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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mercredi 19 avril 1978 - Vol. 20 N° 36

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de la Justice


Journal des débats

 

Étude des crédits du ministère de la Justice

(Dix heures vingt et une minutes)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, messieurs! La commission parlementaire de la justice est réunie pour étudier les crédits budgétaires de l'année 1978/79. Les membres de cette commission sont: M. Alfred (Papineau) remplacé par M. Lavigne (Beauharnois); M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Charbonneau (Verchères), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne) remplacé par M. Gendron (Abitibi-Ouest); M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière) est remplacé par M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata).

Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal)... Oui, M. le député?

M. Lalonde: Quel est le deuxième député de l'Opposition officielle que vous avez nommé?

Le Président (M. Laplante): M. Blank (Saint-Louis).

M. Lalonde: Voulez-vous le remplacer par M. Pagé (Portneuf), s'il vous plaît?

Le Président (M. Laplante): M. Blank (Saint-Louis) est remplacé par M. Pagé (Portneuf). Pas d'autres changements?

M. Lalonde: Comme membre.

Le Président (M. Laplante): Comme membre, d'accord. Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Alfred (Papineau), M. Léger (Lafontaine), M. Marois (Laporte). Est-ce que vous remplacez l'intervenant, M. Pagé?

M. Lalonde: Par M. Blank. C'est une interversion.

Le Président (M. Laplante): Merci.

M. Lalonde: Membre intervenant. C'est à cause du fameux droit de vote qu'ils n'ont pas.

Le Président (M. Laplante): M. Pagé (Portneuf) est remplacé par M. Blank (Saint-Louis), M. Roy (Beauce-Sud), M. Tardif (Crémazie).

Est-ce que vous auriez un rapporteur à proposer?

M. Gendron: Je vais proposer M. Clair.

Le Président (M. Laplante): M. Clair (Drummond) est proposé comme rapporteur. Adopté?

M. Lalonde: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Merci. Comme il a été entendu au début de l'étude des crédits, le ministre m'a remis des documents à distribuer. Le premier document est sur l'organigramme de la justice; il y a aussi un rapport annuel 1977-1978 sur les directives générales d'approbation des établissements des détenus et un rapport du comité consultatif sur le secteur correctionnel adulte.

M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques, s'il vous plaît?

Remarques générales M. Marc-André Bédard

M. Bédard: Oui, M. le Président, les remarques préliminaires habituelles.

Au début des travaux de cette commission, j'aimerais présentés mes principaux collaborateurs: le sous-ministre en titre du ministère, M. René Dussault; le sous-ministre associé aux affaires criminelles, Me François Tremblay, qui n'est pas ici ce matin, je crois; le sous-ministre aux affaires législatives, Me Daniel Jacoby; le sous-ministre à la détention et à la probation, le docteur Maurice Gauthier; le sous-ministre au niveau des registraires du Québec, Me René Langevin; le sous-ministre associé à la direction générale de la sécurité publique, M. Paul-A. Benoît, qui n'a pas besoin de présentation; le directeur de la Sûreté du Québec, M. Jacques Beaudoin; à la direction générale des greffes, Me Pierre Dorion; à la direction des affaires civiles et pénales, de même qu'à la direction des services juridiques, Me Harold Hutchison; à la direction générale du personnel, M. Clément Ménard; à la direction de l'équipement, M. Réal Dionne; à la direction du budget et de la vérification interne, M. Jean-Claude Dubois; à la direction des communications, M. Jacques Cayer. Avec votre permission, je voudrais également mentionner la présence des principaux collaborateurs du ministère de la Justice au niveau des commissions relevant du ministère de la Justice, entre autres la Commission des droits et libertés de la personne et son président, M. René Hurtubise; le président du Comité de la protection de la jeunesse, Me Jacques Tellier, et M. Paul Pé-riard; le président de la Commission des services juridiques, Me Yves Lafontaine; le président de la Commission des contrôles des permis d'alcool, M. le juge Jacques Trahan; le président de la Commission de police, M. le juge Roger Gosselin; le sous-ministre associé, responsable de la protection civile, Me Paul Brown.

M. le Président, nous avons, comme vous le savez, commencé les activités de la présente année au ministère de la Justice avec l'arrivée d'un nouveau sous-ministre, en la personne de Me René Dussault, qui était préalablement président de l'Office des professions du Québec.

Ce n'est pas mon intention, M. le Président, de vous expliciter son curriculum vitae, étant donné que Me Dussault était très bien connu. Il y avait

peut-être certaines inquiétudes qui se manifestaient suivant lesquelles Me Dussault, étant surtout connu comme "théoricien", on s'interrogeait sur le sens pratique qu'il y a à faire ses preuves, comme sous-ministre à la Justice, étant donné le caractère opérationnel du ministère.

Je peux vous dire que Me Dussault a su faire la preuve rapidement qu'il savait allier la théorie et un sens pratique très développé. Je peux dire qu'il m'a été très agréable de travailler et de continuer à travailler avec Me Dussault, comme sous-ministre, étant donné non seulement ses capacités intellectuelles, sa compétence qui est reconnue, mais également la qualité dont il a fait preuve rapidement de pouvoir travailler en équipe et solidairement.

Me Dussault s'est acquis rapidement la considération et le respect non seulement de mon humble personne, mais également de tous les officiers responsables au niveau du ministère de la Justice.

Nous avons eu à déplorer le départ du sous-ministre aux affaires civiles et pénales dans la personne de Me Lise Lemieux qui y faisait preuve de beaucoup d'efficacité. Je pense que cette nomination à un poste de responsabilité tel que celui de juge de la Cour supérieure constitue non seulement une valorisation, mais également la preuve que des gens compétents dans l'administration des affaires publiques peuvent être appelés à remplir de telles responsabilités. (10 h 30)

En guise d'entrée en matière, je voudrais vous taire rapport sur l'ensemble des activités qui se sont déroulées au niveau du ministère de la Justice. Au cours de l'année qui vient de se terminer, le ministère de la Justice a été, certes, très actif en ce qui touche la législation. Une dizaine de lois relevant du ministre de la Justice ont été adoptées au cours de la dernière session. Même si toutes ces lois ne constituent pas, nous le savons, des réformes en profondeur de certains secteurs de l'administration de la justice, elles m'apparaissent quand même importantes en ce qu'elles contribuent à apporter les ajustements nécessaires à la bonne marche de ces secteurs, en vue de donner aux justiciables des services toujours appropriés à leurs besoins. Cette vigilance constante pour pallier rapidement les lacunes des mécanismes législatifs en place est fondamentale pour quiconque conçoit l'administration publique dans une optique de services au public.

Ainsi, par exemple, la réorganisation importante que nous avons apportée par le projet de loi no 57 au Conseil de sécurité publique et au service de police de la Communauté urbaine de Montréal, a certainement contribué récemment au règlement du conflit de travail, mettant en cause les policiers de cette communauté. C'est la population de cette région qui, en définitive, va bénéficier ultimement de ces modifications — d'ailleurs, elles ont été acceptées à l'unanimité par l'Assemblée nationale — en évitant des inconvénients qui auraient pu résulter du prolongement du conflit.

De la même façon, le projet de loi d'allure très anodine, le projet de loi 77 amendant la Loi des jurés, permettra certainement d'améliorer l'efficacité du mécanisme du procès par jury, puisqu'il vient interdire à un employeur de changer les conditions de travail autres que la rémunération d'un de ses employés, pour le motif que celui-ci doit agir comme juré dans un procès. Plusieurs autres projets ont été présentés, entre autres; les projets de loi amendant le Code civil, avec l'autorité parentale, amendant également le Code de procédures civiles. Il y a eu également le projet de loi concernant les changements de nom et les changements de sexe.

L'Assemblée nationale a également adopté, en plus des amendements qui ont été apportés à la Charte des droits et libertés de la personne, un amendement, entre autres, pour faire suite à certaines recommandations de la Commission des droits de la personne.

L'Assemblée nationale a également adopté le projet de loi 83 visant à favoriser le civisme qui prévoit notamment qu'une personne peut recevoir des bénéfices analogues à ceux prévus par la Loi de l'indemnisation des victimes d'actes criminels lorsqu'elle subit un préjudice en portant secours, si elle a des motifs raisonnables de croire que la vie ou l'intégrité physique d'une personne est en danger.

Le ministère a, par ailleurs, été associé de très près à d'autres projets de loi pilotés par le ministre responsable du comité ministériel permanent du développement social. Je pense ici au projet de loi 24 sur la protection de la jeunesse, qui a été sanctionné récemment, et au projet de loi 39 sur le recours collectif, qui devrait être adopté au cours de la présente session.

En ce qui touche précisément les projets de loi que nous entendons adopter au cours de cette session, certains d'entre eux ont déjà été déposés à l'Assemblée nationale. Deux d'entre eux méritent particulièrement notre attention. Il s'agit du projet de loi 95 favorisant la libération conditionnelle des détenus, créant une commission québécoise des libérations conditionnelles pour les personnes incarcérées dans un établissement de détention québécois, et du projet de loi 85 modifiant la Loi de la probation et des établissements de détention en vue de permettre le travail rémunéré des détenus à l'intérieur comme à l'extérieur des établissements de détention québécois de façon à favoriser leur réinsertion sociale. Comme vous le savez, M. le Président, ces deux projets de loi ont été adoptés hier en deuxième lecture.

Bien sûr, j'ai aussi l'intention de présenter d'autres projets de loi au cours de la session actuelle. Ainsi, l'un d'entre eux viendra créer un conseil de la magistrature en vue de l'application d'un code de déontologie touchant les juges nommés par le gouvernement québécois. Ce projet de loi viendra aussi renforcer et uniformiser l'organisation administrative supérieure des tribunaux du Québec.

Un autre projet de loi viendra modifier la Loi sur la refonte des lois dans le but de permettre la refonte des règlements et la mise à jour périodi-

que des lois et des textes réglementaires qui sont en vigueur au Québec. Nous en avons d'ailleurs fait le dépôt hier en première lecture.

Concernant les textes réglementaires, j'ai aussi l'intention de présenter un projet de loi qui sera élaboré en collaboration avec le ministre d'État à la réforme parlementaire. Il prévoira une certaine uniformité dans leurs règles d'adoption et permettra un meilleur contrôle de leur contenu tant par le public que par l'Assemblée nationale. Les règles fondamentales de la démocratie exigent, en effet, que la législation déléguée soit mieux connue du public et de ses représentants au sein de l'État.

Les légistes du ministère sont actuellement à travailler sur d'autres projets de loi qui seront éventuellement déposés à l'Assemblée nationale. L'un d'entre eux apporterait une réforme en profondeur de la Loi des poursuites sommaires en introduisant, au Québec, un Code de procédure pénale. Un autre projet visera, éventuellement, à préciser les fonctions des principaux intervenants, principalement la protection civile du Québec, en cas de sinistre ou de catastrophe naturelle sur le territoire du Québec.

En ce qui concerne les études effectuées par le ministère, je voudrais en signaler deux qui ont été effectuées au cours de l'année qui se termine et que j'ai eu l'occasion de rendre publiques. La première émane du groupe de travail sur l'organisation des fonctions policières au Québec, présidé par M. Lucien Saulnier. Le rapport Saulnier nous a été remis au cours du mois de février 1978. La seconde étude a été remise au mois de février 1978.

Comme vous le savez, tel que je l'ai annoncé à la Commission de police, il y a des consultations qui, à l'heure actuelle, sont nécessaires entre les différents ministères concernés, soit l'aménagement, le ministère des Affaires municipales, sans oublier, naturellement, le ministère des Finances.

La seconde étude provient du comité consultatif sur le secteur correctionnel adulte qui a été constitué à l'été 1977. Le président du comité, M. André Thiffault, a lui aussi remis son rapport au cours du mois de février dernier.

Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer au cours des conférences de presse entourant la publication de ces études, celles-ci serviront de documents de travail dans nos discussions et consultations avec les groupes intéressés dans ces secteurs, en vue de définir le plan d'action du ministère en termes législatifs et administratifs.

D'autres études viendront au cours de la prochaine année. Elles toucheront la Commission de contrôle des permis d'alcool, les agences d'investigation et de sécurité et les services policiers aux autochtones sur le territoire du Québec.

Les deux premières de ces études devraient être complétées au début de l'été, alors que la troisième le sera éventuellement en septembre prochain.

En terminant ce bilan rapide des lois et des études du ministère, je voudrais insister sur un autre dossier sous notre responsabilité, celui de la préparation du nouveau Code civil. Le président de l'Office de révision du Code civil, le professeur Paul-André Crépeau, m'a remis, le 21 octobre dernier, le rapport final de l'office, dont le début des travaux remonte à 1955. Ce rapport qui présente un projet de code de 3288 articles sera d'ailleurs déposé à l'Assemblée nationale dès que l'impression sera terminée chez l'Editeur officiel du Québec, très probablement avant l'ajournement d'été de la présente session. Dès sa réception en octobre dernier, le Conseil exécutif a confié l'analyse du rapport qui nous avait été présenté à Me Claude Rioux, conseiller spécial en législation au Conseil exécutif, à qui s'est adjoint Me Marcel Guy, professeur et ancien doyen de la faculté de droit de l'Université de Sherbrooke. Les travaux de ces deux juristes d'expérience nous permettront d'analyser la portée des problèmes constitutionnels que soulève le projet de l'office, d'étudier les orientations sociales qui devront être prises, de planifier la coordination législative qui serait nécessaire avec l'ensemble de la législation existante, ainsi qu'il nous permettra d'évaluer les coûts qui découleraient de sa mise en oeuvre et le personnel requis.

Les travaux de MM. Rioux et Guy sont donc d'une importance majeure et ne pourront vraisemblablement être terminés avant le printemps 1979. Très prochainement, toutefois, le gouvernement devra décider de la procédure d'adoption du nouveau code par l'Assemblée nationale, parmi plusieurs hypothèses qui peuvent être envisagées. Compte tenu de l'importance de ce dossier, je vous invite dès maintenant, vous, les membres de l'Opposition, à nous faire part de vos suggestions à cet égard. Je tiens par ailleurs à souligner l'intérêt que je porte à ce dossier et à réitérer que je partage la volonté des dizaines de juristes qui ont participé, depuis plus de 20 ans aux travaux de l'office, à réformer en profondeur plusieurs de nos institutions séculaires et à redonner au Code civil une actualité qu'il était en voie de perdre.

M. le Président, concernant le bilan administratif du ministère de la Justice, je me propose de passer en revue avec vous les principales réalisations des diverses directions générales du ministère ainsi que de certains organismes qui y sont rattachés. Cette revue inclura certaines décisions importantes en matière d'équipement qui ont des répercussions importantes dans l'ensemble du réseau du ministère de la Justice. En décrivant ces réalisations, je voudrais insister sur l'effort accru de concertation qui existe entre huit directions générales du ministère dont les activités sont très diversifiées.

Concernant la Direction générale des affaires législatives, le Conseil des ministres lui a confié un nouveau rôle de soutien en matière de législation gouvernementale et il lui a donné la responsabilité de former des légistes compétents dans l'ensemble des ministères.

Pour assurer la réalisation de cet objectif, l'ancienne direction de la législation a été scindée en deux directions, l'une affectée à la législation ministérielle et lautre à la législation gouvernementale. La première assure maintenant l'élabora-

tion et la rédaction des projets de loi présentés par le ministère de la Justice; la seconde servira progressivement de soutien aux avocats et notaires des services juridiques des principaux ministères dont certains, par ailleurs, devront également se spécialiser en législation.

Cette nouvelle direction de la législation gouvernementale travaillera en collaboration avec les ministères avant que les projets de loi ne soient acheminés au comité de législation. On peut présumer que les ministères moins bien équipés choisiront d'utiliser les services spécialisés de cette nouvelle direction, surtout lorsque les projets de loi en cause seront complexes ou encore d'une haute technicité.

La mise en place de cette nouvelle structure est accompagnée d'un programme visant l'amélioration de la qualité de la législation pour l'ensemble du gouvernement et de ses organismes, tant en ce qui concerne le perfectionnement des techniques législatives que la formulation des textes. Ce programme implique également, M. le Président, la préparation d'un manuel de rédaction des lois et des règlements, le suivi systématique de la jurisprudence et de la doctrine spécialisée, l'exploitation des ressources de la linguistique juridique et la formation de légistes, tant à la direction générale des affaires législatives du ministère de la Justice que dans les divers ministères concernés.

Il prévoit également l'organisation de stages pour les légistes des différents ministères, que ce soit aux deux directions de législation du ministère de la Justice, au bureau de la législation déléguée ou encore au secrétariat du Conseil exécutif.

Concernant la Direction générale du personnel, par l'intermédiaire de notre direction générale du personnel, le ministère a accepté de participer à une recherche sur l'égalité des chances. Nous nous sommes associés au ministère de la Fonction publique pour identifier et introduire certaines mesures susceptibles de créer une meilleure égalité des chances pour les femmes dans la fonction publique du Québec. (10 h 45)

L'an passé, 1200 de nos employés ont participé à une étude scientifique dirigée par deux professeurs de l'Université Laval. De plus, le ministère de la Justice a accepté d'entreprendre un projet pilote au niveau de l'ensemble de l'administration comportant notamment les actions suivantes: tous nos gestionnaires seront sensibilisés aux inégalités qui existent dans notre société en général et qui se répercutent dans la fonction publique. Désormais, nous ferons l'impossible pour qu'une femme siège à tous les concours que notre ministère organisera et où une femme sera candidate.

Pour les postes de niveau professionnel, nous allons prendre des mesures spéciales pour attirer plus de femmes et avoir un nombre de candidates proportionné au nombre de finissantes dans les universités. Nous allons fournir aux employés de bureau qui désirent progresser dans la fonction publique le soutien nécessaire au développement de leur potentiel et de leur carrière.

Direction générale de la détention et de la probation. Depuis ma nomination comme ministre de la Justice du Québec, j'attache une importance primordiale au secteur de la détention. Je n'ai d'ailleurs cessé de mettre de l'avant, en matière correctionnelle, une approche communautaire visant à faciliter la réinsertion sociale des contrevenants.

Dans cette perspective, la Direction générale de la détention a réalisé, au cours de l'année 1977, certains projets pilotes visant à favoriser le recours, pour fins de sentence, aux travaux communautaires et à la restitution du profit d'une infraction, pour remplacer des sentences de prison de type traditionnel.

Durant cet été 1977, un projet de participation des détenus aux récoltes maraîchères, par exemple, fut réalisé au camp Saint-Pierre à I'îled'Orléans. Nous avons également continué à augmenter nos subventions à des organismes communautaires oeuvrant dans le domaine de la réinsertion sociale, notamment à des ateliers de réadaptation au travail et à des centres résidentiels communautaires.

Dans ce même esprit, favorisant une meilleure intégration des contrevenants à la société, je rappelle, comme je le mentionnais tout à l'heure, que j'ai également présenté à l'Assemblée nationale une loi relative à la libération conditionnelle ainsi qu'une loi concernant le travail rémunéré des détenus.

Non seulement est-il important de développer des alternatives à l'emprisonnement et des mécanismes de réinsertion sociale des personnes qui ont dû être emprisonnées, mais il est également important de poursuivre l'élaboration d'une politique moderne des établissements de détention eux-mêmes.

C'est à cette fin qu'à l'été 1977, j'ai créé un comité consultatif sur le secteur correctionnel adulte, dont le président, M. André Thiffault, m'a remis le rapport au cours du mois de février 1978, tel que je le mentionnais tout à l'heure.

En ce qui concerne les principales recommandations de ce rapport, relatif à la construction d'établissements de détention, je suis d'accord sur la position du groupe de travail et favorise que les décisions futures du ministère dans ce domaine s'inscrivent dans le cadre d'une politique de régionalisation des centres de détention et d'une politique d'utilisation multisécuritaire de ces centres de détention.

J'avais également demandé au groupe de travail de se pencher de façon particulière sur les cas de Saint-Jérôme, Trois-Rivières et Sherbrooke, à cause des problèmes urgents qui se posaient à ces endroits. À la suite des recommandations du groupe de travail et en respectant les orientations proposées dans leur rapport, nous avons autorisé la construction d'une première phase d'un futur complexe régional de détention multisécuritaire a Saint-Jérôme. Cette première phase consiste en la construction d'un pavillon de 56 cellules à sécurité maximale.

Nous avons également obtenu des approbations de principe pour la construction de projets à Sherbrooke et Trois-Rivières, qui pourront être

considérés comme des prototypes de ce que nous envisageons en matière d'équipements pour l'ensemble des régions du Québec.

De plus, je vous rappelle que la construction d'un établissement de détention à Amos est presque terminée; étant donné qu'il était déjà en chantier lorsque le groupe de travail a été formé, on n'a pu y appliquer les concepts qui ont été définis.

Enfin, dans le domaine de la gestion du personnel dans nos établissements de détention, le bureau du personnel a consacré des efforts particuliers au recrutement des agents de la paix. Ce programme a porté ses fruits car nous avons pu, au cours de l'année, du 25 mars 1977 au 23 mars 1978, augmenter l'effectif en place de 131 postes dans nos établissements de détention.

À la Direction générale des affaires civiles et pénales, le fait saillant de l'année a été l'implantation de notre système d'avocats plaideurs pour les contestations judiciaires où le Procureur général est partie, que ce soit en matière civile ou en matière pénale. Le fait d'avoir ainsi eu recours à des avocats salariés engagés par le ministère pour nous représenter dans ces litiges a eu pour conséquence — je crois que c'est important, M. le Président— l'amélioration de nos services, en plus de permettre la constitution d'équipes spécialisées dans ces secteurs de la procédure judiciaire.

Il y a lieu également de considérer les avantages financiers de ce nouveau système.

Pour l'année 1977/78, l'économie réalisée était de l'ordre de $1,565 million alors que, pour l'année 1978/79, les prévisions sont de l'ordre de $2,505 millions. Nous aurons l'occasion, lorsque nous arriverons à ce programme, de vous donner de plus amples informations comptables sur ces épargnes qui ont été réalisées par le ministère de la Justice, par la mise en place justement de contentieux, d'avocats permanents engagés par le ministère plutôt que de référer les causes aux avocats de la pratique privée, comme cela se faisait auparavant.

Lors de l'étude de ces crédits des programmes des contentieux civil, pénal et criminel, je serai, autrement dit, M. le Président, en mesure de présenter un bilan financier comparatif de l'ancien système par rapport au nouveau.

Dans le but de renforcer l'expertise juridique au ministère et dans l'ensemble du gouvernement et, subsidiairement, afin d'appuyer notre nouvelle équipe d'avocats plaideurs, nous avons amorcé une importante opération de recrutement pour plusieurs hauts postes de cette direction générale.

Il s'agit là d'une autre mesure dans le processus très important de revalorisation du rôle de l'avocat dans l'administration publique. Toutefois, suite au départ du sous-ministre associé d'alors, nous avons décidé de ralentir ce processus afin que le futur titulaire, Me René Dussault, puisse participer au choix de ses principaux collaborateurs.

La Direction générale des affaires civiles et pénales a aussi assuré, au cours de l'année, la coordination des activités du groupe de travail sur les agences d'investigation et de sécurité dont le mandat est de réviser la Loi des agences d'investigation et de sécurité ainsi que les règlements qui s'y rattachent.

L'objectif recherché par cette étude est de vérifier si les textes législatifs datant de plusieurs années correspondent toujours aux besoins de la société actuelle.

La Direction générale de la sécurité publique est celle qui a la responsabilité, en collaboration avec des représentants des ministères des Affaires municipales, des Finances et du ministre d'État à l'aménagement, de procéder à l'évaluation de la mise en application du rapport Saulnier.

Pour ce qui touche les services policiers, cette direction joue également un rôle au sein du groupe de travail sur les services policiers aux autochtones récemment constitué au ministère. La dispensation de tels services aux Amérindiens et aux Inuit pose actuellement certaines difficultés pratiques. Le groupe a pour tâche d'identifier quel type d'organisation policière est le plus susceptible de répondre aux besoins, à savoir à l'unité autochtone de la Sûreté du Québec, ou s'il faut recourir à des policiers locaux contrôlés par les conseils de bande ou encore à des policiers de municipalités environnantes.

Cette question revêt actuellement presque un caractère d'urgence, étant donné des engagements pris par le Québec dans la Convention de la baie James et du Nord québécois. Le groupe comprend un représentant des Affaires municipales et quatre représentants de notre ministère. Il a été établi en concertation avec le secrétariat des activités gouvernementales en milieu amérindien et inuit et il devra nous soumettre ses recommandations d'ici septembre prochain.

À la Direction générale des affaires criminelles, dans le secteur des affaires criminelles, une initiative concernant la violence au hockey mérite d'être signalée. Avant même la publication du rapport Néron et, conformément à ce que j'avais annoncé l'automne dernier à la conférence des procureurs généraux à Charlottetown, un cadre de référence a été élaboré par la direction des affaires criminelles.

Au cours de l'hiver, cinq incidents majeurs sont survenus où une enquête policière a été effectuée. Si l'on peut tolérer que certains contacts physiques surviennent au cours d'une partie de hockey, il est inadmissible que soient tolérées des bagarres générales, surtout lorsqu'elles surviennent avant que la partie ne soit commencée. Les jeunes Québécois n'ont pas besoin de tels exemples pour pratiquer un sport qui développe, à la fois, des qualités physiques, intellectuelles et simplement humaines. Ce cadre de référence qui doit guider l'action des substituts du Procureur général évoque aussi la possibilité d'impliquer les instructeurs.

Concernant les activités de la Sûreté du Québec, le point marquant a été sans nul doute l'heureux dénouement de la négociation du contrat de travail avec l'Association des policiers provinciaux du Québec. Pour la première fois, cette entente couvre la période d'avril 1977 au 31 décembre 1980.

Au chapitre de la sécurité routière, des campagnes de sensibilisation et diverses opérations ont été menées au Québec au cours de l'année écoulée. Que l'on songe aux campagnes sur le port de la ceinture de sécurité, aux opérations clic, ainsi qu'aux efforts de vérification de l'état des véhicules. Qu'on se souvienne de programmes comme Sagix qui visait à inculquer aux jeunes enfants à l'école des notions de sécurité qui en feront à l'âge adulte des conducteurs avisés et vigilants.

En parallèle, le gouvernement, par la loi ou règlement, a agi afin de stimuler le réflexe de la sécurité. La diminution de la vitesse permise sur les routes, les amendements apportés au système de points de démérite, afin de lui permettre d'atteindre ses objectifs dissuasifs d'abus, le tout complété par une vigilance toujours meilleure des corps policiers.

Toutes ces mesures, donc, ont contribué déjà, un tant soit peu, à diminuer les effets dévastateurs et les records d'accidents. Il fallait, d'ailleurs, s'y attaquer résolument. Que l'on se rappelle qu'en 1977 1418 citoyens ont perdu la vie sur les routes du Québec. Le mois de surveillance intensive des règles de sécurité routière qui débute ne vise pas à établir des records de distribution de contraventions, mais à rappeler à chaque Québécois qu'il doit s'impliquer afin de protéger sa vie et celle des autres. S'il lui en coûte $10 ou $15 pour apprendre à céder aux intersections, à porter sa ceinture, à respecter les limites de vitesse, bref, à rester en vie et à laisser aux autres leur vie, la leçon n'est pas chère. Je pense que le citoyen du Québec le comprendra comme tel.

Au niveau des équipements, nous avons participé à une étude du ministère des Travaux publics concernant la normalisation des équipements des postes locaux de la Sûreté du Québec. Je voudrais souligner que c'est la Sûreté qui assume, en grande partie au Québec, le fardeau de l'application de la loi 51 récemment adoptée par le gouvernement fédéral. Cette loi introduit dans le Code criminel diverses mesures de contrôle touchant les armes à feu. Bien que nous ayons de sérieuses réserves quant à l'opportunité et à l'efficacité de cette nouvelle loi fédérale, je me dois, comme Procureur général, de voir à la mise en exécution et en application au Québec. Cela nécessite une participation essentielle de la Sûreté du Québec, dont plusieurs agents devront agir comme préposés aux armes à feu et à voir à l'émission d'autorisation de permis et d'enregistrement divers pour ces armes à feu.

M. le Président, j'aimerais attirer l'attention des membres de cette commission pour une décision que je considère particulièrement importante sur le plan de l'accessibilité à la justice. Jusqu'à récemment, l'exécution des jugements rendus dans les cours d'accès à la justice, mieux connues sous le nom de Cour des petites créances, ne pouvait être effectuée qu'aux 32 greffes réguliers de la Cour provinciale. Nous avons pu, au cours de l'année qui vient de s'écouler, rendre possible l'exécution de ces jugements, non plus seulement a ces greffes réguliers, mais bien dans 84 greffes propres aux cours d'accès à la justice. Je vous rappelle, par ailleurs, que la juridiction de ces cours est, depuis le 1er avril dernier, de $500, conformément au projet de loi no 32. sanctionné le 17 novembre dernier.

Au niveau des équipements du réseau québécois des greffes, nous avons soumis au ministère des Travaux publics notre programme de besoins concernant les palais de justice de Sherbrooke, Roberval et Shawinigan. Quant à Granby et Alma, nous avons approuvé le principe de l'intégration des palais de justice de ces endroits à des centres administratifs gouvernementaux. (11 heures)

J'ai également souligné aux fonctionnaires de cette direction générale l'importance d'être en mesure d'offrir des services d'accueil au public facilitant ainsi le contact entre le justifiable et le domaine de la justice. Il faut, en effet, se souvenir que les greffes et les palais de justice n'existent pas seulement pour les fonctionnaires, les juges et les avocats, mais qu'ils existent également et surtout pour le public.

À la direction des communications, un effort particulier a été effectué cette année pour faire connaître au public, par-delà le rôle répressif de la criminalité que nous avons de toute façon assumé, l'ensemble des services offerts, par ailleurs, par le ministère, à savoir, registre de l'État civil, bureaux d'enregistrement dont plusieurs ont une portée sociale, la Cour des petites créances, la protection de la jeunesse et l'aide juridique. C'est aussi dans cette optique de faire connaître davantage toute la gamme de nos activités que j'envisage cette année de publier et de déposer à l'Assemblée nationale le premier rapport d'activité après neuf années de silence à cet égard du ministère de la Justice. Ce rapport devrait être déposé à l'Assemblée au cours de l'automne. Aussi curieux que cela puisse paraître, M. le Président, je pense qu'il n'y avait pas eu de rapport du ministère de la Justice déposé à l'Assemblée nationale depuis neuf ans environ.

M. Lalonde: Tout était transparent, on n'avait donc pas besoin de rapport.

M. Bédard: Nous corrigerons cette lacune.

Commission de contrôle des permis d'alcool du Québec. Au terme de ce bilan administratif de l'activité des différentes directions du ministère, j'aimerais ajouter quelques commentaires sur certains organismes rattachés au ministère de la Justice. En ce qui touche la Commission de contrôle des permis du Québec, j'ai formé, au cours de l'été, un groupe de travail dont le mandat consiste à réviser la loi qu'administre cet organisme afin de s'assurer qu'elle est bien adaptée à l'évolution connue au cours des dernières années et de vérifier que ses dispositions permettent d'atteindre des objectifs visés avec le maximum d'efficacité. Cette révision est faite en regard des objectifs qui ont été dégagés et des recommandations formulées par la commission Thinel. Même si ce groupe de travail ne m'a pas encore remis son rapport, à

la suite des commentaires que me font les députés de tous les partis ou qui sont acheminés à mon bureau par des personnes qui ont des contacts avec la commission, je peux quand même affirmer que la réforme doit nécessairement, au niveau de la Commission de contrôle des permis d'alcool, impliquer une réduction des délais pour l'obtention des permis et une simplification des contrôles effectués. La situation actuelle, qui est inacceptable, tient à la fois à la loi et aux règlements actuellement en vigueur et également au partage des responsabilités administratives.

Dans le secteur de la Commission des services juridiques, je tiens à indiquer aux membres de cette commission qu'un changement a été apporté en ce qui touche les barèmes d'admissibilité à la Loi de l'aide juridique. Ceux-ci, en effet, ont été réévalués afin de tenir compte de l'évolution des revenus au cours des dernières années. Ainsi, par exemple, le taux d'admissibilité d'une personne seule est passé de $115 à $135. Les taux des autres personnes ont subi une augmentation proportionnelle. Ces nouveaux barèmes font que plus de 1 600 000 personnes bénéficient des services d'aide juridique. Durant l'année, nous avons conclu avec le Barreau du Québec une entente modifiant le tarif des honoraires en matière de droits matrimoniaux. Quant à l'accord général de financement avec le gouvernement du Canada en ce qui touche l'aide juridique concernant le secteur correctionnel, il est actuellement échu et il fait l'objet d'une négociation intense avec le ministère fédéral de la Justice.

M. le Président, à la suite de l'adoption du projet de loi 24 sur la protection de la jeunesse, nous avons procédé à une révision du plan d'organisation du comité de la protection de la jeunesse qui est chargé d'assurer le respect des droits de l'enfant et d'exercer un rôle de surveillance générale de l'application de la loi. Ce plan d'organisation, qui fait présentement l'objet d'un examen de la part du Conseil du trésor, prévoit une augmentation substantielle des effectifs et du budget de cet organisme.

M. le Président, comme je l'ai indiqué lors des journées d'étude organisées par la Commission de police du Québec, il nous apparaît important que cet organisme continue à agir comme entité quasi judiciaire à l'égard de cas que la loi place actuellement sous sa juridiction.

Toutefois, l'application de certaines recommandations du rapport Saulnier affectant le mandat de la Commission de police du Québec devra faire l'objet d'ajustement à la loi actuelle de la Commission de police du Québec, afin de mieux définir ses rôles et ses pouvoirs.

Je souligne également, dans la nouvelle réglementation adoptée par la Commission de police du Québec et approuvée par le gouvernement, le règlement no 6 relatif aux formules qui doivent être utilisées par la Sûreté et les corps de police municipaux en matière de rapports d'accidents d'automobile; le règlement no 13, concernant les archives que doivent tenir la Sûreté du Québec et les corps de police municipaux, relatif au personnel policier et, enfin, le règlement no 14 relatif à l'identification des véhicules des corps de police municipaux qui établit des normes provinciales sur cette question.

À l'examen du livre des crédits pour 1978/79, qui fut déposé par le ministre des Finances à l'Assemblée nationale le 21 mars dernier, vous constaterez que les crédits du ministère de la Justice s'établissent à $355 800 000 pour 1978/79. Ce budget représente une augmentation de $25 400 000 par rapport au budget modifié de $330 433 500 pour l'année financière 1977/78, c'est-à-dire une augmentation de 7,8%. 79% de ces crédits sont consacrés à la gestion des quatre programmes du ministère de la Justice, soit la Sûreté du Québec: $140 800 000; le fonctionnement du système judiciaire: $55 800 000; les institutions pénales: $49 900 000, et l'aide juridique: $33 200 000.

Je porte à votre attention que les crédits prévus pour le paiement des traitements des employés et l'application des conventions collectives s'établissent à $260 722 700, soit 73% du total des crédits du ministère.

Des crédits de $5 140 000 sont consacrés à l'expansion de services et à la réalisation de nouveaux projets. Les principaux projets sont: le financement de la révision du tarif des jurés et témoins adoptée à l'automne 1977 dont l'augmentation des coûts est de l'ordre de $1 425 000; une augmentation d'effectif des établissements de détention, dont le coût pour l'année 1978/79 est évalué à $1 800 000; des crédits de $525 000 ont été consentis au budget de la direction générale des greffes pour l'achat de livres de bibliothèque et l'enregistrement mécanique au bureau de Hull.

De plus, au cours de l'année 1978/79, nous voulons développer notre programme d'information et de publicité afin que la population puisse recevoir une information adéquate dans les secteurs d'activité du ministère de la Justice. À titre d'exemple, je peux vous citer le projet de loi no 24, la Loi sur la protection de la jeunesse.

Le total de l'effectif du ministère s'établit à 13 894 hommes-année pour l'année 1978/79. Les effectifs des trois programmes ci-après énumérés représentent 83% de l'effectif total. Ces programmes sont: la Sûreté du Québec, 5507; le fonctionnement du système judiciaire, 2949, et la garde des prévenus et des détenus, 2366 hommes-année.

Durant l'année 1977/78, nous avons procédé au réaménagement des effectifs additionnels et il y a eu des transferts de postes de certains autres ministères afin de refléter des transferts de responsabilités. Ces opérations, jointes aux postes additionnels accordés pour l'exercice 1978/79, nous ont permis de porter les effectifs permanents de la Direction générale des affaires législatives de 23 à 60, de la Direction générale des établissements de détention de 2286 à 2339, de la Direction générale de la sécurité publique de 116 à 137 et, au niveau de la Sûreté du Québec, 5356 postes à 5446 postes.

Il nous a été possible de limiter le taux de croissance du budget du ministère à 7,8% par une limitation de la croissance des dépenses; un réa-

ménagement des ressources, une utilisation maximale des ressources humaines et la réduction du coût de certaines activités nous ont permis d'en arriver à limiter le taux de croissance du budget du ministère à 7,8%

Ces résultats, j'en suis conscient, M. le Président, ont pu être atteints grâce aux efforts qui ont été déployés par les responsables et à leur souci de gérer à l'intérieur des budgets qui leur ont été accordés. Sans cette collaboration des fonctionnaires, les divers niveaux de gestion et leur volonté de gérer efficacement, il n'aurait pas été possible de limiter la croissance des effectifs réguliers et de consacrer des crédits additionnels de $5 140 000 à de nouveaux programmes, de nouveaux projets. Nous allons poursuivre, M. le Président, nos études des activités de certains secteurs du ministère de la Justice, plus particulièrement dans le domaine des institutions pénales, en tenant compte de l'orientation globale qui nous a été soumise par le comité consultatif sur le secteur correctionnel adulte. Par la poursuite de ces objectifs du secteur des institutions pénales, à savoir dépénaliser partout où on peut le faire, utiliser le droit pénal avec modération par un processus de déjudiciarisation, en nous servant de l'emprisonnement comme solution ultime, il nous sera possible de stabiliser nos coûts au titre des institutions pénaies et d'augmenter les crédits pour le développement des ressources communautaires. Lors de l'étude des crédits des programmes 4, concernant la garde des prévenus et des détenus et 5, la réinsertion sociale des délinquants, j'aurai l'occasion de vous préciser ma politique et les actions que j'entends prendre dans ce secteur.

M. le Président, j'ai voulu, par cet exposé, souligner aux membres de cette commission l'objet de nos préoccupations au cours de l'année 1978 et les objectifs que j'entends poursuivre dans le secteur des institutions judiciaires, des institutions pénales et de la sécurité publique. Le bilan que je viens de vous dresser n'est toutefois pas complet, il me sera possible de vous en préciser les aspects particuliers au cours de l'étude de ces crédits programme par programme.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, je veux remercier le ministre de son exposé d'ouverture. Avant de passer à quelques commentaires, je voudrais saluer, au nom de l'Opposition officielle, tous ces fonctionnaires qui ont été invités par le ministre à assister à nos délibérations. Si on n'en jugeait que par leur nombre et leurs impressionnantes fonctions, et en voyant ici deux pauvres petits députés de l'Opposition, de ce côté-ci de la table, on pourrait penser à une tentative d'intimidation de la part du ministre.

M. Bédard: J'ai vécu cette expérience.

M. Lalonde: Mais il n'en est rien, M. le Prési- dent, parce que, comme on le sait, c'est toujours le ministre qui fait les erreurs et ce sont les fonctionnaires qui font toujours les bons coups. Alors, je ne vois pas là rien de tel. M. le Président, dans les personnes que j'ai connues. Il y en a plusieurs dont je crois avoir l'amitié, et c'est mutuel. Je veux toutefois les saluer et plus particulièrement le nouveau sous-ministre, que j'ai eu d'ailleurs l'occasion de saluer lors d'autres séances, je crois, de cette commission, et au moment de sa nomination en particulier. Je lui souhaite tout le succès possible dans ses nouvelles fonctions.

En fait, actuellement, c'est une première, parce que c'est la première fois qu'on examine les crédits de la Justice alors que le ministre ou ce gouvernement a une année complète, un exercice financier complet. Je ne sais pas si c'est pour cette raison que le rapport d'ouverture du ministre a été si volumineux, quant à moi, je me réfère à certaines habitudes d'autres ministres. Je terminais, par exemple, hier, l'étude des crédits du ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières. Nous avions reçu de Mme le ministre plusieurs documents qui ramassaient un certain nombre de renseignements qui ne sont pas contenus dans les documents officiels du ministère des Finances. Je comprends que les propos d'ouverture du ministre contiennent beaucoup de ces renseignements. C'est assez difficile de suivre ou de prendre des notes. J'ai à peu près un bouquin de notes que j'ai prises à mesure que le ministre récitait son rapport. J'aurais une suggestion tout à fait positive à faire pour aider et alléger les travaux de ces commissions à l'avenir, soit de nous distribuer quelques jours à l'avance un certain nombre de renseignements qui ne sont plus confidentiels étant donné qu'ils sont révélés ici. C'est la raison d'être d'ailleurs de cette commission. Cela pourrait nous aider à mettre de côté des choses qui nous apparaissent importantes et qui, après en avoir connu la réponse, deviendraient simplement marginales. Alors, on pourrait gagner du temps. (11 h 15)

M. Bédard: Quoique le rapport qu'on a déposé ce matin concernant le secteur correctionnel, je venais juste de le recevoir.

M. Lalonde: Oui, il y a les rapports annuels.

M. Bédard: Le rapport annuel concernant le rapport Thiffault.

M. Lalonde: Je l'ai eu ce matin et je n'avais pas eu le temps de le lire encore.

M. Bédard: Concernant le rapport Thiffault, je crois que cela a déjà été porté à l'attention de la presse et des membres de l'Opposition.

M. Lalonde: Oui. M. le Président, le ministre a fait un bilan en commençant par la législation; en effet, nous avons eu une dizaine de lois, dit-il, dont limportance est toujours grande, mais dont la portée est souvent limitée. Je pense qu'il s'agit là d'un bon processus de révision de nos lois, même s'il

ne s'agit que d'amendements, souvent, de réaménagements de lois existantes.

Loin de nous l'intention de minimiser l'importance de ces lois. D'ailleurs, l'accueil que l'Opposition officielle a toujours fait aux lois que le ministre de la Justice a proposées à l'Assemblée nationale, depuis qu'il occupe ce poste, témoigne, je pense, du caractère sérieux que nous apportons à cette étude. Il faut aussi saluer l'ouverture d'esprit du ministre à l'occasion de cette étude.

Je ne sais pas si on peut se surprendre que l'Opposition, éventuellement ou de temps à autre, exprime des félicitations à un ministre, ayant vécu...

M. Bédard: Cela m'arrive.

M. Lalonde: ... d'autres débats devant d'autres ministres, je peux saluer l'ouverture d'esprit du ministre de la Justice dans l'étude de ses lois.

Il reste toutefois que deux lois majeures ont été parrainées par un ministre autre que le ministre de la Justice; je parle des lois 24 et 39. Lors de l'étude de la loi 24, d'autres occupations m'ont empêché de participer aux débats; lors de l'étude de la loi 39, je me suis trouvé devant un autre ministre extrêmement ouvert d'esprit, le ministre d'État au développement social. Si je déplore que ce ne soit pas le ministre de la Justice, ça ne doit pas être interprété comme un blâme pour l'autre ministre. Sauf qu'il m'apparaît que cette superstructure de superministre a enlevé au ministre de la Justice, je pense, une importance, que je croyais et que je crois encore fondamentale, étant donné le caractère tout à fait sacré que j'accorde à la fonction de ministre de la Justice et à la justice en particulier, naturellement.

Ces deux lois, la protection de la jeunesse et le recours collectif, sont des lois de portée très générale, de portée extrêmement importante pour le fonctionnement d'une société. Si l'amendement à la Charte des droits et libertés de la personne sur l'orientation sexuelle était aussi extrêmement important, avait surtout une signification importante, je pense que ces deux lois, 24 et 39, affectent beaucoup plus le fonctionnement d'une société.

J'aurais, quant à moi, espéré voir le ministre de la Justice, à toutes les étapes de l'étude d'un tel projet de loi, plus particulièrement le recours collectif. Le ministre a fait état, à quelques reprises, dans sa déclaration, de la participation, non seulement de la collaboration, mais rapport, sûrement très sérieux du ministère de la Justice et du ministre de la Justice, au niveau administratif, au niveau du gouvernement.

Mais lorsqu'une loi est déposée en Chambre, c'est l'Assemblée nationale, c'est la population qui en prend possession. L'absence du ministre de la Justice, je l'ai déplorée. Je ne sais pas dans quelle mesure il serait possible que ces réformes importantes dans le domaine de la justice soient laissées, à toutes les étapes de l'étude, au ministre de la Justice. Même si je reconnais qu'avec la superstructure que nous avons actuellement, le supermi- nistre, même si le ministre au développement culturel ou au développement social ou économique pourrait avoir la responsabilité première de l'initiative des études, de tout le fonctionnement, de toute la préparation de la loi, ces réformes devraient être laissées à celui que tout le monde identifie comme étant le protecteur de tous les justiciables. On devrait lui laisser le soin de piloter, de voir à faire traverser toutes les étapes à ce projet de loi.

J'attaque la modestie du ministre tout à fait naturelle et tout à fait évidente, mais il pourra simplement envoyer une copie, une transcription de mon intervention à son collègue pour obtenir gain de cause.

M. Bédard: Une très grande harmonie, je peux vous le dire, règne entre le ministre d'État au développement social et le ministre de la Justice. Il y a une collaboration constante.

M. Lalonde: C'est ce que je déplore. Le ministre de la Justice devrait mettre son pied à terre à un moment donné et dire; C'est à moi ces projets, je devrais les piloter. Une trop grande harmonie, vous savez...

M. Bédard: L'important c'est... M. Lalonde: La rose.

M. Bédard: L'important, ce n'est pas d'essayer d'avoir le plus de projets de lois à son actif, c'est surtout d'essayer d'avoir le plus d'efficacité possible.

Je suis conscient des remarques du député de l'Opposition. Je vous expliquerai jusqu'à quel point je suis d'accord avec lui.

M. Lalonde: Je ne sais pas si le ministre préfère qu'on dialogue, mais j'aurais préféré continuer...

Le Président (M. Laplante): Quant à moi, je préférerais que le député de Marguerite-Bourgeoys fasse son exposé, puis que le ministre de la Justice réponde.

M. Lalonde: D'autres législations nous sont annoncées: en particulier, le conseil de la magistrature, l'organisation administrative supérieure — je crois que j'ai compris, dans ce sens-là, des tribunaux — la refonte des lois, c'est déposé en première lecture.

Je vais m'attarder quelques minutes seulement sur la question des tribunaux judiciaires. On a vu une promesse du 19 mai 1977 du ministre de la Justice, qui, pourtant, est très prudent. À la page B-2872 du journal des Débats, je cite: "De plus, je déposerai cet automne un projet de loi sur la réorganisation des tribunaux judiciaires et qua-sijudiciaires". Il avait sûrement trouvé, comme dans un grand nombre d'autres dossiers, un projet relativement avancé lors de son arrivée au ministère de la Justice, en ce qui concerne la réorganisation des tribunaux judiciaires.

Donc, nous avions compris, avec beaucoup de plaisir et d'enthousiasme, que nous serions appelés à étudier ce projet de loi, l'automne dernier. On nous le promet encore en ce 19 avril, onze mois exactement plus tard. Je ne veux pas chercher noise au ministre, parce que je vis cette situation depuis le commencement de l'étude des crédits de 1978. Nous avions exactement le même spectacle à l'occasion de l'étude des crédits du ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières. Nous avons rappelé au ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, toutes ses promesses de 1977, qu'elle nous a refaites, en partie, en 1978, mais avec une pointe de plus de sérieux et de plus réalisme.

Je mets cela sur le compte de l'inexpérience, de la volonté de bien faire de l'an dernier et je me permets de donner une seconde chance au ministre, M. le Président. Je suis très généreux.

M. Bédard: Je n'en attendais pas moins de vous.

M. Lalonde: Parce que je pense que sa promesse actuellement, son engagement, est plus sérieux, et est fondé sur une connaissance beaucoup plus grande de la situation et de ses dossiers. C'est tout à fait normal qu'un an auparavant il ait eu une connaissance moins profonde des situations.

Je me permets ici de vous ouvrir une parenthèse et de souhaiter que la réorganisation des tribunaux judiciaires et quasi judiciaires — je ne sais pas si c'est à cette occasion ou à l'occasion de la Loi concernant le Conseil de la Législature — donne au gouvernement les moyens nécessaires pour régler des problèmes comme celui que nous avons vu dans ce qu'on appelle maintenant l'affaire Fabien.

Ne voulant pas du tout me faire le porte-parole de toutes sortes de livres, de bouquins ou d'autres choses que je n'ai pas lus et dont je ne peux pas rendre témoignage, il y a deux choses que je reproche au ministre dans cette affaire qui a duré et perduré. Elle était extrêmement délicate, et nous ne pouvions par l'étaler en public par des questions répétées en Chambre. Nous avons tenté de faire preuve du plus grand sens possible des responsabilités en espaçant nos questions, tout en comprenant qu'il s'agissait d'une matière d'intérêt public et que nous devions être informés.

On nous dira peut-être que les lois et les règlements applicables ne permettaient pas de régler ce genre de problème rapidement et d'une façon correcte, en faisant appel à une certaine jurisprudence ou à certains mécanismes déjà existants.

La deuxième critique est beaucoup plus grave, M. le Président. C'est la perception que plusieurs ont eue dans la population et que j'ai eue, qu'on a brandi la menace d'une enquête publique pour obtenir la démission du juge Fabien. Cela m'apparaît extrêmement grave.

On a, lors d'une conférence de presse — si ma mémoire est fidèle, même le premier ministre a participé à cette manoeuvre — laissé entendre qu'on songeait à faire enquête publique. Quelques jours après, la démission du juge Fabien était chose faite.

Je ne veux pas me faire le défenseur du juge Fabien ou de n'importe quel autre juge. Je ne connais pas tout ce que le ministre connaît, à la suite de l'enquête policière qui a été faite, mais il m'apparaît absolument odieux de brandir la menace d'une enquête publique contre quiconque détient une charge publique. Le fait que lenquête n'ait pas eu lieu après ne fait que confirmer le caractère extrêmement sérieux de l'injustice qui a été faite à l'égard d'un bonhomme qui avait le droit d'avoir justice comme tout le monde.

Il m'apparaît inacceptable de menacer de faire une enquête publique sur une personne. On peut dire: On songe à faire une enquête publique sur l'état des routes. On va voir. Mais menacer de faire une enquête publique sur une personne et ne pas la faire après, en lui enlevant la chance de se blanchir, m'apparaît une manoeuvre extrêmement malheureuse. C'est la première fois que j'ai l'occasion de la dénoncer. Je pense que cette façon d'agir de la part d'un ministre de la Justice est tout à fait inacceptable quand on désire que l'intégrité de sa fonction protégée contre tout soupçon.

On a parlé de la Loi de la protection civile. Nous aurons des questions à poser naturellement, lorsque nous arriverons à ces éléments de programme. Pour les études, on étudie encore la question des permis de la commission de contrôle. À la même date, le 19 mai 1977, on nous avait promis d'examiner la même question. Il y a onze mois, on disait: "Enfin, j'ai l'intention de procéder à l'examen de la loi et des règlements et procédures administratives de la Commission de contrôle des permis d'alcool."

Où en sommes-nous? On en est encore à l'étude. Je sais que la situation actuelle ne satisfait personne, ni les administrateurs de cette loi, ni les administrés, et il est urgent que nous avancions. J'invite le ministre à faire preuve de plus de rapidité dans ce cas. (15 h 30)

Quant au Code civil, je remercie le ministre d'avoir annoncé le dépôt du rapport à l'automne. Je suis d'accord avec lui que la procédure d'étude et d'adoption de ce projet de loi doit être établie avec beaucoup de soin. J'offre la collaboration de l'Opposition à cet effet. Ce n'est pas ici que nous allons étudier ou enfin déterminer, de façon formelle, cette procédure d'adoption, mais il n'y a aucun doute que, soit par nos leaders parlementaires qui ont des structures de communication et des traditions de communication entre les partis, soit directement entre le ministre et les critiques de l'Opposition, l'étude d'un projet de 3288 articles doit être bien préparée, que la procédure doit être établie d'avance. Là-dessus, le ministre trouvera notre collaboration entière.

J'ai attrapé une phrase que le ministre a dite relativement aux programmes d'égalité des chances. On sait que ces programmes d'égalité des

chances dans la fonction publique font suite à une étude du Conseil du statut de la femme en 1974 et 1975, qui avait été suivie par la nomination d'une femme à la Commission de la fonction publique, qui avait aussi été suivie par certaines démarches ponctuelles, mais pas de façon générale. Quand le ministre a dit quelque chose comme ceci — j'ai pris une note, ce n'est peut-être pas verbatim— qu'une femme siège dans tous nos concours où une femme est candidate, il m'apparaît qu'on retombe encore... Le ministre a dit: "Une femme siège dans tous nos concours où une femme est candidate".

M. Bédard: ... pour tant d'autres aussi; je ne vois pas...

M. Lalonde: J'espère!

M. Bédard: Au moins cela. C'est un minimum.

M. Lalonde: J'espère qu'on ne les traite pas comme... Il me semble que ce n'est pas l'approche qu'on devrait avoir. On devrait avoir comme intention de donner une chance de plus à une femme d'égale valeur qu'à un autre concurrent; on ne doit pas réduire la participation des femmes aux concours aux cas où il y a des femmes qui sont candidates. Je vois que le ministre comprend ce que je veux dire.

M. Bédard: Ce n'est pas notre intention, d'ailleurs.

M. Lalonde: Bon. Quant à la sécurité publique, le ministre a souligné l'urgence de régler le problème des services policiers aux Amérindiens et aux Inuit. Quant à moi, je l'invite à porter beaucoup d'attention à ce dossier. Le ministre a indiqué que c'est la formule d'invitation qui est recherchée. Je suis sûr, connaissant le ministre et ses conseillers, qu'il songera à impliquer le milieu d'abord, et non pas à imposer d'en haut une institution de notre civilisation à nous, mais qui ne serait pas du tout conforme au genre de vie, à l'échelle de valeurs, au système de valeurs de ces populations.

Quant aux affaires criminelles, la violence au hockey me rappelait certaines expériences que j'avais eues en 1976. Je suis parfaitement d'accord avec l'attitude du ministre là-dessus. La violence au hockey est un phénomène qu'on ne doit pas confondre avec le jeu viril. Je lisais récemment — c'est malheureusement chez les jeunes, dans les équipes juniors — cette aberrante situation où il y avait eu une bagarre générale avant même le commencement de la partie.

Je pense que le ministre, en allant chercher un peu plus du côté des instructeurs et des autorités de la ligue, trouvera qu'il y a peut-être une espèce de complicité de ce côté-là. Que l'on ne se gêne pas pour aller examiner les structures du hockey professionnel qui, peut-être, encourage cette situation. Il reste qu'en 1973, alors que je devenais député de Marguerite-Bourgeoys, j'ai exa- miné avec le représentant des loisirs de ville La-salle, M. André Larose, la situation de la violence au hockey dans cette ville. Le phénomène était général. Aussitôt que le jeune homme atteignait l'âge de quinze ans, les parents le retiraient du hockey ou de toutes les structures de hockey organisées parce que, justement, il fallait qu'il décide à l'avance, soit de se faire casser le cou ou de devenir bagarreur. C'est un phénomène qu'il faut sûrement contrôler. Si on doit recourir — j'espère que ce sera seulement exceptionnellement - à l'application du Code criminel, qu'on ne se gêne pas pour le faire.

M. le Président, je pense qu'on doit féliciter les autorités de la Sûreté du Québec pour le succès de leurs négociations relativement au contrat de travail qui a été conclu. Nous, de l'Opposition officielle, encourageons les applications des mesures de sécurité routière, surtout du port de la ceinture. C'est une loi qui a été adoptée en 1975, je crois, unaniment — si je me le rappelle bien — ou presque; du moins, avec le concours de l'Opposition officielle du temps, ce qui est presque l'unanimité. C'est une mesure qui est de nature à réduire non seulement le nombre des accidents, mais le nombre des accidents graves. Cette mesure va sûrement aider le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières à rendre un petit peu moins lourd le fardeau financier de ses mesures d'assurance automobile.

Dans le domaine de la criminalité, j'aurais aimé que le ministre nous fasse part de ses vues — je vais le lui demander, soit maintenant, soit à l'occasion de l'examen des éléments de programmes — de ses intentions relativement à la criminalité juvénile. On sait que c'est la situation la plus tragique de la criminalité; environ 80% des crimes sont commis par des jeunes et près de 85% des crimes, qui sont un deuxième crime, sont commis par des gens qui ont commencé à commettre leur premier crime à l'âge de 16, 17 ou 18 ans. Il y a malheureusement dans notre province une situation d'absence de structures. Il ne s'agit pas de juger globalement et de façon non considérée tous les gouvernements qui se sont succédé ici; on est allé au plus pressé. Mais je crois que nous devons inviter le ministre de la Justice à apporter une attention tout à fait particulière à cette question. Penser, par exemple, à l'utilisation polyvalente des structures archaïques qui existent et qui pourraient être utilisées en partie ou en totalité dans certains cas — unité totale dans d'autres secteurs: la santé, par exemple. Ces structures pourraient être utilisées justement pour le règlement de cette question: Comment traite-ton les criminels juvéniles et dans quelle mesure a-t-on l'infrastructure nécessaire pour le règlement de cette question?

M. le Président, ce sont les quelques remarques d'ouverture que je voulais faire. Quant à moi, il y a trois principaux problèmes actuellement: la criminalité juvénile — je la mettrais en tête de liste — la réorganisation des tribunaux judiciaires et — je n'en ai pas parlé, j'aurais aimé que le ministre en eut parlé lorsqu'il a abordé la question

policière, soit par le biais de la Sûreté du Québec, ou de la Direction générale de la sécurité publique, ou de la Commission de police, et qu'il nous dise quelle est la situation actuelle de nos corps policiers. Dans certaines régions, il y a de petites municipalités qui ont littéralement éliminé leur corps policier. Nous recevons des témoignages d'appréhension — ce mot est faible — de certaines parties de la population.

Si on tolère cette situation, n'est-on pas en train de s'en aller tranquillement vers un corps de police unique? Est-il vrai, ce rapport qu'on a lu dans les journaux, récemment, qui veut qu'un des représentants du ministre ait dit que le ministre ne tolérerait pas cet état de choses? De quelle façon le ministre veut-il ne pas tolérer cela ou, enfin, quelle est l'intervention qu'il propose de faire?

Je pense que le ministre ne peut être tenu responsable de cette situation, dans le sens qu'il s'agit plutôt d'une question de fiscalité municipale où des municipalités se sont vues dans l'obligation de prendre des dispositions draconiennes. On sait que le service policier occupe, pour une petite municipalité, entre 25% et 30% du budget. On sait que, d'autre part, la Sûreté du Québec et le gouvernement du Québec ne peuvent quand même pas laisser aller la sécurité publique comme cela à la rivière. Or, on court le risque d'éliminer simplement le corps policier, de mettre fin à l'engagement des policiers et cela va à l'encontre de la politique du gouvernement qui, d'après les lois, oblige les municipalités d'une certaine taille à avoir leur propre corps policier.

Je pense que, là-dessus, nous allons poser des questions au ministre et j'espère que nous aurons des réponses qui pourront nous satisfaire.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le député.

M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. À mon tour, je voudrais saluer bien bas cette brochette de valeureux et fidèles serviteurs de l'État qui accompagnent le ministre. À les voir, on pourrait peut-être dire que c'est facile d'être ministre de la Justice, mais je pense qu'il n'en est rien, parce que le ministre a eu, au cours de l'an passé, à régler différents conflits, et je pense qu'on doit également le féliciter aussi parce qu'il s'en est tiré avec brio dans la plupart des cas.

Le ministre, dans son exposé, nous fait part des réalisations passées et il nous donne aussi ses orientations pour l'avenir; j'aurais, pour ma part, certaines remarques à faire là-dessus quant aux orientations pour l'avenir.

Il nous parle, comme premier point, des affaires législatives. Le ministre nous annonce de bonnes nouvelles. Il s'agit de réformes qui s'imposent et nous sommes particulièrement intéressés à la loi sur les textes réglementaires. Il serait peut-être possible, aujourd'hui ou lors de l'étude des cré- dits, article par article, de savoir quelles sont les différentes hypothèses à l'étude relativement au rôle des députés dans ce domaine. Il y a déjà eu aussi la possibilité qui a été invoquée par le ministre d'État à la réforme parlementaire de convoquer une commission parlementaire sur ce sujet.

Peut-être le ministre pourrait-il répondre à ces questions.

Quant à l'autre question qu'il a abordée sur la révision du Code civil, vous pouvez être assuré, M. le Président, que nous, de l'Union Nationale, offrirons toute notre collaboration à l'étude de ce très important projet de loi, d'autant plus que le ministre nous avait demandé de lui faire des suggestions dans ce domaine.

Il est bien évident qu'on ne peut régler aujourd'hui cette question, mais je voudrais immédiatement faire la simple suggestion suivante que le ministre provoque peut-être une rencontre privée des différents représentants des partis, des responsables de cette étude ainsi que du sous-ministre et des personnes concernées pour en arriver ensemble à une entente relative à l'étude de ce projet de loi.

De toute façon, notre collaboration lui est acquise à ce sujet. (11 h 45) 1977 a été une année importante pour le ministre et pour le ministère. Cela aura permis au ministre de la Justice de faire sa marque, de faire son lit, comme on dit, et ce lit, il l'a voulu marqué largement sous le signe de la réforme. On nous annonce des réformes en ce qui concerne différents domaines, commission de contrôle, Code civil, etc. Mais je voudrais ici, dans mon exposé, faire état de deux domaines particuliers. Le premier concerne le système pénitentiaire québécois. On a mis l'accent sur les programmes de réhabilitation et de réinsertion sociale des détenus. Le deuxième concerne l'organisation et les fonctions policières au Québec. On a créé un groupe de travail qui remettait au ministre ses recommandations en janvier 1978; c'est le rapport Saulnier. En 1978, l'action du ministère continuera à être dominée par ces deux secteurs d'activité.

Concernant les centres de détention, nous venons d'adopter, en deuxième lecture, hier, les projets de loi 85 et 95 concernant le travail rémunéré et la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Il y a également une accélération des programmes alternatifs à des sentences de prison — on les remplace par le système de restitution ou par des travaux communautaires — la réforme plus généralisée proposée par le comité Thiffault, qui a remis son rapport en mars 1978 et qui est présentement à l'étude au ministère de la Justice.

En plus de recommander la construction d'un certain nombre de centres de détention dans diverses régions du Québec, comme Trois-Rivières, Saint-Jérôme, une réorientation et un réaménagement des ressources correctionnelles sur l'île de Montréal et sa périphérie, le rapport Thiffault recommande au gouvernement l'élaboration d'une définition claire et précise des objectifs et des finalités de tout le système pénal.

Le rapport Thiffault dit, entre autres: "II nous semble essentiel de rappeler qu'une véritable réforme dans le secteur correctionnel implique d'abord et avant tout l'élaboration d'une politique de défense sociale, claire et définie, sur tout l'ensemble du système de contrôle de la déviance sociale et de l'ordre public au Québec ". Pour ce faire, le comité Thiffault suggère au gouvernement d'entreprendre une vaste consultation par le biais de mini-sommets qui aboutiraient à la convocation des états généraux de la justice.

J'espère, M. le Président, que le ministre de la Justice n'a pas écarté cette recommandation, car elle a le mérite, à notre avis, d'apporter deux solutions. La première serait de forcer le ministère de la Justice à fixer clairement ses objectifs, à court et à moyen termes, dans trois domaines spécifiques: les affaires judiciaires pénales, les affaires correctionnelles et les affaires policières. Cela aurait également comme principal avantage d'associer à ce processus toute les parties intéressées tout en sensibilisant la population à cette nouvelle philosophie carcérale qui touche de très près l'organisation de la justice et son administration, de même que les forces policières.

M. le Président, cette recommandation est d'autant plus importante à nos yeux que, depuis au moins deux ans, le ministère de la Justice et plus particulièrement la direction générale de la probation et des établissements de détention ont mis l'accent sur le développement des ressources communautaires en vue d'atteindre l'objectif visé d'une plus grande réinsertion sociale des détenus. Le meilleur exemple est qu'on a créé, à l'intérieur du ministère, une direction de la participation communautaire. Cela prouve le sérieux du ministère de la Justice dans ce domaine.

Quand je vois tous ces efforts de développement, je trouve que les recommandations du comité Thiffault permettraient de donner l'élan voulu à cette nouvelle philosophie de l'organisation et du fonctionnement de notre système pénitentiaire au Québec. De plus, en faisant ces états généraux, le ministre et le ministère se trouveraient à faire d'une pierre deux coups en amorçant cette consultation générale, en permettant aux personnes et aux groupes concernés de se prononcer en même temps sur le rapport Saulnier et sur le rapport Thiffault.

D'autant plus que, le 5 février 1978, le ministre déclarait à Chicoutimi, au sujet du rapport Saulnier ce qui suit. Le ministre disait, concernant le rapport Saulnier: "Par ailleurs, M. Bédard a précisé... "— je lis ce qu'on rapporte dans le Quotidien du 6 février 1978 —"... qu'il n'était pas question de mettre immédiatement en place des politiques définitives pour la réforme policière, à la lumière des recommandations du rapport Saulnier. Pour lui, le document est un excellent outil de réflexion qui favorisera la consultation auprès de tous les intéressés. Il n'est donc pas question également d'imposer des mesures sans profonde consultation, d'autant plus, souligne-t-il, qu'une éventuelle réforme recèle plusieurs implications budgétaires."

J'ai, avec surprise, écouté la déclaration du ministre au début de cette commission. Je ne pense pas qu'à nulle part dans cette déclaration il ait fait mention de ce qu'il entendait faire avec les rapports Saulnier et Thiffault concernant les états généraux de la justice qu'on avait recommandés. J'espère que le ministre n'écarte pas cette possibilité. Il pourra sans doute dans sa réplique nous dire ce qu'il entend faire avec ces deux rapports.

Est-ce nécessaire de dire qu'une consultation sur le rapport Saulnier s'impose, compte tenu des recommandations qui y sont faites et des réactions que celles-ci ont suscité dans divers milieux, soit chez les conseils municipaux, les corps policiers, la Commission de police et les associations de policiers? On a vu dans le journal Le Devoir qu'à la suite de l'étude qui a été faite de ce rapport par la Commission de police, le ministre de la Justice a été appelé à faire certaines déclarations concernant plus particulièrement le fait que des municipalités actuellement — cela a été touché tout à l'heure par de député de Marguerite-Bourgeoys — cessent ou diminuent leurs services policiers. Dans le Devoir du 1er mars 1978, le ministre donnait l'avertissement aux municipalités de ne pas congédier de députés.

M. Lalonde: De députés.

M. Fontaine: Je m'excuse. J'espère qu'il ne le fera jamais.

M. Bédard: Les députés au pouvoir et de l'Opposition.

M. Fontaine: De policiers, pardon. On voit qu'à ce moment-là le ministre n'a pas recueilli les applaudissements de toutes les personnes qui étaient dans la salle. La veille même, tant les chefs de police que les dirigeants syndicaux des policiers avaient été unanimes à réclamer un moratoire sur l'abolition des corps de police municipaux en attendant que le gouvernement fasse connaître sa politique en matière de réorganisation des forces policières. Le ministre, lui, disait qu'il allait faire des pressions auprès des municipalités pour essayer de diminuer ce fléau, mais il n'a pas avancé qu'il pourrait forcer, par une loi, l'arrêt de ces diminutions de corps policiers.

Je pense qu'il serait important, là-dessus, que le ministre puisse nous dire, au cours de l'étude de ses crédits, quelle est l'orientation qu'il désire à donner à cette situation et quelle est également la situation actuelle au Québec: combien de municipalités ont diminué ou abandonné leurs corps policiers et combien de policiers ont été mis à pied, s'il y en a eu. À ce moment-là, cette consultation qu'on propose sur les rapports Saulnier et Thiffault pourrait certainement donner des réponses à ces questions. Le ministre ajoutait, à la fin de son exposé, "... à toutes ces questions, M. Bédard veut prendre le temps de réfléchir, mais il compte pouvoir indiquer dès l'automne les orientations que le gouvernement entend prendre afin de dissiper au plus tôt a-t-il dit, le climat d'insécurité provoqué

chez les policiers par certaines recommandations du rapport Saulnier."

Il serait peut-être important, puisque le ministre se pose des questions, que les gens concernés puissent donner leur opinion là-dessus. Le ministre pourrait nous dire s'il y aura consultation et quelle forme elle prendra. Est-ce qu'elle prendra la forme prônée par le rapport Thiffault et quand cette consultation sera-t-elle faite?

Cette consultation que nous recommandons au ministre, suite au rapport Thiffault, va certainement marquer les activités du ministère de la Justice pour les prochaines années, lui donner de nouvelles orientations.

Mais également, si le ministre suit ces recommandations, il va certainement y avoir aussi des implications budgétaires. Nous pourrons sans doute, au cours de l'étude de ces crédits, discuter de ces implications, face à tous les changements qui sont proposés.

Je voudrais, en dernier lieu, toucher la question des commissions d'enquête. Je pense que le ministre n'y a pas fait allusion dans son discours. En 1976, l'ancien gouvernement avait présenté, si je ne me trompe, un projet de loi réformant la Loi des commissions d'enquête. Je pense que c'était le projet de loi 41. Le projet de loi a été mis au rancart. Suite aux élections, il est tombé de lui-même.

Le gouvernement actuel ne semble pas vouloir y donner suite. On pourrait peut-être demander au ministre s'il a l'intention de reprendre ce projet de loi et de le présenter à l'Assemblée nationale. Cet amendement à la loi avait été prévu, suite aux expériences de la CECO, notamment dans le scandale des viandes avariées et pour la protection des personnes qui témoignent devant ces commissions, également.

Il s'agissait là de problèmes provinciaux de fonctionnement des commissions d'enquête. Mais on arrive maintenant devant un autre débat, lorsqu'on parle de la commission Keable; le débat s'élargit. Auparavant, c'était presque des chicanes provinciales, mais maintenant, avec la commission Keable, le débat devient constitutionnel. Maintenant, la Cour suprême doit se prononcer sur deux questions importantes, à savoir si le mandat donné à la commission Keable déborde le pouvoir de la province. Aussi, est-ce que les pouvoirs donnés à une commission d'enquête provinciale sont limités au champ de juridiction que le BNA Act accorde aux provinces?

Cette question est très importante lorsqu'on aborde le droit criminel. La loi étant de juridiction fédérale et l'administration étant de juridiction provinciale, il y a assez souvent des domaines où on ne sait trop qui a juridiction. Cette question qui est soumise à la Cour suprême est d'une extrême. On se demande si le ministre a l'intention d'attendre cette réforme des commissions d'enquête, d'attendre que la Cour suprême se prononce à ce sujet, avant de proposer un amendement à cette loi. Le ministre pourrait peut-être exprimer son avis là-dessus.

Voilà les remarques qu'on peut faire à la suite du discours du ministre, aujourd'hui. Nous reviendrons, bien sûr, sur plusieurs de ces points, lors de l'étude de chacun des éléments de chaque programme. À ce moment-là, nous pourrons probablement poser des questions beaucoup plus précises.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Drummond.

M. Michel Clair

M. Clair: Merci, M. le Président. Au niveau des commentaires généraux du député de Marguerite-Bourgeoys, je pense que le député a soulevé une question qui m'apparaît bien importante concernant deux projets de loi également bien importants, soit le no 24, Loi sur la protection de la jeunesse, et le no 39, Loi sur le recours collectif.

Si j'interviens sur ce point en particulier, M. le Président, c'est que je ne voudrais pas que le ministre de la Justice suive les instructions, mais les...

M. Lalonde: Les suppliques.

M. Clair: ... suppliques, les suggestions du député de Marguerite-Bourgeoys en ce qui concerne une présumée faiblesse qu'aurait le ministre de la Justice face au ministre d'État au développement social.

Je pense que, loin d'être une faiblesse, loin d'être un signe de faiblesse, ou un signe de tutelle du ministère de la Justice par rapport au ministère d'État au développement social, il m'apparaît qu'au contraire le ministre de la Justice actuel mérite des félicitations quant à l'ouverture d'esprit qu'il a témoignée dans la préparation de ces deux projets de loi.

À titre de député, j'ai eu l'occasion de participer concrètement à la préparation de ces deux lois et il m'apparaît que, loin d'être une faiblesse, bien au contraire, le fait d'associer d'autres milieux à la préparation de projets de lois qui ont une dimension non seulement proprement juridique mais également sociale est une tendance qui doit être poursuivie. Dans ce sens, c'était le seul commentaire que je voulais apporter. (12 heures)

Je pense que si, autrefois, le député de Marguerite-Bourgeoys a pu avoir à se raidir face à d'autres ministres, à une autre époque, qui étaient peut-être trop envahissants, ce n'est absolument pas le cas présentement. J'incite le ministre, dans ce sens, à continuer à manifester une telle ouverture d'esprit à l'égard des autres milieux que les milieux juridiques. Je pense que, si le député de Marguerite-Bourgeoys a eu à se réjouir du contenu du projet de loi 39 et de la Loi de la protection de la jeunesse, le fait que d'autres milieux aient été associés à l'élaboration de ce projet de loi y tient pour beaucoup. C'est une des raisons pour lesquelles, je pense, il peut se déclarer lui-même satisfait de ces lois.

J'incite le ministre de la Justice à continuer à manifester cette ouverture d'esprit. Il peut être assuré d'ailleurs que, dans les milieux concernés, cette ouverture d'esprit n'est jamais considérée comme une faiblesse. Le ministère de la Justice n'a pas à dominer seul des projets de loi comme ceux-là. Il peut y jouer un rôle bien important, comme il le fait d'ailleurs.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Seulement quelques points. Il y a un dossier qui, je pense — on ne s'en étonnera pas — n'a pas été abordé par les députés de l'Opposition, mais qui, à mon sens, devrait être clarifié à cette commission, quant aux réponses que le ministre de la Justice et que le gouvernement ont eues à la suite de leur dernière démarche. Il s'agit du problème du dossier de la compensation financière exigée du gouvernement du Canada par le gouvernement du Québec pour le maintien des forces de police au Québec.

Je pense que c'est un dossier extrêmement important. Les sommes qui sont impliquées sont considérables, beaucoup plus considérables que tous les avantages fiscaux qui ont été consentis par le gouvernement hier soir. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu, pour le ministre, d'éclairer la commission sru ce dossier, de faire le point.

J'ai eu l'occasion de lire certains comptes rendus dans les journaux où, à la suite de la publication du rapport qui est fort volumineux et extrêmement bien fait de la Commission de police, on a semblé, à Ottawa, repousser le mémoire du revers de la main avec un refus, en fait, une fin de non-recevoir. On n'a même pas pris la peine de réfuter les arguments qui sont contenus dans ce document. Je pense que cette situation est inacceptable. J'aimerais que le ministre de la Justice fasse le point. Est-ce qu'il entend, à la suite de cette fin de non-recevoir, laisser mourir le dossier ou a-t-il l'intention de faire d'autres démarches pour donner suite à ce document et à cette revendication du Québec qui, je pense qu'il est important de la souligner, n'est pas uniquement une revendication d'un gouvernement qui a une option indépendantiste, mais qui a été également une revendication d'un autre gouvernement qui n'est pas particulièrement connu pour ses options indépendantistes, malheureusement d'ailleurs?

M. Lalonde: Ah! Vous ne comptez pas sur nous autres?

M. Charbonneau: Non, c'est bien sûr. D'ailleurs, le nouveau patron que vous avez, je le connais très bien. On ne s'attendra pas à grand-chose de vous autres.

M. Lalonde: C'est un homme très patient s'il vous a enduré si longtemps!

M. Charbonneau: Je l'ai enduré cinq ans!

Le Président (M. Laplante): Si vous voulez revenir à la pertinence du débat, s'il vous plaît.

M. Charbonneau: II y a aussi un autre élément sur lequel j'aimerais revenir. Je pense que c'est le député de Nicolet-Yamaska qui a demandé au ministre des explications sur les suites à donner au rapport Saulnier. J'en ai d'ailleurs parlé au ministre de la Justice. J'ai eu encore l'occasion récemment de rencontrer certaines personnes qui oeuvrent dans le milieu policier. Je pense qu'il serait important que le ministre, dans la mesure où la réflexion s'est poursuivie à la suite du mémoire ou du rapport de la commission Saulnier, puisse indiquer dans quelle orientation il entend travailler au cours des prochains mois.

Je ne pense pas que les milieux policiers au Québec s'attendent que, en l'espace de quelques semaines, on restructure tout un appareil policier dans une société comme celle du Québec, mais je pense qu'il y a peut-être moyen d'indiquer un peu plus précisément quelles sont les orientations que le gouvernement entend suivre dans les prochains mois afin que les gens concernés, c'est-à-dire les policiers, les états-majors policiers également et peut-être même les corps municipaux, puissent savoir ce qui se passe et être finalement convaincus que le document qui a été produit par le rapport Saulnier ne reste pas lettre morte.

D'ailleurs, à ce sujet, j'ai eu personnellement des commentaires sur le rapport, de la part de certaines personnes qui avaient soumis elles-mêmes des mémoires à la commission Saulnier, semble-t-il, et qui ont eu, à la suite de la publication du rapport Saulnier, des réactions qui m'indiquent que certains aspects du rapport Saulnier mériteraient d'être appronfondis. C'est peut-être dans ce sens que le ministre pourrait nous indiquer ses orientations pour les prochains mois.

Il y a un autre élément sur lequel j'aimerais que le ministre puisse faire le point. Je sais qu'il avait déjà lui-même annoncé la volonté ferme du gouvernement et sa volonté à lui d'inciter, d'amener les corps policiers, en particulier celui qui relève de l'État québécois, c'est-à-dire la Sûreté du Québec, à insister dans leur travail sur toute la criminalité des collets blancs. On a parlé tantôt de criminalité chez les junéviles, mais il y a une criminalité dans notre société qui est aussi considérable, mais qui, à bien des égards, passe inaperçue, c'est la criminalité des cols blancs. Je sais que la Sûreté du Québec, depuis déjà un certain nombre d'années, a un service d'enquête qui oeuvre dans ce domaine des fraudes commerciales et autres choses du genre. J'aimerais savoir ce qui a été fait depuis les derniers mois pour accentuer l'offensive policière ou la pénétration policière de cette question.

En fait, il y a deux autres points. J'aimerais savoir si les gens du ministère, et le ministre également, se sont attardés sur une des recommandations de la Commission d'enquête sur le crime organisé — il y a déjà deux ans de cela — qui suggé-

rait la constitution, au sein du bureau des substituts du procureur de la couronne, d'une section spéciale de procureurs qui seraient particulièrement affectés aux dossiers ayant une connotation particulière dans le monde de la pègre, à des échelons importants, un peu comme cela se fait ailleurs dans certains États américains où on a de véritables "task forces" de procureurs de la couronne pour ces questions particulières.

Finalement, le ministre a donné certaines précisions quant au travail qui se fait concernant la Commission de contrôle des permis d'alcool du Québec. Je voudrais profiter de l'occasion et faire des considérations générales pour souligner, comme député, que j'ai particulièrement hâte que ce travail aboutisse. J'aimerais d'ailleurs avoir des explications de la part du ministre, parce que je n'ai pas l'impression que les seuls problèmes auxquels on fait face, comme députés, chez les gens qui viennent nous voir dans nos comtés, sont dus uniquement aux problèmes des délais et des contrôles. Il y a aussi une certaine politique qui est assez difficilement explicable: des gens, dans les milieux ruraux ou semi-ruraux, sont incapables d'avoir des permis d'alcool pour des salles de réception, des salles qui sont loin d'être des endroits mal famés. Ces gens sont incapables d'avoir des permis. Pourtant, des individus — on n'a qu'à regarder, au cours des récentes années — qui n'avaient peut-être pas de dossier judiciaire, mais qui avaient des caractères de moralité douteuse, ont pu plus facilement avoir des permis d'alcool. J'ai eu au moins trois cas dans mon comté. Je n'ai jamais même appelé les gens de la commission de contrôle. Quand j'étais journaliste, j'ai suivi de près les activités de cette commission. À un moment donné, je me rappelle, quelques semaines après l'élection du Parti québécois au pouvoir, on a eu une rencontre à la salle 81-A de tous les députés de tous les partis. J'ai posé à ce moment la question au président de la Commission de contrôle et je lui ai demandé si un député — j'avais fait exprès pour la poser publiquement — de quelque formation politique que ce soit, l'appelait, si ce serait considéré comme un ingérance politique. Il m'avait dit: Non, il n'y a pas de problème, tous les députés peuvent appeler. Malgré cela, je n'ai pas couru le risque, je n'ai pas appelé.

Je considère qu'il y aurait peut-être moyen de savoir ce qui justifie qu'il y a des gens qui, par ailleurs, possèdent un commerce honorable, des gens qui remplissent un rôle social important dans ces communautés... Je pense, par exemple, à une salle dans Sainte-Madeleine où, chaque samedi soir, les conseils municipaux de toute la région, de mon comté et des autres comtés avoisinants, se réunissent; des organismes de loisirs se réunissent; différents groupes se réunissent et il est impossible pour les propriétaires de cette salle d'obtenir un permis. De multiples efforts ont été faits depuis un certain nombre d'années et je me suis laissé dire toutes sortes de choses, mais les explications claires, les raisons pour lesquelles ces établissements ne peuvent pas avoir de permis, surtout dans les milieux ruraux... Je pense que cela mériterait d'être clarifié. J'ai l'impression que cela réglerait le problème de plusieurs députés qui reçoivent continuellement des représentations de gens qui viennent les voir le lundi pour leur dire: Écoutez! Je voudrais avoir un permis; je voudrais que cela se fasse selon les normes, qu'il n'y ait pas de taponnage et de fligne-flagne. Je ne comprends pas pourquoi on me refuse un permis alors que tel ou tel hôtelier a eu son renouvellement de permis ou, dans le cas d'un changement de propriétaire, que tout cela s'est fait rapidement.

J'aimerais que le ministre se penche sur cette question. Je l'ai d'ailleurs déjà sensibilisé à ce problème. J'espère qu'à un moment donné, on va finir par avoir une... Je ne sais pas si c'est à cause des règlements ou de la loi, mais cela n'a pas d'allure de refuser des permis à des gens qui ont des commerces, qui remplissent un rôle important dans ces communautés du milieu rural et semi-rural. Ce sont les considérations dont je voulais faire part au ministre.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le député. Je crois, M. le ministre, que vous avez une broche assez imposante...

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Laplante): ... de questions et réponses. Avez-vous l'intention de commencer tout de suite ou de le faire programme par programme?

M. Bédard: M. le Président, en réponse, je crois bien que les députés...

M. Lalonde: Avant que le ministre commence...

Le Président (M. Laplante): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ... je ne voudrais pas l'interrompre au milieu de ses réponses, au cas où ses réponses iraient au-delà de midi et trente, étant donné que quelques dizaines de très précieux fonctionnaires assistent à notre étude et apprécient nos propos— il ne faut pas être trop prétentieux non plus — peut-être voudraient-ils aller travailler cet après-midi. Est-ce qu'on pourrait déterminer quels sont les éléments qu'on va étudier cet après-midi à notre retour?

Le Président (M. Laplante): Vous m'avez devancé, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Ah bon!

Le Président (M. Laplante): Avant de commencer les travaux, j'avais l'intention — pour les mêmes raisons que celles que vous avez évoquées — de vous demander si vous aviez des programmes préférés que vous vouliez entreprendre.

M. Bédard: Les trois...

M. Lalonde: Je n'ai aucune préférence; cela dépend des disponibilités.

M. Bédard: Les trois premiers... M. Lalonde: Les trois premiers.

M. Bédard: ... si l'Opposition n'a pas d'objection, les trois premiers.

M. Lalonde: D'accord.

M. Bédard: Les trois premiers programmes.

M. Fontaine: Dans l'ordre?

M. Bédard: Dans l'ordre. J'ai eu l'occasion d'en parler au représentant de l'Opposition officielle il y a quelques instants. Je le fais également avec le représentant de l'Union Nationale. Il y a le programme concernant l'étude des crédits de la Sûreté du Québec...

Le Président (M. Laplante): Quel numéro?

M. Lalonde: Le 15.

Le Président (M. Laplante): Le 15.

M. Bédard: ... sur laquelle il faudrait peut-être qu'il y ait une entente pour qu'ils soient examinés dès demain...

M. Lalonde: Demain matin?

M. Bédard: Demain soir. On pourrait peut-être, vers la fin de l'après-midi, vous dire...

M. Lalonde: Comme vous voulez.

M. Bédard: ... exactement ce qu'il en est. Au moins, dans le courant de la journée de demain, étant donné la nécessité qu'a le directeur de la Sûreté du Québec d'être présent à un congrès qui est prévu pour la semaine prochaine, la journée même où nous devrons continuer l'étude des crédits.

M. Lalonde: L'Opposition officielle ne veut sûrement pas se rendre responsable de l'absence du directeur de la Sûreté du Québec à un congrès.

M. Fontaine: Nous sommes d'accord, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Vous êtes d'accord. Cela voudra dire qu'on commencera par les programmes 1, 2 et 3 et le programme 15 par la suite. D'accord?

M. le ministre, si vous voulez...

M. Fontaine: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Oui, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: ... juste avant que le ministre ne réponde, je voudrais relever quelque chose que le député de Verchères a dit concernant la réclama- tion pour les services de police au Québec, réclamation faite au gouvernement fédéral.

Je pense que pour rendre justice à tout le monde, il faudrait dire, si je me rappelle bien, que l'Assemblée nationale a déjà voté une motion unanime pour que l'on fasse cette réclamation. Si on n'a pas abordé cette question tout à l'heure, ce n'est pas parce qu'on ne voulait pas l'aborder. (12 h 15)

M. Lalonde: II y a eu une conférence de presse la semaine dernière. Je pense que les faits sont connus.

M. Bédard: Je pense bien que le député ne l'a pas abordée dans le sens de faire un reproche quelconque à l'Opposition.

M. Lalonde: II n'est pas méchant. M. Fontaine: À ses heures.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, si vous voulez commencer, s'il vous plaît. Il vous reste encore dix minutes.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: Étant donné le court laps de temps, vous comprendrez que je ne puisse aborder toutes les questions qui ont été soulevées par les représentants de l'Opposition et du gouvernement, puisque nous aurons l'occasion d'y aller d'une discussion beaucoup plus en profondeur dans l'étude des crédits, programme par programme.

Je voudrais remercier les deux Oppositions de l'offre de collaboration qu'elles ont adressée au gouvernement concernant les travaux pour l'élaboration d'un nouveau Code civil. Elles peuvent être assurées que non seulement, nous avons pris note de cette offre de collaboration, mais nous trouverons le moyen de nous en assurer. D'ailleurs, nous en avons besoin. Les membres de l'Opposition le savent.

Je les remercie aussi des bonnes paroles qu'ils ont prononcées à mon endroit. Je voudrais peut-être, faire quelques remarques sur certains points particuliers. Entre autres, le représentant de l'Opposition officielle a exprimé l'opinion que le fait que des lois importantes comme la loi 24 et la loi 39 qui concernent le recours collectif et la protection de la jeunesse, aient été présentées par un ministre d'État, cela ait comme conséquence d'enlever de l'importance au ministère de la Justice. Je dois dire que je ne partage pas cette opinion. Je crois que l'important, ce n'est pas tant le ministère de la Justice, le ministre de la Justice, comme la justice elle-même pour l'ensemble des contribuables et que, dans ce sens, dans le sens large de la justice aux contribuables, tous les ministères du gouvernement se doivent d'être préoccupés dans leurs législations respectives.

J'ai eu l'occasion de dire que le ministère de

la Justice a travaillé en collaboration et très activement à la rédaction de ces deux projets de loi au niveau des objectifs à atteindre. Non seulement je crois que cela n'enlève pas d'importance au ministère de la Justice, je crois même que ceci constitue une meilleure efficacité de l'administration de la justice en général pour l'ensemble des citoyens.

On peut se poser la question: Si le ministère de la Justice, en plus des dix lois que nous avons présentées, avait été dans l'obligation de mener à terme les lois 24 et 39, il aurait été, je pense, difficile d'atteindre les objectifs que nous avons atteints à l'heure actuelle, soit d'avoir pu faire adopter les dix lois dont je parlais tout à l'heure, en plus des lois aussi importantes que la loi 24 et la loi 39. Dans le cas de la Loi de la protection de la jeunesse, c'était d'autant plus important... je crois que la structure de ministre d'État a révélé vraiment son efficacité.

Je n'apprendrai rien à l'ancien solliciteur général du Québec en disant que cette Loi de la protection de la jeunesse, qui était désirée et nécessaire depuis bien longtemps, avait été retardée en grande partie à cause de différences d'appréciation ou de certaines difficultés d'entente entre les deux ministères concernés, soit le ministère de la Justice et le ministère des Affaires sociales. Au contraire, cette structure, dans le cas spécifique de cette loi, a permis, justement, d'établir un dialogue constant entre les deux ministères principalement concernés pour en arriver au résultat que vous connaissez, la Loi de la protection de la jeunesse, qui a été acceptée, pourrais-je dire, presque unanimement par les milieux concernés et unanimement par les membres de l'Assemblée nationale.

Mon opinion, au moment où on se parle, c'est que cette structure de ministres d'État, non seulement n'amène pas de complication, mais au contraire permet plus d'efficacité. Tel que je le disais tout à l'heure, l'important, ce n'est pas le ministre de la Justice, le ministère de la Justice, mais c'est la justice en général pour les contribuables. Dans ce sens, je crois que cette structure a permis d'assurer une plus grande protection à l'ensemble des contribuables et a fonctionné avec encore plus d'efficacité.

Il y a un problème qui a été abordé par le représentant de l'Opposition officielle que je ne peux passer sous silence, c'est celui de l'affaire Fabien, qui — l'ancien Solliciteur général en sait quelque chose — constitue une affaire délicate que pas un ministre de la Justice ne désire avoir à résoudre. Je pense bien que c'est le genre de problème après lequel ne court aucun ministre de la Justice, mais il doit lorsque ces problèmes se présentent, prendre ses responsabilités.

Il y a deux remarques qui ont été faites par le représentant de l'Opposition officielle à l'endroit du ministre de la Justice pour déplorer, premièrement, l'attentisme, deuxièmement le fait qu'on aurait brandi la menace d'une commission d'enquête, si j'ai bien compris, à l'endroit de l'ancien juge Fabien.

Concernant l'attentisme, je pourrais énumérer, avec toutes les dates, les actions qui ont été commises par le ministre de la Justice, ce que j'ai fait d'ailleurs lors de la conférence de presse qui s'est tenue après la démission du juge Fabien et qui prouve éloquemment qu'il n'y a effectivement pas eu d'attentisme de la part du ministre de la Justice. En effet, dès que nous avons eu une recommandation du conseil du ministère de la Justice dans cette affaire, le juge Pratte, nous avons immédiatement pris une décision. Je pense que l'ancien Solliciteur général du Québec sait jusqu'à quel point un ministre de la Justice est quand même assujetti aux contingences de ce que représente une enquête policière qui, quelquefois, prend nécessairement un certain temps. Ce n'est quand même pas le ministre de la Justice qui est l'enquêteur et cette remarque ne doit, en aucune façon, constituer une appréciation négative du travail qui a été fait avec le plus de célérité possible par les enquêteurs dans cette affaire. C'était une affaire délicate et l'enquête se révélait quand même également assez difficile.

Il y a également, quand on parle d'attentisme, le fait qu'on doit tenir compte que le ministre de la Justice n'avait pas à sa disposition la possibilité de référer le cas purement et simplement à un conseil de la magistrature, qui aurait pu l'étudier.

Je puis vous dire — je vous en ai parlé tout à l'heure — qu'un projet de loi sera déposé afin de constituer un conseil de la magistrature qui serait habilité à exercer ses responsabilités lorsque des cas comme celui-là se présenteraient. Il est évident que si cette structure avait existé à ce moment-là, le ministre de la Justice n'aurait pas hésité une seconde à déférer à un conseil de la magistrature la responsabilité de faire enquête.

Ce conseil de la magistrature n'existait pas et les mécanismes qui existent à I'heure actuelle — Me Yves Pratte, aujourd'hui juge de la Cour suprême, l'a souligné avec à-propos — sont quand même, au niveau de la Cour d'appel, extrêmement compliqués.

Un deuxième point a été soulevé par le représentant de l'Opposition officielle. Il a déploré le fait que le gouvernement ou le ministre de la Justice ait pu brandir la menace d'une commission d'enquête à l'endroit du juge Fabien. Je suis complètement en désaccord avec une telle manière d'analyser la situation.

Au contraire, je pourrais vous dire qu'en date du 20 septembre le sous-ministre de la Justice informait l'ancien juge Fabien de l'intention du ministre de la Justice de suivre la recommandation de Me Pratte, soit de constituer une commission d'enquête. À ce moment-là, ce n'est pas à la demande du ministère ou du ministre de la Justice, mais à la demande de l'ancien juge Fabien lui-même que nous avons retardé d'une semaine. Je pense que c'est l'ancien juge Fabien lui-même qui nous a demandé de lui accorder un délai de réflexion. Je crois que, pour des questions humanitaires, j'aurais eu très mauvaise grâce à lui refuser cette période de réflexion.

À mon humble opinion, le fait d'informer le juge de la décision qui avait été prise de former une commission d'enquête ne constituait en aucune façon une menace. Au contraire — c'est cela

mon appréciation — cette information qui lui était donnée constituait plutôt l'occasion pour l'ancien juge Fabien de pouvoir en fait expliquer tous les faits qui n'avaient pas été expliqués suffisamment. Non seulement le représentant de l'Opposition officielle va jusqu'à dire que cela enlevait la chance à l'ancien juge Fabien de se blanchir, au contraire, je crois que c'était l'occasion rêvée, pour la personne concernée de pouvoir, grâce à une commission d'enquête, se blanchir, si tel était son désir.

La décision de démissionner de l'ancien juge Fabien n'est pas la décision du ministre de la Justice, c'est la décision de M. André Fabien.

Ce qui est important là-dedans, c'est de savoir si les faits étaient tels que le ministre de la Justice avait raison de demander une enquête policière, avait raison de prendre la décision de former une commission d'enquête. C'est la question importante.

Là-dessus, la réponse est très claire. Vous me permettrez de citer aujourd'hui les termes mêmes de Me Yves Pratte, juge de la Cour suprême, à qui on avait demandé de formuler une opinion sur cette affaire. (12 h 30)

Dans l'opinion qu'il nous a donnée et dont nous avons communiqué le contenu à la presse en indiquant, à ce moment-là — il n'y a aucune cachette — qu'il y avait une autre partie de l'opinion de Me Pratte qui concernait les faits et que, de l'avis même de Me Yves Pratte, on ne devait pas, dans l'intérêt public, les publier, celui-ci exprimait l'opinion suivante, textuellement, dans le document qui a été remis aux journalistes lors d'une conférence de presse.

Je cite: "II ne me semble pas nécessaire de résumer ici les faits mentionnés dans le rapport de la sûreté. Qu'il suffise de dire qu'en l'absence d'explications suffisantes, ceux-ci sont de nature à engendrer la méfiance et même la suspicion à l'endroit de M. Fabien. Par ailleurs, il n'apparaît pas que des réponses satisfaisantes aient été obtenues. Le ministre n'a pas en main les rensei- gnements qui lui permettraient de dissiper les soupçons et de proclamer l'intégrité et la probité du juge Fabien". C'est textuellement, en fait, l'opinion de Me Yves Pratte, que je partage. Plus loin, dans son opinion, ce dernier ajoutait que, selon lui, le dossier ne permettait pas au ministre de proclamer l'intégrité du juge Fabien, ni de fermer les yeux, C'est elle, la question importante. Est-ce que c'était une enquête futile? Est-ce que dans les attributions, dans la responsabilité d'un ministre de la Justice, qui est de veiller au respect de la magistrature, il était de son devoir de faire enquête? Je pense que la réponse est très claire. Là-dessus, vous me permettrez cinq minutes?

Le Président (M. Laplante): D'accord, avec le consentement des membres pour finir sur le cas Fabien?

M. Lalonde: Est-ce que vous allez me donner le même consentement pour répondre, ou si on va continuer... De toute façon, on va continuer cet après-midi.

Le Président (M. Laplante): Ce sera à vous d'en juger.

M. Bédard: M. le Président, je termine par une phrase. Non seulement, il n'y a pas eu d'attentisme de la part du ministre de la Justice, mais il n'y a eu, en aucune façon, d'acte posé de sa part, ayant pour but de brandir la menace d'une commission d'enquête, qui est loin d'être une menace, mais qui constituait plutôt l'occasion privilégiée pour M. Fabien de se blanchir.

Le Président (M. Laplante): La commission ajourne ses travaux sine die. J'avise aussi les personnes, les invités qui sont ici que la commission reprendra probablement sur l'ordre de l'Assemblée nationale vers 16 h 15.

(Fin de la séance à 12 h 34)

Reprise de la séance à 16 h 35

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

Reprise des travaux de la commission permanente de la Justice pour l'étude des crédits budgétaires 1978/79.

Les membres de cette commission sont: M. Alfred (Papineau), remplacé par M. Lavigne (Beauharnois); M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Charbonneau (Verchères), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau, (Saint-Hyacinthe), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Marois (Laporte), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud) et M. Tardif (Crémazie).

M. le député de Marguerite-Bourgeoys et M. le député de Nicolet-Yamaska, je crois qu'il y a eu une entente ce midi pour que, demain matin, à 10 heures, ce soit le programme 15 qui débute.

M. Fontaine: C'est cela.

Le Président (M. Laplante): Vous êtes d'accord?

M. Lalonde: Parfaitement.

Le Président (M. Laplante): Merci. La parole est au ministre, pour les réponses à donner aux questions de ce matin.

L'affaire du juge Fabien

M. Bédard: M. le Président, il y a un autre point que je voudrais aborder concernant les remarques qui ont été faites par le représentant de l'Opposition officielle sur le cas de M. André Fabien, à savoir: la question de la commission d'enquête. Je crois qu'il y a lieu d'apporter des éclaircissements concernant les recommandations de Me Pratte, contenues dans l'opinion qu'il avait rédigée concernant le cas de l'ancien juge en chef.

La position de notre procureur spécial, je pense, peut être résumée de la façon suivante. Me Pratte, après son étude, constata d'abord que les faits apparaissant au rapport de la Sûreté du Québec, bien que troublants et sérieux, n'étaient pas suffisamment étayés en droit pour nous permettre d'instituer immédiatement et directement, devant la Cour d'appel, la procédure de destitution prévue par la Loi des tribunaux judiciaires.

À ce moment-là, Me Pratte nous recommandait donc, pour le moment, de ne pas intenter cette procédure directement devant la Cour d'appel mais plutôt de tenir une commission d'enquête en vue de vérifier si les faits justifiaient cette procédure de destitution.

J'ai accepté cette recommandation et j'ai décidé, rapidement, de soumettre au Conseil des ministres un arrêté en conseil créant une commis- sion d'enquête, le tout comme étape préalable et indispensable à la procédure de destitution, s'il y avait lieu. À ce moment-là, cette décision a été prise rapidement et mon sous-ministre en informa le juge — j'avais demandé à mon sous-ministre d'en informer le juge Fabien, ce qu'il fit. La démission subséquente de ce dernier a cependant rendu cette procédure de la commission d'enquête inapplicable et impossible, tout comme elle rendait inutile une procédure de destitution devant la Cour d'appel, puisque M. Fabien n'était plus juge et ce, par sa seule volonté.

Il est évident que je ne pouvais ordonner une commission pour enquêter s'il y avait lieu de présenter une requête en destitution d'un juge alors que le juge concerné ne l'était plus. La décision du juge Fabien rendait donc inapplicable, impossible, et inutile, une procédure de destitution devant la Cour d'appel. M. Fabien n'étant plus juge.

Quant à savoir si nous aurions pu tout de même tenir une autre commission d'enquête à l'endroit du citoyen André Fabien, c'est là une tout autre question. Il nous est vite apparu clairement que dans l'exercice de l'administration ou dans l'exercice normal de l'administration de la justice, une commission d'enquête est un moyen exceptionnel et disproportionné à exercer à l'endroit d'un citoyen ordinaire, surtout qu'il n'y avait pas de preuves qui avaient été portées à mon attention selon lesquelles il y avait un système. Conséquemment, ce moyen exorbitant ne pouvait pas être utilisé contre M. André Fabien, sous peine d'être taxé d'acharnement.

Alors, M. le Président, nous aurons peut-être l'occasion de revenir sur ce sujet. Il y a d'autres sujets très importants qui ont été abordés par les membres de l'Opposition. Comme je l'ai dit, peut-être qu'il n'est pas opportun de répondre à toutes les questions qui ont été soulevées, puisque nous aurons la possibilité de le faire, programme par programme. Il y a eu la question concernant le rapport Saulnier, la réorganisation des corps policiers et aussi le problème auquel nous avons à faire face, celui de l'élimination des corps policiers, suite à la décision de certaines municipalités d'abandonner leur corps policier.

À la Commission de police, j'avais eu l'occasion de dire, en fait, que le gouvernement n'accepterait pas que des municipalités, ayant l'obligation légale de garder un corps policier, puissent s'en départir et que, à ce moment, si tel était le cas, il y aurait lieu pour le gouvernement de procéder à une législation en conséquence. Suite à cette rencontre à la Commission de police, j'ai écrit à différentes municipalités qui étaient susceptibles d'abandonner leur corps policier, selon les informations que nous avions, et je leur ai dit que le gouvernement entendait procéder dans les meilleurs délais, c'est-à-dire l'automne 1978, à l'adoption d'orientations précises dans ce domaine, après avoir procédé à toutes les consultations nécessaires.

Je leur disais que le gouvernement n'avait pas l'intention d'imposer unilatéralement le regroupement de forces policières; par ailleurs, les municipalités régies par la Loi des cités et villes ont

l'obligation, on le sait, de respecter non seulement la lettre, mais également l'esprit de cette loi et de la Loi de la Commission de police. Elles doivent donc maintenir en fonction le même nombre de policiers qu'elles avaient à leur service au moment de la publication du rapport Saulnier, à moins d'une exemption spécifique qui leur serait accordée par la loi, selon la procédure que vous connaissez. Je faisais part aux municipalités, dans cette lettre, que le gouvernement n'endosserait pas de situation injuste en offrant des services policiers gratuits à des municipalités qui manqueraient à leurs obligations, parce que ceci n'était que simple justice envers les municipalités, qui elles, s'acquittaient de leur devoir dans ce domaine.

Je leur disais également que celles-ci devraient résister, en fait, à la tentation d'attribuer des promotions inconsidérées à leurs agents, en attendant que des décisions définitives ou des orientations définitives soient prises du point de vue gouvernemental. Également, je les informais que s'il y avait des regroupements, nous procéderions, à ce moment, à une normalisation des grades, de manière que tous les policiers puissent bénéficier d'un traitement juste et équitable. (16 h 45)

Le président de l'Union des municipalités, que j'ai rencontré lors des journées d'études de la Commission de police, m'a assuré de sa collaboration et il a tenu parole. Je sais qu'il a lui-même communiqué avec chacune de ces municipalités, afin de les informer dans la même ligne de pensée que celle que je viens de vous exprimer.

J'espère que cet appel à la collaboration des municipalités sera suffisant, parce qu'il est évident que nous n'aurons pas d'autre choix, du point de vue gouvernemental, que de procéder par législation. Je puis vous dire que, depuis que nous avons fait parvenir cette lettre aux municipalités, il a été porté à notre attention le cas de deux ou trois municipalités qui pouvaient être tentées d'abandonner leur corps de police. Je puis vous dire aussi que, simultanément à cet appel aux municipalités, nous sommes, à l'heure actuelle, au niveau du ministère de la Justice, à préparer une loi appropriée, si cela devenait nécessaire de légiférer.

Il est évident que nous ne pouvons donner de suite au rapport Saulnier immédiatement, puisqu'il y a la nécessité d'une concertation entre les différents ministères impliqués, soit la Justice, les Finances, l'aménagement, ainsi que les Affaires municipales. Il y a aussi la nécessité de consultation avec les municipalités, ce que nous ferons d'une façon systématique, pour qu'à l'automne, ces consultations étant terminées, nous puissions donner une fois pour toutes les orientations gouvernementales.

Il y a cependant un point du rapport Saulnier sur lequel nous avons donné notre accord, à savoir celui de l'instauration d'un inspectorat qui, effectivement, est devenu nécessaire et constitue, à notre humble avis, une recommandation qui doit être suivie le plus rapidement possible.

M. Fontaine: M. le Président, sur cela, vous n'avez pas l'intention, à ce moment, de donner suite à la suggestion du comité Thiffault qui préconisait des mini-sommets des états généraux de la justice.

M. Bédard: Si on demeure dans le cadre du rapport Saulnier, il y aura certaines rencontres gouvernementales avec les municipalités, à l'intérieur desquelles le ministère de la Justice va essayer de s'insérer, afin de pouvoir en profiter également pour savoir quel est leur sentiment à l'endroit de l'application des différentes recommandations de ce rapport. Je pense que ceci sera suffisant. Je ne vois vraiment pas comment on pourrait procéder à la tenue de mini-sommets d'une façon suffisamment rapide pour que, à l'automne, nous puissions donner suite aux recommandations du rapport Saulnier. Concernant la possibilité de la tenue de mini-sommets, au niveau de la justice, sur les autres sujets soulevés par le rapport Thiffault, à l'heure actuelle, nous sommes à analyser jusqu'à quel point ceci pourrait être possible et souhaitable.

M. Fontaine: Vous ne pensez pas que les deux pourraient être faits en même temps.

M. Bédard: Concernant le rapport Saulnier, il reste que l'urgence n'est pas la même. Nous avons quand même à procéder plus rapidement, je crois, surtout qu'il a été exprimé hier par le ministre des Finances que les discussions étaient résolument engagées avec les municipalités en ce qui a trait à une réforme de la fiscalité municipale et la réorganisation policière. Les conclusions du rapport Saulnier impliquant quand même des dépenses assez considérables, cela doit s'inscrire d'une façon privilégiée dans ce cadre. Concernant la compensation financière de près de $1 milliard que nous avons réclamée du gouvernement fédéral pour le maintien des forces policières au Québec, je dois vous dire que le gouvernement est déterminé à continuer ce dossier.

D'ailleurs, nous allons avoir l'appui de l'ensemble de la population et également de tous les parlementaires. Lorsque j'ai eu l'occasion de discuter de ce dossier, lors d'une conférence fédérale-provinciale, on nous a indiqué à ce moment que cela regardait surtout les finances. Pour que le fédéral n'ait plus ce prétexte, j'ai fait en sorte de référer le dossier au ministre des Finances qui, j'en suis informé, a acheminé cette demande à son homologue fédéral, le ministre Jean Chrétien. Une chose est certaine, c'est que dans ce dossier, la Commission de police a fait un travail quand même assez fantastique de comptabilisation, de manière à prouver à la population que les chiffres avancés, soit de l'ordre de $800 millions, plus les intérêts qui ne sont pas comptés, ne sont pas des chiffres politiques lancés en l'air, mais au contraire, représentent des sommes dûment comptabilisées qui sont dues par le fédéral au gouvernement du Québec, en toute justice.

On a abordé également le problème de la criminalité juvénile. Je sais que c'est un problème qui nous préoccupe constamment, mais il n'est pas facile de trouver les moyens pour lutter spéci-

fiquement dans ce secteur; je crois que la nouvelle Loi de la protection de la jeunesse, également les lois que nous avons présentées en deuxième lecture concernant la Commission de libération conditionnelle, concernant le travail rémunéré des détenus, seront de nature, à constituer des instruments de plus pour lutter contre ce phénomène de la criminalité juvénile. Je serais très heureux si, au cours des débats, l'Opposition avait des suggestions spéciales qui pourraient constituer des moyens additionnels à cette lutte contre la criminalité juvénile qui existe, selon le même pourcentage, parce que nous avons consulté certaines statistiques et le pourcentage de criminalité juvénile qui existe à l'heure actuelle est presque le même que celui qui existe depuis 23 ans. En fait, c'est un phénomène constant et si l'Opposition a des suggestions, nous serons heureux de les accueillir.

M. le Président, il y a bien d'autres sujets qui ont été abordés par les membres de l'Opposition. Je crois que nous aurons l'occasion, programme par programme...

M. Fontaine: Les commissions d'enquête?

M. Bédard: Concernant la Commission d'enquête, et le député se réfère à la CECO, ma conviction est que ceci représente un instrument très important dans la lutte contre le crime organisé. Maintenant, ceci ne veut pas dire qu'il n'y a pas lieu de réfléchir sur les possibilités d'augmenter son efficacité, d'améliorer son fonctionnement. Comme je l'avais dit lors de l'étude des derniers crédits, nous avons procédé, au cours de la présente année, à plusieurs consultations — je pourrai vous donner plus de détails lorsqu'on arrivera à ce programme — avec tous ceux qui ont oeuvré, d'une façon particulière, dans ce domaine. Je n'ai pas abandonné l'idée que nous puissions, avant l'automne, avoir une réunion informelle des membres de la commission parlementaire de la justice afin de pouvoir leur faire part de l'ensemble de ces remarques, d'une part, et, d'étudier ensemble les suggestions possibles aux fins d'améliorer ce mécanisme, entre autres, qui constitue un instrument contre le crime organisé.

Maintenant, je crois qu'avant d'en arriver à la décision de la permanence de la CECO, il y a lieu à beaucoup de réflexion. Est-ce qu'il y a d'autres sujets?

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ... avant d'aborder un programme, j'aimerais qu'on termine la partie des commentaires de nature générale.

Le Président (M. Laplante): Je crois que c'est du bon temps. On arrive aux programmes après cela.

M. Lalonde: Alors, avec votre permission, M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Je suis pleinement d'accord, cela avance les travaux, après cela, programme par programme.

M. Lalonde: ... je voudrais revenir sur la question que j'avais soulevée pour certains projets de loi importants, les projets de loi 24 et 39. Un certain nombre d'explications du ministre sont tout à fait valables mais, plus particulièrement en ce qui concerne le projet de loi no 39, j'ai eu l'occasion de travailler au niveau de la commission parlementaire. J'avais espéré la présence du ministre de la Justice et celle du ministre d'État, étant donné que c'est une loi... Et peut-être plus encore qu'en vertu du projet de loi no 24, parce que pour le projet de loi no 24, le ministre de la Justice se trouve à être responsable de l'application d'une partie seulement de la loi, les articles 12, etc. et certains chapitres, tandis qu'en vertu du projet de loi no 39, on est en plein dans l'administration de la justice.

Pour l'affaire Fabien, naturellement, je suis tout à fait d'accord avec le ministre en ce sens que le problème n'était pas souhaitable. C'est un problème délicat. Mais je n'accepte pas l'explication du ministre indiquant que la démission du juge fait disparaître la nécessité d'une enquête publique. Il y a deux problèmes là-dedans, M. le Président, c'est la façon dont sa démission a été donnée. Si j'ai bien entendu les explications du ministre, ce matin, un avis de Me Yves Pratte recommande de faire une enquête publique, d'instituer une commission d'enquête et le ministre décide d'accepter cet avis et en informe le juge.

M. Bédard: C'est-à-dire que mon sous-ministre en a informé le juge, à ma demande.

M. Lalonde: Oui, c'est sûr, le sous-ministre agit sous les instructions du ministre.

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalonde: Alors, le ministre informe le juge de sa décision. Si on doit en croire certains rapports, ce n'est pas exactement ce qui est arrivé. Là, la lettre du ministre ou du sous-ministre serait peut-être un élément révélateur. Est-ce qu'il a informé le juge de l'intention de faire une enquête ou s'il a dit que le ministre se proposait de recommander une enquête, ou bien s'il a informé de la décision du Conseil des ministres qu'une enquête soit faite? (17 heures)

M. Bédard: De la décision du ministre de la Justice de demander une commission d'enquête.

M. Lalonde: Mais la décision du Conseil des ministres n'était pas prise encore.

M. Bédard: On a une recommandation dans ce sens.

M. Lalonde: À ce moment, la lettre du sous-ministre serait-elle dans le sens que le ministre avait décidé de proposer au Conseil des ministres une commission d'enquête? Si tel est le cas, le

ministre ne peut pas prétendre que la démission du magistrat a été faite en toute volonté, en toute liberté. Il me semble qu'il est absolument inadmissible que l'on menace quelqu'un de faire une enquête, qu'on l'en informe et ensuite qu'on décide de ne pas faire enquête parce qu'il y a une démission. C'est ce que je trouve absolument odieux. Sans tenir compte, naturellement, du degré de culpabilité ou de non-culpabilité de la personne en question — je l'ignore, il y a des faits que le ministre connaît et que nous ne connaissons pas — mais ce que nous commençons à connaître dans le public est quand même assez important pour qu'on se pose des questions.

M. Bédard: Pardon. Je m'excuse, mais vous dites...

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais qu'on me laisse terminer. Je n'ai pas...

Le Président (M. Laplante): Si M. le ministre accepte...

M. Lalonde: Non seulement je n'ai pas interrompu le ministre, mais je l'ai laissé compléter toutes ses questions avant de revenir là-dessus.

Le Président (M. Laplante): ... nous allons essayer de compléter l'intervention du député de Marguerite-Bourgeoys, et après vous pourrez répondre.

M. Bédard: D'accord.

M. Lalonde: C'est là la première question. Il m'apparaît totalement inadmissible que l'on informe quelqu'un qu'on va faire une enquête sur son comportement avant de décider de la faire. Depuis quand informe-t-on quelqu'un qu'on a l'intention de faire une enquête publique sur son comportement? Comme je le dis, s'il s'agissait de faire une enquête publique sur l'état des routes au Québec, ce serait différent, mais sur la conduite et le comportement de quelqu'un... Et encore là, si les documents qui nous ont été remis sont les vrais, le juriste, Me Yves Pratte, dans ce temps-là, était d'avis que le ministre de la Justice devrait, dans l'état actuel du dossier, proposer au lieutenant-gouverneur en conseil d'instituer, en vertu de la Loi des commissions d'enquête, une enquête sur la conduite et le comportement du juge Fabien, depuis la date de sa nomination comme juge à la Cour des sessions de la paix.

Il n'y a pas de mention, dans cette recommandation, parce qu'il s'agit d'une recommandation d'une enquête seulement en vue d'une destitution éventuelle. Il y a tellement de bruits qui ont été rendus publics, et même des rumeurs confirmées par le ministre. Je me souviens de certaines déclarations, de certaines réponses du ministre en Chambre, selon lesquelles il s'agissait de savoir la provenance de certains montants d'argent importants. Je n'ai pas la référence directe ici, mais je me souviens très bien que le ministre avait dit publiquement qu'il s'agissait de savoir si le juge Fa- bien avait reçu des fonds dont il ne pourrait pas expliquer la provenance. C'est maintenant de notoriété publique. Tout cela a commencé avec une accusation de Me Alfred Chevalier, à savoir que le juge aurait reçu un pot-de-vin, je crois, d'une compagnie, Alliance sécurité blindée.

Je ne sais pas quel est l'état du dossier, mais je trouve tout a fait inacceptable la façon dont le ministre a procédé, c'est-à-dire avertir d'avance quelqu'un qu'on a l'intention de proposer de faire une enquête publique sur lui. Au départ, c'est absolument inacceptable. Le ministre relie l'enquête à la procédure de destitution, alors que je ne vois pas ce lien dans les documents rendus publics.

Ce qui est important, c'est de savoir si le ministre avait raison de faire une enquête. C'est ce qu'il m'a dit tantôt. D'accord, je pense que les faits révélés par la recommandation de Me Pratte, à ce moment, c'est une recommandation très valable, mais Me Pratte parle de méfiance et de suspicion à l'égard du juge Fabien. Le fait qu'il démissionne, sous la menace d'une enquête, m'apparaît premièrement inacceptable.

Deuxièmement, je peux peut-être citer un éditorial de Jean-Claude Leclerc, qui est quand même assez récent, puisqu'il date du 14 avril 1978, concernant l'argument qui veut que maintenant qu'il y a eu une démission, on n'a pas besoin d'enquête: "C'est par une argumentation à caractère sophiste que Me Marc-André Bédard prétend que le juge en chef ayant démissionné, pareille commission n'était plus nécessaire." Il poursuit un peu plus loin: "Quand un ministre et un gouvernement se trouvent en pareil embarras, l'intégrité de la justice et la crédibilité du parti au pouvoir sont servis non pas par une prudence qui prête flanc à des soupçons de tergiversation intéressée, et de "cover-up", mais par une action ouverte et diligente. "

Je pense que, dans les circonstances, les explications du ministre sont totalement inacceptables. Il reste actuellement — sans le juger pour ma part, mais il est jugé par la population — qu'un ancien juge est, à quelque part, peut-être réadmis au Barreau sans aucune objection du ministre qui, comme membre du Barreau, aurait pu s'opposer avec l'avis de 30 jours; comment expliquer ces choses? Il me semble qu'on trouve ici ce que l'avocat, le président de l'Association des avocats de la défense, Me Serge Ménard, disait dans une nouvelle parue il y a quelques jours, et je cite la nouvelle: "L'esprit d'indécision pourrait être le mauvais côté de la trop grande prudence dont fait preuve le ministre québécois de la Justice, avec toute l'amertume qu'il suscite après le grand espoir que la nomination de Me Marc-André Bédard à ce poste prestigieux avait permis d'intervenir".

Ce n'est pas être prudent que d'hésiter à prendre ses responsabilités, c'est l'intégrité de la justice et de tout l'appareil judiciaire qui est en jeu, M. le Président. Ce sont les remarques que je voulais faire là-dessus, parce que je sais qu'il y a toutes sortes de ragots qui sont publiés de ce temps-ci, je ne veux pas les faire miens, mais il reste qu'il y a un principe qui est fondamental ac-

tuellement: C'est comment un justiciable est traité devant nos tribunaux et s'il n'y a pas d'enquête... Cela fait sept mois que c'est fini, la conférence de presse du ministre a eu lieu à quelque part en septembre. Apparemment, une enquête policière aurait continué et le même Jean-Claude Leclerc disait le 29 septembre 1977, le lendemain ou quelques jours après la conférence de presse du ministre: "Le ministre de la Justice a laissé une porte entrouverte en ajoutant, hier, qu'il était embarrassé par semblables problèmes et qu'il allait demander l'avis du conseil de la magistrature. ' Je vais demander au ministre s'il a demandé avis au conseil de la magistrature dans ce cas-ci, et si c'est exact qu'il avait laissé la porte ouverte, mais je n'ai pas assisté à sa conférence de presse et je lui demanderais de considérer très sérieusement la façon inacceptable avec laquelle cette affaire a été traitée et quelles dispositions devraient être prises pour rétablir l'intégrité de la justice dans cette affaire.

Le Président (M. Laplante): Le ministre de la Justice.

M. Fontaine: M. le Président, je voudrais juste ajouter quelque chose là-dessus avant que vous ne répondiez. Premièrement, je suis d'accord avec la plupart des propos énoncés par le député de Marguerite-Bourgeoys et je pense que les constatations que fait Me Pratte, à l'effet que les faits n'étaient pas suffisamment étayés en droit pour entamer une procédure de destitution à la Cour d'appel, montrent d'ores et déjà qu'on n'était pas trop sûr de notre affaire.

Il reste un fait, c'est que le juge a démissionné et que nous sommes présentement devant un citoyen comme les autres qui, de par ses fonctions, a été pratiquement jugé avant qu'on ait pu lui faire un procès. Il y a un principe dans notre droit qui dit: "Tout le monde est innocent tant qu'il n'a pas été déclaré coupable. " Je pense que, dans ce cas-là, cela n'a pas été tout à fait le cas. Mais le fait est accompli et le juge a démissionné. Cependant, le ministre de la Justice a déjà répondu en Chambre, je pense que c'est le 3 août 1977, à une question de M. Lalonde; il avait dit à ce moment: "Hier et aujourd'hui on m'a posé et on me pose certaines questions concernant ce sujet d'intérêt public."

J'estime qu'effectivement ces questions sont d'intérêt public, au plus haut point, et je puis assurer cette assemblée qu'elle recevra des réponses dans les meilleurs délais, c'est-à-dire après que j'aurai reçu le rapport complet d'enquête, ce qui ne saurait tarder.

J'ai en effet l'intention de faire publiquement le point et la lumière sur toute cette question, tant sur le fond de l'enquête que sur l'aspect de la collaboration des personnes concernées. M. le Président, je pense qu'aujourd'hui on serait peut-être en droit de demander au ministre: Pourquoi ne pas faire la lumière, comme il l'avait promis, tant sur le fond de cette enquête que sur l'aspect de la collaboration des personnes concernées? Parce qu'aujourd'hui, à la suite des événements qui se sont produits, on est quand même en droit de se poser des questions, et la population est en droit de s'en poser. Par exemple, celle-ci: Est-ce qu'il y a eu, oui ou non, des tentatives de corruption vis-à-vis du juge Fabien? Pourquoi la CECO a interrogé à huis clos Me Chevalier? Pourquoi n'a-ton pas donné suite à ce témoignage? Est-ce qu'il aurait pu y avoir des poursuites?

L'enquête de la Sûreté du Québec s'est-elle déroulée impartialement? On a parlé, à un moment donné, d'intervention politique dans ce dossier.

M. Bédard: Allez plus tranquillement.

M. Fontaine: Je peux répéter, M. le Président, il y a au moins trois questions, avec le journaliste M. Leclerc, qu'on peut se poser actuellement. Est-ce qu'il y a eu des tentatives de corruption, oui ou non, vis-à-vis du juge Fabien? Pourquoi la CECO a-t-elle interrogé Me Chevalier à huis clos et pourquoi on n'a pas donné une suite à ce témoignage, s'il y avait lieu à prendre des poursuites? L'enquête de la Sûreté du Québec s'est-elle déroulée impartialement? On a parlé d'intervention politique qu'il aurait pu y avoir dans ce dossier-là.

Une voix: Précisez!

M. Charbonneau: Précisez!

M. Fontaine: Je vais préciser si vous le voulez. À un moment donné, on m'a posé, à l'Assemblée nationale, une question en ce sens: Est-ce qu'il était vrai que M. Chevalier avait pu prendre connaissance d'un rapport d'étape qui avait été produit par la Sûreté du Québec?

M. Lalonde: II n'a pas répondu.

M. Fontaine: Et on n'a jamais eu de réponse là-dessus. Le ministre, je pense, s'il n'avait pas refusé de répondre, avait évité d'y répondre. On a dit également que l'enquêteur, M. Clément Bousquet de la Sûreté du Québec était un ami personnel de Me Chevalier.

M. Charbonneau: Qui est-ce qui a dit cela? M. Fontaine: Est-ce que ces faits-là sont... M. Charbonneau: Colombo!

M. Fontaine: Monsieur, on pose des questions et c'est au ministre de répondre.

Une voix: Un journaliste.

M. Charbonneau: Un journaliste, on n'a pas la même définition d'un journaliste.

M. Marchand: Si vous voulez faire une enquête, faites-en une.

Une voix: Si vous aviez été au Devoir vous auriez dit la même chose.

Le Président (M. Laplante): À l'ordre!

M. Fontaine: Alors, M. le Président, se sont toutes des questions auxquelles la population est en droit d'attendre des réponses. Si le ministre a l'intention de faire la lumière là-dessus, qu'il la fasse aujourd'hui ou demain, mais qu'il la fasse d'une façon ou d'une autre.

Le Président (M. Laplante): Le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je vais laisser le ministre de la Justice...

Une voix: Ne vous mettez pas les pieds dans les plats!

Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y aurait d'autres questions?

M. Bédard: Je vais essayer de répondre à toutes les questions qui pourraient se poser.

M. Lalonde: Je voudrais réitérer. Le député de Nicolet-Yamaska a posé une question que je voulais poser et que j'avais oubliée; c'est que le 3 août 1977, j'ai posé à deux reprises à la page 2653 la question: Comment se fait-il que selon ses prétentions Me Chevalier aurait pris connaissance du contenu du rapport d'étape? On sait que Me Chevalier était le dénonciateur là-dedans. Je vais répéter la réponse du ministre, et je cite: "Je vous ai dit, tout à l'heure, que toutes les questions qui ont été posées et dont j'ai pris note, hier, celles qui me sont posées aujourd'hui, les autres qui pourraient être ajoutées selon que nous pourrons les évaluer, sont pertinentes et que c'était mon intention de faire publiquement la lumière sur ce dossier, de répondre à chacune des questions et de le faire en temps et lieu, en termes de responsabilité, à savoir est-ce que j'aurai le rapport complet d'enquête"? C'était au mois d'août 1977 et on est en avril 1978. J'aimerais savoir si le ministre va faire enquête pour savoir comment il se fait qu'il y a du coulage.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, cela serait peut-être assez long comme réponse. Je crois bien qu'il y a lieu d'y mettre le temps nécessaire...

Le Président (M. Laptante): Un sujet délicat et que les réponses soient claires.

M. Bédard: Ou point de vue chronologique, à la suite du témoignage rendu par l'avocat Alfred Chevalier, le 24 janvier 1977, devant la Commission d'enquête sur le crime organisé, la Sûreté du Québec a entrepris, en février 1977, une enquête policière sur certains aspects de la conduite de M. André Fabien, alors juge en chef des Sessions de la Paix à Montréal. (17 h 15)

Bien que l'enquête — c'est important — ait débuté à la suite et à propos des allégations faites par l'avocat Alfred Chevalier, elle devait, assez rapidement, permettre d'établir un certain nombre de faits étrangers au témoignage de M. Chevalier. Le 28 mai 1977, j'ai rencontré le juge en chef André Fabien et je lui ai alors représenté que dans l'intérêt supérieur de la justice, il y avait lieu, soit que les faits soient éclaircis très rapidement avec son entière collaboration, soit qu'il s'abstienne d'exercer ses fonctions pendant la période de l'enquête.

Par lettre, en date du 1er juin 1977, le juge en chef André Fabien m'avisait de sa décision, tout en conservant les prérogatives de sa charge pendant la période de l'enquête, de s'abstenir d'en exercer les fonctions et ce, pour la durée de l'enquête. À ce moment-là, j'avais offert à M. le juge Fabien, le juge en chef, de faire la lumière sur les faits qui étaient portés à notre attention, et de collaborer avec les officiers, les enquêteurs de la Sûreté du Québec qui étaient chargés de ce dossier. L'honorable juge m'a avisé, dans une lettre datée du 1er juin 1977, de sa décision de s'absenter, c'est-à-dire de s'abstenir d'exercer ses fonctions. Donc, une première occasion lui était offerte très clairement de pouvoir donner toutes les explications nécessaires à la Sûreté du Québec.

Le 22 juillet, le juge en chef m'avisait de sa décision de reprendre immédiatement ses fonctions, alléguant qu'il avait toutes les raisons de croire que l'enquête était terminée. Le 24 juillet, je l'avisais par télégramme que tel n'était pas le cas. Dans le plus entier respect du principe fondamental de l'indépendance judiciaire, n'ayant alors pas en main un rapport suffisamment circonstancié de la Sûreté du Québec pour justifier une décision autre, je me suis abstenu d'intervenir à nouveau, relativement à la décision prise par le juge en chef André Fabien.

Le 18 août 1977, la Sûreté du Québec m'a transmis un rapport d'étapes relativement à son enquête. Dans les jours subséquents, quelques documents additionnels furent remis au ministère. De façon exceptionnelle, à cause des hautes fonctions occupées par la personne visée, considérant le droit du public à une information à ce sujet, tenant compte du fait qu'il n'est pas prévisible queces faits soient autrement rendus publics, tenant compte aussi de ce que les médias y ont déjà fait référence, je confirme, en substance et pour l'essentiel de ce qu'il est d'intérêt public de révéler, que ce rapport établit la réception et l'utilisation par M. Fabien d'importantes sommes d'argent dont la provenance n'a pas été expliquée de façon satisfaisante. Par ailleurs, ces faits bruts ne comportent en eux-mêmes aucun aspect criminel, et le rapport de la Sûreté du Québec ne contient la preuve de la commission d'aucun acte criminel, ni relativement à ces faits, ni relativement à aucun autre. Mais le poste de juge et de juge en chef exige que de tels faits soient éclaircis. Je pense que l'opinion de Me Pratte, maintenant juge en chef de la Cour suprême, était très claire sur ce point. Les intérêts supérieurs de la justice demandent en effet, de la part de ceux qui sont chargés de la dispenser, une attitude et une conduite qui soit et qui apparaisse à la fois irréprochable.

Après avoir pris connaissance de ce rapport, j'ai, par écrit, le 25 août 1977, demandé formelle-

ment au juge en chef André Fabien de reconsidérer, dans les circonstances, le bien-fondé de la décision qu'il avait prise le 22 juillet, soit de remonter sur le banc, et de revenir à l'attitude qu'il m'avait indiquée dans sa lettre du 1er juin, et ce, jusqu'à ce que les faits révélés dans le rapport et les questions ainsi soulevées à son sujet aient été éclaircis à la satisfaction du ministre de la justice, par les moyens jugés appropriés par celui-ci, dans le meilleur intérêt de la justice.

Le 26 août 1977, le juge en chef André Fabien m'avisait de sa décision de s'abstenir d'exercer les fonctions de sa charge jusqu'à ce que la situation ait été éclaircie. Et, conformément à l'article 72 de la Loi des tribunaux judiciaires, le Conseil des ministres autorisait M. Yves Mayrand, juge des sessions, à assumer provisoirement la juridiction administrative du juge des sessions à Montréal, pendant l'absence du juge en chef.

En l'absence de précédents et de jurisprudence sur le sujet, j'ai demandé aux officiers de mon ministère, ainsi qu'à un procureur conseil, Me Yves Pratte, de me faire part de leur opinion sur les mesures qui devraient être prises à la suite des informations contenues dans le rapport qui m'avait été communiqué par la Sûreté du Québec. Les juristes du ministère et le procureur conseil, Me Yves Pratte, avaient particulièrement à analyser, s'il y avait lieu pour le Procureur général de se prévaloir de la procédure de requête en destitution devant la Cour d'appel prévue à l'article 76 de la Loi des tribunaux judiciaires ou s'il y avait lieu de procéder à la nomination d'un commissaire-enquêteur afin que les faits soient éclaircis.

Après étude sérieuse de cette délicate question, les officiers du ministère de la Justice et le procureur conseil m'ont recommandé de procéder à la nomination d'un commissaire-enquêteur dont le mandat aurait été d'éclaircir les faits, afin de démontrer, le cas échéant, les qualités d'intégrité et d'indépendance de M. Fabien et de dissiper ainsi toute méfiance ou suspicion à son endroit ou, encore, me permettre de me prévaloir de la procédure prévue à l'article 76. Leur opinion — de tous ces juristes — peut être résumée dans les phrases suivantes de Me Yves Pratte: "L'article 76 ne permet pas la tenue, par la Cour d'appel, d'une enquête en vue de déterminer s'il existe des faits qui justifient la destitution d'un magistrat. L'enquête dont parle l'article 76 est limitée à la preuve des faits allégués dans la requête et vise à déterminer l'authenticité de ces faits. En d'autres mots, l'enquête devant la Cour d'appel n'a pas pour objet de rechercher des faits dont on peut préalablement affirmer l'existence; elle vise plutôt à vérifier la véracité d'allégations précises formulées contre un magistrat."

Me Yves Pratte continuait dans ces termes: "Je suis d'opinion que dans l'état actuel du dossier, le ministre de la Justice ne peut, tout en respectant les principes constitutionnels qui le lient et, eu égard à la prudence dont il doit faire preuve en pareille matière, procéder par voie de requête en destitution en vertu de l'article 76 de la Loi des tribunaux judiciaires. J'en viens donc, par un simple procédé d'élimination, à la conclusion que l'institution d'une commission d'enquête en vertu de la Loi des commissions d'enquête est, dans l'espèce, le moyen le plus approprié pour faire la lumière dans cette affaire."

Le juge Pratte en venait, par un procédé d'élimination, à cette conclusion que le moyen était la commission d'enquête, puisque l'enquête policière — qui aurait pu être un moyen — était moins efficace, étant donné que nous avions à procéder dans des délais rapides. Il ne faut quand même pas oublier qu'à ce moment-là M. André Fabien était toujours juge en chef de la Cour des sessions de la paix, ce qui n'est plus le cas maintenant.

Alors, il appert en effet que le ministre de la Justice a l'obligation d'assurer l'indépendance et l'intégrité de la magistrature, de défendre l'intégrité d'un magistrat contre des attaques injustifiées. Mais si les accusations sont fondées, il doit prendre les mesures nécessaires pour que le magistrat indigne cesse d'agir. Suite à ces avis juridiques, j'ai demandé au sous-ministre de la Justice d'informer M. le juge en chef, à ce moment-là, de mon intention de recommander au Conseil des ministres l'institution d'une enquête et la nomination d'un commissaire-enquêteur, relativement à certains faits réglés par le rapport de la Sûreté du Québec à son sujet.

Le 20 septembre, le sous-ministre de la Justice a fait part au juge en chef André Fabien de mon intention de procéder à cette recommandation lors du Conseil des ministres. Le 21 septembre, soit dès le lendemain. Par considération et eu égard à la haute fonction de M. André Fabien, et pour des considérations humanitaires, j'ai accepté d'accorder au juge en chef André Fabien un délai d'une semaine qu'il m'avait demandé à ce moment, par l'entremise de mon sous-ministre qui avait communiqué oralement avec lui.

Mardi le 27 septembre, une semaine plus tard, le juge en chef André Fabien m'a informé qu'il démissionnait de son poste, parce qu'il était d'avis que son état de santé ne lui permettait plus de continuer à remplir ses fonctions de façon satisfaisante et, le 28 septembre, le Conseil des ministres a accepté cette démission. Je dois ajouter que cette démission n'a pas été demandée, n'a fait l'objet d'aucune tractation et, suivant la Loi des tribunaux judiciaires, ne donne droit à aucune pension. Cette démission rend inutile l'institution d'une commission d'enquête étant donné que celle-ci avait pour but, et c'est très clair dans l'opinion de Me Pratte, de déterminer l'occasion, pour le Procureur général, de présenter une requête en destitution devant la Cour d'appel, conformément à l'article 76 de la Loi des tribunaux judiciaires.

Cette démission m'oblige de plus à traiter M. André Fabien comme tout citoyen ordinaire. Je dois dire que tous ces faits, toute cette chronologie, ce n'est pas aujourd'hui que j'en fais part aux membres de la commission parlementaire, ou même à l'Assemblée nationale, c'est exactement le contenu de la mise au point que j'ai faite lors de la conférence de presse qui a eu lieu le même jour, je crois, que la démission de M. Fabien.

M. Lalonde: On l'avait reconnu. Cela ne répond pas à nos questions.

M. Bédard: Non, on va revenir.

J'avais également, lors de cette conférence de presse, produit une lettre de Me Yves Pratte, indiquant qu'il n'était pas d'intérêt public de révéler les faits même de l'enquête. J'avais alors donné à la presse le contenu de l'opinion juridique de Me Yves Pratte.

M. le Président, cette enquête — pour répondre à certaines des questions — a été menée d'une façon tout à fait impartiale par la Sûreté du Québec. On a laissé entendre — et je reprends les expressions du représentant de l'Union Nationale — que l'enquêteur principal, M. Bousquet, était un ami de Me Chevalier, le dénonciateur. C'est complètement faux. Mes informations sont très clairement dans ce sens que M. Bousquet, l'inspecteur, a rencontré une fois M. Chevalier, il y a une dizaine d'années. Lorsqu'il a eu à le rencontrer concernant cette enquête, il n'y avait eu aucune autre communication entre les deux. Alors, ceux qui prétendent qu'il y a un lien d'amitié entre l'enquêteur principal et le dénonciateur sont complètement dans l'erreur, et c'était un fait facilement vérifiable. (17 h 30)

On a laissé entendre que l'enquêteur était l'enquêteur du ministre de la Justice; c'est complètement faux, et le Solliciteur général sait très bien que lorsqu'il y a une enquête qui doit être instituée, ce n'est pas le ministre de la Justice qui détermine les enquêteurs, ce sont les autorités de la Sûreté du Québec, ce qui a été fait dans ce cas-là. De plus, il n'y avait pas seulement un enquêteur, il y avait, outre M. Bousquet, le caporal Desrochers qui assistait M. Bousquet dans son enquête et cinq autres agents qui, effectivement, étaient chargés également de cette enquête. Quand on prétend que M. André Fabien ne voulait pas donner des informations, des explications à M. Bousquet à cause des liens d'amitié qu'il aurait pu avoir avec Me Chevalier, je pense que cela n'a aucun fondement, parce qu'il n'y avait aucune amitié entre M. Bousquet et Me Chevalier.

Le représentant de l'Union Nationale m'a posé la question quant à savoir s'il y avait eu des interventions politiques. Ce dossier a été strictement traité par le ministère de la Justice, par le ministre de la justice avec le concours des officiers du ministère, et le concours également de Me Yves Pratte comme conseiller spécial. Il n'y a eu absolument aucune intervention politique dans ce dossier, qui devait d'ailleurs être traité uniquement par le ministère de la Justice. Les recommandations qui ont été faites pour la nomination de Me Mayrand et de M. Vignola ont été des recommandations faites par le ministre de la Justice et acceptées unanimement par le Conseil des ministres.

On a fait état qu'il y aurait pu avoir intervention politique parce que M. le juge Mayrand, qui a été nommé juge en chef intérimaire, avait été préalablement associé à M. Chevalier. Il n'y a eu aucune intervention puisque, lorsque j'ai nommé M. le juge Mayrand juge en chef durant l'absence du juge Fabien, je n'étais même pas au courant de cette association postérieure.

M. Lalonde: Passée.

M. Bédard: De cette association passée. D'ailleurs, même si j'en avais été mis au courant, ceci ne m'aurait pas influencé dans la nomination du juge Mayrand comme juge en chef parce que sa nomination a été faite après une longue consultation, plusieurs consultations dans le milieu des juges, des avocats de la couronne et d'autres personnes qui étaient en mesure de nous donner des renseignements. Toutes ces consultations ont été à l'effet que le juge Mayrand est un homme de valeur dont l'intégrité ne peut être mise en doute, dont la compétence ne peut être mise en doute et qui, justement, constituait dans les circonstances un juge qui pouvait accéder à ce poste de juge en chef de la Cour des sessions. Je puis vous dire que depuis sa nomination, je n'ai eu que des éloges à l'endroit de M. le juge en chef Mayrand.

M. Blank: Sauf de Me Shoofey. M. Charbonneau: II n'y a rien là.

M. Bédard: Concernant son esprit de travail, sa probité, sa compétence et sa capacité, autrement dit, d'occuper cette haute fonction de juge en chef. Concernant la nomination de M. Vignola, comme directeur du service de police à Montréal, il n'y a eu absolument aucune intervention, d'ailleurs, des...

M. Lalonde: On n'a pas connu Vignola, nous autres. Avez-vous lu le livre?

M. Bédard: Non, je comprends, mais je n'aime pas jouer à l'autruche.

M. Lalonde: Mais vous faites le tour, répondez aux questions des députés.

M. Bédard: On va répondre à des questions...

M. Fontaine: Si on peut avoir la lumière, je suis bien d'accord pour que le ministre réponde à toutes les questions qui viennent à son esprit.

M. Bédard: Alors, il n'y a eu absolument aucune intervention politique. Dès le début de mon mandat, j'avais indiqué qu'il y avait un problème sérieux à Montréal concernant la direction du service de police, qu'il y avait un problème de structure et qu'il y avait un problème de leadership et qu'effectivement il y avait lieu d'intervenir, ce que nous avons fait. M. Vignola a été nommé à la suite de plusieurs consultations auprès du milieu policier. Sa nomination répondait à l'attente du milieu policier, il s'agit simplement de se rappeler avec quel enthousiasme sa nomination a été acceptée. D'ailleurs, il y a des consultations dans le cas de la nomination d'un directeur de service de police de la Communauté urbaine qui sont prévues par la

loi. Ces consultations ont été faites avec le conseil de sécurité et toutes les personnes qui pouvaient être en mesure de fournir au ministre de la Justice des informations dans ce sens-là.

Alors, pour répondre aux questions du représentant de l'Union Nationale, une enquête policière s'est déroulée impartialement, sans intervention politique d'aucune façon, et concernant le fait de savoir si M. Alfred Chevalier, selon votre question...

M. Lalonde: M. le Président, il me fait plaisir de répéter ma question. Avec le tour d'horizon qu'on a fait, je comprends que le ministre ait oublié ma question.

M. Bédard: Non, je ne l'ai pas oubliée.

M. Lalonde: Comment se fait-il que, selon ses prétentions, Me Chevalier ait pris connaissance du contenu du rapport d'étapes? Depuis le 3 août, j'attends la réponse; je peux attendre encore quelques minutes.

M. Bédard: Je comprends, ce sont les prétentions de Me Chevalier. Me Chevalier a été vu, on le conçoit, à maintes reprises par les officiers de la Sûreté du Québec. Je ne sais pas comment Me Chevalier, malgré l'enquête qu'on a pu faire, est entré en possession de documents tel qu'il le dit, de même que je ne sais pas comment d'autres ont pu entrer en possession de documents qu'ils détiennent.

M. Marchand: Vous n'aimeriez pas cela le savoir?

M. Bédard: J'aimerais certainement le savoir, mais...

M. Marchand: Cherchez-le!

M. Bédard: ... mais nous cherchons.

M. Lalonde: Ah! vous cherchez?

M. Bédard: Oui.

M. Lalonde: Vous ne cherchez pas fort!

M. Bédard: Si vous me permettez, l'ancien Solliciteur général, l'ancien procureur, c'est-à-dire le député de Marguerite-Bourgeoys a peut-être déjà eu à assister ou à être mis en face de certaines fuites qu'il n'a pas élucidées non plus.

M. Bédard: II sait très bien une chose: lorsqu'il y a une fuite, entre vous et moi, l'enquête est extrêmement difficile à faire.

M. Lalonde: Avez-vous demandé à Me Chevalier comment il était venu en possession...? C'est un collaborateur de la justice, puisque c'est lui qui a dénoncé le juge Fabien au début. Est-ce que vous lui avez demandé, à Me Chevalier, comment il était venu en possession du rapport?

M. Blank: Personne ne l'a demandé?

M. Bédard: Personnellement, je n'ai jamais communiqué avec M. Chevalier pour lui demander cela.

M. Blank: II est ici très souvent; c'est facile de lui demander.

Le Président (M. Laplante): À l'ordre! Laissez répondre le ministre.

M. Bédard: Je n'ai pas communiqué avec M. Chevalier pour lui demander cela.

M. Blank: On le voit partout ici, c'est facile de le lui demander.

M. Lalonde: Quand vous le rencontrez dans les corridors...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Louis, vous avez demandé la collaboration du ministre tout à l'heure d'attendre la fin de vos interventions.

M. Blank: Excusez-moi.

Le Président (M. Laplante): J'aimerais que le ministre finisse son intervention et si vous avez d'autres questions, je les permettrai.

M. Blank: Oui, j'ai une question à poser.

M. Bédard: Vous disiez: circuler. Est-ce que vous pouvez...

M. Blank: Oui, j'ai dit, en passant, que je vois, depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, Me Chevalier très souvent dans les coulisses du parlement et même dans cette salle de commissions à l'occasion de l'étude de certains projets de loi privés, au salon rouge, au café du parlement; c'est facile de lui poser une question, il est ici très souvent. Ce n'est pas un étranger au parlement.

M. Bédard: Le ministre de la Justice n'est pas celui qui fait enquête, ce n'est quand même pas un enquêteur. Je ne commencerai pas à aller voir M. Chevalier pour lui poser des questions.

M. Blank: On vous avait posé cette question le soir où...

M. Charbonneau: Question de règlement, M. le Président.

M. Bédard: La Sûreté du Québec continue son enquête et il faut espérer qu'elle en arrivera à une conclusion; maintenant, on sait très bien, le député de Marguerite-Bourgeoys sait très bien qu'il y a des enquêtes qui durent très longtemps et ce n'est quand même pas le ministre de la Justice qui est le juge de la durée d'une enquête policière.

M. Blank: Est-ce que je peux poser...

Une voix: Une question, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verchères avait demandé la parole au préalable.

M. Charbonneau: Seulement deux points que je voulais souligner, M. le Président. D'abord, et cela pourrait peut-être permettre de répondre à une des questions que le député de Nicolet-Yamaska a posées tout à l'heure, qui à mon sens était impertinente, c'est: Pourquoi la Commission d'enquête sur le crime organisé n'a-t-elle pas elle-même poursuivi l'affaire Fabien? C'est parce qu'elle a eu le témoignage... Pour avoir travaillé non seulement comme journaliste couvrant l'enquête de la CECO mais également comme consultant de la Commission d'enquête, je peux vous dire que devant une révélation comme celle-là, le mandat de la CECO ne permettait pas à la commission de poursuivre l'affaire.

M. Blank: Oui, mais il est obligé...

M. Fontaine: Maintenant qu'il a démissionné...

M. Blank: Même d'être obligé?

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Le mandat de la Commission d'enquête sur le crime organisé ne le permet pas, ce qui ne veut pas dire, à un moment donné, que le ministre de la Justice ne peut pas, comme il l'a indiqué tout à l'heure, recommander qu'il y ait d'autres enquêtes qui se fassent. Mais la commission d'enquête, l'organisme constitué, n'avait pas, dans son mandat, à donner une information de cette nature; son travail était de faire rapport au ministre de la Justice et de voir à ce que... (17 h 45)

M. Marchand: Est-ce que le député parle au nom du ministre?

M. Fontaine: Cela vous déplaît qu'un député connaisse ses dossiers?

Le Président (M. Laplante): M. le député de Laurier, s'il vous plaît! Nous avons le bon ordre depuis le matin, et vous n'êtes pas inscrit sur la liste des intervenants, ni sur celle des membres réguliers, et puis...

M. Fontaine: II a le droit de parole. M. Blank: II a le droit de parole.

Le Président (M. Laplante): J'aimerais, s'il vous plaît...

M. Blank: C'est l'étude des crédits.

M. Lalonde: C'est l'étude des crédits.

M. Charbonneau: C'est moi qui ai la parole.

M. Fontaine: Est-ce que la commission attendra pour entendre un citoyen?

M. Lalonde: Si le député de Verchères me permet une question, en fait, ce n'est pas une question, je suis totalement d'accord avec ce qu'il vient de dire, qu'une dénonciation de la nature de ce qu'on connaît, qu'un pot-de-vin aurait été payé, pouvait ne pas entrer de façon claire dans le mandat de la CECO. C'est là-dessus que cela me satisfait; d'ailleurs, je n'ai pas posé la question. On a vu que suite a été donnée, par une enquête de police, ce qui se fait, je pense, tout à fait naturellement dans ce cas. À moins que le député de Nicolet-Yamaska n'ait d'autres questions, pour ma part, cette affaire serait réglée et nous passerions aux affaires sérieuses.

M. Charbonneau: D'autres affaires sérieuses, parce que finalement je pense que c'est important que certains députés, de bonne foi...

M. Lalonde: Parce que le poisson est noyé, il a de la misère à respirer.

M. Charbonneau: On va le noyer et puis vous allez voir qu'on va le sortir de l'eau pour vous montrer de quel genre de poisson cela avait l'air. C'est qu'il y a des députés de bonne foi qui... cela vous énerve, mon doux Seigneur! Bon, si cela ne vous énerve pas, laissez-moi parler.

M. Blank: Ce n'est pas nous autres, c'est vous autres qui vous énervez.

M. Marchand: II est à le noyer.

M. Charbonneau: Donc, je disais de bonne foi, mais en écoutant certains collègues, je me demande si c'était vraiment de bonne foi. Peut-être que certains députés peuvent utiliser différentes sources d'information pour poser des questions. Il faudrait peut-être en savoir plus long sur l'une de ces sources qui, dernièrement, a écrit un livre sur toute la question, et qui affirmait, à la page 59 — je cite cela et vous allez voir comme c'est intéressant. On dit ici: "La thèse du maire Drapeau est celle-ci, qu'il n'y avait pas vraiment de crime organisé dans la métropole, et à la lumière"— c'est le journaliste auteur du livre...

M. Lalonde: C'est le livre de Dubois?

M. Charbonneau: Oui, c'est le livre de Dubois sur lequel...

M. Lalonde: Ne nous dites pas qu'on va commencer à étudier le livre de Dubois ici?

M. Charbonneau: Non, on a fondé certaines des questions, sur...

M. Lalonde: Non, jamais, pas moi.

M. Charbonneau: Peut-être pas vous, mais...

M. Lalonde: Le ministre a répondu à des • questions à Dubois, mais jamais je n'ai posé des questions à Dubois.

M. Charbonneau: II y a des choses tantôt qui ont été dites...

M. Lalonde: Ce sont les conférences de presse du ministre...

M. Charbonneau: ...cela venait de là, cela ne venait pas de l'éditorial de Jean-Claude Leclerc, vous ne viendrez pas nous raconter des histoires.

M. Lalonde: Jean-Claude Leclerc.

M. Fontaine: II est ici, l'éditorial de Jean-Claude Leclerc.

M. Charbonneau: II y a des questions qui ont été posées tantôt qui ne venaient pas...

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères, veuillez continuer votre intervention.

M. Charbonneau: ... de cet éditorial. Seulement pour terminer, ce que ce journaliste indiquait dans son livre, c'est qu'à la lumière des choses étalées en six ans d'enquête, on a pu conclure en fait qu'il avait presque raison, c'est-à-dire qu'il n'y avait à peu près pas de crime organisé à Montréal. S'il y a quelqu'un ici, autour de la table, qui est capable de prétendre cela, qui est capable de prétendre qu'un auteur qui va affirmer cela est sérieux, cela ne me fait rien, je vais démissionner.

M. Lalonde: Si le ministre peut continuer ses réponses.

M. Fontaine: On vous encourage à démissionner.

M. Charbonneau: Cela veut dire que vous croyez cela.

M. Lalonde: Voulez-vous signer cela?

Le Président (M. Laplante): Monsieur le ministre.

M. Blank: On va avoir un siège pour le nouveau patron.

M. Charbonneau: Je l'ai eu pour cinq ans et je vais le garder.

Une voix: On attend toujours vos réponses.

M. Bédard: Le représentant de l'Opposition officielle, député de Marguerite-Bourgeoys, s'est étonné que j'aie demandé au sous-ministre de la Justice d'informer le juge Fabien que j'avais pris la décision de tenir une commission d'enquête, afin d'éclaircir les faits. Je l'ai demandé parce que, premièrement, il s'agissait du juge en chef de la

Cour des sessions de la paix de Montréal et je crois qu'il aurait été assez inconvenant qu'il l'apprenne par la voie des journaux. Je l'en ai averti la veille — il faut se rappeler des faits — du Conseil des ministres, ou la veille de la tenue du Conseil des ministres, où une décision devait être prise dans ce sens. Je tiens à vous dire que la décision était tellement prise, à ce moment, que nous avions même choisi le juge qui, en fait, aurait présidé à cette enquête.

Ce n'était pas d'une intention que nous faisions part au juge en chef, mais vraiment d'une décision. Chacun peut avoir son opinion. Étant donné qu'il s'agissait du juge en chef, étant donné qu'il savait déjà qu'il y avait une enquête de la Sûreté du Québec sur son compte, il était indiqué de l'avertir de cette décision, de la même façon que je crois qu'il était, pour des raisons humanitaires, facilement concevable que je donne suite à sa demande d'un délai d'une semaine pour lui permettre de réfléchir. Je tiens à le souligner, c'est à la demande même du juge Fabien que nous avons accordé ce délai. Je ne vois pas comment on peut essayer de se scandaliser de cette démarche du ministre de la Justice qui me semblait et qui me semble encore tout à fait indiquée.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ... le ministre nous a relaté les faits depuis le début. On savait tout cela. D'ailleurs, il a avoué lui-même que c'est la conférence de presse qu'il nous a relue.

M. Bédard: Pourquoi dites-vous: Avoué lui-même? J'ai dit que c'était...

M. Lalonde: Bon, c'est cela.

M. Bédard: ... le contenu de la conférence de presse...

M. Lalonde: Alors, le ministre nous disait...

M. Bédard: ... et que tous ces faits — quand vous regardez tous les aspects — sont...

M. Lalonde: Donc, c'était connu.

M. Bédard: ... déjà connus et portés à la connaissance de la presse.

M. Lalonde: C'est plus que cela qu'on veut savoir. Voulez-vous me laisser parler? Je vous ai laissé parler. Les faits, au fond, se résument à quoi? Une dénonciation; le juge ne veut pas collaborer; il y a des faits troublants qui sont rendus publics, y compris la réception d'argent dont la source n'a pas été expliquée; la recommandation — là-dessus, je suis très bien le processus du ministre, quoiqu'on ait hésité un peu trop — émanant de sa consultation avec un grand juriste, Me Pratte. La conclusion, c'est de faire la lumière.

Quant à moi, la démission du juge Fabien, sur la menace d'une enquête, ne rassure personne quant à l'intégrité de l'administration de la justice. C'est ce qui m'intéresse, que l'intégrité de l'administration de la justice soit au-dessus de tout soupçon. Jamais je n'ai — je ne sais pas si d'autres députés l'ont fait, mais sûrement pas le député de Nicolet-Yamaska — mis l'impartialité de la Sûreté du Québec en doute là-dedans. Mais il est évident que l'enquête policière piétinait parce qu'on ne pouvait pas avoir la collaboration du témoin Fabien.

La nomination du juge Mayrand, je n'en ai jamais parlé. Quant à moi, le juge Mayrand...

M. Bédard: Je ne vous ai pas fait de grief à ce propos.

M. Lalonde: C'est un excellent juge.

M. Bédard: C'est le représentant de l'Union Nationale qui en a parlé.

M. Lalonde: Puis...

M. Fontaine: Je n'ai pas parlé de cela, M. le Président. Je n'ai pas parlé de cela du tout.

M. Bédard: Non, non. Qui a parlé d'intervention politique.

M. Lalonde: La nomination de M. Vignola, jamais je n'en ai parlé. Au lieu d'essayer de faire des circonvolutions méandreuses autour de la question et d'essayer de noyer le poisson — cela fait trois quarts d'heure — est-ce que vous allez laisser cela là? Avec tous les bobards et les ragots qui se racontent et la réputation de l'administration de la justice qui est mise en doute, allez-vous laisser cela là?

M. Blank: Et même nos confrères, nos collègues.

M. Bédard: II n'est pas question de laisser cela là et je l'ai dit...

M. Lalonde: Vous avez dit: une enquête policière.

M. Bédard: ... lors de ma conférence de presse, que le dossier demeurait ouvert, que l'enquête continuait et...

M. Lalonde: L'enquête policière...

M. Bédard: ... elle continue. L'enquête policière continue.

M. Lalonde: ... dont l'incapacité a été reconnue par le ministre parce qu'il s'est fait recommander par Me Pratte de faire une enquête publique, avec les pouvoirs de la commission d'enquête. C'est un aveu d'impuissance.

M. Charbonneau: II n'est plus juge en chef. Il est simple citoyen maintenant. Vous êtes si fort sur les libertés individuelles, allez-vous faire une enquête publique sur un citoyen ordinaire?

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verchères.

M. Blank: Est-ce que je peux dire un mot sur la réponse du député de Verchères?

Le Président (M. Laplante): Non, je ne voudrais pas que ce soit...

M. Lalonde: II a le droit de parole.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous une question au ministre?

M. Blank: Oui, j'ai une question à poser au ministre. Je demande au ministre pourquoi il ne fait pas une enquête publique parce que c'est plus qu'un simple citoyen, le juge Fabien. Il est déjà jugé, et mal jugé, je pense, par l'opinion publique. Il y a l'autre côté de la médaille, on n'a pas parlé de tout ici. Ce fameux poisson qu'on veut noyer, comme le député de Marguerite-Bourgeoys l'a dit. Il y avait un aveu de Me Chevalier — et je ne parle pas du livre je parle des faits connus dans le public. Il y a un fait et il y a d'autres personnes qui ont reçu des accusations publiques. Au moins, ces gens doivent avoir le droit de se défendre, de se blanchir.

M. Lalonde: Se défendre.

M. Blank: Parce que Me Chevalier a nommé une personne qui a donné un pot-de-vin. Pour recevoir un pot-de-vin, il doit y avoir une autre personne qui le lui donne. Lui-même, devant la CECO, a donné le nom de la personne, et c'est intéressant de savoir qu'à ce moment, cette personne est son client. Même des années plus tard, cette même personne était son client; il est venu ici, il est allé devant d'autres régies ou tribunaux et toujours avec ce même client. Me Chevalier est reconnu comme un organisateur du Parti québécois.

M. Charbonneau: C'est faux.

M. Blank: C'est faux?

M. Lalonde: II n'a jamais été organisateur.

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blank: Organisateur de trois députés qui siègent avec nous autres.

M. Charbonneau: C'est faux!

M. Blank: Au moins, ces gens doivent avoir le droit de dire non.

M. Charbonneau: Ce n'est pas parce que c'est écrit dans un livre que cela est vrai.

M. Blank: Une minute, une minute! Je n'ai pas fini.

M. Charbonneau: Voyons donc!

M. Blank: Et c'est curieux que le même avocat avec le même client a et comme témoins des collègues de la Chambre. S'il y a des soupçons...

M. Bédard: On n'est plus dans le dossier Fabien. Pardon!

M. Blank: Oui, on est dans le dossier. M. Lalonde: Justement.

M. Blank: Le commencement de ce dossier est...

M. Bédard: Vous pouvez aller ailleurs, si vous voulez, je n'ai pas d'objection, mais...

M. Blank: Je vais en appeler de la commission Babeau.

M. Bédard: Babu.

M. Blank: Babu, on trouve ce nom dans tous les dossiers et des gens qui sont victimes de soupçons en public ont le droit de se défendre. Je veux défendre le droit de nos collègues ici, parce que le public lie maintenant nos collègues à cette affaire. Je ne veux pas que des députés de cette Chambre soient accusés sans avoir le droit de se défendre. C'est pour cela qu'on a besoin d'une enquête publique. Cela est rendu plus loin qu'une enquête sur les capacités d'un juge en chef. C'est le gouvernement qui est maintenant en jeu. Je n'accuse personne, mais c'est certain que ces accusations sont fausses, mais elles sont dans l'esprit du public. Ils ont droit d'avoir une enquête publique pour faire toute la lumière là-dessus.

M. Bédard: Est-ce que le député pourrait me dire de quoi sont accusés nos collègues?

M. Blank: Ils sont accusés de participer à la pression politique en faveur de Me Chevalier.

M. Bédard: Je viens de vous dire qu'il n'y a eu aucune intervention politique.

M. Blank: Le public ne croit pas à ce qui se passe ici. Le public veut avoir une enquête publique.

M. Lalonde: Indépendante.

M. Blank: Indépendante. C'est cela que le public veut.

M. Charbonneau: Cela n'est même pas relié à l'affaire Fabien dont vous parlez depuis le début.

M. Blank: Oui, c'est aussi relié à l'affaire Fabien.

M. Lalonde: Non?

M. Charbonneau: Non.

M. Blank: On va régler beaucoup d'affaires.

M. Charbonneau: Ah! Vous voulez avoir des enquêtes publiques "at large"?

M. Blank: Non, sur cette affaire. Sur l'affaire Babeau. Babu — Babeau. Je ne me souviens pas de son nom.

M. Charbonneau: Ce n'est plus l'affaire Fabien? Vous avez changé d'affaire.

Le Président (M. Laplante): Le député de Verchères.

M. Blank: C'est Babeau qui commençait à faire... Babu qui a donné les premiers $25 000, selon le témoignage de Me Chevalier.

M. Lalonde: Oui.

M. Charbonneau: Et puis?

M. Blank: Son avocat, et encore son avocat! C'est curieux, c'est très curieux. Où il y a de la fumée, il y a peut-être du feu.

Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y a d'autres questions avant d'entreprendre l'élément 1 du programme 1?

M. Fontaine: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, j'imagine que s'il y a des gens qui seront visés d'une façon tout à fait particulière, tel que l'a exprimé le député de Saint-Louis, ces derniers ont le droit de se prévaloir de poursuites civiles. Concernant le dossier du juge Fabien...

M. Blank: La cause...

M. Bédard: ... qui regarde le ministère de la Justice, je vous ai dis très clairement qu'il n'y avait pas eu "d'attentisme" et que, dès que nous avons eu l'opinion de Me Pratte, nous avons pris une décision dans le sens de la recommandation, qu'il n'y avait pas eu de menace d'une commission d'enquête, mais que le juge avait été informé de la décision d'une commission d'enquête et je crois que cette commission d'enquête, loin d'être une menace, aurait pu être l'occasion rêvée pour M. André Fabien de se justifier de la même façon. Il ne faut pas oublier qu'à deux reprises nous avons donné l'occasion à M. Fabien de fournir les explications qu'il croyait appropriées afin d'éclaircir cette situation.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais...

M. Bédard: M. Fabien a décidé de démissionner, ce n'est pas la décision du ministre de la Justice, c'est la décision de l'ancien juge. (18 heures)

M. Lalonde: M. le Président, en terminant, je voudrais dire au ministre qu'affirmer des choses, à un moment donné, les gens ne nous croient plus. Il faut faire plus qu'affirmer.

Le Président (M. Laplante): Travaux ajournés à demain, 10 heures.

M. Bédard: Tout le dossier est très clair.

(Fin de la séance à 18 h 1)

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