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Audition des mémoires
sur le projet de loi no 39
Loi sur le recours collectif
(Quinze heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Marcoux): La commission de la Justice est
réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le
projet de loi no 39, Loi sur le recours collectif. Les membres de la commission
sont: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi) remplacé par
M. Marois (Laporte); M. Blank (Saint-Louis) remplacé par M. Ciaccia
(Mont-Royal).
M. Lalonde: Excusez-moi, il sera remplacé par M.
Pagé (Portneuf).
Le Président (M. Marcoux): Remplacé par M.
Pagé (Portneuf); M. Charbonneau (Verchères) remplacé par
M. Clair (Drummond); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska) remplacé par M. Cordeau (Saint-Hyacinthe); M. Lacoste
(Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda), M.
Vaillancourt (Jonquière).
Les intervenants sont: M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavigne
(Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Roy (Beauce-Sud), M. Tardif
(Crémazie).
Les mémoires que nous entendrons aujourd'hui sont ceux des
organismes suivants: L'Association coopérative d'économie
familiale; l'Association des petits propriétaires unis de Chambly;
General Motors du Canada Limitée; l'Association pour la protection des
automobilistes.
J'inviterais immédiatement les représentants de
l'Association coopérative d'économie familiale à venir
nous présenter leur mémoire. Est-ce que M. Legault est
là?
Associations coopératives d'économie
familiale
M. Legault (André): C'est M. Julien Richard qui va
présenter le mémoire.
Le Président (M. Marcoux): M. Richard, est-ce que vous
pouvez nous présenter vos collègues?
M. Richard (Julien): M. le Président, MM. les membres de
la commission, je voudrais d'abord vous présenter mes collègues.
A ma gauche, M. Roland Pelletier de l'ACEF de Granby, à mon
extrême droite, M. André Legault de l'ACEF rive sud et mon voisin
immédiat, M. Robert Bilodeau de l'ACEF de Québec. Je suis Julien
Richard de l'ACEF de l'Estrie.
Le Président (M. Marcoux): Avant que vous commenciez
à présenter votre mémoire, étant donné que
c'est la troisième journée et que vous n'étiez
peut-être pas là au début, je vais vous rappeler les
règles générales de fonctionnement. Vous avez une
vingtaine de minutes, soit pour nous lire votre mémoire, soit pour le
résumer ou en faire une présentation synthétique. Ensuite
le dialogue s'engage durant une quarantaine de minutes entre les membres de la
commission et vous-mêmes. Vous avez la parole.
M. Richard (Julien): M. le Président, je voudrais, tout
d'abord, vous présenter notre mouvement. L'ACEF est un organisme
d'information et de protection du consommateur. Elle a été
créée en 1965, à Shawinigan, par des travailleurs
syndiqués; ceux-ci constatèrent que ce que les travailleurs
gagnent en négociations de contrats de travail, ils le perdent et le
dépensent dans la consommation. Ils ont alors voulu se donner un
organisme de défense et de lutte à ce niveau.
Même si le mouvement syndical est à l'origine de l'ACEF,
les pionniers ont voulu l'étendre à tous les
Québécois consommateurs: travailleurs syndiqués, non
syndiqués, chômeurs, assistés sociaux, retraités,
ménagères et j'en passe.
L'ACEF, c'est une association coopérative qui regroupe deux
sortes de membres, des membres et des organismes membres. Nous avons des
coopératives, des syndicats, des groupes populaires et des individus
membres qui sont là à titre individuel, à titre personnel.
Dans notre démarche, nous regroupons des consommateurs qui ont un
même problème de consommation. Nous les impliquons ensemble et
nous revendiquons aussi ensemble.
C'est pour cela qu'au nom de nos membres, nous sommes ici pour vous
soumettre, pour vous présenter un mémoire qui, nous
l'espérons, rendra le projet encore plus valable qu'il ne l'est, avec
des corrections qui sauront améliorer le projet.
Nous aimerions d'abord vous dire qu'à la page 8 de notre
mémoire, il y a une erreur dans le quatrième paragraphe. Il
faudrait lire l'article 1005c au lieu de 1004c.
M. le Président, nous tenons en premier lieu à exprimer
notre satisfaction devant l'imminence de l'adoption par l'Assemblée
nationale d'une Loi sur le recours collectif. En effet, cette loi était
depuis fort longtemps réclamée par les associations de protection
des consommateurs, et plus particulièrement par les Associations
coopératives d'économie familiale, les ACEF. Les citoyens
québécois auront été déjà assez
pénalisés en raison de l'absence d'une telle procédure
pour faire valoir efficacement certains de leurs droits ou recours
jusqu'à maintenant trop difficiles ou trop coûteux ou peu
pratiques à exercer, en vertu du présent Code de procédure
civile. De plus, on n'apprendra rien à personne en affirmant que le
Québec est le dernier îlot en Amérique du Nord où
une pareille procédure d'action collective est encore inexistante.
Les ACEF de la rive sud, de Granby, de Québec et de l'Estrie
accueillent favorablement le projet de loi tel que présenté.
L'esprit qui semble
animer ce projet de loi, de même que les objectifs poursuivis,
tant en raison du type de recours collectif retenu qu'en raison de la
création d'un fonds d'aide, démontrent la volonté du
ministre d'Etat au développement social, qui en est le parrain, de voir
à ce que le recours collectif soit vraiment accessible à tous les
citoyens et pleinement efficace dans l'exercice de leurs droits.
Nous n'avons pas à refaire la preuve de la
nécessité d'un tel recours, ni de rappeler davantage le retard de
nos législateurs à inscrire pareil recours dans nos lois.
D'ailleurs, cette preuve est déjà inscrite dans notre
mémoire, du moins, nous le prétendons. Nous sommes donc d'accord
avec les principes de ce projet de loi. Cependant, nous nous devons de relever
certaines faiblesses dans le projet, qui risquent d'en restreindre la
portée. Pour nous, il est fondamental que le recours collectif soit
très nettement accessible. Ainsi, il nous semble indispensable que des
modifications soient apportées plus particulièrement à
certaines règles d'exercice du recours collectif, de même qu'aux
conditions d'admission, d'attribution et d'administration du fonds. Compte tenu
de nos préoccupations dans le domaine de la protection des
consommateurs, et conscients des difficultés que doivent éprouver
les citoyens, lorsqu'ils sont aux prises avec un commerçant ou une
entreprise dans un litige les concernant, nous croyons en la
nécessité d'assurer à ces citoyens le soutien
éventuel d'une association de consommateurs. Evidemment, dans
l'hypothèse où le recours collectif concerne un autre champ
d'activités, les mêmes remarques devraient valoir vis-à-vis
de toute autre association sans but lucratif, détenant
l'expérience et ou l'expertise requise dans ce cas.
Considérant le temps et l'énergie à investir, les
connaissances requises, les données à recueillir et les
difficultés d'un tel travail, il nous semble, en effet, que, dans bien
des cas, seule une telle association pourra disposer des ressources humaines et
techniques nécessaires à la constitution d'un dossier pouvant
mener à bien un recours collectif. En conséquence, il nous
apparaît indispensable de faciliter au requérant la
possibilité de recourir au soutien et aux services d'une pareille
association.
Dans un premier temps, nous proposons donc que des associations sans but
lucratif, plus particulièrement dans le domaine de la consommation,
reçoivent annuellement une subvention spéciale suivant leur
représentativité nationale et régionale, ceci afin de
payer les frais d'une permanence qui pourra, sur demande, appuyer un
éventuel représentant qui veut agir par recours collectif.
Dans un deuxième temps, nous référant à la
définition d'une corporation et à son pouvoir d'agir au nom de
ses membres pour faire valoir un recours collectif, en vertu de la loi, il nous
apparaît important de tenter d'apporter une meilleure définition
aux concepts d'intervenant et d'indiquer plus clairement les droits et les
obligations d'un tel intervenant. Par exemple, il peut fort bien arriver qu'une
association de consommateurs soit le représentant désigné
pour le groupe qui entend agir au recours collectif. Par contre, dans les cas
où cette association de protection des consommateurs ne serait pas le
représentant, il y aurait lieu de lui faciliter sa tâche
d'intervenant dans le recours, en autant que le membre qui a le statut de
représentant soit consentant et qu'il n'y ait pas incompatibilité
avec l'intérêt des membres du groupe pour lequel le recours est
exigé. Il nous semble évident que dans cette hypothèse
l'intérêt public serait sauvegardé d'autant plus qu'une
telle association a pour mission de protéger les intérêts
des consommateurs. Pour être réellement une mesure sociale
positive, et permettre l'accès de ce recours, certaines modifications
devront être apportées aux conditions d'admission et d'attribution
du fonds d'aide.
Premièrement, les administrateurs du fonds d'aide prévu
dans le projet de loi ne devraient être appelés qu'à
statuer sur le bien-fondé économique de la demande d'aide et non
pas sur le bien-fondé ou le mérite du recours collectif. Pour
nous, la vraisemblance du droit n'a pas à être
déterminée par un tribunal administratif. Le droit est une
question de fond et il n'appartient qu'au tribunal d'en juger. De toute
façon, l'autorisation préalable exigée par l'exercice du
recours collectif nous semble une garantie suffisante pour qu'aucun abus ne
soit fait au détriment du fonds d'aide.
Deuxièmement, il s'agit d'universaliser le principe
d'accessibilité à la justice. Déjà ce principe est
bien admis, notamment en vertu de la Loi des petites créances et de la
Loi de l'aide juridique. Aussi, en nous appuyant sur les principes qui ont
amené la détermination du plafond de $500 pour l'application de
la Loi des petites créances, nous proposons que l'attribution d'une aide
du fonds créé par la loi soit automatiquement accordée
lorsque le montant de chacune des réclamations individuelles ne
dépasse pas celui fixé en vertu de la Loi des petites
créances. Ainsi, on ne défavoriserait pas quelqu'un qui,
autrement, aurait peut-être exercé son recours en vertu de la Loi
des petites créances, afin de limiter ses frais et ses efforts. De plus,
dans le cas des réclamations, il serait facile de présumer que
les montants en jeu seront habituellement de moins de $100 ou de quelques
centaines de dollars et que, de toute façon, les frais engendrés
par un tel recours seront démesurément élevés.
Dans les cas où l'attribution d'une aide du fonds ne serait pas
automatique, nous croyons que certains critères devraient être
clairement indiqués dans le projet de loi. Ainsi, il est proposé
de tenir compte des éléments suivants: premièrement, le
coût démesuré entre le montant à percevoir et le
coût de toutes les démarches tant judiciaires qu'extrajudiciaires
et déboursés réels, pour faire valoir ces
réclamations et ou ces droits; deuxièmement, les circonstances
particulières d'un recours collectif de nature déclaratoire et
qui n'entraîne aucun recouvrement d'argent, tant pour le
représentant que pour les membres connus du groupe;
troisièmement, la solvabilité douteuse d'une personne poursuivie,
c'est-à-dire le risque que le recouvrement des frais ne puisse
même
être effectué, ou l'éventualité de l'abandon
du recours alors que la collectivité ou les membres du groupe ont un
réel intérêt à ce que, de toute façon, un
jugement soit prononcé sur des questions de droit et de fait qui sont
soulevées; quatrièmement, la dimension sociale et les effets pour
la collectivité du jugement à intervenir.
Nous proposons également que les sommes allouées par le
fonds d'aide tiennent compte de la réalité des coûts qui
sont véritablement entraînés par un tel recours collectif.
Ce n'est pas seulement des frais d'avocats et des frais judiciaires ou
d'experts qui seront encourus, mais aussi des frais inhérents aux
recherches, tant pour dépister les membres du groupe que pour y monter
le dossier, pour la location de salle, la papeterie, etc.
Pour nous, le personnel du fonds d'aide devrait être beaucoup plus
représentatif. Aussi, pour que le recours collectif soit une
véritable mesure sociale positive, il faut s'assurer que l'intention du
législateur, dans ce projet de loi, soit réellement d'aider et de
protéger les citoyens dans la reconnaissance de leurs droits et, selon
les cas, du recouvrement des créances et ce notamment dans le domaine de
la consommation. Il faut s'assurer que les administrateurs du fonds conservent
une ouverture d'esprit concernant l'application du recours collectif et que,
par là, ils ne trahissent pas l'intention du législateur en
appliquant des mesures restrictives lors de l'attribution d'une aide. Il faut
encore s'assurer d'une représentation majoritaire de membres
cooptés des milieux socio-économiques et non pas uniquement des
professionnels.
Dans les amendements que nous proposons... Tout d'abord, à
l'article 1003, nous sommes généralement d'accord avec les
conditions exigées pour autoriser l'exercice du recours collectif. Par
contre, certains amendements devraient être apportés à
l'article 1003, tel que proposé, afin d'éviter toute confusion et
s'assurer que la portée du nouvel article 1003 ne soit pas
indûment limitée dans certaines circonstances. (15 h 50)
Ainsi, d'une part, en vertu du paragraphe a) de l'article 1003,
l'exercice du recours collectif peut être autorisé lorsque les
recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait
identiques, similaires ou connexes. D'autre part, le paragraphe b) du
même article ajoute une condition qui nous renvoie aux articles 59 et 67
du présent Code de procédure civile. Il nous semble en ressortir
que, lorsque la composition des membres rendra difficile ou peu pratique
l'application des articles 59 ou 67, on pourra recourir à l'action
collective.
Or, relativement à ce paragraphe b), il est intéressant de
noter qu'il renvoie à deux articles du Code de procédure civile
qui n'emploient pas nécessairement les mêmes concepts ou
expressions juridiques que ceux du paragraphe a) de l'article 1003. En rapport
avec l'article 59, notamment, on doit souligner qu'on parle de "plusieurs
personnes qui ont un intérêt commun dans un litige". Quant
à l'article 67 du Code de procédure civile, on admet la jonction
d'action lorsque plusieurs personnes ont des recours qui "ont le même
fondement juridique ou soulèvent les mêmes points de droit et de
fait".
Il nous semble donc que les paragraphes a) et b) soulèvent entre
eux des contradictions, à moins que ces deux paragraphes doivent
être interprétés comme des conditions alternatives et non
conjonctives. Aussi, à moins qu'on ne retienne l'hypothèse qu'il
s'agit de conditions alternatives, il nous semble que le paragraphe b) devrait
être simplement retiré, à défaut d'amender l'article
67 du présent Code de procédure civile, pour reprendre les
mêmes concepts ou expressions juridiques qui sont prévus dans le
nouvel article 1003 du projet de loi. Enfin, il ne nous semble pas que le
paragraphe b) ajoute quelque chose par rapport au paragraphe a).
De plus, pour ne pas limiter l'application de l'article 1003 dans
certaines circonstances, il y aurait lieu également d'ajouter à
cet article un autre paragraphe qui se lirait ainsi: "Le recours collectif ne
peut pas être refusé pour la seule raison que le fondement
juridique ou la source légale, contractuelle ou délictuelle du
recours de chaque membre du groupe soit distinct ou ne soit pas le même."
Nous croyons qu'un tel amendement enlèverait une difficulté
rencontrée dans l'interprétation des articles 59 et 67.
Pour ce qui a trait aux autres amendements que nous proposons de la page
21 à la page 25 de notre mémoire, nous aimerions qu'ils soient
inclus au journal des Débats sans qu'on ait à les lire ici, pour
gagner du temps aux membres de la commission et à nous-mêmes.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que la proposition est
agréée par les membres de la commission?
M. Lalonde: Oui.
Le Président (M. Marcoux): Alors je vais demander aux
responsables du journal des Débats d'inscrire au journal des
Débats les pages 21 à 25 inclusivement, de votre mémoire
(Voir annexe).
M. Richard (Julien): M. le Président, nous avons M.
André Legault, qui est avocat, membre de l'ACEF de la rive sud, et qui
sera sûrement prêt à répondre à toutes vos
questions, si la commission en a.
M. Clair: M. le Président, si vous me le permettez, avant
que vous n'accordiez la parole au ministre. Le député de
Sherbrooke est particulièrement intéressé par le
mémoire présenté par les ACEF puisqu'elles
représentent l'Estrie et que, justement, il y a des gens
présents. Je demanderais un consentement aux membres de l'Opposition
pour que, si le député de Sherbrooke le juge bon, il puisse
intervenir, même s'il n'est ni membre, ni intervenant officiellement
à cette commission, conformément...
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Lalonde: Avec plaisir, M. le Président. Il y a beaucoup
d'autres députés de l'Opposition officielle qui y sont
extrêmement intéressés, mais qui sont pris par d'autres
travaux, alors s'ils se présentaient à la commission pendant
l'audition, ils pourront aussi...
M. Clair: Vous pourrez compter sur le même
consentement.
M. Lalonde: Merci.
M. Richard (Julien): D'ailleurs, M. le Président...
M. Cordeau: Consentement accordé.
M. Richard (Julien): ... nous avons invité dans l'Estrie
tous les députés de la région dont les comtés sont
couverts par notre association, et ce, des trois partis politiques de la
région; libéraux, unionistes et péquistes.
Le Président (M. Marcoux): Alors, ces précisions
étant apportées, le député de Sherbrooke pourra
prendre la parole. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
les porte-parole des quatre ACEF rive sud de Québec, de Granby et de
l'Estrie qui ont bien voulu se donner la peine de travailler et assez fort, je
pense. On a lu votre mémoire et on va le relire avec le plus d'attention
possible, mais votre mémoire indique que vous avez travaillé
beaucoup sur le projet de loi. Je pense que je suis particulièrement
bien placé pour vous dire que je sais également à quel
point les ACEF ont travaillé, étudié, fait des
recommandations depuis plusieurs années sur ce sujet. Je sais que cela
vous tient à coeur. Egalement, soyez assurés que même si on
n'a pas le temps en commission parlementaire d'examiner toutes et chacune de
vos recommandations comme telles, elles seront effectivement, attentivement,
étudiées.
Ceci étant dit, compte tenu du préambule que je viens de
faire moi-même, compte tenu du fait que je connais passablement bien la
position de fond et l'attitude générale de l'ACEF face au projet
de loi qui est devant nous, sous réserve d'examiner les questions
particulières soumises plus en détail, pour ne pas abuser du
temps de mes collègues en commission parlementaire, je m'en tiendrai
strictement à une remarque et trois questions, très
rapidement.
D'abord, une remarque concernant une chose que vous évoquez dans
votre mémoire et qui est cette demande que des associations sans but
lucratif reçoivent annuellement une subvention spéciale suivant
des barèmes de représentation, afin de payer les frais d'une
permanence qui pourrait aider un représentant.
J'avoue que je suis prêt à l'examiner attentivement mais je
me demande honnêtement si cela ne relève pas beaucoup plus des
programmes de subventions du gouvernement à des organismes comme les
vôtres. Effectivement, je ne me sou- viens pas des chiffres, mais je
pense que, dans la dernière année fiscale, celle qui va se
terminer à la fin de mars, il y a eu un montant de $190 000 je
donne le chiffre de mémoire, sous réserve qui a
été ajouté au montant de subvention qui avait
été antérieurement donné. Si c'est possible
d'accentuer cela, je me demande s'il y a lieu d'insérer cela comme tel
dans la loi, j'avoue que j'ai des doutes. En tout cas, je me pose la question
et je vous en fais la remarque telle qu'elle me vient.
Deuxièmement, il s'agit d'une première question, vous
demandez que soit mieux défini le concept d'intervenant, en demandant
qu'on indique les droits, les obligations et surtout, si j'ai bien compris,
pour permettre à une association d'intervenir. J'aimerais que vous soyez
beaucoup plus précis sur les raisons, les motivations qui vous
amènent à formuler cette demande.
D'autre part, le projet de loi, tel que formulé, à
l'article 1048, permet directement à un groupe qui répond
à ces critères, donc des associations comme la vôtre, qui a
une existence légale, et dont un des membres a, au sens du droit,
l'intérêt requis pour intenter un recours collectif, d'intenter le
recours collectif. J'aimerais avoir votre opinion sur cet article du projet de
loi, d'une part.
Dernière question, un certain nombre de mémoires qui nous
ont été présentés ont émis des
réserves quant à l'ensemble du projet de loi, faisant état
du fait de crainte qu'il y ait des abus dans l'utilisation de cette
procédure du recours collectif dans certaines circonstances. Par
exemple, on a fait état de recours frivoles, farfelus, revanchards, etc.
Mes collègues et moi avons eu l'occasion de poser la même question
à d'autres qui se sont présentés devant nous, notamment
à l'Association des consommateurs du Canada, section du Québec,
qui s'est présentée ici et j'aimerais connaître votre point
de vue sur cette question.
Pour l'instant, ce sont les commentaires et les questions que j'avais
à formuler.
M. Legault: A propos du concept d'intervenant, ce qui nous
amenait à poser la question, c'est qu'on a un représentant. A ce
moment-là, c'est lui qui prend l'action à la fois pour tous les
autres membres du groupe. L'intervenant, c'est celui qui veut peut-être
être présent à l'action. Le plus loin qu'on peut aller dans
le Code de procédure civile, un intervenant a vraiment un rôle
très passif. A ce moment-là, dans le concept tel
qu'utilisé, l'intervenant apporterait une assistance, tout simplement,
au procureur ou au représentant de l'action.
Nous, ce qui nous a un peu fatigués, c'est de voir que
l'intervenant était un membre de plus qui portait le nom d'intervenant,
mais sa seule intervention était d'être présent et de voir
comment se déroulait l'action. Cela pouvait cependant nous amener
à ce que l'individu membre soit interrogé et
contre-interrogé.
Quant à nous, le concept a été suffisamment
défini pour pratiquement donner un droit égal au
représentant, au moins dans les témoignages à apporter et
dans l'argumentation.
On aurait eu une action à ce moment-là, où non pas
un seul représentant, mais peut-être un certain nombre auraient
été les représentants du groupe. Veut-on limiter un
représentant à une personne ou le représentant pourrait-il
être plus d'une personne? L'ambiguïté, c'était
d'ajouter un intervenant... Qu'il y ait une personne pour ne pas compliquer les
choses et un intervenant serait assis à côté d'elle et
regarderait ce qui se passe. On se demandait un peu où allait le concept
d'intervenant.
Secondairement, à propos du concept d'intervenant, pour ce qui
concerne l'association, pour reprendre la première question la
remarque de l'association sans but lucratif, la question du fonds d'aide, mon
confrère va y revenir tout à l'heure le concept
d'intervenant, si cela avait été assez défini et s'il
avait eu un rôle actif, dans l'hypothèse d'une association de
consommateurs, par exemple, où le représentant ne serait pas un
de ses membres, il aurait pu intervenir. Cela veut dire que si on laisse le
concept d'intervenant et qu'on demande à la fois qu'une association de
consommateurs ait un rôle actif dans l'action, parce qu'elle
représente des intérêts que j'appellerais
généraux dans ce type d'action, elle deviendrait, à ce
moment-là, très passive dans son action. Par contre, si on avait
ouvert le rôle d'intervenant à quelqu'un qui avait peut-être
les mêmes prérogatives que le représentant, le rôle
qu'on voudrait assigner à une association en termes
d'intérêts communs... A ce moment-là, il pourrait
même arriver dans la cause et faire valoir des points de vue et,
évidemment, amener des témoins. Evidemment, ce serait toujours
pour apporter un appui au représentant.
Si le concept d'intervenant avait été mieux défini,
cela aurait peut-être enlevé l'interrogation qu'on se pose. On ne
sait pas ce que veut dire le mot "intervenant".
M. Marois: C'est le concept d'intervention au sens du Code civil.
Si vous songez à étendre et à préciser à un
point tel, les pouvoirs, les devoirs, les fonctions, les attributions d'un
intervenant, voire à en faire l'équivalent d'un
représentant, ce ne sera pas du tout l'économie
générale du projet de loi tel qu'il est présenté,
puisqu'il s'agit d'un représentant. Il n'y a pas 32 tireurs de front en
même temps. Il y a vraiment un seul représentant au sens de ce que
cela veut dire strictement: qui représente... De là à
songer à ouvrir... C'est pour cela que je vous posais la question.
L'intervenant, bien sûr, au sens strict de ce que cela signifie, venant
soutenir, épauler, etc.. C'est pour cela que je vous posais l'autre
question rattachée à l'article 1048. Quelle est votre
réaction face à cette idée qu'une association puisse
être carrément représentant? Cela recoupe une de vos
préoccupations, me semble-t-il, puisque, si vous voulez, comme
association, que dans telle circonstance donnée, vous jugiez pertinent
d'être intervenant à un point tel que ce soit presque un
représentant, alors, la porte, c'est l'article 1048 qui l'ouvre
carrément. En plus, constamment cela vaut pour tous ceux qui sont
du groupe il y a la possibilité de remettre en cause, en cours de
route, le requérant. Je pense que c'est un droit essentiel pour
éviter les cas de collusion et toute une série de choses. C'est
pour cela que...
M. Bilodeau: M. le ministre, concernant l'article 1048, on a eu
effectivement des discussions. On n'est pas contre l'idée,
effectivement, qu'une association de consommateurs dans ce cas puisse
être un représentant. Ce qui nous fatiguait un peu, si vous
comprenez bien, c'est le lien légal qui faisait en sorte qu'on se
demandait dans quelle mesure, par exemple, il ne faudra pas modifier nos
règlements de régie interne pour ouvrir la porte à un
nouveau membre qui pourrait n'être que passager, pour qu'on puisse avoir
un intérêt légal de le représenter, d'être un
représentant.
En fait, on comprend bien l'idée qu'il faut avoir un lien
légal.
Une des façons pour nous de contourner cela, c'était
d'essayer de clarifier la notion d'intervenant dans le sens où une
association pourrait intervenir dans l'intérêt public,
évidemment, avec le consentement du représentant. C'était
le dilemme dans lequel on était situé. Malgré tout, on est
quand même conscient et d'accord avec le fait que des associations
puissent jouer le rôle d'un représentant.
Concernant votre remarque sur le financement...
M. Marois: Si vous me permettez, seulement une parenthèse.
Je ne veux pas abuser du temps, mais je veux être sûr que je vous
comprends très bien. Vous êtes d'accord avec l'article 1048, ou
vous êtes très d'accord, ou vous n'êtes pas d'accord avec
l'article 1048. Je pense que c'est bien important qu'on ait, surtout d'un
groupe comme le vôtre, une opinion là-dessus. Je ne suis pas
sûr de saisir le niveau d'accord. (16 h 5)
M. Legault: Si vous permettez, M. le ministre, je vais
répondre. On est, effectivement, d'accord avec l'article 1048.
Evidemment, cela transparaît, même si on ne l'a pas indiqué
tel quel. Ce qu'on ajoutait à cela, tout en étant d'accord avec
l'article 1048, et le document le dit, c'est qu'en plus de l'article 1048, on
demande également, lorsqu'il ne se pose pas qu'un membre fait partie de
l'association, qu'une association reconnue puisse également entrer dans
ce type d'action, comme intervenant, évidemment pour autant que le
représentant soit d'accord. C'est cela, le sens de notre intervention.
Pardon?
M. Clair: Même si elle n'a pas un membre
spécifiquement concerné?
M. Legault: Même si elle n'a pas un membre
spécifique.
Le Président (M. Marcoux): On peut aborder les autres
questions.
M. Legault: Pour les autres questions, dont la nôtre... La
première question: Pour l'association sans but lucratif, pourquoi avoir
un fonds disponible? On est bien d'accord pour dire qu'il y a des fonds qui
sont donnés aux associations de consommateurs et autres associations
sans but lucratif. Maintenant, je pense que la raison pour laquelle les
associations, notamment les ACEF, ont demandé que le recours collectif
arrive enfin, c'est qu'effectivement, ce type d'action apporte des
dépenses extraordinaires pour les individus qui veulent poursuivre, et
notamment les associations qui voudraient les appuyer. Alors, si une
association doit être sur le qui-vive lors d'une action collective, c'est
évident que toutes ses autres activités vont être
pratiquement bloquées dans l'attente ou dans le soutien d'une telle
intervention judiciaire. Je pense que M. le ministre le sait peut-être un
peu lui-même.
Peut-être que les ACEF ont eu ce dilemme et, pour les
connaître assez bien, je sais que cela a posé souvent des dilemmes
où, en fin de compte, un recours évidemment, pas
collectif, parce que ce n'était pas le cas des recours où
plusieurs personnes étaient impliquées prenaient des ressources
incroyables. A ce moment, l'association devenait dépouillée de
ses fonds pour ses activités d'information ou d'autres activités.
Alors, on a dit: Le projet de loi étant là, si on veut donner,
effectivement, un rôle à des associations qui ont vraiment une
expertise, il faudrait peut-être prévoir qu'on augmente les
subventions en conséquence, mais, comme le projet de loi est là,
on dit que, si on veut les tenir à l'intérieur du recours
collectif et maintenir un fonds disponible, on devrait, à
l'intérieur du fonds disponible qu'on espère suffisant, prendre
une tranche d'argent qui irait à ces associations pour qu'elles
puissent, dès qu'intervient une situation semblable, entrer dans un
dossier. C'est évident qu'on ne peut pas engager un permanent au moment
où une action semblable se produit, parce qu'on ne le trouvera pas. A ce
moment, les gens qui vont venir voir un groupe de ce genre vont dire: Ecoutez,
s'il faut que je me trouve quelqu'un, ce ne sera peut-être pas une
personne permanente.
Si on n'a pas les fonds disponibles qui viennent par cette loi ou
autrement, les associations vont être limitées comme elles le sont
aujourd'hui par les ressources financières. La raison, c'est de demander
qu'à l'intérieur du projet de loi, dans tout ce qui a rapport aux
recours, directement, il y ait une tranche qui soit prévue dans le
fonds, qu'on espère assez important, sans évidemment gruger dans
ce qui vient d'autres subventions. L'expérience nous montre aujourd'hui
que le judiciaire pour les associations sans but lucratif coûte
énormément en ressources humaines et techniques. A ce moment, on
ne veut pas être obligé de faire un choix entre des
perpétuels groupes qui soutiennent des gens qui sont devant les
tribunaux et négliger tout le travail d'information qui est à
côté. Vraiment, c'est un dilemme financier au niveau des
associations.
Maintenant, il y a une réserve. Vous avez indi- qué les
réserves qui ont été faites par certains groupes. Ces
réserves ont été notamment apportées hier à
la commission parlementaire et reproduites par certains organismes et media
d'information. C'est, dans le fond, les mêmes réserves que celles
des associations de commerçants ou de manufacturiers ou de banquiers ou
même des membres du Barreau. Elles reproduisent ou ont reproduit, en tout
cas, particulièrement au Canada... Dans les autres provinces, ce furent
pratiquement les mêmes réserves et, lorsqu'il y a eu le bill
fédéral à propos des lois sur les coalitions, ce furent
à peu près les mêmes critiques, à mon avis. On
arrive toujours à dire, dans le fond, que le projet de loi est bien,
mais, quand les réserves arrivent, il ne reste plus grand-chose de
l'appui qui était donné.
Il y a peut-être trois éléments. D'ailleurs, vous
pouvez les retrouver on l'avait prévu à partir de
la page 6, quand on parle des principes de justice naturelle et de
l'efficacité, ce qui n'a pas été lu par M. Julien Richard;
vous le trouvez dans le document, aux pages 6 et suivantes, peut-être aux
environs de quatre pages. On parle un peu des critiques qu'on prévoit,
qui vont arriver.
La première: lorsque vient le recours collectif, les
commerçants ou les associations de manufacturiers ou de
commerçants indiquent que c'est dangereux parce que je
n'étais pas en commission parlementaire hier mais les journaux ont
répété des choses on laisse l'impression que le
recours collectif va faire que le monde, les consommateurs vont revenir
à la loi du talion, ils vont se faire justice eux-mêmes, et plus
que cela, ils vont faire des actions frivoles, abusives, qui vont mettre le
monde économique à l'envers. Là, évidemment, on
nous donne des exemples américains, ou provenant du reste du Canada et
d'autres pays peut-être. Ce qui est étrange, c'est qu'en aucune
façon sauf en reproduisant certains articles on ne donne
des exemples précis de cas d'abus, de frivolité, notamment aux
Etats-Unis.
En réalité notre réaction à cela c'est que
le recours collectif permet à plusieurs personnes de se réunir.
Elles n'auront plus le handicap qu'elles avaient au début d'être
des individus isolés face à des corporations, importantes ou
petites. A ce moment-là, les représentants des groupes de
manufacturiers ou de commerçants ont compris qu'ils vont avoir à
lutter contre des personnes qui ont peut-être maintenant les moyens, en
nombre ou en argent, et là, évidemment, ils prétendent que
ces personnes vont faire des abus avec le recours collectif. Ils n'invoquent
jamais, cependant, que, sans le recours collectif, actuellement, au
Québec notamment, il y en a qui commettent des abus on va me dire
que ce sont des "fly by night" que ce sont des exceptions, d'accord,
mais il y en a beaucoup d'exceptions.
Ce sont ceux-là même qui sont des commerçants, des
manufacturiers, qui font des abus sur le dos des consommateurs et cela se
reproduit dans bien des occasions. Les abus si on peut prendre des
actions qui ont déjà été prises c'est
lorsque vous avez des gens qui, notamment, ont
été fraudés si on prend des cas qui sont de
nature criminelle où il faut attendre que les interventions
judiciaires arrivent en terme pénal et, effectivement, il faut
attendre longtemps et bien souvent il n'y a aucune action, même
judiciaire, de prise. Ce sont des cas de fraude, on en parle, mais rien ne se
fait. C'est pourtant des gens qui, grâce à un recours collectif,
auraient peut-être pu stopper ces fraudes qui se perpétuaient.
Prenons par exemple maintenant n'appelons pas cela des fraudeurs
mais des commerçants qui auraient peut-être mis des prix
trop élevés sur certains effets ou encore auraient vendu des
objets viciés. C'est évident que si vous essayez vous-même
de poursuivre comme individu une manufacture de grille-pain, je vous assure que
cela va vous coûter beaucoup plus cher de faire la preuve qu'il y a un
vice caché dans votre grille-pain. Mais s'il y a peut-être 1000
grille-pain qui ont été vendus, vous comprendrez avec moi
qu'à ce moment-là on va peut-être avoir les moyens de
poursuivre efficacement parce qu'on aura les moyens financiers de faire une
expertise et de mener à terme l'action. Qu'est-ce que l'abus? Le
commerçant va dire: Ils ont eu les moyens de nous poursuivre, ils auront
eu les moyens de compenser les gens qui ont été
lésés et, à ce moment-là, il y a un abus. Je trouve
que cela va être le monde à l'envers, c'est évident. Parce
que les abus les gens qui en faisaient à l'endroit des
consommateurs, après le recours collectif, il y en aura moins ou il n'y
en aura pas.
Alors, nous parler d'intentions parce que les consommateurs feraient des
actions frivoles franchement, ceux qui vont abuser de ces commerçants et
qui vont porter des actions frivoles, je pense qu'il faut laisser cela dans le
champ de la concurrence. Cela va peut-être être un
commerçant vis-à-vis d'un autre, mais cela ne regarde pas les
consommateurs. Les guerres internes de concurrence entre commerçants,
cela les regarde.
Je crois que l'exemple d'abus ne s'est jamais confirmé. On va
peut-être nous apporter des exceptions et encore on ne les apporte
même pas. Je pense que c'est vraiment une crainte, de la panique, parce
que, effectivement, avec ce recours, il va y avoir des compensations pour des
gens qui ont été lésés ou fraudés.
Il y a maintenant un argument qui apparaît toujours et qui est
sûrement revenu hier, c'est l'argument que c'est un recours punitif,
surtout avec le recouvrement collectif. C'est punitif parce que effectivement
les gens qui ont été fraudés, qu'on les connaisse ou qu'on
ne les connaisse pas, auront été remboursés, soit
individuellement, ou encore on va mettre cela dans un fonds qui appartiendra
à l'Etat. Le vrai argument, dans le fond, ce n'est pas celui-là.
Le vrai argument, ce n'est pas que c'est un recours punitif; effectivement, ce
n'est pas compensatoire, cela ne doit pas appartenir au civil. On dit: Ce type
de recours devrait appartenir au pénal, parce qu'au pénal, la
preuve est là.
Je n'ai pas de statistiques sur cela, mais je pense qu'il y a
suffisamment de gens qui sont informés que les recours qui viennent de
l'appareil d'Etat, autant du fédéral que du provincial, ne sont
pas très nombreux comme interventions et que, surtout et c'est le
ministre lui-même qui l'invoque très souvent les amendes
qui sont imposées à des gens qui fraudent ou qui lèsent
des gens sur des montants d'argent sont tellement superficielles que l'on est
tenté, comme dit le ministre, de faire de la fraude, parce que les
amendes ne coûtent rien.
A ce moment-là, je pense que ce qu'il faut considérer,
c'est que la question du compensatoire et du punitif, pour les
commerçants manufacturiers, c'est une question de montant qu'ils vont
avoir à débourser. Ce serait punitif si on demandait, en plus,
l'exemplarité. Mais nous, des ACEF, si c'est punitif, on est favorable;
si c'est pour l'exemplarité, on l'est aussi, parce que, effectivement,
la seule façon d'arrêter les fraudeurs ou des gens qui essaient
d'en léser d'autres indûment, c'est l'exemplarité et cela
se trouve dans le domaine de la consommation. Il faut vraiment être
aveugle pour ne pas le voir.
Je pense que le gros argument du punitif, d'ailleurs, je ne veux pas
faire un cours de droit, ni un cours d'histoire, mais on pourrait lire
l'évolution du droit et vous allez vous apercevoir que ce qui a
sauvé le monde du commerce, évidemment, c'est de faire cette
possible distinction entre le punitif et le compensatoire, surtout si on me dit
que le recours collectif est importé au Québec des règles
anglaises, du droit anglais. Le droit anglais a toujours fonctionné
à partir du punitif; ce qui était du compensatoire, on !'a
amené par la suite. Donc, je pense que cet argument n'est pas
très fort.
L'abus qu'on prétend qui va être amené, c'est celui
que nous voulons corriger. Ce qu'eux appellent le punitif, pour nous, c'est du
compensatoire pour tout le monde et pour la collectivité.
Peut-être, qu'on va me dire que le procureur général ne
fait pas de plaintes suffisantes, c'est un fait, et nous, c'est un des
éléments sur lesquels on est bien d'accord avec ce type de projet
de loi.
Le Président (M. Marcoux): M. Legault, je m'excuse, de
vous interrompre. Il y a certaines questions qui ont été
posées par le ministre...
M. Legault: Je m'excuse.
Le Président (M. Marcoux): ... je
préférerais, et je pense, les membres de la commission
également, que vous abordiez d'abord ces questions.
M. Legault: J'ai répondu aux quatre questions.
Le Président (M. Marcoux): Je sais qu'il y a beaucoup
d'aspects intéressants dans l'ensemble des mémoires qui ont
été présentés ou discutés, mais je pense,
pour permettre aux membres de la commission de dialoguer, vu que le temps est
limité, que je me dois de restreindre vos propos, si possible.
M. Legault: J'ai bien répondu aux quatre questions, M. le
Président.
Le Président (M. Marcoux): Alors, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. LaIonde: Je voudrais remercier les représentants des
ACEF de la rive-sud, de Québec, de Granby et de L'Estrie pour leur
mémoire et ce, au nom de l'Opposition officielle. Je l'ai lu, il fait
état d'une expérience bien sentie dans le domaine que touche le
projet de loi no 39. Je pense que la présentation qui en a
été faite et les réponses qui ont été
données aux questions ajoutent à l'information de la
commission.
J'aurais simplement, peut-être, quelques remarques sinon
des questions, vous verrez si vous voulez répondre sur quelques
points, dont l'intervention. Vous suggérez qu'il faut donner à
l'intervenant une latitude plus grande, vous suggérez que ce soit
toujours avec l'accord du requérant sous mandat ou du
représentant. Pourquoi faites-vous cette suggestion? Est-ce à
cause des articles du Code civil qui, justement, créent le concept
d'intervention, et sur lesquels ces nouveaux articles s'appuient, ou, enfin,
auxquels ils se réfèrent, quand on parle des articles 1017 et
1018 de l'intervention conservatoire? On aurait pu aussi parler de
l'intervention agressive qui est proposée par le Code de
procédure. On n'a pas besoin, à ce moment-là, de l'accord
d'une des parties; il s'agit de démontrer un intérêt. (16 h
20)
N'y aurait-il pas danger, si vous assujettissez l'intervention à
l'accord du représentant dans le cas de collusion, par exemple, ou d'un
représentant qui ne fait pas, justement, qui ne remplit pas les
conditions, mais qui est encore représentant, qui n'a pas
été remplacé, ou qui n'a pas été
disqualifié, ne croyez-vous pas, à ce moment-là, qu'il
pourrait s'opposer à une intervention qui devrait être faite?
M. Legault: Si vous permettez que je réponde
immédiatement. Lorsqu'on a parlé de l'intervenant qui doit avoir
l'accord du représentant, c'est dans le concept suivant, à savoir
que l'association n'a pas de membres; donc, légalement, elle n'a pas ce
qu'on appelle, suivant le Code civil ou le Code de procédure civile, un
intérêt, sauf peut-être un intérêt commun,
mais, actuellement, je ne pense pas que la loi permette un intérêt
de l'ordre de celui qu'on indiquait tout à l'heure. C'est parce qu'il
faut bien se comprendre. Quand on parle de l'hypothèse de l'intervenant
qui demande l'accord, qui n'est pas membre lui-même, où il n'y a
pas un membre à l'intérieur pour le désigner comme tel,
pour l'action collective... Donc, c'est vraiment seulement à ce
niveau-là.
Evidemment, si M. Lalonde est d'accord pour amener ce nouveau concept,
nous serions d'accord, mais c'est qu'on a voulu rester à
l'intérieur du droit où, évidemment, sans
intérêt, on ne peut pas être partie à une action.
M. Lalonde: Remarquez que je n'ai pas à exprimer un
accord. Je pense que c'est comme membre de la commission qu'il est de mon
devoir d'explorer toutes les avenues et d'expliciter ce que vous
suggérez. Est-ce qu'on devrait permettre, ouvrir les concepts juridiques
qui existent actuellement dans le Code de procédure pour permettre
à l'intervenant de ne pas avoir d'intérêt dans le cas
où il s'agit d'une association qui a un intérêt plus large,
qui n'aurait pas d'intérêt particulier direct dans la cause et qui
n'aurait même pas de membres à l'intérieur de son groupe?
Si le ministre devait nous proposer cela, on en discuterait, mais ce qui me
chicotait, c'était que vous assujettissiez l'intervention au
consentement d'une personne qui est déjà là, et c'est pour
cela que je vous posais la question.
M. Legault: Je dois vous avouer que ce qui avait
été visé par les membres qui ont préparé le
mémoire, c'était effectivement ce que vous venez de
décrire; ce qui nous a amenés à ajouter qu'il y ait, si on
veut, le consentement du représentant. C'est peut-être parce qu'on
n'a pas voulu créer... On a craint qu'à ce moment-là, cela
créerait une difficulté ou des contradictions
d'intérêts. Et pour reprendre l'hypothèse que le
représentant représente mal le groupe, il reste toujours que
d'autres membres peuvent prendre sa place. Parce que nous, si on voulait
immédiatement et si on pouvait être intervenant sur son
consentement... Cela éviterait peut-être un danger de
complicité.
M. Marois: Si on me le permet, la question que le
député vous pose, ce n'est pas tout à fait
celle-là. Je pense qu'il met le doigt sur un problème qui est
très réel. Ce que vous demandez, c'est un intervenant,
association ou non, que cela puisse se faire avec l'accord du
représentant. Ce que le député de Marguerite-Bourgeoys
vous dit, et je pense qu'il a raison, de notre point de vue, c'est que si, par
hasard, il s'agit d'un cas de représentant en collusion, est-ce que vous
ne venez pas de vous mettre dans une joyeuse situation? C'est cela au fond.
M. Lalonde: C'est cela.
M. Legault: Si vous permettez, M. le ministre, je voudrais que
vous me rappeliez ce qui nous avait arrêté, nous, et cela m'est
venu tout de suite, c'est qu'il n'y aurait peut-être pas seulement des...
Prenons l'exemple d'une association de consommateurs qui voudrait être
intervenant et invoquerait, à ce moment-là,
l'intérêt public. Il pourrait également arriver que le
groupe qui veut devenir intervenant soit dans une action contre des vendeurs
d'autos, une association sans but lucratif de vendeurs d'autos. A ce
moment-là, si le représentant n'a pas à donner son accord,
cela créerait peut-être la difficulté des contradictions
d'intérêts et c'est pour cela que nous en sommes arrivés
à demander l'accord du représentant. Deuxièmement, on
voulait éviter une complication.
M. Lalonde: Je vous remercie de votre franchise. Vous venez
aussi, je pense, de soulever une question, un problème, à savoir
que, si on ouvre le concept qui est actuellement dans le Code de
procédure, c'est-à-dire qu'un intérêt très
large et non
pas direct pourrait permettre une intervention, un autre intervenant qui
aurait un autre intérêt, mais pas nécessairement un
intérêt dans le sens que vous l'entendez, pourrait être
partie à la cause et ne servirait pas nécessairement les fins que
vous pensez légitimes et qui devraient être servies.
Je pense que ça va nous rendre beaucoup plus prudents quand on va
avoir étudié, si jamais le ministre nous le propose, une telle
suggestion. Quant à moi, à ce stade-ci, je peux changer
d'idée parce qu'on étudie ça actuellement, ça ne
justifie pas, jusqu'à maintenant je ne suis pas convaincu
que ce soit pour éviter le danger que vous mentionnez ou autre raison
qu'on ne devrait pas assujettir l'intervention au consentement du
représentant.
Enfin. Je veux passer rapidement, je vous remercie de vos
réponses. Sur la question d'un fonds, qui soit disponible aux
associations, que des moyens soient mis à la disposition des
associations je pense que personne ne peut être contre ça. Mais je
serais plutôt en faveur d'une rigueur un peu plus grande
là-dessus; que le fonds soit destiné à aider ceux qui font
la requête, celui qui va faire la cause. Autrement, on peut entrer dans
une situation confuse et ambiguë. Que, d'autre part, d'autres programmes
prévoient de l'assistance financière pour des associations comme
les ACEF pour assister souvent des cas de recours collectif, parfait.
Mais, quant à moi, je préfère l'approche dans le
projet de loi actuellement, où c'est très rigoureusement
défini que ce fonds-là va être traité de cette
façon seulement, simplement pour éviter une confusion.
Quant à vos dernières remarques relativement aux abus
possibles, pour ne pas répéter ce que j'ai dit hier, quant
à moi, je pense qu'on se fait des peurs pour rien. Naturellement, tout
changement, surtout en ce qui concerne l'équilibre ou le
déséquilibre des forces, apporte des situations de crainte de la
part de certains secteurs; mais, étant donné qu'on a
confié, et c'est ce que je trouve d'excellent dans ce projet de loi,
l'administration de tout l'appareil à l'appareil judiciaire justement,
je pense que les balises sont là pour faire en sorte que des abus
possibles soient évités et qu'au contraire, soit atteint
l'équilibre recherché par une telle disposition, une telle
institution juridique, au fond, qui existe ailleurs; il est étrange et
malheureux que ce soit à cause du formalisme de notre droit
français qu'on soit bien en retard sur une institution juridique qui
existe dans d'autres juridictions mais de droit anglais, parce qu'eux, à
cause de leur façon d'évoluer, l'ont incluse quasi naturellement
suivant les besoins, alors que nous devons légiférer pour faire
le changement.
Enfin, là-dessus, je suis d'accord avec vous qu'on doit
être optimistes quant à l'application d'un projet de loi qui sera
amélioré; naturellement, on n'est pas rendu à
l'étude article par article, mais je ne vois pas de situation
d'apocalypse, simplement pour l'introduction d'une telle loi dans notre
société.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le Président, au nom de l'Union Nationale,
je tiens à vous féliciter pour avoir bien voulu participer
à cette commission et nous avoir présenté un
mémoire si élaboré, car vous devez, sans aucun doute,
avoir épluché le projet de loi plusieurs fois pour en arriver
à un pareil résultat.
J'aurais peut-être deux questions à vous poser. A la page
17, vous dites, au paragraphe c): "Dans les cas où l'attribution d'une
aide du fonds ne serait pas automatique, nous croyons que certains
critères devraient être clairement indiqués dans le projet
de loi. Aussi, il est proposé de tenir compte des éléments
suivants."
Au quatrième élément, vous mentionnez: La dimension
sociale et les effets pour la collectivité du jugement à
intervenir.
Pourriez-vous expliciter votre point de vue concernant ce
paragraphe?
M. Legault: Le quatrième paragraphe, j'avoue que dans
cela, nous ne sommes pas très originaux, parce que nous avons
copié les Américains. Aux Etats-Unis, il n'y a pas de fonds
public, mais des fonds privés. En feuilletant certains organismes
privés qui donnent des fonds pour le recours collectif, parmi les
conditions qu'on retrouve souvent, c'est de cet ordre. Dans un recours
collectif, ils sont prêts à allouer un fonds, par des organismes
privés, à des gens qui veulent faire un recours collectif, alors
qu'il y a un intérêt qu'on peut appeler public, une dimension
sociale.
Ce n'est pas d'une grande originalité. Mais il faut comprendre le
pourquoi, le type de recours collectif. On veut répandre cela. On pose
l'hypothèse où il y a plusieurs personnes qui sont aux prises
avec un problème, soit de réclamation ou autre. C'est vraiment
pour nous un critère qu'on devrait retenir. Dans des causes de nature
privée, il y a peut-être d'autres éléments qui
peuvent jouer.
M. Cordeau: A mon point de vue, ce serait la façon
d'évaluer; la difficulté viendrait de la façon
d'évaluer.
M. Legault: Je suis d'accord avec vous là-dessus.
M. Cordeau: A la page 21, vous mentionnez, à la fin,
concernant l'article 1003: Le recours collectif ne peut être
refusé. Vous voulez qu'il y ait un paragraphe ajouté. Vous
mentionnez "Le recours collectif ne peut être refusé pour la seule
raison que le fondement juridique ou la source légale, contractuelle ou
délictuelle, du recours de chaque membre du groupe soit distinct ou ne
soit pas le même. Nous croyons qu'un tel amendement enlèverait une
difficulté rencontrée dans l'interprétation des articles
59 et 67". Peut-être que M. Clair pourrait répondre.
Ma question est la suivante: Quel est le point de vue du gouvernement
concernant cette suggestion? Est-ce que cela apporterait quelque chose ou si
vous croyez que le projet de loi est assez explicite?
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Drummond.
M. Clair: Sur une question comme celle-là, je
préférerais laisser répondre le ministre
lui-même.
M. Legault: On va attendre le ministre.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Sherbrooke.
M. Cordeau: Peut-être que M. le ministre pourra
répondre tantôt.
Le Président (M. Marcoux): Oui, vous soulèverez la
question.
M. Legault: On va retenir la question.
M. Cordeau: On pourra revenir. Si vous le permettez, j'en aurais
une troisième. C'est plutôt une observation. Tantôt, vous
avez demandé à ce que les associations reçoivent un fonds
bien spécifique en vue de réclamations. Mais qu'arriverait-il du
fonds, si à un moment donné on vous donnait un fonds d'aide,
à chaque année, pour faire face aux éventualités
possibles et que vous ne l'utilisiez pas parce que vous n'auriez pas eu de
demandes durant cette année, qu'il n'y aurait pas eu de
réclamants?
M. Bilodeau (Robert): En fin de compte, quand on amenait
l'hypothèse, la recommandation qu'on donne des subventions aux
associations de consommateurs, d'une part, on se référait aussi
à la pratique américaine où, effectivement, des
associations de consommateurs ont pu se subventionner en faisant des recours
collectifs, mais cela a aussi eu pour conséquence que ces associations
ont cessé toute autre forme d'activités et se sont strictement
spécialisées à ne faire que du recours collectif. On
trouvait cela malheureux que des associations qui ont d'autres champs
d'activités que d'aider le recours collectif cessent leur pratique.
C'est pour cela qu'on demandait une subvention uniquement pour l'aide au
recours collectif. Dans l'hypothèse que vous émettez et je
pense que la pratique va nous le dire si, par exemple, on reçoit
des subventions annuelles spéciales uniquement pour cela et qu'on doive
tenir un budget distinct pour cette subvention spéciale, le gouvernement
pourra toujours évaluer à la pratique, si les subventions qu'il
donne ont été entièrement dépensées
l'année précédente par un recours collectif où il y
aura lieu de rajuster les subventions, tenant compte de la pratique.
M. Cordeau: Je vous remercie. M. le ministre, pour terminer. (16
h 35)
M. Marois: Très rapidement, seulement un commentaire. Je
pense qu'on aura à y revenir à l'examen article par article. Vous
me demandez de réagir, sur le coup, à un texte. Je veux examiner
le texte comme il faut. Je pense que cela vaut le coup. Il faut scruter cela.
Quand c'est du jargon juridique surtout, il faut faire attention. Si cela avait
pour conséquence d'ouvrir la porte, en même temps, dans un
même recours, c'est-à-dire d'y donner comme point d'ancrage, en
même temps, du quasi-délit et du contractuel, je me poserais de
sérieuses questions. Si cela recoupe l'article 1003a, c'est
peut-être différent, mais c'est à voir. Cela nous
ramène aux discussions qu'on a eues depuis plusieurs jours avec
plusieurs groupes sur les expressions identiques, similaires, connexes, aussi
la liaison avec le paragraphe b). Je pense que pour l'instant je ne peux pas en
dire plus que cela.
M. Cordeau: Merci!
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Sherbrooke.
M. Gosselin: M. le Président, d'une part, je m'excuse
d'être présent un peu par hasard à la commission.
Le Président (M. Marcoux): Vous êtes le
bienvenu.
M. Gosselin: Ce n'est pas parce que le sujet ne
m'intéresse pas. Effectivement, on a une pratique de combat contre
plusieurs fraudes qui ont sévi dans nos régions. Evidemment,
c'est un sujet qui me préoccupe beaucoup.
Je veux remercier les membres de l'ACEF qui sont ici présents. Je
veux signaler que la Loi sur le recours collectif était vivement
attendue depuis plusieurs années et qu'il n'y a pas actuellement dans
notre société de commune mesure entre le degré
d'isolement, les forces de consommateurs et le niveau quasiment arbitraire par
lequel les commerçants peuvent inonder le marché de n'importe
quel produit douteux sans qu'il existe dans notre marché de consommation
des réflexes et des structures de regroupement qui pourraient permettre
un quelconque équilibre des forces.
Cela m'amène à un des points soulevés par le
groupe, à savoir qu'il est nécessaire peut-être
pouvons-nous l'inscrire dans ce projet de loi que les associations
volontaires de protection du consommateur soient fermement supportées
pour réaliser au-delà des poursuites en cas patents de
fraude signalée pour réaliser des regroupements de
consommateurs, un peu dans tous les milieux et pour réaliser surtout
l'éducation à la consommation.
Il est bien évident qu'il existe des ressources diverses,
à l'éducation des adultes ou au chapitre des dépenses du
ministère des Consommateurs, aux fins de subventions des groupes.
Permettez-moi de dire que c'est fort peu proportionnel aux besoins qu'auraient
les consommateurs d'être mieux informés, d'être
regroupés au sein des as-
sociations et que les montants qui sont disponibles ne permettent
vraiment pas de soutenir, de susciter des organisations de consommateurs qui
pourraient se développer pour réaliser cet équilibre.
Je voudrais simplement dire qu'il est tout aussi important de
développer l'éducation à la consommation, si on veut que
des dispositions comme celles du présent projet de loi soient
applicables. A cet égard, je me demande même si, à
l'article 5, l'article au chapitre II qui traite de la création du fonds
d'aide au recours collectif, d'une manière statutaire, le fonds d'aide
au recours collectif ne serait pas, en même temps, tout au moins pour une
proportion des montants d'argent libérés dans ce fonds,
affecté au financement d'opérations d'éducation à
la consommation que pourraient avoir à faire des organisations
volontaires de protection du consommateur.
A mon avis, c'est très justifiable qu'on procède ainsi,
parce que c'est à même les mises de fonds libérées
ou récupérées par l'Etat, suite à des pratiques
frauduleuses, qu'on pourrait vraiment accroître la marge de
possibilité d'un véritable effort, un effort soutenu dans nos
populations, d'éducation à la consommation.
J'interroge plutôt le ministre là-dessus, sur la
possibilité d'inscrire des choses comme cela à l'intérieur
du projet de loi. Est-ce que le degré actuel d'appui apporté aux
associations par d'autres voies lui semble satisfaisant? En tout cas,
j'aimerais que le ministre m'éclaire.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: Je ne veux pas m'étendre longuement. On a
évoqué un petit peu cette question. Si on avait même
à voter, j'ai l'impression qu'on aurait presque l'unanimité pour
reconnaître que le soutien financier sous forme de subventions, peu
importent les sources d'approvisionnement ou de rentrées de ces fonds,
il y a les taxes, il y a le fonds d'aide ou des reliquats, peu importe, aux
groupes, je pense bien qu'à l'unanimité, on conviendrait
et il faudrait que ce soit quelque chose de plus que de convenir et qui,
à un moment donné, verse dans la réalité de
soutenir financièrement de façon plus importante les organismes
de protection du consommateur. J'ai indiqué que, dans l'année qui
s'est écoulée, de mémoire, je donne les chiffres sous
réserve, je pense que c'est $190 000 de plus, globalement, ce n'est pas
énorme en soi, loin de là, qu'il faut continuer dans cette veine,
pour faire le travail que vous avez évoqué et le travail de base
que font des groupes comme ceux-là. Ce sur quoi je m'interrogeais, parce
que cela peut prendre différentes formes, c'était sur la
recommandation précise de puiser à même le fonds d'aide une
subvention spéciale. J'avoue honnêtement que, quant à cette
façon, quant à cette modalité d'y arriver, je suis
porté à avoir plutôt le même genre de réaction
spontanée que le député de Marguerite-Bourgeoys. C'est
dire que je pense que, quant au fonds, il faut l'aborder avec beaucoup de
rigueur dans les critères. Ceci n'exclurait cependant peut-être
pas et là, je réfléchis tout haut plutôt
qu'autre chose dans la mesure où une association, un groupe est
requérant, peut-être qu'il serait possible, et je me demande,
d'ailleurs, si ce n'est pas l'économie générale du projet
de loi, mais sous réserve de l'examiner attentivement que ce
groupe soit admissible au fonds d'aide, comme n'importe quel autre
requérant, pour les fins bien spécifiques de tel et tel recours.
Ce serait aussi sans compter des sommes, des subventions beaucoup plus
importantes qui proviendraient des programmes normaux de subventions aux
organismes, pour leur permettre de faire le travail de soutien, de
regroupement, d'animation, d'information du milieu sur une base beaucoup plus
permanente qu'à l'occasion d'un recours collectif.
M. Bilodeau: M. le ministre, pour apporter un éclairage
là-dessus à votre réflexion et pour ne pas
nécessairement prendre l'argent à même le fonds d'aide ou
ne pas prendre l'argent à même des subventions statutaires
gouvernementales, des organismes se sont demandé à plusieurs
reprises quoi faire avec le reliquat. On pourrait peut-être vous
suggérer qu'une partie du reliquat serve justement à financer les
associations de consommateurs.
M. Marois: Si on me permet seulement une remarque
là-dessus, tel qu'est libellé le projet de loi
présentement je n'ai pas l'article du reliquat sous les yeux
mais sur représentation des parties, le juge attribue
c'est l'article 1036 dispose du reliquat de la façon qu'il
détermine, et en tenant compte notamment de l'intérêt des
membres, après avoir donné aux parties et à toute
personne... Ce n'est pas exclu... Il me semble que l'ouverture qui est
là, sur représentation faite au tribunal, pourrait
vraisemblablement, dans certains cas, amener le tribunal à tirer cette
conclusion sur une recommandation qui serait faite. Cela s'est vu dans
l'exercice de certains recours collectifs, certainement aux Etats-Unis
de mémoire, j'ai des cas en tête mais, dans les autres
provinces, de mémoire, je ne me souviens pas, mais possiblement
aussi.
M. Richard (Julien): M. le Président, j'ai commis tout
à l'heure une erreur impardonnable, si vous me permettez, je vais la
corriger. C'est que nous avions l'appui de la Centrale de l'enseignement du
Québec, la CEQ, pour ce mémoire, mais originalement, quand on l'a
écrit, on n'avait pas encore eu la réponse. Alors, là nous
l'avons eue et on vous confirme que la CEQ nous appuie dans ce
mémoire.
Le Président (M. Marcoux): Ce sera consigné au
journal des Débats.
M. Lalonde: Quant à moi, cela ne change pas le
bien-fondé de vos représentations.
M. Richard (Julien): Non. Mais cela ajoute peut-être.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie beaucoup les
membres des ACEF de la rive sud, de Québec, de Granby et de l'Estrie de
la présentation de leur mémoire.
J'inviterais maintenant l'Association des petits propriétaires
unis de Chambly (Urbania), à venir nous présenter son
mémoire. C'est le mémoire 7.
Association des petits propriétaires unis de
Chambly (Urbania)
M. Déry (Jacques): Nous sommes ici trois
représentants de l'Association des propriétaires unis de Chambly.
En réalité, il devrait y avoir une dizaine de
représentants, mais ils sont retenus à leur travail, c'est pour
cette raison qu'il leur est impossible d'être présents. Il y a
à ma gauche, M. Rosaire Lachance qui est représentant. Je suis
Jacques Déry, et André Legault est notre conseiller
juridique.
Pour vous donner une idée, notre association est composée
d'un groupe de consommateurs qui défendent leurs intérêts
depuis plusieurs années dans le domaine de la consommation et, plus
particulièrement, dans le domaine de la spéculation
foncière. Il y avait, il y a plusieurs années, plus de 300
personnes concernées, mais nous étions, à notre
dernière assemblée générale, 60 à être
représentés et à être actifs.
Dans notre mémoire, il est possible qu'il y ait quelques
commentaires identiques à ceux des ACEF. Il y a des raisons à
cela puisque nous défendons des intérêts semblables et que
nous avons travaillé avec l'ACEF de la rive sud depuis plusieurs
années.
L'Association des petits propriétaires unis de Chambly veut
d'abord exprimer clairement un profond accord avec les principes du projet de
loi sur le recours collectif. Pour nous, une telle loi est pour le moins
attendue depuis 1974, soit depuis le début de notre bataille juridique
et politique contre les compagnies en cause qui nous ont fraudés et
indûment exploités. Compte tenu que nous sommes
présentement en cour pour certains de nos membres, relativement à
cette affaire, nous ne pouvons, selon la justice, faire de commentaires
directement sur les faits de notre cause.
Nous parlons en connaissance de cause. Si pour certaines personnes le
recours collectif n'est pas une nécessité ou un instrument de
droit pratique pour faire valoir efficacement ses droits, pour nous, il
représente le moyen rapide et efficace, à défaut d'autres
meilleurs, dans des circonstances comme celle dans laquelle nous nous trouvons.
Les 300 personnes que nous représentons ne sont pas prêtes
à laisser passer ce recours.
L'expérience de plus de trois ans et demi dans notre dossier nous
a permis de constater que, tant pour nous que pour tous les autres groupes
concernés dans de semblables affaires, la procédure du recours
collectif aurait été, et serait toujours, un des bons instruments
de droit, pas le seul, mais néanmoins peut-être le meilleur.
L'absence du recours collectif est toujours, pour nous de même que
pour plusieurs autres groupes, un réel déni de justice. De plus,
si nous exprimons fortement notre accord avec d'autres pour ce recours
collectif, c'est qu'il y est associé un fonds d'aide. Nous avons
constaté sur le terrain, durant toutes ces années de lutte, que
le nombre et les ressources financières sont le nerf de la guerre. (16 h
50)
La venue du recours collectif, sans des ressources nécessaires,
voire plus particulièrement financières, pour le mener à
terme n'est qu'une illusion.
C'est donc avec plus de ferveur que nous accueillons ce projet de loi
par lequel sera créé un fonds d'aide pour permettre efficacement
et réellement l'exercice du recours collectif. Aussi, nous voulons
d'emblée souscrire aux commentaires exprimés dans le
mémoire de l'ACEF de Rive-Sud, de Québec, de Granby et de
l'Estrie sur le projet de loi relatif au recours collectif. Nous les faisons
généralement nôtres.
Par ailleurs, nous désirons exprimer plus particulièrement
notre opinion sur les trois points suivants: la nécessité d'un
réel accès au recours collectif, les conditions d'application au
recours collectif et la portée sociale du projet de loi.
L'accès au recours collectif doit être réel. Il ne
suffit pas d'instituer le recours, encore faut-il en permettre son accès
et son exercice. De même, la création d'un fonds d'aide au recours
collectif ne garantit pas que sera attribuée une aide à un
éventuel représentant au recours collectif. Toute personne qui a
vécu l'expérience de réunir plusieurs autres personnes
concernées par une même cause et d'en constituer un dossier
complet comprendra ou se souviendra qu'il faut beaucoup de ressources pour
suffire à la tâche.
Le processus d'exercice des recours collectifs, surtout lorsqu'il
soulève des points complexes, s'insère dans une pareille
démarche et nécessite obligatoirement des ressources
financières. Que l'objet du recours soit d'une valeur moindre qu'une
dizaine de dollars ou qu'il soit de plusieurs centaines de dollars, les
coûts seront souvent aussi exorbitants, notamment en matière
d'exploitation ou de fraude dans le domaine de la consommation ou pour des
vices cachés sur des biens.
Pour l'APUC, d'une part, il devrait y avoir universalisation de
l'attribution automatique d'aide au recours collectif ou, pour le moins,
l'attribuer lorsque les réclamations sont de l'ordre de $500 ou moins,
si prises individuellement. D'autre part, la constitution du fonds d'aide
devrait être suffisante et haussée suivant la demande, non
limitée arbitrairement. Le budget alloué au fonds d'aide devrait
se comparer avantageusement à certains services gouvernementaux de
protection.
Enfin, les critères d'attribution devraient être
définis plus clairement dans la loi et non pas laissés à
la réglementation ou l'arrêté en conseil uniquement. Le
projet de loi sur le recours collectif démontre la volonté du
ministre d'Etat au développement social d'en faire un recours accueilli.
Mais selon nous, d'autres pas devraient être faits
et des amendements apportés pour réellement permettre son
accès.
Les conditions d'application au recours collectif semblent larges et
simples. Toutefois, on n'a pas à rappeler longuement la sagesse ou le
conservatisme des tribunaux dans l'application ou l'interprétation des
lois nouvelles. Pour l'Association des propriétaires unis de Chambly,
des amendements devraient être apportés à l'article 1003,
en s'inspirant, d'une part, du mémoire de l'ACEF de Rive-Sud, de
Québec, de Granby et de l'Estrie, sur le sujet et, d'autre part, de
l'article 23 du Federal Rule of Civil Procedure.
Pour l'Association des propriétaires unis de Chambly, une plus
grande légitimité devrait être accordée aux
intervenants. Le projet est plutôt muet sur le rôle et les
obligations de l'intervenant.
Enfin, nous sommes généralement d'accord avec la souplesse
de la procédure prévue par le projet de loi. Les mesures qui
ressortent ne risquent pas, selon nous, de laisser le déroulement du
recours sombrer dans l'anarchie. Pour l'Association des propriétaires
unis de Chambly, la défense et la protection des droits progressent
lorsque les citoyens s'en mêlent. Le projet de loi sur le recours
collectif va dans ce sens. Le recours collectif doit rester dans les mains des
citoyens. Le recours collectif aura une réelle et efficace portée
sociale s'il est appliqué sous l'initiative des citoyens. Le recours
privé est préférable à une concentration des
pouvoirs entre les mains des agents de l'Etat. Pour le croire, on n'a
qu'à penser aux faibles et ridicules demandes imposées en
matière d'infraction aux lois qui protègent les consommateurs et
au taux peu élevé de poursuites, malgré le nombre imposant
de plaintes, de requêtes ou de démarches en ce sens.
Ce n'est pas sans raison que certains commerçants s'agitent
à propos de ce projet de loi. Les recours collectifs joueront deux
rôles principaux: L'un de permettre la reconnaissance d'un droit ou la
compensation; l'autre de prévenir des abus ou la poursuite d'abus. La
réelle portée sociale du projet de loi est donc de
rétablir un certain équilibre de forces, de sortir les citoyens
ou les consommateurs de leur isolement vis-à-vis des corporations et des
monopoles, de rendre une justice collective de même qu'individuelle, de
favoriser un net accès aux instruments judiciaires pour freiner
certaines pratiques en lieu et place des organismes spécialisés,
ni leur défaut ou lenteur d'agir.
La crainte d'abus soulevée par certains détracteurs du
projet de loi n'est nullement fondée. Le recours collectif est
suffisamment encadré en vertu du projet de loi tel que
présenté. Si, pour ces détracteurs, il n'y avait pas
besoin d'un tel recours collectif pour enrayer les fraudeurs, on pourrait se
demander au nom de qui ils parlent.
Pour l'Association des propriétaires unis de Chambly, les
principes du projet de loi doivent donc être maintenus en
totalité. Si les législateurs devaient céder aux pressions
des cnn-imerçants, corporations et monopoles, on ne ferait que
perpétuer des "dénis de justice" et faire la preuve qu'on ne veut
pas donner les instruments efficaces et utiles aux citoyens et consommateurs
pour exercer leurs droits.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de la
présentation de votre mémoire. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je pense qu'il est
particulièrement intéressant pour les membres d'une commission
comme la nôtre de recevoir les porte-parole d'un groupe de citoyens qui
ont vécu dans le concret des problèmes très précis
et sont "embringués", comme on dit, dans le déroulement de la
justice pour essayer d'obtenir justice sur la base des prétentions
qu'ils ont à soutenir devant le tribunal. Je pense que c'est un
témoignage qui a une coloration très particulière en ce
sens-là et je tiens à remercier les porte-parole de l'association
d'avoir pris la peine de préparer un mémoire et de venir nous
rencontrer à la commission parlementaire.
Comme votre mémoire, par ailleurs, se situe dans le prolongement
de celui dont on vient de discuter, je voudrais, pour l'instant, m'en tenir
à deux questions et peut-être une remarque. Je commencerai par la
remarque. A la page 5 de votre mémoire, vous parlez de la portée
sociale du projet de loi et, entre autres, vous évoquez cette
idée que le recours "privé " est préférable
à une concentration des pouvoirs et le reste. Bien sûr, je
comprends certainement que vous ne nous suggérez pas d'abolir les
sanctions pénales, comme on dit, loin de là. Je pense
plutôt comprendre que, s'il y avait une poussée à faire, ce
serait de faire les ajustements à la hausse qui pourraient s'imposer du
côté du pénal, mais je crois comprendre que ce que vous
nous indiquez, il me semble que cela recoupe l'esprit et, j'espère,
l'économie générale du projet de loi, c'est-à-dire
essentiellement cette idée que, dans une société, on peut
et on doit, si on est une société un peu civilisée,
redistribuer les sous, l'argent des citoyens, pour essayer d'arriver à
quelque chose qui soit plus équitable, plus juste, mais aussi qu'on doit
peut-être de plus en plus développer cette perspective de
redistribuer du pouvoir, c'est-à-dire aller dans le sens d'instruments
qui permettent aux gens d'être responsables et, en ce sens, je pense que
j'accepte d'emblée les commentaires que vous faites.
Pour revenir aux deux questions que je voulais formuler, la
première concerne une remarque que vous faites à la page 3 de
votre mémoire, au troisième paragraphe, où vous parlez de
l'universalisation de l'action d'aide au recours collectif ou pour le moins
l'attribuer lorsque les réclamations sont de l'ordre de $500 ou moins,
si prises individuellement. Je ne suis pas certain de très bien
comprendre et je veux être sûr de bien comprendre ce que vous
évoquez, parce que je me demande, au fond, quel lien vous faites
entre... Je présume, c'est pour cela que je ne suis pas certain.
Quand vous évoquez les $500, en tenant compte de l'ensemble de
l'économie générale des
quelques paragraphes qui sont là, je me demande si vous ne faites
pas allusion au tribunal des petites créances et quel lien vous faites
entre ça et le recours collectif et le fonds d'aide aux recours
collectifs. C'est ma première question.
Vous revenez sur des commentaires dont les quatre ACEF qui se sont
présentées nous ont fait part tout à l'heure, en page 4,
au chapitre II, aux amendements qui nous sont suggérés à
l'article 1003, qui est l'article qui détermine les critères
permettant aux juges d'apprécier la recevabilité ou la
non-recevabilité d'une requête pour autoriser le recours
collectif. Ce que j'aimerais que vous nous disiez, ce qui est important pour
nous, au-delà du jargon juridique, à propos des amendements que
vous nous proposez, c'est quelles sont les raisons profondes qui vous
amènent à les proposer. Est-ce que je vous interpréterais
bien en disant, c'est la question que je vous pose, que vous craignez que les
critères tels que formulés à l'article 1003 soient des
critères trop restrictifs? Dans le paragraphe précédent,
vous rappelez longuement la sagesse ou le conservatisme on peut le
prendre comme on veut des tribunaux dans l'application ou
l'interprétation des lois nouvelles.
Est-ce que je vous comprends bien en ramassant ça autour d'une
crainte que les critères, tels que formulés, soient à
votre point de vue trop restrictifs? C'est ma deuxième question.
M. Legault: Si vous permettez, je vais répondre. C'est
évident que, tel que le ministre l'a invoqué, les choses qui sont
prises dans ce document, notamment les deux invoquées, sont
effectivement reprises par l'association dont je suis conseiller juridique, qui
apparaissaient pour les ACEF.
Sur le second point, pour parler immédiatement de
l'hypothèse de l'article 1003, on se posait la question. Est-ce que le
paragraphe a) est une condition qui peut seule suffir, avec celle des
représentations adéquates, pour pouvoir exercer le recours ou
s'il ne faut pas ce qu'on ne voudrait pas plutôt que les
paragraphe a), b) et c) soient présents ensemble, parce que, pour nous,
les paragraphes a) et b) se contredisent?
M. Marois: II y a une chose que je peux dire, c'est que la
lecture même du texte nous indique que les conditions requises sont les
conditions a), b) et c), l'ensemble des conditions. Ce n'est pas I'une excluant
l'autre.
M. Legault: C'est là que se pose le problème pour
nous, en reprenant le sens du mémoire des ACEF, les expressions
employées, les termes juridiques même de a) ne sont pas les
mêmes que ceux auxquels on fait référence à b), soit
les articles 59 et 67. On parle notamment, à l'article 1003a, de
similarité, d'identité et de choses connexes, tandis qu'aux
articles 59 et 67, l'interprétation va un peu trop souvent dans ce sens.
C'est pratiquement l'identité. A l'article 59, ce sont des choses
communes, donc c'est le cas d'un accident d'auto où tout le monde a le
même intérêt et, à l'article 67, qui parle de
réunions d'action, on ne parle pas de similitude. C'est plutôt
l'identité...
M. Marois: C'est-à-dire que l'article 67... M. Legault:
A l'article 67, si je reprenais...
M. Marois: A l'article 67, ce sont des recours qui ont le
même fondement juridique.
M. Legault: On parle d'identité...
M. Marois: Ou qui soulèvent les mêmes points de
droit et de fait.
M. Legault: Et, à ce moment-là, la petite
différence, les tribunaux l'ont bien indiqué, c'est
qu'identité veut bien dire identité, similitude n'est pas
identité. A ce moment-là, pour nous, le paragraphe a) est
beaucoup plus général et permettrait l'exemple que je vais
donner. Supposons le cas où plusieurs personnes, à des jours
différents, vont chez un commerçant et achètent un bien
à l'intérieur duquel il y aurait un vice. Est-ce que ces gens
pourraient prendre action, même si on soutenait qu'ils ont tous
acheté des jours différents, avec des contrats
différents?
M. Marois: Tel que l'article 1003 est libellé? M.
Legault: Tel que l'article 1003 est libellé.
M. Marois: La réponse est certainement oui. L'exemple qui
est revenu parfois, j'ai l'impression qu'on va en parler d'ici à la fin
de la soirée, c'est l'automobile, c'est le cas de l'automobile. (17 h
5)
On peut facilement penser au cas d'une marque de voiture ou d'un
modèle de telle année qui est marqué de vices et de
défauts cachés. Je ne vois pas comment, tel que l'article 1003
est libellé présentement, un juge pourrait dire: Je ne
reçois que ceux qui ont acheté le 7 mars 1978, les autres du 8,
du 9, du 20...
M. Legault: On parle de sagesse et de conservatisme. C'est
à ce niveau que cela se situe peut-être. Quand on voit une
difficulté d'interprétation, on pense à sagesse et
conservatisme.
M. Marois: Je comprends votre préoccupation.
M. Legault: Je m'excuse, le premier argument que vous aviez
apporté, c'était à propos des $500. Je pense que M.
Jacques Déry aurait pu bien y répondre. Effectivement, le gros
cela ne touche peut-être pas les gens qui sont concernés
ici parce que ce sont des montants beaucoup plus élevés, qui sont
de l'ordre de plus de $2000 normalement, les recours où il y a
vraiment un besoin de soutien, c'est pour des objets souvent d'une valeur
moindre. A ce moment-là, c'est peut-être là où il y
a le plus lieu de recours. On présume alors que l'expertise qui va
arriver à prouver que l'objet est défectueux, par exemple un
rasoir électrique ou une cuisinière, va être à un
prix tellement exorbitant pour un consommateur que, d'une part, il y a lieu
à un recours collectif,
mais également, même s'il y avait plusieurs personnes,
l'expertise, dans le domaine électronique, se fait à des
coûts très élevés. Même ajouter un nombre de
personnes, cela ne donne pas plus d'argent aux personnes. C'est le
problème de preuve qui existe pour nous. S'il n'y avait pas une
difficulté de preuve, de moyens financiers, qui...
M. Marois: Si vous me permettez de vous interrompre, M. Legault,
pour être sûr que je comprends bien, encore une fois, parce que ce
que vous évoquez là, c'est un parfait exemple que le montant de
la réclamation individuelle, à la fin du jugement, soit $4.98
je reviens à mon exemple qui m'obsède, des antennes de
télévision qui avaient la particularité de ne pas
être capables de capter le premier lancement de bout d'onde ou que
ce soit un téléviseur couleur, il y a une preuve technique, c'est
évident. C'est dispendieux. C'est pour cela que, notamment, on introduit
le fonds d'aide. Mais en ce sens, le fonds d'aide, que ce soit pour des petits
montants ou pour d'importants montants en jeu...
M. Legault: On dit justement qu'on est d'accord. Ce qu'on dit
c'est que dans ce cas-là, lorsque les montants sont inférieurs
à $500, on devrait l'accorder automatiquement, sans vérifier les
finances de chacun des membres. C'est cela. A cela, on va peut-être
invoquer que les petites créances permettent de limiter les frais pour
les gens qui y vont eux-mêmes. Que vous alliez aux petites
créances sans qu'il n'y ait des frais d'avocat, il va toujours y avoir
des frais d'expertise.
Deuxièmement, quelqu'un qui aurait peut-être un cas
où il irait en recours collectif, cela va lui coûter
sûrement meilleur marché d'aller aux petites créances que
de faire un recours collectif. A ce moment-là, on dit que si les gens
sont empêchés d'aller vers un recours collectif, parce qu'ils
n'ont pas les moyens financiers, ils vont, soit ne pas prendre de recours, ou
simplement aller tout de suite aux petites créances. Donc, cela va
être une action et non pas une action collective. On le met donc dans
l'angle. Il y a un besoin d'argent dans ces causes.
M. Marois: Je comprends très bien votre
préoccupation maintenant. Mais je ne vois pas, à moins que vous
ne m'indiquiez le contraire, à la lecture des critères du fonds,
où il est indiqué que le fonds va avoir à apprécier
la capacité financière de chacun des membres d'un groupe.
M. Legault: A ce moment-là, je vous avoue...
Une Voix: Quel article?
M. Legault: C'est l'article 20 ou 22.
M. Marois: C'est l'article 22.
M. Legault: Dans l'article 20, par exemple, si vous prenez le
deuxième paragraphe...
M. Marois: Oui.
M. Legault: ... dans la déclaration que le
réquérant peut faire, il déclare aussi son état
financier et celui des membres du groupe qui se fait connaître. On parle
beaucoup d'états financiers dans cet article.
M. Marois: Oui.
M. Legault: Evidemment, c'est à l'article 22 qu'on parle
de l'étude.
M. Marois: Oui.
M. Legault: Le problème, c'est que l'interprétation
ne se fait peut-être pas uniquement par l'article 22. On va indiquer
sûrement, lors d'un recours semblable concernant les antennes de
télévision, le coût de l'antenne, ce que cela
entraîne, mais également ce que les gens qui veulent faire le
recours ont comme moyens financiers. Il y a un discrétionnaire qui va se
jouer là.
M. Marois: Je comprends. C'est noté. M. Lalonde: Je
suis votre témoin.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je voudrais remercier le groupe qui est venu faire
profiter la commission parlementaire de son expérience tout à
fait particulière, l'Association des petits propriétaires unis de
Chambly.
Je voudrais soulever deux points que vous avez touchés, mais
d'une façon qui ne me paraît pas très claire. Le premier,
c'est en haut de la page 4 où vous dites: "Enfin, les critères
d'attribution devraient être définis plus clairement dans la loi
et non pas laissés à la réglementation ou
l'arrêté en conseil uniquement." Vous référez au
fonds d'aide dans ce paragraphe.
On vient justement, à la fin de vos propos, en réponse aux
questions du ministre, de référer à l'article 22. Il n'y a
pas de critères d'attribution. On pourra étudier cela à un
autre niveau de notre étude du projet de loi... par
référence, comme vous l'avez fait à l'article 20 où
on suggère que, par exemple, le requérant doive déclarer
son état financier; donc on présume qu'on doit tenir compte de
ses moyens financiers. Il reste que le fonds étudie la demande du
requérant, peut entendre le requérant et déterminer s'il
attribuera l'aide en évaluant si, sans cette aide, le recours collectif
peut être exercé ou continué. On donne un cadre, on ne
donne pas de critères précis.
Si vous aviez des critères à suggérer, lesquels
seraient-ils?
M. Déry: Pour les critères... Dans le passé,
si on avait un recours collectif, prenons un groupe de vingt ou de cinquante
personnes; des personnes, dans ce groupe pour donner un exemple de
l'aide juridique sont admissibles et d'autres ne sont pas admissibles;
le cas était refusé, parce que plusieurs personnes
n'étaient pas admissibles à ces critères à cause
d'un salaire trop élevé.
Par contre, il y en avait, dans ce groupe, qui étaient
admissibles. Si la Loi sur le recours collectif nous donne le droit d'intenter
une action et que le fonds d'aide n'est pas accessible, cela revient comme
avant, parce qu'on n'a que nos propres moyens financiers pour défendre
la chose. C'est dans ce sens que nous trouvons qu'il n'y a pas de montant, ni
de suggestion pour le fonds d'aide.
M. Lalonde: Vous n'avez pas de proposition précise
à faire, mais vous soulevez le fait qu'il n'y a pas de
critères.
M. Déry: C'est cela.
M. Lalonde: Actuellement, vous suggérez qu'il y en
ait?
M. Legault: Ce que donne M. Déry, justement, je pense
qu'un des problèmes... La comparaison est toujours avec l'aide
juridique. On indique même qu'il devrait y avoir un membre
suggéré par l'aide juridique. Les membres du groupe l'ont
vécu. Lorsqu'on a à se présenter devant ce type de
tribunal administratif où les directives sont inconnues et internes,
où la réglementation est souvent très
réglementaire, je veux dire que c'est une discrétion
extraordinaire. Vous comprenez également le voeu de l'ACEF et du groupe
indiquant que les membres qui font partie de ces comités soient des gens
un peu plus ordinaires que seulement des avocats. Je pense que c'est ce point
de vue de réglementation et de choses cachées pour ce qui a trait
aux directives et aux réglementations.
M. Laionde: Si je comprends bien, s'il y a des critères,
vous voulez qu'ils soient connus dans la loi. Je pense que vous avez raison
là-dessus. On confie trop souvent les anciens gouvernements ont
été aussi coupables que les autres là-dessus une
responsabilité législative à la législation
déléguée, c'est-à-dire au règlement. Il faut
le faire dans un état moderne, mais vous suggérez qu'il y en ait
et que ce soit mis dans la loi.
M. Legaut: C'est cela.
M. Lalonde: Je comprends que vous n'ayez pas de suggestions
précises à faire, par exemple que dans le cas d'un tel montant
d'argent, ce ne soit pas accordé et que dans tel autre, ce soit
accordé, ou de telle valeur au niveau de l'état financier du
bonhomme.
M. Legault: Ce qu'on a suggéré, c'est un peu,
j'imagine, ce qui a été mentionné: un montant de $500
comme un critère automatique. L'autre cas, dans le mémoire de
l'ACEF et que le groupe APIC reprend, c'est l'énumération au
moins, au fonds, des quatre, les a), b), c), d) qui sont certains
critères.
Mais nous avouons cependant que nous ne nous sommes pas
arrêtés à voir la réglementation. Nous voulons au
moins poser le principe et nous assurer que la réglementation
c'est pour cela qu'on veut qu'elle soit dans la loi correspond au
principe, parce qu'il nous apparaît que, dans bien des organismes
administratifs, il y a la loi, la réglementation et souvent les
principes se sont perdus, rendus à la directive interne.
M. Lalonde: Au-delà même des règlements, il y
a des directives internes et leurs propres habitudes, bonnes ou mauvaises.
M. Legault: Qui sont souvent inconnues.
M. Lalonde: Je vous remercie. La deuxième question a trait
à la page 4, aux amendements qui devraient être apportés
à l'article 1003, en s'inspi-rant, d'une part, du mémoire des
ACEF et, d'autre part nous avons vu le mémoire des ACEF de
l'article 23 de la "Federal Rule of Civil Procedure ". J'ai consulté
cette règle no 23, qui est assez considérable. Elle a une page et
demie dans la publication à laquelle vous vous référez.
Est-ce que vous pourriez spécifier davantage comme, par exemple, sur les
prérequis? On dit ici: "One or more members of a class may sue or be
sued as represented of parties on behalf of all only if"; premièrement:
"The class is so numerous that joining all the members is impracticable." Le
critère du nombre assez grand, on ne le retrouve pas dans l'article
1003. Cela a déjà été mentionné par
d'autres, je pense, ici, à moins que je ne fasse erreur. Est-ce que vous
suggérez qu'on l'ajoute à l'article 1003?
M. Legault: Dans la question posée, évidemment, on
fait référence au mémoire de l'ACEF et à la Federal
Rule of Civil Procedure. Ce que nous voulons indiquer, c'est
qu'évidemment, on n'a pas à reprendre les principes qui sont
déjà acquis dans l'article 1003, la
représentativité, la règle américaine
fédérale, la pause. Dans le fond, il y a peut-être un ou
deux éléments à retenir d'une façon conjointe avec
le document de l'ACEF. C est toujours le même élément.
L'article 1003 nous apparaît assez large comme application, mais on veut
s'assurer qu'il demeure large. A ce moment, on ne veut pas tomber dans
l'application d'une règle plus stricte par les tribunaux. C'est toujours
à peu près la même chose qui nous revient. Donc, lorsqu'on
voit qu'il y a un défaut d'interprétation, on
préfère que la loi le fasse que de laisser cela aux tribunaux
parce que, souvent, une loi vient, semble-t-il, après une
décennie. Donc, si tous les membres, lorsqu'ils vont être en
Chambre, arrivent à la conclusion que c'est clair, ce que veulent dire
les paragraphes a), b), c), tant mieux. S'il y a des interprétations
douteuses, corrigeons-les immédiatement.
M. Lalonde: On ne laisse pas aux tribunaux le soin de
légiférer. C'est aux législateurs de déterminer la
loi.
M. Legault: C'est l'intérêt pour nous de faire des
références.
M. Lalonde: Les tribunaux l'appliqueront. Un autre organisme
avant vous, je pense que c'est le
Barreau il faudrait que je vérifie a
suggéré qu'on remplace le premier paragraphe ou enfin le
critère tel que décrit dans le premier paragraphe de l'article
1003 je ne l'ai peut-être pas "verbatim" par des questions
de droit et de fait commun. Je retrouve ici, dans la règle 23, comme
deuxième prérequis, je lis: "There are questions of law or fact
common to the class. " Cela ressemble beaucoup, si on traduit
littéralement, à cette suggestion qui avait été
faite par l'autre organisme. Vous avez soulevé, je pense, quelques
doutes sur le bien-fondé du critère de l'article 1003, le premier
paragraphe, c'est-à-dire: Les recours soulèvent des questions de
droit ou de fait identiques, similaires ou connexes. Est-ce que vous
préféreriez l'autre critère, question de droit et de fait
commun?
M. Legault: C'est évident que nous pensons contrairement
au Barreau dans cela, parce que nous disons que nous préférons
que l'article 1003a, identité, similarité, connexité...
C'est pour cela que, lorsque je fais des références à la
fois au mémoire des ACEF et à la règle américaine,
vous remarquerez, dans le mémoire des ACEF, qu'on veut bien indiquer
qu'il y a toujours similarité, identité, même si des
contrats ne viennent pas d'une même source. C'est là qu'on est
vraiment en désaccord avec la position du Barreau sur cela et celle
d'autres organismes. On ne veut pas uniquement de fait commun. Ce n'est pas un
accident d'auto, notre histoire. (17 h 20)
M. Lalonde: Je ne pense pas avoir le temps ici de passer à
travers toute la règle 23 pour savoir ce que vous voulez y introduire.
Mais, dans les deux premiers, cela n'est pas le cas.
Je vais donc tenter de le lire à un autre moment pour voir si,
d'après vos suggestions, jusqu'à maintenant, je vais pouvoir
trouver quelque chose qui ressemble à ce que vous voulez, mais je ne
suis pas plus éclairé. Je vous remercie quand même.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le Président, au nom de l'Union Nationale,
nous vous remercions d'avoir bien voulu vous déranger pour venir
présenter votre mémoire à la commission parlementaire.
Cela vous démontre que notre système parlementaire est assez
ouvert et que même les associations de petits propriétaires, comme
vous nommez la vôtre, peuvent être entendues au Parlement.
J'ai seulement une petite question, parce que mon collègue
tantôt en a posé deux immédiatement avant moi et vous avez
très bien répondu. Je reviens à la page 4, au
cinquième paragraphe, où vous avez écrit que pour l'APUC,
une plus grande légitimité devrait être accordée aux
intervenants. Le projet est plutôt muet sur le rôle et les
obligations de l'intervenant. Pourriez-vous nous donner quelques explications?
Votre point de vue?
M. Legault: Je ne voudrais justement pas me répéter
parce que, effectivement, c'est la même intervention que tout à
l'heure; c'est toujours l'ambiguïté qui, selon nous, se pose,
autant pour les ACEF que pour nous, de ce rôle d'intervenant. Pour cette
raison, il n'y a pas lieu de répéter.
M. Cordeau: D'accord, si c'est ce à quoi vous faites
allusion. Merci.
M. Legault: C'est cela exactement.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de la
présentation de votre mémoire. J'inviterais maintenant la General
Motors du Canada Ltée à venir nous présenter son
mémoire.
General Motors du Canada Ltée
M. Comtois (Pierre): Bonjour, M. le Président, M. le
ministre et les membres de la commission. Je désirerais d'abord nous
présenter. Je suis Pierre Comtois, conseiller au service des relations
de General Motors du Canada Ltée avec les gouvernements. Se joignant
à moi aujourd'hui Me Nicole Duval-Hesler et Me Turgeon.
General Motors du Canada Ltée est heureuse de l'occasion qui lui
est faite de présenter à la commission ses commentaires sur le
projet de loi 39, Loi sur le recours collectif.
Nous allons d'abord présenter effectivement une vue d'ensemble de
notre mémoire.
L'intérêt de General Motors à l'endroit de ce projet
de loi est double. Il y a peu de doute que les industries majeures, dont celle
de l'industrie de l'automobile, seront éventuellement exposées
à un tel recours. De plus, le recours collectif fera maintenant partie
de l'environnement juridique dans lequel une entreprise doit fonctionner au
Québec et, conséquemment, l'esprit de cette loi se
rèflétera dans tout profil de la province préparé
pour fins d'investissement ou d'expansion.
Quoique la notion du recours collectif soit acceptée dans
plusieurs Etats américains, le projet de loi 39 y greffe une philosophie
nouvelle. C'est pourquoi notre entreprise doit évaluer tous les aspects
pratiques que cette loi aura sur l'administration de ses activités.
Par nos commentaires, aujourd'hui, nous désirons souligner
à la commission le fait que les différents concepts d"opting
out", de recouvrement collectif et d'assistance financière du
gouvernement peuvent être justifiables s'ils sont
considérés individuellement. Cependant, leur inclusion dans une
même loi ne peut amener qu'à une situation où, selon notre
opinion, le défendeur perdra de fait son droit de soumettre une
défense pleine et entière à l'action qui lui est
intentée. Par ce fait, le projet de loi modifie les droits réels
et ne se limite pas à créer une procédure évitant
la multiplicité des recours.
Dans cette perspective, nous proposons l'illustration suivante: Le
projet de loi 39 établit que tout individu ayant subi un dommage sera
membre du groupe, sauf si cet individu avise le protono-
taire de sa décision de s'exclure de l'action. Par
conséquent, le défendeur ne connaîtra pas l'identité
des membres du groupe et perdra par le fait même l'occasion de soulever
toute dépense particulière qu'il pourrait faire valoir à
l'encontre des membres de ce groupe individuellement.
A cette situation vient se joindre la méthode de recouvrement
collectif proposée, selon laquelle le tribunal détermine le
montant global représentant les réclamations de tous les membres
du groupe, indépendamment, encore une fois, des dépenses
particulières que le défendeur pourrait légitimement
soulever à l'encontre de certains membres du groupe. Il est primordial
que toute loi introduisant le recours collectif au Québec en soit une
qui modifie la procédure civile mais sans d'aucune façon affecter
les droits substantifs du défendeur.
Nous croyons fermement que notre position respecte l'intention
première du gouvernement, qui est d'instituer une procédure pour
permettre le recours collectif. Conséquemment, nous vous
suggérons d'envisager certaines options telles que, si le gouvernement
décide de maintenir le concept de recouvrement collectif, avec lequel
nous sommes en désaccord ainsi que nous l'avons mentionné aux
pages 13 et suivantes de notre mémoire, nous soumettons que le
gouvernement se doit alors d'adopter la formule d'"opting in" et non celle
d'opting out", ceci afin de permettre au défendeur d'identifier les
différents réclamants et de faire valoir les moyens de
défense particuliers à leurs réclamations.
De plus, le droit du défendeur d'interroger les membres qui
auront signifié leur participation à l'action devrait être
clairement énoncé.
D'autre part, si le gouvernement décide de maintenir tant la
motion de recouvrement collectif que la formule d'"opting out", il doit alors
subordonner le recouvrement final des montants à une procédure de
réclamation individuelle par les membres, dans un délai
spécifié, et tout montant non réclamé dans ce
délai devrait être retourné au défendeur.
Ces différentes options permettront au défendeur de
soumettre une défense plus adéquate à l'action et
assureront que les montants accordés par jugement seront effectivement
perçus pour compenser des dommages subis par les consommateurs.
Les réserves du gouvernement sur ia formule d'"opting in" sont
généralement basées sur la croyance que les consommateurs
n'exerceront pas leur droit. Il nous semble qu'un membre qui a un
intérêt suffisant à l'action n'hésitera pas, bien au
contraire, à prendre avantage du recours qui lui est à ce
moment-là offert. Le citoyen du Québec est de plus en plus
familier avec le système judiciaire et, en fait des centaines de
Québécois se sont prévalus des dispositions de la Loi
d'accès à la justice et ont soumis leurs griefs à la
division des petites créances de la Cour provinciale. Pourtant, ils ont
eu à signer une requête et à expliquer leur cause au
tribunal, mais cela ne les a pas empêchés pour autant de
procéder.
Les formules d'"opting in" n'exigeraient pas plus d'effort de la part du
consommateur mais élimineraient plusieurs difficultés qui se
posent dans l'administration de son recours collectif, tout en assurant la
présentation des droits du défendeur.
Nous croyons utile de souligner à nouveau que la méthode
de recouvrement collectif que propose le projet de loi est de nature quasi
pénale puisqu'elle s'oriente vers l'établissement d'un montant
approximatif, susceptible de ne pas être entièrement
réclamé par les membres du groupe, plutôt que vers la
stricte compensation des dommages subis. Si le gouvernement désire
introduire une loi d'ordre pénal, il se doit de le faire d'une
façon plus directe, tout en respectant les garanties traditionnelles de
ce droit. Si le projet de loi no 39 est adopté dans sa formule actuelle,
un défendeur pourra même encourir une amende à deux
reprises pour la même offense. Par exemple, une fois par la
méthode de recouvrement collectif et une autre fois en raison d'une
poursuite du procureur général en vertu de la Loi de la
protection du consommateur, pour citer un exemple.
Le gouvernement ne devrait pas imposer indirectement une amende alors
qu'il peut le faire directement. Quant à la formulation ambiguë de
l'article 1031, nous croyons que sa première partie requiert l'existence
d'une formule d'"opting in" et le droit à l'interrogatoire au
préalable afin de permettre au tribunal d'établir un montant avec
suffisamment d'exactitude. En effet, il nous apparaît impossible pour le
juge de fixer un montant total qui soit suffisamment exact, s'il ne
connaît pas l'identité et le nombre de tous les membres et le
montant de leurs réclamations.
Comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, nous
sommes en désaccord avec le principe même d'un fonds établi
pour accorder une aide financière aux demandeurs collectifs, à
même le reliquat des condamnations prononcées dans d'autres
recours collectifs. Pour nous, l'impossibilité pour le défendeur
d'obtenir le remboursement de ce reliquat démontre clairement que les
dommages auxquels le défendeur a été condamné n'ont
pas été accordés pour réparer un dommage civil mais
bien à titre de sanction pénale.
Nous désirons également souligner que les critères
établis par l'article 1003 ne sont pas suffisants pour empêcher
des professionnels du recours collectif d'intenter des actions frivoles ou
purement vengeresses.
L'autorisation judiciaire en soi n'est pas suffisante à moins que
le tribunal doive se référer à certains critères
additionnels tels que: l'intérêt de chaque membre du groupe
à contrôler personnellement sa demande dans un litige distinct,
les avantages et les désavantages de la concentration du litige dans un
forum particulier, la suprématie du recours collectif sur toute autre
méthode disponible d'indemnisation judiciaire, la bonne foi apparente du
requérant. Conséquemment, un recours collectif ne devrait pas
être introduit du simple fait que la composition du groupe rend dif-
ficile ou impraticable l'application des articles 59 ou 67 du Code de
procédure civile.
En résumé, General Motors du Canada entretient des doutes
sérieux sur l'efficacité du recours collectif tel que
proposé pour assurer une juste compensation des consommateurs. Partant,
nous soumettons que la législation ne devra pas ignorer les droits
fondamentaux du défendeur tant au niveau de la procédure que
celui du droit substantif. C'est pourquoi nous vous demandons d'inclure les
modifications suggérées dans notre mémoire de façon
à assurer le respect des notions traditionnelles d'équité
et d'égalité dans le processus judiciaire.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie pour la
présentation de votre mémoire. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
les porte-parole de la compagnie General Motors du Canada pour leur
mémoire et aussi je pense qu'il faut appeler les choses par leur
nom leur franchise. C'est sur cette base qu'on peut discuter, je pense,
et qu'on peut essayer de voir quelles sont les différentes
possibilités. Je tiens à vous dire, au point de départ,
que votre mémoire, comme tous les autres, et toutes les recommandations
qui y sont incluses, seront examinés au mérite, attentivement,
tous et chacun. Votre mémoire soulève plusieurs questions,
notamment plusieurs questions de fond. Je ne voudrais pas abuser du temps de la
commission, mais vous me permettrez de vous soumettre un certain nombre de
remarques-questions et je présume que vous pourrez réagir
à ces différentes remarques ou questions.
Vous nous proposez ce n'est pas dans l'ordre, c'est un peu au fur
et à mesure que cela vient d'une part, le contraire de ce que
propose, si ma mémoire est bonne, le Conseil du patronat du
Québec, qui lui nous recommande, après avoir soupesé la
question, de maintenir le "opting out". Vous nous recommandez plutôt
d'aller vers le "opting in". Est-ce que vous ne croyez pas, concernant cette
question et cette approche, qu'insérer le "opting in" plutôt que
le "opting out" c'est, à toutes fins pratiques, revenir aux articles 59
et 67 de l'actuel Code de procédure civil qui sont des articles de
"opting in", c'est-à-dire qu'ils permettent à des citoyens de se
regrouper, ils permettent à des citoyens de donner un mandat à
quelqu'un de les représenter. En d'autres termes, qu'est-ce que cela
change par rapport aux articles 59 et 67?
Deuxièmement, sur la base de la théorie de I'"opting in",
j'aimerais que vous m'expliquiez, si on optait pour le "opting in", comment les
consommateurs, dans certaines situations, certaines circonstances, pourraient
réussir à faire valoir leurs droits. Comme j'aime bien toujours
partir de cas concrets, j'ai une approche très pratique, très
pragmatique dans cette affaire, ancrée sur un certain nombre de
principes de fond qui sous-tendent l'économie du projet. A la
lumière de cas concrets comme la fameuse cause de Yellow Cab, aux
Etats-Unis, la compagnie de taxis qui trafique les "meters", comme on
dit dans le jargon, arrache quelques sous à je ne sais combien de
milliers de consommateurs, représentant peut-être des millions de
dollars je ne me souviens plus des détails de cette
cause-là comment pensez-vous qu'il soit possible d'organiser un
"opting in"? Comment pensez-vous qu'il soit possible d'organiser un "opting in"
par les consommateurs dans le cas un excellent exemple il n'y a
pas si longtemps, de cette compagnie qui annonçait un produit pour
nettoyer les tapis. On le vendait plus cher, le produit en question, parce que,
nous disait la publicité, il avait la particularité de mieux
nettoyer les tapis que le produit équivalent. Les expertises ont
démontré que le produit en question avait la particularité
extraordinaire de ne pas être capable de nettoyer le premier commencement
d'un bout de tapis. (17 h 35)
Ni vous ni moi ne savons combien de canettes ont été
vendues; je ne me souviens pas de l'excédent du prix, c'était
peut-être $0.05, $0.10, $0.15, je ne sais pas, $0.20, à combien de
consommateurs québécois? Vous conviendrez avec moi que cela a
été illégalement arraché. 500,1000,10 000, je ne le
sais pas, vous ne le savez pas, personne ne le sait. Comment, dans ce
cas-là, organise-t-on l'"opting in"?
Deuxième remarque-question. Vous évoquez, et je crois que
c'est l'expression que vous utilisez dans votre mémoire, qu'à
votre avis, l'expérience américaine a démontré que
les recours collectifs peuvent provoquer davantage le chaos judiciaire
plutôt que l'économie et le reste. Vous le formulez de
différentes façons, mais c'est l'expression que vous utilisez
à un moment donné. Le Conseil du patronat, dans son
mémoire, a attiré notre attention sur des chiffres, notamment le
relevé. Je le donne sous réserve parce que je ne veux vraiment
pas être injuste. De mémoire, je crois que c'étaient les
chiffres pour l'année 1976 ou 1977, peu importe, à partir des
relevés faits aux Etats-Unis, aux termes desquels relevés les
recours collectifs, dans le domaine civil, aux Etats-Unis,
représentaient 2,7% des recours civils exercés devant les
tribunaux.
Je prends cette base et j'aimerais que vous nous expliquiez, d'une part,
en regard de chiffres comme ceux-là, de quelle façon et sur quels
faits et quelles données précises vous vous appuyez pour soutenir
votre argumentation du danger de provoquer ce que vous appelez un chaos
judiciaire?
D'autre part, je voudrais aussi vous demander, parce que vous
n'êtes pas sans savoir que chez nous, si le projet de loi, bonifié
autant qu'on pourra le faire tous ensemble... Vous savez fort bien et je pense
qu'on retiendra certainement cette option, que le recours s'exerce devant la
Cour Supérieure. Je crois bien que les avocats qui ont un peu
d'expérience et de pratique conviendront avec moi que la Cour
Supérieure, au Québec, surtout les pouvoirs qui sont impartis en
vertu du projet de loi 39 au juge en chef, la Cour Supé-
rieure du Québec et son juge en chef, je pense bien, on ne
pourrait pas les taxer ou les comparer au chevalier Mark Twain qui enfourche sa
monture et part dans toutes les directions en même temps. Je pense que la
Cour Supérieure a plutôt une tradition chez nous de...
M. Blank: ...
M. Marois: Qui? Mark Twain, je pense. Ah bon, on en apprend tous
les jours. De toute façon, l'image est là.
Ce que je veux dire, c'est qu'on sait que la Cour Supérieure a
quand même une tradition; ce n'est pas un tribunal qui a la
réputation d'être particulièrement farfelu, de laisser
aller n'importe quoi, n'importe comment.
Donc, c'est ma deuxième remarque-question. Ou si cela fait
partie, je pense, de ce que vous appelez l'intégration ou l'insertion
d'une philosophie nouvelle, ne pensez-vous pas que, quand on regarde le projet
de loi, il y a comme un tamis à travers lequel on doit passer pour y
arriver? Je rappellerais rapidement les différentes étapes, pour
celui qui le déciderait, de passer devant un fonds d'aide. Le fonds
devra apprécier la vraisemblance ou l'apparence de droit. Il y a
d'autres maillons par la suite, il y a la requête en Cour
Supérieure; maillon additionnel, appel; maillon additionnel, l'action;
maillon additionnel, les pouvoirs qui sont impartis à différents
articles du projet de Ici, au juge, lui permettant d'intervenir, de scinder et
le reste; il y a une marge de discrétion additionnelle. Est-ce qu'il ne
vous semble pas qu'il y a déjà là, pour reprendre
l'expression d'un groupe qui s'est présenté devant nous, qui nous
disait, de son point de vue, il y a un tel, c'était leur expression, un
tel tamisage?
C'était leur façon à eux de le dire, ils avaient la
crainte qu'on resserre le tamis, de telle façon qu'il n'y ait plus une
goutte d'eau qui puisse passer à travers.
Ne pensez-vous pas qu'il y a quand même déjà
là un tamisage, un premier tamisage important? J'aurais quelques
questions additionnelles. La première concerne cette recommandation que
vous nous faites que, dans le cas des blessures corporelles, les
réclamations pour blessures soient exclues du recours collectif. Je ne
peux pas personnellement oublier des choses que j'ai vécues de
très près, blessures corporelles. A partir du moment où la
loi 67 est en vigueur, la Loi de l'assurance automobile, il y a
différentes formes, différents types, différentes sources
de dommages corporels. J'aimerais bien que vous nous donniez plus
d'explications sur ce point.
Vous nous demandez également d'introduire, au niveau de la
requête, à l'article 1003, d'ajouter cette notion, avant que le
juge n'autorise la requête, d'une preuve prima facie. Je voudrais vous
indiquer tout de suite, là-dessus, qu'on a eu longuement l'occasion d'en
discuter avec plusieurs groupes qui se sont présentés devant
nous. Ma conclusion personnelle, préliminaire, je dis bien, sous
réserve de l'étudier à la loupe, très attentive-
ment, était que la notion prima facie est une notion de droit criminel
et que son correspondant, en droit civil, c'est la notion d'apparence de droit.
Je suis plutôt porté à vous dire qu'on est prêt
à examiner de très près cette idée d'insérer
cette notion d'apparence de droit et de faire la correspondance avec le fonds,
qui est une notion connue en droit civil, à tout le moins, dans le
domaine de la jurisprudence.
Egalement je pense que vous vous référez à
l'article 1014 vous nous demandez que l'aveu du représentant lie
les membres du groupe. La raison pour laquelle on a mis une réserve
à l'article 1014, tel qu'il est libellé et j'aimerais
avoir votre réaction c'est pour éviter les cas de
collusion où un représentant patenté cela pourrait
se produire fait un aveu, dans un cas difficile à prouver, mais
qui pourrait être clair dans les faits, par exemple, de collusion avec un
défendeur, et cela aurait pour effet de lier l'ensemble des autres
membres.
Voilà mes premiers commentaires, remarques et questions, M. le
Président.
Le Président (M. Marcoux): M. Comtois.
M. Comtois: Vous avez effectivement soulevé plusieurs
points importants, tant de notre mémoire que de l'ensemble de la
philosophie de ce projet de loi. Je vais d'abord me permettre d'en commenter
plusieurs. Si Me Hesler ou Me Turgeon veulent, par la suite, y revenir avec
d'autres éléments, je les laisserai libres de le faire.
D'abord, en ce qui a trait à la grande notion de r'opting in" par
rapport à l'"opting out", vous avez soulevé que cela serait
revenir, en pratique, aux exigences actuelles des articles 59 et 67 du Code de
procédure civile.
Je ne peux pas partager cette opinion, parce que les critères
mêmes à l'article 1003a de similaires, connexes et je ne me
souviens plus de l'article
M. Marois: Et identiques.
M. Comtois: ... et identiques me semblent un peu plus larges que
ce que nous offre actuellement le Code de procédure civile.
Par contre, vous ajoutez tout de suite après vous le liez
avec un point, une question de philosophie les causes de dommages de
minimis, par exemple la cause de Yellow Cab. On se retrouve avec le
consommateur qui va retirer, en fin de compte, $0.10, ou $0.25 ou $0.30, ou $1,
peu importe le montant, mais qui reste très minime.
On ne croit pas c'est une question de concept je ne crois
pas que le recours collectif puisse être efficace pour octroyer ce genre
de compensation au consommateur, de la façon suivante. Je crois
même que le gouvernement l'accepte et le reconnaît d'une certaine
façon puisqu'il prévoit que certains montants ne seront pas
réclamés. C'est primordialement pour cela qu'un consommateur ne
se présentera probablement pas pour réclamer $0.10, ou $0.25, ou
$0.40 de la
somme qui a été octroyée. C'est alors qu'on arrive
avec la notion du reliquat.
C'est pour cela que le recours collectif qui est dirigé vers la
compensation doit respecter cette approche. Si le consommateur lui-même
n'a pas intérêt à venir obtenir compensation, c'est qu'il
ne le juge pas à propos.
Si, par contre, on veut condamner l'attitude du manufacturier ou du
fabricant...
M. Marois: Me permettriez-vous seulement une parenthèse?
Je m'excuse de vous interrompre. Je veux être sûr que je vous
comprends bien sur cette question...
M. Comtois: Oui.
M. Marois: ... en y ajoutant peut-être une question
additionnelle. Ais-je bien compris que vous n'acceptez pas l'idée qu'il
y ait un reliquat?
M. Comtois: Nous n'acceptons pas l'idée qu'il y ait un
reliquat. Je crois que nous l'avons expressément établi dans
notre mémoire.
M. Marois: Bien. En conséquence, dans votre esprit, dans
les cas de petits montants comme ceux qu'on vient d'évoquer, Yellow Cab
ou autre chose, le recours collectif n'est absolument pas une procédure
pertinente?
M. Comtois: Le recours collectif ne permettra pas d'arriver
à l'indemnisation. Si on cherche à indemniser...
M. Marois: C'est par ce biais que vous concluez à la
dimension punitive du recours collectif?
M. Comtois: Sûrement.
M. Marois: J'aurais une question additionnelle à ajouter
à la liste. Si on n'ouvre pas le recours collectif et la dimension du
recouvrement collectif, c'est-à-dire, au fond, un recours collectif qui
se conclut par des réclamations individuelles pour l'ensemble, et/ou
individuelles et collectives, et/ou collectives tout court, selon le cas qu'on
vient d'évoquer, qu'est-ce que vous pensez qui va se produire sur le
marché? Je vous pose la question. Est-ce que vous ne pensez pas que cela
risquerait de nous mener dans la situation suivante où des gens... Dieu
merci, c'est loin d'être le lot de toutes les entreprises, je ne cesse
pas de le répéter depuis le début; je vais continuer, mais
je pense que c'est important de le dire à nouveau. Est-ce que vous ne
craignez pas que... Dans certains cas, je pense qu'on est obligé de
l'admettre; je pensais au témoignage des juges de la Commission
d'enquête sur le crime organisé, à l'occasion d'un bout
d'enquête sur les crimes économiques, qui nous donnaient le cas
d'entreprises qui fonctionnaient sans permis, illégalement,
étaient condamnées à l'amende et continuaient de
fonctionner quand même, arrachaient de très petits montants
à une quantité industrielle de citoyens et les juges disaient
je pense que je les cite textuellement: Cela fait un permis de
fonctionner qui revient bon marché, et j'ajouterais joyeusement bon
marché.
Ne pensez-vous pas que la conséquence ultime sur le marché
en serait de maintenir ce qu'on appelle les "flights by night"? Je simplifie
grossièrement vous m'excuserez pour couper court, il
serait préférable à l'avenir de ne pas frauder toute
personne, et sur des gros montants, mais quant à y aller, allons-y
surtout pour de petits montants, mais tentons d'accrocher une quantité
industrielle de citoyens.
Mme Duval-Hesler: A vrai dire, d'abord, il faudrait relire le
mémoire. La position de GM est un peu alternative. On arrive et on vous
dit: L "opting out", joint au reliquat, c'est inacceptable. On pourrait avoir
l'un sans avoir l'autre, ou avoir l'autre sans avoir le premier. Je pense que
cela a été dit clairement dans le résumé du
mémoire aujourd'hui. C'est un peu l'idée que GM veut que vous
ayez. Elle ne tient pas absolument à I opting in", mais elle dit: Si
vous insistez pour avoir le reliquat, à ce moment, ce devrait être
I'"opting in ". J'aimerais mentionner qu'une des raisons pour lesquelles le
Conseil du patronat favorisait l'"opting out", c'était qu'il y voyait un
avantage pour le fabricant, en ce sens que tous les consommateurs qui font
partie du groupe et qui ne se sont pas prévalus de leur droit de
s'exclure, à ce moment, il y a chose jugée vis-à-vis d'eux
et le dossier est fermé. C'est la raison pour laquelle le Conseil du
patronat favorise cette option, mais il n'y en a pas d'autre à ma
connaissance. (17 h 50
Le point de vue de GM, si je ne m'abuse, nous en avons discuté
assez longuement, c'est que les réclamations "de minimis", les petites
réclamations, les petits montants, ce n'est pas dans le domaine du
consommateur de se faire justicier pour ce genre de fraudes, ce genre d'abus,
c'est du domaine pénal. Si vous pensez que les amendes ne sont pas assez
élevées, vous avez le loisir d'imposer des amendes minimales plus
élevées. Vous avez un tas de discrétions. Vous pouvez
amender un tas d'autres lois pénales avec les mêmes
résultats. Là-dessus, vraiment, c'est une question de principe,
c'est une différence de principe. Sur ce point, c'est net.
M. Marois: Là-dessus, je me demande si c'est seulement de
principe. J'ai une approche encore une fois très pratique sur ce point.
Peut-être que je me fais mal comprendre, je vais formuler ma question
autrement. Est-ce qu'il y a, à votre point de vue, un article du projet
de loi, tel qu'il est présenté, actuellement, en vertu duquel
vous pourriez fonder une argumentation, à savoir qu'une entreprise ou un
défendeur, peu importe, serait appelé à payer une
compensation, à rembourser une compensation qui serait plus
élevée que l'addition des compensations individuelles que le
même dé-
fendeur serait appelé à verser, si chacun des
consommateurs, dans l'état actuel de notre droit, prenait le recours,
exerçait son action en justice et obtenait justice?
En d'autres termes, est-ce qu'il y a une somme d'argent additionnelle
qui serait enlevée au défendeur, autre que la somme que, de toute
façon, le même défendeur aurait à payer en justice
pour rembourser un consommateur qui ferait valoir ses droits, si c'était
possible dans l'état actuel de notre procédure?
Mme Duval-Hesler: Si vous me le permettez, M. le ministre, la
question n'est pas là. Il se peut que le montant ne soit pas plus
élevé que l'ensemble de toutes les réclamations
individuelles. Mais la question est que les individus n'auront pas ce montant.
Quand on parle de petites réclamations; ils ne se donneront pas la peine
ou ils ne seront pas facilement identifiables. Enfin, cela va tomber dans le
reliquat. C'est à ce moment-là que cela devient punitif parce que
comprenez-vous? même si le montant n'est pas plus
élevé que le profit que la compagnie a pu en tirer ou qu'il n'est
pas plus élevé que le gros des réclamations, le fait que
le montant d'une amende équi-vaille au montant de toutes les
réclamations, cela n'empêche pas que c'est une amende plutôt
que d'être une compensation. Or, du moment où cela n'est
versé à personne, ce n'est pas une compensation. Cela n'est pas
une taxe non plus; donc, il faut bien que ce soit une amende. Etes-vous
d'accord avec cela?
C'est de cette façon que nous l'envisageons.
Le Président (M. Marcoux): Abordons les autres
questions.
M. Comtois: J'aborderais immédiatement la question
suivante. Lorsque dans l'introduction, nous avons abordé que la
philosophie de ce projet de loi fera partie naturellement de tout chapitre
traçant un profil de la province, la lettre de la loi est
également reflétée dans ces chapitres. Vous avez
mentionné: Est-ce qu'il n'y a pas assez de mesures qui créent un
tamis valable au niveau de l'action? Dans notre mémoire, on
soulève que ce tamis, quoique les notions soient là, que le cadre
soit là, n'est point suffisant et les professionnels du recours
collectif vont pouvoir y entrer; nous avons la crainte que des actions d'ordre
frivole ou purement vengeresses pourront quand même y passer.
On aborde la question du fonds. Est-ce que le fonds va
déjà intervenir à un certain niveau en étudiant
lui-même le bien-fondé de l'action, des requérants et ainsi
de suite? Effectivement, le fonds qui va ouvrir est une garantie quelconque.
C'est évalué par le gouvernement et ce fonds, d'autre part, est
disponible strictement pour les plaignants. Derrière cela encore, on a
la philosophie qu'on arrive à un débalancement; on va soutenir le
plaignant, mais on ne soutiendra pas le défendeur quel qu'il soit.
Le fonds fait entrer aussi l'intervention de l'Etat d'une façon
directe dans une matière qui est strictement un débat civil entre
des parties. Encore là, la philosophie derrière
inquiète.
On parle de la requête. On dit que la requête est
effectivement un autre endroit où le tamis devrait être efficace.
A ce niveau, on soutient que...
M. Marois: Si vous me permettez seulement une remarque ou
question. Parlant du fonds, ne pensez-vous pas qu'il y a quand même une
forme d'analogie avec quelque chose qui existe, soit l'Aide juridique
où, là aussi, bien sûr, ce sont des fonds publics qui
viennent aider, financièrement, les citoyens qui, à partir d'un
certain nombre de règles ou de barèmes, si vous voulez, sont
considérés comme admissibles parce que la société
considère qu'ils n'auraient pas les moyens de faire valoir leurs droits
et que cela intervient dans un domaine de relations de droit civil dans bon
nombre de cas?
M. Comtois: Sur ce point, Mme Hesler.
Mme Duval-Hesler: C'est vrai mais, par contre, la grande
différence ici, c'est le déséquilibre. L'Aide juridique
s'adresse au demandeur comme au défendeur. Ici, ce qui rend cela
différent de l'Aide juridique, c'est le fait qu'il y ait un
déséquilibre entre le demandeur et le défendeur. Tout le
monde ne bénéficie pas de la même aide.
M. Marois: Là-dessus, je voudrais vous indiquer tout de
suite que plusieurs commentaires nous ont été faits et j'ai
indiqué qu'on était prêts à les regarder. On a eu
des recommandations très précises de certains groupes, notamment
du Conseil du patronat, et on est prêts à regarder la
possibilité, en tout cas à étudier la possibilité
très sérieuse de voir ce qui pourrait être fait, s'il y a
des ajustements le cas échéant, pour s'assurer... Notre objectif,
c'est de faire en sorte que ce soit un instrument équilibré qui
permette d'atteindre une justice pleine et entière pour l'ensemble des
parties, quand on introduit une procédure.
Mme Duval-Hesler: C'est dans cette lumière que la remarque
était faite sur le fonds parce que c'était dans le but d'assurer
l'équité envers les parties, maintenir l'équilibre.
M. Comtois: L'autre point qui était important,
c'était la présence des dommages personnels dans le recours
collectif. Effectivement, plusieurs dommages personnels ne pourront pas
procéder par l'entremise du recours collectif à cause de la
présence de l'assurance automobile, notamment, mais pour General Motors
nous espérons que cela ne nous arrivera jamais il se peut
que des dommages corporels soient causés suite à un vice
caché quelconque. Encore là, on pourrait faire face à un
recours collectif et dans la procédure actuelle, telle que
proposée par le projet de loi no 39, on ne peut pas soumettre une
défense pleine et entière pour les raisons qu'on a
mentionnées, les différents critères pour lesquels une
action personnelle devrait être étudiée
individuellement.
M. Marois: Avez-vous des exemples concrets en tête, de ce
que vous évoquez là?
Mme Duval-Hesler: Oui, des incendies d'automobiles. Ce n'est pas
un accident de la route, un incendie d'automobile, cela arrive.
M. Marois: Un incendie qui proviendrait d'un vice ou
défaut caché, par exemple.
Mme Duval-Hesler: Absolument.
M. Comtois: Un court-circuit.
Mme Duval-Hesler: Cela s'est déjà produit.
M. Comtois: Ce n'étaient pas des automobiles GM.
Mme Duval-Hesler: II va sans dire.
M. Turgeon: C'est pour que les membres de la commission se
sentent en sécurité dans leurs automobiles.
M. Comtois: L'autre point sur lequel on a été bien
heureux d'entendre le commentaire de M. le ministre, c'était sur la
question de la preuve prima facie. On était heureux qu'au moins la
commission semble positivement regarder cette suggestion qui, je
présume, a été commune à plusieurs organismes et
compagnies, et on s'en réjouit, du moins à ce niveau.
En ce qui a trait à l'aveu, la crainte du gouvernement qu'il y
ait collusion entre un représentant et un défendeur, que ce cas
soit possible et concevable, je n'en doute pas. Cependant, l'effet que va avoir
cette permission, notre opinion est que cela peut être très
limité, ce cas de collusion, c'est assez exceptionnel. Règle
générale, le plaignant et les membres vont pouvoir tout
simplement recommencer le procès en refusant, en déniant ou en
demandant à la cour de ne pas être liés par les
déclarations de leur représentant. Cela risque d'être d'une
application beaucoup plus générale et beaucoup plus constante
dans plusieurs recours. Si l'objectif est d'éviter cette collusion entre
un représentant et un défendeur, il y aurait sûrement
d'autres moyens, j'espère, d'éviter cette situation sans affecter
un droit important du défendeur qui pourrait, à tout moment
donné, recommencer quand, par contre, le défendeur est lié
par ses travaux. Il y a encore un niveau de déséquilibre qui nous
surprend.
M. Marois: D'accord, c'est exact, quand vous parlez du
défendeur, mais vous convenez avec moi qu'il y a un défendeur.
Là on parle d'un groupe, et déjà l'article 1014
m'apparaît quand même d'abord, maintenir le principe de fond de
l'économie générale de notre procédure, l'aveu fait
par un représentant lie les membres. Il n'y a rien de nouveau
là-dedans, c'est le principe de fond, sauf si le tribunal, donc
exception, ce n'est pas un principe, c'est l'exception, considère que
l'aveu leur cause un préjudice. Si on ne devait pas introduire cela, le
retenir, le fermer, comme vous l'avez évoqué pour rouvrir des
procès additionnels, est-ce que vous ne considérez pas que
là le préjudice qui serait causé serait causé
à ceux qui cherchaient à faire valoir leur droit, puisqu'il
faudrait reprendre au complet l'ensemble des procédures.
M. Turgeon (Jean): Ce n'est pas nécessairement, M. le
ministre, selon vous, un préjudice. Est-ce que, dans les actes de
procédure, lorsqu'on avoue, on peut avouer sans préjudice? On
avoue ou on n'avoue pas. Et, quand on avoue, je pense que c'est susceptible de
causer un préjudice.
M. Marois: Bien sûr. Quand je suis un demandeur ou un
défendeur, que je suis seul et que j'avoue, c'est un aveu au sens plein
et entier d'un aveu.
M. Turgeon: Alors, les règles...
M. Marois: Bien sûr qu'il y a un préjudice dans ce
sens. Mais quand il y a un groupe je vais reformuler ma question
et que le représentant est en situation de collusion, par exemple?
M. Turgeon: Mais je ne discute pas des bonnes intentions.
M. Marois: Ce n'est pas seulement son préjudice personnel
à lui. C'est le préjudice des autres.
M. Turgeon: Je ne discute pas de la bonne intention
derrière l'article de la loi proposée. J'en suis convaincu.
M. Marois: Je cherche simplement à comprendre.
M. Turgeon: Ce qui arrive, c'est que les règles de la
preuve ne sont plus les mêmes, suivant que le recours est collectif ou
individuel. C'est un amendement au Code civil.
Le Président (M. Marcoux): Vous allez m'ex-cuser, il est
18 heures. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. Nous
souhaitons reprendre le dialogue avec vous à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 3)
Reprise de la séance à 20 h 13
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! Nous en
étions à la discussion du mémoire de General Motors du
Canada Ltée. Nos invités étaient en train de
répondre aux multiples questions du ministre. Je ne sais pas si vous
étiez rendus à la toute fin.
M. Turgeon: Je crois qu'on parlait de l'aveu.
M. Marois: On venait de parler de l'aveu, effectivement.
M. Blank: On parle des voitures Ford. M. Chevrette:
Contraire au règlement! M. Turgeon: Ou peut-être
Renault.
M. Marois: Ce n'est pas encore au tour de l'APA.
Une Voix: Ce n'est pas enregistré, j'espère? Uns
Voix: Tout est enregistré.
M. Turgeon: Je disais au ministre que l'article 1014... je
comprends l'intention d'empêcher la collusion ou de prévenir toute
collusion. Mais il n'en demeure pas moins ceci: Qu'est-ce qu'on va faire d'un
aveu dont la portée va être décidée par le tribunal?
C'est une question que je pose au ministre. Le ministre nous a posé des
questions, alors je tiens pour acquis qu'on a le droit d'en poser aussi. Un
aveu laissé à la discrétion du tribunal...
M. Marois: Quand je n'ai pas les réponses, je dis qu'on
prend bonne note de votre question. On va la regarder.
M. Turgeon: Vous êtes chanceux d'avoir ce
privilège.
M. Marois: Non, faites attention. J'ai justement, hier ou
avant-hier, laissé le Barreau sur une question et il a accepté
l'idée d'y réfléchir et de nous faire parvenir des notes.
On peut se garder des questions, de part et d'autre, y réfléchir
et s'envoyer des notes. Je ne blague pas. Ce n'est quand même pas un
détail, l'aveu dont on parle.
M. Turgeon: C'est dans ce sens-là. Je suis loin de
blaguer, M. le ministre. On peut s'amuser sérieusement.
M. Marois: Absolument. Ce sont, bien sûr, des notes qui
sont envoyées sans frais d'honoraires.
M. Turgeon: Ce n'est pas le genre de celles que je fais, M. le
ministre.
M. le ministre a soulevé, à un moment donné, le
fait que les articles 59 et 67 du Code de procédure, lorsqu'il
distinguait entre l'"opting in" et l'"opting out", etc., constituaient un
recours collectif qui impliquait l'"opting in". Est-ce que j'ai bien
compris?
Mais l'"opting in", dont il est question dans le .némoire de
notre cliente, n'est pas ce genre de recours qui est déjà
prévu aux articles dont M. le ministre a parlé, ou auxquels il a
référé.
A ce moment-là cela voudrait dire que le recours collectif existe
déjà, avec "opting in". Je ne pense pas que ce soit la position
du gouvernement que le recours collectif envisagé par la loi existe
déjà, en vertu des articles 59 et 67 du Code de procédure
civile, avec I' "opting in". Est-ce que je me méprends ou pas?
M. Marois: C'est-à-dire que c'est au fond la question que
je vous posais. Je comprends que vous apportez une série de nuances par
rapport aux articles 59 et 67, mais la question que je vous posais, c'est:
Comment les consommateurs, dans l'hypothèse prenons un cas
purement hypothétique et, bien sûr, tout à fait
exceptionnel d'une compagnie X d'automobiles qui met sur le
marché des voitures et qui vend 10 000... Est-ce que cela se peut au
Québec, 10 000? C'est une bonne marque. Je parle d'une bonne marque.
M. Turgeon: Je ne sais pas combien le gouvernement en
achète, mais...
M. Marois: Pardon?
M. Turgeon: Je ne sais pas combien le gouvernement en
achète. Il m'e manque des données.
M. Marois: C'est cela, si on tombait dans certaines
catégories, on y arriverait peut-être. Cela donne un coup de main,
en tout cas, dans certains coins, et je ne parle pas des autobus.
Il y a 5000, ou 6000, ou 10 000 citoyens qui seraient fondés,
dans un cas donné, à exercer un recours, soit pour
réduction du prix de vente ou pour annulation du contrat pour vices et
défauts cachés ou défauts de fabrication; enfin, peu
importe. Comment, dans cette hypothèse, avec 5000 ou 10 000 citoyens,
dans l'hypothèse de I'"opting in", comment va s'enclencher ce
regroupement?
M. Turgeon: C'est ce que je dis, M. le ministre. C'est que,
justement, I'"opting in", avec le recours collectif, n'est pas prévu ni
créé par l'article 67. Vous avez référé cet
après-midi au fait que le recours avec "opting in" était
déjà dans le Code de procédure.
M. Marois: Ce que j'ai évoqué, c'est que cela nous
ramène à l'économie générale des
articles...
M. Turgeon: C'est la distinction que je fais.
M. Marois: Non, d'accord, je vous comprends, je pense. Cela nous
ramène à l'économie générale des articles 59
et 67, mais cela ne règle pas les problèmes très concrets
que je viens d'évoquer, en prenant les exemples à la blague, mais
aussi très sérieusement. Le problème très concret
de groupes X de consommateurs, de passer à un certain nombre...
L'exemple que je prends, ce n'est pas sur de petits montants, mais sur des
sommes qui peuvent être substantielles.
M. Turgeon: Ma consoeur, Me Hesler, a fait la distinction
d'ailleurs entre le mémoire présenté par le Conseil du
patronat, et a dit que nous ne combattons pas I' "opting out " en soi, mais le
contexte général dans lequel il se trouve avec l'existence
d'autres institutions... C'est dans ce contexte, comprenez-vous, qu'on s'y
oppose.
Mme Duval-Hesler: Si M. le ministre me le permet aussi, il y a
une chose à considérer, c'est qu'avec I'"opting in", il ne faut
pas perdre de vue que les gens qui ne s'en prévaudraient pas, ne
seraient pas liés, ni par une décision, ni par un
règlement. Alors, ils ne perdent aucun recours. Quant à ce qui
est de faire l'effort nécessaire pour faire valoir leurs droits, il y a
beaucoup d'actions en ce moment, en vertu des articles existants du Code des
procédures, par exemple les Indiens qui poursuivent dans les causes de
mercure. Si I' "opting in" en soi, en tenant pour acquis que les articles
existants soient une forme d' "opting in" ... Si c'était tellement
difficile, ces causes n'existeraient pas. Cela ne peut pas être tellement
difficile, puisque des groupes en ce moment parviennent à faire valoir
un recours individuellement, les demandeurs étant tous
identifiés. Cela se fait. Cela existe. (20 h 20)
M. Marois: Bien sûr. Vous convenez avec moi, et c'est aussi
là-dessus que vous terminez, les demandeurs étant tous
identifiés.
Mme Duval-Hesler: Oui, absolument. On ne peut pas avoir de
formule d'" opting in" sans cela, à un moment donné.
M. Marois: Bien sûr. Cela ne règle pas les cas de
ceux qui ne seraient pas identifiés, mais enfin, je pensa que je saisis
votre point de vue. D'accord.
M. Turgeon: M. le ministre, une chose...
M. Marois: C'est parce que je ne voudrais pas abuser du temps.
Les autres membres de la commission ont des questions à poser aussi.
M. Turgeon: Une chose me frappe, M. le ministre, c'est que l'aveu
dont on a parlé tout à l'heure ne liera pas les autres membres ou
ceux... C'est-à-dire va les lier s'ils ne sont pas victimes de
préjudices, mais il reste que la formule de I' "opting out" les lie par
un jugement auquel ils n'auront pas été appelés, alors
qu'on dit dans la loi, et cela m'apparaît illogique de dire: L'aveu ne
causera pas de préjudices aux autres. Par contre, éventuellement,
le jugement qui va sortir sera pré-judicialbe pour les autres. Je ne
vous parle pas dans l'intérêt de General Motors, je vous parle
dans l'intérêt du public, en général, quand je dis
cela.
M. Marois: Je pense que vous défendez fort bien votre
point de vue, avec des arguments très étoffés. Cependant,
je pense bien que vous convenez avec moi que comparer l'aveu avec le jugement,
il y a quand même une marge. Vous en convenez aussi? Dans le cas du
jugement, bien sûr, il y aurait eu des avis. Les gens auront eu
l'occasion et le libre choix d' "opter out", et de ne pas être
liés, de faire valoir autrement leurs droits ou de ne pas les faire
valoir du tout.
Je pense que là, il y a une nuance de taille, tandis que l'aveu
d'un représentant, en maintenant le principe que l'aveu lie tout le
monde, à moins que le tribunal considère donc ce qui
suppose qu'il y a eu représentation de chacune des parties que
c'est le bout d'exception; il va falloir que quelqu'un établisse que
l'aveu cause préjudice. Le cas évident je reviens à
ce qu'on a déjà évoqué c'est la
collusion.
Mais, enfin, je pense que je comprends votre point de vue. Merci.
M. Turgeon: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Marcoux): Je pense que vous avez
abordé différentes questions. Avant de donner la parole au
député de Saint-Louis, il y aura sûrement consentement pour
qu'il remplace...
M. Alfred: Absolument.
Le Président (M. Marcoux): II n'était pas
là.
M. Chevrette: On ne peut pas se passer de ses
lumières.
M. Alfred: II va nous éclairer.
Le Président (M. Marcoux): Vous l'avez déjà
remplacé une première fois; il faut le remplacer à
nouveau. Vous allez donc remplacer le député de
Marguerite-Bourgeoys à moins que vous préfériez remplacer
celui de Rouyn-Noranda.
M. Blank: Cela ne me fait rien. C'est un homme très fort
comme Samson, c'est cela?
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Je n'ai pas tellement d'autres questions. Je suis
d'accord avec le ministre et ses remarques, à l'exception de la question
de I'"opting in" et de I'"opting out". Comme le ministre l'a dit, vous avez
peut-être raison dans le sens de votre argument, mais, quand on fait face
à deux maux, on doit prendre le moindre pour protéger le public.
C'est ce qui arrive ici avec ce projet de loi, on prend le meilleur moyen
possible de protéger le plus de gens possible.
Il y a seulement une chose qui m'a frappé, M. Comtois. Vous
trouvez que, dans une telle loi, une compagnie ou un détendeur peut
être puni deux fois; c'est une sorte de punition que le jugement du
tribunal et il représente le jugement pénal. Vous suggérez
que le gouvernement ou les autorités n'aient qu'un seul recours, c'est
le côté pénal. Cela arrive souvent dans la pratique qu'on
ait deux
recours pour le même cas. Un assaut simple sur un citoyen finit
par un emprisonnement ou une amende. Vous avez la Cour civile pour les dommages
réels. C'est la même chose ici. Si le gouvernement procède
du côté pénal en vertu de la Loi sur la protection des
consommateurs, avec une amende, cela n'empêche pas que la Cour civile
soit saisie par des gens qui ont eux-mêmes subi des dommages directement
par la suite.
M. Comtois: Effectivement, on est conscient qu'on peut être
assujetti à un recours pénal et civil en même temps pour la
même offense, mais, là ou l'on fait la différence, c'est
que, dans le cas du recours collectif, nous le qualifions de quasi
pénal, soit la partie où on est condamné à payer un
reliquat qui n'est pas compensatoire réellement, parce qu'il n'est pas
versé au consommateur qui a été lésé.
Donc, cette partie du reliquat est strictement quasi pénale;
donc, c'est une amende et cette partie d'un reliquat est une deuxième
amende pour la même offense.
M. Blank: Je ne suis pas d'accord avec vous parce que je pense
que, pour prouver le reliquat, on doit prouver un dommage réel. Une
amende n'a aucune relation avec le dommage causé, c'est seulement avec
la gravité de l'offense; cela n'a rien à faire avec le dommage
souffert par une personne. C'est la même chose avec le reliquat, c'est
fixé par le juge, suivant le nombre, dans votre cas, des
véhicules et les dommages causés par le vice caché. La loi
n'est pas claire, le juge a le droit de faire ce qu'il veut avec le reste du
reliquat, cela n'empêche pas qu'il puisse le retourner à la
compagnie s'il a des raisons valables. La loi dit qu'on doit faire des
représentations devant le juge sur ce qu'il doit faire avec cela. Dans
certains cas, c'est possible, ce n'est pas interdit par la loi.
Mme Duval-Hesler: Non, je pense qu'il y a une distinction...
M. Marois: Je m'excuse, juste là-dessus...
M. Cordeau: Ce n'est pas le point de vue du gouvernement?
M. Marois: On me fait parler. Je voudrais juste apporter une
nuance parce que, effectivement, on en a discuté, le
député et moi. Le texte de 1036, tel qu'il est formulé,
ouvre toute une gamme de possibilités. Le député m'a
posé la question. Je pense que cela a été
évoqué au cours de nos discussions; s'il y avait cette
hypothèse, on pourrait interpréter le texte de telle façon
qu'un juge pourrait convenir que telle partie d'un reliquat soit remise au
défendeur. J'ai dit que j'avais des doutes quant à
l'interprétation et que je verrais à le faire examiner davantage
par les juristes.
Cependant, tel qu'il est formulé là, ce qu'on a
évoqué à plusieurs reprises, c'est que le mode de
versement ou de remboursement de la compensation pourrait prendre
différentes formes, même pour la partie dite du reliquat; cela a
été évoqué, ce ne serait pas nécessairement
pécuniaire dans certains cas. On a évoqué des boîtes
de Kellogg's Kellogg's ou n'importe quel autre, c'est pareil; je ne sais
pas pourquoi je dis Kellogg's, mais, en tout cas, chacun a ses "fixations"
. Cela pourrait être, par exemple, de condamner l'entreprise
à ajouter la quantité qui n'était pas là durant une
période de temps correspondant au montant établi.
Donc, il y a différentes formules possibles. Cela ouvrait et on
ne voulait pas... Notre approche avait été, sur la base des
expériences américaines et des expériences des autres
provinces, d'éviter de tenter de tout prévoir, chacun des cas,
d'avoir une approche qui respecte l'économie générale de
notre Code de procédure civile tout en tenant compte des origines de
"common law " du recours collectif et d'en tenir compte. Parfois, il y a un
certain avantage à arriver après tout le monde et à avoir
au moins le minimum de bon sens de se servir de l'expérience des autres,
d'évaluer leurs erreurs et d'essayer de ne pas les
répéter, mais en même temps d'essayer de se servir des bons
coups qu'ils ont pu faire au dernier fignolage d'un projet de loi. Donc, on a
plutôt laissé ouvertes toute une série de
possibilités qui seront évidemment décidées par le
juge sur représentation des parties. Je m'excuse.
M. Turgeon: Quelle est l'idée du législateur quand
on dit: En tenant compte notamment de l'intérêt des membres? Le
tribunal dispose du reliquat de la façon qu'il détermine et en
tenant compte notamment de l'intérêt des membres. Je pense que
cela répond à ce que le député de Saint-Louis
disait; le juge peut dire, à un moment donné: Le reliquat va
à la compagnie ou il va au fabricant ou il va au défendeur. Quand
on mentionne: en tenant compte notamment de l'intérêt des membres,
on veut dire des membres du groupe, nécessairement. Mais il y a quand
même une limitation à la discrétion du juge.
M. Marois: Oui, bien sûr. Mais est-ce que je comprends que
vous voulez dire qu'à votre avis, l'interprétation du texte tel
que libellé présentement donnerait précisément
ouverture à ce qu'évoquait le député,
c'est-à-dire à la possibilité de remboursement? Vous dites
le contraire.
Mme Duval-Hesler: Non, pas du tout. La question... Il y a
toujours...
M. Marois: Mais remarquez que, de toute façon, on va le
regarder de très près. On va l'étudier d'abord, il paiera
son amende après.
M. Turgeon: Non, c'est un renseignement que je demande. C'est
plutôt une remarque qu'une question que je veux faire. Qu'est-ce que le
juge va faire, autrement dit, avec cela?
M. Blank: Je pense qu'on doit étudier la suggestion de la
compagnie, celle de permettre, en
matière de blessure corporelle, l'examen médical de ces
gens qui font une réclamation pour des blessures corporelles. Parce que
cela ne peut pas être le même dans tous les cas; ici, à
1019, on parle de l'examen utile à l'adjudication des questions de droit
ou de fait traitées collectivement.
Quand on en vient aux blessures corporelles, ce n'est plus une affaire
collective. Cela devient pratiquement individuel à ce moment-là.
Je pense qu'en toute justice, on doit donner l'occasion au défendeur de
faire examiner ces gens, parce que les dommages causés à une
personne ne sont pas nécessairement les dommages causés à
une autre personne.
M. Turgeon: II serait peut-être possible de dire que les
dispositions concernant le recouvrement collectif ne sont pas applicables en
matière de blessures corporelles.
M. Blank: Jusqu'à ce point-là, je ne suis pas
certain.
M. Turgeon: Je parle du deuxième chapitre.
M. Blank: Oui, je comprends. Mais quand vous avez une demande de
recours collectif de 5000 personnes, pour une raison ou une autre, les gens qui
ont subi des blessures corporelles sont peut-être une dizaine ou une
quinzaine. On peut régler le problème de la responsabilité
pour les 5000 et c'est facile pour le juge ensuite de régler le
problème des blessures corporelles de ces dix ou quinze personnes. Mais
je pense que le défendeur a droit à un examen au
préalable, si on demande des compensations pour perte de salaire, ou des
choses comme ça ou le pourcentage d'incapacité. C'est
différent dans tous les cas.
On est ici pour deux procès, le procès pour
responsabilité et ensuite, le quantum. Le quantum se fait si c'est une
question matérielle seulement. Mais quand ça arrive de l'autre
côté, on doit aller un peu plus loin, retourner au code pour cette
partie. C'est une suggestion que je fais.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: La question que M. Blank vient de soulever... J'avais
des questions concernant le recours collectif pour blessures corporelles. Ce
n'est pas tout à fait défini, parce qu'il est difficile à
un juge d'accorder un montant s'il n'y a pas d'examen. C'est impossible, il
faut absolument... C'est pour ça que je me demande si le recours
collectif peut s'appliquer aux blessures corporelles.
M. Marois: Nous, on pensait que oui, en tenant compte de deux
étapes à franchir, comme l'a évoqué le
député tout à l'heure. D'une part, est-ce que oui ou non,
il y a une responsabilité prouvée? C'est une première
chose. Dans un deuxième temps, pour déterminer les
réclamations ou les compensations individuelles, permettre
forcément les interrogatoires, les expertises et le reste, parce que
c'est la seule façon d'y arriver.
M. Blank: II y a une situation qui arrive depuis le 1er mars,
avec la loi 67. Le montant serait déjà fixé, si c'est un
accident d'automobile, si le dommage est causé par une automobile,
même un vice caché, lorsque l'automobile est en mouvement. A ce
moment, le montant sera fixé par la Régie de l'assurance
automobile. Peut-être qu'on peut faire une corrélation entre ces
lois et les décisions de cette régie. Le juge, s'il y a des
blessures corporelles à cause d'un accident d'automobile, prend le
jugement de la Régie de l'assurance automobile et cela va régler
beaucoup de cas.
Mme Duval-Hesler: Pas celui de GM. M. Blank: C'est
possible.
Le Président (M. Marcoux): Vous avez terminé? Je
vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission, et surtout
d'être revenus après le dîner.
M. Comtois: Merci.
Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant les
membres de l'Association pour la protection des automobilistes à venir
nous présenter leur mémoire. M. Edmonston, je vous inviterais
à présenter vos collègues, de même que votre
mémoire. (20 h 35)
Association pour la protection des
automobilistes
M. Edmonston (Philippe): Merci, M. le Président.
J'aimerais bien vous présenter mes confrères. A ma gauche, Me
Gilles Charlebois, qui est le conseiller juridique de l'APA dans la
région de Ottawa-Hull, l'Outaouais, et Me David Appel, qui est
conseiller juridique de l'APA et membre du Conseil de la protection du
consommateur, un conseil consultatif; à ma droite, Me Jacques
Cas-tonguay, qui est vice-président de l'APA et aussi conseiller
juridique de l'association; à ma droite aussi, Jeff... Est-ce qu'il est
ici? D'accord, il s'en vient.
M. Turgeon: Je suis ici.
M. Edmonston: Attends ton tour.
Et M. Jeff Richstone, qui s'en vient, c'est un avocat également.
Il a préparé la deuxième section du mémoire
concernant les critiques de la loi et les amendements que nous aimerions bien
voir apporter à ce projet de loi.
Avant de parler du mémoire qu'on vous a présenté,
j'aimerais bien demander au président de la commission s'il serait
possible, étant donné que nous ne lirons pas le mémoire,
parce qu'il est déjà assez tard... Si vous ne savez pas lire,
franchement...
Le Président (M. Marcoux): Un moment! On est prêt
à bien des choses quand les gens ne veu-
lent pas lire leur mémoire, on est même prêt à
le verser au journal des Débats, intégralement.
M. Edmonston: D'accord, formidable! Mais nous avons une demande,
quand même...
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Edmonston: ... avec le consentement peut-être de la
commission...
Le Président (M. Marcoux): C'est fait.
M. Edmonston: ... celle d'attacher notre annexe au journal des
Débats. On n'a pas pu reproduire l'annexe. Il y a beaucoup de
jurisprudence là-dedans. Le mémoire que vous avez reçu est
sans annexe. Notre mémoire traite de jugements américains,
canadiens. Il y a surtout beaucoup de jugements de la Cour des petites
créances, au Québec. Nous aimerions soumettre cette annexe au
président pour qu'elle soit reproduite au journal des Débats.
Le Président (M. Marcoux): L'aviez-vous fait parvenir en
même temps que votre mémoire, l'annexe?
M. Edmonston: Une copie, oui, je crois, mais je ne sais pas si
vous l'avez. Pouvons-nous vous présenter l'annexe maintenant?
Le Président (M. Marcoux): Oui, c'est possible.
M. Edmonston: Ici, c'est le mémoire complet avec 150 pages
en annexe. Cela va? On va le publier tout à l'heure.
Le Président (M. Marcoux): Pour l'annexe, je vais prendre
quelques secondes. Est-ce que les membres de la commission jugent à
propos que l'annexe de 150 pages soit également versée au journal
des Débats?
M. Edmonston: Je peux vous dire que ces jugements sont d'une
extrême importance.
Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous attendre quelques
secondes?
M. Edmonston: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): Si j'ai bien compris, les
membres de la commission seraient d'accord pour qu'on photocopie l'annexe pour
tous les membres de la commission. Vous savez certainement que cela
entraîne d'immenses frais de publication. Le mémoire sera
versé intégralement au journal des Débats et l'annexe sera
distribuée à tous les membres de la commission. (Voir annexe
B).
M. Edmonston: D'accord, merci. Avant de parler du projet de loi
39, il va falloir parler un peu du contexte dans lequel les consommateurs se
trouvent quotidiennement, aujourd'hui, au Québec, sans le recours
collectif. Je peux vous dire que cela fait environ dix ans que je viens devant
la commission parlementaire. Les figures y changent, les ministres y changent
et, plus cela change...
M. Marois: Cela arrive, occasionnellement.
M. Edmonston: ... plus cela se ressemble beaucoup. Je ne veux pas
faire de commentaires là-dessus, mais...
M. Blank: J'ai été un de vos électeurs.
M. Edmonston: ... je veux vous dire qu'on a étudié
beaucoup de lois pour la protection du consommateur.
On a commencé avec M. Paul, on a continué avec M. Tetley,
puis avec Mme Bacon, et maintenant avec Mme Payette. Selon nous, à
l'APA, c'est un projet de loi d'une importance primordiale. A mon avis, c'est
probablement le projet de loi le plus important pour les consommateurs qu'on
n'a jamais eu au Québec. Pour faire une telle déclaration
à une telle plaidoirie, il faut un bon avocat; je ne suis pas avocat,
mais je suis entouré de quatre avocats. Il faut que je vous explique
pourquoi on a tellement besoin du recours collectif proposé par le
gouvernement.
En parlant de General Motors, sans confondre avec Généreux
Motors, nous allons vous donner un exemple qui est arrivé
récemment. Il y a un coroner qui s'appelle Armand Mathieu, dans un petit
village, Saint-Joseph de Beauce, je crois; il a été obligé
de faire une enquête sur le décès de M. Laurent Duval
aucune parenté avec Jacques Duval. M. Duval est
décédé, calciné, tué à la suite d'un
incendie provoqué selon le coroner, après avoir
envoyé le convertisseur catalytique à l'Institut
médico-légal de Montréal par le mauvais
fonctionnement, la défaillance du convertisseur catalytique.
Le coroner a recommandé que la voiture avec convertisseur
catalytique ne soit plus vendue aux policiers, aux gens qui ont besoin de faire
beaucoup de vitesse ou qui doivent stationner au ralenti assez souvent.
Il a dit que même la compagnie General Motors avait avoué
le fait que et c'est une chose bizarre si vous avez une voiture
General Motors équipée d'un convertisseur catalytique et
depuis 1975, les voitures GM ont toutes ce convertisseur catalytique si
votre voiture n'est pas parfaitement au point, cela peut provoquer la
surchauffe du tuyau d'échappement et le feu. Nous avons reçu une
centaine de plaintes de feu, d'incendies causés par le convertisseur
catalytique.
Selon le rapport du coroner de Saint-Joseph de Beauce, la mort de M.
Duval a été causée par le convertisseur catalytique de
General Motors. N'oubliez pas qu'il y a un million de voitures
équipées de ce convertisseur catalytique maintenant. General
Motors a affiché un avertissement à tous les propriétaires
de voitures GM au Québec pour
qu'ils ne laissent pas tourner leurs voitures au ralenti parce que cela
peut provoquer des incendies.
Cette étiquette, cette affiche était unilingue anglaise.
Je peux vous dire aujourd'hui que si on avait eu le pouvoir des "class action",
les gens comme M. Duval ou les autres qui ont rapporté à l'APA
que le tapis avait brûlé ou qui se sont échappés
à temps avant que la voiture ne soit toute brûlée...
Vous savez peut-être que, si on avait eu le recours collectif
à cette époque, on aurait pu obliger la compagnie General Motors
à améliorer le convertisseur catalytique ou à changer le
système complètement. Quand on parle de recours collectif, on ne
parle pas seulement de l'argent. On parle de l'assainissement du marché,
de l'équilibre entre les consommateurs et le commerçant. Nous
considérons que ce projet de loi est d'une importance primordiale; il
est plus important, à mon avis, que tous les autres projets de loi:
projet de loi 45 et Loi sur la protection du consommateur, et j'en passe.
Il faut qu'on se situe dans le contexte dans lequel nous avons
travaillé depuis dix ans. C'est pénible d'être
obligé de dire aux gens qu'il n'existe aucun outil pour leur permettre
de recouvrer leur argent.
Je vais vous donner deux autres exemples. Dans la cause de Briseur
versus Bonaventure c'est un cas bien connu à Hull un
vendeur de voitures et de camions a vendu à un camionneur en vrac un
camion et a utilisé un contrat en anglais seulement. Le gars
était un camionneur et il a acheté son camion sans vraiment lire
le contrat. C'était même en violation avec la loi 45, les
amendements à la loi 45 concernant la langue de contrat et, par le fait
même, à la loi sur la langue au Québec. Mais, à
cette époque, le camionneur a réussi à obtenir la
résiliation du contrat parce qu'il était rédigé en
anglais, parce qu'il était en anglais; c'est assez
intéressant.
S'il y avait d'autres consommateurs qui voulaient revendiquer les
mêmes droits ou qui voulaient contester un contrat, ils auraient besoin
d'un recours collectif. Si chacun plaidait individuellement la même
cause, payant son avocat peut-être de $500 à $1500, ces gens
attendraient trois ans en Cour supérieure. C'est pas drôle.
Un des effets du recours collectif, ce n'est pas seulement une question
financière. On peut obliger les compagnies à fabriquer des
voitures plus sécuritaires et, en même temps, être en
conformité avec la loi actuelle concernant la langue, la
sécurité, etc. Et on va pouvoir équilibrer la situation
entre le commerçant et les consommateurs.
Je vais vous donner un autre exemple du contexte dans lequel nous avons
été obligés de travailler. A Montréal, un
entrepreneur a vendu des milliers et des milliers d'antennes magiques. Tu
installes cela sur ton téléviseur et tu captes tous les postes du
Québec; c'est formidable, c'est de la magie.
M. Blank: ...
M. Edmonston: Tous les postes. Mais le pro- blème, c'est
que cela ne fonctionnait pas; c'était une fraude gigantesque et la
compagnie a écopé d'une amende de $300. C'étaient nos
chers amis, relativement à la loi fédérale sur la
coalition. C'est une poursuite criminelle. Le gars a perdu la poursuite, il a
reconnu que cela ne fonctionnait pas: Oui, j'ai fraudé le monde. Il a
perdu $300. Comme le ministre Marois a dit: $300, c'est presque suffisant pour
acheter un permis pour fonctionner et frauder le public.
Sans le recours collectif, il aurait été plus facile pour
les compagnies de frauder un million de consommateurs de $1 plutôt que de
frauder un consommateur de $1 million. C'est ce qui se passe. (20 h 50)
Je vais vous donner un exemple de l'actualité d'aujourd'hui
même concernant le conflit General Motors...
M. Marois: Ce sera quand même enregistré au journal
des Débats, qui est un document public.
M. Edmonston: General Motors, aux Etats-Unis, a vendu beaucoup de
voitures, beaucoup d'Oldsmobile avec des moteurs Chevrolet; des Cadillac avec
des moteurs Oldsmobile; des Pon-tiac avec des moteurs Buick, des Buick-Pontiac.
General Motors a fait cela sans avertir le public. Je sais que, en vertu du
Code civil et de l'article 1065 de la loi, on peut se plaindre du fait que le
bien ne respecte pas le contrat, mais, quand même, aux Etats-Unis, la
compagnie General Motors vient de régler cela. La compagnie GM
parce qu'on a eu le "class action " aux Etats-Unis, pas entendu par les
tribunaux, juste le "class action " institué par les solliciteurs
généraux des Etats américains... 45 sur 50 des Etats ont
fait des poursuites contre GM pour ces moteurs Chevrolet dans des voitures
Oldsmobile. On appelle cela des Chevymobiles, elles ne sont ni Chevrolet ni
Oldsmobile.
Quel a été le règlement de GM? Cela a
été de donner $200 à chaque propriétaire et de
prolonger la garantie à trois ans sur les moteurs.
Au Québec, il y a approximativement 3000 propriétaires de
Chevymobiles; au Canada, environ 10 000. Quelle est l'offre de GM au Canada, au
Québec? C'est rien. Elle prétend qu'une voiture GM, Chevrolet,
Oldsmobile, etc., ne fait aucune différence et que le règlement
aux Etats-Unis, pour les voitures fabriquées au Canada, exportées
aux Etats-Unis, n'affecte pas la compagnie ici, que GM aux Etats-Unis et GM au
Canada sont deux compagnies bien séparées. Comprenez-vous? Sans
outils, on rit de vous, sans recours collectif, sans le muscle pour faire
quelque chose, on ne vous reconnaît même pas.
Je peux vous parler du projet "Maison Talbot". Je crois que M. le
ministre est beaucoup plus au courant que moi. Je peux vous parler de
vibrations; vous savez, les hippies parlent de mauvaises vibrations, de
mauvaises "rides", mais, moi, je vais vous parler des mauvaises vibrations de
Chrysler, ce dont le ministre Marois est aussi au courant. Les Cordoba, des
voitures de luxe de Chrysler, vous donnent des vibrations gratuitement tout
le
long de la route. Vous allez me dire qu'avec ces vibrations gratuites !e
consommateur va être heureux, mais c'est bien le contraire. Vous me direz
qu'il peut poursuivre devant les tribunaux pour manque de jouissance.
Franchement, avec les Cordoba, on est obligé de réunir les
gens... Les gens qui ont dépensé $7000 ou $8000 pour ces voitures
sont vraiment en maudit. Après un an ou un an et demi, avec les avocats
de l'étude Canuel Quidoz, on a finalement eu un règlement avec
Chrysler; le règlement a seulement été de payer pour
certaines réparations, mais de reprendre le véhicule et de le
guérir de ses problèmes de vibrations excessives.
Avec le "class action", je suis certain qu'on aurait pu arranger cela
tout de suite. Pendant un an et demi, le bureau de l'APA a été
inondé de ces plaintes. On a été obligé de faire
beaucoup de travail et on n'était pas capable de faire d'autres travaux
parce que nous étions inondés de plaintes sur les Cordoba. On ne
pouvait pas aller à la Cour des petites créances parce que cela
coûtait trop cher et à la Cour provinciale, cela prend pas mal de
temps et cela coûte assez cher aussi. La Cour supérieure?
Oubliez-là; trois ans et vous pouvez perdre assez facilement.
Je peux vous parler d'un cas, dans l'annexe, le "rédactage"
vous allez voir cela dans l'annexe quand elle sera polycopiée...
"Rédactage", c'est un mot bien à moi; cela veut dire, en bon
français, je crois, l'actualisation de l'année d'une
automobile.
Mais qu'est-ce que cela veut dire, l'actualisation? Dans les
années 1970, 1971, 1972, vous vous souvenez de cela, vous n'étiez
peut-être pas au pouvoir, sauf pour M. Blank, on avait devant nous des
voitures qui ont été vendues... Toutes les voitures
importées, Ford, GM, Datsun, Toyota, Mazda, étaient des voitures
de la mauvaise année. Cela veut dire qu'en 1971 pour tous les
modèles 1971 qui restaient invendus, disons en septembre 1971, quand on
devait vendre les nouveaux modèles, les 1972, les compagnies envoyaient
une petite lettre à tous les concessionnaires et à notre cher Me
Ghislain Laflamme, du Bureau des véhicules automobiles. Cette lettre
disait: A partir d'aujourd'hui, en septembre, tous les véhicules 1971
qui restent invendus, on va les vendre comme étant des modèles
1972. On disait bien: Aujourd'hui, les 1971, au même prix que les 1972.
Ce n'étaient pas des voitures 1971, mais des voitures fabriquées
peut-être en décembre 1970, parce que cela est arrivé que,
pour les voitures 1971, on a commencé la fabrication en août ou
septembre. Donc cela a pu être une voiture fabriquée en août
1970 que vous avez achetée comme une voiture 1971 en août 1972,
pensant que vous pouviez acheter une bonne 1971 avant que les 1972 n'arrivent
sur le marché, donc une voiture presque âgée de deux ans,
au prix de 1972.
Nous avons lutté avec les outils que nous avions à ce
moment-là, et c'était la Cour des petites créances. Nous
avons intenté des poursuites devant 84 cours des petites créances
au Québec en utilisant les chroniques de Photo-Police, pour toucher une
certaine couche de la société, et cel- les du Devoir pour toucher
une autre couche de la société. Partout, nous avons atteint les
gens en disant: Allez à la Cour des petites créances ramasser vos
$300. On a commencé à gagner pas mal, beaucoup. Il semblait que
beaucoup de juges aient acheté des voitures importées. Ils
connaissaient un peu le problème. Après avoir gagné une
dizaine de causes, la première chose qui nous est arrivée, un
bref d'évocation. Mon Dieu! qu'est-ce que c'est, un bref
d'évocation? Le consommateur arrive encore à la Cour des petites
créances, il prend ses $10 et dit: Je veux la justice. Qu'est-ce que le
consommateur reçoit? Trois choses. Cela dépend quelle compagnie
est poursuivie. Si c'est Datsun, il peut recevoir une invitation à se
présenter devant la Cour supérieure pour entendre ce bref
d'évocation. La deuxième chose que le consommateur pouvait
recevoir, c'était une poursuite de Datsun ou de ses concessionnaires,
surtout de ses concessionnaires, une poursuite en libelle diffamatoire pour
avoir osé parler contre la compagnie Datsun dans une déclaration
devant la Cour des petites créances. David vient de m'avi-ser, c'est bon
des avocats parfois, ils ont des hypothèses souvent, ce sont
nécessairement les concessionnaires Datsun, car la compagnie Datsun a
prétendu qu'elle n'avait rien à y faire. Ce sont les
concessionnaires qui ont poursuivi les clients pour libelle, après avoir
recouru à la justice devant la Cour des petites créances.
D'accord. Mais on a eu, à un certain moment, presque 2000 cas devant la
Cour des petites créances; 2000 fois $300, c'est quelque chose cela.
C'est la justice. Depuis le bref d'évocation, on a gagné,
incidemment, devant le juge Deschênes, c'est dans votre annexe. A la
compagnie Datsun et à la compagnie Ford, parce que, pour la rouille
aussi, il s'est fait la même chose, les consommateurs ont commencé
à laisser tomber leur cause, parce que cela faisait quatre ans. Ils ne
sont plus propriétaires de la voiture. Ils ne veulent plus rien entendre
de leur ancienne voiture importée qu'ils ont achetée.
Aujourd'hui, vous savez où nous retrouvons l'APA? Devant la Cour
d'appel, pour un consommateur de Datsun, M. Pelletier de Longueuil, qui a
gagné sa cause, il y a quatre ans, pour $300 et, le 16 de ce mois-ci, la
semaine prochaine, c'est l'APA qui va être obligée de
témoigner devant la Cour d'appel.
Je sais que ça ira devant la Cour Suprême, un jour. C'est
le contexte actuel, même avec la Cour des petites créances... La
vente des voitures pour les mauvaises années, ce qu'ils n'osent pas
faire aux Etats-Unis d'ailleurs.
Une voiture dont je vais parler brièvement, la Firenza;
c'était un petit bijou de General Motors, c'était une voiture non
polluante. Elle ne polluait pas l'air parce qu'elle ne démarrait pas.
Cela, c'était une des meilleures idées de GM. On a intenté
une poursuite collective, un recours collectif dans les "common law provinces".
Jusqu'à présent, cela nous a coûté au-delà de
$10 000. Me Appel va vous expliquer ce qui est arrivé. Pour Ford, Me
Charlebois va vous expliquer ce que la Cour des petites créances a fait
dans le cas de Ford, et Me Jacques Castonguay va vous expliquer ce qu'un
consommateur peut faire devant la Cour
provinciale. Pas seulement la Cour provinciale, division des petites
créances, mais la Cour provinciale, avec toutes les règles de
preuves là-dedans, ce que ça fait pour un consommateur.
Je laisse tomber Firenza, parce que les autres vont en parler. Ford a eu
une "class action", un recours collectif; regardez aux Etats-Unis, vous avez
entendu parler du gars qui vient de gagner $128 millions. Il a
été brûlé, défiguré par une Ford Pinto
dont le réservoir d'essence a provoqué un incendie
épouvantable; ce n'est pas un recours collectif, ça, ce sont
seulement les dommages intérêts punitifs. C'est en Californie.
Cette semaine, j'ai lu dans les journaux américains qu'un groupe de
propriétaires de Pinto vient d'intenter une poursuite collective dans un
district judiciaire aux Etats-Unis pour obliger la compagnie Ford à
rappeler ses véhicules pour réparer les réservoirs
d'essence. Ils ne demandent même pas de compensation monétaire,
ils demandent que Ford répare les défauts qui peuvent
coûter pas mal cher aux gens, à cause des blessures; ils peuvent
être horriblement défigurés.
Alors, quand on parle de recours collectif, on ne parle pas seulement
d'argent, comme je viens de vous le dire, mais aussi d'une façon
d'orienter la compagnie à faire des bonnes choses, à être
responsable envers la collectivité qu'elle sert.
En parlant de l'appel aux Etats-Unis, je peux vous dire
brièvement, parce que je sais que le temps file, je ne veux pas
vous...
Le Président (M. Marcoux): Normalement, pour la
présentation des mémoires, on accorde une vingtaine de minutes
pour permettre ensuite le dialogue avec les membres de la commission. Vous avez
déjà une bonne vingtaine de minutes de prises, si vous pouvez
résumer l'essentiel du reste de votre présentation, pour que le
dialogue s'engage le plus rapidement possible.
M. Edmonston: Je viens de vous résumer l'essentiel, mais
je vais essayer de résumer le résumé.
En parlant de rappel d'un véhicule automobile, il existe une loi
fédérale sur les véhicules non sécuritaires. Cette
loi ne vaut rien, vous me comprenez, ça ne vaut rien pour la
sécurité des gens. La loi canadienne sur la
sécurité des véhicules automobiles, ça ne marche
pas. Par exemple, la compagnie Chrysler avec la Volaré Aspen qui
étouffe à chaque coin de rue. Tu comprends ça, oui. Le
problème avec ça, c'est que la compagnie Chrysler aux Etats-Unis
vient d'annoncer, le 20 décembre, qu'elle a rappelé les voitures,
à la suite d'une demande du gouvernement américain, à la
suite de pressions de l'APA, de Nader, des autres personnes qui ont
envoyé des lettres de plaintes aux Etats-Unis et à Ottawa. Aux
Etats-Unis, ce sont 1,3 million de voitures que la compagnie va rappeler
gratuitement, elle va réparer ce problème d'étouffement de
moteur.
Au Canada, ça va faire trois mois, ils n'ont rien fait. Chrysler
dit; Non, non, ça, c'est pour les Américains, ça ne touche
pas les Canadiens. Les voitures sont fabriquées ici à Windsor, au
Canada. Elles sont envoyées aux Etats-Unis, mais les Américains
sont mieux protégés que nous. (21 h 5)
Ce n'est pas juste. Nous, les bons caves, nous allons payer pour des
mises au point complètement inutiles, pour guérir ces
problèmes. Les mises au point que les concessionnaires nous font payer
presque tous les jours ne valent rien parce que les pièces
d'automobiles, les pièces correctives, n'existent pas ici. Ils n'ont
même pas les pièces correctives en stock.
Une dernière chose concernant le rappel, avec le recours
collectif, on pourra faire un rappel, dans le sens d'obliger les compagnies
à être responsables des défauts. Qui peut oublier la
voiture Kamikaze, de Datsun, la Datsun 240Z? C'est une voiture qui peut faire
de 0 à 60 MPH en six ou sept secondes, mais de 60 à 0 MPH en une
couple d'heures. Il y a une différence.
L'APA a tout essayé. Nous sommes allés devant la Cour des
petites créances, cela n'a pas marché. Nous avons même
tenté une injonction, nous avons passé devant le juge
Amédée Monet et cela n'a pas marché. Savez-vous pourquoi
on ne peut pas obtenir une injonction d'un jugement de M. Monet, qui est devant
la Cour d'appel présentement, et qui est un excellent juge? Etant
donné que l'APA n'était pas propriétaire d'une Datsun
240Z, on ne peut pas intenter une poursuite pour demander une injonction. Mon
Dieu! quand arrivera le temps où je serai obligé d'acheter une
maudite voiture Volaré Aspen ou une General Motors pour faire une
poursuite, c'est franchement un peu trop demander. On a perdu la cause, parce
qu'on n'était pas propriétaire de ce véhicule, nous,
l'association.
On ne peut pas oublier que General Motors dit, dans son mémoire,
qu'il faut faire bien attention, aux groupes de protection de consommateurs,
aux associations vouées à la protection des droits du
consommateur. Il faut faire attention à ne pas donner trop de pouvoirs
à ces gens. Quels pouvoirs? Dans le passé, ils n'en ont eu
presque aucun, sauf pour la publicité, sauf pour les conférences
de presse, sauf pour la Cour des petites créances.
Le recours collectif va nous donner un outil une fois pour toutes.
J'espère qu'il va nous le donner. Je ne sais pas ce qui va arriver entre
aujourd'hui et le moment où cela sera adopté par la
Législature, mais je peux vous dire que, comme tel, cela va nous donner
un outil vraiment primordial pour assurer une véritable protection au
consommateur au Québec, un outil que le consommateur peut prendre dans
ses mains. C'est la meilleure chose à faire. Donnez votre cause à
un avocat ou donnez votre cause à quelqu'un qui travaille pour l'Office
de la protection du consommateur, je parle dans le passé, ou à un
bureaucrate d'Ottawa, vous ne pouvez plus voir votre cause, vous ne participez
plus à votre affaire. Selon nos études, les gens ont
été beaucoup plus attirés par la Cour des petites
créances où ils peuvent plaider l'affaire, voir ce qui se passe,
engueuler le juge et tout cela. Les gens aiment cela. La
Cour des petites créances démocratise un peu la justice.
Les gens sont capables d'intenter des poursuites avec des groupes de protection
de consommateurs.
La compagnie GM dit qu'il faut faire bien attention aux groupes de
protection du consommateur je parle de ce qui était dans son
mémoire, elle n'en a pas parlé ouvertement ce soir, je ne crois
pas oui, il faut faire attention, parce que c'est peut-être le
seul endroit où le consommateur, aujourd'hui, peut faire valoir ses
droits.
Avant de continuer, je veux juste demander, comme pour les poursuites,
pour le recours collectif, étant donné que General Motors n'est
plus ici, qui peut oublier la fameuse Vega dégât, l'Astre
désastre, de GM. Franchement, avec les moteurs
biodégradables...
C'est évident, vous avez des belles-soeurs, des
belles-mères, des femmes ou des cousins qui, sûrement, ont une de
ces petites bestioles, de ces bêtes. On a un besoin criant du recours
collectif. J'approuve le principe de la Loi sur le recours collectif. Je trouve
que cela répond bien à l'actualité d'aujourd'hui. On a
besoin de cela. Avec cela, je termine et je laisse le mot à Me David
Appel.
M. Appel (David): Je m'excuse, mais est-ce que vous avez dit que
vous vouliez qu'on termine à une certaine...
Le Président (M. Marcoux): La période de vingt
minutes n'est pas absolument impérative, mais, de toute façon,
pour permettre le plus de questions possible... Je ne sais pas si, en quatre ou
cinq minutes, vous pourriez insister sur quelques points du projet de loi 39
que vous voudriez voir améliorés ou modifiés, pour que
s'engage... Tous les membres de la commission ont eu votre mémoire
depuis quelques jours déjà. Ils peuvent en prendre connaissance
et, à ce moment-là, ils sont prêts à passer à
une période de questions et d'échanges.
M. Appel: Peut-être qu'on pourrait soulever seulement
certains points. Sans entrer dans les détails, il y a certains points du
côté technique qui pourraient peut-être aider la
commission.
M. Marois: M. le Président, pourrais-je me permettre de
faire la suggestion suivante, parce qu'il est 21 h 10, déjà?
Une Voix: C'est cela.
M. Marois: A 22 heures, la commission doit suspendre ses travaux.
Je pense bien que les membres ont déjà pris connaissance de votre
mémoire ainsi que des recommandations très particulières
que vous formulez. On aurait des questions à vous poser sur un certain
nombre de vos recommandations. Si c'était possible de commencer...
Une Voix: A la fin.
M. Marois: ... les questions le plus vite possible, quitte
à ce que, si, à votre point de vue...
Le Président (M. Marcoux): S'il y a des points qui n'ont
pas été abordés, vous pourriez les aborder à la
fin...
M. Marois: ... si on était d'accord, s'il y avait des
points qu'on n'aurait pas touchés dans nos questions et qui vous
semblent absolument importants... Peut-être que, si on était tous
d'accord, on pourrait vous permettre, à la fin, de prendre un peu de
temps...
M. Cordeau: Oui.
M. Marois: ... pour attirer notre attention sur des points qui
vous paraissent importants et qu'on aurait négligé d'aborder.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que cela vous convient
comme cela?
M. Edmonston: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Blank: Tous les partis politiques ici sont d'accord sur la
nécessité de ce bill, pas besoin de nous convaincre sur cela.
C'est la question de nous convaincre que le bill ne va pas assez loin ou va
trop loin, c'est cela qu'on veut savoir.
M. Edmonston: D'accord.
M. Blank: Tout le monde accepte le principe du bill, mais on veut
savoir les questions de détail.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Edmonston: Je veux répondre à la question...
Le Président (M. Marcoux): Non. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier l'Association pour la protection des automobilistes de son
mémoire. Je pense que... Je ne m'étendrai pas longuement, M.
Edmonston a déjà largement rappelé le travail que l'APA a
fait. Je pense que votre témoignage est important pour notre commission
parlementaire, parce que, forcément, vous êtes parmi ces groupes
qui ont eu les deux pieds dans le béion, les deux pieds dans le concret,
pris avec les problèmes quotidiens des consommateurs dans un domaine
extrêmement important qui est celui de l'automobile. Votre
témoignage est intéressant, parce que, par extension,
forcément, un bon nombre des choses que vous avez à nous dire
s'appliquent aussi à l'ensemble du marché, comme on dit, de la
consommation, dans une société comme la nôtre qui est
devenue une société de
production de masse et aussi, en conséquence, une
société de consommation de masse.
Vous avez noté, au point de départ, que l'APA était
venue souvent devant les commissions parlementaires. Je pense que, dans la
foulée de ce que le député vient d'indiquer, vous devez
savoir que les parlementaires qui sont ici, tous d'ailleurs, je pense bien,
sans exception, partagent cette idée qu'il est maintenant temps que le
recours collectif soit introduit dans notre droit et qu'il est temps
qu'à cette session-ci, une loi du genre soit adoptée pour que
cette procédure se retrouve dans notre droit, dans les meilleurs
délais, pour que ce soit un instrument qui contribue à
rétablir un équilibre, pour que ce soit fait avec le plus de
justice possible, d'ailleurs, pour l'ensemble des parties et que cela permette,
pour reprendre l'expression qu'utilisait le bâtonnier quand il est venu
devant nous, de pousser c'était son expression, d'ailleurs et je
pense que cela traduit passablement bien l'objectif du projet de loi
dans l'application concrète, jusqu'à la fine pointe, la notion de
responsabilité en droit, et que cela puisse se traduire par quelque
chose de concret pour les citoyens qui auront des droits à faire
valoir.
Donc, j'espère que l'APA aura l'occasion de revenir devant des
commissions parlementaires et reviendra devant des commissions parlementaires,
mais sur un autre sujet que sur le recours collectif, puisque tous ensemble,
c'est notre volonté d'essayer d'y arriver, dans les meilleurs
délais. Ceci étant dit, vous me permettrez quelques très
brefs commentaires et un certain nombre de questions sur des points très
précis de votre mémoire. Je voudrais vous indiquer, de toute
façon, que si on n'a pas le temps d'aborder toutes et chacune des
questions que vous soulevez comme c'est le cas aussi pour tous les
mémoires qui nous ont été présentés
soyez assurés qu'on va examiner à la loupe et étudier
très attentivement toutes et chacune des recommandations qui sont
contenues dans votre mémoire.
Si je ne me trompe pas, à la lecture de votre mémoire,
vous rappelez un cas c'est dans votre mémoire ou ailleurs que je
l'ai pris, mais enfin, peu importe, cela revient au même, parce que c'est
une donnée de fait en Ontario, il n'y a pas si longtemps, Ford,
suite à un recours collectif, a dû payer $2,7 millions à
environ 8900 propriétaires, suite à des problèmes de
rouille. Je pense que c'est effectivement évoqué dans votre
mémoire, si ma mémoire est bonne... Ou ailleurs. Au
Québec, comme on n'a pas le recours collectif et je pense que
vous aviez raison d'insister sur le fait qu'il n'y a pas qu'une seule dimension
économique à l'introduction du recours collectif est-ce
qu'on ne se trouve pas, en fait, dans une situation de complet
déséquilibre? A la frontière même des provinces, si
je mets les pieds d'un côté de la rivière, j'aurais le
droit, étant un propriétaire de Ford, de participer à un
recours comme celui-là, mais si j'ai les pieds de l'autre
côté de la rivière, au Québec, je ne pourrais pas y
participer, de telle sorte qu'il y a là une forme de
déséquilibre que je cherche à combler et à
rétablir par l'introduction du recours collectif. Egalement, vous y avez
fait allusion, cela a été évoqué assez longuement,
à plusieurs reprises, dans nos travaux. Il est certain que c'est aussi
introduire ce que j'appelais, dans le sens de prévention, dans le sens
d'un nettoyage du marché et dans certains cas, et Dieu merci,
c'est loin d'être le cas de toutes les entreprises, loin de là
nettoyage de tous les cas de "fly by night" et autres collègues
du genre, qui sont de mauvais citoyens, dans certains cas, de mauvais citoyens,
ou personnes morales. Ceci étant dit, la première question que je
voulais vous poser, c'est la suivante: Vous proposez que le recours collectif
puisse être accessible à une classe de défendeurs.
Vraiment, j'avoue que c'est la première fois qu'on soulève cet
aspect devant nous. Je sais bien ce que vous avez en tête. Je pense que
je comprends très bien. Cela pourrait être, par exemple, de
poursuivre un groupe de marchands ou la classe de marchands d'automobiles, au
nom de tous les acheteurs d'automobiles. En toute équité, cela
pourrait aussi vouloir dire que tous les acheteurs d'automobiles pourraient
être poursuivis par la classe des marchands d'automobiles. Est-ce que
vous vous sentiriez aussi à l'aise pour défendre une idée
comme celle-là, pour la rendre accessible à une classe de
défendeurs?
M. Edmonston: Non.
M. Marois: C'est ma première question. Si vous permettez,
je vais vous les débouler pour permettre aux autres après de
pouvoir passer.
M. Edmonston: Cela va être difficile, parce que
déjà, on a quatre ou cinq individus ici pour répondre
à vos questions. J'aimerais bien, pour ces questions, que l'avocat qui
est prêt, réponde brièvement tout de suite, si cela ne vous
fait rien.
Le Président (M. Marcoux): Disons qu'on est habitué
à fonctionner...
M. Marois: D'accord. Je préférerais vous donner
l'ensemble des questions, et après, je vais vous laisser
complètement le champ libre, pour ensuite permettre à mes
collègues... C'est parce que je ne veux pas monopoliser le temps du
dialogue entre nous.
M. Edmonston: D'accord.
M. Marois: Je sais que mes collègues à cette table
ont aussi des questions ou des remarques à formuler. C'est ma
première question. Vous proposez également que le rejet, le
règlement, ou le désistement, concernant le recours collectif
soient traités rigoureusement et soumis à des modalités,
par exemple, publication des raisons. Là-dessus, j'aimerais que vous
expliquiez un peu plus les raisons qui vous amènent à formuler
cette recommandation. A la lumière de cela, je pourrai vous dire
si j'ai bien saisi qu'il vaudrait la peine d'examiner de très
près cette question. (21 h 20)
M. Edmonston: Votre deuxième question, quelle
est-elle?
NI. Marois: Vous proposez dans votre mémoire que le rejet,
le règlement ou le désistement concernant le recours collectif
soit traité rigoureusement et soumis à des formalités. Un
exemple que vous en donnez, c'est la publication des raisons. J'aimerais que
vous me donniez plus de détails sur les raisons qui vous amènent
à formuler cela. Si j'ai bien compris, si c'est vraiment le sens strict
de ce que je viens de citer, je pense que cela mérite réflexion;
je pense que cela mériterait qu'on s'y arrête très
sérieusement.
Egalement, en ce qui concerne le Fonds d'aide aux recours collectifs,
l'article 22, vous recommandez qu'on ajoute à l'article 22 un
critère, celui de l'intérêt social. J'aimerais que vous
nous indiquiez quelles sont les raisons qui vous amènent à nous
recommander d'ajouter ce critère d'intérêt social dans les
critères de l'article 22.
Maintenant, vous soulevez aussi un problème ce n'est pas
une question que je vous pose, mais je le note au passage en ce qui a
trait aux articles 31 et 32 du projet de loi. Concernant le fonds d'aide, vous
nous recommandez de prévoir la continuation de l'aide auprès d'un
nouveau représentant, dans le cas où un représentant est
substitué à un autre, lorsque le représentant original
perd son droit à l'aide et doit rembourser le fonds. Je vous dirai tout
de suite que cela mérite réflexion et on va le regarder de
très près.
Voilà, M. le Président, pour l'instant, mes commentaires,
remarques et questions.
M. Edmonston: Je vous inviterais à écouter les
commentaires de Me Charlebois concernant la question que vous avez
soulevée au sujet des gens qui ont reçu en Ontario les $2,7
millions pour la Ford rouillée, vu l'équilibre de l'Ontario et
des marchands du Québec.
M. Charlebois: M. le Président, je veux tout simplement
apporter une précision à ce que M. le ministre a dit. Depuis le
prononcé du jugement dont parle M. le ministre, il y a eu en Ontario une
autre décision du "Divisional Court of the High Court of Justice", qui
est le palier de la Cour suprême d'Ontario, qui n'est inférieure
de la Cour d'appel que d'un palier; donc, dans les paliers de justice
d'Ontario, le "Divisional Court" ne serait inférieur de la Cour d'appel
que d'un palier. La décision du "Divisional Court" dans Naken contre
General Motors a été rendue le 13 octobre 1977. Malheureusement
cette décision semble porter un coup presque mortel au recours collectif
en Ontario. Nous espérons que cette décision sera portée
devant la Cour d'appel d'Ontario. Mais, depuis le 13 octobre 1977, la
décision de la Cour dans la cause Naken contre General Motors
représente le mot définitif sur le recours collectif en Ontario.
Je peux faire très rapidement le lien entre Naken et les articles 1003
et 1028 du projet de loi que vous étudiez présentement. J'ai ici
les raisons du jugement dans la cause Naken et je vais vous le résumer
rapidement.
Naken faisait affaires avec les voitures Fi-renza, dont M. Edmonston
vous parlait. C'est vrai qu'elles ne démarraient pas souvent, mais quand
elles démarraient, elles avaient d'autres problèmes; c'est pour
cette raison que l'action a été portée. Une action a
été portée par quatre personnes, y compris M. Naken, de
façon collective, pour tous les acheteurs de la voiture Firenza. On se
plaignait que les défectuosités de la voiture étaient
d'ordre fondamental.
On a demandé des dommages-intérêts pour la perte de
valeur de la voiture, étant donné que, au bout d'une
période de temps très courte, la voiture se
dépréciait vraiment de façon très très
lourde.
General Motors a tenté de faire rejeter l'action par le tribunal.
En première instance, General Motors a perdu, l'action a
été maintenue; General Motors est allée en appel devant le
Divisional Court, et le Divisional Court a donné raison à General
Motors. Les raisons de la cour étaient les suivantes: la cour a
décidé qu'un recours collectif pouvait être permis lorsque
la requête était commune à tous les membres. C'est
fondamental, c'est reflété dans votre article 1003. Là
où il y a problème, c'est dans la définition qu'a
apportée le tribunal à ce que constituait un intérêt
commun. Etant donné que cela avait rapport à des voitures,
à un manufacturier, un fabricant, la cour a décidé qu'il
faudrait que chaque membre de la classe puisse démontrer qu'il faisait
partie du même contrat avec le fabricant. La cour a aussi
décidé que ce ne serait pas suffisant de démontrer que
chaque acheteur s'était fié aux annonces publicitaires du
fabricant; il faudrait plutôt que l'on puisse convaincre le tribunal
probablement en amenant devant le tribunal chaque acheteur de voiture, qui
jurerait, qui démontrerait au tribunal que l'acheteur s'était en
fait fié aux annonces publicitaires, aux réclames publicitaires
du fabricant pour acheter la voiture et que c'est cela qui donnait lieu
au contrat. Etant donné que M. Naken et les quatre autres membres de la
classe n'ont pas su démontrer cela pouvez-vous concevoir la cour
avec 4000 ou 5000 propriétaires de Firenza la cour a
refusé de continuer d'entendre cette action.
La deuxième raison pour laquelle la cour a refusé
d'entendre la requête avait trait aux dommages-intérêts. Le
tribunal, en Ontario, a décidé qu'un tel recours collectif
pourrait seulement avoir du succès contre un fonds commun ou pour des
dommages-intérêts subis par chaque membre de la classe en
général. Là, Don Naken et chaque membre du groupe
demandaient un montant de dommages-intérêts pour soi-même,
individuellement, la cour a décidé que cela n'était pas
acceptable. M. Naken représente donc en ce moment, en Ontario, le mot de
la fin. Je pense que cette lacune, le projet de loi, à l'article 1028,
semble la combler en mentionnant que le tribunal peut, s'il condamne à
des dommages-intérêts, ordonner que les réclamations des
membres soient recouvrées collectivement ou fassent l'objet de
réclamations individuelles. Ici, dans votre projet de loi, à
l'article 1028, vous comblez l'une des lacunes qu'il y a en Ontario. Tout ce
que je peux suggérer, c'est que peut-être un amendement pourrait
être apporté au projet de loi afin que la définition d'un
intérêt commun ne puisse être l'objet d'une inter-
prétation du tribunal aussi restreinte qu'elle l'est actuellement
en Ontario. Je pense que c'est...
M. Marois: Si vous le permettez, c'est en particulier en se
basant sur des cas comme ceux-là, quand il y a la notion
d'intérêt commun, qu'on retrouve en général comme
critère dans la plupart des procédures de "class action", qu'on a
préféré utiliser ce qui correspond d'ailleurs mieux
à l'économie générale de notre droit, d'une part,
mais sur la base de ces expériences des formules comme: "Les
recours des membres doivent soulever des questions de droit ou de fait
identiques, similaires ou connexes", ceci à cause de
l'expérience. Je vous remercie de vos commentaires.
Ce à quoi je faisais allusion, c'était à la page 14
de votre mémoire, au troisième paragraphe, où vous
évoquez: ... en Ontario où un recours collectif a
été intenté par les propriétaires de voitures Ford.
Après que cette affaire fut portée devant la cour, la compagnie
Ford consentit à payer hors cour des compensations de $2,7 millions
à 8900 propriétaires de Ford. Je dis que, chez nous, tant qu'on
n'aura pas au Québec un recours collectif, c'est extrêmement
difficile d'arriver à des résultats comme ceux-là. En
même temps, je vous remercie des commentaires. Vous avez profité
de cette occasion pour nous faire des commentaires sur, entre autres, les
critères et sur l'article 1028. Je pense qu'il était
intéressant pour nous de savoir qu'à votre point de vue, le
projet tel que libellé vient combler des lacunes que d'autres ont pu
trouver dans l'application de leurs règles de procédure de
recours collectif.
M. Charlebois: Je voudrais seulement ajouter un dernier mot, M.
le ministre. Ce ne serait pas la première fois, d'ailleurs, qu'un projet
de loi au Québec vient combler une lacune en Ontario. Vous l'avez fait
avec le régime...
M. Marois: En général, comme on arrive après
les autres, on essaie de se servir un peu de l'expérience des
autres.
M. Charlebois: Vous l'avez fait, d'ailleurs, avec le
régime d'aide juridique que j'ai eu la chance d'étudier et avec
lequel j'ai eu des expériences. Il n'y a pas à douter que le
régime d'aide juridique du Québec est supérieur à
celui de l'Ontario.
M. Marois: Je suis obligé de rendre à César
ce qui est à César. Quand vous dites nous, je comprends bien que
vous parlez du gouvernement, tout en majuscules.
M. Charlebois: Exactement. Vous avez encore une fois la chance de
régler des lacunes qui sont présentes en Ontario où le
tribunal, n'ayant pas un statut sur lequel se fonder, donne
l'interprétation qu'il veut aux lois. Ici, vous avez la chance et
j'espère que vous allez en profiter.
M. Edmonston: Pour votre question concer- nant le recours
collectif et le défendeur, il y a Me Jacques Castonguay qui va y
répondre.
M. Castonguay: Je ne veux pas être trop long sur le point.
Je me rends compte maintenant que la façon dont on a formulé
notre mémoire là-dessus n'était peut-être pas
très claire. Ce qu'on avait en tête en proposant cela,
c'était plutôt une formule qui permettrait... Je pense qu'on
aurait dû préciser qu'à ce stade-ci la formule de l'opting
in" pourrait être intéressante, au sens où ce qu'on avait
en tête, c'était la possibilité suivante. Supposons que des
contrats de crédit ou des choses comme cela puissent avoir
été conclus avec des consommateurs et que, d'une façon
générale, je ne sais pas pourquoi, pour un point particulier, ces
contrats soient illégaux; supposons qu'à un moment donné,
un consommateur puisse se défendre en alléguant ces points et
que, par le contexte de l'"opting in", il y ait possibilité pour
d'autres consommateurs de se joindre à l'action et si eux,
éventuellement, voulaient faire valoir le même point, qu'ils
puissent faire partie de l'action et que le jugement puisse valoir pour eux.
Evidemment, ce qu'on avait en tête, ce n'était pas tellement le
cas de voir une classe complète de consommateurs poursuivie par un
commerçant, mais plutôt la possibilité qu'un consommateur
se joigne à une action et que le jugement soit rendu dans son cas en
même temps que les autres. C'était le point qu'on avait
surtout...
M. Blank: Est-ce que ce n'est pas un autre moyen d'arriver au
même but? Disons qu'il y a un groupe de défendeurs qui peut agir.
Au lieu de se défendre ensemble, ces défendeurs prennent une
"class action" et, après cela, utilisent les autres articles du code
pour faire les réunions d'actions. Je vous donne l'exemple d'un contrat
de crédit. S'il y a une clause que vous voulez éliminer, il y a
d'autres défendeurs qui ont un intérêt. Rien
n'empêche le groupe de prétendus défendeurs de devenir
demandeurs dans une cause en recours collectif et, après cela de faire
une demande de réunion des actions pour avoir un jugement pour les deux.
Cela peut éviter d'autres situations néfastes qui peuvent
arriver.
M. Castonguay: A la limite, je pense que c'est possible, sauf
que, pratiquement, c'est une chose qu'on ne verrait à peu près
jamais parce que les gens ne sont tout simplement pas informés de
l'existence des procédures, sauf peut-être par les journaux ou des
choses comme cela, ce qui fait que... (21 h 35)
M. Marois: Si vous me permettez, je m'excuse de vous interrompre.
Je pense qu'à la lumière de vos commentaires et des commentaires
du député, vous conviendrez avec nous, à tout le moins,
que la façon dont la recommandation est formulée... Je ne vous
cacherai pas que je serais plutôt très réticent à
ouvrir une porte comme celle-là. Je ne sais pas où on s'en va,
mais je sais qu'on va y aller vite. Je veux bien, bien sûr, utiliser au
maxi-
mum le fait qu'on arrive après les autres et au mieux, au
mérite l'expérience des autres, leurs faiblesses, leurs points
forts. Je serais plus réticent à ouvrir des dimensions nouvelles
qu'à peu près personne n'a expérimentées,
évaluées, qui pourraient nous mettre dans des situations beaucoup
plus délicates, difficiles et même injustes pour, à
nouveau, contribuer à amorcer un nouveau déséquilibre.
Je pense qu'il faut tabler sur la base des faits et des
expériences connues, ce qui serait déjà une étape
considérable de franchie, à mon avis. D'accord, je comprends.
M. Edmonston: Me Appel va vous répondre un peu plus
longtemps là-dessus et si vous avez d'autres questions
après...
M. Appel: Je dois dire que ce n'est pas un point majeur le fait
que le recours collectif en soi remplisse un vide qui existe
déjà. Donc, on ne se plaint pas en disant que c'est plutôt
une suggestion pour un autre genre d'affaire, un autre article. Je crois que
vous avez peur de l'idée qu'il y aura une classe défenderesse qui
sera poursuivie par une demanderesse, ou quelque chose de ce genre.
L'idée qu'on avaii à l'esprit, c'est la suivante: On ne sait
pas...
M. Marois: Je comprends, je m'excuse, je me suis mal fait
comprendre. Ce n'est pas de ça que j'ai peur, parce qu'effectivement,
dans l'état actuel de la procédure, rien n'empêcherait un
groupe de consommateurs de poursuivre toute une série de vendeurs, de
détaillants de voitures de telle marque, de tel modèle, et le
fabricant. Vous auriez là, on peut jouer sur les mots, une espèce
de classe défenderesse, ça se voit souvent dans une action. Ma
crainte, c'est que, si on ouvre et qu'on formalise ça dans le texte, en
toute équité, est-ce qu'on ne serait pas obligés d'ouvrir
l'inverse aussi? C'est-à-dire que vous voyez un recours exercé
par un groupe de commerçants contre une classe...
Je dis qu'on est en terrain glissant.
M. Appel: Mais je me demande si c'est vraiment une
inquiétude...
M. Marois: Je comprends que ce n'est pas un des
éléments clefs de votre mémoire et je voulais être
sûr de bien comprendre. Je m'excuse.
M. Appel: Je m'excuse aussi. L'exemple qu'on avait à
l'esprit, j'insiste là-dessus, c'est le suivant: Si vous avez un contrat
de crédit où manque un élément essentiel, selon
l'article 117 de la Loi de la protection du consommateur qui existe
présentement, on a le droit de demander l'annulation du contrat. Si un
consommateur est poursuivi pour défaut d'effectuer un paiement, qui
découvre que le contrat n'est pas valable en soi, cela peut affecter
facilement les intérêts de tous les autres consommateurs qui ont
signé des contrats pareils qui sont illégaux. Ce n'est pas une
punition anormale, c'est quelque chose d'illégal, le contrat. A ce
moment-là, permettre à d'autres personnes qui ont conclu de tels
contrats illégaux de se joindre comme défendeurs à un
recours, parce que selon l'interprétation, si le contrat est nul pour
un, il est nul pour tous... Pour moi, au lieu de faire l'inverse, comme Me
Blank l'a suggéré, soit d'avoir un défendeur uniquement et
une nouvelle classe demanderesse en recours collectif, pourquoi ne pas
permettre un recours en défense aussi, un recours collectif en
défense?
Comme je vous le dis, ce n'est pas primordial d'avoir ça,
c'était seulement une suggestion de notre part.
M. Marois: Est-ce que vous connaissez un Etat américain ou
une province canadienne où une telle chose existe?
M. Appel: Non, je n'en connais pas.
M. Edmonston: Non, parce qu'on ne connaît pas d'endroits
comme le Québec.
M. Marois: Bien sûr, bien sûr. J'ai la réponse
à ma question.
M. Appel: J'aimerais faire un commentaire qui n'est pas dans
notre mémoire. Comme vous le savez, il y a un avant-projet de loi
déposé par Mme Payette. On l'examine maintenant au Conseil de
protection du consommateur sous son égide. C'est évident que je
parle uniquement ici comme représentant de l'APA.
Vous savez qu'il y a déjà l'idée d'un recours
collectif poublic dans le sens que le président de l'office ou l'office
en soi peut entamer une poursuite qui va donner l'indemnisation à tous
les consommateurs lésés. Ce que je déplore, c est que la
loi que vous proposez je ne vous blâme pas, parce que cela vient
d'être déposé dans l'avant-projet ne tient pas du
tout compte de ce qui existe dans la loi de Mme Payette et l'inverse. Je me
demande à mi-chemin ce qui va se passer si on commence avec une loi et
que l'on continue avec une autre.
M. Marois: Je peux répondre tout de suite, pour que ce
soit très clair, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Vous
pouvez tenir pour acquis qu'on va d'abord procéder au projet de loi 39.
L'autre, c'est un avant-projet de loi. Un avant-projet de loi, comme vous le
savez, comporte une nuance de taille. Ce n'est pas un projet de loi. C'est un
document de travail. C'est l'équivalent d'une forme de livre blanc que,
tous ensemble, nous rendons public pour explorer des idées. D'autres
volets doivent venir par la suite. Evidemment, à l'Assemblée
nationale, le législateur ne peut pas tout faire en même
temps.
Il faut donc tenir pour acquis que la perspective de base avec laquelle
on part, c'est bien celle-là, le projet de loi 39. Il s'agit d'un projet
de loi comme tel, il est déposé, ce qui signifie que le
gouvernement a fait son lit, il entend le discuter avec tous les membres de
l'Assemblée nationale et les groupes comme le vôtre viennent pour
voir s'il y a des ajustements qui s'imposent en cours de route.
M. Edmonston: M. le ministre, à la question qui vous est
posée, à savoir s'il n'y a pas d'autres endroits où la
question de classe défendante est reconnue, je viens de consulter Me
Jeff Richstone, qui dit: Effectivement oui, il y a d'autres endroits. C'est
contenu dans notre annexe, je crois. Je donne la parole à Me
Richstone.
M. Richstone (Jeff): M. le ministre, cela est contenu à
l'article 23 des règles fédérales de procédure
civile. Cela est contenu aussi dans toute la législation
américaine. C'est une vieille notion. Dans la législation
antérieure, on dit qu'une classe de personnes peut poursuivre on peut
être poursuivie. Dans toute la législation, il y a cette
formule.
M. Blank: C'est l'exemple que le ministre a déjà
donné. Vous avez le droit de poursuivre toute une classe de
défendeurs. Mais que d'autres viennent, par leurs propres aveux, se
joindre à ce groupe, c'est cela la question.
M. Marois: C'est cela. M. Blank: Cela existe.
M. Richstone: Cela existe à l'article 23, surtout cette
notion. Mais on précise, à l'article 23 des règles
fédérales, que, dans la question d'une classe de
défendeurs, la formule d'exclusion n'existe pas. C'est l'envers. En
plus, une partie ne peut pas s'exclure. Une partie doit être incluse dans
la classe, parce que ce serait très facile pour un défendeur de
vouloir s'exclure.
Il y avait donc une clause spéciale pour une classe de
défendeurs, contre la formule d'exclusion ou d'inclusion.
M. Marois: D'accord, on prend note. On va y regarder.
M. Richstone: II existe aussi aux Etats-Unis certaines actions
qu'on a prises contre une classe de défendeurs. Il y a vraiment cette
utilité. On a trouvé, aux Etats-Unis, que les critères
pour un recours collectif n'ont pas permis un débat d'envergure sur une
classe de consommateurs d'un côté et une classe de
commerçants de l'autre, parce que des règles, les critères
pour une "class action" étaient assez restreints aux Etats-Unis.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: J'ai deux questions. Ici, dans vos recommandations, M.
Edmonston, vous êtes le premier, je pense, à ce qu'on me dit,
à dire que les gens qui font une requête pour autorisation peuvent
être condamnés à payer des frais. On me dit qu'il y a
d'autres gens qui avaient peur, que ceia limiterait peut-être les gens
à courir le risque, mais si ce sont de bons cas pour intenter des
actions... Pourriez-vous expliquer cela? Je suis très surpris de voir
que cette suggestion vient de votre groupe.
M. Edmonston: Je peux vous assurer que cela a suscité des
discussions assez importantes chez nous aussi. Je laisse Me Jacques Castonguay
répondre là-dessus.
M. Castonguay: Le point là-dessus, c'est que cela doit
être vu avec notre autre recommandation qui veut qu'il n'y ait pas de
frais payables par un représentant, même s'il perd sa cause,
à partir du moment où son autorisation lui est accordée.
En ce sens, qu'il ait à payer des frais au niveau de la requête,
cela permettrait, je pense, de pouvoir contrecarrer des demandes qui seraient
frivoles, mais à partir du moment où il serait autorisé
par le tribunal à ne pas payer de frais, même s'il perd sa cause,
au fond. C'est dans ce sens. Je pense qu'il faut avoir les deux notions
ensemble.
M. Edmonston: II faut tout de même admettre que devant la
Cour des petites créances, il y a des contribuables qui seront
obligés de payer certains frais. Peut-être que cela semble un peu
conservateur de la part de TAPA, mais il faut admettre qu'il faut obliger les
gens à être un peu responsables de leurs actes. Cela leur donne
une certaine responsabilité financière, je crois, jusqu'à
ce stade-là.
Me Castonguay voulait parler un peu de la question de l'entrée
sociale que M. le ministre Marois a soulevée, parce que l'APA a
ajouté ses petites suggestions sur la question de l'entrée
sociale d'un groupe de citoyens qui veut faire un recours collectif.
M. Marois: Ma question était pour quelle raison vous
demandiez d'ajouter ce critère d'intérêt social dans les
critères d'attribution de l'aide?
M. Castonguay: Le point là-dessus, je pense qu'on peut
imaginer, d'une certaine façon, des cas où l'intérêt
public pourrait être en jeu. Prenons le cas, par exemple, de rouille de
voitures. Peut-être que ce n'est pas nécessairement le cas qui
s'applique aujourd'hui, mais, si, un jour, la rouilla sur les voitures faisait
en sorte, de façon générale, que les voitures soient
dangereuses, je me demande, à ce moment-là, pourquoi une personne
qui aurait les moyens financiers de prendre un recours collectif,
c'est-à-dire qui aurait assez de moyens pour ne pas se voir attribuer le
fonds, devrait quand même encourir les dépenses d'une poursuite
comme cela. A ce moment-ci, c'est la question de l'intérêt public
qui entre en jeu, je pense. Au moment de l'attribution des sommes, par le
fonds, je pense qu'on pourrait en tenir compte.
M. Marois: C'est l'intérêt social dans le sens de
l'intérêt public.
M. Castonguay: L'intérêt public, oui,
précisément.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Ce n'est pas une question, mais
seulement une observation peut-être pour avoir des commentaires.
On discute ici de la question du recours collectif et nous avons toujours, dans
notre pensée, des compagnies, comme la General Motors, Ford et de
grosses compagnies; mais il y a aussi la question, comme le ministre l'a dit,
de définir les "fly by night".
M. Edmonston a parlé des antennes magiques. Cela veut dire que,
dans ces cas, pratiquement dans tous les cas, ces gens se cachent
derrière une compagnie limitée. Qu'est-ce qu'on va avoir comme
recours? Est-ce qu'il n'y a pas cette possibilité peut-être
d'introduire aussi une notion très radicale, celle d'essayer de
poursuivre la personne qui est vraiment responsable? On a certaines lois ici,
prenons la loi du revenu pour la perception de taxes de repas et diverses
autres taxes où, si on ne peut pas percevoir de la compagnie
limitée, on a un recours contre les administrateurs personnellement.
Cela s'applique. C'est un peu radical, je sais.
M. Marois: M. le Président, je trouve cela très
intéressant. J'allais dire: Si vous réussissez à
convaincre votre collègue de Mont-Royal, je serais prêt à y
regarder de très près, parce qu'effectivement, de plus en
plus...
M. Blank: Peut-être que...
M. Marois: ... on va aller dans cette direction. Dans le domaine
de la santé-sécurité, il y a des coroners qui tiennent
maintenant criminellement responsables non seulement l'entreprise, mais les
administrateurs. (21 h 50)
M. Blank: Je parle comme un avocat qui fait de la pratique
courante. Je sais qu'on arrive avec un jugement et que la porte est
fermée. Il n'y a rien. La compagnie se déclare en faillite ou
ferme ses portes et cela finit là. C'est vrai qu'on peut
éliminer, par voie d'injonction peut-être. Si on ne peut pas avoir
un recours pécuniaire ou de l'argent contre cette personne, il peut y
avoir une ordonnance de la cour qui empêche cette personne de poursuivre
cette occupation ou quelque chose comme cela.
M. Marois: En tout cas, chose certaine, je ne sais pas si c'est
par le biais de la procédure civile qu'il y a lieu de le faire, je n'en
suis pas certain je ne sais pas ce que vous en pensez et quelle est
votre réaction aux commentaires du député de Saint-Louis
mais je suis personnellement convaincu que, de plus en plus, il va
falloir y aller.
M. Blank: Oui.
M. Marois: Là aussi, c'est pousser au bout la notion
purement et simplement de responsabilité.
M. Edmonston: Nous sommes pleinement d'accord avec le
député de Saint-Louis. C'est évident, il va falloir des
sanctions sévères pour récupérer l'argent des gens
qui ont été trompés sciemment par ces "fly by night " ou
ces attrape-nigauds. Une chose est évidente, c'est qu'avec les trois
compagnies d'antirouille, Rust Stop, True Guard et Duracoat, heureusement, dans
ce malheur, le produit était vendu par le concessionnaire. On a donc
quelqu'un qu'on peut obliger à être responsable devant la Cour des
petites créances. Malheureusement, le grand perdant là-dedans,
c'est quand même le consommateur. Les trois compagnies qui ont fait de
l'antirouille pour des centaines de milliers de voitures au Canada et au
Québec, sont en faillite. Elles sont parties. Elles ont gagné
énormément d'argent. Je crois que le député de
Saint-Louis a bien raison de dire qu'il va falloir rectifier cette
situation.
M. Castonguay: II n'est pas nécessaire d'aller même
très loin chez des compagnies obscures. On a eu l'exemple de
concessionnaires de voitures. Il y a eu des cas, à un moment
donné, où on faisait seulement un changement de compagnies. On
garde le même nom et on met une année à côté,
et quand il y a un recours, on se butte à une porte fermée.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le Président, dans votre mémoire,
à la page 24, au paragraphe 6, vous dites: "Nous notons de plus qu'il
n'existe aucune disposition dans le projet de loi sur le sort d'une
requête pour autorisation qui serait rejetée. A notre avis, il
faudrait insérer des dispositions permettant à tout le moins au
requérant de continuer son action individuelle. Ainsi, il serait injuste
de le prélever de son droit d'agir seul".
Est-ce un point de vue qui a été oublié dans le
projet de loi?
M. Marois: Je m'excuse, M. le député. En toute
honnêteté, je ne portais pas attention. Je pensais que vous
étiez en train de poser une question à...
M. Cordeau: Si un requérant perd devant le juge pour
présenter son recours, d'après le recours collectif... sa
requête, d'après la loi 39... Le mémoire dit que le
requérant ne peut recourir individuellement par la suite.
M. Marois: Sur la requête, sur le fond, c'est une bonne
question. Je vais la regarder.
M. Cordeau: A la page 24.
M. Marois: D'accord. Comme il s'agit d'une requête pour
être autorisé à prendre une action, à utiliser le
recours collectif comme procédure, je serais porté à dire:
Non, je crois qu'il ne perd pas son recours individuel. Je vous donne cette
réponse sous réserve; c'est la première fois que j'entends
formuler cette question en ces termes-là. Comme il s'agit d'une
requête, si je perds une requête pour...
M. Blank: Je pense que j'ai déjà vu un jugement
récemment...
M. Marois: Sur le fond, puisque c'est purement sur une
procédure.
M. Blank: Si ce n'est pas... il a droit à l'action.
M. Marois: En d'autres termes, le juge me dit: Non, monsieur,
vous n'avez pas raison, c'est-à-dire que vous n'avez pas raison de
vouloir utiliser cette procédure qu'est le recours collectif. Il y a
d'autres moyens qui existent; alors, prenez-en d'autres. Je suis même
convaincu de ce que j'affirme puisque... J'en suis même convaincu parce
que c'est l'économie générale même; c'est
peut-être à cause de l'heure que je suis moins vite sur mes
patins.
M. Cordeau: Sur les points d'interrogation que s'est posé
l'association dans le mémoire...
M. Marois: Parce que, précisément... D'accord, la
réponse est très claire. Parce que sans cela, il n'y aurait plus
rien qui irait, précisément, parce qu'il est loin d'être
certain que le juge va accorder toutes les requêtes. Il ne va pas
toujours dire: Oui, bien sûr. Pas du tout, puisqu'il y a un certain
nombre de critères. Donc, la réponse est très claire
à ce sujet.
M. Cordeau: J'ai deux petites questions à poser à
M. Edmonston. Je crois qu'il va falloir changer nos députés
à Ottawa pour améliorer la loi protégeant les
consommateurs. Je ne sais pas si M. Edmonston se sent touché? Une autre
question.
M. Marois: Ne commençons pas à faire de la
politique. Il y a cela comme hypothèse et il y en a peut-être une
autre aussi.
M. Cordeau: Mon autre question est celle-ci: Je vais demander
à M. Edmonston s'il peut nous recommander une voiture qui soit sans
défaut de construction.
M. Blank: Une bicyclette. M. Marois: Le cheval.
M. Cordeau: Parce que je commence à craindre de m'en aller
chez nous ce soir, à 200 milles.
M. Edmonston: En toute honnêteté, étant
donné que j'ai habité Saint-Hyacinthe pendant trois ans, je peux
dire que les chevaux, là-bas, sont beaucoup plus fiables que les 150
chevaux fabriqués dans les usines de certaines compagnies. Mais, je
crois en toute honnêteté, pour faire un résumé de
toute la loi, que nous sommes bien heureux que le gouvernement
québécois ait quand même changé pas mal de choses
dans l'équilibre entre les consommateurs et les commerçants. Si
cette loi est adoptée, cela fera un grand plaisir à plusieurs
consommateurs, peut- être pas au commencement, mais au bout de trois,
quatre ou six mois, un an, on va voir les résultats de cela. Je crois
que cela ne mettra aucune compagnie en faillite. Les bonnes compagnies, les
compagnies responsables n'ont rien à craindre, surtout aux Etats-Unis.
Je crois qu'au lieu de bloquer les tribunaux, cela a débloqué les
tribunaux et je crois que c'est pour cela que c'est très important.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Papineau.
M. Alfred: Non, il n'y a pas de question, M. le
député de Saint-Louis, mais je tenais à préciser
que je vous remercie beaucoup du mémoire que vous avez donné. Je
suis aussi content de vous entendre dire que le projet que nous passons
maintenant est l'un des plus importants pour les Québécois. Je
suis aussi content que vous ayez dit que, dans ce projet de loi, ce n'est pas
uniquement l'aspect économique qui doit prévaloir. Tenant compte
de l'homme qui est multidimensionnel, je crois aussi que ce qui est très
important et que vous l'avez soulevé effectivement, c'est que dans
toutes les lois que nous passons, ce qui va être très important
pour nous comme gouvernement, c'est d'arriver à une véritable
justice sociale, au sens québécois du terme et non pas au sens
canadien, expression utilisée par Trudeau. Je tiens aussi à vous
dire que ce qui est très important, c'est que j'ai été
encore très heureux de travailler avec le député de
Saint-Louis; j'eus préféré, par exemple, qu'il parle avec
le député de Mont-Royal qui a un tout autre son de cloche de ce
projet de loi.
M. Blank: Mais, c'est qu'il y a une grande liberté dans
notre parti.
M. Alfred: Justement, j'étais très surpris de
constater cela.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: En terminant, je voudrais bien sûr, remercier
les porte-parole de l'APA de leur témoignage et je voudrais aussi, comme
c'est le dernier mémoire et que cela termine nos travaux, dire à
nouveau bien sûr, il y a eu une petite parenthèse en cours
de route de la part d'un député, qui m'a d'ailleurs donné
le bénéfice du doute mais je veux simplement dire que
j'avais vécu ceci dans le cas du projet de loi sur la protection de la
jeunesse. Mais, sur des dossiers aussi importants, je pense, pour les citoyens
que le recours collectif ou la protection de la jeunesse, pour les bouts que
j'ai pu vivre, il arrive parfois qu'on vit des moments, comme parlementaire
ce n'est peut-être pas assez souvent, mais cela arrive quand
même parfois où des hommes même de différentes
formations politiques sont capables de se hausser à un niveau
suffisamment élevé pour pouvoir placer le débat au-dessus
de toute forme de partisa-nerie politique et créer un climat de travail
qui nous permet de trouver ensemble, vraiment en-
semble, et en restant le plus ouverts possible, à nous, comme
gouvernement, les formules, d'où qu'elles viennent d'ailleurs, pour
bonifier au maximum des projets de loi et faire que cela réponde
vraiment aux besoins de ceux pour qui on est là, c'est-à-dire aux
besoins de gens en vie, qui vont avoir à vivre avec ces lois. Je tiens
donc très sincèrement à remercier tous mes
collègues de cette commission parlementaire, et même les absents,
ceux qui sont venus ici, en particulier M. Fontaine, le député de
Nicolet-Yamaska, et le député de Marguerite-Bourgeoys aussi. Ils
nous ont apporté une grande collaboration, et je pense que cela augure
bien pour la poursuite des travaux au moment où on aura à
étudier ensemble, article par article, le projet de loi dans les
meilleurs délais possible. Merci.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie les gens de
l'Association de protection des automobilistes d'être venus nous
présenter leur mémoire. Je veux remercier également tous
les membres de la commission pour la collaboration qu'ils ont apportée
à la présidence au cours de ces travaux. Avant d'ajourner la
commission sine die, je demanderais au député de Papineau de
faire rapport de nos travaux à l'Assemblée nationale en indiquant
aux membres de l'Assemblée nationale que la commission a
complété son mandat et a entendu tous les mémoires qu'elle
devait entendre.
La commission de la justice ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 1)
ANNEXE A
Partie du mémoire des Associations coopératives
d'économie familiale
Article 1012
Par l'article 1012, "le défendeur ne peut opposer au
représentant un moyen préliminaire que s'il est commun à
une partie importante des membres et porte sur une question traitée
collectivement'. Quant à nous, il nous semble que les moyens
préliminaires devraient être plus nettement limités. Par
l'emploi de l'expression "une partie importante", la recevabilité du
moyen préliminaire restera discrétionnaire et par ce fait elle
permettra au défendeur de l'envisager dans tous les cas. Si le
législateur veut permettre l'évocation de certains moyens
préliminaires, il doit en préciser clairement les cas. La raison
d'être de limiter les moyens préliminaires est justement de ne pas
indûment alourdir la procédure.
L'article 1017 et 1018
Dans les articles 1017 et 1018, le projet de loi fait état de
l'intervenant. Par contre, les droits et obligations de cet intervenant (1017)
ne sont pas nettement déterminés. Il nous apparaît
même que ces droits sont nettement limités. Nous ne doutons pas
que le concept de représentation adéquat suffit à lui seul
à assurer la bonne marche du recours collectif. Par ailleurs, il serait
indiqué de donner à l'intervenant une latitude plus grande,
notamment, en raison du rôle que nous demandons d'accorder aux
associations sans but lucratif.
Plus particulièrement, en ce qui a trait à l'intervention
d'une association, nous proposons l'amendement suivant: "Toute association sans
but lucratif concernée par le recours, indépendamment qu'elle
soit réputée membre en vertu de l'article 1048, peut être
admise comme intervenant en raison de son rôle, sous réserve du
consentement du représentant ou d'un autre membre intervenant".
Article 1037
En ce qui a trait aux réclamations individuelles, les articles
1037 et suivants ne semblent en aucune façon prévoir des
formalités de révision ou d'appel de jugement du protonotaire. Il
est bien prévu dans l'article 1039 que le tribunal peut prescrire des
modes spéciaux de preuves ou de procédures. Par contre, dans
l'hypothèse où le jugement final a été rendu et
qu'il ne reste plus que les réclamations individuelles à
être déterminées, il ne nous semble pas que le code de
procédure actuel prévoit une modalité de révision
ou d'appel des décisions du protonotaire.
Article 1042
A l'article 1042, il est prévu que: "Si le représentant
n'en appelle pas ou si son appel est rejeté pour un des motifs
prévus dans les paragraphes 1 ou 3 du premier alinéa de l'article
501, un membre peut dans les soixante (60) jours de l'expiration du
délai d'appel ou du rejet de l'appel, demander à la Cour d'Appel
la permission d'en appeler et d'être substitué au
représentant..."
Ce délai de soixante (60) jours nous semble nettement insuffisant
d'autant plus qu'à la fin de l'article 1042 il est indiqué que ce
délai est de rigueur. Il y aurait lieu, selon nous, de s'inspirer tout
au moins de l'article 523 du code de procédure civile lequel
prévoit qu'une permission d'en appeler peut être accordée
nonobstant l'expiration des délais d'appel, en raison de
l'impossibilité d'agir plus tôt. Cette règle ne serait donc
pas nouvelle et permettrait ainsi aux membres de faire valoir leurs droits
suivant une règle déjà reconnue.
LE FONDS D'AIDE
Le titre II sur le projet de loi du recours collectif nous amène
à faire certains amendements, notamment à ce qui a trait aux
méthodes et conditions d'attribution de l'aide.
D'une part, nous réitérons que l'aide au recours collectif
devrait être automatiquement accordée dans tous les cas où
la réclamation individuelle de chaque membre ne dépasse pas
$500.00 ou le montant fixé en vertu de la loi des petites
créances. De plus, dans les cas où la réclamation
individuelle dépasserait $500.00, nous vous renvoyons aux conditions ou
critères déjà mentionnés à la page 17 du
présent mémoire.
La détermination du montant d'aide nécessaire telle que
prescrite par les articles 22 et suivants ne nous semble pas adéquate.
D'une part, il y aurait lieu d'indiquer plus clairement les comptes ou
déboursés qui sont admissibles à l'aide. Encore là,
nous vous renvoyons aux commentaires que nous avons déjà faits
à la page 18 du présent mémoire sur le sujet. D'autre
part, un mécanisme plus souple dans la détermination de cet aide
devrait être prévu. Un quatrième paragraphe devrait
être ajouté à l'article 22 qui se lirait ainsi: "En tout
état de cause, le fonds sur demande du requérant pourra
réviser, modifier ou augmenter le montant d'aide attribué".
En effet, il nous semble qu'il serait plus juste de permettre une
réévaluation des montants requis, compte tenu que ces montants,
comptes ou déboursés ne sont pas facilement estimables ou
prévisibles dès le début des démarches d'un recours
collectif. Si aucune mesure de révision n'est possible, il pourra se
trouver des cas où le requérant sera empêché de
continuer un recours collectif déjà engagé.
Enfin, à propos du fonds d'aide, nous proposons que l'article 7
soit modifié pour permettre une représentation plus
adéquate du bureau d'administration dudit fonds. Nous ne doutons pas de
la pertinence de consulter le Barreau du Québec de même que la
Commission des Services Juridiques. Toutefois, il nous semble plutôt
étrange qu'on n'ait pas envisagé une consultation parmi les
usagers et notamment les citoyens ou les associations de consommateurs.
Aussi, il nous apparaît impérieux de faire qu'au moins la
majorité des membres soit des représentants de groupe
socio-économique, que le nombre soit le même ou soit
augmenté de trois à cinq.
ANNEXE B
Mémoire
Présenté devant la commission
parlementaire siégeant sur le projet de loi 39, Loi sur le recours
collectif
par L'Association pour la protection des
automobilistes (APA)
Québec, vendredi le 9 mars 1978
CHAPITRE I
II y a presque dix (10) ans déjà, Monsieur Philippe
Edmonston fondait l'Association pour la Protection des Automobilistes (A.P.A.),
organisme d'intérêt public dont l'unique but était et
demeure toujours d'agir dans l'intérêt des consommateurs.
L'A.P.A., association sans but lucratif, vise à protéger et
à faire valoir l'intérêt de tout consommateur faisant
partie de notre société industrielle avancée. Par
ses nombreuses activités depuis sa fondation, l'A.P.A. remporta
d'importants succès dans ce domaine. C'est ainsi qu'en raison de ses
efforts acharnés et soutenus, l'A.P.A. a grandi, passant d'un organisme
comptant seulement cinq (5) membres à celui qui peut compter aujourd'hui
sur l'appui de presque 6,000 membres.
Il est à noter que chacun de ces membres qui a payé un
droit d'entrée de $10.00 doit verser une cotisation annuelle identique
pour le demeurer. Actuellement, en moyenne vingt (20) personnes par jour
deviennent membre de l'A.P.A. Ceci représente le meilleur
témoignage de l'attachement et de la confiance que porte le consommateur
envers l'A.P.A.
Depuis ses débuts, l'A.P.A. a réclamé
l'établissement du recours collectif, recours tellement puissant et
efficace pour la protection des consommateurs! Sans cet outil, les victoires de
l'A.P.A. ont souvent été difficiles et les résultats
obtenus bien décevants.
C'est avec satisfaction que l'A.P.A. constate que le Québec s'est
finalement penché sur ce grand vide dans le domaine de la protection des
consommateurs; qu'enfin le Gouvernement est prêt à prendre la
relève, à l'instar des Etats-Unis, des autres provinces du Canada
aussi bien que du Gouvernement Fédéral. L'A.P.A. appuie le projet
de Loi sur le recours collectif qui créera une plus grande
égalité entre le consommateur et le commerçant et
assainira les relations entre ceux-ci.
La nécessité d'instaurer le recours collectif devient
manifeste si l'on tient compte de ce qui suit.
1. La situation aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis, le recours collectif existe depuis de nombreuses
années. Tel qu'on le constatera en lisant le Chapitre II de ce
mémoire, le recours collectif a eu un résultat heureux aux
Etats-Unis, et ceci dans plusieurs domaines. Quelques exemples pour
démontrer l'efficacité de ce recours: a) En rapport avec les
médicaments insécuritaires:
Chacun se souviendra des nombreux cas de bébés nés
infirmes aux Etats-Unis. Ces bébés étaient victimes des
séquelles causées par le médicament tranquilisant, portant
le nom de Thalidomide, absorbé par leur mère durant la grossesse.
Sans que les mères ne le sachent, le médicament, tout en agissant
comme tranquilisant, affectait le foetus de façon terrible. L'enfant
né souffrait de déformations et d'infirmités angoissantes
et permanentes. Ce médicament avait été mis en vente
à travers les Etats-Unis et le Canada.
Aux Etats-Unis, dès que le public apprit ces résultats
néfastes, il avait le moyen d'y répondre: le recours collectif
contre la compagnie fabricante pour indemniser chaque enfant souffrant d'une
difformité causée par l'absorption de la thalidomide par sa
mère.
Il n'était pas nécessaire pour les parents de chaque
enfant d'intenter une poursuite individuelle. Le recours collectif
reconnaissait le droit d'une seule personne intéressée pour
prendre un tel recours ou nom de tous les autres enfants souffrant
d'infirmités. Suivant ce recours si efficace, la Compagnie en vint
à un règlement, prévoyant des indemnités
substantielles à chaque enfant faisant partie de la classe.
Tel qu'énoncé précédemment, il y eut des
victimes au Québec. Leurs parents recherchèrent un moyen efficace
pour faire valoir leurs réclamations. On doit se souvenir que la preuve
nécessaire pour établir le lien causal entre les
médicaments et l'infirmité était complexe et
coûteuse, surtout si chaque consommateur devait supporter les frais de
causes individuelles. A toutes fins pratiques, le système de droit
existant au Québec les privait alors de recours valable.
C'est ainsi que les victimes ont tenté de faire partie de la
classe constituée pour le recours collectif aux Etats-Unis. Ce droit fut
refusé par les tribunaux américains. Néanmoins, la
Compagnie consentit heureusement à verser également des
indemnités aux victimes québécoises qui avaient
cherché à se joindre aux victimes américaines.
On peut se demander ce qui se serait passé si le recours
collectif n'avait pas existé aux Etats-Unis. Il est à noter
également qu'après avoir payé les indemnités, la
Compagnie est toujours en affaires. Certains prétendent que le recours
collectif conduira à la faillite des compagnies visées. Il n'y a
rien aux Etats-Unis, où ce recours existe depuis longtemps, qui puisse
appuyer cette prétention. b) L'affaire des moteurs de General
Motors:
On a découvert, au courant de l'année 1977, que la
compagnie General Motors vendait des voitures Oldsmobile et Cadillac dont
quelques-unes contenaient des moteurs de marque Chevrolet. La compagnie General
Motors, dans sa publicité, aux Etats-Unis et au Canada, a toujours fait
état des qualités uniques de chacun de ses moteurs. C'est ainsi
qu'elle faisait plus particulièrement l'éloge des moteurs
montés dans ses voitures Oldsmobile et Cadillac. Le consommateur qui
achetait une Oldsmobile par exemple, croyait donc avoir acheté une
voiture munie d'un moteur tout à fait propre à une Oldsmobile.
C'est évidemment avec grande surprise et étonnement qu'il devait
apprendre qu'on avait installé un moteur Chevrolet dans sa voiture,
moteur considéré comme de moindre classe que celui d'une
Oldsmobile.
Aux Etats-Unis, la menace d'un recours collectif ainsi que l'action
vigoureuse des procureurs de certains Etats ont conduit General Motors à
payer $200.00 d'indemnité à chaque propriétaire d'une
voiture Oldsmobile, munie d'un moteur Chevrolet; qui plus est, on a
ajouté une prolongation de garantie de 2 années sur la voiture.
Cette indemnité de $200.00 par voiture formait un total de
$40,000,000.00 devant être payé par General Motors aux
consommateurs américains. Que s'est-il passé au Canada, où
les consommateurs devaient faire face aux mêmes problèmes?
Malheureusement, la compagnie General Motors n'a offert aucune indemnité
aux consommateurs canadiens qui avaient acheté des voitures Oldsmobile
pourvues de moteurs Chevrolet. Cette comparaison entre ce qui s'est
passé aux Etats-Unis et au Canada est très éloquente,
voire décevante. c) Les droits de la femme:
Les droits de la femme constituent un autre exemple de l'utilité
et la flexibilité du recours collectif. Une des plus importantes
compagnies de courtiers au monde a été actionnée par
recours collectif par des employées. Celles-ci prétendaient
qu'elles n'avaient pas les mêmes droits d'avancement et les mêmes
salaires que leurs confrères masculins. La Compagnie a
réglé l'affaire en payant une indemnité substantielle dont
chaque employée recevait sa quote part. Le recours en soi ainsi que son
dénouement constituent la preuve que l'action collective est un moyen
efficace pour effacer la discrimination et rectifier un tort social. On peut
conclure donc que le recours collectif ne vise pas uniquement à corriger
ou indemniser des problèmes économiques mais est suffisamment
flexible pour répondre à des problèmes d'ordre social et
même écologique.
2. La situation au Canada et au Québec
Sans le recours collectif, la situation des consommateurs canadiens et
surtout québécois a été beaucoup plus
difficile.
Nous croyons même que la situation a été plus grave
au Québec car c'est ici que les mouvements de consommateurs sont le
mieux organisés. Ainsi, dans beaucoup de domaines, ces mouvements sont
plus évolués au Québec que partout ailleurs en
Amérique du Nord, et ceci en dépit du fait qu'ils soient
privés de certains outils quasi-indispensables.
Les exemples qui suivent donneront une meilleure idée de ce qui
précède: a) La redésignation de
l'année-modèle d'une voiture (re-dating)
Au début de l'année 1970, l'A.P.A. a découvert que
des manufacturiers de voitures étrangères, telles que Nissan
(Datsun), Toyota, Peugeot, Renault, etc.. avaient importé au Canada une
pratique tout à fait particulière, voire inacceptable pour le
marché des voitures. Plus particulièrement, à l'automne de
chaque année, ces manufacturiers informaient le bureau des
véhicules-moteurs qu'à partir d'une certaine date, l'année
modèle de toute voiture n'ayant pas encore été vendue,
serait changée pour devenir de l'année modèle suivante. On
affirmait par exemple, qu'une voiture 1971 deviendrait une voiture de
l'année modèle 1972 à partir du 30 novembre 1971.
C'était le principe "cendrillon". En effet, comme résultat, la
voiture ne vieillissait jamais avant sa vente. Ceci avait un grand impact sur
le marché des voitures puisque, dès le changement d'année,
les voitures américaines non vendues étaient offertes avec un
rabais de 5 à 10%. Pour les voitures Datsun, Toyota, etc., on
évitait de donner un tel rabais et souvent le consommateur payait un
plus haut prix pour une voiture ainsi désignée, qu'il aurait
payée pendant l'année précédente, car les prix pour
l'année suivante avaient augmenté.
Cette pratique de redésignation étant étendue,
généralisée et courante, il est évident qu'elle se
prêtait à être combattue par le recours collectif. On
estimait que pour Datsun et Toyota uniquement, près de 40,000 voitures
redésignées avaient été vendues entre les
années 1970 et 1973.
Sans juger si ladite pratique de redésignation constituait une
fraude ou encore une pratique inacceptable, nous soumettons qu'un recours au
nom de tous les acheteurs de ces voitures aurait certes permis de trancher la
question. On aurait ainsi évité de multiples litiges menant
souvent à des décisions contradictoires. Vu l'importance de la
question, la preuve nécessaire et la complexité des questions
posées, un recours de grande envergure, soit le recours collectif,
aurait permis aux consommateurs d'avoir les fonds nécessaires pour vider
la question.
D'ailleurs c'est précisément le problème de la
redésignation qui a convaincu l'A.P.A. de la grande
nécessité d'un recours collectif.
Comme un tel recours n'existait pas, il fallut trouver d'autres moyens
qui se révélèrent, somme toute, peu satisfaisants et
souvent insuffisants. On choisit donc d'intenter des poursuites devant la Cour
des Petites Créances, pour $300.00 chacune en alléguant que le
consommateur aurait payé ce montant en moins s'il avait connu la
véritable année-modèle de sa voiture. Pour situer
l'importance du litige entamé, nous devons souligner que si on comptait
40,000 voitures dont l'année-modèle avait été
redésignée, à $300.00 par voiture, le montant possible, en
litige, pourrait donc s'élever à $12,000,000.00.
Le consommateur était appuyé par l'expertise de l'A.P.A.
quant à la preuve de la pratique de redésignation. Vu le
régime de la Cour des Petites Créances, le consommateur ne
risquait que $10.00 en frais.
Le premier jugement de la Cour des Petites Créances a
été favorable au consommateur, bien que par la suite,
quelques-uns des jugements se révélèrent contradictoires.
Cependant, face à la multiplicité des litiges qui s'engageaient
devant la Cour des Petites Créances à travers le Québec,
la compagnie Datsun a demandé l'émission d'un bref
d'évocation demandant que le dossier soit transféré
à la Cour Supérieure. Ladite Compagnie prétendait que ses
droits futurs étaient affectés par le nombre élevé
des litiges. La Compagnie alléguait de plus que des jugements
favorisaient contradictoirement ou le consommateur ou la Compagnie. Plus tard,
elle mit carrément en cause la Cour des Petites Créances en
alléguant qu'elle était inconstitutionnelle. Cette
prétention reposait sur l'impossibilité d'être
représentée par avocat devant cette Cour, en dépit des
questions très complexes à être débattues. La cause
de Pelletier c. Nissan est ainsi devenue la cause clef pour régler la
question et elle donne la preuve la plus évidente de la
nécessité du recours collectif. En effet, la Cour
Supérieure a refusé le bref d'évocation
réclamé par la compagnie Nissan mais ce jugement fut ensuite
renversé par la Cour d'Appel. Il fallut donc débattre au
mérite les points soulevés par Nissan soit la
constitutionnalité de la Cour des Petites Créances ainsi que ses
autres prétentions. La cause fut plaidée devant le juge en chef
Jules Deschênes, de la Cour Supérieure, qui a rendu un jugement
remarquable de plus de cent pages, déboutant Nissan de son action.
Nissan a porté ce jugement en appel, appel qui sera entendu le 16 mars
1978. Vu les questions posées et l'importance du litige, il est possible
que le perdant devant la cour d'Appel tentera de faire trancher la question par
la Cour Suprême du Canada.
Dans la mêlée des procédures engagées dans ce
litige, où en est M. Pelletier? Devenu le symbole d'une cause
célèbre qui dure depuis plus de quatre (4) ans, il a
été presque oublié. Il a gagné $300.00 devant la
Cour des Petites Créances mais, pour protéger ses droits dans
cette cause, il a été impliqué dans un litige où
les frais de cour, s'il perd, pourraient s'élever entre $5,000.00 et
$10,000.00.
Parallèlement, comme résultat de ce litige, des milliers
de consommateurs qui auraient pu intenter pareilles poursuites devant la Cour
des Petites Créances n'ont pas osé le faire. Il se sont donc vu
privés d'un droit important.
On conçoit ainsi aisément l'urgence et la
nécessité du recours collectif. b) Le problème de rouille
des voitures Ford:
La même chose se produit présentement avec le
problème de rouille des voitures Ford. Comme ce problème semblait
généralisé dans les voitures Ford, ce qui fut même
admis par la Compagnie, la question de savoir si ces voitures avaient
été construites d'une façon satisfaisante se prêtait
à un recours collectif. Au Québec cependant, chaque consommateur
dut se résigner à faire valoir individuellement ses droits, et
ce, à des frais qui pourraient être substantiels.
Un consommateur a ainsi intenté une poursuite contre Ford devant
la Cour des Petites Créances. La réponse de Ford fut identique
à celle de Nissan: Ford a demandé un bref d'évocation, et
cette cause est présentement en suspens devant la cour d'Appel.
C'est également en pensant à un procès qui se
déroule présentement devant la Cour Provinciale de
Montréal que l'on réalise l'urgence d'introduire dans notre droit
le concept du recours collectif. En effet, au mois d'avril 1976, un
consommateur, M. Louis Mathieu, intentait une action devant la Cour contre la
Compagnie Ford du Canada pour dommages causés par la corrosion à
son automobile.
Il s'agissait alors, selon nous, de la première cause du genre
présentée devant un Tribunal québécois, autre que
la Cour des Petites Créances. En effet, le véhicule de M. Mathieu
était si endommagé par la rouille, et ce, après un peu
plus de trois (3) années d'usage, que le coût des
réparations requises excédait substantiellement sa valeur sur le
marché. Au surplus, ce même véhicule était si
rongé par la corrosion que son propriétaire devait cesser de
l'utiliser en raison du danger qu'il représentait à la fois pour
ses occupants ainsi que pour le public en général et ce,
répétons-le, après seulement environ quarante (40) mois
d'usage sur nos routes. Désespéré, M. Mathieu dut donc
renoncer à la Cour des Petites Créances et s'adresser à la
Cour Provinciale pour réclamer du manufacturier la perte de valeur de
son véhicule, soit la mirobolante somme de $1,000.00.
Bien que cette affaire ne soit pas terminée et, qu'au surplus,
jugement n'ait pas été rendu, il est manifeste que ce
consommateur ne pourra jamais sortir gagnant de ce qu'il qualifie
lui-même à juste titre "d'aventure".
Suivant l'importance et les moyens financiers de l'adversaire, notre
individu commença tout d'abord par faire appel à un
ingénieur métallurgiste qui procéderait à une
expertise de son véhicule pour établir ensuite devant le Tribunal
la faute du manufacturier. Par la suite, les procédures ayant
été complétées, le procès débuta,
nécessitant jusqu'à maintenant trois (3) jours d'enquête et
devant sans aucun doute se poursuivre pendant deux (2) autres journées
au moins. Cinq (5) jours d'audition pour une réclamation de $1,000.00!
Cinq (5) jours nécessitant la présence de son procureur, de son
expert métallurgiste ainsi que d'un grand nombre d'autres
témoins! C'est plus qu'il n'en faut pour faire perdre à une
personne sa confiance dans la justice, celle-là même que l'on
décrit comme unique et égale pour tous.
Et pourquoi est-ce qu'il en est ainsi? Simplement parce que l'adversaire
a résolu de mettre tout son pouvoir à l'appui de ses
prétentions. En effet, ce manufacturier aux ressources
financières sans
limite, a décidé de faire appel à une batterie
d'experts, ingénieurs hautement spécialisés, venant des
quatre (4) coins de l'Amérique du Nord, pour convaincre le Tribunal du
bien fondé de sa défense.
Il n'est pas dans notre intention de discuter ici du mérite de la
cause. Un fait demeure cependant: cette affaire est le reflet direct de la
situation injuste dans laquelle se retrouve le consommateur lorsqu'il
décide de s'en prendre à un géant de l'industrie.
Il ne faut certes pas s'étonner de le voir perdre confiance dans
la justice.
Il va sans dire que le recours collectif tel que veut l'introduire le
Gouvernement du Québec permettra de remédier à cette
situation déplorable.
La situation au Québec est cependant la même qu'en Ontario
où un recours collectif a été intenté par des
propriétaires de voitures Ford. Après que cette affaire fut
portée devant la Cour, la Compagnie Ford consentit à payer hors
cour, des compensations de $2.7 millions à 8,900 propriétaires de
Ford. c) La voiture GM Firenza:
Dès l'introduction de cette voiture sur le marché,
l'A.P.A. a jugé qu'elle ne répondait pas aux besoins des
consommateurs. Plus particulièrement, la voiture ne fonctionnait pas de
façon satisfaisante et nécessitait souvent une multitude de
réparations. GM a finalement retiré la voiture du marché
canadien. Les consommateurs qui avaient acheté cette voiture ont ainsi
soufferts de grandes pertes, vu la dépréciation spectaculaire de
la voiture, dépréciation qui se produisait au fur et à
mesure que le public se rendait compte du problème.
Les acheteurs de Firenza n'ont jamais reçu de juste compensation
et ont du absorber leur perte. Là encore, combien différente
aurait été la situation si le recours collectif avait
existé! d) La Volare/Aspen de Chrysler:
L'A.P.A. a découvert récemment que beaucoup de
Volare/Aspen étaient affectées d'un problème
mécanique constitué par le calace du moteur Ce qu'il
fallait pour régler le problème, c'était une pièce
de remplacement. Cependant, beaucoup de concessionnaires ont plutôt
avisé les acheteurs de faire faire des mises-au-point inutiles aux frais
des consommateurs. Aux Etats-Unis, on a ordonné à Chrysler
d'indemniser les consommateurs pour ces mises-au-point inutiles. Rien de
semblable au Canada.
Nous croyons que si le recours collectif existait, le risque d'une telle
action aurait encouragé la compagnie Chrysler à indemniser les
propriétaires canadiens de Volare/Aspen, de la même façon
qu'aux Etats-Unis. e) Les pneus radiaux Goodyear, Uniroyal et Firestone:
Quelques-uns de ces pneus radiaux paraissaient plutôt
carrés que ronds et étaient susceptibles d'éclatement.
Bien que les fabricants acceptent de remplacer les pneus sans frais, ils
n'indemnisent cependant pas le consommateur pour le remorquage de sa voiture
et/ou les dommages causés à sa voiture par suite d'un
éclatement.
Les frais de remorquage sont relativement minimes (entre $25.00 et
$50.00) et les consommateurs sont réticents à intenter un recours
individuel contre le fabricant, vu le temps et l'effort nécessaires pour
récupérer un montant somme toute sans grande importance.
C'est exactement cet état de faits qui a incité les
Etats-Unis à introduire dans son droit le recours collectif. Si des
milliers de consommateurs perdent chacun $50.00, l'ordre d'indemnisation serait
dans les centaines de - illiers de dollars. Il est évident que ce
montant est récupérable par les consommateurs mais le recours
collectif est le seul outil qui leur permette de le faire de façon
efficace et à peu de frais.
3. L'introduction du recours collectif va
débloquer les rôles des cours
Le Juge en Chef Willard Estey de la Cour Suprême du Canada s'est
dit inquiété, alors qu'il siégait à la Cour
Suprême de l'Ontario, que l'adoption du recours collectif au Canada ou en
Ontario puisse conduire à l'encombrement des rôles des cours
civiles.
L'A.P.A. croit que cette inquiétude n'est pas appuyée par
les faits. L'exemple des voitures dont l'année-modèle
était redessinée démontre que c'est plutôt le
contraire qui se passerait. Sans le recours collectif, des containes et, qui
plus est, des milliers de causes ont été intentées devant
la Cour des Petites Créances, encombrant les rôles de façon
très marquée. On peut imaginer facilement la différence
s'il n'y avait eu qu'une seule cause, soit une action collective, pour trancher
tous les litiges.
A cela peut-on ajouter que beaucoup de causes ne seront jamais
intentées, la menace du recours collectif incitant les Compagnies
à régler à l'amiable les réclamations de leurs
acheteurs.
4. Sans le recours collectif, on a dû chercher
d'autres moyens moins efficaces.
En raison du vide causé par l'absence du recours collectif, on a
dû innover pour tenter à tout le moins de combler une partie de la
lacune. Ces innovations donnent quand même un exemple clair de l'apport
que le recours collectif aura pour les consommateurs.
a) Pour la réparation de torts sociaux au Québec, à
Rouyn-Noranda, le Juge Coutu a permis à quatorze propriétaires
d'intenter ensemble un litige devant la Cour des Petites Créances pour
réclamer les dommages et intérêts soufferts en raison de la
pollution émanant d'un gisement minier. La pollution provenant de ce
gisement avait causé des dommages au jardin de chacun d'eux. Le Tribunal
a accordé $1,800.00 d'indemnités aux quatorze
propriétaires impliqués.
Il va sans dire que si un propriétaire a pu intenter le litige
pour les treize autres personnes impliquées, il aurait pu aussi bien le
faire au nom de tout autre propriétaire qui aurait pu souffrir de
dommages semblables. Néanmoins, faisant preuve de grande
flexibilité, le tribunal a pu quand même dans le cas
régler, jusqu'à un certain point, un tort écologique. b)Au
Canada les actions de la Commission de Lutte contre l'Inflation:
Dans le cas ou des Compagnies gagnaient des profits jugés
excessifs, la Commission a ordonné à ces Compagnies de
réduire leurs prix sur de telles marchandises jusqu'à ce que le
montant de profit excessif ait été payé.
5. Les recommandations de l'A.P.A.
Dans la deuxième section de ce Mémoire nous avons
abordé les lacunes qui existent dans le projet de Loi sur le recours
collectif. Tout en appuyant ce projet, L'A.P.A. recommande qu'il soit
remédié immédiatement à ces lacunes afin
d'éviter les problèmes qui pourraient surgir.
I. L'aide financière de l'Office de Protection des Consommateurs
et du gouvernement serait dans certains cas essentielle. Le droit à
cette aide devrait être décidé non seulement selon les
moyens de celui qui désire intenter l'action mais également en
fonction de l'intérêt public sans tenir compte des moyens
financiers du représentant.
II. Le Projet de Loi prévoit uniquement une classe demanderesse
collective
Nous proposons qu'on permette le recours collectif à une classe
défenderesse également, sujet aux mêmes règles que
pour la classe demanderesse.
Par exemple, si une compagnie actionne un défendeur sur la base
d'un contrat dont le consommateur défendeur juge quelques unes des
clauses illégales, il va de soi que tout autre consommateur ayant fait
un tel contrat a intérêt à se joindre au litige pour
réclamer l'abolition de ces clauses illégales. Un contrat de
prêt par exemple, qui ne correspondrait pas aux exigences de la Loi de la
Protection du Consommateur se prêterait assurément à une
défense collective.
III. L'action collective devra ajouter un recours
supplémentaire
Dans beaucoup de causes il est presque impossible de préciser
avec exactitude le montant recherché. Pour cette raison, L'A.P.A.
propose que la Loi permette aux tribunaux d'ordonner un autre genre de
remboursement si, en équité, aucune formule de restitution n'est
possible. Par exemple, le juge pourrait décider comme la Commission de
Lutte contre l'Inflation qu'une Compagnie ayant gagné des profits
exhorbitants, soit tenue de réduire ces prix jusqu'à ce que la
somme prescrite ait été épargnée par le
consommateur.
IV. L'A.P.A. invite donc la Commission Parlementaire à donner
suite aux recommandations portant sur les lacunes des projets de Loi,
énumérées dans le prochain chapitre de ce
Mémoire.
CHAPITRE II
ANALYSE CRITIQUE DU PROJET DE LOI 39
DISPOSITIONS INTRODUCTIVES 1.Avant d'aborder l'analyse de ce
projet de loi, nous devons tout d'abord souligner le soin avec lequel il nous
semble avoir été préparé ainsi que son ampleur, ce
projet de loi surpassant à notre connaissance, toute autre
législation actuelle à ce sujet en Amérique du Nord.
Même les nouvelles lois récemment sanctionnées dans l'Etat
de New-York et en Californie ne traitent pas avec autant d'exactitude des
différents aspects du recours collectif que ne le fait le projet de loi
39 (P.L. 39). 2. Nous désirons aussi exprimer notre accord avec les
définitions proposées à l'art. 999 C.P.C. en ce qu'elles
apparaissent assez larges pour couvrir les différentes situations qui
peuvent se présenter. Ceci dit, l'A.P.A. propose cependant d'inclure, au
paragraphe (d) les mots "ou en défense" après "le moyen de
procédure qui permet à un membre d'agir en demande". En effet,
pourquoi ne pas avoir une action contre des défendeurs pris
collectivement en classe? La législature au Canada et aux Etats-Unis le
permet; il pourrait ainsi y avoir plusieurs situations où il serait
nécessaire pour un justiciable au Québec d'intenter des
procédures contre une classe de défendeurs.
Evidemment, si te! est le cas, les formules d'exclusion du groupe des
membres d'une classe devraient être changées (voir l'art. 1007
C.P.C.) en interdisant une telle exclusion, dans le cas d'une classe de
défendeurs. (Voir l'art. 8 (d) du Uniform Class Action Act (1976)
proposé aux Etats-Unis et qui va dans le même sens.) 3. C'est
aussi à bon droit que le législateur n'a pas limité les
genres de poursuites qui peuvent être intentées en vertu de ce
livre 9ième du Code de procédure civile. Aucune des
législations que ce soit au Canada ou aux Etats-Unis n'a cru bon de
limiter (ou préciser) les sortes de réclamations dont une classe
peut se prévaloir. Une telle mesure serait néfaste car le recours
collectif doit être ouvert à toute espèce de
réclamation dès que le tribunal est convaincu que l'action serait
mieux intentée de façon collective en raison, par exemple, de son
caractère public. Si l'on excluait par exemple du P.L. 39 les actions en
responsabilité civile, des causes très valables, comme celle des
victimes de la thalidomide, portée avec succès aux Etats-Unis, ne
seraient jamais résolues au Québec. On ne peut que signaler les
succès qu'ont eu les justiciables dans les "Antibiotics cases": Voir,
West Virginia v. Charles Pfizer & Co. 314 F. Supp. 710 (S.D.N.Y. 1970)
confirmé par 440 U.S. 871 (Cour Suprême des E.U. 1971). 4. Nous
soumettons qu'il serait peut-être préférable
d'insérer dans le P.L. 39 une disposition avant trait au
caractère extra-territorial de notre législation.
Généralement, les législatures provinciales ne peuvent pas
légiférer au-delà de leurs frontières: Voir
à ce sujet l'arrêt Interprovincial Cooperatives Limited v. La
Reine du Chef du Manitoba, (1975) 53 D.L.P., 3, p. 321, (Cour Suprême du
Canada).
Aux Etats-Unis, la Conférence nationale sur les Lois uniformes
d'Etats (National Conference on Uniform State Laws) a proposé, en 1976,
une loi uniforme des recours collectifs: Uniform Class Actions Act. Son article
6 se lit comme suit: 6.(a) A court of this State may exercise jurisdiction over
any person who is a member of the class suing or being sued if:
(1)a basis for jurisdiction exists or would exist in a suite against the
person under the law of this State: or
(2)the state of residence of the class member, by class action law
similar to subsection (b), has made its residents subject to the jurisdiction
of the courts of this State.
(b) A resident of this State who is a member of a class suing or being
sued in another state is subject to the jurisdiction of that state if by
similar class action law it extends reciprocal jurisdiction to this State.
Par cette disposition, le Québec sera donc libre de
négocier, avec les autres juridictions des ententes portant sur
l'applicabilité du P.L. 39 au delà de ses frontières.
REQUETE POUR AUTORISATION D'EXERCER LE RECOURS 5. Il nous faut
reconnaître le bien fondé de cette procédure de
requête préalable à l'obtention judiciaire de
l'autorisation d'exercer le recours collectif. C'est une caractéristique
de la législation américaine et canadienne: le Ontario Business
Corporation Act. (art. 99) et le British Columbia Business Corporation Act
contiennent de telles dispositions.
A ce sujet, nous comprenons que la Cour supérieure agira alors
à titre de contrôle vérificateur des demandes pour exercer
le recours collectif. A ceux qui croient que le recours collectif pourrait
devenir un outil dangereux, donnant ouverture à des demandes frivoles ou
vexatoires, il est aisé de répliquer que la législation
proposée contient elle-même le contrôle nécessaire
pour refuser les demandes sans mérite de l'application du Livre IX du
C.P.C.
Nous ne retrouvons aucune disposition du P.L. 39 ayant trait aux frais.
Nous aurons l'occasion d'y revenir plus loin dans notre mémoire.
Nous croyons cependant nécessaire d'aborder, à ce
stade-ci, cette lacune et ce, pour certaines fins précises.
Au stade de la requête pour autorisation, nous proposons que le
requérant paie les frais s'il perd. Puisque cette procédure
existe pour démontrer le bien fondé des prétentions d'un
représentant d'une classe, il nous semble approprié, et en accord
avec le droit commun, d'insister à ce qu'il paie les frais s'il ne
réussissait pas à convaincre le tribunal. Nous croyons que cette
disposition pourrait s'avérer très utile pour vérifier la
bonne foi d'un requérant. 6. Nous notons de plus qu'il n'existe aucune
disposition dans le projet de loi sur le sort d'une requête pour
autorisation qui serait rejetée. A notre avis, il faudrait
insérer des dispositions permettant à tout le moins au
requérant de continuer son action individuellement. Ainsi, il serait
injuste de le priver de son droit d'agir seul.
L'AVIS DE NOTIFICATION 7. La question qui a le plus
troublé les tribunaux aux Etats-Unis, en matière de recours
collectif, est certainement celle de l'avis aux membres faisant partie du
groupe. Contrairement aux Etats-Unis, au Canada, comme l'a bien noté le
Professeur Neil J. Williams, de la Faculté de Droit Osgoode Hall, dans
son article intitulé "Actions Collectives en
dommages-intérêts aux termes de la Loi relative aux
Enquêtes
sur les coalitions" contenu dans "Proposition pour une action collective
en matière de législation sur la politique de concurrence"
(Ottawa: 1976), lorsqu'il affirme "aucune garantie constitutionnelle ne
prescrit de notification dans les poursuites collectives intentées au
Canada.. ' (p. 75).
Le projet de loi 39 ne précise pas laquelle des deux parties doit
payer les frais de notification. Nous assumons donc que suivant la règle
générale, le demandeur devrait normalement assumer ces frais
(quitte à être remboursé s'il gagnait sa cause).
Aux Etats-Unis, le problème du paiement des coûts de l'avis
se révéla aigu. Ces coûts peuvent souvent dépasser
les moyens financiers de la plupart des demandeurs et donc empêcher
l'exercice du recours. C'est ce qui est survenu notamment dans la fameuse
affaire EISEN vs CARLISLE & JACQUARRIE 417 U.S. 156 (1974) où la
Cour Suprême dut envisager des frais estimés à $315,000.00
pour un avis individuel à une classe de 2,250,000 personnes. Evidemment,
comme M. Eisen n'avait qu'une réclamation personnelle de $70.00, imposer
sur lui un fardeau financier d'une telle ampleur l'empêchait
d'exécuter son recours.
Le projet de loi contient des dispositions sur l'aide financière
(ce que nous traiterons plus loin) aux justiciables, aide qui pourrait servir
à défrayer les coûts de l'avis. Si la personne rencontre
les exigences requises pour cette aide, on peut croire que ce problème
sera diminué au Québec. L'article 1046 donne de plus une certaine
discrétion au juge quant au mode de publication, et ceci, à
l'instar de la législation nouvelle proposée aux Etats-Unis, pour
contrer les effets désastreux de l'arrêt Eisen sur la
viabilité du recours collectif.
Nous croyons cependant qu'insérer certaines normes devrait guider
le juge dans son choix du mode de publication. C'est ainsi que la loi devrait
prévoir comme règle générale, la publication dans
un grand journal du district judiciaire où va se dérouler
l'action; exceptionnellement, il pourrait y avoir lieu à l'avis
individuel. On pourrait ajouter de plus certaines publications
spécialisées comme "Protégez-vous" de l'Office de
Protection du Consommateur.
En droit comparatif, le Code civil de Californie précise ce qui
suit au sujet de l'avis: "S. 1781. (d) If the action is permitted as a class
action, the court may direct either party to notify each member of the class of
the action. The party required to serve notice may, with consent of the court,
if personal notification is unreasonably expensive or it appears that all
members of the class cannot be notified personnally, give notice as prescribed
herein by publication in accordance with Section 6064 of the Government Code in
a newspaper of general circulation in the county in which the transaction
occurred".
Dans l'Etat de New York, la législature a adopté en 1975
une loi sur les recours collectifs, Stat. N.Y. 1975, (N.Y. Civ. Prac. L.R.) ch.
207, modifiant la loi sur la procédure civile et les règles
où l'on prévoit ceci: "S. 904. Notice of class action
(a) In class actions brought primarily for injunctive or declaratory
relief, notice of the pendancy of the action need not be given to the class
unless the court finds that notice is necessary to protect the interests of the
represented parties and that the cost of notice will not prevent the action
from going forward.
(b) In all other class actions, reasonable notice of the commencement
shall be given to the class in such manner as the court directs.
(...)
(d) I. Preliminary determination of expenses of notification. Unless the
court orders otherwise, the plaintiff shall bear the expense of notification.
The court may, if justice requires, require that the defendants bear the
expense of notification, or may require each of them to bear a part of the
expense in proportion to the likelihood that each will prevail on the merits.
The court may hold a preliminary hearing to determine how the costs of notice
should be apportioned".
Le Uniform Class Action Act, de son côté, précise
que: "7. (c)The order (pour la publication d'un avis) shall prescribe the
manner of notification to be used and specify the members of the class to be
notified. In determining the manner and form of the notice to be given, the
court shall consider the interests of the class, the relief requested, the cost
of notifying the members of the class, and the possible prejudice to members
who do not receive notice.
(d)Each member of the class, not a representative party, whose potential
monetary recovery or liability is estimated to exceed $100.00 shall be given
personal or mailed notice if his identity and whereabouts can be ascertained by
the exercise of reasonable diligence.
(e)For members of the class not given personal or mailed notice under
subsection (d), the court shall provide, as a minimum, a means of notice
reasonably calculated to apprise the members of the class of the pendancy of
the action. Techniques calculated to assure effective communication of
information may include personal or mailed notice, notification by means of
newspaper, television, radio, posting in public or other places, and
distribution
through trade, union, public interest, or other appropriate groups.
(f)The plaintiff shall advance the expense of notice under this section
if there is no counterclaim is asserted. If a counterclaim is asserted the
expense of notice shall be allocated as the court orders in the interest of
justice.
(g) The court may order that steps be taken to minimize the expense of
notice.
Sans vouloir insister sur l'adoption d'une disposition obligeant un
défendeur dans un recours collectif à assumer, en tout ou en
partie, les coûts de l'avis, nous proposons les modifications suivantes:
1.Etablir une distinction entre les cas où l'avis ne doit pas être
la règle générale, comme en matière d'injonction ou
de déclaration, (voir art. 904 (a), N.Y. Civ. Prac. L.R.) alors que les
membres d'une telle classe ne sont pas aussi préjudiciés qu'en
matière délictueuse, le jugement dans ce cas ne portant pas
atteinte à leur droit de demander des remèdes monétaires;
2. Prévoir des normes que devra suivre le juge pour, notamment le
diriger dans sa considération des différents coûts de
l'avis, quant à la nécessité de les minimiser et quant au
principe que l'action collective, une fois autorisée, doit, autant que
possible, procéder; 3.Adopter comme règle générale,
un mode de publication généralisée (comme celui des
journaux) et seulement par exception, un mode individuel de publication: (voir
a. 1781 (d) Code Civil de Californie). 8. Un autre problème se
présente au sujet de l'avis: parfois le représentant n'est pas en
mesure de connaître tous les membres de sa classe bien que cette
information soit connue du défendeur: C'est ce qui est survenu dans
l'affaire Sanders et al v. Levy et al 558 F. 2d 636 (2ième Circuit C.A.
1977, permission d'en appeler accordée, novembre 1977). Dans cette
affaire, certains actionnaires de l'Oppenheimer Fund avaient pris un recours
collectif contre les administrateurs-gérants, et contre la compagnie de
gestion qui administrait le Fonds. Il s'agissait d'identifier les noms et
adresses des membres de la classe, soit toutes les personnes qui avaient
acheté des actions entre 1968 et 1970, information que seules les
défenderesses possédaient sur ordinateur. Le coût d'obtenir
ces noms et adresses, y compris celui de formuler un programme spécial
pour l'ordinateur se chiffrait à $16 580 (p. 638 de l'arrêt). La
Cour d'appel a entériné la décision du District Court
à l'effet que les défendeurs devaient payer ces frais,
étant donné que cette procédure était analogue
à une demande au préalable pour production des documents de la
partie adverse.
Nous désirons soulever ce problème devant la Commission
sans insister pour que cette décision soit adoptée
uniformément ici. Cependant, comme le P.L. 39 semble ignorer ce
problème, peut-être y aurait-il lieu d'édicter que toutes
les demandes de production de documents, pour fins d'indentifier les membres de
la classe ou pour toute autre raison jugée utile par le juge, devraient
être décidées en vertu des mêmes normes que celles
proposées précédemment pour l'avis de notification.
9.Toujours au chapitre de la requête, Titre 2ième du Projet, nous
suggérons que la Cour, à ce stade, ne se montre pas trop
exigeante quant à la preuve des dommages soufferts par la classe. Il
sera en effet difficile pour le représentant de justifier clairement le
montant maximal et global des dommages soufferts par lui et sa classe. Nous
suggérons que le projet soit modifié en insérant des
dispositions permettant au tribunal d'instruire une enquête sur le
montant des dommages soufferts individuellement et globalement, enquête
qui aura pour but: 1. d'informer les membres de la classe dans l'avis à
être expédié; 2. d'informer le défendeur du montant
maximal qui va être demandé; évidemment une telle
détermination, à ce stade, ne devra pas lier le tribunal du fond,
mais sera un excellent moyen pour clarifier le débat.
DEROULEMENT DU RECOURS 10. Bien que l'art. 1022 C.P.C.
projeté nous semble nécessaire afin de donner aux tribunaux la
latitude décisionnelle nécessaire pour instruire l'affaire, nous
désirons tout d'abord apporter la précision suivante, au
3ième alinéa de cet article.
A l'art. 906, du New York Civ. Prac. L & R, (aj. 1975, c. 207) il
est prévu ce qui suit: "S. 906. Actions conducted partially as class
actions When appropriate, 1. An action may be brought or maintained as a class
action with respect to particular issues, or 2. a class may be divided into
subclasses and each subclass treated as a class. The provisions of this article
shall then be construed and applied accordingly.
Cette disposition aurait une grande utilité en matière
d'action collective, en responsabilité civile: la question de la
responsabilité pourrait être traitée collectivement et la
question des dommages au niveau d'unités sub-divisées. Si l'on
s'aperçoit, au cours de l'instance, de l'existence de deux sous-classes
ayant certains intérêts ou traits distincts, cet article 906
autorise une division de l'action. On se rappelle que dans l'affaire EISEN, la
Cour Suprême a retourné le dossier au tribunal inférieur
afin de déterminer exactement les possibilités d'une telle
modification en sous-groupes.
Bien que l'art. 1022 projeté puisse possiblement être
interprété comme accordant au juge du fond un tel pouvoir de
modification, nous suggérons d'énoncer explicitement que le juge
puisse diviser la classe en sous-classes et que chaque sous-classe puisse
être traitée comme une classe "mutatis mutandis ".
Parrallèlement, il y aurait lieu de donner au juge le pouvoir de
suspendre l'instruction du procès d'une des sous-classes, le cas
échéant, et d'énoncer que la prescription soit alors
interrompue.
PROCES PAR JURY 11. Bien que la Loi des jurés de 1975 ait
aboli ce système de procès par jury en matière civile,
nous soutenons que ce principe devrait être repris dans les cas des
recours collectifs. En raison du caractère public de ces actions, nous
croyons que, dans certains cas, seul un jury pourrait être
compétent pour évaluer et apprécier les
réclamations d'une collectivité de citoyens. Surtout dans le
domaine de la protection du consommateur, nous sommes d'avis que les
consommateurs devraient dans certains cas juger de telles causes.
INTERROGATOIRE AU PREALABLE
Nous voulons ici donner notre accord sur l'art. 1019 C.P.C.
projeté. En effet, un recours collectif ayant par sa nature un aspect
public et collectif, permettre un droit illimité de procéder
à des interrogatoires au préalable par le défendeur
risquerait de paralyser l'action comme telle. Evidemment, une telle situation
aurait des effets tout à fait contraires aux buts poursuivis par le
projet de loi.
REGLEMENT OU REJET AVANT JUGEMENT
Tout en favorisant les mesures du Titre III quant à l'accord
nécessaire du tribunal avant qu'un règlement n'intervienne ou
qu'un désistement ne soit formé, nous croyons toutefois qu'il
serait préférable que les parties soient tenues de
révéler à la cour les raisons du désistement ou du
règlement et que le tribunal en accueillant la demande, ordonne une
publication de ces raisons. La même situation devrait prévaloir si
la cour elle-même annulait l'autorisation d'exercer le recours collectif:
art. 1026 C.P.C. (Voir pour une disposition similaire, la Règle 23 (c)
(1) des Federal Rules of Civil Procedure (F.R.C.P.), 28 U.S.C. et 39 F.R.D. 69,
à 104 (1968), ADVISORY NOTE.
Nous croyons utile de reproduire ici l'art. 12 de la Uniform Class
Action Act, 1976 des Etats-Unis: 12. Dismissal or Compromise.
(a) Unless certification has been refused under Section 2, a class
action, without the approval of the court after hearing, may not be (1)
dismissed voluntarily (2) dismissed unvoluntarily without an adjudication on
the merits; or (3) compromised.
(b) If the court has certified the action under Section 2, notice of the
hearing on the proposed dismissal or compromise shall be given to all members
of the class in a manner the court directs.
(c) Notice given under subsection (b) shall include a full disclosure of
the reasons for the dismissal or compromise including, but not limited to, (1)
any payments made or to be made in connection with the dismissal or compromise.
(2) the anticipated effect of the dismissal or compromise on the class members,
(3) any agreement made in connection with the dismissal or compromise, (4) a
description and evaluation of alternatives considered by the representative
parties and (5) an explanation of any other circumstances giving rise to the
proposal. The notion shall also include a description of the procedure
available for modification of the dismissal or compromise.
(...)
(e) The cost of notice given under sub-section (b) shall be paid by the
party speeking dismissal, or as agreed in the case of a compromise unless the
court after hearing orders otherwise.
Nous proposons donc que le rejet, le règlement ou le
désistement, portant sur la continuation du recours collectif, sois
traité rigoureusement et soumis à des formalités telles
que celles proposées par les Commissaires nationaux aux Etats-Unis. Il
est d'importance capitale que les membres du groupe en soient avisés
afin de se substituer au représentant (voir art. 1024 C.P.C.
projeté), et ce, avant le jugement qui rejette ou donne acte des
procédures de désistement ou de règlement.
JUGEMENT
Nous sommes d'accord avec les dispositions du P.L. 39 relatives aux
mesures de recouvrement collectif ou individuel. Il y a, aux Etats-Unis,
beaucoup de discussions sur la doctrine dite cv-près qui était
originalement appliquée aux dons de charité dans la loi sur les
trusts. La doctrine considère que, si
un testateur ou un donateur a exprimé son intention de constituer
un trust, et en a spécifié le mode d'exécution, les
tribunaux ne devraient pas se prononcer sur sa caducité si ce mode
d'exécution n'est pas réalisable: il faudrait alors trouver un
mode analogue.
En matière de recouvrement collectif, même si plusieurs
personnes ont subi un préjudice mais sont incapables de présenter
une réclamation individuelle, on doit insister pour que l'auteur du
dommage restitue la totalité de ses profits illicites. (Voir Pomerantz,
New Developments in Class Actions, (1970) 25 Bus Law 1259, 1260, et Williams,
p. 155).
Permettre à un défendeur de se soustraire d'une
condamnation portée contre lui, simplement parce que ses victimes ne
sont pas en mesure de faire valoir individuellement leurs droits, constituera
un encouragement pour ce défendeur et pour d'autres comme lui de ne pas
respecter la loi. Or, le but poursuivi par ce recours collectif, n'est-il pas
exactement de permettre des réclamations collectives quand il est
évident qu'il n'y a pas lieu à des poursuites individuelles?
C'est ainsi que certaines décisions des tribunaux
américains ont appliqué très largement la doctrine de
cv-près en autorisant le défendeur à payer ou à se
comporter de façon à ce que de près ou de loin, il y ait
réparation du dommage causé. Dans l'arrêt West Virginia v.
Pfizer Co. 314 F. Supp. 710 (1970) aff. 440 F. 2ième 1079 (1971), le
reliquat de la somme ainsi accordée fut versé aux
municipalités ou aux états pour la santé publique. Dans
l'affaire Darr v. Yellow Cab Co. 63 Cal Rptr. 724 (1967), la Cour Suprême
de Californie avait accueilli une action collective où l'on
alléguait qu'une compagnie de taxi avait, pendant des années,
imposé des tarifs excessifs à ses clients. Comme le recouvrement
individuel par les usagers de ce service pendant les quatre (4) années
qui précédaient l'action était improbable, la cour a
noté que, la seule solution était par voie de recours collectif:
1. car il n'y avait pas de risque de poursuite individuelle peu
intéressante économiquement et 2. car en l'absence d'une telle
action, le défendeur serait le seul bénéficiaire.
Après ce jugement, le défendeur a consenti à
réduire ses tarifs, pour une période de temps
déterminée, jusqu'à concurrence des sommes excessives
payées par les usagers.
A ceux qui considèrent le système de recouvrement
collectif trop bouleversant par rapport au système traditionnel des
dommages-intérêts, plus particulièrement en ce que les
bénéficiaires d'une condamnation ne sont pas toujours les
victimes directes des fautes causées, on peut répondre comme
suit: premièrement, il faut souligner que le recours collectif a pour
but de prévenir certaines pratiques, il a donc un aspect dissuasif ainsi
qu'un caractère public en ce qu'il y a une importante partie de la
collectivité qui réclame certains droits; deuxièmement, on
ne peut pas dire que le défendeur paiera plus qu'il ne doit: il ne sera
pas tenu d'indemniser plus que le montant global des dommages qu'il a
causés et sur lesquels le tribunal liquidera sa condamnation. S'il y a
un reliquat laissé à la fin, ce n'est pas à lui qu'il
appartient de dire que ces sommes ne sont pas dues du simple fait qu'elles
n'étaient pas réclamées. Enfin si le tribunal, dans
l'exercise de sa discrétion, ordonne selon l'art. 1036 C.P.C., une
distribution du reliquat, bien que toutes les victimes n'aient pas
été indemnisées intégralement de leur
créance, comme l'a bien remarqué l'auteur anonyme du Managing the
Large Class Action Eisen v. Carlisle & Jacquelin, 87 HARVARD L. REV. 426,
453 (1974) ce n'est qu'un des effets de la justice de la même
façon qu'une injonction peut bénéficier à des
tiers.
A moins que le défendeur ne soit lésé dans ses
droits par ce mode de recouvrement collectif, comment peut-on dire que ce
recours n'est pas justifié, recours qui peut être le seul moyen de
faire valoir les droits d'une collectivité?
DÉPENS
On a parlé précédemment de la question des
dépens. Nous comprenons que les règles ordinaires relatives aux
dépens doivent s'appliquer au moment de la présentation de la
requête: si le représentant succombe dans sa demande, il doit
payer les frais de la partie adverse.
Mais l'on peut très bien argumenter que la règle devrait
être inversée au niveau de l'action collective proprement dite.
C'est d'ailleurs ce que nous suggérons: le représentant ne
devrait pas être tenu de payer les dépens de la partie adverse,
même s'il succombe dans sa demande. Une fois qu'il a
démontré au tribunal le bien fondé de sa demande d'exercer
le recours collectif, il doit selon nous pouvoir continuer sans devoir
supporter les effets de toute condamnation à la fin de l'instance. Il a
prouvé, à la satisfaction du tribunal, que sa demande
était valable. Pourquoi le pénaliser?
Il ne faut pas oublier que le recours collectif est surtout disponible
et utilisable pour le justiciable qui a une créance minime qu'il ne
pourrait pas normalement réclamer, autrement que par le recours
collectif. Il ne faut pas oublier qu'il y a un caractère public
rattaché à ce genre de demande: les
dommages-intérêts retirés d'une action collective
réussie auront des incidences non seulement sur les membres de la classe
victorieuse, mais aussi sur la société toute entière. La
restitution individuelle restera dans plusieurs cas assez mince; mais
l'obligation de payer une large somme globale à toute une classe
constituera bien souvent pour le défendeur une véritable
leçon pour l'avenir. De plus, l'aspect dissuasif va s'étendre
à toute la société, avertissant ainsi d'autres que la
pratique d'actes illicites à l'endroit de consommateurs pourra dans
l'avenir avoir une conséquence plutôt désastreuse.
A notre avis, la requête introductive d'instance aidera à
éliminer des poursuites frivoles. Le principe de l'exemption du
demandeur (ou représentant) aura peu d'application car les occasions
où une action collective, une fois autorisée, échouera,
seront considérablement réduites.
Nous croyons qu'en appliquant la règle normale de la condamnation
de la partie perdante aux frais de la partie adverse, dans le cadre des recours
collectifs, aura un important effet de dissuasion sur un demandeur
éventuel; ainsi, ce dernier, avec sa petite réclamation, n'aura
aucun motif de procéder à une telle action, s'il n'est pas
exonéré. Il est vrai que le futur Fonds d'aide aux recours
collectifs pourra l'aider; nous y reviendrons cependant plus loin. Il faut
qu'on décide: ou bien on laisse libres des personnes qui vont profiter
d'une situation où personne ne les poursuivra en raison du montant peu
élevé de la réclamation ou bien, on tente d'encourager les
recours collectifs, ayant confiance en leur habilité d'édu-quer
la collectivité dans les pratiques illicites qui sont malheureusement
répandues dans notre société.
Nous croyons qu'il faut éviter à tout prix que les
dispositions du présent projet ne restent lettre morte parce que
personne ne veut risquer une condamnation aux frais, plusieurs fois plus grande
que la créance individuelle. On prévoit la constitution d'un
Fonds; mais pour les gens qui ne se voient pas attribués l'aide
financière, le P.L. 39 ne répond pas de façon
satisfaisante à leur souci. Une fois qu'un tribunal a certifié le
bien fondé d'un recours collectif on ne voit aucune raison de laisser le
justiciable complètement ouvert à une condamnation aux frais de
la partie adverse, ce qui aurait des conséquences assez tragiques sur la
situation économique de la majorité des gens.
STATUT DE REPRÉSENTANT AUX CORPORATIONS ET AUX
GROUPES
Avant de laisser l'étude du Titre 1er du P.L. 39, nous
désirons souligner notre accord sur l'art. 1048 projeté,
permettant aux corporations ou aux groupements (dont l'un des membres est aussi
membre d'un groupe) d'agir comme représentant au sens de la loi. Nous
nous réjouissons de cette disposition qui constitue pour nous, une
reconnaissance du travail fait et de l'expertise accumulée par des
associations comme la nôtre. Cette disposition nous permet ainsi de nous
engager de façon plus directe dans le processus judiciaire et d'intenter
les recours collectifs qu'on croit nécessaires et importants.
Comme plusieurs actions collectives ont duré longtemps,
nécessité un travail soutenu de la part du représentant de
la créance, il est de plus haute importance qu'un organisme soit
habilité à prendre part à des procédures auxquelles
parfois un simple citoyen préférerait s'abstenir. Nous avons
toujours cru que la législation actuelle devrait être
amendée afin que des causes méritoires ne connaissent pas le
même sort que l'affaire DASKEN (où l'association des
propriétaires comme telle, avait pris l'action).
LE FONDS D'AIDE
Nous soulignons à ce chapitre que la constitution et la fondation
d'un fonds d'aide est indispensable et que cette législation nous semble
donc complètement justifiée.
Nous désirons cependant apporter quelques remarques à ce
sujet.
Premièrement, nous espérons que l'art. 22 du P.L. 39 sera
modifié afin d'ajouter le critère de l'intérêt
social. On a beaucoup insisté, tout au long de notre étude, sur
l'aspect social et public d'un recours collectif. Nous pensons encore une fois
que le Fonds devrait tenir compte de cette question chaque fois qu'on s'adresse
à lui. Il faut prévoir des critères basés d'une
part sur les moyens financiers du requérant, et d'autre part sur
l'intérêt social de poursuivre la réclamation. Nous
suggérons encore une fois de donner au Fonds le pouvoir d'étudier
les coûts éventuels (y compris les coûts d'avis, de
publication, etc.) qui constitueront sans doute un facteur
d'appréciation sur la décision finale.
On suggère de plus que le Fonds soit habilité à
donner rétroactivement son aide quand des faits nouveaux apparaissent,
faits qui n'étaient pas connus lors de la première
décision sur le dossier. Ce pouvoir rétroactif devrait exister,
et ce, malgré le caractère final de l'appel prévu aux
arts. 33 à 35 du projet de loi.
A ce chapitre de l'appel, vu le caractère définitif de la
décision sur le sort de la demande collective, nous sommes d'avis qu'un
banc composé de trois (3) juges serait mieux approprié. Comme
l'art. 35, 3ième al. du P.L. 39 dispose que la décision du
tribunal est finale, il serait souhaitable, pour vraiment protéger les
droits des citoyens, que le tribunal soit formé comme un tribunal
d'appel, c'est-à-dire avec trois (3) juges.
Finalement, les art. 31 et 32 du projet, concernant les cas où le
représentant perd son droit à l'aide et qui prévoient un
remboursement au Fonds, nous semblent contenir une lacune importante. En effet,
si, selon art. 1025, C.P.C. projeté, ce représentant
défaillant est substitué par un autre, les art. 31 et 32
devraient prévoir la continuation d'aide, cette fois-ci auprès
d'une autre personne. Nous soumettons donc que le projet devrait être
modifié afin de prévoir expressément la substitution de
l'aide financière.
DISPOSITIONS DIVERSES
Nous proposons également contrairement à l'art. 44 du
projet, insérant l'art. 1237 a. C.C., que la preuve testimoniale soit
admise comme règle générale dans tous les cas sauf le
droit du tribunal de refuser cette preuve pour certaines circonstances
exceptionnelles.
A notre avis puisque le recours collectif peut toucher un grand secteur
de la population, il serait préférable que les règles de
preuve soient assouplies afin de permettre l'instruction de la demande. Mieux
vaudrait-il consacrer la preuve testimoniale comme règle
générale que de la permettre par exception, comme le fait l'art.
1237a C.C.
CONCLUSIONS.
L'A.P.A. est heureuse de constater que le Gouvernement du Québec
ait décidé à venir au secours du public avec son projet de
Loi établissant le recours collectif. Nous invitons le Gouvernement
à promulguer de façon expéditive ledit projet de Loi qui
répond en grande mesure aux besoins du public. Tout retard aurait comme
conséquence de maintenir une situation injuste.
L'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES AUTOMOBILISTES
PAR: PHILIPPE EDMONSTON PRESIDENT
PAR: JACQUES E. CASTONGUAY VICE PRESIDENT
Ce mémoire a été rédigé avec
l'assistance des conseillers juridiques de l'A.P.A. soit l'étude APPEL,
GOLFMAN, COHEN, LEHRER & COOPER.