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Audition des mémoires
sur le projet de loi no 39
Loi sur le recours collectif
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Marcoux): La commission permanente de la
justice est réunie pour entendre les mémoires concernant le
projet de loi no 39, Loi sur le recours collectif. Les membres de la commission
sont: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi) remplacé par
M. Marois (Laporte); M. Blank (Saint-Louis) remplacé par M. Pagé
(Portneuf); M. Charbonneau (Verchères), M. Chevrette
(Joliette-Montcalm), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne),
M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda), M.Vaillancourt
(Jonquière).
Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavigne (Beauharnois), M.
Léger (Lafontaine), M. Roy (Beauce-Sud), M. Tardif
(Crémazie).
M. Clair (Drummond) va remplacer M. Vaillancourt (Jonquière).
M. Chevrette: Je viens de le croiser.
Le Président (M. Marcoux): Tu vas remplacer d'abord M.
Lacoste (Sainte-Anne). Alors, M. Clair (Drummond) va remplacer M. Lacoste
(Sainte-Anne).
Aujourd'hui, nous entendrons les mémoires des organismes
suivants: l'Association des consommateurs du Canada, le Barreau du
Québec, l'Association des banquiers, l'Institut de la publicité
canadienne, le Conseil canadien du commerce de détail, l'Ordre des
comptables agréés du Québec.
M. Chevrette: Est-ce qu'on peut s'arranger avec un consentement
de la vaste population?
Le Président (M. Marcoux): Oui.
M. Lalonde: M. le Président, je vous donne mon
consentement d'avance pour remplacer qui vous voudrez au cours de la
séance. Il n'y a aucun problème.
M. Chevrette: Bien aimable.
M. Clair: M. le Président, j'aimerais simplement vous
indiquer que je souhaite participer toute la journée aux travaux de
cette commission; en conséquence, je ne voudrais pas non plus
qu'à un moment donné, quelqu'un me remplace. Je veux bien
remplacer n'importe qui, mais je ne voudrais pas être
remplacé.
Le Président (M. Marcoux): II y a des problèmes de
coordination du côté ministériel ce matin. Est-ce que vous
êtes d'accord pour remplacer le député M. Charbonneau de
Verchères?
M. Clair: Je l'ai rencontré dans le corridor, il s'en
venait en grande hâte.
Le Président (M. Marcoux): II y a un surplus de
main-d'oeuvre du côté ministériel ce matin. Si vous
êtes d'accord pour remplacer M. Samson...
M. Lalonde: La seule chose qu'on a à faire, c'est de
suggérer à un député ministériel de s'en
venir avec l'Opposition. Pour une journée, on pourrait l'endurer.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous désirez
remplacer le député de Rouyn-Noranda?
M. Chevrette: Je peux m'en aller; ne vous en faites pas. J'ai
beaucoup de travail.
M. Lalonde: ... à la commission, qu'ils s'assoient avec
nous et qu'ils interveinnent. On vous donne notre consentement d'avance.
M. Fontaine: Si vous pouvez...
M. Chevrette: Ne commence pas à mettre la bagarre; ne
commence pas à être...
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
Exposé préliminaire du ministre
M. Pierre Marois
M. Marois: M. le Président, quelques très
brèves remarques parce que ma conception de ce genre de travaux en
commission parlementaire, c'est que, dans la mesure où comme
c'est le cas pour le projet de loi 39 nous avons à entendre
quatorze mémoires, à tout le moins, en partant, et quatorze
mémoires qui nous sont soumis par plus de 20 groupes, 21 groupes
effectivement, je pense qu'on doit consacrer l'essentiel du temps d'une
commission comme celle-là à échanger au maximum avec les
parties. Je sais que bon nombre d'entre elles ont travaillé très
fort et ont travaillé très fort même pendant plusieurs
années sur cette idée du recours collectif à introduire
dans notre droit. Les mémoires, à une première lecture, et
même à une lecture attentive, nous indiquent que plusieurs groupes
y ont réfléchi beaucoup et ont des points de vue et des
suggestions à nous faire valoir.
Je suis content de constater, je suis satisfait de constater, au point
de départ, que, pour l'essentiel des groupes, il y a au moins une
espèce de consensus de démarrage sur ce premier principe qui est
à tout le moins l'idée que c'est fondamental d'accepter et de
reconnaître la nécessité et aussi en même temps
l'urgence dans une certaine mesure d'introduire dans notre procédure une
procédure comme celle du recours collectif. Aussi, de constater que bon
nombre des groupes appuient même l'essentiel du projet de loi tout en
nous soumettant un certain nombre d'amendements, pour les uns
techniques, pour d'autres portant sur des modalités et, dans un certain
nombre de cas, portant sur des amendements touchant un certain nombre de
questions de fond.
Je voudrais dire aussi, au début des travaux de cette commission,
que je l'aborde dans le même esprit que celui qui existait lorsqu'on a
abordé les travaux sur le projet de loi 24 qui concernait toute la
question de la protection de la jeunesse, c'est-à-dire avec beaucoup
d'ouverture d'esprit et je me permets de souhaiter que nos travaux, aussi bien
quant à nos attitudes et nos comportements à nous, les
parlementaires, membres de cette commission, soient marqués au coin de
la franchise, que nous apportions l'attention la plus grande aux suggestions
qui nous seront faites par les différents groupes.
Puisque j'ai déjà pu vivre et constater de façon
tangible qu'il était possible à des parlementaires, en certaines
occasions hélas, peut-être pas aussi fréquentes
qu'on devrait pouvoir le souhaiter comme citoyensquand il s'agit de
choses qui sont fondamentales, qui touchent l'essentiel des citoyens d'une
collectivité, d'être capables de placer nos débats
au-dessus de quelque forme que ce soit de partisanerie, en ayant comme objectif
essentiel de tout faire ce qui est humainement possible, dans le cadre des
marges de manoeuvre qu'on a en vertu des lois existantes pour bonifier au
maximum un tel projet de loi et faire en sorte qu'une fois introduit dans notre
procédure civile, l'exercice du recours collectif puisse se faire avec
le maximum de sens de justice et d'équité pour toutes les
parties.
Quand je dis toutes les parties, je veux aussi bien dire les citoyens
qui seront les demandeurs que ceux qui seront appelés à
être éventuellement dans l'exercice de telles actions des
défendeurs. Je terminerai en disant: Parfois, on ne sait jamais ce qui
nous pend au bout du nez quand... Il y a une dizaine d'années, avec
d'autres pas seul j'ai commencé à travailler sur le
dossier du recours collectif, à examiner ce que nos voisins
américains, ce que nos voisins d'autres provinces canadiennes avaient
fait dans ce domaine. Je ne pensais jamais que je serais appelé, un
jour, à piloter le projet de loi qui permettrait, vraisemblablement, une
fois pour toutes, de l'introduire dans notre procédure civile.
M. le Président, ce sont les quelques remarques, commentaires de
démarrage que j'avais à faire et je souhaite qu'on puisse, dans
les meilleurs délais, commencer l'audition des différents
groupes.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Remarques de l'Opposition M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: Seulement quelques remarques aussi pour aborder le
plus tôt possible l'audition des mémoires.
Au nom de l'Opposition officielle, nous voyons avec beaucoup de
satisfaction l'introduction de ce projet de loi no 39 sur le recours collectif.
C'est un projet de loi qui a un caractère social, qui est destiné
à rétablir un certain équilibre entre le citoyen
isolé et les entreprises et surtout celles qui ont le caractère
de gigantisme que l'on connaît dans notre société.
Ce projet de loi va mettre au service du citoyen un outil qui est propre
à éliminer, justement, le déséquilibre qui existe
entre le consommateur et le producteur, de temps à autre. La
procédure doit s'adapter, naturellement, et prévoir des recours
qui soient capables de rendre la justice accessible à tous. Nous
accueillons ce projet de loi avec d'autant plus de satisfaction qu'il s'inscrit
dans les réformes qui ont été apportées depuis
quelques années en ce qui concerne l'accès à la justice.
L'aide juridique a permis à de nombreux citoyens, qui autrement
n'auraient pu faire valoir leurs droits, de les faire valoir. Maintenant, il
est bon que l'on étende cette aide juridique aux cas où le
citoyen isolé, même avec l'aide juridique, même avec les
moyens actuels, n'est pas en mesure de faire valoir ses droits.
La Cour des petites créances, par exemple, a aussi
été une démarche qui a permis aux citoyens de faire valoir
des droits qui, autrement, auraient eu un caractère de
précarité. Il est bon maintenant qu'on étende davantage
l'accès à la justice par une démarche qui n'a rien de
très le ministre le reconnaîtra, d'ailleurs il l'a dit
lui-même dans son communiqué d'introduction de la loi qui
n'a rien de très nouveau, démarche que l'on retrouve dans
d'autres juridictions, sur d'autres territoires, mais qui, sûrement, va
venir compléter ici nos outils d'accès à la justice.
Naturellement nous avons aussi quelques réserves. Nous avons
examiné les mémoires et nous allons, dans un esprit de
collaboration très positif, comme toujours dans l'Opposition, mais plus
particulièrement dans ce cas-ci... Le ministre rappelait à bon
droit, je pense, le débat sur le projet de loi 24 auquel je n'ai pas eu
le bonheur de participer, mais qui, m'a-t-on dit, s'est déroulé
dans l'atmosphère la plus cordiale. Donc, c'est dans un esprit de
collaboration que nous allons tenter, avec le gouvernement, de bonifier cette
loi. J'accueille aussi avec beaucoup de satisfaction l'ouverture d'esprit du
ministre, ce matin, qui nous dit qu'il est prêt à examiner toute
mesure, toute suggestion valable, positive et je vous assure que lorsqu'un
ministre commence les séances d'étude d'un projet de loi de cette
façon-là, c'est de nature à provoquer, chez les membres de
l'Opposition, des désirs toujours latents de collaboration. Je souhaite
en même temps la bienvenue à tous ceux qui s'adresseront à
nous.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais
également, à mon tour, au nom de l'Opposi-
tion de l'Union Nationale, souhaiter la bienvenue à tous nos
invités de ce matin. Je sais, pour avoir regardé une bonne partie
des mémoires, qu'ils ont travaillé avec acharnement et c'est
également avec satisfaction, ce matin, que nous nous présentons
devant cette commission parlementaire pour étudier le projet de loi no
39 sur le recours collectif.
Nous sommes devant un projet de loi qui, au niveau des principes, je
pense, ne suscite pas beaucoup d'opposition, et pour cause, parce qu'il
était attendu depuis plusieurs années. Ce projet de loi facilite,
comme on l'a dit tout à l'heure, l'accessibilité à la
justice de la part des citoyens, souvent les plus
défavorisés.
Le recours collectif constitue pour les citoyens un moyen additionnel
d'obtenir justice lorsqu'un groupe d'entre eux a subi un préjudice
difficilement redressable par d'autres moyens. Nous en reconnaissons le
bien-fondé. Il s'agit, bien sûr, d'une mesure de justice sociale
qui s'impose dans notre société actuelle de consommation.
Que le recours collectif comporte des bienfaits sociaux, il faudrait
être aveugle pour l'ignorer. Cette vérité
élémentaire ne doit pas nous faire perdre de vue, d'abord et
avant tout, que le recours collectif est un outil juridique, un moyen de
procédure. A preuve, c'est que le recours collectif va devenir un
nouveau titre dans notre Code de procédure civile. Par
conséquent, nous devons, nous tous, tant de l'Opposition que du
gouvernement, tous les membres de cette commission, être vigilants et
faire preuve de prudence afin d'éviter certains abus qui pourraient se
glisser dans ces mécanismes, de manière à protéger
les droits des parties en cause et à établir un équilibre
de justice, un équilibre des forces en présence, soit
l'équilibre, bien souvent, entre le consommateur et les
commerçants ou les fabricants.
Voilà le souci qui est le nôtre durant les travaux de cette
commission parlementaire. L'Union Nationale veut faire en sorte que le projet
de loi no 39 soit non seulement perçu, mais qu'il soit aussi, dans les
faits, une réforme positive et juste pour tout le monde. Les divers
mémoires qui nous seront présentés cette semaine nous
permettront justement de nous rendre compte de l'importance, pour nous,
à titre de législateurs, d'avoir constamment à l'esprit ce
souci d'équilibre entre les droits du demandeur et les droits du
défendeur.
Nous savons également que ces droits, tant du demandeur que du
défendeur, peuvent nécessairement avoir des conséquences
assez importantes au niveau économique. Par exemple, si on permet une
trop grande flexibilité dans le système, il pourrait y avoir des
recours vexatoires, frivoles, même des recours revanchards contre des
commerçants. (10 h 25)
II faudrait nécessairement que les députés qui sont
membres de cette commission puissent agir de façon que tout le monde
puisse recevoir le plus de justice possible, surtout dans l'octroi des
requêtes préliminaires.
C'est ainsi et j'en suis fort heureux que nous aurons
l'occasion de débattre des points fort controversés, qui peuvent
apparaître techniques à certains, mais dont les
conséquences sur le principe du recours collectif sont extrêmement
importantes; exemple: le recours collectif à connotation punitive contre
le recours collectif compensatoire ou la théorie de "l'opting in" et de
"l'opting out", le recouvrement collectif contre le recouvrement
individuel.
Ce sont tous des points qui exigent une attention particulière de
notre part et que nous ne devrons pas escamoter en vue de sauver du temps. Nous
sommes vraiment à la première étape de l'étude de
ce projet de loi et j'aimerais bien que nous ayons une discussion franche et
complète, comme l'a dit le ministre tout à l'heure.
Je suis également heureux de voir, comme l'a mentionné le
ministre, qu'il arrive à cette commission avec une grande ouverture
d'esprit. Probablement qu'il finira par nous suggérer un certain nombre
d'amendements, car la discussion ne portera pas sur le principe du recours
collectif mais bien sur les mécanismes prévus pour sa mise en
place et son bon fonctionnement.
M. le Président, l'Opposition de l'Union Nationale est
prête à entendre les mémoires et à discuter
franchement de l'étude de ce projet de loi.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Merci, M. le Président. Quelques brèves
remarques dès l'ouverture de cette séance de commission
parlementaire. Comme mes collègues, j'ai pu noter, avec beaucoup de
satisfaction, l'ouverture d'esprit du ministre. J'espère que cette
ouverture d'esprit pourra se traduire dans d'autres commissions parlementaires.
Je ne veux pas faire de parallèle avec des lois que nous avons
discutées avant les Fêtes.
Permettre aux citoyens de se regrouper, de se structurer, au point de
devenir une force respectable, pourvue de moyens d'action efficaces lui
permettant d'obtenir justice est un principe auquel nous souscrivons.
L'introduction d'une mesure comme celle du recours collectif est une innovation
d'importance pour le Québec. Cette importance n'est pas seulement la
conséquence de l'aspect nouveauté de ce droit, mais
découle aussi du fait que ce droit existe déjà dans
d'autres pays et dans les autres provinces canadiennes. Il nous importe que la
mise en place du recours collectif chez nous soit meilleure et bien
adaptée aux besoins réels de notre population.
C'est donc dans cette optique que nous devons aborder aujourd'hui
l'étude de cette loi car, ne l'oublions pas, notre premier devoir est de
faire de cette loi une réponse adéquate aux besoins et
aspirations de tous les Québécois.
Cet objectif ne sera cependant atteint que si, tous ensemble,
législateurs et intervenants, nous conjuguons nos efforts dans un
dialogue franc et honnête. Cette démarche est essentielle et c'est
dans cet esprit que doit se dérouler l'audition des mémoires sur
ce projet de loi.
Nous sommes cependant conscients qu'un tel projet de recours collectif
ne peut s'établir sans créer quelques difficultés. Je
pense que le ministre l'a mentionné tout à l'heure et mes
collègues de l'Opposition également. Tout projet nouveau a sa
somme d'interrogations et d'ajustements. Ceci est d'autant plus vrai que, dans
le cas présent, pour le Québec, le droit de recours collectif est
ce que l'on peut appeler du droit nouveau. En ce sens, cela nous invite
à la prudence. Cette prudence doit se manifester surtout à
l'intérieur des trois grands titres portant sur la modification du Code
de procédure civile: la création d'un Fonds d'aide et les
dispositions modifiant le Code civil et la Loi de l'aide juridique; d'ailleurs,
c'est surtout à certains de ces points particuliers que la
majorité des mémoires fait référence car, sur le
principe en tant que tel, tous nous sommes d'accord pour l'introduction du
recours collectif.
Il faudra donc nous attarder sur les mesures qui découlent de ce
grand principe. Parmi les éléments sur lesquels nous devrons
porter une attention toute spéciale, il y a, entre autres, cette
nécessité que devront avoir les défenseurs de pouvoir se
défendre adéquatement, d'éviter que la nouvelle loi
entraîne des coûts trop élevés de publicité,
d'éviter le plus possible des abus, de faire en sorte que chacune des
parties soit également favorisée et cela, dans le plus grand
respect de la justice.
Une loi comme celle du recours collectif doit permettre à toutes
les parties, quelles qu'elles soient, d'avoir toutes les facilités
possibles pour s'organiser afin de défendre équitablement leurs
droits respectifs. Ce n'est que de cette façon que nous favorisons une
meilleure application des lois et ce, dans l'intérêt de la
justice, du Québec et des Québécois. Ce qu'il nous faut
éviter, c'est que le projet de loi sur le recours collectif devienne un
symbole d'affrontement alors qu'il doit être, pour chacune des parties,
pour chacun de nous, un symbole de justice. Sur ce point, j'insiste d'une
façon bien particulière.
Nous nous devons donc de faire en sorte que ce projet et les amendements
qui nécessairement devront y être apportés soient
réellement le reflet de ce symbole de justice.
M. le Président, avec mes collègues de l'Opposition, mes
collègues du gouvernement, je veux collaborer le plus étroitement
possible pour que ce projet de loi réponde aux objectifs fixés.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): A ce moment-ci de nos travaux,
normalement, les membres de la commission s'entendent sur une façon de
procéder pour l'audition des mémoires. Y a-t-il une proposition
qui pourrait...
M. Clair: M. le Président, avant que vous appeliez
l'Association des consommateurs du Canada pour présenter le premier
mémoire, j'aimerais vous faire part du fait que j'ai eu le
privilège de discuter avec nos amis de l'Opposition de la
répartition du temps entre les différents intervenants qui sont
prévus pour aujourd'hui. On sait qu'il y a six mémoires de
prévus pour aujourd'hui et qu'on peut prévoir environ six heures
de travail.
En conséquence, je pense que nos collègues de l'Opposition
et nous, du Parti ministériel, accepterions que, comme à
l'accoutumée, une vingtaine de minutes soient réservées
à chacun des groupes pour la présentation du mémoire et
qu'une quarantaine de minutes soient réservées à la
discussion avec les gens qui viennent nous présenter des
mémoires. J'aimerais également vous souligner le fait qu'il nous
apparaît effectivement important, du côté
ministériel, qu'une discussion franche et complète ait lieu sur
le projet de loi 39. Cependant, j'aimerais qu'on s'entende bien pour ne pas
oublier qu'il y aura une étude, article par article, en deuxième
lecture et qu'on doit privilégier autant que faire se peut la discussion
avec nos invités. Dans ce sens, je pense bien que, comme à
l'accoutumée, on pourrait s'entendre pour mettre à la disposition
des gens qui viennent, de nos invités, une vingtaine de minutes pour
chaque mémoire et autant que faire se peut se limiter à environ
une heure par mémoire, si on veut donner une répartition
équitable du temps.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous proposez
également une répartition des quarante minutes entre les
partis?
M. Clair: Je pense qu'à ce niveau, étant
donné que le projet de loi 24 avait bien fonctionné sans qu'il
n'y ait d'entente formelle sur la répartition du temps entre les partis,
nous comptons, de notre côté, sur votre esprit de justice pour
répartir équitablement le temps entre les partis. Cependant nous
ne nous opposerions pas à une proposition qui nous apparaîtrait
équitable, venant de l'Opposition.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, j'étais prêt
à discuter avec le député de Drummond, à faire une
entente même avant l'ouverture de cette commission parlementaire pour ne
pas enlever de temps à nos invités. Cela n'a pas
été possible. Je pense qu'on pourrait jouer par oreille disons au
début en conservant la préoccupation d'entendre le plus possible
ceux qui sont ici pour nous parler, nous dire ce qu'ils pensent. Je suis aussi
prêt à courir le risque de compter sur votre esprit de justice
pour répartir le temps entre les oppositions et le parti
ministériel, réservant un droit de recours non seulement
collectif, mais tout à fait personnel au cas où je m'apercevrais
que vous glissez. Là-dessus, je vous fais confiance. Je pense bien que
la préoccupation de tous les membres de l'Opposition et, j'en suis
sûr, des autres membres, est de faciliter l'échange avec nos
invités.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, je pense que nous sommes
devant un projet de loi d'une grande
importance. Ce n'est pas un projet de loi controversé au sens
où on pourrait avoir un "filibuster" de la part de l'Opposition. Je peux
vous assurer immédiatement aujourd'hui qu'il n'y en aura pas.
M. Lalonde: C'est l'Union Nationale nouveau style. C'est un
nouveau style.
M. Fontaine: M. le Président, on a aujourd'hui
convoqué six associations ou organismes à venir déposer
des mémoires et nous disposons à peu près de six heures.
Je conçois qu'il est assez difficile de demander à ces gens de
revenir plus tard. C'est pour cela que j'ai consenti, pour aujourd'hui, avec le
député de Drummond, à essayer de se restreindre à
une heure par mémoire, mais je ne voudrais pas qu'on fasse cela chaque
jour jusqu'à la fin de l'audition des mémoires. Il y a seulement
14 mémoires. Que je sache, il n'y a rien qui nous presse d'adopter ce
projet de loi le plus rapidement possible, comme c'était le cas pour
d'autres projets de loi.
Je voudrais bien que l'Opposition puisse jouir d'une entière
liberté concernant le temps que le code lui permet de prendre pour poser
des questions, mais je peux vous assurer qu'on n'en abusera pas; cela n'est pas
notre intention, mais je ne veux pas qu'on fasse des ententes pour se lier dans
un carcan d'où l'on ne pourra pas sortir. Mais je conçois, M. le
Président, que, pour aujourd'hui, on puisse fonctionner de cette
façon.
Le Président (M. Marcoux): Pour aujourd'hui, nous allons
nous entendre sur le fait qu'il y a une heure environ par mémoire et
vingt minutes pour la présentation. Pour le reste, on essaiera de
procéder avec le plus de justice possible.
J'inviterais immédiatement l'Association des consommateurs du
Canada à s'approcher pour nous présenter son mémoire. Je
voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue au nom de tous les membres de la
commission, Mme Forget. Je vous demanderais de nous présenter celui qui
vous accompagne.
Association des consommateurs du Canada
(Québec)
Mme Forget (Nicolle): Je suis Nicolle Forget, présidente
de l'Association des consommateurs du Canada (Québec). J'ai avec moi
notre conseiller technique, M. Jacques Vignola, de l'Université de
Montréal.
M. Roy: Pardon, je m'excuse?
Mme Forget: Me Jacques Vignola, de l'Université de
Montréal.
M. Roy: Merci.
Mme Forget: M. le Président, M. le ministre, messieurs les
membres de la commission. L'Association des consommateurs du Canada
(Québec), organisme à but non lucratif, incorporé selon la
troisième partie de la Loi des compagnies de Qué- bec, regroupe
depuis 1948 des consommateurs désireux de prendre en main leur
destinée.
Rattachée à un organisme pancanadien et formée
selon une structure pyramidale dont la base est composée de militants
réunis en sections locales, l'ACCQ est liée par des mandats qui
procèdent de l'assemblée générale des membres.
Nous rejoignons directement au Québec environ 15 000 personnes
souscrivant à nos publications et un millier d'entre elles sont
engagées de façon plus active à divers niveaux de
l'organisme.
Depuis 30 ans vouée à la défense des
intérêts du consommateur d'ici, l'ACCQ s'est fixé comme
objectif de porter un regard critique sur la société de
consommation, d'en analyser les tendances et leurs implications, d'informer,
d'éduquer le consommateur, mais aussi de le représenter chaque
fois que ses intérêts semblaient mis en cause.
Il va sans dire que le projet de loi 39 ne pouvait nous laisser
indifférents; nous réclamons l'introduction d'un tel recours
civil au Québec depuis une dizaines d'années.
Les consommateurs sont en effet titulaires de certains droits qu'ils
n'ont pu faire valoir devant les tribunaux jusqu'à maintenant, soit
parce que le montant en jeu pour chaque consommateur est minime, soit parce que
la preuve à apporter exige une expertise trop coûteuse par rapport
à la réclamation à faire.
Peu de consommateurs sont intéressés à poursuivre
pour une somme de $5 ou moins, ou à investir parfois des milliers de
dollars pour en réclamer quelques centaines. Les exemples sont nombreux,
que ce soit en matière de tarification trop élevée, de
contrat de crédit non conforme à la loi, de publicité
trompeuse, d'étiquetage frauduleux, etc.
La procédure du recours collectif corrige cette lacune. Un
consommateur pourra dorénavant poursuivre, sans mandat, au nom de tous
ceux qui ont le même droit ou un droit similaire à exercer contre
un défendeur.
Ainsi, un consommateur pourra réclamer des
dommages-intérêts, obtenir un jugement déclara-toire, faire
émettre une injonction ou demander l'exécution spécifique
d'une obligation et le recours profitera à tous les membres du groupe
qu'il représente et dont il fait partie. La jurisprudence
américaine en la matière donne de nombreux exemples où ce
recours a permis à une masse de consommateurs de faire valoir leurs
droits, et la vie de tous les jours fournit une multitude de cas où ce
recours est nécessaire pour éviter que les droits donnés
par ailleurs aux consommateurs ne soient illusoires. Sans donner de nouveaux
droits aux consommateurs, la procédure du recours collectif leur offre
un moyen essentiel pour faire respecter ceux qu'ils ont déjà.
Cinq aspects sont importants et doivent être pris en
considération pour évaluer un projet de loi créant une
procédure de recours collectif: 1.La loi doit prévoir une
représentation adéquate des membres absents; 2.La loi doit
prévoir qui sera lié par le jugement ("opting in" par rapport
à "opting out"); 3.La loi doit prévoir une procédure
d'avis
permettant aux membres de se dissocier du recours et de connaître
la teneur du jugement; 4.La loi doit prévoir le recouvrement simple et
rapide des créances; 5.Enfin, elle doit également prévoir
une aide à celui qui prendra l'initiative du recours pour tous les
membres.
A cause de la nature même du recours collectif, qui permet
à un consommateur d'obtenir un jugement qui lie tous les autres membres
du groupe, cette procédure doit contenir certaines mesures pour assurer
que ce consommateur, appelé représentant, défende
véritablement les intérêts des membres absents et pour
éviter qu'il y ait fraude ou collusion entre le représentant et
le défendeur. (10 h 40)
A cet égard, nous croyons que le projet de loi contient toutes
les garanties nécessaires. Celui qui veut agir doit démontrer,
quand il demande l'autorisation d'exercer le recours, qu'il est en mesure de
bien représenter les membres. De plus, il peut, en tout temps,
être remplacé s'il ne remplit plus cette condition (voir les
articles 1003, 1015, 1022 et 1024). Toutes les transactions doivent être
approuvées par le tribunal. Tout amendement ou désistement d'une
procédure ou d'un jugement doit être autorisé par le
tribunal. C'est l'article 1016.
Tout membre peut intervenir au recours. Ce sont les articles 1017 et
1018. Tout membre peut interjeter appel sur la requête d'autorisation du
recours, article 1010; tout membre peut en appeler du jugement final si le
représentant ne le fait pas article 1042.
En matière de recours collectif, la réponse à: "Qui
sera lié par le jugement" représente un choix fondamental. Ou
bien le jugement lie tous ceux qui, par un avis, ont décidé de se
joindre au groupe ("opting in") ou bien il lie tous ceux qui n'ont pas
manifesté le désir de se dissocier du recours ("opting out").
Dans le premier cas, à notre avis, on ne parle plus de recours
collectif. Il nous semble qu'on peut dire que l'article 59 du Code de
procédure civile permet déjà une telle procédure.
Ce choix reviendrait à obliger le représentant à obtenir
un mandat de chacun des membres du groupe qu'il veut représenter.
A notre avis, le recours collectif permet d'intenter une poursuite pour
tous ceux qui ont une question de fait ou de droit semblable à faire
décider par un tribunal sans qu'il soit nécessaire pour les
membres absents de poser de geste positif.
C'est donc à ceux qui veulent s'exclure de poser ce geste
positif. En autant qu'on s'assure que le représentant est en mesure de
défendre adéquatement, sous la surveillance du tribunal,
l'ensemble des membres et qu'on permet à ceux qui le veulent de se
retirer, ce choix ne peut causer aucun préjudice aux membres
absents.
L'avis aux membres. Comme le jugement final sur les questions de droit
et de fait communes à tous les membres liera les absents, il est
important que ces derniers puissent être informés à
certaines étapes de la procédure: D'abord qu'un recours collectif
est en cours, que jugement a été rendu, ou encore qu'un appel a
été interjeté. Ces avis permettent aux membres de se
dissocier du recours, d'y intervenir et de réclamer le montant qui leur
revient le cas échéant.
Ces avis sont prévus au projet de loi et la façon de les
donner est laissée à la discrétion du juge. Il nous semble
qu'il serait bon de prévoir que le défendeur puisse être
forcé de donner cet avis dans les cas où il serait moins
coûteux, plus facile et plus efficace de procéder de la sorte.
Le recouvrement. Le projet de loi prévoit, quand des
dommages-intérêts sont accordés ou que le remboursement
d'une somme d'argent est ordonné par le jugement final, que les
réclamations peuvent être recouvrées individuellement ou
collectivement.
Le projet de loi prévoit le recouvrement collectif des
réclamations dans les cas où c'est possible. Ce choix nous semble
s'imposer pour éviter que la condamnation du défendeur ne soit
illusoire dans les cas où la réclamation de chaque membre est
difficile à évaluer ou dans les cas où plusieurs membres
du groupe ne réclament pas leur dû.
Il nous semble que les modes de recouvrement des créances,
collectifs ou individuels, offrent suffisamment de flexibilité pour
répondre à toutes les situations.
L'aide au recours collectif. Même si le jugement final a
l'autorité de la chose jugée vis-à-vis de tous les membres
du groupe, c'est celui ou ceux qui ont pris l'initiative du recours qui en
assument tous les frais en cas d'insuccès. Pour que le recours collectif
puisse être utilisable malgré ce risque et pour qu'il puisse jouer
le rôle de rétablir un certain équilibre, il faut
absolument un mécanisme d'aide au recours collectif, ce que
prévoit le projet de loi, et ce mécanisme semble excellent.
Nous aimerions, cependant, formuler une remarque concernant le
2ème paragraphe de l'article 25 du projet qui prévoit qu'une aide
temporaire doit être remboursée si le Fonds décide de ne
pas aider la personne qui l'a reçue. Cette disposition semble viser ceux
qui intenteraient des recours futiles ou inutiles. Cependant, il ne faut pas
présumer de la mauvaise foi de celui qui se verra refuser l'aide au
Fonds et il faudrait au moins prévoir la possibilité que cette
aide temporaire puisse ne pas être remboursée au cas de bonne foi
du requérant.
En somme, la procédure du recours collectif telle que
présentée dans le projet de loi répond à un besoin
pressant des consommateurs pour l'exercice de certains de leurs droits et nous
souhaitons que l'Assemblée nationale adopte ce projet de loi le plus
tôt possible.
Merci.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup Mme
Forget. M. le ministre.
M. Marois: Je veux d'abord vous remercier infiniment.
Je sais que vous êtes un groupe qui travaille très fort,
qui a réfléchi sur l'opportunité et la
nécessité d'introduire dans notre droit le recours col-
lectif depuis plusieurs années. Je sais que vous avez fait
l'effort d'être le plus concis possible en même temps que vous
soulevez un certain nombre de questions. Vous me permettrez de vous formuler un
certain nombre de remarques et de questions. Je vais donc les
énumérer en vous laissant le soin, par la suite, de ramasser le
paquet et de nous faire part de vos commentaires à ce sujet.
Dans un premier temps, je ne vous cacherai pas que je note avec
satisfaction le fait que vous avez... A mon point de vue, on pourrait y ajouter
d'autres éléments d'argumentation, mais, dans le fameux
débat sur I'"opting out", I' "opting in", je pense que vous avez
vraiment mis le doigt sur une chose qui est une clef. C'est vrai que, si le
projet de loi n'introduisait pas ou avait plutôt opté, comme c'est
le cas de le dire, pour I'"opting in" plutôt que I'"opting out", au fond,
on ne change rien; parce que vous mentionnez l'article 59, mais on pourrait
aussi parler des articles 59 et 67 qui, dans notre droit, notre Code de
procédure civile le permettent actuellement. Il s'agit, comme
représentant, que je fasse l'effort d'essayer de trouver les 1500, 2000,
5000 citoyens et de me faire donner le mandat ou qu'on fasse une jonction.
Donc, ce sont des choses qui existent déjà et on sait que cela
n'a pas permis, précisément, à des citoyens, de faire
valoir des droits qu'ils ont. Je pense que là, vous mettez vraiment le
doigt sur une des corrections qu'il faut apporter, par l'introduction du
recours collectif, à l'état actuel de notre procédure.
C'est une première remarque que je voulais faire.
M'accrochant davantage à d'autres questions qui sont
soulevées dans votre mémoire, à la page 5, en ce qui
concerne l'avis aux membres, vers la fin du paragraphe, vous nous dites qu'il
serait bon de prévoir que le défendeur puisse être
forcé de donner cet avis dans les cas où il serait moins
coûteux, plus facile, plus efficace de procéder de la sorte. Je
voudrais attirer votre attention sur l'article 1046 du projet de loi. L'article
1046, si on le lit attentivement, dit: "Lorsque le tribunal ordonne la
publication d'un avis, il détermine la date, la forme et le mode". En
d'autres termes, est-ce que vous ne croyez pas que ce que vous évoquez
à la fin de ce paragraphe, à la page 5, est déjà,
au fond, prévu à l'article 1046? Si je comprends bien, j'aime
bien partir d'exemples très concrets pour voir de quoi on parle; ce
à quoi vous faites allusion, je présume, c'est notamment cette
fameuse cause aux Etats-Unis où le tribunal avait jugé que le
meilleur mode d'avis il s'agissait d'une compagnie qui distribuait des
pintes de lait le tribunal avait ordonné que l'avis soit mis sur
les pintes de lait. Quant aux coûts et aux frais, cela fait partie de
l'ensemble, de ce que l'on appelle les dépens ou les frais d'un
procès. Le tribunal décide à la fin qui doit assumer les
coûts de tout cela. Si c'est ce à quoi vous faites allusion, je me
demande si l'article 1046 n'est pas déjà la réponse
à la question que vous soulevez.
Par ailleurs, à la page 6, j'avoue que je me pose des questions
sur la recommandation que vous nous faites concernant le deuxième
paragraphe de l'article 25. Ce paragraphe est un paragra- phe d'exception et
cherche à prévoir les cas où, indépendamment du
fonctionnement normal du fonds, il y aurait urgence, une urgence telle que le
fonds n'a pas le temps de se réunir. L'exemple concret de cela serait le
cas où il y aurait une prescription du recours qui pourrait venir dans
deux jours, trois jours et qu'il serait impossible de réunir les membres
du fonds. Quoi qu'on ait dit, il ne faut quand même pas, dans ce genre de
mécanisme-là, par un coin administratif du projet, mettre en
péril le fonds même qui est le droit et la procédure pour
le faire valoir; c'est donc dit à titre exceptionnel et cela doit
être motivé d'ailleurs. Cela doit être écrit,
motivé, au sens du mot "motivé" en droit. Cependant, si le fonds
décide par la suite, se réunissant et ayant le temps d'examiner
le fond et qu'il lui semble que cette décision prise de bonne foi, dans
un caractère d'urgence, pour aider quelqu'un, n'est pas fondée,
il nous semble tout à fait justifié que le fonds dise: Ecoutez,
l'avance ou l'aide temporaire sur cette base doit être remboursée,
parce que s'il n'y avait pas eu caractère d'urgence de votre demande, de
bonne foi, on l'a regardé vite sur la base de quelque chose d'urgent,
mais si on avait eu le temps normal, votre demande n'aurait pas
été reçue. Si on acceptait la recommandation que vous nous
faites, est-ce qu'au fond, on ne créerait pas une situation qui
risquerait d'être quelque chose comme deux poids et deux mesures? Je vous
pose la question.
Maintenant, deux questions, très rapidement, parce que vous ne
l'avez pas mentionné dans votre mémoire, je pense que c'est
pertinent d'avoir votre avis là-dessus. L'article 1048 du projet permet
à une "corporation", entre guillemets, au sens large de ce que ce mot
veut dire en droit, donc un groupe de consommateurs comme vous autres qui a une
existence légale, d'intenter le recours collectif au nom d'un membre,
à condition qu'il y ait, parmi ses membres, un membre qui a
l'intérêt, au sens du droit, d'exercer un tel recours.
Si vous avez une opinion, je pense qu'il serait intéressant que
la commission vous entende là-dessus, qu'est-ce que vous pensez de cette
idée, ou est-ce que vous êtes plutôt porté à
dire: Ecoutez, non, c'est plus ou moins nécessaire, de toute
façon, pour des groupes comme les vôtres, on interviendra de toute
manière? On sait que, dans les faits, les choses se passent
déjà comme ça présentement. Très souvent, je
me souviens, j'ai une certaine expérience pour en avoir vécu de
très près, très souvent, vous êtes de toute
façon, très près, derrière, au sens d'un appui
technique. Est-ce que c'est suffisant ou si, à votre avis, il faut
introduire ce que prévoit l'article 1048?
Il y a une dernière question, qui revient dans d'autres
mémoires, certains pensent que le fait que la requête, qui est la
première étape pour demander au tribunal la permission
d'introduire, de procéder par recours collectif soit publique, cela
pourrait nuire indûment à la réputation de certaines
entreprises, notamment dans les cas où la requête, par exemple, ne
serait pas retenue, où on dirait: Non, il y a d'autres moyens de
procéder, et allez-y. S'il s'avère que la requête n'est pas
fon-
dée, cela pourrait nuire. Qu'est-ce que vous en pensez?
C'est l'ensemble des remarques et questions que j'avais pour
l'instant.
M. Vignola (Jacques): Sur le premier point, à l'article
1046, sur les modes de publication, ce qu'on a vu dans le projet sur les modes
de publication, c'est que le juge peut ordonner que ce soit publié par
les journaux ou en envoyant une lettre, quel que soit le mode de publication.
Ce qu'on voulait que soit ajouté, c'est que le juge puisse forcer le
défendeur à envoyer l'avis. S'il est plus facile pour une
compagnie d'autos qui aurait une liste d'adresses des personnes qui ont
acheté des automobiles, que le juge force la compagnie à envoyer
l'avis, que ce soit aux frais du requérant, mais que l'avis soit
envoyé par le défendeur, si c'est plus facile pour lui de le
faire.
Il y a aussi le cas des pintes de lait. Je ne sais pas si le mode d'avis
peut aller aussi loin que de forcer le défendeur à donner l'avis
prévu au recours.
Mme Forget: On a peut-être vu "mode ' davantage dans le
sens de façon écrite, ou publicité
télévisée, de ce genre-ci. Peut-être qu'on a mal
interprété finalement. On sait que c'est à la
discrétion du juge, mais c'est sans doute une suggestion très
forte qu'on ferait, parce que ça pourrait être rapide d'une part,
tout se faire le même jour sur une même série de
productions, si on pense à des contenants de céréales, de
lait, de pain. Les voitures sont un autre exemple, à un autre niveau,
où, rapidement, on pourrait atteindre, surtout dans des cas de produits
d'alimentation ou de choses qu'on achète à peu près tous
les jours ou régulièrement, où ça devient
peut-être plus facile pour un même producteur d'avertir tous ses
clients potentiels ou reconnus.
M. Lalonde: II y a d'autres questions, j'imagine, auxquelles ils
veulent répondre.
M. Vignola: Sur le deuxième point, l'article 25, ce qu'il
prévoit, c'est également le cas qu'on avait prévu, dans un
cas de prescription, c'est qu'il y a eu justement une aide temporaire qui doit
être motivée, qui peut être accordée.
Ce que le deuxième paragraphe dit, c'est que si le fonds par
après refuse l'aide, le montant doit être remboursé. Ce
qu'on dit, c'est qu'il est possible que celui qui a demandé l'aide
temporaire au fonds soit de bonne foi et engage des fonds dans une poursuite
collective, même si, après, si la requête est refusée
ou si le fonds décide de refuser l'aide, qu'il y ait au moins la
possibilité qu'il ne puisse pas rembourser l'aide au fonds, non pas que,
toutes les fois, il ne soit pas question de le rembourser, mais qu'au moins, il
y ait possibilité que les fonds qui lui sont donnés ne soient pas
remboursés automatiquement.
L'article ne prévoit pas cette possibilité que l'aide ne
soit pas remboursée. (10 h 55)
Mme Forget: Entendons-nous. Ce serait toujours la partie non
dépensée quand on suggère cela, évidemment.
M. Vignola: Sur 1048, il nous apparaît bien important que
les associations de consommateurs comme l'ACCQ puissent piloter un recours
collectif parce que, finalement, on monte des dossiers sur certains cas bien
précis. On a la documentation, on a tout le soutien technique
nécessaire à l'introduction d'un recours collectif. Il nous
apparaît important que l'association elle-même, dans le cas des
associations de consommateurs, puisse intenter le recours et le piloter,
plutôt que de le faire par interposition, en donnant tout l'appui qu'il
faut, les fonds à un consommateur pour qu'il intente le recours
collectif; que ce soit fait directement par l'association plutôt
qu'indirectement par un consommateur.
Sur la question de la requête publique ou non, qui accorde la
permission d'intenter un recours collectif, ce qu'on craint, c'est qu'on
intente un recours collectif dans le seul but d'avoir un pouvoir de
négociation avec le défendeur pour obtenir certaines choses. En
fait, lors du jugement sur la requête, si la requête est
refusée, il n'y a pas de tort qui est fait. Si la requête est
accordée, à ce moment-là, le recours collectif, c'est
comme n'importe quel recours, n'importe quel citoyen ou n'importe quelle
association qui peut prendre une action...
M. Marois: Si vous permettez. Je m'excuse de vous interrompre, ma
question était peut-être mal formulée. Les remarques,
certaines remarques en particulier, qui nous sont faites concernant la
requête portent sur le fait que le débat en cours sur la
requête soit un débat public.
On a dit: Si la requête n'est pas fondée, le fait que le
débat ait été public, est-ce que cela ne pourrait pas
porter, dans certains cas, atteinte à la réputation de gens de
bonne foi? C'est là-dessus précisément que portait ma
remarque. Evidemment, quand c'est fini, c'est fini. C'est comme quelqu'un qui
est cité à l'enquête préliminaire. Analogiquement,
en droit criminel, quand c'est fini, c'est fini. Si on conclut qu il n'est pas
cité à son procès, ça vient de s'arrêter
là. C'est certain.
Mme Forget: Remarquez qu'on a toujours demandé et
c'est peut-être une réponse indirecte à votre question
les groupes de consommateurs ont toujours demandé que
l'information la plus large soit donnée sur toutes les questions. Les
choses à huis clos, ce n'est pas de l'intérêt public au
sens large, d'habitude. Si on veut obtenir le statut de requérant pour
un recours collectif sur le fait qu'il manque 50 grammes par boîte de
quelque chose ou trois grammes par boîte d'une autre chose, ou qu'on n'a
pas respecté une garantie, c'est devenu un fait assez connu que
ça ne va pas causer plus de tort, qu'on se le dise entre voisins ou
qu'on aille le dire dans une salle précise, dans un palais de
justice.
Je pense qu'il faut tenir au caractère public de cette
partie-là aussi. Tant mieux si le défendeur ar-
rive à faire la preuve que c'est faux. Il sera aussi lavé
des soupçons qui pesaient sur lui.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je veux remercier
l'Association des consommateurs du Canada (Québec) Inc., pour son
mémoire qui témoigne d'une préoccupation qui date de
plusieurs années à l'égard de la démarche
proposée par le gouvernement actuellement.
Je voudrais m'en tenir simplement aux questions qui ont
été soulevées par le mémoire, sans aborder celles
qui auraient été réglées à la suite des
questions du ministre. On me permettra peut-être une remarque sur la
signification de mode de publication. Je serais tenté, quant à
moi, de pencher vers votre interprétation, à savoir que le mode
de publication pourrait ne pas être suffisamment large pour permettre au
juge de dire qui doit envoyer l'avis, de créer une obligation de la
part, par exemple, du distributeur ou du défendeur dans le cas
actuel.
Quand on arrivera à l'étude article par article, il sera
peut-être préférable d'être plus clair et que le juge
détermine aussi qui doit envoyer l'avis.
Quant au remboursement de l'aide temporaire, je pense que les
préoccupations du ministre doivent être prises au sérieux,
tout d'abord à l'égard de l'administration des fonds publics.
Cette disposition ne pourrait-elle pas servir un peu de prévention
à l'égard des tentatives futiles, par exemple, ou frivoles, qui
pourraient être faites par certaines personnes?
Toutefois, je pense qu'il serait abusif d'exiger de quelqu'un qui a
déjà dépensé une partie de l'aide temporaire de la
rembourser. Il y aurait peut-être lieu, à ce moment-ci, si c'est
l'inquiétude du ministre, de prévoir que l'autorisation soit
faite peut-être d'une façon un peu plus rigoureuse. On
prévoit qu'un administrateur peut autoriser l'aide temporaire. L'article
25, de toute évidence, fait état d'un caractère d'urgence
de la demande. Ne pourrait-on pas étayer peut-être la formule de
demande, la formule par laquelle on va accorder?... Parfois on va accorder
l'aide temporaire de façon à éviter le plus possible des
décisions, des appels qui renverseraient la décision de l'aide
temporaire. Il n'y a aucun doute que les montants d'argent qui auraient
été dépensés, qui auraient été
engagés, soit dans des études ou des procédures, et qui
devraient être remboursés par la personne qui en a fait la
demande, pourraient créer des situations abusives.
Quant à la publicité de la requête, point
soulevé par le ministre, je crois que cette réaction participe
des valeurs les plus fondamentales d'une démocratie: que la justice soit
faite en toute clarté et en toute publicité... Il reste toutefois
que, dans ce cas-ci, quand on parle de recours collectif, on parle de
situations non pas qui se passent à des centaines et des centaines
d'exemplaires, tous les jours dans nos cours de justice où un demandeur
poursuit un défendeur, avec ou sans gain de cause. Cette demande, ce
recours collectif prend un caractère spécial, un caractère
différent qui pourrait être utilisé par des gens de
mauvaise foi, simplement pour nuire. Comme la loi prévoit souvent des
cas où la publicité des poursuites, soit au criminel, en
particulier... On sait même que ce caractère de publicité a
encore été réduit récemment dans le cas des
enquêtes préliminaires alors que toute notre démocratie, ou
enfin, l'effort de ceux qui ont à coeur les valeurs démocratiques
tend à rendre encore la justice la plus limpide et la plus transparente
possible; il reste qu'il y aurait peut-être lieu de penser, si le juge...
Là-dessus, je pense qu'il faut rendre hommage au gouvernement.
Jusqu'à quel point se repose-t-il sur le pouvoir judiciaire pour toutes
les étapes du recours collectif: autoriser les démarches,
examiner les situations, etc.? Je pense que c'est à bon droit qu'on doit
lui rendre hommage, parce que, trop souvent dans notre Québec moderne,
on a coupé le recours aux tribunaux du droit commun dans nos grandes
réformes.
Mais dans ce cas-ci, le juge pourrait peut-être, soit proprio
motu, ou enfin d'une façon qu'on pourrait imaginer, qu'on pourrait
décrire dans la loi, demander qu'un huis clos soit fait s'il
s'aperçoit que, de toute évidence, au départ, il y a un
caractère abusif dans la demande. Si vous avez des réactions
à ces propos, libre à vous de les faire maintenant valoir.
M. Vignola: Vous parlez de la publicité sur la
requête qui demande qu'un recours collectif soit intenté ou sur le
recours lui-même après que le recours a été
accordé?
M. Lalonde: La requête introductive.
M. Vignola: La requête introductive. En fait...
M. Lalonde: C'est ce que, à moins que je ne fasse erreur,
le ministre a décrit tantôt.
M. Vignola: Dans une requête, si, par exemple, une
association de consommateurs demande que soit intenté un recours
collectif contre un défendant, je ne pense pas ou je ne vois pas plus
les préjudices qui peuvent être causés que quand une
association de consommateurs va rendre public un dossier sur un sujet
précis qui pourrait être celui qui fasse l'objet d'un recours
collectif. Je ne vois pas plus de préjudice, en fait, à ce que
cela soit gardé à huis clos, plutôt que d'être
ouvert. Je ne vois pas la différence entre demander qu'un recours
collectif soit intenté, par exemple, ou sortir un dossier dans la presse
en dénonçant une situation du même défendant.
Mme Forget: Par contre, je crois voir où vous voulez en
venir. Ce serait dans le cas de gens qui se regroupent seulement à
l'occasion d'un recours collectif où on pourrait penser que le
représentant ou quelque partie des membres de ce groupe, à tout
le moins le représentant, ait un intérêt particulier face
au défendeur. A ce moment... Il est clair
que, dans le cas des associations, leur rôle est
déjà connu, les interventions sont déjà connues.
Cela se suit d'année en année avec... C'est assez
différent, nos membres mêmes nous interdiraient d'aller faire des
recours avec seulement l'idée bien précise de jeter par terre la
compagnie du coin de la rue. C'est assez clair. J'imagine que si, comme dans
d'autres cas, tout au long de la loi, c'était laissé à la
discrétion du juge à certains niveaux, peut-être que cela
pourrait être comme cela aussi pour cette partie de la publicité
concernant l'enquête, qu'autant que possible, elle soit publique, mais
que le juge ait, à certains moments, la possibilité de le faire
à huis clos.
M. Lalonde: Est-ce que, à votre connaissance, de telles
dispositions existent dans des lois semblables, dans d'autres juridictions?
Vous ne pourriez pas dire?
M. Vignola: Pas à ma connaissance, sauf en droit
criminel.
M. Lalonde: Remarquez qu'avant d'introduire une telle
démarche, une réforme, on a souvent l'épiderme un peu trop
sensible. Lorsqu'on vit pendant un certain temps dans d'autres juridictions
où les moeurs sont différentes, on s'aperçoit que les gens
s'habituent à ces conditions différentes, et la vie continue.
C'est peut-être un peu une question de prudence avant d'apporter un
changement qui fait qu'on se pose la question actuellement. Je vous
remercie.
Mme Forget: Je ne pense pas.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir
au mode d'avis dont on parle à la page 5, où on suggère
que le défendeur puisse être forcé de donner l'avis. On
fait référence à l'article 1046. Même si le ministre
nous a mentionné qu'il prétendait que, à ce moment, le
tribunal pourrait déterminer que le mode de publication serait celui
d'ordonner au défendeur de publier, ce dont on peut douter, parce que
dans la jurisprudence actuelle, c'est assez rare que cela puisse
procéder de cette façon, de toute façon, il y a un autre
problème qui pourrait être soulevé. En admettant que le
mode de publication soit fait par le défendeur et ordonné par le
juge, à ce moment, comment voyez-vous que la preuve de cette publication
ou de cet avis puisse être rapportée au tribunal?
Mme Forget: Monsieur, si on parle des litres de lait ou des
sachets, pour certains cas bien précis, c'est très facile. Si
toutes les enveloppes de pain portent l'avis, ou si, sur le devant même
du sachet de lait, c'est indiqué: Avis est donné, etc. La preuve
est facile à faire. Tout le monde va l'avoir le lendemain, partout, le
jour où la production va sortir avec l'avis. (11 h 10)
Si on prend le cas des fabricants de voitures qui doivent rappeler tous
les modèles de telle année, ils ont les listes des
détenteurs de voitures de telle marque; la personne vient et il suffit
qu'une seule lettre soit reçue pour dire que l'avis a été
envoyé. Ici, notre point n'est pas d'en faire une obligation au point
que ce soit toujours comme cela. On se dit que dans les cas où c'est
plus rapide, moins coûteux, plus simple, pourquoi ne peut-on pas dire au
juge: Vous devriez le faire dans les cas particuliers où on vous incite
à le faire de façon plus précise.
M. Fontaine: D'accord, mais si, par exemple, le distributeur de
pain est condamné à donner l'avis dans ses enveloppes de pain et
que la personne en question n'en envoie qu'à la moitié de ses
consommateurs?
Mme Forget: Vous savez qu'en termes de coût, j'imagine que
toute sa production de contenants de pain va y passer avec l'avis parce qu'il
va falloir mettre quelques sous de plus par enveloppe; il ne va pas faire un
lot avec avis et un autre sans avis. Je pense que cela va être une
semaine précise; toute sa production va être imprimée avec
l'avis et tous les acheteurs habituels donc, ceux qui ont
été susceptibles d'avoir été lésés,
il y a une certaine fidélité à ces niveaux... Les clients
achètent davantage telle sorte de pain, telle marque de lait, telle
marque de beurre et telle céréale. Je pense que là-dessus,
c'est moins un problème.
M. Fontaine: Vous prétendez que ce mode d'avis offrirait
assez de sécurité pour rejoindre tous les consommateurs?
Mme Forget: Autrement, dans le cas très précis du
lait, disons que l'avis est publié telle date dans les journaux; tous
les gens ne vont pas les lire, surtout quand on n'a plus de quotidiens
cela devient difficile; les gens ne vont pas tous regarder la
télévision ce jour-là: Est-ce qu'ils vont se rappeler que
c'est de cette compagnie qu'ils achètent leur lait ou non? Tandis que si
c'est sur le sachet, il est évident que cela va leur sauter aux yeux; on
ne peut pas passer à côté. Cela ne s'applique pas à
tout, c'est évident.
M. Fontaine: D'accord. Si on revient à la question qui a
été soulevée tout à l'heure concernant la
publication ou la façon de rendre publique la requête initiale. Je
me pose de sérieuses questions à ce sujet. On se demande si le
fait de publier tout simplement une requête qui peut être
acceptée ou refusée par le tribunal ne peut pas causer beaucoup
de tort du point de vue économique à certaines compagnies. On en
a eu l'exemple avec dans un autre domaine cependant la CECO.
Chaque fois qu'une personne était requise à venir
témoigner devant la CECO, immédiatement dans la population on
disait que monsieur un tel était tout à fait impliqué dans
le crime organisé. Je comprends que mon exemple est différent,
mais ne pensez-vous pas que le fait de rendre publique une seule demande, une
seule requête qui est faite
devant un tribunal, ne puisse impliquer au point de vue
économique la perte de la bonne renommée de compagnies ou de
producteurs dans certains domaines?
Mme Forget: II y a dans les pages de certains journaux, tous les
jours, un tas de requêtes que les gens ne lisent pas. Est-ce que cela
fait tort aux gens parce que c'est publié là? Il faut aussi se
poser la question.
M. Fontaine: Non, mais dans...
Mme Forget: II y a beaucoup d'avis publics seulement pour
l'administration de la justice, quotidiennement. On n'a que Le Devoir à
Montréal, seul journal francophone le matin, avec une série de
pages. Vous les prenez et il y en a pendant trois pages. Je ne sais pas.
M. Fontaine: Dans ce domaine, je pense que cela va être la
presse qui va s'emparer de l'affaire. Supposons que moi, en tant que
consommateur d'automobile, je décide d'intenter, de prendre une
requête au nom des consommateurs en recours collectif contre une
compagnie de production d'automobiles. Immédiatement, la presse va
s'emparer de cela pour dire: II y a une poursuite, un recours collectif contre
telle compagnie à cause de tel problème, alors que la
requête n'aura même pas été entendue. Je pense qu'au
sein de la population, cela peut causer... Les gens peuvent dire: Cette
compagnie a tel défaut, avant même que le tribunal ait pu se
prononcer.
M. Vignola: Mais finalement, pour tous les recours civils qui
peuvent être pris, on est dans la même situation. Je peux prendre
moi-même un recours et poursuivre une compagnie, n'importe laquelle, pour
un million même si je n'ai aucun droit. Il va y avoir une
publicité monstre à ce sujet et ma demande peut absolument ne pas
être fondée. C'est finalement la même chose qui va se
produire dans le cas du recours collectif.
Mais je ne pense pas qu'il faille s'attendre que, du jour au lendemain,
avec la procédure au recours collectif, tout le monde va prendre des
recours collectifs et qu'il y aura une grosse publicité partout et que,
du moment qu'une compagnie sera poursuivie par le mode de recours collectif,
cette dernière sera tout de suite boycottée ou perdra de la
clientèle.
Finalement, il n'y a pas de précédent en procédure
civile où il y a quelque chose qui peut se faire à huis clos,
sauf peut-être dans les relations matrimoniales, mais je peux intenter
une poursuite, en vertu du code actuel, sans recours collectif, contre une
compagnie pour un montant fabuleux avec 25 personnes et arriver au même
résultat.
M. Fontaine: Ne pensez-vous pas, par exemple, que des concurrents
pourraient se servir de ces requêtes pour faire de la
contrepublicité contre un concurrent?
M. Vignola: Encore là, ils peuvent le faire. Ils peuvent
faire la même chose aujourd'hui. Ils peuvent poursuivre un concurrent par
personne interposée, même sans avoir de droits, seulement pour
faire de la mauvaise publicité à un concurrent. Je pense que cela
peut se faire dans le moment sans que le recours collectif donne un outil de
plus pour cela. Il va probablement y avoir beaucoup de publicité au
début sur les premiers recours qui seront introduits, mais je ne pense
pas que cela puisse causer un préjudice tel...
M. Fontaine: D'accord.
Mme Forget: Pour éviter le problème que vous
semblez appréhender, il n'y aurait qu'une seule solution. C'est de
permettre le recours uniquement à des associations prévues,
inscrites dans la loi. Cela nierait la base même ou la philosophie de
permettre à quelque citoyen que ce soit qui consomme, à un
certain moment, quoi que ce soit, quand il a été
lésé, de trouver les autres lésés avec lui et de
s'embarquer dans le processus.
M. Fontaine: II pourrait peut-être y avoir une ordonnance
de non-publication tant que la requête n'a pas été
accordée. Après que la requête a été
accordée, bien sûr que cela devient un recours ordinaire devant
les tribunaux et, à ce moment, il n'y aurait pas lieu d'ordonner la
non-publicité.
Je voudrais revenir sur une autre question. C'est celle du recouvrement
collectif. A la page 5 de votre mémoire, vous mentionnez que le projet
de loi prévoit le recouvrement collectif des réclamations dans
les cas où c'est possible et je voudrais que vous me donniez votre
opinion sur ce que nous dit le Barreau à ce sujet.
Le Barreau nous dit, à la page 12 de son mémoire: "Nous
sommes d'opinion qu'un "reliquat" équivalant au recouvrement collectif
(de 100%; celui de l'article 1034) ne devrait pas être possible. La
condamnation au paiement global ne se justifie pas en droit civil si elle ne
peut bénéficier aux individus ou à un certain nombre
d'individus membres de la classe. "Si le juge est incapable de disposer du
montant global ou d'une partie de celui-ci au bénéfice propre des
membres de la classe, le recouvrement collectif ne doit pas être
ordonné".
M. Vignola: Finalement, le recouvrement collectif... Il y a un
exemple connu, c'est celui des compagnies de taxi, où il est impossible
de retracer chacun des consommateurs qui, chaque fois, a payé $0.10 de
trop parce que les compteurs avaient été mal
réglés.
Dans un tel cas, ce qui avait été ordonné, c'est
que la compagnie baisse ses prix pendant une certaine période
jusqu'à équivaloir au montant qui avait été
perçu en trop des consommateurs.
Si on enlève le recouvrement collectif dans de tels cas,
finalement, il n'y a plus rien. On revient finalement au droit actuel où
il faut retracer chaque consommateur avec le montant et sa réclamation
propre qu'il doit faire finalement chaque fois.
M. Fontaine: A ce moment, je suis d'accord, mais, à
l'article 1036 on dit: "Le tribunal dispose du reliquat de la façon
qu'il détermine et en tenant compte, notamment, de
l'intérêt des membres, après avoir donné aux parties
et à toute autre personne qu'il désigne l'occasion de se faire
entendre".
Cela veut dire qu'à ce moment, le tribunal devrait
procéder à la distribution du reliquat alors qu'il ne sait pas
quelle est la réclamation des membres.
M. Vignola: Un des cas prévus à 1036 serait qu'on
puisse déterminer, par exemple, que... Un appareil ménager est
défectueux et on peut dire qu'il y en a eu tant de vendus, que chaque
consommateur a droit à $5. A ce moment, on fixe le montant global qui
doit être retourné à l'ensemble des membres de la classe,
mais ce n'est pas tout le monde qui va venir avec sa facture pour
réclamer les $5 qui lui sont dus.
S'il en reste, le juge, à ce moment-là, en dispose selon
l'article 1036. A ce moment-là, il pourra faire baisser le prix des
prochains appareils ou en disposer comme il l'entend, et je pense que c'est
tout le monde qui va en profiter.
M. Fontaine: D'accord, merci beaucoup.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Drummond.
M. Clair: Merci, M. le Président. En fait, je n'ai qu'une
question concernant l'article 1048. C'est l'article qui prévoit qu'un
groupe peut demander pour lui le statut de représentant.
Premièrement, je tiens à préciser que, dans le projet de
loi, personnellement, il ne m'apparaît pas clairement
précisé si, oui ou non, un groupe peut intervenir agressivement,
au sens du Code de procédure civile, peut se faire reconnaître,
à toutes fins pratiques, le statut d'intervenant. Dans les
circonstances, étant donné que ce n'est peut-être pas aussi
clair que je le désirerais personnellement, est-ce qu'il n'y a pas un
danger, pour le groupe qui se ferait reconnaître le statut de
représentant, dès le départ. Est-ce qu'il n'y a pas un
triple danger, premièrement que les individus, les consommateurs
eux-mêmes, finalement, à la longue, ne s'en remettent qu'au groupe
pour intenter des recours collectifs, diminuant ainsi l'initiative qu'on
souhaite voir prendre par les consommateurs eux-mêmes?
Deuxièmement, est-ce qu'il n'y a pas également un danger
ce sont vraiment des questions, je ne fais d'affirmation d'aucune façon
plus grand si le groupe a le statut de représentant plutôt
que celui d'intervenant, que la collusion avec le défendeur soit rendue
plus facile entre justement le défendeur, d'une part, et un groupe? On
parle même d'une corporation dont un des membres ou un actionnaire
on emploie même le terme actionnaire est-ce qu'il n'y a pas un
danger que, très rapidement, un défendeur se constitue un groupe
qui, effectivement, représente vraiment des consommateurs
lésés, mais qui sont des consommateurs plus conservateurs, plus
prêts à régler, comme on dit dans le milieu, et que, dans
ce sens, cela nuise finalement aux individus concernés, aux
consommateurs comme tels, alors que, si le groupe n'avait que le statut
d'intervenant, à ce moment-là, il ne pourrait pas avoir
l'initiative d'une telle collusion? Le troisième danger pourrait
être celui de voir naître une concurrence qui nuise finalement
à la protection du consommateur en général, entre les
groupes qui, en même temps, entre plusieurs groupes de consommateurs,
voudraient se faire reconnaître comme étant le représentant
du groupe concerné. Encore une fois, ce n'est pas une affirmation, c'est
simplement une interrogation quant à la différence entre le
statut de représentant qui est reconnu par l'article 1048 et la
possibilité de clarifier davantage un rôle d'intervenant que
pourraient jouer les groupes comme ceux dont il est question à l'article
1048.
M. Vignola: Sur le premier point, à la question de savoir
si cela va diminuer l'initiative et qu'on va toujours s'en
référer au groupe pour intenter des recours, je pense que cela
peut avoir l'effet contraire, en mettant bien en lumière toutes les
situations où les consommateurs, en pensant qu'ils ont un recours, mais
qu'il ne vaut pas la peine d'être poursuivi, vont pouvoir justement
intenter un recours collectif pour faire valoir leurs droits. Sur la question
de la collusion, je pense que le projet de loi prévoit, entre autres aux
articles 1003 et surtout à 1022, que si, à un moment
donné, n'importe quand pendant le recours, le juge en vient à la
conclusion que le représentant ne peut plus représenter
adéquatement les membres du groupe, il peut le changer. De toute
façon, tout ce qui peut intervenir dans le recours, les
désistements d'un acte de procédure ou tout ce qui peut engager
les droits du groupe, doit être approuvé par le juge, et le juge a
la surveillance constante du fait que les membres non présents soient
adéquatement représentés par la personne qui prend le
recours.
M. Clair: Mais, sur le point de la collusion, le tribunal va
devoir apprécier la situation et, question d'appréciation, errare
humanum est, il est toujours possible qu'une erreur d'appréciation, de
la part du tribunal, survienne justement face à un groupe qui peut faire
de la collusion, car s'il y avait collusion, les gens qui font de la collusion,
essaient d'avoir le moins possible l'air d'être en train de faire de la
collusion. Alors, on ne réglera pas pour $0.50 quelque chose qui vaut
$100, mais peut-être qu'on réglerait pour $80 quelque chose qui en
vaut $100. Dans la mesure où, justement, c'est le groupe qui a
l'initiative, est-ce que vous ne pensez pas que la collusion, à ce
moment-là, un certain niveau de collusion, en tout cas, serait plus
facile que si le groupe en question n'avait que le statut d'intervenant et non
pas celui d'initiateur de la procédure. (11 h 25)
M. Vignola: A ce moment-là, ça va être au
juge de prendre la décision, à savoir si ça met en cause
des intérêts. Il y a aussi le fait que chacun des
membres peut intervenir au recours et surveiller ce qui se fait tout au
long du recours.
Mme Forget: Il y a plus loin que ça et ça va aller
vers votre troisième interrogation, finalement. C'est que si jamais les
groupes de consommateurs se mettent à tomber dans la collusion avec les
compagnies...
M. Clair: Je ne pensais pas à des groupes de
consommateurs.
Mme Forget: Je comprends, mais on aurait accès aux recours
avec cet article; c'est le seul qui nous le permette. Donc, si on
l'enlève aux compagnies, il faudrait trouver une autre façon.
C'est ça votre problème, finalement, j'imagine.
M. Clair: Non, ce n'est pas dans ce sens, ce n'est pas dans le
sens que des groupes de consommateurs existant aujourd'hui ou qui existeraient
à l'époque puissent procéder à de la collusion avec
un défendeur. Ce n'est pas dans ce sens-là. C'est dans le sens
qu'on pourrait voir naître... On ne dit pas à l'article 1048 que
ce groupe doit avoir existé préalablement, ni que le membre dont
on est représentant doit avoir été membre de I'association
de consommateurs concernée.
Auparavant, on peut créer, je pense, par l'article 1048, de toute
pièce, un groupe de consommateurs qu'on trie sur le volet pour essayer
de trouver les plus conservateurs.
Mme Forget: Une corporation, au sens du code, c'est un groupe qui
a un statut légal. Cela ne se crée pas en deux jours.
M. Vignola: II y a une autre chose aussi; je ne vois pas... C'est
que si vous enlevez cet article, il y aura seulement des individus qui vont
pouvoir exercer le recours. A ce moment-là, il y a autant de danger de
collusion que si c'est un groupe.
M. Clair: C'est pour ça que je vous disais que je voyais
cependant... C'est hypothétique; je voyais la disparition de l'article
1048, du groupe comme initiateur par le groupe intervenant. Je ne pense pas
qu'aux articles 1017, 1018, 1048, il soit clairement précisé
qu'un groupe peut intervenir agressivement. Je ne vous dis pas qu'il ne peut
pas le faire; il faudrait faire l'exégèse du texte avant de dire
oui ou non. C'est pour ça que je partage votre avis à ce sujet,
c'est-à-dire qu'il ne faudrait pas que le groupe soit
complètement éliminé du tableau.
Je pense que c'est une question d'approche.
Mme Forget: Pour la question de la concurrence entre les groupes,
je pense que le champ de la consommation est tellement vaste; jusqu'à
maintenant, on ne s'est pas trop pilé sur les pieds. Je ne crois pas
qu'on va donner, de plein pied, dans des actions, juste pour le plaisir de le
faire. On a aussi des programmes à respecter et il est clair qu'il n'y
aura pas foule, pour ce qui est des groupes, dès la première
journée, pour inscrire des requêtes; je ne pense pas. Il faut
être assez réaliste. Je ne crois pas, jusqu'à maintenant,
qu'on se vole la vedette chacun notre tour.
On est déjà peu nombreux, on ne va pas...
Le Président (M. Marcoux): Comme je n'ai pas d'autres
intervenants, je remercie Mme Forget et M. Vignola de la présentation de
leur mémoire. J'inviterais maintenant le Barreau du Québec
à venir nous présenter son mémoire.
Mme Micheline Audette-Filion.
Barreau du Québec
Mme Audette-Filion: M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission, il me fait plaisir de vous présenter le
bâtonnier du Québec qui présentera le mémoire ce
matin à la commission. Me Viateur Bergeron.
M. Bergeron: M. le Président, M. le ministre,
distingués membres de la commission, notre tâche sera d'abord
facile puisque nous commencerons par féliciter le gouvernement et les
auteurs du projet de loi de leur initiative et de la façon qu'ils s'en
sont tirés.
Je pense qu'après plusieurs lectures du projet de loi 39, on peut
être content d'y retrouver des principes que nous défendons au
Barreau du Québec depuis très longtemps et j'en ferai
rénumération rapide.
En somme, ce projet de loi, c'est la consécration du principe de
la responsabilité civile jusqu'à sa plus fine pointe, ce contre
quoi on ne saurait s'opposer, évidemment. C'est le principe de la
réparation intégrale du préjudice jusque dans les plus
petites choses.
Comme on dit souvent, il n'y a pas de petites injustices. L'injustice
dont on est victime est toujours importante. Sans doute que cela inspire ce
genre de projet de loi.
Egalement, le rôle du juge de la Cour supérieure; on confie
donc l'exercice de ce recours aux pouvoirs judiciaires additionnels, aux
tribunaux ordinaires, indépendants du pouvoir du moment et peu importe
qu'il continue sa mission, peu importent les changements de gouvernement ou de
parti au pouvoir.
Il y a aussi, dans ce projet, un bon équilibre des forces, en ce
sens que c'est une belle illustration du principe du régime de la
règle de droit contre le régime de la force ou de la violence.
C'est l'essentiel du régime de la règle de droit de mettre tout
le monde à égalité devant l'arbitre de l'Etat que
constitue le juge.
En somme, globalement, c'est un essai loyal et très valable. Il y
a, dans la loi, un bon équilibre et nous disons qu'il faudrait l'amender
avec prudence parce que c'est comme un échiquier, quand on change un
pion de place, cela peut changer tout le jeu. Jusqu'à maintenant, ceux
qui ont rédigé ce projet, je pense, ont bien maintenu
l'équilibre désirable.
Il y a évidemment quelques amendements ou quelques suggestions
que nous faisons et qui, nous croyons, ne modifieront pas cet
équilibre,
mais seraient susceptibles de le renforcer. La discussion de nos
prédécesseurs avec le député Michel Clair portait
sur l'article 1048. Je commencerai par là. Je me demande très
sérieusement...
Je pense qu'il y aurait peut-être lieu on en parle à
la page 8 de notre mémoire; je ne lis pas le mémoire tel quel,
comme vous avez pu le voir de limiter la constitution des groupes aux
seules personnes physiques. Nous croyons que la constitution ou l'admission de
groupes pourrait jouer à l'encontre de l'esprit de la loi.
Je donne un exemple. Nous craignons et je le dis sans ambages et
sans restrictions que certains avocats, à l'occasion, nous
nuisent, d'ailleurs, comme membres du Barreau, le temps de se constituer des
corporations fantômes pour s'intenter des recours. Je pense que cela
serait mauvais pour tout le monde. Et chaque fois qu'un avocat commet un acte
qui est mauvais pour la société ou pour l'ensemble des membres,
c'est mauvais pour tout le monde et pour le Barreau.
En somme, pourquoi certaines personnes ne tenteraient-elles pas de
s'incorporer simplement pour les fins de recours, pour échapper à
toute responsabilité, alors que cela ne serait pas le cas des personnes
physiques? On a tous vu quand on est intéressé par
l'étude d'une question comme le recours collectif comment il
existe, à un moment donné, certaines corporations
incorporées en vertu de la partie un ou trois de la Loi des compagnies
du Québec ou d'autres qui, en somme, ne se servent du voile corporatif
que pour cacher leurs véritables intentions et pour empêcher qu'on
ne les atteigne personnellement, quels que soient les gestes qu'ils posent.
Etant donné la nouveauté de ce moyen de procédure
qu'on n'a pas encore vu à l'oeuvre, malgré les mérites du
projet, nous croyons qu'il serait peut-être prudent, dans une
première étape, de faire en sorte que seules puissent faire
partie d'un groupe les personnes physiques visées.
Nous avons également pris connaissance de la position de la
Commission des services juridiques dans les journaux et nous croyons utile de
signaler maintenant que nous estimons le projet bien comme il est
rédigé et nous nous en tenons, quant à nous, au texte de
loi et non aux notes explicatives. Nous pensons que la correction doit se faire
du côté des notes explicatives, si nécessaire, et non pas
ailleurs.
En effet, il n'est pas inutile de reprendre ici le principe de fond de
la Loi de l'aide juridique, avec lequel nous sommes tout à fait
d'accord. On le trouve, en somme, à l'article 2. La Loi de l'aide
juridique dit: L'aide juridique est prodiguée, est donnée
à ceux qui n'ont pas les moyens de faire valoir leurs droits. Le
principe qu'on défend, évidemment, c'est que personne ne soit
limité, empêché de faire valoir ses droits à cause
de ses faibles moyens financiers.
Quand on parle de l'article 69, cela n'a rien à voir, parce que
le principe en jeu, c'est l'article 2. Dans le cas du recours collectif, on a,
heureusement, et de façon fort intéressante, prévu la
constitution d'un fonds pour permettre à ceux qui n'en auraient pas les
moyens financiers, de faire valoir leurs droits. Je pense qu'à ce
moment-là, cela élimine toute question d'aide juridique.
Là-dessus, il ne faut pas mêler les cartes avec le libre choix.
C'est bien évident que le Barreau a toujours parlé du libre
choix. Le libre choix, il ne faut pas oublier une chose, cela n'existe que pour
ceux qui sont admissibles à l'aide juridique et non pas pour ceux qui ne
le sont pas. Ceux qui sont admissibles à l'aide juridique ont le choix
de prendre un avocat de la pratique privée ou un avocat, comme on dit,
du réseau de l'aide juridique. Le libre choix n'existe que pour les
personnes admissibles et non pas pour celles qui ne sont pas admissibles.
Par exemple, je présume qu'aucun membre de l'Assemblée
nationale n'a le libre choix dans le sens que je lisais ce matin,
prôné par l'aide juridique, puisqu'ils ne sont personne admissible
à l'aide juridique, que je sache.
Nous n'avons pas le libre choix dans ce sens. Je pense qu'il faut
laisser le fonds comme il est là, ne pas mêler les cartes, ne pas
toucher à l'article 69, que tout le monde ne comprend pas de la
même façon, et surtout ne pas changer, sans un débat sur la
question elle-même et non pas par la bande, non pas par
à-côtés, le principe de fond de la Loi de l'aide juridique,
car il serait malheureux que ceux qui ont des moyens financiers très
importants viennent gruger nos impôts pour se faire aider par leurs
avocats à payer moins d'impôt, par exemple. Je ne pense pas que
nous ne soyons prêts à étendre les services juridiques sans
égard à la fortune de ceux qui en ont besoin. Je ne voudrais pas
qu'on fasse l'amendement par la bande, ou par à-côtés. Si
on veut modifier le principe de fond de la Loi de l'aide juridique, je me
permets de suggérer, M. le Président, qu'on présente un
amendement direct à la Loi de l'aide juridique, qui pourra faire l'objet
d'une commission parlementaire à elle seule, parce que cela va poser des
problèmes énormes de modification à la philosophie et
à la mise en oeuvre du régime.
Nous avons également insisté dans notre mémoire sur
le fait que nous préférerions, que nous aimerions bien que les
recours ne soient pas d'ordre punitif. Il nous apparaît important de ne
pas mêler la responsabilité civile et la responsabilité
pénale. Nous croyons qu'il ne faut pas dépouiller des gens tout
simplement, sans raison. Le principe de la réparation intégrale
ne doit pas être dépassé au point de recueillir des
réparations pour ceux qui n'en veulent pas ou pour ceux qu'on ne
connaît pas. Le danger aussi, c'est évidemment de ruiner, dans
certains cas peut-être, des gens sans effet pour personne. (11 h 40)
Si on veut le faire, si on ne trouve pas assez sévères les
lois qui concernent la fraude ou le fait que certaines pratiques commerciales
soient condamnables, qu'on modifie les lois pénales à ce sujet,
qu'on augmente les amendes, parce que, curieusement, quand il s'agit d'amendes,
les tribunaux, dit-on, sont parfois trop timides ou tout le monde les trouve
trop sévères quand ils imposent de très fortes amendes. Je
pense bien que de
très fortes amendes ont été imposées
à certaines personnes, corporations, associations, syndicats et autres,
qui n'ont pas toujours été payées ou qui ont
été réduites pour toutes sortes de bonnes raisons. Alors,
il faudrait faire attention et savoir où on s'en va. On peut toujours
mieux juger des choses quand on les regarde en elles-mêmes, à leur
mérite. Ne transformons pas ce recours d'ordre civil en un recours
d'ordre pénal.
Maintenant, il y aurait peut-être lieu actuellement de modifier
les articles concernant le jugement que peut rendre un juge. Le juge peut sans
aucun doute condamner le débiteur, c'est-à-dire la personne
poursuivie, à un montant d'argent; dans certains cas, il peut le
condamner à un montant d'argent. Je ne sais pas comment il va le
déterminer quand les réclamations individuelles sont
indéterminées et quand on en ignore le montant. Je me suis
posé la question au point de vue pratique: Comment le juge va-t-il
pouvoir faire son calcul pour établir le montant global dont il
ordonnera le dépôt au greffe?
Je pense que c'est peut-être un cas où il ne devrait pas y
avoir de recours collectif, parce qu'on ne sait pas à qui va l'argent
ou, en tout cas, on ne devrait pas condamner la personne à payer une
somme d'argent et à déposer cette somme au greffe. On devrait
donner au juge le pouvoir on pourrait le donner peut-être à
l'article 831, en particulier de façon expresse, d'ordonner des
mesures remédiatrices. Par exemple, le juge pourrait ordonner à
tel fabricant qui a un peu triché sur le poids de remettre une once et
demie de ce produit dans chaque boîte pour les trois millions de
boîtes qui viennent, en présumant que ceux qui mangent la
céréale X le matin vont rester à peu près les
mêmes consommateurs dans un même lieu, au moins pendant un certain
temps, à moins que la requête, comme on l'a dit, ait eu tellement
de publicité que personne n'en achète plus. A ce moment, la
récompense coûtera cher d'une autre façon.
Si on ne le dit pas de façon expresse, le juge n'a pas
actuellement, à mon avis, le pouvoir d'ordonner de remettre les $0.25
qui me sont dûs à une personne qui m'est inconnue et qui ne les a
pas demandés. Je pense qu'il faudrait le modifier. Nous ne sommes pas du
tout opposés à ce genre de jugement réparateur, qui n'est
pas nécessairement une somme d'argent, ou en tout cas à ce qu'on
permette au juge de rendre un jugement mixte, si on peut dire. On pourrait
ordonner le dépôt d'une certaine somme d'argent, parce que si on a
trouvé la personne poursuivie responsable, il n'y a pas de doute qu'il
faudra que cette personne paie tous les frais et tous les dépens, y
compris les honoraires du procureur et les frais d'avis, etc., et d'expertises.
Par conséquent, il faudra que le juge ait aussi, évidemment, la
possibilité de rendre un jugement mixte, c'est-à-dire de
condamner au dépôt d'une certaine somme d'argent, qui
représente les frais et honoraires qui doivent être payés
par la partie condamnée, et de faire en sorte pour le reste que
l'exécution du jugement se fasse en nature, si on peut dire, au lieu de
se faire en argent.
Maintenant, on ne prévoit pas non plus de façon expresse
ce qui arrivera après un an quand tout le monde n'aura pas fait sa
réclamation et qu'il restera un reliquat important. Dans certains cas,
le reliquat pourrait être très important. Inutile de vous dire, et
sans faire de politique partisane en aucune façon, que nous nous
opposerons toujours à ce que ces reliquats tombent tels quels dans le
fonds consolidé du revenu. Nous ne voudrions pas y voir une taxe
indirecte.
Que certains pourcentages qui se limitent à un montant assez bas
soient pris à même ce reliquat pour alimenter le fonds, je pense
que c'est très bien. Cependant, nous ne voudrions pas que ces montants
d'argent retournent à l'Etat. Après le délai d'un an,
après le délai d'exécution, il nous semble que la
règle normale que l'on retrouve déjà en matière
d'exécution du jugement devrait être suivie et le reliquat devrait
être remis au débiteur, comme dans le cas d'une vente en justice
lorsqu'on vend pour un montant plus élevé que la somme requise
pour payer la dette par capital, intérêts et frais.
Maintenant, il y a une petite correction. J'ose croire qu'il s'agit
d'une erreur purement matérielle, sinon cela aurait un caractère
très malicieux que je ne saurais prêter aux membres de cette
commission ni au gouvernement. Ce sont les articles 38 et 39. Je lis mal ou il
y a une erreur, parce qu'on prévoit la prépublication nous
sommes, au Barreau, vous le savez, très sensibles à ces
publications de 30 jours dans la Gazette officielle. Très
sensibles...
M. Lalonde: Vous avez dû frémir
récemment.
M. Bergeron: Nous sommes des grands lecteurs de la Gazette
officielle, y compris le règlement de la Gazette officielle. L'article
38 nous dit qu'un certain nombre de règlements devront faire l'objet
d'un avis de 30 jours au moins. Je présume que cet avis toujours
pour les mêmes raisons a pour but de permettre aux gens de
présenter leur point de vue, de faire modifier le règlement, de
corriger les anomalies, les erreurs et les injustices qui pourraient s'y
trouver. A l'article 39, on reprend également les mêmes articles.
Je me suis demandé si on voulait se donner le choix, soit de les publier
ou de ne pas les publier. Mais je présume que je pourrais
suggérer une correction: à l'article 39, je pense qu'on voulait
dire on me corrigera si je me trompe qu'un règlement
adopté suivant l'article 37 paragraphe d), entre en vigueur à la
date de sa publication dans la Gazette officielle ou à une date
ultérieure qui est fixée. Alors, éliminez "les" pour
mettre "l'article 37, paragraphe d)". Autrement, le ministre responsable au
gouvernement a le choix de publier pendant 30 jours ou de ne pas publier
puisqu'on vise les mêmes choses.
J'espère que c'est une erreur matérielle et que la
prépublication demeure pour ce que nous appellerons "les
règlements importants".
Voilà, M. le Président et M. le ministre, l'essentiel des
remarques que je voulais faire ce matin en plus du mémoire que vous
avez.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: Je voudrais vous remercier infiniment de votre
mémoire. Je sais que vous êtes aussi un de ces groupes qui a
travaillé beaucoup sur ce dossier depuis plusieurs années.
D'ailleurs, vous avez antérieurement soumis des notes, des commentaires,
des mémoires à différents ministres de la Justice du
Québec à ce sujet.
Vous me permettrez, pour ne pas abuser du temps votre
mémoire soulève beaucoup de choses intéressantes de
mes collègues et du temps de travail de cette commission... Je
commencerai très rapidement parce que vous avez
évoqué, à la fin, concernant les articles 38 et 39... Si
ce n'est pas clair, on fera les ajustements qui s'imposeront, mais il va de soi
que l'article 38 porte sur le préavis, forcément, pour que les
gens aient le temps de l'examiner et de faire valoir leur point de vue, tandis
que l'article 39 est celui qui porte sur la publication, l'entrée en
vigueur après les délais requis. S'il y a conclusion, et si cela
pose une ambiguïté, les corrections seront faites. J'ai pris bonne
note de vos remarques à ce sujet.
Vous me permettrez de revenir à d'autres points soulevés
dans votre mémoire. Je ne pourrai malheureusement pas les aborder tous
dans le temps qui nous est imparti. Il y a quand même un certain nombre
de choses. Je pense que vous réaffirmez à la page 3 de votre
mémoire une chose qui est fondamentale. Il y a peut-être eu dans
les discussions et même dans certains mémoires, quand on les lit,
une mauvaise compréhension de certains aspects ou certaines dimensions
du projet de loi 39. Comme vous le signalez à bon droit, je crois qu'il
faut insister: il s'agit de l'introduction d'un moyen de procédure.
Souvent, on a dit, on a entendu des commentaires selon lesquels on changeait du
droit substantif qui n'est évidemment pas le cas. On introduit une
procédure.
Il a fallu y mettre le temps, je ne sais plus à quelle
ième version du projet de loi on en est rendu au moment du
dépôt du projet de loi 39, parce que, forcément, cela vient
du droit anglais, cela vient de la "common law", cela vient des
expériences américaines. Il a fallu quand même
l'introduire, en tenant compte aussi de l'économie
générale de notre Code de procédure civile et de ce que
vous avez évoqué, des équilibres qui sont inhérents
à l'introduction de ce genre de choses dans notre droit, mais je tenais
à le signaler parce que vous le relevez à bon droit.
A la page 6 de votre mémoire, au deuxième paragraphe,
traitant de la requête, vous souhaitez que le juge s'assure qu'il existe
bien et là je vous cite prima facie une vraisemblance de
droit avant d'accorder l'autorisation d'exercer le recours collectif. Cette
condition est d'ailleurs mentionnée et vous avez raison au
niveau de l'attribution du fonds d'aide.
J'aimerais et ce serait une de mes questions, si vous permettez,
je vais vous débouler mes séries de remarques et de questions; je
présume que vous en prendrez note et que vous pourrez les reprendre par
la suite que vous m'expliquiez beaucoup plus précisément
ce à quoi vous faites exactement allusion et quelle distinction vous
faites parce qu'en droit, chacune de ces expressions n'est pas sans
porter à conséquence, il y a de la jurisprudence
déjà qui existe entre les expressions "prima facie",
"vraisemblance de droit", et j'en ajouterais une, que nous-mêmes n'avions
pas retenue au départ, mais sur laquelle, je ne vous cacherai pas que je
serais porté à m'arrêter très sérieusement,
et ce, même au niveau de la requête, la notion d'apparence de
droit.
Je crois qu'il y a là trois notions en droit qui sont bien
différentes. La notion d'apparence n'est pas une notion du droit civil
comme telle, mais une notion maintenant bien établie, bien connue, bien
cernée par la jurisprudence. Je ne vous cacherai pas que je serais
plutôt porté à vous dire que je suis très ouvert
à l'idée d'examiner la possibilité d'introduire au niveau
même de la requête quelque chose qui se situerait dans cette veine,
sans aller jusqu'à la vraisemblance de droit; je pense qu'il y a des
distinctions fondamentales, mais, en tout cas, je suis très ouvert
à regarder de très près cette idée de l'apparence
de droit, quitte à faire les ajustements en ce qui concerne le fond,
cependant.
C'est une de mes remarques, questions ou commentaires-questions, si vous
voulez. D'autre part, à la page 8, concernant le fameux article 1048,
les groupes, je crois d'ailleurs, qu'il faudra peut-être voir à
resserrer peut-être le texte, quelqu'un m'a dit que, de la façon
dont c'est défini, l'article tel que formulé, en regard des
définitions du projet de loi, la notion de membre, par exemple, une
personne faisant, etc., peut-être qu'on aurait, sans l'avoir voulu,
ouvert aussi par 1048 le recours à une compagnie faisant affaires et non
pas évidemment ce que cela visait tout le monde l'aura compris
les groupes qui font un peu métier, mais ont une existence
légale et non pas des choses qui s'improvisent n'importe comment, de
défendre les consommateurs.
Vous vous opposez à l'introduction de toute manière de
cette idée. Je pense bien que vous savez qu'il existe
déjà, par analogie, je dis bien, parce que, strictement, c'est
une chose nouvelle, d'une part, des coopératives qui exercent des
recours. Bien souvent, lorsqu'elles exercent des recours, elles le font au nom
de leurs membres. Est-ce qu'il y a une entité juridique qui existe
surtout dans le domaine des coopératives, sans être par
définition, le porte-parole d'un groupe? C'est vrai aussi dans le cas
des syndicats qui plaident, vous le savez comme moi, des griefs collectifs, qui
plaident des griefs même individuels, donc, par extension. (11 h 55)
D'autre part, aussi, j'avoue que j'ai plutôt à ce sujet une
approche très pragmatique. La pratique de ce genre de situation, de ce
genre de problème, m'indique au fond qu'on sait pertinemment bien, et
c'est normal et bien légitime, cela s'est développé depuis
un certain nombre d'années dans notre société, des groupes
de consommateurs se sont organisés, se sont donné des
instruments, des outils pour faire valoir leur point de vue, défendre
leurs droits. C'est normal et heureux que
ce soit fait et que cela occupe sa place normale dans une
société comme la nôtre, surtout une société
de production de masse avec les problèmes que cela cause. Au fond, on
sait fort bien, même dans l'état actuel des choses, même
sans l'existence du recours collectif, on sait fort bien que dans bon nombre de
causes qui impliquent des consommateurs devant les tribunaux et je puis
dire que j'en parle d'expérience les groupes étaient plus
que là. Ce que je veux dire, c'est qu'ils étaient là
financièrement, ils étaient là techniquement, ils
étaient là fournissant très souvent même les
avocats. Au fond, à toutes fins pratiques, il y avait comme une
espèce de fiction qui n'était même plus juridique, comme si
on se voilait la face pour dire: Ils ne sont pas là, mais de facto ils
étaient là, du consentement d'ailleurs du consommateur ou des
consommateurs, des groupes, par exemple, qui ont pris des recours devant les
tribunaux dans les cas de vices et de défauts cachés sur des
voitures usagées ou neuves, sur des maisons neuves. Ce sont, encore une
fois, des choses que j'ai touchées personnellement du doigt. Ils
étaient là de facto.
Je me dis: Au fond, est-ce que ce n'est pas un peu chercher à se
voiler la réalité que de dire: C'est une situation de fait.
Pourquoi est-ce qu'au contraire au lieu de se la cacher, on ne l'ouvrirait pas
comme telle puisque c'est une situation de fait, à toutes fins
pratiques, mais en balisant cela pour ne pas que cela se tire dans toutes les
directions en même temps et que cela donne naissance à des choses
qui soient carrément farfelues ou qui soient de fausses
représentations, tentant à représenter de faux
intérêts.
On a donc tenté de le baliser, de l'encadrer pour l'ouvrir. On ne
se le cachera plus et on va l'introduire comme tel, quitte à faire les
ajustements. Je me demande si ce n'est pas vous-mêmes qui le mentionnez
dans votre mémoire, d'autres groupes en font état, quand on
introduit une chose comme celle-là dans notre droit, dans le Code de
procédure civile, il est vraisemblable que cela supposera, à
l'usage, à l'expérience, des ajustements. C'est bien normal.
Quitte à le réajuster, à le baliser de façon plus
serrée le cas. échéant, mais je vous donne simplement
l'idée de l'introduire.
Par ailleurs, sautant à une autre question, à la page 11,
et vous l'avez évoqué, à la page 11 de votre
mémoire et dans les pages suivantes, vous vous opposez à un
recours collectif qui donnerait lieu à un recouvrement collectif. A
toutes fins pratiques, pour le cas où il y aurait un reliquat de 100%,
parce que là vous argumentez sur une base strictement juridique en
disant: Est-ce qu'il n'y a pas opposition, est-ce que l'article 1034 ne va pas
à l'encontre de l'article 469 du Code de procédure civile qui
prévoit, et vous avez raison, que le jugement portant condamnation doit
être susceptible d'exécution et que celui qui condamne à
des dommages doit en contenir la liquidation?
Vous avez parfaitement raison, mais le reliquat qui, après
représentation des différentes parties, est redistribué,
est remis à la collectivité est une liquidation. C'est une
liquidation collective, me direz-vous, bien sûr, mais qui n'arrache et
qui n'enlève rien de plus au défendeur que ce à quoi il
aurait été condamné si chacune des parties, chacun des
citoyens avait pu s'identifier et obtenir pleinement de faire valoir ses droits
devant le tribunal et obtenir justice et le remboursement de chacun des petits
montants. Poussé à l'extrême, je me demande où cela
nous mène. Je vous avoue que je crois que cela pose des questions
absolument fondamentales.
Imaginons le cas où on irait précisément... et il y
en a, on peut tout de suite en voir, il y a des cas très concrets. Vous
avez mentionné la boîte de céréales, c'est
très vrai. Si le reliquat ou l'essentiel, à 100%, ne pouvait pas
être redistribué à tel et tel consommateur bien
identifié, il faudrait le remettre au défendeur; je me dis: Cela
nous mène où? Est-ce qu'on n'introduira pas, finalement, quelque
chose qui risque d'être terriblement dangereux, à mon point de
vue? Une double forme, deux poids, deux mesures. Poussé à
l'extrême... Je ne veux vraiment pas exagérer, mais je ne vous
cacherai pas qu'on y a pensé très sérieusement.
Poussé à l'extrême, le message serait quoi, pratiquement?
Le messager serait... Et Dieu merci, c'est loin d'être toutes les
entreprises qui se comportent comme ça.
Si vous avez à utiliser des techniques de mise en marché
frauduleuses, quant à le faire, tâchez d'y aller sur des tout
petits montants et frappez une quantité industrielle de citoyens, parce
que vous avez des chances de vous en tirer. A l'opposé, si vous y allez
sur des gros morceaux, comme l'automobile, le téléviseur, en
général, les gens conservent leurs factures d'achat. Il y a une
piste que vous évoquez; peut-être que le projet de loi n'est pas
suffisamment clair, par ailleurs, en toute honnêteté.
Vous évoquez aussi cette idée que le juge, sur
représentation toujours, puisse déterminer, dans le cas de
reliquats, des façons d'y remédier. Vous avez
évoqué, par exemple... Il n'y a rien d'exclu, je crois
précisément qu'il ne faut vraiment rien exclure et donner cette
possibilité d'ouvrir différentes avenues. Parce que la
compensation ou le remboursement pourrait prendre différentes formes. On
a invoqué ce matin le fameux cas de la compagnie de taxis aux
Etats-Unis, où le tribunal a ordonné de réduire les tarifs
d'une compagnie qui avait trafiqué ses compteurs ou les "meeters"
comme on dit dans le jargon pendant une période de temps x
correspondant à la somme d'argent arrachée illégalement
à des citoyens. "Vous avez parfaitement raison. Dans cette perspective,
je crois donc que ça ouvre toute une série d'avenues. Dans cet
esprit, je crois que vous avez vraiment mis le doigt sur une des choses
essentielles que vise le projet de loi; c'est de pousser, jusqu'à sa
fine pointe, je pense que je reprends votre propre expression, la notion en
droit de responsabilité jusqu'au bout, de faire en sorte que les
principes qui risquent d'être du placotage ou des trucs écrits sur
papier, mais qui ne mènent nulle part, l'enrichissement sans cause,
d'une part, et, d'autre part, le droit d'obtenir ce qu'on appelle en droit la
répétition de l'indu.... A cause de toutes
sortes de règles qu'il faut réévaluer, ce
n'était pas possible d'y arriver.
Donc, j'avoue qu'il me semble, à première vue, à
moins que j'aie mal saisi vos commentaires, il semble peut-être y avoir
des choses que je réussis mal à concilier dans vos
commentaires.
Egalement, je sais que certains de mes collègues y reviendront et
j'aurai l'occasion d'y revenir. Je ne vous cacherai pas que je serai heureux de
vous entendre là-dessus, je sais qu'il va y avoir des questions qui vous
seront posées. A la page 12 et ailleurs dans votre mémoire, vous
évoquez cette idée de dommages punitifs et, honnêtement, je
me demande vraiment où est l'article, dans ce projet de loi, qui
introduit cette notion de dommages punitifs, au sens de cette expression. Le
dommage punitif est une chose qui existe en droit américain, "punitive
damages", qui n'existe pas dans notre droit québécois.
Je ne vois vraiment pas en quoi, par le projet de loi 39, on a introduit
cette notion.
En d'autres termes, et ce n'est pas du droit pénal, on distingue
vraiment bien. Ecoutez, je pense toujours à l'exemple, on le sait; c'est
pour ça qu'il faut introduire les fameuses compagnies; à force de
citer le cas, je vais finir par échapper le nom. C'est une compagnie qui
vendait les antennes de télévision $4.98 et des études
scientifiques ont montré que cela avait la particularité de ne
pas capter le premier commencement de bout d'onde de télévision.
Elle a arraché le $4.98 à combien, 500 citoyens, 1000, 5000, 10
000? Personne ne le sait, vous ne le savez pas, je ne le sais pas. Elle a
été condamnée à des amendes. Pas un petit montant,
$2000 d'amende. Elle a continué à fonctionner sans permis.
C'est cela qu'il faut concilier. C'est la partie pénale,
punitive. J'ai entendu évoquer cette notion de dommage punitif et je la
revois dans certains mémoires. D'autres d'ailleurs, dans leur
argumentation, vont beaucoup plus loin que ce que vous évoquez. Mais en
quoi est-ce que le projet de loi, tel qu'il est présentement
libellé, ferait en sorte qu'un défendeur pourrait être
condamné à payer une somme plus considérable que ce que le
même défendeur aurait eu à payer s'il avait
été poursuivi par chacun des 500, des 5000 ou des 10 000
citoyens? Et dans certains cas, les 5000, les 10 000 citoyens, en partie ou en
totalité, ne pourront jamais être identifiés. Le cas de la
boîte de céréales est l'exemple par excellence. Le cas du
taxi pourrait être vrai aussi, en partie. Il y a peut-être des gens
qui ont gardé leur reçu. Le cas du téléviseur,
c'est une autre paire de manches. En général, on garde ce genre
de facture. Je voulais le signaler au passage.
J'aurais deux questions additionnelles à vous soumettre,
très rapidement. Une première, c'est concernant les honoraires
judiciaires et les honoraires d'avocat. Ne croyez-vous pas, dans l'état
actuel des choses, qu'il serait préférable de laisser, et le
Barreau, et la Cour supérieure, faire chacun respectivement son travail?
C'est-à-dire, dans le cas de la Cour supérieure, de
déterminer ses tarifs, comme cela se fait occasionnellement, quand il y
a des procédures nouvelles, des choses nou- velles qui sont faites, et
laisser le Barreau, par ses règlements, en relation avec l'Office des
professions, déterminer le cadre concernant les honoraires d'avocats
dans ce genre de cause. J'ai cru comprendre que vous étiez plutôt
porté à suggérer que ce soit déterminé par
le tribunal, avec certaines nuances. Je me demande s'il n'y aurait pas
simplement lieu de laisser les règles habituelles jouer? Je vous pose la
question.
Une dernière question et je m'arrête là-dessus; je
m'excuse d'avoir abusé. La recommandation 7 en page 20, qui concerne le
fonds, "que la demande d'aide ne soit entendue qu'après jugement
favorable à l'égard de la requête ". En d'autres termes,
vous n'acceptez pas cette idée que le fonds puisse avancer une somme
avant même que la requête ait été entendue. En
d'autres termes, vous n'acceptez pas cette idée que des citoyens qui
n'ont pas les moyens puissent obtenir du fonds l'aide requise, dans certains
cas... Et à partir d'un certain nombre de critères, que ce soit
la vraisemblance ou l'apparence du droit, plus un certain nombre d'autres
critères, les fonds requis pour simplement être capable de pousser
beaucoup plus loin leurs expertises, préparer leur preuve, simplement
pour être capable de faire valoir pleinement leur requête.
D'accord.
Mais dans l'hypothèse où on retient votre proposition
selon laquelle il n'y a plus d'avance du fonds avant que la requête soit
entendue, je vous ramène aux commentaires que vous faisiez sur la
Commission d'aide juridique et sur les notes explicatives en nous disant: si
vous avez des suggestions à apporter; vous nous suggérez
plutôt de corriger les notes explicatives. C'est bien.
Mais dans l'hypothèse où on retiendrait votre suggestion
et remarquez qu'à certains points de vue, je blague, mais cela
mérite d'être examiné attentivement, ce que vous formulez
comme suggestion sur ce plan le citoyen qui n'a pas les moyens et en
plus, qui n'aurait vraiment pas les moyens, à côté d'autres
citoyens qui auraient, eux, les moyens de se payer, dans certains cas... Je
vais donner des exemples, parce que dans certains cas, il y a des produits
sophistiqués. Cela suppose des expertises très sérieuses
et on ne se tire pas. Si je ne peux pas les faire, il se pourrait fort bien que
je ne sois pas capable de présenter une requête qui puisse se
défendre au niveau même, en introduisant une notion comme
l'apparence de loi, ce que je serais prêt à regarder, de la
soutenir valablement. Il pourrait fort bien y avoir des citoyens qui soient
lésés dans l'exercice de ce recours. (12 h 10)
A ce moment-là, est-ce que, retenant votre hypothèse, je
ne serais pas plutôt porté, en toute conscience, à corriger
non pas les notes explicatives, mais le fond, pour faire en sorte que les
citoyens qui n'auraient pas les moyens financiers puissent au moins s'adresser
à l'aide juridique, en tout cas à tout le moins pour la
requête?
M. Bergeron: Excusez-moi, M. le Président. Je vais
tâcher de répondre à vos questions. Elles sont si vastes
que cela nous prendrait quelques jours à y répondre
complètement. Evidemment, ce qui
nous a amenés à faire le commentaire sur la question de la
vraisemblance de droit ou à dire au moins que les conclusions sortent
des allégations et des faits allégués, c'est la lecture
des règles, à la fin, concernant le fonds d'aide, où on
parle de vraisemblance de droit. Dans un même esprit, c'est tiré
de la Loi de l'aide juridique, en somme, c'est inspiré de là,
parce qu'en matière d'aide juridique, on parle aussi de la vraisemblance
de droit.
On a dit qu'il faudrait le mettre aux deux endroits. Comment serait-on
plus sévère pour accorder de l'aide au fonds, par le fonds et
moins sévère au niveau de l'exercice de la requête? En
somme, ces recours, si on veut maintenir l'équilibre qui s'inscrit dans
la loi, doivent être exercés avec une certaine prudence, parce
qu'il n'y a pas de doute qu'une poursuite de plusieurs millions de dollars
pourrait mettre une entreprise en faillite ou en difficulté
financière sérieuse. Ce sont aussi les travailleurs de cette
entreprise qui paieront les pots cassés, parce que, si l'entreprise ne
fonctionne plus, les employés n'auront plus de travail non plus.
L'idée de vraisemblance de droit, est-ce que cela paraît
sérieux, votre affaire? Est-ce que cela vaut la peine d'être
examiné?
M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre. Ma question
précisément là-dessus était la suivante:
Faites-vous une distinction entre notamment deux expressions que vous utilisez
dans votre mémoire, "prima facie", d'une part, "vraisemblance de droit",
d'autre part, et j'en ajoutais une troisième, "apparence de droit"?
M. Bergeron: Je pense bien que nous avions assez clairement dans
l'esprit ce qu'on retrouve à l'article 847 du Code de procédure
civile concernant les recours extraordinaires et la jurisprudence qui l'a
clairement interprété. Nous pensons qu'au niveau de leur
autorisation, les choses doivent être regardées de façon
très sérieuse, parce que ces recours sont susceptibles
d'entraîner des déboursés énormes, de taxer
l'appareil judiciaire de façon sérieuse, dans certains cas, par
des enquêtes qui peuvent être fort longues. Je pense bien que nos
commentaires s'inscrivent dans le cadre du texte de l'article 847 et de
l'interprétation qu'on lui a donnée. Je pense bien que c'est le
plus précisément possible que je peux vous exprimer notre
pensée là-dessus.
Sur l'article 1048, remarquez que nous avons signalé un danger.
C'est bien sûr que, dans certains cas, des groupements existent pour
financer les poursuites tout le monde en connaît et beaucoup
d'avocats en ont fait l'expérience mais nous craignions un abus
de ce côté qu'il nous apparaissait normal de signaler.
Mais nous n'en faisons pas une question de vie ou de mort, sauf qu'on
dit qu'il y a peut-être un danger. Comme vous l'avez signalé
très justement, il y a sans aucun doute une clarification à
apporter à l'article 1002, entre ce qu'est un membre... Finalement, on
va se retrouver en face d'un membre qui est membre de deux groupes, dans un
certain sens. La corporation, cela veut dire toute partie, toute personne
morale. Cela comprend les groupes, les associations qui ont une charte en vertu
de la troisième partie de la Loi des compagnies, comme les compagnies
limitées qui sont des compagnies commerciales. Alors, il y a sans doute
une précision à apporter de ce côté.
Sur la question du reliquat de 100%. Evidemment, on est en face d'un
nouveau recours qui n'existe pas. C'est un recours très jurisprudentiel.
Même si on a fait une belle adaptation au droit civil de cette
institution inspirée du "common law", il reste qu'on a fort justement,
je pense, redonné dans la loi, mais dans des textes d'inspiration
civi-liste, un rôle important au juge. Le juge, dans notre droit, ne peut
pas ordonner ce que la loi ne lui permet pas d'ordonner. Nous croyons que le
texte tel quel laisse subsister, à tout le moins, un doute très
sérieux sur la possibilité pour le juge d'ordonner une
condamnation en nature, si je puis m'exprimer ainsi. Nous ne sommes pas
sûrs, nous n'avons pas d'objection, au contraire... On dit: Justement. Si
vous voulez, je vais essayer de préciser. Nous aurions des objections et
nous pensons que cela devient pénal parce que la distinction entre
pénal et civil à ce niveau, est-ce que ce n'est pas ceci: Si le
montant que l'on force une personne à payer va à la
collectivité, qui est l'Etat, sans profiter à ceux qui ont
été les victimes, la compensation financière tirée
du pénal, à ce moment, tirée de l'accusé, est de
nature pénale. Elle est remise à l'Etat, mais ne sert en rien
à ceux qui ont été les vraies victimes, tandis que dans le
domaine civil, la compensation est versée à ceux qui ont subi
l'injustice, le préjudice. Dans la mesure où le reliquat est
versé à la collectivité, de la même façon
qu'un recours pénal, la sanction est faite par la collectivité,
pour la collectivité, mais ne profite à personne.
Alors, nous pensons qu'il faut prendre tous les moyens pour garder
à ce recours sa nature civile et faire en sorte que les compensations
soient faites aussi bien en nature qu'en argent. Je comprends qu'on ne visera
pas à 100%... Si on prend les mangeurs de céréales d'une
telle sorte, dans la ville de Québec, pendant six mois, les six mois qui
précèdent et les six mois qui suivent, normalement, on devrait
retrouver à 90% les mêmes personnes, ou selon un pourcentage
suffisamment important pour que l'on dise: II y a, à toutes fins
pratiques, compensation versée à la victime, mais en nature. Cela
pourrait aussi avoir le grand avantage de ne pas mettre en difficulté
financière la personne tenue de compenser ainsi les victimes de son fait
ou de sa faute, parce qu'il peut être plus facile de remettre une once et
demie de céréale dans une boîte plutôt que de payer
$2,5 millions au protonotaire dans les 30 jours.
M. Marois: Mais, à ce sujet, est-ce que vous acceptez
l'idée qu'il faut y aller avec une grande marge de souplesse pour que
chacun des cas puisse être évalué au mérite et,
notamment, au mérite financier quant à ses implications
financières. Je pense bien que vous admettrez avec moi qu'il y a
là une convergence d'intérêts qui peuvent, à
première vue, apparaître divergents. Cela
veut dire que cela peut être l'intérêt des
consommateurs que l'entreprise ne soit pas sur le dos, je pense bien, et aussi
l'intérêt de l'entreprise d'arriver à ce qui est tout
simplement la justice au sens strict de ce que ce mot doit être. Il y a
donc là...
M. Bergeron: C'est pour cela que nous suggérons que vous
élargissiez le texte de 1031 ou de 1036 cela peut être 1036
ou 1031, mais c'est une question de rédaction.
On parle de disposer du reliquat, à l'article 1036; dans beaucoup
de cas, il n'y en aurait pas de reliquat et le juge n'aurait pas le
problème de se demander ce qu'il va faire avec cela, s'il peut ordonner
facilement des compensations en nature selon les modalités et les
conditions que le juge trouvera plus propices dans le cas qui est devant lui.
Il est évident qu'il faut simplement donner le pouvoir au juge et lui
laisser toute la latitude de l'exercer de façon à peu près
imprévisible, à cause de la variété des cas qui
pourraient se présenter devant lui.
Notre remarque, c'est plutôt que le pouvoir, nous ne sommes pas
là. Maintenant, s'il y a fraude, dans certains cas, il est
peut-être impossible, même avec toute la latitude qu'on voudrait y
mettre, de permettre une compensation quelconque aux réelles victimes.
Nous croyons qu'à ce moment-là le recours collectif n'est pas la
bonne procédure et que c'est plutôt dans le domaine pénal
qu'on devrait y aller et, à ce moment-là, allons-y aussi
généreusement qu'en matière d'impôt, en s'inspirant
de cela, en imposant des amendes qui sont le double, le triple ou cinq fois ou
dix fois le montant fraudé. Cela servira à la collectivité
uniquement. Il y a une frontière impossible à dépasser,
à mon avis, si on veut rester dans le domaine purement civil, mais je
veux dire qu'on pourrait le mettre même dans la loi, si cela était
nécessaire, mais je ne le crois pas: on pourrait dire que le juge peut
recommander des poursuites pénales, s'il estime qu'il y a eu
transgression du Code criminel, mais je ne pense pas que cela soit
nécessaire. Je vous mentionne cela simplement pour vous montrer, en
somme, que, dépassé une certaine frontière, le recours
collectif n'est plus la bonne arme, le bon moyen, et il faut trouver d'autres
moyens.
C'est sûr qu'il est toujours choquant et dangereux que l'on
permette des petites fraudes difficiles à corriger ou qu'on les laisse
faire, nous sommes d'accord. Il ne faut pas que les petites fraudes soient
possibles plus que les grosses. Mais nous voulions tout simplement indiquer la
limite, si vous voulez, qui ne peut pas facilement être
dépassée. Cela m'amène à la question suivante,
celle des dommages punitifs. Nous parlons de dommages punitifs dans le sens
que, quand ils ne servent pas à compenser les victimes elles-mêmes
ou le même groupe de façon précise, on dit: C'est punitif,
parce que cela ne sert pas à compenser les victimes elles-mêmes.
C'est dans ce sens qu'on l'a utilisé.
Maintenant, les honoraires. Nous avons pensé que ce recours
très exceptionnel, tiré de la 'common law" d'ailleurs, devrait
peut-être rester fidèle à sa source et, dans certaines
juridictions de "common law", les honoraires, lorsqu'il y a une dispute entre
le client et son avocat, sont décidés par la cour ou par les
officiers de la cour et non pas par le Barreau. Par exemple, si ma
mémoire est bonne, c'est le cas en Ontario.
Alors, nous croyons que, dans ce cas exceptionnel, le juge qui a entendu
toute l'affaire et on dit bien que le même juge doit tout
régler était peut-être la seule personne capable de
fixer rapidement, sans refaire une enquête, parce que cela peut
être énorme... J'ai vu des cas d'arbitrage où les avocats
chargés de l'arbitrage, et gratuitement par surcroît, avaient 35
dossiers à examiner. Evidemment, c'est une punition qu'on impose
à un confrère une fois dans sa vie et les avocats chargés
d'arbitrer les honoraires vont être obligés de refaire des
enquêtes extrêmement pénibles et difficiles.
Alors, fidèle à l'esprit que le même juge doit tout
régler, pour ne pas recommencer l'enquête, nous croyons qu'il est
la seule personne qui puisse rapidement déterminer les honoraires,
d'autant plus que ces honoraires vont déterminer le reliquat à
être payé à chacun des réclamants.
M. Marois: Mais, M. le bâtonnier, quand vous parlez
d'honoraires présentement, vous parlez d'honoraires judiciaires?
M. Bergeron: Je parle des deux et j'allais préciser
justement. Evidemment, il n'y a pas de doute que les honoraires judiciaires qui
comprennent les déboursés et les honoraires payés par la
partie adverse doivent être déterminés par le tribunal,
comme d'habitude, et en vertu des mêmes règles de
discrétion qui sont déjà très larges et qui
suffisent, à mon avis, et qu'on reprend en substance ici.
Je parlais des honoraires de l'avocat des représentants, qui
s'est embarqué dans un gros bateau dans certains cas et qui aura
à dépenser des sommes folles de temps et d'argent pour mener son
recours à bonne fin.
Alors, les honoraires extrajudiciaires, nous semble-t-il, doivent
être déterminés par le juge. La seule suggestion que
m'inspire votre remarque, c'est peut-être que le Barreau devrait
être invité à intervenir de façon formelle devant le
juge lorsque cette question est débattue, de sorte que l'on puisse
apporter le point de vue que l'on retrouve dans les arbitrages. (12 h 25)
M. Marois: M. le bâtonnier, le Barreau ne serait pas
porté, dans cette lancée, à être encore plus formel
que cela et à examiner la possibilité de faire ce qu'il fait par
ailleurs dans l'état actuel des choses, dans ses règlements, de
prévoir des règles de base.
M. Bergeron: Elles sont déjà prévues en
somme.
M. Marois: C'est cela, au fond. Il n'y a peut-être
même pas lieu, après un examen, de les resserrer. Je n'en sais
rien, ce serait à examiner.
M. Bergeron: Si on me permettait, je ne suis pas certain que le
Barreau soit souvent intervenu à titre de amicus curiae sans que les
tribunaux refusent jamais ce genre d'intervention. On donne à un juge le
pouvoir formel de déterminer les honoraires extrajudiciaires et nous
nous sommes déclarés d'accord là-dessus, parce que nous
faisons état, à la page 15 d'ailleurs, des critères qui
doivent guider le juge lorsqu'il détermine les honoraires
extrajudiciaires. Alors, si je reviens à votre question, M. le ministre,
nous citons, dans notre mémoire, les critères qui sont au Code de
déontologie et qui doivent guider les arbitres lorsqu'il y a une dispute
sur un compte d'avocat et qui devraient être les mêmes
critères qui doivent guider le juge dans la détermination des
honoraires extrajudiciaires. Peut-être faudrait-il prévoir au
projet une intervention formelle du Barreau, lequel pourrait justement
être chargé de défendre, devant le juge, l'application de
ces critères et fournir au juge les indications qui pourraient lui
permettre... Parce qu'actuellement on donne le pouvoir au juge de
déterminer les honoraires extrajudiciaires, je présume que le
juge peut prendre connaissance de l'office des règlements du Barreau,
malgré que certains pourraient discuter de cette possibilité,
mais il n'y aura pas nécessairement débat tout à fait
éclairé, ni de partie impartiale qui vienne représenter
les critères et la façon de les appliquer. Alors, je pense qu'on
pourrait tout simplement introduire, à la suite de votre suggestion, un
amendement qui, à ce niveau, prévoit une intervention formelle du
Barreau qui sera chargé de démontrer au juge les critères
qu'il doit suivre et comment les appliquer au cas qui est devant lui.
M. Marois: M. le bâtonnier, je ne veux pas y mettre une
insistance indue, mais est-ce que le Barreau accepterait à tout le moins
de reconsidérer cette question, je parle des honoraires
extrajudiciaires, a la lumière de vos règlements pour voir si...
parce que cela fait partie aussi de l'économie générale de
notre façon de fonctionner. Je veux bien m'inspirer des
Américains, des Anglais, des autres provinces et le reste, mais je pense
que vous l'avez mentionné vous aussi avec justesse. J'ai l'impression
que tout le monde s'entend là-dessus. Il faut quand même respecter
l'économie générale, avec les ajustements que cela
suppose, de nos modes de fonctionnement chez nous, sans essayer de tout
régler en même temps. Je pense qu'on n'y arrivera pas.
Est-ce que le Barreau accepterait de regarder de très près
cette question concernant les honoraires extrajudiciaires, à la
lumière des règlements qu'il a déjà? Est-ce qu'il
n'y a pas lieu de resserrer, de préparer... Est-ce qu'il y aurait
possibilité que le Barreau, comme il l'a déjà fait
d'ailleurs dans d'autres domaines, au fur et à mesure que des choses
nouvelles se sont ouvertes... il y a des ajustements qu'on appelle les tarifs.
Est-ce qu'il y aurait possibilité que le Barreau regarde cela de
très près pour voir s'il n'y aurait pas moyen de le cerner pour
éviter, au fond... Si c'est le tribunal, j'ai une grande crainte, sauf
pour les cas exceptionnels. Remarquez que, déjà, dans nos
règles de fonc- tionnement, il est prévu, dans les cas où
il s'agit, je ne me rappelle plus de l'expression de notre jargon, dans les cas
où il y a des choses exceptionnelles, que les avocats demandent à
la cour de statuer; il y a une procédure de prévue pour
ça.
Mais c'est exceptionnel, la règle de fond étant qu'il y a
un tarif et sauf cas exceptionnels, cela implique forcément les cas
où le Barreau recevra des plaintes et sera appelé à faire
un arbitrage de ces cas-là. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de
regarder ça de très près. Je vous le soumets à
nouveau, je ne veux pas étendre la discussion là-dessus. On a du
temps devant nous, tous ensemble, pour regarder ça avant d'y arriver,
mais ça vaudrait la peine de s'y pencher.
M. Bergeron: Nous n'avons pas d'objection à le regarder
à nouveau pour voir s'il y a lieu de modifier le projet de loi,
finalement. Nous approuvons ce que le projet de loi prévoit à ce
sujet d'ailleurs.
Mais nous pourrons examiner la question et vous envoyer une lettre avec
copie aux membres des autres partis, sur notre réponse à cette
question précise.
J'arrive à la question...
M. Marois: Je vous fais juste remarquer, M. le bâtonnier,
que le projet de loi ne prévoit rien concernant les honoraires
extrajudiciaires, pas plus que les honoraires judiciaires. Nous avons tenu pour
acquis que les règles générales allaient s'appliquer, que
la Cour supérieure allait établir son tarif, que le Barreau
regarderait de son côté ses règlements pour voir s'il y
aurait lieu de les ajuster, de faire un règlement particulier pour les
recours collectifs ou pas. On est très ouvert pour en discuter avec
vous.
M. Bergeron: C'est l'article 1035 qui m'a peut-être induit
en erreur.
M. Marois: Non, il s'agit simplement de la collocation, mais cela
ne préjuge pas de la décision. C'est une question...
M. Bergeron: Moi, j'avais compris que le juge déciderait
de tout ça, puisqu'il faudrait qu'il partage les sommes. Je voyais mal
comment il pourrait éviter de le décider. Sous réserve de
réexamen que nous sommes bien prêts à faire, je vous fais
simplement part d'une idée qui a présidé à la
suggestion, à ma compréhension personnelle, que le juge
décidait de cela. Si vous avez un jugement qui est rendu aujourd'hui et
qu'une enquête a duré six mois, avec des experts de n'importe
quelle couleur et que vous avez un arbitrage qui détermine... L'avocat
qui fait son compte et dont les honoraires seront colloques doit être
soumis à certains contrôles, sinon il va envoyer son compte, et
qui va le contrôler? Dans mon esprit, je pensais que c'était le
juge qui allait rendre cela exécutoire. On ne peut pas prendre d'argent
à même une somme qui est déposée, à moins
d'avoir un jugement exécutoire ou une entente écrite.
M. Marois: C'est cela.
M. Bergeron: Alors, vous ne pourrez pas retirer d'argent du
dépôt judiciaire parce que les sommes
déposées chez le protonotaire s'en vont toujours au
dépôt judiciaire automatiquement et on ne pourra pas
retrouver l'argent sans un jugement ou sans une entente écrite.
L'entente écrite, à qui le procureur peut-il donc la faire?
Est-ce qu'il va la faire avec toutes les parties en cause? Qui sont les parties
dans un recours collectif? Tous les membres de la classe ou du groupe.
L'entente m'apparaissait impossible, quant à moi, et je me suis
dit: II n'y a qu'un moyen d'aller chercher cette somme qui est colloquée
en deuxième lieu, c'est un jugement du juge qui a entendu toute
l'affaire et qui est exécutoire comme le jugement qui condamne au
paiement. C'est ce qui explique ce qu'on a mis dans notre mémoire, et ma
compréhension du texte de loi, croyant que le juge... En tout cas, j'ai
cru que le juge avait ce pouvoir à cause de cela. Mais on pourra
réexaminer la question.
Le Président (M. Marcoux): M. Bergeron, vous allez
m'excuser. Nous avons dépassé le temps qui nous était
alloué ce matin. A la suite des discussions qui ont eu lieu entre les
membres de la commission, on souhaiterait que vous veniez à nouveau au
début de l'après-midi poursuivre la discussion avec les membres
de la commission sur votre mémoire. Ce serait normalement vers quinze
heures cet après-midi. Est-ce que vous pouvez vous rendre
disponibles?
M. Bergeron: Nous sommes à votre disposition,
évidemment.
Le Président (M. Marcoux): La commission de la justice
ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
Reprise de la séance à 15 h 43
Le Président (M. Marcoux): A I'ordre, messieurs!
La commission de la justice reprend l'audition des mémoires
concernant le projet de loi no 39, Loi sur le recours collectif.
Les membres de la commission sont M. Alfred (Papineau), M. Bédard
(Chicoutimi) remplacé par M. Marois (Laporte); M. Blank (Saint-Louis)
remplacé par M. Pagé (Portneuf).
M. Lalonde: Excusez-moi, M. le Président, remplacé
par M. Ciaccia (Mont-Royal).
Le Président (M. Marcoux): ... remplacé par M.
Ciaccia (Mont-Royal); M. Charbonneau (Verchères) remplacé par M.
Clair (Drummond); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys),
M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière).
Les intervenants sont M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Duhaime
(Saint-Maurice), M. Lavi-gne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M.
Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Tardif (Crémazie).
Nous étions à l'étape de la discussion avec le
Barreau du Québec. Je pense que la parole était au
député de Marguerite-Bourgeoys. Est-ce que vous avez
terminé les réponses?
M. Lalonde: Non.
Le Président (M. Marcoux): Vous étiez encore
à répondre aux questions posées par le ministre
Allez-y.
M. Bergeron: La dernière question à laquelle je
n'avais pas répondu, c'était...
Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous vous identifier
à nouveau pour les fins du journal des Débats?
M. Bergeron: Viateur Bergeron, bâtonnier du Québec.
C'était la question sur notre recommandation no 7, à la page 20,
concernant l'octroi de l'aide. Evidemment, il faut peut-être penser
à ce qui est sous-jacent à cette recommandation d'abord.
Premièrement, ce qu'on veut, c'est éviter que l'on juge deux fois
en des endroits différents la même chose, parce qu'on parle de
vraisemblance de droit, au niveau du fond et qu'on n'en parlait pas encore au
niveau de la requête, bien qu'on puisse trouver d'autres
critères.
Peut-être que la vraisemblance de droit dont on parle au niveau du
fond n'a pas la même signification que celle qu'on voudrait retrouver au
niveau de la première partie. C'est quand même beaucoup plus, je
pense, dans le langage employé ce matin, une apparence de droit ou un
recours qui nous semble sérieux à la façon dont on
l'apprécie au niveau de l'aide juridique plutôt qu'une
vraisemblance de droit au niveau de l'octroi d'un bref d'évocation.
C'est le premier commentaire.
Deuxièmement, évidemment, peut-être qu'on peut
pallier le problème que cela pourrait poser en laissant l'idée de
vérification du sérieux du bien-fondé du recours, comme
dans le cas des recours extraordinaires en vertu de l'article 847 du Code de
procédure civile, les recours collectifs, en somme, sont au moins aussi
dangereux que les recours extraordinaires du Code de procédure civile
qui existent déjà. Je pense qu'au niveau préliminaire, on
devrait les traiter avec autant de sérieux pour éviter les abus,
comme on l'a bien vu dans le projet, en y mettant une requête
préalable.
Maintenant, il faut bien penser qu'il nous semble que l'octroi de l'aide
en vertu du Fonds d'aide aux recours collectifs s'adresse à une
catégorie de personnes très différente quand même de
l'octroi de l'aide juridique. En effet, ce fonds d'aide vise l'ensemble des
consommateurs, jusqu'à un certain point, sans égard à
leurs moyens financiers. Comment va-t-on évaluer l'octroi de l'aide,
puisqu'on va regarder, en somme, le représentant du groupe? Il est
très difficile de savoir si ceux qui consomment le produit X sont
admissibles ou non à l'aide juridique. Nous pensons que c'est une
question de protection du consommateur et qu'à l'usage les
critères qui vont être utilisés pour l'octroi de l'aide
dans le cas de ce fonds vont être quand même très
différents des critères utilisés pour l'octroi de l'aide
juridique à l'individu. D'autant plus, évidemment, que dans ces
cas, normalement, le jugement obtenu devrait "générer " les
sommes d'argent qui sont susceptibles de "générer " des
honoraires. Je pense que là-dessus, il faut s'en tenir à la
philosophie de base de l'aide juridique, c'est-à-dire que ceux qui ont
les moyens de payer leurs honoraires juridiques les paient eux-mêmes sans
avoir recours à l'aide juridique.
Je pense que là-dessus les moyens à prendre seraient de la
nature suivante, c'est-à-dire qu'on devrait accorder l'aide au niveau de
la requête en première instance seulement. C'est bien
évident que si la requête est accordée et que la partie
défenderesse va en appel, le fonds devrait accorder quasiment
automatiquement la permission de contester cet appel à l'intimé
qui a gagné en première instance. Par ailleurs, si une
requête est rejetée en première instance, il nous semble
que, comme pour l'aide juridique d'ailleurs même si on s'en
inspire, il ne faut pas nécessairement mêler les deux choses
on redemande une nouvelle fois l'aide pour savoir si cela vaut la peine,
parce qu'il faut quand même, pour aller en appel, établir que le
jugement de première instance est erroné ou susceptible de
l'être.
Je pense qu'il y a peut-être d'autres palliatifs, mais qu'il ne
faut pas mêler aide juridique et Fonds d'aide aux recours collectifs;
cela ne recouvre pas les mêmes personnes. Je ne sais pas si cela peut
répondre à la question et cela ne répond sûrement
pas à la question du libre choix comme je l'ai expliqué ce
matin.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je veux remercier le Barreau
du Québec d'avoir étudié de façon aussi positive le
projet de loi 39 et d'avoir soumis son mémoire. Je veux remercier ces
gens pour la présentation que le bâtonnier a faite ce matin
à la commission parlementaire. Je voudrais m'attarder seulement quelques
minutes sur quelques points qui ont été soulevés et qui
ont aussi été discutés un peu avec le ministre avant le
déjeuner, à savoir le critère de vraisemblance que vous
suggérez d'ap-piiquer dans l'octroi de la requête initiale. Si
j'ai bien compris, ce critère est appliqué au niveau de l'octroi
de l'aide et contenu dans le projet de loi à cette fin seulement et je
pense qu'on a dit que c'est par analogie avec l'aide juridique qu'on
appliquerait ce critère.
Je me demande pourquoi on négligerait un critère soit de
vraisemblance ou de preuve de prima facie ou d'apparence de droit je
pense aussi qu'on a mentionné ce dernier dans ce cas-là
plus que dans l'autre parce que le recours collectif il ne faut pas
naturellement se fermer les yeux et nier qu'il ait un impact
différent n'est que le résultat de l'addition des droits
qui existent et n'est qu'une procédure pour faire en sorte que ces
droits, qui existent déjà en vertu du Code civil, par exemple,
puisqu'on est en matière civile, soient reconnus et que les
détenteurs de ces droits aient les moyens de faire reconnaître
leurs droits.
Dans l'hypothèse, par exemple, où un recours collectif
impliquerait, pour les fins de la discussion, 50 personnes qui pourraient
bénéficier de ce recours, justement; théoriquement,
chacune de ces 50 personnes pourrait aller en cour pour réclamer les
$14.50, par exemple, ou un montant qui est peut-être minime, si chacune
de ces personnes est prise séparément, mais, à ce
moment-là, chacun de ces demandeurs a accès à la justice
sans qu'on lui permette de faire sa demande. Autrement dit, on ne lui demande
pas de prouver la vraisemblance de son droit avant d'introduire sa demande en
cour. L'émission du bref se fait de façon tout à fait
automatique. Pourquoi, si on veut justement aider à l'accès
à la justice de ces cas, y imposerait-on un critère additionnel
de vraisemblance parce que c'est un recours collectif?
M. Bergeron: Premièrement, à cause des coûts
très élevés que supposent beaucoup de ces enquêtes
d'après les représentations qu'on nous a faites, d'après
les exemples qu'on nous a donnés. Si on pense, par exemple, à un
défaut mécanique dans un appareil assez sophistiqué, les
expertises vont peut-être coûter des milliers et des milliers de
dollars. Evidemment, je présume que, quand on fait une recherche ou une
expertise, on ne sait pas le résultat d'avance, pour conclure qu'il n'y
a peut-être rien qui est défectueux, finalement. Aussi, à
cause de l'impact que peut avoir ce recours sur les défendeurs
possibles. Quelqu'un nous donnait aujourd'hui l'exemple du domaine alimentaire.
On sait que la seule mention que les gens sont mal servis dans tel magasin ou
concernant tel produit alimentaire peut suffire, dans certains cas, à
provoquer une fermeture forcée du commerce.
M. Lalonde: Si vous aviez...
M. Bergeron: A ce moment-là, je pense que le recours
collectif va aussi entraîner une certaine publicité forcée,
naturellement; quand un individu prend une action de $14.50 aux petites
créances, cela n'a pas beaucoup d'impact publicitaire. (15 h 55)
Si une association de consommateurs prend un recours même pour 50
personnes pour $14.50, comme vous avez dit, généralement,
l'association en question va prévenir les media d'information de sa
démarche. Je pense qu'on peut prévoir qu'elle le fera
généralement. A ce moment-là, vous avez un impact qui
provient de la publicité qui entoure ce genre de recours. Dans beaucoup
de recours, si c'étaient 50 personnes pour $14.50, cela n'aurait
peut-être pas d'importance, mais si on pense, dans certains cas, à
plusieurs centaines de milliers de consommateurs pour $0.25, cela touche
beaucoup de monde et cela va faire beaucoup de bruit. Il est important que le
sérieux du recours ou le bien-fondé du recours soit établi
rapidement. A part cela, évidemment, il y a le coût des avis qu'il
faut donner à tout le monde et le temps que cela peut prendre, en cour,
pour ce genre d'enquête pour découvrir à la fin qu'il n'y
avait pas de quoi fouetter un chat et qu'en réalité le recours
était mal fondé ou même malicieux. L'exemple qu'on tire et
la comparaison que l'on fait avec les recours extraordinaires à partir
du Code de procédure et, en particulier, les critères de
l'article 847, ce que nous disons, c'est qu'en fait les recours collectifs sont
des recours peut-être beaucoup plus dangereux que les recours
extraordinaires du Code de procédure civile qu'on a pourtant toujours
assujettis à une préautorisation qui, quand même,
aujourd'hui, va assez loin dans l'étude du sérieux ou du
bien-fondé des motifs pour lesquels on demande ce recours
spécial. Par analogie, nous inspirant de l'expérience des moyens
extraordinaires, nous pensons qu'il faut, à ce niveau de la
requête d'autorisation, y accorder le plus grand sérieux.
M. Lalonde: Je vous remercie, M. Bergeron. J'avoue que j'ai
certaines réserves quant à l'injection d'un critère
additionnel pour l'exercice d'un droit. Disons, abstraitement, que je suis
insatisfait de mon appareil de télévision, ou prenons l'exemple
de M. X, millionnaire, qui veut avoir ce que l'on appelle dans le langage
courant "his day in court" et n'a aucune objection aux dépenses. Il va
pouvoir introduire sa demande contre le manufacturier, absorber les frais des
expertises et forcer le défendeur à procéder à
toutes les autres expertises sans qu'il n'y ait aucune
bénédiction quelconque de la part de l'autorité
judiciaire. Il n'a pas besoin de procéder à la vraisemblance de
son droit pour introduire sa cause, pourvu qu'il ait les moyens de forcer le
défendeur à faire de même.
Pourquoi imposerait-on à un groupe de personnes qui n'ont pas les
moyens, justement parce qu'elles sont ensemble, de prouver une certaine
vraisemblance? Il y a une réponse que vous m'avez donnée
tantôt qui peut-être marque une différence, c'est l'avis
donné à tout le monde. C'est à peu près la seule
différence jusque-là, l'avis que le défendeur devra donner
à tous les membres.
M. Bergeron: Si vous me le permettez, d'abord je vous ferais
remarquer que l'exemple de votre millionnaire, c'est justement quelqu'un qui a
les moyens, mais c'est un consommateur. Alors, vous pouvez avoir un
consommateur qui peut vouloir sa revanche ou qui veut donner une leçon.
Son recours n'a peut-être rien à voir avec le recours collectif,
il est peut-être finalement le seul. Si on n'examine pas très
sérieusement sa requête au niveau de l'autorisation de son
recours, ce qui nous apparaît injuste, c'est qu'il va obliger le
défendeur à encourir des frais d'expertise énormes pour
prouver qu'il n'y a rien de sérieux ou de bien-fondé dans le
recours qui est intenté contre lui et que M. X, millionnaire, qui peut
se payer le luxe de cette affaire, prétend intenter au nom de 500 000
usagers au Canada. Justement, les coûts d'expertise dans ce genre
d'affaire, les coûts d'avis, les coûts de sténographie, la
longueur des enquêtes sont tels et les dommages causés aux
défendeurs lorsque ce recours, qui est une arme extrêmement
valable et extrêmement dangereuse en même temps, est
utilisée à mauvais escient, ces dangers sont tels qu'il nous
semble qu'ils sont au moins aussi grands que le recours spécial en
évocation qu'on retrouve au Code de procédure. Par
conséquent, si on a toujours jugé qu'il faut une autorisation
préalable dans ces cas, à plus forte raison dans le cas des
recours collectifs.
M. Lalonde: Et on n'en a pas besoin dans le cas de
procédures intentées conjointement lorsque, par exemple, par
l'application des articles 59 et 67...
M. Bergeron: Oui, d'accord, mais...
M. Lalonde:... on n'a pas besoin de l'autorisation du tribunal,
sauf que le tribunal peut, à un moment donné, décider que
l'administration de la justice exige qu'ils soient entendus
séparément, mais pas quant à la vraisemblance du
droit.
M. Bergeron: Oui, c'est sûr, sauf que, dans le cas
où on a recours à plusieurs demandeurs, en vertu de 59 ou autres,
ce sont des gens faciles à identifier ou à retrouver et comme ils
sont susceptibles d'être recherchés pour leurs propres faits et
leurs propres gestes, cela limite un peu leur action.
M. Lalonde: Je vous remercie.
Quand à l'aide prévue aux articles 5 et suivants, le fonds
prévu par le projet de loi, je voudrais que vous me disiez si la
préoccupation d'équilibre que vous avez exprimée au
début pourrait vous faire penser que l'aide accordée à un
groupe ne pourrait pas jouer à l'encontre de l'équilibre. Dans
quelle mesure une démarche qui est justement créée pour
rétablir l'équilibre entre une partie qui est nantie de tous les
moyens, par
exemple la corporation, l'entreprise qui a tous les moyens de
défense, et le consommateur qui, isolément, n'a pas les moyens de
poursuivre?...
Est-ce que cela ne pourrait pas renverser l'équilibre, de la
façon suivante: si le défendeur se trouve à être
l'épicier du coin, par exemple, et que les clients mis ensemble,
aidés par le projet de loi, puissent faire en sorte qu'il n'y aurait
plus d'équilibre du tout?
M. Bergeron: Je ne me rappelle pas, de mémoire, si le
défendeur peut avoir de l'aide.
M. Lalonde: J'allais vous poser cette question.
M. Bergeron: Je ne pense pas qu'on ait prévu cela.
M. Lalonde: Je ne pense pas que ce soit clairement dit que le
défendeur ne peut avoir de l'aide, à moins...
M. Bergeron: Evidemment, je pense bien...
M. Lalonde: On dit, à l'article 6: "Le fonds a pour objet
d'assurer le financement des recours collectifs en la manière
prévue par le présent titre". Je n'ai vu aucune disposition qui
interdit, par exemple, un défendeur. Mais peut-être que par
interprétation des dispositions, cela soit impossible.
M. Bergeron: Entre dire que c'est impossible et penser que c'est
prévu ou autorisé, il y a une grande différence. Le fonds
est un organisme d'ordre statutaire et je pense qu'il n'aura que les pouvoirs
qu'on lui donne. Si on ne prévoit pas qu'il puisse aider un
défendeur, il ne le pourra pas.
L'interprétation que j'en fais, c'est qu'actuellement, aucun
défendeur ne peut recevoir d'aide. Il n'est pas interdit de penser qu'il
pourrait en recevoir. Quant à nous, nous n'avons pas d'objection. On
doit garder tout le monde à égalité devant la justice et
par conséquent, si un défendeur avait besoin d'aide,
peut-être faudrait-il amender le projet pour le prévoir.
Autrement, il y aura un désiqui-libre certain.
C'est bien sûr que cela peut viser de petites entreprises ou des
individus qui pourraient facilement ne pas avoir les moyens de se
défendre tout à coup contre un certain recours qui pourrait
toucher beaucoup de gens et les mettre dans la rue.
M. Lalonde: Peut-être que, selon l'interprétation de
l'article 19, le projet de loi restreint l'aide à un représentant
ou à celui qui entend se faire attribuer le statut. Cela exclut donc le
défendeur.
M. Bergeron: Vous pensez qu'en vertu de l'article 19 on
prévoit clairement qu'il s'agit du représentant ou de celui qui
entend jouer ce rôle, avoir ce statut, mais on n'a pas prévu le
défendeur. Peut-être qu'on peut suggérer de prévoir
l'aide au défendeur en même temps.
M. Lalonde: Comme représentant du Barreau et des avocats,
donc de ceux qui défendent ceux qui sont attaqués ou qui
défendent ceux qui veulent faire valoir leurs droits, cela ne vous
répugnerait pas que le fonds soit appelé à aider aussi le
défendeur.
M. Bergeron: Au contraire, on n'y avait pas pensé, mais
c'est une excellente idée. Je crois que...
M. Marois: II y a d'autres groupes qui y ont pensé, j'ai
vu cela dans un autre mémoire qu'on examinera demain.
M. Lalonde: C'est celui que je n'ai pas lu, parce que je ne
l'avais pas vu encore.
M. Bergeron: En tout cas, nous n'avons sûrement aucune
objection, au contraire.
M. Lalonde: Quant au reliquat dont on a parlé
tantôt, vous suggérez que si le reliquat est de l'ordre de 100%,
cela équivaut en fait à une amende. Vous vous opposez à ce
que ce soit transmis au fonds consolidé, parce que cela aurait pour
effet, je crois c'est comme cela que j'interprète vos paroles et
je suis d'accord avec vous de rendre pénale une supposition qu'on
veut d'ordre civil. C'est ce que vous avez expliqué assez clairement aux
questions du ministre.
M. Bergeron: On appelle cela punitif dans ce sens. C'est parce
que, comme je l'ai expliqué ce matin, c'est pénal, à notre
avis, quand la compensation ou la punition est versée à l'Etat ou
à la collectivité. C'est pour cela qu'on se dit... Quand, en
somme, après avoir utilisé tous les moyens de rembourser les
victimes, on en est arrivé à la frontière du recours et de
ses possibilités, changeons de camp et ne mêlons pas les cartes.
Prévoyons des recours d'ordre pénal, purement et simplement.
M. Lalonde: Le ministre d'ailleurs vous avait posé une
question à ce moment-là. Il se demandait dans quelle disposition
de la loi vous voyiez l'aspect punitif, c'est-à-dire qu'un
défendeur serait appelé à débourser plus que les
dommages qu'il a causés. Mais, si j'ai bien compris, jamais vous n'avez
suggéré cela.
M. Bergeron: Non.
M. Lalonde: C'est simplement la portion qui n'est pas transmise
à des individus qui reste le reliquat...
M. Bergeron: Oui, parce que...
M. Lalonde:... qui se trouverait à être
l'équivalent d'une amende, donc d'un dommage punitif.
M. Bergeron: Oui, parce qu'une sanction pénale, souvent
d'ailleurs, est inférieure aux profits que le voleur a faits, je dirais
presque dans tous les cas, peut-être pas aux profits qu'il lui reste,
mais aux profits qu'il a effectivement encaissés. Le
fait que ce soit égal, inférieur ou supérieur aux
profits frauduleusement faits ne change pas la nature du recours ou de la
sanction, à mon avis.
M. Lalonde: Oui. En dernier lieu, concernant les honoraires
vous voyez que je m'attache seulement aux points qui ont été
soulevés dans les questions je serais tenté de partager
votre point de vue, à savoir qu'exceptionnellement c'est une
mesure exceptionnelle ce soit le juge qui a connu toute la
procédure depuis le début jusqu'à la fin, comme c'est le
désir du législateur, qui détermine les honoraires,
même si c'est une exception à la règle actuelle où
on en fait un cas d'arbitrage. C'est d'autant plus important que, comme vous
l'avez dit, l'article 1035, les honoraires du procureur, du représentant
sont colloques avant les réclamations des membres, de sorte que, si le
juge ne décide pas quel est le montant des honoraires du procureur...
D'abord, qui va les autoriser? Tous les membres ou le représentant? Ce
n'est pas déterminé. Quand cela sera-t-il autorisé? S'il y
a une dispute quant aux honoraires, cela veut dire que les membres
eux-mêmes ne pourront pas savoir quel montant il va leur revenir, quel va
être le dédommagement jusqu'à ce que les honoraires soient
déterminés. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, je voudrais,
premièrement, remercier le Barreau pour son excellent mémoire. Je
pense qu'après avoir assisté à différentes
commissions parlementaires où le Barreau a fait des
représentations, on peut être assuré que sa collaboration
est toujours excellente. Même si, dans une autre commission parlementaire
qui a eu lieu avant les fêtes, on avait mentionné que le Barreau
était conservateur et parfois même rétrograde, je pense
qu'on peut s'apercevoir aujourd'hui que le Barreau sait également
être positif. Les intervenants antérieurs ont posé beaucoup
de questions que je voulais toucher également. Je ne veux pas revenir
sur chacune des questions, mais je voudrais que vous me donniez un
éclaircissement pour reparler du problème de la vraisemblance de
droit. Vous dites dans votre mémoire, à la page 17: "II ne nous
apparaît pas utile que le fonds doive apprécier la vraisemblance
du droit et les probabilités d'exercice du recours collectif; il serait
beaucoup plus simple que le fonds n'attribue l'aide que si et lorsque la
requête demandant une autorisation d'instituer un recours collectif aura
été accordée".
Si je comprends bien vos remarques, vous voudriez que ce soit le
tribunal qui apprécie la vraisemblance de droit lors de l'audition de la
requête et que le fonds ne soit pas appelé à
apprécier cette vraisemblance de droit, sauf peut-être dans le cas
où il s'agirait d'un cas où la prescription s'en vient et qu'on
doive agir à la dernière minute. A ce moment, on pourrait
peut-être... Est-ce que je comprends bien votre opinion? (16 h 10)
M. Bergeron: II y a le danger de garder le même
vocabulaire. On ne l'a pas dit dans la première partie, mais on pourrait
penser que cela y est, que certains juges pourraient l'y trouver. On a
suggéré de le mettre au début, au niveau de la
requête pour l'autorisation. Si on garde le même vocabulaire au
niveau de l'octroi de l'aide, vous allez avoir deux corps différents
appréciant chacun à sa façon la vraisemblance de droit et
appréciant, à mon avis, la vraisemblance de droit dans un sens
très différent, dans un cas comme dans l'autre. Au niveau de
l'autorisation, l'appréciation se fera, j'imagine, selon ce qu'on a dit
ce matin, en relation avec l'article 847 et la jurisprudence concernant les
recours extraordinaires, tandis qu'au niveau de l'octroi du fonds, si on suit
la seule jurisprudence analogique, ce serait l'octroi de l'aide juridique; ce
n'est pas dans le même sens qu'on interprétera les mots
"vraisemblance de droit".
Par conséquent, il faudrait l'enlever à un des deux
endroits ou l'enlever aux deux possiblement, si on ne réussit pas
à s'entendre mais on aimerait mieux que cela soit au premier, au
niveau de l'autorisation, que la discussion la plus sérieuse sur le
bien-fondé du recours soit faite.
Au niveau de l'octroi de l'aide, je pense que, si l'aide est
accordée au niveau de la première instance d'abord et qu'ensuite,
on révise les positions au niveau de l'appel pour ne pas continuer le
recours, on n'aura pas besoin de discuter de la vraisemblance de droit; elle
aura déjà été décidée. Finalement, il
s'agira d'étudier le sérieux de la demande j'emploie les
mots "le sérieux de la demande" et non pas les mots "vraisemblance de
droit" au niveau de l'octroi de l'aide pour une requête en
première instance, à toutes fins pratiques. Je pense que cela
clarifierait peut-être le débat et réglerait toutes les
questions d'octroi d'aide. Je ne sais pas si je réponds à votre
question?
M. Fontaine: Oui, d'accord. Maintenant, il reste toujours le cas
exceptionnel de la personne qui se présenterait pour obtenir de l'aide
à la dernière minute, alors qu'il y a une prescription et qu'on
doit agir rapidement.
M. Bergeron: Oui, mais au niveau de la première instance,
quant à moi au niveau de la requête d'autorisation, je veux
dire je pense que le fonds pourra accorder l'aide si cela lui
apparaît sérieux sans faire l'étude que la Cour
supérieure sera appelée à faire pour décider, oui
ou non, de l'octroi du recours collectif. Il y a une différence, de
sorte que, dans notre esprit, l'octroi de l'aide au niveau de la requête
pour autorisation en première instance parce qu'on sait qu'il
peut y avoir un appel sur l'autorisation de recours ne pose pas de
problème et je ne pense pas que cela pose de difficulté. C'est
qu'actuellement, en regardant de nouveau les textes, il ne semble pas qu'on ait
prévu que, lorsqu'on a accordé l'aide, vu qu'on s'est
déjà prononcé sur la vraisemblance de droit, on va
nécessairement s'arrêter. Ce que nous suggérons tout
simplement nous le suggérons à la suite des remarques
qu'on vous a faites ce matin c'est de prévoir la
possibilité de l'arrêt, de
façon formelle, de l'aide après le jugement de la Cour
supérieure sur la requête pour autoriser le recours.
Parce que, à ce niveau-là, il y a des questions de
prescription, il y a des questions d'ordre technique qui sont difficiles
à évaluer et je dis: Ne soyons pas plus exigeants qu'il n'est
nécessaire et octroyons l'aide si le recours paraît sérieux
au niveau de la première instance et au niveau de la requête pour
autorisation. Cela veut dire au niveau du premier jugement qui sera rendu par
le juge de la Cour supérieure sur le bien-fondé de la demande
pour intenter un recours collectif. Si on peut réviser les positions
à partir de là, je pense que l'aide sera octroyée dans les
cas qui le méritent, sans qu'il y ait d'abus, ni dans un sens ou dans
l'autre.
M. Fontaine: Merci. Je pense que cela éclair-cit ce
point-là. Maintenant, on a parlé tout à l'heure de la
question de la requête elle-même et vous avez assisté ce
matin au témoignage de l'autre groupe qui vous a
précédé. On a parlé de rendre la requête
publique. Est-ce qu'on pourrait avoir votre opinion à ce sujet?
M. Bergeron: Nous n'avons pas discuté de cet aspect au
niveau du comité ni au niveau des instances du Barreau. Tout ce que je
peux vous transmettre, c'est une réaction personnelle à ce sujet,
suite aux commentaires de ce matin.
Evidemment, la publication ou la publicité entourant un recours
collectif peut, dans certains cas, entraîner des dommages. Il est bien
évident que ce n'est pas uniquement dans ce cas. Il y a certaines
actions en dommages qui peuvent aussi jouer le même rôle.
Alors, je ne sais pas si la non-publication, comme en matière
criminelle, produirait les mêmes effets. C'est une question qui
mériterait d'être approfondie, à mon avis. Pour moi,
à première vue, je n'ai pas beaucoup confiance que la
publicité puisse être empêchée au point que cela ne
se sache pas, parce que même les ordonnances de non-publication
empêchent rarement les media de faire état que M. Untel a
été accusé de...
La seule chose qu'on ne sait pas, c'est le détail des
témoignages des enquêteurs, mais le fait que l'accusation existe
est connu. Alors, je ne sais pas si c'est réaliste ou réalisable
de dire qu'on ne fera pas de publication.
Si c'était réalisable, je dirais qu'il faudrait demander
aux media ou les obliger à donner autant de publicité au jugement
qui rejette la requête qu'au fait que la requête ait
été présentée, ce qui n'est pas toujours le
cas.
Evidemment, les malheurs font plus d'effet quand ils viennent d'arriver
que lorsqu'on en parle depuis quelque temps. Alors, la publicité
après coup n'a pas toujours les mêmes conséquences et n'a
pas toujours la même place non plus, malheureusement, mais nous n'avons
pas fait d'étude ni de recherche spéciale sur ce point.
M. Fontaine: D'accord. Je reviens sur un point peut-être un
peu plus technique. A l'article 1012, on dit: "Le défendeur ne peut
opposer au représentant un moyen préliminaire que s'il est commun
à une partie importante des membres et porte sur une question
traitée collectivement."
On ne peut pas permettre de moyen préliminaire. Pourquoi,
d'après vous, ne pourrait-on pas permettre l'appel en garantie dans les
cas où c'est permis actuellement dans le Code de procédure
civile?
M. Bergeron: Je ne sais pas si on peut répondre à
cette question d'une façon aussi générale ou s'il faut
dire que cela dépend d'abord de quel appel en garantie et dans quelle
cause.
Il faut faire attention qu'un seul membre du groupe puisse
empêcher le recours des autres. Je pense bien que c'est le motif du
législateur. Si l'appel en garantie peut couvrir une partie importante
des membres, j'imagine qu'il sera permis.
M. Fontaine: Mais c'est le défendeur qui en est
empêché.
M. Bergeron: Finalement, le juge a discrétion pour
décider s'il accorde le moyen préliminaire ou non parce que le
défendeur va l'opposer et c'est le juge qui décidera si le moyen
correspond au critère de 1012 ou non.
D'ailleurs, il y a un article un peu plus loin dont j'oublie le
numéro qui permet, au niveau des réclamations individuelles,
à celui qui n'a pu faire valoir son moyen préliminaire de
l'invoquer lorsque cette personne se présente.
A la lecture de ces deux textes, il m'a paru y avoir un équilibre
raisonnable entre les deux.
M. Marois: Si vous permettez, il y a trois articles, 1012, 1019
et 1040 qui se recoupent concernant cette question.
M. Bergeron: Nous n'avons pas vu d'objection à cet article
1012, compte tenu des textes qui suivent et dont vient de faire état le
ministre.
M. Fontaine: J'avais une autre question concernant l'appel,
à la page 7 du mémoire. Vous dites: Nous préférons
limiter aux parties le droit d'en appeler du jugement sur la requête
demandant l'autorisation d'exercer le recours collectif.
M. Bergeron: C'est que l'article, actuellement, permet l'appel
à un membre du groupe avec la permission d'un juge de la Cour d'appel,
lorsque le requérant qui s'est vu refuser son recours décide de
ne pas en appeler. Alors, nous trouvions que c'était donner à
quelqu'un qui n'était pas impliqué comme partie un bien grand
rôle que de lui permettre d'en appeler et en plus de demander la
permission d'en appeler, d'autant plus qu'à toutes fins pratiques la
Cour d'appel jusqu'à ce jour a accordé très peu de
permissions d'en appeler au niveau du Québec, en général.
En conséquence, cette permission d'en appeler à un membre qui
n'est pas déjà partie en première instance nous
apparaissait à la fois illusoire et inutile. Alors, que les parties
aient un droit d'appel, requérant
comme intimé, cela paraît normal et il nous apparaît
important que le jugement sur l'autorisation de recours soit débattu
très sérieusement. C'est pourquoi nous sommes en faveur du
maintien de l'appel avec cette seule restriction.
M. Fontaine: D'accord. Une dernière question concernant le
statut de représentant à une corporation. Vous dites, au niveau
de l'article 1048, que le fait de donner le statut de représentant
à une corporation ou à une association de salariés dont un
des membres ou actionnaires est membre du groupe, c'est donner à une
corporation ou à un groupe de personnes plus de droits et moins
d'intérêt qu'à un individu. J'aimerais que vous nous
expliquiez un peu plus votre pensée à ce sujet parce que vous
l'avez répété ce matin lors de yotre présentation.
Vous dites que si on donne à une corporation ou à un groupe de
personnes le droit de présenter une requête en tant que
représentant, c'est donner plus d'intérêt à un
groupe de personnes qu'on n'en a donné à un individu.
M. Bergeron: Par exemple, une association de propriétaires
de maisons n'a, évidemment, aucun intérêt comme
association; chaque propriétaire en a, mais l'association n'en a pas
puisqu'elle n'est pas propriétaire elle-même. Alors, la
règle actuelle, c'est que l'association ne pourrait pas intenter de
recours, d'une part. Actuellement, on donne l'intérêt des membres
à l'association ou à la corporation.
Lorsqu'on parle de corporation sans distinction et que l'on vise ainsi
toutes les personnes morales, il pourrait arriver que le club X, pour ne pas
faire de personnalité, qui s'occupe d'un certain champ
d'activités, décide, parce que le vice-président a
été offusqué dans ses transactions ou frustré,
d'intenter un recours collectif dans un domaine qui n'a rien à voir avec
les objectifs de la corporation comme telle.
Nous croyons pouvoir déceler des possibilités d'abus dans
cette possibilité qu'un membre se décide, tout à coup,
à cause de son influence personnelle et de sa position dans le groupe,
d'exercer un recours pour tout le groupe qui n'y a finalement pas
d'intérêt.
M. Fontaine: Est-ce que vous ne voyez pas également la
possibilité qu'on puisse voir surgir au Québec un certain nombre
de compagnies qui vont se spécialiser dans le commerce du recours
collectif? (16 h 25)
M. Bergeron: Oui, c'est cela et le danger, c'est qu'on retrouve
les chasseurs d'ambulances maintenant qu'il n'y a plus d'ambulance
à chasser et que, finalement, certains individus plus ou moins
scrupuleux ou certains avocats, à l'occasion, participent à
fabriquer des machines à actions en justice sans s'occuper des
conséquences. Ce serait contre l'intérêt public, contre
l'intérêt du Barreau, contre l'intérêt des avocats et
je pense qu'il n'y a pas de raisons pour lesquelles on ne peut pas s'opposer
à ce risque.
Il nous semble que, dans certains cas, il peut être tentant
d'organiser des recours. On a vu l'expérience de l'étiquetage des
produits alimentaires où on permettait à ceux qui poursuivaient
de garder la moitié de l'amende. Je peux vous citer le cas, dont j'ai
été, moi-même, le témoin oculaire, de quelqu'un qui
n'avait pas d'emploi d'été et qui a décidé de se
faire un bon été en se promenant dans tous les magasins et en
achetant des boîtes de conserve de toutes les couleurs qui ne
respectaient pas la loi sur l'étiquetage des produits alimentaires;
à ce moment, comme il pouvait recueillir la moitié de l'amende,
il a intenté 3200 plaintes je donne un chiffre en l'air comme
cela approximativement des milliers de plaintes. En somme, c'est
quelqu'un qui se foutait bien, comme on dit, de la loi.
M. Marois: Si vous me permettez cette blague, bien sûr,
cela ne justifie pas le fond, mais vous conviendrez avec moi, sur la base de
l'exemple que vous donnez, que cela a été aussi si ma
mémoire est bonne, je me souviens très bien de cette
période la seule période et la seule époque
où, effectivement, la loi a été appliquée
concernant l'étiquetage.
M. Bergeron: Peut-être, mais il me semble que c'est un gros
prix à payer.
Le Président (M. Marcoux): A une boutade...
M. Lalonde: Oui, une autre boutade!
Excusez-moi. En fait, ce n'était pas une boutade parce que je me
souviens très bien qu'il s'agissait d'un règlement de la loi qui
relevait du ministère de l'Agriculture. Je me souviens des efforts que
Me Ducharme, entre autres maintenant, il est rendu avec l'Office de la
langue française avait faits pour appliquer progressivement ce
règlement et cela avait, en fait, tout jeté en l'air.
Le Président (M. Marcoux): Peut-on conclure rapidement,
s'il vous plaît!
M. Fontaine: Cela veut dire que vous préconisez, en fait,
que ce soient seulement les individus qui puissent présenter des
requêtes?
M. Bergeron: C'est-à-dire, en une première
étape. Je ne pense pas qu'il faille décider cela pour
l'éternité, mais, en une première étape de la mise
en oeuvre de la loi, nous croyons qu'il serait sage parce que nous
sommes contents de l'existence de ce nouveau moyen de procédure, on
voudrait qu'il ne soit saboté par personne en conséquence
on dit: Peut-être que, au point de vue de la prudence législative,
on devrait ne faire que des groupes qui comprennent des personnes physiques et,
à ce moment-là, on verra à l'expérience; si
vraiment l'expérience justifie d'étendre ou de permettre
davantage, on le modifiera dans le temps, à la lueur de ce qu'on aura
vu.
M. Fontaine: D'accord, merci.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a
d'autres députés qui veulent poser des questions ou
intervenir?
M. Clair: II y aurait évidemment eu d'autres questions, M.
le Président, mais je pense que...
M. Fontaine: Vous êtes pris à votre propre
piège.
M. Clair: Absolument pas, c'est que nous respectons les ententes,
M. le Président.
M. Fontaine: M. le Président, il n'y a pas d'entente.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie... Pas de
débat entre les participants... Non, je m'excuse...
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais quand même
être bien sûr que cela ne s'adresse pas à nous!
M. Marois: Non, cela s'adresse à moi!
M. Lalonde: Ah, bon! Tout le monde avait compris cela!
Je voulais que ce soit souligné!
Le Président (M. Marcoux): Je remercie M. le
bâtonnier du Barreau du Québec et Mme Filion de leur participation
aux travaux de cette commission.
J'inviterais maintenant l'Association des banquiers à venir nous
présenter son mémoire.
M. Marois: M. le Président, si je peux me permettre juste
une remarque de départ. Je comprends que le Barreau compte
réfléchir de façon additionnelle, ajouter à sa
réflexion, sur la question des honoraires et, le cas
échéant, nous soumettre des notes, si vous pensez qu'il y a des
ajustements.
M. Bergeron: Oui, vous faites bien de le souligner, nous avons
l'intention de le faire et d'envoyer les résultats de notre
réflexion à tout le monde.
Le Président (M. Marcoux): C'est enregistré au
journal des Débats.
Association des banquiers canadiens
J'inviterais maintenant l'Association des banquiers canadiens. Est-ce
que M. Harrison est présent? Est-ce que vous pouvez nous
présenter vos collègues?
M. Laprade (Lionel): M. le Président, mon nom est Lionel
Laprade. Je suis ici au nom de l'Association des banquiers. Je suis
vice-président de la Banque Canadienne Nationale. A ma droite, se trouve
Me Jean-Pierre Bernier qui est conseiller juridique de l'Association des
banquiers canadiens; à ma gauche, Me Georges Dessaulles qui est
conseiller juridique à la Banque Royale de Montréal.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de
l'Assemblée nationale, tout d'abord j'aurais une remarque
préliminaire. J'aurais aimé vous présenter un
mémoire un peu plus élaboré. Mais des circonstances
incontrôlables de personnes et de lieux, sinon de moyens financiers, ne
nous ont pas permis de le faire et je le regrette.
M. Lalonde: Avez-vous besoin d'un prêt à la
banque?
M. Marois: Moi qui allais suggérer la création par
eux d'un fonds d'aide aux entreprises.
M. Laprade: Toutefois, il nous fait plaisir de pouvoir vous
confirmer que les banquiers canadiens n'ont pas d'objection de principe
à l'adoption de ce projet de loi, même si on ne l'a pas
laissé entendre expressément dans les notes que nous avons
envoyées. Ce projet s'inscrit, selon nous, dans le cadre de la
protection du consommateur et autres lois semblables. Donc, il s'agit d'un
projet de loi à caractère social auquel les banquiers, à
mon avis, se sont bien adaptés.
Mes remarques se borneront donc à suggérer, non pas
toutes, mais certaines mesures préventives pour pallier les abus que ce
recours pourrait susciter. Nous en citons des exemples au paragraphe 1 de notre
mémoire, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a tout un attrait
attribué au recours collectif, par la possibilité d'un
financement par le fonds. Il ne faudrait pas, en raison de cette
facilité, qu'on ne recoure pas aux lois qui régiraient un
problème donné parce que le fonds garantit les frais.
C'est la raison pour laquelle au paragraphe 2, en regard de l'article
1003 et à cause de la nature exceptionnelle du recours, nous
recommandons que la discrétion du juge soit guidée par l'addition
de deux nouveaux critères, à savoir:
A) Qu'il n'y a pas d'autre moyen légal et approprié et B)
que la demande du recours collectif soit faite de bonne foi.
Le moyen de contrôle serait peut-être, ou bien que le fonds
ne consente pas d'avances avant que l'autorisation du recours ne soit
accordée ou subsidiairement, amender l'article 31 pour obliger le
réquérant à rembourser les avances de fonds s'il n'obtient
pas l'autorisation de procéder.
Une suggestion. Je vous réfère au paragraphe 7 du
mémoire. Il serait préférable, selon nous, que le
délai prévu à l'article 1038 pour la production au greffe
des réclamations soit un délai de rigueur, comme c'est le cas,
par exemple, au sujet des délais prévus aux articles 1005 et
1042. Nous sommes d'avis que le délai proposé de douze mois soit
réduit à trois mois, afin d'éviter l'hésitation et
des incertitudes chez le défendeur.
Enfin, à l'article 1002, nous croyons qu'il est essentiel que
l'intimé ait le choix de contester ou puisse avoir le choix, à
tout le moins, de contester la requête par écrit, lorsqu'il s'agit
de la requête pour obtenir l'autorisation d'intenter l'action, afin que
le tribunal puisse connaître préalablement à
l'audition la position respective des parties. Il s'agit, en somme, d'un
recours exceptionnel. Si, même en principe, une requête ne se
conteste pas par écrit, il y a des cas d'exception, comme, par exemple,
dans le cas 754 CPC, c'est-à-dire dans le cas de l'injonction.
Voilà les remarques que je voulais vous faire, messieurs. Je vous
remercie de m'avoir entendu.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: Merci! M. le Président, je voudrais d'abord
remercier l'association de s'être donné la peine d'examiner
attentivement le mémoire et de nous faire non seulement part de ses
commentaires, de ses suggestions, mais aussi de ses recommandations, celles
qu'elle juge susceptibles de bonifier le projet de loi tout en permettant quand
même de respecter l'idée de fond. Je suis heureux que vous ayez
profité de la présentation de votre mémoire pour indiquer
votre accord de principe. Je pense que c'est important pour les membres de la
commission de le savoir, parce que ce n'est vraiment pas un détail non
plus en partant.
Partant de là, votre mémoire touche à quatorze
points. Bien sûr, je n'aurai certainement pas le temps... Je ne veux pas
abuser du temps de la commission, ni abuser du temps de mes collègues,
qui auront certainement des questions à vous poser. Je voudrais
seulement m'attarder particulièrement, d'autant plus qu'il y a d'autres
points qu'on a soulevés déjà avec d'autres groupes,
m'arrêter particulièrement à ce stade-ci à trois
choses.
D'une part, je voudrais vous indiquer qu'à première vue,
sous réserve de l'examiner je m'excuse, ce n'est pas dans
l'ordre, mais c'est parce que cela me frappe au point de départ
en page 2, le point 6, effectivement, à mon avis, vous posez une
question très pertinente, concernant le recouvrement collectif, à
savoir les articles 1031 à 1036. Vos commentaires sont dans le sens que
le projet de loi demeure obscur sur la question de savoir si le
dépôt au greffe par le débiteur du montant que le tribunal
aura déterminé comme étant un montant dû par
celui-ci constitue un paiement libérant au sens du Code civil le
débiteur de son obligation... Je n'ai honnêtement pas la
réponse. Spontanément, j'étais porté à
penser que oui. Seulement, je pense que c'est pertinent que vous souleviez
cette question. Ce que je peux vous dire, c'est que je vais demander à
l'équipe des juristes d'examiner très attentivement cette
question, parce que c'est certain qu'il faut que ce soit clair, d'une
façon ou d'une autre, soit par l'interprétation du texte, quitte
à y apporter des ajustements requis.
Par ailleurs, revenant au paragraphe 2 concernant l'article 1003, vous
proposez d'ajouter deux critères, lorsque le juge doit évaluer la
pertinence d'accueillir favorablement ou pas la requête. (16 h 40)
Les deux critères que vous proposez sont, d'une part, qu'il n'y
ait pas d'autres moyens légaux appropriés et, d'autre part, que
la demande soit faite de bonne foi.
Quant au deuxième point, vous me permettrez de noter que j'ai
beaucoup de réticence à recevoir ce critère dans la mesure
où, dans notre droit, la bonne foi se présume. Je ne crois pas
qu'un facteur comme celui-là puisse intervenir au niveau de la
requête, quitte à examiner s'il devait y avoir des choses
d'ajustées ou d'ajoutées. On a invoqué la notion
d'apparence de droit qui me semble être une notion mieux
étoffée dans la pratique de notre droit que la vraisemblance de
droit. Donc, je suis prêt à regarder ces choses. Concernant la
bonne foi, j'avoue vraiment que vous nous demandez, à mon humble avis,
de chambarder quelque chose qui est fondamental dans l'économie
générale de notre droit civil, soit le fait que la bonne foi se
présume.
Quant à ce que vous appelez le point A, le nouveau
critère, je me demande si, au fond, le critère que vous nous
proposez d'introduire n'est pas déjà intégralement contenu
dans l'interprétation très stricte du paragraphe B de l'article
1003. La composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des
articles 59 ou 67. Dès que le tribunal, de la façon que le texte
est libellé, et cela rejoint votre question de critère... Est-ce
qu'il y a un autre moyen légal approprié?
Si, par exemple, une vingtaine de propriétaires de maisons
achetées dans un nouveau développement domiciliaire
prétendent que leurs maisons sont à ce point entachées de
vices et de défauts cachés que cela rend absolument inutilisable
le produit aux fins pour lesquelles ils l'ont acheté, je serais
porté à dire que s'il s'agit d'une vingtaine de
propriétaires dans un quartier précis, on est donc capable
d'identifier facilement les 20 propriétaires.
C'est vraisemblablement un cas où, en vertu du critère du
paragraphe B de l'article 1003, en vertu des articles 59 et 67, il y aurait
moyen de procéder. En d'autres termes, ces gens ne seraient pas
privés de l'exercice ou en tout cas des recours, des procédures
leur permettant de faire valoir les droits qu'ils ont, des droits substantifs
en vertu de l'état actuel de notre droit civil.
Donc, je crois que le critère que vous évoquez me semble
en bonne partie déjà, et je dirais pour l'essentiel, couvert par
le paragraphe B de l'article 1003. A moins que vous n'ayez une façon
différente de voir les choses, je vous le note au passage, je suis
certain que vous n'hésiterez pas à faire les commentaires qui
vous semblent pertinents suite à ma remarque.
Il y a un autre point qui me "chicote" un peu. Vous évoquez
je ne me souviens pas de la recommandation vous nous demandez de
biffer le deuxième paragraphe de l'article 1001.
M. Lalonde: C'est dans 4.
M. Marois: Au point 4, c'est exact, à la page 2. L'article
1001, c'est l'article qui prévoit que le juge en chef désigne un
juge qui entend toute la procédure relative à un même
recours collectif. Le
deuxième paragraphe dit que lorsqu'il estime que
l'intérêt de la justice le requiert, le juge en chef peut
même désigner ce juge, malgré les articles 234 et 235 qui
sont des articles du code pour ceux qui ne sont pas familiers avec le
jargon juridique, c'est important de savoir de quoi on parle qui
prévoient les cas de récusation d'un juge.
Pourquoi avons-nous introduit cet article et laissé au juge en
chef on ne parle pas de n'importe qui, on parle du juge en chef de la
Cour supérieure du Québec ...Pourquoi l'a-t-on introduit?
Précisément, pour éviter de verser dans des situations qui
pourraient être terriblement injustes. Vous savez comme moi que les
articles 234, paragraphe 1, et 235 excluraient un parent, l'allié d'un
juge, sa femme, en d'autres termes, les gens qui pourraient être partie
à un groupe. Evidemment, il s'agit de cas d'exception. Il ne s'agit pas
non plus, pas du tout, de briser l'économie générale de la
loi. C'est pour cela que le texte, au deuxième paragraphe, est
libellé avec beaucoup d'attention: "lorsqu'il estime que
l'intérêt de la justice le requiert", donc ce n'est pas n'importe
quoi, n'importe comment, pour éviter aussi de tomber dans des cas qui
nous mèneraient à des formes opposées d'injustice. C'est
pour cette raison qu'on l'avait inclus.
Mais j'aimerais quand même avoir vos réactions suite
à mes commentaires sur ce point particulier. Voilà pour
l'instant, M. le Président.
M. Laprade: Merci. M. le Président, si vous le permettez,
Me Dessaulles pourrait répondre au problème de l'article 1003 au
sujet des critères.
M. Dessaulles (Georges): M. le Président, vous avez
mentionné que vous aviez de la difficulté à accepter le
critère de bonne foi, si je comprends bien votre question. Vous avez de
la difficulté à comprendre pourquoi on ajoute ce critère.
Je pense que la raison fondamentale, c'est toujours d'éviter l'abus du
recours extraordinaire que constitue l'exercice du recours collectif et les
conséquences que cela peut avoir sur des défendeurs, en
l'occurrence certaines entreprises, enfin, tous les défendeurs qui sont
permis par la loi.
J'allègue que la raison invoquée par l'association pour
ajouter ce critère, c'est de donner au juge qui apprécie si oui
ou non il va accorder la requête une espèce de
subjectivité, si vous voulez, pour éviter des recours abusifs. Je
vais illustrer un peu plus loin ce que je veux dire.
M. Marois: Voulez-vous expliciter? J'avoue que...
M. Dessaulles: C'est essentiellement la raison de notre
suggestion et je pense que l'autre suggestion au paragraphe 2 de notre
mémoire, selon laquelle il n'y a pas d'autre moyen légal
approprié, rejoint, en somme, le même but. Je voudrais
également en même temps mentionner que je ne suis pas sûr
que le fait d'ajouter ce critère modifierait les principes du Code civil
de la présomption de bonne foi. Il s'agit ici de donner un
critère addi- tionnel au juge et non de modifier les principes
générateurs. Si je peux illustrer par un exemple concret le genre
d'exemple qu'on cherche à trouver: un groupe de créanciers, par
exemple, des créanciers ordinaires, pourraient voir dans le recours
collectif un moyen détourné je ne pense pas que c'est le
but du recours collectif mais un moyen pour mettre un débiteur
effectivement en faillite. Je ne pense pas que c'est le but du recours
collectif, mais de la façon que la loi est formulée
présentement, il est facile d'imaginer le cas où des
créanciers ordinaires, par exemple, qui ne pourraient pas exercer le
recours sans invoquer la loi de la faillite, pourraient exercer le recours en
exerçant un recours collectif, en se faisant représenter par un
créancier ordinaire en particulier.
Et même cela va plus loin, le créancier ordinaire en
question pourrait se faire assister par le fonds, s'il rencontre les
critères du fonds. Or, on verrait, à ce moment-là, une
situation où des créanciers ordinaires qui, dans
l'économie de la loi actuelle, penseraient peut-être deux fois
avant d'invoquer la Loi de la faillite à cause des frais
impliqués et tout le reste, et pourraient facilement mettre un
débiteur ou une compagnie dont la situation financière est
chancelante, en faillite.
M. Marois: Je m'excuse, mais vraiment j'avoue que je ne vous suis
pas parce que ce que vous évoquez là semble tellement
énorme. C'est parce que vous me donnez l'impression que parfois on est
porté un peu remarquez que je ne veux pas interpréter
outre mesure mais parfois dans certains commentaires je comprends
par ailleurs ce point de vue et il faut faire attention; cela a
été évoqué depuis ce matin pour arriver avec
quelque chose qui soit quand même équilibré; je l'ai
évoqué moi-même, je n'ai pas l'intention de faire en sorte
que ce soit comme une espèce de bateau qui chavire en partant. Il y a
toute une série de balises. Les gens qui s'imaginent que cela va
être l'avalanche des "class actions" autorisés demain matin, j'ai
l'impression qu'il y a des gens qui vont se réveiller en se cognant le
nez sur les murs.
Je n'ai pas l'impression que la Cour supérieure va laisser aller
n'importe quoi, n'importe comment. Il y a un certain nombre de balises,
d'étapes prévues dans la loi, de moyens d'intervention, mais vous
poussez cela jusqu'à un point tel que vous nous suggérez
d'introduire la bonne foi comme critère.
Qui va évaluer la bonne foi? Le juge? La bonne foi se
présume dans notre droit. Bien. Alors, c'est introduit comme
critère. Qui aura le fardeau de la preuve? Et où cela nous
mène-t-il?
En d'autres termes, n'y a-t-il pas moyen d'arriver... Je comprends votre
préoccupation. Je pense que c'est une préoccupation
partagée par tous, celle de ne pas créer une situation qui ouvre
des portes à des choses qui soient complètement farfelues,
frivoles, revanchardes, et même le cas de vos créanciers qui
tenteraient, par ce biais, d'essayer littéralement... parce que c'est le
cas où cela pourrait être revanchard ou en disant: Je vais me
servir de cela comme instrument pour les jeter lit-
téralement en faillite, comment ces gens réussiront-ils
à passer à travers l'étape de la requête? Comment
vont-ils réussir?
J'aimerais bien être l'avocat au dossier quand cela se
présentera. Je pense bien qu'il y en a d'autres aussi qui aimeraient se
voir là à ce moment.
En d'autres termes, j'avoue que je ne saisis pas. Je comprends
parfaitement votre préoccupation de fond, cependant. Soyez-en
assuré. On se demande si c'est par l'introduction je vous soumets
ma question à nouveau d'un critère de bonne foi...
M. Dessaulles: Je réitère mes commentaires. C'est
de donner au juge un certain pouvoir d'appréciation. Peut-être que
les paroles "de bonne foi" sont inexactes. Peut-être pourrait-on trouver
une autre formulation. Il s'agit de donner au juge un critère sur lequel
il pourrait se baser pour éviter d'accorder un tel recours.
Dans l'article 1003 tel que composé, je vois plutôt des
critères objectifs que des critères subjectifs et je me demande
sur quoi un juge pourrait se baser pour refuser une telle demande.
M. Marois: Sauf le cas du paragraphe c). M. Dessaulles:
Admettant que... M. Marois: Je m'excuse. M. Dessaulles:
Oui.
M. Marois: Le paragraphe c) de 1003 ouvre quand même une
porte. On a essayé de la baliser la aussi pour ne pas verser dans les
arbitraires absolus. c) "le membre auquel il entend attribuer le statut de
représentant est en mesure d'assurer une représentation
adéquate des membres ", ce qui veut dire que cela donne l'ouverture
à une discussion et à une évaluation de ce qui est en
train de se passer. Entre cela et aller... il y a quelque chose qui...
Je comprends votre préoccupation, mais je ne suis pas certain que
vous...
M. Bernier (Jean-Pierre): Si je peux me permettre...
M. Marois: Oui.
M. Bernier: En ajoutant le critère de la bonne foi
à l'article 1003, cela va permettre deux choses. Cela va permettre au
juge qui entendra la requête de soulever ex officio la mauvaise foi du
requérant.
M. Marois: Comment va-t-il soulever ex officio?
M. Bernier: Suivant les textes qui lui seront
présentés et cela permettra également au défendeur,
à l'intimé dans ce cas, de soulever la mauvaise foi au stade de
la requête parce que, si le requérant remplit les conditions a),
b) et c) de l'ar- ticle 1003, le juge n'a pas d'autre choix que d'accorder la
requête pour le recours collectif.
Par contre, si on ajoute la bonne foi, il peut soulever d'office la
mauvaise foi du requérant et rejeter la requête pour ce simple
motif.
M. Marois: Je ne veux pas...
Le Président (M. Marcoux): Sur la même question? M.
le député de Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): Je comprends le but que vous
recherchez et je partage l'opinion de mon collègue. La bonne foi se
présume en droit, mais n'y a-t-il pas un article dans le Code de
procédure civile qui permet, par exemple il me semble l'avoir
utilisé à plusieurs reprises déjà lorsque
quelqu'un présente une requête accompagnée d'un affidavit
signé, qui permet à la partie qui reçoit signification de
convoquer pour un interrogatoire la personne qui signe l'affidavit pour voir si
l'affidavit est frivole, si la demande est frivole et je pense qu'on pourrait
atteindre le but que vous repherchez. (16 h 55)
Je comprends le but également, mais je pense que faire une
allégation selon laquelle je suis de bonne foi, que le but que vous
recherchez pourrait être atteint par un interrogatoire fait en vertu de
je ne sais quel articleje ne l'ai pas retrouvé encore, je pense
que cela doit exister. Cela fait un an que je n'ai pas pratiqué, mais il
doit être encore là article qui permet d'interroger, sous
serment, le demandeur ou le représentant pour voir si manifestement
cette demande est faite de façon frivole, s'il n'y a aucun lien de droit
entre les faits et les conclusions que vous recherchez. Je pense qu'à ce
moment-là on aurait atteint le but que vous recherchez
personnellement.
Le Président (M. Marcoux): II y avait d'autres questions
que le ministre avait soulevées. Est-ce que vous voulez les aborder?
M. Bernier: Le ministre a soulevé la question de
l'acceptation du principe de la présomption de la bonne foi. En incluant
ce quatrième critère, à mon avis, le principe de la
présomption n'est pas affecté parce que celui qui va
alléguer la mauvaise foi devra toujours la prouver.
M. Vaillancourt (Jonquière): J'aimerais que vous donniez
votre avis sur la possibilité du défendeur d'interroger, sous
serment, le signataire d'un affidavit pour voir si la demande est frivole.
M. Bernier: Certainement qu'il peut le faire.
M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce que cela n'atteint
pas, à ce moment-là, le but que vous recherchez qui est de voir
s'il n'y aurait pas des demandes frivoles, des demandes qui ne sont pas
fondées en droit, des demandes fondées sur des revanches que
certains demandeurs voudraient avoir contre certains défendeurs? Je
pense que cet article de notre code permet justement, pas
seulement dans le cas du recours collectif... Ce n'est pas un moyen
préliminaire qui est empêché par l'autre article, c'est un
moyen qui est en dehors des moyens préliminaires, mis à la
disposition de toute personne qui veut interroger. D'autre part, ce sont des
moyens fréquemment utilisés en pratique et qui réussissent
à l'occasion.
M. Bernier: Certains avocats pourraient facilement oublier de
contester l'affidavit. En voyant la bonne foi comme un des critères de
l'article 1003, cela pourrait facilement leur mettre la puce à
l'oreille...
M. Marois: Si vous permettez, il y a d'autres questions dont on
veut discuter avec vous. On a noté votre préoccupation de fond,
mais je ne suis pas certain, encore une fois, qu'on y arrive par le moyen que
vous avez suggéré. On a noté cependant vos commentaires et
soyez sûrs qu'on va les regarder au mérite. Soyez assurés
d'une chose, je répète simplement ce que j'ai dit tantôt,
c'est que notre intention n'est absolument pas d'en arriver à quelque
chose qui soit complètement déséquilibré et
farfelu, mais ne demandez pas non plus au législateur d'introduire dans
la loi des choses qui sont du domaine... En d'autres termes, ne me demandez pas
de plaider pour des avocats, dans la loi... Vous me dites: II y a
peut-être des avocats qui oubliraient de faire leur travail.
M. Bernier: J'ajouterais même des juges.
M. Marois: Aussi, bien sûr. Tout le monde n'est pas
parfait, mais vous comprenez comme moi que ce n'est pas le genre de chose qu'on
peut introduire dans une loi. On comprend votre préoccupation
cependant.
Le Président (M. Marcoux): Pourriez-vous répondre
aux autres questions...?
M. Laprade: A la question de M. le ministre, à l'article
9.
M. Bernier: C'est l'article 1001.
M. Laprade: Au sujet de la récusation.
M. Bernier: ... je comprends que l'article 1001 concerne des
situations où, par exemple, un recours collectif serait intenté
par un abonné de Bell Canada. On sait que tous les juges ont le
téléphone; il serait donc assez difficile de trouver un juge qui
soit impartial pour entendre la cause. Par contre, il y a des situations
d'espèce, des cas particuliers qui arriveront à l'occasion, pour
lesquels nous croyons qu'un droit d'appel de la décision du juge en chef
devrait être prévu.
Je vais vous citer un cas. On a de la difficulté à
concevoir comment il peut être dans l'intérêt de la justice
et je me réfère ici à la terminologie
utilisée au deuxième paragraphe de l'article 1001 lorsque
le juge désigné par le juge en chef favorise l'une des parties.
C'est l'une des causes de récusation de l'article 235. Vous avez men-
tionné les relations familiales du juge avec certaines des parties. Nous
n'avons pas d'objection à cela, mais si le juge favorisait d'une
façon publique l'une des parties et que le juge en chef désignait
ce juge pour entendre toute la procédure de recours collectif, nous
croyons que cela créerait des situations injustes et
inéquitables. Pour corriger cette situation, nous croyons qu'un droit
d'appel devrait être prévu.
Je comprends et je voudrais soulever que cela ne s'applique qu'à
des cas particuliers, des cas d'espèce qui se produiront à
l'occasion seulement, mais aussi bien les couvrir maintenant que plus tard.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Avez-vous terminé les réponses?
M. Bernier: J'ai terminé, à moins que le ministre
ait d'autres questions.
M. Lalonde: Au nom de l'Opposition officielle je désire
remercier l'Association des banquiers canadiens pour son intervention.
Naturellement, l'appui du principe que vous avez exprimé ici
complète un peu votre mémoire qui ne contenait que des
réserves. Autant vous pouvez avoir des réserves quant aux abus
qui peuvent être faits dans une telle loi je réfère
au premier paragraphe autant et je pense que le ministre l'a bien
exprimé tantôt il va y avoir des réveils un peu
brutaux en ce qui concerne les espoirs que cela peut créer dans l'esprit
des gens. Là-dessus je pense qu'on ne peut pas reprocher au ministre
d'avoir délibérément créé de tels espoirs
parce que je me souviens l'avoir entendu, lors de l'introduction du
dépôt de cette loi, dans une ligne ouverte, je pense, insister,
comme il l'a fait ce matin, sur le fait qu'il s'agit tout simplement d'une
procédure nouvelle, que cela ne crée pas de droit nouveau. Ceux
qui se sont penchés sur l'application de telles lois, dans d'autres
juridictions, ont une conclusion qui, je pense, est assez
générale et je vous lis simplement un passage d'une revue qui est
assez complète dans le Osgoode-Hall Law Journal, de juin 1975, volume
XIII, par M. Neil Williams qui dit, à la page 4 de l'introduction de son
étude: "The mistake to many enthousiasts for a class action concept is
to expect too much of the remedy". Je pense que cela va compenser de part et
d'autre et, avec la surveillance et c'est ce que je trouve excellent,
entre autres, dans ce projet de loi, c'est que ce gouvernement, malgré
certains abus contraires dans d'autres projets de loi, a, dans ce projet de
loi, fait appel à la Cour supérieure et aux pouvoirs judiciaires
pour surveiller l'application de A à Z; alors je suis porté
à faire confiance à une telle approche.
Quant à la bonne foi, cela m'apparaît un peu redondant dans
le sens suivant: Si on la met comme critère, dans le projet de loi, vous
allez la retrouver dans tous les affidavits; ce sera une clause de style dans
l'affidavit, le requérant est de bonne foi et il va signer cela; allez
donc prouver la
mauvaise foi à ce stade. A ce stade, vous avez un consommateur
qui se sent lésé, qui a un certain nombre de choses à
déterminer pour avoir l'autorisation du juge, mais pour prouver la
mauvaise foi, à ce stade-là, ça va prendre une
enquête drôlement complexe; donc cela ne m'apparaît pas comme
ajoutant grand-chose. Je comprends quand même votre préoccupation,
mais je fais confiance au système, actuellement, et aussi au fait que,
à l'article 1003, il faut quand même que le membre qui recherche
le statut de représentant représente et prouve au juge qu'il est
en mesure d'assurer une représentation adéquate. Si c'est un
farfelu, si c'est un fou, un gars complètement inarticulé, le
juge va le voir d'après la présentation qu'il fera de la cause et
le contenu de sa requête.
Quant au cas de récusation des juges, encore là, c'est
absolument impossible. Je comprends votre prudence, mais trouver un juge, par
exemple, lorsqu'il va s'agir de céréales, qui n'a pas d'enfant
qui mange, à l'occasion, des céréales de cette sorte, cela
va être absolument impossible.
Je sais que, dans les études qu'on a faites autrefoiset je
suis sûr que le ministre les a trouvées au ministère de la
Justice quand il est arrivé c'était un des points
d'interrogation qu'on avait. Mais on ne peut pas faire de l'angélisme
là-dedans. C'est impossible de trouver une situation parfaite où
un juge serait complètement étranger à une situation
où des milliers, des centaines de milliers de consommateurs se trouvent
lésés.
M. Vaillancourt (Jonquière): ... à cause d'une
boîte de céréales.
M. Lalonde: Quant au paragraphe 6, je suis d'avis et le
ministre a soulevé une question là-dessus, et il a dit qu'il le
ferait examiner par ses conseillers juridiques je profite de l'occasion
pour vous dire que je crois que le dépôt au greffe, par le
débiteur, doit constituer le paiement, sans cela, on n'a pas liquidation
de la réclamation et quelqu'un d'autre pourra revenir le lendemain... Je
me réfère au paragraphe 6 du mémoire. Si cela ne constitue
pas paiement, si cela ne constitue pas liquidation, à ce
moment-là, quelqu'un peut recommencer le lendemain et on ne se retrouve
plus.
Je ne veux pas donner un avis juridique au ministre, parce que je ne
peux pas lui envoyer un compte d'honoraires, mais je peux lui dire que je ne
vois pas comment cela peut être autrement.
L'aveu, au paragraphe 10. J'ai le même problème que vous
là-dessus. Je vois rarement où un aveu est invoqué qui ne
cause pas préjudice à celui qui le fait. Le concept même de
l'aveu, la substance même de l'idée de l'aveu, c'est quelqu'un qui
avoue quelque chose qu'il ne veut pas dire. Je ne vois pas comment cet article
va être appliqué, en pratique. Il s'agit de l'article... Vous le
mentionnez, c'est 1014, je crois. En pratique, comment serait appliqué
l'article qui dit: L'aveu fait par un représentant lie les membres, sauf
si le tribunal considère que l'aveu leur cause un préjudice?
Je vous pose la question, et je la pose au ministre. Comment peut-on
imaginer un aveu qui ne crée pas un préjudice, dans la mesure
où un préjudice est toujours créé lorsqu il limite
des droits? La question est posée.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des
commentaires à ajouter?
M. Lalonde: A l'article 13, M. le Président, et je vais
terminer là-dessus, vous suggérez qu'on permette au
défendeur de contester par écrit. Je pense que cela va de soi. On
ne le dit pas dans la loi. Je ne sais pas si des règlements pourraient
couvrir la situation ou si ce sont les règles de pratique qui
vont...
M. Marois: Ce sont les règles de pratique.
M. Lalonde: Cela va être les règles de pratique et
devant une requête écrite... Avant d'arriver devant le juge, je
présume qu'on va permettre au défendeur de contester par
écrit.
Je n'ai pas de question additionnelle à vous poser, c'est
simplement un commentaire que j'ai fait.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des
commentaires à ajouter aux propos...
M. Laprade: Non, sauf qu'évidemment, nous avons
préparé le mémoire dans les circonstances que je vous
mentionnais tantôt et nous sommes toujours portés à en
mettre plus que moins. Vous nous avez fait réfléchir, messieurs.
J'en profite pour...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, je veux également
remercier les représentants des banquiers qui nous fournissent
l'occasion de discuter de leur mémoire. Je voudrais revenir sur la
question de l'article 1014 qu'on a soulevée tout à l'heure,
où vous mentionnez qu'il serait plus juste et équitable, à
votre avis, si ledit article prévoyait un préjudice affectant une
partie importante des membres.
Je pense que, bien sûr, on l'a mentionné tantôt,
lorsqu'il y a un aveu fait par une partie, il y a un préjudice qui est
causé. Ce que l'article 1014 mentionne, c'est qu'il faudra, à ce
moment-là, que le tribunal considère que l'aveu leur cause un
préjudice. (17 h 10)
D'après ce qu'on peut comprendre cet aveu cause préjudice
à l'ensemble des membres alors que vous prétendez que l'article
pourrait s'appliquer lorsque le préjudice n'affecterait qu'une partie
importante des membres. A cet égard, si je comprends bien votre
position, vous seriez plus flexible que la loi. Je ne sais pas si c'est votre
position.
M. Laprade: Nous avions fait notre remarque par analogie à
l'article 1012.
M. Bernier: Je veux attirer l'attention de la
commission dans le sens qu'il ne s'agit pas d'un aveu d'un membre, mais
bien de l'aveu fait par un représentant. Je comprends qu'un
représentant sera un membre, mais, ici, c'est l'aveu du
représentant. Comme on a mentionné tout à l'heure, un aveu
cause toujours préjudice à quelqu'un, mais, d'un autre
côté, il bénéficie à la partie adverse dans
la majorité des cas.
Je crois que le cas que l'association avait à l'esprit,
lorsqu'elle a formulé son commentaire, c'est que si un aveu est fait par
le représentant et que cet aveu ne cause préjudice qu'à un
seul des membres d'un groupe de plusieurs milliers, pourquoi, à ce
moment-là, le défendeur serait-il privé de l'avantage que
l'aveu lui procure? Je vous pose la question.
M. Fontaine: C'est parce que si un représentant fait un
aveu qui ne touche qu'un membre du groupe, je vois mal que cet aveu puisse
porter préjudice à l'ensemble des membres. Je ne sais pas si
c'est comme cela que le ministre l'interprète.
M. Marois: Je vais seulement jeter cela sur la table en passant,
parce que cela pourra peut-être éclairer davantage nos
discussions. Evidemment, c'est écrit dans le jargon juridique, on ne
peut pas faire autrement. C'est la façon de le faire et en respectant
encore une fois l'économie générale du Code de
procédure, mais ce que l'article 1014 vise exactement, c'est le cas
"L'aveu fait par un représentant ce n'est pas l'aveu de
n'importe aui, c'est l'aveu du représentant lie les membres sauf
si le tribunal considère que l'aveu leur cause un
préjudice." d'un aveu fait par le représentant l'impliquant
lui-même le représentant dans un cas où...Cela pourrait se
présenter sur la base de l'expérience vécue des recours
collectifs dans d'autres provinces et aux Etats-Unis, cela s'est
déjà présenté, ce sont les cas de collusion entre
le représentant et le défendeur.
Si on ne met pas un article comme celui-là, évidemment, on
empêche le tribunal d'intervenir dans ces cas-là. Partant de ce
que d'ailleurs le député de Marguerite-Bourgeoys, je pense, a
très bien cerné tantôt, cette idée que la Cour
supérieure et que le juge, étant donné la nature un peu
extraordinaire quand même du recours, de lui donner la chance au moins
d'être capable d'évaluer là, c'est une exception aux
règles normales habituelles de l'aveu pour éviter ces cas de
collusion dans la mesure encore une fois où il s'agit d'un aveu
fait par un représentant l'impliquant lui-même, qui pourrait
causer un préjudice aux autres, le cas de collusion est le cas le plus
évident.
M. Bernier: Si je peux me permettre, pour le
bénéfice de votre commission, il n'existe de recours collectif
dans aucune autre des dix provinces canadiennes.
M. Marois: Pardon?
M. Bernier: II n'existe aucune loi sur les recours collectifs. Un
projet de bill privé a été introduit devant le
gouvernement de l'Ontario, l'année dernière. Ce projet de loi n'a
pas été très loin. Le gouvernement fédéral,
récemment, dans la Loi sur la concurrence, a des dispositions qui
concernent le recours collectif, mais je crois que ces dispositions n'ont pas
encore été adoptées. Je parle ici de la loi
fédérale. Il en existe peut-être aux Etats-Unis, je ne le
sais pas.
M. Marois: Connaissez-vous, par exemple, les règles de
pratique de la Cour suprême de l'Ontario qui introduisent le recours
collectif?
En "common law", dans la plupart des provinces canadiennes, c'est par ce
biais que le recours collectif a été introduit. Chacun l'a
introduit selon ses méthodes, sa façon de fonctionner, son
économie générale de procédure. Je m'excuse, mais
contrairement à l'affirmation que vous venez de faire, cela existe par
le biais des règles de pratique, notamment celles que je viens de vous
mentionner. Vous vous souvenez aussi de la célèbre cause de
l'Hydro, en Colombie-Britannique, poursuivie par trois personnes, par le biais
d'une procédure introduite dans cette province par les règles de
pratique, d'une procédure de "class action". Ce n'est pas
nécessairement par une loi comme telle. Vous avez raison de mentionner
le cas du gouvernement canadien qui a déposé le bill C-42,
effectivement, qui n'est pas adopté pour l'instant.
M. Bernier: J'avais l'impression que ces dispositions des
règles de pratique de l'Ontario étaient un peu
l'équivalent de ce que nous avons ici, aux articles 57 et 67 du Code
civil, c'est-à-dire la réunion de causes d'action.
M. Marois: Non, pas du tout.
M. Fontaine: Je voudrais revenir sur un autre point qui a
été soulevé au paragraphe 7. Vous nous dites que vous
êtes d'avis que le délai proposé de douze mois devrait
être réduit à trois mois de façon à permettre
une plus saine administration de la situation financière du
débiteur. Alors, c'est pour la question des réclamations suite
à un jugement. La loi propose douze mois. Vous proposez trois mois.
D'autres pourraient proposer six mois. Est-ce que vous pourriez nous donner un
peu plus de détails? Si un grand nombre de membres font un recours
collectif, ce sera assez difficile pour chacun des membres de produire sa
réclamation, suite au jugement, dans un délai qui soit de trois
mois, comme vous le suggérez. Est-ce que vous pourriez nous donner plus
de détails là-dessus?
M. Bernier: C'est dans un esprit d'équité que nous
avons proposé la réduction de douze à trois mois, comme
vous le savez, dans le cas des recours collectifs. Non seulement les grandes
entreprises, mais également les petites et les moyennes entreprises
seront sujettes à se défendre contre les recours collectifs. Si
le défendeur s'attend qu'on lui soumette des réclamations
à la suite d'un jugement favorable, c'est un recours collectif pendant
les douze mois qui suivent. Il peut arriver que ce soit très difficile
pour lui d'établir une saine
situation financière, sachant qu'il sera obligé de payer
des créanciers pendant les douze mois qui suivent. Nous proposons trois
mois. Je comprends qu'il est difficile de tracer, de fixer une date
déterminée, mais c'est tout simplement pour permettre à un
défendeur, s'adressant aux petites et moyennes entreprises,
d'administrer ses finances d'une façon plus souple.
M. Fontaine: On est en accord avec le principe d'un recours
collectif. Il faut également établir des mécanismes pour
que les membres puissent donner effet à ce recours collectif. Si on
raccourcit à trois mois le temps fixé pour pouvoir faire une
réclamation à la suite d'un jugement, cela va peut-être
avoir comme résultat de nier purement et simplement le recours collectif
pour une bonne partie des membres qui seront touchés par ce recours.
M. Dessaulles: Si je peux éclairer le
député, en fait, je pense que le point important de notre
recommandation, ce n'est pas autant le délai que le fait que le
délai soit de rigueur pour que le débiteur puisse être en
mesure, après un certain délai, que ce soit trois mois, six mois
ou douze mois, de quantifier le jugement pour qu'il n'ait pas une dette, un
"contention liability" dans ses livres pendant une période
indéterminée.
M. Fontaine: D'accord là-dessus.
M. Dessaulles: C'est dans ce sens qu'on fait la
recommandation.
M. Laprade: Pour certains, M. le député, douze
mois, ce n'est pas exagéré, mais pour une petite industrie, une
petite compagnie j'exclus les banques un délai trop long
peut être fatal.
M. Fontaine: Oui. Si le recours collectif n'était fait
contre une petite compagnie que par vingt ou trente personnes, ce serait
peut-être compréhensible. On peut concevoir certains cas où
il peut y avoir plusieurs milliers de personnes difficiles à retracer. A
ce moment, il faudra quand même donner effet au jugement, donner la
chance à la loi de pouvoir s'appliquer. Si on établit un
délai trop court et qu'on ne laisse pas le temps aux membres de pouvoir
donner effet au jugement, on nie tout simplement le recours.
M. Bernier: Une solution à votre problème, M. le
député, serait un système efficace de publication, de
publicité ou de "publicisation" du jugement final, de façon
à informer tous les membres inconnus du groupe de la décision
favorable qui a été rendue en leur faveur...
M. Clair: A ce moment-là, le danger serait...
M. Bernier: ... dans le plus court délai possible.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Drummond.
M. Clair: A ce moment-là, le danger serait peut-être
qu'on doive mettre trop d'argent dans la publicité pour qu'elle soit
efficace; on risquerait d'atteindre un résultat contraire à celui
que vous cherchez, soit celui de charger encore davantage le
défendeur.
M. Bernier: On n'a pas fait d'étude des coûts de la
publicité. Je comprends que cela peut atteindre des chiffres assez
élevés dans certains cas.
M. Clair: Je m'excuse, M. le député de
Nicolet-Yamaska.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je reviens à
votre première affirmation quand vous dites que vous êtes d'accord
avec les principes du recours collectif. Mais, si on regarde tout de suite
votre premier paragraphe, vous nous dites: Nous croyons que l'attrait
attribué aux recours collectifs par la possibilité d'un
financement par le fonds pourrait donner naissance à des situations
d'abus, particulièrement dans les cas de recouvrement de petites
créances. On sait que le recours collectif, assez souvent, se fait pour
des petites créances et des petits montants. Est-ce que vous pourriez
nous illustrer d'exemples les situations d'abus que vous mentionnez dans votre
paragraphe 1?
M. Bernier: Voici. Le demandeur, éventuellement. Je pense
qu'il faut se rappeler qu'il est question d'augmenter le montant maximum des
petites créances de $500 je crois que c'est actuellement le
montant à plusieurs milliers de dollars. Ce qui peut se produire
dans le cas, c'est que celui qui pourrait normalement faire valoir sa
réclamation devant la Cour des petites créances, aller perdre son
temps en cour deux jours, une journée pour l'audition des faits devant
un officier de la cour et devant le tribunal, préférerait
procéder par voie de recours collectif où un avocat
représenterait ses intérêts et, s'il
bénéficie de l'assistance financière du fonds, où
un bataillon d'experts et d'avocats-conseils pourraient faciliter sa
réclamation. C'est simplement pour éviter cet abus possible que
nous avons soulevé le problème et recommandé certaines
mesures préventives dans le paragraphe 2.
M. Fontaine: Mais je comprends mal votre argumentation parce que
cela m'apparaît que c'est justement le but du recours collectif,
c'est-à-dire de permettre à un groupe de personnes qui ont des
petites réclamations de pouvoir obtenir un jugement qui serait
exécutoire en faveur de tous les membres représentés dans
le groupe. Je vois mal votre argumentation où il pourrait y avoir des
situations d'abus.
M. Laprade: Dans l'esprit du paragraphe, on veut souligner, en
somme, que le recours collectif n'est pas créé pour éviter
le recours à d'autres lois. Je pense que cela se lirait mieux si on
disait:
dans le cas de recouvrement suivant la Loi des petites créances.
C'est un exemple qu'on voulait donner.
M. Fontaine: L'un n'empêche pas l'autre.
Le Président (M. arcoux): Est-ce que vous avez d'autres
commentaires à ajouter? Je vous remercie au nom des...
M. Cordeau: Une petite question.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Tantôt, on a mentionné que le montant
concernant les petites créances serait augmenté à
plusieurs milliers de dollars et le ministre n'a pas répondu à
cette observation. Est-ce que nous pourrions connaître le point de vue du
ministre à ce sujet?
M. Marois: A plusieurs milliers de dollars, sûrement
pas.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom des
membres de la commission d'avoir pris le temps de rédiger votre
mémoire et d'avoir eu l'amabilité de venir rencontrer les membres
de la commission aujourd'hui. J'inviterais maintenant l'Institut de la
publicité canadienne à venir nous présenter son
mémoire. (17 h 25)
Une Voix: Quel numéro?
Le Président (M. Marcoux): C'est le numéro 15M.
Y a-t-il des représentants de l'Institut de la publicité
canadienne dans la salle?
Je vous invite à vous approcher.
M. André Allard?
Institut de la publicité canadienne et autre
associations publicitaires
M. Dupré (Yves): Je représente M. Allard. Mon nom
est Yves Dupré. Je suis membre du Publicité-club de
Montréal.
Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous nous
présenter votre collègue également?
M. Dupré: Me Wayne McCracken qui agit comme avocat conseil
auprès des cinq associations publicitaires que je représente.
D'ailleurs, je voudrais souligner que vous nommer, lorsque vous nous
présentez, probablement pour des raisons d'espace, l'Institut de la
publicité canadienne, mais il est bien entendu qu'il s'agit de cinq
associations publicitaires. Je me permets de les nommer: Advertising and Sales
Executives Club of Montreal, Le Club de la publicité de Québec,
Conseil des agences de publicité du Québec, l'Institut de la
publicité canadienne et le Publicité-Club de Montréal.
Le Président (M. Marcoux): Vous avez bien fait de le
faire. Je me fiais à la feuille que j'ai devant moi alors que votre
mémoire...
M. Dupré: Je comprends très bien. Alors, je vais
sauter la première partie parce que je pense que pour ce qui est de
savoir quelles sont ces associations et qui les représente, si vous avez
pris connaissance du mémoire, cela regroupe à peu près 95%
des agences de publicité québécoises et des agences
canadiennes qui couvrent au Québec.
Au niveau des remarques générales, je pense que je vais me
répéter après ce qui a été dit par les
groupes qui nous ont précédés, en ce sens que les
publicitaires n'ont aucune opposition de principe bien au contraire
au niveau de l'institution du recours collectif. D'ailleurs, je pense
que les codes d'éthique qui régissent nos associations, le
Conseil des normes de la publicité, le Conseil de la publicité
destinée aux enfants sur lequel nous siégeons, prouve que notre
préoccupation en ce qui a trait aux consommateurs est réelle.
Nos commentaires portent sur certains points de modalités
d'application de la loi. Vous m'excuserez, n'étant pas avocat, mais
publicitaire, de ne peut-être pas pouvoir faire toutes les nuances qui
peuvent être faites par un avocat. Si...
M. Marois: Une chose en passant. L'important, vous savez... C'est
beau. C'est du papier, mais ce qui est bien plus important, ce sont les
problèmes qui se cachent derrière tout cela; essayez de les
cerner le mieux possible. Après, il suffira de les mettre en jargon
juridique et c'est tout. Là-dessus, soyez plus qu'à l'aise. C'est
tout à fait cela d'ailleurs.
M. Dupré: Merci. Je voudrais également souligner
qu'en cours de route, Me McCraken ayant eu beaucoup d'expériences avec
les questions de recours collectif, tant au Canada où cela s'est produit
qu'aux Etats-Unis, s'il y avait des réponses qui pouvaient
éclairer la commission de ce côté, il fera plaisir à
Me McCraken de vous les donner.
Au niveau de la question de l'avis, je vais lire le texte qui est ici.
"Les nouveaux articles 1005 et 1006 du Code de procédure civile, tels
que projetés, stipulent que le tribunal autorisant un recours collectif
doit ordonner, entre autres, la publication d'un avis aux membres. Cet avis
doit contenir certaines indications précises.
Nous croyons que le projet devrait préciser que le
représentant entreprenant un recours collectif doit faire signifier
l'avis à ses propres frais à chaque membre. C'est de cette
façon seulement que les membres ne désirant pas être partie
ou litige pourront se retirer s'ils le veulent. C'est également de cette
seule façon que la partie défenderesse pourra les identifier aux
fins d'un interrogatoire préalable.
Nous sommes d'avis, toutefois, que cette exigence ne devrait souffrir
que deux exceptions. Premièrement, si le tribunal est d'avis que l'on ne
peut identifier tous les membres et deuxièmement,
si les frais de signification à chaque membre personnellement
devaient s'avérer excessifs, le tribunal devrait alors être tenu
d'ordonner au demandeur de donner à ses frais un avis
général comme, par exemple, des annonces dans les journaux ou
autres.
Deuxièmement, nos commentaires portent sur l'autorisation des
recours collectifs par le tribunal.
A la suite de l'expérience vécue aux Etats-Unis, plusieurs
avocats éminents de ce pays sont d'avis qu'un nombre important des
recours collectifs entrepris n'ont comme seul objectif que de forcer des
défendeurs innocents à régler des réclamations sans
fondement.
Cette situation comporte non seulement un risque exorbitant pour
l'entreprise, mais aussi un fardeau additionnel considérable pour les
tribunaux. Nous prétendons qu'il ne serait pas approprié
socialement, politiquement et juridiquement pour le Québec d'adopter une
loi tendant à favoriser des litiges douteux. Il est donc essentiel
qu'une procédure de tamisage sérieuse soit prévue pour les
recours collectifs de façon à éliminer le plus tôt
possible les réclamations frivoles. Ceci exige une rédaction
prudente de la loi puisqu'il ne serait pas raisonnable d'exiger que le tribunal
appelé à décider le bien-fondé d'un recours
collectif doive, pour ce faire, juger le fondement même de l'action. Nous
croyons possible d'en arriver à une solution médiane. Nous
présumons que les conditions d'accès au recours collectif peuvent
être précisées de façon à protéger
à la fois les intérêts des représentants et ceux des
défendeurs. Nous croyons fermement que le texte de l'article 1003
projeté devrait être modifié de sorte que le
représentant en puissance doive établir à la satisfaction
du tribunal que le recours collectif est recherché de bonne foi et est
fondé sur des mottsf clairs et évidents. C'est bien sûr
qu'ici nous rejoignons les commentaires qui ont été faits autant
par le Barreau que par l'Association des banquiers, mais j'aimerais souligner
que, quand nous parlons de bonne foi, en fait, vous avez parlé
plutôt de preuve prima facie, d'apparence de droit ou de vraisemblance.
Cela pourrait être l'une ou l'autre. Nous laissons au législateur
le soin de choisir la procédure qui lui paraîtra la meilleure. A
cet égard, nous soulignons que les règles du recours collectif du
projet de législation fédérale, le bill C-13 dont nous
parlons, impose cette condition. Dans ce cas, il s'agit de la preuve prima
facie. Nous soulignons également qu'avant d'accorder son assistance
financière au représentant, le fonds d'assistance doit
considérer l'existence probable du droit que l'on entend exercer. Nous
croyons que le représentant devrait être tenu d'établir la
probabilité de ce droit comme condition d'exercice d'un recours
collectif.
Enfin, nous suggérons qu'avant d'autoriser l'exercice d'un tel
recours, le tribunal devrait être convaincu que le recours collectif est
le moyen le plus juste et le plus approprié de trancher les questions
soulevées.
La question des dommages-intérêts. L'objet fondamental du
recours en dommages est l'in- demnisation des pertes subies. Nous sommes d'avis
que des dommages-intérêts ne devraient être accordés
qu'aux personnes ayant subi des dommages d'une part et ayant choisi de
participer au recours collectif d'autre part. Ces conditions rejoindraient le
but premier du recours collectif, qui est d'accorder un remède de droit
civil aux parties qui, autrement, ne jouiraient d'aucun autre recours efficace.
Pour ce motif, nous contestons fortement les dispositions du projet permettant
le recouvrement collectif de même que toute proposition que le fonds soit
autorisé à retenir une partie des indemnités collectives.
Ces dispositions, soit le chapitre 2 du titre quatrième, et l'article
40, c'est-à-dire l'article 40 plus les articles 1031 et 1036, auraient
pour effet de transformer le recours collectif en une procédure à
caractère punitif, ce que nous trouvons déraisonnable. Nous
croyons que les tribunaux civils doivent être appelés à
accorder des indemnités aux parties qui en font la demande à la
suite des dommages subis. Nous soutenons que le recours collectif ne doit pas
être utilisé comme mesure pénale, alors que les lois
accordent aux tribunaux, dans les cas prévus, le droit d'imposer des
peines sévères comportant l'amende ou la prison ou les deux
à la fois pour les contrevenants.
Au niveau du financement par l'Etat des recours collectifs, nous avons
également considéré les dispositions du projet traitant de
l'assistance financière au recours collectif. Nous présumons
qu'elles se fondent sur l'un ou l'autre des motifs suivants ou sur les deux
à la fois. En premier lieu, sans aide financière, un
représentant en puissance, privé de moyens financiers, serait
incapable de rechercher des indemnités pour les torts subis par
lui-même et le groupe dont il fait partie. En second lieu, bien que
solvable, un représentant en puissance peut ne pas avoir personnellement
subi des dommages assez importants pour justifier le risque financier d'un
recours collectif sans l'assistance de l'Etat. Nous sommes d'avis que ces
dispositions ignorent la très réelle possibilité qu'une
partie défenderesse dans un recours collectif n'ait pas la
capacité financière de se défendre. En conséquence,
nous ne voyons pas pourquoi la même forme d'assistance ne serait pas
offerte au défendeur comme représentant lors de l'exercice d'un
recours collectif.
A l'égard du principe même, nous soutenons que la seule
possibilité de cette assistance étatique comporte le risque
très réel de provoquer des litiges. Nous ne sommes pas
assurés que les avantages sociaux pouvant découler de cette
assistance puissent compenser le fardeau additionnel considérable qui
incombera aux tribunaux et aux défendeurs, d'autant plus que ces
derniers, dans la plupart des cas, ne jouiront pas d'une capacité
financière égale à celle du fonds. Pour ces raisons, nous
proposons que les dispositions du projet relatives à l'assistance
financière étatique soient supprimées, à tout le
moins cette assistance devrait être offerte au défendeur comme au
représentant aux mêmes conditions.
Le dernier point est la question des frais judi-
ciaires. Le projet de loi prévoit qu'un membre qui n'est ni
représentant, ni intervenant ne peut être tenu au paiement des
frais de recours collectif.
A cause de cette disposition, nous suggérons que les
représentants et intervenants soient tenus, en vertu d'une stipulation
expresse, de déposer un cautionnement pour les frais, de sorte que le
défendeur victorieux puisse en obtenir le paiement. Voilà!
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
les porte-parole des cinq associations, instituts et clubs qui nous ont fait
part de leur point de vue très franchement. Je les remercie de leur
appui de principe, en tout cas à cette idée de la
nécessité et de l'urgence d'aboutir pour être capable
d'introduire dans notre droit une chose qui traîne partout ailleurs sur
le continent nord-américain et qui urgeait, en essayant de le faire,
comme vous l'évoquez vous-même, de façon que ce soit
équilibré et équitable pour chacune des parties. Il ne
s'agit pas de faire en sorte que ce soit quelque chose qui, encore une fois,
comme un bateau, chavire et qui soit unilatéral, loin de là.
Je voudrais m'arrêter plus particulièrement il y a
un certain nombre de questions qu'on a déjà débattues dans
le courant de la journée à deux éléments de
votre mémoire: la question de l'avis et la question du financement par
l'Etat des recours collectifs. J'aimerais également faire un petit
commentaire, au passage, quand vous parlez des dommages et que vous
évoquez cette idée du caractère primitif.
Quant à la question de l'avis, si je comprends bien, vous allez
jusqu'à nous indiquer que, à votre point de vue, dans tous les
cas où ce serait possible, l'avis devrait être signifié
au sens de la signification en droit d'un avis directement
à chacun des membres, d'une part; et même, le cas
échéant, on devrait faire supporter les frais de la
signification. Je me demande si vos remarques portent bien sur la lecture des
articles 1005 et 1046 du projet de loi. Bien sûr, on évoque,
à 1005, l'ordonnance de publication d'un avis et 1046 vient le
compléter. Au fond, j'avoue que je serais plutôt porté,
spontanément, sous réserve de vos commentaires additionnels,
à être très réticent à introduire, dans la
mesure où le recours collectif constitue une procédure
très particulière, cette idée de signification d'un
avis.
Au fond, dans la pratique, si on peut identifier facilement les membres,
je doute précisément reprenant les commentaires du
député de Marguerite-Bourgeoys tantôt que, quand des
gens s'imaginent que c'est la porte ouverte à tous les recours
collectifs n'importe comment et qu'il suffit de se présenter, de faire
une demande et que ça y est, la Cour supérieure va laisser faire
cela, j'ai l'impression qu'il va y avoir des surprises tantôt. C'est un
moyen de procédure, on ne vient pas changer le droit substantif.
En d'autres termes, si on peut identifier à ce point facilement
tous et chacun des membres d'un groupe, c'est précisément un beau
cas où le juge devra refuser, en vertu du projet de loi, à mon
avis, la requête puisque cela veut dire, à ce moment, qu'aux
articles 59 et 67 d'autres moyens de procédure existent permettant
à des citoyens de faire valoir pleinement leurs droits.
Quand on dit 1005 à la lumière de 1046, par ailleurs, qui
complète 1005, il est bien prévu que le tribunal qui ordonne la
publication va déterminer la date, la forme et le mode. Je pense bien
que tous ceux qui ont fouillé les textes de loi des différents
Etats américains et les règles fédérales
américaines, les règles de pratique des autres provinces, ont
constaté qu'on introduisait cette idée de souplesse. Souvent, on
la formule par l'expression "best possible notice ", c'est l'expression qu'on
utilise très souvent en "common law". Il fallait évidemment tenir
compte de l'économie, encore une fois, générale de notre
code de procédure civile. On a précisément prévu
à 1046 cette ouverture et cette latitude, compte tenu de l'ampleur, de
la teneur, du nombre de gens possiblement impliqué, cette latitude au
juge sur représentation des parties de déterminer quelle doit
être la forme, quel doit être le mode. (17 h 40)
Est-ce que, comme on l'invoquait ce matin, cela va être mis sur la
pinte de lait distribuée dans chaque foyer, est-ce que cela va
être par la radio, par la télévision, par des avis dans les
journaux? Sinon, si on introduit encore une fois la signification, en plus de
ce que j'évoquais tantôt, sur un groupe très large, cela
pourrait être une forme qui pourrait aussi être joyeusement
dispendieuse. J'avoue que j'ai beaucoup de réticence. J'aimerais bien
vous entendre plus longuement sur cette question.
Vous évoquez aussi, au passage, et c'est l'expression que vous
utilisez, le caractère punitif. Je vous poserais la question que j'ai
posée à ceux qui l'ont évoquée jusqu'à
maintenant. J'avoue que je n'ai pas obtenu une réponse qui m'ait
honnêtement ébranlé. Quels sont précisément
les articles de ce projet de loi, articles en vertu desquels des citoyens,
individuellement et/ou collectivement, vont obtenir une compensation
pécuniaire qui excéderait ce qu'ils obtiendraient si, dans les
faits, il était possible à chacun d'eux de faire valoir
pleinement leur droit devant le tribunal? Là, je crois qu'on pourrait
vraiment parler d'un caractère punitif, au sens, encore une fois, du
droit américain, du "punitive damages", ce qui n'est pas le cas. Ce
n'est pas une notion qui existe dans notre droit. C'est aussi la compensation
pécuniaire qui est rattachée à des principes de droit de
fond, la répétition de l'indu, le principe aussi que personne ne
peut s'enrichir sans cause. Je vais prendre l'expression que le bâtonnier
utilisait lui-même lorsqu'il nous a présenté son rapport,
cette idée de pousser jusqu'à la fine pointe du possible, de
façon équilibrée, cette notion fondamentale de notre
droit, de la responsabilité. Vous utilisez cette expression.
Finalement, sur la question du financement, je pense bien que, pour
l'essentiel, vous avez compris qu'il s'agit, au fond, d'une forme d'avance,
l'un dans l'autre, sur l'ensemble des re-
cours collectifs. Vous nous recommandez, dans un premier temps, de
supprimer ce fonds, sinon, à défaut, si je comprends bien, de
l'ouvrir au défendeur. J'avoue que votre deuxième volet, cela
m'avait échappé; il y a un autre groupe aussi qui l'évoque
dans son mémoire, cela m'avait échappé, vous l'aviez aussi
mentionné dans le vôtre. Je suis porté à vous dire
que c'est une question que je suis prêt à examiner, mais à
examiner vraiment au mérite, en toute équité et en toute
justice, à certaines conditions. Il y a peut-être moyen. Je pense
qu'à tout le moins, cela soulève une question qui mérite
d'être examinée attentivement.
Mais quand dans un premier temps, vous recommandez de supprimer le
financement, cela veut dire quoi? Vous savez fort bien qu'il en existe, aux
Etats-Unis, j'en suis sûr, je connais les fondations en question; quant
aux autres provinces, on me dit que cela existe aussi mais, honnêtement,
je n'ai pas les noms en tête. Cette pratique existe aux Etats-Unis, dans
bon nombre d'Etats américains, des fondations qui soutiennent
financièrement, qui financent l'exercice de recours collectifs. Cela ne
fait pas partie de nos traditions au Québec. On est obligé de
tenir compte aussi de ces réalités qui sont là pour ne pas
faire en sorte qu'encore une fois, on introduise dans notre droit un moyen de
procédure qui, si on n'avait pas le fonds qui est là, deviendrait
un moyen de procédure qui soit le lot de ceux qui sont capables de se le
payer, uniquement.
Ou vous nous recommandez carrément d'ouvrir, de réexaminer
l'article de la Loi de l'aide juridique, de l'ouvrir de ce côté,
sinon on va arriver à quelle situation? Des citoyens plus à
l'aise vont pouvoir se le permettre et d'autres plus démunis, qui ont
les mêmes droits, seront dans l'incapacité de faire valoir leurs
droits. J'avoue que, sur ce plan, je suis plus spontanément porté
à regarder l'alternative que vous nous proposez à cela, de
l'examiner au mérite.
M. Dupré: Pour ce qui a trait à votre
première question, au niveau de l'avis, je pense que notre
préoccupation c'est peut-être une déformation
professionnelle a d'abord été dans le sens que si l'avis
est publié par les journaux, dans la forme où on connaît
présentement de tels genres d'avis pour des divorces, des faillites ou
des choses du genre, on sait fort bien que ces avis sont très peu lus
par les gens. Ce qui nous préoccupait à ce moment-là,
c'était que cela pouvait entacher le droit de ceux qui voudraient se
retirer et qui pourraient être partie à un recours collectif sans
même le savoir, le journal nous apparaissant comme n'étant pas
nécessairement la meilleure façon de le faire, ni la plus
efficace.
Evidemment, on a soulevé ce matin, avec l'Association des
consommateurs, d'autres méthodes, mais, dans ces cas, je pense que, par
exemple, de le mettre sur une pinte de lait, ou sur un pain, ou quelque chose
du genre, il s'agit là pour le défendeur de coûts
très importants, si c'est lui qui doit les soutenir.
Je vous ferais remarquer que les deux excep- tions que nous retenons au
niveau de l'avis, je pense, font preuve de notre intention de ne pas brimer non
plus celui qui n'aurait pas les moyens de pouvoir faire une telle requête
et de la signifier aux personnes directement.
M. Marois: Je comprends votre préoccupation, je pense que
c'est une préoccupation normale de vous assurer que les citoyens
concernés sont pleinement informés, reçoivent, d'une
façon ou d'une autre, avis, que ce soit par des media
électroniques, que ce soit autrement, par écrit, peu importe.
C'est pour cela qu'on a ouvert la gamme des possibilités sans en figer
l'une ou l'autre dans le béton. Laissons les parties faire les
représentations pertinentes devant le tribunal et le tribunal
apprécier le mode, la forme, etc., pour être le plus pertinent,
compte tenu de la nature même du problème soulevé, du
nombre de personnes possiblement impliquées dans une région ou
à l'échelle du Québec, peu importe. Cependant, je
comprends parfaitement bien votre préoccupation. De là à
le figer sous une forme de signification d'un avis, c'est là que j'avais
plutôt des réticences.
M. McCracken: M. le Président, je regrette, mais je ne
peux pas parler français.
In our recommendation, we were aware of the stringency of the Eisen test
in the United States which, I believe, in partially referring to, effectively
killed the class action. In that case, where actual notice was possible, it
would have cost so much that the plaintiff could not carry on the law suit.
Here, in endeavoring to find some middle grounds, which from the French that I
understand, I believe yoti acknowledged, I also gather that that is the present
jurisprudence under your rules of procedure, if I understood correctly.
Substituted notice, if actual notice is impossible. I believe what we
are suggesting is that it may be desirable, if that jurisprudence is not firmly
settled in this province, to build it right into this section. That is why we
made our recommendation. We recognize the rising problem and try to treat that
in some fair fashion. I think there are some people from the business world who
would suggest that actual notice, unless it is going to cost a billion dollars,
is necessary. We are not stopping that position at all.
I believe the second point you raised related to our allusion and, I
believe, that of other witnesses today, to the potentially punitive aspects of
the collective recovery. Again, I regret I did not catch all the subtleties of
your question, but I will try to answer what I understood it to be. The
traditional law of damages, as I understand it, involves compensation for harm
done, which compensation is awarded to those harmed. Collective recovery, as it
appears in your draft or in your bill rather, fluid recovery as it is knowned
in United States, is a relatively novel concept and as I am sure you and your
advisers are aware, is much criticized in the United States, and stands, I am
advised by various US experts, in this regard, a
good chance, on the Supreme Court challenge, at being turned down, as
being unconstitutional for a number of reasons.
It is a rough justice kind of approach which is very appealing on one
hand. We, by no means, deny that. We can see the appeal of it. What we picked
are hypothetical figures: $40 million dollars worth of damage was caused, $20
million dollars worth of the damage are found or come forward, money remains;
what to do with it...? This is, I believe, what you were grappling with and
also what the US Courts have grappled with in this kind of situation.
We feel that if the principle of damages that being compensation for
harm done which compensation is paid to those harmed, is going to be retained
generally in law, and secondly, if traditional punishment, that is payment to
the Crown, that is all the people, you know, the roughest kind of justice, is
going to be abused, the way to redress wrongful gains, unjust enrichment, which
I believe is the traditional kind of dichotomy we have drawn in our law, then
we believe that the collective recovery concept unfortunately is a back-dooring
of a punishment, the benefits of which are awarded, in the discretion of a
judge, granted, and I have great confidence that judges act judicially, but to
not the general public, but some segment of the public I believe you
used the taxi cab conspiracy case as an example today... I think any person
would agree that some of the riders who benefited from the fare reduction did
not pay the conspiratorilly raised price perhaps did not ride a cab in Atlanta
for the next year, or whenever the time period was.
M. Marois: I am sorry, I do not want to interrupt, but you are
not suggesting, I understand, that the global amount of money that that company
YellowCab, I think, was the name had to pay back because they
were obliged to reduce their fees during a certain period of time, was more
than the amount of money that that company, by using certain tactics...
M. McCracken: Quite...
M. Marois: ... certain methods, took from the pocket of the
consumers?
M. McCracken: M. le Président, no, I am not. I am
suggesting, however, that it was a very rough Salomon justice kind of
allocation of the ill-gotten gains which roughly, I guess, in the judge's mind,
corresponded to people who ride taxis and therefore who had been gauged in the
first place. But it is rough justice. It seems to me, I repeat, that if we are
going to call a spade a spade, whether you call it a fluid recovery or a
collective recovery or a sea-prey distribution, namely, we are not going to let
a bad guy keep his ill-gotten gains. We are no longer talking compensation to
the extent that we are distributing these ill-gotten residual gains to some
ill-defined group. Rather, what we, in effect, are doing is saying: We are
going to punish you. You just are not going to keep that money.
I repeat, it is an attractive concept, no question about it. But I do
think that it should be defined as what it really is. It is not compensation
which is a... concept of damages, of course. Now, I will repeat something I
said just a touch earlier, our normal way of punishment, of course, is through
prosecution and, in the judgment of a Court, fine or imprisonment of
wrong-doers. Let me be as frank as I can, frequently, in my judgment, the fines
imposed are not necessarily consonant with the damage that was exacted.
But that is not the fault of the law, it may be a fault of the judges.
In an area I am particularly familiar with, Combines Law, many of the fines, as
you well know, are in no way equivalent to the problems caused by the damage
done.
How, your question, I believe, was: Wherein lies the punishment aspect?
And I have endeavoured to answer that. It lies in the partial abolition of the
allocation of "damages " to those damaged. (17 h 55)
M. Marois: How did you say that?
M. McCracken: It lies in the partial abolition of the traditional
concept of damages being allocated to those damaged. I say partial because, of
course, you fully recognized in your law that if people come forward to prove
their damages, they receive what they can establish they have lost. It is this
residual that then is contemplated to be distributed in some kind of U.S. fluid
recoveries.
So that it is identifying what we consider the appeal element as
distinct from appeal compensatory elements.
The problems... I am sorry...
M. Marois: Where do you go with this? I mean, for example, let us
go back to that taxi company or we have been mentioning this morning those
boxes of cereals. I think that are several fundamental principles in our law
and one is the fact that you cannot take from the pocket of some people an
amount of money they do not owe you and those people have the right to have a
procedure, a way to get it back but where do you go with this?
If it is impossible... Let us that example of the Yellow Cab. It was, of
course, impossible to identify each consumer from which that company took
several pennies. Where do you go with that? It means that you let several
enterprises fraud people and if you go the end of that type of logic, it will
mean that you encourage the small frauds. I mean, if you have to rob somebody,
well, try to rob small amounts of money, a very small amount of money and try
to rob it from a lot of citizens, then you are okay.
The only penalty you will have, if you get caught by the Justice, will
be a fine or even maybe prison. Before "La Commission d'enquête sur le
crime organisé au Québec et je pense que je
cite les juges tels quels parlant des crimes économiques
et Dieu merci, encore une fois, parce que je ne veux pas laisser traîner
des images qui donnent des impressions de chaloupe en train de chavirer, mais
je cite pratiquement les juges disant: Vous avez de ces entreprises qui
fonctionnent sans permis, se font attraper, fraudent le monde, paient des
amendes.
J'ai mentionné le cas, ce matin, d'une entreprise
condamnée à $2000 d'amende, opérant sans permis, qui paie
l'amende, continue à opérer, et là, je cite les juges,
cela fait un permis d'opérer qui revient bon marché et j'ajoute
joyeusement bon marché. Où va-t-on avec cela? Je pense que tout
cela est impliqué dans ce dont on parle, si on veut vraiment et
je reprends l'expression du bâtonnier au début de son
témoignage de ce matin pousser au bout de ce qui est possible
cette idée d'une responsabilité jusqu'à la limite et non
pas "not to try to introduce in our law that idea to get from that company who
frauds people more an amount of money that would be more than the real amount
of money they took out from the consumer's pocket, not at all, but, at least,
that amount of money to have it back, paid back."
Le Président (M. Marcoux): Puisqu'il approche 18 heures,
si vous le permettez, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20
heures et, dans la mesure où cela vous est possible, nous continuerons
la discussion sur votre mémoire à partir de 20 heures. Est-ce que
cela vous va? Alors, à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
Reprise de la séance à 20 h 8
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs! La
commission de la justice poursuit l'audition de mémoires concernant le
projet de loi no 39, Loi sur le recours collectif. Nous étions en train
de discuter du mémoire présenté par les organismes qui
s'occupent de publicité. J'inviterais à nouveau ceux qui ont
présenté le mémoire à venir répondre ou
discuter avec les membres de la commission.
La parole était au député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je vais donner la parole au
député de Mont-Royal qui a assisté à la
présentation, j'ai dû m'absenter pendant quelques minutes.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition
officielle, je voudrais remercier les invités pour leur mémoire.
Quant à la question de l'avis, il n'y a aucun doute que le but de ce
projet de loi est d'essayer de rétablir un certain équilibre et
de donner à ceux qui ont certaines réclamations, certains droits
de procédure, au bénéfice de toute la population. Ne
croyez-vous pas que votre suggestion d'aviser tous les membres irait à
l'encontre de l'esprit du projet de loi? Ne croyez-vous pas que les pouvoirs
qui sont donnés aux tribunaux, à la Cour supérieure
devraient être suffisants pour assurer que les tribunaux vont utiliser
leur discrétion et, qu'eux-mêmes s'assurent que l'avis est
donné sans causer de problèmes d'obstruction, en disant qu'il
faut que tous les membres soient avisés ou un certain nombre...
Pensez-vous que, dans cet esprit, les termes du projet de loi devraient
suffire?
M. Dupré: Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, une
de nos préoccupations... C'est-à-dire que nous ne croyons pas
à l'efficacité d'une annonce dans les journaux. C'est
évident qu'il est possible que le tribunal trouve d'autres solutions. En
fait, il y en a probablement d'autres, mais nous pensons qu'il est habituel,
devant les tribunaux, que le fardeau de la preuve, le fait de faire la preuve
repose sur le requérant et non pas sur le défendeur. Ce qui nous
paraissait, en faisant les deux exceptions qu'on a faites, c'est-à-dire
si on ne peut pas les identifier ou s'il coûtait trop cher de tous les
rejoindre, dans le cas où ça pourrait coûter des centaines
de milliers de dollars, si dans certains cas cela implique plusieurs
consommateurs.
Tenant compte de ces deux exceptions, les autres cas qui pourraient
survenir nous paraîtraient beaucoup plus justes, pour ceux qui veulent se
retirer, de pouvoir recevoir, être certains qu'ils ont reçu un
avis personnellement, et aussi, cela nous paraît normal, dans la
tradition, que ce soit au requérant d'en assumer les coûts.
M. Ciaccia: Je sais que votre collègue, M. McCracken, est
un avocat. Il doit être au courant des pratiques des avocats, il doit
prendre avantage de tous les recours de procédure qui sont possibles. Je
crois qu'en insérant plus de règlements, en disant: II faut avoir
des avis dans certains cas, dans d'autres cas, il ne faut pas en avoir, cela
ouvrirait peut-être la porte à des abus de procédure.
Perhaps, if your suggestion of giving advice, giving notice to those who
were affected, with certain exceptions, don't you think that would open the
door to procedure abuses? The practice of law being the way it is, most
attorneys will try and take all the advantages possible of whatever procedures
are inserted in the law and I think one of the purposes of this act is to try
and reestablish an equilibrium between the consumers and the other sectors of
our society who, at this time, are not subjected to this class action by
inserting the kind of what could be viewed as a limitation or even obstacles,
that it would make it more difficult to institute this kind of action, and
would be a sort of defeat to the spirit of the law.
M. McCracken: It is not the intention of our suggestion. If I can
capitalize our suggestion without getting and to talk about exceptions and so
on, we are saying it is reasonable to give actual notice and we believe that
the law should state the actual notice should be given. It would not be
reasonable if it was impossible to know or to locate some of the plaintive
class.
It would not be reasonable if, as in Easen which I have already referred
to, although they could be located, the cost in stamps, envelopes and printing
of the notices would be ludicrously high. In a normal lawsuit a party to be
served with a document must be served personally. As I believe Monsieur le
ministre pointed out there are provisions for substituted service but those are
invoked in the courts in which I practice in rather limited circumstances,
usually limited to the case of a party trying to evade service. That is the
situation where I have practiced, in any event, or just having disappeared in
the case of a presumption of debt service.
Normally, a party to be notified should be served personally. I believe
that is a fairly basic principle. To extend that to class actions provided to
do so is reasonable. In a cause sense, in a location sense, it does not strike
me as imposing any particular impediements. If it would be unreasonable the
compromise that we recommended, would presumably, given the wisdom of the
court, be brought into play. What we are concerned about is where, not
withstanding the fact, it would in a cause sense, in a locational sense be
reasonable to serve actual notice. A court may, in the absence of an express
directive, permit substituted service, for example by a newspaper publication
which we consider to be inadequate.
One might note that, given the very nature of a class action, an
argument can be made. I do not consider it to be an overwhelmingly strong
argument. I do not consider it to be conclusive that an argument can be made,
that it is even more impor- tant, if reasonable, for members of the plaintive
class to receive actual notice, than in, let us say, a normal debt collection
type of case where presumably the party being sought after knows he owes money,
knows he may become subject to some kind of legal proceeding in a class action
a big prop, and that which raises this whole notice problem is that parties
become parties to an action without necessarily even knowing about it.
Now, you alluded to attorneys or lawyers taking advantage of loop holes
or procedural defects. I agree, that is a fact of life. I do not frankly see
where this however admits of tremendous abuse. However...
M. Ciaccia: Perhaps the formula that is included in the present
legislation takes into account the question of notification by the courts but
does not open the door to possible abuses of notifying 500, 1000 or I do not
know many people, 35, 50 whatever number of people could be involved. It seems,
from my reading of the proposed legislation, that it already seems to have been
taken into account the question of the notice and the power of the court to
effect such a notice without opening the door to possible abuses.
M. McCracken: I do not think, frankly, that you and I are very
far apart in that regard; I think that the solution that is expressed in the
legislation, as tabled, is to give the courts significant discretion in terms
of the method of serving notice, the manner, so on and so on. We only differ in
our view where we feel it would be reasonable for a court not to order let us
say notice by advertisement, in other words, where it would be entirely
reasonable for a court to order actual service if that should be expressed in
the legislation. I think that this is the only way that we differ.
M. Ciaccia: II y a un autre point dans votre mémoire qui
soulève la question du fonds autorisé à retenir une partie
des indemnités perçues. Je pourrais peut-être poser la
question non seulement à vous, mais aussi au ministre. Quel est le but
recherché en donnant ce pouvoir au fonds, quand une indemnité est
allouée par la cour; je crois que cette indemnité devrait aller
à ceux qui sont affectés, qui ont perdu. Pour quelle raison ce
fonds qui est administré par le gouvernement aurait-il ce droit? Je ne
parle pas de se faire rembourser, parce que si le fonds doit verser des fonds
pour permettre le litige, c'est tout à fait normal qu'il soit
remboursé, mais il me semble, à la lecture de l'article 40 que,
en plus du remboursement, il semble y avoir un droit, un pourcentage qui doit
aller au fonds.
Je crois que si je comprends bien ceux qui ont
préparé le mémoire c'est leur objection.
Peut-être pourraient-ils nous expliquer pourquoi ils s'opposent à
cet aspect. Le ministre pourrait aussi nous expliquer la raison d'être de
cet article.
M. Marois: Fondamentalement, c'est ce que vous avez
évoqué; c'est cette idée. Il s'agit d'un
fonds qui avance des sommes d'argent. Bien sûr, dans certains cas,
les avances resteront là; la cause sera perdue; enfin, peu importe. Il
n'y aura pas de retour. Donc, il s'agit au fond d'établir un
mécamisne qui permette une forme d'"autofinancement du fonds" puisqu'il
s'agit d'avances à des groupes, à des citoyens, à une
collectivité, pour leur permettre d'obtenir compensation et qu'ainsi sur
un certain nombre de dossiers, il y ait un retour; que le fonds puisse
s'autofinancer. De là, l'idée du pourcentage, mais il n'a jamais
été dans notre esprit d'y ajouter l'expression que vous avez
utilisée: "de plus". Il s'agit de faire en sorte que ce soit quelque
chose qui s'équilibre sur la base de cette idée d'un
autofinancement du fonds. Il y a des cas où il y aura des sommes qui
pourront être reprises; dans d'autres cas, non.
M. Ciaccia: Quelle est l'objection de nos invités sur cet
aspect du projet de loi?
M. Dupré: C'est que nous voyons là la
possibilité de le rendre punitif, en ce sens que si on retient une somme
pour une raison ou pour une autre qui n'est pas destinée à
compenser des consommateurs ou des plaignants qui auraient eu recours au
recours collectif, à ce moment-là, il y a danger que cela
devienne vraiment punitif. Je ne pense pas que ce soit l'objectif du recours
collectif.
M. Ciaccia: Je dois avouer que les articles sur les tribunaux,
quand les tribunaux ont certains droits, certaines discrétions,
naturellement j'y ai plus confiance parce que nous avons l'impression que les
tribunaux sont objectifs et qu'ils vont administrer la loi de façon
très objective.
Ce qui me préoccupe dans le point que vous avez soulevé
je voudrais le signaler au ministre c'est qu'à l'article
40, on ne retrouve pas les critères que le ministre vient de
décrire: le but de ce recouvrement, de ce pourcentage est de permettre
au fonds de ne pas être "dans le rouge", de ne pas être dans la
position de manquer d'argent. Selon ma lecture de l'article 40, cela pourrait
possiblement ouvrir la porte à certains abus; il n'y a pas de
limite.
Alors, je suggérerais, si c'est vraiment le but du fonds,
qu'à l'article 40 on spécifie que l'objectif du recouvrement est
de maintenir le fonds à un certain niveau.
Il y a une crainte dans la population quant à
l'élargissement des pouvoirs du gouvernement. Chaque fois qu'on donne
plus de pouvoirs... spécialement, dans ce cas-ci, on essaie de
créer un équilibre entre le consommateur et les entreprises qui
devraient être assujetties à un "class action". On n'a pas eu de
discussions sur ce point, mais quand on insère un article comme
l'article 40, cela peut ouvrir la porte à certains abus. Cela peut
déséquilibrer le but de votre loi qui est d'essayer de
protéger le consommateur mais non d'agrandir les pouvoirs du
gouvernement. Cela est une crainte et je crois qu'elle est légitime.
M. Marois: Là-dessus, tout ce que je puis dire pour
l'instant, c'est que je pense l'avoir mentionné on a pris
bonne note de cette préoccupation. L'article 40 prévoit que ce
sera déterminé par règlement, donc, dans notre esprit,
c'étaient les règlements qui allaient préciser ces
modalités.
Remarquez, je n'ai pas d'objection à le regarder de très
près. On aura aussi l'occasion d'en reparler plus en détail lors
de l'étude, article par article, mais j'en prends bonne note, on y
regardera de très près.
M. Ciaccia: Je vous remercie, Monsieur, je n'ai plus de
questions.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Nicolet-Yamaska. (20 h 20)
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais
également féliciter nos hôtes pour les témoignages
qu'ils nous ont donnés.
Je pense qu'ils ont effectué une recherche assez
intéressante et je les remercie d'avoir approfondi ce sujet qui
préoccupe actuellement les membres de cette commission et une grande
partie de la population du Québec, depuis plusieurs années
d'ailleurs.
Je pense qu'on peut être d'accord également avec les
remarques qui ont été faites par l'honorable ministre concernant
certains paragraphes de votre texte et, plus particulièrement, en ce qui
regarde les remarques que vous faisiez quant au mode de signification ou au
mode d'avis qu'on pourra donner aux personnes qui voudront exercer le recours
collectif. Lorsque vous dites qu'il faudrait que l'avis en question soit
signifié à chaque membre du groupe qui désire intenter
l'action, je pense qu'à ce moment-là, c'est peut-être
manquer un petit peu de réalisme, car ce n'est pas toujours possible de
le faire. D'ailleurs, ce n est pas le but non plus. Le but du recours des
effets sur des personnes qu'on ne connaît pas nécessairement.
De ce côté, je ne sais pas si vous avez des
réactions à ajouter à ce qui a déjà
été dit, mais je partage les vues du ministre là-dessus.
Je voudrais également profiter de l'occasion pour partager votre opinion
qu'on puisse apporter une assistance au défendeur. J'insisterai
également sur le deuxième volet de votre opinion là-dessus
quant à la possibilité d'abolir complètement le fonds. Je
pense que ce n'est pas opportun d'y penser, mais, quant à l'assistance
aux défendeurs, je pense que, dans certains cas, cela pourrait
être assez important pour eux. Il ne faut pas penser que les recours
collectifs vont être faits nécessairement contre de grosses
compagnies. Il va peut-être y avoir de petites entreprises qui vont
être poursuivies. A ce moment-là, il serait justifié de
prévoir un mode d'assistance au moins technique pour ces petites
entreprises. Donc, on a à peu près tout dit concernant les
différents points que vous avez touchés et je pense que votre
mémoire arrive à point et je vous en remercie. Je ne sais pas si
vous avez des commentaires?
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, dans la foulée de ce
que le député vient de mentionner, je voudrais aussi attirer
votre attention sur le fait que parce que vous avez mentionné les
petites entreprises, c'est vrai qu'il faut en tenir compte en mettant au point
un projet de loi comme celui-là il y a deux articles. C'est
notamment l'article 1029, d'une part, et, en plus, l'article 1032. Ils
prévoient que le tribunal, pour les motifs qu'il indique, pourra
déterminer les modalités de paiement précisément
parce qu'il y a des points de convergence d'intérêts divergents de
consommateurs et d'entreprises, par exemple, une entreprise pour qui le montant
à rembourser serait lourd si c'était payé d'un coup, qu'il
puisse convenir de modalités. C'est l'intérêt du
consommateur, c'est l'intérêt aussi de l'entreprise de pouvoir
continuer à fonctionner, que ce soit ajusté à sa
capacité de payer. Donc, je pense que le député avait
raison de signaler ce cas dans la foulée de ce que vous avez
évoqué pour qu'on en tienne compte.
M. Fontaine: Mais c'est une fois que le jugement est
prononcé. Il y aurait peut-être lieu de prévoir un
mécanisme d'aide, de soutien technique pour que les petites entreprises
puissent offrir une défense adéquate juste et équitable,
parce que...
M. Marois: J'ai évoqué, je ne sais pas si vous
étiez là à ce moment-là, M. le
député, qu'il y a un accord pour regarder cela.
M. Fontaine: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): Alors, au nom des membres de la
commission, je remercie les représentants des agences de
publicité d'avoir bien voulu venir présenter leur mémoire
à cette commission.
J'inviterais maintenant le Conseil canadien du commerce de détail
à venir présenter son mémoire. M. Ponton.
Conseil canadien du commerce de détail
M. Ponton (Gérald-A.): Gérald Ponton,
vice-président exécutif.
Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez présenter
vos collègues.
M. Ponton: A ma droite, M. Marc-André Filion, conseiller
juridique de la compagnie Zeller's, et, à ma gauche, M. Pierre Gratton,
directeur du service aux consommateurs à la compagnie Eaton.
M. le Président, M. le ministre d'Etat au développement
social, MM. les membres de la commission parlementaire, ce mémoire vous
est présenté par le Conseil canadien du commerce de
détail, section du Québec, qui regroupe environ 60 membres
réguliers qui exploitent environ 1000 établissements au
Québec et regroupe également plus d'une centaine de membres
affiliés.
Notre organisme compte notamment parmi ses membres les principaux
magasins à succursales et à rayons. Nous aurions aimé
présenter le mémoire au nom de l'organisme
québécois, parce que tous les membres québécois du
conseil canadien ont décidé de se constituer en corporation
québécoise sous le nom de Conseil québécois du
commerce de détail, mais nous avons eu nos lettres patentes seulement la
semaine dernière, ce qui a rendu impossible la présentation du
mémoire sous le nom de l'organisme. A l'avenir, pour toutes les
questions qui intéressent nos membres, nous allons fonctionner sous la
raison sociale de l'organisme à charte québécoise, parce
que le conseil canadien est un organisme national à charte
fédérale.
Nous croyons approprié d'exprimer le point de vue de nos membres
relativement à certaines dispositions contenues dans le projet de loi
39. Le présent mémoire ne se veut pas une appréciation de
tous et chacun des articles du projet, mais seulement de certains aspects du
projet de loi qui préoccupent plus particulièrement les
détaillants, considérant leurs secteurs d'activité. Nous
n'avons pas voulu entrer dans tous les principes du projet de loi, la nature
compensatoire, la question du fonds d'aide aux recours collectifs, la question
de la collocation, le reliquat, les réclamations individuelles, pour
nous concentrer sur des aspects qui nous touchent dans nos activités
quotidiennes.
Les défenseurs du recours collectif invoquent très souvent
l'insuffisance des moyens pour une personne isolée, face aux coûts
d'expertise et des frais de poursuite, pour justifier le recours collectif. Ils
prétendent que le recours collectif, en permettant le groupement
d'individus, rétablit l'équilibre entre les personnes
lésées et le défendeur qui, très souvent, est une
multinationale dans les cas qu'on connaît, mais qui peut aussi être
n'importe quel commerçant du Québec selon le projet de loi.
Nous n'avons pas l'intention de faire le procès du
bien-fondé du recours collectif en tant que tel. Cependant,
l'expérience américaine démontre que le recours collectif
peut avoir plusieurs conséquences. Il peut effectivement indemniser les
personnes lésées et être le moyen par lequel le
défendeur paie le montant qui correspond au préjudice
causé.
Il peut également entraîner des conséquences
financières fâcheuses pour l'entreprise qui en est l'objet, voire
entraîner sa faillite. Finalement, il peut donner lieu à des
poursuites vexatoires dont le seul but est d'obtenir un règlement, sans
vraiment qu'il y ait eu préjudice justifiant l'exercice du recours
collectif.
Le ministre Marois, lorsqu'il a présenté le projet
je cite simplement un extrait de son communiqué disait ceci: "Le
seul fait d'autoriser cette procédure fera certainement
réfléchir ceux qui avaient la tentation de frauder, puisque les
citoyens auront de leur côté les outils pour y mettre un frein."
Va pour les fraudeurs, je pense qu'on peut être d'accord avec cela. Mais
qu'en est-il du
commerçant ou du détaillant qui a vendu un produit de
bonne foi et qui se retrouve impliqué dans un recours collectif?
De plus, nous pensons que les citoyens bénéficieront non
seulement d'un outil, mais plutôt d'un véritable attirail.
Cette brève introduction sous-tend les principes sur lesquels le
conseil entend faire part des préoccupations de ses membres, à
savoir une approche plus prudente face à l'introduction du recours
collectif, un meilleur équilibre entre les parties au litige et,
finalement, l'accessibilité, pour un défendeur, dans certains
cas, au Fonds d'aide aux recours collectifs.
Sur le premier point, face à l'introduction du recours collectif,
le projet de loi actuel introduit le recours collectif en son sens le plus
large, qu'il soit fondé sur un contrat, un quasi-contrat, un
délit ou un quasi-délit, lorsque les conditions apparaissant au
projet de loi sont remplies. En d'autres termes, il s'agit d'une
procédure qui s'applique à toutes les espèces de contrats
ou de causes d'actions qu'on peut avoir dans notre droit civil.
L'introduction de ce moyen étant de droit nouveau et compte tenu
des conséquences nombreuses qu'il est susceptible d'entraîner, le
conseil estime qu'il serait préférable d'introduire le recours
collectif par un amendement à la Loi de la protection du consommateur.
Le conseil fait cette recommandation tout en sachant fort bien que cette loi
ce qui est déjà le cas, un avant-projet a
été déposé fera l'objet d'importantes
modifications lors de la présente session.
Cette recommandation aura pour effet, il va de soi, de limiter le
portée du recours à la juridiction de la loi constitutive. Nous
nous en rendons bien compte. Mais elle aura également l'avantage de
permettre au gouvernement du Québec de bénéficier, non
seulement de l'expérience de nombreux pays où il existe une telle
législation, mais également de l'expérience
québécoise alors vécue. Le ministre sait sûrement
d'ailleurs que la législation américaine fera l'objet d'une
révision en profondeur dans la première moitié de
1978.
On ne pourra prétendre, MM. les membres de la commission, que le
conseil recherche avant tout un intérêt dans cette recommandation,
puisque nos membres sont déjà régis par la Loi de la
protection du consommateur. Nous ne croyons pas que cette situation sera
modifiée par le nouveau projet.
Nous pensons réellement que cette recommandation permettra au
gouvernement du Québec d'étudier l'application d'un tel projet et
ses conséquences et de décider, par la suite, dans quelle mesure
le recours collectif nécessiterait des modifications et pourrait
être étendu à d'autres secteurs.
En ce qui a trait au meilleur équilibre entre les parties, le
conseil estime que le projet de loi 39 facilite l'exercice du recours collectif
en réduisant le plus possible les conditions et les contraintes, par
comparaison avec les règles ordinaires qui prévalent à
l'adjudication des litiges par les tribunaux.
Si le recours collectif ne peut être assimilé à
certaines procédures spéciales contenues au Code de
procédure civile, tels l'injonction et les brefs de prérogative,
nous pensons qu'il peut leur être comparé. Le conseil croit que
les conditions permettant l'exercice de ce recours doivent être
précisées pour l'autoriser seulement dans des cas bien
définis.
Le monde du commerce comprend en très grande majorité des
détaillants honnêtes et la proportion des "fraudeurs", pour
employer un langage populaire, est très minime. Dans le but de
rétablir un équilibre entre les consommateurs et le
détaillant il ne faudrait pas pécher par excès contraire
en favorisant le consommateur d'une façon excessive.
Le conseil estime que le projet de loi 39 ne permet pas au
défendeur d'assurer une défense pleine et entière sans
qu'un préjudice ne lui soit causé advenant que le recours
collectif soit rejeté. C'est pourquoi le conseil, sous ce principe de
l'équilibre, fait les recommandations suivantes. Au niveau de
l'autorisation d'exercer le recours collectif, le conseil estime qu'il y aurait
lieu, premièrement, au niveau de la requête à l'article
1003, de substituer aux critères retenus à l'article a) le
critère des questions de droit ou de fait communes. Nous pensons que
cette recommandation aura pour effet de circonscrire les questions en litige et
ne privera pas l'exercice d'un autre recours collectif par un groupe qui ferait
autrement partie du groupe selon le projet de loi actuel. Le défendeur
sera, dès lors, en mesure d'évaluer avec plus de précision
les questions en litige et la composition de la classe.
Deuxièmement, le conseil croit qu'il serait important d'ajouter
à l'article 1003 le fameux critère des procédures. Je
retire les mots " de bonne foi " parce que, suite aux commentaires qu'a faits
le ministre cet après-midi au sujet du mémoire de l'Association
des banquiers, que les procédures ont été prouvées
prima facie... Cette recommandation ayant pour but d'éliminer les
recours futiles ou vexatoires, compte tenu des conséquences possibles du
recours collectif.
Finalement, le conseil estime que le tribunal ne devrait être
habilité à autoriser l'exercice du recours que lorsqu'il y a
vraisemblablement un préjudice assez important pour justifier un tel
recours. En d'autres termes, si le montant en litige, compte tenu des frais
d'expertises ou des frais de collocation et compte tenu des contraintes que le
recours peut exercer sur l'appareil judiciaire, si le juge en vient à la
conclusion que l'exercice du recours collectif qui est d'indemniser les
consommateurs lésés ne serait pas rempli, compte tenu du montant
très minime... Quand je parle de montant minime, je parle de montant
global ici, je ne parle pas de montant individuel, l'once et demie de
céréales pour chaque consommateur. D'ailleurs, mon
collègue, Marc-André Filion, a un cas justement qui pourrait
être illustré tantôt, d'une expérience
américaine où le montant était minime et les frais
étaient à ce point élevés qu'à ce
moment-là, je pense qu'on est en droit de s'inter-
roger sur la pertinence même de l'exercice du recours, si on veut
être pratique.
Le deuxième volet concerne la publicité et la question des
avis. Nous pensons que la publicité que le recours collectif est
susceptible d'entraîner nous fait craindre qu'il y ait un
préjudice irréparable causé au défendeur avant
même le déroulement du procès. Dans certains domaines, il y
a de fortes possibilités qu'un détaillant ne s'en remette jamais.
Point n'est besoin de rappeler l'exemple de la bière. (20 h 40)
Considérant ce qui précède, le conseil croit qu'il
serait extrêmement important, à l'étape de l'introduction
de la requête prévue à l'article 1002, qu'un juge de la
Cour supérieure autorise la signification de la requête et que
l'intimé puisse obtenir une ordonnance de non-publication on en a
parlé aujourd'hui jusqu'à ce que le juge ait entendu la
requête et ait décidé de l'autoriser ou de la refuser. Il
est bien clair que dès le moment où le recours collectif est
autorisé, à ce moment-là, il n'y a plus aucune
réserve qui doit ère faite quant à la publicité
autour. Cela devient un litige ordinaire qui se déroule suivant les
règles prévues.
De plus, le conseil estime que les articles 1005 et 1046 devraient
être amendés de façon à requérir l'avis
individuel du plus grand nombre possible de membres du groupe en exigeant du
représentant un effort raisonnable à cet effet. Il faut tendre
vers l'avis individuel, spécialement pour donner un sens à
l'"opting out" dont nous reparlerons plus loin. Dans la mesure où
le tribunal est convaincu que l'avis individuel s'avérerait impossible
dans les circonstances, nous pensons que l'avis devrait être restreint
aux media écrits.
En ce qui a trait à "l'opting out", les articles 1006 et 1008, le
conseil estime que "l'opting in" serait préférable à
"l'opting out", car le premier requiert un avis des citoyens désireux de
faire partie du groupe. "L'opting in", en conséquence, ne compte que
ceux qui désirent se prévaloir de l'exercice du recours
collectif. Cependant, comme le gouvernement semble avoir opté pour
"l'opting out", nous croyons nécessaire de suggérer les
modifications suivantes: Afin que "l'opting out" ait une signification, il nous
apparaît important que le juge puisse ordonner un avis qui soit le
meilleur dans les circonstances, au plus grand nombre possible des membres du
groupe, ce qui comprend l'avis individuel. Encore une fois, ici, le juge a
discrétion pour apprécier les éléments du
dossier.
Comment peut-on accorder le droit de s'exclure si on ne prévoit
pas les meilleurs mécanismes permettant l'exercice de ce droit? Le Code
de la procédure civile prévoit plusieurs modes de signification
dans la mesure où la règle générale ne peut
être suivie. Nous croyons qu'il est nécessaire de s'inspirer des
mêmes règles en prévoyant les nécessités de
la vie individuelle dans la mesure du possible.
En ce qui a trait au déroulement du recours, le conseil aimerait
tout d'abord traiter de la question des moyens préliminaires. Il y a
fort à parier que les membres du conseil seront, pour ainsi dire, sur la
ligne de feu lorsqu'il y aura un recours collectif au Québec,
étant donné qu'ils transigent directement avec les consommateurs.
L'expérience démontre que le détaillant est presque
toujours partie au litige. Nous ne croyons pas que le projet de loi modifiera
la situation.
Le conseil apprécie les raisons qui militent en faveur de la
suspension des moyens préliminaires, mais l'un de ces moyens est si
vital pour nos membres que nous ne pouvons le passer sous silence; il s'agit de
l'action garantie. Cette procédure incidente devrait être permise
lors du déroulement du recours collectif de façon à
permettre et je rejoins ici les commentaires du bâtonnier, M.
Bergeron, et du ministre, M. Marois qui les a repris au cours de la
journée lorsqu'il disait qu'il fallait aller jusqu'à l'ultime
comment a-t-il dit cela? pour reprendre ses paroles,
jusqu'à l'ultime pointe de responsabilité, mais c'est exactement
ce que cela vise...
On demande l'action garantie de façon à permettre que
l'ultime responsable du préjudice soit appelé a indemniser le
groupe et que l'intermédiaire puisse ainsi être mis hors cause si
le tribunal en décide ainsi parce qu'un détaillant qui pourrait,
uniquement lors de l'étape des réclamations individuelles
où les moyens préliminaires sont permis, se prévaloir de
l'action garantie aurait à supporter l'hypothèque d'un jugement
qui, théoriquement, le tiendrait responsable, conjointement,
solidairement avec le manufacturier, par exemple. Ce serait une
hypothèque qui serait susceptible de lui causer un sérieux
préjudice alors que, dans les faits ou au niveau de la
réclamation individuelle, il pourrait réussir, dans chaque cas,
à se faire disculper. Il y a aussi la question du reliquat qui
s'applique, si on ne permet pas les réclamations, s'il n'y a pas assez
de réclamations individuelles pour justifier le montant total de la
condamnation.
Ce moyen préliminaire devrait être permis, nous vous le
soumettons, même s'il n'est pas commun à une partie importante des
membres et ne porte pas sur une question traitée collectivement. On
voudrait bien se faire entendre, il ne s'agit pas de pistonner les recours de
quelque façon que ce soit.
Il s'agit plutôt de s'assurer ou de trouver le moyen pour que la
partie innocente ne puisse être mise en cause pour que l'ultime
responsable du préjudice soit tenu responsable.
En ce qui a trait à la substitution au niveau de l'article 1024,
le conseil estime que les règles ordinaires devraient prévaloir
relativement à la substitution et les représentants
substitués devraient accepter le procès dans l'état
où il se trouve, en y incluant les dépens et les autres frais
antérieurs à la substitution. Nous croyons que l'article 1024
pourrait donner ouverture à des abus préjudiciables pour le
défendeur, advenant que le recours collectif soit rejeté, entre
autres, pour le recouvrement des frais.
En ce qui a trait au Fonds d'aide au recours collectif, le projet de loi
prévoit que ce fonds n'est
ouvert qu'aux représentants. Le conseil croit que le fonds d'aide
devrait être accessible au défendeur à un recours collectif
qui obtient gain de cause pour les mêmes dépens et les autres
frais remboursables par le fonds d'aide aux représentants.
En conclusion, le conseil recommande d'introduire le recours par un
amendement à la Loi de la protection du consommateur plutôt que
dans le Code de procédure civile. Il faut que le recours collectif
constitue un moyen à la disposition des citoyens pour leur permettre
d'obtenir compensation. Le conseil estime qu'il est nécessaire de
s'assurer que ce recours soit exercé dans des conditions
précises, dans un cadre plus défini pour éviter de causer
des torts irréparables à des entreprises légitimes. Nous
pensons qu'en cherchant à établir l'équilibre, il ne
faudrait pas verser dans l'excès contraire.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier l'association de son mémoire. Je pense que vous avez
examiné à la loupe le projet de loi. Je ne vous cacherai pas et
je vous l'indiquerai d'ailleurs au passage: vous avez mis le doigt sur un
certain nombre de points qui méritent en tout cas réflexion. Vous
faites, sur ces points-là, des suggestions, des recommandations qu'il me
fera certainement plaisir, avec mes collègues, de regarder et d'examiner
de très près pour essayer de bonifier autant que faire se peut le
projet de loi.
Vous me permettrez simplement un certain nombre de remarques et de
commentaires en vous indiquant au passage les points de votre mémoire
sur lesquels ces commentaires portent et je présume que, le cas
échéant, vous ne vous gênerez pas pour réagir.
D'une part, en ce qui concerne en général l'introduction
de votre mémoire, je pense qu'il ne faut pas non plus je l'ai
évoqué à plusieurs reprises, le député de
Marguerite-Bourgeoys aussi avec raison l'a évoqué à
quelques reprises depuis plusieurs mois, aujourd'hui encore, tout au long des
travaux s'attendre que, quand on introduit des changements, cela ne
suscite pas des interrogations, c'est légitime et normal. Mais vous
êtes allés dans l'introduction jusqu'à évoquer les
conséquences financières fâcheuses pour l'entreprise qui en
est l'objet, voire celles d'entraîner la faillite, de donner lieu
à des poursuites vexatoires dans le seul but d'obtenir un
règlement sans vraiment qu'il y ait eu un préjudice justifiant
l'exercice du recours. Il me semble mais je peux me tromper
qu'une lecture serrée du projet de loi, pour ce qu'il dit, non pas pour
ce qu'on voudrait quelles que soient les motivations qu'il dise,
je ne vois pas comment cela peut nous mener à des conclusions comme
celles-là. Il s'agit encore une fois d'une procédure, une
procédure qui passera par la Cour supérieure et que je sache, de
tradition, la Cour supérieure n'a pas la réputation d'être
l'espèce de chevalier de Mark Twain qui enfourche sa monture et qui part
dans toutes les directions en même temps.
En d'autres termes je pense que je vais prendre l'expression du
député de Marguerite-Bourgeoys c'est vrai qu'il y a des
attentes de fonds depuis longtemps; cela fait des années et des
années au Québec, parce qu'on est en retard sur les autres.
Parfois, cela n'est pas mauvais, parce que tu peux te servir de
l'expérience des autres, de ce qu'on a essayé modestement de
faire et il y a des coins à rajuster, j'en conviens. Mais c'est un peu
fort de t'imaginer que ce seront les recours qui vont pleuvoir de gauche
à droite et que la Cour supérieure va laisser cela passer
n'importe comment. En d'autres termes, il y a des balises, il y a un
encadrement; on est prêt à examiner ce qui peut être
susceptible de maintenir cet équilibre pour, encore une fois, que cela
ne s'en aille pas partout. Quant à éviter ces cas frivoles,
vexatoires, je ne pense pas qu'on va passer à travers les maillons du
filet si facilement que cela.
D'autre part, je l'ai évoqué tantôt, très
rapidement, je mentionnais les articles 1029, 1032; on a quand même
tenté de tenir compte de la réalité de la situation
financière d'entreprises qui peuvent être plus fragiles et de
faire en sorte que, par exemple, le juge puisse, sur représentation,
établir des modalités de remboursement quand cela se
présentera. Je ne connais pas beaucoup, pour avoir fouillé,
consulté plusieurs avocats américains, des gens d'autres
provinces, pour avoir regardé ce qui a été écrit
sur l'ensemble du dossier du recours collectif, je n'ai vu personne
réussir à mettre le doigt sur ces cas de faillites dont on parle
parfois et ce n'est certainement pas l'objectif du projet de loi parce que
là, on passe à côté d'une chose, on passe à
côté de cette idée essentielle de faire en sorte que les
consommateurs puissent obtenir compensation.
Je ne pense pas que, lorsqu'une entreprise est en faillite, ce soit la
meilleure situation pour des consommateurs ou des citoyens qui s'estiment
lésés que d'avoir une compensation et de l'obtenir; donc, le
projet de loi ne doit certainement pas aller dans cette direction. Je ne crois
pas... Je maintiens, par ailleurs vous me citez à la page 3
je maintiens l'affirmation que j'ai faite; c'est un peu comme
introduire... Je ne sais pas qui, un commentateur de droit d'une province de
"common law", disait-là, je traduis à ma façon
c'est comme introduire un élément de sagesse dans le droit. C'est
vrai que c'est une espèce d'avis de motion à des fraudeurs.
Si vous fraudez, les citoyens auront enfin en main un outil, un
instrument leur permettant d'obtenir justice. Comme vous dites, va pour les
fraudeurs et vous signalez, à bon droit, parce que parfois on le perd de
vue, je l'ai rappelé à plusieurs reprises, je vais continuer
à le rappeler aussi... Dieu merci, c'est loin d'être tous les
commerçants, tous ceux qui sont sur le marché qui se comportent
comme cela. Ce n'est pas vrai, sauf qu'il y a de ces cas et ils sont là.
Cela existe et, partant, je pense que c'est la responsabilité d'un
gouvernement et des législateurs de faire en sorte que, dans ces cas,
les citoyens puissent obtenir justice. Sans cela, c'est un mot qui va se
dégrader dans notre société, complètement, si on
n'y voit pas et
je ne vois pas en quoi... Parfois, j'entends certains commentaires. Je
ne vois pas en quoi le fait d'introduire, que ce soit le recours collectif ou
autre chose... Remarquez que, dans ce sens, cela ne m'énerve pas et je
ne m'empêche pas de dormir, de savoir que je peux être
condamné, être poursuivi et être sévèrement
puni et même emprisonné pour la commission d'actes criminels
très importants.
En d'autres termes, si je suis un commerçant qui agit de bonne
foi, qui se comporte normalement comme un bon citoyen commerçant, je ne
vois pas quelle crainte je peux avoir, à condition que les
procédures permettent cet équilibre, être capable de faire
valoir pleinement sa défense etc. Même, au point de départ,
il y a les balises normales, comme n'importe quel citoyen qui voudrait s'amuser
à intenter un recours purement par esprit revanchard contre une
entreprise. Dans l'état actuel de notre droit, il va se réveiller
avec des frais tantôt. Je ne pense pas qu'il s'amuse à faire cela
bien souvent. Il faudrait qu'il ait joyeusement les moyens de se permettre des
choses comme celles-là et cela ne durera pas longtemps parce qu'il n'ira
pas très loin.
Donc, en d'autres termes, je pense qu'il y a aussi une espèce
d'équilibre à maintenir dans les mots, dans la façon de
véhiculer ces choses, parce qu'encore une fois, tous ceux qui sont
honnêtes et qui se comportent normalement, je ne vois pas ce qu'ils ont
à craindre. Pour qui pourrait réussir à m'intenter une
poursuite et à gagner, si je n'ai commis aucun acte
répréhensible et qu'on ne peut rien prouver... Je pense qu'il
faut presque revenir à des choses aussi élémentaires que
celles-là.
Maintenant, partant de là, pour revenir directement à des
modifications que vous proposez, vous nous proposez d'y aller plutôt par
amendements à la Loi de la protection du consommateur et vous avez
affirmé tantôt qu'à cette session, il y aurait une nouvelle
Loi de la protection du consommateur. Je pense bien que personne ne peut
préjuger ou présumer des travaux de l'Assemblée nationale
et des intentions du gouvernement. Il y a des avant-projets, mais des
avant-projets, vous le savez comme moi, ce ne sont même pas des projets
de loi. C'est un avant-projet au sens strict de ce mot et, comme mon
collègue le ministre responsable des Affaires culturelles l'a
évoqué, il y a un premier volet d'avant-projet et il y en aura
d'autres qui viendront, sous forme de documents de travail. C'est une des
façons de faire les choses, celle de présenter un avant-projet
pour que les gens aient le temps de regarder cela et de faire valoir leur
opinion, leur avis et qu'il y ait des ajustements. (20 h 55;
Donc, on ne peut pas nécessairement et automatiquement conclure
de cela qu'à la fin de la présente session, il y aura une
nouvelle loi de la protection du consommateur finie et adoptée. Je ne
pense pas qu'il y ait équation automatique entre le dépôt
d'avant-projet...
Deuxièmement, partant de là, on est obligé de tenir
compte de la réalité. La réalité, vous le savez
comme moi, c'est que bon nombre de contrats échappent
complètement à l'actuelle Loi de la protection du consommateur,
que ce soit dans le domaine de l'automobile, que ce soit dans le domaine des
maisons mobiles, que ce soit dans le domaine de l'immobilier au sens large et
je pourrais vous débouler toute une kyrielle de cas et, en plus,
constamment, quand on parle du recours collectif, on parle des
consommateurs.
Je pense qu'il ne faudrait pas perdre de vue une chose, c'est qu'il se
peut fort bien que les choses se présentent, dans ce sens-là,
dans la réalité au Québec, qu'il se présente
vraisemblablement davantage de dossiers du domaine "de la protection du
consommateur" qui pourront faire l'objet de premiers recours collectifs. Aux
Etats-Unis, dans bon nombre de cas, vous le savez probablement, ce n'est pas du
tout le domaine de la protection du consommateur qui a fait l'objet du plus
grand nombre de recours collectifs. C'était, dans bon nombre d'Etats,
toutes les questions qui touchent les droits et libertés de la personne,
les causes de discrimination.
C'est pour cela qu'on a opté pour le Code de procédure
civile plutôt que la Loi sur la protection du consommateur, et même
une loi qui serait élargie. Vous vous trouveriez à
empêcher, en conséquence, des citoyens à faire valoir des
droits, du droit substantif qu'ils ont, parce que les moyens de
procédure ne sont pas adaptés, ajustés à la
réalité d'aujourd'hui. On se trouverait à les mettre dans
une situation où ils ne pourraient pas faire valoir ces droits. C'est
pour cela qu'on a opté pour l'introduction...
D'ailleurs, c'est un vieux débat. En toute
honnêteté, je dois dire que ce débat avait même
été commencé, si ma mémoire est bonne, sous
l'ancien gouvernement où déjà on essayait de voir de
quelle façon il y aurait moyen de l'introduire, soit par la Loi de
protection du consommateur... Il y avait les tenants de cette position. Je me
souviens d'un ancien ministre de la Justice du gouvernement
précédent qui disait plutôt: II faut y aller par le biais
du Code de procédure civile. Donc, c'est une discussion qui date. Ce
n'est pas improvisé d'aujourd'hui; c'est la raison pour laquelle on a
opté plutôt pour le Code de procédure civile.
Je pense que vous touchez un certain nombre de points et j'ai eu
l'occasion de l'indiquer au cours de la journée où je suis
bien prêt à regarder de très près les
recommandations qui sont faites, notamment en ce qui concerne la requête,
où vous mettez entre crochets l'expression "bonne foi", vous maintenez
prima facie. Il y a d'autres expressions qui sont venues au cours de la
journée: vraisemblance... J'ai mis sur la table l'idée que,
peut-être, apparence... On pourra regarder cela de très
près pour voir si, effectivement, il n'y a pas lieu, après examen
attentif, de l'introduire au niveau de la requête. Je suis prêt
à regarder cela.
Quant à la page 8, concernant la requête, le point 3, c'est
plutôt une question que je me pose, parce que j'avoue vraiment que je ne
suis pas certain de saisir la portée. Vous recommandez d'amender
l'article 1003 en ajoutant un paragraphe e): Si, le cas échéant,
il y a, dans le groupe, un nombre suffisant de membres ayant vraisembla-
blement subi des préjudices assez importants pour justifier...
Qu'est-ce que cela recoupe, la notion de nombre suffisant, d'une part, et,
même si on réussissait à cerner cette notion de
façon très serrée, parce qu'il faudrait en arriver
à quelque chose qui est cerné de façon très
serrée, qu'il n'y ait pas d'arbitraire qui joue, qu'est-ce qui arrive
aux autres? Qu'est-ce qui arrive des autres citoyens? Qu'est-ce qui arrive des
autres cas? Evidemment, en ne perdant pas de vue les articles actuels du Code
de procédure civile qui font que, si le nombre est à ce point
facile à cerner, comme je l'ai évoqué dans le courant de
la journée, c'est précisément un cas où le recours
collectif serait refusé par un juge puisque les articles 59 et 67
s'appliqueraient. Il y a donc un autre moyen légal approprié,
conformément aux critères déjà prévus
à l'article 1003. C'est plus une question que je vous pose.
Quant à la publicité et à l'avis, vous introduisez
une chose qui, à mon humble avis, à première vue,
mériterait réflexion. Cette idée, par analogie avec le
droit criminel, cette idée de l'ordonnance de non-publication, qui
s'applique en droit criminel à l'étape de l'enquête
préliminaire et une fois l'enquête préliminaire
terminée, c'est fini, par exemple... La personne est citée
à son procès, et alors là il y a publicité,
publication ou il n'y a rien, c'est rejeté et ça vient de
finir.
Je comprends certainement que vous ne me demandez quand même pas
d'examiner plus que le droit criminel. Vous savez ce que je veux dire
très concrètement, c'est qu'une simple ordonnance de
non-publication n'empêche pas le fait que vous ayez, en manchette, dans
le journal, Pierre Marois accusé de vol de je ne sais pas quoi, de la
banque Wells Fargo ou je ne sais pas quoi. Là, je suis cité, je
passe par l'étape de l'enquête préliminaire, je demande
l'ordonnance de non-publication pendant cette période.
Il y a donc eu au criminel, vous le savez comme moi, dans des cas
d'entreprise notamment... Je pense à tout le dossier de la santé
et de la sécurité au travail. Vous avez des entreprises tenues,
un coroner qui enquête et qui conclut de la façon suivante, tenant
la compagnie criminellement responsable, ce qui est très sérieux.
Ce sont des cas d'exception, c'est vrai. Mais il n'en reste pas moins que
ça existe dans les faits. Je serais prêt à regarder, de
toute façon, cette idée par analogie, comparant l'enquête
préliminaire à la requête, la période de la
requête, pour essayer de voir s'il n'y aurait pas moyen de mettre au
point quelque chose qui, pour cette période... Evidemment, cela
impliquerait, si on en venait à la conclusion que c'est souhaitable, que
ça peut se faire, donc c'est sous ces réserves que l'examen devra
se faire cependant, si on en venait à la conclusion que c'est faisable,
que c'est souhaitable et que ça peut se faire, ça n'exclurait pas
ce qui se passe sous la coupe du code criminel; telle personne voit la
manchette, bien sûr...
Mais il y a peut-être moyen de baliser davantage. Je vous
l'indique au passage, je suis prêt à regarder cela de très
près. Quant à "l'opting out", c'est comme si vous acceptiez. Vous
avez dit dans votre exposé que, comme le gouvernement semble avoir
accepté "l'opting out", à cette hypothèse, à tout
le moins, qu'on balise de telle et telle façon. La raison
fondamentale... et là, on n'est plus au niveau des modalités, on
est vraiment au coeur même, c'est un des principes essentiels du recours
collectif que "l'opting out". Si c'est "l'opting in", qu'est-ce que ça
vient changer? J'aime autant prendre le projet de loi, le jeter à la
poubelle, je ne vous le cacherai pas, très franchement, parce que
qu'est-ce que ça vient changer aux articles 59 et 67? C'est exactement
la situation actuelle.
Ces articles, c'est "l'opting in", des gens qui se regroupent, mais dans
la mesure où c'est re-groupable et où les gens peuvent se
retrouver. Or, précisément, pour bon nombre des cas dont on
parle, ce n'est pas possible. C'est pour ça d'ailleurs qu'il nous faut
envisager très sérieusement, et maintenant ça devient une
espèce d'urgence, la nécessité d'introduire une
procédure d'exception comme celle-là, avec les balises que
ça suppose.
Maintenant, une chose que je crois avoir indiquée en cours de
route aujourd'hui, mais j'y reviens, je termine là-dessus. Vous avez
parfaitement raison de demander qu'on regarde de très près la
possibilité, au niveau des moyens préliminaires, d'ouvrir
je veux en mesurer les conséquences, la portée, mais ça me
semble, à première vue, sauter aux yeux, vous avez parfaitement
raison l'appel en garantie. Dans le cas des commerçants, que ce
soient des marchands d'automobiles ou que ce soient des commerçants,
dans les cas de poursuite pour vice et défaut caché d'un produit,
normalement, d'ailleurs, un avocat qui ferait son job convenablement, ce n'est
pas le commerçant qu'il poursuivrait, surtout en vertu des plus
récents jugements de la Cour Suprême, la théorie du forum.
On sait très bien que si le produit est manufacturé aux
Etats-Unis et même si le manufacturier n'a aucune maison, en vertu des
plus récents jugements de la Cour Suprême, au Québec, la
compagnie américaine pourrait être poursuivie au Québec.
C'est la théorie du forum dans la récente jurisprudence.
Mais, de toute façon, je pense que c'est inscrit dans
l'économie de notre Code de procédure civile, je suis prêt
à l'examiner de très près. Je pense que vous touchez un
point réel, soit le cas des commerçants.
Voilà, M. le Président, mes quelques remarques.
Peut-être susciteront-elles des commentaires.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des
commentaires à ajouter aux propos du ministre?
M. Ponton: II y a la question du fonds. Le ministre n'a pas
commenté la possibilité pour le défendeur...
M. Marois: J'ai eu l'occasion d'évoquer cet
après-midi c'est pour cela que je me suis arrêté
juste à un certain nombre de points. Cela ne veut pas dire que je
ne regarderai pas le reste du mémoire attentivement j'ai
évoqué l'idée que cela peut s'examiner. Il n'y a pas de
raison qu'on ne le regarde pas, en tout cas.
M. Ponton: D'accord.
M. Marois: II y a cette possibilité. Il faudra voir, par
exemple, de quelle façon se présente l'équilibre.
N'oublions pas une chose non plus, il faut être correct entre nous, je
pense qu'il faut se dire franchement les choses quand on travaille sur des
projets de loi comme ceux-là, il faut bien voir les conséquences
des décisions qu'on prend.
Le citoyen est dans une situation particulière; l'entreprise est
dans une autre. Si ma mémoire est bonne, une partie des coûts,
pour l'entreprise, les honoraires d'avocat, les frais, etc., sont
déductibles d'impôt. Il y a une question d'équilibre. Si on
parle au sens strict de ce mot-là, équilibre, je suis prêt
à regarder honnêtement ce qui est possible pour maintenir
l'équilibre, à condition de le maintenir, par exemple.
M. Ponton: Brièvement, pour répondre aux quelques
remarques du ministre, je pense que, fondamentalement, c'est parce que les
commerçants et le ministre ne lisent pas le projet de loi avec les
mêmes yeux, le commerçant étant quotidiennement dans le
bain, transigeant quotidiennement avec des milliers de consommateurs chaque
semaine, chaque mois, même parfois chaque jour. Il est aux prises avec
moult législations qui modifient, brusquent, le forcent à
s'adapter, à tenir compte de beaucoup d'exigences. Il n'est pas contre,
au départ, mais il n'en reste pas moins qu'il ne lit pas un projet de
loi de la même façon que vous, par exemple, pouvez le lire.
Quand vous parlez de l'article 1003, je me pose même la question
à savoir s'il y a lieu à enquête; j'essaie de me mettre
à la place du juge qui vient pour autoriser la requête et je me
demande si le juge a d'autres choix que de lire les allégués,
pour voir si cela correspond à a), b) et c) et faire quelques
vérifications, l'autoriser et c'est tout.
Je pense que ce que nos membres recherchent, c'est de permettre... Ce
que le ministre disait tantôt concernant les fraudeurs, qu'il faut qu'ils
paient, je pense qu'il y a moyen de balancer. Je pense que notre intervention
pourrait se résumer comme suit:
II s'agit d'établir l'équilibre entre les parties de
façon que les fraudeurs puissent être pénalisés,
mais que l'entreprise légitime n'ait pas à en subir les
contrecoups. Je pense honnêtement que les suggestions qu'on fait au
niveau, par exemple, de la preuve prima facie je vais revenir
tantôt sur le commentaire que vous avez fait sur l'article 1003, sur la
question des coûts. On vous suggère d'ajouter ce paragraphe ou
même encore d'enlever l'intérêt similaire connexe et de le
remplacer par des questions de droit ou de fait commun. On pense que ce sont
des améliorations. C'est sûr que cela peut restreindre la
portée du recours comme tel, mais cela peut bonifier le projet. Nous
pensons honnêtement que cela a l'avantage de le préciser tout en
sauvegardant les intérêts des entreprises légitimes et en
permettant d'attrapper ceux que le législateur veut vraiment attrapper.
De la façon que l'article 1003 est rédigé actuellement
je m'excuse le juge peut difficilement et j'ai mon
confrère qui est avocat à côté de moi, qui est un
peu du même avis. Lui aussi le lit avec les yeux d'un détaillant,
parce qu'il est dans ce secteur-là tous les jours le juge n'a pas
tellement le choix. On se demande jusqu'à quel point ce que le ministre
dit va se retrouver dans les jugements; une fois que le texte aura
été voté, les juges fonctionneront d'après la loi.
On a l'impression que si ce qu'on vous suggère d'ajouter n'est pas fait,
dans la pratique cela ne sera pas conforme à ce que vous nous dites ce
soir. C'est simplement cela qu'on veut vous dire.
Au sujet de l'article 1003, à la question que vous avez
posée, ce qu'on suggère d'ajouter porte sur la question des
coûts. Je crois que Marc-André pourrait ajouter quelque chose
là-dessus, concernant l'expérience américaine.
M. Filion (Marc-André): Je me rappelle avoir lu un cas, je
crois que c'était pour l'émission de débentures pour la
ville de New-York. Les courtiers en valeur avaient chargé une somme
aussi minime que $0.25 ou $0.50 par certificat, de sorte que la
réclamation totale était d'à peu près $8000 ou $10
000, mais les coûts de signification, par la poste ou par les autres
media s'élevaient à plusieurs dizaines de milliers de dollars. Si
je me rappelle bien c'était autour de $110 000. Je crois que le projet
de loi devrait prévoir ces situations. (21 h 10)
M. Ponton: En fait, on a un cas où on pourrait rencontrer
les conditions, la composition du groupe. En fait, ce serait le recours
collectif par excellence, mais je pense qu'il faut quand même être
pratique et regarder les avantages et les inconvénients dans un cas
comme celui-là. Cela pourrait être un cas où le juge
pourrait dire: Je regrette, mais la compensation demandée, compte tenu
des coûts d'expertise... Je comprends qu'il n'y a pas de petite justice
et de grande justice, il faut que ce soit la même justice pour tout le
monde, mais je pense qu'il ne faut pas se boucher les yeux. Il peut y avoir des
cas où les coûts dépassent largement le montant principal
et cela pourrait être un cas où justement le juge pourrait dire
que ce n'est pas la meilleure procédure dans les circonstances.
Pour ce qui concerne les commentaires du ministre sur la question de la
publicité et des avis, en fait, c'est c'est peut-être ce
qui fait que le détaillant regarde le projet de loi avec des yeux
différents du battage publicitaire qui peut entourer le recours
collectif. Peut-être qu'il n'y aura pas de battage publicitaire,
peut-être qu'il va y en avoir, mais on aime mieux prévenir les
coûts qu'être pris avec le problème après. Je vous
donnais l'exemple de la bière, mais je pourrais donner d'autres
exemples. A un moment donné, on a eu des problèmes dans le
chocolat. Cela peut sembler drôle, n'est-ce pas? Il y avait apparemment
des...
M. Gratton (Pierre): ... en chocolat, à Saint-Hyacinthe,
par exemple. La compagnie est en faillite.
M. Ponton: La publicité est faite autour de cela. Il y a
des tests qui ont été pratiqués par la suite. Cela s'est
révélé que la nouvelle était fausse mais la
compagnie n'était plus là, elle avait complètement perdu
son marché, une autre avait pris la place. Bonjour, c'était fini!
C'est toute cette question de publicité qui fait qu'on estime qu'il
serait bon de prévoir la procédure qu'on vous suggère
jusqu'au moment où la requête est accordée.
En fait, il n'y a pas vraiment de préjudice, sauf que cela va
obliger le requérant à se taire le défendeur aussi,
parce que cela va contre son intérêt pendant une certaine
période jusqu'au moment où le juge va entendre la requête
à fond. Une fois qu'il aura rendu son jugement, c'est certain que
l'interdiction tombera. Cela deviendra un recours collectif devant les
tribunaux. Mais une fois que le juge se sera assuré que,
premièrement... Il y a les conditions 1003, mais, en plus, il y a une
preuve prima facie. C'est sérieux. C'est vraiment le moyen le plus
approprié. C'est seulement cela qu'on recherche, en fait. On ne cherche
pas à pistonner ou à noyauter le recours, absolument pas. C'est
de permettre que le recours soit le moyen par lequel les consommateurs puissent
être indemnisés, tout en leur permettant de courir après
les véritables responsables et fraudeurs, mais tout en protégeant
aussi l'entreprise légitime qui fonctionne ici et qui fait de bonnes
affaires au Québec. C'est dans cette optique, en fait, qu'on a lu le
projet et qu'on vous fait les recommandations d'aujourd'hui.
M. Gratton (Pierre): Vous savez, M. le ministre, quand vous
parlez de tenir compte de la réalité. Dans un magasin comme le
nôtre au centre-ville, vous avez exactement en articles, en constante,
au-delà de 185 000 articles sur les tablettes. Au cours de la nuit, vous
avez un roulement d'au-delà 500 000 articles. Vous vous imaginez
jusqu'à quel point, à un moment donné, on peut se faire
savonner les oreilles facilement. Il vous suffirait de vous asseoir à
mon bureau pendant une semaine et vous comprendriez tout de suite la situation
dans laquelle on se trouve. Si vous voulez un exemple aussi cocasse cela
peut vous détendre un peu je vais vous donner un exemple typique.
Il y a un bonhomme qui, avant Noël, voulait nous poursuivre pour la bonne
et simple raison que le monsieur avait pris ce qu'on peut appeler une
"débarque" en prenant sa douche dans son bain. La raison de sa
poursuite, c'est qu'il nous accusait de lui avoir vendu un rideau de douche pas
suffisamment long pour se mettre le pied pour se garantir et pas assez solide
quand il s'est accroché après pour qu'il ne déchire pas.
Cela va jusque là.
M. Marois: Cela n'aurait sûrement pas donné
ouverture à un recours collectif.
M. Lalonde: "Fashion"...
M. Ponton: Un dernier commentaire sur la question du forum. Je
connais les jugements auxquels le ministre a fait référence,
mais, en toute déférence, au Québec, on n'a pas encore,
sauf quand lavant-projet sur la protection du consommateur sera adopté
avec les articles, parce qu'on établit une responsabilité entre
le commerçant et le manufacturier... C'est la première fois,
parce que, dans notre droit, on n'a pas encore au Québec de loi en
matière de garanties, comme il en existe aux Etats-Unis ou dans les
autres provinces canadiennes.
En vertu de la théorie du lien de droit, le "privity of
contract", on est obligé d'aller contre le détaillant pour,
ensuite, se retourner et aller contr. les deux en même temps, mais un
avocat prendrait de sérieux risques s'il allait uniquement contre le
manufacturier et n'impliquait pas... D'ailleurs, par précaution, les
avocats, automatiquement, vont inclure tous les gens qui ont trempé, de
près ou de loin, dans la transaction et c'est normal pour
sauver les intérêts de leurs clients. Alors, il serait normal que
la personne qui serait innocente puisse avoir des moyens de s'en sortir.
M. Marois: C'est pour cela que j'évoquais l'idée
que l'une de vos recommandations, celle qui concerne l'action garantie, doit
être prise en sérieuse considération. Je pense que vous
avez parfaitement raison.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je vais faire vite pour avoir le temps de passer le
dernier intervenant avant l'ajournement.
J'aimerais quand même remercier le groupe qui est devant nous pour
son mémoire et pour sa présentation. Il y a l'aspect
prévention et je voudrais profiter de vos remarques préliminaires
pour souligner l'aspect prévention d'un tel projet de loi. Il n'y a
aucun doute que, au début, lorsqu'une loi comme celle-là va
entrer en vigueur, il va sûrement y avoir des gens qui vont être
pris un peu par surprise, mais la nature humaine étant ce qu'elle est,
je suis convaincu que ce que le ministre a décrit tantôt de
façon différente va agir dans le sens que les entreprises vont
maintenant savoir qui l'équilibre est rétabli et que la
prévention va faire son chemin. On va peut-être assister à
moins de cas de correction que de prévention. La prévention est
difficile à mesurer, c'est un peu comme la criminalité, il est
assez difficile de déterminer combien de meurtres ne sont pas commis
à cause du fait que, dans le Code criminel, il y a des dispositions qui
en font un acte criminel, mais je pense que cela va produire des effets
bénéfiques qui vont faire en sorte que les gens vont s'adapter
assez facilement.
Concernant la bonne foi que vous avez enlevée dans votre
présentation, pour la remplacer par une preuve prima facie, j'ai, cet
après-midi, eu l'occasion d'en discuter avec le Barreau. Quant à
moi, le critère de bonne foi serait très difficilement
applicable, mais je serais, après lecture des mémoires et avec
l'éducation qu'on a ici , en écou-
tant les gens qui sont impliqués dans l'action, dans le
quotidien, prêt à favoriser, peut-être, un critère
additionnel qui serait soit l'apparence de droit, "the color of right" comme on
le dit en anglais, ou bien la preuve prima facie de bien-fondé. Je
constate que cela est traiter différemment le recours collectif d'un
recours individuel qui pourrait naître de la même source de droit,
mais à cause des effets qui sont différents, on ne peut pas les
oublier et je serais sûrement tenté de considérer
très favorablement une introduction, par le ministre, d'un amendement
dans ce sens.
Votre proposition de mettre cela dans la Loi de la protection du
consommateur m'apparaît irréaliste; je vais vous dire pourquoi.
D'abord, parce que je me souviens quand je suis entré comme
sous-ministre aux institutions financières, en 1972, on m'a
présenté la Loi de la protection du consommateur qui venait
à peine d'entrer en vigueur. J'ai regardé ce qu'il y avait
là-dedans et, réellement, j'ai trouvé que le titre
était un peu prétentieux. On protégeait le consommateur
à l'occasion de certaines transactions, mais, au fond, on ne
protège pas tellement le consommateur. Je sais que révolution des
choses étant ce qu'elle est, on va réussir à
peut-être améliorer la situation, mais c'est réellement
assez limité. Vous avez les vendeurs itinérants, vous avez les
cas des contrats certains contrats seulement ... crédit,
mais, au fond, il y a beaucoup d'autres consommateurs.
Je pense que assujettir le recours collectif au cadre d'une loi de
protection du consommateur serait le limiter beaucoup trop. L'intention que le
législateur a, c'est de donner un moyen aux citoyens, aux consommateurs.
Là-dessus, par exemple, il faut quand même dire qu'il reste que ce
moyen doit être limité à la consommation. On entendait cet
après-midi un exemple qui est un peu farfelu d'un intervenant qui
disait: Si jamais il y a quelqu'un qui est sur le bord de la faillite et que
les créanciers ordinaires se servent du recours collectif pour arriver
aux mêmes fins, je ne vois pas comment un fournisseur de matériaux
ou un fournisseur de services pourrait faire appel; j'espère que cela
n'est pas l'intention du législateur de faire appel à cette
démarche, à cet instru.ment. C'est pour le consommateur et non
pas le fournisseur de services.
Donc, je pense que le choix du ministre du gouvernement de le faire par
amendement au Code de procédure est bon parce que cela s'applique
à toutes sortes de situations, que ce soit couvert par une loi ou un
code de la protection du consommateur ou autrement.
Vous suggérez qu'il y ait un critère additionnel, à
la page 8 de votre mémoire, à savoir qu'il y ait un nombre
suffisant de membres ayant vraisemblablement subi des préjudices, etc.
J'ai trouvé que ce critère existe dans d'autres juridictions,
entre autres aux Etats-Unis et aussi au Canada, dans d'autres provinces. C'est
un critère qui n'est pas là actuellement. Je pense qu'on devrait
l'examiner simplement pour éviter la situation qui pourrait être
corrigée par les articles 59 et 67 où deux, trois, quatre ou cinq
personnes pour- raient simplement s'unir ensemble dans une ac-îion et ne
pas nécessairement recourir au moyen prévu par le projet de loi
qui, de la façon dont je le comprends, est mis à la disposition
des citoyens, du consommateur pour d'autres situations touchant
réellement des catégories de gens beaucoup plus nombreux.
L'appel en garantie: je suis d'accord avec vous et je pense que le
ministre aussi est sensibilisé à ce sujet. Mais quant au
coût pour le défendeur, on a mentionné cet
après-midi la possibilité de mettre à la disposition des
défendeurs des moyens de défense parce que le cas classique du
recours collectif du petit consommateur très nombreux
contre la méchante multinationale, cela va très bien. Mais il y a
aussi d'autres situations possibles où c'est un petit commerçant
avec un grand nombre de consommateurs ou de clients et, à ce
moment-là, je pense que cela n'est pas encourager l'administration de la
justice la plus désirable que de déséquilibrer de l'autre
côté ce qu'on veut équilibrer par ce projet de loi. On va
attendre, en ce qui nous concerne dans l'Opposition, les initiatives du
ministre à ce sujet, mais je pense que nous devrons être positifs
sur cette question.
Je vous remercie de votre présentation.
Le Président (M. Marcoux): Avez-vous des commentaires?
M. Ponton: Oui, j'aimerais ajouter aux propos du
député de Marguerite-Bourgeoys. Il y a un article sur lequel
j'aimerais revenir et c'est sur celui concernant les questions de droits ou de
faits identiques, similaires ou connexes. De la façon dont nous, nous le
comprenons actuellement, si on prend l'exemple de l'auto, on pourrait retrouver
dans un même recours collectif un problème de rouille, un
problème de transmission, un problème de valve, parce que cela
tomberait sous les questions de droits ou de faits identiques, similaires ou
connexes. A ce moment-là, on a nettement l'impression que les
coûts d'expertise dans le cas de litiges seraient plus lourds et il
aurait pas mal plus de difficulté à prendre son envol. (21 h
25)
Avec les questions de droit ou de fait communes, c'est sûr qu'on
restreint, mais on restreint sans écarter le recours collectif. Je pense
qu'on restreint pour permettre deux recours collectif s'il le faut, mais on les
délimite davantage. Je dois revenir là-dessus pour porter les
commentaires qu'on fait à l'article 1003 au paragraphe a) au niveau de
la modification qu'on suggère là-dessus, parce que ni le
député de Marguerite-Bourgeoys ni le ministre n'ont...
M. Lalonde: J'avais pris une note, j'ai oublié de vous le
mentionner. Je voudrais que vous nous donniez des exemples ou peut-être
explicitiez la différence de concept que vous suggérez à
l'égard de ce qui existe actuellement dans le projet de loi. Dans le
projet de loi on dit tout d'abord que le premier concept c'est "identique ". A
ce moment-là, je pense qu'il n'y a aucun problème. Donc,
"identique". "Similaire" c'est beaucoup moins fort et "connexe" cela ouvre la
porte.
M. Ponton: On pourrait enlever "connexe".
M. Lalonde: "Connexe", cela peut être simplement une
relation tout à fait indirecte, mais une certaine relation, tandis que
vous, vous suggérez, comme critère...
M. Ponton: Les questions de droit ou de fait communes.
M. Lalonde:... les questions de droit ou de fait communes. Quelle
est la différence entre "commune", "connexe", "similaire" et
"identique?
M. Ponton: Sur "identiques, similaires ou connexes", je n'ai pas
fait d'étude en jurisprudence pour donner la réponse très
précise, mais ma perception me dit que "identiques, similaires ou
connexes", cela peut être assez vaste tandis que les questions de droit
communes sont les questions qui sont, par définition, plus restreintes.
C'est plus restrictif que le paragraphe a) de l'article 1003 actuellement. Je
reviens à l'exemple de la voiture. "Identiques, similaires ou connexes",
cela peut être le même véhicule, de vendeurs
différents, mais le même manufacturier, avec des problèmes
de rouille, des problèmes de transmission, des problèmes de
moteurs ou que sais-je. Je pense que cela pourrait tout tomber sous
l'expression "identique, similaire ou connexe" parce que c'est toujours le
même objet, c'est un défaut, sauf que ce n'est pas tout à
fait le même défaut qui n'ori-gine pas des mêmes causes.
J'ai l'impression que cela va alourdir le départ, la mise en vol du
recours collectif, tandis que les questions de droit ou de fait communes cela
peut se restreindre à la même voiture, mais ce serait seulement de
la rouille, ou ce serait seulement des problèmes de transmission,
seulement des problèmes de moteur. A ce moment-là, cela
n'écarte pas pour les autres membres du groupe qui auraient des
problèmes qui seraient autrement "identiques, similaires ou connexes" la
possibilité de se grouper pour ceux qui ont des questions communes et
d'avoir leur propre recours collectif à eux. En fait, on permettrait,
premièrement, de réduire l'importance du groupe au départ,
parce que l'intérêt étant plus restreint, donc le groupe,
en principe, devrait être moindre. On permettrait une meilleure
identification des questions en litige, une meilleure identification du groupe
et je pense que le recours collectif y gagnerait.
M. Lalonde: Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): M. le député
de...
M. Fontaine: Je ne sais pas si le ministre a des commentaires
à apporter là-dessus, parce que c'est une remarque importante
qu'on vient de faire. Je l'avais notée, moi, en tout cas...
M. Marois: J'allais...
M. Gratton: Pour les réfrigérateurs, par exemple,
les téléviseurs, vous pouvez avoir une série de
pièces différentes où on peut interpréter qu'elles
sont connexes ou similaires, mais s'il y a un groupe qui part pour la lampe
écran,tous ceux qui ont des problèmes avec le syntonisateur vont
dire: Nous autres on a le même problème on entre dans le
même paquet. Ce serait absolument faux à ce moment-là. Ce
serait connexe, mais ce n'est pas vrai. C'est la même chose avec le
réfrigérateur. C'est le compresseur, c'est la porte à
l'intérieur ou le plastique qui fait défaut, le caoutchouc qui
fait le tour. Ils vont dire c'est connexe, on entre dans le paquet nous.autres
aussi.
M. Lalonde: C'est surtout l'aspect connexe qui ouvre la porte
parce que...
M. Gratton: A n'importe quoi à ce moment-là.
M. Lalonde: La similitude et l'aspect commun peuvent
peut-être se rapprocher. Quant à l'aspect identique, à ce
moment-là, c'est tout à fait serré comme concept.
M. Marois: J'allais vous poser une question en guise de
commentaire, là-dessus. Vous avez pris connaissance du dernier
paragraphe de l'article 1022 qui prévoit que "si les circonstances
l'exigent rattachez cela à l'article 1003, que vous venez
d'évoquer le tribunal peut, en tout temps, et même
d'office, modifier ou scinder le groupe."
Donc, l'approche, au point de départ, était
différente, évidemment, de ne pas ouvrir la porte à
n'importe quoi, n'importe comment, pas du tout, de se laisser une marge de
manoeuvre à l'appréciation du tribunal, quitte en cours de route
à scinder si là il ne s'agit vraiment plus de problèmes...
Il peut en tout temps...
M. Lalonde: Oui. Il reste quand même que c'est seulement
lorsque les conditions énumérées dans les paragraphe a) et
b) de l'article 1003 ne sont plus remplies. Aussi longtemps que vous avez le
critère "connexe", le juge peut dire: C'est connexe, on laisse le
même groupe.
M. Ponton: Je pense que cela alourdirait drôlement le
recours collectif, surtout au niveau de l'expertise comme telle. Il me semble
que cela compliquerait davantage les questions en litige, le déroulement
du procès, tandis qu'avoir une belle cause claire, avec des balises bien
définies, il me semble que cela pourrait aller drôlement
mieux.
M. Lalonde: Je pense qu'il faut prendre vos remarques non pas
comme voulant réduire la portée de la loi, simplement parce qu'un
autre groupe peut se faire à côté pour une question
connexe.
M. Ponton: Exactement.
M. Lalonde: Mais c'est pour clarifier et bien encadrer le
litige.
M. Ponton: Pour, en fait, faciliter son exercice. Je pense que ce
serait important. Je pense que cela mérite qu'on le regarde.
M. Marois: On va le regarder.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je vais tenter de
faire assez vite. J'avais beaucoup de questions à poser à ce
groupe, parce qu'il m'appa-raît qu'ils ont un mémoire passablement
fouillé. Ils ont fait une bonne recherche et ils soulèvent des
questions très importantes. J'avais, d'ailleurs, noté ce
point-là que vous aviez mentionné à la page 7 de votre
mémoire et je voulais soulever la question. On vient d'en discuter
passablement et je pense que le ministre en a pris bonne note pour qu'on puisse
vérifier s'il y a possibilité de le modifier ou s'il y a quelque
chose à modifier de ce côté-là. Je suis
également heureux du fait que vous ayez soulevé le
problème de l'ordonnance de non-publicité et également
celui de l'appel en garantie. Ce sont deux points que l'on a touchés
tout au long de la journée. Avec votre mémoire, je pense que le
ministre a été un peu plus sensibilisé à ces deux
choses-là et il a noté également qu'il était
prêt à examiner ces deux possibilités. Je pense que c'est
important, entre autres pour le commerçant, la question de l'appel en
garantie, parce que c'est toujours lui qui va être poursuivi et le
véritable responsable est effectivement le fabricant. Il serait
intéressant de pouvoir introduire dans le texte de loi le fait de
pouvoir recourir en garantie contre le fabricant. Par exemple, on a un
représentant de Zeller's et une autre compagnie. On n'a pas de
représentant de Dupuis et Frères. On sait qu'on fonctionne
beaucoup, dans ces compagnies, avec des annonces publicitaires à la TV
où on dit: Achetez tel produit. On annonce un produit et on nomme une
série de magasins qui les ont en disponibilité. Si un de ces
produits a un défaut qui permettrait un recours collectif, les magasins
en question pourraient recevoir des poursuites assez considérables,
alors que c'est le fabricant de cet objet qui est le véritable
responsable des dommages causés au consommateur. Je pense que l'appel en
garantie pourrait réellement servir les commerçants..
On parlait tout à l'heure du fait que ce sont surtout les
consommateurs qui vont être touchés par ce projet de loi. C'est
bien sûr, mais j'imagine qu'il pourrait également y avoir certains
commerçants qui pourraient se servir de la loi si, par exemple, des
vendeurs achetaient une série d'appareils. On peut donner l'exemple
d'une compagnie qui vend un aspirateur électrique. Si beaucoup de
vendeurs au Québec achetaient cet appareil pour le revendre et si cet
appareil était défectueux, j'imagine qu'il y aurait
possibilité pour ces vendeurs d'utiliser le recours collectif ou le
recours en garantie collective. Il y a également la question des ventes
pyramidales qui pourrait peut-être être incluse dans le recours
collectif.
Je suis bien sensible aux notions, aux exemples et aux remarques que
vous avez faits dans votre mémoire. Le ministre semble en avoir pris
bonne note. Je voudrais terminer en vous posant une dernière question
qui n'a pas été posée par les autres. A la page 10 de
votre mémoire, concernant l'avis, vous dites: "Dans la mesure où
le tribunal est convaincu que l'avis individuel s'avérerait impossible
dans les circonstances, l'avis devrait être restreint aux media
écrits". Je ne comprends pas tellement pourquoi vous mentionnez les
media écrits alors qu'on sait, actuellement, qu'on est dans l'ère
électronique. Il y aurait peut-être plus de possibilités de
ce côté ou conjointement, mais je ne vois pas pourquoi vous vous
restreignez aux media écrits. Est-ce que vous pourriez me donner des
explications là-dessus?
M. Ponton: En fait, on demande de le restreindre aux media
écrits simplement pour une raison de perception, non pas parce que les
média électroniques ne permettent pas de rejoindre les gens, mais
parce que, souvent, les media électroniques ne sont pas susceptibles,
comme tels, de contrôler l'attention pendant toute la période du
message où on donnerait l'histoire complète de tout ce qui se
passe.
Quelqu'un peut simplement capter une partie du message et, à ce
moment-là, avoir une idée en tête qui est
complètement contraire à la situation réelle. Les media
écrits, nous pensons, permettant de rejoindre beaucoup de gens, en plus
des autres modes de signification et, en plus, permettent de prendre
connaissance du message complet, intégral, de façon à
éviter toute équivoque. Encore une fois, c'est Je souci que la
publicité, le battage ne devienne pas un instrument au moyen duquel le
défendeur soit un peu condamné, avant même qu'il ait eu la
chance de plaider et de gagner sa cause.
On pense qu'on devrait essayer de restreindre les effets que cette
publicité est susceptible de causer au défendeur.
M. Gratton (Pierre): II y a aussi le point de la permanence du
message. Les gens ne peuvent pas tous enregistrer un message à la
télévision ou à la radio, tandis qu'ils peuvent conserver
le journal et le lire plus tard ou le lendemain. Alors, ce n'est pas facile
à faire avec...
M. Fontaine: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie le Conseil canadien
du commerce de détail de la présentation de son mémoire.
J'inviterais maintenant l'Ordre des comptables agréés du
Québec à s'approcher pour nous présenter son
mémoire.
M. Ponton: Merci, messieurs.
Ordres des comptables agréés du
Québec
Le Président (M. Marcoux): II reste très peu de
temps; pour nous permettre de profiter au maximum de votre présence, je
vous proposerais la chose suivante, c'est de verser votre mémoire au
complet au journal des Débats, c'est-à-dire que votre
mémoire tel que présenté serait inscrit au
journal des Débats. Vous prendriez environ cinq minutes pour nous
résumer les éléments essentiels de votre mémoire et
nous passerions immédiatement, ensuite, à la période de
questions.
Je ne sais pas si cette procédure pourrait vous convenir.
M. Morcel (Raymond): D'accord.
Le Président (M. Marcoux): Alors, il y a consentement pour
verser au journal des Débats le mémoire de l'Ordre des comptables
agréés du Québec, tel qu'il a été
déposé.
M. Lalonde: Oui, mais, M. le Président, je ne voudrais
quand même pas que les invités se sentent pressés par le
temps. Il ne reste qu'une vingtaine de minutes avant l'ajournement de nos
travaux; si les invités préfèrent continuer demain, c'est
à leur guise.
Le Président (M. Marcoux): C'est parce qu'on m'informe
qu'ils viennent tous de Montréal. Est-ce que vous accepteriez de venir
demain matin poursuivre votre témoignage, la présentation de
votre mémoire?
M. Morcel: S'il plaisait à la commission de nous entendre
de préférence demain matin, nous sommes à votre
disposition, effectivement.
Le Président (M. Marcoux): A ce moment-là, on va
procéder normalement. Prenez une vingtaine de minutes pour nous
présenter votre mémoire et nous procéderons à la
période de questions demain matin.
M. Clair: Toujours suivant la volonté des invités,
M. le Président, je pense bien...
M. Lalonde: Si vous prélevez... M. Clair: ... c'est
à leur préférence.
Le Président (M. Marcoux): C'est parce que, de toute
façon, il faut ajourner nos travaux à 22 heures. Si vous acceptez
de revenir demain matin.
(21 h 40)
M. Morcel: Vu les contraintes des uns et des autres, on va
essayer d'aller rapidement. Notre mémoire est déjà devant
la commission. A la lumière de certaines choses que nous avons entendues
aujourd'hui, des éclaircissements, nous aurions peut-être
modifié certains mots, mais je pense que ce n'est pas grave à ce
point. Nousallons procéder le plus rapidement possible.
Je vais m'identifier: Raymond Morcel, membre du comité
administratif et vice-président de l'Ordre des comptables
agréés du Québec; à mon extrême droite, M.
Roland Truchon, membre du bureau de l'ordre et du comité de
l'enseignement de l'ordre; M. Paul Noiseux, membre du bureau de l'ordre et
membre du comité de l'inspection professionnelle; à ma gauche
immédiate, M. Jean Lanctôt, membre et président du
comité sur les institutions financières de l'ordre; M.
André Desrochers, directeur administratif adjoint.
L'ordre tient d'abord à vous exprimer sa plus vive gratitude pour
le privilège que vous lui avez accordé, soit de pouvoir venir
aujourd'hui vous exposer de vive voix ses préoccupations face au projet
de loi sur le recours collectif.
Toujours dans l'intérêt du temps, M. le Président,
je passe outre à un certain nombre de notes que vous allez retrouver en
annexe à notre mémoire et qui permettraient, à toutes fins
utiles, de mieux situer l'importance de l'ordre et du rôle qu'exercent
ses membres.
J'enchaîne immédiatement pour vous dire que l'Ordre des
comptables agréés du Québec pose, au départ, que
l'adoption d'une loi sur le recours collectif lui paraît souhaitable en
raison des bienfaits sociaux qu'elle pourrait comporter. Le projet de loi
prévoit effectivement une nouvelle procédure civile qui, en
certaines circonstances, permettrait à certains citoyens
lésés et démunis d'obtenir justice. Une telle loi pourrait
aussi, par la réglementation qu'elle imposerait, contribuer à
prévenir certains abus dont se plaignent les consommateurs.
J'aimerais ajouter comme vous l'avez constaté d'ailleurs
que nous n'avons pas de juriste parmi nous et j'ajouterais que nous
n'avons pas non plus soumis notre mémoire à l'examen des
conseillers juridiques de notre ordre. Vous avez devant vous des comptables
agréés qui, modestement, ont examiné ce projet de loi dans
un effort de collaboration parce qu'ils ont certaines préoccupations que
ce projet de loi a suscitées dans leur esprit.
Je demande immédiatement au président de notre
comité sur les institutions financières qui a oeuvré le
plus intimement dans la confection de ce mémoire, M. Jean Lanctôt,
de vous livrer nos propos.
M. Lanctôt (Jean): M. le Président, je pense que
quelques remarques s'imposent quant au rôle de l'expert-comptabie, avant
de comprendre un peu le sens de nos préoccupations.
Notre rôle, dans la majorité des cas, est d'exprimer une
opinion professionnelle sur la véracité des états
financiers. La première responsabilité quant à la
véracité des états financiers incombe, il va sans dire,
à la direction de l'entreprise. Nous sommes nommés par les
bâilleurs de fonds, dans la plupart des cas, pour attester de cette
véracité. Nous ne certifions absolument rien en ce qui concerne
l'exactitude rigoureuse, mathématique des chiffres qui paraissent et
même s'ils présentent un certain équilibre entre l'actif,
le passif et l'avoir des actionnaires, comme on se plaît à le
souligner, cet équilibre n'est pas garant d'une exactitude à 100%
des divers postes qui sont présentés.
L'opinion des vérificateurs, des experts-comptables sur la
véracité des états financiers, c'est une opinion sur
l'ensemble des états financiers, conformément aux normes de notre
profession, qui sont de plus en plus reconnues par le
législateur, même pour ce qui concerne le commerce des
valeurs mobilières.
L'opinion est également donnée en postulant la permanence
de l'entreprise. C'est donc dire que là où les dangers quant
à la survivance de l'entreprise se présentent, l'opinion ne peut
pas être donnée de la même façon. C'est un postulat
très important.
L'opinion d'ensemble s'exprime en regard de ce que nous croyons
important. Dans l'appréciation que nous faisons de la situation
financière des états d'une entreprise, évidemment, il se
glisse énormément d'appréciations subjectives et de
jugements professionnels, si bien que nous ne sommes pas en présence
d'une science exacte, nous sommes en présence, si vous voulez, de
l'exercice d'un jugement professionnel qui porte sur des faits qui peuvent
être corroborés et d'autres qui sont des appréciations
subjectives.
Cette responsabilité de l'expert-comptable existe donc non
seulement envers ses commettants, mais, dans la plupart des cas, envers
d'autres investisseurs de l'entreprise. Souvent, l'opinion de
l'expert-comptable pourra être utilisée, même à son
insu, par d'autres personnes. C'est dans ce sens que la responsabilité
professionnelle et légale de l'expert-comptable dépasse largement
la responsabilité qui lui incombe envers les commettants, ceux qui lui
ont confié le mandat.
C'est pourquoi nous nous sommes préoccupés des
méfaits possibles d'un élargissement de la responsabilité
de l'expert-comptable, en vertu du projet de loi prévoyant le recours
collectif, tout en reconnaissant le bien-fondé, comme M. Morcel vous le
laissait entendre, de cette démarche du législateur.
Nous croyons que, dans bien des cas, nous pourrions être les
seules personnes solvables à être poursuivies, à la suite
d'une déconfiture ou d'une faillite cela signifie dans le
passé même si, encore une fois, nous rappelons que nous ne
sommes pas les gens qui, a priori, ont la première responsabilité
quant à la préparation exacte des états financiers. C'est
pour cette raison fondamentale que nous nous sommes préoccupés
des conséquences que pourrait avoir cette loi sur nos membres.
Parmi les conséquences, nous en avons
énuméré quelques-unes, au chapitre V de notre
mémoire, quant aux coûts. J'aimerais souligner que ces coûts
découlent largement des primes d'assurance professionnelle qui,
évidemment, doivent être défrayées pour nous
protéger contre toutes sortes de recours et non pas seulement les
recours collectifs, primes évidemment qui ont augmenté beaucoup
ces dernières années.
Dans certains cas, on redoute qu'il soit difficile d'obtenir cette
protection; nous redoutons également que s'il y avait trop de litiges en
cette matière, l'approche de la vérification pourrait être
changée et que nous soyons portés à effectuer plus de
travaux que, dans le cadre normal de notre ordre présentement, nous
n'effectuerions pas. Nous craignons également qu'une conséquence
possible pourrait être une baisse de concurrence et une baisse de
fiabilité dans les états financiers qui pourraient être
préparés s'ils étaient préparés dans une
perspective différente de cette qui prévaut
présentement.
Nous concluons que, dans certains cas, nos membres pourraient avoir une
certaine réticence à aborder des travaux particuliers, soit dans
le cas d'entreprises marginales, soit dans le cas d'entreprises qui sont en
difficulté, soit dans le cas de l'attestation de la
véracité des états financiers intérimaires, soit
dans le cas de l'inclusion de prévisions budgétaires dans les
prospectus d'émission de valeurs mobilières.
Nous croyons que nous devions vous mentionner ces points, car nous ne
désirons pas échapper à nos responsabilités, mais
nous croyons que, dans le contexte actuel, on pourrait justifier un
plafonnement de la responsabilité des experts comptables, en vertu de ce
projet de loi prévoyant le recours collectif, que cette chose
s'étudie présentement, si elle n'existe déjà, aux
Etats-Unis, en Allemagne et que même les autres pays de la
Communauté européenne s'apprêtent à limiter cette
responsabilité des vérificateurs dans le cas d'un mandat.
Quant à d'autres aspects de la législation qui peuvent
être plus généraux, nous nous sommes interrogés,
à l'instar des autres qui ont comparu aujourd'hui, au sujet de l'article
1003; nous avons eu sensiblement les mêmes réactions, dans le sens
que nous aurions aimé que l'article 1003 prévoie un autre
critère, soit d'apparence de droit, soit de preuve prima facie. Nous
nous sommes également penchés sur le fonds d'aide, nous en avons
reconnu le bien-fondé; cependant, nous aurions aimé que toutes
les parties soient traitées de la même façon, dans le sens
que si des demandeurs reçoivent une aide de fonds et n'ont pas gain de
cause, nous croyons que les défendeurs devraient voir leurs frais
remboursés par le fonds d'aide.
M. Lanctôt: Nous nous sommes également
interrogés sur les possibilités que les dommages ne soient pas
strictement compensatoires, mais qu'ils puissent déborder cette limite
et devenir punitifs à l'instar de ce qui est reconnu et connu aux
Etats-Unis. Sans doute, j'ai passé très brièvement sur la
plupart des aspects de notre mémoire, mais je croyais que, dans le peu
de temps que nous avions à notre disposition, il était
préférable de procéder de cette façon.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de votre
collaboration. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier l'Ordre
des comptables de son mémoire et vous me permettrez, étant
donné l'heure d'aller tout de suite à un certain nombre de
choses: deux points en particulier. A la page 20 de votre mémoire...
Le Président (M. Marcoux): Je vais vous interrompre tout
de suite, M. le ministre, parce que
nous sommes appelés pour aller voter à l'Assemblée
nationale. Avant de partir pour aller voter, je pense qu'il faut prendre une
décision tout de suite, à savoir si nous revenons pour quelques
minutes, un quart d'heure ou 20 minutes ou si nous demandons une autre fois
à nos invités de revenir demain matin.
M. Lalonde: Si je peux offrir une suggestion. J'ai lu le
mémoire. Je retiens une chose, par exemple, que vous suggérez;
que ce soit simplement la partie à un acte, à une convention
civile et qui ait accès au recours collectif et non pas à un acte
commercial. Vous avez d'autres suggestions; je n'ai pas d'autres questions
à vous poser, si cela peut aider les travaux de la commission.
Le Président (M. Marcoux): En ce qui concerne le
ministre?
M. Lacoste: On a une couple de minutes avant le vote.
Le Président (M. Marcoux): Vous savez très bien
qu'on ne peut entrer à l'Assemblée nationale une fois que le vote
est appelé.
M. Lalonde: On a cinq minutes.
M. Marois: D'accord on a cinq minutes. Très rapidement. Je
crois que tout au long de votre mémoire, il y a une préoccupation
de fonds qui concerne la question de votre responsabilité; au fond,
c'est cela. Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys met le
doigt dessus aussi; cela ressort clairement. J'aurais une question. Au bas de
la page 20, vous dites; Est-ce que le recours collectif enfin devrait se
limiter à dicter la procédure à suivre pour intenter une
action devant les tribunaux, ne devrait pas servir de support à des
modifications implicites directes et fondamentales du Code civil? On a eu
l'occasion d'en discuter assez longuement; je crois qu'à ce sujet je
tiens à vous rassurer, à vous redire qu'il s'agit d'une
procédure qu'on introduit dans le droit. Il ne s'agit vraiment pas, mais
vraiment pas de modifier les règles du droit substantif; cela ne change
pas le Code civil; cela ne change pas les lois qui existent de la protection du
consommateur ou quelque autre loi qui accorde des droits, reconnaissance des
obligations, accorde des droits à l'un ou l'autre des groupes de
citoyens, personnes morales et physiques de notre société. (21 h
55)
Donc, sur ce plan, je pense que je comprends très bien votre
préoccupation. Laissez-moi vous dire que, fondamentalement, cela ne
change pas ces règles de fond. Donc, partant de cela, parce que cela
revient et cela paraît clairement déjà au point de
départ de votre mémoire, vous craignez ce que vous appelez
l'élargissement des droits des citoyens. Encore une fois, si on se
comprend bien, il ne s'agit aucunement de l'élargissement des droits
substantifs, donc cela ne donnera pas plus de droits, cela va donner des
moyens, des outils, de la procédure permettant à des qens
d'obtenir justice, de faire valoir ces droits.
En ce sens, je vois mal je comprends, par ailleurs, très
bien et vous avez parfaitement raison d'attirer notre attention
là-dessus, soyez assurés qu'on va en tenir compte, mais je
vois mal en quoi pourrait être justifiée une crainte d'un
élargissement de votre responsabilité professionnelle. En
d'autres termes, cela n'a aucunement pour effet, soyez assurés de cela
mais de toute façon on prend note du contenu de votre
mémoire, on va le regarder à la loupe mais à
première vue et même après l'avoir quand même
travaillé passablement longtemps, cela n'a pas pour effet
d'élargir votre responsabilité professionnelle. En d'autres
termes, votre responsabilité professionnelle demeure ce qu'elle est dans
l'état actuel du droit substantif, comme tel. Cela c'est la remarque que
je voulais faire, au point de départ.
Le Président (M. Marcoux): Vous allez m'excuser et je vais
excuser tous les membres de la commission. Je voulais simplement indiquer aux
membres de la commission que demain nous entendrons les mémoires 2, 9 et
1. Donc les mémoires 2, 9 et 1.
M. Laionde: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Marcoux): On s'excuse de ce départ
un peu cavalier...
M. Morcel: Nous comprenons.
Le Président (M. Marcoux): ... mais vous pouvez être
assurés que tous les membres de la commission apporteront toute
l'attention nécessaire à votre mémoire. On vous remercie
d'être venus le présenter.
Alors, la commission ajourne ses travaux à demain 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 58)