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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 19 mai 1977 - Vol. 19 N° 80

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de la Justice


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère de la Justice

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît! La commission de la justice est réunie pour étudier les crédits budgétaires du ministère de la Justice. Les membres de la commission, pour la présente séance, sont: MM. Alfred (Papineau), Bédard (Chicoutimi), Blank (Saint-Louis), Charbonneau (Verchères), Ciaccia (Mont-Royal), Clair (Drummond), Fontaine (Nicolet-Yamaska), Johnson (Anjou), Laberge (Jeanne-Mance), Lacoste (Sainte-Anne), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); Fallu (Terrebonne) en remplacement de Marois (Laporte); Samson (Rouyn-Noranda), Shaw (Pointe-Claire), Springate (Westmount); Burns (Maisonneuve) en remplacement de Proulx (Sainte-Jean) ou l'inverse?

M. Proulx: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Comme membre permanent?

M. Proulx: Oui, depuis hier, à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Clair): Effectivement, si c'est un changement intervenu hier. MM. Tardif (Crémazie), Vaillancourt (Jonquière). Le député de Verchères accepterait-il d'agir comme rapporteur de cette commission?

M. Charbonneau: Oui, M. le Président. M. Lalonde: L'Opposition est d'accord. Le Président (M. Clair): Vous acceptez? Oui.

M. Charbonneau: Nous n'en attendions pas moins de vous.

Le Président (M. Clair): Messieurs, comme vous avez pu le constater...

M. Bédard: ... lu très bien. M. Lalonde: Oui, je l'ai déjà lu. M. Bédard: Vous vous le rappelez? M. Lalonde: Je me le rappelle, oui.

Le Président (M. Clair): ... je suis membre de cette commission et la présidence m'a demandé de préciser. Je vous demanderai plus d'indulgence que n'en a eu la présidence en me demandant de présider puisque j'aurais fort aimé participer au débat. J'espère que vous ne me ferez pas grief d'être à la fois président et membre de cette commission. Je tenterai d'être aussi objectif que possible.

M. Lalonde: M. le Président, je pense qu'on concourt au choix du président. On vous fait confiance en ce qui concerne votre impartialité, sans aucun doute. J'ai cru comprendre que le président participerait au débat; je n'ai jamais vu cela dans une commission parlementaire.

M. Bédard: Ce n'est pas ce qu'a voulu dire le président.

Le Président (M. Clair): Je n'ai pas l'intention...

M. Lalonde: Ce n'est pas ce qu'il a voulu dire, ah, bon!

Le Président (M. Clair): ... de participer au débat.

M. Lalonde: Tout ce que je peux déplorer, c'est que vous ne puissiez pas participer au débat. On l'aurait bien aimé.

Le Président (M. Clair): Vous ne pouvez le déplorer plus que moi. M. le ministre.

Exposé préliminaire du ministre

Marc-André Bédard

M. Bédard: Au début des travaux de cette commission, pour le bénéfice des membres de la commission, je voudrais présenter ceux avec qui j'ai l'occasion de collaborer tous les jours, au niveau du ministère de la Justice, qui m'accompagnent ce matin: Me Robert Normand, sous-ministre; Mlle Lyse Lemieux, sous-ministre associé aux affaires civiles et pénales; le Dr Maurice Gauthier, sous-ministre à la détention et à la probation; M. François Tremblay, sous-ministre aux affaires criminelles; M. René Langevin, sous-ministre aux bureaux d'enregistrement, aux regis-traires et à l'administration. Est-il ici?

Egalement, M. Paul Benoît, sous-ministre à la sécurité publique: M. Paul Brown, responsable de la protection civile et des mesures d'urgence; Me Daniel Jacoby, directeur général des affaires législatives; M. Pierre-G. Dorion, directeur général des greffes; M. Verreault, assistant du directeur général des greffes; M. Jean-Claude Dubois, directeur du budget; M. Jacques Dufour, adjoint de M. Dubois; M. Clément Ménard, directeur général du personnel; Mme Lyne Fournier, adjointe de M. Ménard; M. Réal Dionne, directeur de l'équipement et de l'aménagement; M. Jean-Marc Ruel, directeur des services comptables; M. le juge Roger Gosselin, président de la Commission de police; M. Paul Lemelin, adjoint administratif de la commission; M. le juge Jacques Trahan, président de la Commission de contrôle des permis d'alcool; M. le juge Guy Dorion, président du Tribunal de l'expropriation; M. René Hurtubise, président de la Commission des droits et des libertés de la per-

sonne; M. Yves Lafontaine, vice-président de la Commission des services juridiques; M. René Morin, directeur des services financiers de la commission; M. Jacques Tellier, président du comité de protection de la jeunesse; M. Paul Pé-riard, vice-président du comité de protection de la jeunesse; M. Pierre Morin, responsable des coroners et des morgues; M. Raymond Labrecque, adjoint administratif aux affaires criminelles.

M. le Président, je voudrais dire qu'en entrant au ministère, j'ai trouvé chez tous ceux que je viens de nommer, et à tous les échelons, une équipe prête à travailler solidairement avec moi, afin de donner aux Québécois une meilleure administration de la justice. Egalement, dès mon entrée en fonction, je voudrais mentionner d'une façon particulière que j'ai trouvé chez Me Robert Normand, sous-ministre en titre, un précieux collaborateur.

J'ai été à même de constater et d'apprécier son dévouement inlassable et son sens des responsabilités. Egalement, j'ai été à même d'apprécier chez lui un sens de loyauté sans réserve, doublé d'une efficacité remarquable qui est sans doute due à un jugement sûr basé sur une expérience de plusieurs années.

J'ai également pu apprécier chez lui, ce qui est bien important pour un ministre qui entre en fonction, un sens de la solidarité et également un idéal qu'on peut facilement déceler chez lui de bien servir. Je voudrais d'une façon générale exprimer le plaisir que j'ai, depuis le 15 novembre, de travailler avec lui et son équipe.

M. le Président, dans un premier temps, j'aimerais présenter aux membres de la commission une revue générale des principaux secteurs d'activité du ministère de la Justice. A l'examen du livre des crédits déposé par le ministre des Finances, vous constaterez que les crédits du ministère de la Justice se répartissent en sept secteurs et seize programmes.

Quatre de ces programmes représentent 79,1% du total du budget du ministère, à savoir la Sûreté du Québec, $135 213 600, ce qui représente 41% du budget; fonctionnement du système judiciaire, $53,7 millions, 16,1%; la garde des détenus et des prévenus, $43 115 500, 13,1%; l'aide juridique et financière, $28 978 300, pour un pourcentage de 8,8%.

J'ai dressé, M. le Président, à l'intention des membres de la commission, une liste de projets, tant au point de vue administratif que législatif, qui devront être amorcés d'ici à la fin de la présente année financière. Au niveau des orientations dont certaines modifieront, je crois, profondément, au cours des prochaines années, le monde judiciaire, policier et pénitentiaire, il faut mentionner notamment la réévaluation des mécanismes et des structures de lutte au crime organisé, la détermination de la façon dont nous allons adopter le nouveau Code civil, tout en assurant une consultation adéquate et une information tant de l'ensemble de la population que du judiciaire, ainsi que la préparation des ajustements administratifs nécessaires à son application d'une façon cohérente.

L'évaluation des résultats du projet pilote de

Longueuil et, s'il y a lieu, la poursuite de l'intégration des cours municipales de façon progressive est sur une base volontaire, cependant, et l'examen des recommandations du groupe de travail sur les fonctions policières, qui doit remettre son rapport annuel à l'automne.

Enfin, face à la surpopulation que nous connaissons dans les établissements de détention qui relèvent de notre juridiction, il nous faudra non seulement accélérer et étendre le programme des mesures alternatives à l'incarcération mais il faudra aussi explorer de nouvelles avenues.

Au point de vue législatif, je poursuis actuellement l'examen des projets de loi suivants que j'entends soumettre incessamment à l'Assemblée nationale. Premièrement, des amendements au Code de procédure civile dont celui qui portera à $500 la juridiction de la Cour des petites créances, des amendements à la Loi de police et à la Loi de la communauté urbaine de Montréal, des amendements au Code civil relativement à la puissance paternelle. De plus, je déposerai cet automne un projet de loi sur la réorganisation des tribunaux judiciaires et quasi judiciaires.

Le ministère de la Justice a aussi collaboré étroitement à l'élaboration de la Loi de la protection de la jeunesse et à la Loi instituant l'action collective.

Enfin, j'ai l'intention de procéder à l'examen de la Loi des règlements et procédures administratives de la Commission de contrôle des permis d'alcool.

Au niveau administratif, j'entends intensifier la formation et le perfectionnement des policiers, notamment au niveau de la police municipale. J'entends également améliorer la lutte au crime économique et fournir à cette fin à la Sûreté du Québec des moyens plus appropriés.

Enfin, les Statuts refondus seront publiés au cours de la présente année financière.

Avant d'aborder le détail des crédits au niveau des programmes, j'aimerais formuler quelques commentaires sur le budget de l'année 1976/77 et indiquer aux membres de cette commission les écarts réels entre le budget de l'année passée et celui de l'année 1977/78. Aux pages 16-1 et 16-2 du livre des crédits pour l'année 1977/78, vous constaterez que les crédits demandés par le ministère de la Justice se totalisent à $329 733 300 comparativement au budget modifié de $328 971700 pour l'année 1976/77, soit une augmentation apparente de moins de 1%. . Toutefois, si on procède à un examen plus détaillé des crédits de l'année 1976/77, nous constatons que les crédits concernant la rétroactivité des traitements, l'aide financière apportée aux victimes d'inondation et les Jeux olympiques ne sont pas reconduits pour le budget de 1977/78.

L'Assemblée nationale a approuvé, au début de l'exercice 1976/77, des crédits originaux de $277 257 700, si l'on exclut les programmes de la Commission des loyers et de la Régie des loteries et courses, lesquels ont été transférés au ministère des Affaires municipales et au ministère du Revenu respectivement.

Durant l'exercice 1976/77, les crédits addi-

tionnels de $51 714 000 furent obtenus de la façon suivante: fonds de suppléance, $15 903 600; mandats spéciaux, $20 000 000; budgets supplémentaires, $15 810 400. L'octroi de ces crédits additionnels a été rendu nécessaire pour répondre aux besoins suivants: d'abord, la mise en application des conventions collectives et des ajustements aux traitements, $19 467 700; l'aide financière aux victimes d'inondation, $20 000 000; les ressources requises afin d'assurer une certaine sécurité au niveau des Jeux olympiques, $7 600 000; l'impact budgétaire de l'augmentation du volume et des prix, $3 355 300; l'expansion apportée au niveau de certaines activités du ministère telles que la Commission des droits et libertés de la personne, Commission de refonte des lois, Service d'enquête sur le crime organisé, etc., $1 291 000.

Les ressources additionnelles pour donner suite à la mise en application des conventions collectives et à l'augmentation du volume furent affectées principalement au niveau des programmes suivants: Sûreté du Québec $4 286 500; établissements de détention, $6 480 000, ce qui représente une augmentation du volume de $1 615 000; traitements des juges, $3 400 000; Direction générale des griefs $1 095 000, ce qui représente une augmentation de volume de $720 000; aide juridique, $2 884 100; indemnisation des victimes d'actes criminels, $600 000, et d'autres dépenses pour un montant de $1 322 000.

Si l'on exclut des crédits prévus au budget comparatif de 1976/77 les montants qui furent accordés pour l'aide financière aux victimes d'inondation, à savoir $18 000 000, et pour assurer la sécurité pour les Jeux olympiques, $9 000 000, l'augmentation du budget du ministère est de $28 260 000, soit un taux de croissance de 9,4%.

Ces crédits de $28 260 000 sont pour les fins suivantes: mise en application des conventions collectives, $14 millions; augmentation du volume et des prix, 135 postes, pour un montant de $8 960 000; mise sur pied d'un système de plai-doierie interne, ce qui représente 180 postes, pour un montant de $2 100 000; crédits additionnels pour donner suite à l'augmentation du nombre de jours-homme de travail afin de permettre de combler les postes réguliers déjà prévus, $2 300 000; mise sur pied de différents projets ce qui a nécessité 40 postes, pour un montant de $900 000.

Au niveau de l'augmentation du volume et des prix, des ressources additionnelles de $8 960 000 et de 135 postes seront affectées principalement au niveau des programmes suivants: Direction des établissements de détention, 35 postes, pour un montant de $2 926 000; Aide juridique, $1 458 000; Direction générale des greffes, 45 postes, pour $395 000; Sûreté du Québec, 35 postes, pour un montant de $3 400 000; Commission de contrôle des permis d'alcool, entre autres, transfert aux municipalités des droits perçus sur la vente de spiritueux, 5 postes, $375 000, et d'autres programmes qui représentent 15 postes pour un montant de $406 000.

Malgré des contraintes budgétaires, j'ai obtenu du Conseil du trésor des crédits pour permet- tre le démarrage, la réalisation de certains projets et l'expansion de certains services. Ces projets sont: la mise sur pied de la Commission de refonte des lois, $500 000; l'intensification du rôle et des fonctions de la Direction générale de la sécurité publique, 3 postes, $140 000; l'intensification de la formation et du perfectionnement des policiers, 5 postes, $240 000; l'augmentation des moyens d'action du Comité de protection de la jeunesse, 11 postes, $120 000; l'expansion du Service de l'informatique, 18 postes, $160 000; l'amélioration des services d'analyse et de contrôle, 3 postes $40 000.

Le ministère de la Justice étant un ministère de services, le personnel constitue naturellement notre principale ressource. L'effectif permanent du ministère s'établit à 12 928, comparativement à 12706 pour l'année 1976/77.

Toutefois, si l'on tient compte des 100 postes accordés au cours de 1976/77 pour le service des plaidoiries internes et de la correction de 33 postes de l'effectif des juges de l'élément 1, formulation de jugements, du programme 1, fonctionnement du système judiciaire, l'augmentation réelle est de 355.

En ce qui concerne les employés occasionnels, la réduction de 85 hommes-année est due au fait que les ressources requises pour les projets suivants ne se répéteront pas au cours de l'année 1977/78; entre autres, le bureau d'aide financière pour les victimes d'inondation, 50, les postes prévus afin de fournir le soutien nécessaire pour assurer le fonctionnement des activités de la Commission des loyers, 30 postes, et le transfert de juridiction qui a touché 5 postes.

Je voudrais ici signaler le danger de tirer des conclusions uniquement sur la base des chiffres apparaissant au budget. Ainsi, en matière de personnel, l'effectif autorisé est une chose et le personnel en place en est une autre. Il peut y avoir un écart quand même considérable entre ces deux données. A titre d'exemple, l'effectif autorisé du personnel de surveillance des établissements de détention est passé de 1778 à 1885, soit une augmentation de 107 postes. De ces 107 postes additionnels, 82 furent accordés au cours de l'année 1976/77. Malgré cette injection, l'effectif en place n'est passé que de 1718 postes, en date du 15 août 1976, à 1779 postes occupés en date du 2 mai 1977, soit une augmentation de 61 personnes.

Par suite de l'effort conjugué de nos directions de la détention et du personnel au niveau du recrutement et grâce aux postes additionnels accordés pour le présent exercice financier, je prévois qu'il y aura plus de 150 surveillants additionnels dans nos établissements de détention au cours de l'année 1977/78.

Les revenus prévus pour l'année 1977/78 ont été évalués à $76 505 000. Ces revenus se répartissent comme suit, au niveau des principales catégories: droits et permis sur la vente des boissons alcooliques, $23 750 000; amendes et infractions imposées en vertu du Code de la route, $14 300 000; enregistrement de droits, $9 500 000; contributions payées par les policiers à un régime de retraite, $5 650 000; amendes imposées en

vertu du Code criminel, $6 500 000; contributions du gouvernement du Canada pour l'aide juridique et la protection civile, $3 520 000; autres sources de revenus, $4 785 000.

Ces prévisions furent établies en tenant compte du taux de croissance de certaines catégories de revenu au cours de l'année 1976/77. Pour l'année 1976/77, les revenus seront de l'ordre de $68 845 700. Des augmentations de revenu sont prévues au niveau des points suivants: droits et permis sur la vente de spiritueux et de vins aux détenteurs de permis, $2 millions; enregistrements de droits et actes judiciaires, $1 600 000; amendes et infractions imposées en vertu du Code de la route, $2 600 000; amendes imposées en vertu du Code criminel, $1 500 000.

Concernant le budget des équipements, j'ai soumis au ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement notre programmation des équipements pour l'année 1977/78. Cette programmation comprend le parachèvement de certaines constructions, de nouvelles initiatives et aménagements majeurs. Nous avons obtenu du ministère des Travaux publics et du Conseil du trésor une enveloppe budgétaire de $20 800 000 pour la réalisation de ces projets. Cependant, je suis conscient qu'au cours des deux dernières années le budget des équipements du ministère de la Justice a été grandement affecté par des difficultés financières et administratives, mais je suis confiant que nous parviendrons, cette année, à cause de l'état de vétusté de certains édifices — je pense, notamment, aux prisons de Sherbrooke, Trois-Rivières, Saint-Jérôme et Sept-lles — à réaliser concrètement une part plus importante de ce budget.

Au cours de votre analyse des crédits, au niveau des programmes, il me fera plaisir de vous fournir de plus amples renseignements sur certains aspects de la gestion que vous aimeriez analyser plus en détail. Par la même occasion, je vous préciserai les réalisations des responsables de programmes et les actions qui ont été prises pour résoudre les problèmes qui se posent dans le cadre des opérations courantes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

Commentaires de l'Opposition M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord m'associer au ministre en ce qui concerne les bons mots qu'il a eus à l'égard des fonctionnaires du ministère de la Justice. Ayant eu à les connaître presque tous, ceux qui sont ici, au moins, et d'autres qui ne sont pas ici, pendant un peu plus d'un an, je concours carrément, et avec enthousiasme, à l'appréciation que le ministre a eue à leur égard. Compétence, désir de travailler, de faire toujours mieux, loyauté, ce sont, je pense, des qualités que l'on retrouve à peu près à tous les niveaux. Il est malheureux que seulement un petit nombre, quoique assez impressionnant — je ne sais pas si le ministre a voulu m'enterrer sous le poids de toutes ces compétences — soit ici présent.

M. Bédard: Non, je veux essayer de vous donner le plus de renseignements possible, conscient de mes possibilités.

M. Lalonde: Non seulement chez ceux qui sont ici, mais chez d'autres, on retrouve ces qualités et je suis sûr que c'est chez ces fonctionnaires que le gouvernement pourra trouver un appui véritable non seulement pour préparer des politiques, pour en faire l'administration, mais aussi, je l'espère, pour l'empêcher de faire des erreurs. On dit que la machine administrative est immense, est grosse, c'est vrai. Dans un certain sens, c'est lourd à porter, mais d'un autre côté cela assure une continuité qui, souvent, nous évite des erreurs.

Plus particulièrement à l'égard du sous-ministre, le ministre a eu des bons mots, tout à fait mérités et j'y concours entièrement.

M. le Président, à l'occasion des premiers crédits, non seulement d'un nouveau ministre de la Justice, mais d'un nouveau gouvernement, je pense qu'on doit éviter de chercher la bête noire. Je le dis avec d'autant plus de conviction que l'an dernier c'étaient mes premiers crédits, et ce n'est pas ce qu'on a fait à mon égard. Je pense que les budgets des années 1977/78 et 1976/77 se ressemblent beaucoup. Il y a les détails que le ministre vient de nous donner sur les augmentations, que nous pourrons analyser dans les nouvelles entreprises du gouvernement à propos des $28 millions d'augmentations, les lois dont on nous a donné quelques détails, mais j'avoue que la présentation du ministre m'a beaucoup déçu.

J'aurais espéré qu'à l'occasion de cette première présentation de crédits le ministre en profite pour informer la commission, dont l'Assemblée nationale, dont nous sommes une créature ou une extension, et le public sur les grandes orientations de son ministère. Six mois, si ce n'est pas suffisant pour connaître en détail tous les programmes et toutes les opérations quotidiennes, c'est sûrement suffisant pour qu'un nouveau gouvernement, et plus particulièrement un ministre de la Justice se fasse une idée, acquière une conception de son rôle.

Je le déplore d'autant plus, M. le Président, parce qu'on a eu l'occasion, depuis six mois, de se poser des questions quant à la conception que le ministre se fait de son rôle. Je prendrai seulement quelques exemples, je veux parler de la décision du cabinet et du ministre concernant le retrait des plaintes sur les lois 253 et 23. J'en prendrai aussi à témoin le comportement du ministre relativement à l'accident où a trouvé la mort M. Edgar Trottier et, enfin, le comportement du ministre en ce qui concerne la Charte des droits et libertés de la personne vis-à-vis de la charte linguistique.

Ces trois exemples sont de taille. On peut s'attendre, même d'un ministre expérimenté, des erreurs quotidiennes mais, pourvu que la moyenne

au bâton soit bonne, on peut juger favorablement un gouvernement. Il y a aussi des erreurs de jugement concernant des décisions importantes, mais qu'on peut corriger. Cela encore c'est humain et c'est dans l'ordre des choses. Mais, lorsque c'est ce que je considère une erreur quant à la nature de la fonction que l'on occupe, à ce moment-là je dois prendre l'occasion de ces crédits pour rappeler et demander au ministre de bien se convaincre, se persuader de l'importance de sa fonction comme ministre de la Justice.

On s'attend que le ministre de la Justic — c'est assez traditionnel dans notre régime politique de responsabilité ministérielle — soit un ministre, surtout à cause de sa fonction de Procureur général, en ce qui concerne l'application du Code criminel et aussi des lois pénales, on s'attend, dis-je, que le ministre de la Justice conserve constamment une distance avec le gouvernement; que le ministre de la Justice, dans certaines décisions, soit en deça ou au-delà, ou enfin au-dessus, en dehors, s'il le faut, du groupe des autres ministres, y compris le premier ministre.

On s'attend, et cela est une tradition longuement établie dans notre système parlementaire d'origine britannique, que le Procureur général prenne ses décisions de façon complètement indépendante du gouvernement. Là réside la crédibilité du Procureur général et là réside aussi la protection de l'intégrité de sa fonction.

Je rappelle au ministre que dans un cas analogue, il y a quand même quelques années, il s'agit du Campbell's Case, qui est arrivé dans les années 1920 en Angleterre, un gouvernement a été renversé, a dû quitter les rênes du pouvoir, justement parce que les membres du cabinet et le premier ministre s'étaient un peu trop impliqués dans une décision, à savoir si on devait soit porter plainte ou retirer des plaintes au criminel. C'est avec autant de sérieux que cela qu'on considérait la décision ou l'implication du cabinet. Plusieurs éléments analogues, on les retrouve dans le Campbell's Case, dans les années 1920 — il s'agissait, je crois du premier gouvernement travailliste — et dans la façon de procéder du ministre et du gouvernement en ce qui a trait au retrait des plaintes suivant les lois 23 et 253.

Le ministre a invoqué la justice sociale. Naturellement, à force de parler de justice sociale, à un moment donné on ne sait pas ce que c'est, et le ministre a négligé de nous dire quels étaient les paramètres de sa justice sociale. Il importe que le gouvernement, s'il a l'intention de changer la so-, ciété, il nous dise quelle société il veut implanter. Si le gouvernement considère que des lois ne sont pas conformes à sa conception de la société, qu'il nous dise quelles sont ces lois. Lorsque j'ai demandé au ministre, en Chambre, lors de l'incident des lois 23 et 253 quelles lois le citoyen devraient maintenant respecter, le ministre a semblé trouver ma question déplacée. Mais cela revient à cela. Le ministre de la Justice est le gardien de ce que la démocratie a de plus fondamental, la loi.

Si des lois adoptées conformément à notre régime démocratique sont considérées comme étant contraires à la conception qu'un nouveau gouvernement se fait de la société, c'est son devoir de dire à la société et aux citoyens quelles sont ces lois. Est-ce que ce sont toutes les lois qui imposent aux travailleurs des obligations? A ce moment-là, il faudrait dire que ce sont ces lois et dire aussi quelles autres lois que les lois 23 et 253. Est-ce que la loi ou la réglementation, par exemple, qui impose le permis de travail dans le domaine de la construction pour tout travailleur et qui, contrairement aux lois 23 et 253, cause des inconvénients graves non pas à ceux qui ne veulent pas travailler, mais à ceux qui veulent travailler, est conforme à la justice sociale telle que conçue par le nouveau gouvernement?

J'invite le ministre à prendre connaissance du Campbell's Case avec beaucoup d'attention. Je peux même lui donner la référence, c'est dans un bouquin qui s'appelle "The Law Officers of the Crown", de J. Edwards, où on étudie en détail cet incident qui a mené au renversement d'un gouvernement par la négligence du Procureur général de bien protéger l'intégrité de sa fonction. Quant à l'accident, le défaut ou la négligence du ministre de la Justice de prendre ses distances, encore une fois, dans un cas où son chef, celui-là même qui l'avait nommé, était personnellement impliqué, a créé dans l'esprit de beaucoup de gens, dont je me fais le porte-parole... C'est mon devoir, même s'il est assez délicat, de parler d'un cas qui a troublé et qui trouble encore beaucoup de Québécois, même ceux qui sont sympathiques naturellement à ceux...

M. Charbonneau: Vous êtes le seul à avoir le front de faire cela.

M. Lalonde: Est-ce que le député veut bâillonner, lui qui s'est...

M. Charbonneau: Non, continuez, vous êtes bien parti.

M. Lalonde: ... institué le député-limier lors de cet accident, je ne sais pas à la demande de qui? Est-ce que vous représentiez le ministre de la Justice à ce moment-là?

M. Charbonneau: Non. Vous pouvez revenir sur cela, si cela vous fait plaisir.

M. Lalonde: Bon. Alors, dans ce cas-là, on devait s'attendre que le ministre protège l'intégrité de sa fonction. Je l'avais invité, pas publiquement — je ne l'avais pas fait de façon partisane — mais par une lettre, que je n'avais pas publiée, à faire attention, à se tenir à distance de cette situation pour protéger l'intégrité de sa fonction. Or, il ne l'a pas fait. Je l'ai demandé une deuxième fois après sa décision, immédiatement après que je le lui avais demandé publiquement. Je ne voulais pas faire de politique avec cela, je pense que c'est trop important, mais le ministre a été muet. Je l'ai redemandé lors du débat sur le discours inaugural, en donnant un peu plus en détail les raisons pour lesquelles le ministre aurait dû ne pas se mettre dans cette situation, aurait dû ne

pas intervenir dans la décision du coroner en lui demandant de la réviser. Là encore, le ministre n'a pas cru bon de répondre à nos demandes. C'est un autre incident important où on est en droit de se poser des questions quant à la conception que le ministre se fait de ses fonctions.

Encore aussi importante a été la position du ministre relativement à la Charte des droits et libertés de la personne. Après s'être engagé en Chambre à faire en sorte qu'aucune disposition de cette loi ne soit violée par la loi sur la langue, le ministre a — je ne sais si c'est par ignorance ou par cynisme — dit que, puisqu'on change la Charte des droits et libertés de la personne, on ne la viole pas. Il sait très bien que, dans l'esprit des gens, son engagement à voir à ce que la Charte des droits et libertés de la personne soit respectée signifiait qu'elle soit respectée telle qu'elle était à ce moment-là, non pas qu'on l'amputerait pour ensuite la respecter. Drôle de façon de respecter une loi que de lui enlever des droits. C'est important parce que la Charte des droits et libertés de la personne, c'est fondamental et au-dessus de toute politique, au-dessus de toute partisanerie, de tout parti politique, couleur, race, langue, religion. C'est fondamental pour chacun des citoyens. Là, le ministre de la Justice est, en quelque sorte, le protecteur de tous les citoyens.

Avec quelle jalousie devrait-il protéger ce document qui représente ce qui est fondamental dans les droits et les libertés des gens! Avec quelle jalousie devrait-il s'opposer! Dans cette fonction, il se trouve presque constamment en opposition avec ses collègues. C'est assez normal parce que, lorsqu'on légifère pour collectiver, en quelque sorte, des démarches du gouvernement, on se trouve à diminuer les libertés des gens souvent pour de meilleurs intérêts communs. Mais, quand même, quotidiennement, chacun de ses collègues va se trouver à proposer soit des lois ou des règlements qui vont affecter les droits et libertés des gens, et c'est au ministre de la Justice, qui est au-dessus du cabinet, de protéger jalousement la Charte des droits et des libertés de la personne, de permettre qu'elle ne soit changée qu'après un processus d'étude et un processus démocratique le plus détaillé possible.

C'est pour cela que je trouve absolument impensable qu'on ampute tout ce qui concerne la langue, dans la Charte des droits et libertés de la personne, sans soumettre la question à la Commission des droits de la personne de façon formelle, et sans même soumettre l'amendement à la Charte à la commission parlementaire de la justice.

Ce sont les trois exemples que je voulais mentionner, tout simplement pour illustrer jusqu'à quel point je me pose des questions sur la conception que le ministre de la Justice se fait de ses fonctions, et c'est important. Au-delà de l'administration des crédits qu'on va voter sûrement pour le ministère de la Justice, au-delà des décisions quotidiennes au point de vue administratif, au-delà des lois qui devront être présentées pour améliorer soit les lois actuelles, soit apporter d'autres démarches, il y a la fonction de ministre de la Justice, surtout en ce qui concerne sa fonction de Procureur général qui doit être comprise par le ministre de la Justice. Il doit mettre fin à cette impression que beaucoup de gens ont qu'il ne se fait de sa fonction qu'une conception plutôt faible. Il ne doit pas être perçu comme étant le lieutenant du cabinet ou du premier ministre. Il doit prendre ses distances avec le gouvernement. Ce qui est important — je le vois rire, il ne devrait pas rire...

M. Bédard: C'est parce que vous vous êtes souvent fait faire cette accusation, dans le temps du gouvernement précédent.

M. Lalonde: Jamais je n'ai eu cette accusation, mais pour ne pas être accusé de cela, combien d'attention faut-il apporter dans les décisions qu'on prend pour ne pas paraître, au moins, l'être?

C'est ce qui est important.

M. Bédard: L'important c'est de paraître?

M. Lalonde: Non. Ne pas l'être et ne pas, ensuite, paraître l'être. Il faut que la justice soit faite, mais il faut aussi qu'elle apparaisse être faite.

M. Bédard: Je comprends votre réflexion, vous faisiez partie d'un gouvernement d'images. Je vous répondrai tout à l'heure.

M. Lalonde: Je pense que le ministre devrait prendre l'occasion de ses crédits pour nous convaincre de la plus haute conception possible qu'il se fait de ses fonctions. Quant au détail des crédits, j'aurai des questions plus précises à poser lorsque nous attaquerons les programmes un par un. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Tout comme mes prédécesseurs, je voudrais m'associer à eux pour féliciter toute l'équipe des fonctionnaires du ministère de la Justice, qui ont bien voulu accompagner leur ministre. Je dois également féliciter le ministre de la Justice de s'être fait accompagner de cette équipe compétente; je pense qu'il s'agit, à ce qu'on m'a dit, d'une des premières fois que le ministre se fait accompagner de toute l'équipe de fonctionnaires. Il s'agit d'une heureuse initiative qui permettra aux membres de la commission d'avoir des renseignements plus complets sur toute l'activité du ministère.

D'un autre côté, j'aurais aimé que le ministre de la Justice, dans son exposé initial, en profite, et cela aurait été une occasion idéale, pour donner une vue d'ensemble de son rôle comme ministre de la Justice comme Procureur général au Québec. Nous aurions aimé connaître l'ensemble de ses vues, de ses politiques quant à l'avenir du mi-

nistère de la Justice. Ce que le ministre du Travail a fait, d'ailleurs, dans sa commission parlementaire. Je pense que cela aurait été ici une occasion idéale pour le faire. Peut être qu'il profitera de l'étude des crédits pour donner des explications plus complètes, mais je pense qu'il est de tradition que le ministre de la Justice, ou les différents ministres qui prennent la parole dans les commissions donnent l'ensemble de leurs politiques au début. Je présume que le ministre le fera un peu plus tard.

M. le Président, l'année financière 1977/78 sera sans doute une période extrêmement difficile et ardue pour le ministère de la Justice et en particulier pour son titulaire actuel. Les problèmes nombreux et complexes auxquels le ministre devra faire face, dans les semaines et les mois à venir, seront d'une nature si fondamentale pour la bonne marche de l'administration de la justice dans cette province que j'éprouve, personnellement, beaucoup d'inquiétude pour l'avenir, non seulement des personnes et des groupes qui oeuvrent dans le domaine de la justice, mais aussi pour un bon nombre de nos institutions judiciaires dont l'existence même est remise en question. Je fais ici allusion, bien sûr, tant aux problèmes d'ordre constitutionnel que représentent certains jugements rendus récemment par les tribunaux supérieurs du Québec relativement à la constitution-nalité de certains tribunaux créés par l'Assemblée nationale qu'aux problèmes que je considère d'ordre administratif et qui touchent le rôle de la coordination de nos forces policières, ainsi que l'état déplorable d'un bon nombre de nos centres de détention et prisons de juridiction provinciale.

D'ailleurs, M. le Président, je ne suis pas le seul inquiet à ce sujet. Le ministre l'est aussi, si je me fie à ses déclarations en Chambre récemment. Il a raison de l'être au moment même où la Cour suprême est saisie de la question de la constitu-tionnalité du Tribunal des transports, dans l'affaire Farrah, suite à des jugements en faveur de la thèse de l'inconstitutionnalité. La Cour suprême et la Cour d'appel du Québec se prononcent là-dessus, à ce moment même. Au même moment aussi, l'Agence provinciale de Québec conteste la consti-tutionnalité du Tribunal du travail devant la Cour supérieure, c'est-à-dire devant la même cour qui a jugé inconstitutionnel le Tribunal des transports, il n'y a pas si longtemps. Voici qu'encore une fois, dans un jugement qui ne date que de quelques semaines, la Cour supérieure déclare inconstitutionnel un deuxième tribunal québécois, en l'occurrence le Tribunal des professions.

Au-delà de la question juridique, sur laquelle se prononcera éventuellement la Cour suprême du Canada, à savoir si l'article 96 de l'AANB permet au gouvernement québécois de nommer lui-même ses propres juges et de conférer aux tribuneaux qu'il a créés une juridiction de surveillance et de contrôle sur les tribunaux inférieurs s'apparentant à celle qu'exerçait la Cour supérieure avant 1877, il existe un problème beaucoup plus grave qui est de nature politique.

De plus en plus je constate, comme plusieurs autres Québécois, que la solution à ce problème constitutionnel qui met en cause l'existence même de la Cour provinciale et peut-être même celle d'autres tribunaux, par exemple, le tribunal d'expropriation et la Cour de bien-être social, ne se trouve pas au niveau des recours juridiques, malgré tout mon respect pour nos institutions judiciaires.

Malheureusement, la Cour suprême, comme tout autre tribunal, doit interpréter la loi et non la modifier. Or, le problème est devenu à ce point complexe et important, de par les conséquences qu'il entraîne, qu'une simple interprétation ne suffit plus. C'est une modification des règles du jeu qui s'impose, tout comme dans le dossier controversé de la câblodiffusion dans le domaine des communications.

Dans ces deux dossiers, la solution est avant tout d'ordre politique et elle implique des négociations entre Québec et Ottawa pour modifier la constitution à ce sujet. D'ailleurs, sur ce point, je partage entièrement l'idée émise par Me Jean-Charles Bonenfant, professeur de droit constitutionnel à l'Université Laval, qui dit: "Le moyen le plus simple de régler le problème serait encore l'amendement de la constitution et l'abandon aux provinces des provisions contenues dans l'article 96 au sujet de la nomination des juges de la juridiction de la Cour supérieure".

Dans ce même article, Me Bonenfant nous faisait part de sa perception de la situation cocasse qui règne, à l'heure actuelle, et que le ministre lui-même a qualifié d'absurde en Chambre, l'autre jour. Me Bonenfant disait: "Pendant que des juges de nomination provinciale administrent des lois fédérales, comme le Code criminel, la Loi des aliments et drogues, etc., des juges de nomination fédérale de la Cour supérieure, logés et entretenus par le Québec, ayant des services de secrétaires rémunérés par le provincial, passent la majeure partie de leur temps à administrer des lois civiles québécoises. C'est une situation qu'il a qualifiée de cocasse et je partage son opinion là-dessus. Je partage également l'avis du ministre de la Justice voulant que ces problèmes de compétence et de conflit de juridiction découlent d'une constitution qui est absolument dépassée et inadéquate. J'ai été heureux, l'autre jour, de l'entendre dire qu'il allait faire tout son possible pour que cette juridiction et cette compétence du Québec soient respectées.

Mais ses efforts, en ce qui nous concerne, ne doivent pas se limiter à franchir les étapes des appels jusqu'au recours ultime de la Cour suprême du Canada. Ils comprennent d'abord et avant tout une volonté d'entamer immédiatement des négociations avec Ottawa, avec l'appui des autres provinces, pour mettre un frein a l'ambiguïté légale, aux pertes d'argent et d'efficacité qui sont le lot du régime actuel des contestations qu'on connaît. Tout geste positif et constructif du ministre en ce sens recevra notre appui et notre encouragement. S'il le faut, nous ferons toutes les motions nécessaires pour que l'Assemblée nationale toute entière endosse les actions du ministre.

A notre avis, c'est là le rôle d'une Opposition responsable qui reconnaît, au-delà des choix poli-

tiques, des terrains d'entente où la solidarité des Québécois s'impose.

Il va de soi, M. le Président, que tout ce branle-bas constitutionnel ne favorise aucunement un déblocage dans le dossier chéri du ministre, depuis la publication du livre blanc sur la justice, à savoir la réorganisation du système judiciaire québécois.

La réorganisation des tribunaux actuels, comme le Tribunal du travail et le Tribunal de la famille, ce n'est pas pour aujourd'hui. Le ministre a beau déclaré, comme il l'a fait en avril à Chicoutimi, beaucoup d'eau coulera sous les ponts à moins que le ministre réussisse à en venir à une entente à l'amiable avec le gouvernement fédéral dans un avenir relativement rapproché.

Néanmoins, j'aimerais bien, à ce moment-ci, que le ministre nous dise où en est rendu ce dossier qui a passé entre les mains de deux ministres de la Justice avant d'aboutir dans les siennes. Sans dévoiler des secrets d'Etat, le ministre pourrait nous expliquer l'évolution de ce dossier, particulièrement en ce qui a trait au Tribunal de la famille et à la possibilité de créer, comme cela existe en France et ailleurs, une section administrative qui regrouperait les tribunaux administratifs actuels. Personnellement, en ma qualité de juriste, cette question m'intéresse comme elle intéresse plusieurs autres membres de cette commission, bien sûr, et le public en général.

A titre de dernières remarques sur cette première partie de mon exposé, je m'en voudrais de passer sous silence deux gestes posés par le ministre depuis sa nomination qui remettent en cause des questions d'ordre constitutionnel. Il y a, d'abord, l'annonce que le ministre de la Justice se propose de faire devant la Cour supérieure, au moment où il le jugera opportun, de contester la constitutionnalité de la définition de la fonction du Procureur général du Canada, du moins comme le définit le Parlement du Canada à l'article 2 du Code criminel, en vertu de l'article 92 de l'AANB. Cette décision est liée non seulement à l'attitude du ministre fédéral, Ron Basford, dans l'affaire Morgentaler, mais aussi à un cas plus récent impliquant la double condamnation de Montréalais accusés d'avoir enfreint la Loi sur les narcotiques.

Si je comprends bien les motifs politiques qui poussent le ministre à agir ainsi, j'aimerais cependant qu'il nous explique davantage les motifs juridiques qui sont les siens, y compris son intention ou non d'aller plus loin que le stade d'une requête devant la Cour supérieure.

En dernier lieu, j'ai beaucoup apprécié la déclaration du ministre, au début de cette Semaine de la police, affirmant qu'il avait l'intention d'exiger du gouvernement fédéral, comme l'avait fait l'un de ses prédécesseurs, M. Jérôme Choquette, un montant de $300 millions ou de $400 millions pour les services que remplit, depuis plusieurs années, la Sûreté du Québec à la place de la Gendarmerie royale du Canada. Le ministre pourrait-il nous dire s'il est exact, comme le rapportent les journaux, que cette demande sera faite officiellement à la prochaine réunion fédérale-provinciale des ministres de la Justice? Est-ce que le montant de $300 millions à $400 millions environ est exact? Si oui, cela voudrait dire qu'on réclame une récupération qui couvre la période de l'entente intervenue entre Ottawa et les huits provinces concernées, soit de 1966 à 1976, dix ans.

Y a-t-il eu des pourparlers récemment avec l'Ontario dans ce dossier pour faire front commun, ce qui s'est déjà fait dans le passé? Le ministre n'ignore pas que cette situation, qui l'oppose au gouvernement d'Ottawa, a également un revers qui est intéressant et quelque peu embarrassant aussi pour lui vis-à-vis des municipalités québécoises. En effet, l'actuel maire de Québec, M. Gilles Lamontagne, président de l'Union des municipalités du Québec avant qu'il ne brigue les suffrages dans le comté de Langelier, a réclamé à deux reprises depuis le 15 janvier 1975 un montant de plus de $3 millions parce que les policiers municipaux de Québec remplissent une partie des fonctions qui devraient normalement relever des policiers provinciaux. Le ministre doit savoir que cette demande risque de faire boule de neige, compte tenu de la santé financière très précaire de nos municipalités à l'heure actuelle. D'ailleurs, il y a eu, en 1975, une enquête commandée par les municipalités du Nord-Ouest québécois sur l'efficacité et le coût des corps policiers de cette région, qui indique que, dans les villes de 5000 âmes et moins, le pourcentage du temps des policiers consacré aux règlements municipaux se situe aux environs de 15%, comparativement à 45% dans les villes de 15 000 âmes et plus; 25% à l'application des lois provinciales, comparativement a 10% à l'application des lois fédérales et 60% à l'application des lois fédérales comparativement à 45%.

A la suite de cette enquête, ces municipalités ont réclamé une aide financière des gouvernements provincial et fédéral qui serait proportionnellement aux services rendus, à défaut de quoi elles demanderaient que ces deux paliers de gouvernement prennent tout simplement en main l'application de leurs lois et règlements, ce qui apparaît logique à première vue.

D'ailleurs, plusieurs municipalités ont demandé récemment, de dissoudre leurs corps policiers municipaux en vue de régler ce problème financier. Je prévois, M. le Président, que ce genre de requête va se multiplier dans les semaines et les mois à venir. Il va falloir que le gouvernement se rende à l'évidence, ou il accorde aux municipalités ayant des corps de police une aide financière additionnelle, ou il permet l'abolition de ce service pour le remplacer par la Sûreté du Québec.

M. le Président, il s'agit d'un problème important et dont l'urgence n'a pas besoin d'être démontrée, elle est évidente. Nombre de petites et moyennes municipalités sont touchées par ce problème, y compris celle de Nicolet, dans mon propre comté. Est-ce que le ministre a élaboré ou est en train d'élaborer une politique cohérente en ce sens? Y aurait-il une aide financière sous forme de compensation, comme le veut le maire de Québec et les maires du Nord-Ouest québécois? J'aimerais que le ministre réponde à ces questions

qui touchent directement des centaines de milliers de personnes dans toutes les régions du Québec.

Ceci dit, M. le Président, il y a un autre point qui mérite une attention particulière de la part de cette commission et qui affecte plus de la moitié des crédits du ministère, soit directement, soit indirectement, il s'agit de la politique policière du gouvernement. Déjà le ministre a eu l'occasion de préciser sa pensée et de faire connaître son approche lors du colloque de la Commission de police du Québec qui a eu lieu à Montréal, le 11 janvier dernier. On nous a parlé, à ce moment, non seulement de la place et du rôle du policier dans la société québécoise, mais aussi de la nécessité pressante de confier à la Sûreté du Québec, la responsabilité d'une grande collaboration et d'une véritable coordination entre tous les corps policiers du Québec.

Il a même parlé de transformer la SQ en une sorte de Sûreté nationale, une fois l'indépendance faite, quoique cela ne soit pas très clair, puisque le ministre a été obligé de démentir une rumeur, samedi dernier, voulant que le ministère de la Justice songe à effectuer une réorganisation majeure qui entraînera la création d'un ministère de l'intérieur et, il va de soi, d'une Sûreté nationale.

Habituellement, il n'y a pas de fumée sans feu. Qui dit vrai? Est-ce que c'est le journal ou est-ce que c'est le ministre? Le ministre admettra qu'on a le droit de se poser la question. Le ministre a parlé aussi de l'instauration d'un régime de retraite minimum, avec possibilités de transfert pour les policiers du Québec. Il a parlé également d'amendements à la loi 41 pour réaménager les structures de la CECO, pour améliorer les cours de recyclage à l'Institut de police de Nicolet, pour clarifier les fonctions respectives de la Commission de police du Québec et de la direction générale de la sûreté publique du ministère de la Justice, de façon à éviter le double emploi.

Depuis trois mois, ces projets ont sûrement évolué et j'aimerais que le ministre fasse le point, non seulement sur ces sujets mais aussi sur sa conception du rôle du policier au sein de notre société, sur l'avenir des policiers municipaux par rapport à la Sûreté du Québec, un très grand sujet d'inquiétude à l'heure actuelle.

Qu'il fasse le point également sur la crise de leadership qui existe depuis un certain temps au sein de la CUM et du Conseil de la sécurité de l'île de Montréal, laquelle crise risque de dégénérer en conflit violent, suite à la réaction négative des maires de banlieue qui rouspètent contre le coût exorbitant des services de police dans la métropole. Le ministre pourra aussi faire le point sur l'opportunité de créer des corps policiers régionaux et de mieux structurer les responsabilités confiées aux différents corps policiers dans l'ensemble du Québec.

Je sais que le ministre me dira que plusieurs de ces points sont présentement à l'étude, notamment par le groupe d'étude créé récemment sur la réforme de la police. Mais cela ne doit pas, à mon avis, empêcher le ministre, de nous livrer ses opinions sur les grandes orientations qu'il sou- haite donner à son ministère dans ce domaine, au cours de la présente année financière.

Il y a aussi, M. le Président, un sujet qui me tient à coeur et qui me préoccupe particulièrement, il s'agit des conditions de vie qui sont faites et qui existent actuellement dans nos centres de détention et nos prisons provinciales.

Encore hier, je lisais dans le quotidien Le Soleil que des enquêteurs du ministère de la Justice étudiaient une série de plaintes formulées par un groupe de 105 détenus et prévenus du centre de détention de Québec, qu'on appelle la prison d'Orsainville, relatives à leurs conditions de détention. Ces mêmes personnes menacent de passer aux actes — cela peut même aller jusqu'aux émeutes et la violence comme on l'a connu auparavant — s'il n'y a pas de changement dans le comportement des autorités d'ici peu.

Leur position va plus loin, pour exiger une commission d'enquête sur ce centre de détention provincial. C'est extrêmement troublant et angoissant de voir que les leçons d'hier n'ont pas porté fruit. A ma connaissance ce ne sont pas les premières plaintes qui nous viennent d'Orsainville. Pourquoi semble-t-il y avoir si peu de changements et de réformes constructives dans ce secteur particulier de l'administration de la justice? Ce secteur, soit dit en passant, a marqué souvent très négativement un grand nombre de personnes qui y séjournent, surtout parmi les plus jeunes. D'ailleurs, la situation n'est pas beaucoup plus reluisante dans plusieurs autres centres du Québec.

M. le Président, j'aurais une suggestion à faire au ministre de la Justice dans le but d'être cons-tructif et de faire un peu de ce que j'appelle de la législation préventive. Dans le but de corriger ce qui ne va pas et de prévenir des événements désagréables qui finissent presque toujours en émeutes ou en violence, est-ce que le ministre accueillerait favorablement la suggestion suivante? Puisque c'est la mode à l'heure actuelle, pourrait-on créer une commission d'enquête, genre "task force", pour faire le point sur la situation de nos centres de détention et les réformes qui s'imposent? On l'a fait au niveau fédéral pour les pénitenciers, on a envoyé sur place un groupe représentatif de députés accompagnés de certains fonctionnaires et des ministres intéressés pour qu'ils prennent connaissance des problèmes qui se posent concrètement dans ces centres et fassent rapport à la commission parlementaire de la justice.

Je soumets l'idée, le ministre en fera ce qu'il en veut, mais je crois que ce serait profitable pour tous les intéressés, les détenus et les prévenus, ainsi que pour les députés législateurs. M. le Président, il y a plusieurs autres points plus techniques que j'aurais voulu aborder, entre autres les clauses privatives dans presque toutes les lois qu'on peut rencontrer au Québec, les amendements au Code de la route dont on a parlé dans le livre bleu de Mme Payette, l'aide juridique, question d'admissibilité, question de tarifs, la hausse de taxation des témoins devant les tribunaux. Je pense que tous ces points on pourra les toucher

dans l'étude particulière de chacun des crédits du ministère, chacun des secteurs. Je terminerai donc là-dessus mon exposé initial et nous aurons le loisir de revenir sur ces sujets lorsque chacune des études de programmes individuels sera faite. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le ministre de la Justice.

Réplique du ministre

M. Bédard: M. le Président, j'essaierai de répondre à quelques-unes des questions qui m'ont été posées par les représentants de l'Opposition officielle ou de l'Union Nationale. Ce n'est pas par mauvaise foi mais il y a eu un flot de questions qui fait qu'il est fort possible que, tout en étant de bonne foi, je puisse en oublier. Lorsque nous procéderons à l'analyse des différents programmes, il nous sera loisible d'être plus explicite sur chacune des questions qui ont été portées à mon attention par les deux représentants.

M. Lalonde: Je n'ai pas d'objection que le ministre réponde aux questions du représentant de l'Union Nationale, mais j'avais fait exprès pour ne pas poser de questions précises sur les programmes pour attendre d'y arriver. Si le ministre veut y répondre maintenant, mais à condition qu'on puisse y revenir lorsque nous irons dans chacun des programmes. En ce qui concerne, c'est comme le ministre voudra procéder.

M. Bédard: II reste que l'exposé du représentant de l'Union Nationale, qui a été très positif, pose certaines questions auxquelles je répondrai rapidement, quitte à approfondir lorsque les programmes se présenteront.

Je suis très heureux que le représentant de l'Union Nationale partage la même inquiétude que j'ai exprimée sur les contestations qui s'accumulent concernant les juridictions de nos différents tribunaux administratifs, entre autres, le Tribunal des transports, le Tribunal du travail, le Tribunal des professions. J'ai eu déjà l'occasion d'exprimer mon opinion là-dessus et il est évident que c'est un cas, vraiment, où les problèmes constitutionnels font que nous pouvons nous ramasser dans une situation quand même assez absurde où toute une structure de tribunaux administratifs a été mise sur pied par le Québec afin de rendre justice le plus équitablement possible en fonction de chacune de ses juridictions ou des problèmes concernés par ces différents tribunaux.

Tel que je l'ai exprimé, je n'ai pas l'intention — d'ailleurs je ne le pourrais pas comme ministre de la Justice — de commenter des jugements qui ont été rendus concernant certains tribunaux. Maintenant, j'ai informé la Chambre que nous étions en appel sur chacun de ces jugements et que notre intention ferme était de lutter jusqu'au bout afin de pouvoir faire reconnaître la juridiction de ces tribunaux en particulier.

Egalement, le représentant de l'Union Natio- nale a exprimé sa préoccupation bien fondée de la nécessité d'une réorganisation des tribunaux. Je crois que cela s'impose. C'était déjà une politique qui avait été émise ou une nécessité qui avait été traduite dans le livre blanc de la justice. Nous allons essayer de passer du domaine des grandes orientations ou des grandes intentions au domaine des réalisations pratiques. Dans ce sens-là, je puis vous dire que je suis pour à l'heure actuelle les consultations avec le Barreau, d'une part, avec des membres du Barreau; avec, également, la Conférence des juges. J'ai eu l'occasion d'en rencontrer les principaux représentants. D'autres consultations se font au niveau du ministère afin que cette réorganisation des tribunaux puisse devenir une réalité dès l'automne, tout au moins qu'un projet de loi puisse être déposé à cet effet parce que là-dessus il y a une nécessité.

Je crois que le nombre de tribunaux fait que les citoyens ont vraiment de la difficulté à se retrouver à travers tout cet appareil judiciaire. Il y a un besoin de cohérence qui s'impose. Dans ce sens-là, du point de vue de l'orientation générale, je crois qu'il est nécessaire d'avoir une cour générale au Québec avec des tribunaux qui soient spécialisés dans des domaines bien particuliers, que ce soit dans le domaine criminel, dans le domaine du travail, dans le domaine du droit de la famille.

Maintenant, j'ai exprimé les difficultés que nous avions dans certaines sphères d'activité à constituer des tribunaux spécialisés qui puissent vraiment remplir tout le rôle qu'on attendrait, d'eux. Entre autres, si on prend le Tribunal de la famille on s'aperçoit que les matières de divorce, de pension alimentaire, sont de juridiction fédérale et que cela constitue un élément important lorsqu'on parle d'un tout cohérent qui s'occupe de la famille à partir de l'enfant en réglant tous les problèmes qui peuvent se poser non seulement au niveau de l'enfant mais au niveau du couple aussi.

C'est évident que, dans un cas comme celui-là, c'est difficile, à cause des juridictions partagées fédérales et provinciales, d'en arriver rapidement non seulement à quelque chose de cohérent, mais à quelque chose de significatif aussi. Mais ceci ne nous empêchera pas, d'une part, de continuer à approfondir le sujet et, d'autre part, de faire les démarches que nous croirons indiquées auprès du gouvernement fédéral afin de récupérer certaines sphères de juridictions, de manière que, dès l'automne, tel que nous l'avons exprimé dans le discours inaugural, il y ait le dépôt d'un projet de loi sur la réorganisation des tribunaux.

M. Fontaine: Est-ce que vous me permettez une autre question?

Le Président (M. Clair): II vaudrait peut-être mieux poser les questions une fois que le ministre aura terminé sa réponse.

M. Bédard: Le représentant de l'Union Nationale a également parlé de la réforme globale qui s'impose au niveau de l'ensemble des forces policières, des corps policiers municipaux entre au-

tres. Je dois vous dire, pour le moment, tel que vous l'avez mentionné, qu'il y a déjà un groupe de travail. Nous avons reconnu cette nécessité, puisque nous avons donné le feu vert à un groupe de travail qui a pour fonction d'étudier d'une façon particulière les fonctions policières, les régimes de retraite. Je compte beaucoup sur ce groupe de travail pour nous éclairer et nous indiquer les différentes avenues qui pourraient se présenter afin de mettre de l'ordre dans une situation qui en a besoin. Dans un premier geste avant de parler de réforme des corps policiers municipaux ou d'autres corps policiers, je pense qu'il est important de voir à ce que les fonctions policières soient bien définies. Dans ce sens, le groupe de travail, qui fait, à l'heure actuelle, des efforts très intensifs pour arriver à l'échéance fixée à l'automne, sera de nature à nous donner des orientations qui seront sans doute étudiées avec beaucoup d'attention non seulement par le gouvernement, mais également par l'Opposition.

Du point de vue des grandes orientations dans ce domaine, j'ai déjà affirmé que je n'étais en aucune façon d'accord avec la formation d'une seule force policière au Québec et je pense que cela constitue une position assez fondamentale. Je n'ai pas l'intention d'aller dans l'expression de mes idées personnelles sur l'ensemble des autres éléments qui vont être étudiés par le groupe de travail, parce qu'à ce moment-là, j'ai l'impression que ce ne serait pas respecter le travail qu'on a demandé à ce groupe d'effectuer. Si, du point de vue gouvernemental, le ministre de la Justice exprime clairement toutes ses orientations dans ce domaine, je considère que non seulement ce ne serait pas respecter le groupe de travail déjà en place, mais ce serait rendre très difficile une action positive, puisque, politiquement, je ne crois pas qu'il soit indiqué que le ministre de la Justice donne carrément ses opinions et soit, ensuite, placé dans une situation politique de donner l'impression de reculer sur certains points, si le groupe de travail n'arrive pas aux mêmes vues.

Je pense que c'est une prudence élémentaire. Lorsqu'on croit à la consultation, lorsqu'on croit vraiment à l'efficacité d'un groupe tel que celui qui a été constitué. Je pense que c'est un élément de prudence fondamentale que d'attendre, au moins, que ce groupe fasse connaître ses recommandations, ce qui ne nous empêche pas, je vous le dis en passant, de continuer, personnellement, la réflexion en profondeur, de manière à être plus en mesure de mieux évaluer les recommandations qui vont être faites par ce groupe de travail.

M. Lalonde: A quelle date attend-il le rapport? M. Bedard: Nous l'avons fixée à l'automne. M. Lalonde: A l'automne.

M. Bédard: Maintenant, entre-temps, comme vous le savez, comme vous l'a souligné, d'ailleurs, le représentant de l'Union Nationale, il y a plu- sieurs municipalités qui demandent l'abandon de leur corps policier. Nous avons, au ministère, pas moins d'une quarantaine de demandes en ce sens, ce qui est très impressionnant, très important. Je crois qu'il y a certaines municipalités qui croient, peut-être, que le projet de loi 41 est adopté et que toute municipalité de moins de 5000 âmes a le droit d'abandonner son corps de policiers. Tel n'est pas le cas.

Comme vous le savez, il y a une procédure bien établie. Les municipalités qui sont régies par la Loi des cités et villes doivent aviser le ministre de la Justice d'une telle intention. En ce qui regarde le ministre de la Justice, la procédure est de refiler cette demande à la Commission de police qui émet une recommandation. Ensuite, avec cette recommandation, c'est le Conseil des ministres qui décide, le lieutenant-gouverneur en conseil qui décide, sur recommandation du ministre de la Justice. Devant les demandes qui nous ont été acheminées en si grand nombre, nous les avons transmises à la Commission de police qui en fait l'analyse et qui va nous faire les recommandations appropriées.

Il y a également, quand on parle de force policière, l'interrogation que s'est posée le représentant de l'Union Nationale sur la future sûreté nationale. Je dois dire qu'entre la déclaration que j'ai faite lors de la réunion de la Commission de police, à Montréal, et celle que j'ai faite tout dernièrement, il n'y a pas de contradiction. J'ai toujours dit qu'une sûreté nationale est nécessairement reliée — d'ailleurs, vous m'avez déjà posé la question en Chambre sur la formation d'une sûreté nationale, ce qui est normal — à une décision démocratique que les Québécois seront appelés à prendre. A partir du moment où cette décision démocratique est positive, il est évident que des responsabilités spécifiques devront être confiées à un corps policier. Dans les circonstances, je pense bien que ce n'est que constater ce qui existe, que d'admettre que la Sûreté du Québec constitue, à l'heure actuelle, le corps policier parmi les mieux structurés, qui couvre l'ensemble du territoire du Québec et a qui des responsabilités spécifiques pourraient être confiées. Entre-temps, la Sûreté du Québec fait le travail qu'elle doit faire et très bien.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question. Est-ce que vous permettez une question? C'est qu'il semble y avoir une ambiguïté.

M. Bédard: J'aimerais mieux...

M. Lalonde: Au cas de l'indépendance...

M. Bédard: On reviendra là-dessus. Je suis prêt à une discussion générale. Vous aurez l'occasion...

M. Lalonde: C'est tout à fait positif, parce que...

M. Fontaine: Question de règlement, M. le Président. On m'a refusé une question tout à

l'heure, je pense qu'on devrait avoir le même traitement.

M. Lalonde: Je pense que vous avez raison. On n'aurait pas dû vous la refuser. Voulez-vous la poser? Laissez-moi poser la mienne.

Le Président (M. Clair): Je pense que le député de Nicolet-Yamaska a raison. Pour le meilleur ordre possible de fonctionnement, je vous prierais de noter les questions. On aura l'occasion d'y revenir en étudiant le programme 15.

M. Lalonde: Enfin, question de règlement...

M. Bédard: M. le Président, dans leur appréciation générale, les représentants, tant de l'Opposition officielle que de l'Union Nationale, ont cru bon — je pense bien que c'était leur droit — de me poser des questions auxquelles on me demande nécessairement de répondre. J'essaie de le faire le plus valablement possible. Mais, comme il y avait presque un déluge de questions, il est normal que cela puisse prendre un certain temps.

M. Lalonde: Question de privilège, M. le Président. Je veux simplement que le débat soit le plus positif possible, que ce soit conduit de cette façon aussi; c'est qu'on risque de dédoubler, ni plus ni moins, un peu. Quand on va revenir sur les programmes particuliers, on va revenir sur ces questions. A dessein — je l'ai dit d'ailleurs à la fin de mon exposé — je m'étais gardé de poser des questions précises; j'aurais pu en poser 50, j'en ai ici.

M. Bédard: M. le Président.

M. Lalonde: C'est une question de règlement. Naturellement, je n'ai pas d'objection, le représentant de l'Union Nationale a choisi une autre stratégie, c'est tout à fait correct, sauf que, quand le ministre répond à des questions, cela en soulève d'autres. Quand on va revenir dans ces programmes, on va se trouver à répéter ni plus ni moins et faire perdre un peu le temps de la commission. C'est la seule remarque que je fais. C'est vrai que je peux attendre d'arriver à ces programmes, mais c'est une question de cohérence de la discussion tout simplement.

M. Bédard: M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Tel que l'a exprimé tout à l'heure le représentant de l'Opposition officielle, chacun des représentants de parti a adopté une stratégie bien particulière. Celle du représentant de l'Union Nationale a été d'aller dans des cas très pratiques, de poser des questions très positives sur des problèmes auxquels on a à faire face. Je pense bien qu'à partir de ce moment, M. le Président, chacun récolte les fruits de sa stratégie.

Pour ce qui est des questions ou des observations que j'ai été à même de constater dans l'exposé d'ouverture du représentant de l'Opposition officielle, il peut se consoler, je vais y venir dans quelques minutes.

M. Lalonde: M. le Président, ce n'est pas pour cela, c'est simplement pour essayer de poser des questions à mesure...

M. Charbonneau: Une question de règlement, M. le Président.

M. Lalonde: D'accord, je vais me... Il me semble que votre décision est rendue.

Le Président (M. Clair): Ma décision est rendue effectivement. Je peux préciser l'article en vertu duquel je la rends.

Nous avons commencé par un exposé général du ministre. Les deux partis de l'Opposition ont été appelés à faire des commentaires généraux. S'ils ont voulu y inclure des questions assez précises, j'ose espérer que le ministre, dans sa réponse, demeurera au stade des commentaires généraux également. Nous aurons l'occasion de revenir. Avant d'aller jusqu'au bout des commentaires généraux, j'ai la liste des députés ministériels qui eux aussi désirent se faire entendre qui, je pense, pourront se faire entendre avant qu'on aborde les programmes un par un. Cela vous va?

Une Voix: Oui.

Le Président (M. Clair): M. le ministre.

M. Bédard: Pour continuer dans le domaine policier, le représentant de l'Union Nationale m'a demandé comment je concevais le rôle du policier. C'est très simple, c'est qu'en aucune façon je ne crois qu'il doive être de quelque manière que ce soit le bras de l'Etat ou encore le serviteur servile de quelque gouvernement que ce soit, mais qu'il fasse tout simplement son devoir, qu'il prenne pleinement ses responsabilités, qui consistent à faire respecter l'ordre dans la société.

Il y a également le problème très important qu'a soulevé le représentant de l'Union Nationale en ce qui a trait aux centres de détention. J'ai mentionné, tout à l'heure, qu'il y avait des urgences qui se présentaient en ce qui a trait à la réfection ou construction de certains centres de détention. Il y a des situations qui sont complètement inacceptables, en ce qui me regarde, qui constituent plus que des priorités mais des urgences, humainement parlant. Je me suis référé, entre autres, aux centres de détention de Trois-Rivières, de Sherbrooke, Saint-Jérôme et de Sept-Iles également.

Vous pouvez être convaincu que je vais faire toutes les pressions nécessaires auprès des autorités administratives afin que cela débouche de ce côté. C'est assez surprenant de voir jusqu'à quel point, dans ce domaine, il s'est fait peu de chose, si on pense aux années passées.

Le député s'est référé au cas d'Orsainville. Je comprends qu'il y a eu une pétition signée par certains détenus. Je ne sais pas si le député a pris connaissance d'un article de journal qui a paru cette semaine et qui, effectivement, démontrait qu'il n'y avait pas de problèmes majeurs, si on s'en réfère seulement à cette pétition. Il y avait une demande, de la part des détenus, d'avoir le droit d'écouter certains programmes. Pour le reste, le journaliste en question, qui a fait le tour de la situation, explicitait très clairement qu'il n'y avait pas de problèmes majeurs si on parle du cas particulier d'Orsainville. Si on parle d'autres cas, il y en a, des problèmes à régler. Si on pense à Par-thenais, c'est évident qu'il va y avoir nécessité d'une action la plus rapide possible de la part des autorités gouvernementales.

Vous avez fait, entre autres, la suggestion positive de penser à créer une commission d'enquête pour étudier l'ensemble des conditions de détention, le problème de la détention au Québec. Je considère que c'est une suggestion très positive qu'a faite le représentant de l'Union Nationale et je vais y apporter toute l'attention nécessaire.

D'autres points ont été évoqués par le représentant de l'Union Nationale: entre autres, l'avenir de la CECO ou l'avenir de la luttre contre le crime organisé. Il est clair que cette lutte doit être intensifiée, il n'y a pas de doute là-dessus. La phase d'analyse est pas mal terminée, je pense bien. Nous devons avoir d'ici le 31 juillet, un rapport final de la CECO. Nous allons travailler dans le sens de savoir quelles structures pourraient être établies en fonction de l'intensification de la luttre contre le crime organisé. Là-dessus, j'ai la ferme intention de faire des consultations; il y en a déjà qui sont commencées. J'ai eu l'occasion, naturellement, de rencontrer et de discuter déjà avec ceux qui sont le plus impliqués au niveau de la CECO et je me propose, au cours des mois de juin et juillet, d'aller jusqu'à provoquer une réunion des principales personnes qui ont été mêlées de près à la lutte contre le crime organisé; non seulement réunir ces personnes, mais y ajouter aussi des personnes spécialisées dans le domaine et qui peuvent être prises à l'extérieur. J'ai envisagé d'impliquer dans ce travail de réflexion non seulement le ministre, mais également les membres de la commission parlementaire, y compris les représentants de l'Opposition officielle et de l'Union Nationale.

Je ne veux pas dire par là que ce serait une commission parlementaire en bonne et due forme. Je parle plutôt d'une réunion où on aurait l'occasion, toutes les parties intéressées, de pouvoir échanger des points de vue, de pouvoir discuter en profondeur. Ensuite, je crois que cela aurait des effets positifs qui nous permettraient de mieux nous orienter sur la structure et la forme que devrait prendre la lutte contre le crime organisé.

Il y a d'autres sujets très intéressants qui ont été soulevés par le représentant de l'Union Nationale; ce sont ceux dont je me rappelle au moment où on se parle. On pourra y revenir, tel que je l'ai dit tout à l'heure. En ce qui a trait au représentant de l'Opposition officielle, il a fait une première remarque à l'effet qu'il était déçu de la présentation. Remarquez que je m'y attendais de toute façon, quelque présentation qui ait pu être faite.

On m'a reproché de ne pas donner de grandes orientations. M. le Président, je dois vous dire que cela fait six mois que nous sommes au ministère. J'ai eu l'occasion de rencontrer tous ceux avec qui j'ai à travailler de très près. Les problèmes ne manquent pas. Je crois que, lorsqu'on parle de grandes orientations et qu'on y croit vraiment, on ne fait jamais d'erreurs en s'accordant une certaine réflexion plus approfondie.

D'ailleurs, je m'explique mal cette déception, puisque j'ai quand même dressé, à l'intention de la commission, une liste de projets du point de vue législatif et du point de vue administratif qui sont de nature, à mon sens, à permettre d'évaluer non pas de grandes orientations, mais les sentiments profonds qui peuvent m'animer en fonction des urgences qui se présentent.

De toute façon, j'ai toujours eu peur des grandes orientations, comme des grands livres blancs qui sont pleins de bonnes intentions, mais dont souvent la réalisation prend du temps. J'aime mieux poser des gestes pratiques qu'on peut analyser, qui peuvent être de nature, autrement dit, à éclairer l'Opposition officielle sur ce qu'elle appelle les grandes orientations.

Entre autres, depuis mon arrivée au ministère, M. le Président, j'ai élaboré et mis en application une nouvelle politique des mandats. Comme grande orientation, cela voulait dire simplement que c'en était fini avec le patronage qui existait dans ce domaine. Plus besoin de parler de grandes orientations dans ce domaine-là, puisqu'on est passé à un domaine pratique. On ne peut pas dire que ceux qui nous ont précédés n'ont pas eu le temps de corriger la situation; c'est une situation qui durait depuis des années.

J'ai également élaboré et mis en application un nouveau processus de nomination des juges. Je l'ai fait dans le but, je l'ai dit, de démystifier le processus de nomination des juges. Ce n'est pas qu'il y avait des choses extrêmement mystérieuses là-dedans, mais il reste que, du point de vue de la justice, il est important de penser à la perception des gens.

M. Lalonde: C'est ce que je disais tantôt.

M. Bédard: Dans ce sens, je crois que le nouveau processus que j'ai mis au point sera de nature à démystifier, justement, la nomination des juges et à améliorer aussi, je crois, la qualité de ceux qui seront appelés à des postes aussi importants.

D'ailleurs, au moment où je vous parle, déjà les comités ont été formés puisqu'il y a environ neuf nominations à faire. Les comités ont déjà été formés. Je ne crois pas indiqué, pour le moment, de nommer les personnes qui sont affectées à l'intérieur de chaque comité parce que cela pourrait peut-être avoir comme effet de les exposer à certaines pressions. Je n'en fais pas une question de

principe puisque, de toute façon, lorsque les concours seront terminés, tous ceux qui ont été nommés pour remplir la fonction à l'intérieur d'un jury seront nécessairement portés à l'attention du public.

Cela est encore un geste pratique qui indique au moins une grande orientation, en ce qui me regarde, qui est celle de rapprocher le plus possible la justice de la compréhension des gens. Je pense que la population a besoin de comprendre l'appareil judiciaire le plus possible afin de ne pas être effrayée par cet appareil.

J'ai également, et cela je pense que c'est un cas pratique, eu l'occasion de faire face à deux grèves dans le domaine policier, à Montréal entre autres, et celle de la Sûreté du Québec. Je dois dire que beaucoup de frustrations se sont accumulées chez les policiers. Je crois qu'une attention plus particulière aurait pu être accordée par ceux qui nous ont précédés, en fonction de donner plus de motivation aux policiers d'avoir la fierté d'appartenir à leur corps policier et d'y travailler.

Au cours de ces deux grèves, je pense, comme ministre de la Justice, avoir fait respecter quelque chose qui est essentiel comme principe, à savoir que le gouvernement ne négociait pas lorsque des policiers étaient en grève illégale. Je pense que, pour qui veut en faire l'analyse, cela représente une grande orientation, au moins une grande détermination de faire en sorte que la loi soit respectée, en premier lieu, au moins par les policiers qui ont la fonction de la faire respecter. Je crois que là-dessus nous n'avons sûrement pas de leçon à recevoir de la part des gouvernements qui nous ont précédés.

Le représentant de l'Opposition officielle a laissé planer des doutes sur l'ensemble de l'enquête concernant l'accident d'Edgar Trottier. Je ne sais pas s'il a des éléments nouveaux à apporter à notre attention. S'il en a, je lui demande, sur-le-champ, de nous donner ces nouveaux éléments. Je pense, en ce qui me regarde, comme ministre de la Justice, que j'ai adopté une attitude là-dedans qui non seulement se défend, mais qui, à mon sens, doit être l'attitude que le ministre doit adopter, entre autres, de respecter le processus judiciaire d'enquête qui était en cours à ce moment-là. C'est ce que nous avons fait.

On a laissé entendre, tout à l'heure, que nous avions demandé au coroner de réviser sa décision, son opinion. Ce n'est pas le cas du tout, et le représentant de l'Opposition officielle le sait très bien.

C'est que nous avons tout simplement porté à son attention un fait nouveau qui n'était pas un fait de nature à aider de quelque façon que ce soit qui que ce soit, mais au contraire qui se devait d'être analysé. Autrement dit, nous avons eu le souci que tous les faits concernant cette enquête soient portés à l'attention du public. Je crois être allé beaucoup plus loin que n'importe quel de ceux qui nous ont précédés puisque j'ai trouvé indiqué de faire connaître à la presse en général l'ensemble et le contenu de tous les témoignages recueillis par les policiers au cours de cette enquête.

Je crois que, à quelques exceptions près, la presse en général, le public ont considéré que non seulement je n'avais pas adopté une attitude de ministre de la Justice qui veut cacher quoi que ce soit, mais, au contraire, celle d'un ministre de la Justice qui veut porter à l'attention de la population l'ensemble des faits qui ont entouré ce cas.

Je voulais respecter — on a parlé d'enquête publique là-dedans — je préférais laisser agir la justice par le processus normal qui est l'enquête policière et également la nomination d'un coroner. Je crois que c'était très important de laisser agir le processus normal de la justice afin de valoriser et de revaloriser le processus judiciaire normal.

Les enquêtes publiques ne sont pas un jouet avec lequel on s'amuse comme le faisaient peut-être un peu trop souvent ceux qui nous ont précédés, une véritable enquête publique. Il faut prendre garde de laisser l'impression à la population qu'il n'y a de véritable justice que lorsqu'on s'embarque dans une enquête publique. Il faut que le citoyen apprenne à avoir confiance dans le processus judiciaire normal, et c'est pour cela que nous ne sommes intervenus en aucune façon dans ce processus. Je défie l'Opposition officielle de pouvoir dire le contraire et je crois que la décision que nous avons prise par après de porter à l'attention l'ensemble non seulement des éléments mais de tous les témoignages était l'attitude la plus ouverte possible et en même temps constituait une amorce de revalorisation du processus judiciaire normal.

Encore une fois, je le dis, si l'Opposition officielle a des éléments nouveaux à porter à notre attention, qu'elle le fasse. Sinon, qu'elle arrête de faire de la basse démagogie avec cela. Qu'elle arrête.

M. Lalonde: Maintenant ou plus tard?

M. Bédard: Vous pouvez le faire tout de suite si vous voulez, si vous avez des faits nouveaux à porter à notre attention.

M. Lalonde: Tout à l'heure vous avez dit qu'on devait attendre au programme.

M. Bédard: Non, on va continuer avec la période...

M. Lalonde: C'est M. le Président qui décide ici, ce n'est pas... On n'est pas en Chambre.

Le Président (M. Clair): J'interprète les propos du ministre comme vous invitant à le faire dès que vous aurez l'occasion de le faire.

M. Lalonde: ...faire au programme 1.

M. Bédard: Vous pouvez ne pas attendre le programme. Quand j'aurai fini mon exposé, j'essaierai de répondre le mieux possible à vos questions. Ecoutez, si vous avez des faits nouveaux,

portez-les à notre attention. Sinon, arrêtez de déblatérer là-dessus et de faire de la petite politique.

M. Lalonde: J'aimerais, comme question de règlement, rappeler au ministre de la Justice que ce n'est pas faire de la démagogie que de se servir des voies normales pour poser des questions de façon la moins partisane possible, surtout après qu'il eut négligé à deux ou trois reprises de répondre à mon invitation — sans faire même de réponse — une enquête publique.

C'est la première occasion que j'ai de soulever la question alors qu'il est devant moi. Les autres fois, c'étaient des demandes en Chambre.

M. Bédard: C'est là votre question de règlement?

M. Lalonde: Non, c'est que je m'oppose à l'emploi des mots "déblatérer" et "démagogie", M. le Président.

Le Président (M. Clair): Je ne vois pas qu'il y avait là matière à une question de règlement. M. le ministre, je vous invite à continuer.

M. Bédard: Je crois que les commentaires de l'ensemble de la presse, en général, sauf quelques exceptions, face à l'attitude que j'ai adoptée et à tous les éléments que j'ai portés à l'attention de l'ensemble de la population, a été loin'd'être négative, au contraire. De toute façon, j'ai la conviction d'avoir fait mon devoir pleinement concernant ce cas particulier.

Je partage également l'idée qui a été émise par l'Opposition officielle qu'un ministre de la Justice doit prendre ses distances et qu'effectivement il doit être en mesure de pouvoir juger avec objectivité tous les faits portés à son attention, que ce soit du point de vue législatif ou que ce soit du point de vue des enquêtes de toutes sortes. Je peux vous dire que cette distance, je la garde et je continuerai de la garder.

Concernant les plaintes relatives aux lois 23 et 253, le représentant de l'Opposition officielle a essayé de laisser entendre que c'était une décision du Conseil des ministres. Je voudrais bien lui rappeler que j'ai toujours dit et affirmé que c'était une décision du ministre de la Justice. L'abandon des plaintes, ce n'est pas le Conseil des ministres qui a pris cette décision, c'est le ministre de la Justice qui l'a prise et qui en a informé le Conseil des ministres. J'ai tout simplement voulu savoir — et je pense que c'était normal, dans les circonstances — de la part du Conseil des ministres quelle attitude on entendait prendre concernant les lois 23 et 253. Je crois qu'elles doivent être amendées en profondeur, et le Conseil des ministres partageait cette opinion, à savoir de modifier en profondeur ces deux lois 23 et 253, la loi 253 entre autres.

Concernant la décision de retirer les plaintes dans le cas des lois 23 et 253, je ne veux pas recommencer tout le débat qu'on a eu à l'Assemblée nationale là-dessus. Cependant, je voudrais quand même rappeler au représentant de l'Opposition officielle, en ce qui a trait à la loi 23, que même le Conseil supérieur de l'Education avait émis l'opinion que jamais une loi comme celle-là n'aurait dû être adoptée par le gouvernement.

Concernant la loi 253 il y a, d'une part, une loi qui assure les services essentiels et, d'autre part, il y a aussi l'esprit avec lequel elle a été appliquée et les effets de son application, qui ont été vraiment à rencontre de l'esprit de la loi elle-même puisque, dans bien des cas où des commissaires devaient voir à l'application de la loi 253, ces derniers en sont venus à la conclusion que cela prenait plus d'employés pour assurer les services essentiels qu'il n'y en avait en temps normal. Ce n'était sûrement pas là l'esprit de la loi ni l'application qu'on attendait de la loi 253.

Je l'ai dit et je le répète encore une fois, qu'un ministre de la Justice doit tenir compte du contexte social, parce que les décisions qu'il a à prendre sont importantes au point qu'elles peuvent contribuer à améliorer le climat social ou peuvent contribuer au contraire. En ce sens, la justice ne doit pas être simplement une barrière légaliste derrière laquelle on se retranche pour ne pas regarder des réalités sociales, pour ne pas évaluer l'effet d'une décision. Je n'ai pas l'intention de reprendre le débat, mais je me rappelle que j'avais indiqué, à ce moment, que maintenir ces plaintes aurait signifié la faillite des syndicats, puisqu'ils auraient pu être condamnés à payer entre $9 millions et $50 millions. Ce n'est pas en essayant — c'est ma conviction — d'abattre les syndicats ou de les acculer à la faillite qu'on va régler le problème du syndicalisme. Le climat social, à ce moment, il faut se le rappeler, du point de vue au moins des relations de travail, était tellement vicié que je crois qu'il y avait nécessité d'un geste significatif en fonction de l'améliorer.

J'avais également souligné qu'il fallait tenir compte du fait que certaines dispositions de ces lois avaient été carrément inadéquates par rapport à leur objectif; que le gouvernement — et c'est ma conviction — avait entretenu une politique de provocation dans les relations de travail, entre autres, une de ces lois avait été adoptée en pleine période de négociation; que notre gouvernement, c'est important, le gouvernement du Québec avait l'intention de modifier ces lois en profondeur et que nous devions nous interroger sur les effets sociaux de ces décisions. C'est en tenant compte de tous ces considérants, et j'en passe, que je suis convaincu d'avoir pris la bonne décision. Ceux qui se sont permis de l'analyser dès maintenant, c'était leur droit, en sont venus à certaines conclusions qui peuvent être défavorables, mais je suis convaincu que, si on laisse le temps un peu passer, on se rendra compte que c'était assurément la meilleure décision à prendre dans les circonstances.

Concernant la Charte des droits et libertés de la personne en fonction de la Charte de la langue française, M. le Président, l'Opposition officielle essaie de faire croire au monde qu'amender la Charte des droits et libertés de la personne, cela

équivaut à faire un affront à la charte, cela équivaut à vouloir faire de la discrimination. Ce n'est vraiment pas le cas, parce que la Charte des droits et libertés de la personne constitue, à mon sens, une loi qui est susceptible d'amélioration comme n'importe quelle autre loi. J'en conviens, étant donné l'importance de la Charte des droits et libertés de la personne, il faut être très délicat, il faut être très prudent avant, disons, de procéder à quelque modification que ce soit. J'ai le plus profond respect, M. le Président, envers la Commission des droits de la personne, comme j'ai le plus profond respect de la Charte des droits et libertés de la personne. Il ne faut quand même pas considérer la charte comme étant un bloc de ciment qui ne peut pas bouger. Je voudrais faire remarquer, lorsque l'Opposition officielle nous fait un reproche d'amender la Charte des droits et libertés de la personne, comme nous le faisons à l'intérieur de la Charte de la langue française, que ce n'est pas un précédent que nous créons.

A moins que l'Opposition officielle ne l'ait oublié, je voudrais lui rappeller qu'ils ont présenté un projet de loi no 56, en 1976, intitulé: Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. La loi était alors en vigueur. Je voudrais également faire remarquer que l'amendement qui avait été apporté par le Parti libéral avait même un effet rétroactif. Si vous voulez plus de détails sur cet amendement que vous avez déjà apporté, je pourrai vous en donner en vous expliquant le contenu du projet de loi no 56.

Je ne veux pas faire une condamnation de cette attitude qu'a cru bon prendre le gouvernement précédent; je veux simplement faire ressortir qu'on devrait arrêter de penser que lorsqu'on veut amender la charte, nécessairement c'est un affront envers la charte elle-même et les membres de la Commission des droits de la personne.

Ma position a été claire — je pense que le représentant de l'Opposition officielle, cette journée-là, n'était pas en Chambre—j'ai expliqué, le plus clairement possible, le point de vue du gouvernement, face à l'amendement de la Charte des droits et libertés de la personne qui est proposé dans la Charte de la langue française.

D'un point de vue juridique — je répète intégralement ce que nous avions explicité à ce moment — et législatif, pour qu'il n'y ait pas d'incompatibilité ou, mieux encore, pour éviter toute prétendue incompatibilité, une disposition était nécessaire, et le gouvernement l'a prévue en insérant dans le projet de loi no 1 l'article 172. De sorte que si le projet de loi no 1 était adopté dans sa forme actuelle, d'un point de vue juridique et législatif, il n'irait pas à rencontre de la Charte des droits et libertés de la personne. Il en découlerait nettement que, du point de vue juridique, aucune disposition de la Charte de la langue française ne peut constituer une discrimination au sens de la Charte des droits et libertés de la personne. C'est l'essentiel de ce que j'ai dit de la position du gouvernement, du point de vue juridique et législatif.

Maintenant, j'avais également souligné qu'il fallait aller plus en profondeur, qu'il fallait essayer de trouver l'ajustement qu'il est nécessaire de faire, ce n'est pas toujours facile, entre, d'une part, les droits collectifs et. d'autre part, les droits individuels. La Charte des droits et libertés de la personne énonce, entre autres: "Considérant que tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques destinés à assurer sa protection et son épanouissement; considérant que les droits et libertés de la personne humaine sont inséparables des droits et liberté d'autrui et du bien-être général..." de sorte que lorsque la Charte de la langue française vient affirmer des droits collectifs fondamentaux, aussi bien pour la majorité que pour la minorité, elle vient compléter, à notre humble opinion, à un niveau fondamental, la Charte des droits et libertés de la personne, au chapitre des droits linguistiques. Dès lors, il est parfaitement légitime et justifié de faire de ces deux chartes des lois fondamentales de notre société et de les mettre sur un même pied.

Il n'en reste pas moins, et cela demeure ma conviction, que non seulement le gouvernement mais également les partis de l'Opposition doivent essayer de relever le défi, d'ajuster cette affirmation nécessaire, non seulement des droits de la majorité, mais également des droits de la minorité. J'ajoute également que je crois que cet ajustement doit être fait avec les droits individuels. C'est ce que nous allons essayer de faire, lors de la discussion du projet de loi no 1.

J'espère que, dans ce sens, l'Opposition officielle contribuera, par ses efforts, à faire en sorte que nous trouvions le bon ajustement. Je dois dire que la Commission des droits de la personne a exprimé son intention de venir se faire entendre à la commission parlementaire qui discutera le projet de loi no 1.

A ce moment-là, on aura l'occasion de le faire. Je crois que ce n'est pas indiqué à l'intérieur de l'étude des présents crédits. Je l'ai souligné parce que le représentant de l'Opposition officielle l'avait fait dans son texte d'ouverture, mais je crois que nous aurons l'occasion d'en discuter plus en profondeur dans le climat le plus serein possible.

Il y a peut-être d'autres points qui ont également été soulevés par le représentant de l'Opposition officielle, mais...

M. Lalonde: On y reviendra.

M. Bédard: ... il s'agira d'y revenir à l'étude de chacun des programmes.

M. Lalonde: Le débat semble engagé sur des choses que j'ai suggérées, mais peut-être que d'autres membres de la commission préféreraient avoir le droit de parole maintenant. Je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Clair): Effectivement, M. le député. Jusqu'à maintenant, nous avons entendu les commentaires généraux du ministre, les vôtres, la réponse du ministre, et je devine une réplique de votre part et de la part de l'Union Nationale.

M. Lalonde: Allez-vous me l'accorder éventuellement?

Le Président (M. Clair): Je vous l'accorderai éventuellement.

M. Lalonde: D'accord.

Le Président (M. Clair): Immédiatement, on pourrait entamer la liste des députés ministériels qui ont manifesté le désir de faire des commentaires généraux, eux aussi, au début de cette commission. Le député de Verchères.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. La première remarque que je voudrais faire est la suivante. Je suis particulièrement heureux d'apprendre de la bouche du ministre de la Justice qu'il avait trouvé, dès son arrivée au ministère, chez les fonctionnaires, des marques profondes de loyauté envers l'Etat québécois que le gouvernement actuel a eu le mandat de diriger et de renforcer. Un Etat, même fédéré, à mon sens, est à la fois un instrument que se donne un groupe d'hommes, une société pour améliorer et favoriser son mieux-être, son existence, ses conditions matérielles, sociales et économiques, mais c'est également, à mon sens, un outil de maintien de l'ordre. Je pense que la notion de maintien de l'ordre est inscrite dans la notion même de l'Etat.

Liée à cette notion de maintien de l'ordre dans une société, dans un groupe d'hommes qui vivent ensemble, il y a aussi la notion même de protection et de continuité de cet Etat. Le rôle de gardien de l'ordre et de protection de l'intégrité de l'Etat étant dévolu au ministre de la Justice, il est primordial que ce dernier puisse compter sur une loyauté et une collaboration professionnelle de ses fonctionnaires et, notamment, des forces policières.

Le ministre a très bien précisé que le gouvernement actuel n'entendait pas, par exemple, au chapitre des forces policières, considérer les agents de la paix comme des "bras" du pouvoir ou du gouvernement actuel. Par ailleurs, l'ensemble des membres de cette société, l'ensemble des citoyens de l'Etat québécois sont en droit d'exiger des fonctionnaires du ministère de la Justice, des policiers en particulier, qu'ils aient des attitudes qui soient à la hauteur de leur mandat et de leur serment d'office. Regardons ce qui s'est passé au cours des dernières années. Le ministre de la Justice a signalé de nombreuses frustrations qui avaient cours dans le milieu policier, qui ont donné lieu à quelques reprises — j'oserais même dire à maintes reprises — à des fuites, à des manquements parfois, peut-être pas nécessairement au serment d'office, mais aux règles, aux attitudes dont on s'attend normalement des policiers.

On peut se poser la question: Est-ce qu'on doit d'abord blâmer les gens qui ont eu ces attitudes ou les gens qui ont provoqué, chez des employés de l'Etat, chez des serviteurs de la population, ce genre d'attitude? Pour avoir, comme journaliste, "bénéficié" de ces fuites de renseigne- ments et pour avoir, à plusieurs reprises, eu l'occasion d'entrer en contact avec de nombreux gardiens de la paix qui ont vécu des frustrations nombreuses, je pense qu'il est important que dorénavant le gouvernement, comme je l'ai indiqué, et le groupe d'hommes qui, dans une société, a le mandat de diriger l'appareil de l'Etat, obtienne la collaboration des forces policières.

A l'inverse, il importe que celles-ci obtiennent des garanties suffisantes de l'Etat et de l'ensemble de la société pour pouvoir effectuer leur travail d'une façon complètement impartiale et hautement professionnelle.

A ce propos, je pourrais peut-être ajouter qu'on est également en droit, comme membre, non pas d'un Etat fédéré qui est le Québec, mais d'un Etat souverain au niveau international, l'Etat canadien, d'exiger la même chose des forces policières qui relèvent de l'Etat central. J'ose espérer, M. le Président, que les citoyens québécois pourront bénéficier, dans les prochaines années qui vont être cruciales pour l'avenir du Québec, des mêmes services professionnels de leurs employés au niveau du gouvernement fédéral. Pour être un peu plus précis, j'ose espérer, M. le Président, que les policiers fédéraux, que je connais très bien, en particulier ceux qui oeuvrent au Québec, ne seront pas utilisés, comme l'ont été malheureusement dans le passé certains policiers du Québec, par le pouvoir fédéral pour tenter d'influencer le cours de l'histoire ainsi que la vie sociale et politique du Québec.

Connaissant non pas la majorité, mais beaucoup de ces fonctionnaires fédéraux qui sont également au service des citoyens québécois, je suis convaincu que chez la majorité d'entre eux il y a également un désir de servir de façon fort professionnelle les citoyens du Québec. J'espère que ce désir est également celui des autorités fédérales que l'on paye actuellement au même titre que celles du gouvernement du Québec.

Je pourrais également ajouter, M. le Président, que la notion de maintien de l'ordre est fondamentale au niveau du concept de ministère de la Justice. Dans ce sens-là, je comprends assez mal les réactions et les commentaires du représentant de l'Opposition officielle concernant le retrait de certaines poursuites. Ce qu'il semble oublier, c'est que son gouvernement avait lui-même provoqué et accentué une bonne partie du désordre social qui existait qu Québec.

A ce niveau, à titre de responsable de l'appareil de l'Etat, il avait contribué à déprécier et dévaloriser, au niveau de beaucoup de citoyens, la signification du droit et de l'ordre dans une société. A mon sens, il était urgent qu'on puisse poser rapidement des gestes, non pas pour faire en sorte que le climat social soit pur et parfait — on n'a qu'à se rendre compte qu'encore aujourd'hui, le climat social au Québec est loin d'être complètement apaisé — mais poser des gestes qui jalonnent un rétablissement de la paix sociale au Québec.

Par ailleurs, lorsque le représentant de l'Opposition officielle indiquait que le ministre de la

Justice ou que le Procureur général devait prendre ses décisions indépendamment du gouvernement ou prendre ses distances vis-à-vis des autres membres de l'Exécutif et du corps législatif lié au parti gouvernemental, il se référait, j'imagine, aux notions mêmes de la justice qui vise à traiter équitablement les membres d'une société en fonction des règles écrites et non écrites que se donne cette société.

Je pense que tout le monde autour de cette table est d'accord avec ce principe fondamental, mais on peut se demander quels sont les motifs qui animaient les gens qui avaient jadis, il y a quelques mois, la responsabilité de diriger l'Etat, lorsque, par exemple, dans le cas de la Commission d'enquête sur le crime organisé, on a utilisé à des fins, j'oserais dire, bassement partisanes les mandats qui étaient confiés au compte-gouttes à cette commission d'enquête. A combien de reprises n'a-t-on pas fait durer le suspense de l'existence de cette commission d'enquête jusqu'à la dernière limite d'un mandat pour, par la suite, prolonger ce mandat de quelques mois, empêchant les gens qui travaillaient au sein de cette commission d'oeuvrer d'une façon professionnelle, avec une perspective d'avenir qui leur permettrait de travailler efficacement à l'intérieur du mandat qui leur était confié.

Je pourrais également — je pense que ce n'est pas le moment de s'étendre sur ce sujet — faire la genèse de l'histoire de cette commission d'enquête pour peut-être en arriver à une conclusion qui ne met pas en cause les gens qui ont oeuvré au sein de cette commission d'enquête, mais qui met en cause les motifs qui ont amené le précédent gouvernement à créer une telle commission d'enquête. On s'apercevrait sans doute que, parmi les motifs louables qu'il pouvait y avoir à la création d'une telle commission d'enquête, il y avait aussi des motifs de stratégie politique qui nous guidaient et nous incitaient à avoir des réponses à donner. Lorsque certains faits inévitablement, un jour ou l'autre, éclateraient au grand jour, il fallait avoir une réponse à donner.

On pourrait également demander au représentant de l'Opposition officielle, qui était Solliciteur général à l'époque...

M. Lalonde: On pourrait laisser aller le député de Verchères longtemps. Je voudrais lui rappeler que nous sommes dans une commission parlementaire où c'est le gouvernement actuel qui propose ses crédits.

M. Charbonneau: Oui, exactement. Je comprends, mais j'ai l'impression que, dans ce cas, vous l'avez probablement oublié vous-même lors de votre exposé.

M. Lalonde: Non, je ne veux pas le limiter, mais s'il me pose des questions... L'ancienne Opposition officielle a posé ces questions l'an dernier aussi. Lisez les Débats.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères, vous pouvez continuer votre exposé.

M. Charbonneau: J'ai l'impression, M. le représentant de l'Opposition officielle, que vous avez oublié, lorsque vous avez fait votre présentation, à quelle genre de commission on était ce matin.

J'aurai, par la suite, lors de l'étude des crédits de chaque programme, des commentaires à formuler. Mais je ne pouvais pas passer sous silence votre attitude ainsi que certains de vos propos. J'ajouterai, concernant ce travail que vous-même avez effectué à une certaine époque...

Le Président (M. Clair): M. le député de Verchères, je vous invite à vous adresser au président.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président, je m'excuse. Si l'on veut parler de l'indépendance du ministère de la Justice et de ses dirigeants vis-à-vis de l'appareil gouvernemental, vis-à-vis de l'Exécutif, on aurait pu également se poser des questions quant à la façon dont certaines enquêtes ont été menées, par exemple la façon dont on a fait parader certains policiers lors de l'enquête sur le Village olympique, et la façon dont certains représentants gouvernementaux ont été jusqu'à fixer des délais précis pour la conclusion d'une enquête policière qui, de toute évidence, devant l'ampleur du travail à effectuer, ne commandait certes pas un "dead-line" particulier en fonction d'objectifs politiques.

M. Lalonde: De quelle enquête voulez-vous parler?

M. Charbonneau: L'enquête sur le Village olympique.

M. Lalonde: Pour la limitation de l'enquête, vous voulez dire?

M. Charbonneau: Oui, vous regarderez les articles que j'avais publiés à cette époque et qui n'ont jamais été démentis.

M. Lalonde: Ecoutez, s'il avait fallu démentir tous les articles que vous écriviez, on aurait passé tout notre temps à faire cela.

M. Charbonneau: J'ai l'impression que, dans ce cas-là, vous auriez certes pu apporter un éclairage intéressant.

M. Lalonde: Vous parlez d'une enquête qui a eu un plein succès. Prenez-en d'autres.

M. Fontaine: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: De quelle enquête voulez-vous parler, qui a eu un plein succès?

M. Lalonde: Sur le Village olympique.

M. Fontaine: M. le Président, question de règlement. On assiste à un dialogue entre deux députés qui participent à la commission. Je pense qu'il vaudrait mieux laisser le député de Verchères continuer son exposé et s'adresser au président et, par la suite, si d'autres représentants de la commission ont des remarques à faire, ils pourront le faire.

Le Président (M. Clair): Je ne déciderai pas s'il s'agit d'une question de règlement, M. le député de Nicolet-Yamaska, mais j'invite le député de Verchères à continuer ses commentaires généraux.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Lorsque le représentant de l'Opposition officielle réclame et reproche au ministre de la Justice de ne pas avoir tenu une enquête rapide dans l'incident Trottier, on pourrait lui demander si cet incident, placé en comparaison avec l'importance des événements de la crise d'octobre, ces derniers événements n'auraient pas incité une enquête publique à l'époque, alors que tout cela était très chaud, d'actualité et hautement d'intérêt public.

M. Lalonde: Vous parlez d'un temps où je n'y étais pas.

M. Charbonneau: D'un temps où vous étiez dans le gouvernement.

M. Lalonde: Non. Je suis arrivé en 1973. Il faudrait que le journaliste informé s'informe davantage.

Le Président (M. Clair): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, voulez-vous, s'il vous plaît, respecter le droit de parole du député de Verchères!

M. Lalonde: M. le Président, c'est difficile parce que, là, il y a tellement de faussetés qui sont en train de se dire.

Le Président (M. Clair): Je comprends que c'est difficile, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, mais vous aurez l'occasion de...

M. Lalonde: Oui. Je prends des notes, mais là...

Le Président (M. Clair): ... faire vos commentaires. J'ai encore du papier.

M. Lalonde: J'invoque votre indulgence, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Si vous avez besoin de papier pour vos notes, on va vous en fournir. Tout cela pour dire que, fondamentalement, indépendamment des remarques du représentant de l'Opposition officielle, je suis assez heureux de constater que, dans le projet du ministre de la Justice, on retrouve ce qui, à mon sens, constitue des préoccupations greffées peut-être aux deux principes fondamentaux qui doivent guider un ministère de la Justice dans une société démocratique.

D'une part, vous avez, je pense, l'exigence d'une protection publique liée à l'exigence du respect des droits de l'homme et des droits individuels. Je pense qu'il n'y a rien de plus difficile, dans une société démocratique, que de tenter de créer un équilibre entre ces deux principes fondamentaux au chapitre de la protection publique, et la discussion pourra être plus explicite au moment de l'étude particulière des programmes.

Je suis assez heureux de constater dans quelle orientation se dirige le ministre de la Justice en fonction de la lutte à ce qu'il a appelé le crime organisé et l'insistance qu'il veut également mettre sur la lutte à la criminalité économique qui prend de plus en plus d'importance dans une société moderne, industrielle et postindustrielle. Ce genre de criminalité a été, à mon sens, laissé de côté pendant les dernières années, bien qu'on ait vu des tentatives de faire en sorte que la lutte à ce type de criminalité commence à s'organiser d'une façon professionnelle au Québec. Connaissant les gens qui travaillent dans ce type de protection publique, je suis à même de dire à cette commission qu'il était temps que des autorités gouvernementales disent clairement leur intention de voir ce type de criminalité être parmi les préoccupations constantes d'un gouvernement.

Il y a également, au chapitre de la protection publique, l'amélioration des structures policières et le perfectionnement des policiers, en particulier des policiers municipaux, qui s'inscrivent dans l'amélioration de la qualité de la protection publique qui est offerte aux citoyens du Québec. J'endosse pleinement les remarques de l'Union Nationale qui signalait les lacunes à ce sujet et qui posait des questions, à mon sens, fort pertinentes sur le type de structures de protection publique dont la société québécoise doit se doter au cours des prochaines années, et la qualité des services qui seront rendus par ces structures.

Par ailleurs, comme je le disais tantôt, autant la protection publique est un principe fondamental, autant, également, la protection des droits individuels est un principe fondamental. Contrairement à ce que, peut-être, plusieurs pourraient penser, ma formation m'a amené à être assez sensibilisé à la réalité de la criminalité dans notre société et aux motifs qui amènent des gens à devenir des criminels plus ou moins professionnels. Tout cela pour dire que je pense que l'ensemble des citoyens dans une société ont une part importante de responsabilité dans le phénomène criminel et qu'à ce titre, ils doivent, par leur Etat, par leur instrument collectif qu'est l'Etat, faire en sorte que leur responsabilité puisse amener des gens qui ont commis des délits à retrouver une place valable au sein de cette société. Autant les hommes

ont le droit de se protéger, autant, je pense, ils n'ont aucun droit de se venger. Il est important que rapidement l'Etat québécois améliore son système de détention, de privation de liberté, en fonction du respect des droits de l'homme et en fonction, aussi, d'une meilleure efficacité de la protection publique.

Ce sont, M. le Président, les commentaires généraux que je voulais faire à la suite des exposés du ministre de la Justice ainsi que des représentants de l'Opposition. J'aurai sans doute l'occasion de revenir lors de la discussion de programmes particuliers ou d'articles particuliers. Je vous remercie.

Le Président (M. Clair): J'ai encore en lice le député de Sainte-Anne et le député de Papineau. Il est cependant 12 h 40.

M. Lalonde: II est midi quarante-deux. Alors, au lieu de commencer pour trois minutes, peut-être que vous préférez suspendre?

Le Président (M. Clair): Je préférerais que le député de Sainte-Anne demande la suspension des débats jusqu'à seize heures ou à la fin de la période des questions, suivant la plus rapprochée de ces deux échéances.

M. Lacoste: M. le Président, je demande la suspension des débats.

Le Président (M. Clair): Les travaux sont suspendus jusqu'à seize heures ou immédiatement après la période des questions, suivant la plus rapprochée de ces deux échéances.

(Suspension de la séance à 12 h 43)

Reprise de la séance à 16 h 31

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!

La commission parlementaire de la justice se réunit pour continuer l'étude des crédits budgétaires de la commission permanente de la justice. Les membres de la commission pour aujourd'hui sont: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Charbonneau (Verchères), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Johnson (Anjou), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Marois (Laporte) remplacé par M. Beauséjour (Iberbille); M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Springate (Westmount), M. Proulx (Saint-Jean), M. Tardif (Crémazie), M. Vaillancourt (Jonquière).

Y a-t-il d'autres remplacements? Au moment où nous avons suspendu nos travaux à treize heures, le député de Sainte-Anne avait demandé la suspension. Je lui redonne donc la parole. M. le député de Sainte-Anne.

Aide juridique et cliniques juridiques

M. Lacoste: Merci, M. le Président. Pour peut-être compléter l'exposé du député de Nicolet-Yamaska, j'ai décidé d'aborder dans le cadre de cette commission parlementaire de l'étude des crédits du ministère de la Justice un point particulier. Il s'agit de l'aide juridique versus les cliniques juridiques.

M. le ministre, cet aspect de la question, comme vous le savez, est très important pour moi, d'autant plus que j'ai été à même de constater le fonctionnement de l'une de ces cliniques juridiques. Le député doit devenir un élément et un lien humain entre le gouvernement et les citoyens, trop souvent perdus dans les dédales de l'administration publique et d'autant plus de l'administration de la justice.

Comme vous le savez, au cours de l'exercice financier 1976/77, la Commission des services juridiques a subventionné des organismes qui n'étaient pas des bureaux au sens de la Loi de l'aide juridique. A sa réunion du 30 mai 1974, à la recommandation du Centre communautaire juridique de Montréal, la Commission des services procédait à l'accréditation de la Clinique juridique communautaire de la Pointe Saint-Charles et de la Petite Bourgogne Inc.

Contrairement aux centres communautaires juridiques qui relèvent de l'aide juridique, la Clinique juridique de la Pointe Sainte-Charles et de la Petite Bourgogne est entièrement contrôlée par un conseil de citoyens élu en assemblée générale du quartier et conserve son autonomie en dehors des cadres de la loi comme corporation indépendante.

Il est important de souligner que l'aspect juridique traditionnel d'une clinique juridique, c'est-à-dire les causes qui ont été entendues devant les tribunaux ou les divers corps administratifs, ne

comprend qu'une partie du travail qui touche la réforme du droit. La lutte contre la pauvreté, qui est toujours la base et la raison d'être d'une clinique juridique, ne se borne pas aux instances judiciaires ou administratives.

Par contre, la présence de ces avocats en tant que conseillers juridiques est essentielle pour les groupes communautaires afin de les aider à faire prévaloir leurs intérêts.

Evidemment, le travail devant les instances juridiques n'exclut pas le travail avec les groupes communautaires et, en fait, souvent les interventions des avocats, au niveau juridique, ont aidé à la formation des groupes et de leurs membres. Par exemple, les diverses actions que la clinique juridique de Pointe Saint-Charles a intentées contre Gaz Métropolitain Incorporée et l'Hydro-Québec, en ce qui concerne les questions de coupures de service et d'exigence d'un dépôt de sécurité, ont connu un certain degré de succès au point de vue juridique et sont beaucoup plus importantes quand on voit cette expérience à l'intérieur d'une lutte menée par plusieurs groupes communautaires des quartiers, non seulement aux limites de Pointe Saint-Charles mais aussi dans toute l'île de Montréal.

Le succès devant les tribunaux sur la question des droits des chômeurs ayant 65 ans et plus; la rencontre d'un avocat de la clinique juridique mandaté pour représenter devant les conseils arbitraux et un juge arbitre, qui s'est soldée par une victoire de la clinique juridique; une requête pour injonction interlocutoire pour empêcher la démolition d'un poste de pompiers par la ville de Montréal qui, aujourd'hui, est remplacé par une bibliothèque municipale et une salle communautaire pour les personnes âgées, c'est là le travail social d'une clinique juridique, qui est complété par le même genre de travail que les bureaux d'aide juridique.

Ces initiatives visent, pour la plupart, à régler en profondeur les problèmes qui frappent le quartier. Elles amènent de nouvelles formes d'organisation sociale qui misent sur la responsabilité des gens concernés. Ce type de développement, encore à ses débuts, répond à une nécessité vivement ressentie dans une société en transformation continuelle et qui se cherche. La preuve en est l'influence que ces initiatives du quartier ont eue sur d'autres organisations semblables au Québec. Je prends, comme exemple, la clinique juridique de Pointe Saint-Charles que l'ancien gouvernement libéral a prise comme type de clinique juridique pour faire la Loi de l'aide juridique.

Le travail communautaire oblige ces cliniques à pratiquer un droit nouveau qui, quoique bien peu spectaculaire, n'en demeure pas moins essentiel. Toutefois, ces cliniques juridiques doivent avoir un certain degré dans l'obligation de confidentialité qu'elles doivent aux clients communautaires.

C'est pourquoi ils ne doivent pas être rendus publics sans l'autorisation des avocats concernés, il va de soi. Je cite ici le Devoir du 14 avril 1975: "La prise en charge de l'Etat ne doit pas trop bê- tement bureaucratiser l'aide juridique". Le gouvernement devrait respecter les expériences comme celle de Pointe Saint-Charles, qui l'ont précédé dans plusieurs de ces domaines. On connaît le long combat que la Clinique juridique de Pointe Saint-Charles a dû livrer pour rester fidèle à elle-même; la clinique juridique du même quartier est davantage respectée, semble-t-il du service gouvernemental de l'aide juridique.

M. le Président, durant mon discours sur le message inaugural à l'Assemblée nationale, j'avais dit qu'un député, de nos jours, doit être un animateur dans son milieu, c'est-à-dire quelqu'un qui apporte des éléments nouveaux à la réflexion des électeurs, même en dehors des périodes électorales. Il doit avoir le courage de dire ce qu'il doit dire et de faire ce qui doit être fait dans l'intérêt des citoyens de son comté. Je crois à ce type de cliniques juridiques. Je dois dire aux membres de la commission parlementaire que je ferai tout en mon pouvoir pour défendre ce type de cliniques juridiques et tenter d'amener des solutions à leurs problèmes. M. le Président, j'ai dit ce qui devait être dit et j'ai fait ce qui devait être fait, et cela pour l'intérêt d'une clinique juridique et pour l'intérêt des citoyens.

Le Président (M. Clair): Le député de Papineau.

M. Alfred: M. le Président, j'aurais voulu que cette commission parlementaire de la justice soit au-dessus de toute partisanerie. Je suis très heureux de voir, bien sûr, que l'Opposition de l'Union Nationale ait compris cela et ait posé des questions pertinentes au ministre. Malheureusement, l'Opposition officielle est incapable d'une telle élévation. Cela me permet de toucher à quatre points: premier point, le mode de nomination des juges; deuxième point, la modification en profondeur des lois 23 et 253; troisièmement, faire allusion à l'accident dont a parlé le chef de l'Opposition officielle et, finalement, parler du comportement du ministre dans certaines interventions.

A propos de certains règlements qui se faisaient lors du gouvernement précédent, certaines idées me trottaient dans l'esprit et aussi dans l'esprit de la population. Je me demandais si le fait de régler aussi vite certaines choses ne dépendait pas de leur nomination. Un éditorialiste du Droit disait, un jour, de quelqu'un qui avait été nommé juge par le gouvernement Bourassa: Parce qu'il manque de jugement, on le nomme juge. Cela a été cité par un éditorialiste du Droit. Donc, je félicite le nouveau ministre pour le nouveau processus établi pour instaurer la confiance dans la nomination de ceux qui doivent restaurer la justice au Québec.

Concernant la modification en profondeur des lois 23 et 253, je ne peux pas ne pas vous rappeler la situation chaotique que créait volontairement, peut-être, et délibérément le gouvernement précédent. Je me demandais si ce n'était pas volontairement qu'on créait des états de crise afin de forcer la population québécoise à détester la classe

laborieuse. On laissait pourrir des situations et, au moment où les esprits étaient surchauffés, on adoptait des lois à toute vapeur. Ces lois adoptées à toute vapeur contribuaient à aggraver le climat dans les relations de travail. Je ne pense pas que ce soit avec des lois matraques qu'on va rétablir le climat social au Québec. Ce gouvernement prétend maintenant nous faire des leçons. A ce moment, je n'étais, bien sûr, pas ici, je n'occupais pas la place que j'occupe maintenant, mais je voyais un gouvernement qui agissait sans discernement et sans pédagogie.

Concernant l'allusion qu'a faite, ce matin, l'Opposition officielle à l'affaire Edgar Trottier, je qualifie cette allusion de politique basse et mesquine.

Concernant le comportement du ministre de la Justice, à propos des lois 23 et 253, je trouve ce comportement justifiable; je le qualifie même d'impeccable. La population laborieuse du Québec et la population québécoise en général attendaient que le ministre de la Justice, encore une fois, répare les pots que l'ancien gouvernement avait cassés. Je ne pense pas que le peuple québécois attendait une autre solution du ministre de la Justice.

Nous autres, ce que nous voulons dans ce gouvernement, c'est de chercher tous les moyens d'être justes, de dépolitiser ces débats, de ne pas, avoir de collusions, d'établir la démarcation entre le législatif et le judiciaire. Nous allons travailler de façon à assainir le climat social. Ce que nous souhaitons, ce que nous aimerions, c'est que l'Opposition officielle fasse preuve de sérieux et ne recherche pas de votes car le public québécois n'accepte plus cette façon de faire de l'électora-lisme.

C'est ensemble, je pense, que nous allons chercher à résoudre les problèmes auxquels le Québec aura à faire face; c'est la raison pour laquelle je demanderais à l'Opposition officielle de se rajuster, bien sûr — et je la comprends, c'est difficile — de se situer dans une ère nouvelle afin de comprendre le Québec nouveau. Le Québec d'après le 15 novembre n'est plus ce Québec qu'on a connu avant. Je demanderais à l'Opposition officielle de laisser son médiévalisme politique pour se brancher, comme l'a compris d'ailleurs, je pense, l'Union Nationale, sur la voie d'une approche nouvelle pour régler des problèmes nouveaux dans un monde qui veut qu'on soit sincère et franc dans le règlement des problèmes. Merci.

Le Président (M. Clair): Je devine le désir du ministre de répondre à certaines interrogations qui ont été posées lors des commentaires généraux des députés ministériels.

S'il y avait consentement unanime, messieurs de l'Opposition, nous pourrions laisser le ministre répondre immédiatement à ces commentaires généraux pour ensuite passer à votre réplique de part et d'autre. Est-ce que cela irait?

M. Lalonde: Très bien.

Le Président (M. Clair): M. le ministre.

M. Bédard: Je serai très bref. Je m'en tiendrai à ce qui me paraît être des interrogations. Entre autres, le député de Sainte-Anne nous a parlé avec beaucoup d'éloquence de la clinique Saint-Charles. Il a informé la commission qu'il se battrait très fort si l'existence de la clinique était menacée. Je dois faire remarquer que ce n'est pas la première intervention que fait le député de Sainte-Anne concernant la clinique Saint-Charles. Il a eu l'occasion déjà, à plusieurs reprises, de m'en parler. Je dois dire au député de Sainte-Anne, de même qu'aux membres de la commission, que l'expérience des cliniques juridiques, non seulement c'est important pour les députés, mais je crois que c'est important pour la population, et il n'est pas question d'arrêter cette expérience. Au contraire, je la trouve non seulement louable, mais valable, et nous avons déjà commencé à évaluer — je parle à partir du 15 novembre— leur action. Nous allons continuer de le faire au cours de l'année et je suis convaincu que cette expérience de la clinique juridique de Pointe Saint-Charles, qui a été d'ailleurs, on l'a souligné tout à l'heure, à l'origine de l'aide juridique, constitue une expérience à ne pas arrêter, au contraire.

Le Président (M. Clair): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais simplement, sans entrer dans un débat sur des questions que j'ai soulevées, quand même accepter l'invitation du ministre, soit donner ma réaction. Je passe par-dessus, pour l'instant, les questions auxquelles le ministre a touché en réponse à des questions précises du représentant de l'Union Nationale.

J'ai cru qu'il était bon que l'on invite le ministre actuellement, à ce stade de son mandat, à mieux définir la conception qu'il a de sa fonction de ministre de la Justice et plus particulièrement de Procureur général.

Ceci, dans une tentative positive de l'aider naturellement, comme c'est le rôle de l'Opposition de le faire, à mieux accomplir ses fonctions et à mieux jouer son rôle.

Quant au retrait des plaintes concernant les lois 23 et 253, je ne veux pas aller plus loin là-dessus. J'ai donné cela comme exemple. Cela a donné lieu à un débat complet sur une motion de blâme. On en reparlera sûrement plus tard, lorsqu'on pourra juger de l'efficacité de cette approche dans la tentative du gouvernement d'établir et de maintenir le climat social en se servant de l'instrument démocratique par excellence qu'est la loi pour ce faire.

Affaire Trottier

J'ai mentionné aussi l'attitude du ministre en ce qui concerne la décision du coroner relativement à la mort de M. Trottier. Je veux tout de suite me référer à une remarque du député de Papineau

à l'effet que je faisais de la politique basse et mesquine en ce faisant. Cela indique jusqu'à quel point cette question est délicate non pas à cause de l'individu qui en a été la victime, mais de celui qui en a été l'auteur.

Je me rappelle aussi la remarque du ministre qui m'a demandé ce matin de porter à son attention tout fait nouveau. Cela indique jusqu'à quel point cette question a été traitée d'une façon incomplète par le ministre, ce que je lui reproche. Je l'ai invité, sans partisanerie — c'était même confidentiel, par lettre, avant que sa décision soit prise; je l'ai fait publiquement après; je l'ai fait en Chambre une troisième fois — à confier toute cette question à un tiers indépendant.

S'il l'avait fait, je ne serais pas dans l'obligation de me poser des questions sur son comportement, sur l'attitude qu'il a eue, sur son jugement et on ne serait pas tous ici dans une situation où on est un peu mal à l'aise.

M. Bédard: Je ne suis pas mal à l'aise, moi. Je tiens à vous le dire. Si vous l'êtes, parlez pour vous, parce que moi, je ne suis pas mal à l'aise.

M. Lalonde: Je parle pour moi. Disons que tous, à l'exclusion du ministre, on est mal à l'aise de parler de cette question qui naturellement est très délicate.

La demande du ministre qui m'était adressée de porter à son attention tout fait nouveau, cela indique bien que l'enquête n'a pas répondu à toutes les questions.

M. Bédard: M. le Président, question de règlement. Je n'ai jamais dit ni affirmé que l'enquête n'avait pas répondu à toutes mes questions.

M. Lalonde: C'est moi qui le prétends. Je me suis référé à votre demande de porter à votre attention...

M. Bédard: Vous dites que le fait que je vous aie demandé, s'il y avait des faits nouveaux, de les porter à mon attention, cela indique...

M. Lalonde: Cela indique, pour moi...

M. Bédard: ... que j'ai l'impression de ne pas être au courant de tous les faits. C'est complètement faux.

M. Lalonde: Cela m'indique, à moi, que l'enquête n'a pas répondu à toutes les questions. Si cela avait été confié à un tiers non politique, toutes les questions auraient reçu une réponse, et on n'aurait pas été dans cette situation où on est obligé, soit, d'une part, de ne pas poser de questions sur une décision politique d'un ministre, qu'il est de notre devoir de faire, ou bien, d'autre part, de le faire, mais d'avoir l'air de faire de la basse politique.

M. Bédard: Question de règlement. M. le Président, pour un ex — c'est le cas de le dire, heu- reusement qu'il n'a pas été longtemps là — pour un ex-solliciteur général, qualifier la décision qu'on a rendue de décision politique, alors que c'est une décision judiciaire qui a été rendue par le coroner Laniel, franchement c'est vraiment tromper intentionnellement.

M. Lalonde: Je n'ai pas interrompu le ministre quand il a parlé, qu'il me laisse faire.

M. Bédard: Non, il y a un bout à charrier.

M. Lalonde: C'est une décision d'un homme politique.

M. Bédard: Parler de tiers indépendant. Le coroner Laniel, si vous voulez l'accuser et croire que ce n'est pas quelqu'un d'indépendant, si vous voulez tout remettre en cause, les policiers qui ont fait cette enquête...

M. Lalonde: Ne vous choquez pas. Vous disiez tout à l'heure que vous n'étiez pas mal à l'aise.

M. Bédard: Oui, je vais me choquer. Quand je vois des insinuations aussi bassement formulées par un ex-solliciteur général...

M. Lalonde: Laissez-moi terminer. Soyez calme.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Bédard: ... d'une façon objective.

M. Lalonde: C'est une décision d'un homme politique de ne pas faire une enquête publique. C'est cette décision qui, je crois, est politique.

M. Charbonneau: ... suivre son cours.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Voulez-vous me laisser terminer sans interruption, s'il vous plaît. Je ne l'ai pas fait à votre égard.

M. Bédard: Oui, vous l'avez fait.

M. Lalonde: Enfin, je m'excuse si je l'ai fait mais pas souvent, j'ai été rappelé à l'ordre par le président.

Alors, il a préféré laisser agir la justice par le processus normal, pour revaloriser le processus normal. Il semble que ce soit un très mauvais exemple parce que, au fond, en plus de la décision qui devait être prise sur cette question, il y avait l'intégrité de la fonction du ministre qui, à mon sens, est une valeur extrêmement précieuse et qui aurait dû l'inspirer à prendre une décision beaucoup plus prudente.

Je n'ai pas l'intention de poser des questions actuellement, espérant que le ministre verra la lu-

mière un peu plus tard. Ce n'est pas mon devoir de faire l'enquête pour le ministre. Je n'ai pas les moyens de le faire non plus. Ce n'est pas mon rôle, comme membre de l'Opposition, et lorsque le ministre mentionne que les commentaires de la presse l'avaient approuvé, je ne pense pas que ce soit quand même — ceci dit en toute déférence pour ceux qui étaient autrefois journalistes et les journalistes actuels — le critère fondamental de la décision d'un procureur général, à savoir si les journaux sont en sa faveur ou non.

M. Bédard: Là-dessus, je suis d'accord avec vous.

M. Lalonde: Vous êtes d'accord avec moi là-dessus.

M. Charbonneau: On a toujours tendance à utiliser les journalistes à toutes les sauces.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Ce n'est pas moi qui les ai utilisés, c'est le ministre, cette fois-ci.

M. Charbonneau: Je regarde la façon dont vous posez les questions en Chambre. Chaque jour, vous utilisez les journalistes. Hier, M. Lévesque, avec Jean-V. Dufresne. Chaque jour, on les utilise de la façon qu'on veut.

M. Lalonde: Je m'excuse, M. le Président, je ne l'ai pas interrompu dans son intervention parce que ce qu'il dit, s'il avait été dans l'ancien gouvernement, il se serait aperçu...

M. Charbonneau: C'était la même chose avant, vous savez.

M. Lalonde: Oui, certain.

M. Charbonneau: Je me le rappelle.

M. Alfred: Là, nous...

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît! Je pense qu'il est de mon devoir de vous rappeler l'article 26 de notre règlement qui prévoit que, pendant le cours des séances, les députés demeurent assis et gardent le silence, à moins d'avoir obtenu le droit de parole et, actuellement, c'est le député de Marguerite-Bourgeoys qui a la parole. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'avais, M. le Président, invoqué cet incident, qui n'est malheureusement pas terminé, pour indiquer de quelle façon le ministre me semble être sur la mauvaise voie dans la conception qu'il devrait avoir de ses fonctions. J'ai aussi mentionné, comme dernier exemple, la question de la Charte des droits et libertés de la personne. Le ministre dit — je tente de le citer mais si ce n'est pas verbatim, on me pardonnera, j'ai pris des notes au moment où il parlait — que l'amender cela n'équivaut pas à y faire affront. Naturellement, amender une loi, ce n'est pas y faire affront, c'est généralement dans le but de l'améliorer, de la rendre plus actuelle. Mais lorsqu'il s'est engagé en Chambre à la respecter, je pense que, dans l'esprit de tous les gens, c'était la respecter telle quelle.

Lorsqu'il parle d'amendements à la charte, j'aimerais lui citer des extraits du débat où un député disait: Mais ne croyez-vous pas que, lorsqu'une loi est adoptée et qu'elle contrevient aux dispositions de la loi concernant la liberté des personnes, cette loi doit, pour être adoptée, subir un peu plus de difficultés avant d'avoir sa sanction, pour souligner justement de façon concrète le fait qu'on contrevient à un des principes énoncés dans cette loi, c'est-à-dire la charte des libertés de la personne? Cette citation est au bout du nom de M. Burns, le mardi 21 janvier 1975. M. Burns disait plus tard: Je pense, par exemple, aux deux tiers ou aux trois quarts ou à une autre formalité qui souligne qu'il s'agit d'un cas véritablement exceptionnel. Le vice-premier ministre actuel était du même avis et renchérissait: Cette Charte des droits et libertés de la personne, si on voulait l'amender, on devrait le faire d'une façon ouverte, directe et possiblement, c'était leur voeu, avec une majorité qualifiée, démontrant par là l'importance que l'Opposition officielle d'autrefois qui est le gouvernement actuel apportait à cette charte.

C'est ce que je veux trouver chez le ministre actuellement. Il dit: II faut être prudent avant de modifier la charte. Je suis d'accord et la façon n'est pas un article no 172, à la fin d'une loi, amputant une partie de cette charte sans avis de la Commission des droits de la personne, qui est quand même le conseiller privilégié du ministre en l'occurrence, sans débats devant la commission parlementaire de la justice. Ce n'est pas cette façon qui va démontrer l'attention jalouse qu'ils doivent porter à cette charte et à son contenu.

C'est pour cela, M. le Président, que j'avais mentionné cet exemple et que je voudrais que mes remarques se terminent — quant aux généralités — sur une note positive. C'était dans cet esprit que je les avais faites. J'inviterais le ministre, après six mois... Six mois, ce n'est pas beaucoup d'expérience, mais quand même, il ne s'agit pas d'une question d'expérience ici, mais plutôt d'une question de conception que le ministre de la Justice devrait avoir de l'importance de sa fonction. Je l'assure de la collaboration de l'Opposition à chaque fois qu'il devra s'opposer à des accrocs à la Charte des droits et libertés de la personne, en particulier, qui pourraient être tentés, de façon, souvent, même pas consciente, dans des démarches ou des décisions soit administratives soit législatives du gouvernement. C'est d'une façon positive que je voudrais que cette charte, qui est quand même un acquis dans notre héritage législatif, un acquis dans notre société, même si elle n'a pas la valeur qu'un tel document aurait s'il faisait partie d'une constitution, par exemple, soit la pierre d'assise de l'action du ministre dans la protection des droits des citoyens. Ce sont seulement

les remarques que je voulais faire, M. le Président. On pourra, dans l'étude des crédits programme par programme, aller plus à fond sur les questions soulevées jusqu'à maintenant.

M. Bédard: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys m'a rappelé que le poste de ministre de la Justice était un poste important. Je tiens à lui dire qu'il n'est pas besoin de l'être longtemps pour s'en rendre compte. Je tiens à lui dire que je sais jusqu'à quel point c'est une lourde responsabilité, et j'en suis conscient. D'autant plus que des décisions d'un ministre de la Justice peuvent être d'une importance telle qu'elles peuvent contribuer à améliorer le climat social ou à le détériorer. En conséquence, un ministre de la Justice doit essayer d'allier la compréhension, d'une part, et la fermeté, d'autre part, pour faire en sorte que ses décisions contribuent plutôt à améliorer le climat social de ce côté.

Je tiens à lui dire que j'assume ces responsabilités avec beaucoup d'humilité et que je sais jusqu'à quel point il est important, si vous me permettez l'expression, de ne pas se prendre pour un autre lorsqu'on a à occuper ce poste. Je tiens à lui redire que j'ai un profond respect de la Charte des droits et libertés de la personne, de la même manière que j'ai un profond respect des droits individuels et, également, un profond respect des droits collectifs, des droits de la majorité, et que c'est dans un effort, je dirais de Justice — avec un grand J — qu'on doit essayer de trouver un ajustement entre ces différents droits, de manière que la discrimination ne s'installe en aucune façon. C'est pour cela que j'ai mentionné tout à l'heure et je ne veux pas faire un débat sur la Charte des droits et libertés de la personne...

M. Lalonde: Ce serait bien cela.

M. Bédard: ... ni sur la Charte de la langue française. C'est pour cela que je lui ai dit tout à l'heure que ma conviction était que la Charte de la langue française venait affirmer des droits collectifs fondamentaux, aussi bien pour la majorité que pour les minorités, et qu'elle venait compléter, à un niveau fondamental, la Charte des droits et libertés de la personne au chapitre des droits linguistiques. Dès lors, il est parfaitement légitime et justifié de faire de ces deux chartes des lois fondamentales de notre société et peut-être de les mettre sur le même pied, tenant compte du contexte que nous avons à vivre comme majorité au Québec, mais faisant quand même partie d'une minorité canadienne.

C'est ma conviction profonde. On peut ne pas partager la technique législative employée, mais je crois que le député de Marguerite-Bourgeoys sait jusqu'à quel point je veux être respectueux de cette Charte des droits et libertés de la personne et, qu'au niveau de la commission parlementaire sur la Charte de la langue française, on aura l'occasion d'appronfondir ce côté.

Concernant l'accident qui a entrainé la mort de M. Edgar Trottier, le représentant de l'Opposi- tion officielle a cru bon de revenir à la charge en disant qu'on aurait dû confier cette enquête à un tiers indépendant. Moi, M. le Président, je tiens à vous dire ma conviction que le coroner Laniel a constitué effectivement un tiers indépendant. Si le représentant de l'Opposition veut mettre en doute le caractère indépendant dont a fait preuve le coroner Laniel, j'espère qu'il sera plus précis dans ses affirmations. Je crois également que les policiers qui ont eu à faire enquête ont fait leur travail sans interférence de quelque manière que ce soit. Ils ont fait leur travail d'enquête policière ainsi qu'il doit être fait. Si on veut mettre en doute leur travail, j'espère qu'on sera plus précis sur ce point.

Je continue de croire qu'il y a avantage a essayer de valoriser le processus judiciaire normal, de manière que ne se dégage pas, à un moment donné, dans la population l'image que la vraie justice passe par une enquête publique. A partir du moment où le processus judiciaire normal a été respecté, tant au niveau de l'enquête qu'au niveau de celui qui a à rendre jugement, je crois qu'on doit contribuer à augmenter cette confiance dans la population.

Là-dessus, le représentant de l'Opposition ne semble pas partager mon point de vue, c'est son droit. Je voudrais lui faire remarquer que j'étais conscient qu'il s'agissait du premier ministre qui, effectivement, était relié à ce cas dont vous avez fait état. C'est pour cela que, non pas au niveau de l'enquête, mais au niveau de la publication de cette enquête, j'ai cru qu'il était de mon devoir de — ce qui n'est pas fait dans toutes les enquêtes du coroner — porter à l'attention de la population toute l'enquête policière qui avait été faite, tous les témoignages concernant, d'une part, la vitesse, puisqu'il s'agit d'un accident, concernant l'alcool, concernant également l'état du véhicule, concernant toutes les circonstances de l'accident, tous les témoins, les versions intégrales. Le dossier au complet a été porté à l'attention de la presse en général.

Je pense que c'est une attitude que je croyais nécessaire, justement, de manière qu'il n'y ait pas cette image de vouloir cacher quoi que ce soit. A partir de ce moment, j'ai la conviction, d'une part, d'avoir respecté le processus judiciaire normal, de l'avoir valorisé; d'autre part, d'avoir adopté une attitude d'exception, étant donné les circonstances et les personnes impliquées, de manière que la population soit au courant de l'ensemble de ces témoignages. Je pense que, si nous avions eu droit à autant de transparence de la part du gouvernement qui nous a précédés dans tous les dossiers qui pouvaient être d'un intérêt public autant que celui-là, il y a bien des questions que nous ne nous poserions plus.

M. Lalonde: Si vous voulez parler des dossiers, parlez-en.

M. Bédard: Vous nous parlez...

Le Président (M. Clair): Le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, concernant cet incident Edgar Trottier, je pense que, dans l'Union Nationale, à ce que je sache, — peut-être que des parlementaires en ont parlé — personne n'en a parlé jusqu'à ce jour, tout simplement par respect pour un parlementaire qui est impliqué dans cet incident. Je comprends mal aujourd'hui l'attitude du Parti libéral, de l'Opposition officielle qui, à mon avis, semble vouloir porter un coup bas indécent à un parlementaire qui a été impliqué dans ce dossier.

Je pense que c'est essayer de se faire de la publicité avec un incident sur lequel une enquête a été faite et tout a été rendu public, comme l'a dit le ministre de la Justice. Je ne pense pas qu'aujourd'hui ce soit l'intérêt de la justice de relever cela. Pour une fois, un parlementaire et même un premier ministre du Québec a été traité à l'égal de tout autre Québécois vis-à-vis de cet incident. Il a subi le sort que tout autre Québécois, toute autre personne aurait subi dans la population.

Nous allons sans doute continuer à nous abstenir de faire quelque commentaire que ce soit. Nous considérons qu'il s'agit d'une affaire classée, à moins que des faits nouveaux soient révélés à la connaissance du public.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

M. Fontaine: Ce n'est pas une question de règlement, M. le Président.

M. Lalonde: Vous avez dit que c'était une question de règlement, au début.

M. Fontaine: J'ai demandé une question de règlement pour avoir la parole.

M. Lalonde: J'en soulève une, une question de règlement.

Le Président (M. Clair): En vertu de quel article du règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys?

M. Lalonde: Vous les avez tous, les articles. Je vais vous dire ceci et vous allez le trouver facilement.

M. Bédard: Cela, c'est fort!

M. Lalonde: Le député de l'Union Nationale n'a pas le droit, d'après le règlement, de prêter des motifs...

M. Ciaccia: Article 96.

M. Lalonde: ...selon l'article 96, à un député à cause d'une intervention.

M. Fontaine: Je faisais comme vous, je parlais pour moi-même.

M. Lalonde: Je pense que c'est défendu par le règlement. J'ai expliqué tantôt, je ne sais pas s'il a écouté, que c'était simplement mon devoir; ce n'est pas facile, naturellement, parce qu'on sait que, c'est un parlementaire qui est impliqué et pas n'importe lequel. C'est mon devoir de faire en sorte que l'institution qu'on appelle le ministre de la Justice, que l'intégrité de cette institution soit protégée.

M. Bédard: Dites-moi en quoi cela n'est pas protégé?

M. Lalonde: Laissez-moi finir!

M. Bédard: Oui, mais il y a un bout à jouer avec des mots qui ne veulent rien dire dans votre bouche!

M. Lalonde: Laissez-moi terminer!

M. Alfred: M. le Président, question de privilège.

Le Président (M. Clair): M. le député de Papineau, il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire.

M. Alfred: Les allusions du député de Marguerite-Bourgeoys m'agacent.

Le Président (M. Clair): Ah bon!

M. Lalonde: Alors, c'est votre privilège d'être agacé! C'est cela, un privilège.

M. Fontaine: M. le Président...

M. Lalonde: J'étais à dire, avant d'être interrompu, que je n'ai pas parlé de l'accident comme tel, je n'ai pas parlé de la personne qui était impliquée dans l'accident, j'ai parlé du ministère de la Justice et de l'attitude du ministre de la Justice dans ce cas-là seulement, comme j'aurais pu parler de l'attitude du ministre de la Justice dans un autre cas où un coroner aurait rendu une décision. Qu'on garde bien à l'esprit les balises de mon intervention, ce n'est pas du tout pour faire de la basse politique et de la publicité. Je sais jusqu'à quel point c'est délicat.

M. Alfred: Vous n'aurez pas de votes avec cela.

M. Lalonde: Ce n'est probablement pas très rentable non plus d'en parler, au contraire. D'ailleurs, le député de l'Union Nationale a terminé en disant: A moins qu'il y ait des faits nouveaux. Si on avait eu une enquête publique, cela serait fermé pour vrai et les faits nouveaux auraient tous été connus, alors que si jamais quelqu'un pose une question à l'extérieur de la Chambre...

M. Bédard: Encore des allusions malveillantes!

M. Lalonde: Non.

M. Bédard: Même s'il y a une enquête publique, cela n'empêche pas que des faits nouveaux puissent être portés à l'attention des autorités. C'est complètement faux, ce que vous dites.

M. Lalonde: S'il y avait des faits nouveaux, plus tard, ce serait toute l'intégrité de l'institution du ministère de la Justice qui serait en cause C'est cela que je veux éviter.

M. Bédard: C'est complètement faux. Vous ne faites pas la distinction entre l'honnêteté d'un homme, qui est ministre de la Justice et qui juge sur des faits qui sont portés à sa connaissance.

M. Lalonde: Ce n'est pas une question d'honnêteté, c'est une question de jugement.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: On peut rendre un mauvais jugement honnêtement.

Le Président (M. Clair): S'il vous plaît!

M. Bédard: Je vous mets au défi de prendre tous les faits qui ont été portés à ma connaissance — et j'en ai informé l'ensemble de la population — et d'arriver à une autre conclusion que celle à laquelle je suis arrivé.

M. Lalonde: Je ne veux pas faire l'enquête ici.

M. Bédard: Je ne suis pas ministre de la Justice pour préparer des spectacles.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Je suis ministre de la Justice pour prendre les décisions que je crois les plus indiquées...

M. Lalonde: Je ne veux pas faire l'enquête Ici, mais la façon dont vous avez agi permet à d'autres de le faire.

M. Bédard: ...en fonction des intérêts de la justice.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. Bédard: Cela permet à des hommes comme vous de le faire, vous qui venez faire des allusions avec absolument aucun élément nouveau.

M. Lalonde: Ce ne sont pas des allusions du tout, je mets en doute votre jugement, pas votre honnêteté.

M. Bédard: Si vous mettez en doute mon jugement...

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: ...je pose une question non pas de privilège mais de règlement, M. le Président. Si le député de Marguerite-Bourgeoys met en doute mon jugement, qu'il prenne tous les témoignages qui ont été portés à l'attention du public. Qu'il les prenne et qu'il les analyse; après cela, on verra qui a manqué de jugement.

M. Lalonde: M. le ministre sait très bien que ce n'est pas ici l'endroit pour faire une enquête.

M. Bédard: Arrêtez de dire des choses à peu près!

M. Lalonde: Mais c'est quand même l'endroit ici, pour l'Opposition, lorsqu'elle le croit indiqué, de mettre en doute le jugement d'une décision du ministre.

M. Bédard: D'accord, mais à condition d'avoir des faits pertinents. A condition...

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: La pertinence, c'est de faire une enquête publique, je l'ai dit vingt fois. Je vous l'ai demandé vingt fois.

M. Bédard: Bien oui, mais apportez-nous des faits. Dites-moi les faits sur lesquels je me suis basé qui ne justifient pas la décision rendue.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Burns: La SAQ, est-ce qu'on a des réponses là-dessus? La SAQ, Loto-Québec; vous avez été Solliciteur général pendant cette période, vous en preniez des décisions, vous, à ce moment-là.

M. Lalonde: On essaie d'essayer! Bien vous l'êtes dedans, vous l'avez la... Les enquêtes ont eu lieu.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Oui, les enquêtes ont eu lieu.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Monsieur...

M. Burns: Des compléments d'enquêtes.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, M. le député de Maisonneuve, s'il vous plaît!

M. Burns: Le ministre actuel de la Justice a entendu ces folies-là de votre part, dans votre bouche...

Le Président (M. Clair): M. le député de Maisonneuve.

M. Burns: ...puis là vous venez niaiser avec des affaires comme cela, voyons donc. Arrêtez de vous abaisser, vous êtes rendu trop bas, on va être obligé de creuser le plancher.

M. Lalonde: Depuis que le ministre est arrivé, on a moins d'ordre ici. Est-ce qu'il y a moyen de l'amener à l'ordre, lui là le "slugger"?

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît. Le président va devoir suspendre si on ne peut avoir l'ordre dans cette commission. Messieurs, à l'ordre s'il vous plaît!

M. Burns: Pas de bon sens.

M. Bédard: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Sur une question de règlement, M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, c'est le privilège de l'Opposition de mettre en doute le jugement rendu par un ministre concernant un cas particulier. Je lui reconnais ce droit.

M. Lalonde: C'est ce que je fais.

M. Bédard: Ce que je dis en même temps, c'est que le sérieux du travail d'Opposition officielle oblige celui qui représente l'Opposition officielle à amener des faits pertinents qui soient de nature à nous permettre d'analyser jusqu'à quel point son allusion ou son affirmation de manque de jugement n'est pas une affirmation gratuite. Ce que je lui dis: Prenez tous les faits — vous avez eu le dossier comme les autres, vous avez dû en faire l'analyse — amenez-moi des faits, après analyse, qui auraient été de nature à mener à une autre décision que celle que j'ai prise de respecter, ne l'oubliez pas, de respecter la décision rendue par le coroner Laniel. A ce moment-là je suis prêt à vous écouter, mais n'arrivez pas seulement avec des allusions qui ne veulent rien dire...

M. Lalonde: Je ne fais aucune allusion.

M. Bédard: ...mais qui veulent tout dire, puis qui contribuent à dévaloriser la justice.

M. Lalonde: C'est mon opinion, et je l'ai exprimée, que le ministre de la Justice a fait un mauvais jugement là-dedans; j'ai le droit de le dire, c'est mon devoir de le dire.

M. Alfred: M. le Président, question de règlement...

M. Burns: Dites-le...

M. Bédard: Dites-le; sans preuve, cela vaudra ce que cela vaudra.

M. Lalonde: C'est mon devoir, vous n'êtes pas d'accord, vous n'êtes pas d'accord peut-être, mais j'ai quand même le droit de le dire, je... Ce n'est pas ici...

M. Bédard: Mais je vous dis pourquoi je ne suis pas d'accord, parce que vous ne dites pas pourquoi.

M. Lalonde: ...l'endroit pour faire l'enquête.

M. Bédard: Si vous n'êtes pas capable de dire pourquoi le jugement que j'ai rendu n'est pas correct je ne vois pas pourquoi vous en parlez.

M. Lalonde: ...l'endroit de faire l'enquête, je n'ai pas les moyens de faire l'enquête pour vous, vous avez tous les moyens.

Le Président (M. Clair): A l'ordre!

M. Lalonde: Faites donc une enquête publique.

Le Président (M. Clair): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: Dites-nous donc pourquoi le ministre de la Justice s'est trompé.

Le Président (M. Clair): Monsieur, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Je ne vois pas pourquoi vous en parlez. Pardon, question de règlement, M. le Président. Sur ce cas-là...

M. Burns: Si le ministre de la Justice s'est trompé, il va l'accepter.

M. Lalonde: Parce que des choses comme cela peuvent arriver parce qu'il n'y a pas eu d'enquête publique. S'il y avait eu une enquête publique, on ne serait pas en train de se chicaner.

M. Bédard: Une question de règlement, M. le Président.

M. Burns: Dites-nous donc cela.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, monsieur!

M. Bédard: II y a juste vous qui essayez de faire une histoire avec de l'histoire passée, comme a dit le représentant de l'Union Nationale. Juste vous. Si vous pensez que c'est cela, si vous pensez que c'est cela votre rôle, faites-le.

M. Lalonde: C'est ce que j'ai dit. Bon.

M. Bédard: Ce que je vous dis, sur le cas dont on parle, on est sur un pied d'égalité, parce que l'enquête n'est pas cachée dans mes tiroirs, les témoignages des témoins ne sont pas cachés dans les tiroirs du ministère, les analyses qui ont été faites, elles ne sont pas cachées dans les tiroirs du ministère de la Justice. C'est que vous les avez...

M. Burns: Cela c'est nouveau.

M. Bédard: Ils ont été livrés à la population, à tous les parlementaires et à toute la population, de telle façon que vous avez le même dossier, devant vous, que celui que j'ai devant moi et sur lequel j'ai porté jugement. Alors, apportez-moi des faits juridiques qui puissent sous-tendre au moins ce que vous avancez. Cessez de jouer avec des affirmations gratuites comme celles-là qui dévalorisent la justice.

M. Lalonde: Le ministre de la Justice ne s'aperçoit pas... non c'est justement pour valoriser sa fonction, pour la protéger.

Le Président (M. Clair): Le député de Papineau, sur une question de règlement.

M. Alfred: M. le Président, comme je vous le disais, l'Opposition officielle faisait de la basse politique avec cela. Le Parti libéral voulait faire une enquête sur la spéculation du sol de l'Outaouais québécois, où en est rendue cette enquête-là? Pourtant elle était publique. Vos enquêtes étaient publiques et on n'a rien...

M. Lalonde: Demandez-le au gouvernement. Ce n'est pas nous le gouvernement.

M. Alfred: Vous avez dépêché des fonctionnaires dans l'Outaouais pour faire une enquête publique et quand j'ai demandé à votre ex-ministre des Affaires municipales où en était cette enquête, il n'en restait plus rien.

Le Président (M. Clair): M. le député de Papineau, à l'ordre s'il vous plaît! Il ne s'agit pas d'une question de règlement, M. le député de Papineau. Le député de Sainte-Anne a demandé la parole également sur une question de règlement; j'espère qu'il s'agit cette fois effectivement d'une question de règlement.

M. Burns: L'ancien Sollciteur général savait tellement ce qui ce passait dans ce domaine que quand on lui a parlé de l'enquête Gilbert, il a dit: Gilbert qui?

Le Président (M. Clair): M. le député de Maisonneuve. Le député de Sainte-Anne a demandé la parole sur une question de règlement.

M. Burns: C'était fort cela. Il savait ce qui se passait en maudit!

M. Lacoste: Puisque la question de règlement a été soulevée par l'ex-solliciteur général sur l'exposé du député de l'Union Nationale, c'est peut-être le privilège de l'Opposition de mettre en doute les décisions du ministre de la Justice, mais c'est quand même le privilège de l'Union Nationale de mettre en doute l'approche du Parti libéral.

Le Président (M. Clair): M. le député de Sainte-Anne, il ne s'agit pas là, encore une fois, à mon point de vue, d'une question de règlement. Je pense que nous allons revenir immédiatement au député de Nicolet-Yamaska qui était en train de faire sa réplique à la suite de la réponse du ministre de la Justice.

M. Lalonde: M. le Président, vous me permettrez quand même... La question de règlement que j'ai posée en vertu de l'article 96, c'était pour rétablir les motifs...

Le Président (M. Clair): M. le député, à l'ordre s'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, la question de règlement que vous avez prétendu soulever n'était sûrement pas soulevée en vertu de l'article 96, qui ne fait aucunement mention du principe que vous avez soulevé, voulant qu'on n'avait pas le droit de mettre en cause la bonne foi de quelqu'un.

M. Charbonneau: L'article 96 ne mentionne d'aucune façon...

M. Lalonde: C'est dans le règlement quand même. Comme président vous devez le faire appliquer.

Le Président (M. Clair): C'est dans le règlement effectivement, mais le règlement prévoit le cas de mise en doute de la bonne foi d'un parlementaire, alors que le député de Nicolet-Yamaska semblait plutôt, s'il le faisait, mettre en doute la bonne foi d'un parti politique, ce qui n'est pas le cas.

M. Lalonde: Non, il s'adressait à moi. C'est moi qui ai fait l'intervention. On ne va pas faire de distinction là, M. le Président. Le tout très respectueusement dit, c'était une question de règlement très... Je vais la terminer là, cependant parce que je vois que cela soulève un débat et j'ai été interrompu constamment, mais je voulais quand même que cela soit inscrit que c'est une allusion tout à fait injuste et qu'il n'a pas le droit de faire.

Le Président (M. Clair): Si vous vouliez que ce soit inscrit, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, cela l'est sûrement.

M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, je ne pensais pas soulever un débat aussi extraordinaire en disant ce que j'ai dit. Je voulais tout simplement donner la position de l'Union Nationale à ce sujet. Je ne pense pas que des débats comme celui auquel on vient d'assister soient de nature à faire avancer la réforme de notre système judiciaire.

Je voudrais revenir plutôt aux remarques générales et aux questions que j'avais posées ce matin dans mon exposé concernant la constitutionnalité des tribunaux et concernant également la lutte, au niveau juridique, que doit mener le ministre de la Justice dans le but de faire appel des décisions qui ont été rendues par les tribunaux supérieurs du Québec.

Je me demande à ce stade si, parallèlement à la lutte judiciaire que doit mener le ministre de la Justice, il n'a pas également l'intention de mener une lutte politique en vue d'en venir à une entente avec Ottawa sur la réforme de la constitution au sujet de ces tribunaux. A mon avis, si nous ne pouvons en venir à une réforme constitutionnelle, cela bloquera également la réforme administrative que le ministre se propose de faire. Il a même divulgué ce matin une certaine partie de la réforme administrative qui devrait être faite pour l'automne prochain.

Je me demande si le ministre de la Justice ne devrait pas essayer de lutter sur les deux plans en même temps pour en arriver à une solution à ce problème et, également, je me demande si le fait de ne faire qu'une lutte judiciaire ne serait pas de nature à empêcher l'évolution qu'il a manifesté l'intention de faire.

M. Bédard: Disons que nous faisons la lutte sur deux plans. Le plan judiciaire, je pense bien que c'est normal que ce soit le plan indiqué pour le moment, étant donné que dans certains cas nous sommes face à des jugements desquels nous sommes allés en appel. Encore une fois je ne peux me prononcer sur le fond, mais tel que je vous l'ai dit ce matin, nous allons faire tous les efforts nécessaires, assigner les avocats les mieux préparés possible afin de pouvoir gagner en dernière instance...

Sur le plan politique, je serais porté à vous dire que tant qu'on restera dans le système que nous connaissons, je ne vois pas très proche le temps où cesseront les batailles de juridictions auxquelles j'ai fait allusion.

Je serais porté à vous dire que, globalement, nous faisons la bataille politique. Vous connaissez très bien les objectifs du Parti québécois et du gouvernement. Si la population majoritairement était d'accord avec l'objectif du Parti québécois à l'occasion du référendum, j'ai l'impression que non seulement cela diminuerait, mais que cela réglerait une grande partie de ces conflits de juridictions dans lesquels nous perdons du temps, nous perdons de l'argent, des énergies et qui contribuent à rendre plus difficiles des réformes fondamentales qui doivent être faites dans le domaine judiciaire.

M. Fontaine: Est-ce qu'on doit comprendre que le ministre de la Justice ne veut Das négocier immédiatement avec le fédéral, mais qu'il entend plutôt attendre la question du référendum? D'autre part, au sujet de la lutte qu'on veut mener devant les tribunaux, on connaît les délais qui sont nécessaires pour en arriver à obtenir des jugements de la Cour d'appel et de la Cour suprême. Est-ce que nécessairement la réforme administrative qu'on voulait faire ne sera pas bloquée en attendant ces jugements?

M. Bédard: Elle ne sera pas bloquée. Elle sera moins complète, comme je l'expliquais au début de la dernière séance. J'apportais certains exemples en ce qui a trait à certains tribunaux comme le Tribunal de la famille, entre autres. Elle sera moins complète, moins cohérente, peut-être moins consistante. Peut-être le contexte nous rend-il plus difficile la réorganisation cohérente des tribunaux, mais cela ne l'empêche pas quand même et cela ne justifierait pas qu'une attention toute particulière et que des efforts particuliers ne soient pas faits en vue d'effectuer cette réorganisation des tribunaux. D'ailleurs, indépendamment du contexte politique ou du contexte juridique, notre intention est vraiment de déposer à l'Assemblée nationale un projet de loi concernant la réorganisation des tribunaux.

Le Président (M. Clair): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, dans la même ligne, n'y a-t-il pas bientôt une réunion des procureurs généraux des différentes provinces et du fédéral?

M. Bédard: Ce n'est pas décidé d'une façon finale, mais il est possible qu'à la fin de juin il y ait une telle réunion des ministres de la Justice des différentes provinces.

M. Lalonde: Est-ce qu'à l'ordre du jour de cette réunion vous avez l'intention de demander justement que la question des tribunaux soit discutée, vu justement les décisions judiciaires concernant l'inconstitutionnalité de certains tribunaux?

M. Bédard: Je tiens à vous dire que cela a été inscrit à la dernière réunion des ministres de la Justice, à Toronto. Maintenant, étant donné l'ordre du jour très chargé, on n'a pas pu aborder ce sujet. Mais je compte bien, étant donné que c'est encore à l'ordre du jour, aborder la question lors de la prochaine réunion et également aborder la question de la réclamation que le Québec fait au fédéral de $300 millions à $400 millions concernant les forces policières.

M. Lalonde: Alors, la réponse à la question du député serait affirmative. Vous avez l'intention de faire la lutte politique aussi pour essayer de faire

reconnaître cela, sans oublier naturellement l'option fondamentale de votre parti.

M. Bédard: Sans oublier cet objectif que nous poursuivons, il est évident que, tant que nous restons dans le cadre constitutionnel que nous connaissons, il est de notre devoir de faire tous les efforts possibles pour améliorer la justice, de faire les réclamations nécessaires auprès du gouvernement fédéral d'obtenir en cela l'appui des autres provinces, et de fournir aussi, quand cela est nécessaire, notre appui à certaines réclamations faites par d'autres provinces au niveau du gouvernement fédéral.

M. Lalonde: Vous avez sûrement l'appui de l'Opposition officielle et nous vous souhaitons bonne chance!

M. Bédard: Concernant la réclamation d'octrois...

M. Lalonde: Quand je dis: Bonne chance, ce n'est pas péjorativement. J'espère que vous allez réussir.

M. Bédard: Là-dessus, je suis porté à croire que vous êtes sincère quand vous me souhaitez bonne chance! Vous pouvez être sûr qu'on va essayer d'employer tous les arguments, quoiqu'ils ont pas mal été employés jusqu'à maintenant. On sait que cette somme, qui peut se chiffrer autour de $300 millions à $400 millions, est due par le gouvernement fédéral au gouvernement du Québec. C'est une question de justice. C'est tellement clair qu'on se demande pourquoi on a encore à faire des revendications au gouvernement fédéral à ce sujet. Cela montre jusqu'à quel point, même quand c'est clair, c'est toujours difficile avec le gouvernement fédéral.

M. Lalonde: Très difficile.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Sur cette question, M. le Président, je voudrais savoir du ministre de la Justice...

M. Bédard: II y aurait peut-être une petite distinction. Je serai très appuyé par le premier ministre, contrairement peut-être au ministre de la Justice qui m'a précédé.

M. Lalonde: Je ne pense pas. Vous faites de la vieille histoire. Je pense que l'appui était là.

Le Président (M. Clair): Le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Sur cette question, M. le Président, je voudrais savoir du ministre de la Justice s'il a fait des démarches pour obtenir l'appui de l'Ontario sur la question de la réclamation de sommes dues?

M. Bédard: A Toronto, j'ai fait des démarches et je suis convaincu, là-dessus, que nous aurons l'appui des autres provinces.

M. Lalonde: II me semble que l'Ontario était toujours d'accord sur cette réclamation, ils sont dans la même position.

M. Bédard: C'est cela. Ils l'ont déjà donnée, d'ailleurs.

M. Lalonde: Quant aux autres provinces, elles ne sont pas tout à fait d'accord parce que cela leur en enlève un peu étant donné que... Enfin, je vous laisse terminer le dossier.

Corps de police municipaux

M. Fontaine: Je voudrais revenir sur la question des corps policiers municipaux. Que va faire le ministre, face aux différentes demandes et aux nombreuses demandes des corps policiers municipaux concernant les différentes dissolutions de leurs corps de police qu'ils demandent? Que fera le ministre, face aux réclamations qu'ils font, comme, par exemple, celle du maire de la ville de Québec? Est-ce qu'on va subventionner ces corps policiers municipaux? Qu'est-ce qu'on va faire face à l'attitude municipale?

M. Bédard: Concernant les demandes d'abandon formulées par les municipalités au sujet de leurs corps policiers, il est évident, comme je l'ai dit ce matin, que cela pose un problème. Il y a déjà un groupe de travail qui est formé, qui peut être de nature à nous aider à formuler une politique d'ensemble sur une question de ce genre.

Maintenant, il va falloir quand même évaluer, le plus rapidement possible, les différents modes de remplacement qui pourraient être envisagés, à savoir que les services policiers soient subventionnés par la Sûreté du Québec, avec ou sans rémunérations, parce que je pense bien qu'il y a une question de justice. Il y a des municipalités qui abandonnent leur corps policier. Les municipalités qui l'ont fait jusqu'à maintenant, disons que la sécurité n'était en aucune façon en danger puisque dans ces municipalités, pour la plupart, il y avait déjà un poste de la Sûreté du Québec et la Sûreté essaie de voir à assurer la sécurité.

Il va falloir penser, également, à certaines formes, peut-être, d'intégration de corps policiers, penser aussi à une politique d'aide financière aux municipalités. Maintenant, vous connaissez les contraintes budgétaires auxquelles le gouvernement doit faire face. Je pense que la preuve n'est plus à faire. Si nous pouvions récupérer du gouvernement fédéral les $300 à $400 millions dont on parlait tout à l'heure, cela nous permettrait sûrement d'élaborer ou de penser à élaborer une politique d'aide financière qui soit indiquée, dans les circonstances.

Il reste quand même que, dans chacun des cas que j'ai soulignés ce matin, ils ont été déférés à la Commission de police. Nous attendons les recommandations de la Commission de police et,

pour le moment, nous allons prendre des décisions cas par cas, étant très conscients de l'urgence qu'il y ait une politique globale de mise à jour concernant ce problème.

M. Lalonde: Est-ce que, si vous me permettez, vous pouvez me donner une idée du nombre de demandes qui ont été faites par des municipalités à la Commission de police ou directement à vous-même, puis référées à la Commission de police?

M. Bédard: Quelques-unes ont été adressées directement à la Commission de police, parce que toutes les municipalités ne connaissent pas nécessairement le rouage ou la procédure. D'autres nous ont été adressées au ministère de la Justice. Disons en tout une quarantaine de demandes.

M. Lalonde: Cela concerne combien de policiers à peu près, en tout? Ce sont des petits corps policiers, ils ne doivent pas être très nombreux.

M. Bédard: D'ailleurs, dans tous les cas, cela concerne de petits corps policiers.

M. Lalonde: Cela peut être quoi, moins de 100, par exemple, une quarantaine de policiers?

M. Bédard: Vous permettez. Disons que cela peut représenter, concernant les corps des municipalités qui ont fait la demande, à peu près une cinquantaine de policiers.

M. Lalonde: Une cinquantaine de policiers seulement.

M. Bédard: Oui.

M. Lalonde: 40 corps avec une cinquantaine de policiers.

M. Bédard: Environ de 50 à 100 policiers.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez déjà reçu des recommandations de la Commission de police à ce propos?

M. Bédard: Nous n'avons pas encore reçu de recommandations de la Commission de police.

M. Fontaine: M. le Président, est-ce que le ministre est conscient également que certains corps policiers municipaux, de tout petits corps, soit un, ou deux, ou trois policiers, ne s'adressent pas au ministère de la Justice ou à la Commission de police et tout simplement demandent à leurs policiers de démissionner, ce qui est une autre façon de procéder sans que personne ne puisse s'en apercevoir?

M. Bédard: Cette procédure est peut-être employée, mais j'ai l'impression que les demandes d'abandon de corps policiers, cela crée quand même certains remous au niveau d'une population qui est concernée. La plupart, non seulement la plupart, la très grande majorité des conseils municipaux acheminent leurs demandes d'abandon soit à la Commission de police ou au ministère de la Justice.

M. Fontaine: Le ministre de la Justice, je pense, a un pouvoir de recommandation au Conseil des ministres sur les décisions qui doivent être prises concernant les abandons de corps policiers.

M. Bédard: Pouvez-vous répéter, s'il vous plaît!

M. Fontaine: Le ministre de la Justice, je pense, a un pouvoir de recommandation au Conseil des ministres concernant la dissolution des corps de police.

M. Bédard: Cette recommandation, le ministre de la Justice a à la formuler après avoir reçu la recommandation motivée de la part de la Commission de police. Je n'en ai pas reçu encore. Il est évident qu'à mesure que nous allons en recevoir nous allons prendre les décisions qui vont s'imposer, après analyse du dossier, avec les représentants de la Commission de police.

M. Lalonde: Quelle contrainte cela crée sur la Sûreté du Québec au point de vue budgétaire, d'effectif, parce que cela doit vous forcer soit à augmenter...

M. Bédard: Pour le moment, cela ne crée pas de contraintes. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, dans la plupart des cas il y a un poste de la Sûreté du Québec qui se trouve aux alentours et, à ce moment, ils continuent tout simplement le travail qu'ils effectuaient normalement. Dans aucun cas, à ma connaissance, il n'y a eu nécessité d'augmentation des effectifs de la Sûreté du Québec.

M. Fontaine: Dans le cas où on force des municipalités, des corporations municipales à continuer d'avoir un corps policier municipal, est-ce que le ministre va prendre des mesures pour qu'effectivement ces décisions, dans les faits, soient respectées? Est-ce qu'on va les subventionner pour qu'ils puissent continuer à fonctionner?

Quel mécanisme va-t-on employer à ce moment?

M. Bédard: Malheureusement, il n'y a pas de sanction prévue dans la loi.

M. Fontaine: Maintenant, concernant le conflit de la Sûreté du Québec...

M. Bédard: II y a, par exemple, un bon pouvoir d'incitation...

M. Lalonde: Mais temporairement.

M. Bédard: ...que nous essaierons de faire valoir.

C'est très clair, il n'y a pas de sanction prévue dans la loi.

M. Fontaine: II n'y a pas d'amendement prévu, non plus?

M. Bédard: Pas pour le moment.

M. Fontaine: Maintenant, concernant le conflit qu'on a connu à la Sûreté du Québec, dernièrement, je ne veux pas dévoiler des secrets d'Etat, je ne veux pas envenimer le conflit non plus d'aucune façon, mais j'ai ouï-dire qu'il y aurait eu une entente, récemment, sur la grille de cas prévue.

M. Bédard: Concernant les négociations qui se poursuivent à l'heure actuelle entre les autorités de la Sûreté du Québec et les policiers, elles vont très bien. Effectivement, il y a eu un accord sur la grille de cas spéciaux présentant des risques. Un échéancier a été fixé afin d'accélérer les négociations. Je crois qu'il y a lieu d'espérer que, dans un délai raisonnable, ces négociations puissent se terminer. J'en suis très heureux. Je pense que tous les membres de la commission parlementaire de la justice qui ont eu à étudier l'ensemble de la question de la sécurité au travail des policiers, après avoir fait un bon travail, se réjouiront aussi sûrement de savoir que les négociations vont très bien.

M. Fontaine: Est-ce que les recommandations de la commission parlementaire ont pu influencer les négociations?

M. Bédard: Là-dessus, je ne voudrais pas faire une relation de cause à effet. Je pense que ce qui est important, c'est de constater qu'après avoir vécu un conflit qui a été regrettable, qui peut marquer un certain retard, que nous reprendrons en travaillant très fort avec les autorités de la Sûreté et l'ensemble des policiers de la Sûreté du Québec, ce conflit étant réglé, et les négociations se poursuivant, on se rend compte surtout que la motivation est en train non seulement de revenir, mais de s'affermir, de s'intensifier, ce qui fera en sorte que — je l'ai toujours dit — on essaie de travailler dans le sens que tous les policiers du Québec, soit de la Sûreté du Québec ou des corps policiers municipaux, soient fiers d'appartenir à leur corps policier et que l'ensemble des Québécois aussi soient fiers de leurs corps policiers, que ce soient les corps municipaux ou la Sûreté du Québec.

Je pense que nous n'avons qu'à nous réjouir d'avoir été ferme tout au long du conflit que nous avons eu à vivre, après avoir fait des offres raisonnables.

C'est peut-être un peu dans ce sens-là que je crois à la justice; autrement dit, que j'évalue la manière dont un gouvernement doit se conduire s'il veut être respecté par la population, à savoir faire des offres raisonnables et, en même temps, être très ferme quand c'est le temps. La justice, dans ce sens-là, doit allier la compréhension et la fermeté. Je suis très heureux que vous m'ayez posé la question, parce qu'on ne peut que se réjouir de la bonne marche des négociations au niveau de la Sûreté du Québec.

M. Fontaine: Soyez assuré que nous nous en réjouissons également. J'ai parlé, ce matin, un peu de la contestation du rôle du Procureur général du Canada. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il va aller plus loin dans ce dossier? Qu'est-ce qu'il prévoit?

M. Bédard: Disons que, dès qu'une occasion se présentera de pouvoir contester le pouvoir du fédéral ou du Procureur général du Canada de porter des plaintes sur des cas autres que ceux qui relèvent du Code criminel, nous le ferons. Je peux même vous dire qu'il y a eu une entente à cet effet lors de la réunion des ministres de la Justice à Toronto. Il y a eu une entente disant que, lorsqu'un cas de cette nature se présenterait, solidairement, nous verrions à faire tous les efforts nécessaires pour contester auprès du fédéral ce pouvoir du Procureur général du Canada.

M. Lalonde: A quelle loi faites-vous référence quand vous parlez de lois autres que celles du Code criminel?

M. Bédard: Les drogues.

M. Lalonde: Les drogues, parce que c'est à l'extérieur?

M. Bédard: Oui.

M. Lalonde: Est-ce que les procureurs généraux...

M. Bédard: En ce qui a trait au Code criminel, cela...

M. Lalonde: ... des provinces, certains enfin, n'ont pas l'initiative de poursuivre en matières de drogues aussi?

M. Bédard: Ils peuvent le faire, mais le fédéral peut le faire aussi.

M. Lalonde: Oui, je sais, mais n'y a-t-il pas des ententes, actuellement, qui se font cas par cas?

M. Bédard: Personnellement, je n'ai pas eu, jusqu'à maintenant, de cas précis où il y a eu entente dans le sens dont vous parlez.

M. Lalonde: Je ne veux pas répondre pour vous, mais j'avais cru qu'il y avait eu un progrès de fait par voie d'entente, au moins sur le Code criminel.

M. Bédard: II n'y en a pas eu. M. Lalonde: Non?

M. Bédard: En tout cas, depuis que je suis là, il n'y a vraiment pas eu d'entente.

M. Lalonde: II n'y a pas eu d'entente.

M. Bédard: Au contraire, si ce sujet-là a été soulevé au niveau de la réunion des ministres de la Justice, je pense que c'est parce que c'est un point qu'on trouvait solidairement important et il a été entendu qu'on ferait tous les efforts, dès qu'un cas se présenterait, pour...

M. Lalonde: Contester le rôle du Procureur général.

M. Bédard: ... contester le rôle du Procureur général du Canada dans ce domaine.

Le Président (M. Clair): Le député d'Iberville.

M. Beauséjour: M. le Président, lors du débrayage de la Sûreté du Québec, une directive aurait été envoyée aux municipalités à l'effet d'assumer les services nécessaires pour la sécurité des citoyens. Maintenant, une chose est certaine, cela a occasionné plus d'heures pour les policiers et, comme de raison, cela revient aux frais des municipalités. Est-ce qu'il y a possibilité de compensation pour les municipalités qui ont été obligées de défrayer un peu les heures supplémentaires à cet effet?

M. Bédard: Disons que, jusqu'à maintenant, on a eu seulement une demande de la part d'une municipalité à l'effet de payer du temps supplémentaire qui avait été occasionné par cette grève.

M. Beauséjour: Est-ce qu'il y a possibilité qu'elle ait une réponse favorable? Je sais que j'en ai une; je ne sais pas si c'est celle-là.

M. Bédard: Je serais porté à vous dire que c'est un échange de services qui peut se faire. Maintenant, nous allons étudier le cas; je préférerais ne pas me prononcer aujourd'hui là-dessus.

M. Beauséjour: D'accord.

Le Président (M. Clair): Etat donné que je n'ai pas d'autres intervenants en lice, je présume que nous pourrions entamer immédiatement l'étude des programmes un à un. Maintenant, je pose une question aux divers partis représentés à la commission: Est-ce que nous suivons les programmes dans l'ordre où ils sont présentés, 1, 2, 3, et ainsi de suite? Oui?

M. Lalonde: Bien, moi, je suggérerais que le ministre aborde les programmes dans l'ordre qu'il veut, selon les personnes qui sont disponibles.

Le Président (M. Clair): Je posais la question en tenant compte également du fait que, si l'Opposition désirait adopter un certain nombre de programmes rapidement, peut-être que cela pour- rait libérer des personnes. Je le fais simplement à titre de suggestion.

M. Lalonde: Je ne sais pas si on est prêt à cela, parce que, lors des questions particulières, sauf celles qui avaient été soulevées par l'Union Nationale, j'avais cru qu'on conserverait notre droit de revenir sur chacune de ces questions à l'intérieur des programmes.

Le Président (M. Clair): Effectivement. C'était simplement à titre de suggestion. J'appellerai donc le programme 1. M. le ministre, le programme 1, cela va? Le ministre de la Justice.

M. Lalonde: On a des questions. M. Bédard: On va procéder par...

Le Président (M. Clair): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

Fonctionnement du système judiciaire

M. Lalonde: Je vois que, dans le programme du Parti québécois, on parle d'un accroissement de l'autonomie administrative du pouvoir judiciaire. Je pense qu'on est dans le fonctionnement du système judiciaire, ici au programme 1. Est-ce que le ministre a l'intention d'apporter des réformes? Je fais écho à des interventions qui ont été faites lors du dernier congrès du Barreau, où certains prétendaient que l'efficacité judiciaire serait augmentée si les cours avaient une plus grande autonomie administrative, par exemple si on leur donnait un budget à administrer, puis qu'elles pouvaient prendre des décisions administratives. Je parle nécessairement des juges en chef et de l'appareil administratif de la cour et non pas de l'appareil judiciaire. Je vois au programme du Parti québécois, concernant la justice. "Dans le but de placer la justice au-dessus de tout soupçon, a) 3-a), en accroissant l'autonomie administrative du pouvoir judiciaire?

C'est pour cela que je demande au ministre: Est-ce que vous avez actuellement, des dispositions, des recherches ou, enfin, quelque chose en préparation dans ce sens?

M. Bédard: Je crois que c'est un élément très important. Il va falloir essayer de trouver des solutions. Je pense que c'est normal qu'il soit de nature à augmenter l'autorité administrative des tribunaux. Je dois vous dire sur ce point que j'ai eu l'occasion d'avoir une première rencontre avec les représentants de la Conférence des juges et, durant toute la période de l'été, j'ai l'intention d'avoir des consultations. Cet élément doit être analysé en fonction de l'ensemble de la réorganisation judiciaire qu'on veut effectuer. Au moment où nous nous parlons, nous en sommes certainement à la période de consultations.

C'est une demande qui est faite par la Conférence des juges.

M. Lalonde: Faite par la Conférence des juges à votre égard?

M. Bédard: Oui, on a eu l'occasion d'avoir des conversations là-dessus.

M. Lalonde: Avez-vous l'intention de donner suite?

M. Bédard: Je leur ai demandé de formuler d'une façon plus précise, une proposition concrète, ce qu'ils entendraient par une autorité administrative accrue. Nous aurons l'occasion de continuer ces consultations en temps et lieu.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska, sur le programme 1.

M. Fontaine: A la commission de la justice sur le conflit des policiers de la Sûreté du Québec, on avait parlé de la possibilité d'avoir des policiers auxiliaires qui pourraient signifier des procédures ou se servir de huissiers qui sont actuellement dans l'entreprise privée, si on peut dire. Est-ce que le ministre a envisagé cette solution pour diminuer l'effort des policiers dans ce domaine?

M. Bédard: Je ne sais pas si cette question se situe à l'intérieur du programme concernant la Sûreté du Québec, mais indépendamment de cela, je crois que c'est une question qui relève vraiment du groupe de travail sur l'analyse des fonctions policières. Effectivement, les conclusions qui seront portées à notre attention par ce groupe seront de toute première importance. C'est un des premiers éléments de son mandat.

M. Fontaine: Le ministre avait annoncé, il y a quelque temps, l'engagement d'avocats pour les poursuites pénales. Ces avocats ont été engagés à temps plein et, j'imagine, aussi probablement avec des secrétaires pour avoir un soutien administratif pour les aider. Si on s'en rapporte à la situation qui existait avant l'engagement de ces avocats, lorsqu'un avocat de pratique privée était engagé par le ministère pour des poursuites pénales, la personne qui était accusée payait les frais de la cause et les frais de l'avocat en question.

M. Bédard: Si elle était condamnée.

M. Fontaine: Si elle était condamnée. Cela arrivait assez souvent qu'elle l'était.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska, je ne voudrais pas intervenir et restreindre inutilement les questions, mais je pense que cela relève beacoup plus du programme 10, sauf erreur, où on parle de l'application des diverses lois pénales du Québec.

M. Bédard: Cela concerne le contentieux, je crois que ce serait plus indiqué au programme 9. Je ne veux pas être formaliste.

Le Président (M. Clair): 9 ou 10.

M. Fontaine: Oui, ou au Soutien administratif aux cours de justice. On parle de soutien administratif aux cours de justice. Je n'ai pas d'objection à retenir ma question, mais quand on parle de soutien administratif, je pense que cela pourrait entrer là-dedans.

M. Bédard: Enfin, si vous n'avez pas d'objection.

Le Président (M. Clair): Je n'ai pas d'objection, allez-y, M. le ministre.

M. Bédard: En ce qui regarde...

M. Fontaine: Je n'avais pas terminé, M. le ministre. Ce que je voulais dire, c'est qu'auparavant les personnes qui étaient condamnées payaient les frais de l'avocat en question. Aujourd'hui, vous avez engagé des avocats à temps plein pour travailler à votre ministère pour faire les mêmes poursuites et les personnes qui sont condamnées continuent encore à payer ces frais. Le ministre disait à ce moment-là qu'il voulait épargner de l'argent à la population en cessant de payer des avocats de pratique privée. Or, je pense que la population continue à payer le même prix.

M. Bédard: Une petite minute, je vous prie. Il y a un problème technique.

M. Fontaine: Oui, d'accord.

M. Bédard: C'est un problème technique et réel que le député de Nicolet-Yamaska soulève.

C'est un privilège qu'ont les juges de condamner à payer ou non les frais et à fixer ces frais. Il semble que plusieurs ont commencé à exclure les frais des avocats au niveau du statut provincial en disant que, maintenant que ce sont des fonctionnaires, semble-t-il que le gouvernement n'aurait pas à les payer. Ce problème est réel et, justement, nous allons proposer à Me Normand, notre sous-ministre, une solution pour pallier ce problème parce qu'effectivement ce sont des frais que nous avions l'habitude de percevoir et qui pourraient nous échapper.

M. Fontaine: Cela veut dire que vous reconnaissez la validité de mon intervention à l'effet que la population a été, en quelque sorte, un petit peu trompée jusqu'à maintenant, sur la question...

M. Bédard: Au contraire, il me semble. Cela coûte moins cher s'ils ne paient plus de frais.

M. Fontaine: Non, mais quand vous avez fait votre déclaration ministérielle, vous avez dit que vous engagiez des avocats dans votre ministère pour épargner de l'argent à la population, alors qu'elle continue à payer les mêmes frais de cours et, en plus, doit, par ses taxes, payer les avocats que vous avez engagés.

M. Bédard: Ce n'est pas au niveau des frais de cour qu'on a dit qu'on épargnerait. Auparavant,

des mandats étaient donnés par le gouvernement à des avocats de la pratique privée.

M. Fontaine: Ils ne vous coûtaient rien, ces avocats?

M. Bédard: Non. Cela représentait un certain montant. Nous avons changé ce système en engageant des avocats d'une façon permanente, au ministère de la Justice, pour deux raisons: on voulait mettre fin au patronage qui existait dans ce domaine; deuxièmement, nous avions exprimé notre conviction que cette réforme se traduirait par une diminution des coûts, et nous avons la même conviction. Dans ce sens, cela coûte moins cher à la population.

M. Fontaine: Actuellement, vous pensez que cela coûte moins cher à la population. Est-ce que vous ne pensez pas que les avocats qui agissaient...

M. Bédard: Je pourrais peut-être vous donner une idée de l'ensemble de ce qui a pu donner cette réforme, jusqu'à maintenant. Pour l'année 1976/77, les crédits votés au chapitre des honoraires professionnels résultant des mandats confiés aux avocats et notaires de la pratique privée étaient de $657 900 au programme 9 du contentieux général du gouvernement, $2 164 700 au programme 10 du contentieux pénal, et $208 900 au programme 11 du contentieux criminel, pour un total de $3 031 500, auquel il faut ajouter une somme de $1 million votée en faveur des autres ministères, soit une prévision globale de $4 031 500.

Les dépenses à ce titre ont été de $2 987 600 pour le ministère de la Justice, et de $1 600 000 pour les autres ministères, soit une dépense totale de $3 988 200. Si on avait maintenu la politique de recours aux services des avocats et notaires de la pratique privée, le coût probable, pour l'année 1977/78, aurait été de $4 784 600 et ce, afin de tenir compte d'une révision des tarifs.

Au budget de 1977/78, nous avons prévu des crédits de $3 389 000 pour l'implantation d'un système de plaidoierie interne, en matières civile et pénale, et pour la mise sur pied d'une étude de notaires. Ces crédits se répartissent comme suit: Programme 9: Contentieux général du gouvernement. Au niveau des traitements, 110 postes, $1 959 000; frais de déplacement, $220 000, divers, $35 000, pour un total de $2 214 000. Au programme 11: Contentieux criminel, les traitements représentent 70 postes, à savoir $1 100 000, frais de déplacement, $50 000, et pour diverses autres dépenses, $25 000, ce qui veut dire, $1 175 000 au niveau du Contentieux criminel, pour un total de $3 389 000.

Nous avons également inscrit des crédits de $1 637 000 pour assurer le paiement des honoraires résultant des mandats en cours d'exécution le 2 décembre 1976. Ces crédits se répartissent comme suit: Programme 9, Contentieux général du gouvernement, $666 000; Contentieux pénal au programme 10, $946 300; programme 11, Contentieux criminel, $25 000, pour un total de $1 637 300. Ce qui veut dire que, pour la première année de fonctionnement, la réduction de l'ordre de $ 1 395 600, soit l'écart entre les coûts estimés des deux systèmes, est annulée par les crédits de $1 637 300 que nous avons dû inscrire au budget pour acquitter les honoraires résultant des mandats confiés avant le 15 novembre 1976, ce qui est normal.

Donc cela représente certainement déjà, on peut l'entrevoir en fonction de l'avenir, une épargne qui sera significative, toutes proportions gardées. Mais ce qui est important aussi c'est que pour une fois on s'est donné l'occasion de former, je crois — du moins c'est mon ambition — au niveau du gouvernement, un véritable contentieux, le plus structuré possible, ce qui est normal pour un gouvernement d'avoir.

M. Lalonde: Est-ce que vos $3 308 000 tiennent compte de ce que tous...

M. Fontaine: M. le Président, j'avais la parole.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska. Je voudrais demander au ministre s'il y a possibilité de déposer son document...

M. Lalonde: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. Fontaine: Je demanderais la suspension du débat.

M. Lalonde: Nous violons tous le règlement.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska, effectivement, nous violons tous le règlement, il est six heures cinq. La commission suspend ses travaux jusqu'à...

M. Bédard: Vous me permettez, M. le Président, pour la question de déposer le document, je vais en faire faire des photocopies, puis je le déposerai pour le bénéfice des membres de la commission.

Le Président (M. Clair): Nous apprécierons, M. le ministre.

La commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 5)

Reprise de la séance à 20 h 22

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs! Au moment où nous avons suspendu nos travaux, cet après-midi, nous en étions à l'étude du programme 1. A la suite des débats vigoureux qui ont eu lieu cet après-midi et de certains commentaires que m'ont formulés les gens du journal des Débats, je demanderais à tous et chacun de bien vouloir tenir compte du travail que doivent effectuer les gens qui travaillent au journal des Débats; c'est particulièrement difficile de reproduire les propos des intervenants lorsqu'ils parlent plusieurs à la fois. Je suis convaincu que tous et chacun d'entre nous considérons que ce que nous disons est important et nous voulons que ce soit reproduit.

Au moment où nous avons suspendu, nous en étions donc au programme 1. Le député de Nicolet-Yamaska avait demandé la suspension de nos travaux, alors je lui accorde la parole immédiatement. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Bédard: Est-ce sur le cas que vous avez soulevé?

M. Fontaine: Non, je n'avais pas l'intention de revenir là-dessus immédiatement.

M. Bédard: Pour en finir sur le cas que vous avez soulevé de certains juges qui, à un moment donné, lorsque des gens sont condamnés, ne condamnent pas aux frais, ce qui fait qu'au bout de la ligne c'est l'Etat qui est obligé de payer...

M. Fontaine: Ce n'est pas exactement le sens de mes paroles.

M. Bédard: ... et que cela peut représenter un certain montant, je pense que là-dessus vous avez raison. Les cas que vous avez soulevés sont, pour le moment, des cas d'exception. Il est évident qu'il ne faut pas que cela devienne une règle générale. On va aviser en conséquence auprès des juges afin de faire certaines représentations.

M. Fontaine: Peut-être que le ministre n'a pas très bien compris le sens de mon intervention. Ce n'est pas moi qui ai soulevé les cas d'exception en question, c'est un fonctionnaire qui a répondu à ma question. Ma question était d'une portée plus générale, mais je suis bien conscient du fait que ces questions ne font peut-être pas partie de cet élément. On pourra peut-être y revenir plus tard, quand j'aurai eu l'occasion de vérifier le document qu'on nous a déposé à la commission, si vous n'avez pas d'objection.

M. Bédard: En tout cas, vous aviez l'air de faire vôtres certaines des représentations qui ont été faites.

M. Fontaine: Oui. Je voulais revenir sur l'élément 1, Formulation de jugements. L'article 13 du projet de loi qui a été déposé sur la charte de la langue officielle dit: Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en français ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée."

Le ministre pourrait-il nous dire s'il y a des statistiques ou si on a fait des recherches au niveau du gouvernement à savoir combien de jugements, au Québec, actuellement, sont rédigés en langue française et en langue anglaise combien de chaque côté — et nous faire savoir si, à la suite de l'adoption de l'article 13 cela occasionnerait des coûts additionnels au ministère de la Justice pour la traduction?

M. Bédard: Sur les statistiques, en toute honnêteté, j'aime mieux que les fonctionnaires répondent.

M. Lalonde: Je n'ai aucune objection à ce que les fonctionnaires viennent donner des réponses précises; c'est tout à fait normal.

M. Bédard: C'est sur des points techniques.

M. Lalonde: Elles vont apparaître, d'ailleurs, au nom du ministre dans la transcription et cela va améliorer la qualité des réponses.

M. Bédard: Je comprends que vous voulez avoir des réponses différentes de celles que vous avez eues cet après-midi. Mais, sur le plan politique, c'est autre chose.

M. Lalonde: Oui, sûrement des meilleures.

M. Bédard: Voici, nous n'avons pas eu, à ce jour, plus de vingt demandes environ de traduction de jugements. Suite à des représentations qui ont été faites par le juge en chef Deschênes de la Cour supérieure, nous avons entrepris, il y a quelques mois déjà, de faire la traduction complète des jugements qui sont rendus en langue anglaise. Alors, c'est le ministère des communications qui a cette responsabilité et tous mes protonotaires et greffiers ont reçu une directive pour envoyer ces jugements à traduire au ministère des Communications qui, conformément à la loi, s'occupe de les traduire.

M. Fontaine: Alors, cela se fait déjà actuellement.

M. Bédard: Cela se fait présentement. Maintenant, ce qui arrive, c'est que, compte tenu du nombre de jugements à traduire et compte tenu également du nombre de traducteurs dont peut disposer le ministère des Communications, nous avons prévu des demandes spécifiques, une façon de les demander spécifiquement, pour être certains de fournir aux gens qui en font la demande la version française du jugement à l'intérieur des délais d'appel.

M. Blank: Vous avez dit conformément à la loi. Quelle loi?

M. Lalonde: La loi 22.

M. Bédard: Oui, qui s'applique encore actuellement.

M. Lalonde: Parce que la loi 22 impose la traduction des jugements.

M. Bédard: C'est cela.

M. Blank: Si on le demande.

M. Fontaine: M. le Président, est-ce que ces traductions qui sont faites sont prises à même les crédits du ministère de la Justice ou à même ceux du ministère des Communications?

M. Bédard: Au ministère des Communications.

M. Fontaine: Merci.

Le Président (M. Clair): Le député de Verchères et, ensuite, le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais demander au ministre s'il a des projets ou s'il a des intentions en vue de corriger la lenteur de l'appareil judiciaire dans certaines cours quant au nombre de remises et aux nombreux délais qui existent.

Peut-être a-t-il également des données sur l'évaluation des coûts qu'entraînent les délais nombreux dans certaines cours, tant au palais de justice de Montréal que dans d'autres palais de justice à travers le territoire du Québec? C'est ma première question, M. le Président.

M. Lalonde: ... y compris pour les services policiers qui, souvent, voient à ce que les policiers soient présents. Et quand cela ne procède pas, c'est de l'argent perdu.

M. Charbonneau: Oui, exactement.

M. Blank: Est-ce qu'on fait une distinction entre les causes civiles et les causes criminelles?

M. Charbonneau: Dans mon esprit, c'était beaucoup plus dans le domaine des affaires criminelles, mais on peut facilement englober...

M. Blank: Dans les causes civiles, il y a moins de délais. C'est difficile d'avoir une remise dans des causes civiles. Cela prend une requête spéciale au juge en chef, et c'est très difficile d'avoir une remise en Cour supérieure. Dans la cour criminelle c'est une autre affaire. Je suis d'accord avec vous. Je plaide une cause demain qui a été intentée au mois de mars l'année passée, une affaire très minime, mais cela a été remis quinze fois, je pense.

M. Charbonneau: Outre les coûts, à mon sens, il y a un problème de protection publique et de justice élémentaire. La protection publique, c'est qu'il arrive souvent, par le nombre de délais, que des prévenus qui, éventuellement, pourraient devenir un danger pour la société, obtiennent des remises en liberté sous caution, d'une part. Par ailleurs, il y a aussi toutes les personnes innocentes qui sont prises dans l'appareil judiciaire. J'ai l'impression que pour tous ces gens, une justice plus accélérée leur éviterait des angoisses, un paquet de problèmes humains, qui sont assez dramatiques pour les gens qui n'ont rien à se reprocher et qui sont traduits devant des tribunaux criminels.

M. Bédard: C'est évident que les lenteurs de la justice, dans certains domaines, devant certaines cours, ne peuvent faire autrement que d'avoir des effets négatifs vis-à-vis les citoyens. Dans certains cas, cela équivaut presque à des dénis de justice.

Il reste quand même qu'il faudrait faire la différence entre le droit ciminel et le droit civil. En ce qui regarde le droit criminel, je crois que les délais, d'une façon générale, sont moins longs. Ce qu'il faut considérer aussi c'est que, souvent, les délais, en matière criminelle, en tout cas, constituent presque des moyens de défense.

M. Lalonde: Avec les options.

M. Bédard: Ensuite de cela avec les options, disons la possibilité pour les prévenus d'opter pour des procès devant jury. Il y a aussi, quand il s'agit de certains cas de premier délit, des avocats, dans l'intérêt même du prévenu, qui demandent certaines remises pour permettre à l'individu qu'ils représentent de faire certaines preuves de réhabilitation qui soient de nature à influencer le tribunal en fonction d'une sentence plus clémente. Ce délai permet au juge...

M. Blank: ... expérience.

M. Bédard: ...d'apprécier jusqu'à quel point durant ce délai le prévenu a pu donner des signes tangibles d'aptitudes à la réhabilitation. En ce qui a trait au droit civil, j'admets que les délais sont plus longs et peuvent avoir des conséquences plus importantes. Concernant les petites créances, il semble que les délais — je parle de délais moyens — pourraient être aux alentours de trois à quatre mois au niveau de la Cour provinciale. Mais cela dépend des districts. Effectivement, je sais que dans le district du Saguenay-Lac-Saint-Jean...

M. Blank: Franchement, sur le côté civil à Montréal, les avocats n'ont aucune plainte.

M. Bédard: ... les délais ne sont pas plus longs qu'il ne faut.

M. Blank: Les causes civiles à Montréal actuellement n'engendrent aucune plainte ni des avocats ni des clients.

M. Charbonneau: ...quant au criminel à Montréal.

M. Blank: Je ne parle pas du criminel. J'en parlerai quand viendra mon tour. Mais, sur les causes civiles, il y a eu une amélioration admirable durant les dernières années.

M. Bédard: Si vous me permettez de donner approximativement ce que pourraient être les délais moyens à l'heure actuelle, c'est qu'au niveau des petites créances cela se situe autour de trois à quatre mois; concernant la Cour provinciale, de six à sept mois; concernant la Cour supérieure, cela varie d'un endroit à l'autre. Il y a des régions, des endroits où cela peut être assez rapide mais cela peut aller jusqu'à des délais de deux ans et même plus. Il est évident qu'à ce moment-là il faut poser des gestes qui soient de nature à diminuer les délais. En ce qui regarde la Cour d'appel, les délais seraient aux alentours d'un an et demi, deux ans et même plus, ce qui constitue des délais importants. Il va falloir essayer d'analyser les principales raisons de ces lenteurs, du point de vue judiciaire. Est-ce l'accumulation des causes?

Est-ce que, pour une bonne part, les demandes répétées de remise de la part des avocats constituent un élément important, quand on parle de la Cour provinciale, de la Cour supérieure...

Une Voix: Cour des sessions.

M. Bédard: ... de la Cour des sessions aussi, mais au criminel. Je pense que les demandes de remise des avocats y sont pour beaucoup. Egalement, peut-être l'oreille attentive des juges devant de telles demandes. Est-ce que vous avez d'autres...

Une Voix: Vous avez les délais moyens, justement.

M. Charbonneau: La deuxième question que je voudrais poser, M. le Président, c'est si on peut déterminer combien d'argent le Québec fournit pour le soutien administratif des tribunaux fédéraux.

M. Bédard: Est-ce que vous faites la distinction entre la Cour fédérale comme telle et les cours dont les juges sont nommés par le gouvernement fédéral mais qui, quand même, oeuvrent au niveau provincial?

M. Charbonneau: En fait, je n'avais pas fait cette distinction et, dans mon esprit, j'avais les cours dont les juges sont nommés par le gouvernement fédéral.

M. Lalonde: Cela comprend la Cour supérieure et la Cour d'appel.

M. Bédard: Ce sont des cours du Québec. Je comprends que les juges sont nommés par le gouvernement fédéral, mais, dans ce sens, il n'y a pas de coûts additionnels.

M. Charbonneau: En fait, il y a des coûts, mais qui sont de la juridiction du gouvernement du Québec. La Cour fédérale, elle...

M. Bédard: La Cour fédérale est complètement à part. Elle a un endroit où elle siège et c'est elle qui paie ce que cela coûte. Dans ce sens, les autres cours, même si les juges sont nommés par le gouvernement fédéral, il reste que, quand même, ce sont des cours du Québec.

M. Lalonde: Pour la Cour fédérale, c'est le gouvernement fédéral qui paie pour tout le soutien administratif.

M. Bédard: Oui. C'est cela.

M. Lalonde: Pour la Cour supérieure, la Cour d'appel, c'est le gouvernement provincial qui paie pour le soutien administratif...

Une Voix: Le salaire des juges est payé par le fédéral.

M. Bédard: Exactement.

M. Lalonde: Le salaire des juges est payé par le fédéral. La question du député de Verchères, c'était: Combien cela coûte? Vous n'avez pas ces statistiques.

M. Bédard: Non. La question du député de... M. Lalonde: ... de Verchères...

M. Bédard: ... Verchères visait à savoir ce que cela nous coûtait, dans le sens que cela pourrait être des choses qui vont être payées par le fédéral. Au niveau du Québec, cela ne nous coûte rien, ce sont les cours du Québec. Maintenant, quel est le coût de ces cours-là...

M. Charbonneau: Au niveau de l'administration des cours fédérales, par exemple.

M. Bédard: ... je pourrais vous le donner, mais je ne l'ai pas.

M. Charbonneau: On déborde le cadre des tribunaux, je pense, quand on parle d'administration des lois fédérales. Il y a des lois fédérales dont certaines applications sont faites par des services policiers québécois.

M. Blank: II y a le Code criminel.

M. Bédard: Oui, mais le Code criminel, c'est de juridiction fédérale.

M. Charbonneau: La loi sur les stupéfiants.

M. Lalonde: Je ne sais pas si le gouvernement a besoin d'aide actuellement parce que je vois un député ministériel poser des questions au ministre et cela n'a pas l'air très clair, la réponse.

M. Bédard: Ce n'est pas la réponse. Je veux savoir exactement ce que veut dire le député de Verchères.

M. Lalonde: Nous sommes prêts à aider le gouvernement, vous savez. Cela me surprendrait, d'ailleurs, que le ministre ait la réponse actuellement, parce que c'est quand même un jeu de statistiques qui n'existent pas, je pense, à savoir ce que cela coûte au gouvernement du Québec pour administrer des lois fédérales. Par exemple, au niveau des juges qu'on nomme, vous avez les juges des sessions de la paix qui administrent le Code criminel, qui sont nommés et payés par le provincial, mais pour administrer des lois fédérales. Le député de Verchères parle de la Loi des aliments et drogues. Vous avez aussi les palais de justice, les secrétaires, les greffiers et tout le reste.

M. Blank: Vous le trouverez dans les comptes nationaux de M. Tremblay.

M. Charbonneau: Peut-être qu'il nous faudrait un bilan économique du fédéralisme dans le domaine de la justice.

M. Bédard: C'est ce que j'ai dit au député de Verchères. Véritablement, on n'a pas de statistiques là-dessus. Que voulez-vous que je vous dise?

M. Lalonde: Est-ce la dernière question du député?

M. Charbonneau: Si vous voulez poser des questions additionnelles, je vous en prie.

M. Lalonde: On a ici dans le programme 1, l'élément 1, formulation de jugements.

M. Blank: Sur la question des remises, sur la question du temps que cela prend pour une cause. Il y a une place où je trouve un peu exagérés les délais, c'est dans le district de Montréal, dans des cas de divorce par défaut ou exparte. Je pense qu'il est un peu irrégulier, car une personne du district de Québec peut voir son cas de divorce exparte ou par défaut entendu dans les 30 jours après signification. A Montréal, cela prend presque un an. Je pense que c'est un peu long.

M. Lalonde: C'est un peu pour encourager la réconciliation.

M. Blank: Oui, peut-être. Mais, quand il y a des enfants qui sont en route, c'est un peu différent. Franchement, il y aurait peut-être moyen d'arranger cela, par d'autres juges ou d'autres cours. Je pense que maintenant il y a deux cours qui siègent chaque jour à Montréal seulement pour entendre des cas exparte ou par défaut.

Cela prend au moins huit à neuf mois avant que la cause soit sur la liste, et à Québec, après les vingt jours de délai vous pouvez vous inscrire en cour de pratique immédiatement. Cela prend deux ou trois jours et vous avez votre cause. Cela c'est la question des divorces.

Dans le domaine criminel...

M. Bédard: Le député soulève un point qui est exact, nous allons essayer de le corriger. Cela n'a pas été fait dans le passé.

M. Blank: J'ai été témoin, au palais de justice à Montréal, dans les causes criminelles, récemment, dans les derniers deux, trois mois, de remises, de remises et de remises, du gaspillage d'argent à cause de la détention des prisonniers de Montréal à Orsainville. La moitié du temps, on a oublié de faire venir les prisonniers d'Orsainville, ou on les oublie à Orsainville, et à Orsainville ils pensent qu'ils sont à Parthenais. C'est tout un mélange. Je ne sais pas si c'est administratif ou quoi, mais j'ai vu des causes et des causes remises. Il y a une cause sur mon bureau qui est bloquée. Elle a été remise une deuxième fois, puis on ne sait pas encore quand cela va revenir. Il y a deux raisons, c'est que le monsieur est la moitié du temps à Orsainville quand il doit être à Parthenais, et quand il est à Parthenais on le demande à Orsainville. Mais aussi, c'est un cas qui prendrait toute une journée pour l'enquête préliminaire et on cherche un juge. Le monsieur est incarcéré maintenant depuis quatre mois et il n'a pas encore eu son enquête préliminaire.

Même si je peux demander au juge de rejeter la plainte, cela ne donne aucune chance parce que la police va l'arrêter le lendemain et il doit recommencer encore le jeu. Je ne blâme pas, il n'y a personne qui l'a fait intentionnellement. Mais suivant ces faits entre Orsainville et Parthenais, moi, je ferais une suggestion au ministre. Juste en face du palais de justice, il y a un stationnement pour les fonctionnaires. Il pourrait construire un centre de détention juste en face du palais de justice, avec un tunnel, on n'aurait pas de problème de transfert. Il y a une vingtaine d'années, quand la police provinciale était dans l'ancien palais de justice, on n'avait pas de problème avec les prisonniers, on les transférait, par le tunnel, de l'ancien au nouveau palais de justice. Depuis la construction de Parthenais, personne n'est satisfait. On a des problèmes de transfert de prisonniers. Si on avait un nouveau centre de détention moderne, efficace, juste en face du palais de justice, il y a assez de place, le gouvernement est propriétaire de ce terrain, on peut construire quelque chose avec un tunnel, on n'aurait pas de problèmes et cela coûterait moins cher pour le gouvernement et ce serait efficace pour les accusés.

M. Bédard: Je comprends que si on faisait suite à la suggestion...

M. Blank: C'est dans le comté de Saint-Louis, à part cela.

M. Bédard: C'est dans le comté de Saint-Louis, à part cela! Si on faisait suite à la suggestion du député, on n'aurait peut-être plus de problèmes de transfert mais, entre-temps, on a quelques problèmes de contingences financières. On va étudier cela.

M. Charbonneau: M. le Président, une question additionnelle sur les délais.

Le Président (M. Clair): Le député de Verchères.

M. Charbonneau: C'est peut-être le domaine que je connais le plus. Est-ce que la situation des délais, à la cour criminelle, au palais de justice de Montréal, est pas mal plus importante que dans les autres districts judiciaires ou si cela se compare?

M. Bédard: A Montréal, aux Sessions de la paix, cela varie de deux mois et demi à treize mois, ce qui n'est pas...

M. Lalonde: Aux assises, est-ce que vous avez la réponse?

M. Bédard: Non. Aux assises criminelles, je regrette, je ne les ai pas. J'ai les Sessions de la paix, j'ai les statutaires, les supérieures civiles, les provinciales civiles, les CSS; les assises criminelles, je ne les ai pas. C'est très court.

M. Lalonde: C'est très court, maintenant? M. Bédard: Oui. Une Voix: Deux mois.

M. Lalonde: II y a beaucoup d'améliorations depuis quelques années là-dedans?

M. Bédard: Oui, dans toute la province. M. Lalonde: C'est depuis le juge Lamer.

M. Bédard: Sommes-nous en train de décerner des médailles?

M. Lalonde: II faut quand même donner le mérite à ceux à qui il revient.

M. Bédard: Je n'ai pas d'objection à cela.

Le Président (M. Clair): Le député de Nicolet-Yamaska, sur le même sujet.

M. Fontaine: Je ne sais pas si je suis à jour mais il y a eu un conflit, à un moment donné, à l'intérieur des cadres intermédiaires, au palais de justice de Montréal, qui causait des délais considérables. Le juge Fabien avait fait une sortie au mois d'avril à ce sujet, est-ce que c'est réglé, le conflit, avec les cadres intermédiaires?

M. Bédard: C'est réglé.

M. Fontaine: Maintenant, concernant les plaintes statutaires, est-ce qu'on peut nous dire s'il y a eu une amélioration dans la rapidité pour entendre les plaintes depuis que ce sont les avocats du ministère qui font les poursuites?

M. Bédard: II semble que cela marche très bien, il n'y a aucun retard, si on veut évaluer par comparaison avec la célérité avec laquelle on procédait auparavant. Nous n'avons eu aucune plainte de ce côté.

Le Président (M. Clair): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Nous avons à l'élément 1, formulation de jugements, $11 377 000 contre, l'an dernier, $11 900 000.

M. Bédard: Voulez-vous préciser l'élément ?

Formulation de jugements

M. Lalonde: L'élément 1. Formulation de jugements. Tout d'abord — j'ai deux questions — qu'est-ce que c'est la formulation de jugements? C'est beaucoup d'argent. Le ministre pourrait-il nous donner les détails de ces budgets et le pourquoi de la diminution d'à peu près un demi-million de dollars entre l'année dernière et l'année courante?

M. Bédard: Cela regarde simplement des traitements de juge. Cette réduction est due au fait que pour l'année 1977/78 les juges qui travaillent pour différentes commissions ou organismes n'ont pas été inclus dans le présent budget; leur traitement est inclus au niveau des budgets des différentes commissions.

M. Lalonde: II y a eu un transfert de traitement?

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalonde: Parlant de traitement de juges, est-ce que le gouvernement a l'intention de prendre une décision concernant le traitement des juges? On sait jusqu'à quel point le Parti québécois s'était opposé à l'augmentation il n'y a pas tellement longtemps. Est-ce que le gouvernement a l'intention de laisser cela tel quel? Va-t-on revenir sur la position prise lors de l'augmentation du traitement des juges, il n'y a pas tellement longtemps?

M. Bédard: Je crois qu'en ce qui a trait au traitement des juges, c'est une situation qui sera réévaluée lorsque nous procéderons à la réorganisation des tribunaux judiciaires. D'ailleurs, si vous vous le rappelez, lors des débats en Chambre, à l'Assemblée nationale à Noël, entre autres, l'opposition du Parti québécois avait toujours été motivée en grande partie par un élément qui faisait qu'on nous présentait en pièces détachées simplement un projet de loi concernant l'augmentation des juges, mais sans que tout cela s'inscrive à l'intérieur d'un cadre général de réorganisation des tribunaux. Je crois que lorsque nous procéderons justement à la réorganisation des tribunaux, c'est un sujet qui sera étudié comme les autres.

M. Lalonde: Maintenant, ces $11 377 500, qu'est-ce que cela comprend à part les traitements

des juges? Est-ce que le ministre pourrait nous donner des détails? Parce que Formulation de jugements, c'est quand même assez large comme description.

M. Bédard: II y a les traitements qui représentent un montant de $9 398 400; primes, allocations et indemnités, $8500, puis il y a les pensions qui représentent $1 500 000, pour le total de $11 690 000, et également les frais de déplacement pour $360 000.

M. Lalonde: Ce sont tous les juges qui sont nommés et payés par le gouvernement provincial, non seulement ceux des Sessions de la paix. De la Cour provinciale aussi?

M. Bédard: Exactement, tous les juges nommés par le gouvernement provincial. Cela comprend également la Cour du bien-être, les juges nommés par la Cour du bien-être.

M. Lalonde: Maintenant, je ne sais pas si, à l'élément 1 il y a encore d'autres questions, je serais prêt à passer à l'élément 2.

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Louis, est-ce que c'était sur l'élément 1?

M. Blank: Non, non. j'ai déjà passé mon message.

Le Président (M. Clair): Le député de Nicolet-Yamaska sur l'élément 1 du programme 1.

M. Fontaine: Puisqu'on a abordé la question des juges, je n'avais qu'une question sur la nomination des juges. Selon le nouveau système, les personnes qui veulent être nommées juges peuvent postuler à un concours, mais on m'a posé la question récemment, à savoir, si pour les juges qui sont nommés dans les régions plutôt éloignées des grandes villes, on va toujours prendre les juges de la région ou si des personnes de l'extérieur peuvent postuler l'emploi.

M. Bédard: Dans la déclaration ministérielle que j'ai faite concernant la mise en application de ce nouveau processus de nomination des juges, j'avais pris soin de mentionner qu'il y aurait certainement une considération particulière pour les régions lorsqu'il s'agirait de nommer des juges à l'intérieur des régions. A partir du moment où il y a des avocats qui ont postulé l'emploi, il me semble que c'est normal que le fait qu'ils appartiennent à une région en particulier où on doit nommer un juge, constitue un facteur important.

M. Blank: Est-ce que vous en avez eu des candidats après vos annonces dans les journaux?

M. Bédard: Je vais vous donner le détail sans vous donner les noms.

M. Blank: Je ne demande pas les noms.

M. Lalonde: Mon nom n'est pas là toujours? M. Bédard: Pas encore.

M. Blank: S'il y a un "blank space", c'est le mien.

M. Bédard: Les jurys sont déjà formés et ils ont commencé leur travail de sélection. Il y a 105 avocats qui ont posé leur candidature pour les neuf postes vacants. Tel que je vous l'ai dit, les comités de sélection sont formés.

M. Blank: C'est le "no fault insurance" qui fait cela.

M. Bédard: Ils commencent leurs travaux au cours des jours qui viennent.

M. Lalonde: Cela fera 96 déçus.

M. Bédard: Le plus important, c'est que cela fasse de bons candidats, de bons juges.

M. Lalonde: Je voudrais poursuivre là-dessus. Le ministre tantôt — et je sais que sa position est inspirée d'un bon motif — a dit...

M. Bédard: Toutes mes positions sont inspirées d'un bon motif.

M. Lalonde: C'est quelque chose que l'Opposition officielle le reconnaisse. Il a dit tantôt que les comités ont été nommés, mais qu'il préfère ne pas les rendre publics. Je me demande si, au nom de la transparence, de la limpidité du gouvernement, il n'y aurait pas lieu qu'il les rende publics. Cela pourrait réinscrire dans tout ce processus le sentiment, l'impression des gens que c'est un peu occulte, ces décisions.

M. Bédard: Imaginez-vous comment c'était avant!

M. Lalonde: On savait que c'était le ministre dans ce temps-là.

M. Bédard: Personne ne voyait rien avant.

M. Lalonde: Le Conseil des ministres, parce que j'espère que le ministre conserve sa liberté entière...

M. Bédard: Le ministre conserve sa liberté entière.

M. Lalonde: ... d'entériner une suggestion de ces comités. Là-dessus, j'avais compris que c'était conservé et cela me rassure parce qu'au fond la responsabilité ministérielle doit demeurer.

M. Bédard: Aucun doute.

M. Lalonde: II y a, par exemple, des jurys dans la fonction publique qui sont appelés à examiner

des séries de candidatures pour toutes sortes de postes. Il n'y a rien de secret là-dedans. Tout le monde sait qui sont les membres du jury. Pour ma part, je leur ferais confiance — si le ministre les a nommés, c'est qu'il a confiance en eux — pour espérer et croire qu'ils seraient tout à fait étanches à des tentatives d'influence. Le fait de dire: Je n'ose pas les nommer maintenant, j'ai l'impression...

M. Bédard: Sur l'opportunité ou non de donner des noms, ce n'était pas une position inflexible.

M. Lalonde: D'ailleurs, j'ai senti que c'était une interrogation.

M. Bédard: Je m'interrogeais au moment où vous m'avez posé la question. Je me demandais jusqu'à quel point, en vous donnant les noms, il y avait un danger de pressions indues auprès de ces personnes. Remarquez que je n'ai pas d'objection de principe à donner les noms.

M. Lalonde: Si le ministre les a choisis, c'est qu'il a confiance en eux. Je pense que c'est leur faire confiance aussi publiquement de ne pas les cacher, pas nécessairement de leur faire une publicité indue, mais de ne pas les cacher.

A ce point de vue, c'est simplement pour être dans la même ligne de pensée que le ministre. Etant donné qu'il a confiance en eux, qu'il leur a demandé de faire ce choix, j'invite le ministre à les rendre publics. C'est une marque de confiance additionnelle à leur égard.

M. Bédard: Remarquez que je l'ai dit, je n'ai pas d'objection fondamentale à donner les noms. Je peux les donner. Je dois vous dire cependant que ce ne sont pas, tel que vous l'avez dit, nécessairement toutes des personnes choisies par le ministre. Ce sont des personnes qui, à un moment donné, ont été recommandées soit par le Barreau ou par les juges en chef.

M. Lalonde: Qui ont été acceptées par le ministre, donc choisies par le ministre mais sur recommandation.

M. Bédard: Je vais vous donner la liste de ceux qui ont à travailler à la sélection. A la Cour provinciale, vous avez un jury formé du juge en chef adjoint, Robert Cliche; M. Yvan Gagnon, bâtonnier à la section de Québec; Mme Jeanne Blackburn, vice-présidente de l'AFEAS de Chicoutimi, représentante du public. Il y a, à la Cour provinciale, M. Allan Begold, juge en chef; Me Pierre Jutras, avocat de Victoriaville; M. Bruno Smith, directeur général adjoint de la Caisse populaire à Saint-Frédéric. Au Tribunal du travail, le juge Jean-Paul Geoffroy, juge en chef; M. Claude Ber-nier, représentant du public; et Me Michel Decary, avocat de Montréal. A la Cour municipale de Montréal, il y a l'honorable Paul-Emile Champagne, juge en chef; Me Serge Ménard, avocat de Montréal; Mme Laurette Robillard, présidente du

Conseil du statut de la femme. Dans les Cours de session de la paix, le juge Guy Guérin; le représentant du Barreau, Me André Brassard; et le représentant du public, M. Jean-Paul Gilbert, membre de la commission des libérations conditionnelles.

M. Blank: Je vois qu'à la Cour municipale, on va peut-être avoir la première femme juge.

M. Lalonde: J'aurais une précision parce que...

M. Bédard: Comme vous pouvez le constater, je pense que ce sont tous des choix de personnes...

M. Blank: Je peux féliciter le ministre pour le choix du jury.

M. Lalonde: Je pense que oui. Je ne les connais pas tous, mais il a dit pour la Cour provinciale, le juge Robert Cliche, M. Yvan Gagnon, Mme Jeanne Blackburn, de Chicoutimi, il y a beaucoup de bon monde à Chicoutimi. Ensuite, il a répété pour la Cour provinciale...

M. Blank: ... pour Montréal et l'autre pour Québec.

M. Bédard: C'est parce qu'il y a le district d'appel de Québec et il y a le district d'appel de Montréal. C'est cela.

M. Lalonde: Ah bon! c'est pour les deux districts.

Le Président (M. Clair): Le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je suis un peu profane en la matière et le ministre me ramènera dans la bonne voie s'il juge que ma question est impertinente. Devant la question du député de Marguerite-Bourgeoys et la réponse du ministre, la question qui me vient à l'esprit est la suivante: N'y aurait-il pas lieu également, étant donné l'importance des juges dans une société, et le fait que ces gens-là soient hautement considérés dans la société, dans le milieu, que le nom des candidats soit rendu public? Il y a peut-être des objections qui ne me viennent pas à l'esprit.

M. Lalonde: Avant que le ministre réponde, est-ce que je peux vous donner une objection que le ministre va vous donner?

M. Bédard: Là-dessus, je dois vous dire que j'ai une objection fondamentale à donner les noms des candidats.

M. Blank: Les 90 qui ne sont pas choisis perdent leur clientèle.

M. Lalonde: Le ministre m'a...

M. Bédard: Si vous permettez, l'une des raisons principales, c'est que la plupart des candidats offrent leurs services d'une façon confidentielle. Je pense que c'est normal, c'est leur droit, et c'est comme cela dans la fonction publique. Et je crois qu'il est indiqué de ne faire connaître que ceux qui, effectivement, seront nommés.

M. Lalonde: Je vais accepter cette raison du ministre. Lorsque j'avais demandé, dans une question au feuilleton, le nom de tous les candidats qui s'étaient rendus disponibles pour les nouveaux programmes d'avocats et de notaires, le ministre m'a donné seulement le nom de ceux qui ont été choisis.

Le ministre m'a donné privément l'explication, disant qu'il y a des avocats qui perdraient leur "job" si c'était su qu'ils s'étaient présentés à une autre fonction, et j'ai accepté d'emblée.

M. Charbonneau: N'étant pas avocat et comprenant les discussions d'avocats, cela me fait plaisir de me renseigner.

M. Lalonde: Je suis d'accord avec le ministre là-dessus.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Concernant encore les juges, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il entend aborder bientôt une réforme plus globale du système judiciaire, comme l'organisation du travail des magistrats, l'établissement de règles de déontologie, la mise au point de critères pour la révocation des juges, leur recyclage et leur perfectionnement? Est-ce qu'il y a quelque chose de prévu prochainement?

M. Bédard: Non. Tous ces sujets sont importants et il faudra les analyser. Je crois que cela s'inscrit à l'intérieur du cadre de la réorganisation des tribunaux judiciaires. Je ne vous dis pas qu'on aura trouvé une réponse à tous les sujets qui ont leur importance et que vous mentionnez, mais il est évident qu'on devra faire une analyse en profondeur de chacun de ces sujets. Si nous ne sommes pas prêts à donner des solutions dans chaque cas, nous le dirons.

M. Lalonde: Je n'ai pas entendu totalement la question du député. Est-ce que cela comprenait aussi le code d'éthique de la magistrature qui est dans le programme du Parti québécois?

M. Bédard: Oui.

M. Lalonde: Cela comprend cela, aussi?

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Clair): L'élément 1 du programme 1 sera-t-il adopté?

M. Lalonde: Adopté.

Le Président (M. Clair): L'élément 2.

Soutien administratif aux cours de justice

M. Lalonde: L'élément 2, M. le Président, comprend $40 millions. Je pense qu'on est en devoir de demander au ministre quels sont les détails de ces sommes d'argent, sous le soutien administratif aux cours de justice.

M. Bédard: II y a les traitements, qui représentent une somme de $31 547 200; autres rémunérations, $2 232 100; communications, $638 800; services, $3 766 400; entretien et réparations, $28 100; loyers, $552 400; fournitures $1 134 900 et autres dépenses, $52 500.

M. Lalonde: M. le Président, on voit une augmentation...

M. Bédard: II y a aussi matériel et équipement, $170 800, et c'est tout, ce qui fait un total de $40 123 200.

M. Lalonde: On voit une augmentation de $36 500 000 à $40 123 000.

M. Bédard: Cela, c'est une augmentation...

M. Lalonde: J'imagine qu'une bonne partie de ces augmentations est due aux traitements.

M. Bédard: Cela est dû, d'une part, à la mise en application des conventions collectives qui nécessitera, au cours de 1977/78, des crédits additionnels de l'ordre de $2 328 000. Il y a également l'accroissement du nombre d'employés en place qui nécessitera des déboursés additionnels de l'ordre de $562 900. Il y a les crédits requis pour les 45 postes additionnels accordés en vue de répondre à l'augmentation du volume de travail, ce qui représente une somme de $325 000. Il y a les crédits additionnels requis pour les personnes qui prendront leur congé de préretraite, ce qui représente $33 900. Il y a également l'utilisation d'agences de sécurité pour la garde des palais de justice et des jurés lors des assises criminelles, ce qui entraînera des déboursés additionnels de l'ordre de $247 000, et d'autres augmentations et diminutions qui représentent une somme de $61 700.

M. Lalonde: M. le Président, il y a $31 millions de traitements là-dedans. Est-ce que le ministre pourrait nous décrire quels sont ces employés? Est-ce que ce sont tous les employés des palais de justice, greffiers, secrétaires, etc.?

M. Bédard: Tous les employés au niveau de chacun des palais de justice. Est-ce que vous voulez des détails additionnels?

M. Lalonde: Non, pas tous les noms mais c'est seulement...

M. Bédard: Non, sûrement pas.

M. Lalonde: C'est seulement les palais de justice?

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalonde: Personne n'est inclus là-dedans au ministère de la Justice. Sauf peut-être ceux — je vois des signes que oui en arrière de vous — qui sont directement impliqués, intéressés dans ce programme.

M. Bédard: Une quarantaine de personnes au niveau de la Direction générale des greffes qui est au ministère de la Justice.

M. Le Président (M. Clair): Le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je n'ai pas beaucoup de questions, sauf que — je ne sais pas si cela peut entrer là-dedans — il y a un problème qui est assez important dans l'administration de la justice, qui est celui des témoins. Je ne sais pas si on a envisagé prochainement de donner une augmentation aux témoins qui viennent témoigner en cour, surtout au pénal.

M. Bédard: Je peux vous dire qu'en ce qui regarde les témoins et les jurés on est conscient que les montants ne sont pas suffisants. Je peux vous dire que nous avons fait des recommandations afin que ces montants soient augmentés, afin d'avoir des crédits additionnels qui nous permettent de les augmenter.

M. Fontaine: Cela n'est pas prévu dans des crédits présentement?

M. Bédard: Non.

M. Le Président (M. Clair): Le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, est-ce qu'il serait possible de savoir combien d'agences de sécurité traitent avec le gouvernement pour la garde des palais de justice? Quelles sont ces agences de sécurité?

M. Bédard: Je n'aurais pas la réponse...

M. Charbonneau: Est-ce que...

M. Bédard: Au cours de l'étude des crédits, on fournira ces réponses.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Clair): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ... puisqu'on est encore au programme 1, est-ce que le ministre a des disposi- tions à proposer, concernant la disparition progressive des Cours municipales au profit des Cours des sessions de la paix en matière criminelle et de la Cour provinciale en matière civile?

M. Bédard: Là-dessus, quoi qu'il se fasse, cela doit se faire, d'abord, sur une base volontaire. J'ai mentionné, ce matin, qu'il y avait une expérience pilote qui se faisait au niveau de Longueuil. Nous allons analyser ce que peut donner cette expérience pilote. Je crois qu'il y aurait avantage à ce qu'une telle intégration se fasse. Je suis conscient quand même des difficultés que cela peut amener. Je crois qu'il y a lieu, pour le moment en tout cas, d'attendre et d'évaluer l'expérience pilote qui se fait à Longueuil.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre favorise le transfert de ces responsabilités en matière criminelle de la Cour municipale à la Cour des sessions de la paix? Je pense plus particulièrement à Montréal.

M. Bédard: Je pense avoir été clair tout à l'heure en disant que je favorisais cette intégration.

M. Lalonde: Je n'étais pas sûr d'avoir compris. Vous favorisez ce transfert.

M. Bédard: Maintenant, je conditionnais une prise de position défénitive aux résultats de l'expérience pilote qu'on fait à Longueuil. Je suis conscient du fait que ce n'est pas une chose qui peut se réaliser du jour au lendemain.

M. Lalonde: Dans quel district judiciaire le ministre prévoit-il des problèmes, à part Montréal? Est-ce qu'il y a plusieurs districts judiciaires où ces transferts pourraient créer des problèmes? On a l'expérience pilote de Longueuil.

M. Bédard: Nous avons eu certaines demandes de la part de municipalités qui seraient prêtes à procéder et même à favoriser ce transfert, cette intégration. Il y a d'autres municipalités qui s'y opposent carrément. Je crois qu'il y aura lieu de réévaluer cela de concert avec le ministère des Affaires municipales.

Le Président (M. Clair): Le député de Verchères.

M. Charbonneau: Une petite question, M. le Président. Est-ce qu'il existe des statistiques sur l'efficacité de la garde des dossiers dans les différents palais de justice? Je pourrais peut-être poser ma question à l'inverse. Je me rappelle qu'il y a eu à quelques reprises des incidents où on rapportait des disparitions de dossiers dans différents greffes de palais de justice. Est-ce que vous pouvez nous dire si, au cours d'une année, cela se produit fréquemment? De quelle importance peuvent être les disparitions de dossiers, ou les disparitions de documents à l'intérieur des dossiers aux greffes, ou est-ce occasionnel?

M. Bédard: Des disparitions de dossiers, c'est extrêmement rare. Ce qui peut se produire à l'occasion, c'est que des dossiers soient mal classés. Dans les endroits à gros volume, nous avons des codes de couleurs pour les chemises, ce qui évite justement de mal classer des dossiers.

M. Lalonde: Ce ne sont pas des disparitions, ce sont des égarements?

M. Charbonneau: C'est ce qui existe, malgré tout, je pense bien...

M. Bédard: C'est du mauvais classement.

M. Lalonde: ... des cas exceptionnels où c'est une disparition, mais, à ce moment, c'est voulu, c'est provoqué.

M. Charbonneau: Oui, j'imagine bien.

M. Lalonde: Grâce à un complot ou à une conspiration quelconque.

M. Charbonneau: Sans doute.

M. Lalonde: A ce moment, j'imagine que le ministre de la Justice ordonne des enquêtes.

M. Charbonneau: J'ose l'espérer.

M. Bédard: II n'y a aucun doute là-dessus. S'il y a des cas de cette nature, vous me les signalerez.

Le Président (M. Clair): L'élément 2, du programme 1 est-il adopté?

M. Lalonde: Adopté.

Tribunal de l'expropriation

Le Président (M. Clair): Adopté. Elément 3 du programme 1.

M. Lalonde: M. le Président, l'élément 3, c'est le Tribunal de l'expropriation. Il n'y a à peu près pas d'augmentation. Est-ce que le ministre pourrait nous dire quelles sont les prévisions pour l'année courante des travaux du Tribunal de l'expropriation? Naturellement, le Tribunal de l'expropriation n'est occupé qu'en fonction des expropriations qui sont faites plus particulièrement par le pouvoir public. Est-ce que des lignes ont été tracées? Est-ce que cela va diminuer? Est-ce que cela va augmenter? Quels sont les problèmes particuliers auxquels fait face ce tribunal actuellement?

M. Bédard: II n'y a pas de problèmes vraiment particuliers auxquels a à faire face le Tribunal de l'expropriation. Je sais que cela procède avec beaucoup de célérité; en ce qui regarde Québec, les délais sont très courts, Montréal également. Cependant, il y a à signaler d'une façon tout à fait particulière le fait que certains jugements retardent beaucoup trop et que nous espérons que cette situation se corrigera.

M. Lalonde: M. le Président, le juge — je me pensais devant le prétoire — pardon, le ministre vient de parler des jugements qui retardent trop. C'est un sujet assez délicat.

M. Bédard: Qui est très délicat, mais c'est une constatation qu'honnêtement je dois faire.

M. Lalonde: Je ne veux pas embarquer le ministre là-dedans, pas du tout, parce que je sais jusqu'à quel point...

M. Bédard: Ce sont des cas très particuliers.

M. Lalonde: Non, je sais que le ministre est assez courageux de le mentionner. Maintenant, est-ce que le ministre a pensé à des dispositions spéciales? Est-ce que la loi lui donne certains pouvoirs?

M. Bédard: Vous savez que mes pouvoirs sont très limités là-dedans.

M. Lalonde: Est-ce que la persuasion lui permettrait de corriger cela?

M. Bédard: Je m'en arroge un, c'est de le dire.

M. Lalonde: Est-ce que ce défaut dans le prononcé des jugements est généralisé ou si c'est exceptionnel?

M. Bédard: C'est exceptionnel, je dirais même très exceptionnel.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre a pu déceler des raisons? Est-ce une question de santé de quelques juges qui sont en charge? Est-ce que c'est une question de complexité des cas?

M. Bédard: J'aimerais mieux ne pas élaborer. Je sais que, dans certains cas, la transcription judiciaire a retardé beaucoup, mais pas à un point tel qu'on ne serait pas en mesure de souhaiter que les cas exceptionnels se résolvent le plus rapidement possible.

M. Lalonde: Avant de féliciter le ministre pour sa déclaration, est-ce que je pourrais lui demander quels sont ces délais? Est-ce six mois, un an ou un an et demi?

M. Bédard: Vous avez un regard interrogateur qui a l'air de le savoir.

M. Lalonde: Quand on a plaidé quinze ans devant des cours, on ne pose jamais des questions sans savoir les réponses.

M. Bédard: Le délai normal à Québec, c'est de deux ou trois mois, ce qui est très raisonnable. A

Montréal, c'est de trois ou quatre mois, ce qui est très raisonnable aussi, sauf les cas exceptionnels dont je vous ai parlé tout à l'heure.

Dans un cas, il y a un délai de plus d'un an, puis dans l'autre cas, c'est de deux ans.

M. Lalonde: J'espère que le message du ministre sera entendu.

M. Bédard: Je l'espère aussi.

Le Président (M. Clair): Le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je comprends que le Tribunal de l'expropriation entend des causes et rend des jugements qui, en moyenne, semble se rendre assez rapidement. Je voudrais demander au ministre de la Justice si, d'un autre côté, lorsque arrive le temps de verser les indemnités suite à ces jugements, il n'y aurait pas eu des rencontres avec le ministre des Finances. Dans mon comté, à différents endroits, on m'avise que le paiement des indemnités prend beaucoup de retard. Est-ce que le ministre de la Justice aurait eu des discussions à ce sujet avec le ministre des Finances?

Une Voix: Ce serait très nouveau!

M. Fontaine: D'ailleurs, je pense que le gouvernement doit verser des intérêts là-dessus.

M. Bédard: Je n'ai pas eu de conversation particulière soit avec le ministre des Transports ou le ministre des Finances. Cela relève en grande partie du ministre des Transports.

M. Fontaine: Est-ce qu'il y aurait possibilité que le ministre puisse avoir une conversation sérieuse avec ses confrères à ce sujet?

M. Bédard: Je prends note de la suggestion. M. Fontaine: C'est tout.

Le Président (M. Clair): L'élément 3 du programme 1 sera-t-il adopté?

M. Lalonde: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté. Programme 2. M. le ministre, avez-vous des commentaires généraux?

M. Bédard: Bien. Une Voix: Adopté.

M. Lalonde: II faut me prendre plus tard pour que je ne sois pas là.

Protection des droits et libertés de la personne

M. Bédard: En ce qui a trait aux commentaires généraux, l'année financière 1977/78 marque le début de l'existance du programme 2, Protection des droits et libertés de la personne. Ce programme se divise en deux éléments, soit l'élément 1, pour la Commission des droits et libertés de la personne, et l'élément 2, comité pour la protection de la jeunesse, lequel d'ailleurs, faisait partie du programme 3, élément 1, en 1976/77.

Les variations aux crédits de 1977/78 par rapport à 1976/77, je pense qu'il serait peut-être indiqué qu'on procède par élément.

Le Président (M. Clair): Nous débuterons avec l'élément 1. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Avant qu'on commence à étudier le programme 2, puisque la Commission des droits de la personne n'existe que depuis très peu de temps et qu'elle n'a pas encore eu l'occasion de déposer un rapport annuel — je pense qu'elle s'apprête à le faire prochainement— et du fait que nous ne connaissons pas le bilan de ses activités concernant le nombre de plaintes, les lacunes dans la loi, les réussites obtenues et les déficiences dans le fonctionnement de la commission, les effectifs de la commission, n'y aurait-il pas lieu, avant d'aller plus loin dans l'étude du programme, étant donné que le président de la commission est ici, qu'il puisse nous faire un bilan général de la dernière année financière avant de passer à l'étude de chacun des éléments?

M. Lalonde: L'Opposition officielle appuie cette demande.

M. Bédard: Effectivement, comme vous le savez, la Charte des droits et libertés de la personne est entrée en vigueur le 28 juin dernier. Dans notre premier rapport annuel, qui est déjà entre les mains de l'Editeur officiel et qui, normalement, devrait être publié au début de juin, évidemment, nous soumettons des réponses à peu près à toutes les questions qui nous ont été soumises il y a quelques instants.

Grosso modo, la commission compte 60 postes, en réponse à une question précise. Au total, j'entends le personnel professionnel de cadre, de soutien, etc., et nous avons, pour le moment, un bureau principal à Montréal et un bureau dans la ville de Québec conformément, d'ailleurs, à la loi. Bien sûr, au personnel s'ajoutent les commissaires qui sont au nombre de onze; évidemment, seulement deux, actuellement, sont à temps plein, le président et le vice-président.

De juin au 31 décembre, puisque, conformément à la loi, le rapport annuel devait couvrir cette période qui se termine le 31 décembre, nous avons reçu, comme nous vous l'indiquerons, quelque 2000 demandes de tout genre.

Cela peut être aussi bien des demandes de renseignements que des demandes d'information. Cela peut être des demandes d'aide, par exemple, pour organiser un colloque ou pour avoir un programme d'éducation dans les droits de la personne, dans des écoles, dans des organismes de tout genre. Bien sûr, il y a aussi toutes sortes d'autres interventions, des études de cas, des enquêtes qui nous sont demandées.

Nous avions, dans les six premiers mois, entre 151 et 160 dossiers d'enquête ouverts. Tout ceci va croissant, puisque nous avions jugé opportun de profiter de l'été pour roder un petit peu la machine, si je peux dire, parce que, dans le domaine des droits de la personne, il n'existait pas préalablement beaucoup de professionnels ou de gens habitués à s'adonner aux différentes activités professionnelles.

Nous avons commencé, donc, sans publicité ou avec une possibilité bien minimale, d'autant plus que, comme tout le monde parlait à l'époque des Olympiques, toute publicité eût été plus ou moins inutile. C'est à l'automne que nous avons un petit peu accentué la question publicitaire avec des conférences de presse, aussi bien à Montréal qu'à Québec, et maintenant nous avons couvert l'Abitibi, le Bas-du-Fleuve, la Gaspésie, etc.

Je vous donne une idée. Si au point de départ, en juillet, le premier mois, nous avions 124 demandes, en mars dernier, par ailleurs, nous en avions 900. Il y a une courbe croissante qui est rattachée à la publicité, pas à la publicité je n'aime pas le mot, mais à l'information que nous transmettons aux gens, leur faisant savoir qu'il s'agit de droits et non de privilèges. Mon Dieu, actuellement, je le regrette, dans les six premiers mois, c'est inévitable et normal, près de 90% des demandes nous viennent des régions de Montréal et de Québec, ce qui veut dire qu'il n'y a à peu près que 10% des demandes qui nous viennent d'autres régions.

Cela se divise également entre hommes et femmes, ceux qui s'adressent à nous; à peu près 50% sont des hommes et 50% sont des femmes. Au point de vue linguistique, à peu près 80% s'adressent à nous en langue française et 20%, en langue anglaise. Cela ne veut pas dire, qu'il s'agit dans tous les cas de gens d'origine anglaise, d'origine française. Il y a des groupes ethniques qui s'adressent à nous en français ou en anglais. Alors, grosso modo c'est ceci. Ensuite, quant aux plaintes ou aux études de cas, aux enquêtes, les principaux secteurs sont les suivants: D'abord les plaintes portent principalement dans le domaine du travail. Près de 50% de nos enquêtes concernent la discrimination dans le secteur du travail, ensuite dans le secteur du logement et différentes autres raisons subséquemment. Si cette fois on ne parle pas de secteurs mais de motifs de discrimination, 50% invoquent la discrimination basée sur le sexe, en tout cas dans les six premiers mois, alors que 20% invoquent la race; 13%, les convictions politiques, etc. Cela, en décroissant.

Donc, en deux mots, dans le secteur du travail, discrimination invoquée surtout par les femmes; c'est une courbe significative dans notre travail. Alors, en gros ce sont des statistiques que je vous ai livrées. J'ignore si vous voulez davantage de renseignements, combien de temps vous voulez que je parle, moi je suis à votre disposition.

M. Fontaine: Est-ce que vous avez des recommandations à faire?

M. Bédard: Ces recommandations, voici où vous allez les retrouver. Nous allons déposer à l'Assemblée nationale, aussitôt que l'Editeur officiel l'aura terminé, ce rapport qui est intitulé: Un défi de justice pour tous.

Dans la première partie nous formulons un certain nombre de recommandations concrètes concernant des amendements possibles à la charte.

M. Lalonde: Avez-vous eu plusieurs demandes d'avis, au ministère de la Justice, depuis que vous êtes en fonction?

M. Bédard: J'ai fait une demande d'avis juridique concernant le financement des partis. D'ailleurs, c'était à la suggestion du leader de l'Opposition officielle. C'est la seule demande, en ce qui me regarde, que j'ai formulée à l'intention de la Commission des droits de la personne, sachant que la commission peut de son chef émettre des avis lorsqu'elle le juge à propos. Entre autres, la commission nous a fait savoir qu'elle désirait venir se faire entendre lorsque la commission parlementaire sur le projet de loi no 1 siégerait.

M. Lalonde: Le no 1 ou le no 2? Les deux?

M. Bédard: Le no 1. Nous faisons une recherche, la commission s'est déjà réunie, elle va se réunir à nouveau. C'est un dossier hautement complexe et délicat.

M. Blank: Le projet de loi no 1 ou le no 2?

M. Bédard: Le numéro 1. Nous rendrons assurément notre avis public. Est-ce qu'on ira en commission parlementaire? Je pense que c'est une question de modalité.

M. Lalonde: Je pense qu'il y a un certain problème pour une régie gouvernementale, quoique la Commission des droits de la personne prenne une certaine distance vis-à-vis du gouvernement de par la nomination de ses membres et tout, à comparaître devant une commission, quoique nous le souhaiterions. Est-ce que le président de la commission pourrait nous indiquer — je ne sais pas s'il peut le faire — dans quel sens vont ses recommandations? Je ne veux pas l'inviter à donner tous les détails, mais est-ce que c'est dans le sens de l'augmentation des droits ou de la diminution de ce qui est contenu actuellement dans la charte?

M. Bédard: M. le Président, question de règlement. Je crois qu'il est indiqué de ne pas commencer un débat qui doit avoir lieu en commission parlementaire où nous aurons l'occasion de nous exprimer amplement sur le sujet. On en est quand même au stade de l'étude des crédits. La commission, tel que nous le dit son président, en est au stade de l'étude.

M. Lalonde: Si je peux interrompre le ministre, ce n'est pas du tout sur la question de la loi no 1, c'est simplement que le président...

M. Bédard: Concernant les recommandations, bien oui, c'est cela.

M. Lalonde: ...a dit que son rapport contenait certaines recommandations.

M. Bédard: Je trouve que c'est prématuré. Je vous le dis, question de règlement, je trouve que c'est prématuré de demander dans quel sens vont les recommandations. Je pense que c'est un privilège de la commission de faire connaître ses recommandations en temps opportun.

M. Fontaine: M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska, sur la question de règlement?

M. Fontaine: M. le Président, sur la question de règlement, je pense que le président de la commission a dit tout à l'heure qu'il devait soumettre son rapport au 31 décembre 1976.

M. Bédard: Pas le soumettre. Cela couvrait cette période.

M. Fontaine: Donc, l'année financière se terminait à cette période. Je pense que c'est tout simplement une question de rédaction qui l'empêche de nous soumettre aujourd'hui les conclusions de son rapport. Je pense qu'il serait d'ordre public de connaître les recommandations que la commission peut faire.

Le Président (M. Clair): Sur la question de règlement, je pense qu'on pourrait, pour autant que je suis concerné, trancher immédiatement dans le sens suivant: Les questions sont toujours adressées au ministre via le président. Il est généralement reconnu qu'en commission parlementaire, même lors de l'étude des crédits d'un ministère, si on invite des présidents de commission à venir se faire entendre, les questions ne leur sont pas adressées directement, mais sont adressées au ministre concerné via le président. Je crois comprendre que la question, même s'il ne m'appartient pas de décider du bien-fondé de cette question, a reçu la réponse du ministre. A ce moment-là je ne vois pas pourquoi on continuerait le débat. Je pense que le ministre a fait connaître sa réponse.

M. Lalonde: M. le Président, on est encore sur la question de règlement.

Si le ministre a permis au président de la commission de venir donner des détails, des indications très précises sur son rapport qui n'est pas encore publié, je ne vois pas pourquoi il musellerait tout à coup le président en ce qui concerne...

M. Bédard: Question de règlement, soyez donc honnête. Il n'est pas question de museler.

M. Lalonde: J'ai le droit de parole.

Le Président (M. Clair): M. le ministre, s'il vous plaît! A l'ordre! Je voudrais simplement vous rappeler ce que je vous signalais au début de la séance. Pour le bénéfice du journal des Débats, je vous demande de parler seulement un à la fois, tant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, s'il vous plaît.

Le député de Marguerite-Bourgeoys sur une question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, j'étais donc en train de dire que je ne vois pas pourquoi le ministre tenterait d'empêcher le président ou, enfin, lui-même refuserait de le faire, puisque — là, vous avez raison et je concours avec votre décision — c'est au fond le ministre qui répond par la voix du président de la commission dans ce cas-ci, alors qu'il a déjà permis au président de la Commission des droits de la personne de donner plusieurs détails de son rapport qui sera rendu public. D'autant plus que l'article 68 de la Charte des droits et libertés de la personne prévoit que "la commission doit, au plus tard le 31 mars de chaque année — je ne fais aucun reproche à la commission de ne pas l'avoir fait au 31 mars, parce qu'on sait jusqu'à quel point surtout le premier rapport est assez complexe à faire — remettre au président de l'Assemblée nationale un rapport de ses activités". Ce n'est même pas au ministre de la Justice qu'il est remis. Le ministre n'a aucun contrôle sur ce rapport; il appartient au président. Je ne vois pourquoi on ne pourrait pas, pour le bénéfice de tous les membres de cette commission, tant du côté ministériel que de notre côté, donner une indication sur le sens des recommandations qu'il entend faire dans son rapport.

Le Président (M. Clair): Sur la question de règlement, le ministre.

M. Bédard: II faudrait bien comprendre, ne pas essayer, encore une fois, de faire de la démagogie ou de fausses interprétations. Je n'ai pas dit que le ministre avait un droit spécial sur le rapport qui doit être fourni par la commission. En aucune façon, je n'ai dit cela. Le représentant de l'Opposition officielle le dit lui-même: La commission doit faire rapport au président de l'Assemblée nationale. Je pense qu'il donne, à ce moment-là, à mon sens, l'argument majeur qui fait que ce n'est pas à la commission parlementaire de la justice, que ce soit à l'étude des crédits ou à toute autre occasion, que le président doit faire son rapport, mais au président de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson m'avait demandé la parole sur la question de règlement.

M. Johnson: Le député d'Anjou, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Le député d'Anjou.

M. Fontaine: II était assis de ce côté-ci, d'ailleurs, tout à l'heure.

Le Président (M. Clair): C'est sûrement ce qui a entraîné la confusion.

M. Johnson: M. le Président, j'ai l'impression à un moment donné qu'il y a eu un quiproquo. Est-ce que le député de Marguerite-Bourgeoys demandait au président de la Commission des droits de la personne d'évoquer le côté de sa recommandation ou de son opinion au sujet de la loi no 1 ou parlait-il de son rapport?

M. Blank: C'est sur cela que le ministre a fait erreur.

M. Lalonde: Non pas du tout, non.

M. Bédard: Non, je n'ai pas pensé cela. Ne nous mêlons pas. On a posé des questions pour savoir dans quel sens allaient quelques-unes des recommandations qui pouvaient être contenues à l'intérieur du rapport qui doit être déposé. Sur la question de règlement, je crois que la Commission des droits de la personne se doit de faire rapport au président de l'Assemblée nationale et non à la commission parlementaire de la justice. C'est tout. C'est loin de vouloir museler qui que ce soit.

M. Blank: Oui, le but de ce rapport, c'est de nous aider pour l'étude des crédits. Normalement, suivant l'article 68 de la charte, cela doit être déposé le 31 mars. C'est la raison pour laquelle la date est fixée.

M. Bédard: Oui, mais peu importe que la date soit dépassée, il reste que c'est très clair qu'il doit faire rapport au président de l'Assemblée nationale.

M. Blank: Le gouvernement prétend être transparent, qu'est-ce qu'il a à cacher? S'il doit être publié d'ici une dizaine de jours, je ne comprends pas.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Vous voulez dire que vous ne voulez pas comprendre.

M. Blank: Je ne comprends pas.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Demandez-lui s'il croit qu'il doit donner son rapport en premier lieu au président de l'Assemblée nationale. Si le président croit que non et s'il veut nous en livrer le contenu, c'est sa responsabilité.

Le Président (M. Clair): Je me répète. Il m'apparaît que les questions en commission parlementaire ne peuvent pas être adressées que, via le président, au ministre concerné.

Jusqu'à maintenant, à ma connaissance, le président de la Commission des droits de la per- sonne a toujours demandé l'assentiment du ministre pour répondre à une question, ce qui est tout à fait normal. Je pense que, en réponse à la question posée par le député de Marguerite-Bourgeoys, le ministre a répondu: Si cette question ne satisfait pas le député de Marguerite-Bourgeoys, malheureusement, je pense que ce n'est pas par une question de règlement qu'on pourrait forcer le ministre à ...

M. Lalonde: ... répondre...

Le Président (M. Clair): ... répondre autre chose que ce qu'il a répondu. Il est maître de sa réponse.

M. Lalonde: M. le Président, je prends donc acte du fait que le ministre ne veut pas répondre.

M. Bédard: M. le Président, pour qu'il n'y ait pas de fausse interprétation, ce n'est pas un refus de répondre, c'est que je crois que sur la question de règlement, le président doit acheminer son rapport, en tout premier lieu, au président de l'Assemblée nationale. C'est une commission qui relève de l'Assemblée nationale. Maintenant, pour que ce ne soit pas interprété de quelque manière que ce soit comme un refus, je laisse la parole au président de la Commission des droits de la personne, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Je pense que j'ai tranché la question déjà. Il ne s'agit pas...

M. Fontaine: M. le Président, je pense que vous devez laisser à tous les opinants qui veulent prendre la parole sur la question de règlement la chance de s'exprimer.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska, j'ai entendu. Je suis suffisamment informé pour vous faire connaître la décision que je vous ai fait connaître tantôt, et je donne la parole immédiatement au député de Marguerite-Bourgeoys pour continuer sur l'élément 1 du programme 2.

M. Lalonde: M. le Président, après votre décision, j'ai entendu le ministre offrir à la commission que le président de la Commission des droits de la personne dise ce qu'il en pense.

M. Bédard: Oui. Pour faire suite à votre question, je prends cette précaution, de peur — comme c'est votre habitude d'interpréter faussement, en fait, une question de règlement...

M. Lavoie: Vous n'avez pas le droit de me prêter des intentions comme celle-là.

M. Bédard: Je vous en prête là-dessus. M. Lalonde: M. le Président...

M. Bédard: Je fais plus que vous les prêter, je vous les donne.

M. Lalonde: ... j'ai encore la parole, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Puisque le ministre dit qu'il ne refuse pas, mais enfin, fait défaut de répondre à nos questions concernant les recommandations, si ce n'est pas un refus, c'est une absence, enfin, de réponse.

M. Bédard: Gardez votre interprétation.

M. Lalonde: Oui, mais, enfin, j'ai le droit d'exprimer mon interprétation.

M. Bédard: Vous nous donnez raison, c'est incroyable!

M. Lalonde: Vous n'êtes peut-être pas d'accord mais, quand même, on verra!

M. Bédard: D'accord!

M. Lalonde: La transparence et la limpidité sont peut-être de ce côté-ci, non pas de l'autre côté.

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais demander...

M. Bédard: Quelle transparence?

M. Lalonde: ... au ministre, sur la question plus particulière qui intéresse beaucoup de Québécois actuellement, le projet de loi no 1, s'il a l'intention — et je reconnais que c'est une répétition d'une question que j'ai posée à l'Assemblée nationale — de consulter la Commission des droits de la personne, s'il s'est ravisé et s'il a changé d'idée à ce propos.

M. Bédard: Non, je n'ai pas changé d'idée, je réfère le député à la réponse que je lui ai donnée en Chambre cette semaine. Le gouvernement a émis son opinion, c'est notre conviction que nous procédons d'une façon juridique et législative, une façon qui est indiquée. Maintenant, j'ai bien mentionné que la Commission des droits de la personne avait le droit d'émettre des opinions et qu'elle a le droit de différer, c'est évident, d'opinion avec ce que nous avons pu exprimer, et qu'à ce moment, nous verrons.

Le Président (M. Clair): M. le député de Verchères, une question additionnelle.

M. Charbonneau: Est-ce qu'on pourrait demander au président de la Commission des droits de la personne, via le ministre, si, comme on a semblé le croire dans certains milieux, notamment dans l'Opposition officielle, l'opinion de M. Cham- pagne était l'opinion générale et officielle de la Commission des droits de la personne?

M. Bédard: Je tiens à dire que la commission a déjà dit ouvertement qu'elle n'avait été sollicitée d'aucune façon sur ce sujet, et qu'elle n'avait pris, à ce jour, aucune position.

Je pense que, dans le cas auquel vous vous référez, M. Champagne aurait été consulté à titre personnel. Donc, à la commission, on ne peut lui imputer aucune opinion à ce jour. Je vous ai laissé savoir tantôt qu'il y en a une qui est en cours de gestation.

M. Charbonneau: Juste une précision additionnelle dans le sens de la première question. Est-ce qu'on peut savoir exactement, peut-être que d'autres membres de la commission le savent, mais je l'ignore pour le moment, le poste exact de M. Champagne au sein de la commission?

M. Bédard: II est vice-président de la commission.

Le Président (M. Clair): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vois qu'il y a plusieurs intervenants en lice, je voudrais préciser. Il y a le député de Marguerite-Bourgeoys, le député de Nicolet-Yamaska, le député d'Anjou, le député de Verchères et le député de Laval. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais adresser ma question au ministre et non plus au président de la commission. On a beaucoup parlé, depuis quelque temps, de la Charte de la langue française et de la Charte des droits et libertés de la personne. Je ne veux pas faire l'historique des débats depuis le 23 mars dernier, mais il reste que je crois percevoir dans le public et même au gouvernement, sûrement à l'Opposition officielle, une inquiétude dans la tentative de concilier les deux chartes. J'ai dit: Je crois aussi percevoir au gouvernement. Si j'en crois ce que j'ai lu dans les journaux, certaines interventions publiques, soit du ministre d'Etat au développement culturel, même du premier ministre, on cherche réellement de quelle façon on pourrait concilier les deux. J'ai déjà exprimé mon opinion à savoir que rejeter du revers de la main la Charte des droits et libertés de la personne, comme on le fait dans le projet de loi, à l'article 172, n'est pas la solution.

J'inviterais le ministre de la Justice à nous dire, comme ministre de la Justice responsable à l'égard de l'Assemblée nationale et de toute la population, s'il est prêt à s'imposer les efforts nécessaires pour tenter de définir la conciliation nécessaire qui doit être faite entre les droits collectifs — on sait qu'une loi linguistique doit nécessairement reconnaître les droits collectifs — et les droits individuels qui sont reconnus dans la Charte des droits et libertés de la personne. Ainsi on n'aurait pas comme résultat la simple amputation de la Charte des droits et libertés de la personne, comme tente de le faire le projet de loi actuellement, mais une

définition complète, froide, cohérente de ces droits. Tout le monde, enfin tous les Québécois sont d'accord avec les objectifs de la loi no 1 de faire du français la langue prédominante au Québec. Mais tous les Québécois, aussi, doivent s'inquiéter du traitement que le gouvernement, que ce soit par la loi no 1 ou une autre loi, fait de cette Charte des droits et libertés de la personne, qui est quand même un document fondamental dans toute société. J'invite le ministre à nous dire s'il est prêt à s'imposer cet exercice. L'Opposition officielle est non seulement prête, mais désire participer à cet exercice, de sorte que le résultat final soit cohérent, acceptable pour tout le monde.

M. Bédard: J'invite l'Opposition officielle à venir participer à cet exercice lorsqu'il y aura la discussion à la commission parlementaire du projet de loi no 1. On aura l'occasion de faire cet exercice. Nous croyons nécessaire de trouver un ajustement entre droits collectifs, d'une part, et droits individuels, droits de la majorité et de la minorité. Que voulez-vous, on diffère fondamentalement d'opinion. Je crois que la Charte de la langue française vient affirmer des droits collectifs fondamentaux aussi bien pour la majorité que pour les minorités et qu'elle vient compléter, même, à un niveau fondamental la Charte des droits et libertés de la personne, au chapitre des droits linguistiques. On aura l'occasion, je crois, au cours de ce débat à la commission parlementaire sur le projet de loi no 1, de le discuter à fond. Ce sera l'endroit tout indiqué.

M. Lalonde: M. le Président, je ne pense pas qu'on diffère d'opinion, je pense que cette opinion est partagée et par le gouvernement et par l'Opposition officielle, entre autres, à savoir de faire du français la langue prédominante au Québec. Mais il me semble que le gouvernement devrait s'imposer un effort beaucoup plus cohérent pour définir là ou commencent les droits individuels et où se terminent les droits collectifs, ou inversement où commencent les droits collectifs et où se terminent les droits individuels, de sorte qu'en commission parlementaire, quelle qu'elle soit — et je déplore le fait que ce ne soit pas en commission parlementaire de la justice — nous puissions discuter d'un document beaucoup plus complet que l'article 172 qui ne fait qu'amputer la Charte des droits et libertés de la personne de tout ce qui concerne la langue.

J'invite le ministre, et c'est très positif, parce qu'il faut, à un moment donné, s'imposer cet exercice. On va devoir le faire. Vous avez au minitère de la Justice...

M. Bédard: C'est ce à quoi on vous convie lors de la commission parlementaire sur le projet de loi no 1.

M. Lalonde: ...toutes les compétences nécessaires, vous les avez à la Commission des droits de la personne pour définir au moins un schéma qui va nous permettre de discuter en commission parlementaire, s'il le faut, ou à l'Assemblée nationale, de sorte qu'on termine le débat avec un document qui est vrai, qui est juste. Mais avec l'article 172, on commence à partir de rien, on commence par une amputation.

J'espère que le ministre est conscient du fait que ce n'est pas du tout négatif, que c'est très positif. Naturellement, jusqu'à maintenant, j'ai eu l'occasion d'exprimer mes doutes quant à son désir politique de défendre la Charte des droits et libertés de la personne. Maintenant, j'efface pour les fins de cette discussion ce qui s'est passé et je l'invite à prendre une position beaucoup plus positive à l'égard de la Charte des droits et libertés de la personne. Ce n'est pas simplement pour créer des problèmes au gouvernement, parce qu'au-delà du gouvernement il y a quelque chose de bien plus important. Il y a la population et il y a des institutions juridiques aussi importantes que la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Bédard: II y a des droits collectifs, il y a des droits individuels, il y a les droits de la majorité, il y a les droits de la minorité.

M. Lalonde: Cela va survivre au gouvernement... M. le Président, c'est encore mon droit de parole.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît! Encore une fois un à la fois seulement, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Est-ce que j'ai le droit de parole?

Le Président (M. Clair): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Cette institution fondamentale qu'est la Charte des droits et libertés de la personne va survivre au gouvernement. J'espère. Je fais assez confiance au gouvernement pour espérer...

M. Bédard: Elle a survécu au vôtre.

M. Lalonde: ...que le gouvernement ne déchirera pas toutes les pages de la charte dans son court mandat. Mais il reste que...

M. Bédard: Une chance qu'elle n'était pas là durant la crise d'octobre, la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Lalonde: On a fait du chemin depuis ce temps.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Si vous voulez revenir sept ans en arrière, c'est votre choix, nous, nous regardons vers l'avenir.

M. Lavoie: Rien qu'un mot. Vous êtes quand même responsable de l'application de cette loi. Si

vous ne voulez pas en prendre la responsabilité, transférez-la à un autre ministère.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Laval!

M. Rédard: Ne vous inquiétez pas, nous en prenons la responsabilité.

M. Lavoie: C'est écrit dans la loi que vous êtes responsable de sa protection et de son application.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s il vous plaît, à l'ordre!

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalonde: Est-ce que j'ai encore le droit de parler?

M. Bédard: C'est exactement ce qu'on fait.

Le Président (M. Clair): M. le ministre.

M. Blank: C'est un drôle de moyen de le faire.

Le Président (M. Clair): Le député de Marguerite-Bourgeoys a la parole. Je vous invite à respecter son droit de parole.

M. Lalonde: M. le Président...

M. Charbonneau: J'invoque le règlement pour demander une directive.

Le Président (M. Clair): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Lorsque le ministre a donné sa réponse, à combien de reprises peut-on par la suite revenir sur la même question et insister lorsque...

M. Lavoie: Tant qu'on veut.

M. Blank: Vingt minutes au moins.

Le Président (M. Clair: Notre règlement, en vertu de l'article... Lorsqu'on procède à l'étude des crédits, chaque député peut se faire entendre aussi souvent qu'il lui plaît, pourvu que chacune de ses interventions ne dure pas plus de vingt minutes sur un même sujet. Même si je n'ai pas retracé le numéro de l'article.

M. Charbonneau: Si je comprends bien, on peut répéter la même question pendant vingt minutes.

M. Lalonde: M. le Président, allons-y. Vingt minutes, c'est peu pour permettre au gouvernement de s'ouvrir les yeux. Si le règlement m'accorde vingt minutes, je vais les prendre toutes pour tenter de convaincre le gouvernement de l'importance...

M. Bédard: Vous pouvez prendre des journées complètes.

M. Lalonde: ...de la décision qu'il a à prendre.

Si le gouvernement, par exemple, demandait aux lumières qu'il a derrière lui — et il en a d'excellentes — de tenter...

M. Bédard: Vous auriez dû vous en servir dans le temps.

M. Lalonde: On s'en est servi. C'est, d'ailleurs, pour cela qu'on a une Charte des droits et libertés de la personne aussi excellente.

M. Bédard: Oui, oui.

M. Lalonde: Si le gouvernement voulait simplement mettre de côté l'aspect partisan. Naturellement, il s'est un peu, comme on dit, peinturé dans un coin en faisant l'article 172, mais on est prêt à lui pardonner cette bourde et à l'oublier s'il fait acte de contrition et qu'il dit: Maintenant, je soumets à mes lumières juridiques...

M. Bédard: Ce n'est pas nécessaire.

M. Lalonde: II y en a plein derrière le ministre. Je les connais et j'espère qu'il va les conserver, ils sont excellents.

M. Bédard: Vous auriez dû vous en servir.

M. Lalonde: Qu'il leur permette de dessiner un schéma de réconciliation entre les deux chartes. Je suis sûr qu'un effort sérieux, non partisan, cohérent nous permettrait de discuter, en commission parlementaire...

M. Bédard: Sur le projet de loi no 1.

M. Lalonde: ... sur le projet de loi no 1.

M. Bédard: C'est ce que je vous invite à faire.

M. Lalonde: Mais j'espérais...

M. Bédard: C'est ce que je vous invite à faire.

M. Lalonde: Oui, mais c'est tout simplement une amputation à coups de sabre dans la charte que l'article 172 fait. L'article 172 dit, à un moment donné...

M. Alfred: Un coup de poignard!

M. Lalonde: ... on enlève la charte. A la place du ministre, je serais gêné. Je serais gêné parce que c'est fondamental, cette loi-là. On est en train d'examiner le programme 2 qui, en fait, n'existe qu'à cause de cette charte qui, de plus en plus, va devenir...

M. Bédard: II y a la protection de la jeunesse aussi à étudier.

M. Lalonde: ... la pierre d'assise des libertés et des droits des citoyens demeurant au Québec. Le ministre de la Justice a une responsabilité directe à l'égard de l'application de cette charte. Je l'ai invité tantôt, dans mes remarques générales qu'il n'a pas aimées, à avoir une attitude beaucoup plus positive. En effet, lorsque je l'ai vu, en Chambre, réagir, il ne semblait pas réagir de façon favorable à la charte, de la façon dont je l'ai perçu.

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président. C'est complètement faux! J'ai dit et je le redis...

M. Lalonde: II n'y a pas de question de règlement.

M. Bédard: Je l'ai dit aujourd'hui...

Le Président (M. Clair): M. le ministre...

M. Bédard: M. le Président, pour corriger...

Le Président (M. Clair): ... je pense qu'il ne s'agit pas d'une question de règlement.

M. Bédard: Quand on fait une affirmation... M. Lavoie: II pourra répondre après.

M. Bédard: ... à l'effet que j'aurais dit que je ne suis pas en faveur de la charte, M. le Président...

M. Lalonde: C'est ma perception et j'ai le droit de le dire.

M. Bédard: Bien non, vous dites que j'aurais dit cela, c'est différent.

M. Lalonde: Non, j'ai perçu que vous n'étiez pas...

M. Bédard: Bon! Comme d'habitude, vous percevez mal.

M. Lalonde: Jusqu'à maintenant, j'ai perçu pas pire.

M. Bédard: Comme d'habitude, vous êtes dans l'erreur.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Je vous ai pris assez, "batèche"!

M. Bédard: Vous auriez été mieux de bien percevoir votre rôle quand vous étiez là.

Le Président (M. Clair): A l'ordre!

M. Lalonde: Une chance que j'ai bien perçu, parce que vous seriez encore dans la pire misère.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Oh! Mon Dieu, que vous nous aidez donc!

Le Président (M. Clair): A l'ordre!

M. Lalonde: Vous saurez le reconnaître un jour.

Le Président (M. Clair): A l'ordre!

M. Charbonneau: Vous auriez dû percevoir votre défaite.

M. Alfred: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est déjà fait.

Le Président (M. Clair): Le député de Papineau, sur une question de règlement.

M. Alfred: Je veux savoir, sur une question de règlement, si le député de Marguerite-Bourgeoys veut se livrer à un exercice stylistique.

M. Lalonde: Selon quel article, M. le Président?

Le Président (M. Clair): Voulez-vous répéter pour mon bénéfice? Je n'ai pas entendu.

M. Alfred: Veut-il se livrer à un exercice stylistique?

Le Président (M. Clair): II ne s'agit pas là d'une question de règlement, M. le député de Papineau. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous invite à continuer dans le calme, avec la collaboration de tout le monde, s'il vous plaît!

M. Lalonde: M. le Président, je suis toujours calme, vous me connaissez. S'il arrive des interruptions, vous savez que ce sont d'autres personnes qui les font, de l'autre côté.

M. Bédard: C'est sûr. Il ne peut pas s'interrompre.

M. Lalonde: J'aimerais quand même profiter pleinement de chaque minute que le règlement m'accorde pour tenter de convaincre le ministre de s'imposer cet exercice. On ne demande pas grand-chose, mais, pour moi, c'est beaucoup parce que je pense que cela changerait toute l'orientation du débat. Actuellement, la seule chose qu'on a à débattre est: Est-ce qu'on doit amputer la Charte des droits et libertés de la personne? Nous, nous disons non. Il ne faut pas nous reprocher de nous buter là-dessus; on ne veut pas l'amputer.

Mais, si le ministre et le gouvernement nous proposaient une définition des droits collectifs, une définition des droits individuels, une réconci-

liation des deux, on l'examinerait d'une façon positive, parce qu'au fond, qu'est-ce qu'on veut? On veut, premièrement, que cette charte, c'est un peu pompeux comme nom, mais enfin cette loi linguistique atteigne les fins pour lesquelles elle est proposée, c'est-à-dire de faire du français la langue prédominante au Québec, mais en même temps qu'on reconnaisse aux individus des droits que cette charte définit. Il y a sûrement une frontière où ces droits individuels rencontrent les droits collectifs. Mais encore faut-il que le ministère de la Justice, je pense que ce n'est que là, peut-être que le ministre de la Justice me répondra que ce n'est pas à lui à le faire que c'est au ministre d'Etat au développement culturel. A ce moment-là je lui demanderai de transmettre nos désirs au ministre en question. Mais je pense que l'un ou l'autre doit s'imposer le devoir, et c'est un devoir essentiel dans le débat actuel, parce que tout le débat peut achopper là-dessus, et Dieu sait si l'Opposition officielle désirerait qu'une fois le débat linguistique terminé, la question linguistique, si le gouvernement écoute positivement nos représentations...

M. Bédard: Faire une autre loi 22.

M. Lalonde: ... le débat linguistique, la question linguistique soit terminée pour un bon moment. Notre société n'a pas les moyens de se permettre des débats linguistiques tous les ans. Si le ministre ne s'impose pas ce devoir de définir quels sont les droits collectifs et les droits individuels, au lieu de simplement rejeter du revers de la main la Charte des droits et libertés de la personne en ce qui concerne la langue, à ce moment-là, M. le Président, nous allons être dans un débat stérile qui ne produira que des effets négatifs, et le ministre en sera responsable.

Je veux profiter de cette occasion, pour le lui dire, le mettre en garde contre une attitude cavalière un peu: Ah bien! vous discuterez cela en commission parlementaire quand on arrivera à l'article 172. C'est faux. Nous invitons le ministre à faire plus, à faire mieux et j'espère que le ministre va entendre notre voix, va entendre notre invitation. Elle est positive. Nous sommes prêts à examiner plus que simplement une amputation, comme l'article 172 le fait. Nous sommes prêts à examiner une proposition bien faite, bien préparée par des juristes savants de son ministère, qui vont définir où sont les frontières des droits collectifs, parce qu'il y en a, des droits collectifs. La loi 22 en reconnaît, des droits collectifs; la loi no 1 aussi, mais là aussi il y a des droits individuels. Le fait de simplement amputer une partie de la charte ne satisfait pas, ne satisfait personne, et je suis sûr que plusieurs députés, — je ne sais pas autour de cette table — mais sûrement plusieurs députés ministériels, comme beaucoup d'autres députés ne sont pas satisfaits de cet exercice un peu court de la part du gouvernement. Nous pensons que le gouvernement a une responsabilité de proposer quelque chose de beaucoup plus élaboré, de plus pensé, de mieux préparé, et c'est pour cela que j'invite le ministre à le faire.

M. Bédard: Est-ce que vous me demandez de répéter tout simplement la position du gouvernement? Elle est à l'effet que nous croyons que, du point de vue juridique et législatif, pour qu'il n'y ait pas d'incompatibilité puis pour éviter toute prétendue incompatibilité, et en tant que jurisconsulte du gouvernement, l'expression que vous employez souvent, le gouvernement a cru qu'une disposition était nécessaire. Le gouvernement l'a prévue en insérant, dans le projet de loi no 1, l'article 172, de telle façon que si le projet de loi était adopté dans sa forme actuelle, d'un point de vue juridique et législatif, il n'irait pas à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne. Il découle nettement, d'un point de vue juridique toujours, qu'aucune disposition de la Charte du français ne peut constituer une discrimination au sens de la Charte des droits et libertés de la personne. Notre conviction, c'est que nous croyons qu'il est parfaitement légitime...

M. Lalonde: Pourquoi l'enlever si...

M. Bédard: ... nous croyons qu'il est parfaitement légitime et justifié de faire, de ces deux chartes, des droits fondamentaux de notre société puis de les mettre sur un pied d'égalité. Vous avez beau me dire durant deux heures que vous n'êtes pas d'accord...

M. Lalonde: Ce n'est pas un pied d'égalité, vous l'enlevez, vous l'enlevez. Pourquoi l'enlever?

Le Président (M. Clair): A l'ordre! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Vous me permettrez quelques interruptions, j'en ai plusieurs.

Le Président (M. Clair): Vous avez tellement insisté.

M. Lalonde: Pourquoi l'enlever si c'est compatible?

M. Bédard: Pour la raison très simple que nous croyons...

M. Lalonde: Laissez les juges se prononcer.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous invite à respecter le droit de parole du ministre.

M. Lalonde: Merci, M. le Président.

M. Bédard: Je ne répéterai pas ce que je viens de dire. Je noterai cependant que le représentant de l'Opposition officielle nous a fait part de sa préoccupation d'atteindre le même objectif que nous, à savoir de faire du français la véritable langue officielle au Québec.

M. Lalonde: Comme la loi 22 le faisait.

M. Bédard: II admet par ce fait que la loi 22 n'y est pas parvenu.

M. Lalonde: La loi 22 le faisait très bien. Vous faites une bourde, vous êtes extrémiste, vous faites des erreurs.

M. Bédard: La loi 22 c'est seulement un article.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Des clins d'oeil en plus.

M. Lalonde: Le président vous fait des clins d'oeil?

M. Bédard: J'espère, M. le Président, que le représentant de l'Opposition officielle viendra faire l'exercice avec le gouvernement, avec les autres partis d'Opposition lors de la discussion sur le projet de loi 1 afin que nous puissions trouver cet ajustement nécessaire entre, d'une part, l'affirmation des droits collectifs et, d'autre part, l'affirmation des droits individuels.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, on avait dit au début de la séance qu'on ajournerait peut-être à 10 heures; je ne sais pas s'il y a une entente, sinon je vais continuer à poser des questions. S'il y a une entente à cet effet je vais demander l'ajournement du débat.

M. Lalonde: Adopté.

M. Bédard: Est-ce qu'on pourrait terminer avec ce programme, étant donné que M. Hurtubise est avec nous?

Le Président (M. Clair): Messieurs, si nous prolongeons, je vous préviens que j'ai sur ma liste actuellement, sur le programme 2, le député de Nicolet-Yamaska, le député d'Anjou, le député de Verchères, le député de Laval, le député de Papineau.

M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Bédard: On va continuer, M. le Président.

M. Fontaine: M. le Président, quelques courtes questions. Concernant l'opinion qu'on a demandée à la commission sur le projet de loi 2, étant donné que la commission parlementaire va siéger — on a annoncé aujourd'hui qu'elle siégerait le 31 mai — est-ce qu' on peut savoir si l'opinion de la commission va être déposée sous peu?

Etant donné qu'on a annoncé aujourd'hui en Chambre que la commission sur le projet de loi 2 siégerait le 31 mai, est-ce que l'opinion qu'on a demandée à la commission concernant ce projet de loi sera déposée sous peu?

M. Bédard: Tel que je l'ai dit en Chambre cette semaine, nous avons formulé la demande au président de la commission et nous espérons que cette opinion nous sera délivrée avant le délai du 31 mai.

M. Lavoie: Je m'excuse, c'est sur le même sujet.

Le Président (M. Clair): Si vous avez une très courte question, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Nous allons étudier quelques mémoires et je pense que ce serait utile que la lumière de la commission soit apportée avant d'étudier les mémoires. L'avis de la commission pourrait faire modifier peut-être le projet de loi. Le parrain du projet de loi pourrait le modifier, comme il l'a annoncé aujourd'hui, et même annoncer la réimpression du projet de loi. Cela pourrait accélérer les travaux de la commission parlementaire lors des auditions.

M. Bédard: Disons que le leader du gouvernement a annoncé la possibilité de réimpression ou d'amendement dans un autre cqntexte, vous en conviendrez avec moi, pas dans le contexte d'une opinion juridique, il faut s'entendre là-dessus. Je suis convaincu que la Commission des droits et libertés de la personne trouvera, je l'espère, le moyen de fournir cette opinion avant le 31 mai.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: On dit à l'article 82 que la commission a des pouvoirs de recommandation et à l'article 83 qu'elle a également des pouvoirs pour s'adresser au tribunal afin d'obtenir des injonctions contre les personnes sur lesquelles elle a fait des enquêtes. Est-ce que le ministre peut nous dire si habituellement les personnes suivent les recommandations de la commission? Sinon, est-ce qu'il y a des poursuites judiciaires qui ont été intentées, et combien? Quels ont été les résultats?

M. Bédard: Je m'excuse, j'étais distrait. M. Fontaine: J'y ai bien pensé.

M. Bédard: Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît?

M. Fontaine: A l'article 82 de la loi, la commission donne un pouvoir de recommandation sur les personnes au sujet desquelles elle fait des enquêtes. Selon l'article 83, elle a également le pouvoir de prendre des injonctions ou des actions en justice. Le ministre peut-il nous dire si habituellement les recommandations de la commission sont suivies par les personnes concernées? Sinon, combien d'actions ont dû être prises et quels ont été les résultats de la commission?

M. Bédard: M. le Président, vous noterez à la lecture de la loi qu'il y a des étapes auxquelles la commission est assujettie. La première étape, c'est l'enquête. Evidemment, il y a eu un filtrage antérieurement pour voir si c'était fondé ou non. Si c'est fondé, il y a une enquête et ce que nous devons tenter, à ce moment-là, c'est une conciliation entre le plaignant et l'autre partie. Si la conciliation ou la tentative échoue, alors seulement, deuxième étape, nous formulons des recommandations à l'adresse des parties en donnant un délai qui varie suivant les circonstances dans la cause. Ce n'est que lorsque, bien sûr, ces recommandations ne sont pas respectées dans le délai précis que nous passons à l'étape subséquente et, avec le consentement du plaignant que nous pouvons aller à la cour.

A ce moment-ci, je peux vous dire que, jusqu'en décembre, nous n'avions pris aucune action devant les tribunaux. Actuellement, nous en avons à peu près trois. Mais dans l'ensemble, nous règlons nos cas soit au moment de la conciliation, soit à la suite des recommandations. Au-delà de 95% des cas à ce jour donc ont été réglés par persuasion à l'étape un ou à l'étape deux. Ce n'est donc qu'exceptionnellement que nous allons devant les tribunaux, et nous espérons que cela continuera ainsi.

M. Fontaine: Concernant l'élément 1, je me demande pourquoi on n'a pas indiqué à la catégorie Traitements le montant de $1 313 000 que l'on trouve à Autres rémunérations. Est-ce que cela veut dire que ces gens sont à commission ou sont engagés à honoraires?

M. Bédard: C'est parce que ce ne sont pas des employés de la fonction publique.

M. Fontaine: Ah bon!

M. Lalonde: Ce sont des entreprises privées, des consultants?

M. Bédard: C'est la commission... Tout notre personnel ne tombe pas sous le coup de la loi de la fonction publique.

Le Président (M. Clair): Le député d'Anjou.

M. Johnson: Mes deux questions, enfin rapidement, s'adressent à M. Hurtubise. Voici la première. Je voudrais qu'il n'y ait pas de quiproquo. Je ne pense pas qu'on bâillonne le président de la Commission des droits de la personne quant à ses recommandations. J'ai bien compris que lui-même ne tenait pas particulièrement à évoquer le contenu des recommandations de son rapport annuel tant et aussi longtemps que le président de l'Assemblée nationale n'en était pas saisi. Est-ce que je me trompe?

M. Blank: C'est l'opinion du ministre.

M. Johnson: Non, je voudrais ensuite l'opinion du président car si le président veut évoquer le contenu, en ce qui me concerne, je n'ai aucune objection.

M. Bédard: En deux mots, M. le Président, je me réjouissais de voir l'intérêt que vous manifestez tous pour les droits de la personne; j'espère que cela durera. Ceci étant dit, j'aurais aimé profiter d'une autre occasion pour vous faire connaître les recommandations de la commission, compte tenu que je pense, par délicatesse, que je préférerais remettre notre rapport annuel au président de l'Assemblée nationale. C'est un peu la procédure que nous avons suivie jusqu'à ce jour. Nous remettons la plupart de nos avis au président de l'Assemblée nationale et au ministre de la Justice et, quand il y a d'autres ministres, aux autres ministres concernés.

M. Johnson: D'accord! Cette fois-ci, j'ai une question précise, quand même, sans entrer dans les recommandations de votre rapport annuel; c'est au sujet des personnes handicapées. C'est une question de statistiques. Est-ce que vous avez des plaintes qui sont portées fréquemment à la commission sur les 2000 demandes ou plaintes, etc., les 151 dossiers d'enquêtes, qui proviennent de gens qui prétendent avoir été l'objet de discrimination à cause d'un handicap physique? Enfin, vous ne pouvez peut-être pas me répondre à la question comme cela, mais quitte à ce que vous me fassiez parvenir la réponse, éventuellement.

M. Bédard: A pied levé, comme cela, j'avoue que l'ordinateur a des failles dans son programme, mais nous avons eu des relations avec les personnes handicapées de deux façons: collectivement, lorsque le projet de loi sur les handicapés, le projet de loi 55, a été présenté l'été dernier, si ma mémoire est bonne, nous avons rencontré, chez nous, à leur demande, une série d'organismes de handicapés. D'autre part, sur le plan individuel, dans les faits, nous avons reçu des demandes d'aide d'un certain nombre de handicapés de types variés, aussi bien d'un épileptique que d'autres types de handicapés. Pas très nombreuses, cependant, ces demandes, puisque la charte, rigoureusement parlant, ne couvre pas leur cas. Ceci étant dit, nous avons quand même tenté d'intervenir pour bonifier la situation en leur faveur dans la mesure possible et par voie de conviction.

M. Johnson: Mais, vous me dites bien qu'à vos yeux et en tant que dépositaire, avec le ministre, évidemment, de la Charte des droits et libertés de la personne, vous considérez que les handicapés ne sont pas, même par extension, couverts par la Charte des droits et libertés de la personne. Je ne veux pas, non plus, vous demander un avis instantané.

M. Bédard: Ecoutez, M. le Président, on répond comme cela?

Une Voix: Oui.

M. Bédard: M. le Président, il y a une hypothèse que nous étudions, c'est que l'expression

"condition sociale" puisse à ce point être exten-sionnée que cela les couvre. Ceci étant dit, il y aurait des voies plus faciles. C'est la modification de la charte, en ajoutant expressément le motif que vous invoquez. Je pense que je vous réserve le plaisir de le savoir d'ici quelques semaines.

M. Johnson: Cela va.

Le Président (M. Clair): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Vous pouvez passer, M. le Président, parce que ma question, je l'ai posée comme question additionnelle tantôt.

Le Président (M. Clair): M. le député de Laval, M. le député de Papineau.

M. Alfred: M. le député de Marguerite-Bourgeoys a répondu à ma question en définissant, bien sûr, le collectif, l'individuel, l'individuel et le collectif, sauf, par exemple, qu'il a mêlé les définitions.

M. Lalonde: Vous avez recherché la réponse auprès de l'Opposition officielle au lieu du gouvernement.

M. Alfred: Mais non! J'avoue que vous m'avez permis de refaire mes études antérieures où j'opposais l'individuel au collectif et le collectif à l'individuel, etc.

Le Président (M. Clair): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je vois une recommandation qui a été adressée, le 1er décembre 1976, au ministre de la Justice concernant la saisie de films, photos et autres documents, etc. Est-ce que le ministre peut nous dire quelle suite il a donnée à cette recommandation qui dit: Que le ministre de la Justice, conformément aux responsabilités qui lui sont dévolues dans l'administration de la justice, émette les directives aux forces policières concernées, à l'effet qu'avant d'obtenir un mandat de perquisition ou d'émettre un subpoena à l'endroit d'un journaliste, photographe ou cinéaste de presse, les autorités supérieures du ministère de la Justice soient consultées et que l'on doive s'adresser, le cas échéant, à un juge de la Cour des sessions de la paix? Est-ce que des directives ont été données à la suite de cette recommandation de la Commission des droits qui est à la date du 1er décembre 1976?

M. Bédard: Je ne l'ai pas en mémoire.

M. Lalonde: Je ne pensais pas l'embêter de même.

M. Bédard: Sur ce sujet précis, j'ai écrit à la commission. Il a été entendu que nous continuerons d'étudier cette situation avec la Commission des droits et libertés de la personne, également le Conseil de presse et le ministère de la Justice.

M. Lalonde: M. le Président, je ne sais plus à qui je m'adresse. On a un nouveau président, M. le Président. Le député de Saint-Louis est devenu président et je viens de voir que le député de Drummond vient de s'asseoir du côté de l'Opposition. Cela me fait plaisir.

M. Bédard: D'ailleurs, l'Opposition a besoin d'être renforcée.

M. Lalonde: On ne refuse pas les bons éléments.

Le Président (M. Blank): Le député de Drummond.

M. Clair: Merci, M. le Président. J'ai simplement demandé d'être remplacé, étant donné que j'avais une question à poser sur ce sujet. M. le Président de la Commission des droits de la personne, vous savez sûrement... M. le Président...

M. Fontaine: Pour faire plaisir au président.

M. Clair: Vous savez sûrement que, suite au conflit de la Celanese, il y a eu une enquête qui a été faite par la commission sur l'usage du gaz "mace" dans le conflit de la Celanese. Lors de l'étude qui a été faite, la commission a présenté une recommandation au ministère de la Justice relativement à la limitation de l'arsenal policier, y compris l'usage du gaz "mace". Le rapport a été soumis déjà au ministère de la Justice. J'aimerais savoir du ministre de la Justice, M. le Président, si le ministère envisage de donner suite, à plus ou moins long terme, à cette recommandation, d'étudier l'ensemble du problème de l'arsenal policier.

M. Bédard: La Commission de police est en train, à l'heure actuelle, de faire une étude complète sur l'utilisation des armements, sur l'utilisation des gaz et vous pouvez être assuré qu'elle tiendra compte des représentations qui ont été faites par la Commission des droits de la personne.

Le Président (M. Blank): Le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, est-ce que le président de la Commission des droits de la personne pourrait nous indiquer si son organisme a eu à intervenir à propos de discriminations qui auraient été faites à l'endroit de détenus au Québec? Est-ce que vous avez eu à intervenir dans les cas de certains détenus dans des institutions?

M. Bédard: Nous sommes intervenus dans quelques cas, plutôt rarement, cependant. Il y a plus d'un organisme qui, finalement, ont juridiction et peuvent intervenir, suivant les motifs invoqués. Je pense à un exemple très simple, l'ombudsman, qui a des pouvoirs d'enquête, etc. Par ail-

leurs, il y a dans notre charte des droits judiciaires assez bien énumérés, assez bien décrits. Là-dessus, techniquement nous n'avons pas les pouvoirs d'enquête formels, mais par conviction, toujours, nous avons réussi à obtenir, à ce jour, la collaboration des directeurs dans les quelques rares cas où nous avons eu à intervenir. L'exemple que j'ai en tête, c'est une intervention à Bordeaux dans le cas de personnes dont on disait qu'elles avaient tenté de se suicider. Nous sommes allés vérifier le tout.

M. Charbonneau: Merci.

Le Président (M. Clair): L'élément 1 du programme 2 sera-t-il adopté?

M. Blank: Adopté. Cela dépend du député de Marguerite-Bourgeoys. Adopté, l'élément 1.

M. Lalonde: Avant d'adopter l'élément 1, M. le Président, je voudrais simplement dire au prési- dent de la commission, via le ministre, que l'Opposition officielle sera férocement jalouse des droits et libertés de la personne et du respect de la charte. Je suis sûr que le ministre entendra notre message.

Elément 1, adopté.

M. Bédard: J'ai entendu votre message et je n'ai pas besoin de répéter le profond respect que j'ai pour la Commission des droits et libertés de la personne.

Le Président (M. Clair): Elément 1, adopté. Elément 2 du programme 2.

M. Lalonde: M. le Président, est-ce qu'on peut demander la suspension?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Clair): Ajourné sine die.

(Fin de la séance à 22 h 20)

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