L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de la justice

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de la justice

Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le jeudi 9 mars 1978 - Vol. 20 N° 9

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des mémoires sur le projet de loi no 39 - Loi sur le recours collectif


Journal des débats

 

Audition des mémoires

sur le projet de loi no 39

Loi sur le recours collectif

(Quinze heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Marcoux): La commission de la Justice est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 39, Loi sur le recours collectif. Les membres de la commission sont: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi) remplacé par M. Marois (Laporte); M. Blank (Saint-Louis) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal).

M. Lalonde: Excusez-moi, il sera remplacé par M. Pagé (Portneuf).

Le Président (M. Marcoux): Remplacé par M. Pagé (Portneuf); M. Charbonneau (Verchères) remplacé par M. Clair (Drummond); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplacé par M. Cordeau (Saint-Hyacinthe); M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont: M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Roy (Beauce-Sud), M. Tardif (Crémazie).

Les mémoires que nous entendrons aujourd'hui sont ceux des organismes suivants: L'Association coopérative d'économie familiale; l'Association des petits propriétaires unis de Chambly; General Motors du Canada Limitée; l'Association pour la protection des automobilistes.

J'inviterais immédiatement les représentants de l'Association coopérative d'économie familiale à venir nous présenter leur mémoire. Est-ce que M. Legault est là?

Associations coopératives d'économie familiale

M. Legault (André): C'est M. Julien Richard qui va présenter le mémoire.

Le Président (M. Marcoux): M. Richard, est-ce que vous pouvez nous présenter vos collègues?

M. Richard (Julien): M. le Président, MM. les membres de la commission, je voudrais d'abord vous présenter mes collègues. A ma gauche, M. Roland Pelletier de l'ACEF de Granby, à mon extrême droite, M. André Legault de l'ACEF rive sud et mon voisin immédiat, M. Robert Bilodeau de l'ACEF de Québec. Je suis Julien Richard de l'ACEF de l'Estrie.

Le Président (M. Marcoux): Avant que vous commenciez à présenter votre mémoire, étant donné que c'est la troisième journée et que vous n'étiez peut-être pas là au début, je vais vous rappeler les règles générales de fonctionnement. Vous avez une vingtaine de minutes, soit pour nous lire votre mémoire, soit pour le résumer ou en faire une présentation synthétique. Ensuite le dialogue s'engage durant une quarantaine de minutes entre les membres de la commission et vous-mêmes. Vous avez la parole.

M. Richard (Julien): M. le Président, je voudrais, tout d'abord, vous présenter notre mouvement. L'ACEF est un organisme d'information et de protection du consommateur. Elle a été créée en 1965, à Shawinigan, par des travailleurs syndiqués; ceux-ci constatèrent que ce que les travailleurs gagnent en négociations de contrats de travail, ils le perdent et le dépensent dans la consommation. Ils ont alors voulu se donner un organisme de défense et de lutte à ce niveau.

Même si le mouvement syndical est à l'origine de l'ACEF, les pionniers ont voulu l'étendre à tous les Québécois consommateurs: travailleurs syndiqués, non syndiqués, chômeurs, assistés sociaux, retraités, ménagères et j'en passe.

L'ACEF, c'est une association coopérative qui regroupe deux sortes de membres, des membres et des organismes membres. Nous avons des coopératives, des syndicats, des groupes populaires et des individus membres qui sont là à titre individuel, à titre personnel. Dans notre démarche, nous regroupons des consommateurs qui ont un même problème de consommation. Nous les impliquons ensemble et nous revendiquons aussi ensemble.

C'est pour cela qu'au nom de nos membres, nous sommes ici pour vous soumettre, pour vous présenter un mémoire qui, nous l'espérons, rendra le projet encore plus valable qu'il ne l'est, avec des corrections qui sauront améliorer le projet.

Nous aimerions d'abord vous dire qu'à la page 8 de notre mémoire, il y a une erreur dans le quatrième paragraphe. Il faudrait lire l'article 1005c au lieu de 1004c.

M. le Président, nous tenons en premier lieu à exprimer notre satisfaction devant l'imminence de l'adoption par l'Assemblée nationale d'une Loi sur le recours collectif. En effet, cette loi était depuis fort longtemps réclamée par les associations de protection des consommateurs, et plus particulièrement par les Associations coopératives d'économie familiale, les ACEF. Les citoyens québécois auront été déjà assez pénalisés en raison de l'absence d'une telle procédure pour faire valoir efficacement certains de leurs droits ou recours jusqu'à maintenant trop difficiles ou trop coûteux ou peu pratiques à exercer, en vertu du présent Code de procédure civile. De plus, on n'apprendra rien à personne en affirmant que le Québec est le dernier îlot en Amérique du Nord où une pareille procédure d'action collective est encore inexistante.

Les ACEF de la rive sud, de Granby, de Québec et de l'Estrie accueillent favorablement le projet de loi tel que présenté. L'esprit qui semble

animer ce projet de loi, de même que les objectifs poursuivis, tant en raison du type de recours collectif retenu qu'en raison de la création d'un fonds d'aide, démontrent la volonté du ministre d'Etat au développement social, qui en est le parrain, de voir à ce que le recours collectif soit vraiment accessible à tous les citoyens et pleinement efficace dans l'exercice de leurs droits.

Nous n'avons pas à refaire la preuve de la nécessité d'un tel recours, ni de rappeler davantage le retard de nos législateurs à inscrire pareil recours dans nos lois. D'ailleurs, cette preuve est déjà inscrite dans notre mémoire, du moins, nous le prétendons. Nous sommes donc d'accord avec les principes de ce projet de loi. Cependant, nous nous devons de relever certaines faiblesses dans le projet, qui risquent d'en restreindre la portée. Pour nous, il est fondamental que le recours collectif soit très nettement accessible. Ainsi, il nous semble indispensable que des modifications soient apportées plus particulièrement à certaines règles d'exercice du recours collectif, de même qu'aux conditions d'admission, d'attribution et d'administration du fonds. Compte tenu de nos préoccupations dans le domaine de la protection des consommateurs, et conscients des difficultés que doivent éprouver les citoyens, lorsqu'ils sont aux prises avec un commerçant ou une entreprise dans un litige les concernant, nous croyons en la nécessité d'assurer à ces citoyens le soutien éventuel d'une association de consommateurs. Evidemment, dans l'hypothèse où le recours collectif concerne un autre champ d'activités, les mêmes remarques devraient valoir vis-à-vis de toute autre association sans but lucratif, détenant l'expérience et ou l'expertise requise dans ce cas.

Considérant le temps et l'énergie à investir, les connaissances requises, les données à recueillir et les difficultés d'un tel travail, il nous semble, en effet, que, dans bien des cas, seule une telle association pourra disposer des ressources humaines et techniques nécessaires à la constitution d'un dossier pouvant mener à bien un recours collectif. En conséquence, il nous apparaît indispensable de faciliter au requérant la possibilité de recourir au soutien et aux services d'une pareille association.

Dans un premier temps, nous proposons donc que des associations sans but lucratif, plus particulièrement dans le domaine de la consommation, reçoivent annuellement une subvention spéciale suivant leur représentativité nationale et régionale, ceci afin de payer les frais d'une permanence qui pourra, sur demande, appuyer un éventuel représentant qui veut agir par recours collectif.

Dans un deuxième temps, nous référant à la définition d'une corporation et à son pouvoir d'agir au nom de ses membres pour faire valoir un recours collectif, en vertu de la loi, il nous apparaît important de tenter d'apporter une meilleure définition aux concepts d'intervenant et d'indiquer plus clairement les droits et les obligations d'un tel intervenant. Par exemple, il peut fort bien arriver qu'une association de consommateurs soit le représentant désigné pour le groupe qui entend agir au recours collectif. Par contre, dans les cas où cette association de protection des consommateurs ne serait pas le représentant, il y aurait lieu de lui faciliter sa tâche d'intervenant dans le recours, en autant que le membre qui a le statut de représentant soit consentant et qu'il n'y ait pas incompatibilité avec l'intérêt des membres du groupe pour lequel le recours est exigé. Il nous semble évident que dans cette hypothèse l'intérêt public serait sauvegardé d'autant plus qu'une telle association a pour mission de protéger les intérêts des consommateurs. Pour être réellement une mesure sociale positive, et permettre l'accès de ce recours, certaines modifications devront être apportées aux conditions d'admission et d'attribution du fonds d'aide.

Premièrement, les administrateurs du fonds d'aide prévu dans le projet de loi ne devraient être appelés qu'à statuer sur le bien-fondé économique de la demande d'aide et non pas sur le bien-fondé ou le mérite du recours collectif. Pour nous, la vraisemblance du droit n'a pas à être déterminée par un tribunal administratif. Le droit est une question de fond et il n'appartient qu'au tribunal d'en juger. De toute façon, l'autorisation préalable exigée par l'exercice du recours collectif nous semble une garantie suffisante pour qu'aucun abus ne soit fait au détriment du fonds d'aide.

Deuxièmement, il s'agit d'universaliser le principe d'accessibilité à la justice. Déjà ce principe est bien admis, notamment en vertu de la Loi des petites créances et de la Loi de l'aide juridique. Aussi, en nous appuyant sur les principes qui ont amené la détermination du plafond de $500 pour l'application de la Loi des petites créances, nous proposons que l'attribution d'une aide du fonds créé par la loi soit automatiquement accordée lorsque le montant de chacune des réclamations individuelles ne dépasse pas celui fixé en vertu de la Loi des petites créances. Ainsi, on ne défavoriserait pas quelqu'un qui, autrement, aurait peut-être exercé son recours en vertu de la Loi des petites créances, afin de limiter ses frais et ses efforts. De plus, dans le cas des réclamations, il serait facile de présumer que les montants en jeu seront habituellement de moins de $100 ou de quelques centaines de dollars et que, de toute façon, les frais engendrés par un tel recours seront démesurément élevés.

Dans les cas où l'attribution d'une aide du fonds ne serait pas automatique, nous croyons que certains critères devraient être clairement indiqués dans le projet de loi. Ainsi, il est proposé de tenir compte des éléments suivants: premièrement, le coût démesuré entre le montant à percevoir et le coût de toutes les démarches tant judiciaires qu'extrajudiciaires et déboursés réels, pour faire valoir ces réclamations et ou ces droits; deuxièmement, les circonstances particulières d'un recours collectif de nature déclaratoire et qui n'entraîne aucun recouvrement d'argent, tant pour le représentant que pour les membres connus du groupe; troisièmement, la solvabilité douteuse d'une personne poursuivie, c'est-à-dire le risque que le recouvrement des frais ne puisse même

être effectué, ou l'éventualité de l'abandon du recours alors que la collectivité ou les membres du groupe ont un réel intérêt à ce que, de toute façon, un jugement soit prononcé sur des questions de droit et de fait qui sont soulevées; quatrièmement, la dimension sociale et les effets pour la collectivité du jugement à intervenir.

Nous proposons également que les sommes allouées par le fonds d'aide tiennent compte de la réalité des coûts qui sont véritablement entraînés par un tel recours collectif. Ce n'est pas seulement des frais d'avocats et des frais judiciaires ou d'experts qui seront encourus, mais aussi des frais inhérents aux recherches, tant pour dépister les membres du groupe que pour y monter le dossier, pour la location de salle, la papeterie, etc.

Pour nous, le personnel du fonds d'aide devrait être beaucoup plus représentatif. Aussi, pour que le recours collectif soit une véritable mesure sociale positive, il faut s'assurer que l'intention du législateur, dans ce projet de loi, soit réellement d'aider et de protéger les citoyens dans la reconnaissance de leurs droits et, selon les cas, du recouvrement des créances et ce notamment dans le domaine de la consommation. Il faut s'assurer que les administrateurs du fonds conservent une ouverture d'esprit concernant l'application du recours collectif et que, par là, ils ne trahissent pas l'intention du législateur en appliquant des mesures restrictives lors de l'attribution d'une aide. Il faut encore s'assurer d'une représentation majoritaire de membres cooptés des milieux socio-économiques et non pas uniquement des professionnels.

Dans les amendements que nous proposons... Tout d'abord, à l'article 1003, nous sommes généralement d'accord avec les conditions exigées pour autoriser l'exercice du recours collectif. Par contre, certains amendements devraient être apportés à l'article 1003, tel que proposé, afin d'éviter toute confusion et s'assurer que la portée du nouvel article 1003 ne soit pas indûment limitée dans certaines circonstances. (15 h 50)

Ainsi, d'une part, en vertu du paragraphe a) de l'article 1003, l'exercice du recours collectif peut être autorisé lorsque les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes. D'autre part, le paragraphe b) du même article ajoute une condition qui nous renvoie aux articles 59 et 67 du présent Code de procédure civile. Il nous semble en ressortir que, lorsque la composition des membres rendra difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67, on pourra recourir à l'action collective.

Or, relativement à ce paragraphe b), il est intéressant de noter qu'il renvoie à deux articles du Code de procédure civile qui n'emploient pas nécessairement les mêmes concepts ou expressions juridiques que ceux du paragraphe a) de l'article 1003. En rapport avec l'article 59, notamment, on doit souligner qu'on parle de "plusieurs personnes qui ont un intérêt commun dans un litige". Quant à l'article 67 du Code de procédure civile, on admet la jonction d'action lorsque plusieurs personnes ont des recours qui "ont le même fondement juridique ou soulèvent les mêmes points de droit et de fait".

Il nous semble donc que les paragraphes a) et b) soulèvent entre eux des contradictions, à moins que ces deux paragraphes doivent être interprétés comme des conditions alternatives et non conjonctives. Aussi, à moins qu'on ne retienne l'hypothèse qu'il s'agit de conditions alternatives, il nous semble que le paragraphe b) devrait être simplement retiré, à défaut d'amender l'article 67 du présent Code de procédure civile, pour reprendre les mêmes concepts ou expressions juridiques qui sont prévus dans le nouvel article 1003 du projet de loi. Enfin, il ne nous semble pas que le paragraphe b) ajoute quelque chose par rapport au paragraphe a).

De plus, pour ne pas limiter l'application de l'article 1003 dans certaines circonstances, il y aurait lieu également d'ajouter à cet article un autre paragraphe qui se lirait ainsi: "Le recours collectif ne peut pas être refusé pour la seule raison que le fondement juridique ou la source légale, contractuelle ou délictuelle du recours de chaque membre du groupe soit distinct ou ne soit pas le même." Nous croyons qu'un tel amendement enlèverait une difficulté rencontrée dans l'interprétation des articles 59 et 67.

Pour ce qui a trait aux autres amendements que nous proposons de la page 21 à la page 25 de notre mémoire, nous aimerions qu'ils soient inclus au journal des Débats sans qu'on ait à les lire ici, pour gagner du temps aux membres de la commission et à nous-mêmes.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que la proposition est agréée par les membres de la commission?

M. Lalonde: Oui.

Le Président (M. Marcoux): Alors je vais demander aux responsables du journal des Débats d'inscrire au journal des Débats les pages 21 à 25 inclusivement, de votre mémoire (Voir annexe).

M. Richard (Julien): M. le Président, nous avons M. André Legault, qui est avocat, membre de l'ACEF de la rive sud, et qui sera sûrement prêt à répondre à toutes vos questions, si la commission en a.

M. Clair: M. le Président, si vous me le permettez, avant que vous n'accordiez la parole au ministre. Le député de Sherbrooke est particulièrement intéressé par le mémoire présenté par les ACEF puisqu'elles représentent l'Estrie et que, justement, il y a des gens présents. Je demanderais un consentement aux membres de l'Opposition pour que, si le député de Sherbrooke le juge bon, il puisse intervenir, même s'il n'est ni membre, ni intervenant officiellement à cette commission, conformément...

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Lalonde: Avec plaisir, M. le Président. Il y a beaucoup d'autres députés de l'Opposition officielle qui y sont extrêmement intéressés, mais qui sont pris par d'autres travaux, alors s'ils se présentaient à la commission pendant l'audition, ils pourront aussi...

M. Clair: Vous pourrez compter sur le même consentement.

M. Lalonde: Merci.

M. Richard (Julien): D'ailleurs, M. le Président...

M. Cordeau: Consentement accordé.

M. Richard (Julien): ... nous avons invité dans l'Estrie tous les députés de la région dont les comtés sont couverts par notre association, et ce, des trois partis politiques de la région; libéraux, unionistes et péquistes.

Le Président (M. Marcoux): Alors, ces précisions étant apportées, le député de Sherbrooke pourra prendre la parole. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier les porte-parole des quatre ACEF rive sud de Québec, de Granby et de l'Estrie qui ont bien voulu se donner la peine de travailler et assez fort, je pense. On a lu votre mémoire et on va le relire avec le plus d'attention possible, mais votre mémoire indique que vous avez travaillé beaucoup sur le projet de loi. Je pense que je suis particulièrement bien placé pour vous dire que je sais également à quel point les ACEF ont travaillé, étudié, fait des recommandations depuis plusieurs années sur ce sujet. Je sais que cela vous tient à coeur. Egalement, soyez assurés que même si on n'a pas le temps en commission parlementaire d'examiner toutes et chacune de vos recommandations comme telles, elles seront effectivement, attentivement, étudiées.

Ceci étant dit, compte tenu du préambule que je viens de faire moi-même, compte tenu du fait que je connais passablement bien la position de fond et l'attitude générale de l'ACEF face au projet de loi qui est devant nous, sous réserve d'examiner les questions particulières soumises plus en détail, pour ne pas abuser du temps de mes collègues en commission parlementaire, je m'en tiendrai strictement à une remarque et trois questions, très rapidement.

D'abord, une remarque concernant une chose que vous évoquez dans votre mémoire et qui est cette demande que des associations sans but lucratif reçoivent annuellement une subvention spéciale suivant des barèmes de représentation, afin de payer les frais d'une permanence qui pourrait aider un représentant.

J'avoue que je suis prêt à l'examiner attentivement mais je me demande honnêtement si cela ne relève pas beaucoup plus des programmes de subventions du gouvernement à des organismes comme les vôtres. Effectivement, je ne me sou- viens pas des chiffres, mais je pense que, dans la dernière année fiscale, celle qui va se terminer à la fin de mars, il y a eu un montant de $190 000 — je donne le chiffre de mémoire, sous réserve — qui a été ajouté au montant de subvention qui avait été antérieurement donné. Si c'est possible d'accentuer cela, je me demande s'il y a lieu d'insérer cela comme tel dans la loi, j'avoue que j'ai des doutes. En tout cas, je me pose la question et je vous en fais la remarque telle qu'elle me vient.

Deuxièmement, il s'agit d'une première question, vous demandez que soit mieux défini le concept d'intervenant, en demandant qu'on indique les droits, les obligations et surtout, si j'ai bien compris, pour permettre à une association d'intervenir. J'aimerais que vous soyez beaucoup plus précis sur les raisons, les motivations qui vous amènent à formuler cette demande.

D'autre part, le projet de loi, tel que formulé, à l'article 1048, permet directement à un groupe qui répond à ces critères, donc des associations comme la vôtre, qui a une existence légale, et dont un des membres a, au sens du droit, l'intérêt requis pour intenter un recours collectif, d'intenter le recours collectif. J'aimerais avoir votre opinion sur cet article du projet de loi, d'une part.

Dernière question, un certain nombre de mémoires qui nous ont été présentés ont émis des réserves quant à l'ensemble du projet de loi, faisant état du fait de crainte qu'il y ait des abus dans l'utilisation de cette procédure du recours collectif dans certaines circonstances. Par exemple, on a fait état de recours frivoles, farfelus, revanchards, etc. Mes collègues et moi avons eu l'occasion de poser la même question à d'autres qui se sont présentés devant nous, notamment à l'Association des consommateurs du Canada, section du Québec, qui s'est présentée ici et j'aimerais connaître votre point de vue sur cette question.

Pour l'instant, ce sont les commentaires et les questions que j'avais à formuler.

M. Legault: A propos du concept d'intervenant, ce qui nous amenait à poser la question, c'est qu'on a un représentant. A ce moment-là, c'est lui qui prend l'action à la fois pour tous les autres membres du groupe. L'intervenant, c'est celui qui veut peut-être être présent à l'action. Le plus loin qu'on peut aller dans le Code de procédure civile, un intervenant a vraiment un rôle très passif. A ce moment-là, dans le concept tel qu'utilisé, l'intervenant apporterait une assistance, tout simplement, au procureur ou au représentant de l'action.

Nous, ce qui nous a un peu fatigués, c'est de voir que l'intervenant était un membre de plus qui portait le nom d'intervenant, mais sa seule intervention était d'être présent et de voir comment se déroulait l'action. Cela pouvait cependant nous amener à ce que l'individu membre soit interrogé et contre-interrogé.

Quant à nous, le concept a été suffisamment défini pour pratiquement donner un droit égal au représentant, au moins dans les témoignages à apporter et dans l'argumentation.

On aurait eu une action à ce moment-là, où non pas un seul représentant, mais peut-être un certain nombre auraient été les représentants du groupe. Veut-on limiter un représentant à une personne ou le représentant pourrait-il être plus d'une personne? L'ambiguïté, c'était d'ajouter un intervenant... Qu'il y ait une personne pour ne pas compliquer les choses et un intervenant serait assis à côté d'elle et regarderait ce qui se passe. On se demandait un peu où allait le concept d'intervenant.

Secondairement, à propos du concept d'intervenant, pour ce qui concerne l'association, pour reprendre la première question — la remarque de l'association sans but lucratif, la question du fonds d'aide, mon confrère va y revenir tout à l'heure — le concept d'intervenant, si cela avait été assez défini et s'il avait eu un rôle actif, dans l'hypothèse d'une association de consommateurs, par exemple, où le représentant ne serait pas un de ses membres, il aurait pu intervenir. Cela veut dire que si on laisse le concept d'intervenant et qu'on demande à la fois qu'une association de consommateurs ait un rôle actif dans l'action, parce qu'elle représente des intérêts que j'appellerais généraux dans ce type d'action, elle deviendrait, à ce moment-là, très passive dans son action. Par contre, si on avait ouvert le rôle d'intervenant à quelqu'un qui avait peut-être les mêmes prérogatives que le représentant, le rôle qu'on voudrait assigner à une association en termes d'intérêts communs... A ce moment-là, il pourrait même arriver dans la cause et faire valoir des points de vue et, évidemment, amener des témoins. Evidemment, ce serait toujours pour apporter un appui au représentant.

Si le concept d'intervenant avait été mieux défini, cela aurait peut-être enlevé l'interrogation qu'on se pose. On ne sait pas ce que veut dire le mot "intervenant".

M. Marois: C'est le concept d'intervention au sens du Code civil. Si vous songez à étendre et à préciser à un point tel, les pouvoirs, les devoirs, les fonctions, les attributions d'un intervenant, voire à en faire l'équivalent d'un représentant, ce ne sera pas du tout l'économie générale du projet de loi tel qu'il est présenté, puisqu'il s'agit d'un représentant. Il n'y a pas 32 tireurs de front en même temps. Il y a vraiment un seul représentant au sens de ce que cela veut dire strictement: qui représente... De là à songer à ouvrir... C'est pour cela que je vous posais la question. L'intervenant, bien sûr, au sens strict de ce que cela signifie, venant soutenir, épauler, etc.. C'est pour cela que je vous posais l'autre question rattachée à l'article 1048. Quelle est votre réaction face à cette idée qu'une association puisse être carrément représentant? Cela recoupe une de vos préoccupations, me semble-t-il, puisque, si vous voulez, comme association, que dans telle circonstance donnée, vous jugiez pertinent d'être intervenant à un point tel que ce soit presque un représentant, alors, la porte, c'est l'article 1048 qui l'ouvre carrément. En plus, constamment — cela vaut pour tous ceux qui sont du groupe — il y a la possibilité de remettre en cause, en cours de route, le requérant. Je pense que c'est un droit essentiel pour éviter les cas de collusion et toute une série de choses. C'est pour cela que...

M. Bilodeau: M. le ministre, concernant l'article 1048, on a eu effectivement des discussions. On n'est pas contre l'idée, effectivement, qu'une association de consommateurs dans ce cas puisse être un représentant. Ce qui nous fatiguait un peu, si vous comprenez bien, c'est le lien légal qui faisait en sorte qu'on se demandait dans quelle mesure, par exemple, il ne faudra pas modifier nos règlements de régie interne pour ouvrir la porte à un nouveau membre qui pourrait n'être que passager, pour qu'on puisse avoir un intérêt légal de le représenter, d'être un représentant.

En fait, on comprend bien l'idée qu'il faut avoir un lien légal.

Une des façons pour nous de contourner cela, c'était d'essayer de clarifier la notion d'intervenant dans le sens où une association pourrait intervenir dans l'intérêt public, évidemment, avec le consentement du représentant. C'était le dilemme dans lequel on était situé. Malgré tout, on est quand même conscient et d'accord avec le fait que des associations puissent jouer le rôle d'un représentant.

Concernant votre remarque sur le financement...

M. Marois: Si vous me permettez, seulement une parenthèse. Je ne veux pas abuser du temps, mais je veux être sûr que je vous comprends très bien. Vous êtes d'accord avec l'article 1048, ou vous êtes très d'accord, ou vous n'êtes pas d'accord avec l'article 1048. Je pense que c'est bien important qu'on ait, surtout d'un groupe comme le vôtre, une opinion là-dessus. Je ne suis pas sûr de saisir le niveau d'accord. (16 h 5)

M. Legault: Si vous permettez, M. le ministre, je vais répondre. On est, effectivement, d'accord avec l'article 1048. Evidemment, cela transparaît, même si on ne l'a pas indiqué tel quel. Ce qu'on ajoutait à cela, tout en étant d'accord avec l'article 1048, et le document le dit, c'est qu'en plus de l'article 1048, on demande également, lorsqu'il ne se pose pas qu'un membre fait partie de l'association, qu'une association reconnue puisse également entrer dans ce type d'action, comme intervenant, évidemment pour autant que le représentant soit d'accord. C'est cela, le sens de notre intervention. Pardon?

M. Clair: Même si elle n'a pas un membre spécifiquement concerné?

M. Legault: Même si elle n'a pas un membre spécifique.

Le Président (M. Marcoux): On peut aborder les autres questions.

M. Legault: Pour les autres questions, dont la nôtre... La première question: Pour l'association sans but lucratif, pourquoi avoir un fonds disponible? On est bien d'accord pour dire qu'il y a des fonds qui sont donnés aux associations de consommateurs et autres associations sans but lucratif. Maintenant, je pense que la raison pour laquelle les associations, notamment les ACEF, ont demandé que le recours collectif arrive enfin, c'est qu'effectivement, ce type d'action apporte des dépenses extraordinaires pour les individus qui veulent poursuivre, et notamment les associations qui voudraient les appuyer. Alors, si une association doit être sur le qui-vive lors d'une action collective, c'est évident que toutes ses autres activités vont être pratiquement bloquées dans l'attente ou dans le soutien d'une telle intervention judiciaire. Je pense que M. le ministre le sait peut-être un peu lui-même.

Peut-être que les ACEF ont eu ce dilemme et, pour les connaître assez bien, je sais que cela a posé souvent des dilemmes où, en fin de compte, un recours — évidemment, pas collectif, parce que ce n'était pas le cas — des recours où plusieurs personnes étaient impliquées prenaient des ressources incroyables. A ce moment, l'association devenait dépouillée de ses fonds pour ses activités d'information ou d'autres activités. Alors, on a dit: Le projet de loi étant là, si on veut donner, effectivement, un rôle à des associations qui ont vraiment une expertise, il faudrait peut-être prévoir qu'on augmente les subventions en conséquence, mais, comme le projet de loi est là, on dit que, si on veut les tenir à l'intérieur du recours collectif et maintenir un fonds disponible, on devrait, à l'intérieur du fonds disponible qu'on espère suffisant, prendre une tranche d'argent qui irait à ces associations pour qu'elles puissent, dès qu'intervient une situation semblable, entrer dans un dossier. C'est évident qu'on ne peut pas engager un permanent au moment où une action semblable se produit, parce qu'on ne le trouvera pas. A ce moment, les gens qui vont venir voir un groupe de ce genre vont dire: Ecoutez, s'il faut que je me trouve quelqu'un, ce ne sera peut-être pas une personne permanente.

Si on n'a pas les fonds disponibles qui viennent par cette loi ou autrement, les associations vont être limitées comme elles le sont aujourd'hui par les ressources financières. La raison, c'est de demander qu'à l'intérieur du projet de loi, dans tout ce qui a rapport aux recours, directement, il y ait une tranche qui soit prévue dans le fonds, qu'on espère assez important, sans évidemment gruger dans ce qui vient d'autres subventions. L'expérience nous montre aujourd'hui que le judiciaire pour les associations sans but lucratif coûte énormément en ressources humaines et techniques. A ce moment, on ne veut pas être obligé de faire un choix entre des perpétuels groupes qui soutiennent des gens qui sont devant les tribunaux et négliger tout le travail d'information qui est à côté. Vraiment, c'est un dilemme financier au niveau des associations.

Maintenant, il y a une réserve. Vous avez indi- qué les réserves qui ont été faites par certains groupes. Ces réserves ont été notamment apportées hier à la commission parlementaire et reproduites par certains organismes et media d'information. C'est, dans le fond, les mêmes réserves que celles des associations de commerçants ou de manufacturiers ou de banquiers ou même des membres du Barreau. Elles reproduisent ou ont reproduit, en tout cas, particulièrement au Canada... Dans les autres provinces, ce furent pratiquement les mêmes réserves et, lorsqu'il y a eu le bill fédéral à propos des lois sur les coalitions, ce furent à peu près les mêmes critiques, à mon avis. On arrive toujours à dire, dans le fond, que le projet de loi est bien, mais, quand les réserves arrivent, il ne reste plus grand-chose de l'appui qui était donné.

Il y a peut-être trois éléments. D'ailleurs, vous pouvez les retrouver — on l'avait prévu — à partir de la page 6, quand on parle des principes de justice naturelle et de l'efficacité, ce qui n'a pas été lu par M. Julien Richard; vous le trouvez dans le document, aux pages 6 et suivantes, peut-être aux environs de quatre pages. On parle un peu des critiques qu'on prévoit, qui vont arriver.

La première: lorsque vient le recours collectif, les commerçants ou les associations de manufacturiers ou de commerçants indiquent que c'est dangereux parce que — je n'étais pas en commission parlementaire hier mais les journaux ont répété des choses — on laisse l'impression que le recours collectif va faire que le monde, les consommateurs vont revenir à la loi du talion, ils vont se faire justice eux-mêmes, et plus que cela, ils vont faire des actions frivoles, abusives, qui vont mettre le monde économique à l'envers. Là, évidemment, on nous donne des exemples américains, ou provenant du reste du Canada et d'autres pays peut-être. Ce qui est étrange, c'est qu'en aucune façon — sauf en reproduisant certains articles — on ne donne des exemples précis de cas d'abus, de frivolité, notamment aux Etats-Unis.

En réalité notre réaction à cela c'est que le recours collectif permet à plusieurs personnes de se réunir. Elles n'auront plus le handicap qu'elles avaient au début d'être des individus isolés face à des corporations, importantes ou petites. A ce moment-là, les représentants des groupes de manufacturiers ou de commerçants ont compris qu'ils vont avoir à lutter contre des personnes qui ont peut-être maintenant les moyens, en nombre ou en argent, et là, évidemment, ils prétendent que ces personnes vont faire des abus avec le recours collectif. Ils n'invoquent jamais, cependant, que, sans le recours collectif, actuellement, au Québec notamment, il y en a qui commettent des abus — on va me dire que ce sont des "fly by night" — que ce sont des exceptions, d'accord, mais il y en a beaucoup d'exceptions.

Ce sont ceux-là même qui sont des commerçants, des manufacturiers, qui font des abus sur le dos des consommateurs et cela se reproduit dans bien des occasions. Les abus — si on peut prendre des actions qui ont déjà été prises — c'est lorsque vous avez des gens qui, notamment, ont

été fraudés — si on prend des cas qui sont de nature criminelle — où il faut attendre que les interventions judiciaires arrivent en terme pénal — et, effectivement, il faut attendre longtemps — et bien souvent il n'y a aucune action, même judiciaire, de prise. Ce sont des cas de fraude, on en parle, mais rien ne se fait. C'est pourtant des gens qui, grâce à un recours collectif, auraient peut-être pu stopper ces fraudes qui se perpétuaient.

Prenons par exemple maintenant — n'appelons pas cela des fraudeurs — mais des commerçants qui auraient peut-être mis des prix trop élevés sur certains effets ou encore auraient vendu des objets viciés. C'est évident que si vous essayez vous-même de poursuivre comme individu une manufacture de grille-pain, je vous assure que cela va vous coûter beaucoup plus cher de faire la preuve qu'il y a un vice caché dans votre grille-pain. Mais s'il y a peut-être 1000 grille-pain qui ont été vendus, vous comprendrez avec moi qu'à ce moment-là on va peut-être avoir les moyens de poursuivre efficacement parce qu'on aura les moyens financiers de faire une expertise et de mener à terme l'action. Qu'est-ce que l'abus? Le commerçant va dire: Ils ont eu les moyens de nous poursuivre, ils auront eu les moyens de compenser les gens qui ont été lésés et, à ce moment-là, il y a un abus. Je trouve que cela va être le monde à l'envers, c'est évident. Parce que les abus — les gens qui en faisaient — à l'endroit des consommateurs, après le recours collectif, il y en aura moins ou il n'y en aura pas.

Alors, nous parler d'intentions parce que les consommateurs feraient des actions frivoles franchement, ceux qui vont abuser de ces commerçants et qui vont porter des actions frivoles, je pense qu'il faut laisser cela dans le champ de la concurrence. Cela va peut-être être un commerçant vis-à-vis d'un autre, mais cela ne regarde pas les consommateurs. Les guerres internes de concurrence entre commerçants, cela les regarde.

Je crois que l'exemple d'abus ne s'est jamais confirmé. On va peut-être nous apporter des exceptions et encore on ne les apporte même pas. Je pense que c'est vraiment une crainte, de la panique, parce que, effectivement, avec ce recours, il va y avoir des compensations pour des gens qui ont été lésés ou fraudés.

Il y a maintenant un argument qui apparaît toujours et qui est sûrement revenu hier, c'est l'argument que c'est un recours punitif, surtout avec le recouvrement collectif. C'est punitif parce que effectivement les gens qui ont été fraudés, qu'on les connaisse ou qu'on ne les connaisse pas, auront été remboursés, soit individuellement, ou encore on va mettre cela dans un fonds qui appartiendra à l'Etat. Le vrai argument, dans le fond, ce n'est pas celui-là. Le vrai argument, ce n'est pas que c'est un recours punitif; effectivement, ce n'est pas compensatoire, cela ne doit pas appartenir au civil. On dit: Ce type de recours devrait appartenir au pénal, parce qu'au pénal, la preuve est là.

Je n'ai pas de statistiques sur cela, mais je pense qu'il y a suffisamment de gens qui sont informés que les recours qui viennent de l'appareil d'Etat, autant du fédéral que du provincial, ne sont pas très nombreux comme interventions et que, surtout — et c'est le ministre lui-même qui l'invoque très souvent — les amendes qui sont imposées à des gens qui fraudent ou qui lèsent des gens sur des montants d'argent sont tellement superficielles que l'on est tenté, comme dit le ministre, de faire de la fraude, parce que les amendes ne coûtent rien.

A ce moment-là, je pense que ce qu'il faut considérer, c'est que la question du compensatoire et du punitif, pour les commerçants manufacturiers, c'est une question de montant qu'ils vont avoir à débourser. Ce serait punitif si on demandait, en plus, l'exemplarité. Mais nous, des ACEF, si c'est punitif, on est favorable; si c'est pour l'exemplarité, on l'est aussi, parce que, effectivement, la seule façon d'arrêter les fraudeurs ou des gens qui essaient d'en léser d'autres indûment, c'est l'exemplarité et cela se trouve dans le domaine de la consommation. Il faut vraiment être aveugle pour ne pas le voir.

Je pense que le gros argument du punitif, d'ailleurs, je ne veux pas faire un cours de droit, ni un cours d'histoire, mais on pourrait lire l'évolution du droit et vous allez vous apercevoir que ce qui a sauvé le monde du commerce, évidemment, c'est de faire cette possible distinction entre le punitif et le compensatoire, surtout si on me dit que le recours collectif est importé au Québec des règles anglaises, du droit anglais. Le droit anglais a toujours fonctionné à partir du punitif; ce qui était du compensatoire, on !'a amené par la suite. Donc, je pense que cet argument n'est pas très fort.

L'abus qu'on prétend qui va être amené, c'est celui que nous voulons corriger. Ce qu'eux appellent le punitif, pour nous, c'est du compensatoire pour tout le monde et pour la collectivité. Peut-être, qu'on va me dire que le procureur général ne fait pas de plaintes suffisantes, c'est un fait, et nous, c'est un des éléments sur lesquels on est bien d'accord avec ce type de projet de loi.

Le Président (M. Marcoux): M. Legault, je m'excuse, de vous interrompre. Il y a certaines questions qui ont été posées par le ministre...

M. Legault: Je m'excuse.

Le Président (M. Marcoux): ... je préférerais, et je pense, les membres de la commission également, que vous abordiez d'abord ces questions.

M. Legault: J'ai répondu aux quatre questions.

Le Président (M. Marcoux): Je sais qu'il y a beaucoup d'aspects intéressants dans l'ensemble des mémoires qui ont été présentés ou discutés, mais je pense, pour permettre aux membres de la commission de dialoguer, vu que le temps est limité, que je me dois de restreindre vos propos, si possible.

M. Legault: J'ai bien répondu aux quatre questions, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Alors, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. LaIonde: Je voudrais remercier les représentants des ACEF de la rive-sud, de Québec, de Granby et de L'Estrie pour leur mémoire et ce, au nom de l'Opposition officielle. Je l'ai lu, il fait état d'une expérience bien sentie dans le domaine que touche le projet de loi no 39. Je pense que la présentation qui en a été faite et les réponses qui ont été données aux questions ajoutent à l'information de la commission.

J'aurais simplement, peut-être, quelques remarques — sinon des questions, vous verrez si vous voulez répondre — sur quelques points, dont l'intervention. Vous suggérez qu'il faut donner à l'intervenant une latitude plus grande, vous suggérez que ce soit toujours avec l'accord du requérant sous mandat ou du représentant. Pourquoi faites-vous cette suggestion? Est-ce à cause des articles du Code civil qui, justement, créent le concept d'intervention, et sur lesquels ces nouveaux articles s'appuient, ou, enfin, auxquels ils se réfèrent, quand on parle des articles 1017 et 1018 de l'intervention conservatoire? On aurait pu aussi parler de l'intervention agressive qui est proposée par le Code de procédure. On n'a pas besoin, à ce moment-là, de l'accord d'une des parties; il s'agit de démontrer un intérêt. (16 h 20)

N'y aurait-il pas danger, si vous assujettissez l'intervention à l'accord du représentant dans le cas de collusion, par exemple, ou d'un représentant qui ne fait pas, justement, qui ne remplit pas les conditions, mais qui est encore représentant, qui n'a pas été remplacé, ou qui n'a pas été disqualifié, ne croyez-vous pas, à ce moment-là, qu'il pourrait s'opposer à une intervention qui devrait être faite?

M. Legault: Si vous permettez que je réponde immédiatement. Lorsqu'on a parlé de l'intervenant qui doit avoir l'accord du représentant, c'est dans le concept suivant, à savoir que l'association n'a pas de membres; donc, légalement, elle n'a pas ce qu'on appelle, suivant le Code civil ou le Code de procédure civile, un intérêt, sauf peut-être un intérêt commun, mais, actuellement, je ne pense pas que la loi permette un intérêt de l'ordre de celui qu'on indiquait tout à l'heure. C'est parce qu'il faut bien se comprendre. Quand on parle de l'hypothèse de l'intervenant qui demande l'accord, qui n'est pas membre lui-même, où il n'y a pas un membre à l'intérieur pour le désigner comme tel, pour l'action collective... Donc, c'est vraiment seulement à ce niveau-là.

Evidemment, si M. Lalonde est d'accord pour amener ce nouveau concept, nous serions d'accord, mais c'est qu'on a voulu rester à l'intérieur du droit où, évidemment, sans intérêt, on ne peut pas être partie à une action.

M. Lalonde: Remarquez que je n'ai pas à exprimer un accord. Je pense que c'est comme membre de la commission qu'il est de mon devoir d'explorer toutes les avenues et d'expliciter ce que vous suggérez. Est-ce qu'on devrait permettre, ouvrir les concepts juridiques qui existent actuellement dans le Code de procédure pour permettre à l'intervenant de ne pas avoir d'intérêt dans le cas où il s'agit d'une association qui a un intérêt plus large, qui n'aurait pas d'intérêt particulier direct dans la cause et qui n'aurait même pas de membres à l'intérieur de son groupe? Si le ministre devait nous proposer cela, on en discuterait, mais ce qui me chicotait, c'était que vous assujettissiez l'intervention au consentement d'une personne qui est déjà là, et c'est pour cela que je vous posais la question.

M. Legault: Je dois vous avouer que ce qui avait été visé par les membres qui ont préparé le mémoire, c'était effectivement ce que vous venez de décrire; ce qui nous a amenés à ajouter qu'il y ait, si on veut, le consentement du représentant. C'est peut-être parce qu'on n'a pas voulu créer... On a craint qu'à ce moment-là, cela créerait une difficulté ou des contradictions d'intérêts. Et pour reprendre l'hypothèse que le représentant représente mal le groupe, il reste toujours que d'autres membres peuvent prendre sa place. Parce que nous, si on voulait immédiatement et si on pouvait être intervenant sur son consentement... Cela éviterait peut-être un danger de complicité.

M. Marois: Si on me le permet, la question que le député vous pose, ce n'est pas tout à fait celle-là. Je pense qu'il met le doigt sur un problème qui est très réel. Ce que vous demandez, c'est un intervenant, association ou non, que cela puisse se faire avec l'accord du représentant. Ce que le député de Marguerite-Bourgeoys vous dit, et je pense qu'il a raison, de notre point de vue, c'est que si, par hasard, il s'agit d'un cas de représentant en collusion, est-ce que vous ne venez pas de vous mettre dans une joyeuse situation? C'est cela au fond.

M. Lalonde: C'est cela.

M. Legault: Si vous permettez, M. le ministre, je voudrais que vous me rappeliez ce qui nous avait arrêté, nous, et cela m'est venu tout de suite, c'est qu'il n'y aurait peut-être pas seulement des... Prenons l'exemple d'une association de consommateurs qui voudrait être intervenant et invoquerait, à ce moment-là, l'intérêt public. Il pourrait également arriver que le groupe qui veut devenir intervenant soit dans une action contre des vendeurs d'autos, une association sans but lucratif de vendeurs d'autos. A ce moment-là, si le représentant n'a pas à donner son accord, cela créerait peut-être la difficulté des contradictions d'intérêts et c'est pour cela que nous en sommes arrivés à demander l'accord du représentant. Deuxièmement, on voulait éviter une complication.

M. Lalonde: Je vous remercie de votre franchise. Vous venez aussi, je pense, de soulever une question, un problème, à savoir que, si on ouvre le concept qui est actuellement dans le Code de procédure, c'est-à-dire qu'un intérêt très large et non

pas direct pourrait permettre une intervention, un autre intervenant qui aurait un autre intérêt, mais pas nécessairement un intérêt dans le sens que vous l'entendez, pourrait être partie à la cause et ne servirait pas nécessairement les fins que vous pensez légitimes et qui devraient être servies.

Je pense que ça va nous rendre beaucoup plus prudents quand on va avoir étudié, si jamais le ministre nous le propose, une telle suggestion. Quant à moi, à ce stade-ci, je peux changer d'idée parce qu'on étudie ça actuellement, ça ne justifie pas, jusqu'à maintenant — je ne suis pas convaincu — que ce soit pour éviter le danger que vous mentionnez ou autre raison qu'on ne devrait pas assujettir l'intervention au consentement du représentant.

Enfin. Je veux passer rapidement, je vous remercie de vos réponses. Sur la question d'un fonds, qui soit disponible aux associations, que des moyens soient mis à la disposition des associations je pense que personne ne peut être contre ça. Mais je serais plutôt en faveur d'une rigueur un peu plus grande là-dessus; que le fonds soit destiné à aider ceux qui font la requête, celui qui va faire la cause. Autrement, on peut entrer dans une situation confuse et ambiguë. Que, d'autre part, d'autres programmes prévoient de l'assistance financière pour des associations comme les ACEF pour assister souvent des cas de recours collectif, parfait.

Mais, quant à moi, je préfère l'approche dans le projet de loi actuellement, où c'est très rigoureusement défini que ce fonds-là va être traité de cette façon seulement, simplement pour éviter une confusion.

Quant à vos dernières remarques relativement aux abus possibles, pour ne pas répéter ce que j'ai dit hier, quant à moi, je pense qu'on se fait des peurs pour rien. Naturellement, tout changement, surtout en ce qui concerne l'équilibre ou le déséquilibre des forces, apporte des situations de crainte de la part de certains secteurs; mais, étant donné qu'on a confié, et c'est ce que je trouve d'excellent dans ce projet de loi, l'administration de tout l'appareil à l'appareil judiciaire justement, je pense que les balises sont là pour faire en sorte que des abus possibles soient évités et qu'au contraire, soit atteint l'équilibre recherché par une telle disposition, une telle institution juridique, au fond, qui existe ailleurs; il est étrange et malheureux que ce soit à cause du formalisme de notre droit français qu'on soit bien en retard sur une institution juridique qui existe dans d'autres juridictions mais de droit anglais, parce qu'eux, à cause de leur façon d'évoluer, l'ont incluse quasi naturellement suivant les besoins, alors que nous devons légiférer pour faire le changement.

Enfin, là-dessus, je suis d'accord avec vous qu'on doit être optimistes quant à l'application d'un projet de loi qui sera amélioré; naturellement, on n'est pas rendu à l'étude article par article, mais je ne vois pas de situation d'apocalypse, simplement pour l'introduction d'une telle loi dans notre société.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, au nom de l'Union Nationale, je tiens à vous féliciter pour avoir bien voulu participer à cette commission et nous avoir présenté un mémoire si élaboré, car vous devez, sans aucun doute, avoir épluché le projet de loi plusieurs fois pour en arriver à un pareil résultat.

J'aurais peut-être deux questions à vous poser. A la page 17, vous dites, au paragraphe c): "Dans les cas où l'attribution d'une aide du fonds ne serait pas automatique, nous croyons que certains critères devraient être clairement indiqués dans le projet de loi. Aussi, il est proposé de tenir compte des éléments suivants."

Au quatrième élément, vous mentionnez: La dimension sociale et les effets pour la collectivité du jugement à intervenir.

Pourriez-vous expliciter votre point de vue concernant ce paragraphe?

M. Legault: Le quatrième paragraphe, j'avoue que dans cela, nous ne sommes pas très originaux, parce que nous avons copié les Américains. Aux Etats-Unis, il n'y a pas de fonds public, mais des fonds privés. En feuilletant certains organismes privés qui donnent des fonds pour le recours collectif, parmi les conditions qu'on retrouve souvent, c'est de cet ordre. Dans un recours collectif, ils sont prêts à allouer un fonds, par des organismes privés, à des gens qui veulent faire un recours collectif, alors qu'il y a un intérêt qu'on peut appeler public, une dimension sociale.

Ce n'est pas d'une grande originalité. Mais il faut comprendre le pourquoi, le type de recours collectif. On veut répandre cela. On pose l'hypothèse où il y a plusieurs personnes qui sont aux prises avec un problème, soit de réclamation ou autre. C'est vraiment pour nous un critère qu'on devrait retenir. Dans des causes de nature privée, il y a peut-être d'autres éléments qui peuvent jouer.

M. Cordeau: A mon point de vue, ce serait la façon d'évaluer; la difficulté viendrait de la façon d'évaluer.

M. Legault: Je suis d'accord avec vous là-dessus.

M. Cordeau: A la page 21, vous mentionnez, à la fin, concernant l'article 1003: Le recours collectif ne peut être refusé. Vous voulez qu'il y ait un paragraphe ajouté. Vous mentionnez "Le recours collectif ne peut être refusé pour la seule raison que le fondement juridique ou la source légale, contractuelle ou délictuelle, du recours de chaque membre du groupe soit distinct ou ne soit pas le même. Nous croyons qu'un tel amendement enlèverait une difficulté rencontrée dans l'interprétation des articles 59 et 67". Peut-être que M. Clair pourrait répondre.

Ma question est la suivante: Quel est le point de vue du gouvernement concernant cette suggestion? Est-ce que cela apporterait quelque chose ou si vous croyez que le projet de loi est assez explicite?

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Drummond.

M. Clair: Sur une question comme celle-là, je préférerais laisser répondre le ministre lui-même.

M. Legault: On va attendre le ministre.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sherbrooke.

M. Cordeau: Peut-être que M. le ministre pourra répondre tantôt.

Le Président (M. Marcoux): Oui, vous soulèverez la question.

M. Legault: On va retenir la question.

M. Cordeau: On pourra revenir. Si vous le permettez, j'en aurais une troisième. C'est plutôt une observation. Tantôt, vous avez demandé à ce que les associations reçoivent un fonds bien spécifique en vue de réclamations. Mais qu'arriverait-il du fonds, si à un moment donné on vous donnait un fonds d'aide, à chaque année, pour faire face aux éventualités possibles et que vous ne l'utilisiez pas parce que vous n'auriez pas eu de demandes durant cette année, qu'il n'y aurait pas eu de réclamants?

M. Bilodeau (Robert): En fin de compte, quand on amenait l'hypothèse, la recommandation qu'on donne des subventions aux associations de consommateurs, d'une part, on se référait aussi à la pratique américaine où, effectivement, des associations de consommateurs ont pu se subventionner en faisant des recours collectifs, mais cela a aussi eu pour conséquence que ces associations ont cessé toute autre forme d'activités et se sont strictement spécialisées à ne faire que du recours collectif. On trouvait cela malheureux que des associations qui ont d'autres champs d'activités que d'aider le recours collectif cessent leur pratique.

C'est pour cela qu'on demandait une subvention uniquement pour l'aide au recours collectif. Dans l'hypothèse que vous émettez — et je pense que la pratique va nous le dire — si, par exemple, on reçoit des subventions annuelles spéciales uniquement pour cela et qu'on doive tenir un budget distinct pour cette subvention spéciale, le gouvernement pourra toujours évaluer à la pratique, si les subventions qu'il donne ont été entièrement dépensées l'année précédente par un recours collectif où il y aura lieu de rajuster les subventions, tenant compte de la pratique.

M. Cordeau: Je vous remercie. M. le ministre, pour terminer. (16 h 35)

M. Marois: Très rapidement, seulement un commentaire. Je pense qu'on aura à y revenir à l'examen article par article. Vous me demandez de réagir, sur le coup, à un texte. Je veux examiner le texte comme il faut. Je pense que cela vaut le coup. Il faut scruter cela. Quand c'est du jargon juridique surtout, il faut faire attention. Si cela avait pour conséquence d'ouvrir la porte, en même temps, dans un même recours, c'est-à-dire d'y donner comme point d'ancrage, en même temps, du quasi-délit et du contractuel, je me poserais de sérieuses questions. Si cela recoupe l'article 1003a, c'est peut-être différent, mais c'est à voir. Cela nous ramène aux discussions qu'on a eues depuis plusieurs jours avec plusieurs groupes sur les expressions identiques, similaires, connexes, aussi la liaison avec le paragraphe b). Je pense que pour l'instant je ne peux pas en dire plus que cela.

M. Cordeau: Merci!

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: M. le Président, d'une part, je m'excuse d'être présent un peu par hasard à la commission.

Le Président (M. Marcoux): Vous êtes le bienvenu.

M. Gosselin: Ce n'est pas parce que le sujet ne m'intéresse pas. Effectivement, on a une pratique de combat contre plusieurs fraudes qui ont sévi dans nos régions. Evidemment, c'est un sujet qui me préoccupe beaucoup.

Je veux remercier les membres de l'ACEF qui sont ici présents. Je veux signaler que la Loi sur le recours collectif était vivement attendue depuis plusieurs années et qu'il n'y a pas actuellement dans notre société de commune mesure entre le degré d'isolement, les forces de consommateurs et le niveau quasiment arbitraire par lequel les commerçants peuvent inonder le marché de n'importe quel produit douteux sans qu'il existe dans notre marché de consommation des réflexes et des structures de regroupement qui pourraient permettre un quelconque équilibre des forces.

Cela m'amène à un des points soulevés par le groupe, à savoir qu'il est nécessaire — peut-être pouvons-nous l'inscrire dans ce projet de loi — que les associations volontaires de protection du consommateur soient fermement supportées pour réaliser au-delà des poursuites— en cas patents de fraude signalée — pour réaliser des regroupements de consommateurs, un peu dans tous les milieux et pour réaliser surtout l'éducation à la consommation.

Il est bien évident qu'il existe des ressources diverses, à l'éducation des adultes ou au chapitre des dépenses du ministère des Consommateurs, aux fins de subventions des groupes. Permettez-moi de dire que c'est fort peu proportionnel aux besoins qu'auraient les consommateurs d'être mieux informés, d'être regroupés au sein des as-

sociations et que les montants qui sont disponibles ne permettent vraiment pas de soutenir, de susciter des organisations de consommateurs qui pourraient se développer pour réaliser cet équilibre.

Je voudrais simplement dire qu'il est tout aussi important de développer l'éducation à la consommation, si on veut que des dispositions comme celles du présent projet de loi soient applicables. A cet égard, je me demande même si, à l'article 5, l'article au chapitre II qui traite de la création du fonds d'aide au recours collectif, d'une manière statutaire, le fonds d'aide au recours collectif ne serait pas, en même temps, tout au moins pour une proportion des montants d'argent libérés dans ce fonds, affecté au financement d'opérations d'éducation à la consommation que pourraient avoir à faire des organisations volontaires de protection du consommateur.

A mon avis, c'est très justifiable qu'on procède ainsi, parce que c'est à même les mises de fonds libérées ou récupérées par l'Etat, suite à des pratiques frauduleuses, qu'on pourrait vraiment accroître la marge de possibilité d'un véritable effort, un effort soutenu dans nos populations, d'éducation à la consommation.

J'interroge plutôt le ministre là-dessus, sur la possibilité d'inscrire des choses comme cela à l'intérieur du projet de loi. Est-ce que le degré actuel d'appui apporté aux associations par d'autres voies lui semble satisfaisant? En tout cas, j'aimerais que le ministre m'éclaire.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: Je ne veux pas m'étendre longuement. On a évoqué un petit peu cette question. Si on avait même à voter, j'ai l'impression qu'on aurait presque l'unanimité pour reconnaître que le soutien financier sous forme de subventions, peu importent les sources d'approvisionnement ou de rentrées de ces fonds, il y a les taxes, il y a le fonds d'aide ou des reliquats, peu importe, aux groupes, je pense bien qu'à l'unanimité, on conviendrait — et il faudrait que ce soit quelque chose de plus que de convenir et qui, à un moment donné, verse dans la réalité — de soutenir financièrement de façon plus importante les organismes de protection du consommateur. J'ai indiqué que, dans l'année qui s'est écoulée, de mémoire, je donne les chiffres sous réserve, je pense que c'est $190 000 de plus, globalement, ce n'est pas énorme en soi, loin de là, qu'il faut continuer dans cette veine, pour faire le travail que vous avez évoqué et le travail de base que font des groupes comme ceux-là. Ce sur quoi je m'interrogeais, parce que cela peut prendre différentes formes, c'était sur la recommandation précise de puiser à même le fonds d'aide une subvention spéciale. J'avoue honnêtement que, quant à cette façon, quant à cette modalité d'y arriver, je suis porté à avoir plutôt le même genre de réaction spontanée que le député de Marguerite-Bourgeoys. C'est dire que je pense que, quant au fonds, il faut l'aborder avec beaucoup de rigueur dans les critères. Ceci n'exclurait cependant peut-être pas — et là, je réfléchis tout haut plutôt qu'autre chose — dans la mesure où une association, un groupe est requérant, peut-être qu'il serait possible, et je me demande, d'ailleurs, si ce n'est pas l'économie générale du projet de loi, mais sous réserve de l'examiner attentivement — que ce groupe soit admissible au fonds d'aide, comme n'importe quel autre requérant, pour les fins bien spécifiques de tel et tel recours. Ce serait aussi sans compter des sommes, des subventions beaucoup plus importantes qui proviendraient des programmes normaux de subventions aux organismes, pour leur permettre de faire le travail de soutien, de regroupement, d'animation, d'information du milieu sur une base beaucoup plus permanente qu'à l'occasion d'un recours collectif.

M. Bilodeau: M. le ministre, pour apporter un éclairage là-dessus à votre réflexion et pour ne pas nécessairement prendre l'argent à même le fonds d'aide ou ne pas prendre l'argent à même des subventions statutaires gouvernementales, des organismes se sont demandé à plusieurs reprises quoi faire avec le reliquat. On pourrait peut-être vous suggérer qu'une partie du reliquat serve justement à financer les associations de consommateurs.

M. Marois: Si on me permet seulement une remarque là-dessus, tel qu'est libellé le projet de loi présentement — je n'ai pas l'article du reliquat sous les yeux — mais sur représentation des parties, le juge attribue — c'est l'article 1036 — dispose du reliquat de la façon qu'il détermine, et en tenant compte notamment de l'intérêt des membres, après avoir donné aux parties et à toute personne... Ce n'est pas exclu... Il me semble que l'ouverture qui est là, sur représentation faite au tribunal, pourrait vraisemblablement, dans certains cas, amener le tribunal à tirer cette conclusion sur une recommandation qui serait faite. Cela s'est vu dans l'exercice de certains recours collectifs, certainement aux Etats-Unis — de mémoire, j'ai des cas en tête — mais, dans les autres provinces, de mémoire, je ne me souviens pas, mais possiblement aussi.

M. Richard (Julien): M. le Président, j'ai commis tout à l'heure une erreur impardonnable, si vous me permettez, je vais la corriger. C'est que nous avions l'appui de la Centrale de l'enseignement du Québec, la CEQ, pour ce mémoire, mais originalement, quand on l'a écrit, on n'avait pas encore eu la réponse. Alors, là nous l'avons eue et on vous confirme que la CEQ nous appuie dans ce mémoire.

Le Président (M. Marcoux): Ce sera consigné au journal des Débats.

M. Lalonde: Quant à moi, cela ne change pas le bien-fondé de vos représentations.

M. Richard (Julien): Non. Mais cela ajoute peut-être.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie beaucoup les membres des ACEF de la rive sud, de Québec, de Granby et de l'Estrie de la présentation de leur mémoire.

J'inviterais maintenant l'Association des petits propriétaires unis de Chambly (Urbania), à venir nous présenter son mémoire. C'est le mémoire 7.

Association des petits propriétaires unis de Chambly (Urbania)

M. Déry (Jacques): Nous sommes ici trois représentants de l'Association des propriétaires unis de Chambly. En réalité, il devrait y avoir une dizaine de représentants, mais ils sont retenus à leur travail, c'est pour cette raison qu'il leur est impossible d'être présents. Il y a à ma gauche, M. Rosaire Lachance qui est représentant. Je suis Jacques Déry, et André Legault est notre conseiller juridique.

Pour vous donner une idée, notre association est composée d'un groupe de consommateurs qui défendent leurs intérêts depuis plusieurs années dans le domaine de la consommation et, plus particulièrement, dans le domaine de la spéculation foncière. Il y avait, il y a plusieurs années, plus de 300 personnes concernées, mais nous étions, à notre dernière assemblée générale, 60 à être représentés et à être actifs.

Dans notre mémoire, il est possible qu'il y ait quelques commentaires identiques à ceux des ACEF. Il y a des raisons à cela puisque nous défendons des intérêts semblables et que nous avons travaillé avec l'ACEF de la rive sud depuis plusieurs années.

L'Association des petits propriétaires unis de Chambly veut d'abord exprimer clairement un profond accord avec les principes du projet de loi sur le recours collectif. Pour nous, une telle loi est pour le moins attendue depuis 1974, soit depuis le début de notre bataille juridique et politique contre les compagnies en cause qui nous ont fraudés et indûment exploités. Compte tenu que nous sommes présentement en cour pour certains de nos membres, relativement à cette affaire, nous ne pouvons, selon la justice, faire de commentaires directement sur les faits de notre cause.

Nous parlons en connaissance de cause. Si pour certaines personnes le recours collectif n'est pas une nécessité ou un instrument de droit pratique pour faire valoir efficacement ses droits, pour nous, il représente le moyen rapide et efficace, à défaut d'autres meilleurs, dans des circonstances comme celle dans laquelle nous nous trouvons. Les 300 personnes que nous représentons ne sont pas prêtes à laisser passer ce recours.

L'expérience de plus de trois ans et demi dans notre dossier nous a permis de constater que, tant pour nous que pour tous les autres groupes concernés dans de semblables affaires, la procédure du recours collectif aurait été, et serait toujours, un des bons instruments de droit, pas le seul, mais néanmoins peut-être le meilleur.

L'absence du recours collectif est toujours, pour nous de même que pour plusieurs autres groupes, un réel déni de justice. De plus, si nous exprimons fortement notre accord avec d'autres pour ce recours collectif, c'est qu'il y est associé un fonds d'aide. Nous avons constaté sur le terrain, durant toutes ces années de lutte, que le nombre et les ressources financières sont le nerf de la guerre. (16 h 50)

La venue du recours collectif, sans des ressources nécessaires, voire plus particulièrement financières, pour le mener à terme n'est qu'une illusion.

C'est donc avec plus de ferveur que nous accueillons ce projet de loi par lequel sera créé un fonds d'aide pour permettre efficacement et réellement l'exercice du recours collectif. Aussi, nous voulons d'emblée souscrire aux commentaires exprimés dans le mémoire de l'ACEF de Rive-Sud, de Québec, de Granby et de l'Estrie sur le projet de loi relatif au recours collectif. Nous les faisons généralement nôtres.

Par ailleurs, nous désirons exprimer plus particulièrement notre opinion sur les trois points suivants: la nécessité d'un réel accès au recours collectif, les conditions d'application au recours collectif et la portée sociale du projet de loi.

L'accès au recours collectif doit être réel. Il ne suffit pas d'instituer le recours, encore faut-il en permettre son accès et son exercice. De même, la création d'un fonds d'aide au recours collectif ne garantit pas que sera attribuée une aide à un éventuel représentant au recours collectif. Toute personne qui a vécu l'expérience de réunir plusieurs autres personnes concernées par une même cause et d'en constituer un dossier complet comprendra ou se souviendra qu'il faut beaucoup de ressources pour suffire à la tâche.

Le processus d'exercice des recours collectifs, surtout lorsqu'il soulève des points complexes, s'insère dans une pareille démarche et nécessite obligatoirement des ressources financières. Que l'objet du recours soit d'une valeur moindre qu'une dizaine de dollars ou qu'il soit de plusieurs centaines de dollars, les coûts seront souvent aussi exorbitants, notamment en matière d'exploitation ou de fraude dans le domaine de la consommation ou pour des vices cachés sur des biens.

Pour l'APUC, d'une part, il devrait y avoir universalisation de l'attribution automatique d'aide au recours collectif ou, pour le moins, l'attribuer lorsque les réclamations sont de l'ordre de $500 ou moins, si prises individuellement. D'autre part, la constitution du fonds d'aide devrait être suffisante et haussée suivant la demande, non limitée arbitrairement. Le budget alloué au fonds d'aide devrait se comparer avantageusement à certains services gouvernementaux de protection.

Enfin, les critères d'attribution devraient être définis plus clairement dans la loi et non pas laissés à la réglementation ou l'arrêté en conseil uniquement. Le projet de loi sur le recours collectif démontre la volonté du ministre d'Etat au développement social d'en faire un recours accueilli. Mais selon nous, d'autres pas devraient être faits

et des amendements apportés pour réellement permettre son accès.

Les conditions d'application au recours collectif semblent larges et simples. Toutefois, on n'a pas à rappeler longuement la sagesse ou le conservatisme des tribunaux dans l'application ou l'interprétation des lois nouvelles. Pour l'Association des propriétaires unis de Chambly, des amendements devraient être apportés à l'article 1003, en s'inspirant, d'une part, du mémoire de l'ACEF de Rive-Sud, de Québec, de Granby et de l'Estrie, sur le sujet et, d'autre part, de l'article 23 du Federal Rule of Civil Procedure.

Pour l'Association des propriétaires unis de Chambly, une plus grande légitimité devrait être accordée aux intervenants. Le projet est plutôt muet sur le rôle et les obligations de l'intervenant.

Enfin, nous sommes généralement d'accord avec la souplesse de la procédure prévue par le projet de loi. Les mesures qui ressortent ne risquent pas, selon nous, de laisser le déroulement du recours sombrer dans l'anarchie. Pour l'Association des propriétaires unis de Chambly, la défense et la protection des droits progressent lorsque les citoyens s'en mêlent. Le projet de loi sur le recours collectif va dans ce sens. Le recours collectif doit rester dans les mains des citoyens. Le recours collectif aura une réelle et efficace portée sociale s'il est appliqué sous l'initiative des citoyens. Le recours privé est préférable à une concentration des pouvoirs entre les mains des agents de l'Etat. Pour le croire, on n'a qu'à penser aux faibles et ridicules demandes imposées en matière d'infraction aux lois qui protègent les consommateurs et au taux peu élevé de poursuites, malgré le nombre imposant de plaintes, de requêtes ou de démarches en ce sens.

Ce n'est pas sans raison que certains commerçants s'agitent à propos de ce projet de loi. Les recours collectifs joueront deux rôles principaux: L'un de permettre la reconnaissance d'un droit ou la compensation; l'autre de prévenir des abus ou la poursuite d'abus. La réelle portée sociale du projet de loi est donc de rétablir un certain équilibre de forces, de sortir les citoyens ou les consommateurs de leur isolement vis-à-vis des corporations et des monopoles, de rendre une justice collective de même qu'individuelle, de favoriser un net accès aux instruments judiciaires pour freiner certaines pratiques en lieu et place des organismes spécialisés, ni leur défaut ou lenteur d'agir.

La crainte d'abus soulevée par certains détracteurs du projet de loi n'est nullement fondée. Le recours collectif est suffisamment encadré en vertu du projet de loi tel que présenté. Si, pour ces détracteurs, il n'y avait pas besoin d'un tel recours collectif pour enrayer les fraudeurs, on pourrait se demander au nom de qui ils parlent.

Pour l'Association des propriétaires unis de Chambly, les principes du projet de loi doivent donc être maintenus en totalité. Si les législateurs devaient céder aux pressions des cnn-imerçants, corporations et monopoles, on ne ferait que perpétuer des "dénis de justice" et faire la preuve qu'on ne veut pas donner les instruments efficaces et utiles aux citoyens et consommateurs pour exercer leurs droits.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de la présentation de votre mémoire. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je pense qu'il est particulièrement intéressant pour les membres d'une commission comme la nôtre de recevoir les porte-parole d'un groupe de citoyens qui ont vécu dans le concret des problèmes très précis et sont "embringués", comme on dit, dans le déroulement de la justice pour essayer d'obtenir justice sur la base des prétentions qu'ils ont à soutenir devant le tribunal. Je pense que c'est un témoignage qui a une coloration très particulière en ce sens-là et je tiens à remercier les porte-parole de l'association d'avoir pris la peine de préparer un mémoire et de venir nous rencontrer à la commission parlementaire.

Comme votre mémoire, par ailleurs, se situe dans le prolongement de celui dont on vient de discuter, je voudrais, pour l'instant, m'en tenir à deux questions et peut-être une remarque. Je commencerai par la remarque. A la page 5 de votre mémoire, vous parlez de la portée sociale du projet de loi et, entre autres, vous évoquez cette idée que le recours "privé " est préférable à une concentration des pouvoirs et le reste. Bien sûr, je comprends certainement que vous ne nous suggérez pas d'abolir les sanctions pénales, comme on dit, loin de là. Je pense plutôt comprendre que, s'il y avait une poussée à faire, ce serait de faire les ajustements à la hausse qui pourraient s'imposer du côté du pénal, mais je crois comprendre que ce que vous nous indiquez, il me semble que cela recoupe l'esprit et, j'espère, l'économie générale du projet de loi, c'est-à-dire essentiellement cette idée que, dans une société, on peut et on doit, si on est une société un peu civilisée, redistribuer les sous, l'argent des citoyens, pour essayer d'arriver à quelque chose qui soit plus équitable, plus juste, mais aussi qu'on doit peut-être de plus en plus développer cette perspective de redistribuer du pouvoir, c'est-à-dire aller dans le sens d'instruments qui permettent aux gens d'être responsables et, en ce sens, je pense que j'accepte d'emblée les commentaires que vous faites.

Pour revenir aux deux questions que je voulais formuler, la première concerne une remarque que vous faites à la page 3 de votre mémoire, au troisième paragraphe, où vous parlez de l'universalisation de l'action d'aide au recours collectif ou pour le moins l'attribuer lorsque les réclamations sont de l'ordre de $500 ou moins, si prises individuellement. Je ne suis pas certain de très bien comprendre et je veux être sûr de bien comprendre ce que vous évoquez, parce que je me demande, au fond, quel lien vous faites entre... Je présume, c'est pour cela que je ne suis pas certain.

Quand vous évoquez les $500, en tenant compte de l'ensemble de l'économie générale des

quelques paragraphes qui sont là, je me demande si vous ne faites pas allusion au tribunal des petites créances et quel lien vous faites entre ça et le recours collectif et le fonds d'aide aux recours collectifs. C'est ma première question.

Vous revenez sur des commentaires dont les quatre ACEF qui se sont présentées nous ont fait part tout à l'heure, en page 4, au chapitre II, aux amendements qui nous sont suggérés à l'article 1003, qui est l'article qui détermine les critères permettant aux juges d'apprécier la recevabilité ou la non-recevabilité d'une requête pour autoriser le recours collectif. Ce que j'aimerais que vous nous disiez, ce qui est important pour nous, au-delà du jargon juridique, à propos des amendements que vous nous proposez, c'est quelles sont les raisons profondes qui vous amènent à les proposer. Est-ce que je vous interpréterais bien en disant, c'est la question que je vous pose, que vous craignez que les critères tels que formulés à l'article 1003 soient des critères trop restrictifs? Dans le paragraphe précédent, vous rappelez longuement la sagesse ou le conservatisme — on peut le prendre comme on veut — des tribunaux dans l'application ou l'interprétation des lois nouvelles.

Est-ce que je vous comprends bien en ramassant ça autour d'une crainte que les critères, tels que formulés, soient à votre point de vue trop restrictifs? C'est ma deuxième question.

M. Legault: Si vous permettez, je vais répondre. C'est évident que, tel que le ministre l'a invoqué, les choses qui sont prises dans ce document, notamment les deux invoquées, sont effectivement reprises par l'association dont je suis conseiller juridique, qui apparaissaient pour les ACEF.

Sur le second point, pour parler immédiatement de l'hypothèse de l'article 1003, on se posait la question. Est-ce que le paragraphe a) est une condition qui peut seule suffir, avec celle des représentations adéquates, pour pouvoir exercer le recours ou s'il ne faut pas — ce qu'on ne voudrait pas — plutôt que les paragraphe a), b) et c) soient présents ensemble, parce que, pour nous, les paragraphes a) et b) se contredisent?

M. Marois: II y a une chose que je peux dire, c'est que la lecture même du texte nous indique que les conditions requises sont les conditions a), b) et c), l'ensemble des conditions. Ce n'est pas I'une excluant l'autre.

M. Legault: C'est là que se pose le problème pour nous, en reprenant le sens du mémoire des ACEF, les expressions employées, les termes juridiques même de a) ne sont pas les mêmes que ceux auxquels on fait référence à b), soit les articles 59 et 67. On parle notamment, à l'article 1003a, de similarité, d'identité et de choses connexes, tandis qu'aux articles 59 et 67, l'interprétation va un peu trop souvent dans ce sens. C'est pratiquement l'identité. A l'article 59, ce sont des choses communes, donc c'est le cas d'un accident d'auto où tout le monde a le même intérêt et, à l'article 67, qui parle de réunions d'action, on ne parle pas de similitude. C'est plutôt l'identité...

M. Marois: C'est-à-dire que l'article 67... M. Legault: A l'article 67, si je reprenais...

M. Marois: A l'article 67, ce sont des recours qui ont le même fondement juridique.

M. Legault: On parle d'identité...

M. Marois: Ou qui soulèvent les mêmes points de droit et de fait.

M. Legault: Et, à ce moment-là, la petite différence, les tribunaux l'ont bien indiqué, c'est qu'identité veut bien dire identité, similitude n'est pas identité. A ce moment-là, pour nous, le paragraphe a) est beaucoup plus général et permettrait l'exemple que je vais donner. Supposons le cas où plusieurs personnes, à des jours différents, vont chez un commerçant et achètent un bien à l'intérieur duquel il y aurait un vice. Est-ce que ces gens pourraient prendre action, même si on soutenait qu'ils ont tous acheté des jours différents, avec des contrats différents?

M. Marois: Tel que l'article 1003 est libellé? M. Legault: Tel que l'article 1003 est libellé.

M. Marois: La réponse est certainement oui. L'exemple qui est revenu parfois, j'ai l'impression qu'on va en parler d'ici à la fin de la soirée, c'est l'automobile, c'est le cas de l'automobile. (17 h 5)

On peut facilement penser au cas d'une marque de voiture ou d'un modèle de telle année qui est marqué de vices et de défauts cachés. Je ne vois pas comment, tel que l'article 1003 est libellé présentement, un juge pourrait dire: Je ne reçois que ceux qui ont acheté le 7 mars 1978, les autres du 8, du 9, du 20...

M. Legault: On parle de sagesse et de conservatisme. C'est à ce niveau que cela se situe peut-être. Quand on voit une difficulté d'interprétation, on pense à sagesse et conservatisme.

M. Marois: Je comprends votre préoccupation.

M. Legault: Je m'excuse, le premier argument que vous aviez apporté, c'était à propos des $500. Je pense que M. Jacques Déry aurait pu bien y répondre. Effectivement, le gros — cela ne touche peut-être pas les gens qui sont concernés ici parce que ce sont des montants beaucoup plus élevés, qui sont de l'ordre de plus de $2000 — normalement, les recours où il y a vraiment un besoin de soutien, c'est pour des objets souvent d'une valeur moindre. A ce moment-là, c'est peut-être là où il y a le plus lieu de recours. On présume alors que l'expertise qui va arriver à prouver que l'objet est défectueux, par exemple un rasoir électrique ou une cuisinière, va être à un prix tellement exorbitant pour un consommateur que, d'une part, il y a lieu à un recours collectif,

mais également, même s'il y avait plusieurs personnes, l'expertise, dans le domaine électronique, se fait à des coûts très élevés. Même ajouter un nombre de personnes, cela ne donne pas plus d'argent aux personnes. C'est le problème de preuve qui existe pour nous. S'il n'y avait pas une difficulté de preuve, de moyens financiers, qui...

M. Marois: Si vous me permettez de vous interrompre, M. Legault, pour être sûr que je comprends bien, encore une fois, parce que ce que vous évoquez là, c'est un parfait exemple que le montant de la réclamation individuelle, à la fin du jugement, soit $4.98 — je reviens à mon exemple qui m'obsède, des antennes de télévision qui avaient la particularité de ne pas être capables de capter le premier lancement de bout d'onde — ou que ce soit un téléviseur couleur, il y a une preuve technique, c'est évident. C'est dispendieux. C'est pour cela que, notamment, on introduit le fonds d'aide. Mais en ce sens, le fonds d'aide, que ce soit pour des petits montants ou pour d'importants montants en jeu...

M. Legault: On dit justement qu'on est d'accord. Ce qu'on dit c'est que dans ce cas-là, lorsque les montants sont inférieurs à $500, on devrait l'accorder automatiquement, sans vérifier les finances de chacun des membres. C'est cela. A cela, on va peut-être invoquer que les petites créances permettent de limiter les frais pour les gens qui y vont eux-mêmes. Que vous alliez aux petites créances sans qu'il n'y ait des frais d'avocat, il va toujours y avoir des frais d'expertise.

Deuxièmement, quelqu'un qui aurait peut-être un cas où il irait en recours collectif, cela va lui coûter sûrement meilleur marché d'aller aux petites créances que de faire un recours collectif. A ce moment-là, on dit que si les gens sont empêchés d'aller vers un recours collectif, parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers, ils vont, soit ne pas prendre de recours, ou simplement aller tout de suite aux petites créances. Donc, cela va être une action et non pas une action collective. On le met donc dans l'angle. Il y a un besoin d'argent dans ces causes.

M. Marois: Je comprends très bien votre préoccupation maintenant. Mais je ne vois pas, à moins que vous ne m'indiquiez le contraire, à la lecture des critères du fonds, où il est indiqué que le fonds va avoir à apprécier la capacité financière de chacun des membres d'un groupe.

M. Legault: A ce moment-là, je vous avoue...

Une Voix: Quel article?

M. Legault: C'est l'article 20 ou 22.

M. Marois: C'est l'article 22.

M. Legault: Dans l'article 20, par exemple, si vous prenez le deuxième paragraphe...

M. Marois: Oui.

M. Legault: ... dans la déclaration que le réquérant peut faire, il déclare aussi son état financier et celui des membres du groupe qui se fait connaître. On parle beaucoup d'états financiers dans cet article.

M. Marois: Oui.

M. Legault: Evidemment, c'est à l'article 22 qu'on parle de l'étude.

M. Marois: Oui.

M. Legault: Le problème, c'est que l'interprétation ne se fait peut-être pas uniquement par l'article 22. On va indiquer sûrement, lors d'un recours semblable concernant les antennes de télévision, le coût de l'antenne, ce que cela entraîne, mais également ce que les gens qui veulent faire le recours ont comme moyens financiers. Il y a un discrétionnaire qui va se jouer là.

M. Marois: Je comprends. C'est noté. M. Lalonde: Je suis votre témoin.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je voudrais remercier le groupe qui est venu faire profiter la commission parlementaire de son expérience tout à fait particulière, l'Association des petits propriétaires unis de Chambly.

Je voudrais soulever deux points que vous avez touchés, mais d'une façon qui ne me paraît pas très claire. Le premier, c'est en haut de la page 4 où vous dites: "Enfin, les critères d'attribution devraient être définis plus clairement dans la loi et non pas laissés à la réglementation ou l'arrêté en conseil uniquement." Vous référez au fonds d'aide dans ce paragraphe.

On vient justement, à la fin de vos propos, en réponse aux questions du ministre, de référer à l'article 22. Il n'y a pas de critères d'attribution. On pourra étudier cela à un autre niveau de notre étude du projet de loi... par référence, comme vous l'avez fait à l'article 20 où on suggère que, par exemple, le requérant doive déclarer son état financier; donc on présume qu'on doit tenir compte de ses moyens financiers. Il reste que le fonds étudie la demande du requérant, peut entendre le requérant et déterminer s'il attribuera l'aide en évaluant si, sans cette aide, le recours collectif peut être exercé ou continué. On donne un cadre, on ne donne pas de critères précis.

Si vous aviez des critères à suggérer, lesquels seraient-ils?

M. Déry: Pour les critères... Dans le passé, si on avait un recours collectif, prenons un groupe de vingt ou de cinquante personnes; des personnes, dans ce groupe — pour donner un exemple de l'aide juridique — sont admissibles et d'autres ne sont pas admissibles; le cas était refusé, parce que plusieurs personnes n'étaient pas admissibles à ces critères à cause d'un salaire trop élevé.

Par contre, il y en avait, dans ce groupe, qui étaient admissibles. Si la Loi sur le recours collectif nous donne le droit d'intenter une action et que le fonds d'aide n'est pas accessible, cela revient comme avant, parce qu'on n'a que nos propres moyens financiers pour défendre la chose. C'est dans ce sens que nous trouvons qu'il n'y a pas de montant, ni de suggestion pour le fonds d'aide.

M. Lalonde: Vous n'avez pas de proposition précise à faire, mais vous soulevez le fait qu'il n'y a pas de critères.

M. Déry: C'est cela.

M. Lalonde: Actuellement, vous suggérez qu'il y en ait?

M. Legault: Ce que donne M. Déry, justement, je pense qu'un des problèmes... La comparaison est toujours avec l'aide juridique. On indique même qu'il devrait y avoir un membre suggéré par l'aide juridique. Les membres du groupe l'ont vécu. Lorsqu'on a à se présenter devant ce type de tribunal administratif où les directives sont inconnues et internes, où la réglementation est souvent très réglementaire, je veux dire que c'est une discrétion extraordinaire. Vous comprenez également le voeu de l'ACEF et du groupe indiquant que les membres qui font partie de ces comités soient des gens un peu plus ordinaires que seulement des avocats. Je pense que c'est ce point de vue de réglementation et de choses cachées pour ce qui a trait aux directives et aux réglementations.

M. Laionde: Si je comprends bien, s'il y a des critères, vous voulez qu'ils soient connus dans la loi. Je pense que vous avez raison là-dessus. On confie trop souvent — les anciens gouvernements ont été aussi coupables que les autres là-dessus — une responsabilité législative à la législation déléguée, c'est-à-dire au règlement. Il faut le faire dans un état moderne, mais vous suggérez qu'il y en ait et que ce soit mis dans la loi.

M. Legaut: C'est cela.

M. Lalonde: Je comprends que vous n'ayez pas de suggestions précises à faire, par exemple que dans le cas d'un tel montant d'argent, ce ne soit pas accordé et que dans tel autre, ce soit accordé, ou de telle valeur au niveau de l'état financier du bonhomme.

M. Legault: Ce qu'on a suggéré, c'est un peu, j'imagine, ce qui a été mentionné: un montant de $500 comme un critère automatique. L'autre cas, dans le mémoire de l'ACEF et que le groupe APIC reprend, c'est l'énumération au moins, au fonds, des quatre, les a), b), c), d) qui sont certains critères.

Mais nous avouons cependant que nous ne nous sommes pas arrêtés à voir la réglementation. Nous voulons au moins poser le principe et nous assurer que la réglementation — c'est pour cela qu'on veut qu'elle soit dans la loi — correspond au principe, parce qu'il nous apparaît que, dans bien des organismes administratifs, il y a la loi, la réglementation et souvent les principes se sont perdus, rendus à la directive interne.

M. Lalonde: Au-delà même des règlements, il y a des directives internes et leurs propres habitudes, bonnes ou mauvaises.

M. Legault: Qui sont souvent inconnues.

M. Lalonde: Je vous remercie. La deuxième question a trait à la page 4, aux amendements qui devraient être apportés à l'article 1003, en s'inspi-rant, d'une part, du mémoire des ACEF et, d'autre part — nous avons vu le mémoire des ACEF — de l'article 23 de la "Federal Rule of Civil Procedure ". J'ai consulté cette règle no 23, qui est assez considérable. Elle a une page et demie dans la publication à laquelle vous vous référez. Est-ce que vous pourriez spécifier davantage comme, par exemple, sur les prérequis? On dit ici: "One or more members of a class may sue or be sued as represented of parties on behalf of all only if"; premièrement: "The class is so numerous that joining all the members is impracticable." Le critère du nombre assez grand, on ne le retrouve pas dans l'article 1003. Cela a déjà été mentionné par d'autres, je pense, ici, à moins que je ne fasse erreur. Est-ce que vous suggérez qu'on l'ajoute à l'article 1003?

M. Legault: Dans la question posée, évidemment, on fait référence au mémoire de l'ACEF et à la Federal Rule of Civil Procedure. Ce que nous voulons indiquer, c'est qu'évidemment, on n'a pas à reprendre les principes qui sont déjà acquis dans l'article 1003, la représentativité, la règle américaine fédérale, la pause. Dans le fond, il y a peut-être un ou deux éléments à retenir d'une façon conjointe avec le document de l'ACEF. C est toujours le même élément. L'article 1003 nous apparaît assez large comme application, mais on veut s'assurer qu'il demeure large. A ce moment, on ne veut pas tomber dans l'application d'une règle plus stricte par les tribunaux. C'est toujours à peu près la même chose qui nous revient. Donc, lorsqu'on voit qu'il y a un défaut d'interprétation, on préfère que la loi le fasse que de laisser cela aux tribunaux parce que, souvent, une loi vient, semble-t-il, après une décennie. Donc, si tous les membres, lorsqu'ils vont être en Chambre, arrivent à la conclusion que c'est clair, ce que veulent dire les paragraphes a), b), c), tant mieux. S'il y a des interprétations douteuses, corrigeons-les immédiatement.

M. Lalonde: On ne laisse pas aux tribunaux le soin de légiférer. C'est aux législateurs de déterminer la loi.

M. Legault: C'est l'intérêt pour nous de faire des références.

M. Lalonde: Les tribunaux l'appliqueront. Un autre organisme avant vous, je pense que c'est le

Barreau — il faudrait que je vérifie — a suggéré qu'on remplace le premier paragraphe ou enfin le critère tel que décrit dans le premier paragraphe de l'article 1003 — je ne l'ai peut-être pas "verbatim"— par des questions de droit et de fait commun. Je retrouve ici, dans la règle 23, comme deuxième prérequis, je lis: "There are questions of law or fact common to the class. " Cela ressemble beaucoup, si on traduit littéralement, à cette suggestion qui avait été faite par l'autre organisme. Vous avez soulevé, je pense, quelques doutes sur le bien-fondé du critère de l'article 1003, le premier paragraphe, c'est-à-dire: Les recours soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes. Est-ce que vous préféreriez l'autre critère, question de droit et de fait commun?

M. Legault: C'est évident que nous pensons contrairement au Barreau dans cela, parce que nous disons que nous préférons que l'article 1003a, identité, similarité, connexité... C'est pour cela que, lorsque je fais des références à la fois au mémoire des ACEF et à la règle américaine, vous remarquerez, dans le mémoire des ACEF, qu'on veut bien indiquer qu'il y a toujours similarité, identité, même si des contrats ne viennent pas d'une même source. C'est là qu'on est vraiment en désaccord avec la position du Barreau sur cela et celle d'autres organismes. On ne veut pas uniquement de fait commun. Ce n'est pas un accident d'auto, notre histoire. (17 h 20)

M. Lalonde: Je ne pense pas avoir le temps ici de passer à travers toute la règle 23 pour savoir ce que vous voulez y introduire. Mais, dans les deux premiers, cela n'est pas le cas.

Je vais donc tenter de le lire à un autre moment pour voir si, d'après vos suggestions, jusqu'à maintenant, je vais pouvoir trouver quelque chose qui ressemble à ce que vous voulez, mais je ne suis pas plus éclairé. Je vous remercie quand même.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, au nom de l'Union Nationale, nous vous remercions d'avoir bien voulu vous déranger pour venir présenter votre mémoire à la commission parlementaire. Cela vous démontre que notre système parlementaire est assez ouvert et que même les associations de petits propriétaires, comme vous nommez la vôtre, peuvent être entendues au Parlement.

J'ai seulement une petite question, parce que mon collègue tantôt en a posé deux immédiatement avant moi et vous avez très bien répondu. Je reviens à la page 4, au cinquième paragraphe, où vous avez écrit que pour l'APUC, une plus grande légitimité devrait être accordée aux intervenants. Le projet est plutôt muet sur le rôle et les obligations de l'intervenant. Pourriez-vous nous donner quelques explications? Votre point de vue?

M. Legault: Je ne voudrais justement pas me répéter parce que, effectivement, c'est la même intervention que tout à l'heure; c'est toujours l'ambiguïté qui, selon nous, se pose, autant pour les ACEF que pour nous, de ce rôle d'intervenant. Pour cette raison, il n'y a pas lieu de répéter.

M. Cordeau: D'accord, si c'est ce à quoi vous faites allusion. Merci.

M. Legault: C'est cela exactement.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de la présentation de votre mémoire. J'inviterais maintenant la General Motors du Canada Ltée à venir nous présenter son mémoire.

General Motors du Canada Ltée

M. Comtois (Pierre): Bonjour, M. le Président, M. le ministre et les membres de la commission. Je désirerais d'abord nous présenter. Je suis Pierre Comtois, conseiller au service des relations de General Motors du Canada Ltée avec les gouvernements. Se joignant à moi aujourd'hui Me Nicole Duval-Hesler et Me Turgeon.

General Motors du Canada Ltée est heureuse de l'occasion qui lui est faite de présenter à la commission ses commentaires sur le projet de loi 39, Loi sur le recours collectif.

Nous allons d'abord présenter effectivement une vue d'ensemble de notre mémoire.

L'intérêt de General Motors à l'endroit de ce projet de loi est double. Il y a peu de doute que les industries majeures, dont celle de l'industrie de l'automobile, seront éventuellement exposées à un tel recours. De plus, le recours collectif fera maintenant partie de l'environnement juridique dans lequel une entreprise doit fonctionner au Québec et, conséquemment, l'esprit de cette loi se rèflétera dans tout profil de la province préparé pour fins d'investissement ou d'expansion.

Quoique la notion du recours collectif soit acceptée dans plusieurs Etats américains, le projet de loi 39 y greffe une philosophie nouvelle. C'est pourquoi notre entreprise doit évaluer tous les aspects pratiques que cette loi aura sur l'administration de ses activités.

Par nos commentaires, aujourd'hui, nous désirons souligner à la commission le fait que les différents concepts d"opting out", de recouvrement collectif et d'assistance financière du gouvernement peuvent être justifiables s'ils sont considérés individuellement. Cependant, leur inclusion dans une même loi ne peut amener qu'à une situation où, selon notre opinion, le défendeur perdra de fait son droit de soumettre une défense pleine et entière à l'action qui lui est intentée. Par ce fait, le projet de loi modifie les droits réels et ne se limite pas à créer une procédure évitant la multiplicité des recours.

Dans cette perspective, nous proposons l'illustration suivante: Le projet de loi 39 établit que tout individu ayant subi un dommage sera membre du groupe, sauf si cet individu avise le protono-

taire de sa décision de s'exclure de l'action. Par conséquent, le défendeur ne connaîtra pas l'identité des membres du groupe et perdra par le fait même l'occasion de soulever toute dépense particulière qu'il pourrait faire valoir à l'encontre des membres de ce groupe individuellement.

A cette situation vient se joindre la méthode de recouvrement collectif proposée, selon laquelle le tribunal détermine le montant global représentant les réclamations de tous les membres du groupe, indépendamment, encore une fois, des dépenses particulières que le défendeur pourrait légitimement soulever à l'encontre de certains membres du groupe. Il est primordial que toute loi introduisant le recours collectif au Québec en soit une qui modifie la procédure civile mais sans d'aucune façon affecter les droits substantifs du défendeur.

Nous croyons fermement que notre position respecte l'intention première du gouvernement, qui est d'instituer une procédure pour permettre le recours collectif. Conséquemment, nous vous suggérons d'envisager certaines options telles que, si le gouvernement décide de maintenir le concept de recouvrement collectif, avec lequel nous sommes en désaccord ainsi que nous l'avons mentionné aux pages 13 et suivantes de notre mémoire, nous soumettons que le gouvernement se doit alors d'adopter la formule d'"opting in" et non celle d'opting out", ceci afin de permettre au défendeur d'identifier les différents réclamants et de faire valoir les moyens de défense particuliers à leurs réclamations.

De plus, le droit du défendeur d'interroger les membres qui auront signifié leur participation à l'action devrait être clairement énoncé.

D'autre part, si le gouvernement décide de maintenir tant la motion de recouvrement collectif que la formule d'"opting out", il doit alors subordonner le recouvrement final des montants à une procédure de réclamation individuelle par les membres, dans un délai spécifié, et tout montant non réclamé dans ce délai devrait être retourné au défendeur.

Ces différentes options permettront au défendeur de soumettre une défense plus adéquate à l'action et assureront que les montants accordés par jugement seront effectivement perçus pour compenser des dommages subis par les consommateurs.

Les réserves du gouvernement sur ia formule d'"opting in" sont généralement basées sur la croyance que les consommateurs n'exerceront pas leur droit. Il nous semble qu'un membre qui a un intérêt suffisant à l'action n'hésitera pas, bien au contraire, à prendre avantage du recours qui lui est à ce moment-là offert. Le citoyen du Québec est de plus en plus familier avec le système judiciaire et, en fait des centaines de Québécois se sont prévalus des dispositions de la Loi d'accès à la justice et ont soumis leurs griefs à la division des petites créances de la Cour provinciale. Pourtant, ils ont eu à signer une requête et à expliquer leur cause au tribunal, mais cela ne les a pas empêchés pour autant de procéder.

Les formules d'"opting in" n'exigeraient pas plus d'effort de la part du consommateur mais élimineraient plusieurs difficultés qui se posent dans l'administration de son recours collectif, tout en assurant la présentation des droits du défendeur.

Nous croyons utile de souligner à nouveau que la méthode de recouvrement collectif que propose le projet de loi est de nature quasi pénale puisqu'elle s'oriente vers l'établissement d'un montant approximatif, susceptible de ne pas être entièrement réclamé par les membres du groupe, plutôt que vers la stricte compensation des dommages subis. Si le gouvernement désire introduire une loi d'ordre pénal, il se doit de le faire d'une façon plus directe, tout en respectant les garanties traditionnelles de ce droit. Si le projet de loi no 39 est adopté dans sa formule actuelle, un défendeur pourra même encourir une amende à deux reprises pour la même offense. Par exemple, une fois par la méthode de recouvrement collectif et une autre fois en raison d'une poursuite du procureur général en vertu de la Loi de la protection du consommateur, pour citer un exemple.

Le gouvernement ne devrait pas imposer indirectement une amende alors qu'il peut le faire directement. Quant à la formulation ambiguë de l'article 1031, nous croyons que sa première partie requiert l'existence d'une formule d'"opting in" et le droit à l'interrogatoire au préalable afin de permettre au tribunal d'établir un montant avec suffisamment d'exactitude. En effet, il nous apparaît impossible pour le juge de fixer un montant total qui soit suffisamment exact, s'il ne connaît pas l'identité et le nombre de tous les membres et le montant de leurs réclamations.

Comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, nous sommes en désaccord avec le principe même d'un fonds établi pour accorder une aide financière aux demandeurs collectifs, à même le reliquat des condamnations prononcées dans d'autres recours collectifs. Pour nous, l'impossibilité pour le défendeur d'obtenir le remboursement de ce reliquat démontre clairement que les dommages auxquels le défendeur a été condamné n'ont pas été accordés pour réparer un dommage civil mais bien à titre de sanction pénale.

Nous désirons également souligner que les critères établis par l'article 1003 ne sont pas suffisants pour empêcher des professionnels du recours collectif d'intenter des actions frivoles ou purement vengeresses.

L'autorisation judiciaire en soi n'est pas suffisante à moins que le tribunal doive se référer à certains critères additionnels tels que: l'intérêt de chaque membre du groupe à contrôler personnellement sa demande dans un litige distinct, les avantages et les désavantages de la concentration du litige dans un forum particulier, la suprématie du recours collectif sur toute autre méthode disponible d'indemnisation judiciaire, la bonne foi apparente du requérant. Conséquemment, un recours collectif ne devrait pas être introduit du simple fait que la composition du groupe rend dif-

ficile ou impraticable l'application des articles 59 ou 67 du Code de procédure civile.

En résumé, General Motors du Canada entretient des doutes sérieux sur l'efficacité du recours collectif tel que proposé pour assurer une juste compensation des consommateurs. Partant, nous soumettons que la législation ne devra pas ignorer les droits fondamentaux du défendeur tant au niveau de la procédure que celui du droit substantif. C'est pourquoi nous vous demandons d'inclure les modifications suggérées dans notre mémoire de façon à assurer le respect des notions traditionnelles d'équité et d'égalité dans le processus judiciaire.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier les porte-parole de la compagnie General Motors du Canada pour leur mémoire et aussi — je pense qu'il faut appeler les choses par leur nom — leur franchise. C'est sur cette base qu'on peut discuter, je pense, et qu'on peut essayer de voir quelles sont les différentes possibilités. Je tiens à vous dire, au point de départ, que votre mémoire, comme tous les autres, et toutes les recommandations qui y sont incluses, seront examinés au mérite, attentivement, tous et chacun. Votre mémoire soulève plusieurs questions, notamment plusieurs questions de fond. Je ne voudrais pas abuser du temps de la commission, mais vous me permettrez de vous soumettre un certain nombre de remarques-questions et je présume que vous pourrez réagir à ces différentes remarques ou questions.

Vous nous proposez — ce n'est pas dans l'ordre, c'est un peu au fur et à mesure que cela vient — d'une part, le contraire de ce que propose, si ma mémoire est bonne, le Conseil du patronat du Québec, qui lui nous recommande, après avoir soupesé la question, de maintenir le "opting out". Vous nous recommandez plutôt d'aller vers le "opting in". Est-ce que vous ne croyez pas, concernant cette question et cette approche, qu'insérer le "opting in" plutôt que le "opting out" c'est, à toutes fins pratiques, revenir aux articles 59 et 67 de l'actuel Code de procédure civil qui sont des articles de "opting in", c'est-à-dire qu'ils permettent à des citoyens de se regrouper, ils permettent à des citoyens de donner un mandat à quelqu'un de les représenter. En d'autres termes, qu'est-ce que cela change par rapport aux articles 59 et 67?

Deuxièmement, sur la base de la théorie de I'"opting in", j'aimerais que vous m'expliquiez, si on optait pour le "opting in", comment les consommateurs, dans certaines situations, certaines circonstances, pourraient réussir à faire valoir leurs droits. Comme j'aime bien toujours partir de cas concrets, j'ai une approche très pratique, très pragmatique dans cette affaire, ancrée sur un certain nombre de principes de fond qui sous-tendent l'économie du projet. A la lumière de cas concrets comme la fameuse cause de Yellow Cab, aux

Etats-Unis, la compagnie de taxis qui trafique les "meters", comme on dit dans le jargon, arrache quelques sous à je ne sais combien de milliers de consommateurs, représentant peut-être des millions de dollars — je ne me souviens plus des détails de cette cause-là — comment pensez-vous qu'il soit possible d'organiser un "opting in"? Comment pensez-vous qu'il soit possible d'organiser un "opting in" par les consommateurs dans le cas — un excellent exemple — il n'y a pas si longtemps, de cette compagnie qui annonçait un produit pour nettoyer les tapis. On le vendait plus cher, le produit en question, parce que, nous disait la publicité, il avait la particularité de mieux nettoyer les tapis que le produit équivalent. Les expertises ont démontré que le produit en question avait la particularité extraordinaire de ne pas être capable de nettoyer le premier commencement d'un bout de tapis. (17 h 35)

Ni vous ni moi ne savons combien de canettes ont été vendues; je ne me souviens pas de l'excédent du prix, c'était peut-être $0.05, $0.10, $0.15, je ne sais pas, $0.20, à combien de consommateurs québécois? Vous conviendrez avec moi que cela a été illégalement arraché. 500,1000,10 000, je ne le sais pas, vous ne le savez pas, personne ne le sait. Comment, dans ce cas-là, organise-t-on l'"opting in"?

Deuxième remarque-question. Vous évoquez, et je crois que c'est l'expression que vous utilisez dans votre mémoire, qu'à votre avis, l'expérience américaine a démontré que les recours collectifs peuvent provoquer davantage le chaos judiciaire plutôt que l'économie et le reste. Vous le formulez de différentes façons, mais c'est l'expression que vous utilisez à un moment donné. Le Conseil du patronat, dans son mémoire, a attiré notre attention sur des chiffres, notamment le relevé. Je le donne sous réserve parce que je ne veux vraiment pas être injuste. De mémoire, je crois que c'étaient les chiffres pour l'année 1976 ou 1977, peu importe, à partir des relevés faits aux Etats-Unis, aux termes desquels relevés les recours collectifs, dans le domaine civil, aux Etats-Unis, représentaient 2,7% des recours civils exercés devant les tribunaux.

Je prends cette base et j'aimerais que vous nous expliquiez, d'une part, en regard de chiffres comme ceux-là, de quelle façon et sur quels faits et quelles données précises vous vous appuyez pour soutenir votre argumentation du danger de provoquer ce que vous appelez un chaos judiciaire?

D'autre part, je voudrais aussi vous demander, parce que vous n'êtes pas sans savoir que chez nous, si le projet de loi, bonifié autant qu'on pourra le faire tous ensemble... Vous savez fort bien et je pense qu'on retiendra certainement cette option, que le recours s'exerce devant la Cour Supérieure. Je crois bien que les avocats qui ont un peu d'expérience et de pratique conviendront avec moi que la Cour Supérieure, au Québec, surtout les pouvoirs qui sont impartis en vertu du projet de loi 39 au juge en chef, la Cour Supé-

rieure du Québec et son juge en chef, je pense bien, on ne pourrait pas les taxer ou les comparer au chevalier Mark Twain qui enfourche sa monture et part dans toutes les directions en même temps. Je pense que la Cour Supérieure a plutôt une tradition chez nous de...

M. Blank: ...

M. Marois: Qui? Mark Twain, je pense. Ah bon, on en apprend tous les jours. De toute façon, l'image est là.

Ce que je veux dire, c'est qu'on sait que la Cour Supérieure a quand même une tradition; ce n'est pas un tribunal qui a la réputation d'être particulièrement farfelu, de laisser aller n'importe quoi, n'importe comment.

Donc, c'est ma deuxième remarque-question. Ou si cela fait partie, je pense, de ce que vous appelez l'intégration ou l'insertion d'une philosophie nouvelle, ne pensez-vous pas que, quand on regarde le projet de loi, il y a comme un tamis à travers lequel on doit passer pour y arriver? Je rappellerais rapidement les différentes étapes, pour celui qui le déciderait, de passer devant un fonds d'aide. Le fonds devra apprécier la vraisemblance ou l'apparence de droit. Il y a d'autres maillons par la suite, il y a la requête en Cour Supérieure; maillon additionnel, appel; maillon additionnel, l'action; maillon additionnel, les pouvoirs qui sont impartis à différents articles du projet de Ici, au juge, lui permettant d'intervenir, de scinder et le reste; il y a une marge de discrétion additionnelle. Est-ce qu'il ne vous semble pas qu'il y a déjà là, pour reprendre l'expression d'un groupe qui s'est présenté devant nous, qui nous disait, de son point de vue, il y a un tel, c'était leur expression, un tel tamisage?

C'était leur façon à eux de le dire, ils avaient la crainte qu'on resserre le tamis, de telle façon qu'il n'y ait plus une goutte d'eau qui puisse passer à travers.

Ne pensez-vous pas qu'il y a quand même déjà là un tamisage, un premier tamisage important? J'aurais quelques questions additionnelles. La première concerne cette recommandation que vous nous faites que, dans le cas des blessures corporelles, les réclamations pour blessures soient exclues du recours collectif. Je ne peux pas personnellement oublier des choses que j'ai vécues de très près, blessures corporelles. A partir du moment où la loi 67 est en vigueur, la Loi de l'assurance automobile, il y a différentes formes, différents types, différentes sources de dommages corporels. J'aimerais bien que vous nous donniez plus d'explications sur ce point.

Vous nous demandez également d'introduire, au niveau de la requête, à l'article 1003, d'ajouter cette notion, avant que le juge n'autorise la requête, d'une preuve prima facie. Je voudrais vous indiquer tout de suite, là-dessus, qu'on a eu longuement l'occasion d'en discuter avec plusieurs groupes qui se sont présentés devant nous. Ma conclusion personnelle, préliminaire, je dis bien, sous réserve de l'étudier à la loupe, très attentive- ment, était que la notion prima facie est une notion de droit criminel et que son correspondant, en droit civil, c'est la notion d'apparence de droit. Je suis plutôt porté à vous dire qu'on est prêt à examiner de très près cette idée d'insérer cette notion d'apparence de droit et de faire la correspondance avec le fonds, qui est une notion connue en droit civil, à tout le moins, dans le domaine de la jurisprudence.

Egalement — je pense que vous vous référez à l'article 1014 — vous nous demandez que l'aveu du représentant lie les membres du groupe. La raison pour laquelle on a mis une réserve à l'article 1014, tel qu'il est libellé — et j'aimerais avoir votre réaction — c'est pour éviter les cas de collusion où un représentant patenté — cela pourrait se produire — fait un aveu, dans un cas difficile à prouver, mais qui pourrait être clair dans les faits, par exemple, de collusion avec un défendeur, et cela aurait pour effet de lier l'ensemble des autres membres.

Voilà mes premiers commentaires, remarques et questions, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. Comtois.

M. Comtois: Vous avez effectivement soulevé plusieurs points importants, tant de notre mémoire que de l'ensemble de la philosophie de ce projet de loi. Je vais d'abord me permettre d'en commenter plusieurs. Si Me Hesler ou Me Turgeon veulent, par la suite, y revenir avec d'autres éléments, je les laisserai libres de le faire.

D'abord, en ce qui a trait à la grande notion de r'opting in" par rapport à l'"opting out", vous avez soulevé que cela serait revenir, en pratique, aux exigences actuelles des articles 59 et 67 du Code de procédure civile.

Je ne peux pas partager cette opinion, parce que les critères mêmes à l'article 1003a de similaires, connexes et — je ne me souviens plus de l'article —

M. Marois: Et identiques.

M. Comtois: ... et identiques me semblent un peu plus larges que ce que nous offre actuellement le Code de procédure civile.

Par contre, vous ajoutez tout de suite après — vous le liez avec un point, une question de philosophie — les causes de dommages de minimis, par exemple la cause de Yellow Cab. On se retrouve avec le consommateur qui va retirer, en fin de compte, $0.10, ou $0.25 ou $0.30, ou $1, peu importe le montant, mais qui reste très minime.

On ne croit pas — c'est une question de concept — je ne crois pas que le recours collectif puisse être efficace pour octroyer ce genre de compensation au consommateur, de la façon suivante. Je crois même que le gouvernement l'accepte et le reconnaît d'une certaine façon puisqu'il prévoit que certains montants ne seront pas réclamés. C'est primordialement pour cela qu'un consommateur ne se présentera probablement pas pour réclamer $0.10, ou $0.25, ou $0.40 de la

somme qui a été octroyée. C'est alors qu'on arrive avec la notion du reliquat.

C'est pour cela que le recours collectif qui est dirigé vers la compensation doit respecter cette approche. Si le consommateur lui-même n'a pas intérêt à venir obtenir compensation, c'est qu'il ne le juge pas à propos.

Si, par contre, on veut condamner l'attitude du manufacturier ou du fabricant...

M. Marois: Me permettriez-vous seulement une parenthèse? Je m'excuse de vous interrompre. Je veux être sûr que je vous comprends bien sur cette question...

M. Comtois: Oui.

M. Marois: ... en y ajoutant peut-être une question additionnelle. Ais-je bien compris que vous n'acceptez pas l'idée qu'il y ait un reliquat?

M. Comtois: Nous n'acceptons pas l'idée qu'il y ait un reliquat. Je crois que nous l'avons expressément établi dans notre mémoire.

M. Marois: Bien. En conséquence, dans votre esprit, dans les cas de petits montants comme ceux qu'on vient d'évoquer, Yellow Cab ou autre chose, le recours collectif n'est absolument pas une procédure pertinente?

M. Comtois: Le recours collectif ne permettra pas d'arriver à l'indemnisation. Si on cherche à indemniser...

M. Marois: C'est par ce biais que vous concluez à la dimension punitive du recours collectif?

M. Comtois: Sûrement.

M. Marois: J'aurais une question additionnelle à ajouter à la liste. Si on n'ouvre pas le recours collectif et la dimension du recouvrement collectif, c'est-à-dire, au fond, un recours collectif qui se conclut par des réclamations individuelles pour l'ensemble, et/ou individuelles et collectives, et/ou collectives tout court, selon le cas qu'on vient d'évoquer, qu'est-ce que vous pensez qui va se produire sur le marché? Je vous pose la question. Est-ce que vous ne pensez pas que cela risquerait de nous mener dans la situation suivante où des gens... Dieu merci, c'est loin d'être le lot de toutes les entreprises, je ne cesse pas de le répéter depuis le début; je vais continuer, mais je pense que c'est important de le dire à nouveau. Est-ce que vous ne craignez pas que... Dans certains cas, je pense qu'on est obligé de l'admettre; je pensais au témoignage des juges de la Commission d'enquête sur le crime organisé, à l'occasion d'un bout d'enquête sur les crimes économiques, qui nous donnaient le cas d'entreprises qui fonctionnaient sans permis, illégalement, étaient condamnées à l'amende et continuaient de fonctionner quand même, arrachaient de très petits montants à une quantité industrielle de citoyens et les juges disaient — je pense que je les cite textuellement: Cela fait un permis de fonctionner qui revient bon marché, et j'ajouterais joyeusement bon marché.

Ne pensez-vous pas que la conséquence ultime sur le marché en serait de maintenir ce qu'on appelle les "flights by night"? Je simplifie grossièrement — vous m'excuserez — pour couper court, il serait préférable à l'avenir de ne pas frauder toute personne, et sur des gros montants, mais quant à y aller, allons-y surtout pour de petits montants, mais tentons d'accrocher une quantité industrielle de citoyens.

Mme Duval-Hesler: A vrai dire, d'abord, il faudrait relire le mémoire. La position de GM est un peu alternative. On arrive et on vous dit: L "opting out", joint au reliquat, c'est inacceptable. On pourrait avoir l'un sans avoir l'autre, ou avoir l'autre sans avoir le premier. Je pense que cela a été dit clairement dans le résumé du mémoire aujourd'hui. C'est un peu l'idée que GM veut que vous ayez. Elle ne tient pas absolument à I opting in", mais elle dit: Si vous insistez pour avoir le reliquat, à ce moment, ce devrait être I'"opting in ". J'aimerais mentionner qu'une des raisons pour lesquelles le Conseil du patronat favorisait l'"opting out", c'était qu'il y voyait un avantage pour le fabricant, en ce sens que tous les consommateurs qui font partie du groupe et qui ne se sont pas prévalus de leur droit de s'exclure, à ce moment, il y a chose jugée vis-à-vis d'eux et le dossier est fermé. C'est la raison pour laquelle le Conseil du patronat favorise cette option, mais il n'y en a pas d'autre à ma connaissance. (17 h 50

Le point de vue de GM, si je ne m'abuse, nous en avons discuté assez longuement, c'est que les réclamations "de minimis", les petites réclamations, les petits montants, ce n'est pas dans le domaine du consommateur de se faire justicier pour ce genre de fraudes, ce genre d'abus, c'est du domaine pénal. Si vous pensez que les amendes ne sont pas assez élevées, vous avez le loisir d'imposer des amendes minimales plus élevées. Vous avez un tas de discrétions. Vous pouvez amender un tas d'autres lois pénales avec les mêmes résultats. Là-dessus, vraiment, c'est une question de principe, c'est une différence de principe. Sur ce point, c'est net.

M. Marois: Là-dessus, je me demande si c'est seulement de principe. J'ai une approche encore une fois très pratique sur ce point. Peut-être que je me fais mal comprendre, je vais formuler ma question autrement. Est-ce qu'il y a, à votre point de vue, un article du projet de loi, tel qu'il est présenté, actuellement, en vertu duquel vous pourriez fonder une argumentation, à savoir qu'une entreprise ou un défendeur, peu importe, serait appelé à payer une compensation, à rembourser une compensation qui serait plus élevée que l'addition des compensations individuelles que le même dé-

fendeur serait appelé à verser, si chacun des consommateurs, dans l'état actuel de notre droit, prenait le recours, exerçait son action en justice et obtenait justice?

En d'autres termes, est-ce qu'il y a une somme d'argent additionnelle qui serait enlevée au défendeur, autre que la somme que, de toute façon, le même défendeur aurait à payer en justice pour rembourser un consommateur qui ferait valoir ses droits, si c'était possible dans l'état actuel de notre procédure?

Mme Duval-Hesler: Si vous me le permettez, M. le ministre, la question n'est pas là. Il se peut que le montant ne soit pas plus élevé que l'ensemble de toutes les réclamations individuelles. Mais la question est que les individus n'auront pas ce montant. Quand on parle de petites réclamations; ils ne se donneront pas la peine ou ils ne seront pas facilement identifiables. Enfin, cela va tomber dans le reliquat. C'est à ce moment-là que cela devient punitif parce que — comprenez-vous? — même si le montant n'est pas plus élevé que le profit que la compagnie a pu en tirer ou qu'il n'est pas plus élevé que le gros des réclamations, le fait que le montant d'une amende équi-vaille au montant de toutes les réclamations, cela n'empêche pas que c'est une amende plutôt que d'être une compensation. Or, du moment où cela n'est versé à personne, ce n'est pas une compensation. Cela n'est pas une taxe non plus; donc, il faut bien que ce soit une amende. Etes-vous d'accord avec cela?

C'est de cette façon que nous l'envisageons.

Le Président (M. Marcoux): Abordons les autres questions.

M. Comtois: J'aborderais immédiatement la question suivante. Lorsque dans l'introduction, nous avons abordé que la philosophie de ce projet de loi fera partie naturellement de tout chapitre traçant un profil de la province, la lettre de la loi est également reflétée dans ces chapitres. Vous avez mentionné: Est-ce qu'il n'y a pas assez de mesures qui créent un tamis valable au niveau de l'action? Dans notre mémoire, on soulève que ce tamis, quoique les notions soient là, que le cadre soit là, n'est point suffisant et les professionnels du recours collectif vont pouvoir y entrer; nous avons la crainte que des actions d'ordre frivole ou purement vengeresses pourront quand même y passer.

On aborde la question du fonds. Est-ce que le fonds va déjà intervenir à un certain niveau en étudiant lui-même le bien-fondé de l'action, des requérants et ainsi de suite? Effectivement, le fonds qui va ouvrir est une garantie quelconque. C'est évalué par le gouvernement et ce fonds, d'autre part, est disponible strictement pour les plaignants. Derrière cela encore, on a la philosophie qu'on arrive à un débalancement; on va soutenir le plaignant, mais on ne soutiendra pas le défendeur quel qu'il soit.

Le fonds fait entrer aussi l'intervention de l'Etat d'une façon directe dans une matière qui est strictement un débat civil entre des parties. Encore là, la philosophie derrière inquiète.

On parle de la requête. On dit que la requête est effectivement un autre endroit où le tamis devrait être efficace. A ce niveau, on soutient que...

M. Marois: Si vous me permettez seulement une remarque ou question. Parlant du fonds, ne pensez-vous pas qu'il y a quand même une forme d'analogie avec quelque chose qui existe, soit l'Aide juridique où, là aussi, bien sûr, ce sont des fonds publics qui viennent aider, financièrement, les citoyens qui, à partir d'un certain nombre de règles ou de barèmes, si vous voulez, sont considérés comme admissibles parce que la société considère qu'ils n'auraient pas les moyens de faire valoir leurs droits et que cela intervient dans un domaine de relations de droit civil dans bon nombre de cas?

M. Comtois: Sur ce point, Mme Hesler.

Mme Duval-Hesler: C'est vrai mais, par contre, la grande différence ici, c'est le déséquilibre. L'Aide juridique s'adresse au demandeur comme au défendeur. Ici, ce qui rend cela différent de l'Aide juridique, c'est le fait qu'il y ait un déséquilibre entre le demandeur et le défendeur. Tout le monde ne bénéficie pas de la même aide.

M. Marois: Là-dessus, je voudrais vous indiquer tout de suite que plusieurs commentaires nous ont été faits et j'ai indiqué qu'on était prêts à les regarder. On a eu des recommandations très précises de certains groupes, notamment du Conseil du patronat, et on est prêts à regarder la possibilité, en tout cas à étudier la possibilité très sérieuse de voir ce qui pourrait être fait, s'il y a des ajustements le cas échéant, pour s'assurer... Notre objectif, c'est de faire en sorte que ce soit un instrument équilibré qui permette d'atteindre une justice pleine et entière pour l'ensemble des parties, quand on introduit une procédure.

Mme Duval-Hesler: C'est dans cette lumière que la remarque était faite sur le fonds parce que c'était dans le but d'assurer l'équité envers les parties, maintenir l'équilibre.

M. Comtois: L'autre point qui était important, c'était la présence des dommages personnels dans le recours collectif. Effectivement, plusieurs dommages personnels ne pourront pas procéder par l'entremise du recours collectif à cause de la présence de l'assurance automobile, notamment, mais pour General Motors — nous espérons que cela ne nous arrivera jamais — il se peut que des dommages corporels soient causés suite à un vice caché quelconque. Encore là, on pourrait faire face à un recours collectif et dans la procédure actuelle, telle que proposée par le projet de loi no 39, on ne peut pas soumettre une défense pleine et entière pour les raisons qu'on a mentionnées, les différents critères pour lesquels une action personnelle devrait être étudiée individuellement.

M. Marois: Avez-vous des exemples concrets en tête, de ce que vous évoquez là?

Mme Duval-Hesler: Oui, des incendies d'automobiles. Ce n'est pas un accident de la route, un incendie d'automobile, cela arrive.

M. Marois: Un incendie qui proviendrait d'un vice ou défaut caché, par exemple.

Mme Duval-Hesler: Absolument.

M. Comtois: Un court-circuit.

Mme Duval-Hesler: Cela s'est déjà produit.

M. Comtois: Ce n'étaient pas des automobiles GM.

Mme Duval-Hesler: II va sans dire.

M. Turgeon: C'est pour que les membres de la commission se sentent en sécurité dans leurs automobiles.

M. Comtois: L'autre point sur lequel on a été bien heureux d'entendre le commentaire de M. le ministre, c'était sur la question de la preuve prima facie. On était heureux qu'au moins la commission semble positivement regarder cette suggestion qui, je présume, a été commune à plusieurs organismes et compagnies, et on s'en réjouit, du moins à ce niveau.

En ce qui a trait à l'aveu, la crainte du gouvernement qu'il y ait collusion entre un représentant et un défendeur, que ce cas soit possible et concevable, je n'en doute pas. Cependant, l'effet que va avoir cette permission, notre opinion est que cela peut être très limité, ce cas de collusion, c'est assez exceptionnel. Règle générale, le plaignant et les membres vont pouvoir tout simplement recommencer le procès en refusant, en déniant ou en demandant à la cour de ne pas être liés par les déclarations de leur représentant. Cela risque d'être d'une application beaucoup plus générale et beaucoup plus constante dans plusieurs recours. Si l'objectif est d'éviter cette collusion entre un représentant et un défendeur, il y aurait sûrement d'autres moyens, j'espère, d'éviter cette situation sans affecter un droit important du défendeur qui pourrait, à tout moment donné, recommencer quand, par contre, le défendeur est lié par ses travaux. Il y a encore un niveau de déséquilibre qui nous surprend.

M. Marois: D'accord, c'est exact, quand vous parlez du défendeur, mais vous convenez avec moi qu'il y a un défendeur. Là on parle d'un groupe, et déjà l'article 1014 m'apparaît quand même d'abord, maintenir le principe de fond de l'économie générale de notre procédure, l'aveu fait par un représentant lie les membres. Il n'y a rien de nouveau là-dedans, c'est le principe de fond, sauf si le tribunal, donc exception, ce n'est pas un principe, c'est l'exception, considère que l'aveu leur cause un préjudice. Si on ne devait pas introduire cela, le retenir, le fermer, comme vous l'avez évoqué pour rouvrir des procès additionnels, est-ce que vous ne considérez pas que là le préjudice qui serait causé serait causé à ceux qui cherchaient à faire valoir leur droit, puisqu'il faudrait reprendre au complet l'ensemble des procédures.

M. Turgeon (Jean): Ce n'est pas nécessairement, M. le ministre, selon vous, un préjudice. Est-ce que, dans les actes de procédure, lorsqu'on avoue, on peut avouer sans préjudice? On avoue ou on n'avoue pas. Et, quand on avoue, je pense que c'est susceptible de causer un préjudice.

M. Marois: Bien sûr. Quand je suis un demandeur ou un défendeur, que je suis seul et que j'avoue, c'est un aveu au sens plein et entier d'un aveu.

M. Turgeon: Alors, les règles...

M. Marois: Bien sûr qu'il y a un préjudice dans ce sens. Mais quand il y a un groupe — je vais reformuler ma question — et que le représentant est en situation de collusion, par exemple?

M. Turgeon: Mais je ne discute pas des bonnes intentions.

M. Marois: Ce n'est pas seulement son préjudice personnel à lui. C'est le préjudice des autres.

M. Turgeon: Je ne discute pas de la bonne intention derrière l'article de la loi proposée. J'en suis convaincu.

M. Marois: Je cherche simplement à comprendre.

M. Turgeon: Ce qui arrive, c'est que les règles de la preuve ne sont plus les mêmes, suivant que le recours est collectif ou individuel. C'est un amendement au Code civil.

Le Président (M. Marcoux): Vous allez m'ex-cuser, il est 18 heures. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. Nous souhaitons reprendre le dialogue avec vous à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

Reprise de la séance à 20 h 13

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! Nous en étions à la discussion du mémoire de General Motors du Canada Ltée. Nos invités étaient en train de répondre aux multiples questions du ministre. Je ne sais pas si vous étiez rendus à la toute fin.

M. Turgeon: Je crois qu'on parlait de l'aveu.

M. Marois: On venait de parler de l'aveu, effectivement.

M. Blank: On parle des voitures Ford. M. Chevrette: Contraire au règlement! M. Turgeon: Ou peut-être Renault.

M. Marois: Ce n'est pas encore au tour de l'APA.

Une Voix: Ce n'est pas enregistré, j'espère? Uns Voix: Tout est enregistré.

M. Turgeon: Je disais au ministre que l'article 1014... je comprends l'intention d'empêcher la collusion ou de prévenir toute collusion. Mais il n'en demeure pas moins ceci: Qu'est-ce qu'on va faire d'un aveu dont la portée va être décidée par le tribunal? C'est une question que je pose au ministre. Le ministre nous a posé des questions, alors je tiens pour acquis qu'on a le droit d'en poser aussi. Un aveu laissé à la discrétion du tribunal...

M. Marois: Quand je n'ai pas les réponses, je dis qu'on prend bonne note de votre question. On va la regarder.

M. Turgeon: Vous êtes chanceux d'avoir ce privilège.

M. Marois: Non, faites attention. J'ai justement, hier ou avant-hier, laissé le Barreau sur une question et il a accepté l'idée d'y réfléchir et de nous faire parvenir des notes. On peut se garder des questions, de part et d'autre, y réfléchir et s'envoyer des notes. Je ne blague pas. Ce n'est quand même pas un détail, l'aveu dont on parle.

M. Turgeon: C'est dans ce sens-là. Je suis loin de blaguer, M. le ministre. On peut s'amuser sérieusement.

M. Marois: Absolument. Ce sont, bien sûr, des notes qui sont envoyées sans frais d'honoraires.

M. Turgeon: Ce n'est pas le genre de celles que je fais, M. le ministre.

M. le ministre a soulevé, à un moment donné, le fait que les articles 59 et 67 du Code de procédure, lorsqu'il distinguait entre l'"opting in" et l'"opting out", etc., constituaient un recours collectif qui impliquait l'"opting in". Est-ce que j'ai bien compris?

Mais l'"opting in", dont il est question dans le .némoire de notre cliente, n'est pas ce genre de recours qui est déjà prévu aux articles dont M. le ministre a parlé, ou auxquels il a référé.

A ce moment-là cela voudrait dire que le recours collectif existe déjà, avec "opting in". Je ne pense pas que ce soit la position du gouvernement que le recours collectif envisagé par la loi existe déjà, en vertu des articles 59 et 67 du Code de procédure civile, avec I' "opting in". Est-ce que je me méprends ou pas?

M. Marois: C'est-à-dire que c'est au fond la question que je vous posais. Je comprends que vous apportez une série de nuances par rapport aux articles 59 et 67, mais la question que je vous posais, c'est: Comment les consommateurs, dans l'hypothèse — prenons un cas purement hypothétique et, bien sûr, tout à fait exceptionnel — d'une compagnie X d'automobiles qui met sur le marché des voitures et qui vend 10 000... Est-ce que cela se peut au Québec, 10 000? C'est une bonne marque. Je parle d'une bonne marque.

M. Turgeon: Je ne sais pas combien le gouvernement en achète, mais...

M. Marois: Pardon?

M. Turgeon: Je ne sais pas combien le gouvernement en achète. Il m'e manque des données.

M. Marois: C'est cela, si on tombait dans certaines catégories, on y arriverait peut-être. Cela donne un coup de main, en tout cas, dans certains coins, et je ne parle pas des autobus.

Il y a 5000, ou 6000, ou 10 000 citoyens qui seraient fondés, dans un cas donné, à exercer un recours, soit pour réduction du prix de vente ou pour annulation du contrat pour vices et défauts cachés ou défauts de fabrication; enfin, peu importe. Comment, dans cette hypothèse, avec 5000 ou 10 000 citoyens, dans l'hypothèse de I'"opting in", comment va s'enclencher ce regroupement?

M. Turgeon: C'est ce que je dis, M. le ministre. C'est que, justement, I'"opting in", avec le recours collectif, n'est pas prévu ni créé par l'article 67. Vous avez référé cet après-midi au fait que le recours avec "opting in" était déjà dans le Code de procédure.

M. Marois: Ce que j'ai évoqué, c'est que cela nous ramène à l'économie générale des articles...

M. Turgeon: C'est la distinction que je fais.

M. Marois: Non, d'accord, je vous comprends, je pense. Cela nous ramène à l'économie générale des articles 59 et 67, mais cela ne règle pas les problèmes très concrets que je viens d'évoquer, en prenant les exemples à la blague, mais aussi très sérieusement. Le problème très concret de groupes X de consommateurs, de passer à un certain nombre... L'exemple que je prends, ce n'est pas sur de petits montants, mais sur des sommes qui peuvent être substantielles.

M. Turgeon: Ma consoeur, Me Hesler, a fait la distinction d'ailleurs entre le mémoire présenté par le Conseil du patronat, et a dit que nous ne combattons pas I' "opting out " en soi, mais le contexte général dans lequel il se trouve avec l'existence d'autres institutions... C'est dans ce contexte, comprenez-vous, qu'on s'y oppose.

Mme Duval-Hesler: Si M. le ministre me le permet aussi, il y a une chose à considérer, c'est qu'avec I'"opting in", il ne faut pas perdre de vue que les gens qui ne s'en prévaudraient pas, ne seraient pas liés, ni par une décision, ni par un règlement. Alors, ils ne perdent aucun recours. Quant à ce qui est de faire l'effort nécessaire pour faire valoir leurs droits, il y a beaucoup d'actions en ce moment, en vertu des articles existants du Code des procédures, par exemple les Indiens qui poursuivent dans les causes de mercure. Si I' "opting in" en soi, en tenant pour acquis que les articles existants soient une forme d' "opting in" ... Si c'était tellement difficile, ces causes n'existeraient pas. Cela ne peut pas être tellement difficile, puisque des groupes en ce moment parviennent à faire valoir un recours individuellement, les demandeurs étant tous identifiés. Cela se fait. Cela existe. (20 h 20)

M. Marois: Bien sûr. Vous convenez avec moi, et c'est aussi là-dessus que vous terminez, les demandeurs étant tous identifiés.

Mme Duval-Hesler: Oui, absolument. On ne peut pas avoir de formule d'" opting in" sans cela, à un moment donné.

M. Marois: Bien sûr. Cela ne règle pas les cas de ceux qui ne seraient pas identifiés, mais enfin, je pensa que je saisis votre point de vue. D'accord.

M. Turgeon: M. le ministre, une chose...

M. Marois: C'est parce que je ne voudrais pas abuser du temps. Les autres membres de la commission ont des questions à poser aussi.

M. Turgeon: Une chose me frappe, M. le ministre, c'est que l'aveu dont on a parlé tout à l'heure ne liera pas les autres membres ou ceux... C'est-à-dire va les lier s'ils ne sont pas victimes de préjudices, mais il reste que la formule de I' "opting out" les lie par un jugement auquel ils n'auront pas été appelés, alors qu'on dit dans la loi, et cela m'apparaît illogique de dire: L'aveu ne causera pas de préjudices aux autres. Par contre, éventuellement, le jugement qui va sortir sera pré-judicialbe pour les autres. Je ne vous parle pas dans l'intérêt de General Motors, je vous parle dans l'intérêt du public, en général, quand je dis cela.

M. Marois: Je pense que vous défendez fort bien votre point de vue, avec des arguments très étoffés. Cependant, je pense bien que vous convenez avec moi que comparer l'aveu avec le jugement, il y a quand même une marge. Vous en convenez aussi? Dans le cas du jugement, bien sûr, il y aurait eu des avis. Les gens auront eu l'occasion et le libre choix d' "opter out", et de ne pas être liés, de faire valoir autrement leurs droits ou de ne pas les faire valoir du tout.

Je pense que là, il y a une nuance de taille, tandis que l'aveu d'un représentant, en maintenant le principe que l'aveu lie tout le monde, à moins que le tribunal considère — donc ce qui suppose qu'il y a eu représentation de chacune des parties — que c'est le bout d'exception; il va falloir que quelqu'un établisse que l'aveu cause préjudice. Le cas évident — je reviens à ce qu'on a déjà évoqué — c'est la collusion.

Mais, enfin, je pense que je comprends votre point de vue. Merci.

M. Turgeon: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Marcoux): Je pense que vous avez abordé différentes questions. Avant de donner la parole au député de Saint-Louis, il y aura sûrement consentement pour qu'il remplace...

M. Alfred: Absolument.

Le Président (M. Marcoux): II n'était pas là.

M. Chevrette: On ne peut pas se passer de ses lumières.

M. Alfred: II va nous éclairer.

Le Président (M. Marcoux): Vous l'avez déjà remplacé une première fois; il faut le remplacer à nouveau. Vous allez donc remplacer le député de Marguerite-Bourgeoys à moins que vous préfériez remplacer celui de Rouyn-Noranda.

M. Blank: Cela ne me fait rien. C'est un homme très fort comme Samson, c'est cela?

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je n'ai pas tellement d'autres questions. Je suis d'accord avec le ministre et ses remarques, à l'exception de la question de I'"opting in" et de I'"opting out". Comme le ministre l'a dit, vous avez peut-être raison dans le sens de votre argument, mais, quand on fait face à deux maux, on doit prendre le moindre pour protéger le public. C'est ce qui arrive ici avec ce projet de loi, on prend le meilleur moyen possible de protéger le plus de gens possible.

Il y a seulement une chose qui m'a frappé, M. Comtois. Vous trouvez que, dans une telle loi, une compagnie ou un détendeur peut être puni deux fois; c'est une sorte de punition que le jugement du tribunal et il représente le jugement pénal. Vous suggérez que le gouvernement ou les autorités n'aient qu'un seul recours, c'est le côté pénal. Cela arrive souvent dans la pratique qu'on ait deux

recours pour le même cas. Un assaut simple sur un citoyen finit par un emprisonnement ou une amende. Vous avez la Cour civile pour les dommages réels. C'est la même chose ici. Si le gouvernement procède du côté pénal en vertu de la Loi sur la protection des consommateurs, avec une amende, cela n'empêche pas que la Cour civile soit saisie par des gens qui ont eux-mêmes subi des dommages directement par la suite.

M. Comtois: Effectivement, on est conscient qu'on peut être assujetti à un recours pénal et civil en même temps pour la même offense, mais, là ou l'on fait la différence, c'est que, dans le cas du recours collectif, nous le qualifions de quasi pénal, soit la partie où on est condamné à payer un reliquat qui n'est pas compensatoire réellement, parce qu'il n'est pas versé au consommateur qui a été lésé.

Donc, cette partie du reliquat est strictement quasi pénale; donc, c'est une amende et cette partie d'un reliquat est une deuxième amende pour la même offense.

M. Blank: Je ne suis pas d'accord avec vous parce que je pense que, pour prouver le reliquat, on doit prouver un dommage réel. Une amende n'a aucune relation avec le dommage causé, c'est seulement avec la gravité de l'offense; cela n'a rien à faire avec le dommage souffert par une personne. C'est la même chose avec le reliquat, c'est fixé par le juge, suivant le nombre, dans votre cas, des véhicules et les dommages causés par le vice caché. La loi n'est pas claire, le juge a le droit de faire ce qu'il veut avec le reste du reliquat, cela n'empêche pas qu'il puisse le retourner à la compagnie s'il a des raisons valables. La loi dit qu'on doit faire des représentations devant le juge sur ce qu'il doit faire avec cela. Dans certains cas, c'est possible, ce n'est pas interdit par la loi.

Mme Duval-Hesler: Non, je pense qu'il y a une distinction...

M. Marois: Je m'excuse, juste là-dessus...

M. Cordeau: Ce n'est pas le point de vue du gouvernement?

M. Marois: On me fait parler. Je voudrais juste apporter une nuance parce que, effectivement, on en a discuté, le député et moi. Le texte de 1036, tel qu'il est formulé, ouvre toute une gamme de possibilités. Le député m'a posé la question. Je pense que cela a été évoqué au cours de nos discussions; s'il y avait cette hypothèse, on pourrait interpréter le texte de telle façon qu'un juge pourrait convenir que telle partie d'un reliquat soit remise au défendeur. J'ai dit que j'avais des doutes quant à l'interprétation et que je verrais à le faire examiner davantage par les juristes.

Cependant, tel qu'il est formulé là, ce qu'on a évoqué à plusieurs reprises, c'est que le mode de versement ou de remboursement de la compensation pourrait prendre différentes formes, même pour la partie dite du reliquat; cela a été évoqué, ce ne serait pas nécessairement pécuniaire dans certains cas. On a évoqué des boîtes de Kellogg's— Kellogg's ou n'importe quel autre, c'est pareil; je ne sais pas pourquoi je dis Kellogg's, mais, en tout cas, chacun a ses "fixations" —. Cela pourrait être, par exemple, de condamner l'entreprise à ajouter la quantité qui n'était pas là durant une période de temps correspondant au montant établi.

Donc, il y a différentes formules possibles. Cela ouvrait et on ne voulait pas... Notre approche avait été, sur la base des expériences américaines et des expériences des autres provinces, d'éviter de tenter de tout prévoir, chacun des cas, d'avoir une approche qui respecte l'économie générale de notre Code de procédure civile tout en tenant compte des origines de "common law " du recours collectif et d'en tenir compte. Parfois, il y a un certain avantage à arriver après tout le monde et à avoir au moins le minimum de bon sens de se servir de l'expérience des autres, d'évaluer leurs erreurs et d'essayer de ne pas les répéter, mais en même temps d'essayer de se servir des bons coups qu'ils ont pu faire au dernier fignolage d'un projet de loi. Donc, on a plutôt laissé ouvertes toute une série de possibilités qui seront évidemment décidées par le juge sur représentation des parties. Je m'excuse.

M. Turgeon: Quelle est l'idée du législateur quand on dit: En tenant compte notamment de l'intérêt des membres? Le tribunal dispose du reliquat de la façon qu'il détermine et en tenant compte notamment de l'intérêt des membres. Je pense que cela répond à ce que le député de Saint-Louis disait; le juge peut dire, à un moment donné: Le reliquat va à la compagnie ou il va au fabricant ou il va au défendeur. Quand on mentionne: en tenant compte notamment de l'intérêt des membres, on veut dire des membres du groupe, nécessairement. Mais il y a quand même une limitation à la discrétion du juge.

M. Marois: Oui, bien sûr. Mais est-ce que je comprends que vous voulez dire qu'à votre avis, l'interprétation du texte tel que libellé présentement donnerait précisément ouverture à ce qu'évoquait le député, c'est-à-dire à la possibilité de remboursement? Vous dites le contraire.

Mme Duval-Hesler: Non, pas du tout. La question... Il y a toujours...

M. Marois: Mais remarquez que, de toute façon, on va le regarder de très près. On va l'étudier d'abord, il paiera son amende après.

M. Turgeon: Non, c'est un renseignement que je demande. C'est plutôt une remarque qu'une question que je veux faire. Qu'est-ce que le juge va faire, autrement dit, avec cela?

M. Blank: Je pense qu'on doit étudier la suggestion de la compagnie, celle de permettre, en

matière de blessure corporelle, l'examen médical de ces gens qui font une réclamation pour des blessures corporelles. Parce que cela ne peut pas être le même dans tous les cas; ici, à 1019, on parle de l'examen utile à l'adjudication des questions de droit ou de fait traitées collectivement.

Quand on en vient aux blessures corporelles, ce n'est plus une affaire collective. Cela devient pratiquement individuel à ce moment-là. Je pense qu'en toute justice, on doit donner l'occasion au défendeur de faire examiner ces gens, parce que les dommages causés à une personne ne sont pas nécessairement les dommages causés à une autre personne.

M. Turgeon: II serait peut-être possible de dire que les dispositions concernant le recouvrement collectif ne sont pas applicables en matière de blessures corporelles.

M. Blank: Jusqu'à ce point-là, je ne suis pas certain.

M. Turgeon: Je parle du deuxième chapitre.

M. Blank: Oui, je comprends. Mais quand vous avez une demande de recours collectif de 5000 personnes, pour une raison ou une autre, les gens qui ont subi des blessures corporelles sont peut-être une dizaine ou une quinzaine. On peut régler le problème de la responsabilité pour les 5000 et c'est facile pour le juge ensuite de régler le problème des blessures corporelles de ces dix ou quinze personnes. Mais je pense que le défendeur a droit à un examen au préalable, si on demande des compensations pour perte de salaire, ou des choses comme ça ou le pourcentage d'incapacité. C'est différent dans tous les cas.

On est ici pour deux procès, le procès pour responsabilité et ensuite, le quantum. Le quantum se fait si c'est une question matérielle seulement. Mais quand ça arrive de l'autre côté, on doit aller un peu plus loin, retourner au code pour cette partie. C'est une suggestion que je fais.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: La question que M. Blank vient de soulever... J'avais des questions concernant le recours collectif pour blessures corporelles. Ce n'est pas tout à fait défini, parce qu'il est difficile à un juge d'accorder un montant s'il n'y a pas d'examen. C'est impossible, il faut absolument... C'est pour ça que je me demande si le recours collectif peut s'appliquer aux blessures corporelles.

M. Marois: Nous, on pensait que oui, en tenant compte de deux étapes à franchir, comme l'a évoqué le député tout à l'heure. D'une part, est-ce que oui ou non, il y a une responsabilité prouvée? C'est une première chose. Dans un deuxième temps, pour déterminer les réclamations ou les compensations individuelles, permettre forcément les interrogatoires, les expertises et le reste, parce que c'est la seule façon d'y arriver.

M. Blank: II y a une situation qui arrive depuis le 1er mars, avec la loi 67. Le montant serait déjà fixé, si c'est un accident d'automobile, si le dommage est causé par une automobile, même un vice caché, lorsque l'automobile est en mouvement. A ce moment, le montant sera fixé par la Régie de l'assurance automobile. Peut-être qu'on peut faire une corrélation entre ces lois et les décisions de cette régie. Le juge, s'il y a des blessures corporelles à cause d'un accident d'automobile, prend le jugement de la Régie de l'assurance automobile et cela va régler beaucoup de cas.

Mme Duval-Hesler: Pas celui de GM. M. Blank: C'est possible.

Le Président (M. Marcoux): Vous avez terminé? Je vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission, et surtout d'être revenus après le dîner.

M. Comtois: Merci.

Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant les membres de l'Association pour la protection des automobilistes à venir nous présenter leur mémoire. M. Edmonston, je vous inviterais à présenter vos collègues, de même que votre mémoire. (20 h 35)

Association pour la protection des automobilistes

M. Edmonston (Philippe): Merci, M. le Président. J'aimerais bien vous présenter mes confrères. A ma gauche, Me Gilles Charlebois, qui est le conseiller juridique de l'APA dans la région de Ottawa-Hull, l'Outaouais, et Me David Appel, qui est conseiller juridique de l'APA et membre du Conseil de la protection du consommateur, un conseil consultatif; à ma droite, Me Jacques Cas-tonguay, qui est vice-président de l'APA et aussi conseiller juridique de l'association; à ma droite aussi, Jeff... Est-ce qu'il est ici? D'accord, il s'en vient.

M. Turgeon: Je suis ici.

M. Edmonston: Attends ton tour.

Et M. Jeff Richstone, qui s'en vient, c'est un avocat également. Il a préparé la deuxième section du mémoire concernant les critiques de la loi et les amendements que nous aimerions bien voir apporter à ce projet de loi.

Avant de parler du mémoire qu'on vous a présenté, j'aimerais bien demander au président de la commission s'il serait possible, étant donné que nous ne lirons pas le mémoire, parce qu'il est déjà assez tard... Si vous ne savez pas lire, franchement...

Le Président (M. Marcoux): Un moment! On est prêt à bien des choses quand les gens ne veu-

lent pas lire leur mémoire, on est même prêt à le verser au journal des Débats, intégralement.

M. Edmonston: D'accord, formidable! Mais nous avons une demande, quand même...

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Edmonston: ... avec le consentement peut-être de la commission...

Le Président (M. Marcoux): C'est fait.

M. Edmonston: ... celle d'attacher notre annexe au journal des Débats. On n'a pas pu reproduire l'annexe. Il y a beaucoup de jurisprudence là-dedans. Le mémoire que vous avez reçu est sans annexe. Notre mémoire traite de jugements américains, canadiens. Il y a surtout beaucoup de jugements de la Cour des petites créances, au Québec. Nous aimerions soumettre cette annexe au président pour qu'elle soit reproduite au journal des Débats.

Le Président (M. Marcoux): L'aviez-vous fait parvenir en même temps que votre mémoire, l'annexe?

M. Edmonston: Une copie, oui, je crois, mais je ne sais pas si vous l'avez. Pouvons-nous vous présenter l'annexe maintenant?

Le Président (M. Marcoux): Oui, c'est possible.

M. Edmonston: Ici, c'est le mémoire complet avec 150 pages en annexe. Cela va? On va le publier tout à l'heure.

Le Président (M. Marcoux): Pour l'annexe, je vais prendre quelques secondes. Est-ce que les membres de la commission jugent à propos que l'annexe de 150 pages soit également versée au journal des Débats?

M. Edmonston: Je peux vous dire que ces jugements sont d'une extrême importance.

Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous attendre quelques secondes?

M. Edmonston: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Si j'ai bien compris, les membres de la commission seraient d'accord pour qu'on photocopie l'annexe pour tous les membres de la commission. Vous savez certainement que cela entraîne d'immenses frais de publication. Le mémoire sera versé intégralement au journal des Débats et l'annexe sera distribuée à tous les membres de la commission. (Voir annexe B).

M. Edmonston: D'accord, merci. Avant de parler du projet de loi 39, il va falloir parler un peu du contexte dans lequel les consommateurs se trouvent quotidiennement, aujourd'hui, au Québec, sans le recours collectif. Je peux vous dire que cela fait environ dix ans que je viens devant la commission parlementaire. Les figures y changent, les ministres y changent et, plus cela change...

M. Marois: Cela arrive, occasionnellement.

M. Edmonston: ... plus cela se ressemble beaucoup. Je ne veux pas faire de commentaires là-dessus, mais...

M. Blank: J'ai été un de vos électeurs.

M. Edmonston: ... je veux vous dire qu'on a étudié beaucoup de lois pour la protection du consommateur.

On a commencé avec M. Paul, on a continué avec M. Tetley, puis avec Mme Bacon, et maintenant avec Mme Payette. Selon nous, à l'APA, c'est un projet de loi d'une importance primordiale. A mon avis, c'est probablement le projet de loi le plus important pour les consommateurs qu'on n'a jamais eu au Québec. Pour faire une telle déclaration à une telle plaidoirie, il faut un bon avocat; je ne suis pas avocat, mais je suis entouré de quatre avocats. Il faut que je vous explique pourquoi on a tellement besoin du recours collectif proposé par le gouvernement.

En parlant de General Motors, sans confondre avec Généreux Motors, nous allons vous donner un exemple qui est arrivé récemment. Il y a un coroner qui s'appelle Armand Mathieu, dans un petit village, Saint-Joseph de Beauce, je crois; il a été obligé de faire une enquête sur le décès de M. Laurent Duval — aucune parenté avec Jacques Duval—. M. Duval est décédé, calciné, tué à la suite d'un incendie provoqué — selon le coroner, après avoir envoyé le convertisseur catalytique à l'Institut médico-légal de Montréal — par le mauvais fonctionnement, la défaillance du convertisseur catalytique.

Le coroner a recommandé que la voiture avec convertisseur catalytique ne soit plus vendue aux policiers, aux gens qui ont besoin de faire beaucoup de vitesse ou qui doivent stationner au ralenti assez souvent.

Il a dit que même la compagnie General Motors avait avoué le fait que — et c'est une chose bizarre — si vous avez une voiture General Motors équipée d'un convertisseur catalytique — et depuis 1975, les voitures GM ont toutes ce convertisseur catalytique — si votre voiture n'est pas parfaitement au point, cela peut provoquer la surchauffe du tuyau d'échappement et le feu. Nous avons reçu une centaine de plaintes de feu, d'incendies causés par le convertisseur catalytique.

Selon le rapport du coroner de Saint-Joseph de Beauce, la mort de M. Duval a été causée par le convertisseur catalytique de General Motors. N'oubliez pas qu'il y a un million de voitures équipées de ce convertisseur catalytique maintenant. General Motors a affiché un avertissement à tous les propriétaires de voitures GM au Québec pour

qu'ils ne laissent pas tourner leurs voitures au ralenti parce que cela peut provoquer des incendies.

Cette étiquette, cette affiche était unilingue anglaise. Je peux vous dire aujourd'hui que si on avait eu le pouvoir des "class action", les gens comme M. Duval ou les autres qui ont rapporté à l'APA que le tapis avait brûlé ou qui se sont échappés à temps avant que la voiture ne soit toute brûlée...

Vous savez peut-être que, si on avait eu le recours collectif à cette époque, on aurait pu obliger la compagnie General Motors à améliorer le convertisseur catalytique ou à changer le système complètement. Quand on parle de recours collectif, on ne parle pas seulement de l'argent. On parle de l'assainissement du marché, de l'équilibre entre les consommateurs et le commerçant. Nous considérons que ce projet de loi est d'une importance primordiale; il est plus important, à mon avis, que tous les autres projets de loi: projet de loi 45 et Loi sur la protection du consommateur, et j'en passe.

Il faut qu'on se situe dans le contexte dans lequel nous avons travaillé depuis dix ans. C'est pénible d'être obligé de dire aux gens qu'il n'existe aucun outil pour leur permettre de recouvrer leur argent.

Je vais vous donner deux autres exemples. Dans la cause de Briseur versus Bonaventure — c'est un cas bien connu à Hull — un vendeur de voitures et de camions a vendu à un camionneur en vrac un camion et a utilisé un contrat en anglais seulement. Le gars était un camionneur et il a acheté son camion sans vraiment lire le contrat. C'était même en violation avec la loi 45, les amendements à la loi 45 concernant la langue de contrat et, par le fait même, à la loi sur la langue au Québec. Mais, à cette époque, le camionneur a réussi à obtenir la résiliation du contrat parce qu'il était rédigé en anglais, parce qu'il était en anglais; c'est assez intéressant.

S'il y avait d'autres consommateurs qui voulaient revendiquer les mêmes droits ou qui voulaient contester un contrat, ils auraient besoin d'un recours collectif. Si chacun plaidait individuellement la même cause, payant son avocat peut-être de $500 à $1500, ces gens attendraient trois ans en Cour supérieure. C'est pas drôle.

Un des effets du recours collectif, ce n'est pas seulement une question financière. On peut obliger les compagnies à fabriquer des voitures plus sécuritaires et, en même temps, être en conformité avec la loi actuelle concernant la langue, la sécurité, etc. Et on va pouvoir équilibrer la situation entre le commerçant et les consommateurs.

Je vais vous donner un autre exemple du contexte dans lequel nous avons été obligés de travailler. A Montréal, un entrepreneur a vendu des milliers et des milliers d'antennes magiques. Tu installes cela sur ton téléviseur et tu captes tous les postes du Québec; c'est formidable, c'est de la magie.

M. Blank: ...

M. Edmonston: Tous les postes. Mais le pro- blème, c'est que cela ne fonctionnait pas; c'était une fraude gigantesque et la compagnie a écopé d'une amende de $300. C'étaient nos chers amis, relativement à la loi fédérale sur la coalition. C'est une poursuite criminelle. Le gars a perdu la poursuite, il a reconnu que cela ne fonctionnait pas: Oui, j'ai fraudé le monde. Il a perdu $300. Comme le ministre Marois a dit: $300, c'est presque suffisant pour acheter un permis pour fonctionner et frauder le public.

Sans le recours collectif, il aurait été plus facile pour les compagnies de frauder un million de consommateurs de $1 plutôt que de frauder un consommateur de $1 million. C'est ce qui se passe. (20 h 50)

Je vais vous donner un exemple de l'actualité d'aujourd'hui même concernant le conflit General Motors...

M. Marois: Ce sera quand même enregistré au journal des Débats, qui est un document public.

M. Edmonston: General Motors, aux Etats-Unis, a vendu beaucoup de voitures, beaucoup d'Oldsmobile avec des moteurs Chevrolet; des Cadillac avec des moteurs Oldsmobile; des Pon-tiac avec des moteurs Buick, des Buick-Pontiac. General Motors a fait cela sans avertir le public. Je sais que, en vertu du Code civil et de l'article 1065 de la loi, on peut se plaindre du fait que le bien ne respecte pas le contrat, mais, quand même, aux Etats-Unis, la compagnie General Motors vient de régler cela. La compagnie GM — parce qu'on a eu le "class action " aux Etats-Unis, pas entendu par les tribunaux, juste le "class action " institué par les solliciteurs généraux des Etats américains... 45 sur 50 des Etats ont fait des poursuites contre GM pour ces moteurs Chevrolet dans des voitures Oldsmobile. On appelle cela des Chevymobiles, elles ne sont ni Chevrolet ni Oldsmobile.

Quel a été le règlement de GM? Cela a été de donner $200 à chaque propriétaire et de prolonger la garantie à trois ans sur les moteurs.

Au Québec, il y a approximativement 3000 propriétaires de Chevymobiles; au Canada, environ 10 000. Quelle est l'offre de GM au Canada, au Québec? C'est rien. Elle prétend qu'une voiture GM, Chevrolet, Oldsmobile, etc., ne fait aucune différence et que le règlement aux Etats-Unis, pour les voitures fabriquées au Canada, exportées aux Etats-Unis, n'affecte pas la compagnie ici, que GM aux Etats-Unis et GM au Canada sont deux compagnies bien séparées. Comprenez-vous? Sans outils, on rit de vous, sans recours collectif, sans le muscle pour faire quelque chose, on ne vous reconnaît même pas.

Je peux vous parler du projet "Maison Talbot". Je crois que M. le ministre est beaucoup plus au courant que moi. Je peux vous parler de vibrations; vous savez, les hippies parlent de mauvaises vibrations, de mauvaises "rides", mais, moi, je vais vous parler des mauvaises vibrations de Chrysler, ce dont le ministre Marois est aussi au courant. Les Cordoba, des voitures de luxe de Chrysler, vous donnent des vibrations gratuitement tout le

long de la route. Vous allez me dire qu'avec ces vibrations gratuites !e consommateur va être heureux, mais c'est bien le contraire. Vous me direz qu'il peut poursuivre devant les tribunaux pour manque de jouissance. Franchement, avec les Cordoba, on est obligé de réunir les gens... Les gens qui ont dépensé $7000 ou $8000 pour ces voitures sont vraiment en maudit. Après un an ou un an et demi, avec les avocats de l'étude Canuel Quidoz, on a finalement eu un règlement avec Chrysler; le règlement a seulement été de payer pour certaines réparations, mais de reprendre le véhicule et de le guérir de ses problèmes de vibrations excessives.

Avec le "class action", je suis certain qu'on aurait pu arranger cela tout de suite. Pendant un an et demi, le bureau de l'APA a été inondé de ces plaintes. On a été obligé de faire beaucoup de travail et on n'était pas capable de faire d'autres travaux parce que nous étions inondés de plaintes sur les Cordoba. On ne pouvait pas aller à la Cour des petites créances parce que cela coûtait trop cher et à la Cour provinciale, cela prend pas mal de temps et cela coûte assez cher aussi. La Cour supérieure? Oubliez-là; trois ans et vous pouvez perdre assez facilement.

Je peux vous parler d'un cas, dans l'annexe, le "rédactage" — vous allez voir cela dans l'annexe quand elle sera polycopiée... "Rédactage", c'est un mot bien à moi; cela veut dire, en bon français, je crois, l'actualisation de l'année d'une automobile.

Mais qu'est-ce que cela veut dire, l'actualisation? Dans les années 1970, 1971, 1972, vous vous souvenez de cela, vous n'étiez peut-être pas au pouvoir, sauf pour M. Blank, on avait devant nous des voitures qui ont été vendues... Toutes les voitures importées, Ford, GM, Datsun, Toyota, Mazda, étaient des voitures de la mauvaise année. Cela veut dire qu'en 1971 pour tous les modèles 1971 qui restaient invendus, disons en septembre 1971, quand on devait vendre les nouveaux modèles, les 1972, les compagnies envoyaient une petite lettre à tous les concessionnaires et à notre cher Me Ghislain Laflamme, du Bureau des véhicules automobiles. Cette lettre disait: A partir d'aujourd'hui, en septembre, tous les véhicules 1971 qui restent invendus, on va les vendre comme étant des modèles 1972. On disait bien: Aujourd'hui, les 1971, au même prix que les 1972. Ce n'étaient pas des voitures 1971, mais des voitures fabriquées peut-être en décembre 1970, parce que cela est arrivé que, pour les voitures 1971, on a commencé la fabrication en août ou septembre. Donc cela a pu être une voiture fabriquée en août 1970 que vous avez achetée comme une voiture 1971 en août 1972, pensant que vous pouviez acheter une bonne 1971 avant que les 1972 n'arrivent sur le marché, donc une voiture presque âgée de deux ans, au prix de 1972.

Nous avons lutté avec les outils que nous avions à ce moment-là, et c'était la Cour des petites créances. Nous avons intenté des poursuites devant 84 cours des petites créances au Québec en utilisant les chroniques de Photo-Police, pour toucher une certaine couche de la société, et cel- les du Devoir pour toucher une autre couche de la société. Partout, nous avons atteint les gens en disant: Allez à la Cour des petites créances ramasser vos $300. On a commencé à gagner pas mal, beaucoup. Il semblait que beaucoup de juges aient acheté des voitures importées. Ils connaissaient un peu le problème. Après avoir gagné une dizaine de causes, la première chose qui nous est arrivée, un bref d'évocation. Mon Dieu! qu'est-ce que c'est, un bref d'évocation? Le consommateur arrive encore à la Cour des petites créances, il prend ses $10 et dit: Je veux la justice. Qu'est-ce que le consommateur reçoit? Trois choses. Cela dépend quelle compagnie est poursuivie. Si c'est Datsun, il peut recevoir une invitation à se présenter devant la Cour supérieure pour entendre ce bref d'évocation. La deuxième chose que le consommateur pouvait recevoir, c'était une poursuite de Datsun ou de ses concessionnaires, surtout de ses concessionnaires, une poursuite en libelle diffamatoire pour avoir osé parler contre la compagnie Datsun dans une déclaration devant la Cour des petites créances. David vient de m'avi-ser, c'est bon des avocats parfois, ils ont des hypothèses souvent, ce sont nécessairement les concessionnaires Datsun, car la compagnie Datsun a prétendu qu'elle n'avait rien à y faire. Ce sont les concessionnaires qui ont poursuivi les clients pour libelle, après avoir recouru à la justice devant la Cour des petites créances. D'accord. Mais on a eu, à un certain moment, presque 2000 cas devant la Cour des petites créances; 2000 fois $300, c'est quelque chose cela. C'est la justice. Depuis le bref d'évocation, on a gagné, incidemment, devant le juge Deschênes, c'est dans votre annexe. A la compagnie Datsun et à la compagnie Ford, parce que, pour la rouille aussi, il s'est fait la même chose, les consommateurs ont commencé à laisser tomber leur cause, parce que cela faisait quatre ans. Ils ne sont plus propriétaires de la voiture. Ils ne veulent plus rien entendre de leur ancienne voiture importée qu'ils ont achetée. Aujourd'hui, vous savez où nous retrouvons l'APA? Devant la Cour d'appel, pour un consommateur de Datsun, M. Pelletier de Longueuil, qui a gagné sa cause, il y a quatre ans, pour $300 et, le 16 de ce mois-ci, la semaine prochaine, c'est l'APA qui va être obligée de témoigner devant la Cour d'appel.

Je sais que ça ira devant la Cour Suprême, un jour. C'est le contexte actuel, même avec la Cour des petites créances... La vente des voitures pour les mauvaises années, ce qu'ils n'osent pas faire aux Etats-Unis d'ailleurs.

Une voiture dont je vais parler brièvement, la Firenza; c'était un petit bijou de General Motors, c'était une voiture non polluante. Elle ne polluait pas l'air parce qu'elle ne démarrait pas. Cela, c'était une des meilleures idées de GM. On a intenté une poursuite collective, un recours collectif dans les "common law provinces". Jusqu'à présent, cela nous a coûté au-delà de $10 000. Me Appel va vous expliquer ce qui est arrivé. Pour Ford, Me Charlebois va vous expliquer ce que la Cour des petites créances a fait dans le cas de Ford, et Me Jacques Castonguay va vous expliquer ce qu'un consommateur peut faire devant la Cour

provinciale. Pas seulement la Cour provinciale, division des petites créances, mais la Cour provinciale, avec toutes les règles de preuves là-dedans, ce que ça fait pour un consommateur.

Je laisse tomber Firenza, parce que les autres vont en parler. Ford a eu une "class action", un recours collectif; regardez aux Etats-Unis, vous avez entendu parler du gars qui vient de gagner $128 millions. Il a été brûlé, défiguré par une Ford Pinto dont le réservoir d'essence a provoqué un incendie épouvantable; ce n'est pas un recours collectif, ça, ce sont seulement les dommages intérêts punitifs. C'est en Californie. Cette semaine, j'ai lu dans les journaux américains qu'un groupe de propriétaires de Pinto vient d'intenter une poursuite collective dans un district judiciaire aux Etats-Unis pour obliger la compagnie Ford à rappeler ses véhicules pour réparer les réservoirs d'essence. Ils ne demandent même pas de compensation monétaire, ils demandent que Ford répare les défauts qui peuvent coûter pas mal cher aux gens, à cause des blessures; ils peuvent être horriblement défigurés.

Alors, quand on parle de recours collectif, on ne parle pas seulement d'argent, comme je viens de vous le dire, mais aussi d'une façon d'orienter la compagnie à faire des bonnes choses, à être responsable envers la collectivité qu'elle sert.

En parlant de l'appel aux Etats-Unis, je peux vous dire brièvement, parce que je sais que le temps file, je ne veux pas vous...

Le Président (M. Marcoux): Normalement, pour la présentation des mémoires, on accorde une vingtaine de minutes pour permettre ensuite le dialogue avec les membres de la commission. Vous avez déjà une bonne vingtaine de minutes de prises, si vous pouvez résumer l'essentiel du reste de votre présentation, pour que le dialogue s'engage le plus rapidement possible.

M. Edmonston: Je viens de vous résumer l'essentiel, mais je vais essayer de résumer le résumé.

En parlant de rappel d'un véhicule automobile, il existe une loi fédérale sur les véhicules non sécuritaires. Cette loi ne vaut rien, vous me comprenez, ça ne vaut rien pour la sécurité des gens. La loi canadienne sur la sécurité des véhicules automobiles, ça ne marche pas. Par exemple, la compagnie Chrysler avec la Volaré Aspen qui étouffe à chaque coin de rue. Tu comprends ça, oui. Le problème avec ça, c'est que la compagnie Chrysler aux Etats-Unis vient d'annoncer, le 20 décembre, qu'elle a rappelé les voitures, à la suite d'une demande du gouvernement américain, à la suite de pressions de l'APA, de Nader, des autres personnes qui ont envoyé des lettres de plaintes aux Etats-Unis et à Ottawa. Aux Etats-Unis, ce sont 1,3 million de voitures que la compagnie va rappeler gratuitement, elle va réparer ce problème d'étouffement de moteur.

Au Canada, ça va faire trois mois, ils n'ont rien fait. Chrysler dit; Non, non, ça, c'est pour les Américains, ça ne touche pas les Canadiens. Les voitures sont fabriquées ici à Windsor, au Canada. Elles sont envoyées aux Etats-Unis, mais les Américains sont mieux protégés que nous. (21 h 5)

Ce n'est pas juste. Nous, les bons caves, nous allons payer pour des mises au point complètement inutiles, pour guérir ces problèmes. Les mises au point que les concessionnaires nous font payer presque tous les jours ne valent rien parce que les pièces d'automobiles, les pièces correctives, n'existent pas ici. Ils n'ont même pas les pièces correctives en stock.

Une dernière chose concernant le rappel, avec le recours collectif, on pourra faire un rappel, dans le sens d'obliger les compagnies à être responsables des défauts. Qui peut oublier la voiture Kamikaze, de Datsun, la Datsun 240Z? C'est une voiture qui peut faire de 0 à 60 MPH en six ou sept secondes, mais de 60 à 0 MPH en une couple d'heures. Il y a une différence.

L'APA a tout essayé. Nous sommes allés devant la Cour des petites créances, cela n'a pas marché. Nous avons même tenté une injonction, nous avons passé devant le juge Amédée Monet et cela n'a pas marché. Savez-vous pourquoi on ne peut pas obtenir une injonction d'un jugement de M. Monet, qui est devant la Cour d'appel présentement, et qui est un excellent juge? Etant donné que l'APA n'était pas propriétaire d'une Datsun 240Z, on ne peut pas intenter une poursuite pour demander une injonction. Mon Dieu! quand arrivera le temps où je serai obligé d'acheter une maudite voiture Volaré Aspen ou une General Motors pour faire une poursuite, c'est franchement un peu trop demander. On a perdu la cause, parce qu'on n'était pas propriétaire de ce véhicule, nous, l'association.

On ne peut pas oublier que General Motors dit, dans son mémoire, qu'il faut faire bien attention, aux groupes de protection de consommateurs, aux associations vouées à la protection des droits du consommateur. Il faut faire attention à ne pas donner trop de pouvoirs à ces gens. Quels pouvoirs? Dans le passé, ils n'en ont eu presque aucun, sauf pour la publicité, sauf pour les conférences de presse, sauf pour la Cour des petites créances.

Le recours collectif va nous donner un outil une fois pour toutes. J'espère qu'il va nous le donner. Je ne sais pas ce qui va arriver entre aujourd'hui et le moment où cela sera adopté par la Législature, mais je peux vous dire que, comme tel, cela va nous donner un outil vraiment primordial pour assurer une véritable protection au consommateur au Québec, un outil que le consommateur peut prendre dans ses mains. C'est la meilleure chose à faire. Donnez votre cause à un avocat ou donnez votre cause à quelqu'un qui travaille pour l'Office de la protection du consommateur, je parle dans le passé, ou à un bureaucrate d'Ottawa, vous ne pouvez plus voir votre cause, vous ne participez plus à votre affaire. Selon nos études, les gens ont été beaucoup plus attirés par la Cour des petites créances où ils peuvent plaider l'affaire, voir ce qui se passe, engueuler le juge et tout cela. Les gens aiment cela. La

Cour des petites créances démocratise un peu la justice. Les gens sont capables d'intenter des poursuites avec des groupes de protection de consommateurs.

La compagnie GM dit qu'il faut faire bien attention aux groupes de protection du consommateur — je parle de ce qui était dans son mémoire, elle n'en a pas parlé ouvertement ce soir, je ne crois pas — oui, il faut faire attention, parce que c'est peut-être le seul endroit où le consommateur, aujourd'hui, peut faire valoir ses droits.

Avant de continuer, je veux juste demander, comme pour les poursuites, pour le recours collectif, étant donné que General Motors n'est plus ici, qui peut oublier la fameuse Vega dégât, l'Astre désastre, de GM. Franchement, avec les moteurs biodégradables...

C'est évident, vous avez des belles-soeurs, des belles-mères, des femmes ou des cousins qui, sûrement, ont une de ces petites bestioles, de ces bêtes. On a un besoin criant du recours collectif. J'approuve le principe de la Loi sur le recours collectif. Je trouve que cela répond bien à l'actualité d'aujourd'hui. On a besoin de cela. Avec cela, je termine et je laisse le mot à Me David Appel.

M. Appel (David): Je m'excuse, mais est-ce que vous avez dit que vous vouliez qu'on termine à une certaine...

Le Président (M. Marcoux): La période de vingt minutes n'est pas absolument impérative, mais, de toute façon, pour permettre le plus de questions possible... Je ne sais pas si, en quatre ou cinq minutes, vous pourriez insister sur quelques points du projet de loi 39 que vous voudriez voir améliorés ou modifiés, pour que s'engage... Tous les membres de la commission ont eu votre mémoire depuis quelques jours déjà. Ils peuvent en prendre connaissance et, à ce moment-là, ils sont prêts à passer à une période de questions et d'échanges.

M. Appel: Peut-être qu'on pourrait soulever seulement certains points. Sans entrer dans les détails, il y a certains points du côté technique qui pourraient peut-être aider la commission.

M. Marois: M. le Président, pourrais-je me permettre de faire la suggestion suivante, parce qu'il est 21 h 10, déjà?

Une Voix: C'est cela.

M. Marois: A 22 heures, la commission doit suspendre ses travaux. Je pense bien que les membres ont déjà pris connaissance de votre mémoire ainsi que des recommandations très particulières que vous formulez. On aurait des questions à vous poser sur un certain nombre de vos recommandations. Si c'était possible de commencer...

Une Voix: A la fin.

M. Marois: ... les questions le plus vite possible, quitte à ce que, si, à votre point de vue...

Le Président (M. Marcoux): S'il y a des points qui n'ont pas été abordés, vous pourriez les aborder à la fin...

M. Marois: ... si on était d'accord, s'il y avait des points qu'on n'aurait pas touchés dans nos questions et qui vous semblent absolument importants... Peut-être que, si on était tous d'accord, on pourrait vous permettre, à la fin, de prendre un peu de temps...

M. Cordeau: Oui.

M. Marois: ... pour attirer notre attention sur des points qui vous paraissent importants et qu'on aurait négligé d'aborder.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que cela vous convient comme cela?

M. Edmonston: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Blank: Tous les partis politiques ici sont d'accord sur la nécessité de ce bill, pas besoin de nous convaincre sur cela. C'est la question de nous convaincre que le bill ne va pas assez loin ou va trop loin, c'est cela qu'on veut savoir.

M. Edmonston: D'accord.

M. Blank: Tout le monde accepte le principe du bill, mais on veut savoir les questions de détail.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Edmonston: Je veux répondre à la question...

Le Président (M. Marcoux): Non. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier l'Association pour la protection des automobilistes de son mémoire. Je pense que... Je ne m'étendrai pas longuement, M. Edmonston a déjà largement rappelé le travail que l'APA a fait. Je pense que votre témoignage est important pour notre commission parlementaire, parce que, forcément, vous êtes parmi ces groupes qui ont eu les deux pieds dans le béion, les deux pieds dans le concret, pris avec les problèmes quotidiens des consommateurs dans un domaine extrêmement important qui est celui de l'automobile. Votre témoignage est intéressant, parce que, par extension, forcément, un bon nombre des choses que vous avez à nous dire s'appliquent aussi à l'ensemble du marché, comme on dit, de la consommation, dans une société comme la nôtre qui est devenue une société de

production de masse et aussi, en conséquence, une société de consommation de masse.

Vous avez noté, au point de départ, que l'APA était venue souvent devant les commissions parlementaires. Je pense que, dans la foulée de ce que le député vient d'indiquer, vous devez savoir que les parlementaires qui sont ici, tous d'ailleurs, je pense bien, sans exception, partagent cette idée qu'il est maintenant temps que le recours collectif soit introduit dans notre droit et qu'il est temps qu'à cette session-ci, une loi du genre soit adoptée pour que cette procédure se retrouve dans notre droit, dans les meilleurs délais, pour que ce soit un instrument qui contribue à rétablir un équilibre, pour que ce soit fait avec le plus de justice possible, d'ailleurs, pour l'ensemble des parties et que cela permette, pour reprendre l'expression qu'utilisait le bâtonnier quand il est venu devant nous, de pousser — c'était son expression, d'ailleurs et je pense que cela traduit passablement bien l'objectif du projet de loi — dans l'application concrète, jusqu'à la fine pointe, la notion de responsabilité en droit, et que cela puisse se traduire par quelque chose de concret pour les citoyens qui auront des droits à faire valoir.

Donc, j'espère que l'APA aura l'occasion de revenir devant des commissions parlementaires et reviendra devant des commissions parlementaires, mais sur un autre sujet que sur le recours collectif, puisque tous ensemble, c'est notre volonté d'essayer d'y arriver, dans les meilleurs délais. Ceci étant dit, vous me permettrez quelques très brefs commentaires et un certain nombre de questions sur des points très précis de votre mémoire. Je voudrais vous indiquer, de toute façon, que si on n'a pas le temps d'aborder toutes et chacune des questions que vous soulevez — comme c'est le cas aussi pour tous les mémoires qui nous ont été présentés — soyez assurés qu'on va examiner à la loupe et étudier très attentivement toutes et chacune des recommandations qui sont contenues dans votre mémoire.

Si je ne me trompe pas, à la lecture de votre mémoire, vous rappelez un cas — c'est dans votre mémoire ou ailleurs que je l'ai pris, mais enfin, peu importe, cela revient au même, parce que c'est une donnée de fait — en Ontario, il n'y a pas si longtemps, Ford, suite à un recours collectif, a dû payer $2,7 millions à environ 8900 propriétaires, suite à des problèmes de rouille. Je pense que c'est effectivement évoqué dans votre mémoire, si ma mémoire est bonne... Ou ailleurs. Au Québec, comme on n'a pas le recours collectif — et je pense que vous aviez raison d'insister sur le fait qu'il n'y a pas qu'une seule dimension économique à l'introduction du recours collectif — est-ce qu'on ne se trouve pas, en fait, dans une situation de complet déséquilibre? A la frontière même des provinces, si je mets les pieds d'un côté de la rivière, j'aurais le droit, étant un propriétaire de Ford, de participer à un recours comme celui-là, mais si j'ai les pieds de l'autre côté de la rivière, au Québec, je ne pourrais pas y participer, de telle sorte qu'il y a là une forme de déséquilibre que je cherche à combler et à rétablir par l'introduction du recours collectif. Egalement, vous y avez fait allusion, cela a été évoqué assez longuement, à plusieurs reprises, dans nos travaux. Il est certain que c'est aussi introduire ce que j'appelais, dans le sens de prévention, dans le sens d'un nettoyage du marché — et dans certains cas, et Dieu merci, c'est loin d'être le cas de toutes les entreprises, loin de là — nettoyage de tous les cas de "fly by night" et autres collègues du genre, qui sont de mauvais citoyens, dans certains cas, de mauvais citoyens, ou personnes morales. Ceci étant dit, la première question que je voulais vous poser, c'est la suivante: Vous proposez que le recours collectif puisse être accessible à une classe de défendeurs. Vraiment, j'avoue que c'est la première fois qu'on soulève cet aspect devant nous. Je sais bien ce que vous avez en tête. Je pense que je comprends très bien. Cela pourrait être, par exemple, de poursuivre un groupe de marchands ou la classe de marchands d'automobiles, au nom de tous les acheteurs d'automobiles. En toute équité, cela pourrait aussi vouloir dire que tous les acheteurs d'automobiles pourraient être poursuivis par la classe des marchands d'automobiles. Est-ce que vous vous sentiriez aussi à l'aise pour défendre une idée comme celle-là, pour la rendre accessible à une classe de défendeurs?

M. Edmonston: Non.

M. Marois: C'est ma première question. Si vous permettez, je vais vous les débouler pour permettre aux autres après de pouvoir passer.

M. Edmonston: Cela va être difficile, parce que déjà, on a quatre ou cinq individus ici pour répondre à vos questions. J'aimerais bien, pour ces questions, que l'avocat qui est prêt, réponde brièvement tout de suite, si cela ne vous fait rien.

Le Président (M. Marcoux): Disons qu'on est habitué à fonctionner...

M. Marois: D'accord. Je préférerais vous donner l'ensemble des questions, et après, je vais vous laisser complètement le champ libre, pour ensuite permettre à mes collègues... C'est parce que je ne veux pas monopoliser le temps du dialogue entre nous.

M. Edmonston: D'accord.

M. Marois: Je sais que mes collègues à cette table ont aussi des questions ou des remarques à formuler. C'est ma première question. Vous proposez également que le rejet, le règlement, ou le désistement, concernant le recours collectif soient traités rigoureusement et soumis à des modalités, par exemple, publication des raisons. Là-dessus, j'aimerais que vous expliquiez un peu plus les raisons qui vous amènent à formuler cette recommandation. A la lumière de cela, je pourrai vous dire — si j'ai bien saisi — qu'il vaudrait la peine d'examiner de très près cette question. (21 h 20)

M. Edmonston: Votre deuxième question, quelle est-elle?

NI. Marois: Vous proposez dans votre mémoire que le rejet, le règlement ou le désistement concernant le recours collectif soit traité rigoureusement et soumis à des formalités. Un exemple que vous en donnez, c'est la publication des raisons. J'aimerais que vous me donniez plus de détails sur les raisons qui vous amènent à formuler cela. Si j'ai bien compris, si c'est vraiment le sens strict de ce que je viens de citer, je pense que cela mérite réflexion; je pense que cela mériterait qu'on s'y arrête très sérieusement.

Egalement, en ce qui concerne le Fonds d'aide aux recours collectifs, l'article 22, vous recommandez qu'on ajoute à l'article 22 un critère, celui de l'intérêt social. J'aimerais que vous nous indiquiez quelles sont les raisons qui vous amènent à nous recommander d'ajouter ce critère d'intérêt social dans les critères de l'article 22.

Maintenant, vous soulevez aussi un problème — ce n'est pas une question que je vous pose, mais je le note au passage — en ce qui a trait aux articles 31 et 32 du projet de loi. Concernant le fonds d'aide, vous nous recommandez de prévoir la continuation de l'aide auprès d'un nouveau représentant, dans le cas où un représentant est substitué à un autre, lorsque le représentant original perd son droit à l'aide et doit rembourser le fonds. Je vous dirai tout de suite que cela mérite réflexion et on va le regarder de très près.

Voilà, M. le Président, pour l'instant, mes commentaires, remarques et questions.

M. Edmonston: Je vous inviterais à écouter les commentaires de Me Charlebois concernant la question que vous avez soulevée au sujet des gens qui ont reçu en Ontario les $2,7 millions pour la Ford rouillée, vu l'équilibre de l'Ontario et des marchands du Québec.

M. Charlebois: M. le Président, je veux tout simplement apporter une précision à ce que M. le ministre a dit. Depuis le prononcé du jugement dont parle M. le ministre, il y a eu en Ontario une autre décision du "Divisional Court of the High Court of Justice", qui est le palier de la Cour suprême d'Ontario, qui n'est inférieure de la Cour d'appel que d'un palier; donc, dans les paliers de justice d'Ontario, le "Divisional Court" ne serait inférieur de la Cour d'appel que d'un palier. La décision du "Divisional Court" dans Naken contre General Motors a été rendue le 13 octobre 1977. Malheureusement cette décision semble porter un coup presque mortel au recours collectif en Ontario. Nous espérons que cette décision sera portée devant la Cour d'appel d'Ontario. Mais, depuis le 13 octobre 1977, la décision de la Cour dans la cause Naken contre General Motors représente le mot définitif sur le recours collectif en Ontario. Je peux faire très rapidement le lien entre Naken et les articles 1003 et 1028 du projet de loi que vous étudiez présentement. J'ai ici les raisons du jugement dans la cause Naken et je vais vous le résumer rapidement.

Naken faisait affaires avec les voitures Fi-renza, dont M. Edmonston vous parlait. C'est vrai qu'elles ne démarraient pas souvent, mais quand elles démarraient, elles avaient d'autres problèmes; c'est pour cette raison que l'action a été portée. Une action a été portée par quatre personnes, y compris M. Naken, de façon collective, pour tous les acheteurs de la voiture Firenza. On se plaignait que les défectuosités de la voiture étaient d'ordre fondamental.

On a demandé des dommages-intérêts pour la perte de valeur de la voiture, étant donné que, au bout d'une période de temps très courte, la voiture se dépréciait vraiment de façon très très lourde.

General Motors a tenté de faire rejeter l'action par le tribunal. En première instance, General Motors a perdu, l'action a été maintenue; General Motors est allée en appel devant le Divisional Court, et le Divisional Court a donné raison à General Motors. Les raisons de la cour étaient les suivantes: la cour a décidé qu'un recours collectif pouvait être permis lorsque la requête était commune à tous les membres. C'est fondamental, c'est reflété dans votre article 1003. Là où il y a problème, c'est dans la définition qu'a apportée le tribunal à ce que constituait un intérêt commun. Etant donné que cela avait rapport à des voitures, à un manufacturier, un fabricant, la cour a décidé qu'il faudrait que chaque membre de la classe puisse démontrer qu'il faisait partie du même contrat avec le fabricant. La cour a aussi décidé que ce ne serait pas suffisant de démontrer que chaque acheteur s'était fié aux annonces publicitaires du fabricant; il faudrait plutôt que l'on puisse convaincre le tribunal probablement en amenant devant le tribunal chaque acheteur de voiture, qui jurerait, qui démontrerait au tribunal que l'acheteur s'était en fait fié aux annonces publicitaires, aux réclames publicitaires du fabricant pour acheter la voiture — et que c'est cela qui donnait lieu au contrat. Etant donné que M. Naken et les quatre autres membres de la classe n'ont pas su démontrer cela — pouvez-vous concevoir la cour avec 4000 ou 5000 propriétaires de Firenza — la cour a refusé de continuer d'entendre cette action.

La deuxième raison pour laquelle la cour a refusé d'entendre la requête avait trait aux dommages-intérêts. Le tribunal, en Ontario, a décidé qu'un tel recours collectif pourrait seulement avoir du succès contre un fonds commun ou pour des dommages-intérêts subis par chaque membre de la classe en général. Là, Don Naken et chaque membre du groupe demandaient un montant de dommages-intérêts pour soi-même, individuellement, la cour a décidé que cela n'était pas acceptable. M. Naken représente donc en ce moment, en Ontario, le mot de la fin. Je pense que cette lacune, le projet de loi, à l'article 1028, semble la combler en mentionnant que le tribunal peut, s'il condamne à des dommages-intérêts, ordonner que les réclamations des membres soient recouvrées collectivement ou fassent l'objet de réclamations individuelles. Ici, dans votre projet de loi, à l'article 1028, vous comblez l'une des lacunes qu'il y a en Ontario. Tout ce que je peux suggérer, c'est que peut-être un amendement pourrait être apporté au projet de loi afin que la définition d'un intérêt commun ne puisse être l'objet d'une inter-

prétation du tribunal aussi restreinte qu'elle l'est actuellement en Ontario. Je pense que c'est...

M. Marois: Si vous le permettez, c'est en particulier en se basant sur des cas comme ceux-là, quand il y a la notion d'intérêt commun, qu'on retrouve en général comme critère dans la plupart des procédures de "class action", qu'on a préféré utiliser — ce qui correspond d'ailleurs mieux à l'économie générale de notre droit, d'une part, mais sur la base de ces expériences— des formules comme: "Les recours des membres doivent soulever des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes", ceci à cause de l'expérience. Je vous remercie de vos commentaires.

Ce à quoi je faisais allusion, c'était à la page 14 de votre mémoire, au troisième paragraphe, où vous évoquez: ... en Ontario où un recours collectif a été intenté par les propriétaires de voitures Ford. Après que cette affaire fut portée devant la cour, la compagnie Ford consentit à payer hors cour des compensations de $2,7 millions à 8900 propriétaires de Ford. Je dis que, chez nous, tant qu'on n'aura pas au Québec un recours collectif, c'est extrêmement difficile d'arriver à des résultats comme ceux-là. En même temps, je vous remercie des commentaires. Vous avez profité de cette occasion pour nous faire des commentaires sur, entre autres, les critères et sur l'article 1028. Je pense qu'il était intéressant pour nous de savoir qu'à votre point de vue, le projet tel que libellé vient combler des lacunes que d'autres ont pu trouver dans l'application de leurs règles de procédure de recours collectif.

M. Charlebois: Je voudrais seulement ajouter un dernier mot, M. le ministre. Ce ne serait pas la première fois, d'ailleurs, qu'un projet de loi au Québec vient combler une lacune en Ontario. Vous l'avez fait avec le régime...

M. Marois: En général, comme on arrive après les autres, on essaie de se servir un peu de l'expérience des autres.

M. Charlebois: Vous l'avez fait, d'ailleurs, avec le régime d'aide juridique que j'ai eu la chance d'étudier et avec lequel j'ai eu des expériences. Il n'y a pas à douter que le régime d'aide juridique du Québec est supérieur à celui de l'Ontario.

M. Marois: Je suis obligé de rendre à César ce qui est à César. Quand vous dites nous, je comprends bien que vous parlez du gouvernement, tout en majuscules.

M. Charlebois: Exactement. Vous avez encore une fois la chance de régler des lacunes qui sont présentes en Ontario où le tribunal, n'ayant pas un statut sur lequel se fonder, donne l'interprétation qu'il veut aux lois. Ici, vous avez la chance et j'espère que vous allez en profiter.

M. Edmonston: Pour votre question concer- nant le recours collectif et le défendeur, il y a Me Jacques Castonguay qui va y répondre.

M. Castonguay: Je ne veux pas être trop long sur le point. Je me rends compte maintenant que la façon dont on a formulé notre mémoire là-dessus n'était peut-être pas très claire. Ce qu'on avait en tête en proposant cela, c'était plutôt une formule qui permettrait... Je pense qu'on aurait dû préciser qu'à ce stade-ci la formule de l'opting in" pourrait être intéressante, au sens où ce qu'on avait en tête, c'était la possibilité suivante. Supposons que des contrats de crédit ou des choses comme cela puissent avoir été conclus avec des consommateurs et que, d'une façon générale, je ne sais pas pourquoi, pour un point particulier, ces contrats soient illégaux; supposons qu'à un moment donné, un consommateur puisse se défendre en alléguant ces points et que, par le contexte de l'"opting in", il y ait possibilité pour d'autres consommateurs de se joindre à l'action et si eux, éventuellement, voulaient faire valoir le même point, qu'ils puissent faire partie de l'action et que le jugement puisse valoir pour eux. Evidemment, ce qu'on avait en tête, ce n'était pas tellement le cas de voir une classe complète de consommateurs poursuivie par un commerçant, mais plutôt la possibilité qu'un consommateur se joigne à une action et que le jugement soit rendu dans son cas en même temps que les autres. C'était le point qu'on avait surtout...

M. Blank: Est-ce que ce n'est pas un autre moyen d'arriver au même but? Disons qu'il y a un groupe de défendeurs qui peut agir. Au lieu de se défendre ensemble, ces défendeurs prennent une "class action" et, après cela, utilisent les autres articles du code pour faire les réunions d'actions. Je vous donne l'exemple d'un contrat de crédit. S'il y a une clause que vous voulez éliminer, il y a d'autres défendeurs qui ont un intérêt. Rien n'empêche le groupe de prétendus défendeurs de devenir demandeurs dans une cause en recours collectif et, après cela de faire une demande de réunion des actions pour avoir un jugement pour les deux. Cela peut éviter d'autres situations néfastes qui peuvent arriver.

M. Castonguay: A la limite, je pense que c'est possible, sauf que, pratiquement, c'est une chose qu'on ne verrait à peu près jamais parce que les gens ne sont tout simplement pas informés de l'existence des procédures, sauf peut-être par les journaux ou des choses comme cela, ce qui fait que... (21 h 35)

M. Marois: Si vous me permettez, je m'excuse de vous interrompre. Je pense qu'à la lumière de vos commentaires et des commentaires du député, vous conviendrez avec nous, à tout le moins, que la façon dont la recommandation est formulée... Je ne vous cacherai pas que je serais plutôt très réticent à ouvrir une porte comme celle-là. Je ne sais pas où on s'en va, mais je sais qu'on va y aller vite. Je veux bien, bien sûr, utiliser au maxi-

mum le fait qu'on arrive après les autres et au mieux, au mérite l'expérience des autres, leurs faiblesses, leurs points forts. Je serais plus réticent à ouvrir des dimensions nouvelles qu'à peu près personne n'a expérimentées, évaluées, qui pourraient nous mettre dans des situations beaucoup plus délicates, difficiles et même injustes pour, à nouveau, contribuer à amorcer un nouveau déséquilibre.

Je pense qu'il faut tabler sur la base des faits et des expériences connues, ce qui serait déjà une étape considérable de franchie, à mon avis. D'accord, je comprends.

M. Edmonston: Me Appel va vous répondre un peu plus longtemps là-dessus et si vous avez d'autres questions après...

M. Appel: Je dois dire que ce n'est pas un point majeur le fait que le recours collectif en soi remplisse un vide qui existe déjà. Donc, on ne se plaint pas en disant que c'est plutôt une suggestion pour un autre genre d'affaire, un autre article. Je crois que vous avez peur de l'idée qu'il y aura une classe défenderesse qui sera poursuivie par une demanderesse, ou quelque chose de ce genre. L'idée qu'on avaii à l'esprit, c'est la suivante: On ne sait pas...

M. Marois: Je comprends, je m'excuse, je me suis mal fait comprendre. Ce n'est pas de ça que j'ai peur, parce qu'effectivement, dans l'état actuel de la procédure, rien n'empêcherait un groupe de consommateurs de poursuivre toute une série de vendeurs, de détaillants de voitures de telle marque, de tel modèle, et le fabricant. Vous auriez là, on peut jouer sur les mots, une espèce de classe défenderesse, ça se voit souvent dans une action. Ma crainte, c'est que, si on ouvre et qu'on formalise ça dans le texte, en toute équité, est-ce qu'on ne serait pas obligés d'ouvrir l'inverse aussi? C'est-à-dire que vous voyez un recours exercé par un groupe de commerçants contre une classe...

Je dis qu'on est en terrain glissant.

M. Appel: Mais je me demande si c'est vraiment une inquiétude...

M. Marois: Je comprends que ce n'est pas un des éléments clefs de votre mémoire et je voulais être sûr de bien comprendre. Je m'excuse.

M. Appel: Je m'excuse aussi. L'exemple qu'on avait à l'esprit, j'insiste là-dessus, c'est le suivant: Si vous avez un contrat de crédit où manque un élément essentiel, selon l'article 117 de la Loi de la protection du consommateur qui existe présentement, on a le droit de demander l'annulation du contrat. Si un consommateur est poursuivi pour défaut d'effectuer un paiement, qui découvre que le contrat n'est pas valable en soi, cela peut affecter facilement les intérêts de tous les autres consommateurs qui ont signé des contrats pareils qui sont illégaux. Ce n'est pas une punition anormale, c'est quelque chose d'illégal, le contrat. A ce moment-là, permettre à d'autres personnes qui ont conclu de tels contrats illégaux de se joindre comme défendeurs à un recours, parce que selon l'interprétation, si le contrat est nul pour un, il est nul pour tous... Pour moi, au lieu de faire l'inverse, comme Me Blank l'a suggéré, soit d'avoir un défendeur uniquement et une nouvelle classe demanderesse en recours collectif, pourquoi ne pas permettre un recours en défense aussi, un recours collectif en défense?

Comme je vous le dis, ce n'est pas primordial d'avoir ça, c'était seulement une suggestion de notre part.

M. Marois: Est-ce que vous connaissez un Etat américain ou une province canadienne où une telle chose existe?

M. Appel: Non, je n'en connais pas.

M. Edmonston: Non, parce qu'on ne connaît pas d'endroits comme le Québec.

M. Marois: Bien sûr, bien sûr. J'ai la réponse à ma question.

M. Appel: J'aimerais faire un commentaire qui n'est pas dans notre mémoire. Comme vous le savez, il y a un avant-projet de loi déposé par Mme Payette. On l'examine maintenant au Conseil de protection du consommateur sous son égide. C'est évident que je parle uniquement ici comme représentant de l'APA.

Vous savez qu'il y a déjà l'idée d'un recours collectif poublic dans le sens que le président de l'office ou l'office en soi peut entamer une poursuite qui va donner l'indemnisation à tous les consommateurs lésés. Ce que je déplore, c est que la loi que vous proposez — je ne vous blâme pas, parce que cela vient d'être déposé dans l'avant-projet — ne tient pas du tout compte de ce qui existe dans la loi de Mme Payette et l'inverse. Je me demande à mi-chemin ce qui va se passer si on commence avec une loi et que l'on continue avec une autre.

M. Marois: Je peux répondre tout de suite, pour que ce soit très clair, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Vous pouvez tenir pour acquis qu'on va d'abord procéder au projet de loi 39. L'autre, c'est un avant-projet de loi. Un avant-projet de loi, comme vous le savez, comporte une nuance de taille. Ce n'est pas un projet de loi. C'est un document de travail. C'est l'équivalent d'une forme de livre blanc que, tous ensemble, nous rendons public pour explorer des idées. D'autres volets doivent venir par la suite. Evidemment, à l'Assemblée nationale, le législateur ne peut pas tout faire en même temps.

Il faut donc tenir pour acquis que la perspective de base avec laquelle on part, c'est bien celle-là, le projet de loi 39. Il s'agit d'un projet de loi comme tel, il est déposé, ce qui signifie que le gouvernement a fait son lit, il entend le discuter avec tous les membres de l'Assemblée nationale et les groupes comme le vôtre viennent pour voir s'il y a des ajustements qui s'imposent en cours de route.

M. Edmonston: M. le ministre, à la question qui vous est posée, à savoir s'il n'y a pas d'autres endroits où la question de classe défendante est reconnue, je viens de consulter Me Jeff Richstone, qui dit: Effectivement oui, il y a d'autres endroits. C'est contenu dans notre annexe, je crois. Je donne la parole à Me Richstone.

M. Richstone (Jeff): M. le ministre, cela est contenu à l'article 23 des règles fédérales de procédure civile. Cela est contenu aussi dans toute la législation américaine. C'est une vieille notion. Dans la législation antérieure, on dit qu'une classe de personnes peut poursuivre on peut être poursuivie. Dans toute la législation, il y a cette formule.

M. Blank: C'est l'exemple que le ministre a déjà donné. Vous avez le droit de poursuivre toute une classe de défendeurs. Mais que d'autres viennent, par leurs propres aveux, se joindre à ce groupe, c'est cela la question.

M. Marois: C'est cela. M. Blank: Cela existe.

M. Richstone: Cela existe à l'article 23, surtout cette notion. Mais on précise, à l'article 23 des règles fédérales, que, dans la question d'une classe de défendeurs, la formule d'exclusion n'existe pas. C'est l'envers. En plus, une partie ne peut pas s'exclure. Une partie doit être incluse dans la classe, parce que ce serait très facile pour un défendeur de vouloir s'exclure.

Il y avait donc une clause spéciale pour une classe de défendeurs, contre la formule d'exclusion ou d'inclusion.

M. Marois: D'accord, on prend note. On va y regarder.

M. Richstone: II existe aussi aux Etats-Unis certaines actions qu'on a prises contre une classe de défendeurs. Il y a vraiment cette utilité. On a trouvé, aux Etats-Unis, que les critères pour un recours collectif n'ont pas permis un débat d'envergure sur une classe de consommateurs d'un côté et une classe de commerçants de l'autre, parce que des règles, les critères pour une "class action" étaient assez restreints aux Etats-Unis.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: J'ai deux questions. Ici, dans vos recommandations, M. Edmonston, vous êtes le premier, je pense, à ce qu'on me dit, à dire que les gens qui font une requête pour autorisation peuvent être condamnés à payer des frais. On me dit qu'il y a d'autres gens qui avaient peur, que ceia limiterait peut-être les gens à courir le risque, mais si ce sont de bons cas pour intenter des actions... Pourriez-vous expliquer cela? Je suis très surpris de voir que cette suggestion vient de votre groupe.

M. Edmonston: Je peux vous assurer que cela a suscité des discussions assez importantes chez nous aussi. Je laisse Me Jacques Castonguay répondre là-dessus.

M. Castonguay: Le point là-dessus, c'est que cela doit être vu avec notre autre recommandation qui veut qu'il n'y ait pas de frais payables par un représentant, même s'il perd sa cause, à partir du moment où son autorisation lui est accordée. En ce sens, qu'il ait à payer des frais au niveau de la requête, cela permettrait, je pense, de pouvoir contrecarrer des demandes qui seraient frivoles, mais à partir du moment où il serait autorisé par le tribunal à ne pas payer de frais, même s'il perd sa cause, au fond. C'est dans ce sens. Je pense qu'il faut avoir les deux notions ensemble.

M. Edmonston: II faut tout de même admettre que devant la Cour des petites créances, il y a des contribuables qui seront obligés de payer certains frais. Peut-être que cela semble un peu conservateur de la part de TAPA, mais il faut admettre qu'il faut obliger les gens à être un peu responsables de leurs actes. Cela leur donne une certaine responsabilité financière, je crois, jusqu'à ce stade-là.

Me Castonguay voulait parler un peu de la question de l'entrée sociale que M. le ministre Marois a soulevée, parce que l'APA a ajouté ses petites suggestions sur la question de l'entrée sociale d'un groupe de citoyens qui veut faire un recours collectif.

M. Marois: Ma question était pour quelle raison vous demandiez d'ajouter ce critère d'intérêt social dans les critères d'attribution de l'aide?

M. Castonguay: Le point là-dessus, je pense qu'on peut imaginer, d'une certaine façon, des cas où l'intérêt public pourrait être en jeu. Prenons le cas, par exemple, de rouille de voitures. Peut-être que ce n'est pas nécessairement le cas qui s'applique aujourd'hui, mais, si, un jour, la rouilla sur les voitures faisait en sorte, de façon générale, que les voitures soient dangereuses, je me demande, à ce moment-là, pourquoi une personne qui aurait les moyens financiers de prendre un recours collectif, c'est-à-dire qui aurait assez de moyens pour ne pas se voir attribuer le fonds, devrait quand même encourir les dépenses d'une poursuite comme cela. A ce moment-ci, c'est la question de l'intérêt public qui entre en jeu, je pense. Au moment de l'attribution des sommes, par le fonds, je pense qu'on pourrait en tenir compte.

M. Marois: C'est l'intérêt social dans le sens de l'intérêt public.

M. Castonguay: L'intérêt public, oui, précisément.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Ce n'est pas une question, mais

seulement une observation peut-être pour avoir des commentaires. On discute ici de la question du recours collectif et nous avons toujours, dans notre pensée, des compagnies, comme la General Motors, Ford et de grosses compagnies; mais il y a aussi la question, comme le ministre l'a dit, de définir les "fly by night".

M. Edmonston a parlé des antennes magiques. Cela veut dire que, dans ces cas, pratiquement dans tous les cas, ces gens se cachent derrière une compagnie limitée. Qu'est-ce qu'on va avoir comme recours? Est-ce qu'il n'y a pas cette possibilité peut-être d'introduire aussi une notion très radicale, celle d'essayer de poursuivre la personne qui est vraiment responsable? On a certaines lois ici, prenons la loi du revenu pour la perception de taxes de repas et diverses autres taxes où, si on ne peut pas percevoir de la compagnie limitée, on a un recours contre les administrateurs personnellement. Cela s'applique. C'est un peu radical, je sais.

M. Marois: M. le Président, je trouve cela très intéressant. J'allais dire: Si vous réussissez à convaincre votre collègue de Mont-Royal, je serais prêt à y regarder de très près, parce qu'effectivement, de plus en plus...

M. Blank: Peut-être que...

M. Marois: ... on va aller dans cette direction. Dans le domaine de la santé-sécurité, il y a des coroners qui tiennent maintenant criminellement responsables non seulement l'entreprise, mais les administrateurs. (21 h 50)

M. Blank: Je parle comme un avocat qui fait de la pratique courante. Je sais qu'on arrive avec un jugement et que la porte est fermée. Il n'y a rien. La compagnie se déclare en faillite ou ferme ses portes et cela finit là. C'est vrai qu'on peut éliminer, par voie d'injonction peut-être. Si on ne peut pas avoir un recours pécuniaire ou de l'argent contre cette personne, il peut y avoir une ordonnance de la cour qui empêche cette personne de poursuivre cette occupation ou quelque chose comme cela.

M. Marois: En tout cas, chose certaine, je ne sais pas si c'est par le biais de la procédure civile qu'il y a lieu de le faire, je n'en suis pas certain — je ne sais pas ce que vous en pensez et quelle est votre réaction aux commentaires du député de Saint-Louis — mais je suis personnellement convaincu que, de plus en plus, il va falloir y aller.

M. Blank: Oui.

M. Marois: Là aussi, c'est pousser au bout la notion purement et simplement de responsabilité.

M. Edmonston: Nous sommes pleinement d'accord avec le député de Saint-Louis. C'est évident, il va falloir des sanctions sévères pour récupérer l'argent des gens qui ont été trompés sciemment par ces "fly by night " ou ces attrape-nigauds. Une chose est évidente, c'est qu'avec les trois compagnies d'antirouille, Rust Stop, True Guard et Duracoat, heureusement, dans ce malheur, le produit était vendu par le concessionnaire. On a donc quelqu'un qu'on peut obliger à être responsable devant la Cour des petites créances. Malheureusement, le grand perdant là-dedans, c'est quand même le consommateur. Les trois compagnies qui ont fait de l'antirouille pour des centaines de milliers de voitures au Canada et au Québec, sont en faillite. Elles sont parties. Elles ont gagné énormément d'argent. Je crois que le député de Saint-Louis a bien raison de dire qu'il va falloir rectifier cette situation.

M. Castonguay: II n'est pas nécessaire d'aller même très loin chez des compagnies obscures. On a eu l'exemple de concessionnaires de voitures. Il y a eu des cas, à un moment donné, où on faisait seulement un changement de compagnies. On garde le même nom et on met une année à côté, et quand il y a un recours, on se butte à une porte fermée.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, dans votre mémoire, à la page 24, au paragraphe 6, vous dites: "Nous notons de plus qu'il n'existe aucune disposition dans le projet de loi sur le sort d'une requête pour autorisation qui serait rejetée. A notre avis, il faudrait insérer des dispositions permettant à tout le moins au requérant de continuer son action individuelle. Ainsi, il serait injuste de le prélever de son droit d'agir seul".

Est-ce un point de vue qui a été oublié dans le projet de loi?

M. Marois: Je m'excuse, M. le député. En toute honnêteté, je ne portais pas attention. Je pensais que vous étiez en train de poser une question à...

M. Cordeau: Si un requérant perd devant le juge pour présenter son recours, d'après le recours collectif... sa requête, d'après la loi 39... Le mémoire dit que le requérant ne peut recourir individuellement par la suite.

M. Marois: Sur la requête, sur le fond, c'est une bonne question. Je vais la regarder.

M. Cordeau: A la page 24.

M. Marois: D'accord. Comme il s'agit d'une requête pour être autorisé à prendre une action, à utiliser le recours collectif comme procédure, je serais porté à dire: Non, je crois qu'il ne perd pas son recours individuel. Je vous donne cette réponse sous réserve; c'est la première fois que j'entends formuler cette question en ces termes-là. Comme il s'agit d'une requête, si je perds une requête pour...

M. Blank: Je pense que j'ai déjà vu un jugement récemment...

M. Marois: Sur le fond, puisque c'est purement sur une procédure.

M. Blank: Si ce n'est pas... il a droit à l'action.

M. Marois: En d'autres termes, le juge me dit: Non, monsieur, vous n'avez pas raison, c'est-à-dire que vous n'avez pas raison de vouloir utiliser cette procédure qu'est le recours collectif. Il y a d'autres moyens qui existent; alors, prenez-en d'autres. Je suis même convaincu de ce que j'affirme puisque... J'en suis même convaincu parce que c'est l'économie générale même; c'est peut-être à cause de l'heure que je suis moins vite sur mes patins.

M. Cordeau: Sur les points d'interrogation que s'est posé l'association dans le mémoire...

M. Marois: Parce que, précisément... D'accord, la réponse est très claire. Parce que sans cela, il n'y aurait plus rien qui irait, précisément, parce qu'il est loin d'être certain que le juge va accorder toutes les requêtes. Il ne va pas toujours dire: Oui, bien sûr. Pas du tout, puisqu'il y a un certain nombre de critères. Donc, la réponse est très claire à ce sujet.

M. Cordeau: J'ai deux petites questions à poser à M. Edmonston. Je crois qu'il va falloir changer nos députés à Ottawa pour améliorer la loi protégeant les consommateurs. Je ne sais pas si M. Edmonston se sent touché? Une autre question.

M. Marois: Ne commençons pas à faire de la politique. Il y a cela comme hypothèse et il y en a peut-être une autre aussi.

M. Cordeau: Mon autre question est celle-ci: Je vais demander à M. Edmonston s'il peut nous recommander une voiture qui soit sans défaut de construction.

M. Blank: Une bicyclette. M. Marois: Le cheval.

M. Cordeau: Parce que je commence à craindre de m'en aller chez nous ce soir, à 200 milles.

M. Edmonston: En toute honnêteté, étant donné que j'ai habité Saint-Hyacinthe pendant trois ans, je peux dire que les chevaux, là-bas, sont beaucoup plus fiables que les 150 chevaux fabriqués dans les usines de certaines compagnies. Mais, je crois en toute honnêteté, pour faire un résumé de toute la loi, que nous sommes bien heureux que le gouvernement québécois ait quand même changé pas mal de choses dans l'équilibre entre les consommateurs et les commerçants. Si cette loi est adoptée, cela fera un grand plaisir à plusieurs consommateurs, peut- être pas au commencement, mais au bout de trois, quatre ou six mois, un an, on va voir les résultats de cela. Je crois que cela ne mettra aucune compagnie en faillite. Les bonnes compagnies, les compagnies responsables n'ont rien à craindre, surtout aux Etats-Unis. Je crois qu'au lieu de bloquer les tribunaux, cela a débloqué les tribunaux et je crois que c'est pour cela que c'est très important.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Papineau.

M. Alfred: Non, il n'y a pas de question, M. le député de Saint-Louis, mais je tenais à préciser que je vous remercie beaucoup du mémoire que vous avez donné. Je suis aussi content de vous entendre dire que le projet que nous passons maintenant est l'un des plus importants pour les Québécois. Je suis aussi content que vous ayez dit que, dans ce projet de loi, ce n'est pas uniquement l'aspect économique qui doit prévaloir. Tenant compte de l'homme qui est multidimensionnel, je crois aussi que ce qui est très important et que vous l'avez soulevé effectivement, c'est que dans toutes les lois que nous passons, ce qui va être très important pour nous comme gouvernement, c'est d'arriver à une véritable justice sociale, au sens québécois du terme et non pas au sens canadien, expression utilisée par Trudeau. Je tiens aussi à vous dire que ce qui est très important, c'est que j'ai été encore très heureux de travailler avec le député de Saint-Louis; j'eus préféré, par exemple, qu'il parle avec le député de Mont-Royal qui a un tout autre son de cloche de ce projet de loi.

M. Blank: Mais, c'est qu'il y a une grande liberté dans notre parti.

M. Alfred: Justement, j'étais très surpris de constater cela.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: En terminant, je voudrais bien sûr, remercier les porte-parole de l'APA de leur témoignage et je voudrais aussi, comme c'est le dernier mémoire et que cela termine nos travaux, dire à nouveau — bien sûr, il y a eu une petite parenthèse en cours de route de la part d'un député, qui m'a d'ailleurs donné le bénéfice du doute — mais je veux simplement dire que j'avais vécu ceci dans le cas du projet de loi sur la protection de la jeunesse. Mais, sur des dossiers aussi importants, je pense, pour les citoyens que le recours collectif ou la protection de la jeunesse, pour les bouts que j'ai pu vivre, il arrive parfois qu'on vit des moments, comme parlementaire — ce n'est peut-être pas assez souvent, mais cela arrive quand même parfois — où des hommes même de différentes formations politiques sont capables de se hausser à un niveau suffisamment élevé pour pouvoir placer le débat au-dessus de toute forme de partisa-nerie politique et créer un climat de travail qui nous permet de trouver ensemble, vraiment en-

semble, et en restant le plus ouverts possible, à nous, comme gouvernement, les formules, d'où qu'elles viennent d'ailleurs, pour bonifier au maximum des projets de loi et faire que cela réponde vraiment aux besoins de ceux pour qui on est là, c'est-à-dire aux besoins de gens en vie, qui vont avoir à vivre avec ces lois. Je tiens donc très sincèrement à remercier tous mes collègues de cette commission parlementaire, et même les absents, ceux qui sont venus ici, en particulier M. Fontaine, le député de Nicolet-Yamaska, et le député de Marguerite-Bourgeoys aussi. Ils nous ont apporté une grande collaboration, et je pense que cela augure bien pour la poursuite des travaux au moment où on aura à étudier ensemble, article par article, le projet de loi dans les meilleurs délais possible. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie les gens de l'Association de protection des automobilistes d'être venus nous présenter leur mémoire. Je veux remercier également tous les membres de la commission pour la collaboration qu'ils ont apportée à la présidence au cours de ces travaux. Avant d'ajourner la commission sine die, je demanderais au député de Papineau de faire rapport de nos travaux à l'Assemblée nationale en indiquant aux membres de l'Assemblée nationale que la commission a complété son mandat et a entendu tous les mémoires qu'elle devait entendre.

La commission de la justice ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 1)

ANNEXE A

Partie du mémoire des Associations coopératives d'économie familiale

Article 1012

Par l'article 1012, "le défendeur ne peut opposer au représentant un moyen préliminaire que s'il est commun à une partie importante des membres et porte sur une question traitée collectivement'. Quant à nous, il nous semble que les moyens préliminaires devraient être plus nettement limités. Par l'emploi de l'expression "une partie importante", la recevabilité du moyen préliminaire restera discrétionnaire et par ce fait elle permettra au défendeur de l'envisager dans tous les cas. Si le législateur veut permettre l'évocation de certains moyens préliminaires, il doit en préciser clairement les cas. La raison d'être de limiter les moyens préliminaires est justement de ne pas indûment alourdir la procédure.

L'article 1017 et 1018

Dans les articles 1017 et 1018, le projet de loi fait état de l'intervenant. Par contre, les droits et obligations de cet intervenant (1017) ne sont pas nettement déterminés. Il nous apparaît même que ces droits sont nettement limités. Nous ne doutons pas que le concept de représentation adéquat suffit à lui seul à assurer la bonne marche du recours collectif. Par ailleurs, il serait indiqué de donner à l'intervenant une latitude plus grande, notamment, en raison du rôle que nous demandons d'accorder aux associations sans but lucratif.

Plus particulièrement, en ce qui a trait à l'intervention d'une association, nous proposons l'amendement suivant: "Toute association sans but lucratif concernée par le recours, indépendamment qu'elle soit réputée membre en vertu de l'article 1048, peut être admise comme intervenant en raison de son rôle, sous réserve du consentement du représentant ou d'un autre membre intervenant".

Article 1037

En ce qui a trait aux réclamations individuelles, les articles 1037 et suivants ne semblent en aucune façon prévoir des formalités de révision ou d'appel de jugement du protonotaire. Il est bien prévu dans l'article 1039 que le tribunal peut prescrire des modes spéciaux de preuves ou de procédures. Par contre, dans l'hypothèse où le jugement final a été rendu et qu'il ne reste plus que les réclamations individuelles à être déterminées, il ne nous semble pas que le code de procédure actuel prévoit une modalité de révision ou d'appel des décisions du protonotaire.

Article 1042

A l'article 1042, il est prévu que: "Si le représentant n'en appelle pas ou si son appel est rejeté pour un des motifs prévus dans les paragraphes 1 ou 3 du premier alinéa de l'article 501, un membre peut dans les soixante (60) jours de l'expiration du délai d'appel ou du rejet de l'appel, demander à la Cour d'Appel la permission d'en appeler et d'être substitué au représentant..."

Ce délai de soixante (60) jours nous semble nettement insuffisant d'autant plus qu'à la fin de l'article 1042 il est indiqué que ce délai est de rigueur. Il y aurait lieu, selon nous, de s'inspirer tout au moins de l'article 523 du code de procédure civile lequel prévoit qu'une permission d'en appeler peut être accordée nonobstant l'expiration des délais d'appel, en raison de l'impossibilité d'agir plus tôt. Cette règle ne serait donc pas nouvelle et permettrait ainsi aux membres de faire valoir leurs droits suivant une règle déjà reconnue.

LE FONDS D'AIDE

Le titre II sur le projet de loi du recours collectif nous amène à faire certains amendements, notamment à ce qui a trait aux méthodes et conditions d'attribution de l'aide.

D'une part, nous réitérons que l'aide au recours collectif devrait être automatiquement accordée dans tous les cas où la réclamation individuelle de chaque membre ne dépasse pas $500.00 ou le montant fixé en vertu de la loi des petites créances. De plus, dans les cas où la réclamation individuelle dépasserait $500.00, nous vous renvoyons aux conditions ou critères déjà mentionnés à la page 17 du présent mémoire.

La détermination du montant d'aide nécessaire telle que prescrite par les articles 22 et suivants ne nous semble pas adéquate. D'une part, il y aurait lieu d'indiquer plus clairement les comptes ou déboursés qui sont admissibles à l'aide. Encore là, nous vous renvoyons aux commentaires que nous avons déjà faits à la page 18 du présent mémoire sur le sujet. D'autre part, un mécanisme plus souple dans la détermination de cet aide devrait être prévu. Un quatrième paragraphe devrait être ajouté à l'article 22 qui se lirait ainsi: "En tout état de cause, le fonds sur demande du requérant pourra réviser, modifier ou augmenter le montant d'aide attribué".

En effet, il nous semble qu'il serait plus juste de permettre une réévaluation des montants requis, compte tenu que ces montants, comptes ou déboursés ne sont pas facilement estimables ou prévisibles dès le début des démarches d'un recours collectif. Si aucune mesure de révision n'est possible, il pourra se trouver des cas où le requérant sera empêché de continuer un recours collectif déjà engagé.

Enfin, à propos du fonds d'aide, nous proposons que l'article 7 soit modifié pour permettre une représentation plus adéquate du bureau d'administration dudit fonds. Nous ne doutons pas de la pertinence de consulter le Barreau du Québec de même que la Commission des Services Juridiques. Toutefois, il nous semble plutôt étrange qu'on n'ait pas envisagé une consultation parmi les usagers et notamment les citoyens ou les associations de consommateurs.

Aussi, il nous apparaît impérieux de faire qu'au moins la majorité des membres soit des représentants de groupe socio-économique, que le nombre soit le même ou soit augmenté de trois à cinq.

ANNEXE B

Mémoire

Présenté devant la commission parlementaire siégeant sur le projet de loi 39, Loi sur le recours collectif

par L'Association pour la protection des automobilistes (APA)

Québec, vendredi le 9 mars 1978

CHAPITRE I

II y a presque dix (10) ans déjà, Monsieur Philippe Edmonston fondait l'Association pour la Protection des Automobilistes (A.P.A.), organisme d'intérêt public dont l'unique but était et demeure toujours d'agir dans l'intérêt des consommateurs. L'A.P.A., association sans but lucratif, vise à protéger et à faire valoir l'intérêt de tout consommateur faisant partie de notre société industrielle avancée. Par

ses nombreuses activités depuis sa fondation, l'A.P.A. remporta d'importants succès dans ce domaine. C'est ainsi qu'en raison de ses efforts acharnés et soutenus, l'A.P.A. a grandi, passant d'un organisme comptant seulement cinq (5) membres à celui qui peut compter aujourd'hui sur l'appui de presque 6,000 membres.

Il est à noter que chacun de ces membres qui a payé un droit d'entrée de $10.00 doit verser une cotisation annuelle identique pour le demeurer. Actuellement, en moyenne vingt (20) personnes par jour deviennent membre de l'A.P.A. Ceci représente le meilleur témoignage de l'attachement et de la confiance que porte le consommateur envers l'A.P.A.

Depuis ses débuts, l'A.P.A. a réclamé l'établissement du recours collectif, recours tellement puissant et efficace pour la protection des consommateurs! Sans cet outil, les victoires de l'A.P.A. ont souvent été difficiles et les résultats obtenus bien décevants.

C'est avec satisfaction que l'A.P.A. constate que le Québec s'est finalement penché sur ce grand vide dans le domaine de la protection des consommateurs; qu'enfin le Gouvernement est prêt à prendre la relève, à l'instar des Etats-Unis, des autres provinces du Canada aussi bien que du Gouvernement Fédéral. L'A.P.A. appuie le projet de Loi sur le recours collectif qui créera une plus grande égalité entre le consommateur et le commerçant et assainira les relations entre ceux-ci.

La nécessité d'instaurer le recours collectif devient manifeste si l'on tient compte de ce qui suit.

1. La situation aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, le recours collectif existe depuis de nombreuses années. Tel qu'on le constatera en lisant le Chapitre II de ce mémoire, le recours collectif a eu un résultat heureux aux Etats-Unis, et ceci dans plusieurs domaines. Quelques exemples pour démontrer l'efficacité de ce recours: a) En rapport avec les médicaments insécuritaires:

Chacun se souviendra des nombreux cas de bébés nés infirmes aux Etats-Unis. Ces bébés étaient victimes des séquelles causées par le médicament tranquilisant, portant le nom de Thalidomide, absorbé par leur mère durant la grossesse. Sans que les mères ne le sachent, le médicament, tout en agissant comme tranquilisant, affectait le foetus de façon terrible. L'enfant né souffrait de déformations et d'infirmités angoissantes et permanentes. Ce médicament avait été mis en vente à travers les Etats-Unis et le Canada.

Aux Etats-Unis, dès que le public apprit ces résultats néfastes, il avait le moyen d'y répondre: le recours collectif contre la compagnie fabricante pour indemniser chaque enfant souffrant d'une difformité causée par l'absorption de la thalidomide par sa mère.

Il n'était pas nécessaire pour les parents de chaque enfant d'intenter une poursuite individuelle. Le recours collectif reconnaissait le droit d'une seule personne intéressée pour prendre un tel recours ou nom de tous les autres enfants souffrant d'infirmités. Suivant ce recours si efficace, la Compagnie en vint à un règlement, prévoyant des indemnités substantielles à chaque enfant faisant partie de la classe.

Tel qu'énoncé précédemment, il y eut des victimes au Québec. Leurs parents recherchèrent un moyen efficace pour faire valoir leurs réclamations. On doit se souvenir que la preuve nécessaire pour établir le lien causal entre les médicaments et l'infirmité était complexe et coûteuse, surtout si chaque consommateur devait supporter les frais de causes individuelles. A toutes fins pratiques, le système de droit existant au Québec les privait alors de recours valable.

C'est ainsi que les victimes ont tenté de faire partie de la classe constituée pour le recours collectif aux Etats-Unis. Ce droit fut refusé par les tribunaux américains. Néanmoins, la Compagnie consentit heureusement à verser également des indemnités aux victimes québécoises qui avaient cherché à se joindre aux victimes américaines.

On peut se demander ce qui se serait passé si le recours collectif n'avait pas existé aux Etats-Unis. Il est à noter également qu'après avoir payé les indemnités, la Compagnie est toujours en affaires. Certains prétendent que le recours collectif conduira à la faillite des compagnies visées. Il n'y a rien aux Etats-Unis, où ce recours existe depuis longtemps, qui puisse appuyer cette prétention. b) L'affaire des moteurs de General Motors:

On a découvert, au courant de l'année 1977, que la compagnie General Motors vendait des voitures Oldsmobile et Cadillac dont quelques-unes contenaient des moteurs de marque Chevrolet. La compagnie General Motors, dans sa publicité, aux Etats-Unis et au Canada, a toujours fait état des qualités uniques de chacun de ses moteurs. C'est ainsi qu'elle faisait plus particulièrement l'éloge des moteurs montés dans ses voitures Oldsmobile et Cadillac. Le consommateur qui achetait une Oldsmobile par exemple, croyait donc avoir acheté une voiture munie d'un moteur tout à fait propre à une Oldsmobile. C'est évidemment avec grande surprise et étonnement qu'il devait apprendre qu'on avait installé un moteur Chevrolet dans sa voiture, moteur considéré comme de moindre classe que celui d'une Oldsmobile.

Aux Etats-Unis, la menace d'un recours collectif ainsi que l'action vigoureuse des procureurs de certains Etats ont conduit General Motors à payer $200.00 d'indemnité à chaque propriétaire d'une voiture Oldsmobile, munie d'un moteur Chevrolet; qui plus est, on a ajouté une prolongation de garantie de 2 années sur la voiture. Cette indemnité de $200.00 par voiture formait un total de $40,000,000.00 devant être payé par General Motors aux consommateurs américains. Que s'est-il passé au Canada, où les consommateurs devaient faire face aux mêmes problèmes? Malheureusement, la compagnie General Motors n'a offert aucune indemnité aux consommateurs canadiens qui avaient acheté des voitures Oldsmobile pourvues de moteurs Chevrolet. Cette comparaison entre ce qui s'est passé aux Etats-Unis et au Canada est très éloquente, voire décevante. c) Les droits de la femme:

Les droits de la femme constituent un autre exemple de l'utilité et la flexibilité du recours collectif. Une des plus importantes compagnies de courtiers au monde a été actionnée par recours collectif par des employées. Celles-ci prétendaient qu'elles n'avaient pas les mêmes droits d'avancement et les mêmes salaires que leurs confrères masculins. La Compagnie a réglé l'affaire en payant une indemnité substantielle dont chaque employée recevait sa quote part. Le recours en soi ainsi que son dénouement constituent la preuve que l'action collective est un moyen efficace pour effacer la discrimination et rectifier un tort social. On peut conclure donc que le recours collectif ne vise pas uniquement à corriger ou indemniser des problèmes économiques mais est suffisamment flexible pour répondre à des problèmes d'ordre social et même écologique.

2. La situation au Canada et au Québec

Sans le recours collectif, la situation des consommateurs canadiens et surtout québécois a été beaucoup plus difficile.

Nous croyons même que la situation a été plus grave au Québec car c'est ici que les mouvements de consommateurs sont le mieux organisés. Ainsi, dans beaucoup de domaines, ces mouvements sont plus évolués au Québec que partout ailleurs en Amérique du Nord, et ceci en dépit du fait qu'ils soient privés de certains outils quasi-indispensables.

Les exemples qui suivent donneront une meilleure idée de ce qui précède: a) La redésignation de l'année-modèle d'une voiture (re-dating)

Au début de l'année 1970, l'A.P.A. a découvert que des manufacturiers de voitures étrangères, telles que Nissan (Datsun), Toyota, Peugeot, Renault, etc.. avaient importé au Canada une pratique tout à fait particulière, voire inacceptable pour le marché des voitures. Plus particulièrement, à l'automne de chaque année, ces manufacturiers informaient le bureau des véhicules-moteurs qu'à partir d'une certaine date, l'année modèle de toute voiture n'ayant pas encore été vendue, serait changée pour devenir de l'année modèle suivante. On affirmait par exemple, qu'une voiture 1971 deviendrait une voiture de l'année modèle 1972 à partir du 30 novembre 1971. C'était le principe "cendrillon". En effet, comme résultat, la voiture ne vieillissait jamais avant sa vente. Ceci avait un grand impact sur le marché des voitures puisque, dès le changement d'année, les voitures américaines non vendues étaient offertes avec un rabais de 5 à 10%. Pour les voitures Datsun, Toyota, etc., on évitait de donner un tel rabais et souvent le consommateur payait un plus haut prix pour une voiture ainsi désignée, qu'il aurait payée pendant l'année précédente, car les prix pour l'année suivante avaient augmenté.

Cette pratique de redésignation étant étendue, généralisée et courante, il est évident qu'elle se prêtait à être combattue par le recours collectif. On estimait que pour Datsun et Toyota uniquement, près de 40,000 voitures redésignées avaient été vendues entre les années 1970 et 1973.

Sans juger si ladite pratique de redésignation constituait une fraude ou encore une pratique inacceptable, nous soumettons qu'un recours au nom de tous les acheteurs de ces voitures aurait certes permis de trancher la question. On aurait ainsi évité de multiples litiges menant souvent à des décisions contradictoires. Vu l'importance de la question, la preuve nécessaire et la complexité des questions posées, un recours de grande envergure, soit le recours collectif, aurait permis aux consommateurs d'avoir les fonds nécessaires pour vider la question.

D'ailleurs c'est précisément le problème de la redésignation qui a convaincu l'A.P.A. de la grande nécessité d'un recours collectif.

Comme un tel recours n'existait pas, il fallut trouver d'autres moyens qui se révélèrent, somme toute, peu satisfaisants et souvent insuffisants. On choisit donc d'intenter des poursuites devant la Cour des Petites Créances, pour $300.00 chacune en alléguant que le consommateur aurait payé ce montant en moins s'il avait connu la véritable année-modèle de sa voiture. Pour situer l'importance du litige entamé, nous devons souligner que si on comptait 40,000 voitures dont l'année-modèle avait été redésignée, à $300.00 par voiture, le montant possible, en litige, pourrait donc s'élever à $12,000,000.00.

Le consommateur était appuyé par l'expertise de l'A.P.A. quant à la preuve de la pratique de redésignation. Vu le régime de la Cour des Petites Créances, le consommateur ne risquait que $10.00 en frais.

Le premier jugement de la Cour des Petites Créances a été favorable au consommateur, bien que par la suite, quelques-uns des jugements se révélèrent contradictoires. Cependant, face à la multiplicité des litiges qui s'engageaient devant la Cour des Petites Créances à travers le Québec, la compagnie Datsun a demandé l'émission d'un bref d'évocation demandant que le dossier soit transféré à la Cour Supérieure. Ladite Compagnie prétendait que ses droits futurs étaient affectés par le nombre élevé des litiges. La Compagnie alléguait de plus que des jugements favorisaient contradictoirement ou le consommateur ou la Compagnie. Plus tard, elle mit carrément en cause la Cour des Petites Créances en alléguant qu'elle était inconstitutionnelle. Cette prétention reposait sur l'impossibilité d'être représentée par avocat devant cette Cour, en dépit des questions très complexes à être débattues. La cause de Pelletier c. Nissan est ainsi devenue la cause clef pour régler la question et elle donne la preuve la plus évidente de la nécessité du recours collectif. En effet, la Cour Supérieure a refusé le bref d'évocation réclamé par la compagnie Nissan mais ce jugement fut ensuite renversé par la Cour d'Appel. Il fallut donc débattre au mérite les points soulevés par Nissan soit la constitutionnalité de la Cour des Petites Créances ainsi que ses autres prétentions. La cause fut plaidée devant le juge en chef Jules Deschênes, de la Cour Supérieure, qui a rendu un jugement remarquable de plus de cent pages, déboutant Nissan de son action. Nissan a porté ce jugement en appel, appel qui sera entendu le 16 mars 1978. Vu les questions posées et l'importance du litige, il est possible que le perdant devant la cour d'Appel tentera de faire trancher la question par la Cour Suprême du Canada.

Dans la mêlée des procédures engagées dans ce litige, où en est M. Pelletier? Devenu le symbole d'une cause célèbre qui dure depuis plus de quatre (4) ans, il a été presque oublié. Il a gagné $300.00 devant la Cour des Petites Créances mais, pour protéger ses droits dans cette cause, il a été impliqué dans un litige où les frais de cour, s'il perd, pourraient s'élever entre $5,000.00 et $10,000.00.

Parallèlement, comme résultat de ce litige, des milliers de consommateurs qui auraient pu intenter pareilles poursuites devant la Cour des Petites Créances n'ont pas osé le faire. Il se sont donc vu privés d'un droit important.

On conçoit ainsi aisément l'urgence et la nécessité du recours collectif. b) Le problème de rouille des voitures Ford:

La même chose se produit présentement avec le problème de rouille des voitures Ford. Comme ce problème semblait généralisé dans les voitures Ford, ce qui fut même admis par la Compagnie, la question de savoir si ces voitures avaient été construites d'une façon satisfaisante se prêtait à un recours collectif. Au Québec cependant, chaque consommateur dut se résigner à faire valoir individuellement ses droits, et ce, à des frais qui pourraient être substantiels.

Un consommateur a ainsi intenté une poursuite contre Ford devant la Cour des Petites Créances. La réponse de Ford fut identique à celle de Nissan: Ford a demandé un bref d'évocation, et cette cause est présentement en suspens devant la cour d'Appel.

C'est également en pensant à un procès qui se déroule présentement devant la Cour Provinciale de Montréal que l'on réalise l'urgence d'introduire dans notre droit le concept du recours collectif. En effet, au mois d'avril 1976, un consommateur, M. Louis Mathieu, intentait une action devant la Cour contre la Compagnie Ford du Canada pour dommages causés par la corrosion à son automobile.

Il s'agissait alors, selon nous, de la première cause du genre présentée devant un Tribunal québécois, autre que la Cour des Petites Créances. En effet, le véhicule de M. Mathieu était si endommagé par la rouille, et ce, après un peu plus de trois (3) années d'usage, que le coût des réparations requises excédait substantiellement sa valeur sur le marché. Au surplus, ce même véhicule était si rongé par la corrosion que son propriétaire devait cesser de l'utiliser en raison du danger qu'il représentait à la fois pour ses occupants ainsi que pour le public en général et ce, répétons-le, après seulement environ quarante (40) mois d'usage sur nos routes. Désespéré, M. Mathieu dut donc renoncer à la Cour des Petites Créances et s'adresser à la Cour Provinciale pour réclamer du manufacturier la perte de valeur de son véhicule, soit la mirobolante somme de $1,000.00.

Bien que cette affaire ne soit pas terminée et, qu'au surplus, jugement n'ait pas été rendu, il est manifeste que ce consommateur ne pourra jamais sortir gagnant de ce qu'il qualifie lui-même à juste titre "d'aventure".

Suivant l'importance et les moyens financiers de l'adversaire, notre individu commença tout d'abord par faire appel à un ingénieur métallurgiste qui procéderait à une expertise de son véhicule pour établir ensuite devant le Tribunal la faute du manufacturier. Par la suite, les procédures ayant été complétées, le procès débuta, nécessitant jusqu'à maintenant trois (3) jours d'enquête et devant sans aucun doute se poursuivre pendant deux (2) autres journées au moins. Cinq (5) jours d'audition pour une réclamation de $1,000.00! Cinq (5) jours nécessitant la présence de son procureur, de son expert métallurgiste ainsi que d'un grand nombre d'autres témoins! C'est plus qu'il n'en faut pour faire perdre à une personne sa confiance dans la justice, celle-là même que l'on décrit comme unique et égale pour tous.

Et pourquoi est-ce qu'il en est ainsi? Simplement parce que l'adversaire a résolu de mettre tout son pouvoir à l'appui de ses prétentions. En effet, ce manufacturier aux ressources financières sans

limite, a décidé de faire appel à une batterie d'experts, ingénieurs hautement spécialisés, venant des quatre (4) coins de l'Amérique du Nord, pour convaincre le Tribunal du bien fondé de sa défense.

Il n'est pas dans notre intention de discuter ici du mérite de la cause. Un fait demeure cependant: cette affaire est le reflet direct de la situation injuste dans laquelle se retrouve le consommateur lorsqu'il décide de s'en prendre à un géant de l'industrie.

Il ne faut certes pas s'étonner de le voir perdre confiance dans la justice.

Il va sans dire que le recours collectif tel que veut l'introduire le Gouvernement du Québec permettra de remédier à cette situation déplorable.

La situation au Québec est cependant la même qu'en Ontario où un recours collectif a été intenté par des propriétaires de voitures Ford. Après que cette affaire fut portée devant la Cour, la Compagnie Ford consentit à payer hors cour, des compensations de $2.7 millions à 8,900 propriétaires de Ford. c) La voiture GM Firenza:

Dès l'introduction de cette voiture sur le marché, l'A.P.A. a jugé qu'elle ne répondait pas aux besoins des consommateurs. Plus particulièrement, la voiture ne fonctionnait pas de façon satisfaisante et nécessitait souvent une multitude de réparations. GM a finalement retiré la voiture du marché canadien. Les consommateurs qui avaient acheté cette voiture ont ainsi soufferts de grandes pertes, vu la dépréciation spectaculaire de la voiture, dépréciation qui se produisait au fur et à mesure que le public se rendait compte du problème.

Les acheteurs de Firenza n'ont jamais reçu de juste compensation et ont du absorber leur perte. Là encore, combien différente aurait été la situation si le recours collectif avait existé! d) La Volare/Aspen de Chrysler:

L'A.P.A. a découvert récemment que beaucoup de Volare/Aspen étaient affectées d'un problème mécanique constitué par le calace du moteur — Ce qu'il fallait pour régler le problème, c'était une pièce de remplacement. Cependant, beaucoup de concessionnaires ont plutôt avisé les acheteurs de faire faire des mises-au-point inutiles aux frais des consommateurs. Aux Etats-Unis, on a ordonné à Chrysler d'indemniser les consommateurs pour ces mises-au-point inutiles. Rien de semblable au Canada.

Nous croyons que si le recours collectif existait, le risque d'une telle action aurait encouragé la compagnie Chrysler à indemniser les propriétaires canadiens de Volare/Aspen, de la même façon qu'aux Etats-Unis. e) Les pneus radiaux Goodyear, Uniroyal et Firestone:

Quelques-uns de ces pneus radiaux paraissaient plutôt carrés que ronds et étaient susceptibles d'éclatement. Bien que les fabricants acceptent de remplacer les pneus sans frais, ils n'indemnisent cependant pas le consommateur pour le remorquage de sa voiture et/ou les dommages causés à sa voiture par suite d'un éclatement.

Les frais de remorquage sont relativement minimes (entre $25.00 et $50.00) et les consommateurs sont réticents à intenter un recours individuel contre le fabricant, vu le temps et l'effort nécessaires pour récupérer un montant somme toute sans grande importance.

C'est exactement cet état de faits qui a incité les Etats-Unis à introduire dans son droit le recours collectif. Si des milliers de consommateurs perdent chacun $50.00, l'ordre d'indemnisation serait dans les centaines de - illiers de dollars. Il est évident que ce montant est récupérable par les consommateurs mais le recours collectif est le seul outil qui leur permette de le faire de façon efficace et à peu de frais.

3. L'introduction du recours collectif va débloquer les rôles des cours

Le Juge en Chef Willard Estey de la Cour Suprême du Canada s'est dit inquiété, alors qu'il siégait à la Cour Suprême de l'Ontario, que l'adoption du recours collectif au Canada ou en Ontario puisse conduire à l'encombrement des rôles des cours civiles.

L'A.P.A. croit que cette inquiétude n'est pas appuyée par les faits. L'exemple des voitures dont l'année-modèle était redessinée démontre que c'est plutôt le contraire qui se passerait. Sans le recours collectif, des containes et, qui plus est, des milliers de causes ont été intentées devant la Cour des Petites Créances, encombrant les rôles de façon très marquée. On peut imaginer facilement la différence s'il n'y avait eu qu'une seule cause, soit une action collective, pour trancher tous les litiges.

A cela peut-on ajouter que beaucoup de causes ne seront jamais intentées, la menace du recours collectif incitant les Compagnies à régler à l'amiable les réclamations de leurs acheteurs.

4. Sans le recours collectif, on a dû chercher d'autres moyens moins efficaces.

En raison du vide causé par l'absence du recours collectif, on a dû innover pour tenter à tout le moins de combler une partie de la lacune. Ces innovations donnent quand même un exemple clair de l'apport que le recours collectif aura pour les consommateurs.

a) Pour la réparation de torts sociaux au Québec, à Rouyn-Noranda, le Juge Coutu a permis à quatorze propriétaires d'intenter ensemble un litige devant la Cour des Petites Créances pour réclamer les dommages et intérêts soufferts en raison de la pollution émanant d'un gisement minier. La pollution provenant de ce gisement avait causé des dommages au jardin de chacun d'eux. Le Tribunal a accordé $1,800.00 d'indemnités aux quatorze propriétaires impliqués.

Il va sans dire que si un propriétaire a pu intenter le litige pour les treize autres personnes impliquées, il aurait pu aussi bien le faire au nom de tout autre propriétaire qui aurait pu souffrir de dommages semblables. Néanmoins, faisant preuve de grande flexibilité, le tribunal a pu quand même dans le cas régler, jusqu'à un certain point, un tort écologique. b)Au Canada — les actions de la Commission de Lutte contre l'Inflation:

Dans le cas ou des Compagnies gagnaient des profits jugés excessifs, la Commission a ordonné à ces Compagnies de réduire leurs prix sur de telles marchandises jusqu'à ce que le montant de profit excessif ait été payé.

5. Les recommandations de l'A.P.A.

Dans la deuxième section de ce Mémoire nous avons abordé les lacunes qui existent dans le projet de Loi sur le recours collectif. Tout en appuyant ce projet, L'A.P.A. recommande qu'il soit remédié immédiatement à ces lacunes afin d'éviter les problèmes qui pourraient surgir.

I. L'aide financière de l'Office de Protection des Consommateurs et du gouvernement serait dans certains cas essentielle. Le droit à cette aide devrait être décidé non seulement selon les moyens de celui qui désire intenter l'action mais également en fonction de l'intérêt public sans tenir compte des moyens financiers du représentant.

II. Le Projet de Loi prévoit uniquement une classe demanderesse collective

Nous proposons qu'on permette le recours collectif à une classe défenderesse également, sujet aux mêmes règles que pour la classe demanderesse.

Par exemple, si une compagnie actionne un défendeur sur la base d'un contrat dont le consommateur défendeur juge quelques unes des clauses illégales, il va de soi que tout autre consommateur ayant fait un tel contrat a intérêt à se joindre au litige pour réclamer l'abolition de ces clauses illégales. Un contrat de prêt par exemple, qui ne correspondrait pas aux exigences de la Loi de la Protection du Consommateur se prêterait assurément à une défense collective.

III. L'action collective devra ajouter un recours supplémentaire

Dans beaucoup de causes il est presque impossible de préciser avec exactitude le montant recherché. Pour cette raison, L'A.P.A. propose que la Loi permette aux tribunaux d'ordonner un autre genre de remboursement si, en équité, aucune formule de restitution n'est possible. Par exemple, le juge pourrait décider comme la Commission de Lutte contre l'Inflation qu'une Compagnie ayant gagné des profits exhorbitants, soit tenue de réduire ces prix jusqu'à ce que la somme prescrite ait été épargnée par le consommateur.

IV. L'A.P.A. invite donc la Commission Parlementaire à donner suite aux recommandations portant sur les lacunes des projets de Loi, énumérées dans le prochain chapitre de ce Mémoire.

CHAPITRE II

ANALYSE CRITIQUE DU PROJET DE LOI 39

DISPOSITIONS INTRODUCTIVES 1.Avant d'aborder l'analyse de ce projet de loi, nous devons tout d'abord souligner le soin avec lequel il nous semble avoir été préparé ainsi que son ampleur, ce projet de loi surpassant à notre connaissance, toute autre législation actuelle à ce sujet en Amérique du Nord. Même les nouvelles lois récemment sanctionnées dans l'Etat de New-York et en Californie ne traitent pas avec autant d'exactitude des différents aspects du recours collectif que ne le fait le projet de loi 39 (P.L. 39). 2. Nous désirons aussi exprimer notre accord avec les définitions proposées à l'art. 999 C.P.C. en ce qu'elles apparaissent assez larges pour couvrir les différentes situations qui peuvent se présenter. Ceci dit, l'A.P.A. propose cependant d'inclure, au paragraphe (d) les mots "ou en défense" après "le moyen de procédure qui permet à un membre d'agir en demande". En effet, pourquoi ne pas avoir une action contre des défendeurs pris collectivement en classe? La législature au Canada et aux Etats-Unis le permet; il pourrait ainsi y avoir plusieurs situations où il serait nécessaire pour un justiciable au Québec d'intenter des procédures contre une classe de défendeurs.

Evidemment, si te! est le cas, les formules d'exclusion du groupe des membres d'une classe devraient être changées (voir l'art. 1007 C.P.C.) en interdisant une telle exclusion, dans le cas d'une classe de défendeurs. (Voir l'art. 8 (d) du Uniform Class Action Act (1976) proposé aux Etats-Unis et qui va dans le même sens.) 3. C'est aussi à bon droit que le législateur n'a pas limité les genres de poursuites qui peuvent être intentées en vertu de ce livre 9ième du Code de procédure civile. Aucune des législations que ce soit au Canada ou aux Etats-Unis n'a cru bon de limiter (ou préciser) les sortes de réclamations dont une classe peut se prévaloir. Une telle mesure serait néfaste car le recours collectif doit être ouvert à toute espèce de réclamation dès que le tribunal est convaincu que l'action serait mieux intentée de façon collective en raison, par exemple, de son caractère public. Si l'on excluait par exemple du P.L. 39 les actions en responsabilité civile, des causes très valables, comme celle des victimes de la thalidomide, portée avec succès aux Etats-Unis, ne seraient jamais résolues au Québec. On ne peut que signaler les succès qu'ont eu les justiciables dans les "Antibiotics cases": Voir, West Virginia v. Charles Pfizer & Co. 314 F. Supp. 710 (S.D.N.Y. 1970) confirmé par 440 U.S. 871 (Cour Suprême des E.U. 1971). 4. Nous soumettons qu'il serait peut-être préférable d'insérer dans le P.L. 39 une disposition avant trait au caractère extra-territorial de notre législation. Généralement, les législatures provinciales ne peuvent pas légiférer au-delà de leurs frontières: Voir à ce sujet l'arrêt Interprovincial Cooperatives Limited v. La Reine du Chef du Manitoba, (1975) 53 D.L.P., 3, p. 321, (Cour Suprême du Canada).

Aux Etats-Unis, la Conférence nationale sur les Lois uniformes d'Etats (National Conference on Uniform State Laws) a proposé, en 1976, une loi uniforme des recours collectifs: Uniform Class Actions Act. Son article 6 se lit comme suit: 6.(a) A court of this State may exercise jurisdiction over any person who is a member of the class suing or being sued if:

(1)a basis for jurisdiction exists or would exist in a suite against the person under the law of this State: or

(2)the state of residence of the class member, by class action law similar to subsection (b), has made its residents subject to the jurisdiction of the courts of this State.

(b) A resident of this State who is a member of a class suing or being sued in another state is subject to the jurisdiction of that state if by similar class action law it extends reciprocal jurisdiction to this State.

Par cette disposition, le Québec sera donc libre de négocier, avec les autres juridictions des ententes portant sur l'applicabilité du P.L. 39 au delà de ses frontières.

REQUETE POUR AUTORISATION D'EXERCER LE RECOURS 5. Il nous faut reconnaître le bien fondé de cette procédure de requête préalable à l'obtention judiciaire de l'autorisation d'exercer le recours collectif. C'est une caractéristique de la législation américaine et canadienne: le Ontario Business Corporation Act. (art. 99) et le British Columbia Business Corporation Act contiennent de telles dispositions.

A ce sujet, nous comprenons que la Cour supérieure agira alors à titre de contrôle vérificateur des demandes pour exercer le recours collectif. A ceux qui croient que le recours collectif pourrait devenir un outil dangereux, donnant ouverture à des demandes frivoles ou vexatoires, il est aisé de répliquer que la législation proposée contient elle-même le contrôle nécessaire pour refuser les demandes sans mérite de l'application du Livre IX du C.P.C.

Nous ne retrouvons aucune disposition du P.L. 39 ayant trait aux frais. Nous aurons l'occasion d'y revenir plus loin dans notre mémoire.

Nous croyons cependant nécessaire d'aborder, à ce stade-ci, cette lacune et ce, pour certaines fins précises.

Au stade de la requête pour autorisation, nous proposons que le requérant paie les frais s'il perd. Puisque cette procédure existe pour démontrer le bien fondé des prétentions d'un représentant d'une classe, il nous semble approprié, et en accord avec le droit commun, d'insister à ce qu'il paie les frais s'il ne réussissait pas à convaincre le tribunal. Nous croyons que cette disposition pourrait s'avérer très utile pour vérifier la bonne foi d'un requérant. 6. Nous notons de plus qu'il n'existe aucune disposition dans le projet de loi sur le sort d'une requête pour autorisation qui serait rejetée. A notre avis, il faudrait insérer des dispositions permettant à tout le moins au requérant de continuer son action individuellement. Ainsi, il serait injuste de le priver de son droit d'agir seul.

L'AVIS DE NOTIFICATION 7. La question qui a le plus troublé les tribunaux aux Etats-Unis, en matière de recours collectif, est certainement celle de l'avis aux membres faisant partie du groupe. Contrairement aux Etats-Unis, au Canada, comme l'a bien noté le Professeur Neil J. Williams, de la Faculté de Droit Osgoode Hall, dans son article intitulé "Actions Collectives en dommages-intérêts aux termes de la Loi relative aux Enquêtes

sur les coalitions" contenu dans "Proposition pour une action collective en matière de législation sur la politique de concurrence" (Ottawa: 1976), lorsqu'il affirme "aucune garantie constitutionnelle ne prescrit de notification dans les poursuites collectives intentées au Canada.. ' (p. 75).

Le projet de loi 39 ne précise pas laquelle des deux parties doit payer les frais de notification. Nous assumons donc que suivant la règle générale, le demandeur devrait normalement assumer ces frais (quitte à être remboursé s'il gagnait sa cause).

Aux Etats-Unis, le problème du paiement des coûts de l'avis se révéla aigu. Ces coûts peuvent souvent dépasser les moyens financiers de la plupart des demandeurs et donc empêcher l'exercice du recours. C'est ce qui est survenu notamment dans la fameuse affaire EISEN vs CARLISLE & JACQUARRIE 417 U.S. 156 (1974) où la Cour Suprême dut envisager des frais estimés à $315,000.00 pour un avis individuel à une classe de 2,250,000 personnes. Evidemment, comme M. Eisen n'avait qu'une réclamation personnelle de $70.00, imposer sur lui un fardeau financier d'une telle ampleur l'empêchait d'exécuter son recours.

Le projet de loi contient des dispositions sur l'aide financière (ce que nous traiterons plus loin) aux justiciables, aide qui pourrait servir à défrayer les coûts de l'avis. Si la personne rencontre les exigences requises pour cette aide, on peut croire que ce problème sera diminué au Québec. L'article 1046 donne de plus une certaine discrétion au juge quant au mode de publication, et ceci, à l'instar de la législation nouvelle proposée aux Etats-Unis, pour contrer les effets désastreux de l'arrêt Eisen sur la viabilité du recours collectif.

Nous croyons cependant qu'insérer certaines normes devrait guider le juge dans son choix du mode de publication. C'est ainsi que la loi devrait prévoir comme règle générale, la publication dans un grand journal du district judiciaire où va se dérouler l'action; exceptionnellement, il pourrait y avoir lieu à l'avis individuel. On pourrait ajouter de plus certaines publications spécialisées comme "Protégez-vous" de l'Office de Protection du Consommateur.

En droit comparatif, le Code civil de Californie précise ce qui suit au sujet de l'avis: "S. 1781. (d) If the action is permitted as a class action, the court may direct either party to notify each member of the class of the action. The party required to serve notice may, with consent of the court, if personal notification is unreasonably expensive or it appears that all members of the class cannot be notified personnally, give notice as prescribed herein by publication in accordance with Section 6064 of the Government Code in a newspaper of general circulation in the county in which the transaction occurred".

Dans l'Etat de New York, la législature a adopté en 1975 une loi sur les recours collectifs, Stat. N.Y. 1975, (N.Y. Civ. Prac. L.R.) ch. 207, modifiant la loi sur la procédure civile et les règles où l'on prévoit ceci: "S. 904. Notice of class action

(a) In class actions brought primarily for injunctive or declaratory relief, notice of the pendancy of the action need not be given to the class unless the court finds that notice is necessary to protect the interests of the represented parties and that the cost of notice will not prevent the action from going forward.

(b) In all other class actions, reasonable notice of the commencement shall be given to the class in such manner as the court directs.

(...)

(d) I. Preliminary determination of expenses of notification. Unless the court orders otherwise, the plaintiff shall bear the expense of notification. The court may, if justice requires, require that the defendants bear the expense of notification, or may require each of them to bear a part of the expense in proportion to the likelihood that each will prevail on the merits. The court may hold a preliminary hearing to determine how the costs of notice should be apportioned".

Le Uniform Class Action Act, de son côté, précise que: "7. (c)The order (pour la publication d'un avis) shall prescribe the manner of notification to be used and specify the members of the class to be notified. In determining the manner and form of the notice to be given, the court shall consider the interests of the class, the relief requested, the cost of notifying the members of the class, and the possible prejudice to members who do not receive notice.

(d)Each member of the class, not a representative party, whose potential monetary recovery or liability is estimated to exceed $100.00 shall be given personal or mailed notice if his identity and whereabouts can be ascertained by the exercise of reasonable diligence.

(e)For members of the class not given personal or mailed notice under subsection (d), the court shall provide, as a minimum, a means of notice reasonably calculated to apprise the members of the class of the pendancy of the action. Techniques calculated to assure effective communication of information may include personal or mailed notice, notification by means of newspaper, television, radio, posting in public or other places, and distribution

through trade, union, public interest, or other appropriate groups.

(f)The plaintiff shall advance the expense of notice under this section if there is no counterclaim is asserted. If a counterclaim is asserted the expense of notice shall be allocated as the court orders in the interest of justice.

(g) The court may order that steps be taken to minimize the expense of notice.

Sans vouloir insister sur l'adoption d'une disposition obligeant un défendeur dans un recours collectif à assumer, en tout ou en partie, les coûts de l'avis, nous proposons les modifications suivantes: 1.Etablir une distinction entre les cas où l'avis ne doit pas être la règle générale, comme en matière d'injonction ou de déclaration, (voir art. 904 (a), N.Y. Civ. Prac. L.R.) alors que les membres d'une telle classe ne sont pas aussi préjudiciés qu'en matière délictueuse, le jugement dans ce cas ne portant pas atteinte à leur droit de demander des remèdes monétaires; 2. Prévoir des normes que devra suivre le juge pour, notamment le diriger dans sa considération des différents coûts de l'avis, quant à la nécessité de les minimiser et quant au principe que l'action collective, une fois autorisée, doit, autant que possible, procéder; 3.Adopter comme règle générale, un mode de publication généralisée (comme celui des journaux) et seulement par exception, un mode individuel de publication: (voir a. 1781 (d) Code Civil de Californie). 8. Un autre problème se présente au sujet de l'avis: parfois le représentant n'est pas en mesure de connaître tous les membres de sa classe bien que cette information soit connue du défendeur: C'est ce qui est survenu dans l'affaire Sanders et al v. Levy et al 558 F. 2d 636 (2ième Circuit C.A. 1977, permission d'en appeler accordée, novembre 1977). Dans cette affaire, certains actionnaires de l'Oppenheimer Fund avaient pris un recours collectif contre les administrateurs-gérants, et contre la compagnie de gestion qui administrait le Fonds. Il s'agissait d'identifier les noms et adresses des membres de la classe, soit toutes les personnes qui avaient acheté des actions entre 1968 et 1970, information que seules les défenderesses possédaient sur ordinateur. Le coût d'obtenir ces noms et adresses, y compris celui de formuler un programme spécial pour l'ordinateur se chiffrait à $16 580 (p. 638 de l'arrêt). La Cour d'appel a entériné la décision du District Court à l'effet que les défendeurs devaient payer ces frais, étant donné que cette procédure était analogue à une demande au préalable pour production des documents de la partie adverse.

Nous désirons soulever ce problème devant la Commission sans insister pour que cette décision soit adoptée uniformément ici. Cependant, comme le P.L. 39 semble ignorer ce problème, peut-être y aurait-il lieu d'édicter que toutes les demandes de production de documents, pour fins d'indentifier les membres de la classe ou pour toute autre raison jugée utile par le juge, devraient être décidées en vertu des mêmes normes que celles proposées précédemment pour l'avis de notification. 9.Toujours au chapitre de la requête, Titre 2ième du Projet, nous suggérons que la Cour, à ce stade, ne se montre pas trop exigeante quant à la preuve des dommages soufferts par la classe. Il sera en effet difficile pour le représentant de justifier clairement le montant maximal et global des dommages soufferts par lui et sa classe. Nous suggérons que le projet soit modifié en insérant des dispositions permettant au tribunal d'instruire une enquête sur le montant des dommages soufferts individuellement et globalement, enquête qui aura pour but: 1. d'informer les membres de la classe dans l'avis à être expédié; 2. d'informer le défendeur du montant maximal qui va être demandé; évidemment une telle détermination, à ce stade, ne devra pas lier le tribunal du fond, mais sera un excellent moyen pour clarifier le débat.

DEROULEMENT DU RECOURS 10. Bien que l'art. 1022 C.P.C. projeté nous semble nécessaire afin de donner aux tribunaux la latitude décisionnelle nécessaire pour instruire l'affaire, nous désirons tout d'abord apporter la précision suivante, au 3ième alinéa de cet article.

A l'art. 906, du New York Civ. Prac. L & R, (aj. 1975, c. 207) il est prévu ce qui suit: "S. 906. Actions conducted partially as class actions When appropriate, 1. An action may be brought or maintained as a class action with respect to particular issues, or 2. a class may be divided into subclasses and each subclass treated as a class. The provisions of this article shall then be construed and applied accordingly.

Cette disposition aurait une grande utilité en matière d'action collective, en responsabilité civile: la question de la responsabilité pourrait être traitée collectivement et la question des dommages au niveau d'unités sub-divisées. Si l'on s'aperçoit, au cours de l'instance, de l'existence de deux sous-classes ayant certains intérêts ou traits distincts, cet article 906 autorise une division de l'action. On se rappelle que dans l'affaire EISEN, la Cour Suprême a retourné le dossier au tribunal inférieur afin de déterminer exactement les possibilités d'une telle modification en sous-groupes.

Bien que l'art. 1022 projeté puisse possiblement être interprété comme accordant au juge du fond un tel pouvoir de modification, nous suggérons d'énoncer explicitement que le juge puisse diviser la classe en sous-classes et que chaque sous-classe puisse être traitée comme une classe "mutatis mutandis ". Parrallèlement, il y aurait lieu de donner au juge le pouvoir de suspendre l'instruction du procès d'une des sous-classes, le cas échéant, et d'énoncer que la prescription soit alors interrompue.

PROCES PAR JURY 11. Bien que la Loi des jurés de 1975 ait aboli ce système de procès par jury en matière civile, nous soutenons que ce principe devrait être repris dans les cas des recours collectifs. En raison du caractère public de ces actions, nous croyons que, dans certains cas, seul un jury pourrait être compétent pour évaluer et apprécier les réclamations d'une collectivité de citoyens. Surtout dans le domaine de la protection du consommateur, nous sommes d'avis que les consommateurs devraient dans certains cas juger de telles causes.

INTERROGATOIRE AU PREALABLE

Nous voulons ici donner notre accord sur l'art. 1019 C.P.C. projeté. En effet, un recours collectif ayant par sa nature un aspect public et collectif, permettre un droit illimité de procéder à des interrogatoires au préalable par le défendeur risquerait de paralyser l'action comme telle. Evidemment, une telle situation aurait des effets tout à fait contraires aux buts poursuivis par le projet de loi.

REGLEMENT OU REJET AVANT JUGEMENT

Tout en favorisant les mesures du Titre III quant à l'accord nécessaire du tribunal avant qu'un règlement n'intervienne ou qu'un désistement ne soit formé, nous croyons toutefois qu'il serait préférable que les parties soient tenues de révéler à la cour les raisons du désistement ou du règlement et que le tribunal en accueillant la demande, ordonne une publication de ces raisons. La même situation devrait prévaloir si la cour elle-même annulait l'autorisation d'exercer le recours collectif: art. 1026 C.P.C. (Voir pour une disposition similaire, la Règle 23 (c) (1) des Federal Rules of Civil Procedure (F.R.C.P.), 28 U.S.C. et 39 F.R.D. 69, à 104 (1968), ADVISORY NOTE.

Nous croyons utile de reproduire ici l'art. 12 de la Uniform Class Action Act, 1976 des Etats-Unis: 12. Dismissal or Compromise.

(a) Unless certification has been refused under Section 2, a class action, without the approval of the court after hearing, may not be (1) dismissed voluntarily (2) dismissed unvoluntarily without an adjudication on the merits; or (3) compromised.

(b) If the court has certified the action under Section 2, notice of the hearing on the proposed dismissal or compromise shall be given to all members of the class in a manner the court directs.

(c) Notice given under subsection (b) shall include a full disclosure of the reasons for the dismissal or compromise including, but not limited to, (1) any payments made or to be made in connection with the dismissal or compromise. (2) the anticipated effect of the dismissal or compromise on the class members, (3) any agreement made in connection with the dismissal or compromise, (4) a description and evaluation of alternatives considered by the representative parties and (5) an explanation of any other circumstances giving rise to the proposal. The notion shall also include a description of the procedure available for modification of the dismissal or compromise.

(...)

(e) The cost of notice given under sub-section (b) shall be paid by the party speeking dismissal, or as agreed in the case of a compromise unless the court after hearing orders otherwise.

Nous proposons donc que le rejet, le règlement ou le désistement, portant sur la continuation du recours collectif, sois traité rigoureusement et soumis à des formalités telles que celles proposées par les Commissaires nationaux aux Etats-Unis. Il est d'importance capitale que les membres du groupe en soient avisés afin de se substituer au représentant (voir art. 1024 C.P.C. projeté), et ce, avant le jugement qui rejette ou donne acte des procédures de désistement ou de règlement.

JUGEMENT

Nous sommes d'accord avec les dispositions du P.L. 39 relatives aux mesures de recouvrement collectif ou individuel. Il y a, aux Etats-Unis, beaucoup de discussions sur la doctrine dite cv-près qui était originalement appliquée aux dons de charité dans la loi sur les trusts. La doctrine considère que, si

un testateur ou un donateur a exprimé son intention de constituer un trust, et en a spécifié le mode d'exécution, les tribunaux ne devraient pas se prononcer sur sa caducité si ce mode d'exécution n'est pas réalisable: il faudrait alors trouver un mode analogue.

En matière de recouvrement collectif, même si plusieurs personnes ont subi un préjudice mais sont incapables de présenter une réclamation individuelle, on doit insister pour que l'auteur du dommage restitue la totalité de ses profits illicites. (Voir Pomerantz, New Developments in Class Actions, (1970) 25 Bus Law 1259, 1260, et Williams, p. 155).

Permettre à un défendeur de se soustraire d'une condamnation portée contre lui, simplement parce que ses victimes ne sont pas en mesure de faire valoir individuellement leurs droits, constituera un encouragement pour ce défendeur et pour d'autres comme lui de ne pas respecter la loi. Or, le but poursuivi par ce recours collectif, n'est-il pas exactement de permettre des réclamations collectives quand il est évident qu'il n'y a pas lieu à des poursuites individuelles?

C'est ainsi que certaines décisions des tribunaux américains ont appliqué très largement la doctrine de cv-près en autorisant le défendeur à payer ou à se comporter de façon à ce que de près ou de loin, il y ait réparation du dommage causé. Dans l'arrêt West Virginia v. Pfizer Co. 314 F. Supp. 710 (1970) aff. 440 F. 2ième 1079 (1971), le reliquat de la somme ainsi accordée fut versé aux municipalités ou aux états pour la santé publique. Dans l'affaire Darr v. Yellow Cab Co. 63 Cal Rptr. 724 (1967), la Cour Suprême de Californie avait accueilli une action collective où l'on alléguait qu'une compagnie de taxi avait, pendant des années, imposé des tarifs excessifs à ses clients. Comme le recouvrement individuel par les usagers de ce service pendant les quatre (4) années qui précédaient l'action était improbable, la cour a noté que, la seule solution était par voie de recours collectif: 1. car il n'y avait pas de risque de poursuite individuelle peu intéressante économiquement et 2. car en l'absence d'une telle action, le défendeur serait le seul bénéficiaire.

Après ce jugement, le défendeur a consenti à réduire ses tarifs, pour une période de temps déterminée, jusqu'à concurrence des sommes excessives payées par les usagers.

A ceux qui considèrent le système de recouvrement collectif trop bouleversant par rapport au système traditionnel des dommages-intérêts, plus particulièrement en ce que les bénéficiaires d'une condamnation ne sont pas toujours les victimes directes des fautes causées, on peut répondre comme suit: premièrement, il faut souligner que le recours collectif a pour but de prévenir certaines pratiques, il a donc un aspect dissuasif ainsi qu'un caractère public en ce qu'il y a une importante partie de la collectivité qui réclame certains droits; deuxièmement, on ne peut pas dire que le défendeur paiera plus qu'il ne doit: il ne sera pas tenu d'indemniser plus que le montant global des dommages qu'il a causés et sur lesquels le tribunal liquidera sa condamnation. S'il y a un reliquat laissé à la fin, ce n'est pas à lui qu'il appartient de dire que ces sommes ne sont pas dues du simple fait qu'elles n'étaient pas réclamées. Enfin si le tribunal, dans l'exercise de sa discrétion, ordonne selon l'art. 1036 C.P.C., une distribution du reliquat, bien que toutes les victimes n'aient pas été indemnisées intégralement de leur créance, comme l'a bien remarqué l'auteur anonyme du Managing the Large Class Action Eisen v. Carlisle & Jacquelin, 87 HARVARD L. REV. 426, 453 (1974) ce n'est qu'un des effets de la justice de la même façon qu'une injonction peut bénéficier à des tiers.

A moins que le défendeur ne soit lésé dans ses droits par ce mode de recouvrement collectif, comment peut-on dire que ce recours n'est pas justifié, recours qui peut être le seul moyen de faire valoir les droits d'une collectivité?

DÉPENS

On a parlé précédemment de la question des dépens. Nous comprenons que les règles ordinaires relatives aux dépens doivent s'appliquer au moment de la présentation de la requête: si le représentant succombe dans sa demande, il doit payer les frais de la partie adverse.

Mais l'on peut très bien argumenter que la règle devrait être inversée au niveau de l'action collective proprement dite. C'est d'ailleurs ce que nous suggérons: le représentant ne devrait pas être tenu de payer les dépens de la partie adverse, même s'il succombe dans sa demande. Une fois qu'il a démontré au tribunal le bien fondé de sa demande d'exercer le recours collectif, il doit selon nous pouvoir continuer sans devoir supporter les effets de toute condamnation à la fin de l'instance. Il a prouvé, à la satisfaction du tribunal, que sa demande était valable. Pourquoi le pénaliser?

Il ne faut pas oublier que le recours collectif est surtout disponible et utilisable pour le justiciable qui a une créance minime qu'il ne pourrait pas normalement réclamer, autrement que par le recours collectif. Il ne faut pas oublier qu'il y a un caractère public rattaché à ce genre de demande: les dommages-intérêts retirés d'une action collective réussie auront des incidences non seulement sur les membres de la classe victorieuse, mais aussi sur la société toute entière. La restitution individuelle restera dans plusieurs cas assez mince; mais l'obligation de payer une large somme globale à toute une classe constituera bien souvent pour le défendeur une véritable leçon pour l'avenir. De plus, l'aspect dissuasif va s'étendre à toute la société, avertissant ainsi d'autres que la pratique d'actes illicites à l'endroit de consommateurs pourra dans l'avenir avoir une conséquence plutôt désastreuse.

A notre avis, la requête introductive d'instance aidera à éliminer des poursuites frivoles. Le principe de l'exemption du demandeur (ou représentant) aura peu d'application car les occasions où une action collective, une fois autorisée, échouera, seront considérablement réduites.

Nous croyons qu'en appliquant la règle normale de la condamnation de la partie perdante aux frais de la partie adverse, dans le cadre des recours collectifs, aura un important effet de dissuasion sur un demandeur éventuel; ainsi, ce dernier, avec sa petite réclamation, n'aura aucun motif de procéder à une telle action, s'il n'est pas exonéré. Il est vrai que le futur Fonds d'aide aux recours collectifs pourra l'aider; nous y reviendrons cependant plus loin. Il faut qu'on décide: ou bien on laisse libres des personnes qui vont profiter d'une situation où personne ne les poursuivra en raison du montant peu élevé de la réclamation ou bien, on tente d'encourager les recours collectifs, ayant confiance en leur habilité d'édu-quer la collectivité dans les pratiques illicites qui sont malheureusement répandues dans notre société.

Nous croyons qu'il faut éviter à tout prix que les dispositions du présent projet ne restent lettre morte parce que personne ne veut risquer une condamnation aux frais, plusieurs fois plus grande que la créance individuelle. On prévoit la constitution d'un Fonds; mais pour les gens qui ne se voient pas attribués l'aide financière, le P.L. 39 ne répond pas de façon satisfaisante à leur souci. Une fois qu'un tribunal a certifié le bien fondé d'un recours collectif on ne voit aucune raison de laisser le justiciable complètement ouvert à une condamnation aux frais de la partie adverse, ce qui aurait des conséquences assez tragiques sur la situation économique de la majorité des gens.

STATUT DE REPRÉSENTANT AUX CORPORATIONS ET AUX GROUPES

Avant de laisser l'étude du Titre 1er du P.L. 39, nous désirons souligner notre accord sur l'art. 1048 projeté, permettant aux corporations ou aux groupements (dont l'un des membres est aussi membre d'un groupe) d'agir comme représentant au sens de la loi. Nous nous réjouissons de cette disposition qui constitue pour nous, une reconnaissance du travail fait et de l'expertise accumulée par des associations comme la nôtre. Cette disposition nous permet ainsi de nous engager de façon plus directe dans le processus judiciaire et d'intenter les recours collectifs qu'on croit nécessaires et importants.

Comme plusieurs actions collectives ont duré longtemps, nécessité un travail soutenu de la part du représentant de la créance, il est de plus haute importance qu'un organisme soit habilité à prendre part à des procédures auxquelles parfois un simple citoyen préférerait s'abstenir. Nous avons toujours cru que la législation actuelle devrait être amendée afin que des causes méritoires ne connaissent pas le même sort que l'affaire DASKEN (où l'association des propriétaires comme telle, avait pris l'action).

LE FONDS D'AIDE

Nous soulignons à ce chapitre que la constitution et la fondation d'un fonds d'aide est indispensable et que cette législation nous semble donc complètement justifiée.

Nous désirons cependant apporter quelques remarques à ce sujet.

Premièrement, nous espérons que l'art. 22 du P.L. 39 sera modifié afin d'ajouter le critère de l'intérêt social. On a beaucoup insisté, tout au long de notre étude, sur l'aspect social et public d'un recours collectif. Nous pensons encore une fois que le Fonds devrait tenir compte de cette question chaque fois qu'on s'adresse à lui. Il faut prévoir des critères basés d'une part sur les moyens financiers du requérant, et d'autre part sur l'intérêt social de poursuivre la réclamation. Nous suggérons encore une fois de donner au Fonds le pouvoir d'étudier les coûts éventuels (y compris les coûts d'avis, de publication, etc.) qui constitueront sans doute un facteur d'appréciation sur la décision finale.

On suggère de plus que le Fonds soit habilité à donner rétroactivement son aide quand des faits nouveaux apparaissent, faits qui n'étaient pas connus lors de la première décision sur le dossier. Ce pouvoir rétroactif devrait exister, et ce, malgré le caractère final de l'appel prévu aux arts. 33 à 35 du projet de loi.

A ce chapitre de l'appel, vu le caractère définitif de la décision sur le sort de la demande collective, nous sommes d'avis qu'un banc composé de trois (3) juges serait mieux approprié. Comme l'art. 35, 3ième al. du P.L. 39 dispose que la décision du tribunal est finale, il serait souhaitable, pour vraiment protéger les droits des citoyens, que le tribunal soit formé comme un tribunal d'appel, c'est-à-dire avec trois (3) juges.

Finalement, les art. 31 et 32 du projet, concernant les cas où le représentant perd son droit à l'aide et qui prévoient un remboursement au Fonds, nous semblent contenir une lacune importante. En effet, si, selon art. 1025, C.P.C. projeté, ce représentant défaillant est substitué par un autre, les art. 31 et 32 devraient prévoir la continuation d'aide, cette fois-ci auprès d'une autre personne. Nous soumettons donc que le projet devrait être modifié afin de prévoir expressément la substitution de l'aide financière.

DISPOSITIONS DIVERSES

Nous proposons également contrairement à l'art. 44 du projet, insérant l'art. 1237 a. C.C., que la preuve testimoniale soit admise comme règle générale dans tous les cas sauf le droit du tribunal de refuser cette preuve pour certaines circonstances exceptionnelles.

A notre avis puisque le recours collectif peut toucher un grand secteur de la population, il serait préférable que les règles de preuve soient assouplies afin de permettre l'instruction de la demande. Mieux vaudrait-il consacrer la preuve testimoniale comme règle générale que de la permettre par exception, comme le fait l'art. 1237a C.C.

CONCLUSIONS.

L'A.P.A. est heureuse de constater que le Gouvernement du Québec ait décidé à venir au secours du public avec son projet de Loi établissant le recours collectif. Nous invitons le Gouvernement à promulguer de façon expéditive ledit projet de Loi qui répond en grande mesure aux besoins du public. Tout retard aurait comme conséquence de maintenir une situation injuste.

L'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES AUTOMOBILISTES

PAR: PHILIPPE EDMONSTON PRESIDENT

PAR: JACQUES E. CASTONGUAY VICE PRESIDENT

Ce mémoire a été rédigé avec l'assistance des conseillers juridiques de l'A.P.A. soit l'étude APPEL, GOLFMAN, COHEN, LEHRER & COOPER.

Document(s) associé(s) à la séance