.
Vous avez au minitère de la Justice...
M. Bédard: C'est ce à quoi on vous convie lors de
la commission parlementaire sur le projet de loi no 1.
M. Lalonde: ...toutes les compétences nécessaires,
vous les avez à la Commission des droits de la personne pour
définir au moins un schéma qui va nous permettre de discuter en
commission parlementaire, s'il le faut, ou à l'Assemblée
nationale, de sorte qu'on termine le débat avec un document qui est
vrai, qui est juste. Mais avec l'article 172, on commence à partir de
rien, on commence par une amputation.
J'espère que le ministre est conscient du fait que ce n'est pas
du tout négatif, que c'est très positif. Naturellement,
jusqu'à maintenant, j'ai eu l'occasion d'exprimer mes doutes quant
à son désir politique de défendre la Charte des droits et
libertés de la personne. Maintenant, j'efface pour les fins de cette
discussion ce qui s'est passé et je l'invite à prendre une
position beaucoup plus positive à l'égard de la Charte des droits
et libertés de la personne. Ce n'est pas simplement pour créer
des problèmes au gouvernement, parce qu'au-delà du gouvernement
il y a quelque chose de bien plus important. Il y a la population et il y a des
institutions juridiques aussi importantes que la Charte des droits et
libertés de la personne.
M. Bédard: II y a des droits collectifs, il y a des droits
individuels, il y a les droits de la majorité, il y a les droits de la
minorité.
M. Lalonde: Cela va survivre au gouvernement... M. le
Président, c'est encore mon droit de parole.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!
Encore une fois un à la fois seulement, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Est-ce que j'ai le droit de parole?
Le Président (M. Clair): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Cette institution fondamentale qu'est la Charte des
droits et libertés de la personne va survivre au gouvernement.
J'espère. Je fais assez confiance au gouvernement pour
espérer...
M. Bédard: Elle a survécu au vôtre.
M. Lalonde: ...que le gouvernement ne déchirera pas toutes
les pages de la charte dans son court mandat. Mais il reste que...
M. Bédard: Une chance qu'elle n'était pas là
durant la crise d'octobre, la Charte des droits et libertés de la
personne.
M. Lalonde: On a fait du chemin depuis ce temps.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Si vous voulez revenir sept ans en arrière,
c'est votre choix, nous, nous regardons vers l'avenir.
M. Lavoie: Rien qu'un mot. Vous êtes quand même
responsable de l'application de cette loi. Si
vous ne voulez pas en prendre la responsabilité,
transférez-la à un autre ministère.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît,
M. le député de Laval!
M. Rédard: Ne vous inquiétez pas, nous en prenons
la responsabilité.
M. Lavoie: C'est écrit dans la loi que vous êtes
responsable de sa protection et de son application.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s il vous plaît,
à l'ordre!
M. Bédard: C'est cela.
M. Lalonde: Est-ce que j'ai encore le droit de parler?
M. Bédard: C'est exactement ce qu'on fait.
Le Président (M. Clair): M. le ministre.
M. Blank: C'est un drôle de moyen de le faire.
Le Président (M. Clair): Le député de
Marguerite-Bourgeoys a la parole. Je vous invite à respecter son droit
de parole.
M. Lalonde: M. le Président...
M. Charbonneau: J'invoque le règlement pour demander une
directive.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Lorsque le ministre a donné sa
réponse, à combien de reprises peut-on par la suite revenir sur
la même question et insister lorsque...
M. Lavoie: Tant qu'on veut.
M. Blank: Vingt minutes au moins.
Le Président (M. Clair: Notre règlement, en vertu
de l'article... Lorsqu'on procède à l'étude des
crédits, chaque député peut se faire entendre aussi
souvent qu'il lui plaît, pourvu que chacune de ses interventions ne dure
pas plus de vingt minutes sur un même sujet. Même si je n'ai pas
retracé le numéro de l'article.
M. Charbonneau: Si je comprends bien, on peut
répéter la même question pendant vingt minutes.
M. Lalonde: M. le Président, allons-y. Vingt minutes,
c'est peu pour permettre au gouvernement de s'ouvrir les yeux. Si le
règlement m'accorde vingt minutes, je vais les prendre toutes pour
tenter de convaincre le gouvernement de l'importance...
M. Bédard: Vous pouvez prendre des journées
complètes.
M. Lalonde: ...de la décision qu'il a à
prendre.
Si le gouvernement, par exemple, demandait aux lumières qu'il a
derrière lui et il en a d'excellentes de tenter...
M. Bédard: Vous auriez dû vous en servir dans le
temps.
M. Lalonde: On s'en est servi. C'est, d'ailleurs, pour cela qu'on
a une Charte des droits et libertés de la personne aussi excellente.
M. Bédard: Oui, oui.
M. Lalonde: Si le gouvernement voulait simplement mettre de
côté l'aspect partisan. Naturellement, il s'est un peu, comme on
dit, peinturé dans un coin en faisant l'article 172, mais on est
prêt à lui pardonner cette bourde et à l'oublier s'il fait
acte de contrition et qu'il dit: Maintenant, je soumets à mes
lumières juridiques...
M. Bédard: Ce n'est pas nécessaire.
M. Lalonde: II y en a plein derrière le ministre. Je les
connais et j'espère qu'il va les conserver, ils sont excellents.
M. Bédard: Vous auriez dû vous en servir.
M. Lalonde: Qu'il leur permette de dessiner un schéma de
réconciliation entre les deux chartes. Je suis sûr qu'un effort
sérieux, non partisan, cohérent nous permettrait de discuter, en
commission parlementaire...
M. Bédard: Sur le projet de loi no 1.
M. Lalonde: ... sur le projet de loi no 1.
M. Bédard: C'est ce que je vous invite à faire.
M. Lalonde: Mais j'espérais...
M. Bédard: C'est ce que je vous invite à faire.
M. Lalonde: Oui, mais c'est tout simplement une amputation
à coups de sabre dans la charte que l'article 172 fait. L'article 172
dit, à un moment donné...
M. Alfred: Un coup de poignard!
M. Lalonde: ... on enlève la charte. A la place du
ministre, je serais gêné. Je serais gêné parce que
c'est fondamental, cette loi-là. On est en train d'examiner le programme
2 qui, en fait, n'existe qu'à cause de cette charte qui, de plus en
plus, va devenir...
M. Bédard: II y a la protection de la jeunesse aussi
à étudier.
M. Lalonde: ... la pierre d'assise des libertés et des
droits des citoyens demeurant au Québec. Le ministre de la Justice a une
responsabilité directe à l'égard de l'application de cette
charte. Je l'ai invité tantôt, dans mes remarques
générales qu'il n'a pas aimées, à avoir une
attitude beaucoup plus positive. En effet, lorsque je l'ai vu, en Chambre,
réagir, il ne semblait pas réagir de façon favorable
à la charte, de la façon dont je l'ai perçu.
M. Bédard: Question de règlement, M. le
Président. C'est complètement faux! J'ai dit et je le
redis...
M. Lalonde: II n'y a pas de question de règlement.
M. Bédard: Je l'ai dit aujourd'hui...
Le Président (M. Clair): M. le ministre...
M. Bédard: M. le Président, pour corriger...
Le Président (M. Clair): ... je pense qu'il ne s'agit pas
d'une question de règlement.
M. Bédard: Quand on fait une affirmation... M. Lavoie:
II pourra répondre après.
M. Bédard: ... à l'effet que j'aurais dit que je ne
suis pas en faveur de la charte, M. le Président...
M. Lalonde: C'est ma perception et j'ai le droit de le dire.
M. Bédard: Bien non, vous dites que j'aurais dit cela,
c'est différent.
M. Lalonde: Non, j'ai perçu que vous n'étiez
pas...
M. Bédard: Bon! Comme d'habitude, vous percevez mal.
M. Lalonde: Jusqu'à maintenant, j'ai perçu pas
pire.
M. Bédard: Comme d'habitude, vous êtes dans
l'erreur.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Je vous ai pris assez, "batèche"!
M. Bédard: Vous auriez été mieux de bien
percevoir votre rôle quand vous étiez là.
Le Président (M. Clair): A l'ordre!
M. Lalonde: Une chance que j'ai bien perçu, parce que vous
seriez encore dans la pire misère.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Oh! Mon Dieu, que vous nous aidez donc!
Le Président (M. Clair): A l'ordre!
M. Lalonde: Vous saurez le reconnaître un jour.
Le Président (M. Clair): A l'ordre!
M. Charbonneau: Vous auriez dû percevoir votre
défaite.
M. Alfred: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: C'est déjà fait.
Le Président (M. Clair): Le député de
Papineau, sur une question de règlement.
M. Alfred: Je veux savoir, sur une question de règlement,
si le député de Marguerite-Bourgeoys veut se livrer à un
exercice stylistique.
M. Lalonde: Selon quel article, M. le Président?
Le Président (M. Clair): Voulez-vous répéter
pour mon bénéfice? Je n'ai pas entendu.
M. Alfred: Veut-il se livrer à un exercice
stylistique?
Le Président (M. Clair): II ne s'agit pas là d'une
question de règlement, M. le député de Papineau. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, je vous invite à continuer
dans le calme, avec la collaboration de tout le monde, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: M. le Président, je suis toujours calme, vous
me connaissez. S'il arrive des interruptions, vous savez que ce sont d'autres
personnes qui les font, de l'autre côté.
M. Bédard: C'est sûr. Il ne peut pas
s'interrompre.
M. Lalonde: J'aimerais quand même profiter pleinement de
chaque minute que le règlement m'accorde pour tenter de convaincre le
ministre de s'imposer cet exercice. On ne demande pas grand-chose, mais, pour
moi, c'est beaucoup parce que je pense que cela changerait toute l'orientation
du débat. Actuellement, la seule chose qu'on a à débattre
est: Est-ce qu'on doit amputer la Charte des droits et libertés de la
personne? Nous, nous disons non. Il ne faut pas nous reprocher de nous buter
là-dessus; on ne veut pas l'amputer.
Mais, si le ministre et le gouvernement nous proposaient une
définition des droits collectifs, une définition des droits
individuels, une réconci-
liation des deux, on l'examinerait d'une façon positive, parce
qu'au fond, qu'est-ce qu'on veut? On veut, premièrement, que cette
charte, c'est un peu pompeux comme nom, mais enfin cette loi linguistique
atteigne les fins pour lesquelles elle est proposée, c'est-à-dire
de faire du français la langue prédominante au Québec,
mais en même temps qu'on reconnaisse aux individus des droits que cette
charte définit. Il y a sûrement une frontière où ces
droits individuels rencontrent les droits collectifs. Mais encore faut-il que
le ministère de la Justice, je pense que ce n'est que là,
peut-être que le ministre de la Justice me répondra que ce n'est
pas à lui à le faire que c'est au ministre d'Etat au
développement culturel. A ce moment-là je lui demanderai de
transmettre nos désirs au ministre en question. Mais je pense que l'un
ou l'autre doit s'imposer le devoir, et c'est un devoir essentiel dans le
débat actuel, parce que tout le débat peut achopper
là-dessus, et Dieu sait si l'Opposition officielle désirerait
qu'une fois le débat linguistique terminé, la question
linguistique, si le gouvernement écoute positivement nos
représentations...
M. Bédard: Faire une autre loi 22.
M. Lalonde: ... le débat linguistique, la question
linguistique soit terminée pour un bon moment. Notre
société n'a pas les moyens de se permettre des débats
linguistiques tous les ans. Si le ministre ne s'impose pas ce devoir de
définir quels sont les droits collectifs et les droits individuels, au
lieu de simplement rejeter du revers de la main la Charte des droits et
libertés de la personne en ce qui concerne la langue, à ce
moment-là, M. le Président, nous allons être dans un
débat stérile qui ne produira que des effets négatifs, et
le ministre en sera responsable.
Je veux profiter de cette occasion, pour le lui dire, le mettre en garde
contre une attitude cavalière un peu: Ah bien! vous discuterez cela en
commission parlementaire quand on arrivera à l'article 172. C'est faux.
Nous invitons le ministre à faire plus, à faire mieux et
j'espère que le ministre va entendre notre voix, va entendre notre
invitation. Elle est positive. Nous sommes prêts à examiner plus
que simplement une amputation, comme l'article 172 le fait. Nous sommes
prêts à examiner une proposition bien faite, bien
préparée par des juristes savants de son ministère, qui
vont définir où sont les frontières des droits collectifs,
parce qu'il y en a, des droits collectifs. La loi 22 en reconnaît, des
droits collectifs; la loi no 1 aussi, mais là aussi il y a des droits
individuels. Le fait de simplement amputer une partie de la charte ne satisfait
pas, ne satisfait personne, et je suis sûr que plusieurs
députés, je ne sais pas autour de cette table mais
sûrement plusieurs députés ministériels, comme
beaucoup d'autres députés ne sont pas satisfaits de cet exercice
un peu court de la part du gouvernement. Nous pensons que le gouvernement a une
responsabilité de proposer quelque chose de beaucoup plus
élaboré, de plus pensé, de mieux préparé, et
c'est pour cela que j'invite le ministre à le faire.
M. Bédard: Est-ce que vous me demandez de
répéter tout simplement la position du gouvernement? Elle est
à l'effet que nous croyons que, du point de vue juridique et
législatif, pour qu'il n'y ait pas d'incompatibilité puis pour
éviter toute prétendue incompatibilité, et en tant que
jurisconsulte du gouvernement, l'expression que vous employez souvent, le
gouvernement a cru qu'une disposition était nécessaire. Le
gouvernement l'a prévue en insérant, dans le projet de loi no 1,
l'article 172, de telle façon que si le projet de loi était
adopté dans sa forme actuelle, d'un point de vue juridique et
législatif, il n'irait pas à l'encontre de la Charte des droits
et libertés de la personne. Il découle nettement, d'un point de
vue juridique toujours, qu'aucune disposition de la Charte du français
ne peut constituer une discrimination au sens de la Charte des droits et
libertés de la personne. Notre conviction, c'est que nous croyons qu'il
est parfaitement légitime...
M. Lalonde: Pourquoi l'enlever si...
M. Bédard: ... nous croyons qu'il est parfaitement
légitime et justifié de faire, de ces deux chartes, des droits
fondamentaux de notre société puis de les mettre sur un pied
d'égalité. Vous avez beau me dire durant deux heures que vous
n'êtes pas d'accord...
M. Lalonde: Ce n'est pas un pied d'égalité, vous
l'enlevez, vous l'enlevez. Pourquoi l'enlever?
Le Président (M. Clair): A l'ordre! M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Vous me permettrez quelques interruptions, j'en ai
plusieurs.
Le Président (M. Clair): Vous avez tellement
insisté.
M. Lalonde: Pourquoi l'enlever si c'est compatible?
M. Bédard: Pour la raison très simple que nous
croyons...
M. Lalonde: Laissez les juges se prononcer.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous invite à
respecter le droit de parole du ministre.
M. Lalonde: Merci, M. le Président.
M. Bédard: Je ne répéterai pas ce que je
viens de dire. Je noterai cependant que le représentant de l'Opposition
officielle nous a fait part de sa préoccupation d'atteindre le
même objectif que nous, à savoir de faire du français la
véritable langue officielle au Québec.
M. Lalonde: Comme la loi 22 le faisait.
M. Bédard: II admet par ce fait que la loi 22 n'y est pas
parvenu.
M. Lalonde: La loi 22 le faisait très bien. Vous faites
une bourde, vous êtes extrémiste, vous faites des erreurs.
M. Bédard: La loi 22 c'est seulement un article.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charbonneau: Des clins d'oeil en plus.
M. Lalonde: Le président vous fait des clins d'oeil?
M. Bédard: J'espère, M. le Président, que le
représentant de l'Opposition officielle viendra faire l'exercice avec le
gouvernement, avec les autres partis d'Opposition lors de la discussion sur le
projet de loi 1 afin que nous puissions trouver cet ajustement
nécessaire entre, d'une part, l'affirmation des droits collectifs et,
d'autre part, l'affirmation des droits individuels.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, on avait dit au début
de la séance qu'on ajournerait peut-être à 10 heures; je ne
sais pas s'il y a une entente, sinon je vais continuer à poser des
questions. S'il y a une entente à cet effet je vais demander
l'ajournement du débat.
M. Lalonde: Adopté.
M. Bédard: Est-ce qu'on pourrait terminer avec ce
programme, étant donné que M. Hurtubise est avec nous?
Le Président (M. Clair): Messieurs, si nous prolongeons,
je vous préviens que j'ai sur ma liste actuellement, sur le programme 2,
le député de Nicolet-Yamaska, le député d'Anjou, le
député de Verchères, le député de Laval, le
député de Papineau.
M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Bédard: On va continuer, M. le Président.
M. Fontaine: M. le Président, quelques courtes questions.
Concernant l'opinion qu'on a demandée à la commission sur le
projet de loi 2, étant donné que la commission parlementaire va
siéger on a annoncé aujourd'hui qu'elle siégerait
le 31 mai est-ce qu' on peut savoir si l'opinion de la commission va
être déposée sous peu?
Etant donné qu'on a annoncé aujourd'hui en Chambre que la
commission sur le projet de loi 2 siégerait le 31 mai, est-ce que
l'opinion qu'on a demandée à la commission concernant ce projet
de loi sera déposée sous peu?
M. Bédard: Tel que je l'ai dit en Chambre cette semaine,
nous avons formulé la demande au président de la commission et
nous espérons que cette opinion nous sera délivrée avant
le délai du 31 mai.
M. Lavoie: Je m'excuse, c'est sur le même sujet.
Le Président (M. Clair): Si vous avez une très
courte question, M. le député de Laval.
M. Lavoie: Nous allons étudier quelques mémoires et
je pense que ce serait utile que la lumière de la commission soit
apportée avant d'étudier les mémoires. L'avis de la
commission pourrait faire modifier peut-être le projet de loi. Le parrain
du projet de loi pourrait le modifier, comme il l'a annoncé aujourd'hui,
et même annoncer la réimpression du projet de loi. Cela pourrait
accélérer les travaux de la commission parlementaire lors des
auditions.
M. Bédard: Disons que le leader du gouvernement a
annoncé la possibilité de réimpression ou d'amendement
dans un autre cqntexte, vous en conviendrez avec moi, pas dans le contexte
d'une opinion juridique, il faut s'entendre là-dessus. Je suis convaincu
que la Commission des droits et libertés de la personne trouvera, je
l'espère, le moyen de fournir cette opinion avant le 31 mai.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: On dit à l'article 82 que la commission a des
pouvoirs de recommandation et à l'article 83 qu'elle a également
des pouvoirs pour s'adresser au tribunal afin d'obtenir des injonctions contre
les personnes sur lesquelles elle a fait des enquêtes. Est-ce que le
ministre peut nous dire si habituellement les personnes suivent les
recommandations de la commission? Sinon, est-ce qu'il y a des poursuites
judiciaires qui ont été intentées, et combien? Quels ont
été les résultats?
M. Bédard: Je m'excuse, j'étais distrait. M.
Fontaine: J'y ai bien pensé.
M. Bédard: Pourriez-vous répéter, s'il vous
plaît?
M. Fontaine: A l'article 82 de la loi, la commission donne un
pouvoir de recommandation sur les personnes au sujet desquelles elle fait des
enquêtes. Selon l'article 83, elle a également le pouvoir de
prendre des injonctions ou des actions en justice. Le ministre peut-il nous
dire si habituellement les recommandations de la commission sont suivies par
les personnes concernées? Sinon, combien d'actions ont dû
être prises et quels ont été les résultats de la
commission?
M. Bédard: M. le Président, vous noterez à
la lecture de la loi qu'il y a des étapes auxquelles la commission est
assujettie. La première étape, c'est l'enquête. Evidemment,
il y a eu un filtrage antérieurement pour voir si c'était
fondé ou non. Si c'est fondé, il y a une enquête et ce que
nous devons tenter, à ce moment-là, c'est une conciliation entre
le plaignant et l'autre partie. Si la conciliation ou la tentative
échoue, alors seulement, deuxième étape, nous formulons
des recommandations à l'adresse des parties en donnant un délai
qui varie suivant les circonstances dans la cause. Ce n'est que lorsque, bien
sûr, ces recommandations ne sont pas respectées dans le
délai précis que nous passons à l'étape
subséquente et, avec le consentement du plaignant que nous pouvons aller
à la cour.
A ce moment-ci, je peux vous dire que, jusqu'en décembre, nous
n'avions pris aucune action devant les tribunaux. Actuellement, nous en avons
à peu près trois. Mais dans l'ensemble, nous règlons nos
cas soit au moment de la conciliation, soit à la suite des
recommandations. Au-delà de 95% des cas à ce jour donc ont
été réglés par persuasion à l'étape
un ou à l'étape deux. Ce n'est donc qu'exceptionnellement que
nous allons devant les tribunaux, et nous espérons que cela continuera
ainsi.
M. Fontaine: Concernant l'élément 1, je me demande
pourquoi on n'a pas indiqué à la catégorie Traitements le
montant de $1 313 000 que l'on trouve à Autres
rémunérations. Est-ce que cela veut dire que ces gens sont
à commission ou sont engagés à honoraires?
M. Bédard: C'est parce que ce ne sont pas des
employés de la fonction publique.
M. Fontaine: Ah bon!
M. Lalonde: Ce sont des entreprises privées, des
consultants?
M. Bédard: C'est la commission... Tout notre personnel ne
tombe pas sous le coup de la loi de la fonction publique.
Le Président (M. Clair): Le député
d'Anjou.
M. Johnson: Mes deux questions, enfin rapidement, s'adressent
à M. Hurtubise. Voici la première. Je voudrais qu'il n'y ait pas
de quiproquo. Je ne pense pas qu'on bâillonne le président de la
Commission des droits de la personne quant à ses recommandations. J'ai
bien compris que lui-même ne tenait pas particulièrement à
évoquer le contenu des recommandations de son rapport annuel tant et
aussi longtemps que le président de l'Assemblée nationale n'en
était pas saisi. Est-ce que je me trompe?
M. Blank: C'est l'opinion du ministre.
M. Johnson: Non, je voudrais ensuite l'opinion du
président car si le président veut évoquer le contenu, en
ce qui me concerne, je n'ai aucune objection.
M. Bédard: En deux mots, M. le Président, je me
réjouissais de voir l'intérêt que vous manifestez tous pour
les droits de la personne; j'espère que cela durera. Ceci étant
dit, j'aurais aimé profiter d'une autre occasion pour vous faire
connaître les recommandations de la commission, compte tenu que je pense,
par délicatesse, que je préférerais remettre notre rapport
annuel au président de l'Assemblée nationale. C'est un peu la
procédure que nous avons suivie jusqu'à ce jour. Nous remettons
la plupart de nos avis au président de l'Assemblée nationale et
au ministre de la Justice et, quand il y a d'autres ministres, aux autres
ministres concernés.
M. Johnson: D'accord! Cette fois-ci, j'ai une question
précise, quand même, sans entrer dans les recommandations de votre
rapport annuel; c'est au sujet des personnes handicapées. C'est une
question de statistiques. Est-ce que vous avez des plaintes qui sont
portées fréquemment à la commission sur les 2000 demandes
ou plaintes, etc., les 151 dossiers d'enquêtes, qui proviennent de gens
qui prétendent avoir été l'objet de discrimination
à cause d'un handicap physique? Enfin, vous ne pouvez peut-être
pas me répondre à la question comme cela, mais quitte à ce
que vous me fassiez parvenir la réponse, éventuellement.
M. Bédard: A pied levé, comme cela, j'avoue que
l'ordinateur a des failles dans son programme, mais nous avons eu des relations
avec les personnes handicapées de deux façons: collectivement,
lorsque le projet de loi sur les handicapés, le projet de loi 55, a
été présenté l'été dernier, si ma
mémoire est bonne, nous avons rencontré, chez nous, à leur
demande, une série d'organismes de handicapés. D'autre part, sur
le plan individuel, dans les faits, nous avons reçu des demandes d'aide
d'un certain nombre de handicapés de types variés, aussi bien
d'un épileptique que d'autres types de handicapés. Pas
très nombreuses, cependant, ces demandes, puisque la charte,
rigoureusement parlant, ne couvre pas leur cas. Ceci étant dit, nous
avons quand même tenté d'intervenir pour bonifier la situation en
leur faveur dans la mesure possible et par voie de conviction.
M. Johnson: Mais, vous me dites bien qu'à vos yeux et en
tant que dépositaire, avec le ministre, évidemment, de la Charte
des droits et libertés de la personne, vous considérez que les
handicapés ne sont pas, même par extension, couverts par la Charte
des droits et libertés de la personne. Je ne veux pas, non plus, vous
demander un avis instantané.
M. Bédard: Ecoutez, M. le Président, on
répond comme cela?
Une Voix: Oui.
M. Bédard: M. le Président, il y a une
hypothèse que nous étudions, c'est que l'expression
"condition sociale" puisse à ce point être
exten-sionnée que cela les couvre. Ceci étant dit, il y aurait
des voies plus faciles. C'est la modification de la charte, en ajoutant
expressément le motif que vous invoquez. Je pense que je vous
réserve le plaisir de le savoir d'ici quelques semaines.
M. Johnson: Cela va.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Vous pouvez passer, M. le Président, parce
que ma question, je l'ai posée comme question additionnelle
tantôt.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Laval, M. le député de Papineau.
M. Alfred: M. le député de Marguerite-Bourgeoys a
répondu à ma question en définissant, bien sûr, le
collectif, l'individuel, l'individuel et le collectif, sauf, par exemple, qu'il
a mêlé les définitions.
M. Lalonde: Vous avez recherché la réponse
auprès de l'Opposition officielle au lieu du gouvernement.
M. Alfred: Mais non! J'avoue que vous m'avez permis de refaire
mes études antérieures où j'opposais l'individuel au
collectif et le collectif à l'individuel, etc.
Le Président (M. Clair): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je vois une recommandation
qui a été adressée, le 1er décembre 1976, au
ministre de la Justice concernant la saisie de films, photos et autres
documents, etc. Est-ce que le ministre peut nous dire quelle suite il a
donnée à cette recommandation qui dit: Que le ministre de la
Justice, conformément aux responsabilités qui lui sont
dévolues dans l'administration de la justice, émette les
directives aux forces policières concernées, à l'effet
qu'avant d'obtenir un mandat de perquisition ou d'émettre un subpoena
à l'endroit d'un journaliste, photographe ou cinéaste de presse,
les autorités supérieures du ministère de la Justice
soient consultées et que l'on doive s'adresser, le cas
échéant, à un juge de la Cour des sessions de la paix?
Est-ce que des directives ont été données à la
suite de cette recommandation de la Commission des droits qui est à la
date du 1er décembre 1976?
M. Bédard: Je ne l'ai pas en mémoire.
M. Lalonde: Je ne pensais pas l'embêter de même.
M. Bédard: Sur ce sujet précis, j'ai écrit
à la commission. Il a été entendu que nous continuerons
d'étudier cette situation avec la Commission des droits et
libertés de la personne, également le Conseil de presse et le
ministère de la Justice.
M. Lalonde: M. le Président, je ne sais plus à qui
je m'adresse. On a un nouveau président, M. le Président. Le
député de Saint-Louis est devenu président et je viens de
voir que le député de Drummond vient de s'asseoir du
côté de l'Opposition. Cela me fait plaisir.
M. Bédard: D'ailleurs, l'Opposition a besoin d'être
renforcée.
M. Lalonde: On ne refuse pas les bons éléments.
Le Président (M. Blank): Le député de
Drummond.
M. Clair: Merci, M. le Président. J'ai simplement
demandé d'être remplacé, étant donné que
j'avais une question à poser sur ce sujet. M. le Président de la
Commission des droits de la personne, vous savez sûrement... M. le
Président...
M. Fontaine: Pour faire plaisir au président.
M. Clair: Vous savez sûrement que, suite au conflit de la
Celanese, il y a eu une enquête qui a été faite par la
commission sur l'usage du gaz "mace" dans le conflit de la Celanese. Lors de
l'étude qui a été faite, la commission a
présenté une recommandation au ministère de la Justice
relativement à la limitation de l'arsenal policier, y compris l'usage du
gaz "mace". Le rapport a été soumis déjà au
ministère de la Justice. J'aimerais savoir du ministre de la Justice, M.
le Président, si le ministère envisage de donner suite, à
plus ou moins long terme, à cette recommandation, d'étudier
l'ensemble du problème de l'arsenal policier.
M. Bédard: La Commission de police est en train, à
l'heure actuelle, de faire une étude complète sur l'utilisation
des armements, sur l'utilisation des gaz et vous pouvez être
assuré qu'elle tiendra compte des représentations qui ont
été faites par la Commission des droits de la personne.
Le Président (M. Blank): Le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, est-ce que le
président de la Commission des droits de la personne pourrait nous
indiquer si son organisme a eu à intervenir à propos de
discriminations qui auraient été faites à l'endroit de
détenus au Québec? Est-ce que vous avez eu à intervenir
dans les cas de certains détenus dans des institutions?
M. Bédard: Nous sommes intervenus dans quelques cas,
plutôt rarement, cependant. Il y a plus d'un organisme qui, finalement,
ont juridiction et peuvent intervenir, suivant les motifs invoqués. Je
pense à un exemple très simple, l'ombudsman, qui a des pouvoirs
d'enquête, etc. Par ail-
leurs, il y a dans notre charte des droits judiciaires assez bien
énumérés, assez bien décrits. Là-dessus,
techniquement nous n'avons pas les pouvoirs d'enquête formels, mais par
conviction, toujours, nous avons réussi à obtenir, à ce
jour, la collaboration des directeurs dans les quelques rares cas où
nous avons eu à intervenir. L'exemple que j'ai en tête, c'est une
intervention à Bordeaux dans le cas de personnes dont on disait qu'elles
avaient tenté de se suicider. Nous sommes allés vérifier
le tout.
M. Charbonneau: Merci.
Le Président (M. Clair): L'élément 1 du
programme 2 sera-t-il adopté?
M. Blank: Adopté. Cela dépend du
député de Marguerite-Bourgeoys. Adopté,
l'élément 1.
M. Lalonde: Avant d'adopter l'élément 1, M. le
Président, je voudrais simplement dire au prési- dent de la
commission, via le ministre, que l'Opposition officielle sera férocement
jalouse des droits et libertés de la personne et du respect de la
charte. Je suis sûr que le ministre entendra notre message.
Elément 1, adopté.
M. Bédard: J'ai entendu votre message et je n'ai pas
besoin de répéter le profond respect que j'ai pour la Commission
des droits et libertés de la personne.
Le Président (M. Clair): Elément 1, adopté.
Elément 2 du programme 2.
M. Lalonde: M. le Président, est-ce qu'on peut demander la
suspension?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Clair): Ajourné sine die.
(Fin de la séance à 22 h 20)