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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mardi 7 mars 1978 - Vol. 20 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des mémoires sur le projet de loi no 39 - Loi sur le recours collectif


Journal des débats

 

Audition des mémoires

sur le projet de loi no 39

Loi sur le recours collectif

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Marcoux): La commission permanente de la justice est réunie pour entendre les mémoires concernant le projet de loi no 39, Loi sur le recours collectif. Les membres de la commission sont: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi) remplacé par M. Marois (Laporte); M. Blank (Saint-Louis) remplacé par M. Pagé (Portneuf); M. Charbonneau (Verchères), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda), M.Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Roy (Beauce-Sud), M. Tardif (Crémazie).

M. Clair (Drummond) va remplacer M. Vaillancourt (Jonquière).

M. Chevrette: Je viens de le croiser.

Le Président (M. Marcoux): Tu vas remplacer d'abord M. Lacoste (Sainte-Anne). Alors, M. Clair (Drummond) va remplacer M. Lacoste (Sainte-Anne).

Aujourd'hui, nous entendrons les mémoires des organismes suivants: l'Association des consommateurs du Canada, le Barreau du Québec, l'Association des banquiers, l'Institut de la publicité canadienne, le Conseil canadien du commerce de détail, l'Ordre des comptables agréés du Québec.

M. Chevrette: Est-ce qu'on peut s'arranger avec un consentement de la vaste population?

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Lalonde: M. le Président, je vous donne mon consentement d'avance pour remplacer qui vous voudrez au cours de la séance. Il n'y a aucun problème.

M. Chevrette: Bien aimable.

M. Clair: M. le Président, j'aimerais simplement vous indiquer que je souhaite participer toute la journée aux travaux de cette commission; en conséquence, je ne voudrais pas non plus qu'à un moment donné, quelqu'un me remplace. Je veux bien remplacer n'importe qui, mais je ne voudrais pas être remplacé.

Le Président (M. Marcoux): II y a des problèmes de coordination du côté ministériel ce matin. Est-ce que vous êtes d'accord pour remplacer le député M. Charbonneau de Verchères?

M. Clair: Je l'ai rencontré dans le corridor, il s'en venait en grande hâte.

Le Président (M. Marcoux): II y a un surplus de main-d'oeuvre du côté ministériel ce matin. Si vous êtes d'accord pour remplacer M. Samson...

M. Lalonde: La seule chose qu'on a à faire, c'est de suggérer à un député ministériel de s'en venir avec l'Opposition. Pour une journée, on pourrait l'endurer.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous désirez remplacer le député de Rouyn-Noranda?

M. Chevrette: Je peux m'en aller; ne vous en faites pas. J'ai beaucoup de travail.

M. Lalonde: ... à la commission, qu'ils s'assoient avec nous et qu'ils interveinnent. On vous donne notre consentement d'avance.

M. Fontaine: Si vous pouvez...

M. Chevrette: Ne commence pas à mettre la bagarre; ne commence pas à être...

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

Exposé préliminaire du ministre

M. Pierre Marois

M. Marois: M. le Président, quelques très brèves remarques parce que ma conception de ce genre de travaux en commission parlementaire, c'est que, dans la mesure où — comme c'est le cas pour le projet de loi 39 — nous avons à entendre quatorze mémoires, à tout le moins, en partant, et quatorze mémoires qui nous sont soumis par plus de 20 groupes, 21 groupes effectivement, je pense qu'on doit consacrer l'essentiel du temps d'une commission comme celle-là à échanger au maximum avec les parties. Je sais que bon nombre d'entre elles ont travaillé très fort et ont travaillé très fort même pendant plusieurs années sur cette idée du recours collectif à introduire dans notre droit. Les mémoires, à une première lecture, et même à une lecture attentive, nous indiquent que plusieurs groupes y ont réfléchi beaucoup et ont des points de vue et des suggestions à nous faire valoir.

Je suis content de constater, je suis satisfait de constater, au point de départ, que, pour l'essentiel des groupes, il y a au moins une espèce de consensus de démarrage sur ce premier principe qui est à tout le moins l'idée que c'est fondamental d'accepter et de reconnaître la nécessité et aussi en même temps l'urgence dans une certaine mesure d'introduire dans notre procédure une procédure comme celle du recours collectif. Aussi, de constater que bon nombre des groupes appuient même l'essentiel du projet de loi tout en

nous soumettant un certain nombre d'amendements, pour les uns techniques, pour d'autres portant sur des modalités et, dans un certain nombre de cas, portant sur des amendements touchant un certain nombre de questions de fond.

Je voudrais dire aussi, au début des travaux de cette commission, que je l'aborde dans le même esprit que celui qui existait lorsqu'on a abordé les travaux sur le projet de loi 24 qui concernait toute la question de la protection de la jeunesse, c'est-à-dire avec beaucoup d'ouverture d'esprit et je me permets de souhaiter que nos travaux, aussi bien quant à nos attitudes et nos comportements à nous, les parlementaires, membres de cette commission, soient marqués au coin de la franchise, que nous apportions l'attention la plus grande aux suggestions qui nous seront faites par les différents groupes.

Puisque j'ai déjà pu vivre et constater de façon tangible qu'il était possible à des parlementaires, en certaines occasions — hélas, peut-être pas aussi fréquentes qu'on devrait pouvoir le souhaiter comme citoyens—quand il s'agit de choses qui sont fondamentales, qui touchent l'essentiel des citoyens d'une collectivité, d'être capables de placer nos débats au-dessus de quelque forme que ce soit de partisanerie, en ayant comme objectif essentiel de tout faire ce qui est humainement possible, dans le cadre des marges de manoeuvre qu'on a en vertu des lois existantes pour bonifier au maximum un tel projet de loi et faire en sorte qu'une fois introduit dans notre procédure civile, l'exercice du recours collectif puisse se faire avec le maximum de sens de justice et d'équité pour toutes les parties.

Quand je dis toutes les parties, je veux aussi bien dire les citoyens qui seront les demandeurs que ceux qui seront appelés à être éventuellement dans l'exercice de telles actions des défendeurs. Je terminerai en disant: Parfois, on ne sait jamais ce qui nous pend au bout du nez quand... Il y a une dizaine d'années, avec d'autres — pas seul — j'ai commencé à travailler sur le dossier du recours collectif, à examiner ce que nos voisins américains, ce que nos voisins d'autres provinces canadiennes avaient fait dans ce domaine. Je ne pensais jamais que je serais appelé, un jour, à piloter le projet de loi qui permettrait, vraisemblablement, une fois pour toutes, de l'introduire dans notre procédure civile.

M. le Président, ce sont les quelques remarques, commentaires de démarrage que j'avais à faire et je souhaite qu'on puisse, dans les meilleurs délais, commencer l'audition des différents groupes.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Remarques de l'Opposition M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: Seulement quelques remarques aussi pour aborder le plus tôt possible l'audition des mémoires.

Au nom de l'Opposition officielle, nous voyons avec beaucoup de satisfaction l'introduction de ce projet de loi no 39 sur le recours collectif. C'est un projet de loi qui a un caractère social, qui est destiné à rétablir un certain équilibre entre le citoyen isolé et les entreprises et surtout celles qui ont le caractère de gigantisme que l'on connaît dans notre société.

Ce projet de loi va mettre au service du citoyen un outil qui est propre à éliminer, justement, le déséquilibre qui existe entre le consommateur et le producteur, de temps à autre. La procédure doit s'adapter, naturellement, et prévoir des recours qui soient capables de rendre la justice accessible à tous. Nous accueillons ce projet de loi avec d'autant plus de satisfaction qu'il s'inscrit dans les réformes qui ont été apportées depuis quelques années en ce qui concerne l'accès à la justice. L'aide juridique a permis à de nombreux citoyens, qui autrement n'auraient pu faire valoir leurs droits, de les faire valoir. Maintenant, il est bon que l'on étende cette aide juridique aux cas où le citoyen isolé, même avec l'aide juridique, même avec les moyens actuels, n'est pas en mesure de faire valoir ses droits.

La Cour des petites créances, par exemple, a aussi été une démarche qui a permis aux citoyens de faire valoir des droits qui, autrement, auraient eu un caractère de précarité. Il est bon maintenant qu'on étende davantage l'accès à la justice par une démarche qui n'a rien de très — le ministre le reconnaîtra, d'ailleurs il l'a dit lui-même dans son communiqué d'introduction de la loi — qui n'a rien de très nouveau, démarche que l'on retrouve dans d'autres juridictions, sur d'autres territoires, mais qui, sûrement, va venir compléter ici nos outils d'accès à la justice.

Naturellement nous avons aussi quelques réserves. Nous avons examiné les mémoires et nous allons, dans un esprit de collaboration très positif, comme toujours dans l'Opposition, mais plus particulièrement dans ce cas-ci... Le ministre rappelait à bon droit, je pense, le débat sur le projet de loi 24 auquel je n'ai pas eu le bonheur de participer, mais qui, m'a-t-on dit, s'est déroulé dans l'atmosphère la plus cordiale. Donc, c'est dans un esprit de collaboration que nous allons tenter, avec le gouvernement, de bonifier cette loi. J'accueille aussi avec beaucoup de satisfaction l'ouverture d'esprit du ministre, ce matin, qui nous dit qu'il est prêt à examiner toute mesure, toute suggestion valable, positive et je vous assure que lorsqu'un ministre commence les séances d'étude d'un projet de loi de cette façon-là, c'est de nature à provoquer, chez les membres de l'Opposition, des désirs toujours latents de collaboration. Je souhaite en même temps la bienvenue à tous ceux qui s'adresseront à nous.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais également, à mon tour, au nom de l'Opposi-

tion de l'Union Nationale, souhaiter la bienvenue à tous nos invités de ce matin. Je sais, pour avoir regardé une bonne partie des mémoires, qu'ils ont travaillé avec acharnement et c'est également avec satisfaction, ce matin, que nous nous présentons devant cette commission parlementaire pour étudier le projet de loi no 39 sur le recours collectif.

Nous sommes devant un projet de loi qui, au niveau des principes, je pense, ne suscite pas beaucoup d'opposition, et pour cause, parce qu'il était attendu depuis plusieurs années. Ce projet de loi facilite, comme on l'a dit tout à l'heure, l'accessibilité à la justice de la part des citoyens, souvent les plus défavorisés.

Le recours collectif constitue pour les citoyens un moyen additionnel d'obtenir justice lorsqu'un groupe d'entre eux a subi un préjudice difficilement redressable par d'autres moyens. Nous en reconnaissons le bien-fondé. Il s'agit, bien sûr, d'une mesure de justice sociale qui s'impose dans notre société actuelle de consommation.

Que le recours collectif comporte des bienfaits sociaux, il faudrait être aveugle pour l'ignorer. Cette vérité élémentaire ne doit pas nous faire perdre de vue, d'abord et avant tout, que le recours collectif est un outil juridique, un moyen de procédure. A preuve, c'est que le recours collectif va devenir un nouveau titre dans notre Code de procédure civile. Par conséquent, nous devons, nous tous, tant de l'Opposition que du gouvernement, tous les membres de cette commission, être vigilants et faire preuve de prudence afin d'éviter certains abus qui pourraient se glisser dans ces mécanismes, de manière à protéger les droits des parties en cause et à établir un équilibre de justice, un équilibre des forces en présence, soit l'équilibre, bien souvent, entre le consommateur et les commerçants ou les fabricants.

Voilà le souci qui est le nôtre durant les travaux de cette commission parlementaire. L'Union Nationale veut faire en sorte que le projet de loi no 39 soit non seulement perçu, mais qu'il soit aussi, dans les faits, une réforme positive et juste pour tout le monde. Les divers mémoires qui nous seront présentés cette semaine nous permettront justement de nous rendre compte de l'importance, pour nous, à titre de législateurs, d'avoir constamment à l'esprit ce souci d'équilibre entre les droits du demandeur et les droits du défendeur.

Nous savons également que ces droits, tant du demandeur que du défendeur, peuvent nécessairement avoir des conséquences assez importantes au niveau économique. Par exemple, si on permet une trop grande flexibilité dans le système, il pourrait y avoir des recours vexatoires, frivoles, même des recours revanchards contre des commerçants. (10 h 25)

II faudrait nécessairement que les députés qui sont membres de cette commission puissent agir de façon que tout le monde puisse recevoir le plus de justice possible, surtout dans l'octroi des requêtes préliminaires.

C'est ainsi — et j'en suis fort heureux — que nous aurons l'occasion de débattre des points fort controversés, qui peuvent apparaître techniques à certains, mais dont les conséquences sur le principe du recours collectif sont extrêmement importantes; exemple: le recours collectif à connotation punitive contre le recours collectif compensatoire ou la théorie de "l'opting in" et de "l'opting out", le recouvrement collectif contre le recouvrement individuel.

Ce sont tous des points qui exigent une attention particulière de notre part et que nous ne devrons pas escamoter en vue de sauver du temps. Nous sommes vraiment à la première étape de l'étude de ce projet de loi et j'aimerais bien que nous ayons une discussion franche et complète, comme l'a dit le ministre tout à l'heure.

Je suis également heureux de voir, comme l'a mentionné le ministre, qu'il arrive à cette commission avec une grande ouverture d'esprit. Probablement qu'il finira par nous suggérer un certain nombre d'amendements, car la discussion ne portera pas sur le principe du recours collectif mais bien sur les mécanismes prévus pour sa mise en place et son bon fonctionnement.

M. le Président, l'Opposition de l'Union Nationale est prête à entendre les mémoires et à discuter franchement de l'étude de ce projet de loi.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, M. le Président. Quelques brèves remarques dès l'ouverture de cette séance de commission parlementaire. Comme mes collègues, j'ai pu noter, avec beaucoup de satisfaction, l'ouverture d'esprit du ministre. J'espère que cette ouverture d'esprit pourra se traduire dans d'autres commissions parlementaires. Je ne veux pas faire de parallèle avec des lois que nous avons discutées avant les Fêtes.

Permettre aux citoyens de se regrouper, de se structurer, au point de devenir une force respectable, pourvue de moyens d'action efficaces lui permettant d'obtenir justice est un principe auquel nous souscrivons. L'introduction d'une mesure comme celle du recours collectif est une innovation d'importance pour le Québec. Cette importance n'est pas seulement la conséquence de l'aspect nouveauté de ce droit, mais découle aussi du fait que ce droit existe déjà dans d'autres pays et dans les autres provinces canadiennes. Il nous importe que la mise en place du recours collectif chez nous soit meilleure et bien adaptée aux besoins réels de notre population.

C'est donc dans cette optique que nous devons aborder aujourd'hui l'étude de cette loi car, ne l'oublions pas, notre premier devoir est de faire de cette loi une réponse adéquate aux besoins et aspirations de tous les Québécois.

Cet objectif ne sera cependant atteint que si, tous ensemble, législateurs et intervenants, nous conjuguons nos efforts dans un dialogue franc et honnête. Cette démarche est essentielle et c'est dans cet esprit que doit se dérouler l'audition des mémoires sur ce projet de loi.

Nous sommes cependant conscients qu'un tel projet de recours collectif ne peut s'établir sans créer quelques difficultés. Je pense que le ministre l'a mentionné tout à l'heure et mes collègues de l'Opposition également. Tout projet nouveau a sa somme d'interrogations et d'ajustements. Ceci est d'autant plus vrai que, dans le cas présent, pour le Québec, le droit de recours collectif est ce que l'on peut appeler du droit nouveau. En ce sens, cela nous invite à la prudence. Cette prudence doit se manifester surtout à l'intérieur des trois grands titres portant sur la modification du Code de procédure civile: la création d'un Fonds d'aide et les dispositions modifiant le Code civil et la Loi de l'aide juridique; d'ailleurs, c'est surtout à certains de ces points particuliers que la majorité des mémoires fait référence car, sur le principe en tant que tel, tous nous sommes d'accord pour l'introduction du recours collectif.

Il faudra donc nous attarder sur les mesures qui découlent de ce grand principe. Parmi les éléments sur lesquels nous devrons porter une attention toute spéciale, il y a, entre autres, cette nécessité que devront avoir les défenseurs de pouvoir se défendre adéquatement, d'éviter que la nouvelle loi entraîne des coûts trop élevés de publicité, d'éviter le plus possible des abus, de faire en sorte que chacune des parties soit également favorisée et cela, dans le plus grand respect de la justice.

Une loi comme celle du recours collectif doit permettre à toutes les parties, quelles qu'elles soient, d'avoir toutes les facilités possibles pour s'organiser afin de défendre équitablement leurs droits respectifs. Ce n'est que de cette façon que nous favorisons une meilleure application des lois et ce, dans l'intérêt de la justice, du Québec et des Québécois. Ce qu'il nous faut éviter, c'est que le projet de loi sur le recours collectif devienne un symbole d'affrontement alors qu'il doit être, pour chacune des parties, pour chacun de nous, un symbole de justice. Sur ce point, j'insiste d'une façon bien particulière.

Nous nous devons donc de faire en sorte que ce projet et les amendements qui nécessairement devront y être apportés soient réellement le reflet de ce symbole de justice.

M. le Président, avec mes collègues de l'Opposition, mes collègues du gouvernement, je veux collaborer le plus étroitement possible pour que ce projet de loi réponde aux objectifs fixés. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): A ce moment-ci de nos travaux, normalement, les membres de la commission s'entendent sur une façon de procéder pour l'audition des mémoires. Y a-t-il une proposition qui pourrait...

M. Clair: M. le Président, avant que vous appeliez l'Association des consommateurs du Canada pour présenter le premier mémoire, j'aimerais vous faire part du fait que j'ai eu le privilège de discuter avec nos amis de l'Opposition de la répartition du temps entre les différents intervenants qui sont prévus pour aujourd'hui. On sait qu'il y a six mémoires de prévus pour aujourd'hui et qu'on peut prévoir environ six heures de travail.

En conséquence, je pense que nos collègues de l'Opposition et nous, du Parti ministériel, accepterions que, comme à l'accoutumée, une vingtaine de minutes soient réservées à chacun des groupes pour la présentation du mémoire et qu'une quarantaine de minutes soient réservées à la discussion avec les gens qui viennent nous présenter des mémoires. J'aimerais également vous souligner le fait qu'il nous apparaît effectivement important, du côté ministériel, qu'une discussion franche et complète ait lieu sur le projet de loi 39. Cependant, j'aimerais qu'on s'entende bien pour ne pas oublier qu'il y aura une étude, article par article, en deuxième lecture et qu'on doit privilégier autant que faire se peut la discussion avec nos invités. Dans ce sens, je pense bien que, comme à l'accoutumée, on pourrait s'entendre pour mettre à la disposition des gens qui viennent, de nos invités, une vingtaine de minutes pour chaque mémoire et autant que faire se peut se limiter à environ une heure par mémoire, si on veut donner une répartition équitable du temps.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous proposez également une répartition des quarante minutes entre les partis?

M. Clair: Je pense qu'à ce niveau, étant donné que le projet de loi 24 avait bien fonctionné sans qu'il n'y ait d'entente formelle sur la répartition du temps entre les partis, nous comptons, de notre côté, sur votre esprit de justice pour répartir équitablement le temps entre les partis. Cependant nous ne nous opposerions pas à une proposition qui nous apparaîtrait équitable, venant de l'Opposition.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'étais prêt à discuter avec le député de Drummond, à faire une entente même avant l'ouverture de cette commission parlementaire pour ne pas enlever de temps à nos invités. Cela n'a pas été possible. Je pense qu'on pourrait jouer par oreille disons au début en conservant la préoccupation d'entendre le plus possible ceux qui sont ici pour nous parler, nous dire ce qu'ils pensent. Je suis aussi prêt à courir le risque de compter sur votre esprit de justice pour répartir le temps entre les oppositions et le parti ministériel, réservant un droit de recours non seulement collectif, mais tout à fait personnel au cas où je m'apercevrais que vous glissez. Là-dessus, je vous fais confiance. Je pense bien que la préoccupation de tous les membres de l'Opposition et, j'en suis sûr, des autres membres, est de faciliter l'échange avec nos invités.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, je pense que nous sommes devant un projet de loi d'une grande

importance. Ce n'est pas un projet de loi controversé au sens où on pourrait avoir un "filibuster" de la part de l'Opposition. Je peux vous assurer immédiatement aujourd'hui qu'il n'y en aura pas.

M. Lalonde: C'est l'Union Nationale nouveau style. C'est un nouveau style.

M. Fontaine: M. le Président, on a aujourd'hui convoqué six associations ou organismes à venir déposer des mémoires et nous disposons à peu près de six heures. Je conçois qu'il est assez difficile de demander à ces gens de revenir plus tard. C'est pour cela que j'ai consenti, pour aujourd'hui, avec le député de Drummond, à essayer de se restreindre à une heure par mémoire, mais je ne voudrais pas qu'on fasse cela chaque jour jusqu'à la fin de l'audition des mémoires. Il y a seulement 14 mémoires. Que je sache, il n'y a rien qui nous presse d'adopter ce projet de loi le plus rapidement possible, comme c'était le cas pour d'autres projets de loi.

Je voudrais bien que l'Opposition puisse jouir d'une entière liberté concernant le temps que le code lui permet de prendre pour poser des questions, mais je peux vous assurer qu'on n'en abusera pas; cela n'est pas notre intention, mais je ne veux pas qu'on fasse des ententes pour se lier dans un carcan d'où l'on ne pourra pas sortir. Mais je conçois, M. le Président, que, pour aujourd'hui, on puisse fonctionner de cette façon.

Le Président (M. Marcoux): Pour aujourd'hui, nous allons nous entendre sur le fait qu'il y a une heure environ par mémoire et vingt minutes pour la présentation. Pour le reste, on essaiera de procéder avec le plus de justice possible.

J'inviterais immédiatement l'Association des consommateurs du Canada à s'approcher pour nous présenter son mémoire. Je voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue au nom de tous les membres de la commission, Mme Forget. Je vous demanderais de nous présenter celui qui vous accompagne.

Association des consommateurs du Canada (Québec)

Mme Forget (Nicolle): Je suis Nicolle Forget, présidente de l'Association des consommateurs du Canada (Québec). J'ai avec moi notre conseiller technique, M. Jacques Vignola, de l'Université de Montréal.

M. Roy: Pardon, je m'excuse?

Mme Forget: Me Jacques Vignola, de l'Université de Montréal.

M. Roy: Merci.

Mme Forget: M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission. L'Association des consommateurs du Canada (Québec), organisme à but non lucratif, incorporé selon la troisième partie de la Loi des compagnies de Qué- bec, regroupe depuis 1948 des consommateurs désireux de prendre en main leur destinée.

Rattachée à un organisme pancanadien et formée selon une structure pyramidale dont la base est composée de militants réunis en sections locales, l'ACCQ est liée par des mandats qui procèdent de l'assemblée générale des membres.

Nous rejoignons directement au Québec environ 15 000 personnes souscrivant à nos publications et un millier d'entre elles sont engagées de façon plus active à divers niveaux de l'organisme.

Depuis 30 ans vouée à la défense des intérêts du consommateur d'ici, l'ACCQ s'est fixé comme objectif de porter un regard critique sur la société de consommation, d'en analyser les tendances et leurs implications, d'informer, d'éduquer le consommateur, mais aussi de le représenter chaque fois que ses intérêts semblaient mis en cause.

Il va sans dire que le projet de loi 39 ne pouvait nous laisser indifférents; nous réclamons l'introduction d'un tel recours civil au Québec depuis une dizaines d'années.

Les consommateurs sont en effet titulaires de certains droits qu'ils n'ont pu faire valoir devant les tribunaux jusqu'à maintenant, soit parce que le montant en jeu pour chaque consommateur est minime, soit parce que la preuve à apporter exige une expertise trop coûteuse par rapport à la réclamation à faire.

Peu de consommateurs sont intéressés à poursuivre pour une somme de $5 ou moins, ou à investir parfois des milliers de dollars pour en réclamer quelques centaines. Les exemples sont nombreux, que ce soit en matière de tarification trop élevée, de contrat de crédit non conforme à la loi, de publicité trompeuse, d'étiquetage frauduleux, etc.

La procédure du recours collectif corrige cette lacune. Un consommateur pourra dorénavant poursuivre, sans mandat, au nom de tous ceux qui ont le même droit ou un droit similaire à exercer contre un défendeur.

Ainsi, un consommateur pourra réclamer des dommages-intérêts, obtenir un jugement déclara-toire, faire émettre une injonction ou demander l'exécution spécifique d'une obligation et le recours profitera à tous les membres du groupe qu'il représente et dont il fait partie. La jurisprudence américaine en la matière donne de nombreux exemples où ce recours a permis à une masse de consommateurs de faire valoir leurs droits, et la vie de tous les jours fournit une multitude de cas où ce recours est nécessaire pour éviter que les droits donnés par ailleurs aux consommateurs ne soient illusoires. Sans donner de nouveaux droits aux consommateurs, la procédure du recours collectif leur offre un moyen essentiel pour faire respecter ceux qu'ils ont déjà.

Cinq aspects sont importants et doivent être pris en considération pour évaluer un projet de loi créant une procédure de recours collectif: 1.La loi doit prévoir une représentation adéquate des membres absents; 2.La loi doit prévoir qui sera lié par le jugement ("opting in" par rapport à "opting out"); 3.La loi doit prévoir une procédure d'avis

permettant aux membres de se dissocier du recours et de connaître la teneur du jugement; 4.La loi doit prévoir le recouvrement simple et rapide des créances; 5.Enfin, elle doit également prévoir une aide à celui qui prendra l'initiative du recours pour tous les membres.

A cause de la nature même du recours collectif, qui permet à un consommateur d'obtenir un jugement qui lie tous les autres membres du groupe, cette procédure doit contenir certaines mesures pour assurer que ce consommateur, appelé représentant, défende véritablement les intérêts des membres absents et pour éviter qu'il y ait fraude ou collusion entre le représentant et le défendeur. (10 h 40)

A cet égard, nous croyons que le projet de loi contient toutes les garanties nécessaires. Celui qui veut agir doit démontrer, quand il demande l'autorisation d'exercer le recours, qu'il est en mesure de bien représenter les membres. De plus, il peut, en tout temps, être remplacé s'il ne remplit plus cette condition (voir les articles 1003, 1015, 1022 et 1024). Toutes les transactions doivent être approuvées par le tribunal. Tout amendement ou désistement d'une procédure ou d'un jugement doit être autorisé par le tribunal. C'est l'article 1016.

Tout membre peut intervenir au recours. Ce sont les articles 1017 et 1018. Tout membre peut interjeter appel sur la requête d'autorisation du recours, article 1010; tout membre peut en appeler du jugement final si le représentant ne le fait pas — article 1042.

En matière de recours collectif, la réponse à: "Qui sera lié par le jugement" représente un choix fondamental. Ou bien le jugement lie tous ceux qui, par un avis, ont décidé de se joindre au groupe ("opting in") ou bien il lie tous ceux qui n'ont pas manifesté le désir de se dissocier du recours ("opting out").

Dans le premier cas, à notre avis, on ne parle plus de recours collectif. Il nous semble qu'on peut dire que l'article 59 du Code de procédure civile permet déjà une telle procédure. Ce choix reviendrait à obliger le représentant à obtenir un mandat de chacun des membres du groupe qu'il veut représenter.

A notre avis, le recours collectif permet d'intenter une poursuite pour tous ceux qui ont une question de fait ou de droit semblable à faire décider par un tribunal sans qu'il soit nécessaire pour les membres absents de poser de geste positif.

C'est donc à ceux qui veulent s'exclure de poser ce geste positif. En autant qu'on s'assure que le représentant est en mesure de défendre adéquatement, sous la surveillance du tribunal, l'ensemble des membres et qu'on permet à ceux qui le veulent de se retirer, ce choix ne peut causer aucun préjudice aux membres absents.

L'avis aux membres. Comme le jugement final sur les questions de droit et de fait communes à tous les membres liera les absents, il est important que ces derniers puissent être informés à certaines étapes de la procédure: D'abord qu'un recours collectif est en cours, que jugement a été rendu, ou encore qu'un appel a été interjeté. Ces avis permettent aux membres de se dissocier du recours, d'y intervenir et de réclamer le montant qui leur revient le cas échéant.

Ces avis sont prévus au projet de loi et la façon de les donner est laissée à la discrétion du juge. Il nous semble qu'il serait bon de prévoir que le défendeur puisse être forcé de donner cet avis dans les cas où il serait moins coûteux, plus facile et plus efficace de procéder de la sorte.

Le recouvrement. Le projet de loi prévoit, quand des dommages-intérêts sont accordés ou que le remboursement d'une somme d'argent est ordonné par le jugement final, que les réclamations peuvent être recouvrées individuellement ou collectivement.

Le projet de loi prévoit le recouvrement collectif des réclamations dans les cas où c'est possible. Ce choix nous semble s'imposer pour éviter que la condamnation du défendeur ne soit illusoire dans les cas où la réclamation de chaque membre est difficile à évaluer ou dans les cas où plusieurs membres du groupe ne réclament pas leur dû.

Il nous semble que les modes de recouvrement des créances, collectifs ou individuels, offrent suffisamment de flexibilité pour répondre à toutes les situations.

L'aide au recours collectif. Même si le jugement final a l'autorité de la chose jugée vis-à-vis de tous les membres du groupe, c'est celui ou ceux qui ont pris l'initiative du recours qui en assument tous les frais en cas d'insuccès. Pour que le recours collectif puisse être utilisable malgré ce risque et pour qu'il puisse jouer le rôle de rétablir un certain équilibre, il faut absolument un mécanisme d'aide au recours collectif, ce que prévoit le projet de loi, et ce mécanisme semble excellent.

Nous aimerions, cependant, formuler une remarque concernant le 2ème paragraphe de l'article 25 du projet qui prévoit qu'une aide temporaire doit être remboursée si le Fonds décide de ne pas aider la personne qui l'a reçue. Cette disposition semble viser ceux qui intenteraient des recours futiles ou inutiles. Cependant, il ne faut pas présumer de la mauvaise foi de celui qui se verra refuser l'aide au Fonds et il faudrait au moins prévoir la possibilité que cette aide temporaire puisse ne pas être remboursée au cas de bonne foi du requérant.

En somme, la procédure du recours collectif telle que présentée dans le projet de loi répond à un besoin pressant des consommateurs pour l'exercice de certains de leurs droits et nous souhaitons que l'Assemblée nationale adopte ce projet de loi le plus tôt possible.

Merci.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup Mme Forget. M. le ministre.

M. Marois: Je veux d'abord vous remercier infiniment.

Je sais que vous êtes un groupe qui travaille très fort, qui a réfléchi sur l'opportunité et la nécessité d'introduire dans notre droit le recours col-

lectif depuis plusieurs années. Je sais que vous avez fait l'effort d'être le plus concis possible en même temps que vous soulevez un certain nombre de questions. Vous me permettrez de vous formuler un certain nombre de remarques et de questions. Je vais donc les énumérer en vous laissant le soin, par la suite, de ramasser le paquet et de nous faire part de vos commentaires à ce sujet.

Dans un premier temps, je ne vous cacherai pas que je note avec satisfaction le fait que vous avez... A mon point de vue, on pourrait y ajouter d'autres éléments d'argumentation, mais, dans le fameux débat sur I'"opting out", I' "opting in", je pense que vous avez vraiment mis le doigt sur une chose qui est une clef. C'est vrai que, si le projet de loi n'introduisait pas ou avait plutôt opté, comme c'est le cas de le dire, pour I'"opting in" plutôt que I'"opting out", au fond, on ne change rien; parce que vous mentionnez l'article 59, mais on pourrait aussi parler des articles 59 et 67 qui, dans notre droit, notre Code de procédure civile le permettent actuellement. Il s'agit, comme représentant, que je fasse l'effort d'essayer de trouver les 1500, 2000, 5000 citoyens et de me faire donner le mandat ou qu'on fasse une jonction. Donc, ce sont des choses qui existent déjà et on sait que cela n'a pas permis, précisément, à des citoyens, de faire valoir des droits qu'ils ont. Je pense que là, vous mettez vraiment le doigt sur une des corrections qu'il faut apporter, par l'introduction du recours collectif, à l'état actuel de notre procédure. C'est une première remarque que je voulais faire.

M'accrochant davantage à d'autres questions qui sont soulevées dans votre mémoire, à la page 5, en ce qui concerne l'avis aux membres, vers la fin du paragraphe, vous nous dites qu'il serait bon de prévoir que le défendeur puisse être forcé de donner cet avis dans les cas où il serait moins coûteux, plus facile, plus efficace de procéder de la sorte. Je voudrais attirer votre attention sur l'article 1046 du projet de loi. L'article 1046, si on le lit attentivement, dit: "Lorsque le tribunal ordonne la publication d'un avis, il détermine la date, la forme et le mode". En d'autres termes, est-ce que vous ne croyez pas que ce que vous évoquez à la fin de ce paragraphe, à la page 5, est déjà, au fond, prévu à l'article 1046? Si je comprends bien, j'aime bien partir d'exemples très concrets pour voir de quoi on parle; ce à quoi vous faites allusion, je présume, c'est notamment cette fameuse cause aux Etats-Unis où le tribunal avait jugé que le meilleur mode d'avis — il s'agissait d'une compagnie qui distribuait des pintes de lait— le tribunal avait ordonné que l'avis soit mis sur les pintes de lait. Quant aux coûts et aux frais, cela fait partie de l'ensemble, de ce que l'on appelle les dépens ou les frais d'un procès. Le tribunal décide à la fin qui doit assumer les coûts de tout cela. Si c'est ce à quoi vous faites allusion, je me demande si l'article 1046 n'est pas déjà la réponse à la question que vous soulevez.

Par ailleurs, à la page 6, j'avoue que je me pose des questions sur la recommandation que vous nous faites concernant le deuxième paragraphe de l'article 25. Ce paragraphe est un paragra- phe d'exception et cherche à prévoir les cas où, indépendamment du fonctionnement normal du fonds, il y aurait urgence, une urgence telle que le fonds n'a pas le temps de se réunir. L'exemple concret de cela serait le cas où il y aurait une prescription du recours qui pourrait venir dans deux jours, trois jours et qu'il serait impossible de réunir les membres du fonds. Quoi qu'on ait dit, il ne faut quand même pas, dans ce genre de mécanisme-là, par un coin administratif du projet, mettre en péril le fonds même qui est le droit et la procédure pour le faire valoir; c'est donc dit à titre exceptionnel et cela doit être motivé d'ailleurs. Cela doit être écrit, motivé, au sens du mot "motivé" en droit. Cependant, si le fonds décide par la suite, se réunissant et ayant le temps d'examiner le fond et qu'il lui semble que cette décision prise de bonne foi, dans un caractère d'urgence, pour aider quelqu'un, n'est pas fondée, il nous semble tout à fait justifié que le fonds dise: Ecoutez, l'avance ou l'aide temporaire sur cette base doit être remboursée, parce que s'il n'y avait pas eu caractère d'urgence de votre demande, de bonne foi, on l'a regardé vite sur la base de quelque chose d'urgent, mais si on avait eu le temps normal, votre demande n'aurait pas été reçue. Si on acceptait la recommandation que vous nous faites, est-ce qu'au fond, on ne créerait pas une situation qui risquerait d'être quelque chose comme deux poids et deux mesures? Je vous pose la question.

Maintenant, deux questions, très rapidement, parce que vous ne l'avez pas mentionné dans votre mémoire, je pense que c'est pertinent d'avoir votre avis là-dessus. L'article 1048 du projet permet à une "corporation", entre guillemets, au sens large de ce que ce mot veut dire en droit, donc un groupe de consommateurs comme vous autres qui a une existence légale, d'intenter le recours collectif au nom d'un membre, à condition qu'il y ait, parmi ses membres, un membre qui a l'intérêt, au sens du droit, d'exercer un tel recours.

Si vous avez une opinion, je pense qu'il serait intéressant que la commission vous entende là-dessus, qu'est-ce que vous pensez de cette idée, ou est-ce que vous êtes plutôt porté à dire: Ecoutez, non, c'est plus ou moins nécessaire, de toute façon, pour des groupes comme les vôtres, on interviendra de toute manière? On sait que, dans les faits, les choses se passent déjà comme ça présentement. Très souvent, je me souviens, j'ai une certaine expérience pour en avoir vécu de très près, très souvent, vous êtes de toute façon, très près, derrière, au sens d'un appui technique. Est-ce que c'est suffisant ou si, à votre avis, il faut introduire ce que prévoit l'article 1048?

Il y a une dernière question, qui revient dans d'autres mémoires, certains pensent que le fait que la requête, qui est la première étape pour demander au tribunal la permission d'introduire, de procéder par recours collectif soit publique, cela pourrait nuire indûment à la réputation de certaines entreprises, notamment dans les cas où la requête, par exemple, ne serait pas retenue, où on dirait: Non, il y a d'autres moyens de procéder, et allez-y. S'il s'avère que la requête n'est pas fon-

dée, cela pourrait nuire. Qu'est-ce que vous en pensez?

C'est l'ensemble des remarques et questions que j'avais pour l'instant.

M. Vignola (Jacques): Sur le premier point, à l'article 1046, sur les modes de publication, ce qu'on a vu dans le projet sur les modes de publication, c'est que le juge peut ordonner que ce soit publié par les journaux ou en envoyant une lettre, quel que soit le mode de publication. Ce qu'on voulait que soit ajouté, c'est que le juge puisse forcer le défendeur à envoyer l'avis. S'il est plus facile pour une compagnie d'autos qui aurait une liste d'adresses des personnes qui ont acheté des automobiles, que le juge force la compagnie à envoyer l'avis, que ce soit aux frais du requérant, mais que l'avis soit envoyé par le défendeur, si c'est plus facile pour lui de le faire.

Il y a aussi le cas des pintes de lait. Je ne sais pas si le mode d'avis peut aller aussi loin que de forcer le défendeur à donner l'avis prévu au recours.

Mme Forget: On a peut-être vu "mode ' davantage dans le sens de façon écrite, ou publicité télévisée, de ce genre-ci. Peut-être qu'on a mal interprété finalement. On sait que c'est à la discrétion du juge, mais c'est sans doute une suggestion très forte qu'on ferait, parce que ça pourrait être rapide d'une part, tout se faire le même jour sur une même série de productions, si on pense à des contenants de céréales, de lait, de pain. Les voitures sont un autre exemple, à un autre niveau, où, rapidement, on pourrait atteindre, surtout dans des cas de produits d'alimentation ou de choses qu'on achète à peu près tous les jours ou régulièrement, où ça devient peut-être plus facile pour un même producteur d'avertir tous ses clients potentiels ou reconnus.

M. Lalonde: II y a d'autres questions, j'imagine, auxquelles ils veulent répondre.

M. Vignola: Sur le deuxième point, l'article 25, ce qu'il prévoit, c'est également le cas qu'on avait prévu, dans un cas de prescription, c'est qu'il y a eu justement une aide temporaire qui doit être motivée, qui peut être accordée.

Ce que le deuxième paragraphe dit, c'est que si le fonds par après refuse l'aide, le montant doit être remboursé. Ce qu'on dit, c'est qu'il est possible que celui qui a demandé l'aide temporaire au fonds soit de bonne foi et engage des fonds dans une poursuite collective, même si, après, si la requête est refusée ou si le fonds décide de refuser l'aide, qu'il y ait au moins la possibilité qu'il ne puisse pas rembourser l'aide au fonds, non pas que, toutes les fois, il ne soit pas question de le rembourser, mais qu'au moins, il y ait possibilité que les fonds qui lui sont donnés ne soient pas remboursés automatiquement.

L'article ne prévoit pas cette possibilité que l'aide ne soit pas remboursée. (10 h 55)

Mme Forget: Entendons-nous. Ce serait toujours la partie non dépensée quand on suggère cela, évidemment.

M. Vignola: Sur 1048, il nous apparaît bien important que les associations de consommateurs comme l'ACCQ puissent piloter un recours collectif parce que, finalement, on monte des dossiers sur certains cas bien précis. On a la documentation, on a tout le soutien technique nécessaire à l'introduction d'un recours collectif. Il nous apparaît important que l'association elle-même, dans le cas des associations de consommateurs, puisse intenter le recours et le piloter, plutôt que de le faire par interposition, en donnant tout l'appui qu'il faut, les fonds à un consommateur pour qu'il intente le recours collectif; que ce soit fait directement par l'association plutôt qu'indirectement par un consommateur.

Sur la question de la requête publique ou non, qui accorde la permission d'intenter un recours collectif, ce qu'on craint, c'est qu'on intente un recours collectif dans le seul but d'avoir un pouvoir de négociation avec le défendeur pour obtenir certaines choses. En fait, lors du jugement sur la requête, si la requête est refusée, il n'y a pas de tort qui est fait. Si la requête est accordée, à ce moment-là, le recours collectif, c'est comme n'importe quel recours, n'importe quel citoyen ou n'importe quelle association qui peut prendre une action...

M. Marois: Si vous permettez. Je m'excuse de vous interrompre, ma question était peut-être mal formulée. Les remarques, certaines remarques en particulier, qui nous sont faites concernant la requête portent sur le fait que le débat en cours sur la requête soit un débat public.

On a dit: Si la requête n'est pas fondée, le fait que le débat ait été public, est-ce que cela ne pourrait pas porter, dans certains cas, atteinte à la réputation de gens de bonne foi? C'est là-dessus précisément que portait ma remarque. Evidemment, quand c'est fini, c'est fini. C'est comme quelqu'un qui est cité à l'enquête préliminaire. Analogiquement, en droit criminel, quand c'est fini, c'est fini. Si on conclut qu il n'est pas cité à son procès, ça vient de s'arrêter là. C'est certain.

Mme Forget: Remarquez qu'on a toujours demandé — et c'est peut-être une réponse indirecte à votre question — les groupes de consommateurs ont toujours demandé que l'information la plus large soit donnée sur toutes les questions. Les choses à huis clos, ce n'est pas de l'intérêt public au sens large, d'habitude. Si on veut obtenir le statut de requérant pour un recours collectif sur le fait qu'il manque 50 grammes par boîte de quelque chose ou trois grammes par boîte d'une autre chose, ou qu'on n'a pas respecté une garantie, c'est devenu un fait assez connu que ça ne va pas causer plus de tort, qu'on se le dise entre voisins ou qu'on aille le dire dans une salle précise, dans un palais de justice.

Je pense qu'il faut tenir au caractère public de cette partie-là aussi. Tant mieux si le défendeur ar-

rive à faire la preuve que c'est faux. Il sera aussi lavé des soupçons qui pesaient sur lui.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je veux remercier l'Association des consommateurs du Canada (Québec) Inc., pour son mémoire qui témoigne d'une préoccupation qui date de plusieurs années à l'égard de la démarche proposée par le gouvernement actuellement.

Je voudrais m'en tenir simplement aux questions qui ont été soulevées par le mémoire, sans aborder celles qui auraient été réglées à la suite des questions du ministre. On me permettra peut-être une remarque sur la signification de mode de publication. Je serais tenté, quant à moi, de pencher vers votre interprétation, à savoir que le mode de publication pourrait ne pas être suffisamment large pour permettre au juge de dire qui doit envoyer l'avis, de créer une obligation de la part, par exemple, du distributeur ou du défendeur dans le cas actuel.

Quand on arrivera à l'étude article par article, il sera peut-être préférable d'être plus clair et que le juge détermine aussi qui doit envoyer l'avis.

Quant au remboursement de l'aide temporaire, je pense que les préoccupations du ministre doivent être prises au sérieux, tout d'abord à l'égard de l'administration des fonds publics. Cette disposition ne pourrait-elle pas servir un peu de prévention à l'égard des tentatives futiles, par exemple, ou frivoles, qui pourraient être faites par certaines personnes?

Toutefois, je pense qu'il serait abusif d'exiger de quelqu'un qui a déjà dépensé une partie de l'aide temporaire de la rembourser. Il y aurait peut-être lieu, à ce moment-ci, si c'est l'inquiétude du ministre, de prévoir que l'autorisation soit faite peut-être d'une façon un peu plus rigoureuse. On prévoit qu'un administrateur peut autoriser l'aide temporaire. L'article 25, de toute évidence, fait état d'un caractère d'urgence de la demande. Ne pourrait-on pas étayer peut-être la formule de demande, la formule par laquelle on va accorder?... Parfois on va accorder l'aide temporaire de façon à éviter le plus possible des décisions, des appels qui renverseraient la décision de l'aide temporaire. Il n'y a aucun doute que les montants d'argent qui auraient été dépensés, qui auraient été engagés, soit dans des études ou des procédures, et qui devraient être remboursés par la personne qui en a fait la demande, pourraient créer des situations abusives.

Quant à la publicité de la requête, point soulevé par le ministre, je crois que cette réaction participe des valeurs les plus fondamentales d'une démocratie: que la justice soit faite en toute clarté et en toute publicité... Il reste toutefois que, dans ce cas-ci, quand on parle de recours collectif, on parle de situations non pas qui se passent à des centaines et des centaines d'exemplaires, tous les jours dans nos cours de justice où un demandeur poursuit un défendeur, avec ou sans gain de cause. Cette demande, ce recours collectif prend un caractère spécial, un caractère différent qui pourrait être utilisé par des gens de mauvaise foi, simplement pour nuire. Comme la loi prévoit souvent des cas où la publicité des poursuites, soit au criminel, en particulier... On sait même que ce caractère de publicité a encore été réduit récemment dans le cas des enquêtes préliminaires alors que toute notre démocratie, ou enfin, l'effort de ceux qui ont à coeur les valeurs démocratiques tend à rendre encore la justice la plus limpide et la plus transparente possible; il reste qu'il y aurait peut-être lieu de penser, si le juge... Là-dessus, je pense qu'il faut rendre hommage au gouvernement. Jusqu'à quel point se repose-t-il sur le pouvoir judiciaire pour toutes les étapes du recours collectif: autoriser les démarches, examiner les situations, etc.? Je pense que c'est à bon droit qu'on doit lui rendre hommage, parce que, trop souvent dans notre Québec moderne, on a coupé le recours aux tribunaux du droit commun dans nos grandes réformes.

Mais dans ce cas-ci, le juge pourrait peut-être, soit proprio motu, ou enfin d'une façon qu'on pourrait imaginer, qu'on pourrait décrire dans la loi, demander qu'un huis clos soit fait s'il s'aperçoit que, de toute évidence, au départ, il y a un caractère abusif dans la demande. Si vous avez des réactions à ces propos, libre à vous de les faire maintenant valoir.

M. Vignola: Vous parlez de la publicité sur la requête qui demande qu'un recours collectif soit intenté ou sur le recours lui-même après que le recours a été accordé?

M. Lalonde: La requête introductive.

M. Vignola: La requête introductive. En fait...

M. Lalonde: C'est ce que, à moins que je ne fasse erreur, le ministre a décrit tantôt.

M. Vignola: Dans une requête, si, par exemple, une association de consommateurs demande que soit intenté un recours collectif contre un défendant, je ne pense pas ou je ne vois pas plus les préjudices qui peuvent être causés que quand une association de consommateurs va rendre public un dossier sur un sujet précis qui pourrait être celui qui fasse l'objet d'un recours collectif. Je ne vois pas plus de préjudice, en fait, à ce que cela soit gardé à huis clos, plutôt que d'être ouvert. Je ne vois pas la différence entre demander qu'un recours collectif soit intenté, par exemple, ou sortir un dossier dans la presse en dénonçant une situation du même défendant.

Mme Forget: Par contre, je crois voir où vous voulez en venir. Ce serait dans le cas de gens qui se regroupent seulement à l'occasion d'un recours collectif où on pourrait penser que le représentant ou quelque partie des membres de ce groupe, à tout le moins le représentant, ait un intérêt particulier face au défendeur. A ce moment... Il est clair

que, dans le cas des associations, leur rôle est déjà connu, les interventions sont déjà connues. Cela se suit d'année en année avec... C'est assez différent, nos membres mêmes nous interdiraient d'aller faire des recours avec seulement l'idée bien précise de jeter par terre la compagnie du coin de la rue. C'est assez clair. J'imagine que si, comme dans d'autres cas, tout au long de la loi, c'était laissé à la discrétion du juge à certains niveaux, peut-être que cela pourrait être comme cela aussi pour cette partie de la publicité concernant l'enquête, qu'autant que possible, elle soit publique, mais que le juge ait, à certains moments, la possibilité de le faire à huis clos.

M. Lalonde: Est-ce que, à votre connaissance, de telles dispositions existent dans des lois semblables, dans d'autres juridictions? Vous ne pourriez pas dire?

M. Vignola: Pas à ma connaissance, sauf en droit criminel.

M. Lalonde: Remarquez qu'avant d'introduire une telle démarche, une réforme, on a souvent l'épiderme un peu trop sensible. Lorsqu'on vit pendant un certain temps dans d'autres juridictions où les moeurs sont différentes, on s'aperçoit que les gens s'habituent à ces conditions différentes, et la vie continue. C'est peut-être un peu une question de prudence avant d'apporter un changement qui fait qu'on se pose la question actuellement. Je vous remercie.

Mme Forget: Je ne pense pas.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir au mode d'avis dont on parle à la page 5, où on suggère que le défendeur puisse être forcé de donner l'avis. On fait référence à l'article 1046. Même si le ministre nous a mentionné qu'il prétendait que, à ce moment, le tribunal pourrait déterminer que le mode de publication serait celui d'ordonner au défendeur de publier, ce dont on peut douter, parce que dans la jurisprudence actuelle, c'est assez rare que cela puisse procéder de cette façon, de toute façon, il y a un autre problème qui pourrait être soulevé. En admettant que le mode de publication soit fait par le défendeur et ordonné par le juge, à ce moment, comment voyez-vous que la preuve de cette publication ou de cet avis puisse être rapportée au tribunal?

Mme Forget: Monsieur, si on parle des litres de lait ou des sachets, pour certains cas bien précis, c'est très facile. Si toutes les enveloppes de pain portent l'avis, ou si, sur le devant même du sachet de lait, c'est indiqué: Avis est donné, etc. La preuve est facile à faire. Tout le monde va l'avoir le lendemain, partout, le jour où la production va sortir avec l'avis. (11 h 10)

Si on prend le cas des fabricants de voitures qui doivent rappeler tous les modèles de telle année, ils ont les listes des détenteurs de voitures de telle marque; la personne vient et il suffit qu'une seule lettre soit reçue pour dire que l'avis a été envoyé. Ici, notre point n'est pas d'en faire une obligation au point que ce soit toujours comme cela. On se dit que dans les cas où c'est plus rapide, moins coûteux, plus simple, pourquoi ne peut-on pas dire au juge: Vous devriez le faire dans les cas particuliers où on vous incite à le faire de façon plus précise.

M. Fontaine: D'accord, mais si, par exemple, le distributeur de pain est condamné à donner l'avis dans ses enveloppes de pain et que la personne en question n'en envoie qu'à la moitié de ses consommateurs?

Mme Forget: Vous savez qu'en termes de coût, j'imagine que toute sa production de contenants de pain va y passer avec l'avis parce qu'il va falloir mettre quelques sous de plus par enveloppe; il ne va pas faire un lot avec avis et un autre sans avis. Je pense que cela va être une semaine précise; toute sa production va être imprimée avec l'avis et tous les acheteurs habituels — donc, ceux qui ont été susceptibles d'avoir été lésés, il y a une certaine fidélité à ces niveaux... Les clients achètent davantage telle sorte de pain, telle marque de lait, telle marque de beurre et telle céréale. Je pense que là-dessus, c'est moins un problème.

M. Fontaine: Vous prétendez que ce mode d'avis offrirait assez de sécurité pour rejoindre tous les consommateurs?

Mme Forget: Autrement, dans le cas très précis du lait, disons que l'avis est publié telle date dans les journaux; tous les gens ne vont pas les lire, surtout quand on n'a plus de quotidiens — cela devient difficile; les gens ne vont pas tous regarder la télévision ce jour-là: Est-ce qu'ils vont se rappeler que c'est de cette compagnie qu'ils achètent leur lait ou non? Tandis que si c'est sur le sachet, il est évident que cela va leur sauter aux yeux; on ne peut pas passer à côté. Cela ne s'applique pas à tout, c'est évident.

M. Fontaine: D'accord. Si on revient à la question qui a été soulevée tout à l'heure concernant la publication ou la façon de rendre publique la requête initiale. Je me pose de sérieuses questions à ce sujet. On se demande si le fait de publier tout simplement une requête qui peut être acceptée ou refusée par le tribunal ne peut pas causer beaucoup de tort du point de vue économique à certaines compagnies. On en a eu l'exemple avec — dans un autre domaine cependant —la CECO. Chaque fois qu'une personne était requise à venir témoigner devant la CECO, immédiatement dans la population on disait que monsieur un tel était tout à fait impliqué dans le crime organisé. Je comprends que mon exemple est différent, mais ne pensez-vous pas que le fait de rendre publique une seule demande, une seule requête qui est faite

devant un tribunal, ne puisse impliquer au point de vue économique la perte de la bonne renommée de compagnies ou de producteurs dans certains domaines?

Mme Forget: II y a dans les pages de certains journaux, tous les jours, un tas de requêtes que les gens ne lisent pas. Est-ce que cela fait tort aux gens parce que c'est publié là? Il faut aussi se poser la question.

M. Fontaine: Non, mais dans...

Mme Forget: II y a beaucoup d'avis publics seulement pour l'administration de la justice, quotidiennement. On n'a que Le Devoir à Montréal, seul journal francophone le matin, avec une série de pages. Vous les prenez et il y en a pendant trois pages. Je ne sais pas.

M. Fontaine: Dans ce domaine, je pense que cela va être la presse qui va s'emparer de l'affaire. Supposons que moi, en tant que consommateur d'automobile, je décide d'intenter, de prendre une requête au nom des consommateurs en recours collectif contre une compagnie de production d'automobiles. Immédiatement, la presse va s'emparer de cela pour dire: II y a une poursuite, un recours collectif contre telle compagnie à cause de tel problème, alors que la requête n'aura même pas été entendue. Je pense qu'au sein de la population, cela peut causer... Les gens peuvent dire: Cette compagnie a tel défaut, avant même que le tribunal ait pu se prononcer.

M. Vignola: Mais finalement, pour tous les recours civils qui peuvent être pris, on est dans la même situation. Je peux prendre moi-même un recours et poursuivre une compagnie, n'importe laquelle, pour un million même si je n'ai aucun droit. Il va y avoir une publicité monstre à ce sujet et ma demande peut absolument ne pas être fondée. C'est finalement la même chose qui va se produire dans le cas du recours collectif.

Mais je ne pense pas qu'il faille s'attendre que, du jour au lendemain, avec la procédure au recours collectif, tout le monde va prendre des recours collectifs et qu'il y aura une grosse publicité partout et que, du moment qu'une compagnie sera poursuivie par le mode de recours collectif, cette dernière sera tout de suite boycottée ou perdra de la clientèle.

Finalement, il n'y a pas de précédent en procédure civile où il y a quelque chose qui peut se faire à huis clos, sauf peut-être dans les relations matrimoniales, mais je peux intenter une poursuite, en vertu du code actuel, sans recours collectif, contre une compagnie pour un montant fabuleux avec 25 personnes et arriver au même résultat.

M. Fontaine: Ne pensez-vous pas, par exemple, que des concurrents pourraient se servir de ces requêtes pour faire de la contrepublicité contre un concurrent?

M. Vignola: Encore là, ils peuvent le faire. Ils peuvent faire la même chose aujourd'hui. Ils peuvent poursuivre un concurrent par personne interposée, même sans avoir de droits, seulement pour faire de la mauvaise publicité à un concurrent. Je pense que cela peut se faire dans le moment sans que le recours collectif donne un outil de plus pour cela. Il va probablement y avoir beaucoup de publicité au début sur les premiers recours qui seront introduits, mais je ne pense pas que cela puisse causer un préjudice tel...

M. Fontaine: D'accord.

Mme Forget: Pour éviter le problème que vous semblez appréhender, il n'y aurait qu'une seule solution. C'est de permettre le recours uniquement à des associations prévues, inscrites dans la loi. Cela nierait la base même ou la philosophie de permettre à quelque citoyen que ce soit qui consomme, à un certain moment, quoi que ce soit, quand il a été lésé, de trouver les autres lésés avec lui et de s'embarquer dans le processus.

M. Fontaine: II pourrait peut-être y avoir une ordonnance de non-publication tant que la requête n'a pas été accordée. Après que la requête a été accordée, bien sûr que cela devient un recours ordinaire devant les tribunaux et, à ce moment, il n'y aurait pas lieu d'ordonner la non-publicité.

Je voudrais revenir sur une autre question. C'est celle du recouvrement collectif. A la page 5 de votre mémoire, vous mentionnez que le projet de loi prévoit le recouvrement collectif des réclamations dans les cas où c'est possible et je voudrais que vous me donniez votre opinion sur ce que nous dit le Barreau à ce sujet.

Le Barreau nous dit, à la page 12 de son mémoire: "Nous sommes d'opinion qu'un "reliquat" équivalant au recouvrement collectif (de 100%; celui de l'article 1034) ne devrait pas être possible. La condamnation au paiement global ne se justifie pas en droit civil si elle ne peut bénéficier aux individus ou à un certain nombre d'individus membres de la classe. "Si le juge est incapable de disposer du montant global ou d'une partie de celui-ci au bénéfice propre des membres de la classe, le recouvrement collectif ne doit pas être ordonné".

M. Vignola: Finalement, le recouvrement collectif... Il y a un exemple connu, c'est celui des compagnies de taxi, où il est impossible de retracer chacun des consommateurs qui, chaque fois, a payé $0.10 de trop parce que les compteurs avaient été mal réglés.

Dans un tel cas, ce qui avait été ordonné, c'est que la compagnie baisse ses prix pendant une certaine période jusqu'à équivaloir au montant qui avait été perçu en trop des consommateurs.

Si on enlève le recouvrement collectif dans de tels cas, finalement, il n'y a plus rien. On revient finalement au droit actuel où il faut retracer chaque consommateur avec le montant et sa réclamation propre qu'il doit faire finalement chaque fois.

M. Fontaine: A ce moment, je suis d'accord, mais, à l'article 1036 on dit: "Le tribunal dispose du reliquat de la façon qu'il détermine et en tenant compte, notamment, de l'intérêt des membres, après avoir donné aux parties et à toute autre personne qu'il désigne l'occasion de se faire entendre".

Cela veut dire qu'à ce moment, le tribunal devrait procéder à la distribution du reliquat alors qu'il ne sait pas quelle est la réclamation des membres.

M. Vignola: Un des cas prévus à 1036 serait qu'on puisse déterminer, par exemple, que... Un appareil ménager est défectueux et on peut dire qu'il y en a eu tant de vendus, que chaque consommateur a droit à $5. A ce moment, on fixe le montant global qui doit être retourné à l'ensemble des membres de la classe, mais ce n'est pas tout le monde qui va venir avec sa facture pour réclamer les $5 qui lui sont dus.

S'il en reste, le juge, à ce moment-là, en dispose selon l'article 1036. A ce moment-là, il pourra faire baisser le prix des prochains appareils ou en disposer comme il l'entend, et je pense que c'est tout le monde qui va en profiter.

M. Fontaine: D'accord, merci beaucoup.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Drummond.

M. Clair: Merci, M. le Président. En fait, je n'ai qu'une question concernant l'article 1048. C'est l'article qui prévoit qu'un groupe peut demander pour lui le statut de représentant. Premièrement, je tiens à préciser que, dans le projet de loi, personnellement, il ne m'apparaît pas clairement précisé si, oui ou non, un groupe peut intervenir agressivement, au sens du Code de procédure civile, peut se faire reconnaître, à toutes fins pratiques, le statut d'intervenant. Dans les circonstances, étant donné que ce n'est peut-être pas aussi clair que je le désirerais personnellement, est-ce qu'il n'y a pas un danger, pour le groupe qui se ferait reconnaître le statut de représentant, dès le départ. Est-ce qu'il n'y a pas un triple danger, premièrement que les individus, les consommateurs eux-mêmes, finalement, à la longue, ne s'en remettent qu'au groupe pour intenter des recours collectifs, diminuant ainsi l'initiative qu'on souhaite voir prendre par les consommateurs eux-mêmes? Deuxièmement, est-ce qu'il n'y a pas également un danger — ce sont vraiment des questions, je ne fais d'affirmation d'aucune façon — plus grand si le groupe a le statut de représentant plutôt que celui d'intervenant, que la collusion avec le défendeur soit rendue plus facile entre justement le défendeur, d'une part, et un groupe? On parle même d'une corporation dont un des membres ou un actionnaire — on emploie même le terme actionnaire — est-ce qu'il n'y a pas un danger que, très rapidement, un défendeur se constitue un groupe qui, effectivement, représente vraiment des consommateurs lésés, mais qui sont des consommateurs plus conservateurs, plus prêts à régler, comme on dit dans le milieu, et que, dans ce sens, cela nuise finalement aux individus concernés, aux consommateurs comme tels, alors que, si le groupe n'avait que le statut d'intervenant, à ce moment-là, il ne pourrait pas avoir l'initiative d'une telle collusion? Le troisième danger pourrait être celui de voir naître une concurrence qui nuise finalement à la protection du consommateur en général, entre les groupes qui, en même temps, entre plusieurs groupes de consommateurs, voudraient se faire reconnaître comme étant le représentant du groupe concerné. Encore une fois, ce n'est pas une affirmation, c'est simplement une interrogation quant à la différence entre le statut de représentant qui est reconnu par l'article 1048 et la possibilité de clarifier davantage un rôle d'intervenant que pourraient jouer les groupes comme ceux dont il est question à l'article 1048.

M. Vignola: Sur le premier point, à la question de savoir si cela va diminuer l'initiative et qu'on va toujours s'en référer au groupe pour intenter des recours, je pense que cela peut avoir l'effet contraire, en mettant bien en lumière toutes les situations où les consommateurs, en pensant qu'ils ont un recours, mais qu'il ne vaut pas la peine d'être poursuivi, vont pouvoir justement intenter un recours collectif pour faire valoir leurs droits. Sur la question de la collusion, je pense que le projet de loi prévoit, entre autres aux articles 1003 et surtout à 1022, que si, à un moment donné, n'importe quand pendant le recours, le juge en vient à la conclusion que le représentant ne peut plus représenter adéquatement les membres du groupe, il peut le changer. De toute façon, tout ce qui peut intervenir dans le recours, les désistements d'un acte de procédure ou tout ce qui peut engager les droits du groupe, doit être approuvé par le juge, et le juge a la surveillance constante du fait que les membres non présents soient adéquatement représentés par la personne qui prend le recours.

M. Clair: Mais, sur le point de la collusion, le tribunal va devoir apprécier la situation et, question d'appréciation, errare humanum est, il est toujours possible qu'une erreur d'appréciation, de la part du tribunal, survienne justement face à un groupe qui peut faire de la collusion, car s'il y avait collusion, les gens qui font de la collusion, essaient d'avoir le moins possible l'air d'être en train de faire de la collusion. Alors, on ne réglera pas pour $0.50 quelque chose qui vaut $100, mais peut-être qu'on réglerait pour $80 quelque chose qui en vaut $100. Dans la mesure où, justement, c'est le groupe qui a l'initiative, est-ce que vous ne pensez pas que la collusion, à ce moment-là, un certain niveau de collusion, en tout cas, serait plus facile que si le groupe en question n'avait que le statut d'intervenant et non pas celui d'initiateur de la procédure. (11 h 25)

M. Vignola: A ce moment-là, ça va être au juge de prendre la décision, à savoir si ça met en cause des intérêts. Il y a aussi le fait que chacun des

membres peut intervenir au recours et surveiller ce qui se fait tout au long du recours.

Mme Forget: Il y a plus loin que ça et ça va aller vers votre troisième interrogation, finalement. C'est que si jamais les groupes de consommateurs se mettent à tomber dans la collusion avec les compagnies...

M. Clair: Je ne pensais pas à des groupes de consommateurs.

Mme Forget: Je comprends, mais on aurait accès aux recours avec cet article; c'est le seul qui nous le permette. Donc, si on l'enlève aux compagnies, il faudrait trouver une autre façon. C'est ça votre problème, finalement, j'imagine.

M. Clair: Non, ce n'est pas dans ce sens, ce n'est pas dans le sens que des groupes de consommateurs existant aujourd'hui ou qui existeraient à l'époque puissent procéder à de la collusion avec un défendeur. Ce n'est pas dans ce sens-là. C'est dans le sens qu'on pourrait voir naître... On ne dit pas à l'article 1048 que ce groupe doit avoir existé préalablement, ni que le membre dont on est représentant doit avoir été membre de I'association de consommateurs concernée.

Auparavant, on peut créer, je pense, par l'article 1048, de toute pièce, un groupe de consommateurs qu'on trie sur le volet pour essayer de trouver les plus conservateurs.

Mme Forget: Une corporation, au sens du code, c'est un groupe qui a un statut légal. Cela ne se crée pas en deux jours.

M. Vignola: II y a une autre chose aussi; je ne vois pas... C'est que si vous enlevez cet article, il y aura seulement des individus qui vont pouvoir exercer le recours. A ce moment-là, il y a autant de danger de collusion que si c'est un groupe.

M. Clair: C'est pour ça que je vous disais que je voyais cependant... C'est hypothétique; je voyais la disparition de l'article 1048, du groupe comme initiateur par le groupe intervenant. Je ne pense pas qu'aux articles 1017, 1018, 1048, il soit clairement précisé qu'un groupe peut intervenir agressivement. Je ne vous dis pas qu'il ne peut pas le faire; il faudrait faire l'exégèse du texte avant de dire oui ou non. C'est pour ça que je partage votre avis à ce sujet, c'est-à-dire qu'il ne faudrait pas que le groupe soit complètement éliminé du tableau.

Je pense que c'est une question d'approche.

Mme Forget: Pour la question de la concurrence entre les groupes, je pense que le champ de la consommation est tellement vaste; jusqu'à maintenant, on ne s'est pas trop pilé sur les pieds. Je ne crois pas qu'on va donner, de plein pied, dans des actions, juste pour le plaisir de le faire. On a aussi des programmes à respecter et il est clair qu'il n'y aura pas foule, pour ce qui est des groupes, dès la première journée, pour inscrire des requêtes; je ne pense pas. Il faut être assez réaliste. Je ne crois pas, jusqu'à maintenant, qu'on se vole la vedette chacun notre tour.

On est déjà peu nombreux, on ne va pas...

Le Président (M. Marcoux): Comme je n'ai pas d'autres intervenants, je remercie Mme Forget et M. Vignola de la présentation de leur mémoire. J'inviterais maintenant le Barreau du Québec à venir nous présenter son mémoire.

Mme Micheline Audette-Filion.

Barreau du Québec

Mme Audette-Filion: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, il me fait plaisir de vous présenter le bâtonnier du Québec qui présentera le mémoire ce matin à la commission. Me Viateur Bergeron.

M. Bergeron: M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission, notre tâche sera d'abord facile puisque nous commencerons par féliciter le gouvernement et les auteurs du projet de loi de leur initiative et de la façon qu'ils s'en sont tirés.

Je pense qu'après plusieurs lectures du projet de loi 39, on peut être content d'y retrouver des principes que nous défendons au Barreau du Québec depuis très longtemps et j'en ferai rénumération rapide.

En somme, ce projet de loi, c'est la consécration du principe de la responsabilité civile jusqu'à sa plus fine pointe, ce contre quoi on ne saurait s'opposer, évidemment. C'est le principe de la réparation intégrale du préjudice jusque dans les plus petites choses.

Comme on dit souvent, il n'y a pas de petites injustices. L'injustice dont on est victime est toujours importante. Sans doute que cela inspire ce genre de projet de loi.

Egalement, le rôle du juge de la Cour supérieure; on confie donc l'exercice de ce recours aux pouvoirs judiciaires additionnels, aux tribunaux ordinaires, indépendants du pouvoir du moment et peu importe qu'il continue sa mission, peu importent les changements de gouvernement ou de parti au pouvoir.

Il y a aussi, dans ce projet, un bon équilibre des forces, en ce sens que c'est une belle illustration du principe du régime de la règle de droit contre le régime de la force ou de la violence. C'est l'essentiel du régime de la règle de droit de mettre tout le monde à égalité devant l'arbitre de l'Etat que constitue le juge.

En somme, globalement, c'est un essai loyal et très valable. Il y a, dans la loi, un bon équilibre et nous disons qu'il faudrait l'amender avec prudence parce que c'est comme un échiquier, quand on change un pion de place, cela peut changer tout le jeu. Jusqu'à maintenant, ceux qui ont rédigé ce projet, je pense, ont bien maintenu l'équilibre désirable.

Il y a évidemment quelques amendements ou quelques suggestions que nous faisons et qui, nous croyons, ne modifieront pas cet équilibre,

mais seraient susceptibles de le renforcer. La discussion de nos prédécesseurs avec le député Michel Clair portait sur l'article 1048. Je commencerai par là. Je me demande très sérieusement...

Je pense qu'il y aurait peut-être lieu — on en parle à la page 8 de notre mémoire; je ne lis pas le mémoire tel quel, comme vous avez pu le voir — de limiter la constitution des groupes aux seules personnes physiques. Nous croyons que la constitution ou l'admission de groupes pourrait jouer à l'encontre de l'esprit de la loi.

Je donne un exemple. Nous craignons — et je le dis sans ambages et sans restrictions — que certains avocats, à l'occasion, nous nuisent, d'ailleurs, comme membres du Barreau, le temps de se constituer des corporations fantômes pour s'intenter des recours. Je pense que cela serait mauvais pour tout le monde. Et chaque fois qu'un avocat commet un acte qui est mauvais pour la société ou pour l'ensemble des membres, c'est mauvais pour tout le monde et pour le Barreau.

En somme, pourquoi certaines personnes ne tenteraient-elles pas de s'incorporer simplement pour les fins de recours, pour échapper à toute responsabilité, alors que cela ne serait pas le cas des personnes physiques? On a tous vu — quand on est intéressé par l'étude d'une question comme le recours collectif — comment il existe, à un moment donné, certaines corporations incorporées en vertu de la partie un ou trois de la Loi des compagnies du Québec ou d'autres qui, en somme, ne se servent du voile corporatif que pour cacher leurs véritables intentions et pour empêcher qu'on ne les atteigne personnellement, quels que soient les gestes qu'ils posent.

Etant donné la nouveauté de ce moyen de procédure qu'on n'a pas encore vu à l'oeuvre, malgré les mérites du projet, nous croyons qu'il serait peut-être prudent, dans une première étape, de faire en sorte que seules puissent faire partie d'un groupe les personnes physiques visées.

Nous avons également pris connaissance de la position de la Commission des services juridiques dans les journaux et nous croyons utile de signaler maintenant que nous estimons le projet bien comme il est rédigé et nous nous en tenons, quant à nous, au texte de loi et non aux notes explicatives. Nous pensons que la correction doit se faire du côté des notes explicatives, si nécessaire, et non pas ailleurs.

En effet, il n'est pas inutile de reprendre ici le principe de fond de la Loi de l'aide juridique, avec lequel nous sommes tout à fait d'accord. On le trouve, en somme, à l'article 2. La Loi de l'aide juridique dit: L'aide juridique est prodiguée, est donnée à ceux qui n'ont pas les moyens de faire valoir leurs droits. Le principe qu'on défend, évidemment, c'est que personne ne soit limité, empêché de faire valoir ses droits à cause de ses faibles moyens financiers.

Quand on parle de l'article 69, cela n'a rien à voir, parce que le principe en jeu, c'est l'article 2. Dans le cas du recours collectif, on a, heureusement, et de façon fort intéressante, prévu la constitution d'un fonds pour permettre à ceux qui n'en auraient pas les moyens financiers, de faire valoir leurs droits. Je pense qu'à ce moment-là, cela élimine toute question d'aide juridique. Là-dessus, il ne faut pas mêler les cartes avec le libre choix. C'est bien évident que le Barreau a toujours parlé du libre choix. Le libre choix, il ne faut pas oublier une chose, cela n'existe que pour ceux qui sont admissibles à l'aide juridique et non pas pour ceux qui ne le sont pas. Ceux qui sont admissibles à l'aide juridique ont le choix de prendre un avocat de la pratique privée ou un avocat, comme on dit, du réseau de l'aide juridique. Le libre choix n'existe que pour les personnes admissibles et non pas pour celles qui ne sont pas admissibles.

Par exemple, je présume qu'aucun membre de l'Assemblée nationale n'a le libre choix dans le sens que je lisais ce matin, prôné par l'aide juridique, puisqu'ils ne sont personne admissible à l'aide juridique, que je sache.

Nous n'avons pas le libre choix dans ce sens. Je pense qu'il faut laisser le fonds comme il est là, ne pas mêler les cartes, ne pas toucher à l'article 69, que tout le monde ne comprend pas de la même façon, et surtout ne pas changer, sans un débat sur la question elle-même et non pas par la bande, non pas par à-côtés, le principe de fond de la Loi de l'aide juridique, car il serait malheureux que ceux qui ont des moyens financiers très importants viennent gruger nos impôts pour se faire aider par leurs avocats à payer moins d'impôt, par exemple. Je ne pense pas que nous ne soyons prêts à étendre les services juridiques sans égard à la fortune de ceux qui en ont besoin. Je ne voudrais pas qu'on fasse l'amendement par la bande, ou par à-côtés. Si on veut modifier le principe de fond de la Loi de l'aide juridique, je me permets de suggérer, M. le Président, qu'on présente un amendement direct à la Loi de l'aide juridique, qui pourra faire l'objet d'une commission parlementaire à elle seule, parce que cela va poser des problèmes énormes de modification à la philosophie et à la mise en oeuvre du régime.

Nous avons également insisté dans notre mémoire sur le fait que nous préférerions, que nous aimerions bien que les recours ne soient pas d'ordre punitif. Il nous apparaît important de ne pas mêler la responsabilité civile et la responsabilité pénale. Nous croyons qu'il ne faut pas dépouiller des gens tout simplement, sans raison. Le principe de la réparation intégrale ne doit pas être dépassé au point de recueillir des réparations pour ceux qui n'en veulent pas ou pour ceux qu'on ne connaît pas. Le danger aussi, c'est évidemment de ruiner, dans certains cas peut-être, des gens sans effet pour personne. (11 h 40)

Si on veut le faire, si on ne trouve pas assez sévères les lois qui concernent la fraude ou le fait que certaines pratiques commerciales soient condamnables, qu'on modifie les lois pénales à ce sujet, qu'on augmente les amendes, parce que, curieusement, quand il s'agit d'amendes, les tribunaux, dit-on, sont parfois trop timides ou tout le monde les trouve trop sévères quand ils imposent de très fortes amendes. Je pense bien que de

très fortes amendes ont été imposées à certaines personnes, corporations, associations, syndicats et autres, qui n'ont pas toujours été payées ou qui ont été réduites pour toutes sortes de bonnes raisons. Alors, il faudrait faire attention et savoir où on s'en va. On peut toujours mieux juger des choses quand on les regarde en elles-mêmes, à leur mérite. Ne transformons pas ce recours d'ordre civil en un recours d'ordre pénal.

Maintenant, il y aurait peut-être lieu actuellement de modifier les articles concernant le jugement que peut rendre un juge. Le juge peut sans aucun doute condamner le débiteur, c'est-à-dire la personne poursuivie, à un montant d'argent; dans certains cas, il peut le condamner à un montant d'argent. Je ne sais pas comment il va le déterminer quand les réclamations individuelles sont indéterminées et quand on en ignore le montant. Je me suis posé la question au point de vue pratique: Comment le juge va-t-il pouvoir faire son calcul pour établir le montant global dont il ordonnera le dépôt au greffe?

Je pense que c'est peut-être un cas où il ne devrait pas y avoir de recours collectif, parce qu'on ne sait pas à qui va l'argent ou, en tout cas, on ne devrait pas condamner la personne à payer une somme d'argent et à déposer cette somme au greffe. On devrait donner au juge le pouvoir — on pourrait le donner peut-être à l'article 831, en particulier — de façon expresse, d'ordonner des mesures remédiatrices. Par exemple, le juge pourrait ordonner à tel fabricant qui a un peu triché sur le poids de remettre une once et demie de ce produit dans chaque boîte pour les trois millions de boîtes qui viennent, en présumant que ceux qui mangent la céréale X le matin vont rester à peu près les mêmes consommateurs dans un même lieu, au moins pendant un certain temps, à moins que la requête, comme on l'a dit, ait eu tellement de publicité que personne n'en achète plus. A ce moment, la récompense coûtera cher d'une autre façon.

Si on ne le dit pas de façon expresse, le juge n'a pas actuellement, à mon avis, le pouvoir d'ordonner de remettre les $0.25 qui me sont dûs à une personne qui m'est inconnue et qui ne les a pas demandés. Je pense qu'il faudrait le modifier. Nous ne sommes pas du tout opposés à ce genre de jugement réparateur, qui n'est pas nécessairement une somme d'argent, ou en tout cas à ce qu'on permette au juge de rendre un jugement mixte, si on peut dire. On pourrait ordonner le dépôt d'une certaine somme d'argent, parce que si on a trouvé la personne poursuivie responsable, il n'y a pas de doute qu'il faudra que cette personne paie tous les frais et tous les dépens, y compris les honoraires du procureur et les frais d'avis, etc., et d'expertises. Par conséquent, il faudra que le juge ait aussi, évidemment, la possibilité de rendre un jugement mixte, c'est-à-dire de condamner au dépôt d'une certaine somme d'argent, qui représente les frais et honoraires qui doivent être payés par la partie condamnée, et de faire en sorte pour le reste que l'exécution du jugement se fasse en nature, si on peut dire, au lieu de se faire en argent.

Maintenant, on ne prévoit pas non plus de façon expresse ce qui arrivera après un an quand tout le monde n'aura pas fait sa réclamation et qu'il restera un reliquat important. Dans certains cas, le reliquat pourrait être très important. Inutile de vous dire, et sans faire de politique partisane en aucune façon, que nous nous opposerons toujours à ce que ces reliquats tombent tels quels dans le fonds consolidé du revenu. Nous ne voudrions pas y voir une taxe indirecte.

Que certains pourcentages qui se limitent à un montant assez bas soient pris à même ce reliquat pour alimenter le fonds, je pense que c'est très bien. Cependant, nous ne voudrions pas que ces montants d'argent retournent à l'Etat. Après le délai d'un an, après le délai d'exécution, il nous semble que la règle normale que l'on retrouve déjà en matière d'exécution du jugement devrait être suivie et le reliquat devrait être remis au débiteur, comme dans le cas d'une vente en justice lorsqu'on vend pour un montant plus élevé que la somme requise pour payer la dette par capital, intérêts et frais.

Maintenant, il y a une petite correction. J'ose croire qu'il s'agit d'une erreur purement matérielle, sinon cela aurait un caractère très malicieux que je ne saurais prêter aux membres de cette commission ni au gouvernement. Ce sont les articles 38 et 39. Je lis mal ou il y a une erreur, parce qu'on prévoit la prépublication — nous sommes, au Barreau, vous le savez, très sensibles à ces publications de 30 jours dans la Gazette officielle. Très sensibles...

M. Lalonde: Vous avez dû frémir récemment.

M. Bergeron: Nous sommes des grands lecteurs de la Gazette officielle, y compris le règlement de la Gazette officielle. L'article 38 nous dit qu'un certain nombre de règlements devront faire l'objet d'un avis de 30 jours au moins. Je présume que cet avis — toujours pour les mêmes raisons — a pour but de permettre aux gens de présenter leur point de vue, de faire modifier le règlement, de corriger les anomalies, les erreurs et les injustices qui pourraient s'y trouver. A l'article 39, on reprend également les mêmes articles. Je me suis demandé si on voulait se donner le choix, soit de les publier ou de ne pas les publier. Mais je présume que je pourrais suggérer une correction: à l'article 39, je pense qu'on voulait dire — on me corrigera si je me trompe — qu'un règlement adopté suivant l'article 37 paragraphe d), entre en vigueur à la date de sa publication dans la Gazette officielle ou à une date ultérieure qui est fixée. Alors, éliminez "les" pour mettre "l'article 37, paragraphe d)". Autrement, le ministre responsable au gouvernement a le choix de publier pendant 30 jours ou de ne pas publier puisqu'on vise les mêmes choses.

J'espère que c'est une erreur matérielle et que la prépublication demeure pour ce que nous appellerons "les règlements importants".

Voilà, M. le Président et M. le ministre, l'essentiel des remarques que je voulais faire ce matin en plus du mémoire que vous avez.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: Je voudrais vous remercier infiniment de votre mémoire. Je sais que vous êtes aussi un de ces groupes qui a travaillé beaucoup sur ce dossier depuis plusieurs années. D'ailleurs, vous avez antérieurement soumis des notes, des commentaires, des mémoires à différents ministres de la Justice du Québec à ce sujet.

Vous me permettrez, pour ne pas abuser du temps — votre mémoire soulève beaucoup de choses intéressantes — de mes collègues et du temps de travail de cette commission... Je commencerai très rapidement — parce que vous avez évoqué, à la fin, concernant les articles 38 et 39... Si ce n'est pas clair, on fera les ajustements qui s'imposeront, mais il va de soi que l'article 38 porte sur le préavis, forcément, pour que les gens aient le temps de l'examiner et de faire valoir leur point de vue, tandis que l'article 39 est celui qui porte sur la publication, l'entrée en vigueur après les délais requis. S'il y a conclusion, et si cela pose une ambiguïté, les corrections seront faites. J'ai pris bonne note de vos remarques à ce sujet.

Vous me permettrez de revenir à d'autres points soulevés dans votre mémoire. Je ne pourrai malheureusement pas les aborder tous dans le temps qui nous est imparti. Il y a quand même un certain nombre de choses. Je pense que vous réaffirmez à la page 3 de votre mémoire une chose qui est fondamentale. Il y a peut-être eu dans les discussions et même dans certains mémoires, quand on les lit, une mauvaise compréhension de certains aspects ou certaines dimensions du projet de loi 39. Comme vous le signalez à bon droit, je crois qu'il faut insister: il s'agit de l'introduction d'un moyen de procédure. Souvent, on a dit, on a entendu des commentaires selon lesquels on changeait du droit substantif qui n'est évidemment pas le cas. On introduit une procédure.

Il a fallu y mettre le temps, je ne sais plus à quelle ième version du projet de loi on en est rendu au moment du dépôt du projet de loi 39, parce que, forcément, cela vient du droit anglais, cela vient de la "common law", cela vient des expériences américaines. Il a fallu quand même l'introduire, en tenant compte aussi de l'économie générale de notre Code de procédure civile et de ce que vous avez évoqué, des équilibres qui sont inhérents à l'introduction de ce genre de choses dans notre droit, mais je tenais à le signaler parce que vous le relevez à bon droit.

A la page 6 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, traitant de la requête, vous souhaitez que le juge s'assure qu'il existe bien — et là je vous cite — prima facie une vraisemblance de droit avant d'accorder l'autorisation d'exercer le recours collectif. Cette condition est d'ailleurs mentionnée — et vous avez raison — au niveau de l'attribution du fonds d'aide.

J'aimerais — et ce serait une de mes questions, si vous permettez, je vais vous débouler mes séries de remarques et de questions; je présume que vous en prendrez note et que vous pourrez les reprendre par la suite — que vous m'expliquiez beaucoup plus précisément ce à quoi vous faites exactement allusion et quelle distinction vous faites — parce qu'en droit, chacune de ces expressions n'est pas sans porter à conséquence, il y a de la jurisprudence déjà qui existe — entre les expressions "prima facie", "vraisemblance de droit", et j'en ajouterais une, que nous-mêmes n'avions pas retenue au départ, mais sur laquelle, je ne vous cacherai pas que je serais porté à m'arrêter très sérieusement, et ce, même au niveau de la requête, la notion d'apparence de droit.

Je crois qu'il y a là trois notions en droit qui sont bien différentes. La notion d'apparence n'est pas une notion du droit civil comme telle, mais une notion maintenant bien établie, bien connue, bien cernée par la jurisprudence. Je ne vous cacherai pas que je serais plutôt porté à vous dire que je suis très ouvert à l'idée d'examiner la possibilité d'introduire au niveau même de la requête quelque chose qui se situerait dans cette veine, sans aller jusqu'à la vraisemblance de droit; je pense qu'il y a des distinctions fondamentales, mais, en tout cas, je suis très ouvert à regarder de très près cette idée de l'apparence de droit, quitte à faire les ajustements en ce qui concerne le fond, cependant.

C'est une de mes remarques, questions ou commentaires-questions, si vous voulez. D'autre part, à la page 8, concernant le fameux article 1048, les groupes, je crois d'ailleurs, qu'il faudra peut-être voir à resserrer peut-être le texte, quelqu'un m'a dit que, de la façon dont c'est défini, l'article tel que formulé, en regard des définitions du projet de loi, la notion de membre, par exemple, une personne faisant, etc., peut-être qu'on aurait, sans l'avoir voulu, ouvert aussi par 1048 le recours à une compagnie faisant affaires et non pas évidemment ce que cela visait — tout le monde l'aura compris — les groupes qui font un peu métier, mais ont une existence légale et non pas des choses qui s'improvisent n'importe comment, de défendre les consommateurs.

Vous vous opposez à l'introduction de toute manière de cette idée. Je pense bien que vous savez qu'il existe déjà, par analogie, je dis bien, parce que, strictement, c'est une chose nouvelle, d'une part, des coopératives qui exercent des recours. Bien souvent, lorsqu'elles exercent des recours, elles le font au nom de leurs membres. Est-ce qu'il y a une entité juridique qui existe surtout dans le domaine des coopératives, sans être par définition, le porte-parole d'un groupe? C'est vrai aussi dans le cas des syndicats qui plaident, vous le savez comme moi, des griefs collectifs, qui plaident des griefs même individuels, donc, par extension. (11 h 55)

D'autre part, aussi, j'avoue que j'ai plutôt à ce sujet une approche très pragmatique. La pratique de ce genre de situation, de ce genre de problème, m'indique au fond qu'on sait pertinemment bien, et c'est normal et bien légitime, cela s'est développé depuis un certain nombre d'années dans notre société, des groupes de consommateurs se sont organisés, se sont donné des instruments, des outils pour faire valoir leur point de vue, défendre leurs droits. C'est normal et heureux que

ce soit fait et que cela occupe sa place normale dans une société comme la nôtre, surtout une société de production de masse avec les problèmes que cela cause. Au fond, on sait fort bien, même dans l'état actuel des choses, même sans l'existence du recours collectif, on sait fort bien que dans bon nombre de causes qui impliquent des consommateurs devant les tribunaux — et je puis dire que j'en parle d'expérience — les groupes étaient plus que là. Ce que je veux dire, c'est qu'ils étaient là financièrement, ils étaient là techniquement, ils étaient là fournissant très souvent même les avocats. Au fond, à toutes fins pratiques, il y avait comme une espèce de fiction qui n'était même plus juridique, comme si on se voilait la face pour dire: Ils ne sont pas là, mais de facto ils étaient là, du consentement d'ailleurs du consommateur ou des consommateurs, des groupes, par exemple, qui ont pris des recours devant les tribunaux dans les cas de vices et de défauts cachés sur des voitures usagées ou neuves, sur des maisons neuves. Ce sont, encore une fois, des choses que j'ai touchées personnellement du doigt. Ils étaient là de facto.

Je me dis: Au fond, est-ce que ce n'est pas un peu chercher à se voiler la réalité que de dire: C'est une situation de fait. Pourquoi est-ce qu'au contraire au lieu de se la cacher, on ne l'ouvrirait pas comme telle puisque c'est une situation de fait, à toutes fins pratiques, mais en balisant cela pour ne pas que cela se tire dans toutes les directions en même temps et que cela donne naissance à des choses qui soient carrément farfelues ou qui soient de fausses représentations, tentant à représenter de faux intérêts.

On a donc tenté de le baliser, de l'encadrer pour l'ouvrir. On ne se le cachera plus et on va l'introduire comme tel, quitte à faire les ajustements. Je me demande si ce n'est pas vous-mêmes qui le mentionnez dans votre mémoire, d'autres groupes en font état, quand on introduit une chose comme celle-là dans notre droit, dans le Code de procédure civile, il est vraisemblable que cela supposera, à l'usage, à l'expérience, des ajustements. C'est bien normal. Quitte à le réajuster, à le baliser de façon plus serrée le cas. échéant, mais je vous donne simplement l'idée de l'introduire.

Par ailleurs, sautant à une autre question, à la page 11, et vous l'avez évoqué, à la page 11 de votre mémoire et dans les pages suivantes, vous vous opposez à un recours collectif qui donnerait lieu à un recouvrement collectif. A toutes fins pratiques, pour le cas où il y aurait un reliquat de 100%, parce que là vous argumentez sur une base strictement juridique en disant: Est-ce qu'il n'y a pas opposition, est-ce que l'article 1034 ne va pas à l'encontre de l'article 469 du Code de procédure civile qui prévoit, et vous avez raison, que le jugement portant condamnation doit être susceptible d'exécution et que celui qui condamne à des dommages doit en contenir la liquidation?

Vous avez parfaitement raison, mais le reliquat qui, après représentation des différentes parties, est redistribué, est remis à la collectivité est une liquidation. C'est une liquidation collective, me direz-vous, bien sûr, mais qui n'arrache et qui n'enlève rien de plus au défendeur que ce à quoi il aurait été condamné si chacune des parties, chacun des citoyens avait pu s'identifier et obtenir pleinement de faire valoir ses droits devant le tribunal et obtenir justice et le remboursement de chacun des petits montants. Poussé à l'extrême, je me demande où cela nous mène. Je vous avoue que je crois que cela pose des questions absolument fondamentales.

Imaginons le cas où on irait précisément... et il y en a, on peut tout de suite en voir, il y a des cas très concrets. Vous avez mentionné la boîte de céréales, c'est très vrai. Si le reliquat ou l'essentiel, à 100%, ne pouvait pas être redistribué à tel et tel consommateur bien identifié, il faudrait le remettre au défendeur; je me dis: Cela nous mène où? Est-ce qu'on n'introduira pas, finalement, quelque chose qui risque d'être terriblement dangereux, à mon point de vue? Une double forme, deux poids, deux mesures. Poussé à l'extrême... Je ne veux vraiment pas exagérer, mais je ne vous cacherai pas qu'on y a pensé très sérieusement. Poussé à l'extrême, le message serait quoi, pratiquement? Le messager serait... Et Dieu merci, c'est loin d'être toutes les entreprises qui se comportent comme ça.

Si vous avez à utiliser des techniques de mise en marché frauduleuses, quant à le faire, tâchez d'y aller sur des tout petits montants et frappez une quantité industrielle de citoyens, parce que vous avez des chances de vous en tirer. A l'opposé, si vous y allez sur des gros morceaux, comme l'automobile, le téléviseur, en général, les gens conservent leurs factures d'achat. Il y a une piste que vous évoquez; peut-être que le projet de loi n'est pas suffisamment clair, par ailleurs, en toute honnêteté.

Vous évoquez aussi cette idée que le juge, sur représentation toujours, puisse déterminer, dans le cas de reliquats, des façons d'y remédier. Vous avez évoqué, par exemple... Il n'y a rien d'exclu, je crois précisément qu'il ne faut vraiment rien exclure et donner cette possibilité d'ouvrir différentes avenues. Parce que la compensation ou le remboursement pourrait prendre différentes formes. On a invoqué ce matin le fameux cas de la compagnie de taxis aux Etats-Unis, où le tribunal a ordonné de réduire les tarifs d'une compagnie qui avait trafiqué ses compteurs — ou les "meeters" comme on dit dans le jargon — pendant une période de temps x correspondant à la somme d'argent arrachée illégalement à des citoyens. "Vous avez parfaitement raison. Dans cette perspective, je crois donc que ça ouvre toute une série d'avenues. Dans cet esprit, je crois que vous avez vraiment mis le doigt sur une des choses essentielles que vise le projet de loi; c'est de pousser, jusqu'à sa fine pointe, je pense que je reprends votre propre expression, la notion en droit de responsabilité jusqu'au bout, de faire en sorte que les principes qui risquent d'être du placotage ou des trucs écrits sur papier, mais qui ne mènent nulle part, l'enrichissement sans cause, d'une part, et, d'autre part, le droit d'obtenir ce qu'on appelle en droit la répétition de l'indu.... A cause de toutes

sortes de règles qu'il faut réévaluer, ce n'était pas possible d'y arriver.

Donc, j'avoue qu'il me semble, à première vue, à moins que j'aie mal saisi vos commentaires, il semble peut-être y avoir des choses que je réussis mal à concilier dans vos commentaires.

Egalement, je sais que certains de mes collègues y reviendront et j'aurai l'occasion d'y revenir. Je ne vous cacherai pas que je serai heureux de vous entendre là-dessus, je sais qu'il va y avoir des questions qui vous seront posées. A la page 12 et ailleurs dans votre mémoire, vous évoquez cette idée de dommages punitifs et, honnêtement, je me demande vraiment où est l'article, dans ce projet de loi, qui introduit cette notion de dommages punitifs, au sens de cette expression. Le dommage punitif est une chose qui existe en droit américain, "punitive damages", qui n'existe pas dans notre droit québécois.

Je ne vois vraiment pas en quoi, par le projet de loi 39, on a introduit cette notion.

En d'autres termes, et ce n'est pas du droit pénal, on distingue vraiment bien. Ecoutez, je pense toujours à l'exemple, on le sait; c'est pour ça qu'il faut introduire les fameuses compagnies; à force de citer le cas, je vais finir par échapper le nom. C'est une compagnie qui vendait les antennes de télévision $4.98 et des études scientifiques ont montré que cela avait la particularité de ne pas capter le premier commencement de bout d'onde de télévision. Elle a arraché le $4.98 à combien, 500 citoyens, 1000, 5000, 10 000? Personne ne le sait, vous ne le savez pas, je ne le sais pas. Elle a été condamnée à des amendes. Pas un petit montant, $2000 d'amende. Elle a continué à fonctionner sans permis.

C'est cela qu'il faut concilier. C'est la partie pénale, punitive. J'ai entendu évoquer cette notion de dommage punitif et je la revois dans certains mémoires. D'autres d'ailleurs, dans leur argumentation, vont beaucoup plus loin que ce que vous évoquez. Mais en quoi est-ce que le projet de loi, tel qu'il est présentement libellé, ferait en sorte qu'un défendeur pourrait être condamné à payer une somme plus considérable que ce que le même défendeur aurait eu à payer s'il avait été poursuivi par chacun des 500, des 5000 ou des 10 000 citoyens? Et dans certains cas, les 5000, les 10 000 citoyens, en partie ou en totalité, ne pourront jamais être identifiés. Le cas de la boîte de céréales est l'exemple par excellence. Le cas du taxi pourrait être vrai aussi, en partie. Il y a peut-être des gens qui ont gardé leur reçu. Le cas du téléviseur, c'est une autre paire de manches. En général, on garde ce genre de facture. Je voulais le signaler au passage.

J'aurais deux questions additionnelles à vous soumettre, très rapidement. Une première, c'est concernant les honoraires judiciaires et les honoraires d'avocat. Ne croyez-vous pas, dans l'état actuel des choses, qu'il serait préférable de laisser, et le Barreau, et la Cour supérieure, faire chacun respectivement son travail? C'est-à-dire, dans le cas de la Cour supérieure, de déterminer ses tarifs, comme cela se fait occasionnellement, quand il y a des procédures nouvelles, des choses nou- velles qui sont faites, et laisser le Barreau, par ses règlements, en relation avec l'Office des professions, déterminer le cadre concernant les honoraires d'avocats dans ce genre de cause. J'ai cru comprendre que vous étiez plutôt porté à suggérer que ce soit déterminé par le tribunal, avec certaines nuances. Je me demande s'il n'y aurait pas simplement lieu de laisser les règles habituelles jouer? Je vous pose la question.

Une dernière question et je m'arrête là-dessus; je m'excuse d'avoir abusé. La recommandation 7 en page 20, qui concerne le fonds, "que la demande d'aide ne soit entendue qu'après jugement favorable à l'égard de la requête ". En d'autres termes, vous n'acceptez pas cette idée que le fonds puisse avancer une somme avant même que la requête ait été entendue. En d'autres termes, vous n'acceptez pas cette idée que des citoyens qui n'ont pas les moyens puissent obtenir du fonds l'aide requise, dans certains cas... Et à partir d'un certain nombre de critères, que ce soit la vraisemblance ou l'apparence du droit, plus un certain nombre d'autres critères, les fonds requis pour simplement être capable de pousser beaucoup plus loin leurs expertises, préparer leur preuve, simplement pour être capable de faire valoir pleinement leur requête. D'accord.

Mais dans l'hypothèse où on retient votre proposition selon laquelle il n'y a plus d'avance du fonds avant que la requête soit entendue, je vous ramène aux commentaires que vous faisiez sur la Commission d'aide juridique et sur les notes explicatives en nous disant: si vous avez des suggestions à apporter; vous nous suggérez plutôt de corriger les notes explicatives. C'est bien.

Mais dans l'hypothèse où on retiendrait votre suggestion — et remarquez qu'à certains points de vue, je blague, mais cela mérite d'être examiné attentivement, ce que vous formulez comme suggestion sur ce plan — le citoyen qui n'a pas les moyens et en plus, qui n'aurait vraiment pas les moyens, à côté d'autres citoyens qui auraient, eux, les moyens de se payer, dans certains cas... Je vais donner des exemples, parce que dans certains cas, il y a des produits sophistiqués. Cela suppose des expertises très sérieuses et on ne se tire pas. Si je ne peux pas les faire, il se pourrait fort bien que je ne sois pas capable de présenter une requête qui puisse se défendre au niveau même, en introduisant une notion comme l'apparence de loi, ce que je serais prêt à regarder, de la soutenir valablement. Il pourrait fort bien y avoir des citoyens qui soient lésés dans l'exercice de ce recours. (12 h 10)

A ce moment-là, est-ce que, retenant votre hypothèse, je ne serais pas plutôt porté, en toute conscience, à corriger non pas les notes explicatives, mais le fond, pour faire en sorte que les citoyens qui n'auraient pas les moyens financiers puissent au moins s'adresser à l'aide juridique, en tout cas à tout le moins pour la requête?

M. Bergeron: Excusez-moi, M. le Président. Je vais tâcher de répondre à vos questions. Elles sont si vastes que cela nous prendrait quelques jours à y répondre complètement. Evidemment, ce qui

nous a amenés à faire le commentaire sur la question de la vraisemblance de droit ou à dire au moins que les conclusions sortent des allégations et des faits allégués, c'est la lecture des règles, à la fin, concernant le fonds d'aide, où on parle de vraisemblance de droit. Dans un même esprit, c'est tiré de la Loi de l'aide juridique, en somme, c'est inspiré de là, parce qu'en matière d'aide juridique, on parle aussi de la vraisemblance de droit.

On a dit qu'il faudrait le mettre aux deux endroits. Comment serait-on plus sévère pour accorder de l'aide au fonds, par le fonds et moins sévère au niveau de l'exercice de la requête? En somme, ces recours, si on veut maintenir l'équilibre qui s'inscrit dans la loi, doivent être exercés avec une certaine prudence, parce qu'il n'y a pas de doute qu'une poursuite de plusieurs millions de dollars pourrait mettre une entreprise en faillite ou en difficulté financière sérieuse. Ce sont aussi les travailleurs de cette entreprise qui paieront les pots cassés, parce que, si l'entreprise ne fonctionne plus, les employés n'auront plus de travail non plus.

L'idée de vraisemblance de droit, est-ce que cela paraît sérieux, votre affaire? Est-ce que cela vaut la peine d'être examiné?

M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre. Ma question précisément là-dessus était la suivante: Faites-vous une distinction entre notamment deux expressions que vous utilisez dans votre mémoire, "prima facie", d'une part, "vraisemblance de droit", d'autre part, et j'en ajoutais une troisième, "apparence de droit"?

M. Bergeron: Je pense bien que nous avions assez clairement dans l'esprit ce qu'on retrouve à l'article 847 du Code de procédure civile concernant les recours extraordinaires et la jurisprudence qui l'a clairement interprété. Nous pensons qu'au niveau de leur autorisation, les choses doivent être regardées de façon très sérieuse, parce que ces recours sont susceptibles d'entraîner des déboursés énormes, de taxer l'appareil judiciaire de façon sérieuse, dans certains cas, par des enquêtes qui peuvent être fort longues. Je pense bien que nos commentaires s'inscrivent dans le cadre du texte de l'article 847 et de l'interprétation qu'on lui a donnée. Je pense bien que c'est le plus précisément possible que je peux vous exprimer notre pensée là-dessus.

Sur l'article 1048, remarquez que nous avons signalé un danger. C'est bien sûr que, dans certains cas, des groupements existent pour financer les poursuites — tout le monde en connaît et beaucoup d'avocats en ont fait l'expérience — mais nous craignions un abus de ce côté qu'il nous apparaissait normal de signaler.

Mais nous n'en faisons pas une question de vie ou de mort, sauf qu'on dit qu'il y a peut-être un danger. Comme vous l'avez signalé très justement, il y a sans aucun doute une clarification à apporter à l'article 1002, entre ce qu'est un membre... Finalement, on va se retrouver en face d'un membre qui est membre de deux groupes, dans un certain sens. La corporation, cela veut dire toute partie, toute personne morale. Cela comprend les groupes, les associations qui ont une charte en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies, comme les compagnies limitées qui sont des compagnies commerciales. Alors, il y a sans doute une précision à apporter de ce côté.

Sur la question du reliquat de 100%. Evidemment, on est en face d'un nouveau recours qui n'existe pas. C'est un recours très jurisprudentiel. Même si on a fait une belle adaptation au droit civil de cette institution inspirée du "common law", il reste qu'on a fort justement, je pense, redonné dans la loi, mais dans des textes d'inspiration civi-liste, un rôle important au juge. Le juge, dans notre droit, ne peut pas ordonner ce que la loi ne lui permet pas d'ordonner. Nous croyons que le texte tel quel laisse subsister, à tout le moins, un doute très sérieux sur la possibilité pour le juge d'ordonner une condamnation en nature, si je puis m'exprimer ainsi. Nous ne sommes pas sûrs, nous n'avons pas d'objection, au contraire... On dit: Justement. Si vous voulez, je vais essayer de préciser. Nous aurions des objections et nous pensons que cela devient pénal parce que la distinction entre pénal et civil à ce niveau, est-ce que ce n'est pas ceci: Si le montant que l'on force une personne à payer va à la collectivité, qui est l'Etat, sans profiter à ceux qui ont été les victimes, la compensation financière tirée du pénal, à ce moment, tirée de l'accusé, est de nature pénale. Elle est remise à l'Etat, mais ne sert en rien à ceux qui ont été les vraies victimes, tandis que dans le domaine civil, la compensation est versée à ceux qui ont subi l'injustice, le préjudice. Dans la mesure où le reliquat est versé à la collectivité, de la même façon qu'un recours pénal, la sanction est faite par la collectivité, pour la collectivité, mais ne profite à personne.

Alors, nous pensons qu'il faut prendre tous les moyens pour garder à ce recours sa nature civile et faire en sorte que les compensations soient faites aussi bien en nature qu'en argent. Je comprends qu'on ne visera pas à 100%... Si on prend les mangeurs de céréales d'une telle sorte, dans la ville de Québec, pendant six mois, les six mois qui précèdent et les six mois qui suivent, normalement, on devrait retrouver à 90% les mêmes personnes, ou selon un pourcentage suffisamment important pour que l'on dise: II y a, à toutes fins pratiques, compensation versée à la victime, mais en nature. Cela pourrait aussi avoir le grand avantage de ne pas mettre en difficulté financière la personne tenue de compenser ainsi les victimes de son fait ou de sa faute, parce qu'il peut être plus facile de remettre une once et demie de céréale dans une boîte plutôt que de payer $2,5 millions au protonotaire dans les 30 jours.

M. Marois: Mais, à ce sujet, est-ce que vous acceptez l'idée qu'il faut y aller avec une grande marge de souplesse pour que chacun des cas puisse être évalué au mérite et, notamment, au mérite financier quant à ses implications financières. Je pense bien que vous admettrez avec moi qu'il y a là une convergence d'intérêts qui peuvent, à première vue, apparaître divergents. Cela

veut dire que cela peut être l'intérêt des consommateurs que l'entreprise ne soit pas sur le dos, je pense bien, et aussi l'intérêt de l'entreprise d'arriver à ce qui est tout simplement la justice au sens strict de ce que ce mot doit être. Il y a donc là...

M. Bergeron: C'est pour cela que nous suggérons que vous élargissiez le texte de 1031 ou de 1036 — cela peut être 1036 ou 1031, mais c'est une question de rédaction.

On parle de disposer du reliquat, à l'article 1036; dans beaucoup de cas, il n'y en aurait pas de reliquat et le juge n'aurait pas le problème de se demander ce qu'il va faire avec cela, s'il peut ordonner facilement des compensations en nature selon les modalités et les conditions que le juge trouvera plus propices dans le cas qui est devant lui. Il est évident qu'il faut simplement donner le pouvoir au juge et lui laisser toute la latitude de l'exercer de façon à peu près imprévisible, à cause de la variété des cas qui pourraient se présenter devant lui.

Notre remarque, c'est plutôt que le pouvoir, nous ne sommes pas là. Maintenant, s'il y a fraude, dans certains cas, il est peut-être impossible, même avec toute la latitude qu'on voudrait y mettre, de permettre une compensation quelconque aux réelles victimes. Nous croyons qu'à ce moment-là le recours collectif n'est pas la bonne procédure et que c'est plutôt dans le domaine pénal qu'on devrait y aller et, à ce moment-là, allons-y aussi généreusement qu'en matière d'impôt, en s'inspirant de cela, en imposant des amendes qui sont le double, le triple ou cinq fois ou dix fois le montant fraudé. Cela servira à la collectivité uniquement. Il y a une frontière impossible à dépasser, à mon avis, si on veut rester dans le domaine purement civil, mais je veux dire qu'on pourrait le mettre même dans la loi, si cela était nécessaire, mais je ne le crois pas: on pourrait dire que le juge peut recommander des poursuites pénales, s'il estime qu'il y a eu transgression du Code criminel, mais je ne pense pas que cela soit nécessaire. Je vous mentionne cela simplement pour vous montrer, en somme, que, dépassé une certaine frontière, le recours collectif n'est plus la bonne arme, le bon moyen, et il faut trouver d'autres moyens.

C'est sûr qu'il est toujours choquant et dangereux que l'on permette des petites fraudes difficiles à corriger ou qu'on les laisse faire, nous sommes d'accord. Il ne faut pas que les petites fraudes soient possibles plus que les grosses. Mais nous voulions tout simplement indiquer la limite, si vous voulez, qui ne peut pas facilement être dépassée. Cela m'amène à la question suivante, celle des dommages punitifs. Nous parlons de dommages punitifs dans le sens que, quand ils ne servent pas à compenser les victimes elles-mêmes ou le même groupe de façon précise, on dit: C'est punitif, parce que cela ne sert pas à compenser les victimes elles-mêmes. C'est dans ce sens qu'on l'a utilisé.

Maintenant, les honoraires. Nous avons pensé que ce recours très exceptionnel, tiré de la 'common law" d'ailleurs, devrait peut-être rester fidèle à sa source et, dans certaines juridictions de "common law", les honoraires, lorsqu'il y a une dispute entre le client et son avocat, sont décidés par la cour ou par les officiers de la cour et non pas par le Barreau. Par exemple, si ma mémoire est bonne, c'est le cas en Ontario.

Alors, nous croyons que, dans ce cas exceptionnel, le juge qui a entendu toute l'affaire — et on dit bien que le même juge doit tout régler — était peut-être la seule personne capable de fixer rapidement, sans refaire une enquête, parce que cela peut être énorme... J'ai vu des cas d'arbitrage où les avocats chargés de l'arbitrage, et gratuitement par surcroît, avaient 35 dossiers à examiner. Evidemment, c'est une punition qu'on impose à un confrère une fois dans sa vie et les avocats chargés d'arbitrer les honoraires vont être obligés de refaire des enquêtes extrêmement pénibles et difficiles.

Alors, fidèle à l'esprit que le même juge doit tout régler, pour ne pas recommencer l'enquête, nous croyons qu'il est la seule personne qui puisse rapidement déterminer les honoraires, d'autant plus que ces honoraires vont déterminer le reliquat à être payé à chacun des réclamants.

M. Marois: Mais, M. le bâtonnier, quand vous parlez d'honoraires présentement, vous parlez d'honoraires judiciaires?

M. Bergeron: Je parle des deux et j'allais préciser justement. Evidemment, il n'y a pas de doute que les honoraires judiciaires qui comprennent les déboursés et les honoraires payés par la partie adverse doivent être déterminés par le tribunal, comme d'habitude, et en vertu des mêmes règles de discrétion qui sont déjà très larges et qui suffisent, à mon avis, et qu'on reprend en substance ici.

Je parlais des honoraires de l'avocat des représentants, qui s'est embarqué dans un gros bateau dans certains cas et qui aura à dépenser des sommes folles de temps et d'argent pour mener son recours à bonne fin.

Alors, les honoraires extrajudiciaires, nous semble-t-il, doivent être déterminés par le juge. La seule suggestion que m'inspire votre remarque, c'est peut-être que le Barreau devrait être invité à intervenir de façon formelle devant le juge lorsque cette question est débattue, de sorte que l'on puisse apporter le point de vue que l'on retrouve dans les arbitrages. (12 h 25)

M. Marois: M. le bâtonnier, le Barreau ne serait pas porté, dans cette lancée, à être encore plus formel que cela et à examiner la possibilité de faire ce qu'il fait par ailleurs dans l'état actuel des choses, dans ses règlements, de prévoir des règles de base.

M. Bergeron: Elles sont déjà prévues en somme.

M. Marois: C'est cela, au fond. Il n'y a peut-être même pas lieu, après un examen, de les resserrer. Je n'en sais rien, ce serait à examiner.

M. Bergeron: Si on me permettait, je ne suis pas certain que le Barreau soit souvent intervenu à titre de amicus curiae sans que les tribunaux refusent jamais ce genre d'intervention. On donne à un juge le pouvoir formel de déterminer les honoraires extrajudiciaires et nous nous sommes déclarés d'accord là-dessus, parce que nous faisons état, à la page 15 d'ailleurs, des critères qui doivent guider le juge lorsqu'il détermine les honoraires extrajudiciaires. Alors, si je reviens à votre question, M. le ministre, nous citons, dans notre mémoire, les critères qui sont au Code de déontologie et qui doivent guider les arbitres lorsqu'il y a une dispute sur un compte d'avocat et qui devraient être les mêmes critères qui doivent guider le juge dans la détermination des honoraires extrajudiciaires. Peut-être faudrait-il prévoir au projet une intervention formelle du Barreau, lequel pourrait justement être chargé de défendre, devant le juge, l'application de ces critères et fournir au juge les indications qui pourraient lui permettre... Parce qu'actuellement on donne le pouvoir au juge de déterminer les honoraires extrajudiciaires, je présume que le juge peut prendre connaissance de l'office des règlements du Barreau, malgré que certains pourraient discuter de cette possibilité, mais il n'y aura pas nécessairement débat tout à fait éclairé, ni de partie impartiale qui vienne représenter les critères et la façon de les appliquer. Alors, je pense qu'on pourrait tout simplement introduire, à la suite de votre suggestion, un amendement qui, à ce niveau, prévoit une intervention formelle du Barreau qui sera chargé de démontrer au juge les critères qu'il doit suivre et comment les appliquer au cas qui est devant lui.

M. Marois: M. le bâtonnier, je ne veux pas y mettre une insistance indue, mais est-ce que le Barreau accepterait à tout le moins de reconsidérer cette question, je parle des honoraires extrajudiciaires, a la lumière de vos règlements pour voir si... parce que cela fait partie aussi de l'économie générale de notre façon de fonctionner. Je veux bien m'inspirer des Américains, des Anglais, des autres provinces et le reste, mais je pense que vous l'avez mentionné vous aussi avec justesse. J'ai l'impression que tout le monde s'entend là-dessus. Il faut quand même respecter l'économie générale, avec les ajustements que cela suppose, de nos modes de fonctionnement chez nous, sans essayer de tout régler en même temps. Je pense qu'on n'y arrivera pas.

Est-ce que le Barreau accepterait de regarder de très près cette question concernant les honoraires extrajudiciaires, à la lumière des règlements qu'il a déjà? Est-ce qu'il n'y a pas lieu de resserrer, de préparer... Est-ce qu'il y aurait possibilité que le Barreau, comme il l'a déjà fait d'ailleurs dans d'autres domaines, au fur et à mesure que des choses nouvelles se sont ouvertes... il y a des ajustements qu'on appelle les tarifs. Est-ce qu'il y aurait possibilité que le Barreau regarde cela de très près pour voir s'il n'y aurait pas moyen de le cerner pour éviter, au fond... Si c'est le tribunal, j'ai une grande crainte, sauf pour les cas exceptionnels. Remarquez que, déjà, dans nos règles de fonc- tionnement, il est prévu, dans les cas où il s'agit, je ne me rappelle plus de l'expression de notre jargon, dans les cas où il y a des choses exceptionnelles, que les avocats demandent à la cour de statuer; il y a une procédure de prévue pour ça.

Mais c'est exceptionnel, la règle de fond étant qu'il y a un tarif et sauf cas exceptionnels, cela implique forcément les cas où le Barreau recevra des plaintes et sera appelé à faire un arbitrage de ces cas-là. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de regarder ça de très près. Je vous le soumets à nouveau, je ne veux pas étendre la discussion là-dessus. On a du temps devant nous, tous ensemble, pour regarder ça avant d'y arriver, mais ça vaudrait la peine de s'y pencher.

M. Bergeron: Nous n'avons pas d'objection à le regarder à nouveau pour voir s'il y a lieu de modifier le projet de loi, finalement. Nous approuvons ce que le projet de loi prévoit à ce sujet d'ailleurs.

Mais nous pourrons examiner la question et vous envoyer une lettre avec copie aux membres des autres partis, sur notre réponse à cette question précise.

J'arrive à la question...

M. Marois: Je vous fais juste remarquer, M. le bâtonnier, que le projet de loi ne prévoit rien concernant les honoraires extrajudiciaires, pas plus que les honoraires judiciaires. Nous avons tenu pour acquis que les règles générales allaient s'appliquer, que la Cour supérieure allait établir son tarif, que le Barreau regarderait de son côté ses règlements pour voir s'il y aurait lieu de les ajuster, de faire un règlement particulier pour les recours collectifs ou pas. On est très ouvert pour en discuter avec vous.

M. Bergeron: C'est l'article 1035 qui m'a peut-être induit en erreur.

M. Marois: Non, il s'agit simplement de la collocation, mais cela ne préjuge pas de la décision. C'est une question...

M. Bergeron: Moi, j'avais compris que le juge déciderait de tout ça, puisqu'il faudrait qu'il partage les sommes. Je voyais mal comment il pourrait éviter de le décider. Sous réserve de réexamen que nous sommes bien prêts à faire, je vous fais simplement part d'une idée qui a présidé à la suggestion, à ma compréhension personnelle, que le juge décidait de cela. Si vous avez un jugement qui est rendu aujourd'hui et qu'une enquête a duré six mois, avec des experts de n'importe quelle couleur et que vous avez un arbitrage qui détermine... L'avocat qui fait son compte et dont les honoraires seront colloques doit être soumis à certains contrôles, sinon il va envoyer son compte, et qui va le contrôler? Dans mon esprit, je pensais que c'était le juge qui allait rendre cela exécutoire. On ne peut pas prendre d'argent à même une somme qui est déposée, à moins d'avoir un jugement exécutoire ou une entente écrite.

M. Marois: C'est cela.

M. Bergeron: Alors, vous ne pourrez pas retirer d'argent du dépôt judiciaire — parce que les sommes déposées chez le protonotaire s'en vont toujours au dépôt judiciaire automatiquement — et on ne pourra pas retrouver l'argent sans un jugement ou sans une entente écrite. L'entente écrite, à qui le procureur peut-il donc la faire? Est-ce qu'il va la faire avec toutes les parties en cause? Qui sont les parties dans un recours collectif? Tous les membres de la classe ou du groupe.

L'entente m'apparaissait impossible, quant à moi, et je me suis dit: II n'y a qu'un moyen d'aller chercher cette somme qui est colloquée en deuxième lieu, c'est un jugement du juge qui a entendu toute l'affaire et qui est exécutoire comme le jugement qui condamne au paiement. C'est ce qui explique ce qu'on a mis dans notre mémoire, et ma compréhension du texte de loi, croyant que le juge... En tout cas, j'ai cru que le juge avait ce pouvoir à cause de cela. Mais on pourra réexaminer la question.

Le Président (M. Marcoux): M. Bergeron, vous allez m'excuser. Nous avons dépassé le temps qui nous était alloué ce matin. A la suite des discussions qui ont eu lieu entre les membres de la commission, on souhaiterait que vous veniez à nouveau au début de l'après-midi poursuivre la discussion avec les membres de la commission sur votre mémoire. Ce serait normalement vers quinze heures cet après-midi. Est-ce que vous pouvez vous rendre disponibles?

M. Bergeron: Nous sommes à votre disposition, évidemment.

Le Président (M. Marcoux): La commission de la justice ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

Reprise de la séance à 15 h 43

Le Président (M. Marcoux): A I'ordre, messieurs!

La commission de la justice reprend l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 39, Loi sur le recours collectif.

Les membres de la commission sont M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi) remplacé par M. Marois (Laporte); M. Blank (Saint-Louis) remplacé par M. Pagé (Portneuf).

M. Lalonde: Excusez-moi, M. le Président, remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal).

Le Président (M. Marcoux): ... remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Charbonneau (Verchères) remplacé par M. Clair (Drummond); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavi-gne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Tardif (Crémazie).

Nous étions à l'étape de la discussion avec le Barreau du Québec. Je pense que la parole était au député de Marguerite-Bourgeoys. Est-ce que vous avez terminé les réponses?

M. Lalonde: Non.

Le Président (M. Marcoux): Vous étiez encore à répondre aux questions posées par le ministre Allez-y.

M. Bergeron: La dernière question à laquelle je n'avais pas répondu, c'était...

Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous vous identifier à nouveau pour les fins du journal des Débats?

M. Bergeron: Viateur Bergeron, bâtonnier du Québec. C'était la question sur notre recommandation no 7, à la page 20, concernant l'octroi de l'aide. Evidemment, il faut peut-être penser à ce qui est sous-jacent à cette recommandation d'abord. Premièrement, ce qu'on veut, c'est éviter que l'on juge deux fois en des endroits différents la même chose, parce qu'on parle de vraisemblance de droit, au niveau du fond et qu'on n'en parlait pas encore au niveau de la requête, bien qu'on puisse trouver d'autres critères.

Peut-être que la vraisemblance de droit dont on parle au niveau du fond n'a pas la même signification que celle qu'on voudrait retrouver au niveau de la première partie. C'est quand même beaucoup plus, je pense, dans le langage employé ce matin, une apparence de droit ou un recours qui nous semble sérieux à la façon dont on l'apprécie au niveau de l'aide juridique plutôt qu'une vraisemblance de droit au niveau de l'octroi d'un bref d'évocation. C'est le premier commentaire.

Deuxièmement, évidemment, peut-être qu'on peut pallier le problème que cela pourrait poser en laissant l'idée de vérification du sérieux du bien-fondé du recours, comme dans le cas des recours extraordinaires en vertu de l'article 847 du Code de procédure civile, les recours collectifs, en somme, sont au moins aussi dangereux que les recours extraordinaires du Code de procédure civile qui existent déjà. Je pense qu'au niveau préliminaire, on devrait les traiter avec autant de sérieux pour éviter les abus, comme on l'a bien vu dans le projet, en y mettant une requête préalable.

Maintenant, il faut bien penser qu'il nous semble que l'octroi de l'aide en vertu du Fonds d'aide aux recours collectifs s'adresse à une catégorie de personnes très différente quand même de l'octroi de l'aide juridique. En effet, ce fonds d'aide vise l'ensemble des consommateurs, jusqu'à un certain point, sans égard à leurs moyens financiers. Comment va-t-on évaluer l'octroi de l'aide, puisqu'on va regarder, en somme, le représentant du groupe? Il est très difficile de savoir si ceux qui consomment le produit X sont admissibles ou non à l'aide juridique. Nous pensons que c'est une question de protection du consommateur et qu'à l'usage les critères qui vont être utilisés pour l'octroi de l'aide dans le cas de ce fonds vont être quand même très différents des critères utilisés pour l'octroi de l'aide juridique à l'individu. D'autant plus, évidemment, que dans ces cas, normalement, le jugement obtenu devrait "générer " les sommes d'argent qui sont susceptibles de "générer " des honoraires. Je pense que là-dessus, il faut s'en tenir à la philosophie de base de l'aide juridique, c'est-à-dire que ceux qui ont les moyens de payer leurs honoraires juridiques les paient eux-mêmes sans avoir recours à l'aide juridique.

Je pense que là-dessus les moyens à prendre seraient de la nature suivante, c'est-à-dire qu'on devrait accorder l'aide au niveau de la requête en première instance seulement. C'est bien évident que si la requête est accordée et que la partie défenderesse va en appel, le fonds devrait accorder quasiment automatiquement la permission de contester cet appel à l'intimé qui a gagné en première instance. Par ailleurs, si une requête est rejetée en première instance, il nous semble que, comme pour l'aide juridique d'ailleurs — même si on s'en inspire, il ne faut pas nécessairement mêler les deux choses — on redemande une nouvelle fois l'aide pour savoir si cela vaut la peine, parce qu'il faut quand même, pour aller en appel, établir que le jugement de première instance est erroné ou susceptible de l'être.

Je pense qu'il y a peut-être d'autres palliatifs, mais qu'il ne faut pas mêler aide juridique et Fonds d'aide aux recours collectifs; cela ne recouvre pas les mêmes personnes. Je ne sais pas si cela peut répondre à la question et cela ne répond sûrement pas à la question du libre choix comme je l'ai expliqué ce matin.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je veux remercier le Barreau du Québec d'avoir étudié de façon aussi positive le projet de loi 39 et d'avoir soumis son mémoire. Je veux remercier ces gens pour la présentation que le bâtonnier a faite ce matin à la commission parlementaire. Je voudrais m'attarder seulement quelques minutes sur quelques points qui ont été soulevés et qui ont aussi été discutés un peu avec le ministre avant le déjeuner, à savoir le critère de vraisemblance que vous suggérez d'ap-piiquer dans l'octroi de la requête initiale. Si j'ai bien compris, ce critère est appliqué au niveau de l'octroi de l'aide et contenu dans le projet de loi à cette fin seulement et je pense qu'on a dit que c'est par analogie avec l'aide juridique qu'on appliquerait ce critère.

Je me demande pourquoi on négligerait un critère soit de vraisemblance ou de preuve de prima facie ou d'apparence de droit — je pense aussi qu'on a mentionné ce dernier — dans ce cas-là plus que dans l'autre parce que le recours collectif — il ne faut pas naturellement se fermer les yeux et nier qu'il ait un impact différent— n'est que le résultat de l'addition des droits qui existent et n'est qu'une procédure pour faire en sorte que ces droits, qui existent déjà en vertu du Code civil, par exemple, puisqu'on est en matière civile, soient reconnus et que les détenteurs de ces droits aient les moyens de faire reconnaître leurs droits.

Dans l'hypothèse, par exemple, où un recours collectif impliquerait, pour les fins de la discussion, 50 personnes qui pourraient bénéficier de ce recours, justement; théoriquement, chacune de ces 50 personnes pourrait aller en cour pour réclamer les $14.50, par exemple, ou un montant qui est peut-être minime, si chacune de ces personnes est prise séparément, mais, à ce moment-là, chacun de ces demandeurs a accès à la justice sans qu'on lui permette de faire sa demande. Autrement dit, on ne lui demande pas de prouver la vraisemblance de son droit avant d'introduire sa demande en cour. L'émission du bref se fait de façon tout à fait automatique. Pourquoi, si on veut justement aider à l'accès à la justice de ces cas, y imposerait-on un critère additionnel de vraisemblance parce que c'est un recours collectif?

M. Bergeron: Premièrement, à cause des coûts très élevés que supposent beaucoup de ces enquêtes d'après les représentations qu'on nous a faites, d'après les exemples qu'on nous a donnés. Si on pense, par exemple, à un défaut mécanique dans un appareil assez sophistiqué, les expertises vont peut-être coûter des milliers et des milliers de dollars. Evidemment, je présume que, quand on fait une recherche ou une expertise, on ne sait pas le résultat d'avance, pour conclure qu'il n'y a peut-être rien qui est défectueux, finalement. Aussi, à cause de l'impact que peut avoir ce recours sur les défendeurs possibles. Quelqu'un nous donnait aujourd'hui l'exemple du domaine alimentaire. On sait que la seule mention que les gens sont mal servis dans tel magasin ou concernant tel produit alimentaire peut suffire, dans certains cas, à provoquer une fermeture forcée du commerce.

M. Lalonde: Si vous aviez...

M. Bergeron: A ce moment-là, je pense que le recours collectif va aussi entraîner une certaine publicité forcée, naturellement; quand un individu prend une action de $14.50 aux petites créances, cela n'a pas beaucoup d'impact publicitaire. (15 h 55)

Si une association de consommateurs prend un recours même pour 50 personnes pour $14.50, comme vous avez dit, généralement, l'association en question va prévenir les media d'information de sa démarche. Je pense qu'on peut prévoir qu'elle le fera généralement. A ce moment-là, vous avez un impact qui provient de la publicité qui entoure ce genre de recours. Dans beaucoup de recours, si c'étaient 50 personnes pour $14.50, cela n'aurait peut-être pas d'importance, mais si on pense, dans certains cas, à plusieurs centaines de milliers de consommateurs pour $0.25, cela touche beaucoup de monde et cela va faire beaucoup de bruit. Il est important que le sérieux du recours ou le bien-fondé du recours soit établi rapidement. A part cela, évidemment, il y a le coût des avis qu'il faut donner à tout le monde et le temps que cela peut prendre, en cour, pour ce genre d'enquête pour découvrir à la fin qu'il n'y avait pas de quoi fouetter un chat et qu'en réalité le recours était mal fondé ou même malicieux. L'exemple qu'on tire et la comparaison que l'on fait avec les recours extraordinaires à partir du Code de procédure et, en particulier, les critères de l'article 847, ce que nous disons, c'est qu'en fait les recours collectifs sont des recours peut-être beaucoup plus dangereux que les recours extraordinaires du Code de procédure civile qu'on a pourtant toujours assujettis à une préautorisation qui, quand même, aujourd'hui, va assez loin dans l'étude du sérieux ou du bien-fondé des motifs pour lesquels on demande ce recours spécial. Par analogie, nous inspirant de l'expérience des moyens extraordinaires, nous pensons qu'il faut, à ce niveau de la requête d'autorisation, y accorder le plus grand sérieux.

M. Lalonde: Je vous remercie, M. Bergeron. J'avoue que j'ai certaines réserves quant à l'injection d'un critère additionnel pour l'exercice d'un droit. Disons, abstraitement, que je suis insatisfait de mon appareil de télévision, ou prenons l'exemple de M. X, millionnaire, qui veut avoir ce que l'on appelle dans le langage courant "his day in court" et n'a aucune objection aux dépenses. Il va pouvoir introduire sa demande contre le manufacturier, absorber les frais des expertises et forcer le défendeur à procéder à toutes les autres expertises sans qu'il n'y ait aucune bénédiction quelconque de la part de l'autorité judiciaire. Il n'a pas besoin de procéder à la vraisemblance de son droit pour introduire sa cause, pourvu qu'il ait les moyens de forcer le défendeur à faire de même.

Pourquoi imposerait-on à un groupe de personnes qui n'ont pas les moyens, justement parce qu'elles sont ensemble, de prouver une certaine vraisemblance? Il y a une réponse que vous m'avez donnée tantôt qui peut-être marque une différence, c'est l'avis donné à tout le monde. C'est à peu près la seule différence jusque-là, l'avis que le défendeur devra donner à tous les membres.

M. Bergeron: Si vous me le permettez, d'abord je vous ferais remarquer que l'exemple de votre millionnaire, c'est justement quelqu'un qui a les moyens, mais c'est un consommateur. Alors, vous pouvez avoir un consommateur qui peut vouloir sa revanche ou qui veut donner une leçon. Son recours n'a peut-être rien à voir avec le recours collectif, il est peut-être finalement le seul. Si on n'examine pas très sérieusement sa requête au niveau de l'autorisation de son recours, ce qui nous apparaît injuste, c'est qu'il va obliger le défendeur à encourir des frais d'expertise énormes pour prouver qu'il n'y a rien de sérieux ou de bien-fondé dans le recours qui est intenté contre lui et que M. X, millionnaire, qui peut se payer le luxe de cette affaire, prétend intenter au nom de 500 000 usagers au Canada. Justement, les coûts d'expertise dans ce genre d'affaire, les coûts d'avis, les coûts de sténographie, la longueur des enquêtes sont tels et les dommages causés aux défendeurs lorsque ce recours, qui est une arme extrêmement valable et extrêmement dangereuse en même temps, est utilisée à mauvais escient, ces dangers sont tels qu'il nous semble qu'ils sont au moins aussi grands que le recours spécial en évocation qu'on retrouve au Code de procédure. Par conséquent, si on a toujours jugé qu'il faut une autorisation préalable dans ces cas, à plus forte raison dans le cas des recours collectifs.

M. Lalonde: Et on n'en a pas besoin dans le cas de procédures intentées conjointement lorsque, par exemple, par l'application des articles 59 et 67...

M. Bergeron: Oui, d'accord, mais...

M. Lalonde:... on n'a pas besoin de l'autorisation du tribunal, sauf que le tribunal peut, à un moment donné, décider que l'administration de la justice exige qu'ils soient entendus séparément, mais pas quant à la vraisemblance du droit.

M. Bergeron: Oui, c'est sûr, sauf que, dans le cas où on a recours à plusieurs demandeurs, en vertu de 59 ou autres, ce sont des gens faciles à identifier ou à retrouver et comme ils sont susceptibles d'être recherchés pour leurs propres faits et leurs propres gestes, cela limite un peu leur action.

M. Lalonde: Je vous remercie.

Quand à l'aide prévue aux articles 5 et suivants, le fonds prévu par le projet de loi, je voudrais que vous me disiez si la préoccupation d'équilibre que vous avez exprimée au début pourrait vous faire penser que l'aide accordée à un groupe ne pourrait pas jouer à l'encontre de l'équilibre. Dans quelle mesure une démarche qui est justement créée pour rétablir l'équilibre entre une partie qui est nantie de tous les moyens, par

exemple la corporation, l'entreprise qui a tous les moyens de défense, et le consommateur qui, isolément, n'a pas les moyens de poursuivre?...

Est-ce que cela ne pourrait pas renverser l'équilibre, de la façon suivante: si le défendeur se trouve à être l'épicier du coin, par exemple, et que les clients mis ensemble, aidés par le projet de loi, puissent faire en sorte qu'il n'y aurait plus d'équilibre du tout?

M. Bergeron: Je ne me rappelle pas, de mémoire, si le défendeur peut avoir de l'aide.

M. Lalonde: J'allais vous poser cette question.

M. Bergeron: Je ne pense pas qu'on ait prévu cela.

M. Lalonde: Je ne pense pas que ce soit clairement dit que le défendeur ne peut avoir de l'aide, à moins...

M. Bergeron: Evidemment, je pense bien...

M. Lalonde: On dit, à l'article 6: "Le fonds a pour objet d'assurer le financement des recours collectifs en la manière prévue par le présent titre". Je n'ai vu aucune disposition qui interdit, par exemple, un défendeur. Mais peut-être que par interprétation des dispositions, cela soit impossible.

M. Bergeron: Entre dire que c'est impossible et penser que c'est prévu ou autorisé, il y a une grande différence. Le fonds est un organisme d'ordre statutaire et je pense qu'il n'aura que les pouvoirs qu'on lui donne. Si on ne prévoit pas qu'il puisse aider un défendeur, il ne le pourra pas.

L'interprétation que j'en fais, c'est qu'actuellement, aucun défendeur ne peut recevoir d'aide. Il n'est pas interdit de penser qu'il pourrait en recevoir. Quant à nous, nous n'avons pas d'objection. On doit garder tout le monde à égalité devant la justice et par conséquent, si un défendeur avait besoin d'aide, peut-être faudrait-il amender le projet pour le prévoir. Autrement, il y aura un désiqui-libre certain.

C'est bien sûr que cela peut viser de petites entreprises ou des individus qui pourraient facilement ne pas avoir les moyens de se défendre tout à coup contre un certain recours qui pourrait toucher beaucoup de gens et les mettre dans la rue.

M. Lalonde: Peut-être que, selon l'interprétation de l'article 19, le projet de loi restreint l'aide à un représentant ou à celui qui entend se faire attribuer le statut. Cela exclut donc le défendeur.

M. Bergeron: Vous pensez qu'en vertu de l'article 19 on prévoit clairement qu'il s'agit du représentant ou de celui qui entend jouer ce rôle, avoir ce statut, mais on n'a pas prévu le défendeur. Peut-être qu'on peut suggérer de prévoir l'aide au défendeur en même temps.

M. Lalonde: Comme représentant du Barreau et des avocats, donc de ceux qui défendent ceux qui sont attaqués ou qui défendent ceux qui veulent faire valoir leurs droits, cela ne vous répugnerait pas que le fonds soit appelé à aider aussi le défendeur.

M. Bergeron: Au contraire, on n'y avait pas pensé, mais c'est une excellente idée. Je crois que...

M. Marois: II y a d'autres groupes qui y ont pensé, j'ai vu cela dans un autre mémoire qu'on examinera demain.

M. Lalonde: C'est celui que je n'ai pas lu, parce que je ne l'avais pas vu encore.

M. Bergeron: En tout cas, nous n'avons sûrement aucune objection, au contraire.

M. Lalonde: Quant au reliquat dont on a parlé tantôt, vous suggérez que si le reliquat est de l'ordre de 100%, cela équivaut en fait à une amende. Vous vous opposez à ce que ce soit transmis au fonds consolidé, parce que cela aurait pour effet, je crois — c'est comme cela que j'interprète vos paroles et je suis d'accord avec vous — de rendre pénale une supposition qu'on veut d'ordre civil. C'est ce que vous avez expliqué assez clairement aux questions du ministre.

M. Bergeron: On appelle cela punitif dans ce sens. C'est parce que, comme je l'ai expliqué ce matin, c'est pénal, à notre avis, quand la compensation ou la punition est versée à l'Etat ou à la collectivité. C'est pour cela qu'on se dit... Quand, en somme, après avoir utilisé tous les moyens de rembourser les victimes, on en est arrivé à la frontière du recours et de ses possibilités, changeons de camp et ne mêlons pas les cartes. Prévoyons des recours d'ordre pénal, purement et simplement.

M. Lalonde: Le ministre d'ailleurs vous avait posé une question à ce moment-là. Il se demandait dans quelle disposition de la loi vous voyiez l'aspect punitif, c'est-à-dire qu'un défendeur serait appelé à débourser plus que les dommages qu'il a causés. Mais, si j'ai bien compris, jamais vous n'avez suggéré cela.

M. Bergeron: Non.

M. Lalonde: C'est simplement la portion qui n'est pas transmise à des individus qui reste le reliquat...

M. Bergeron: Oui, parce que...

M. Lalonde:... qui se trouverait à être l'équivalent d'une amende, donc d'un dommage punitif.

M. Bergeron: Oui, parce qu'une sanction pénale, souvent d'ailleurs, est inférieure aux profits que le voleur a faits, je dirais presque dans tous les cas, peut-être pas aux profits qu'il lui reste, mais aux profits qu'il a effectivement encaissés. Le

fait que ce soit égal, inférieur ou supérieur aux profits frauduleusement faits ne change pas la nature du recours ou de la sanction, à mon avis.

M. Lalonde: Oui. En dernier lieu, concernant les honoraires— vous voyez que je m'attache seulement aux points qui ont été soulevés dans les questions — je serais tenté de partager votre point de vue, à savoir qu'exceptionnellement — c'est une mesure exceptionnelle — ce soit le juge qui a connu toute la procédure depuis le début jusqu'à la fin, comme c'est le désir du législateur, qui détermine les honoraires, même si c'est une exception à la règle actuelle où on en fait un cas d'arbitrage. C'est d'autant plus important que, comme vous l'avez dit, l'article 1035, les honoraires du procureur, du représentant sont colloques avant les réclamations des membres, de sorte que, si le juge ne décide pas quel est le montant des honoraires du procureur... D'abord, qui va les autoriser? Tous les membres ou le représentant? Ce n'est pas déterminé. Quand cela sera-t-il autorisé? S'il y a une dispute quant aux honoraires, cela veut dire que les membres eux-mêmes ne pourront pas savoir quel montant il va leur revenir, quel va être le dédommagement jusqu'à ce que les honoraires soient déterminés. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, je voudrais, premièrement, remercier le Barreau pour son excellent mémoire. Je pense qu'après avoir assisté à différentes commissions parlementaires où le Barreau a fait des représentations, on peut être assuré que sa collaboration est toujours excellente. Même si, dans une autre commission parlementaire qui a eu lieu avant les fêtes, on avait mentionné que le Barreau était conservateur et parfois même rétrograde, je pense qu'on peut s'apercevoir aujourd'hui que le Barreau sait également être positif. Les intervenants antérieurs ont posé beaucoup de questions que je voulais toucher également. Je ne veux pas revenir sur chacune des questions, mais je voudrais que vous me donniez un éclaircissement pour reparler du problème de la vraisemblance de droit. Vous dites dans votre mémoire, à la page 17: "II ne nous apparaît pas utile que le fonds doive apprécier la vraisemblance du droit et les probabilités d'exercice du recours collectif; il serait beaucoup plus simple que le fonds n'attribue l'aide que si et lorsque la requête demandant une autorisation d'instituer un recours collectif aura été accordée".

Si je comprends bien vos remarques, vous voudriez que ce soit le tribunal qui apprécie la vraisemblance de droit lors de l'audition de la requête et que le fonds ne soit pas appelé à apprécier cette vraisemblance de droit, sauf peut-être dans le cas où il s'agirait d'un cas où la prescription s'en vient et qu'on doive agir à la dernière minute. A ce moment, on pourrait peut-être... Est-ce que je comprends bien votre opinion? (16 h 10)

M. Bergeron: II y a le danger de garder le même vocabulaire. On ne l'a pas dit dans la première partie, mais on pourrait penser que cela y est, que certains juges pourraient l'y trouver. On a suggéré de le mettre au début, au niveau de la requête pour l'autorisation. Si on garde le même vocabulaire au niveau de l'octroi de l'aide, vous allez avoir deux corps différents appréciant chacun à sa façon la vraisemblance de droit et appréciant, à mon avis, la vraisemblance de droit dans un sens très différent, dans un cas comme dans l'autre. Au niveau de l'autorisation, l'appréciation se fera, j'imagine, selon ce qu'on a dit ce matin, en relation avec l'article 847 et la jurisprudence concernant les recours extraordinaires, tandis qu'au niveau de l'octroi du fonds, si on suit la seule jurisprudence analogique, ce serait l'octroi de l'aide juridique; ce n'est pas dans le même sens qu'on interprétera les mots "vraisemblance de droit".

Par conséquent, il faudrait l'enlever à un des deux endroits ou l'enlever aux deux — possiblement, si on ne réussit pas à s'entendre — mais on aimerait mieux que cela soit au premier, au niveau de l'autorisation, que la discussion la plus sérieuse sur le bien-fondé du recours soit faite.

Au niveau de l'octroi de l'aide, je pense que, si l'aide est accordée au niveau de la première instance d'abord et qu'ensuite, on révise les positions au niveau de l'appel pour ne pas continuer le recours, on n'aura pas besoin de discuter de la vraisemblance de droit; elle aura déjà été décidée. Finalement, il s'agira d'étudier le sérieux de la demande — j'emploie les mots "le sérieux de la demande" et non pas les mots "vraisemblance de droit" — au niveau de l'octroi de l'aide pour une requête en première instance, à toutes fins pratiques. Je pense que cela clarifierait peut-être le débat et réglerait toutes les questions d'octroi d'aide. Je ne sais pas si je réponds à votre question?

M. Fontaine: Oui, d'accord. Maintenant, il reste toujours le cas exceptionnel de la personne qui se présenterait pour obtenir de l'aide à la dernière minute, alors qu'il y a une prescription et qu'on doit agir rapidement.

M. Bergeron: Oui, mais au niveau de la première instance, quant à moi — au niveau de la requête d'autorisation, je veux dire — je pense que le fonds pourra accorder l'aide si cela lui apparaît sérieux sans faire l'étude que la Cour supérieure sera appelée à faire pour décider, oui ou non, de l'octroi du recours collectif. Il y a une différence, de sorte que, dans notre esprit, l'octroi de l'aide au niveau de la requête pour autorisation en première instance — parce qu'on sait qu'il peut y avoir un appel sur l'autorisation de recours — ne pose pas de problème et je ne pense pas que cela pose de difficulté. C'est qu'actuellement, en regardant de nouveau les textes, il ne semble pas qu'on ait prévu que, lorsqu'on a accordé l'aide, vu qu'on s'est déjà prononcé sur la vraisemblance de droit, on va nécessairement s'arrêter. Ce que nous suggérons tout simplement — nous le suggérons à la suite des remarques qu'on vous a faites ce matin — c'est de prévoir la possibilité de l'arrêt, de

façon formelle, de l'aide après le jugement de la Cour supérieure sur la requête pour autoriser le recours.

Parce que, à ce niveau-là, il y a des questions de prescription, il y a des questions d'ordre technique qui sont difficiles à évaluer et je dis: Ne soyons pas plus exigeants qu'il n'est nécessaire et octroyons l'aide si le recours paraît sérieux au niveau de la première instance et au niveau de la requête pour autorisation. Cela veut dire au niveau du premier jugement qui sera rendu par le juge de la Cour supérieure sur le bien-fondé de la demande pour intenter un recours collectif. Si on peut réviser les positions à partir de là, je pense que l'aide sera octroyée dans les cas qui le méritent, sans qu'il y ait d'abus, ni dans un sens ou dans l'autre.

M. Fontaine: Merci. Je pense que cela éclair-cit ce point-là. Maintenant, on a parlé tout à l'heure de la question de la requête elle-même et vous avez assisté ce matin au témoignage de l'autre groupe qui vous a précédé. On a parlé de rendre la requête publique. Est-ce qu'on pourrait avoir votre opinion à ce sujet?

M. Bergeron: Nous n'avons pas discuté de cet aspect au niveau du comité ni au niveau des instances du Barreau. Tout ce que je peux vous transmettre, c'est une réaction personnelle à ce sujet, suite aux commentaires de ce matin.

Evidemment, la publication ou la publicité entourant un recours collectif peut, dans certains cas, entraîner des dommages. Il est bien évident que ce n'est pas uniquement dans ce cas. Il y a certaines actions en dommages qui peuvent aussi jouer le même rôle.

Alors, je ne sais pas si la non-publication, comme en matière criminelle, produirait les mêmes effets. C'est une question qui mériterait d'être approfondie, à mon avis. Pour moi, à première vue, je n'ai pas beaucoup confiance que la publicité puisse être empêchée au point que cela ne se sache pas, parce que même les ordonnances de non-publication empêchent rarement les media de faire état que M. Untel a été accusé de...

La seule chose qu'on ne sait pas, c'est le détail des témoignages des enquêteurs, mais le fait que l'accusation existe est connu. Alors, je ne sais pas si c'est réaliste ou réalisable de dire qu'on ne fera pas de publication.

Si c'était réalisable, je dirais qu'il faudrait demander aux media ou les obliger à donner autant de publicité au jugement qui rejette la requête qu'au fait que la requête ait été présentée, ce qui n'est pas toujours le cas.

Evidemment, les malheurs font plus d'effet quand ils viennent d'arriver que lorsqu'on en parle depuis quelque temps. Alors, la publicité après coup n'a pas toujours les mêmes conséquences et n'a pas toujours la même place non plus, malheureusement, mais nous n'avons pas fait d'étude ni de recherche spéciale sur ce point.

M. Fontaine: D'accord. Je reviens sur un point peut-être un peu plus technique. A l'article 1012, on dit: "Le défendeur ne peut opposer au représentant un moyen préliminaire que s'il est commun à une partie importante des membres et porte sur une question traitée collectivement."

On ne peut pas permettre de moyen préliminaire. Pourquoi, d'après vous, ne pourrait-on pas permettre l'appel en garantie dans les cas où c'est permis actuellement dans le Code de procédure civile?

M. Bergeron: Je ne sais pas si on peut répondre à cette question d'une façon aussi générale ou s'il faut dire que cela dépend d'abord de quel appel en garantie et dans quelle cause.

Il faut faire attention qu'un seul membre du groupe puisse empêcher le recours des autres. Je pense bien que c'est le motif du législateur. Si l'appel en garantie peut couvrir une partie importante des membres, j'imagine qu'il sera permis.

M. Fontaine: Mais c'est le défendeur qui en est empêché.

M. Bergeron: Finalement, le juge a discrétion pour décider s'il accorde le moyen préliminaire ou non parce que le défendeur va l'opposer et c'est le juge qui décidera si le moyen correspond au critère de 1012 ou non.

D'ailleurs, il y a un article un peu plus loin dont j'oublie le numéro qui permet, au niveau des réclamations individuelles, à celui qui n'a pu faire valoir son moyen préliminaire de l'invoquer lorsque cette personne se présente.

A la lecture de ces deux textes, il m'a paru y avoir un équilibre raisonnable entre les deux.

M. Marois: Si vous permettez, il y a trois articles, 1012, 1019 et 1040 qui se recoupent concernant cette question.

M. Bergeron: Nous n'avons pas vu d'objection à cet article 1012, compte tenu des textes qui suivent et dont vient de faire état le ministre.

M. Fontaine: J'avais une autre question concernant l'appel, à la page 7 du mémoire. Vous dites: Nous préférons limiter aux parties le droit d'en appeler du jugement sur la requête demandant l'autorisation d'exercer le recours collectif.

M. Bergeron: C'est que l'article, actuellement, permet l'appel à un membre du groupe avec la permission d'un juge de la Cour d'appel, lorsque le requérant qui s'est vu refuser son recours décide de ne pas en appeler. Alors, nous trouvions que c'était donner à quelqu'un qui n'était pas impliqué comme partie un bien grand rôle que de lui permettre d'en appeler et en plus de demander la permission d'en appeler, d'autant plus qu'à toutes fins pratiques la Cour d'appel jusqu'à ce jour a accordé très peu de permissions d'en appeler au niveau du Québec, en général. En conséquence, cette permission d'en appeler à un membre qui n'est pas déjà partie en première instance nous apparaissait à la fois illusoire et inutile. Alors, que les parties aient un droit d'appel, requérant

comme intimé, cela paraît normal et il nous apparaît important que le jugement sur l'autorisation de recours soit débattu très sérieusement. C'est pourquoi nous sommes en faveur du maintien de l'appel avec cette seule restriction.

M. Fontaine: D'accord. Une dernière question concernant le statut de représentant à une corporation. Vous dites, au niveau de l'article 1048, que le fait de donner le statut de représentant à une corporation ou à une association de salariés dont un des membres ou actionnaires est membre du groupe, c'est donner à une corporation ou à un groupe de personnes plus de droits et moins d'intérêt qu'à un individu. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus votre pensée à ce sujet parce que vous l'avez répété ce matin lors de yotre présentation. Vous dites que si on donne à une corporation ou à un groupe de personnes le droit de présenter une requête en tant que représentant, c'est donner plus d'intérêt à un groupe de personnes qu'on n'en a donné à un individu.

M. Bergeron: Par exemple, une association de propriétaires de maisons n'a, évidemment, aucun intérêt comme association; chaque propriétaire en a, mais l'association n'en a pas puisqu'elle n'est pas propriétaire elle-même. Alors, la règle actuelle, c'est que l'association ne pourrait pas intenter de recours, d'une part. Actuellement, on donne l'intérêt des membres à l'association ou à la corporation.

Lorsqu'on parle de corporation sans distinction et que l'on vise ainsi toutes les personnes morales, il pourrait arriver que le club X, pour ne pas faire de personnalité, qui s'occupe d'un certain champ d'activités, décide, parce que le vice-président a été offusqué dans ses transactions ou frustré, d'intenter un recours collectif dans un domaine qui n'a rien à voir avec les objectifs de la corporation comme telle.

Nous croyons pouvoir déceler des possibilités d'abus dans cette possibilité qu'un membre se décide, tout à coup, à cause de son influence personnelle et de sa position dans le groupe, d'exercer un recours pour tout le groupe qui n'y a finalement pas d'intérêt.

M. Fontaine: Est-ce que vous ne voyez pas également la possibilité qu'on puisse voir surgir au Québec un certain nombre de compagnies qui vont se spécialiser dans le commerce du recours collectif? (16 h 25)

M. Bergeron: Oui, c'est cela et le danger, c'est qu'on retrouve les chasseurs d'ambulances — maintenant qu'il n'y a plus d'ambulance à chasser — et que, finalement, certains individus plus ou moins scrupuleux ou certains avocats, à l'occasion, participent à fabriquer des machines à actions en justice sans s'occuper des conséquences. Ce serait contre l'intérêt public, contre l'intérêt du Barreau, contre l'intérêt des avocats et je pense qu'il n'y a pas de raisons pour lesquelles on ne peut pas s'opposer à ce risque.

Il nous semble que, dans certains cas, il peut être tentant d'organiser des recours. On a vu l'expérience de l'étiquetage des produits alimentaires où on permettait à ceux qui poursuivaient de garder la moitié de l'amende. Je peux vous citer le cas, dont j'ai été, moi-même, le témoin oculaire, de quelqu'un qui n'avait pas d'emploi d'été et qui a décidé de se faire un bon été en se promenant dans tous les magasins et en achetant des boîtes de conserve de toutes les couleurs qui ne respectaient pas la loi sur l'étiquetage des produits alimentaires; à ce moment, comme il pouvait recueillir la moitié de l'amende, il a intenté 3200 plaintes — je donne un chiffre en l'air comme cela — approximativement des milliers de plaintes. En somme, c'est quelqu'un qui se foutait bien, comme on dit, de la loi.

M. Marois: Si vous me permettez cette blague, bien sûr, cela ne justifie pas le fond, mais vous conviendrez avec moi, sur la base de l'exemple que vous donnez, que cela a été aussi — si ma mémoire est bonne, je me souviens très bien de cette période — la seule période et la seule époque où, effectivement, la loi a été appliquée concernant l'étiquetage.

M. Bergeron: Peut-être, mais il me semble que c'est un gros prix à payer.

Le Président (M. Marcoux): A une boutade...

M. Lalonde: Oui, une autre boutade!

Excusez-moi. En fait, ce n'était pas une boutade parce que je me souviens très bien qu'il s'agissait d'un règlement de la loi qui relevait du ministère de l'Agriculture. Je me souviens des efforts que Me Ducharme, entre autres — maintenant, il est rendu avec l'Office de la langue française — avait faits pour appliquer progressivement ce règlement et cela avait, en fait, tout jeté en l'air.

Le Président (M. Marcoux): Peut-on conclure rapidement, s'il vous plaît!

M. Fontaine: Cela veut dire que vous préconisez, en fait, que ce soient seulement les individus qui puissent présenter des requêtes?

M. Bergeron: C'est-à-dire, en une première étape. Je ne pense pas qu'il faille décider cela pour l'éternité, mais, en une première étape de la mise en oeuvre de la loi, nous croyons qu'il serait sage — parce que nous sommes contents de l'existence de ce nouveau moyen de procédure, on voudrait qu'il ne soit saboté par personne — en conséquence on dit: Peut-être que, au point de vue de la prudence législative, on devrait ne faire que des groupes qui comprennent des personnes physiques et, à ce moment-là, on verra à l'expérience; si vraiment l'expérience justifie d'étendre ou de permettre davantage, on le modifiera dans le temps, à la lueur de ce qu'on aura vu.

M. Fontaine: D'accord, merci.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a

d'autres députés qui veulent poser des questions ou intervenir?

M. Clair: II y aurait évidemment eu d'autres questions, M. le Président, mais je pense que...

M. Fontaine: Vous êtes pris à votre propre piège.

M. Clair: Absolument pas, c'est que nous respectons les ententes, M. le Président.

M. Fontaine: M. le Président, il n'y a pas d'entente.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie... Pas de débat entre les participants... Non, je m'excuse...

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais quand même être bien sûr que cela ne s'adresse pas à nous!

M. Marois: Non, cela s'adresse à moi!

M. Lalonde: Ah, bon! Tout le monde avait compris cela!

Je voulais que ce soit souligné!

Le Président (M. Marcoux): Je remercie M. le bâtonnier du Barreau du Québec et Mme Filion de leur participation aux travaux de cette commission.

J'inviterais maintenant l'Association des banquiers à venir nous présenter son mémoire.

M. Marois: M. le Président, si je peux me permettre juste une remarque de départ. Je comprends que le Barreau compte réfléchir de façon additionnelle, ajouter à sa réflexion, sur la question des honoraires et, le cas échéant, nous soumettre des notes, si vous pensez qu'il y a des ajustements.

M. Bergeron: Oui, vous faites bien de le souligner, nous avons l'intention de le faire et d'envoyer les résultats de notre réflexion à tout le monde.

Le Président (M. Marcoux): C'est enregistré au journal des Débats.

Association des banquiers canadiens

J'inviterais maintenant l'Association des banquiers canadiens. Est-ce que M. Harrison est présent? Est-ce que vous pouvez nous présenter vos collègues?

M. Laprade (Lionel): M. le Président, mon nom est Lionel Laprade. Je suis ici au nom de l'Association des banquiers. Je suis vice-président de la Banque Canadienne Nationale. A ma droite, se trouve Me Jean-Pierre Bernier qui est conseiller juridique de l'Association des banquiers canadiens; à ma gauche, Me Georges Dessaulles qui est conseiller juridique à la Banque Royale de Montréal.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de l'Assemblée nationale, tout d'abord j'aurais une remarque préliminaire. J'aurais aimé vous présenter un mémoire un peu plus élaboré. Mais des circonstances incontrôlables de personnes et de lieux, sinon de moyens financiers, ne nous ont pas permis de le faire et je le regrette.

M. Lalonde: Avez-vous besoin d'un prêt à la banque?

M. Marois: Moi qui allais suggérer la création par eux d'un fonds d'aide aux entreprises.

M. Laprade: Toutefois, il nous fait plaisir de pouvoir vous confirmer que les banquiers canadiens n'ont pas d'objection de principe à l'adoption de ce projet de loi, même si on ne l'a pas laissé entendre expressément dans les notes que nous avons envoyées. Ce projet s'inscrit, selon nous, dans le cadre de la protection du consommateur et autres lois semblables. Donc, il s'agit d'un projet de loi à caractère social auquel les banquiers, à mon avis, se sont bien adaptés.

Mes remarques se borneront donc à suggérer, non pas toutes, mais certaines mesures préventives pour pallier les abus que ce recours pourrait susciter. Nous en citons des exemples au paragraphe 1 de notre mémoire, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a tout un attrait attribué au recours collectif, par la possibilité d'un financement par le fonds. Il ne faudrait pas, en raison de cette facilité, qu'on ne recoure pas aux lois qui régiraient un problème donné parce que le fonds garantit les frais.

C'est la raison pour laquelle au paragraphe 2, en regard de l'article 1003 et à cause de la nature exceptionnelle du recours, nous recommandons que la discrétion du juge soit guidée par l'addition de deux nouveaux critères, à savoir:

A) Qu'il n'y a pas d'autre moyen légal et approprié et B) que la demande du recours collectif soit faite de bonne foi.

Le moyen de contrôle serait peut-être, ou bien que le fonds ne consente pas d'avances avant que l'autorisation du recours ne soit accordée ou subsidiairement, amender l'article 31 pour obliger le réquérant à rembourser les avances de fonds s'il n'obtient pas l'autorisation de procéder.

Une suggestion. Je vous réfère au paragraphe 7 du mémoire. Il serait préférable, selon nous, que le délai prévu à l'article 1038 pour la production au greffe des réclamations soit un délai de rigueur, comme c'est le cas, par exemple, au sujet des délais prévus aux articles 1005 et 1042. Nous sommes d'avis que le délai proposé de douze mois soit réduit à trois mois, afin d'éviter l'hésitation et des incertitudes chez le défendeur.

Enfin, à l'article 1002, nous croyons qu'il est essentiel que l'intimé ait le choix de contester ou puisse avoir le choix, à tout le moins, de contester la requête par écrit, lorsqu'il s'agit de la requête pour obtenir l'autorisation d'intenter l'action, afin que le tribunal puisse connaître préalablement à

l'audition la position respective des parties. Il s'agit, en somme, d'un recours exceptionnel. Si, même en principe, une requête ne se conteste pas par écrit, il y a des cas d'exception, comme, par exemple, dans le cas 754 CPC, c'est-à-dire dans le cas de l'injonction.

Voilà les remarques que je voulais vous faire, messieurs. Je vous remercie de m'avoir entendu.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: Merci! M. le Président, je voudrais d'abord remercier l'association de s'être donné la peine d'examiner attentivement le mémoire et de nous faire non seulement part de ses commentaires, de ses suggestions, mais aussi de ses recommandations, celles qu'elle juge susceptibles de bonifier le projet de loi tout en permettant quand même de respecter l'idée de fond. Je suis heureux que vous ayez profité de la présentation de votre mémoire pour indiquer votre accord de principe. Je pense que c'est important pour les membres de la commission de le savoir, parce que ce n'est vraiment pas un détail non plus en partant.

Partant de là, votre mémoire touche à quatorze points. Bien sûr, je n'aurai certainement pas le temps... Je ne veux pas abuser du temps de la commission, ni abuser du temps de mes collègues, qui auront certainement des questions à vous poser. Je voudrais seulement m'attarder particulièrement, d'autant plus qu'il y a d'autres points qu'on a soulevés déjà avec d'autres groupes, m'arrêter particulièrement à ce stade-ci à trois choses.

D'une part, je voudrais vous indiquer qu'à première vue, sous réserve de l'examiner — je m'excuse, ce n'est pas dans l'ordre, mais c'est parce que cela me frappe au point de départ — en page 2, le point 6, effectivement, à mon avis, vous posez une question très pertinente, concernant le recouvrement collectif, à savoir les articles 1031 à 1036. Vos commentaires sont dans le sens que le projet de loi demeure obscur sur la question de savoir si le dépôt au greffe par le débiteur du montant que le tribunal aura déterminé comme étant un montant dû par celui-ci constitue un paiement libérant au sens du Code civil le débiteur de son obligation... Je n'ai honnêtement pas la réponse. Spontanément, j'étais porté à penser que oui. Seulement, je pense que c'est pertinent que vous souleviez cette question. Ce que je peux vous dire, c'est que je vais demander à l'équipe des juristes d'examiner très attentivement cette question, parce que c'est certain qu'il faut que ce soit clair, d'une façon ou d'une autre, soit par l'interprétation du texte, quitte à y apporter des ajustements requis.

Par ailleurs, revenant au paragraphe 2 concernant l'article 1003, vous proposez d'ajouter deux critères, lorsque le juge doit évaluer la pertinence d'accueillir favorablement ou pas la requête. (16 h 40)

Les deux critères que vous proposez sont, d'une part, qu'il n'y ait pas d'autres moyens légaux appropriés et, d'autre part, que la demande soit faite de bonne foi.

Quant au deuxième point, vous me permettrez de noter que j'ai beaucoup de réticence à recevoir ce critère dans la mesure où, dans notre droit, la bonne foi se présume. Je ne crois pas qu'un facteur comme celui-là puisse intervenir au niveau de la requête, quitte à examiner s'il devait y avoir des choses d'ajustées ou d'ajoutées. On a invoqué la notion d'apparence de droit qui me semble être une notion mieux étoffée dans la pratique de notre droit que la vraisemblance de droit. Donc, je suis prêt à regarder ces choses. Concernant la bonne foi, j'avoue vraiment que vous nous demandez, à mon humble avis, de chambarder quelque chose qui est fondamental dans l'économie générale de notre droit civil, soit le fait que la bonne foi se présume.

Quant à ce que vous appelez le point A, le nouveau critère, je me demande si, au fond, le critère que vous nous proposez d'introduire n'est pas déjà intégralement contenu dans l'interprétation très stricte du paragraphe B de l'article 1003. La composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67. Dès que le tribunal, de la façon que le texte est libellé, et cela rejoint votre question de critère... Est-ce qu'il y a un autre moyen légal approprié?

Si, par exemple, une vingtaine de propriétaires de maisons achetées dans un nouveau développement domiciliaire prétendent que leurs maisons sont à ce point entachées de vices et de défauts cachés que cela rend absolument inutilisable le produit aux fins pour lesquelles ils l'ont acheté, je serais porté à dire que s'il s'agit d'une vingtaine de propriétaires dans un quartier précis, on est donc capable d'identifier facilement les 20 propriétaires.

C'est vraisemblablement un cas où, en vertu du critère du paragraphe B de l'article 1003, en vertu des articles 59 et 67, il y aurait moyen de procéder. En d'autres termes, ces gens ne seraient pas privés de l'exercice ou en tout cas des recours, des procédures leur permettant de faire valoir les droits qu'ils ont, des droits substantifs en vertu de l'état actuel de notre droit civil.

Donc, je crois que le critère que vous évoquez me semble en bonne partie déjà, et je dirais pour l'essentiel, couvert par le paragraphe B de l'article 1003. A moins que vous n'ayez une façon différente de voir les choses, je vous le note au passage, je suis certain que vous n'hésiterez pas à faire les commentaires qui vous semblent pertinents suite à ma remarque.

Il y a un autre point qui me "chicote" un peu. Vous évoquez — je ne me souviens pas de la recommandation — vous nous demandez de biffer le deuxième paragraphe de l'article 1001.

M. Lalonde: C'est dans 4.

M. Marois: Au point 4, c'est exact, à la page 2. L'article 1001, c'est l'article qui prévoit que le juge en chef désigne un juge qui entend toute la procédure relative à un même recours collectif. Le

deuxième paragraphe dit que lorsqu'il estime que l'intérêt de la justice le requiert, le juge en chef peut même désigner ce juge, malgré les articles 234 et 235 qui sont des articles du code — pour ceux qui ne sont pas familiers avec le jargon juridique, c'est important de savoir de quoi on parle — qui prévoient les cas de récusation d'un juge.

Pourquoi avons-nous introduit cet article et laissé au juge en chef — on ne parle pas de n'importe qui, on parle du juge en chef de la Cour supérieure du Québec — ...Pourquoi l'a-t-on introduit? Précisément, pour éviter de verser dans des situations qui pourraient être terriblement injustes. Vous savez comme moi que les articles 234, paragraphe 1, et 235 excluraient un parent, l'allié d'un juge, sa femme, en d'autres termes, les gens qui pourraient être partie à un groupe. Evidemment, il s'agit de cas d'exception. Il ne s'agit pas non plus, pas du tout, de briser l'économie générale de la loi. C'est pour cela que le texte, au deuxième paragraphe, est libellé avec beaucoup d'attention: "lorsqu'il estime que l'intérêt de la justice le requiert", donc ce n'est pas n'importe quoi, n'importe comment, pour éviter aussi de tomber dans des cas qui nous mèneraient à des formes opposées d'injustice. C'est pour cette raison qu'on l'avait inclus.

Mais j'aimerais quand même avoir vos réactions suite à mes commentaires sur ce point particulier. Voilà pour l'instant, M. le Président.

M. Laprade: Merci. M. le Président, si vous le permettez, Me Dessaulles pourrait répondre au problème de l'article 1003 au sujet des critères.

M. Dessaulles (Georges): M. le Président, vous avez mentionné que vous aviez de la difficulté à accepter le critère de bonne foi, si je comprends bien votre question. Vous avez de la difficulté à comprendre pourquoi on ajoute ce critère. Je pense que la raison fondamentale, c'est toujours d'éviter l'abus du recours extraordinaire que constitue l'exercice du recours collectif et les conséquences que cela peut avoir sur des défendeurs, en l'occurrence certaines entreprises, enfin, tous les défendeurs qui sont permis par la loi.

J'allègue que la raison invoquée par l'association pour ajouter ce critère, c'est de donner au juge qui apprécie si oui ou non il va accorder la requête une espèce de subjectivité, si vous voulez, pour éviter des recours abusifs. Je vais illustrer un peu plus loin ce que je veux dire.

M. Marois: Voulez-vous expliciter? J'avoue que...

M. Dessaulles: C'est essentiellement la raison de notre suggestion et je pense que l'autre suggestion au paragraphe 2 de notre mémoire, selon laquelle il n'y a pas d'autre moyen légal approprié, rejoint, en somme, le même but. Je voudrais également en même temps mentionner que je ne suis pas sûr que le fait d'ajouter ce critère modifierait les principes du Code civil de la présomption de bonne foi. Il s'agit ici de donner un critère addi- tionnel au juge et non de modifier les principes générateurs. Si je peux illustrer par un exemple concret le genre d'exemple qu'on cherche à trouver: un groupe de créanciers, par exemple, des créanciers ordinaires, pourraient voir dans le recours collectif un moyen détourné — je ne pense pas que c'est le but du recours collectif — mais un moyen pour mettre un débiteur effectivement en faillite. Je ne pense pas que c'est le but du recours collectif, mais de la façon que la loi est formulée présentement, il est facile d'imaginer le cas où des créanciers ordinaires, par exemple, qui ne pourraient pas exercer le recours sans invoquer la loi de la faillite, pourraient exercer le recours en exerçant un recours collectif, en se faisant représenter par un créancier ordinaire en particulier.

Et même cela va plus loin, le créancier ordinaire en question pourrait se faire assister par le fonds, s'il rencontre les critères du fonds. Or, on verrait, à ce moment-là, une situation où des créanciers ordinaires qui, dans l'économie de la loi actuelle, penseraient peut-être deux fois avant d'invoquer la Loi de la faillite à cause des frais impliqués et tout le reste, et pourraient facilement mettre un débiteur ou une compagnie dont la situation financière est chancelante, en faillite.

M. Marois: Je m'excuse, mais vraiment j'avoue que je ne vous suis pas parce que ce que vous évoquez là semble tellement énorme. C'est parce que vous me donnez l'impression que parfois on est porté un peu — remarquez que je ne veux pas interpréter outre mesure — mais parfois dans certains commentaires — je comprends par ailleurs ce point de vue et il faut faire attention; cela a été évoqué depuis ce matin pour arriver avec quelque chose qui soit quand même équilibré; je l'ai évoqué moi-même, je n'ai pas l'intention de faire en sorte que ce soit comme une espèce de bateau qui chavire en partant. Il y a toute une série de balises. Les gens qui s'imaginent que cela va être l'avalanche des "class actions" autorisés demain matin, j'ai l'impression qu'il y a des gens qui vont se réveiller en se cognant le nez sur les murs.

Je n'ai pas l'impression que la Cour supérieure va laisser aller n'importe quoi, n'importe comment. Il y a un certain nombre de balises, d'étapes prévues dans la loi, de moyens d'intervention, mais vous poussez cela jusqu'à un point tel que vous nous suggérez d'introduire la bonne foi comme critère.

Qui va évaluer la bonne foi? Le juge? La bonne foi se présume dans notre droit. Bien. Alors, c'est introduit comme critère. Qui aura le fardeau de la preuve? Et où cela nous mène-t-il?

En d'autres termes, n'y a-t-il pas moyen d'arriver... Je comprends votre préoccupation. Je pense que c'est une préoccupation partagée par tous, celle de ne pas créer une situation qui ouvre des portes à des choses qui soient complètement farfelues, frivoles, revanchardes, et même le cas de vos créanciers qui tenteraient, par ce biais, d'essayer littéralement... parce que c'est le cas où cela pourrait être revanchard ou en disant: Je vais me servir de cela comme instrument pour les jeter lit-

téralement en faillite, comment ces gens réussiront-ils à passer à travers l'étape de la requête? Comment vont-ils réussir?

J'aimerais bien être l'avocat au dossier quand cela se présentera. Je pense bien qu'il y en a d'autres aussi qui aimeraient se voir là à ce moment.

En d'autres termes, j'avoue que je ne saisis pas. Je comprends parfaitement votre préoccupation de fond, cependant. Soyez-en assuré. On se demande si c'est par l'introduction — je vous soumets ma question à nouveau — d'un critère de bonne foi...

M. Dessaulles: Je réitère mes commentaires. C'est de donner au juge un certain pouvoir d'appréciation. Peut-être que les paroles "de bonne foi" sont inexactes. Peut-être pourrait-on trouver une autre formulation. Il s'agit de donner au juge un critère sur lequel il pourrait se baser pour éviter d'accorder un tel recours.

Dans l'article 1003 tel que composé, je vois plutôt des critères objectifs que des critères subjectifs et je me demande sur quoi un juge pourrait se baser pour refuser une telle demande.

M. Marois: Sauf le cas du paragraphe c). M. Dessaulles: Admettant que... M. Marois: Je m'excuse. M. Dessaulles: Oui.

M. Marois: Le paragraphe c) de 1003 ouvre quand même une porte. On a essayé de la baliser la aussi pour ne pas verser dans les arbitraires absolus. c) "le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres ", ce qui veut dire que cela donne l'ouverture à une discussion et à une évaluation de ce qui est en train de se passer. Entre cela et aller... il y a quelque chose qui...

Je comprends votre préoccupation, mais je ne suis pas certain que vous...

M. Bernier (Jean-Pierre): Si je peux me permettre...

M. Marois: Oui.

M. Bernier: En ajoutant le critère de la bonne foi à l'article 1003, cela va permettre deux choses. Cela va permettre au juge qui entendra la requête de soulever ex officio la mauvaise foi du requérant.

M. Marois: Comment va-t-il soulever ex officio?

M. Bernier: Suivant les textes qui lui seront présentés et cela permettra également au défendeur, à l'intimé dans ce cas, de soulever la mauvaise foi au stade de la requête parce que, si le requérant remplit les conditions a), b) et c) de l'ar- ticle 1003, le juge n'a pas d'autre choix que d'accorder la requête pour le recours collectif.

Par contre, si on ajoute la bonne foi, il peut soulever d'office la mauvaise foi du requérant et rejeter la requête pour ce simple motif.

M. Marois: Je ne veux pas...

Le Président (M. Marcoux): Sur la même question? M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je comprends le but que vous recherchez et je partage l'opinion de mon collègue. La bonne foi se présume en droit, mais n'y a-t-il pas un article dans le Code de procédure civile qui permet, par exemple — il me semble l'avoir utilisé à plusieurs reprises déjà — lorsque quelqu'un présente une requête accompagnée d'un affidavit signé, qui permet à la partie qui reçoit signification de convoquer pour un interrogatoire la personne qui signe l'affidavit pour voir si l'affidavit est frivole, si la demande est frivole et je pense qu'on pourrait atteindre le but que vous repherchez. (16 h 55)

Je comprends le but également, mais je pense que faire une allégation selon laquelle je suis de bonne foi, que le but que vous recherchez pourrait être atteint par un interrogatoire fait en vertu de je ne sais quel article—je ne l'ai pas retrouvé encore, je pense que cela doit exister. Cela fait un an que je n'ai pas pratiqué, mais il doit être encore là — article qui permet d'interroger, sous serment, le demandeur ou le représentant pour voir si manifestement cette demande est faite de façon frivole, s'il n'y a aucun lien de droit entre les faits et les conclusions que vous recherchez. Je pense qu'à ce moment-là on aurait atteint le but que vous recherchez personnellement.

Le Président (M. Marcoux): II y avait d'autres questions que le ministre avait soulevées. Est-ce que vous voulez les aborder?

M. Bernier: Le ministre a soulevé la question de l'acceptation du principe de la présomption de la bonne foi. En incluant ce quatrième critère, à mon avis, le principe de la présomption n'est pas affecté parce que celui qui va alléguer la mauvaise foi devra toujours la prouver.

M. Vaillancourt (Jonquière): J'aimerais que vous donniez votre avis sur la possibilité du défendeur d'interroger, sous serment, le signataire d'un affidavit pour voir si la demande est frivole.

M. Bernier: Certainement qu'il peut le faire.

M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce que cela n'atteint pas, à ce moment-là, le but que vous recherchez qui est de voir s'il n'y aurait pas des demandes frivoles, des demandes qui ne sont pas fondées en droit, des demandes fondées sur des revanches que certains demandeurs voudraient avoir contre certains défendeurs? Je pense que cet article de notre code permet justement, pas

seulement dans le cas du recours collectif... Ce n'est pas un moyen préliminaire qui est empêché par l'autre article, c'est un moyen qui est en dehors des moyens préliminaires, mis à la disposition de toute personne qui veut interroger. D'autre part, ce sont des moyens fréquemment utilisés en pratique et qui réussissent à l'occasion.

M. Bernier: Certains avocats pourraient facilement oublier de contester l'affidavit. En voyant la bonne foi comme un des critères de l'article 1003, cela pourrait facilement leur mettre la puce à l'oreille...

M. Marois: Si vous permettez, il y a d'autres questions dont on veut discuter avec vous. On a noté votre préoccupation de fond, mais je ne suis pas certain, encore une fois, qu'on y arrive par le moyen que vous avez suggéré. On a noté cependant vos commentaires et soyez sûrs qu'on va les regarder au mérite. Soyez assurés d'une chose, je répète simplement ce que j'ai dit tantôt, c'est que notre intention n'est absolument pas d'en arriver à quelque chose qui soit complètement déséquilibré et farfelu, mais ne demandez pas non plus au législateur d'introduire dans la loi des choses qui sont du domaine... En d'autres termes, ne me demandez pas de plaider pour des avocats, dans la loi... Vous me dites: II y a peut-être des avocats qui oubliraient de faire leur travail.

M. Bernier: J'ajouterais même des juges.

M. Marois: Aussi, bien sûr. Tout le monde n'est pas parfait, mais vous comprenez comme moi que ce n'est pas le genre de chose qu'on peut introduire dans une loi. On comprend votre préoccupation cependant.

Le Président (M. Marcoux): Pourriez-vous répondre aux autres questions...?

M. Laprade: A la question de M. le ministre, à l'article 9.

M. Bernier: C'est l'article 1001.

M. Laprade: Au sujet de la récusation.

M. Bernier: ... je comprends que l'article 1001 concerne des situations où, par exemple, un recours collectif serait intenté par un abonné de Bell Canada. On sait que tous les juges ont le téléphone; il serait donc assez difficile de trouver un juge qui soit impartial pour entendre la cause. Par contre, il y a des situations d'espèce, des cas particuliers qui arriveront à l'occasion, pour lesquels nous croyons qu'un droit d'appel de la décision du juge en chef devrait être prévu.

Je vais vous citer un cas. On a de la difficulté à concevoir comment il peut être dans l'intérêt de la justice — et je me réfère ici à la terminologie utilisée au deuxième paragraphe de l'article 1001 — lorsque le juge désigné par le juge en chef favorise l'une des parties. C'est l'une des causes de récusation de l'article 235. Vous avez men- tionné les relations familiales du juge avec certaines des parties. Nous n'avons pas d'objection à cela, mais si le juge favorisait d'une façon publique l'une des parties et que le juge en chef désignait ce juge pour entendre toute la procédure de recours collectif, nous croyons que cela créerait des situations injustes et inéquitables. Pour corriger cette situation, nous croyons qu'un droit d'appel devrait être prévu.

Je comprends et je voudrais soulever que cela ne s'applique qu'à des cas particuliers, des cas d'espèce qui se produiront à l'occasion seulement, mais aussi bien les couvrir maintenant que plus tard.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Avez-vous terminé les réponses?

M. Bernier: J'ai terminé, à moins que le ministre ait d'autres questions.

M. Lalonde: Au nom de l'Opposition officielle je désire remercier l'Association des banquiers canadiens pour son intervention.

Naturellement, l'appui du principe que vous avez exprimé ici complète un peu votre mémoire qui ne contenait que des réserves. Autant vous pouvez avoir des réserves quant aux abus qui peuvent être faits dans une telle loi — je réfère au premier paragraphe — autant — et je pense que le ministre l'a bien exprimé tantôt — il va y avoir des réveils un peu brutaux en ce qui concerne les espoirs que cela peut créer dans l'esprit des gens. Là-dessus je pense qu'on ne peut pas reprocher au ministre d'avoir délibérément créé de tels espoirs parce que je me souviens l'avoir entendu, lors de l'introduction du dépôt de cette loi, dans une ligne ouverte, je pense, insister, comme il l'a fait ce matin, sur le fait qu'il s'agit tout simplement d'une procédure nouvelle, que cela ne crée pas de droit nouveau. Ceux qui se sont penchés sur l'application de telles lois, dans d'autres juridictions, ont une conclusion qui, je pense, est assez générale et je vous lis simplement un passage d'une revue qui est assez complète dans le Osgoode-Hall Law Journal, de juin 1975, volume XIII, par M. Neil Williams qui dit, à la page 4 de l'introduction de son étude: "The mistake to many enthousiasts for a class action concept is to expect too much of the remedy". Je pense que cela va compenser de part et d'autre et, avec la surveillance — et c'est ce que je trouve excellent, entre autres, dans ce projet de loi, c'est que ce gouvernement, malgré certains abus contraires dans d'autres projets de loi, a, dans ce projet de loi, fait appel à la Cour supérieure et aux pouvoirs judiciaires pour surveiller l'application de A à Z; alors je suis porté à faire confiance à une telle approche.

Quant à la bonne foi, cela m'apparaît un peu redondant dans le sens suivant: Si on la met comme critère, dans le projet de loi, vous allez la retrouver dans tous les affidavits; ce sera une clause de style dans l'affidavit, le requérant est de bonne foi et il va signer cela; allez donc prouver la

mauvaise foi à ce stade. A ce stade, vous avez un consommateur qui se sent lésé, qui a un certain nombre de choses à déterminer pour avoir l'autorisation du juge, mais pour prouver la mauvaise foi, à ce stade-là, ça va prendre une enquête drôlement complexe; donc cela ne m'apparaît pas comme ajoutant grand-chose. Je comprends quand même votre préoccupation, mais je fais confiance au système, actuellement, et aussi au fait que, à l'article 1003, il faut quand même que le membre qui recherche le statut de représentant représente et prouve au juge qu'il est en mesure d'assurer une représentation adéquate. Si c'est un farfelu, si c'est un fou, un gars complètement inarticulé, le juge va le voir d'après la présentation qu'il fera de la cause et le contenu de sa requête.

Quant au cas de récusation des juges, encore là, c'est absolument impossible. Je comprends votre prudence, mais trouver un juge, par exemple, lorsqu'il va s'agir de céréales, qui n'a pas d'enfant qui mange, à l'occasion, des céréales de cette sorte, cela va être absolument impossible.

Je sais que, dans les études qu'on a faites autrefois—et je suis sûr que le ministre les a trouvées au ministère de la Justice quand il est arrivé — c'était un des points d'interrogation qu'on avait. Mais on ne peut pas faire de l'angélisme là-dedans. C'est impossible de trouver une situation parfaite où un juge serait complètement étranger à une situation où des milliers, des centaines de milliers de consommateurs se trouvent lésés.

M. Vaillancourt (Jonquière): ... à cause d'une boîte de céréales.

M. Lalonde: Quant au paragraphe 6, je suis d'avis — et le ministre a soulevé une question là-dessus, et il a dit qu'il le ferait examiner par ses conseillers juridiques — je profite de l'occasion pour vous dire que je crois que le dépôt au greffe, par le débiteur, doit constituer le paiement, sans cela, on n'a pas liquidation de la réclamation et quelqu'un d'autre pourra revenir le lendemain... Je me réfère au paragraphe 6 du mémoire. Si cela ne constitue pas paiement, si cela ne constitue pas liquidation, à ce moment-là, quelqu'un peut recommencer le lendemain et on ne se retrouve plus.

Je ne veux pas donner un avis juridique au ministre, parce que je ne peux pas lui envoyer un compte d'honoraires, mais je peux lui dire que je ne vois pas comment cela peut être autrement.

L'aveu, au paragraphe 10. J'ai le même problème que vous là-dessus. Je vois rarement où un aveu est invoqué qui ne cause pas préjudice à celui qui le fait. Le concept même de l'aveu, la substance même de l'idée de l'aveu, c'est quelqu'un qui avoue quelque chose qu'il ne veut pas dire. Je ne vois pas comment cet article va être appliqué, en pratique. Il s'agit de l'article... Vous le mentionnez, c'est 1014, je crois. En pratique, comment serait appliqué l'article qui dit: L'aveu fait par un représentant lie les membres, sauf si le tribunal considère que l'aveu leur cause un préjudice?

Je vous pose la question, et je la pose au ministre. Comment peut-on imaginer un aveu qui ne crée pas un préjudice, dans la mesure où un préjudice est toujours créé lorsqu il limite des droits? La question est posée.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des commentaires à ajouter?

M. Lalonde: A l'article 13, M. le Président, et je vais terminer là-dessus, vous suggérez qu'on permette au défendeur de contester par écrit. Je pense que cela va de soi. On ne le dit pas dans la loi. Je ne sais pas si des règlements pourraient couvrir la situation ou si ce sont les règles de pratique qui vont...

M. Marois: Ce sont les règles de pratique.

M. Lalonde: Cela va être les règles de pratique et devant une requête écrite... Avant d'arriver devant le juge, je présume qu'on va permettre au défendeur de contester par écrit.

Je n'ai pas de question additionnelle à vous poser, c'est simplement un commentaire que j'ai fait.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des commentaires à ajouter aux propos...

M. Laprade: Non, sauf qu'évidemment, nous avons préparé le mémoire dans les circonstances que je vous mentionnais tantôt et nous sommes toujours portés à en mettre plus que moins. Vous nous avez fait réfléchir, messieurs. J'en profite pour...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, je veux également remercier les représentants des banquiers qui nous fournissent l'occasion de discuter de leur mémoire. Je voudrais revenir sur la question de l'article 1014 qu'on a soulevée tout à l'heure, où vous mentionnez qu'il serait plus juste et équitable, à votre avis, si ledit article prévoyait un préjudice affectant une partie importante des membres.

Je pense que, bien sûr, on l'a mentionné tantôt, lorsqu'il y a un aveu fait par une partie, il y a un préjudice qui est causé. Ce que l'article 1014 mentionne, c'est qu'il faudra, à ce moment-là, que le tribunal considère que l'aveu leur cause un préjudice. (17 h 10)

D'après ce qu'on peut comprendre cet aveu cause préjudice à l'ensemble des membres alors que vous prétendez que l'article pourrait s'appliquer lorsque le préjudice n'affecterait qu'une partie importante des membres. A cet égard, si je comprends bien votre position, vous seriez plus flexible que la loi. Je ne sais pas si c'est votre position.

M. Laprade: Nous avions fait notre remarque par analogie à l'article 1012.

M. Bernier: Je veux attirer l'attention de la

commission dans le sens qu'il ne s'agit pas d'un aveu d'un membre, mais bien de l'aveu fait par un représentant. Je comprends qu'un représentant sera un membre, mais, ici, c'est l'aveu du représentant. Comme on a mentionné tout à l'heure, un aveu cause toujours préjudice à quelqu'un, mais, d'un autre côté, il bénéficie à la partie adverse dans la majorité des cas.

Je crois que le cas que l'association avait à l'esprit, lorsqu'elle a formulé son commentaire, c'est que si un aveu est fait par le représentant et que cet aveu ne cause préjudice qu'à un seul des membres d'un groupe de plusieurs milliers, pourquoi, à ce moment-là, le défendeur serait-il privé de l'avantage que l'aveu lui procure? Je vous pose la question.

M. Fontaine: C'est parce que si un représentant fait un aveu qui ne touche qu'un membre du groupe, je vois mal que cet aveu puisse porter préjudice à l'ensemble des membres. Je ne sais pas si c'est comme cela que le ministre l'interprète.

M. Marois: Je vais seulement jeter cela sur la table en passant, parce que cela pourra peut-être éclairer davantage nos discussions. Evidemment, c'est écrit dans le jargon juridique, on ne peut pas faire autrement. C'est la façon de le faire et en respectant encore une fois l'économie générale du Code de procédure, mais ce que l'article 1014 vise exactement, c'est le cas — "L'aveu fait par un représentant — ce n'est pas l'aveu de n'importe aui, c'est l'aveu du représentant — lie les membres sauf si le tribunal considère que l'aveu leur cause un préjudice."— d'un aveu fait par le représentant l'impliquant lui-même le représentant dans un cas où...Cela pourrait se présenter sur la base de l'expérience vécue des recours collectifs dans d'autres provinces et aux Etats-Unis, cela s'est déjà présenté, ce sont les cas de collusion entre le représentant et le défendeur.

Si on ne met pas un article comme celui-là, évidemment, on empêche le tribunal d'intervenir dans ces cas-là. Partant de ce que d'ailleurs le député de Marguerite-Bourgeoys, je pense, a très bien cerné tantôt, cette idée que la Cour supérieure et que le juge, étant donné la nature un peu extraordinaire quand même du recours, de lui donner la chance au moins d'être capable d'évaluer — là, c'est une exception aux règles normales habituelles de l'aveu pour éviter ces cas de collusion — dans la mesure encore une fois où il s'agit d'un aveu fait par un représentant l'impliquant lui-même, qui pourrait causer un préjudice aux autres, le cas de collusion est le cas le plus évident.

M. Bernier: Si je peux me permettre, pour le bénéfice de votre commission, il n'existe de recours collectif dans aucune autre des dix provinces canadiennes.

M. Marois: Pardon?

M. Bernier: II n'existe aucune loi sur les recours collectifs. Un projet de bill privé a été introduit devant le gouvernement de l'Ontario, l'année dernière. Ce projet de loi n'a pas été très loin. Le gouvernement fédéral, récemment, dans la Loi sur la concurrence, a des dispositions qui concernent le recours collectif, mais je crois que ces dispositions n'ont pas encore été adoptées. Je parle ici de la loi fédérale. Il en existe peut-être aux Etats-Unis, je ne le sais pas.

M. Marois: Connaissez-vous, par exemple, les règles de pratique de la Cour suprême de l'Ontario qui introduisent le recours collectif?

En "common law", dans la plupart des provinces canadiennes, c'est par ce biais que le recours collectif a été introduit. Chacun l'a introduit selon ses méthodes, sa façon de fonctionner, son économie générale de procédure. Je m'excuse, mais contrairement à l'affirmation que vous venez de faire, cela existe par le biais des règles de pratique, notamment celles que je viens de vous mentionner. Vous vous souvenez aussi de la célèbre cause de l'Hydro, en Colombie-Britannique, poursuivie par trois personnes, par le biais d'une procédure introduite dans cette province par les règles de pratique, d'une procédure de "class action". Ce n'est pas nécessairement par une loi comme telle. Vous avez raison de mentionner le cas du gouvernement canadien qui a déposé le bill C-42, effectivement, qui n'est pas adopté pour l'instant.

M. Bernier: J'avais l'impression que ces dispositions des règles de pratique de l'Ontario étaient un peu l'équivalent de ce que nous avons ici, aux articles 57 et 67 du Code civil, c'est-à-dire la réunion de causes d'action.

M. Marois: Non, pas du tout.

M. Fontaine: Je voudrais revenir sur un autre point qui a été soulevé au paragraphe 7. Vous nous dites que vous êtes d'avis que le délai proposé de douze mois devrait être réduit à trois mois de façon à permettre une plus saine administration de la situation financière du débiteur. Alors, c'est pour la question des réclamations suite à un jugement. La loi propose douze mois. Vous proposez trois mois. D'autres pourraient proposer six mois. Est-ce que vous pourriez nous donner un peu plus de détails? Si un grand nombre de membres font un recours collectif, ce sera assez difficile pour chacun des membres de produire sa réclamation, suite au jugement, dans un délai qui soit de trois mois, comme vous le suggérez. Est-ce que vous pourriez nous donner plus de détails là-dessus?

M. Bernier: C'est dans un esprit d'équité que nous avons proposé la réduction de douze à trois mois, comme vous le savez, dans le cas des recours collectifs. Non seulement les grandes entreprises, mais également les petites et les moyennes entreprises seront sujettes à se défendre contre les recours collectifs. Si le défendeur s'attend qu'on lui soumette des réclamations à la suite d'un jugement favorable, c'est un recours collectif pendant les douze mois qui suivent. Il peut arriver que ce soit très difficile pour lui d'établir une saine

situation financière, sachant qu'il sera obligé de payer des créanciers pendant les douze mois qui suivent. Nous proposons trois mois. Je comprends qu'il est difficile de tracer, de fixer une date déterminée, mais c'est tout simplement pour permettre à un défendeur, s'adressant aux petites et moyennes entreprises, d'administrer ses finances d'une façon plus souple.

M. Fontaine: On est en accord avec le principe d'un recours collectif. Il faut également établir des mécanismes pour que les membres puissent donner effet à ce recours collectif. Si on raccourcit à trois mois le temps fixé pour pouvoir faire une réclamation à la suite d'un jugement, cela va peut-être avoir comme résultat de nier purement et simplement le recours collectif pour une bonne partie des membres qui seront touchés par ce recours.

M. Dessaulles: Si je peux éclairer le député, en fait, je pense que le point important de notre recommandation, ce n'est pas autant le délai que le fait que le délai soit de rigueur pour que le débiteur puisse être en mesure, après un certain délai, que ce soit trois mois, six mois ou douze mois, de quantifier le jugement pour qu'il n'ait pas une dette, un "contention liability" dans ses livres pendant une période indéterminée.

M. Fontaine: D'accord là-dessus.

M. Dessaulles: C'est dans ce sens qu'on fait la recommandation.

M. Laprade: Pour certains, M. le député, douze mois, ce n'est pas exagéré, mais pour une petite industrie, une petite compagnie — j'exclus les banques — un délai trop long peut être fatal.

M. Fontaine: Oui. Si le recours collectif n'était fait contre une petite compagnie que par vingt ou trente personnes, ce serait peut-être compréhensible. On peut concevoir certains cas où il peut y avoir plusieurs milliers de personnes difficiles à retracer. A ce moment, il faudra quand même donner effet au jugement, donner la chance à la loi de pouvoir s'appliquer. Si on établit un délai trop court et qu'on ne laisse pas le temps aux membres de pouvoir donner effet au jugement, on nie tout simplement le recours.

M. Bernier: Une solution à votre problème, M. le député, serait un système efficace de publication, de publicité ou de "publicisation" du jugement final, de façon à informer tous les membres inconnus du groupe de la décision favorable qui a été rendue en leur faveur...

M. Clair: A ce moment-là, le danger serait...

M. Bernier: ... dans le plus court délai possible.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Drummond.

M. Clair: A ce moment-là, le danger serait peut-être qu'on doive mettre trop d'argent dans la publicité pour qu'elle soit efficace; on risquerait d'atteindre un résultat contraire à celui que vous cherchez, soit celui de charger encore davantage le défendeur.

M. Bernier: On n'a pas fait d'étude des coûts de la publicité. Je comprends que cela peut atteindre des chiffres assez élevés dans certains cas.

M. Clair: Je m'excuse, M. le député de Nicolet-Yamaska.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je reviens à votre première affirmation quand vous dites que vous êtes d'accord avec les principes du recours collectif. Mais, si on regarde tout de suite votre premier paragraphe, vous nous dites: Nous croyons que l'attrait attribué aux recours collectifs par la possibilité d'un financement par le fonds pourrait donner naissance à des situations d'abus, particulièrement dans les cas de recouvrement de petites créances. On sait que le recours collectif, assez souvent, se fait pour des petites créances et des petits montants. Est-ce que vous pourriez nous illustrer d'exemples les situations d'abus que vous mentionnez dans votre paragraphe 1?

M. Bernier: Voici. Le demandeur, éventuellement. Je pense qu'il faut se rappeler qu'il est question d'augmenter le montant maximum des petites créances de $500 — je crois que c'est actuellement le montant — à plusieurs milliers de dollars. Ce qui peut se produire dans le cas, c'est que celui qui pourrait normalement faire valoir sa réclamation devant la Cour des petites créances, aller perdre son temps en cour deux jours, une journée pour l'audition des faits devant un officier de la cour et devant le tribunal, préférerait procéder par voie de recours collectif où un avocat représenterait ses intérêts et, s'il bénéficie de l'assistance financière du fonds, où un bataillon d'experts et d'avocats-conseils pourraient faciliter sa réclamation. C'est simplement pour éviter cet abus possible que nous avons soulevé le problème et recommandé certaines mesures préventives dans le paragraphe 2.

M. Fontaine: Mais je comprends mal votre argumentation parce que cela m'apparaît que c'est justement le but du recours collectif, c'est-à-dire de permettre à un groupe de personnes qui ont des petites réclamations de pouvoir obtenir un jugement qui serait exécutoire en faveur de tous les membres représentés dans le groupe. Je vois mal votre argumentation où il pourrait y avoir des situations d'abus.

M. Laprade: Dans l'esprit du paragraphe, on veut souligner, en somme, que le recours collectif n'est pas créé pour éviter le recours à d'autres lois. Je pense que cela se lirait mieux si on disait:

dans le cas de recouvrement suivant la Loi des petites créances. C'est un exemple qu'on voulait donner.

M. Fontaine: L'un n'empêche pas l'autre.

Le Président (M. arcoux): Est-ce que vous avez d'autres commentaires à ajouter? Je vous remercie au nom des...

M. Cordeau: Une petite question.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Tantôt, on a mentionné que le montant concernant les petites créances serait augmenté à plusieurs milliers de dollars et le ministre n'a pas répondu à cette observation. Est-ce que nous pourrions connaître le point de vue du ministre à ce sujet?

M. Marois: A plusieurs milliers de dollars, sûrement pas.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom des membres de la commission d'avoir pris le temps de rédiger votre mémoire et d'avoir eu l'amabilité de venir rencontrer les membres de la commission aujourd'hui. J'inviterais maintenant l'Institut de la publicité canadienne à venir nous présenter son mémoire. (17 h 25)

Une Voix: Quel numéro?

Le Président (M. Marcoux): C'est le numéro 15M.

Y a-t-il des représentants de l'Institut de la publicité canadienne dans la salle?

Je vous invite à vous approcher.

M. André Allard?

Institut de la publicité canadienne et autre associations publicitaires

M. Dupré (Yves): Je représente M. Allard. Mon nom est Yves Dupré. Je suis membre du Publicité-club de Montréal.

Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous nous présenter votre collègue également?

M. Dupré: Me Wayne McCracken qui agit comme avocat conseil auprès des cinq associations publicitaires que je représente.

D'ailleurs, je voudrais souligner que vous nommer, lorsque vous nous présentez, probablement pour des raisons d'espace, l'Institut de la publicité canadienne, mais il est bien entendu qu'il s'agit de cinq associations publicitaires. Je me permets de les nommer: Advertising and Sales Executives Club of Montreal, Le Club de la publicité de Québec, Conseil des agences de publicité du Québec, l'Institut de la publicité canadienne et le Publicité-Club de Montréal.

Le Président (M. Marcoux): Vous avez bien fait de le faire. Je me fiais à la feuille que j'ai devant moi alors que votre mémoire...

M. Dupré: Je comprends très bien. Alors, je vais sauter la première partie parce que je pense que pour ce qui est de savoir quelles sont ces associations et qui les représente, si vous avez pris connaissance du mémoire, cela regroupe à peu près 95% des agences de publicité québécoises et des agences canadiennes qui couvrent au Québec.

Au niveau des remarques générales, je pense que je vais me répéter après ce qui a été dit par les groupes qui nous ont précédés, en ce sens que les publicitaires n'ont aucune opposition de principe — bien au contraire — au niveau de l'institution du recours collectif. D'ailleurs, je pense que les codes d'éthique qui régissent nos associations, le Conseil des normes de la publicité, le Conseil de la publicité destinée aux enfants sur lequel nous siégeons, prouve que notre préoccupation en ce qui a trait aux consommateurs est réelle.

Nos commentaires portent sur certains points de modalités d'application de la loi. Vous m'excuserez, n'étant pas avocat, mais publicitaire, de ne peut-être pas pouvoir faire toutes les nuances qui peuvent être faites par un avocat. Si...

M. Marois: Une chose en passant. L'important, vous savez... C'est beau. C'est du papier, mais ce qui est bien plus important, ce sont les problèmes qui se cachent derrière tout cela; essayez de les cerner le mieux possible. Après, il suffira de les mettre en jargon juridique et c'est tout. Là-dessus, soyez plus qu'à l'aise. C'est tout à fait cela d'ailleurs.

M. Dupré: Merci. Je voudrais également souligner qu'en cours de route, Me McCraken ayant eu beaucoup d'expériences avec les questions de recours collectif, tant au Canada où cela s'est produit qu'aux Etats-Unis, s'il y avait des réponses qui pouvaient éclairer la commission de ce côté, il fera plaisir à Me McCraken de vous les donner.

Au niveau de la question de l'avis, je vais lire le texte qui est ici. "Les nouveaux articles 1005 et 1006 du Code de procédure civile, tels que projetés, stipulent que le tribunal autorisant un recours collectif doit ordonner, entre autres, la publication d'un avis aux membres. Cet avis doit contenir certaines indications précises.

Nous croyons que le projet devrait préciser que le représentant entreprenant un recours collectif doit faire signifier l'avis à ses propres frais à chaque membre. C'est de cette façon seulement que les membres ne désirant pas être partie ou litige pourront se retirer s'ils le veulent. C'est également de cette seule façon que la partie défenderesse pourra les identifier aux fins d'un interrogatoire préalable.

Nous sommes d'avis, toutefois, que cette exigence ne devrait souffrir que deux exceptions. Premièrement, si le tribunal est d'avis que l'on ne peut identifier tous les membres et deuxièmement,

si les frais de signification à chaque membre personnellement devaient s'avérer excessifs, le tribunal devrait alors être tenu d'ordonner au demandeur de donner à ses frais un avis général comme, par exemple, des annonces dans les journaux ou autres.

Deuxièmement, nos commentaires portent sur l'autorisation des recours collectifs par le tribunal.

A la suite de l'expérience vécue aux Etats-Unis, plusieurs avocats éminents de ce pays sont d'avis qu'un nombre important des recours collectifs entrepris n'ont comme seul objectif que de forcer des défendeurs innocents à régler des réclamations sans fondement.

Cette situation comporte non seulement un risque exorbitant pour l'entreprise, mais aussi un fardeau additionnel considérable pour les tribunaux. Nous prétendons qu'il ne serait pas approprié socialement, politiquement et juridiquement pour le Québec d'adopter une loi tendant à favoriser des litiges douteux. Il est donc essentiel qu'une procédure de tamisage sérieuse soit prévue pour les recours collectifs de façon à éliminer le plus tôt possible les réclamations frivoles. Ceci exige une rédaction prudente de la loi puisqu'il ne serait pas raisonnable d'exiger que le tribunal appelé à décider le bien-fondé d'un recours collectif doive, pour ce faire, juger le fondement même de l'action. Nous croyons possible d'en arriver à une solution médiane. Nous présumons que les conditions d'accès au recours collectif peuvent être précisées de façon à protéger à la fois les intérêts des représentants et ceux des défendeurs. Nous croyons fermement que le texte de l'article 1003 projeté devrait être modifié de sorte que le représentant en puissance doive établir à la satisfaction du tribunal que le recours collectif est recherché de bonne foi et est fondé sur des mottsf clairs et évidents. C'est bien sûr qu'ici nous rejoignons les commentaires qui ont été faits autant par le Barreau que par l'Association des banquiers, mais j'aimerais souligner que, quand nous parlons de bonne foi, en fait, vous avez parlé plutôt de preuve prima facie, d'apparence de droit ou de vraisemblance. Cela pourrait être l'une ou l'autre. Nous laissons au législateur le soin de choisir la procédure qui lui paraîtra la meilleure. A cet égard, nous soulignons que les règles du recours collectif du projet de législation fédérale, le bill C-13 dont nous parlons, impose cette condition. Dans ce cas, il s'agit de la preuve prima facie. Nous soulignons également qu'avant d'accorder son assistance financière au représentant, le fonds d'assistance doit considérer l'existence probable du droit que l'on entend exercer. Nous croyons que le représentant devrait être tenu d'établir la probabilité de ce droit comme condition d'exercice d'un recours collectif.

Enfin, nous suggérons qu'avant d'autoriser l'exercice d'un tel recours, le tribunal devrait être convaincu que le recours collectif est le moyen le plus juste et le plus approprié de trancher les questions soulevées.

La question des dommages-intérêts. L'objet fondamental du recours en dommages est l'in- demnisation des pertes subies. Nous sommes d'avis que des dommages-intérêts ne devraient être accordés qu'aux personnes ayant subi des dommages d'une part et ayant choisi de participer au recours collectif d'autre part. Ces conditions rejoindraient le but premier du recours collectif, qui est d'accorder un remède de droit civil aux parties qui, autrement, ne jouiraient d'aucun autre recours efficace. Pour ce motif, nous contestons fortement les dispositions du projet permettant le recouvrement collectif de même que toute proposition que le fonds soit autorisé à retenir une partie des indemnités collectives. Ces dispositions, soit le chapitre 2 du titre quatrième, et l'article 40, c'est-à-dire l'article 40 plus les articles 1031 et 1036, auraient pour effet de transformer le recours collectif en une procédure à caractère punitif, ce que nous trouvons déraisonnable. Nous croyons que les tribunaux civils doivent être appelés à accorder des indemnités aux parties qui en font la demande à la suite des dommages subis. Nous soutenons que le recours collectif ne doit pas être utilisé comme mesure pénale, alors que les lois accordent aux tribunaux, dans les cas prévus, le droit d'imposer des peines sévères comportant l'amende ou la prison ou les deux à la fois pour les contrevenants.

Au niveau du financement par l'Etat des recours collectifs, nous avons également considéré les dispositions du projet traitant de l'assistance financière au recours collectif. Nous présumons qu'elles se fondent sur l'un ou l'autre des motifs suivants ou sur les deux à la fois. En premier lieu, sans aide financière, un représentant en puissance, privé de moyens financiers, serait incapable de rechercher des indemnités pour les torts subis par lui-même et le groupe dont il fait partie. En second lieu, bien que solvable, un représentant en puissance peut ne pas avoir personnellement subi des dommages assez importants pour justifier le risque financier d'un recours collectif sans l'assistance de l'Etat. Nous sommes d'avis que ces dispositions ignorent la très réelle possibilité qu'une partie défenderesse dans un recours collectif n'ait pas la capacité financière de se défendre. En conséquence, nous ne voyons pas pourquoi la même forme d'assistance ne serait pas offerte au défendeur comme représentant lors de l'exercice d'un recours collectif.

A l'égard du principe même, nous soutenons que la seule possibilité de cette assistance étatique comporte le risque très réel de provoquer des litiges. Nous ne sommes pas assurés que les avantages sociaux pouvant découler de cette assistance puissent compenser le fardeau additionnel considérable qui incombera aux tribunaux et aux défendeurs, d'autant plus que ces derniers, dans la plupart des cas, ne jouiront pas d'une capacité financière égale à celle du fonds. Pour ces raisons, nous proposons que les dispositions du projet relatives à l'assistance financière étatique soient supprimées, à tout le moins cette assistance devrait être offerte au défendeur comme au représentant aux mêmes conditions.

Le dernier point est la question des frais judi-

ciaires. Le projet de loi prévoit qu'un membre qui n'est ni représentant, ni intervenant ne peut être tenu au paiement des frais de recours collectif.

A cause de cette disposition, nous suggérons que les représentants et intervenants soient tenus, en vertu d'une stipulation expresse, de déposer un cautionnement pour les frais, de sorte que le défendeur victorieux puisse en obtenir le paiement. Voilà!

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier les porte-parole des cinq associations, instituts et clubs qui nous ont fait part de leur point de vue très franchement. Je les remercie de leur appui de principe, en tout cas à cette idée de la nécessité et de l'urgence d'aboutir pour être capable d'introduire dans notre droit une chose qui traîne partout ailleurs sur le continent nord-américain et qui urgeait, en essayant de le faire, comme vous l'évoquez vous-même, de façon que ce soit équilibré et équitable pour chacune des parties. Il ne s'agit pas de faire en sorte que ce soit quelque chose qui, encore une fois, comme un bateau, chavire et qui soit unilatéral, loin de là.

Je voudrais m'arrêter plus particulièrement — il y a un certain nombre de questions qu'on a déjà débattues dans le courant de la journée — à deux éléments de votre mémoire: la question de l'avis et la question du financement par l'Etat des recours collectifs. J'aimerais également faire un petit commentaire, au passage, quand vous parlez des dommages et que vous évoquez cette idée du caractère primitif.

Quant à la question de l'avis, si je comprends bien, vous allez jusqu'à nous indiquer que, à votre point de vue, dans tous les cas où ce serait possible, l'avis devrait être signifié — au sens de la signification en droit d'un avis — directement à chacun des membres, d'une part; et même, le cas échéant, on devrait faire supporter les frais de la signification. Je me demande si vos remarques portent bien sur la lecture des articles 1005 et 1046 du projet de loi. Bien sûr, on évoque, à 1005, l'ordonnance de publication d'un avis et 1046 vient le compléter. Au fond, j'avoue que je serais plutôt porté, spontanément, sous réserve de vos commentaires additionnels, à être très réticent à introduire, dans la mesure où le recours collectif constitue une procédure très particulière, cette idée de signification d'un avis.

Au fond, dans la pratique, si on peut identifier facilement les membres, je doute précisément — reprenant les commentaires du député de Marguerite-Bourgeoys tantôt — que, quand des gens s'imaginent que c'est la porte ouverte à tous les recours collectifs n'importe comment et qu'il suffit de se présenter, de faire une demande et que ça y est, la Cour supérieure va laisser faire cela, j'ai l'impression qu'il va y avoir des surprises tantôt. C'est un moyen de procédure, on ne vient pas changer le droit substantif.

En d'autres termes, si on peut identifier à ce point facilement tous et chacun des membres d'un groupe, c'est précisément un beau cas où le juge devra refuser, en vertu du projet de loi, à mon avis, la requête puisque cela veut dire, à ce moment, qu'aux articles 59 et 67 d'autres moyens de procédure existent permettant à des citoyens de faire valoir pleinement leurs droits.

Quand on dit 1005 à la lumière de 1046, par ailleurs, qui complète 1005, il est bien prévu que le tribunal qui ordonne la publication va déterminer la date, la forme et le mode. Je pense bien que tous ceux qui ont fouillé les textes de loi des différents Etats américains et les règles fédérales américaines, les règles de pratique des autres provinces, ont constaté qu'on introduisait cette idée de souplesse. Souvent, on la formule par l'expression "best possible notice ", c'est l'expression qu'on utilise très souvent en "common law". Il fallait évidemment tenir compte de l'économie, encore une fois, générale de notre code de procédure civile. On a précisément prévu à 1046 cette ouverture et cette latitude, compte tenu de l'ampleur, de la teneur, du nombre de gens possiblement impliqué, cette latitude au juge sur représentation des parties de déterminer quelle doit être la forme, quel doit être le mode. (17 h 40)

Est-ce que, comme on l'invoquait ce matin, cela va être mis sur la pinte de lait distribuée dans chaque foyer, est-ce que cela va être par la radio, par la télévision, par des avis dans les journaux? Sinon, si on introduit encore une fois la signification, en plus de ce que j'évoquais tantôt, sur un groupe très large, cela pourrait être une forme qui pourrait aussi être joyeusement dispendieuse. J'avoue que j'ai beaucoup de réticence. J'aimerais bien vous entendre plus longuement sur cette question.

Vous évoquez aussi, au passage, et c'est l'expression que vous utilisez, le caractère punitif. Je vous poserais la question que j'ai posée à ceux qui l'ont évoquée jusqu'à maintenant. J'avoue que je n'ai pas obtenu une réponse qui m'ait honnêtement ébranlé. Quels sont précisément les articles de ce projet de loi, articles en vertu desquels des citoyens, individuellement et/ou collectivement, vont obtenir une compensation pécuniaire qui excéderait ce qu'ils obtiendraient si, dans les faits, il était possible à chacun d'eux de faire valoir pleinement leur droit devant le tribunal? Là, je crois qu'on pourrait vraiment parler d'un caractère punitif, au sens, encore une fois, du droit américain, du "punitive damages", ce qui n'est pas le cas. Ce n'est pas une notion qui existe dans notre droit. C'est aussi la compensation pécuniaire qui est rattachée à des principes de droit de fond, la répétition de l'indu, le principe aussi que personne ne peut s'enrichir sans cause. Je vais prendre l'expression que le bâtonnier utilisait lui-même lorsqu'il nous a présenté son rapport, cette idée de pousser jusqu'à la fine pointe du possible, de façon équilibrée, cette notion fondamentale de notre droit, de la responsabilité. Vous utilisez cette expression.

Finalement, sur la question du financement, je pense bien que, pour l'essentiel, vous avez compris qu'il s'agit, au fond, d'une forme d'avance, l'un dans l'autre, sur l'ensemble des re-

cours collectifs. Vous nous recommandez, dans un premier temps, de supprimer ce fonds, sinon, à défaut, si je comprends bien, de l'ouvrir au défendeur. J'avoue que votre deuxième volet, cela m'avait échappé; il y a un autre groupe aussi qui l'évoque dans son mémoire, cela m'avait échappé, vous l'aviez aussi mentionné dans le vôtre. Je suis porté à vous dire que c'est une question que je suis prêt à examiner, mais à examiner vraiment au mérite, en toute équité et en toute justice, à certaines conditions. Il y a peut-être moyen. Je pense qu'à tout le moins, cela soulève une question qui mérite d'être examinée attentivement.

Mais quand dans un premier temps, vous recommandez de supprimer le financement, cela veut dire quoi? Vous savez fort bien qu'il en existe, aux Etats-Unis, j'en suis sûr, je connais les fondations en question; quant aux autres provinces, on me dit que cela existe aussi mais, honnêtement, je n'ai pas les noms en tête. Cette pratique existe aux Etats-Unis, dans bon nombre d'Etats américains, des fondations qui soutiennent financièrement, qui financent l'exercice de recours collectifs. Cela ne fait pas partie de nos traditions au Québec. On est obligé de tenir compte aussi de ces réalités qui sont là pour ne pas faire en sorte qu'encore une fois, on introduise dans notre droit un moyen de procédure qui, si on n'avait pas le fonds qui est là, deviendrait un moyen de procédure qui soit le lot de ceux qui sont capables de se le payer, uniquement.

Ou vous nous recommandez carrément d'ouvrir, de réexaminer l'article de la Loi de l'aide juridique, de l'ouvrir de ce côté, sinon on va arriver à quelle situation? Des citoyens plus à l'aise vont pouvoir se le permettre et d'autres plus démunis, qui ont les mêmes droits, seront dans l'incapacité de faire valoir leurs droits. J'avoue que, sur ce plan, je suis plus spontanément porté à regarder l'alternative que vous nous proposez à cela, de l'examiner au mérite.

M. Dupré: Pour ce qui a trait à votre première question, au niveau de l'avis, je pense que notre préoccupation — c'est peut-être une déformation professionnelle — a d'abord été dans le sens que si l'avis est publié par les journaux, dans la forme où on connaît présentement de tels genres d'avis pour des divorces, des faillites ou des choses du genre, on sait fort bien que ces avis sont très peu lus par les gens. Ce qui nous préoccupait à ce moment-là, c'était que cela pouvait entacher le droit de ceux qui voudraient se retirer et qui pourraient être partie à un recours collectif sans même le savoir, le journal nous apparaissant comme n'étant pas nécessairement la meilleure façon de le faire, ni la plus efficace.

Evidemment, on a soulevé ce matin, avec l'Association des consommateurs, d'autres méthodes, mais, dans ces cas, je pense que, par exemple, de le mettre sur une pinte de lait, ou sur un pain, ou quelque chose du genre, il s'agit là pour le défendeur de coûts très importants, si c'est lui qui doit les soutenir.

Je vous ferais remarquer que les deux excep- tions que nous retenons au niveau de l'avis, je pense, font preuve de notre intention de ne pas brimer non plus celui qui n'aurait pas les moyens de pouvoir faire une telle requête et de la signifier aux personnes directement.

M. Marois: Je comprends votre préoccupation, je pense que c'est une préoccupation normale de vous assurer que les citoyens concernés sont pleinement informés, reçoivent, d'une façon ou d'une autre, avis, que ce soit par des media électroniques, que ce soit autrement, par écrit, peu importe. C'est pour cela qu'on a ouvert la gamme des possibilités sans en figer l'une ou l'autre dans le béton. Laissons les parties faire les représentations pertinentes devant le tribunal et le tribunal apprécier le mode, la forme, etc., pour être le plus pertinent, compte tenu de la nature même du problème soulevé, du nombre de personnes possiblement impliquées dans une région ou à l'échelle du Québec, peu importe. Cependant, je comprends parfaitement bien votre préoccupation. De là à le figer sous une forme de signification d'un avis, c'est là que j'avais plutôt des réticences.

M. McCracken: M. le Président, je regrette, mais je ne peux pas parler français.

In our recommendation, we were aware of the stringency of the Eisen test in the United States which, I believe, in partially referring to, effectively killed the class action. In that case, where actual notice was possible, it would have cost so much that the plaintiff could not carry on the law suit. Here, in endeavoring to find some middle grounds, which from the French that I understand, I believe yoti acknowledged, I also gather that that is the present jurisprudence under your rules of procedure, if I understood correctly.

Substituted notice, if actual notice is impossible. I believe what we are suggesting is that it may be desirable, if that jurisprudence is not firmly settled in this province, to build it right into this section. That is why we made our recommendation. We recognize the rising problem and try to treat that in some fair fashion. I think there are some people from the business world who would suggest that actual notice, unless it is going to cost a billion dollars, is necessary. We are not stopping that position at all.

I believe the second point you raised related to our allusion and, I believe, that of other witnesses today, to the potentially punitive aspects of the collective recovery. Again, I regret I did not catch all the subtleties of your question, but I will try to answer what I understood it to be. The traditional law of damages, as I understand it, involves compensation for harm done, which compensation is awarded to those harmed. Collective recovery, as it appears in your draft or in your bill rather, fluid recovery as it is knowned in United States, is a relatively novel concept and as I am sure you and your advisers are aware, is much criticized in the United States, and stands, I am advised by various US experts, in this regard, a

good chance, on the Supreme Court challenge, at being turned down, as being unconstitutional for a number of reasons.

It is a rough justice kind of approach which is very appealing on one hand. We, by no means, deny that. We can see the appeal of it. What we picked are hypothetical figures: $40 million dollars worth of damage was caused, $20 million dollars worth of the damage are found or come forward, money remains; what to do with it...? This is, I believe, what you were grappling with and also what the US Courts have grappled with in this kind of situation.

We feel that if the principle of damages that being compensation for harm done which compensation is paid to those harmed, is going to be retained generally in law, and secondly, if traditional punishment, that is payment to the Crown, that is all the people, you know, the roughest kind of justice, is going to be abused, the way to redress wrongful gains, unjust enrichment, which I believe is the traditional kind of dichotomy we have drawn in our law, then we believe that the collective recovery concept unfortunately is a back-dooring of a punishment, the benefits of which are awarded, in the discretion of a judge, granted, and I have great confidence that judges act judicially, but to not the general public, but some segment of the public — I believe you used the taxi cab conspiracy case as an example today... I think any person would agree that some of the riders who benefited from the fare reduction did not pay the conspiratorilly raised price perhaps did not ride a cab in Atlanta for the next year, or whenever the time period was.

M. Marois: I am sorry, I do not want to interrupt, but you are not suggesting, I understand, that the global amount of money that that company — YellowCab, I think, was the name — had to pay back because they were obliged to reduce their fees during a certain period of time, was more than the amount of money that that company, by using certain tactics...

M. McCracken: Quite...

M. Marois: ... certain methods, took from the pocket of the consumers?

M. McCracken: M. le Président, no, I am not. I am suggesting, however, that it was a very rough Salomon justice kind of allocation of the ill-gotten gains which roughly, I guess, in the judge's mind, corresponded to people who ride taxis and therefore who had been gauged in the first place. But it is rough justice. It seems to me, I repeat, that if we are going to call a spade a spade, whether you call it a fluid recovery or a collective recovery or a sea-prey distribution, namely, we are not going to let a bad guy keep his ill-gotten gains. We are no longer talking compensation to the extent that we are distributing these ill-gotten residual gains to some ill-defined group. Rather, what we, in effect, are doing is saying: We are going to punish you. You just are not going to keep that money.

I repeat, it is an attractive concept, no question about it. But I do think that it should be defined as what it really is. It is not compensation which is a... concept of damages, of course. Now, I will repeat something I said just a touch earlier, our normal way of punishment, of course, is through prosecution and, in the judgment of a Court, fine or imprisonment of wrong-doers. Let me be as frank as I can, frequently, in my judgment, the fines imposed are not necessarily consonant with the damage that was exacted.

But that is not the fault of the law, it may be a fault of the judges. In an area I am particularly familiar with, Combines Law, many of the fines, as you well know, are in no way equivalent to the problems caused by the damage done.

How, your question, I believe, was: Wherein lies the punishment aspect? And I have endeavoured to answer that. It lies in the partial abolition of the allocation of "damages " to those damaged. (17 h 55)

M. Marois: How did you say that?

M. McCracken: It lies in the partial abolition of the traditional concept of damages being allocated to those damaged. I say partial because, of course, you fully recognized in your law that if people come forward to prove their damages, they receive what they can establish they have lost. It is this residual that then is contemplated to be distributed in some kind of U.S. fluid recoveries.

So that it is identifying what we consider the appeal element as distinct from appeal compensatory elements.

The problems... I am sorry...

M. Marois: Where do you go with this? I mean, for example, let us go back to that taxi company or we have been mentioning this morning those boxes of cereals. I think that are several fundamental principles in our law and one is the fact that you cannot take from the pocket of some people an amount of money they do not owe you and those people have the right to have a procedure, a way to get it back but where do you go with this?

If it is impossible... Let us that example of the Yellow Cab. It was, of course, impossible to identify each consumer from which that company took several pennies. Where do you go with that? It means that you let several enterprises fraud people and if you go the end of that type of logic, it will mean that you encourage the small frauds. I mean, if you have to rob somebody, well, try to rob small amounts of money, a very small amount of money and try to rob it from a lot of citizens, then you are okay.

The only penalty you will have, if you get caught by the Justice, will be a fine or even maybe prison. Before "La Commission d'enquête sur le crime organisé au Québec — et je pense que je

cite les juges tels quels — parlant des crimes économiques et Dieu merci, encore une fois, parce que je ne veux pas laisser traîner des images qui donnent des impressions de chaloupe en train de chavirer, mais je cite pratiquement les juges disant: Vous avez de ces entreprises qui fonctionnent sans permis, se font attraper, fraudent le monde, paient des amendes.

J'ai mentionné le cas, ce matin, d'une entreprise condamnée à $2000 d'amende, opérant sans permis, qui paie l'amende, continue à opérer, et là, je cite les juges, cela fait un permis d'opérer qui revient bon marché et j'ajoute joyeusement bon marché. Où va-t-on avec cela? Je pense que tout cela est impliqué dans ce dont on parle, si on veut vraiment — et je reprends l'expression du bâtonnier au début de son témoignage de ce matin — pousser au bout de ce qui est possible cette idée d'une responsabilité jusqu'à la limite et non pas "not to try to introduce in our law that idea to get from that company who frauds people more an amount of money that would be more than the real amount of money they took out from the consumer's pocket, not at all, but, at least, that amount of money to have it back, paid back."

Le Président (M. Marcoux): Puisqu'il approche 18 heures, si vous le permettez, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures et, dans la mesure où cela vous est possible, nous continuerons la discussion sur votre mémoire à partir de 20 heures. Est-ce que cela vous va? Alors, à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 8

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs! La commission de la justice poursuit l'audition de mémoires concernant le projet de loi no 39, Loi sur le recours collectif. Nous étions en train de discuter du mémoire présenté par les organismes qui s'occupent de publicité. J'inviterais à nouveau ceux qui ont présenté le mémoire à venir répondre ou discuter avec les membres de la commission.

La parole était au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je vais donner la parole au député de Mont-Royal qui a assisté à la présentation, j'ai dû m'absenter pendant quelques minutes.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition officielle, je voudrais remercier les invités pour leur mémoire. Quant à la question de l'avis, il n'y a aucun doute que le but de ce projet de loi est d'essayer de rétablir un certain équilibre et de donner à ceux qui ont certaines réclamations, certains droits de procédure, au bénéfice de toute la population. Ne croyez-vous pas que votre suggestion d'aviser tous les membres irait à l'encontre de l'esprit du projet de loi? Ne croyez-vous pas que les pouvoirs qui sont donnés aux tribunaux, à la Cour supérieure devraient être suffisants pour assurer que les tribunaux vont utiliser leur discrétion et, qu'eux-mêmes s'assurent que l'avis est donné sans causer de problèmes d'obstruction, en disant qu'il faut que tous les membres soient avisés ou un certain nombre...

Pensez-vous que, dans cet esprit, les termes du projet de loi devraient suffire?

M. Dupré: Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, une de nos préoccupations... C'est-à-dire que nous ne croyons pas à l'efficacité d'une annonce dans les journaux. C'est évident qu'il est possible que le tribunal trouve d'autres solutions. En fait, il y en a probablement d'autres, mais nous pensons qu'il est habituel, devant les tribunaux, que le fardeau de la preuve, le fait de faire la preuve repose sur le requérant et non pas sur le défendeur. Ce qui nous paraissait, en faisant les deux exceptions qu'on a faites, c'est-à-dire si on ne peut pas les identifier ou s'il coûtait trop cher de tous les rejoindre, dans le cas où ça pourrait coûter des centaines de milliers de dollars, si dans certains cas cela implique plusieurs consommateurs.

Tenant compte de ces deux exceptions, les autres cas qui pourraient survenir nous paraîtraient beaucoup plus justes, pour ceux qui veulent se retirer, de pouvoir recevoir, être certains qu'ils ont reçu un avis personnellement, et aussi, cela nous paraît normal, dans la tradition, que ce soit au requérant d'en assumer les coûts.

M. Ciaccia: Je sais que votre collègue, M. McCracken, est un avocat. Il doit être au courant des pratiques des avocats, il doit prendre avantage de tous les recours de procédure qui sont possibles. Je crois qu'en insérant plus de règlements, en disant: II faut avoir des avis dans certains cas, dans d'autres cas, il ne faut pas en avoir, cela ouvrirait peut-être la porte à des abus de procédure.

Perhaps, if your suggestion of giving advice, giving notice to those who were affected, with certain exceptions, don't you think that would open the door to procedure abuses? The practice of law being the way it is, most attorneys will try and take all the advantages possible of whatever procedures are inserted in the law and I think one of the purposes of this act is to try and reestablish an equilibrium between the consumers and the other sectors of our society who, at this time, are not subjected to this class action by inserting the kind of what could be viewed as a limitation or even obstacles, that it would make it more difficult to institute this kind of action, and would be a sort of defeat to the spirit of the law.

M. McCracken: It is not the intention of our suggestion. If I can capitalize our suggestion without getting and to talk about exceptions and so on, we are saying it is reasonable to give actual notice and we believe that the law should state the actual notice should be given. It would not be reasonable if it was impossible to know or to locate some of the plaintive class.

It would not be reasonable if, as in Easen which I have already referred to, although they could be located, the cost in stamps, envelopes and printing of the notices would be ludicrously high. In a normal lawsuit a party to be served with a document must be served personally. As I believe Monsieur le ministre pointed out there are provisions for substituted service but those are invoked in the courts in which I practice in rather limited circumstances, usually limited to the case of a party trying to evade service. That is the situation where I have practiced, in any event, or just having disappeared in the case of a presumption of debt service.

Normally, a party to be notified should be served personally. I believe that is a fairly basic principle. To extend that to class actions provided to do so is reasonable. In a cause sense, in a location sense, it does not strike me as imposing any particular impediements. If it would be unreasonable the compromise that we recommended, would presumably, given the wisdom of the court, be brought into play. What we are concerned about is where, not withstanding the fact, it would in a cause sense, in a locational sense be reasonable to serve actual notice. A court may, in the absence of an express directive, permit substituted service, for example by a newspaper publication which we consider to be inadequate.

One might note that, given the very nature of a class action, an argument can be made. I do not consider it to be an overwhelmingly strong argument. I do not consider it to be conclusive that an argument can be made, that it is even more impor- tant, if reasonable, for members of the plaintive class to receive actual notice, than in, let us say, a normal debt collection type of case where presumably the party being sought after knows he owes money, knows he may become subject to some kind of legal proceeding in a class action a big prop, and that which raises this whole notice problem is that parties become parties to an action without necessarily even knowing about it.

Now, you alluded to attorneys or lawyers taking advantage of loop holes or procedural defects. I agree, that is a fact of life. I do not frankly see where this however admits of tremendous abuse. However...

M. Ciaccia: Perhaps the formula that is included in the present legislation takes into account the question of notification by the courts but does not open the door to possible abuses of notifying 500, 1000 or I do not know many people, 35, 50 whatever number of people could be involved. It seems, from my reading of the proposed legislation, that it already seems to have been taken into account the question of the notice and the power of the court to effect such a notice without opening the door to possible abuses.

M. McCracken: I do not think, frankly, that you and I are very far apart in that regard; I think that the solution that is expressed in the legislation, as tabled, is to give the courts significant discretion in terms of the method of serving notice, the manner, so on and so on. We only differ in our view where we feel it would be reasonable for a court not to order let us say notice by advertisement, in other words, where it would be entirely reasonable for a court to order actual service if that should be expressed in the legislation. I think that this is the only way that we differ.

M. Ciaccia: II y a un autre point dans votre mémoire qui soulève la question du fonds autorisé à retenir une partie des indemnités perçues. Je pourrais peut-être poser la question non seulement à vous, mais aussi au ministre. Quel est le but recherché en donnant ce pouvoir au fonds, quand une indemnité est allouée par la cour; je crois que cette indemnité devrait aller à ceux qui sont affectés, qui ont perdu. Pour quelle raison ce fonds qui est administré par le gouvernement aurait-il ce droit? Je ne parle pas de se faire rembourser, parce que si le fonds doit verser des fonds pour permettre le litige, c'est tout à fait normal qu'il soit remboursé, mais il me semble, à la lecture de l'article 40 que, en plus du remboursement, il semble y avoir un droit, un pourcentage qui doit aller au fonds.

Je crois que — si je comprends bien ceux qui ont préparé le mémoire — c'est leur objection. Peut-être pourraient-ils nous expliquer pourquoi ils s'opposent à cet aspect. Le ministre pourrait aussi nous expliquer la raison d'être de cet article.

M. Marois: Fondamentalement, c'est ce que vous avez évoqué; c'est cette idée. Il s'agit d'un

fonds qui avance des sommes d'argent. Bien sûr, dans certains cas, les avances resteront là; la cause sera perdue; enfin, peu importe. Il n'y aura pas de retour. Donc, il s'agit au fond d'établir un mécamisne qui permette une forme d'"autofinancement du fonds" puisqu'il s'agit d'avances à des groupes, à des citoyens, à une collectivité, pour leur permettre d'obtenir compensation et qu'ainsi sur un certain nombre de dossiers, il y ait un retour; que le fonds puisse s'autofinancer. De là, l'idée du pourcentage, mais il n'a jamais été dans notre esprit d'y ajouter l'expression que vous avez utilisée: "de plus". Il s'agit de faire en sorte que ce soit quelque chose qui s'équilibre sur la base de cette idée d'un autofinancement du fonds. Il y a des cas où il y aura des sommes qui pourront être reprises; dans d'autres cas, non.

M. Ciaccia: Quelle est l'objection de nos invités sur cet aspect du projet de loi?

M. Dupré: C'est que nous voyons là la possibilité de le rendre punitif, en ce sens que si on retient une somme pour une raison ou pour une autre qui n'est pas destinée à compenser des consommateurs ou des plaignants qui auraient eu recours au recours collectif, à ce moment-là, il y a danger que cela devienne vraiment punitif. Je ne pense pas que ce soit l'objectif du recours collectif.

M. Ciaccia: Je dois avouer que les articles sur les tribunaux, quand les tribunaux ont certains droits, certaines discrétions, naturellement j'y ai plus confiance parce que nous avons l'impression que les tribunaux sont objectifs et qu'ils vont administrer la loi de façon très objective.

Ce qui me préoccupe dans le point que vous avez soulevé — je voudrais le signaler au ministre — c'est qu'à l'article 40, on ne retrouve pas les critères que le ministre vient de décrire: le but de ce recouvrement, de ce pourcentage est de permettre au fonds de ne pas être "dans le rouge", de ne pas être dans la position de manquer d'argent. Selon ma lecture de l'article 40, cela pourrait possiblement ouvrir la porte à certains abus; il n'y a pas de limite.

Alors, je suggérerais, si c'est vraiment le but du fonds, qu'à l'article 40 on spécifie que l'objectif du recouvrement est de maintenir le fonds à un certain niveau.

Il y a une crainte dans la population quant à l'élargissement des pouvoirs du gouvernement. Chaque fois qu'on donne plus de pouvoirs... spécialement, dans ce cas-ci, on essaie de créer un équilibre entre le consommateur et les entreprises qui devraient être assujetties à un "class action". On n'a pas eu de discussions sur ce point, mais quand on insère un article comme l'article 40, cela peut ouvrir la porte à certains abus. Cela peut déséquilibrer le but de votre loi qui est d'essayer de protéger le consommateur mais non d'agrandir les pouvoirs du gouvernement. Cela est une crainte et je crois qu'elle est légitime.

M. Marois: Là-dessus, tout ce que je puis dire pour l'instant, c'est que — je pense l'avoir mentionné — on a pris bonne note de cette préoccupation. L'article 40 prévoit que ce sera déterminé par règlement, donc, dans notre esprit, c'étaient les règlements qui allaient préciser ces modalités.

Remarquez, je n'ai pas d'objection à le regarder de très près. On aura aussi l'occasion d'en reparler plus en détail lors de l'étude, article par article, mais j'en prends bonne note, on y regardera de très près.

M. Ciaccia: Je vous remercie, Monsieur, je n'ai plus de questions.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Nicolet-Yamaska. (20 h 20)

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais également féliciter nos hôtes pour les témoignages qu'ils nous ont donnés.

Je pense qu'ils ont effectué une recherche assez intéressante et je les remercie d'avoir approfondi ce sujet qui préoccupe actuellement les membres de cette commission et une grande partie de la population du Québec, depuis plusieurs années d'ailleurs.

Je pense qu'on peut être d'accord également avec les remarques qui ont été faites par l'honorable ministre concernant certains paragraphes de votre texte et, plus particulièrement, en ce qui regarde les remarques que vous faisiez quant au mode de signification ou au mode d'avis qu'on pourra donner aux personnes qui voudront exercer le recours collectif. Lorsque vous dites qu'il faudrait que l'avis en question soit signifié à chaque membre du groupe qui désire intenter l'action, je pense qu'à ce moment-là, c'est peut-être manquer un petit peu de réalisme, car ce n'est pas toujours possible de le faire. D'ailleurs, ce n est pas le but non plus. Le but du recours des effets sur des personnes qu'on ne connaît pas nécessairement.

De ce côté, je ne sais pas si vous avez des réactions à ajouter à ce qui a déjà été dit, mais je partage les vues du ministre là-dessus. Je voudrais également profiter de l'occasion pour partager votre opinion qu'on puisse apporter une assistance au défendeur. J'insisterai également sur le deuxième volet de votre opinion là-dessus quant à la possibilité d'abolir complètement le fonds. Je pense que ce n'est pas opportun d'y penser, mais, quant à l'assistance aux défendeurs, je pense que, dans certains cas, cela pourrait être assez important pour eux. Il ne faut pas penser que les recours collectifs vont être faits nécessairement contre de grosses compagnies. Il va peut-être y avoir de petites entreprises qui vont être poursuivies. A ce moment-là, il serait justifié de prévoir un mode d'assistance au moins technique pour ces petites entreprises. Donc, on a à peu près tout dit concernant les différents points que vous avez touchés et je pense que votre mémoire arrive à point et je vous en remercie. Je ne sais pas si vous avez des commentaires?

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, dans la foulée de ce que le député vient de mentionner, je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que — parce que vous avez mentionné les petites entreprises, c'est vrai qu'il faut en tenir compte en mettant au point un projet de loi comme celui-là — il y a deux articles. C'est notamment l'article 1029, d'une part, et, en plus, l'article 1032. Ils prévoient que le tribunal, pour les motifs qu'il indique, pourra déterminer les modalités de paiement précisément parce qu'il y a des points de convergence d'intérêts divergents de consommateurs et d'entreprises, par exemple, une entreprise pour qui le montant à rembourser serait lourd si c'était payé d'un coup, qu'il puisse convenir de modalités. C'est l'intérêt du consommateur, c'est l'intérêt aussi de l'entreprise de pouvoir continuer à fonctionner, que ce soit ajusté à sa capacité de payer. Donc, je pense que le député avait raison de signaler ce cas dans la foulée de ce que vous avez évoqué pour qu'on en tienne compte.

M. Fontaine: Mais c'est une fois que le jugement est prononcé. Il y aurait peut-être lieu de prévoir un mécanisme d'aide, de soutien technique pour que les petites entreprises puissent offrir une défense adéquate juste et équitable, parce que...

M. Marois: J'ai évoqué, je ne sais pas si vous étiez là à ce moment-là, M. le député, qu'il y a un accord pour regarder cela.

M. Fontaine: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Alors, au nom des membres de la commission, je remercie les représentants des agences de publicité d'avoir bien voulu venir présenter leur mémoire à cette commission.

J'inviterais maintenant le Conseil canadien du commerce de détail à venir présenter son mémoire. M. Ponton.

Conseil canadien du commerce de détail

M. Ponton (Gérald-A.): Gérald Ponton, vice-président exécutif.

Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez présenter vos collègues.

M. Ponton: A ma droite, M. Marc-André Filion, conseiller juridique de la compagnie Zeller's, et, à ma gauche, M. Pierre Gratton, directeur du service aux consommateurs à la compagnie Eaton.

M. le Président, M. le ministre d'Etat au développement social, MM. les membres de la commission parlementaire, ce mémoire vous est présenté par le Conseil canadien du commerce de détail, section du Québec, qui regroupe environ 60 membres réguliers qui exploitent environ 1000 établissements au Québec et regroupe également plus d'une centaine de membres affiliés.

Notre organisme compte notamment parmi ses membres les principaux magasins à succursales et à rayons. Nous aurions aimé présenter le mémoire au nom de l'organisme québécois, parce que tous les membres québécois du conseil canadien ont décidé de se constituer en corporation québécoise sous le nom de Conseil québécois du commerce de détail, mais nous avons eu nos lettres patentes seulement la semaine dernière, ce qui a rendu impossible la présentation du mémoire sous le nom de l'organisme. A l'avenir, pour toutes les questions qui intéressent nos membres, nous allons fonctionner sous la raison sociale de l'organisme à charte québécoise, parce que le conseil canadien est un organisme national à charte fédérale.

Nous croyons approprié d'exprimer le point de vue de nos membres relativement à certaines dispositions contenues dans le projet de loi 39. Le présent mémoire ne se veut pas une appréciation de tous et chacun des articles du projet, mais seulement de certains aspects du projet de loi qui préoccupent plus particulièrement les détaillants, considérant leurs secteurs d'activité. Nous n'avons pas voulu entrer dans tous les principes du projet de loi, la nature compensatoire, la question du fonds d'aide aux recours collectifs, la question de la collocation, le reliquat, les réclamations individuelles, pour nous concentrer sur des aspects qui nous touchent dans nos activités quotidiennes.

Les défenseurs du recours collectif invoquent très souvent l'insuffisance des moyens pour une personne isolée, face aux coûts d'expertise et des frais de poursuite, pour justifier le recours collectif. Ils prétendent que le recours collectif, en permettant le groupement d'individus, rétablit l'équilibre entre les personnes lésées et le défendeur qui, très souvent, est une multinationale dans les cas qu'on connaît, mais qui peut aussi être n'importe quel commerçant du Québec selon le projet de loi.

Nous n'avons pas l'intention de faire le procès du bien-fondé du recours collectif en tant que tel. Cependant, l'expérience américaine démontre que le recours collectif peut avoir plusieurs conséquences. Il peut effectivement indemniser les personnes lésées et être le moyen par lequel le défendeur paie le montant qui correspond au préjudice causé.

Il peut également entraîner des conséquences financières fâcheuses pour l'entreprise qui en est l'objet, voire entraîner sa faillite. Finalement, il peut donner lieu à des poursuites vexatoires dont le seul but est d'obtenir un règlement, sans vraiment qu'il y ait eu préjudice justifiant l'exercice du recours collectif.

Le ministre Marois, lorsqu'il a présenté le projet — je cite simplement un extrait de son communiqué — disait ceci: "Le seul fait d'autoriser cette procédure fera certainement réfléchir ceux qui avaient la tentation de frauder, puisque les citoyens auront de leur côté les outils pour y mettre un frein." Va pour les fraudeurs, je pense qu'on peut être d'accord avec cela. Mais qu'en est-il du

commerçant ou du détaillant qui a vendu un produit de bonne foi et qui se retrouve impliqué dans un recours collectif?

De plus, nous pensons que les citoyens bénéficieront non seulement d'un outil, mais plutôt d'un véritable attirail.

Cette brève introduction sous-tend les principes sur lesquels le conseil entend faire part des préoccupations de ses membres, à savoir une approche plus prudente face à l'introduction du recours collectif, un meilleur équilibre entre les parties au litige et, finalement, l'accessibilité, pour un défendeur, dans certains cas, au Fonds d'aide aux recours collectifs.

Sur le premier point, face à l'introduction du recours collectif, le projet de loi actuel introduit le recours collectif en son sens le plus large, qu'il soit fondé sur un contrat, un quasi-contrat, un délit ou un quasi-délit, lorsque les conditions apparaissant au projet de loi sont remplies. En d'autres termes, il s'agit d'une procédure qui s'applique à toutes les espèces de contrats ou de causes d'actions qu'on peut avoir dans notre droit civil.

L'introduction de ce moyen étant de droit nouveau et compte tenu des conséquences nombreuses qu'il est susceptible d'entraîner, le conseil estime qu'il serait préférable d'introduire le recours collectif par un amendement à la Loi de la protection du consommateur. Le conseil fait cette recommandation tout en sachant fort bien que cette loi — ce qui est déjà le cas, un avant-projet a été déposé — fera l'objet d'importantes modifications lors de la présente session.

Cette recommandation aura pour effet, il va de soi, de limiter le portée du recours à la juridiction de la loi constitutive. Nous nous en rendons bien compte. Mais elle aura également l'avantage de permettre au gouvernement du Québec de bénéficier, non seulement de l'expérience de nombreux pays où il existe une telle législation, mais également de l'expérience québécoise alors vécue. Le ministre sait sûrement d'ailleurs que la législation américaine fera l'objet d'une révision en profondeur dans la première moitié de 1978.

On ne pourra prétendre, MM. les membres de la commission, que le conseil recherche avant tout un intérêt dans cette recommandation, puisque nos membres sont déjà régis par la Loi de la protection du consommateur. Nous ne croyons pas que cette situation sera modifiée par le nouveau projet.

Nous pensons réellement que cette recommandation permettra au gouvernement du Québec d'étudier l'application d'un tel projet et ses conséquences et de décider, par la suite, dans quelle mesure le recours collectif nécessiterait des modifications et pourrait être étendu à d'autres secteurs.

En ce qui a trait au meilleur équilibre entre les parties, le conseil estime que le projet de loi 39 facilite l'exercice du recours collectif en réduisant le plus possible les conditions et les contraintes, par comparaison avec les règles ordinaires qui prévalent à l'adjudication des litiges par les tribunaux.

Si le recours collectif ne peut être assimilé à certaines procédures spéciales contenues au Code de procédure civile, tels l'injonction et les brefs de prérogative, nous pensons qu'il peut leur être comparé. Le conseil croit que les conditions permettant l'exercice de ce recours doivent être précisées pour l'autoriser seulement dans des cas bien définis.

Le monde du commerce comprend en très grande majorité des détaillants honnêtes et la proportion des "fraudeurs", pour employer un langage populaire, est très minime. Dans le but de rétablir un équilibre entre les consommateurs et le détaillant il ne faudrait pas pécher par excès contraire en favorisant le consommateur d'une façon excessive.

Le conseil estime que le projet de loi 39 ne permet pas au défendeur d'assurer une défense pleine et entière sans qu'un préjudice ne lui soit causé advenant que le recours collectif soit rejeté. C'est pourquoi le conseil, sous ce principe de l'équilibre, fait les recommandations suivantes. Au niveau de l'autorisation d'exercer le recours collectif, le conseil estime qu'il y aurait lieu, premièrement, au niveau de la requête à l'article 1003, de substituer aux critères retenus à l'article a) le critère des questions de droit ou de fait communes. Nous pensons que cette recommandation aura pour effet de circonscrire les questions en litige et ne privera pas l'exercice d'un autre recours collectif par un groupe qui ferait autrement partie du groupe selon le projet de loi actuel. Le défendeur sera, dès lors, en mesure d'évaluer avec plus de précision les questions en litige et la composition de la classe.

Deuxièmement, le conseil croit qu'il serait important d'ajouter à l'article 1003 le fameux critère des procédures. Je retire les mots " de bonne foi " parce que, suite aux commentaires qu'a faits le ministre cet après-midi au sujet du mémoire de l'Association des banquiers, que les procédures ont été prouvées prima facie... Cette recommandation ayant pour but d'éliminer les recours futiles ou vexatoires, compte tenu des conséquences possibles du recours collectif.

Finalement, le conseil estime que le tribunal ne devrait être habilité à autoriser l'exercice du recours que lorsqu'il y a vraisemblablement un préjudice assez important pour justifier un tel recours. En d'autres termes, si le montant en litige, compte tenu des frais d'expertises ou des frais de collocation et compte tenu des contraintes que le recours peut exercer sur l'appareil judiciaire, si le juge en vient à la conclusion que l'exercice du recours collectif qui est d'indemniser les consommateurs lésés ne serait pas rempli, compte tenu du montant très minime... Quand je parle de montant minime, je parle de montant global ici, je ne parle pas de montant individuel, l'once et demie de céréales pour chaque consommateur. D'ailleurs, mon collègue, Marc-André Filion, a un cas justement qui pourrait être illustré tantôt, d'une expérience américaine où le montant était minime et les frais étaient à ce point élevés qu'à ce moment-là, je pense qu'on est en droit de s'inter-

roger sur la pertinence même de l'exercice du recours, si on veut être pratique.

Le deuxième volet concerne la publicité et la question des avis. Nous pensons que la publicité que le recours collectif est susceptible d'entraîner nous fait craindre qu'il y ait un préjudice irréparable causé au défendeur avant même le déroulement du procès. Dans certains domaines, il y a de fortes possibilités qu'un détaillant ne s'en remette jamais. Point n'est besoin de rappeler l'exemple de la bière. (20 h 40)

Considérant ce qui précède, le conseil croit qu'il serait extrêmement important, à l'étape de l'introduction de la requête prévue à l'article 1002, qu'un juge de la Cour supérieure autorise la signification de la requête et que l'intimé puisse obtenir une ordonnance de non-publication — on en a parlé aujourd'hui — jusqu'à ce que le juge ait entendu la requête et ait décidé de l'autoriser ou de la refuser. Il est bien clair que dès le moment où le recours collectif est autorisé, à ce moment-là, il n'y a plus aucune réserve qui doit ère faite quant à la publicité autour. Cela devient un litige ordinaire qui se déroule suivant les règles prévues.

De plus, le conseil estime que les articles 1005 et 1046 devraient être amendés de façon à requérir l'avis individuel du plus grand nombre possible de membres du groupe en exigeant du représentant un effort raisonnable à cet effet. Il faut tendre vers l'avis individuel, spécialement pour donner un sens à l'"opting out" — dont nous reparlerons plus loin. Dans la mesure où le tribunal est convaincu que l'avis individuel s'avérerait impossible dans les circonstances, nous pensons que l'avis devrait être restreint aux media écrits.

En ce qui a trait à "l'opting out", les articles 1006 et 1008, le conseil estime que "l'opting in" serait préférable à "l'opting out", car le premier requiert un avis des citoyens désireux de faire partie du groupe. "L'opting in", en conséquence, ne compte que ceux qui désirent se prévaloir de l'exercice du recours collectif. Cependant, comme le gouvernement semble avoir opté pour "l'opting out", nous croyons nécessaire de suggérer les modifications suivantes: Afin que "l'opting out" ait une signification, il nous apparaît important que le juge puisse ordonner un avis qui soit le meilleur dans les circonstances, au plus grand nombre possible des membres du groupe, ce qui comprend l'avis individuel. Encore une fois, ici, le juge a discrétion pour apprécier les éléments du dossier.

Comment peut-on accorder le droit de s'exclure si on ne prévoit pas les meilleurs mécanismes permettant l'exercice de ce droit? Le Code de la procédure civile prévoit plusieurs modes de signification dans la mesure où la règle générale ne peut être suivie. Nous croyons qu'il est nécessaire de s'inspirer des mêmes règles en prévoyant les nécessités de la vie individuelle dans la mesure du possible.

En ce qui a trait au déroulement du recours, le conseil aimerait tout d'abord traiter de la question des moyens préliminaires. Il y a fort à parier que les membres du conseil seront, pour ainsi dire, sur la ligne de feu lorsqu'il y aura un recours collectif au Québec, étant donné qu'ils transigent directement avec les consommateurs. L'expérience démontre que le détaillant est presque toujours partie au litige. Nous ne croyons pas que le projet de loi modifiera la situation.

Le conseil apprécie les raisons qui militent en faveur de la suspension des moyens préliminaires, mais l'un de ces moyens est si vital pour nos membres que nous ne pouvons le passer sous silence; il s'agit de l'action garantie. Cette procédure incidente devrait être permise lors du déroulement du recours collectif de façon à permettre — et je rejoins ici les commentaires du bâtonnier, M. Bergeron, et du ministre, M. Marois qui les a repris au cours de la journée lorsqu'il disait qu'il fallait aller jusqu'à l'ultime — comment a-t-il dit cela? — pour reprendre ses paroles, jusqu'à l'ultime pointe de responsabilité, mais c'est exactement ce que cela vise...

On demande l'action garantie de façon à permettre que l'ultime responsable du préjudice soit appelé a indemniser le groupe et que l'intermédiaire puisse ainsi être mis hors cause si le tribunal en décide ainsi parce qu'un détaillant qui pourrait, uniquement lors de l'étape des réclamations individuelles où les moyens préliminaires sont permis, se prévaloir de l'action garantie aurait à supporter l'hypothèque d'un jugement qui, théoriquement, le tiendrait responsable, conjointement, solidairement avec le manufacturier, par exemple. Ce serait une hypothèque qui serait susceptible de lui causer un sérieux préjudice alors que, dans les faits ou au niveau de la réclamation individuelle, il pourrait réussir, dans chaque cas, à se faire disculper. Il y a aussi la question du reliquat qui s'applique, si on ne permet pas les réclamations, s'il n'y a pas assez de réclamations individuelles pour justifier le montant total de la condamnation.

Ce moyen préliminaire devrait être permis, nous vous le soumettons, même s'il n'est pas commun à une partie importante des membres et ne porte pas sur une question traitée collectivement. On voudrait bien se faire entendre, il ne s'agit pas de pistonner les recours de quelque façon que ce soit.

Il s'agit plutôt de s'assurer ou de trouver le moyen pour que la partie innocente ne puisse être mise en cause pour que l'ultime responsable du préjudice soit tenu responsable.

En ce qui a trait à la substitution au niveau de l'article 1024, le conseil estime que les règles ordinaires devraient prévaloir relativement à la substitution et les représentants substitués devraient accepter le procès dans l'état où il se trouve, en y incluant les dépens et les autres frais antérieurs à la substitution. Nous croyons que l'article 1024 pourrait donner ouverture à des abus préjudiciables pour le défendeur, advenant que le recours collectif soit rejeté, entre autres, pour le recouvrement des frais.

En ce qui a trait au Fonds d'aide au recours collectif, le projet de loi prévoit que ce fonds n'est

ouvert qu'aux représentants. Le conseil croit que le fonds d'aide devrait être accessible au défendeur à un recours collectif qui obtient gain de cause pour les mêmes dépens et les autres frais remboursables par le fonds d'aide aux représentants.

En conclusion, le conseil recommande d'introduire le recours par un amendement à la Loi de la protection du consommateur plutôt que dans le Code de procédure civile. Il faut que le recours collectif constitue un moyen à la disposition des citoyens pour leur permettre d'obtenir compensation. Le conseil estime qu'il est nécessaire de s'assurer que ce recours soit exercé dans des conditions précises, dans un cadre plus défini pour éviter de causer des torts irréparables à des entreprises légitimes. Nous pensons qu'en cherchant à établir l'équilibre, il ne faudrait pas verser dans l'excès contraire.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier l'association de son mémoire. Je pense que vous avez examiné à la loupe le projet de loi. Je ne vous cacherai pas et je vous l'indiquerai d'ailleurs au passage: vous avez mis le doigt sur un certain nombre de points qui méritent en tout cas réflexion. Vous faites, sur ces points-là, des suggestions, des recommandations qu'il me fera certainement plaisir, avec mes collègues, de regarder et d'examiner de très près pour essayer de bonifier autant que faire se peut le projet de loi.

Vous me permettrez simplement un certain nombre de remarques et de commentaires en vous indiquant au passage les points de votre mémoire sur lesquels ces commentaires portent et je présume que, le cas échéant, vous ne vous gênerez pas pour réagir.

D'une part, en ce qui concerne en général l'introduction de votre mémoire, je pense qu'il ne faut pas non plus — je l'ai évoqué à plusieurs reprises, le député de Marguerite-Bourgeoys aussi avec raison l'a évoqué à quelques reprises depuis plusieurs mois, aujourd'hui encore, tout au long des travaux — s'attendre que, quand on introduit des changements, cela ne suscite pas des interrogations, c'est légitime et normal. Mais vous êtes allés dans l'introduction jusqu'à évoquer les conséquences financières fâcheuses pour l'entreprise qui en est l'objet, voire celles d'entraîner la faillite, de donner lieu à des poursuites vexatoires dans le seul but d'obtenir un règlement sans vraiment qu'il y ait eu un préjudice justifiant l'exercice du recours. Il me semble — mais je peux me tromper — qu'une lecture serrée du projet de loi, pour ce qu'il dit, non pas pour ce qu'on voudrait — quelles que soient les motivations — qu'il dise, je ne vois pas comment cela peut nous mener à des conclusions comme celles-là. Il s'agit encore une fois d'une procédure, une procédure qui passera par la Cour supérieure et que je sache, de tradition, la Cour supérieure n'a pas la réputation d'être l'espèce de chevalier de Mark Twain qui enfourche sa monture et qui part dans toutes les directions en même temps.

En d'autres termes — je pense que je vais prendre l'expression du député de Marguerite-Bourgeoys — c'est vrai qu'il y a des attentes de fonds depuis longtemps; cela fait des années et des années au Québec, parce qu'on est en retard sur les autres. Parfois, cela n'est pas mauvais, parce que tu peux te servir de l'expérience des autres, de ce qu'on a essayé modestement de faire et il y a des coins à rajuster, j'en conviens. Mais c'est un peu fort de t'imaginer que ce seront les recours qui vont pleuvoir de gauche à droite et que la Cour supérieure va laisser cela passer n'importe comment. En d'autres termes, il y a des balises, il y a un encadrement; on est prêt à examiner ce qui peut être susceptible de maintenir cet équilibre pour, encore une fois, que cela ne s'en aille pas partout. Quant à éviter ces cas frivoles, vexatoires, je ne pense pas qu'on va passer à travers les maillons du filet si facilement que cela.

D'autre part, je l'ai évoqué tantôt, très rapidement, je mentionnais les articles 1029, 1032; on a quand même tenté de tenir compte de la réalité de la situation financière d'entreprises qui peuvent être plus fragiles et de faire en sorte que, par exemple, le juge puisse, sur représentation, établir des modalités de remboursement quand cela se présentera. Je ne connais pas beaucoup, pour avoir fouillé, consulté plusieurs avocats américains, des gens d'autres provinces, pour avoir regardé ce qui a été écrit sur l'ensemble du dossier du recours collectif, je n'ai vu personne réussir à mettre le doigt sur ces cas de faillites dont on parle parfois et ce n'est certainement pas l'objectif du projet de loi parce que là, on passe à côté d'une chose, on passe à côté de cette idée essentielle de faire en sorte que les consommateurs puissent obtenir compensation.

Je ne pense pas que, lorsqu'une entreprise est en faillite, ce soit la meilleure situation pour des consommateurs ou des citoyens qui s'estiment lésés que d'avoir une compensation et de l'obtenir; donc, le projet de loi ne doit certainement pas aller dans cette direction. Je ne crois pas... Je maintiens, par ailleurs — vous me citez à la page 3 — je maintiens l'affirmation que j'ai faite; c'est un peu comme introduire... Je ne sais pas qui, un commentateur de droit d'une province de "common law", disait-là, je traduis à ma façon — c'est comme introduire un élément de sagesse dans le droit. C'est vrai que c'est une espèce d'avis de motion à des fraudeurs.

Si vous fraudez, les citoyens auront enfin en main un outil, un instrument leur permettant d'obtenir justice. Comme vous dites, va pour les fraudeurs et vous signalez, à bon droit, parce que parfois on le perd de vue, je l'ai rappelé à plusieurs reprises, je vais continuer à le rappeler aussi... Dieu merci, c'est loin d'être tous les commerçants, tous ceux qui sont sur le marché qui se comportent comme cela. Ce n'est pas vrai, sauf qu'il y a de ces cas et ils sont là. Cela existe et, partant, je pense que c'est la responsabilité d'un gouvernement et des législateurs de faire en sorte que, dans ces cas, les citoyens puissent obtenir justice. Sans cela, c'est un mot qui va se dégrader dans notre société, complètement, si on n'y voit pas et

je ne vois pas en quoi... Parfois, j'entends certains commentaires. Je ne vois pas en quoi le fait d'introduire, que ce soit le recours collectif ou autre chose... Remarquez que, dans ce sens, cela ne m'énerve pas et je ne m'empêche pas de dormir, de savoir que je peux être condamné, être poursuivi et être sévèrement puni et même emprisonné pour la commission d'actes criminels très importants.

En d'autres termes, si je suis un commerçant qui agit de bonne foi, qui se comporte normalement comme un bon citoyen commerçant, je ne vois pas quelle crainte je peux avoir, à condition que les procédures permettent cet équilibre, être capable de faire valoir pleinement sa défense etc. Même, au point de départ, il y a les balises normales, comme n'importe quel citoyen qui voudrait s'amuser à intenter un recours purement par esprit revanchard contre une entreprise. Dans l'état actuel de notre droit, il va se réveiller avec des frais tantôt. Je ne pense pas qu'il s'amuse à faire cela bien souvent. Il faudrait qu'il ait joyeusement les moyens de se permettre des choses comme celles-là et cela ne durera pas longtemps parce qu'il n'ira pas très loin.

Donc, en d'autres termes, je pense qu'il y a aussi une espèce d'équilibre à maintenir dans les mots, dans la façon de véhiculer ces choses, parce qu'encore une fois, tous ceux qui sont honnêtes et qui se comportent normalement, je ne vois pas ce qu'ils ont à craindre. Pour qui pourrait réussir à m'intenter une poursuite et à gagner, si je n'ai commis aucun acte répréhensible et qu'on ne peut rien prouver... Je pense qu'il faut presque revenir à des choses aussi élémentaires que celles-là.

Maintenant, partant de là, pour revenir directement à des modifications que vous proposez, vous nous proposez d'y aller plutôt par amendements à la Loi de la protection du consommateur et vous avez affirmé tantôt qu'à cette session, il y aurait une nouvelle Loi de la protection du consommateur. Je pense bien que personne ne peut préjuger ou présumer des travaux de l'Assemblée nationale et des intentions du gouvernement. Il y a des avant-projets, mais des avant-projets, vous le savez comme moi, ce ne sont même pas des projets de loi. C'est un avant-projet au sens strict de ce mot et, comme mon collègue le ministre responsable des Affaires culturelles l'a évoqué, il y a un premier volet d'avant-projet et il y en aura d'autres qui viendront, sous forme de documents de travail. C'est une des façons de faire les choses, celle de présenter un avant-projet pour que les gens aient le temps de regarder cela et de faire valoir leur opinion, leur avis et qu'il y ait des ajustements. (20 h 55;

Donc, on ne peut pas nécessairement et automatiquement conclure de cela qu'à la fin de la présente session, il y aura une nouvelle loi de la protection du consommateur finie et adoptée. Je ne pense pas qu'il y ait équation automatique entre le dépôt d'avant-projet...

Deuxièmement, partant de là, on est obligé de tenir compte de la réalité. La réalité, vous le savez comme moi, c'est que bon nombre de contrats échappent complètement à l'actuelle Loi de la protection du consommateur, que ce soit dans le domaine de l'automobile, que ce soit dans le domaine des maisons mobiles, que ce soit dans le domaine de l'immobilier au sens large et je pourrais vous débouler toute une kyrielle de cas et, en plus, constamment, quand on parle du recours collectif, on parle des consommateurs.

Je pense qu'il ne faudrait pas perdre de vue une chose, c'est qu'il se peut fort bien que les choses se présentent, dans ce sens-là, dans la réalité au Québec, qu'il se présente vraisemblablement davantage de dossiers du domaine "de la protection du consommateur" qui pourront faire l'objet de premiers recours collectifs. Aux Etats-Unis, dans bon nombre de cas, vous le savez probablement, ce n'est pas du tout le domaine de la protection du consommateur qui a fait l'objet du plus grand nombre de recours collectifs. C'était, dans bon nombre d'Etats, toutes les questions qui touchent les droits et libertés de la personne, les causes de discrimination.

C'est pour cela qu'on a opté pour le Code de procédure civile plutôt que la Loi sur la protection du consommateur, et même une loi qui serait élargie. Vous vous trouveriez à empêcher, en conséquence, des citoyens à faire valoir des droits, du droit substantif qu'ils ont, parce que les moyens de procédure ne sont pas adaptés, ajustés à la réalité d'aujourd'hui. On se trouverait à les mettre dans une situation où ils ne pourraient pas faire valoir ces droits. C'est pour cela qu'on a opté pour l'introduction...

D'ailleurs, c'est un vieux débat. En toute honnêteté, je dois dire que ce débat avait même été commencé, si ma mémoire est bonne, sous l'ancien gouvernement où déjà on essayait de voir de quelle façon il y aurait moyen de l'introduire, soit par la Loi de protection du consommateur... Il y avait les tenants de cette position. Je me souviens d'un ancien ministre de la Justice du gouvernement précédent qui disait plutôt: II faut y aller par le biais du Code de procédure civile. Donc, c'est une discussion qui date. Ce n'est pas improvisé d'aujourd'hui; c'est la raison pour laquelle on a opté plutôt pour le Code de procédure civile.

Je pense que vous touchez un certain nombre de points — et j'ai eu l'occasion de l'indiquer au cours de la journée — où je suis bien prêt à regarder de très près les recommandations qui sont faites, notamment en ce qui concerne la requête, où vous mettez entre crochets l'expression "bonne foi", vous maintenez prima facie. Il y a d'autres expressions qui sont venues au cours de la journée: vraisemblance... J'ai mis sur la table l'idée que, peut-être, apparence... On pourra regarder cela de très près pour voir si, effectivement, il n'y a pas lieu, après examen attentif, de l'introduire au niveau de la requête. Je suis prêt à regarder cela.

Quant à la page 8, concernant la requête, le point 3, c'est plutôt une question que je me pose, parce que j'avoue vraiment que je ne suis pas certain de saisir la portée. Vous recommandez d'amender l'article 1003 en ajoutant un paragraphe e): Si, le cas échéant, il y a, dans le groupe, un nombre suffisant de membres ayant vraisembla-

blement subi des préjudices assez importants pour justifier... Qu'est-ce que cela recoupe, la notion de nombre suffisant, d'une part, et, même si on réussissait à cerner cette notion de façon très serrée, parce qu'il faudrait en arriver à quelque chose qui est cerné de façon très serrée, qu'il n'y ait pas d'arbitraire qui joue, qu'est-ce qui arrive aux autres? Qu'est-ce qui arrive des autres citoyens? Qu'est-ce qui arrive des autres cas? Evidemment, en ne perdant pas de vue les articles actuels du Code de procédure civile qui font que, si le nombre est à ce point facile à cerner, comme je l'ai évoqué dans le courant de la journée, c'est précisément un cas où le recours collectif serait refusé par un juge puisque les articles 59 et 67 s'appliqueraient. Il y a donc un autre moyen légal approprié, conformément aux critères déjà prévus à l'article 1003. C'est plus une question que je vous pose.

Quant à la publicité et à l'avis, vous introduisez une chose qui, à mon humble avis, à première vue, mériterait réflexion. Cette idée, par analogie avec le droit criminel, cette idée de l'ordonnance de non-publication, qui s'applique en droit criminel à l'étape de l'enquête préliminaire et une fois l'enquête préliminaire terminée, c'est fini, par exemple... La personne est citée à son procès, et alors là il y a publicité, publication ou il n'y a rien, c'est rejeté et ça vient de finir.

Je comprends certainement que vous ne me demandez quand même pas d'examiner plus que le droit criminel. Vous savez ce que je veux dire très concrètement, c'est qu'une simple ordonnance de non-publication n'empêche pas le fait que vous ayez, en manchette, dans le journal, Pierre Marois accusé de vol de je ne sais pas quoi, de la banque Wells Fargo ou je ne sais pas quoi. Là, je suis cité, je passe par l'étape de l'enquête préliminaire, je demande l'ordonnance de non-publication pendant cette période.

Il y a donc eu au criminel, vous le savez comme moi, dans des cas d'entreprise notamment... Je pense à tout le dossier de la santé et de la sécurité au travail. Vous avez des entreprises tenues, un coroner qui enquête et qui conclut de la façon suivante, tenant la compagnie criminellement responsable, ce qui est très sérieux. Ce sont des cas d'exception, c'est vrai. Mais il n'en reste pas moins que ça existe dans les faits. Je serais prêt à regarder, de toute façon, cette idée par analogie, comparant l'enquête préliminaire à la requête, la période de la requête, pour essayer de voir s'il n'y aurait pas moyen de mettre au point quelque chose qui, pour cette période... Evidemment, cela impliquerait, si on en venait à la conclusion que c'est souhaitable, que ça peut se faire, donc c'est sous ces réserves que l'examen devra se faire cependant, si on en venait à la conclusion que c'est faisable, que c'est souhaitable et que ça peut se faire, ça n'exclurait pas ce qui se passe sous la coupe du code criminel; telle personne voit la manchette, bien sûr...

Mais il y a peut-être moyen de baliser davantage. Je vous l'indique au passage, je suis prêt à regarder cela de très près. Quant à "l'opting out", c'est comme si vous acceptiez. Vous avez dit dans votre exposé que, comme le gouvernement semble avoir accepté "l'opting out", à cette hypothèse, à tout le moins, qu'on balise de telle et telle façon. La raison fondamentale... et là, on n'est plus au niveau des modalités, on est vraiment au coeur même, c'est un des principes essentiels du recours collectif que "l'opting out". Si c'est "l'opting in", qu'est-ce que ça vient changer? J'aime autant prendre le projet de loi, le jeter à la poubelle, je ne vous le cacherai pas, très franchement, parce que qu'est-ce que ça vient changer aux articles 59 et 67? C'est exactement la situation actuelle.

Ces articles, c'est "l'opting in", des gens qui se regroupent, mais dans la mesure où c'est re-groupable et où les gens peuvent se retrouver. Or, précisément, pour bon nombre des cas dont on parle, ce n'est pas possible. C'est pour ça d'ailleurs qu'il nous faut envisager très sérieusement, et maintenant ça devient une espèce d'urgence, la nécessité d'introduire une procédure d'exception comme celle-là, avec les balises que ça suppose.

Maintenant, une chose que je crois avoir indiquée en cours de route aujourd'hui, mais j'y reviens, je termine là-dessus. Vous avez parfaitement raison de demander qu'on regarde de très près la possibilité, au niveau des moyens préliminaires, d'ouvrir — je veux en mesurer les conséquences, la portée, mais ça me semble, à première vue, sauter aux yeux, vous avez parfaitement raison — l'appel en garantie. Dans le cas des commerçants, que ce soient des marchands d'automobiles ou que ce soient des commerçants, dans les cas de poursuite pour vice et défaut caché d'un produit, normalement, d'ailleurs, un avocat qui ferait son job convenablement, ce n'est pas le commerçant qu'il poursuivrait, surtout en vertu des plus récents jugements de la Cour Suprême, la théorie du forum. On sait très bien que si le produit est manufacturé aux Etats-Unis et même si le manufacturier n'a aucune maison, en vertu des plus récents jugements de la Cour Suprême, au Québec, la compagnie américaine pourrait être poursuivie au Québec. C'est la théorie du forum dans la récente jurisprudence.

Mais, de toute façon, je pense que c'est inscrit dans l'économie de notre Code de procédure civile, je suis prêt à l'examiner de très près. Je pense que vous touchez un point réel, soit le cas des commerçants.

Voilà, M. le Président, mes quelques remarques. Peut-être susciteront-elles des commentaires.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des commentaires à ajouter aux propos du ministre?

M. Ponton: II y a la question du fonds. Le ministre n'a pas commenté la possibilité pour le défendeur...

M. Marois: J'ai eu l'occasion d'évoquer cet après-midi — c'est pour cela que je me suis arrêté

juste à un certain nombre de points. Cela ne veut pas dire que je ne regarderai pas le reste du mémoire attentivement — j'ai évoqué l'idée que cela peut s'examiner. Il n'y a pas de raison qu'on ne le regarde pas, en tout cas.

M. Ponton: D'accord.

M. Marois: II y a cette possibilité. Il faudra voir, par exemple, de quelle façon se présente l'équilibre. N'oublions pas une chose non plus, il faut être correct entre nous, je pense qu'il faut se dire franchement les choses quand on travaille sur des projets de loi comme ceux-là, il faut bien voir les conséquences des décisions qu'on prend.

Le citoyen est dans une situation particulière; l'entreprise est dans une autre. Si ma mémoire est bonne, une partie des coûts, pour l'entreprise, les honoraires d'avocat, les frais, etc., sont déductibles d'impôt. Il y a une question d'équilibre. Si on parle au sens strict de ce mot-là, équilibre, je suis prêt à regarder honnêtement ce qui est possible pour maintenir l'équilibre, à condition de le maintenir, par exemple.

M. Ponton: Brièvement, pour répondre aux quelques remarques du ministre, je pense que, fondamentalement, c'est parce que les commerçants et le ministre ne lisent pas le projet de loi avec les mêmes yeux, le commerçant étant quotidiennement dans le bain, transigeant quotidiennement avec des milliers de consommateurs chaque semaine, chaque mois, même parfois chaque jour. Il est aux prises avec moult législations qui modifient, brusquent, le forcent à s'adapter, à tenir compte de beaucoup d'exigences. Il n'est pas contre, au départ, mais il n'en reste pas moins qu'il ne lit pas un projet de loi de la même façon que vous, par exemple, pouvez le lire.

Quand vous parlez de l'article 1003, je me pose même la question à savoir s'il y a lieu à enquête; j'essaie de me mettre à la place du juge qui vient pour autoriser la requête et je me demande si le juge a d'autres choix que de lire les allégués, pour voir si cela correspond à a), b) et c) et faire quelques vérifications, l'autoriser et c'est tout.

Je pense que ce que nos membres recherchent, c'est de permettre... Ce que le ministre disait tantôt concernant les fraudeurs, qu'il faut qu'ils paient, je pense qu'il y a moyen de balancer. Je pense que notre intervention pourrait se résumer comme suit:

II s'agit d'établir l'équilibre entre les parties de façon que les fraudeurs puissent être pénalisés, mais que l'entreprise légitime n'ait pas à en subir les contrecoups. Je pense honnêtement que les suggestions qu'on fait au niveau, par exemple, de la preuve prima facie — je vais revenir tantôt sur le commentaire que vous avez fait sur l'article 1003, sur la question des coûts. On vous suggère d'ajouter ce paragraphe ou même encore d'enlever l'intérêt similaire connexe et de le remplacer par des questions de droit ou de fait commun. On pense que ce sont des améliorations. C'est sûr que cela peut restreindre la portée du recours comme tel, mais cela peut bonifier le projet. Nous pensons honnêtement que cela a l'avantage de le préciser tout en sauvegardant les intérêts des entreprises légitimes et en permettant d'attrapper ceux que le législateur veut vraiment attrapper. De la façon que l'article 1003 est rédigé actuellement — je m'excuse — le juge peut difficilement — et j'ai mon confrère qui est avocat à côté de moi, qui est un peu du même avis. Lui aussi le lit avec les yeux d'un détaillant, parce qu'il est dans ce secteur-là tous les jours — le juge n'a pas tellement le choix. On se demande jusqu'à quel point ce que le ministre dit va se retrouver dans les jugements; une fois que le texte aura été voté, les juges fonctionneront d'après la loi. On a l'impression que si ce qu'on vous suggère d'ajouter n'est pas fait, dans la pratique cela ne sera pas conforme à ce que vous nous dites ce soir. C'est simplement cela qu'on veut vous dire.

Au sujet de l'article 1003, à la question que vous avez posée, ce qu'on suggère d'ajouter porte sur la question des coûts. Je crois que Marc-André pourrait ajouter quelque chose là-dessus, concernant l'expérience américaine.

M. Filion (Marc-André): Je me rappelle avoir lu un cas, je crois que c'était pour l'émission de débentures pour la ville de New-York. Les courtiers en valeur avaient chargé une somme aussi minime que $0.25 ou $0.50 par certificat, de sorte que la réclamation totale était d'à peu près $8000 ou $10 000, mais les coûts de signification, par la poste ou par les autres media s'élevaient à plusieurs dizaines de milliers de dollars. Si je me rappelle bien c'était autour de $110 000. Je crois que le projet de loi devrait prévoir ces situations. (21 h 10)

M. Ponton: En fait, on a un cas où on pourrait rencontrer les conditions, la composition du groupe. En fait, ce serait le recours collectif par excellence, mais je pense qu'il faut quand même être pratique et regarder les avantages et les inconvénients dans un cas comme celui-là. Cela pourrait être un cas où le juge pourrait dire: Je regrette, mais la compensation demandée, compte tenu des coûts d'expertise... Je comprends qu'il n'y a pas de petite justice et de grande justice, il faut que ce soit la même justice pour tout le monde, mais je pense qu'il ne faut pas se boucher les yeux. Il peut y avoir des cas où les coûts dépassent largement le montant principal et cela pourrait être un cas où justement le juge pourrait dire que ce n'est pas la meilleure procédure dans les circonstances.

Pour ce qui concerne les commentaires du ministre sur la question de la publicité et des avis, en fait, c'est — c'est peut-être ce qui fait que le détaillant regarde le projet de loi avec des yeux différents — du battage publicitaire qui peut entourer le recours collectif. Peut-être qu'il n'y aura pas de battage publicitaire, peut-être qu'il va y en avoir, mais on aime mieux prévenir les coûts qu'être pris avec le problème après. Je vous donnais l'exemple de la bière, mais je pourrais donner d'autres exemples. A un moment donné, on a eu des problèmes dans le chocolat. Cela peut sembler drôle, n'est-ce pas? Il y avait apparemment des...

M. Gratton (Pierre): ... en chocolat, à Saint-Hyacinthe, par exemple. La compagnie est en faillite.

M. Ponton: La publicité est faite autour de cela. Il y a des tests qui ont été pratiqués par la suite. Cela s'est révélé que la nouvelle était fausse mais la compagnie n'était plus là, elle avait complètement perdu son marché, une autre avait pris la place. Bonjour, c'était fini! C'est toute cette question de publicité qui fait qu'on estime qu'il serait bon de prévoir la procédure qu'on vous suggère jusqu'au moment où la requête est accordée.

En fait, il n'y a pas vraiment de préjudice, sauf que cela va obliger le requérant à se taire — le défendeur aussi, parce que cela va contre son intérêt — pendant une certaine période jusqu'au moment où le juge va entendre la requête à fond. Une fois qu'il aura rendu son jugement, c'est certain que l'interdiction tombera. Cela deviendra un recours collectif devant les tribunaux. Mais une fois que le juge se sera assuré que, premièrement... Il y a les conditions 1003, mais, en plus, il y a une preuve prima facie. C'est sérieux. C'est vraiment le moyen le plus approprié. C'est seulement cela qu'on recherche, en fait. On ne cherche pas à pistonner ou à noyauter le recours, absolument pas. C'est de permettre que le recours soit le moyen par lequel les consommateurs puissent être indemnisés, tout en leur permettant de courir après les véritables responsables et fraudeurs, mais tout en protégeant aussi l'entreprise légitime qui fonctionne ici et qui fait de bonnes affaires au Québec. C'est dans cette optique, en fait, qu'on a lu le projet et qu'on vous fait les recommandations d'aujourd'hui.

M. Gratton (Pierre): Vous savez, M. le ministre, quand vous parlez de tenir compte de la réalité. Dans un magasin comme le nôtre au centre-ville, vous avez exactement en articles, en constante, au-delà de 185 000 articles sur les tablettes. Au cours de la nuit, vous avez un roulement d'au-delà 500 000 articles. Vous vous imaginez jusqu'à quel point, à un moment donné, on peut se faire savonner les oreilles facilement. Il vous suffirait de vous asseoir à mon bureau pendant une semaine et vous comprendriez tout de suite la situation dans laquelle on se trouve. Si vous voulez un exemple aussi cocasse — cela peut vous détendre un peu — je vais vous donner un exemple typique. Il y a un bonhomme qui, avant Noël, voulait nous poursuivre pour la bonne et simple raison que le monsieur avait pris ce qu'on peut appeler une "débarque" en prenant sa douche dans son bain. La raison de sa poursuite, c'est qu'il nous accusait de lui avoir vendu un rideau de douche pas suffisamment long pour se mettre le pied pour se garantir et pas assez solide quand il s'est accroché après pour qu'il ne déchire pas. Cela va jusque là.

M. Marois: Cela n'aurait sûrement pas donné ouverture à un recours collectif.

M. Lalonde: "Fashion"...

M. Ponton: Un dernier commentaire sur la question du forum. Je connais les jugements auxquels le ministre a fait référence, mais, en toute déférence, au Québec, on n'a pas encore, sauf quand lavant-projet sur la protection du consommateur sera adopté avec les articles, parce qu'on établit une responsabilité entre le commerçant et le manufacturier... C'est la première fois, parce que, dans notre droit, on n'a pas encore au Québec de loi en matière de garanties, comme il en existe aux Etats-Unis ou dans les autres provinces canadiennes.

En vertu de la théorie du lien de droit, le "privity of contract", on est obligé d'aller contre le détaillant pour, ensuite, se retourner et aller contr. les deux en même temps, mais un avocat prendrait de sérieux risques s'il allait uniquement contre le manufacturier et n'impliquait pas... D'ailleurs, par précaution, les avocats, automatiquement, vont inclure tous les gens qui ont trempé, de près ou de loin, dans la transaction — et c'est normal — pour sauver les intérêts de leurs clients. Alors, il serait normal que la personne qui serait innocente puisse avoir des moyens de s'en sortir.

M. Marois: C'est pour cela que j'évoquais l'idée que l'une de vos recommandations, celle qui concerne l'action garantie, doit être prise en sérieuse considération. Je pense que vous avez parfaitement raison.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je vais faire vite pour avoir le temps de passer le dernier intervenant avant l'ajournement.

J'aimerais quand même remercier le groupe qui est devant nous pour son mémoire et pour sa présentation. Il y a l'aspect prévention et je voudrais profiter de vos remarques préliminaires pour souligner l'aspect prévention d'un tel projet de loi. Il n'y a aucun doute que, au début, lorsqu'une loi comme celle-là va entrer en vigueur, il va sûrement y avoir des gens qui vont être pris un peu par surprise, mais la nature humaine étant ce qu'elle est, je suis convaincu que ce que le ministre a décrit tantôt de façon différente va agir dans le sens que les entreprises vont maintenant savoir qui l'équilibre est rétabli et que la prévention va faire son chemin. On va peut-être assister à moins de cas de correction que de prévention. La prévention est difficile à mesurer, c'est un peu comme la criminalité, il est assez difficile de déterminer combien de meurtres ne sont pas commis à cause du fait que, dans le Code criminel, il y a des dispositions qui en font un acte criminel, mais je pense que cela va produire des effets bénéfiques qui vont faire en sorte que les gens vont s'adapter assez facilement.

Concernant la bonne foi que vous avez enlevée dans votre présentation, pour la remplacer par une preuve prima facie, j'ai, cet après-midi, eu l'occasion d'en discuter avec le Barreau. Quant à moi, le critère de bonne foi serait très difficilement applicable, mais je serais, après lecture des mémoires et avec l'éducation qu'on a ici , en écou-

tant les gens qui sont impliqués dans l'action, dans le quotidien, prêt à favoriser, peut-être, un critère additionnel qui serait soit l'apparence de droit, "the color of right" comme on le dit en anglais, ou bien la preuve prima facie de bien-fondé. Je constate que cela est traiter différemment le recours collectif d'un recours individuel qui pourrait naître de la même source de droit, mais à cause des effets qui sont différents, on ne peut pas les oublier et je serais sûrement tenté de considérer très favorablement une introduction, par le ministre, d'un amendement dans ce sens.

Votre proposition de mettre cela dans la Loi de la protection du consommateur m'apparaît irréaliste; je vais vous dire pourquoi. D'abord, parce que je me souviens quand je suis entré comme sous-ministre aux institutions financières, en 1972, on m'a présenté la Loi de la protection du consommateur qui venait à peine d'entrer en vigueur. J'ai regardé ce qu'il y avait là-dedans et, réellement, j'ai trouvé que le titre était un peu prétentieux. On protégeait le consommateur à l'occasion de certaines transactions, mais, au fond, on ne protège pas tellement le consommateur. Je sais que révolution des choses étant ce qu'elle est, on va réussir à peut-être améliorer la situation, mais c'est réellement assez limité. Vous avez les vendeurs itinérants, vous avez les cas des contrats— certains contrats seulement— ... crédit, mais, au fond, il y a beaucoup d'autres consommateurs.

Je pense que assujettir le recours collectif au cadre d'une loi de protection du consommateur serait le limiter beaucoup trop. L'intention que le législateur a, c'est de donner un moyen aux citoyens, aux consommateurs. Là-dessus, par exemple, il faut quand même dire qu'il reste que ce moyen doit être limité à la consommation. On entendait cet après-midi un exemple qui est un peu farfelu d'un intervenant qui disait: Si jamais il y a quelqu'un qui est sur le bord de la faillite et que les créanciers ordinaires se servent du recours collectif pour arriver aux mêmes fins, je ne vois pas comment un fournisseur de matériaux ou un fournisseur de services pourrait faire appel; j'espère que cela n'est pas l'intention du législateur de faire appel à cette démarche, à cet instru.ment. C'est pour le consommateur et non pas le fournisseur de services.

Donc, je pense que le choix du ministre du gouvernement de le faire par amendement au Code de procédure est bon parce que cela s'applique à toutes sortes de situations, que ce soit couvert par une loi ou un code de la protection du consommateur ou autrement.

Vous suggérez qu'il y ait un critère additionnel, à la page 8 de votre mémoire, à savoir qu'il y ait un nombre suffisant de membres ayant vraisemblablement subi des préjudices, etc. J'ai trouvé que ce critère existe dans d'autres juridictions, entre autres aux Etats-Unis et aussi au Canada, dans d'autres provinces. C'est un critère qui n'est pas là actuellement. Je pense qu'on devrait l'examiner simplement pour éviter la situation qui pourrait être corrigée par les articles 59 et 67 où deux, trois, quatre ou cinq personnes pour- raient simplement s'unir ensemble dans une ac-îion et ne pas nécessairement recourir au moyen prévu par le projet de loi qui, de la façon dont je le comprends, est mis à la disposition des citoyens, du consommateur pour d'autres situations touchant réellement des catégories de gens beaucoup plus nombreux.

L'appel en garantie: je suis d'accord avec vous et je pense que le ministre aussi est sensibilisé à ce sujet. Mais quant au coût pour le défendeur, on a mentionné cet après-midi la possibilité de mettre à la disposition des défendeurs des moyens de défense parce que le cas classique du recours collectif du petit consommateur — très nombreux — contre la méchante multinationale, cela va très bien. Mais il y a aussi d'autres situations possibles où c'est un petit commerçant avec un grand nombre de consommateurs ou de clients et, à ce moment-là, je pense que cela n'est pas encourager l'administration de la justice la plus désirable que de déséquilibrer de l'autre côté ce qu'on veut équilibrer par ce projet de loi. On va attendre, en ce qui nous concerne dans l'Opposition, les initiatives du ministre à ce sujet, mais je pense que nous devrons être positifs sur cette question.

Je vous remercie de votre présentation.

Le Président (M. Marcoux): Avez-vous des commentaires?

M. Ponton: Oui, j'aimerais ajouter aux propos du député de Marguerite-Bourgeoys. Il y a un article sur lequel j'aimerais revenir et c'est sur celui concernant les questions de droits ou de faits identiques, similaires ou connexes. De la façon dont nous, nous le comprenons actuellement, si on prend l'exemple de l'auto, on pourrait retrouver dans un même recours collectif un problème de rouille, un problème de transmission, un problème de valve, parce que cela tomberait sous les questions de droits ou de faits identiques, similaires ou connexes. A ce moment-là, on a nettement l'impression que les coûts d'expertise dans le cas de litiges seraient plus lourds et il aurait pas mal plus de difficulté à prendre son envol. (21 h 25)

Avec les questions de droit ou de fait communes, c'est sûr qu'on restreint, mais on restreint sans écarter le recours collectif. Je pense qu'on restreint pour permettre deux recours collectif s'il le faut, mais on les délimite davantage. Je dois revenir là-dessus pour porter les commentaires qu'on fait à l'article 1003 au paragraphe a) au niveau de la modification qu'on suggère là-dessus, parce que ni le député de Marguerite-Bourgeoys ni le ministre n'ont...

M. Lalonde: J'avais pris une note, j'ai oublié de vous le mentionner. Je voudrais que vous nous donniez des exemples ou peut-être explicitiez la différence de concept que vous suggérez à l'égard de ce qui existe actuellement dans le projet de loi. Dans le projet de loi on dit tout d'abord que le premier concept c'est "identique ". A ce moment-là, je pense qu'il n'y a aucun problème. Donc, "identique". "Similaire" c'est beaucoup moins fort et "connexe" cela ouvre la porte.

M. Ponton: On pourrait enlever "connexe".

M. Lalonde: "Connexe", cela peut être simplement une relation tout à fait indirecte, mais une certaine relation, tandis que vous, vous suggérez, comme critère...

M. Ponton: Les questions de droit ou de fait communes.

M. Lalonde:... les questions de droit ou de fait communes. Quelle est la différence entre "commune", "connexe", "similaire" et "identique?

M. Ponton: Sur "identiques, similaires ou connexes", je n'ai pas fait d'étude en jurisprudence pour donner la réponse très précise, mais ma perception me dit que "identiques, similaires ou connexes", cela peut être assez vaste tandis que les questions de droit communes sont les questions qui sont, par définition, plus restreintes. C'est plus restrictif que le paragraphe a) de l'article 1003 actuellement. Je reviens à l'exemple de la voiture. "Identiques, similaires ou connexes", cela peut être le même véhicule, de vendeurs différents, mais le même manufacturier, avec des problèmes de rouille, des problèmes de transmission, des problèmes de moteurs ou que sais-je. Je pense que cela pourrait tout tomber sous l'expression "identique, similaire ou connexe" parce que c'est toujours le même objet, c'est un défaut, sauf que ce n'est pas tout à fait le même défaut qui n'ori-gine pas des mêmes causes. J'ai l'impression que cela va alourdir le départ, la mise en vol du recours collectif, tandis que les questions de droit ou de fait communes cela peut se restreindre à la même voiture, mais ce serait seulement de la rouille, ou ce serait seulement des problèmes de transmission, seulement des problèmes de moteur. A ce moment-là, cela n'écarte pas pour les autres membres du groupe qui auraient des problèmes qui seraient autrement "identiques, similaires ou connexes" la possibilité de se grouper pour ceux qui ont des questions communes et d'avoir leur propre recours collectif à eux. En fait, on permettrait, premièrement, de réduire l'importance du groupe au départ, parce que l'intérêt étant plus restreint, donc le groupe, en principe, devrait être moindre. On permettrait une meilleure identification des questions en litige, une meilleure identification du groupe et je pense que le recours collectif y gagnerait.

M. Lalonde: Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de...

M. Fontaine: Je ne sais pas si le ministre a des commentaires à apporter là-dessus, parce que c'est une remarque importante qu'on vient de faire. Je l'avais notée, moi, en tout cas...

M. Marois: J'allais...

M. Gratton: Pour les réfrigérateurs, par exemple, les téléviseurs, vous pouvez avoir une série de pièces différentes où on peut interpréter qu'elles sont connexes ou similaires, mais s'il y a un groupe qui part pour la lampe écran,tous ceux qui ont des problèmes avec le syntonisateur vont dire: Nous autres on a le même problème on entre dans le même paquet. Ce serait absolument faux à ce moment-là. Ce serait connexe, mais ce n'est pas vrai. C'est la même chose avec le réfrigérateur. C'est le compresseur, c'est la porte à l'intérieur ou le plastique qui fait défaut, le caoutchouc qui fait le tour. Ils vont dire c'est connexe, on entre dans le paquet nous.autres aussi.

M. Lalonde: C'est surtout l'aspect connexe qui ouvre la porte parce que...

M. Gratton: A n'importe quoi à ce moment-là.

M. Lalonde: La similitude et l'aspect commun peuvent peut-être se rapprocher. Quant à l'aspect identique, à ce moment-là, c'est tout à fait serré comme concept.

M. Marois: J'allais vous poser une question en guise de commentaire, là-dessus. Vous avez pris connaissance du dernier paragraphe de l'article 1022 qui prévoit que "si les circonstances l'exigent — rattachez cela à l'article 1003, que vous venez d'évoquer — le tribunal peut, en tout temps, et même d'office, modifier ou scinder le groupe."

Donc, l'approche, au point de départ, était différente, évidemment, de ne pas ouvrir la porte à n'importe quoi, n'importe comment, pas du tout, de se laisser une marge de manoeuvre à l'appréciation du tribunal, quitte en cours de route à scinder si là il ne s'agit vraiment plus de problèmes... Il peut en tout temps...

M. Lalonde: Oui. Il reste quand même que c'est seulement lorsque les conditions énumérées dans les paragraphe a) et b) de l'article 1003 ne sont plus remplies. Aussi longtemps que vous avez le critère "connexe", le juge peut dire: C'est connexe, on laisse le même groupe.

M. Ponton: Je pense que cela alourdirait drôlement le recours collectif, surtout au niveau de l'expertise comme telle. Il me semble que cela compliquerait davantage les questions en litige, le déroulement du procès, tandis qu'avoir une belle cause claire, avec des balises bien définies, il me semble que cela pourrait aller drôlement mieux.

M. Lalonde: Je pense qu'il faut prendre vos remarques non pas comme voulant réduire la portée de la loi, simplement parce qu'un autre groupe peut se faire à côté pour une question connexe.

M. Ponton: Exactement.

M. Lalonde: Mais c'est pour clarifier et bien encadrer le litige.

M. Ponton: Pour, en fait, faciliter son exercice. Je pense que ce serait important. Je pense que cela mérite qu'on le regarde.

M. Marois: On va le regarder.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je vais tenter de faire assez vite. J'avais beaucoup de questions à poser à ce groupe, parce qu'il m'appa-raît qu'ils ont un mémoire passablement fouillé. Ils ont fait une bonne recherche et ils soulèvent des questions très importantes. J'avais, d'ailleurs, noté ce point-là que vous aviez mentionné à la page 7 de votre mémoire et je voulais soulever la question. On vient d'en discuter passablement et je pense que le ministre en a pris bonne note pour qu'on puisse vérifier s'il y a possibilité de le modifier ou s'il y a quelque chose à modifier de ce côté-là. Je suis également heureux du fait que vous ayez soulevé le problème de l'ordonnance de non-publicité et également celui de l'appel en garantie. Ce sont deux points que l'on a touchés tout au long de la journée. Avec votre mémoire, je pense que le ministre a été un peu plus sensibilisé à ces deux choses-là et il a noté également qu'il était prêt à examiner ces deux possibilités. Je pense que c'est important, entre autres pour le commerçant, la question de l'appel en garantie, parce que c'est toujours lui qui va être poursuivi et le véritable responsable est effectivement le fabricant. Il serait intéressant de pouvoir introduire dans le texte de loi le fait de pouvoir recourir en garantie contre le fabricant. Par exemple, on a un représentant de Zeller's et une autre compagnie. On n'a pas de représentant de Dupuis et Frères. On sait qu'on fonctionne beaucoup, dans ces compagnies, avec des annonces publicitaires à la TV où on dit: Achetez tel produit. On annonce un produit et on nomme une série de magasins qui les ont en disponibilité. Si un de ces produits a un défaut qui permettrait un recours collectif, les magasins en question pourraient recevoir des poursuites assez considérables, alors que c'est le fabricant de cet objet qui est le véritable responsable des dommages causés au consommateur. Je pense que l'appel en garantie pourrait réellement servir les commerçants..

On parlait tout à l'heure du fait que ce sont surtout les consommateurs qui vont être touchés par ce projet de loi. C'est bien sûr, mais j'imagine qu'il pourrait également y avoir certains commerçants qui pourraient se servir de la loi si, par exemple, des vendeurs achetaient une série d'appareils. On peut donner l'exemple d'une compagnie qui vend un aspirateur électrique. Si beaucoup de vendeurs au Québec achetaient cet appareil pour le revendre et si cet appareil était défectueux, j'imagine qu'il y aurait possibilité pour ces vendeurs d'utiliser le recours collectif ou le recours en garantie collective. Il y a également la question des ventes pyramidales qui pourrait peut-être être incluse dans le recours collectif.

Je suis bien sensible aux notions, aux exemples et aux remarques que vous avez faits dans votre mémoire. Le ministre semble en avoir pris bonne note. Je voudrais terminer en vous posant une dernière question qui n'a pas été posée par les autres. A la page 10 de votre mémoire, concernant l'avis, vous dites: "Dans la mesure où le tribunal est convaincu que l'avis individuel s'avérerait impossible dans les circonstances, l'avis devrait être restreint aux media écrits". Je ne comprends pas tellement pourquoi vous mentionnez les media écrits alors qu'on sait, actuellement, qu'on est dans l'ère électronique. Il y aurait peut-être plus de possibilités de ce côté ou conjointement, mais je ne vois pas pourquoi vous vous restreignez aux media écrits. Est-ce que vous pourriez me donner des explications là-dessus?

M. Ponton: En fait, on demande de le restreindre aux media écrits simplement pour une raison de perception, non pas parce que les média électroniques ne permettent pas de rejoindre les gens, mais parce que, souvent, les media électroniques ne sont pas susceptibles, comme tels, de contrôler l'attention pendant toute la période du message où on donnerait l'histoire complète de tout ce qui se passe.

Quelqu'un peut simplement capter une partie du message et, à ce moment-là, avoir une idée en tête qui est complètement contraire à la situation réelle. Les media écrits, nous pensons, permettant de rejoindre beaucoup de gens, en plus des autres modes de signification et, en plus, permettent de prendre connaissance du message complet, intégral, de façon à éviter toute équivoque. Encore une fois, c'est Je souci que la publicité, le battage ne devienne pas un instrument au moyen duquel le défendeur soit un peu condamné, avant même qu'il ait eu la chance de plaider et de gagner sa cause.

On pense qu'on devrait essayer de restreindre les effets que cette publicité est susceptible de causer au défendeur.

M. Gratton (Pierre): II y a aussi le point de la permanence du message. Les gens ne peuvent pas tous enregistrer un message à la télévision ou à la radio, tandis qu'ils peuvent conserver le journal et le lire plus tard ou le lendemain. Alors, ce n'est pas facile à faire avec...

M. Fontaine: Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie le Conseil canadien du commerce de détail de la présentation de son mémoire. J'inviterais maintenant l'Ordre des comptables agréés du Québec à s'approcher pour nous présenter son mémoire.

M. Ponton: Merci, messieurs.

Ordres des comptables agréés du Québec

Le Président (M. Marcoux): II reste très peu de temps; pour nous permettre de profiter au maximum de votre présence, je vous proposerais la chose suivante, c'est de verser votre mémoire au complet au journal des Débats, c'est-à-dire que votre mémoire tel que présenté serait inscrit au

journal des Débats. Vous prendriez environ cinq minutes pour nous résumer les éléments essentiels de votre mémoire et nous passerions immédiatement, ensuite, à la période de questions.

Je ne sais pas si cette procédure pourrait vous convenir.

M. Morcel (Raymond): D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Alors, il y a consentement pour verser au journal des Débats le mémoire de l'Ordre des comptables agréés du Québec, tel qu'il a été déposé.

M. Lalonde: Oui, mais, M. le Président, je ne voudrais quand même pas que les invités se sentent pressés par le temps. Il ne reste qu'une vingtaine de minutes avant l'ajournement de nos travaux; si les invités préfèrent continuer demain, c'est à leur guise.

Le Président (M. Marcoux): C'est parce qu'on m'informe qu'ils viennent tous de Montréal. Est-ce que vous accepteriez de venir demain matin poursuivre votre témoignage, la présentation de votre mémoire?

M. Morcel: S'il plaisait à la commission de nous entendre de préférence demain matin, nous sommes à votre disposition, effectivement.

Le Président (M. Marcoux): A ce moment-là, on va procéder normalement. Prenez une vingtaine de minutes pour nous présenter votre mémoire et nous procéderons à la période de questions demain matin.

M. Clair: Toujours suivant la volonté des invités, M. le Président, je pense bien...

M. Lalonde: Si vous prélevez... M. Clair: ... c'est à leur préférence.

Le Président (M. Marcoux): C'est parce que, de toute façon, il faut ajourner nos travaux à 22 heures. Si vous acceptez de revenir demain matin.

(21 h 40)

M. Morcel: Vu les contraintes des uns et des autres, on va essayer d'aller rapidement. Notre mémoire est déjà devant la commission. A la lumière de certaines choses que nous avons entendues aujourd'hui, des éclaircissements, nous aurions peut-être modifié certains mots, mais je pense que ce n'est pas grave à ce point. Nousallons procéder le plus rapidement possible.

Je vais m'identifier: Raymond Morcel, membre du comité administratif et vice-président de l'Ordre des comptables agréés du Québec; à mon extrême droite, M. Roland Truchon, membre du bureau de l'ordre et du comité de l'enseignement de l'ordre; M. Paul Noiseux, membre du bureau de l'ordre et membre du comité de l'inspection professionnelle; à ma gauche immédiate, M. Jean Lanctôt, membre et président du comité sur les institutions financières de l'ordre; M. André Desrochers, directeur administratif adjoint.

L'ordre tient d'abord à vous exprimer sa plus vive gratitude pour le privilège que vous lui avez accordé, soit de pouvoir venir aujourd'hui vous exposer de vive voix ses préoccupations face au projet de loi sur le recours collectif.

Toujours dans l'intérêt du temps, M. le Président, je passe outre à un certain nombre de notes que vous allez retrouver en annexe à notre mémoire et qui permettraient, à toutes fins utiles, de mieux situer l'importance de l'ordre et du rôle qu'exercent ses membres.

J'enchaîne immédiatement pour vous dire que l'Ordre des comptables agréés du Québec pose, au départ, que l'adoption d'une loi sur le recours collectif lui paraît souhaitable en raison des bienfaits sociaux qu'elle pourrait comporter. Le projet de loi prévoit effectivement une nouvelle procédure civile qui, en certaines circonstances, permettrait à certains citoyens lésés et démunis d'obtenir justice. Une telle loi pourrait aussi, par la réglementation qu'elle imposerait, contribuer à prévenir certains abus dont se plaignent les consommateurs.

J'aimerais ajouter — comme vous l'avez constaté d'ailleurs — que nous n'avons pas de juriste parmi nous et j'ajouterais que nous n'avons pas non plus soumis notre mémoire à l'examen des conseillers juridiques de notre ordre. Vous avez devant vous des comptables agréés qui, modestement, ont examiné ce projet de loi dans un effort de collaboration parce qu'ils ont certaines préoccupations que ce projet de loi a suscitées dans leur esprit.

Je demande immédiatement au président de notre comité sur les institutions financières qui a oeuvré le plus intimement dans la confection de ce mémoire, M. Jean Lanctôt, de vous livrer nos propos.

M. Lanctôt (Jean): M. le Président, je pense que quelques remarques s'imposent quant au rôle de l'expert-comptabie, avant de comprendre un peu le sens de nos préoccupations.

Notre rôle, dans la majorité des cas, est d'exprimer une opinion professionnelle sur la véracité des états financiers. La première responsabilité quant à la véracité des états financiers incombe, il va sans dire, à la direction de l'entreprise. Nous sommes nommés par les bâilleurs de fonds, dans la plupart des cas, pour attester de cette véracité. Nous ne certifions absolument rien en ce qui concerne l'exactitude rigoureuse, mathématique des chiffres qui paraissent et même s'ils présentent un certain équilibre entre l'actif, le passif et l'avoir des actionnaires, comme on se plaît à le souligner, cet équilibre n'est pas garant d'une exactitude à 100% des divers postes qui sont présentés.

L'opinion des vérificateurs, des experts-comptables sur la véracité des états financiers, c'est une opinion sur l'ensemble des états financiers, conformément aux normes de notre profession, qui sont de plus en plus reconnues par le

législateur, même pour ce qui concerne le commerce des valeurs mobilières.

L'opinion est également donnée en postulant la permanence de l'entreprise. C'est donc dire que là où les dangers quant à la survivance de l'entreprise se présentent, l'opinion ne peut pas être donnée de la même façon. C'est un postulat très important.

L'opinion d'ensemble s'exprime en regard de ce que nous croyons important. Dans l'appréciation que nous faisons de la situation financière des états d'une entreprise, évidemment, il se glisse énormément d'appréciations subjectives et de jugements professionnels, si bien que nous ne sommes pas en présence d'une science exacte, nous sommes en présence, si vous voulez, de l'exercice d'un jugement professionnel qui porte sur des faits qui peuvent être corroborés et d'autres qui sont des appréciations subjectives.

Cette responsabilité de l'expert-comptable existe donc non seulement envers ses commettants, mais, dans la plupart des cas, envers d'autres investisseurs de l'entreprise. Souvent, l'opinion de l'expert-comptable pourra être utilisée, même à son insu, par d'autres personnes. C'est dans ce sens que la responsabilité professionnelle et légale de l'expert-comptable dépasse largement la responsabilité qui lui incombe envers les commettants, ceux qui lui ont confié le mandat.

C'est pourquoi nous nous sommes préoccupés des méfaits possibles d'un élargissement de la responsabilité de l'expert-comptable, en vertu du projet de loi prévoyant le recours collectif, tout en reconnaissant le bien-fondé, comme M. Morcel vous le laissait entendre, de cette démarche du législateur.

Nous croyons que, dans bien des cas, nous pourrions être les seules personnes solvables à être poursuivies, à la suite d'une déconfiture ou d'une faillite — cela signifie dans le passé — même si, encore une fois, nous rappelons que nous ne sommes pas les gens qui, a priori, ont la première responsabilité quant à la préparation exacte des états financiers. C'est pour cette raison fondamentale que nous nous sommes préoccupés des conséquences que pourrait avoir cette loi sur nos membres.

Parmi les conséquences, nous en avons énuméré quelques-unes, au chapitre V de notre mémoire, quant aux coûts. J'aimerais souligner que ces coûts découlent largement des primes d'assurance professionnelle qui, évidemment, doivent être défrayées pour nous protéger contre toutes sortes de recours et non pas seulement les recours collectifs, primes évidemment qui ont augmenté beaucoup ces dernières années.

Dans certains cas, on redoute qu'il soit difficile d'obtenir cette protection; nous redoutons également que s'il y avait trop de litiges en cette matière, l'approche de la vérification pourrait être changée et que nous soyons portés à effectuer plus de travaux que, dans le cadre normal de notre ordre présentement, nous n'effectuerions pas. Nous craignons également qu'une conséquence possible pourrait être une baisse de concurrence et une baisse de fiabilité dans les états financiers qui pourraient être préparés s'ils étaient préparés dans une perspective différente de cette qui prévaut présentement.

Nous concluons que, dans certains cas, nos membres pourraient avoir une certaine réticence à aborder des travaux particuliers, soit dans le cas d'entreprises marginales, soit dans le cas d'entreprises qui sont en difficulté, soit dans le cas de l'attestation de la véracité des états financiers intérimaires, soit dans le cas de l'inclusion de prévisions budgétaires dans les prospectus d'émission de valeurs mobilières.

Nous croyons que nous devions vous mentionner ces points, car nous ne désirons pas échapper à nos responsabilités, mais nous croyons que, dans le contexte actuel, on pourrait justifier un plafonnement de la responsabilité des experts comptables, en vertu de ce projet de loi prévoyant le recours collectif, que cette chose s'étudie présentement, si elle n'existe déjà, aux Etats-Unis, en Allemagne et que même les autres pays de la Communauté européenne s'apprêtent à limiter cette responsabilité des vérificateurs dans le cas d'un mandat.

Quant à d'autres aspects de la législation qui peuvent être plus généraux, nous nous sommes interrogés, à l'instar des autres qui ont comparu aujourd'hui, au sujet de l'article 1003; nous avons eu sensiblement les mêmes réactions, dans le sens que nous aurions aimé que l'article 1003 prévoie un autre critère, soit d'apparence de droit, soit de preuve prima facie. Nous nous sommes également penchés sur le fonds d'aide, nous en avons reconnu le bien-fondé; cependant, nous aurions aimé que toutes les parties soient traitées de la même façon, dans le sens que si des demandeurs reçoivent une aide de fonds et n'ont pas gain de cause, nous croyons que les défendeurs devraient voir leurs frais remboursés par le fonds d'aide.

M. Lanctôt: Nous nous sommes également interrogés sur les possibilités que les dommages ne soient pas strictement compensatoires, mais qu'ils puissent déborder cette limite et devenir punitifs à l'instar de ce qui est reconnu et connu aux Etats-Unis. Sans doute, j'ai passé très brièvement sur la plupart des aspects de notre mémoire, mais je croyais que, dans le peu de temps que nous avions à notre disposition, il était préférable de procéder de cette façon.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de votre collaboration. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier l'Ordre des comptables de son mémoire et vous me permettrez, étant donné l'heure d'aller tout de suite à un certain nombre de choses: deux points en particulier. A la page 20 de votre mémoire...

Le Président (M. Marcoux): Je vais vous interrompre tout de suite, M. le ministre, parce que

nous sommes appelés pour aller voter à l'Assemblée nationale. Avant de partir pour aller voter, je pense qu'il faut prendre une décision tout de suite, à savoir si nous revenons pour quelques minutes, un quart d'heure ou 20 minutes ou si nous demandons une autre fois à nos invités de revenir demain matin.

M. Lalonde: Si je peux offrir une suggestion. J'ai lu le mémoire. Je retiens une chose, par exemple, que vous suggérez; que ce soit simplement la partie à un acte, à une convention civile et qui ait accès au recours collectif et non pas à un acte commercial. Vous avez d'autres suggestions; je n'ai pas d'autres questions à vous poser, si cela peut aider les travaux de la commission.

Le Président (M. Marcoux): En ce qui concerne le ministre?

M. Lacoste: On a une couple de minutes avant le vote.

Le Président (M. Marcoux): Vous savez très bien qu'on ne peut entrer à l'Assemblée nationale une fois que le vote est appelé.

M. Lalonde: On a cinq minutes.

M. Marois: D'accord on a cinq minutes. Très rapidement. Je crois que tout au long de votre mémoire, il y a une préoccupation de fonds qui concerne la question de votre responsabilité; au fond, c'est cela. Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys met le doigt dessus aussi; cela ressort clairement. J'aurais une question. Au bas de la page 20, vous dites; Est-ce que le recours collectif enfin devrait se limiter à dicter la procédure à suivre pour intenter une action devant les tribunaux, ne devrait pas servir de support à des modifications implicites directes et fondamentales du Code civil? On a eu l'occasion d'en discuter assez longuement; je crois qu'à ce sujet je tiens à vous rassurer, à vous redire qu'il s'agit d'une procédure qu'on introduit dans le droit. Il ne s'agit vraiment pas, mais vraiment pas de modifier les règles du droit substantif; cela ne change pas le Code civil; cela ne change pas les lois qui existent de la protection du consommateur ou quelque autre loi qui accorde des droits, reconnaissance des obligations, accorde des droits à l'un ou l'autre des groupes de citoyens, personnes morales et physiques de notre société. (21 h 55)

Donc, sur ce plan, je pense que je comprends très bien votre préoccupation. Laissez-moi vous dire que, fondamentalement, cela ne change pas ces règles de fond. Donc, partant de cela, parce que cela revient et cela paraît clairement déjà au point de départ de votre mémoire, vous craignez ce que vous appelez l'élargissement des droits des citoyens. Encore une fois, si on se comprend bien, il ne s'agit aucunement de l'élargissement des droits substantifs, donc cela ne donnera pas plus de droits, cela va donner des moyens, des outils, de la procédure permettant à des qens d'obtenir justice, de faire valoir ces droits.

En ce sens, je vois mal — je comprends, par ailleurs, très bien et vous avez parfaitement raison d'attirer notre attention là-dessus, soyez assurés qu'on va en tenir compte, — mais je vois mal en quoi pourrait être justifiée une crainte d'un élargissement de votre responsabilité professionnelle. En d'autres termes, cela n'a aucunement pour effet, soyez assurés de cela — mais de toute façon on prend note du contenu de votre mémoire, on va le regarder à la loupe — mais à première vue et même après l'avoir quand même travaillé passablement longtemps, cela n'a pas pour effet d'élargir votre responsabilité professionnelle. En d'autres termes, votre responsabilité professionnelle demeure ce qu'elle est dans l'état actuel du droit substantif, comme tel. Cela c'est la remarque que je voulais faire, au point de départ.

Le Président (M. Marcoux): Vous allez m'excuser et je vais excuser tous les membres de la commission. Je voulais simplement indiquer aux membres de la commission que demain nous entendrons les mémoires 2, 9 et 1. Donc les mémoires 2, 9 et 1.

M. Laionde: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Marcoux): On s'excuse de ce départ un peu cavalier...

M. Morcel: Nous comprenons.

Le Président (M. Marcoux): ... mais vous pouvez être assurés que tous les membres de la commission apporteront toute l'attention nécessaire à votre mémoire. On vous remercie d'être venus le présenter.

Alors, la commission ajourne ses travaux à demain 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 58)

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