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Étude des crédits du ministère de
la Justice
(Dix heures vingt et une minutes)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, messieurs!
La commission parlementaire de la justice est réunie pour étudier
les crédits budgétaires de l'année 1978/79. Les membres de
cette commission sont: M. Alfred (Papineau) remplacé par M. Lavigne
(Beauharnois); M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M.
Charbonneau (Verchères), M. Clair (Drummond), M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne) remplacé par M. Gendron
(Abitibi-Ouest); M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda),
M. Vaillancourt (Jonquière) est remplacé par M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata).
Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal)... Oui, M. le
député?
M. Lalonde: Quel est le deuxième député de
l'Opposition officielle que vous avez nommé?
Le Président (M. Laplante): M. Blank (Saint-Louis).
M. Lalonde: Voulez-vous le remplacer par M. Pagé
(Portneuf), s'il vous plaît?
Le Président (M. Laplante): M. Blank (Saint-Louis) est
remplacé par M. Pagé (Portneuf). Pas d'autres changements?
M. Lalonde: Comme membre.
Le Président (M. Laplante): Comme membre, d'accord. Les
intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M.
Duhaime (Saint-Maurice), M. Alfred (Papineau), M. Léger (Lafontaine), M.
Marois (Laporte). Est-ce que vous remplacez l'intervenant, M. Pagé?
M. Lalonde: Par M. Blank. C'est une interversion.
Le Président (M. Laplante): Merci.
M. Lalonde: Membre intervenant. C'est à cause du fameux
droit de vote qu'ils n'ont pas.
Le Président (M. Laplante): M. Pagé (Portneuf) est
remplacé par M. Blank (Saint-Louis), M. Roy (Beauce-Sud), M. Tardif
(Crémazie).
Est-ce que vous auriez un rapporteur à proposer?
M. Gendron: Je vais proposer M. Clair.
Le Président (M. Laplante): M. Clair (Drummond) est
proposé comme rapporteur. Adopté?
M. Lalonde: Adopté.
Le Président (M. Laplante): Merci. Comme il a
été entendu au début de l'étude des crédits,
le ministre m'a remis des documents à distribuer. Le premier document
est sur l'organigramme de la justice; il y a aussi un rapport annuel 1977-1978
sur les directives générales d'approbation des
établissements des détenus et un rapport du comité
consultatif sur le secteur correctionnel adulte.
M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques, s'il vous
plaît?
Remarques générales M. Marc-André
Bédard
M. Bédard: Oui, M. le Président, les remarques
préliminaires habituelles.
Au début des travaux de cette commission, j'aimerais
présentés mes principaux collaborateurs: le sous-ministre en
titre du ministère, M. René Dussault; le sous-ministre
associé aux affaires criminelles, Me François Tremblay, qui n'est
pas ici ce matin, je crois; le sous-ministre aux affaires législatives,
Me Daniel Jacoby; le sous-ministre à la détention et à la
probation, le docteur Maurice Gauthier; le sous-ministre au niveau des
registraires du Québec, Me René Langevin; le sous-ministre
associé à la direction générale de la
sécurité publique, M. Paul-A. Benoît, qui n'a pas besoin de
présentation; le directeur de la Sûreté du Québec,
M. Jacques Beaudoin; à la direction générale des greffes,
Me Pierre Dorion; à la direction des affaires civiles et pénales,
de même qu'à la direction des services juridiques, Me Harold
Hutchison; à la direction générale du personnel, M.
Clément Ménard; à la direction de l'équipement, M.
Réal Dionne; à la direction du budget et de la
vérification interne, M. Jean-Claude Dubois; à la direction des
communications, M. Jacques Cayer. Avec votre permission, je voudrais
également mentionner la présence des principaux collaborateurs du
ministère de la Justice au niveau des commissions relevant du
ministère de la Justice, entre autres la Commission des droits et
libertés de la personne et son président, M. René
Hurtubise; le président du Comité de la protection de la
jeunesse, Me Jacques Tellier, et M. Paul Pé-riard; le président
de la Commission des services juridiques, Me Yves Lafontaine; le
président de la Commission des contrôles des permis d'alcool, M.
le juge Jacques Trahan; le président de la Commission de police, M. le
juge Roger Gosselin; le sous-ministre associé, responsable de la
protection civile, Me Paul Brown.
M. le Président, nous avons, comme vous le savez, commencé
les activités de la présente année au ministère de
la Justice avec l'arrivée d'un nouveau sous-ministre, en la personne de
Me René Dussault, qui était préalablement président
de l'Office des professions du Québec.
Ce n'est pas mon intention, M. le Président, de vous expliciter
son curriculum vitae, étant donné que Me Dussault était
très bien connu. Il y avait
peut-être certaines inquiétudes qui se manifestaient
suivant lesquelles Me Dussault, étant surtout connu comme
"théoricien", on s'interrogeait sur le sens pratique qu'il y a à
faire ses preuves, comme sous-ministre à la Justice, étant
donné le caractère opérationnel du ministère.
Je peux vous dire que Me Dussault a su faire la preuve rapidement qu'il
savait allier la théorie et un sens pratique très
développé. Je peux dire qu'il m'a été très
agréable de travailler et de continuer à travailler avec Me
Dussault, comme sous-ministre, étant donné non seulement ses
capacités intellectuelles, sa compétence qui est reconnue, mais
également la qualité dont il a fait preuve rapidement de pouvoir
travailler en équipe et solidairement.
Me Dussault s'est acquis rapidement la considération et le
respect non seulement de mon humble personne, mais également de tous les
officiers responsables au niveau du ministère de la Justice.
Nous avons eu à déplorer le départ du sous-ministre
aux affaires civiles et pénales dans la personne de Me Lise Lemieux qui
y faisait preuve de beaucoup d'efficacité. Je pense que cette nomination
à un poste de responsabilité tel que celui de juge de la Cour
supérieure constitue non seulement une valorisation, mais
également la preuve que des gens compétents dans l'administration
des affaires publiques peuvent être appelés à remplir de
telles responsabilités. (10 h 30)
En guise d'entrée en matière, je voudrais vous taire
rapport sur l'ensemble des activités qui se sont déroulées
au niveau du ministère de la Justice. Au cours de l'année qui
vient de se terminer, le ministère de la Justice a été,
certes, très actif en ce qui touche la législation. Une dizaine
de lois relevant du ministre de la Justice ont été
adoptées au cours de la dernière session. Même si toutes
ces lois ne constituent pas, nous le savons, des réformes en profondeur
de certains secteurs de l'administration de la justice, elles m'apparaissent
quand même importantes en ce qu'elles contribuent à apporter les
ajustements nécessaires à la bonne marche de ces secteurs, en vue
de donner aux justiciables des services toujours appropriés à
leurs besoins. Cette vigilance constante pour pallier rapidement les lacunes
des mécanismes législatifs en place est fondamentale pour
quiconque conçoit l'administration publique dans une optique de services
au public.
Ainsi, par exemple, la réorganisation importante que nous avons
apportée par le projet de loi no 57 au Conseil de sécurité
publique et au service de police de la Communauté urbaine de
Montréal, a certainement contribué récemment au
règlement du conflit de travail, mettant en cause les policiers de cette
communauté. C'est la population de cette région qui, en
définitive, va bénéficier ultimement de ces modifications
d'ailleurs, elles ont été acceptées à
l'unanimité par l'Assemblée nationale en évitant
des inconvénients qui auraient pu résulter du prolongement du
conflit.
De la même façon, le projet de loi d'allure très
anodine, le projet de loi 77 amendant la Loi des jurés, permettra
certainement d'améliorer l'efficacité du mécanisme du
procès par jury, puisqu'il vient interdire à un employeur de
changer les conditions de travail autres que la rémunération d'un
de ses employés, pour le motif que celui-ci doit agir comme juré
dans un procès. Plusieurs autres projets ont été
présentés, entre autres; les projets de loi amendant le Code
civil, avec l'autorité parentale, amendant également le Code de
procédures civiles. Il y a eu également le projet de loi
concernant les changements de nom et les changements de sexe.
L'Assemblée nationale a également adopté, en plus
des amendements qui ont été apportés à la Charte
des droits et libertés de la personne, un amendement, entre autres, pour
faire suite à certaines recommandations de la Commission des droits de
la personne.
L'Assemblée nationale a également adopté le projet
de loi 83 visant à favoriser le civisme qui prévoit notamment
qu'une personne peut recevoir des bénéfices analogues à
ceux prévus par la Loi de l'indemnisation des victimes d'actes criminels
lorsqu'elle subit un préjudice en portant secours, si elle a des motifs
raisonnables de croire que la vie ou l'intégrité physique d'une
personne est en danger.
Le ministère a, par ailleurs, été associé de
très près à d'autres projets de loi pilotés par le
ministre responsable du comité ministériel permanent du
développement social. Je pense ici au projet de loi 24 sur la protection
de la jeunesse, qui a été sanctionné récemment, et
au projet de loi 39 sur le recours collectif, qui devrait être
adopté au cours de la présente session.
En ce qui touche précisément les projets de loi que nous
entendons adopter au cours de cette session, certains d'entre eux ont
déjà été déposés à
l'Assemblée nationale. Deux d'entre eux méritent
particulièrement notre attention. Il s'agit du projet de loi 95
favorisant la libération conditionnelle des détenus,
créant une commission québécoise des libérations
conditionnelles pour les personnes incarcérées dans un
établissement de détention québécois, et du projet
de loi 85 modifiant la Loi de la probation et des établissements de
détention en vue de permettre le travail rémunéré
des détenus à l'intérieur comme à
l'extérieur des établissements de détention
québécois de façon à favoriser leur
réinsertion sociale. Comme vous le savez, M. le Président, ces
deux projets de loi ont été adoptés hier en
deuxième lecture.
Bien sûr, j'ai aussi l'intention de présenter d'autres
projets de loi au cours de la session actuelle. Ainsi, l'un d'entre eux viendra
créer un conseil de la magistrature en vue de l'application d'un code de
déontologie touchant les juges nommés par le gouvernement
québécois. Ce projet de loi viendra aussi renforcer et
uniformiser l'organisation administrative supérieure des tribunaux du
Québec.
Un autre projet de loi viendra modifier la Loi sur la refonte des lois
dans le but de permettre la refonte des règlements et la mise à
jour périodi-
que des lois et des textes réglementaires qui sont en vigueur au
Québec. Nous en avons d'ailleurs fait le dépôt hier en
première lecture.
Concernant les textes réglementaires, j'ai aussi l'intention de
présenter un projet de loi qui sera élaboré en
collaboration avec le ministre d'État à la réforme
parlementaire. Il prévoira une certaine uniformité dans leurs
règles d'adoption et permettra un meilleur contrôle de leur
contenu tant par le public que par l'Assemblée nationale. Les
règles fondamentales de la démocratie exigent, en effet, que la
législation déléguée soit mieux connue du public et
de ses représentants au sein de l'État.
Les légistes du ministère sont actuellement à
travailler sur d'autres projets de loi qui seront éventuellement
déposés à l'Assemblée nationale. L'un d'entre eux
apporterait une réforme en profondeur de la Loi des poursuites sommaires
en introduisant, au Québec, un Code de procédure pénale.
Un autre projet visera, éventuellement, à préciser les
fonctions des principaux intervenants, principalement la protection civile du
Québec, en cas de sinistre ou de catastrophe naturelle sur le territoire
du Québec.
En ce qui concerne les études effectuées par le
ministère, je voudrais en signaler deux qui ont été
effectuées au cours de l'année qui se termine et que j'ai eu
l'occasion de rendre publiques. La première émane du groupe de
travail sur l'organisation des fonctions policières au Québec,
présidé par M. Lucien Saulnier. Le rapport Saulnier nous a
été remis au cours du mois de février 1978. La seconde
étude a été remise au mois de février 1978.
Comme vous le savez, tel que je l'ai annoncé à la
Commission de police, il y a des consultations qui, à l'heure actuelle,
sont nécessaires entre les différents ministères
concernés, soit l'aménagement, le ministère des Affaires
municipales, sans oublier, naturellement, le ministère des Finances.
La seconde étude provient du comité consultatif sur le
secteur correctionnel adulte qui a été constitué à
l'été 1977. Le président du comité, M. André
Thiffault, a lui aussi remis son rapport au cours du mois de février
dernier.
Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer au cours des conférences
de presse entourant la publication de ces études, celles-ci serviront de
documents de travail dans nos discussions et consultations avec les groupes
intéressés dans ces secteurs, en vue de définir le plan
d'action du ministère en termes législatifs et
administratifs.
D'autres études viendront au cours de la prochaine année.
Elles toucheront la Commission de contrôle des permis d'alcool, les
agences d'investigation et de sécurité et les services policiers
aux autochtones sur le territoire du Québec.
Les deux premières de ces études devraient être
complétées au début de l'été, alors que la
troisième le sera éventuellement en septembre prochain.
En terminant ce bilan rapide des lois et des études du
ministère, je voudrais insister sur un autre dossier sous notre
responsabilité, celui de la préparation du nouveau Code civil. Le
président de l'Office de révision du Code civil, le professeur
Paul-André Crépeau, m'a remis, le 21 octobre dernier, le rapport
final de l'office, dont le début des travaux remonte à 1955. Ce
rapport qui présente un projet de code de 3288 articles sera d'ailleurs
déposé à l'Assemblée nationale dès que
l'impression sera terminée chez l'Editeur officiel du Québec,
très probablement avant l'ajournement d'été de la
présente session. Dès sa réception en octobre dernier, le
Conseil exécutif a confié l'analyse du rapport qui nous avait
été présenté à Me Claude Rioux, conseiller
spécial en législation au Conseil exécutif, à qui
s'est adjoint Me Marcel Guy, professeur et ancien doyen de la faculté de
droit de l'Université de Sherbrooke. Les travaux de ces deux juristes
d'expérience nous permettront d'analyser la portée des
problèmes constitutionnels que soulève le projet de l'office,
d'étudier les orientations sociales qui devront être prises, de
planifier la coordination législative qui serait nécessaire avec
l'ensemble de la législation existante, ainsi qu'il nous permettra
d'évaluer les coûts qui découleraient de sa mise en oeuvre
et le personnel requis.
Les travaux de MM. Rioux et Guy sont donc d'une importance majeure et ne
pourront vraisemblablement être terminés avant le printemps 1979.
Très prochainement, toutefois, le gouvernement devra décider de
la procédure d'adoption du nouveau code par l'Assemblée
nationale, parmi plusieurs hypothèses qui peuvent être
envisagées. Compte tenu de l'importance de ce dossier, je vous invite
dès maintenant, vous, les membres de l'Opposition, à nous faire
part de vos suggestions à cet égard. Je tiens par ailleurs
à souligner l'intérêt que je porte à ce dossier et
à réitérer que je partage la volonté des dizaines
de juristes qui ont participé, depuis plus de 20 ans aux travaux de
l'office, à réformer en profondeur plusieurs de nos institutions
séculaires et à redonner au Code civil une actualité qu'il
était en voie de perdre.
M. le Président, concernant le bilan administratif du
ministère de la Justice, je me propose de passer en revue avec vous les
principales réalisations des diverses directions générales
du ministère ainsi que de certains organismes qui y sont
rattachés. Cette revue inclura certaines décisions importantes en
matière d'équipement qui ont des répercussions importantes
dans l'ensemble du réseau du ministère de la Justice. En
décrivant ces réalisations, je voudrais insister sur l'effort
accru de concertation qui existe entre huit directions générales
du ministère dont les activités sont très
diversifiées.
Concernant la Direction générale des affaires
législatives, le Conseil des ministres lui a confié un nouveau
rôle de soutien en matière de législation gouvernementale
et il lui a donné la responsabilité de former des légistes
compétents dans l'ensemble des ministères.
Pour assurer la réalisation de cet objectif, l'ancienne direction
de la législation a été scindée en deux directions,
l'une affectée à la législation ministérielle et
lautre à la législation gouvernementale. La première
assure maintenant l'élabora-
tion et la rédaction des projets de loi présentés
par le ministère de la Justice; la seconde servira progressivement de
soutien aux avocats et notaires des services juridiques des principaux
ministères dont certains, par ailleurs, devront également se
spécialiser en législation.
Cette nouvelle direction de la législation gouvernementale
travaillera en collaboration avec les ministères avant que les projets
de loi ne soient acheminés au comité de législation. On
peut présumer que les ministères moins bien équipés
choisiront d'utiliser les services spécialisés de cette nouvelle
direction, surtout lorsque les projets de loi en cause seront complexes ou
encore d'une haute technicité.
La mise en place de cette nouvelle structure est accompagnée d'un
programme visant l'amélioration de la qualité de la
législation pour l'ensemble du gouvernement et de ses organismes, tant
en ce qui concerne le perfectionnement des techniques législatives que
la formulation des textes. Ce programme implique également, M. le
Président, la préparation d'un manuel de rédaction des
lois et des règlements, le suivi systématique de la jurisprudence
et de la doctrine spécialisée, l'exploitation des ressources de
la linguistique juridique et la formation de légistes, tant à la
direction générale des affaires législatives du
ministère de la Justice que dans les divers ministères
concernés.
Il prévoit également l'organisation de stages pour les
légistes des différents ministères, que ce soit aux deux
directions de législation du ministère de la Justice, au bureau
de la législation déléguée ou encore au
secrétariat du Conseil exécutif.
Concernant la Direction générale du personnel, par
l'intermédiaire de notre direction générale du personnel,
le ministère a accepté de participer à une recherche sur
l'égalité des chances. Nous nous sommes associés au
ministère de la Fonction publique pour identifier et introduire
certaines mesures susceptibles de créer une meilleure
égalité des chances pour les femmes dans la fonction publique du
Québec. (10 h 45)
L'an passé, 1200 de nos employés ont participé
à une étude scientifique dirigée par deux professeurs de
l'Université Laval. De plus, le ministère de la Justice a
accepté d'entreprendre un projet pilote au niveau de l'ensemble de
l'administration comportant notamment les actions suivantes: tous nos
gestionnaires seront sensibilisés aux inégalités qui
existent dans notre société en général et qui se
répercutent dans la fonction publique. Désormais, nous ferons
l'impossible pour qu'une femme siège à tous les concours que
notre ministère organisera et où une femme sera candidate.
Pour les postes de niveau professionnel, nous allons prendre des mesures
spéciales pour attirer plus de femmes et avoir un nombre de candidates
proportionné au nombre de finissantes dans les universités. Nous
allons fournir aux employés de bureau qui désirent progresser
dans la fonction publique le soutien nécessaire au développement
de leur potentiel et de leur carrière.
Direction générale de la détention et de la
probation. Depuis ma nomination comme ministre de la Justice du Québec,
j'attache une importance primordiale au secteur de la détention. Je n'ai
d'ailleurs cessé de mettre de l'avant, en matière
correctionnelle, une approche communautaire visant à faciliter la
réinsertion sociale des contrevenants.
Dans cette perspective, la Direction générale de la
détention a réalisé, au cours de l'année 1977,
certains projets pilotes visant à favoriser le recours, pour fins de
sentence, aux travaux communautaires et à la restitution du profit d'une
infraction, pour remplacer des sentences de prison de type traditionnel.
Durant cet été 1977, un projet de participation des
détenus aux récoltes maraîchères, par exemple, fut
réalisé au camp Saint-Pierre à I'îled'Orléans. Nous avons également continué à
augmenter nos subventions à des organismes communautaires oeuvrant dans
le domaine de la réinsertion sociale, notamment à des ateliers de
réadaptation au travail et à des centres résidentiels
communautaires.
Dans ce même esprit, favorisant une meilleure intégration
des contrevenants à la société, je rappelle, comme je le
mentionnais tout à l'heure, que j'ai également
présenté à l'Assemblée nationale une loi relative
à la libération conditionnelle ainsi qu'une loi concernant le
travail rémunéré des détenus.
Non seulement est-il important de développer des alternatives
à l'emprisonnement et des mécanismes de réinsertion
sociale des personnes qui ont dû être emprisonnées, mais il
est également important de poursuivre l'élaboration d'une
politique moderne des établissements de détention
eux-mêmes.
C'est à cette fin qu'à l'été 1977, j'ai
créé un comité consultatif sur le secteur correctionnel
adulte, dont le président, M. André Thiffault, m'a remis le
rapport au cours du mois de février 1978, tel que je le mentionnais tout
à l'heure.
En ce qui concerne les principales recommandations de ce rapport,
relatif à la construction d'établissements de détention,
je suis d'accord sur la position du groupe de travail et favorise que les
décisions futures du ministère dans ce domaine s'inscrivent dans
le cadre d'une politique de régionalisation des centres de
détention et d'une politique d'utilisation multisécuritaire de
ces centres de détention.
J'avais également demandé au groupe de travail de se
pencher de façon particulière sur les cas de
Saint-Jérôme, Trois-Rivières et Sherbrooke, à cause
des problèmes urgents qui se posaient à ces endroits. À la
suite des recommandations du groupe de travail et en respectant les
orientations proposées dans leur rapport, nous avons autorisé la
construction d'une première phase d'un futur complexe régional de
détention multisécuritaire a Saint-Jérôme. Cette
première phase consiste en la construction d'un pavillon de 56 cellules
à sécurité maximale.
Nous avons également obtenu des approbations de principe pour la
construction de projets à Sherbrooke et Trois-Rivières, qui
pourront être
considérés comme des prototypes de ce que nous envisageons
en matière d'équipements pour l'ensemble des régions du
Québec.
De plus, je vous rappelle que la construction d'un établissement
de détention à Amos est presque terminée; étant
donné qu'il était déjà en chantier lorsque le
groupe de travail a été formé, on n'a pu y appliquer les
concepts qui ont été définis.
Enfin, dans le domaine de la gestion du personnel dans nos
établissements de détention, le bureau du personnel a
consacré des efforts particuliers au recrutement des agents de la paix.
Ce programme a porté ses fruits car nous avons pu, au cours de
l'année, du 25 mars 1977 au 23 mars 1978, augmenter l'effectif en place
de 131 postes dans nos établissements de détention.
À la Direction générale des affaires civiles et
pénales, le fait saillant de l'année a été
l'implantation de notre système d'avocats plaideurs pour les
contestations judiciaires où le Procureur général est
partie, que ce soit en matière civile ou en matière
pénale. Le fait d'avoir ainsi eu recours à des avocats
salariés engagés par le ministère pour nous
représenter dans ces litiges a eu pour conséquence je
crois que c'est important, M. le Président l'amélioration
de nos services, en plus de permettre la constitution d'équipes
spécialisées dans ces secteurs de la procédure
judiciaire.
Il y a lieu également de considérer les avantages
financiers de ce nouveau système.
Pour l'année 1977/78, l'économie réalisée
était de l'ordre de $1,565 million alors que, pour l'année
1978/79, les prévisions sont de l'ordre de $2,505 millions. Nous aurons
l'occasion, lorsque nous arriverons à ce programme, de vous donner de
plus amples informations comptables sur ces épargnes qui ont
été réalisées par le ministère de la
Justice, par la mise en place justement de contentieux, d'avocats permanents
engagés par le ministère plutôt que de
référer les causes aux avocats de la pratique privée,
comme cela se faisait auparavant.
Lors de l'étude de ces crédits des programmes des
contentieux civil, pénal et criminel, je serai, autrement dit, M. le
Président, en mesure de présenter un bilan financier comparatif
de l'ancien système par rapport au nouveau.
Dans le but de renforcer l'expertise juridique au ministère et
dans l'ensemble du gouvernement et, subsidiairement, afin d'appuyer notre
nouvelle équipe d'avocats plaideurs, nous avons amorcé une
importante opération de recrutement pour plusieurs hauts postes de cette
direction générale.
Il s'agit là d'une autre mesure dans le processus très
important de revalorisation du rôle de l'avocat dans l'administration
publique. Toutefois, suite au départ du sous-ministre associé
d'alors, nous avons décidé de ralentir ce processus afin que le
futur titulaire, Me René Dussault, puisse participer au choix de ses
principaux collaborateurs.
La Direction générale des affaires civiles et
pénales a aussi assuré, au cours de l'année, la
coordination des activités du groupe de travail sur les agences
d'investigation et de sécurité dont le mandat est de
réviser la Loi des agences d'investigation et de sécurité
ainsi que les règlements qui s'y rattachent.
L'objectif recherché par cette étude est de
vérifier si les textes législatifs datant de plusieurs
années correspondent toujours aux besoins de la société
actuelle.
La Direction générale de la sécurité
publique est celle qui a la responsabilité, en collaboration avec des
représentants des ministères des Affaires municipales, des
Finances et du ministre d'État à l'aménagement, de
procéder à l'évaluation de la mise en application du
rapport Saulnier.
Pour ce qui touche les services policiers, cette direction joue
également un rôle au sein du groupe de travail sur les services
policiers aux autochtones récemment constitué au
ministère. La dispensation de tels services aux Amérindiens et
aux Inuit pose actuellement certaines difficultés pratiques. Le groupe a
pour tâche d'identifier quel type d'organisation policière est le
plus susceptible de répondre aux besoins, à savoir à
l'unité autochtone de la Sûreté du Québec, ou s'il
faut recourir à des policiers locaux contrôlés par les
conseils de bande ou encore à des policiers de municipalités
environnantes.
Cette question revêt actuellement presque un caractère
d'urgence, étant donné des engagements pris par le Québec
dans la Convention de la baie James et du Nord québécois. Le
groupe comprend un représentant des Affaires municipales et quatre
représentants de notre ministère. Il a été
établi en concertation avec le secrétariat des activités
gouvernementales en milieu amérindien et inuit et il devra nous
soumettre ses recommandations d'ici septembre prochain.
À la Direction générale des affaires criminelles,
dans le secteur des affaires criminelles, une initiative concernant la violence
au hockey mérite d'être signalée. Avant même la
publication du rapport Néron et, conformément à ce que
j'avais annoncé l'automne dernier à la conférence des
procureurs généraux à Charlottetown, un cadre de
référence a été élaboré par la
direction des affaires criminelles.
Au cours de l'hiver, cinq incidents majeurs sont survenus où une
enquête policière a été effectuée. Si l'on
peut tolérer que certains contacts physiques surviennent au cours d'une
partie de hockey, il est inadmissible que soient tolérées des
bagarres générales, surtout lorsqu'elles surviennent avant que la
partie ne soit commencée. Les jeunes Québécois n'ont pas
besoin de tels exemples pour pratiquer un sport qui développe, à
la fois, des qualités physiques, intellectuelles et simplement humaines.
Ce cadre de référence qui doit guider l'action des substituts du
Procureur général évoque aussi la possibilité
d'impliquer les instructeurs.
Concernant les activités de la Sûreté du
Québec, le point marquant a été sans nul doute l'heureux
dénouement de la négociation du contrat de travail avec
l'Association des policiers provinciaux du Québec. Pour la
première fois, cette entente couvre la période d'avril 1977 au 31
décembre 1980.
Au chapitre de la sécurité routière, des campagnes
de sensibilisation et diverses opérations ont été
menées au Québec au cours de l'année
écoulée. Que l'on songe aux campagnes sur le port de la ceinture
de sécurité, aux opérations clic, ainsi qu'aux efforts de
vérification de l'état des véhicules. Qu'on se souvienne
de programmes comme Sagix qui visait à inculquer aux jeunes enfants
à l'école des notions de sécurité qui en feront
à l'âge adulte des conducteurs avisés et vigilants.
En parallèle, le gouvernement, par la loi ou règlement, a
agi afin de stimuler le réflexe de la sécurité. La
diminution de la vitesse permise sur les routes, les amendements
apportés au système de points de démérite, afin de
lui permettre d'atteindre ses objectifs dissuasifs d'abus, le tout
complété par une vigilance toujours meilleure des corps
policiers.
Toutes ces mesures, donc, ont contribué déjà, un
tant soit peu, à diminuer les effets dévastateurs et les records
d'accidents. Il fallait, d'ailleurs, s'y attaquer résolument. Que l'on
se rappelle qu'en 1977 1418 citoyens ont perdu la vie sur les routes du
Québec. Le mois de surveillance intensive des règles de
sécurité routière qui débute ne vise pas à
établir des records de distribution de contraventions, mais à
rappeler à chaque Québécois qu'il doit s'impliquer afin de
protéger sa vie et celle des autres. S'il lui en coûte $10 ou $15
pour apprendre à céder aux intersections, à porter sa
ceinture, à respecter les limites de vitesse, bref, à rester en
vie et à laisser aux autres leur vie, la leçon n'est pas
chère. Je pense que le citoyen du Québec le comprendra comme
tel.
Au niveau des équipements, nous avons participé à
une étude du ministère des Travaux publics concernant la
normalisation des équipements des postes locaux de la
Sûreté du Québec. Je voudrais souligner que c'est la
Sûreté qui assume, en grande partie au Québec, le fardeau
de l'application de la loi 51 récemment adoptée par le
gouvernement fédéral. Cette loi introduit dans le Code criminel
diverses mesures de contrôle touchant les armes à feu. Bien que
nous ayons de sérieuses réserves quant à
l'opportunité et à l'efficacité de cette nouvelle loi
fédérale, je me dois, comme Procureur général, de
voir à la mise en exécution et en application au Québec.
Cela nécessite une participation essentielle de la Sûreté
du Québec, dont plusieurs agents devront agir comme
préposés aux armes à feu et à voir à
l'émission d'autorisation de permis et d'enregistrement divers pour ces
armes à feu.
M. le Président, j'aimerais attirer l'attention des membres de
cette commission pour une décision que je considère
particulièrement importante sur le plan de l'accessibilité
à la justice. Jusqu'à récemment, l'exécution des
jugements rendus dans les cours d'accès à la justice, mieux
connues sous le nom de Cour des petites créances, ne pouvait être
effectuée qu'aux 32 greffes réguliers de la Cour provinciale.
Nous avons pu, au cours de l'année qui vient de s'écouler, rendre
possible l'exécution de ces jugements, non plus seulement a ces greffes
réguliers, mais bien dans 84 greffes propres aux cours d'accès
à la justice. Je vous rappelle, par ailleurs, que la juridiction de ces
cours est, depuis le 1er avril dernier, de $500, conformément au projet
de loi no 32. sanctionné le 17 novembre dernier.
Au niveau des équipements du réseau
québécois des greffes, nous avons soumis au ministère des
Travaux publics notre programme de besoins concernant les palais de justice de
Sherbrooke, Roberval et Shawinigan. Quant à Granby et Alma, nous avons
approuvé le principe de l'intégration des palais de justice de
ces endroits à des centres administratifs gouvernementaux. (11
heures)
J'ai également souligné aux fonctionnaires de cette
direction générale l'importance d'être en mesure d'offrir
des services d'accueil au public facilitant ainsi le contact entre le
justifiable et le domaine de la justice. Il faut, en effet, se souvenir que les
greffes et les palais de justice n'existent pas seulement pour les
fonctionnaires, les juges et les avocats, mais qu'ils existent également
et surtout pour le public.
À la direction des communications, un effort particulier a
été effectué cette année pour faire connaître
au public, par-delà le rôle répressif de la
criminalité que nous avons de toute façon assumé,
l'ensemble des services offerts, par ailleurs, par le ministère,
à savoir, registre de l'État civil, bureaux d'enregistrement dont
plusieurs ont une portée sociale, la Cour des petites créances,
la protection de la jeunesse et l'aide juridique. C'est aussi dans cette
optique de faire connaître davantage toute la gamme de nos
activités que j'envisage cette année de publier et de
déposer à l'Assemblée nationale le premier rapport
d'activité après neuf années de silence à cet
égard du ministère de la Justice. Ce rapport devrait être
déposé à l'Assemblée au cours de l'automne. Aussi
curieux que cela puisse paraître, M. le Président, je pense qu'il
n'y avait pas eu de rapport du ministère de la Justice
déposé à l'Assemblée nationale depuis neuf ans
environ.
M. Lalonde: Tout était transparent, on n'avait donc pas
besoin de rapport.
M. Bédard: Nous corrigerons cette lacune.
Commission de contrôle des permis d'alcool du Québec. Au
terme de ce bilan administratif de l'activité des différentes
directions du ministère, j'aimerais ajouter quelques commentaires sur
certains organismes rattachés au ministère de la Justice. En ce
qui touche la Commission de contrôle des permis du Québec, j'ai
formé, au cours de l'été, un groupe de travail dont le
mandat consiste à réviser la loi qu'administre cet organisme afin
de s'assurer qu'elle est bien adaptée à l'évolution connue
au cours des dernières années et de vérifier que ses
dispositions permettent d'atteindre des objectifs visés avec le maximum
d'efficacité. Cette révision est faite en regard des objectifs
qui ont été dégagés et des recommandations
formulées par la commission Thinel. Même si ce groupe de travail
ne m'a pas encore remis son rapport, à
la suite des commentaires que me font les députés de tous
les partis ou qui sont acheminés à mon bureau par des personnes
qui ont des contacts avec la commission, je peux quand même affirmer que
la réforme doit nécessairement, au niveau de la Commission de
contrôle des permis d'alcool, impliquer une réduction des
délais pour l'obtention des permis et une simplification des
contrôles effectués. La situation actuelle, qui est inacceptable,
tient à la fois à la loi et aux règlements actuellement en
vigueur et également au partage des responsabilités
administratives.
Dans le secteur de la Commission des services juridiques, je tiens
à indiquer aux membres de cette commission qu'un changement a
été apporté en ce qui touche les barèmes
d'admissibilité à la Loi de l'aide juridique. Ceux-ci, en effet,
ont été réévalués afin de tenir compte de
l'évolution des revenus au cours des dernières années.
Ainsi, par exemple, le taux d'admissibilité d'une personne seule est
passé de $115 à $135. Les taux des autres personnes ont subi une
augmentation proportionnelle. Ces nouveaux barèmes font que plus de 1
600 000 personnes bénéficient des services d'aide juridique.
Durant l'année, nous avons conclu avec le Barreau du Québec une
entente modifiant le tarif des honoraires en matière de droits
matrimoniaux. Quant à l'accord général de financement avec
le gouvernement du Canada en ce qui touche l'aide juridique concernant le
secteur correctionnel, il est actuellement échu et il fait l'objet d'une
négociation intense avec le ministère fédéral de la
Justice.
M. le Président, à la suite de l'adoption du projet de loi
24 sur la protection de la jeunesse, nous avons procédé à
une révision du plan d'organisation du comité de la protection de
la jeunesse qui est chargé d'assurer le respect des droits de l'enfant
et d'exercer un rôle de surveillance générale de
l'application de la loi. Ce plan d'organisation, qui fait présentement
l'objet d'un examen de la part du Conseil du trésor, prévoit une
augmentation substantielle des effectifs et du budget de cet organisme.
M. le Président, comme je l'ai indiqué lors des
journées d'étude organisées par la Commission de police du
Québec, il nous apparaît important que cet organisme continue
à agir comme entité quasi judiciaire à l'égard de
cas que la loi place actuellement sous sa juridiction.
Toutefois, l'application de certaines recommandations du rapport
Saulnier affectant le mandat de la Commission de police du Québec devra
faire l'objet d'ajustement à la loi actuelle de la Commission de police
du Québec, afin de mieux définir ses rôles et ses
pouvoirs.
Je souligne également, dans la nouvelle réglementation
adoptée par la Commission de police du Québec et approuvée
par le gouvernement, le règlement no 6 relatif aux formules qui doivent
être utilisées par la Sûreté et les corps de police
municipaux en matière de rapports d'accidents d'automobile; le
règlement no 13, concernant les archives que doivent tenir la
Sûreté du Québec et les corps de police municipaux, relatif
au personnel policier et, enfin, le règlement no 14 relatif à
l'identification des véhicules des corps de police municipaux qui
établit des normes provinciales sur cette question.
À l'examen du livre des crédits pour 1978/79, qui fut
déposé par le ministre des Finances à l'Assemblée
nationale le 21 mars dernier, vous constaterez que les crédits du
ministère de la Justice s'établissent à $355 800 000 pour
1978/79. Ce budget représente une augmentation de $25 400 000 par
rapport au budget modifié de $330 433 500 pour l'année
financière 1977/78, c'est-à-dire une augmentation de 7,8%. 79% de
ces crédits sont consacrés à la gestion des quatre
programmes du ministère de la Justice, soit la Sûreté du
Québec: $140 800 000; le fonctionnement du système judiciaire:
$55 800 000; les institutions pénales: $49 900 000, et l'aide juridique:
$33 200 000.
Je porte à votre attention que les crédits prévus
pour le paiement des traitements des employés et l'application des
conventions collectives s'établissent à $260 722 700, soit 73% du
total des crédits du ministère.
Des crédits de $5 140 000 sont consacrés à
l'expansion de services et à la réalisation de nouveaux projets.
Les principaux projets sont: le financement de la révision du tarif des
jurés et témoins adoptée à l'automne 1977 dont
l'augmentation des coûts est de l'ordre de $1 425 000; une augmentation
d'effectif des établissements de détention, dont le coût
pour l'année 1978/79 est évalué à $1 800 000; des
crédits de $525 000 ont été consentis au budget de la
direction générale des greffes pour l'achat de livres de
bibliothèque et l'enregistrement mécanique au bureau de Hull.
De plus, au cours de l'année 1978/79, nous voulons
développer notre programme d'information et de publicité afin que
la population puisse recevoir une information adéquate dans les secteurs
d'activité du ministère de la Justice. À titre d'exemple,
je peux vous citer le projet de loi no 24, la Loi sur la protection de la
jeunesse.
Le total de l'effectif du ministère s'établit à 13
894 hommes-année pour l'année 1978/79. Les effectifs des trois
programmes ci-après énumérés représentent
83% de l'effectif total. Ces programmes sont: la Sûreté du
Québec, 5507; le fonctionnement du système judiciaire, 2949, et
la garde des prévenus et des détenus, 2366
hommes-année.
Durant l'année 1977/78, nous avons procédé au
réaménagement des effectifs additionnels et il y a eu des
transferts de postes de certains autres ministères afin de
refléter des transferts de responsabilités. Ces
opérations, jointes aux postes additionnels accordés pour
l'exercice 1978/79, nous ont permis de porter les effectifs permanents de la
Direction générale des affaires législatives de 23
à 60, de la Direction générale des établissements
de détention de 2286 à 2339, de la Direction
générale de la sécurité publique de 116 à
137 et, au niveau de la Sûreté du Québec, 5356 postes
à 5446 postes.
Il nous a été possible de limiter le taux de croissance du
budget du ministère à 7,8% par une limitation de la croissance
des dépenses; un réa-
ménagement des ressources, une utilisation maximale des
ressources humaines et la réduction du coût de certaines
activités nous ont permis d'en arriver à limiter le taux de
croissance du budget du ministère à 7,8%
Ces résultats, j'en suis conscient, M. le Président, ont
pu être atteints grâce aux efforts qui ont été
déployés par les responsables et à leur souci de
gérer à l'intérieur des budgets qui leur ont
été accordés. Sans cette collaboration des fonctionnaires,
les divers niveaux de gestion et leur volonté de gérer
efficacement, il n'aurait pas été possible de limiter la
croissance des effectifs réguliers et de consacrer des crédits
additionnels de $5 140 000 à de nouveaux programmes, de nouveaux
projets. Nous allons poursuivre, M. le Président, nos études des
activités de certains secteurs du ministère de la Justice, plus
particulièrement dans le domaine des institutions pénales, en
tenant compte de l'orientation globale qui nous a été soumise par
le comité consultatif sur le secteur correctionnel adulte. Par la
poursuite de ces objectifs du secteur des institutions pénales, à
savoir dépénaliser partout où on peut le faire, utiliser
le droit pénal avec modération par un processus de
déjudiciarisation, en nous servant de l'emprisonnement comme solution
ultime, il nous sera possible de stabiliser nos coûts au titre des
institutions pénaies et d'augmenter les crédits pour le
développement des ressources communautaires. Lors de l'étude des
crédits des programmes 4, concernant la garde des prévenus et des
détenus et 5, la réinsertion sociale des délinquants,
j'aurai l'occasion de vous préciser ma politique et les actions que
j'entends prendre dans ce secteur.
M. le Président, j'ai voulu, par cet exposé, souligner aux
membres de cette commission l'objet de nos préoccupations au cours de
l'année 1978 et les objectifs que j'entends poursuivre dans le secteur
des institutions judiciaires, des institutions pénales et de la
sécurité publique. Le bilan que je viens de vous dresser n'est
toutefois pas complet, il me sera possible de vous en préciser les
aspects particuliers au cours de l'étude de ces crédits programme
par programme.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, je veux remercier le ministre
de son exposé d'ouverture. Avant de passer à quelques
commentaires, je voudrais saluer, au nom de l'Opposition officielle, tous ces
fonctionnaires qui ont été invités par le ministre
à assister à nos délibérations. Si on n'en jugeait
que par leur nombre et leurs impressionnantes fonctions, et en voyant ici deux
pauvres petits députés de l'Opposition, de ce
côté-ci de la table, on pourrait penser à une tentative
d'intimidation de la part du ministre.
M. Bédard: J'ai vécu cette expérience.
M. Lalonde: Mais il n'en est rien, M. le Prési- dent,
parce que, comme on le sait, c'est toujours le ministre qui fait les erreurs et
ce sont les fonctionnaires qui font toujours les bons coups. Alors, je ne vois
pas là rien de tel. M. le Président, dans les personnes que j'ai
connues. Il y en a plusieurs dont je crois avoir l'amitié, et c'est
mutuel. Je veux toutefois les saluer et plus particulièrement le nouveau
sous-ministre, que j'ai eu d'ailleurs l'occasion de saluer lors d'autres
séances, je crois, de cette commission, et au moment de sa nomination en
particulier. Je lui souhaite tout le succès possible dans ses nouvelles
fonctions.
En fait, actuellement, c'est une première, parce que c'est la
première fois qu'on examine les crédits de la Justice alors que
le ministre ou ce gouvernement a une année complète, un exercice
financier complet. Je ne sais pas si c'est pour cette raison que le rapport
d'ouverture du ministre a été si volumineux, quant à moi,
je me réfère à certaines habitudes d'autres ministres. Je
terminais, par exemple, hier, l'étude des crédits du
ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières. Nous avions reçu de Mme le ministre plusieurs
documents qui ramassaient un certain nombre de renseignements qui ne sont pas
contenus dans les documents officiels du ministère des Finances. Je
comprends que les propos d'ouverture du ministre contiennent beaucoup de ces
renseignements. C'est assez difficile de suivre ou de prendre des notes. J'ai
à peu près un bouquin de notes que j'ai prises à mesure
que le ministre récitait son rapport. J'aurais une suggestion tout
à fait positive à faire pour aider et alléger les travaux
de ces commissions à l'avenir, soit de nous distribuer quelques jours
à l'avance un certain nombre de renseignements qui ne sont plus
confidentiels étant donné qu'ils sont
révélés ici. C'est la raison d'être d'ailleurs de
cette commission. Cela pourrait nous aider à mettre de côté
des choses qui nous apparaissent importantes et qui, après en avoir
connu la réponse, deviendraient simplement marginales. Alors, on
pourrait gagner du temps. (11 h 15)
M. Bédard: Quoique le rapport qu'on a déposé
ce matin concernant le secteur correctionnel, je venais juste de le
recevoir.
M. Lalonde: Oui, il y a les rapports annuels.
M. Bédard: Le rapport annuel concernant le rapport
Thiffault.
M. Lalonde: Je l'ai eu ce matin et je n'avais pas eu le temps de
le lire encore.
M. Bédard: Concernant le rapport Thiffault, je crois que
cela a déjà été porté à l'attention
de la presse et des membres de l'Opposition.
M. Lalonde: Oui. M. le Président, le ministre a fait un
bilan en commençant par la législation; en effet, nous avons eu
une dizaine de lois, dit-il, dont limportance est toujours grande, mais dont la
portée est souvent limitée. Je pense qu'il s'agit là d'un
bon processus de révision de nos lois, même s'il
ne s'agit que d'amendements, souvent, de réaménagements de
lois existantes.
Loin de nous l'intention de minimiser l'importance de ces lois.
D'ailleurs, l'accueil que l'Opposition officielle a toujours fait aux lois que
le ministre de la Justice a proposées à l'Assemblée
nationale, depuis qu'il occupe ce poste, témoigne, je pense, du
caractère sérieux que nous apportons à cette étude.
Il faut aussi saluer l'ouverture d'esprit du ministre à l'occasion de
cette étude.
Je ne sais pas si on peut se surprendre que l'Opposition,
éventuellement ou de temps à autre, exprime des
félicitations à un ministre, ayant vécu...
M. Bédard: Cela m'arrive.
M. Lalonde: ... d'autres débats devant d'autres ministres,
je peux saluer l'ouverture d'esprit du ministre de la Justice dans
l'étude de ses lois.
Il reste toutefois que deux lois majeures ont été
parrainées par un ministre autre que le ministre de la Justice; je parle
des lois 24 et 39. Lors de l'étude de la loi 24, d'autres occupations
m'ont empêché de participer aux débats; lors de
l'étude de la loi 39, je me suis trouvé devant un autre ministre
extrêmement ouvert d'esprit, le ministre d'État au
développement social. Si je déplore que ce ne soit pas le
ministre de la Justice, ça ne doit pas être
interprété comme un blâme pour l'autre ministre. Sauf qu'il
m'apparaît que cette superstructure de superministre a enlevé au
ministre de la Justice, je pense, une importance, que je croyais et que je
crois encore fondamentale, étant donné le caractère tout
à fait sacré que j'accorde à la fonction de ministre de la
Justice et à la justice en particulier, naturellement.
Ces deux lois, la protection de la jeunesse et le recours collectif,
sont des lois de portée très générale, de
portée extrêmement importante pour le fonctionnement d'une
société. Si l'amendement à la Charte des droits et
libertés de la personne sur l'orientation sexuelle était aussi
extrêmement important, avait surtout une signification importante, je
pense que ces deux lois, 24 et 39, affectent beaucoup plus le fonctionnement
d'une société.
J'aurais, quant à moi, espéré voir le ministre de
la Justice, à toutes les étapes de l'étude d'un tel projet
de loi, plus particulièrement le recours collectif. Le ministre a fait
état, à quelques reprises, dans sa déclaration, de la
participation, non seulement de la collaboration, mais rapport, sûrement
très sérieux du ministère de la Justice et du ministre de
la Justice, au niveau administratif, au niveau du gouvernement.
Mais lorsqu'une loi est déposée en Chambre, c'est
l'Assemblée nationale, c'est la population qui en prend possession.
L'absence du ministre de la Justice, je l'ai déplorée. Je ne sais
pas dans quelle mesure il serait possible que ces réformes importantes
dans le domaine de la justice soient laissées, à toutes les
étapes de l'étude, au ministre de la Justice. Même si je
reconnais qu'avec la superstructure que nous avons actuellement, le supermi-
nistre, même si le ministre au développement culturel ou au
développement social ou économique pourrait avoir la
responsabilité première de l'initiative des études, de
tout le fonctionnement, de toute la préparation de la loi, ces
réformes devraient être laissées à celui que tout le
monde identifie comme étant le protecteur de tous les justiciables. On
devrait lui laisser le soin de piloter, de voir à faire traverser toutes
les étapes à ce projet de loi.
J'attaque la modestie du ministre tout à fait naturelle et tout
à fait évidente, mais il pourra simplement envoyer une copie, une
transcription de mon intervention à son collègue pour obtenir
gain de cause.
M. Bédard: Une très grande harmonie, je peux vous
le dire, règne entre le ministre d'État au développement
social et le ministre de la Justice. Il y a une collaboration constante.
M. Lalonde: C'est ce que je déplore. Le ministre de la
Justice devrait mettre son pied à terre à un moment donné
et dire; C'est à moi ces projets, je devrais les piloter. Une trop
grande harmonie, vous savez...
M. Bédard: L'important c'est... M. Lalonde: La
rose.
M. Bédard: L'important, ce n'est pas d'essayer d'avoir le
plus de projets de lois à son actif, c'est surtout d'essayer d'avoir le
plus d'efficacité possible.
Je suis conscient des remarques du député de l'Opposition.
Je vous expliquerai jusqu'à quel point je suis d'accord avec lui.
M. Lalonde: Je ne sais pas si le ministre préfère
qu'on dialogue, mais j'aurais préféré continuer...
Le Président (M. Laplante): Quant à moi, je
préférerais que le député de Marguerite-Bourgeoys
fasse son exposé, puis que le ministre de la Justice réponde.
M. Lalonde: D'autres législations nous sont
annoncées: en particulier, le conseil de la magistrature, l'organisation
administrative supérieure je crois que j'ai compris, dans ce
sens-là, des tribunaux la refonte des lois, c'est
déposé en première lecture.
Je vais m'attarder quelques minutes seulement sur la question des
tribunaux judiciaires. On a vu une promesse du 19 mai 1977 du ministre de la
Justice, qui, pourtant, est très prudent. À la page B-2872 du
journal des Débats, je cite: "De plus, je déposerai cet automne
un projet de loi sur la réorganisation des tribunaux judiciaires et
qua-sijudiciaires". Il avait sûrement trouvé, comme dans un grand
nombre d'autres dossiers, un projet relativement avancé lors de son
arrivée au ministère de la Justice, en ce qui concerne la
réorganisation des tribunaux judiciaires.
Donc, nous avions compris, avec beaucoup de plaisir et d'enthousiasme,
que nous serions appelés à étudier ce projet de loi,
l'automne dernier. On nous le promet encore en ce 19 avril, onze mois
exactement plus tard. Je ne veux pas chercher noise au ministre, parce que je
vis cette situation depuis le commencement de l'étude des crédits
de 1978. Nous avions exactement le même spectacle à l'occasion de
l'étude des crédits du ministère des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières. Nous avons
rappelé au ministre des Consommateurs, Coopératives et
Institutions financières, toutes ses promesses de 1977, qu'elle nous a
refaites, en partie, en 1978, mais avec une pointe de plus de sérieux et
de plus réalisme.
Je mets cela sur le compte de l'inexpérience, de la
volonté de bien faire de l'an dernier et je me permets de donner une
seconde chance au ministre, M. le Président. Je suis très
généreux.
M. Bédard: Je n'en attendais pas moins de vous.
M. Lalonde: Parce que je pense que sa promesse actuellement, son
engagement, est plus sérieux, et est fondé sur une connaissance
beaucoup plus grande de la situation et de ses dossiers. C'est tout à
fait normal qu'un an auparavant il ait eu une connaissance moins profonde des
situations.
Je me permets ici de vous ouvrir une parenthèse et de souhaiter
que la réorganisation des tribunaux judiciaires et quasi judiciaires
je ne sais pas si c'est à cette occasion ou à l'occasion
de la Loi concernant le Conseil de la Législature donne au
gouvernement les moyens nécessaires pour régler des
problèmes comme celui que nous avons vu dans ce qu'on appelle maintenant
l'affaire Fabien.
Ne voulant pas du tout me faire le porte-parole de toutes sortes de
livres, de bouquins ou d'autres choses que je n'ai pas lus et dont je ne peux
pas rendre témoignage, il y a deux choses que je reproche au ministre
dans cette affaire qui a duré et perduré. Elle était
extrêmement délicate, et nous ne pouvions par l'étaler en
public par des questions répétées en Chambre. Nous avons
tenté de faire preuve du plus grand sens possible des
responsabilités en espaçant nos questions, tout en comprenant
qu'il s'agissait d'une matière d'intérêt public et que nous
devions être informés.
On nous dira peut-être que les lois et les règlements
applicables ne permettaient pas de régler ce genre de problème
rapidement et d'une façon correcte, en faisant appel à une
certaine jurisprudence ou à certains mécanismes
déjà existants.
La deuxième critique est beaucoup plus grave, M. le
Président. C'est la perception que plusieurs ont eue dans la population
et que j'ai eue, qu'on a brandi la menace d'une enquête publique pour
obtenir la démission du juge Fabien. Cela m'apparaît
extrêmement grave.
On a, lors d'une conférence de presse si ma mémoire
est fidèle, même le premier ministre a participé à
cette manoeuvre laissé entendre qu'on songeait à faire
enquête publique. Quelques jours après, la démission du
juge Fabien était chose faite.
Je ne veux pas me faire le défenseur du juge Fabien ou de
n'importe quel autre juge. Je ne connais pas tout ce que le ministre
connaît, à la suite de l'enquête policière qui a
été faite, mais il m'apparaît absolument odieux de brandir
la menace d'une enquête publique contre quiconque détient une
charge publique. Le fait que lenquête n'ait pas eu lieu après ne
fait que confirmer le caractère extrêmement sérieux de
l'injustice qui a été faite à l'égard d'un bonhomme
qui avait le droit d'avoir justice comme tout le monde.
Il m'apparaît inacceptable de menacer de faire une enquête
publique sur une personne. On peut dire: On songe à faire une
enquête publique sur l'état des routes. On va voir. Mais menacer
de faire une enquête publique sur une personne et ne pas la faire
après, en lui enlevant la chance de se blanchir, m'apparaît une
manoeuvre extrêmement malheureuse. C'est la première fois que j'ai
l'occasion de la dénoncer. Je pense que cette façon d'agir de la
part d'un ministre de la Justice est tout à fait inacceptable quand on
désire que l'intégrité de sa fonction
protégée contre tout soupçon.
On a parlé de la Loi de la protection civile. Nous aurons des
questions à poser naturellement, lorsque nous arriverons à ces
éléments de programme. Pour les études, on étudie
encore la question des permis de la commission de contrôle. À la
même date, le 19 mai 1977, on nous avait promis d'examiner la même
question. Il y a onze mois, on disait: "Enfin, j'ai l'intention de
procéder à l'examen de la loi et des règlements et
procédures administratives de la Commission de contrôle des permis
d'alcool."
Où en sommes-nous? On en est encore à l'étude. Je
sais que la situation actuelle ne satisfait personne, ni les administrateurs de
cette loi, ni les administrés, et il est urgent que nous avancions.
J'invite le ministre à faire preuve de plus de rapidité dans ce
cas. (15 h 30)
Quant au Code civil, je remercie le ministre d'avoir annoncé le
dépôt du rapport à l'automne. Je suis d'accord avec lui que
la procédure d'étude et d'adoption de ce projet de loi doit
être établie avec beaucoup de soin. J'offre la collaboration de
l'Opposition à cet effet. Ce n'est pas ici que nous allons
étudier ou enfin déterminer, de façon formelle, cette
procédure d'adoption, mais il n'y a aucun doute que, soit par nos
leaders parlementaires qui ont des structures de communication et des
traditions de communication entre les partis, soit directement entre le
ministre et les critiques de l'Opposition, l'étude d'un projet de 3288
articles doit être bien préparée, que la procédure
doit être établie d'avance. Là-dessus, le ministre trouvera
notre collaboration entière.
J'ai attrapé une phrase que le ministre a dite relativement aux
programmes d'égalité des chances. On sait que ces programmes
d'égalité des
chances dans la fonction publique font suite à une étude
du Conseil du statut de la femme en 1974 et 1975, qui avait été
suivie par la nomination d'une femme à la Commission de la fonction
publique, qui avait aussi été suivie par certaines
démarches ponctuelles, mais pas de façon générale.
Quand le ministre a dit quelque chose comme ceci j'ai pris une note, ce
n'est peut-être pas verbatim qu'une femme siège dans tous
nos concours où une femme est candidate, il m'apparaît qu'on
retombe encore... Le ministre a dit: "Une femme siège dans tous nos
concours où une femme est candidate".
M. Bédard: ... pour tant d'autres aussi; je ne vois
pas...
M. Lalonde: J'espère!
M. Bédard: Au moins cela. C'est un minimum.
M. Lalonde: J'espère qu'on ne les traite pas comme... Il
me semble que ce n'est pas l'approche qu'on devrait avoir. On devrait avoir
comme intention de donner une chance de plus à une femme d'égale
valeur qu'à un autre concurrent; on ne doit pas réduire la
participation des femmes aux concours aux cas où il y a des femmes qui
sont candidates. Je vois que le ministre comprend ce que je veux dire.
M. Bédard: Ce n'est pas notre intention, d'ailleurs.
M. Lalonde: Bon. Quant à la sécurité
publique, le ministre a souligné l'urgence de régler le
problème des services policiers aux Amérindiens et aux Inuit.
Quant à moi, je l'invite à porter beaucoup d'attention à
ce dossier. Le ministre a indiqué que c'est la formule d'invitation qui
est recherchée. Je suis sûr, connaissant le ministre et ses
conseillers, qu'il songera à impliquer le milieu d'abord, et non pas
à imposer d'en haut une institution de notre civilisation à nous,
mais qui ne serait pas du tout conforme au genre de vie, à
l'échelle de valeurs, au système de valeurs de ces
populations.
Quant aux affaires criminelles, la violence au hockey me rappelait
certaines expériences que j'avais eues en 1976. Je suis parfaitement
d'accord avec l'attitude du ministre là-dessus. La violence au hockey
est un phénomène qu'on ne doit pas confondre avec le jeu viril.
Je lisais récemment c'est malheureusement chez les jeunes, dans
les équipes juniors cette aberrante situation où il y
avait eu une bagarre générale avant même le commencement de
la partie.
Je pense que le ministre, en allant chercher un peu plus du
côté des instructeurs et des autorités de la ligue,
trouvera qu'il y a peut-être une espèce de complicité de ce
côté-là. Que l'on ne se gêne pas pour aller examiner
les structures du hockey professionnel qui, peut-être, encourage cette
situation. Il reste qu'en 1973, alors que je devenais député de
Marguerite-Bourgeoys, j'ai exa- miné avec le représentant des
loisirs de ville La-salle, M. André Larose, la situation de la violence
au hockey dans cette ville. Le phénomène était
général. Aussitôt que le jeune homme atteignait l'âge
de quinze ans, les parents le retiraient du hockey ou de toutes les structures
de hockey organisées parce que, justement, il fallait qu'il
décide à l'avance, soit de se faire casser le cou ou de devenir
bagarreur. C'est un phénomène qu'il faut sûrement
contrôler. Si on doit recourir j'espère que ce sera
seulement exceptionnellement - à l'application du Code criminel, qu'on
ne se gêne pas pour le faire.
M. le Président, je pense qu'on doit féliciter les
autorités de la Sûreté du Québec pour le
succès de leurs négociations relativement au contrat de travail
qui a été conclu. Nous, de l'Opposition officielle, encourageons
les applications des mesures de sécurité routière, surtout
du port de la ceinture. C'est une loi qui a été adoptée en
1975, je crois, unaniment si je me le rappelle bien ou presque;
du moins, avec le concours de l'Opposition officielle du temps, ce qui est
presque l'unanimité. C'est une mesure qui est de nature à
réduire non seulement le nombre des accidents, mais le nombre des
accidents graves. Cette mesure va sûrement aider le ministre des
Consommateurs, Coopératives et Institutions financières à
rendre un petit peu moins lourd le fardeau financier de ses mesures d'assurance
automobile.
Dans le domaine de la criminalité, j'aurais aimé que le
ministre nous fasse part de ses vues je vais le lui demander, soit
maintenant, soit à l'occasion de l'examen des éléments de
programmes de ses intentions relativement à la criminalité
juvénile. On sait que c'est la situation la plus tragique de la
criminalité; environ 80% des crimes sont commis par des jeunes et
près de 85% des crimes, qui sont un deuxième crime, sont commis
par des gens qui ont commencé à commettre leur premier crime
à l'âge de 16, 17 ou 18 ans. Il y a malheureusement dans notre
province une situation d'absence de structures. Il ne s'agit pas de juger
globalement et de façon non considérée tous les
gouvernements qui se sont succédé ici; on est allé au plus
pressé. Mais je crois que nous devons inviter le ministre de la Justice
à apporter une attention tout à fait particulière à
cette question. Penser, par exemple, à l'utilisation polyvalente des
structures archaïques qui existent et qui pourraient être
utilisées en partie ou en totalité dans certains cas
unité totale dans d'autres secteurs: la santé, par exemple. Ces
structures pourraient être utilisées justement pour le
règlement de cette question: Comment traite-ton les criminels
juvéniles et dans quelle mesure a-t-on l'infrastructure
nécessaire pour le règlement de cette question?
M. le Président, ce sont les quelques remarques d'ouverture que
je voulais faire. Quant à moi, il y a trois principaux problèmes
actuellement: la criminalité juvénile je la mettrais en
tête de liste la réorganisation des tribunaux judiciaires
et je n'en ai pas parlé, j'aurais aimé que le ministre en
eut parlé lorsqu'il a abordé la question
policière, soit par le biais de la Sûreté du
Québec, ou de la Direction générale de la
sécurité publique, ou de la Commission de police, et qu'il nous
dise quelle est la situation actuelle de nos corps policiers. Dans certaines
régions, il y a de petites municipalités qui ont
littéralement éliminé leur corps policier. Nous recevons
des témoignages d'appréhension ce mot est faible de
certaines parties de la population.
Si on tolère cette situation, n'est-on pas en train de s'en aller
tranquillement vers un corps de police unique? Est-il vrai, ce rapport qu'on a
lu dans les journaux, récemment, qui veut qu'un des représentants
du ministre ait dit que le ministre ne tolérerait pas cet état de
choses? De quelle façon le ministre veut-il ne pas tolérer cela
ou, enfin, quelle est l'intervention qu'il propose de faire?
Je pense que le ministre ne peut être tenu responsable de cette
situation, dans le sens qu'il s'agit plutôt d'une question de
fiscalité municipale où des municipalités se sont vues
dans l'obligation de prendre des dispositions draconiennes. On sait que le
service policier occupe, pour une petite municipalité, entre 25% et 30%
du budget. On sait que, d'autre part, la Sûreté du Québec
et le gouvernement du Québec ne peuvent quand même pas laisser
aller la sécurité publique comme cela à la rivière.
Or, on court le risque d'éliminer simplement le corps policier, de
mettre fin à l'engagement des policiers et cela va à l'encontre
de la politique du gouvernement qui, d'après les lois, oblige les
municipalités d'une certaine taille à avoir leur propre corps
policier.
Je pense que, là-dessus, nous allons poser des questions au
ministre et j'espère que nous aurons des réponses qui pourront
nous satisfaire.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le
député.
M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, M. le Président. À mon tour, je
voudrais saluer bien bas cette brochette de valeureux et fidèles
serviteurs de l'État qui accompagnent le ministre. À les voir, on
pourrait peut-être dire que c'est facile d'être ministre de la
Justice, mais je pense qu'il n'en est rien, parce que le ministre a eu, au
cours de l'an passé, à régler différents conflits,
et je pense qu'on doit également le féliciter aussi parce qu'il
s'en est tiré avec brio dans la plupart des cas.
Le ministre, dans son exposé, nous fait part des
réalisations passées et il nous donne aussi ses orientations pour
l'avenir; j'aurais, pour ma part, certaines remarques à faire
là-dessus quant aux orientations pour l'avenir.
Il nous parle, comme premier point, des affaires législatives. Le
ministre nous annonce de bonnes nouvelles. Il s'agit de réformes qui
s'imposent et nous sommes particulièrement intéressés
à la loi sur les textes réglementaires. Il serait peut-être
possible, aujourd'hui ou lors de l'étude des cré- dits, article
par article, de savoir quelles sont les différentes hypothèses
à l'étude relativement au rôle des députés
dans ce domaine. Il y a déjà eu aussi la possibilité qui a
été invoquée par le ministre d'État à la
réforme parlementaire de convoquer une commission parlementaire sur ce
sujet.
Peut-être le ministre pourrait-il répondre à ces
questions.
Quant à l'autre question qu'il a abordée sur la
révision du Code civil, vous pouvez être assuré, M. le
Président, que nous, de l'Union Nationale, offrirons toute notre
collaboration à l'étude de ce très important projet de
loi, d'autant plus que le ministre nous avait demandé de lui faire des
suggestions dans ce domaine.
Il est bien évident qu'on ne peut régler aujourd'hui cette
question, mais je voudrais immédiatement faire la simple suggestion
suivante que le ministre provoque peut-être une rencontre privée
des différents représentants des partis, des responsables de
cette étude ainsi que du sous-ministre et des personnes
concernées pour en arriver ensemble à une entente relative
à l'étude de ce projet de loi.
De toute façon, notre collaboration lui est acquise à ce
sujet. (11 h 45) 1977 a été une année importante pour le
ministre et pour le ministère. Cela aura permis au ministre de la
Justice de faire sa marque, de faire son lit, comme on dit, et ce lit, il l'a
voulu marqué largement sous le signe de la réforme. On nous
annonce des réformes en ce qui concerne différents domaines,
commission de contrôle, Code civil, etc. Mais je voudrais ici, dans mon
exposé, faire état de deux domaines particuliers. Le premier
concerne le système pénitentiaire québécois. On a
mis l'accent sur les programmes de réhabilitation et de
réinsertion sociale des détenus. Le deuxième concerne
l'organisation et les fonctions policières au Québec. On a
créé un groupe de travail qui remettait au ministre ses
recommandations en janvier 1978; c'est le rapport Saulnier. En 1978, l'action
du ministère continuera à être dominée par ces deux
secteurs d'activité.
Concernant les centres de détention, nous venons d'adopter, en
deuxième lecture, hier, les projets de loi 85 et 95 concernant le
travail rémunéré et la Commission québécoise
des libérations conditionnelles. Il y a également une
accélération des programmes alternatifs à des sentences de
prison on les remplace par le système de restitution ou par des
travaux communautaires la réforme plus
généralisée proposée par le comité
Thiffault, qui a remis son rapport en mars 1978 et qui est présentement
à l'étude au ministère de la Justice.
En plus de recommander la construction d'un certain nombre de centres de
détention dans diverses régions du Québec, comme
Trois-Rivières, Saint-Jérôme, une réorientation et
un réaménagement des ressources correctionnelles sur l'île
de Montréal et sa périphérie, le rapport Thiffault
recommande au gouvernement l'élaboration d'une définition claire
et précise des objectifs et des finalités de tout le
système pénal.
Le rapport Thiffault dit, entre autres: "II nous semble essentiel de
rappeler qu'une véritable réforme dans le secteur correctionnel
implique d'abord et avant tout l'élaboration d'une politique de
défense sociale, claire et définie, sur tout l'ensemble du
système de contrôle de la déviance sociale et de l'ordre
public au Québec ". Pour ce faire, le comité Thiffault
suggère au gouvernement d'entreprendre une vaste consultation par le
biais de mini-sommets qui aboutiraient à la convocation des états
généraux de la justice.
J'espère, M. le Président, que le ministre de la Justice
n'a pas écarté cette recommandation, car elle a le mérite,
à notre avis, d'apporter deux solutions. La première serait de
forcer le ministère de la Justice à fixer clairement ses
objectifs, à court et à moyen termes, dans trois domaines
spécifiques: les affaires judiciaires pénales, les affaires
correctionnelles et les affaires policières. Cela aurait
également comme principal avantage d'associer à ce processus
toute les parties intéressées tout en sensibilisant la population
à cette nouvelle philosophie carcérale qui touche de très
près l'organisation de la justice et son administration, de même
que les forces policières.
M. le Président, cette recommandation est d'autant plus
importante à nos yeux que, depuis au moins deux ans, le ministère
de la Justice et plus particulièrement la direction
générale de la probation et des établissements de
détention ont mis l'accent sur le développement des ressources
communautaires en vue d'atteindre l'objectif visé d'une plus grande
réinsertion sociale des détenus. Le meilleur exemple est qu'on a
créé, à l'intérieur du ministère, une
direction de la participation communautaire. Cela prouve le sérieux du
ministère de la Justice dans ce domaine.
Quand je vois tous ces efforts de développement, je trouve que
les recommandations du comité Thiffault permettraient de donner
l'élan voulu à cette nouvelle philosophie de l'organisation et du
fonctionnement de notre système pénitentiaire au Québec.
De plus, en faisant ces états généraux, le ministre et le
ministère se trouveraient à faire d'une pierre deux coups en
amorçant cette consultation générale, en permettant aux
personnes et aux groupes concernés de se prononcer en même temps
sur le rapport Saulnier et sur le rapport Thiffault.
D'autant plus que, le 5 février 1978, le ministre
déclarait à Chicoutimi, au sujet du rapport Saulnier ce qui suit.
Le ministre disait, concernant le rapport Saulnier: "Par ailleurs, M.
Bédard a précisé... " je lis ce qu'on rapporte dans
le Quotidien du 6 février 1978 "... qu'il n'était pas
question de mettre immédiatement en place des politiques
définitives pour la réforme policière, à la
lumière des recommandations du rapport Saulnier. Pour lui, le document
est un excellent outil de réflexion qui favorisera la consultation
auprès de tous les intéressés. Il n'est donc pas question
également d'imposer des mesures sans profonde consultation, d'autant
plus, souligne-t-il, qu'une éventuelle réforme recèle
plusieurs implications budgétaires."
J'ai, avec surprise, écouté la déclaration du
ministre au début de cette commission. Je ne pense pas qu'à nulle
part dans cette déclaration il ait fait mention de ce qu'il entendait
faire avec les rapports Saulnier et Thiffault concernant les états
généraux de la justice qu'on avait recommandés.
J'espère que le ministre n'écarte pas cette possibilité.
Il pourra sans doute dans sa réplique nous dire ce qu'il entend faire
avec ces deux rapports.
Est-ce nécessaire de dire qu'une consultation sur le rapport
Saulnier s'impose, compte tenu des recommandations qui y sont faites et des
réactions que celles-ci ont suscité dans divers milieux, soit
chez les conseils municipaux, les corps policiers, la Commission de police et
les associations de policiers? On a vu dans le journal Le Devoir qu'à la
suite de l'étude qui a été faite de ce rapport par la
Commission de police, le ministre de la Justice a été
appelé à faire certaines déclarations concernant plus
particulièrement le fait que des municipalités actuellement
cela a été touché tout à l'heure par de
député de Marguerite-Bourgeoys cessent ou diminuent leurs
services policiers. Dans le Devoir du 1er mars 1978, le ministre donnait
l'avertissement aux municipalités de ne pas congédier de
députés.
M. Lalonde: De députés.
M. Fontaine: Je m'excuse. J'espère qu'il ne le fera
jamais.
M. Bédard: Les députés au pouvoir et de
l'Opposition.
M. Fontaine: De policiers, pardon. On voit qu'à ce
moment-là le ministre n'a pas recueilli les applaudissements de toutes
les personnes qui étaient dans la salle. La veille même, tant les
chefs de police que les dirigeants syndicaux des policiers avaient
été unanimes à réclamer un moratoire sur
l'abolition des corps de police municipaux en attendant que le gouvernement
fasse connaître sa politique en matière de réorganisation
des forces policières. Le ministre, lui, disait qu'il allait faire des
pressions auprès des municipalités pour essayer de diminuer ce
fléau, mais il n'a pas avancé qu'il pourrait forcer, par une loi,
l'arrêt de ces diminutions de corps policiers.
Je pense qu'il serait important, là-dessus, que le ministre
puisse nous dire, au cours de l'étude de ses crédits, quelle est
l'orientation qu'il désire à donner à cette situation et
quelle est également la situation actuelle au Québec: combien de
municipalités ont diminué ou abandonné leurs corps
policiers et combien de policiers ont été mis à pied, s'il
y en a eu. À ce moment-là, cette consultation qu'on propose sur
les rapports Saulnier et Thiffault pourrait certainement donner des
réponses à ces questions. Le ministre ajoutait, à la fin
de son exposé, "... à toutes ces questions, M. Bédard veut
prendre le temps de réfléchir, mais il compte pouvoir indiquer
dès l'automne les orientations que le gouvernement entend prendre afin
de dissiper au plus tôt a-t-il dit, le climat d'insécurité
provoqué
chez les policiers par certaines recommandations du rapport
Saulnier."
Il serait peut-être important, puisque le ministre se pose des
questions, que les gens concernés puissent donner leur opinion
là-dessus. Le ministre pourrait nous dire s'il y aura consultation et
quelle forme elle prendra. Est-ce qu'elle prendra la forme prônée
par le rapport Thiffault et quand cette consultation sera-t-elle faite?
Cette consultation que nous recommandons au ministre, suite au rapport
Thiffault, va certainement marquer les activités du ministère de
la Justice pour les prochaines années, lui donner de nouvelles
orientations.
Mais également, si le ministre suit ces recommandations, il va
certainement y avoir aussi des implications budgétaires. Nous pourrons
sans doute, au cours de l'étude de ces crédits, discuter de ces
implications, face à tous les changements qui sont proposés.
Je voudrais, en dernier lieu, toucher la question des commissions
d'enquête. Je pense que le ministre n'y a pas fait allusion dans son
discours. En 1976, l'ancien gouvernement avait présenté, si je ne
me trompe, un projet de loi réformant la Loi des commissions
d'enquête. Je pense que c'était le projet de loi 41. Le projet de
loi a été mis au rancart. Suite aux élections, il est
tombé de lui-même.
Le gouvernement actuel ne semble pas vouloir y donner suite. On pourrait
peut-être demander au ministre s'il a l'intention de reprendre ce projet
de loi et de le présenter à l'Assemblée nationale. Cet
amendement à la loi avait été prévu, suite aux
expériences de la CECO, notamment dans le scandale des viandes
avariées et pour la protection des personnes qui témoignent
devant ces commissions, également.
Il s'agissait là de problèmes provinciaux de
fonctionnement des commissions d'enquête. Mais on arrive maintenant
devant un autre débat, lorsqu'on parle de la commission Keable; le
débat s'élargit. Auparavant, c'était presque des chicanes
provinciales, mais maintenant, avec la commission Keable, le débat
devient constitutionnel. Maintenant, la Cour suprême doit se prononcer
sur deux questions importantes, à savoir si le mandat donné
à la commission Keable déborde le pouvoir de la province. Aussi,
est-ce que les pouvoirs donnés à une commission d'enquête
provinciale sont limités au champ de juridiction que le BNA Act accorde
aux provinces?
Cette question est très importante lorsqu'on aborde le droit
criminel. La loi étant de juridiction fédérale et
l'administration étant de juridiction provinciale, il y a assez souvent
des domaines où on ne sait trop qui a juridiction. Cette question qui
est soumise à la Cour suprême est d'une extrême. On se
demande si le ministre a l'intention d'attendre cette réforme des
commissions d'enquête, d'attendre que la Cour suprême se prononce
à ce sujet, avant de proposer un amendement à cette loi. Le
ministre pourrait peut-être exprimer son avis là-dessus.
Voilà les remarques qu'on peut faire à la suite du
discours du ministre, aujourd'hui. Nous reviendrons, bien sûr, sur
plusieurs de ces points, lors de l'étude de chacun des
éléments de chaque programme. À ce moment-là, nous
pourrons probablement poser des questions beaucoup plus précises.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Drummond.
M. Michel Clair
M. Clair: Merci, M. le Président. Au niveau des
commentaires généraux du député de
Marguerite-Bourgeoys, je pense que le député a soulevé une
question qui m'apparaît bien importante concernant deux projets de loi
également bien importants, soit le no 24, Loi sur la protection de la
jeunesse, et le no 39, Loi sur le recours collectif.
Si j'interviens sur ce point en particulier, M. le Président,
c'est que je ne voudrais pas que le ministre de la Justice suive les
instructions, mais les...
M. Lalonde: Les suppliques.
M. Clair: ... suppliques, les suggestions du député
de Marguerite-Bourgeoys en ce qui concerne une présumée faiblesse
qu'aurait le ministre de la Justice face au ministre d'État au
développement social.
Je pense que, loin d'être une faiblesse, loin d'être un
signe de faiblesse, ou un signe de tutelle du ministère de la Justice
par rapport au ministère d'État au développement social,
il m'apparaît qu'au contraire le ministre de la Justice actuel
mérite des félicitations quant à l'ouverture d'esprit
qu'il a témoignée dans la préparation de ces deux projets
de loi.
À titre de député, j'ai eu l'occasion de participer
concrètement à la préparation de ces deux lois et il
m'apparaît que, loin d'être une faiblesse, bien au contraire, le
fait d'associer d'autres milieux à la préparation de projets de
lois qui ont une dimension non seulement proprement juridique mais
également sociale est une tendance qui doit être poursuivie. Dans
ce sens, c'était le seul commentaire que je voulais apporter. (12
heures)
Je pense que si, autrefois, le député de
Marguerite-Bourgeoys a pu avoir à se raidir face à d'autres
ministres, à une autre époque, qui étaient peut-être
trop envahissants, ce n'est absolument pas le cas présentement. J'incite
le ministre, dans ce sens, à continuer à manifester une telle
ouverture d'esprit à l'égard des autres milieux que les milieux
juridiques. Je pense que, si le député de Marguerite-Bourgeoys a
eu à se réjouir du contenu du projet de loi 39 et de la Loi de la
protection de la jeunesse, le fait que d'autres milieux aient été
associés à l'élaboration de ce projet de loi y tient pour
beaucoup. C'est une des raisons pour lesquelles, je pense, il peut se
déclarer lui-même satisfait de ces lois.
J'incite le ministre de la Justice à continuer à
manifester cette ouverture d'esprit. Il peut être assuré
d'ailleurs que, dans les milieux concernés, cette ouverture d'esprit
n'est jamais considérée comme une faiblesse. Le ministère
de la Justice n'a pas à dominer seul des projets de loi comme
ceux-là. Il peut y jouer un rôle bien important, comme il le fait
d'ailleurs.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Seulement quelques
points. Il y a un dossier qui, je pense on ne s'en étonnera pas
n'a pas été abordé par les députés de
l'Opposition, mais qui, à mon sens, devrait être clarifié
à cette commission, quant aux réponses que le ministre de la
Justice et que le gouvernement ont eues à la suite de leur
dernière démarche. Il s'agit du problème du dossier de la
compensation financière exigée du gouvernement du Canada par le
gouvernement du Québec pour le maintien des forces de police au
Québec.
Je pense que c'est un dossier extrêmement important. Les sommes
qui sont impliquées sont considérables, beaucoup plus
considérables que tous les avantages fiscaux qui ont été
consentis par le gouvernement hier soir. Je me demande s'il n'y aurait pas
lieu, pour le ministre, d'éclairer la commission sru ce dossier, de
faire le point.
J'ai eu l'occasion de lire certains comptes rendus dans les journaux
où, à la suite de la publication du rapport qui est fort
volumineux et extrêmement bien fait de la Commission de police, on a
semblé, à Ottawa, repousser le mémoire du revers de la
main avec un refus, en fait, une fin de non-recevoir. On n'a même pas
pris la peine de réfuter les arguments qui sont contenus dans ce
document. Je pense que cette situation est inacceptable. J'aimerais que le
ministre de la Justice fasse le point. Est-ce qu'il entend, à la suite
de cette fin de non-recevoir, laisser mourir le dossier ou a-t-il l'intention
de faire d'autres démarches pour donner suite à ce document et
à cette revendication du Québec qui, je pense qu'il est important
de la souligner, n'est pas uniquement une revendication d'un gouvernement qui a
une option indépendantiste, mais qui a été
également une revendication d'un autre gouvernement qui n'est pas
particulièrement connu pour ses options indépendantistes,
malheureusement d'ailleurs?
M. Lalonde: Ah! Vous ne comptez pas sur nous autres?
M. Charbonneau: Non, c'est bien sûr. D'ailleurs, le nouveau
patron que vous avez, je le connais très bien. On ne s'attendra pas
à grand-chose de vous autres.
M. Lalonde: C'est un homme très patient s'il vous a
enduré si longtemps!
M. Charbonneau: Je l'ai enduré cinq ans!
Le Président (M. Laplante): Si vous voulez revenir
à la pertinence du débat, s'il vous plaît.
M. Charbonneau: II y a aussi un autre élément sur
lequel j'aimerais revenir. Je pense que c'est le député de
Nicolet-Yamaska qui a demandé au ministre des explications sur les
suites à donner au rapport Saulnier. J'en ai d'ailleurs parlé au
ministre de la Justice. J'ai eu encore l'occasion récemment de
rencontrer certaines personnes qui oeuvrent dans le milieu policier. Je pense
qu'il serait important que le ministre, dans la mesure où la
réflexion s'est poursuivie à la suite du mémoire ou du
rapport de la commission Saulnier, puisse indiquer dans quelle orientation il
entend travailler au cours des prochains mois.
Je ne pense pas que les milieux policiers au Québec s'attendent
que, en l'espace de quelques semaines, on restructure tout un appareil policier
dans une société comme celle du Québec, mais je pense
qu'il y a peut-être moyen d'indiquer un peu plus
précisément quelles sont les orientations que le gouvernement
entend suivre dans les prochains mois afin que les gens concernés,
c'est-à-dire les policiers, les états-majors policiers
également et peut-être même les corps municipaux, puissent
savoir ce qui se passe et être finalement convaincus que le document qui
a été produit par le rapport Saulnier ne reste pas lettre
morte.
D'ailleurs, à ce sujet, j'ai eu personnellement des commentaires
sur le rapport, de la part de certaines personnes qui avaient soumis
elles-mêmes des mémoires à la commission Saulnier,
semble-t-il, et qui ont eu, à la suite de la publication du rapport
Saulnier, des réactions qui m'indiquent que certains aspects du rapport
Saulnier mériteraient d'être appronfondis. C'est peut-être
dans ce sens que le ministre pourrait nous indiquer ses orientations pour les
prochains mois.
Il y a un autre élément sur lequel j'aimerais que le
ministre puisse faire le point. Je sais qu'il avait déjà
lui-même annoncé la volonté ferme du gouvernement et sa
volonté à lui d'inciter, d'amener les corps policiers, en
particulier celui qui relève de l'État québécois,
c'est-à-dire la Sûreté du Québec, à insister
dans leur travail sur toute la criminalité des collets blancs. On a
parlé tantôt de criminalité chez les junéviles, mais
il y a une criminalité dans notre société qui est aussi
considérable, mais qui, à bien des égards, passe
inaperçue, c'est la criminalité des cols blancs. Je sais que la
Sûreté du Québec, depuis déjà un certain
nombre d'années, a un service d'enquête qui oeuvre dans ce domaine
des fraudes commerciales et autres choses du genre. J'aimerais savoir ce qui a
été fait depuis les derniers mois pour accentuer l'offensive
policière ou la pénétration policière de cette
question.
En fait, il y a deux autres points. J'aimerais savoir si les gens du
ministère, et le ministre également, se sont attardés sur
une des recommandations de la Commission d'enquête sur le crime
organisé il y a déjà deux ans de cela qui
suggé-
rait la constitution, au sein du bureau des substituts du procureur de
la couronne, d'une section spéciale de procureurs qui seraient
particulièrement affectés aux dossiers ayant une connotation
particulière dans le monde de la pègre, à des
échelons importants, un peu comme cela se fait ailleurs dans certains
États américains où on a de véritables "task
forces" de procureurs de la couronne pour ces questions
particulières.
Finalement, le ministre a donné certaines précisions quant
au travail qui se fait concernant la Commission de contrôle des permis
d'alcool du Québec. Je voudrais profiter de l'occasion et faire des
considérations générales pour souligner, comme
député, que j'ai particulièrement hâte que ce
travail aboutisse. J'aimerais d'ailleurs avoir des explications de la part du
ministre, parce que je n'ai pas l'impression que les seuls problèmes
auxquels on fait face, comme députés, chez les gens qui viennent
nous voir dans nos comtés, sont dus uniquement aux problèmes des
délais et des contrôles. Il y a aussi une certaine politique qui
est assez difficilement explicable: des gens, dans les milieux ruraux ou
semi-ruraux, sont incapables d'avoir des permis d'alcool pour des salles de
réception, des salles qui sont loin d'être des endroits mal
famés. Ces gens sont incapables d'avoir des permis. Pourtant, des
individus on n'a qu'à regarder, au cours des récentes
années qui n'avaient peut-être pas de dossier judiciaire,
mais qui avaient des caractères de moralité douteuse, ont pu plus
facilement avoir des permis d'alcool. J'ai eu au moins trois cas dans mon
comté. Je n'ai jamais même appelé les gens de la commission
de contrôle. Quand j'étais journaliste, j'ai suivi de près
les activités de cette commission. À un moment donné, je
me rappelle, quelques semaines après l'élection du Parti
québécois au pouvoir, on a eu une rencontre à la salle
81-A de tous les députés de tous les partis. J'ai posé
à ce moment la question au président de la Commission de
contrôle et je lui ai demandé si un député
j'avais fait exprès pour la poser publiquement de quelque
formation politique que ce soit, l'appelait, si ce serait
considéré comme un ingérance politique. Il m'avait dit:
Non, il n'y a pas de problème, tous les députés peuvent
appeler. Malgré cela, je n'ai pas couru le risque, je n'ai pas
appelé.
Je considère qu'il y aurait peut-être moyen de savoir ce
qui justifie qu'il y a des gens qui, par ailleurs, possèdent un commerce
honorable, des gens qui remplissent un rôle social important dans ces
communautés... Je pense, par exemple, à une salle dans
Sainte-Madeleine où, chaque samedi soir, les conseils municipaux de
toute la région, de mon comté et des autres comtés
avoisinants, se réunissent; des organismes de loisirs se
réunissent; différents groupes se réunissent et il est
impossible pour les propriétaires de cette salle d'obtenir un permis. De
multiples efforts ont été faits depuis un certain nombre
d'années et je me suis laissé dire toutes sortes de choses, mais
les explications claires, les raisons pour lesquelles ces établissements
ne peuvent pas avoir de permis, surtout dans les milieux ruraux... Je pense que
cela mériterait d'être clarifié. J'ai l'impression que cela
réglerait le problème de plusieurs députés qui
reçoivent continuellement des représentations de gens qui
viennent les voir le lundi pour leur dire: Écoutez! Je voudrais avoir un
permis; je voudrais que cela se fasse selon les normes, qu'il n'y ait pas de
taponnage et de fligne-flagne. Je ne comprends pas pourquoi on me refuse un
permis alors que tel ou tel hôtelier a eu son renouvellement de permis
ou, dans le cas d'un changement de propriétaire, que tout cela s'est
fait rapidement.
J'aimerais que le ministre se penche sur cette question. Je l'ai
d'ailleurs déjà sensibilisé à ce problème.
J'espère qu'à un moment donné, on va finir par avoir
une... Je ne sais pas si c'est à cause des règlements ou de la
loi, mais cela n'a pas d'allure de refuser des permis à des gens qui ont
des commerces, qui remplissent un rôle important dans ces
communautés du milieu rural et semi-rural. Ce sont les
considérations dont je voulais faire part au ministre.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le
député. Je crois, M. le ministre, que vous avez une broche assez
imposante...
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Laplante): ... de questions et
réponses. Avez-vous l'intention de commencer tout de suite ou de le
faire programme par programme?
M. Bédard: M. le Président, en réponse, je
crois bien que les députés...
M. Lalonde: Avant que le ministre commence...
Le Président (M. Laplante): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ... je ne voudrais pas l'interrompre au milieu de ses
réponses, au cas où ses réponses iraient au-delà de
midi et trente, étant donné que quelques dizaines de très
précieux fonctionnaires assistent à notre étude et
apprécient nos propos il ne faut pas être trop
prétentieux non plus peut-être voudraient-ils aller
travailler cet après-midi. Est-ce qu'on pourrait déterminer quels
sont les éléments qu'on va étudier cet après-midi
à notre retour?
Le Président (M. Laplante): Vous m'avez devancé, M.
le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Ah bon!
Le Président (M. Laplante): Avant de commencer les
travaux, j'avais l'intention pour les mêmes raisons que celles que
vous avez évoquées de vous demander si vous aviez des
programmes préférés que vous vouliez entreprendre.
M. Bédard: Les trois...
M. Lalonde: Je n'ai aucune préférence; cela
dépend des disponibilités.
M. Bédard: Les trois premiers... M. Lalonde: Les
trois premiers.
M. Bédard: ... si l'Opposition n'a pas d'objection, les
trois premiers.
M. Lalonde: D'accord.
M. Bédard: Les trois premiers programmes.
M. Fontaine: Dans l'ordre?
M. Bédard: Dans l'ordre. J'ai eu l'occasion d'en parler au
représentant de l'Opposition officielle il y a quelques instants. Je le
fais également avec le représentant de l'Union Nationale. Il y a
le programme concernant l'étude des crédits de la
Sûreté du Québec...
Le Président (M. Laplante): Quel numéro?
M. Lalonde: Le 15.
Le Président (M. Laplante): Le 15.
M. Bédard: ... sur laquelle il faudrait peut-être
qu'il y ait une entente pour qu'ils soient examinés dès
demain...
M. Lalonde: Demain matin?
M. Bédard: Demain soir. On pourrait peut-être, vers
la fin de l'après-midi, vous dire...
M. Lalonde: Comme vous voulez.
M. Bédard: ... exactement ce qu'il en est. Au moins, dans
le courant de la journée de demain, étant donné la
nécessité qu'a le directeur de la Sûreté du
Québec d'être présent à un congrès qui est
prévu pour la semaine prochaine, la journée même où
nous devrons continuer l'étude des crédits.
M. Lalonde: L'Opposition officielle ne veut sûrement pas se
rendre responsable de l'absence du directeur de la Sûreté du
Québec à un congrès.
M. Fontaine: Nous sommes d'accord, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Vous êtes d'accord. Cela
voudra dire qu'on commencera par les programmes 1, 2 et 3 et le programme 15
par la suite. D'accord?
M. le ministre, si vous voulez...
M. Fontaine: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): Oui, M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: ... juste avant que le ministre ne réponde,
je voudrais relever quelque chose que le député de
Verchères a dit concernant la réclama- tion pour les services de
police au Québec, réclamation faite au gouvernement
fédéral.
Je pense que pour rendre justice à tout le monde, il faudrait
dire, si je me rappelle bien, que l'Assemblée nationale a
déjà voté une motion unanime pour que l'on fasse cette
réclamation. Si on n'a pas abordé cette question tout à
l'heure, ce n'est pas parce qu'on ne voulait pas l'aborder. (12 h 15)
M. Lalonde: II y a eu une conférence de presse la semaine
dernière. Je pense que les faits sont connus.
M. Bédard: Je pense bien que le député ne
l'a pas abordée dans le sens de faire un reproche quelconque à
l'Opposition.
M. Lalonde: II n'est pas méchant. M. Fontaine:
À ses heures.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre, si vous voulez
commencer, s'il vous plaît. Il vous reste encore dix minutes.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: Étant donné le court laps de
temps, vous comprendrez que je ne puisse aborder toutes les questions qui ont
été soulevées par les représentants de l'Opposition
et du gouvernement, puisque nous aurons l'occasion d'y aller d'une discussion
beaucoup plus en profondeur dans l'étude des crédits, programme
par programme.
Je voudrais remercier les deux Oppositions de l'offre de collaboration
qu'elles ont adressée au gouvernement concernant les travaux pour
l'élaboration d'un nouveau Code civil. Elles peuvent être
assurées que non seulement, nous avons pris note de cette offre de
collaboration, mais nous trouverons le moyen de nous en assurer. D'ailleurs,
nous en avons besoin. Les membres de l'Opposition le savent.
Je les remercie aussi des bonnes paroles qu'ils ont prononcées
à mon endroit. Je voudrais peut-être, faire quelques remarques sur
certains points particuliers. Entre autres, le représentant de
l'Opposition officielle a exprimé l'opinion que le fait que des lois
importantes comme la loi 24 et la loi 39 qui concernent le recours collectif et
la protection de la jeunesse, aient été présentées
par un ministre d'État, cela ait comme conséquence d'enlever de
l'importance au ministère de la Justice. Je dois dire que je ne partage
pas cette opinion. Je crois que l'important, ce n'est pas tant le
ministère de la Justice, le ministre de la Justice, comme la justice
elle-même pour l'ensemble des contribuables et que, dans ce sens, dans le
sens large de la justice aux contribuables, tous les ministères du
gouvernement se doivent d'être préoccupés dans leurs
législations respectives.
J'ai eu l'occasion de dire que le ministère de
la Justice a travaillé en collaboration et très activement
à la rédaction de ces deux projets de loi au niveau des objectifs
à atteindre. Non seulement je crois que cela n'enlève pas
d'importance au ministère de la Justice, je crois même que ceci
constitue une meilleure efficacité de l'administration de la justice en
général pour l'ensemble des citoyens.
On peut se poser la question: Si le ministère de la Justice, en
plus des dix lois que nous avons présentées, avait
été dans l'obligation de mener à terme les lois 24 et 39,
il aurait été, je pense, difficile d'atteindre les objectifs que
nous avons atteints à l'heure actuelle, soit d'avoir pu faire adopter
les dix lois dont je parlais tout à l'heure, en plus des lois aussi
importantes que la loi 24 et la loi 39. Dans le cas de la Loi de la protection
de la jeunesse, c'était d'autant plus important... je crois que la
structure de ministre d'État a révélé vraiment son
efficacité.
Je n'apprendrai rien à l'ancien solliciteur général
du Québec en disant que cette Loi de la protection de la jeunesse, qui
était désirée et nécessaire depuis bien longtemps,
avait été retardée en grande partie à cause de
différences d'appréciation ou de certaines difficultés
d'entente entre les deux ministères concernés, soit le
ministère de la Justice et le ministère des Affaires sociales. Au
contraire, cette structure, dans le cas spécifique de cette loi, a
permis, justement, d'établir un dialogue constant entre les deux
ministères principalement concernés pour en arriver au
résultat que vous connaissez, la Loi de la protection de la jeunesse,
qui a été acceptée, pourrais-je dire, presque unanimement
par les milieux concernés et unanimement par les membres de
l'Assemblée nationale.
Mon opinion, au moment où on se parle, c'est que cette structure
de ministres d'État, non seulement n'amène pas de complication,
mais au contraire permet plus d'efficacité. Tel que je le disais tout
à l'heure, l'important, ce n'est pas le ministre de la Justice, le
ministère de la Justice, mais c'est la justice en général
pour les contribuables. Dans ce sens, je crois que cette structure a permis
d'assurer une plus grande protection à l'ensemble des contribuables et a
fonctionné avec encore plus d'efficacité.
Il y a un problème qui a été abordé par le
représentant de l'Opposition officielle que je ne peux passer sous
silence, c'est celui de l'affaire Fabien, qui l'ancien Solliciteur
général en sait quelque chose constitue une affaire
délicate que pas un ministre de la Justice ne désire avoir
à résoudre. Je pense bien que c'est le genre de problème
après lequel ne court aucun ministre de la Justice, mais il doit lorsque
ces problèmes se présentent, prendre ses
responsabilités.
Il y a deux remarques qui ont été faites par le
représentant de l'Opposition officielle à l'endroit du ministre
de la Justice pour déplorer, premièrement, l'attentisme,
deuxièmement le fait qu'on aurait brandi la menace d'une commission
d'enquête, si j'ai bien compris, à l'endroit de l'ancien juge
Fabien.
Concernant l'attentisme, je pourrais énumérer, avec toutes
les dates, les actions qui ont été commises par le ministre de la
Justice, ce que j'ai fait d'ailleurs lors de la conférence de presse qui
s'est tenue après la démission du juge Fabien et qui prouve
éloquemment qu'il n'y a effectivement pas eu d'attentisme de la part du
ministre de la Justice. En effet, dès que nous avons eu une
recommandation du conseil du ministère de la Justice dans cette affaire,
le juge Pratte, nous avons immédiatement pris une décision. Je
pense que l'ancien Solliciteur général du Québec sait
jusqu'à quel point un ministre de la Justice est quand même
assujetti aux contingences de ce que représente une enquête
policière qui, quelquefois, prend nécessairement un certain
temps. Ce n'est quand même pas le ministre de la Justice qui est
l'enquêteur et cette remarque ne doit, en aucune façon, constituer
une appréciation négative du travail qui a été fait
avec le plus de célérité possible par les enquêteurs
dans cette affaire. C'était une affaire délicate et
l'enquête se révélait quand même également
assez difficile.
Il y a également, quand on parle d'attentisme, le fait qu'on doit
tenir compte que le ministre de la Justice n'avait pas à sa disposition
la possibilité de référer le cas purement et simplement
à un conseil de la magistrature, qui aurait pu l'étudier.
Je puis vous dire je vous en ai parlé tout à
l'heure qu'un projet de loi sera déposé afin de constituer
un conseil de la magistrature qui serait habilité à exercer ses
responsabilités lorsque des cas comme celui-là se
présenteraient. Il est évident que si cette structure avait
existé à ce moment-là, le ministre de la Justice n'aurait
pas hésité une seconde à déférer à un
conseil de la magistrature la responsabilité de faire enquête.
Ce conseil de la magistrature n'existait pas et les mécanismes
qui existent à I'heure actuelle Me Yves Pratte, aujourd'hui juge
de la Cour suprême, l'a souligné avec à-propos sont
quand même, au niveau de la Cour d'appel, extrêmement
compliqués.
Un deuxième point a été soulevé par le
représentant de l'Opposition officielle. Il a déploré le
fait que le gouvernement ou le ministre de la Justice ait pu brandir la menace
d'une commission d'enquête à l'endroit du juge Fabien. Je suis
complètement en désaccord avec une telle manière
d'analyser la situation.
Au contraire, je pourrais vous dire qu'en date du 20 septembre le
sous-ministre de la Justice informait l'ancien juge Fabien de l'intention du
ministre de la Justice de suivre la recommandation de Me Pratte, soit de
constituer une commission d'enquête. À ce moment-là, ce
n'est pas à la demande du ministère ou du ministre de la Justice,
mais à la demande de l'ancien juge Fabien lui-même que nous avons
retardé d'une semaine. Je pense que c'est l'ancien juge Fabien
lui-même qui nous a demandé de lui accorder un délai de
réflexion. Je crois que, pour des questions humanitaires, j'aurais eu
très mauvaise grâce à lui refuser cette période de
réflexion.
À mon humble opinion, le fait d'informer le juge de la
décision qui avait été prise de former une commission
d'enquête ne constituait en aucune façon une menace. Au contraire
c'est cela
mon appréciation cette information qui lui était
donnée constituait plutôt l'occasion pour l'ancien juge Fabien de
pouvoir en fait expliquer tous les faits qui n'avaient pas été
expliqués suffisamment. Non seulement le représentant de
l'Opposition officielle va jusqu'à dire que cela enlevait la chance
à l'ancien juge Fabien de se blanchir, au contraire, je crois que
c'était l'occasion rêvée, pour la personne concernée
de pouvoir, grâce à une commission d'enquête, se blanchir,
si tel était son désir.
La décision de démissionner de l'ancien juge Fabien n'est
pas la décision du ministre de la Justice, c'est la décision de
M. André Fabien.
Ce qui est important là-dedans, c'est de savoir si les faits
étaient tels que le ministre de la Justice avait raison de demander une
enquête policière, avait raison de prendre la décision de
former une commission d'enquête. C'est la question importante.
Là-dessus, la réponse est très claire. Vous me
permettrez de citer aujourd'hui les termes mêmes de Me Yves Pratte, juge
de la Cour suprême, à qui on avait demandé de formuler une
opinion sur cette affaire. (12 h 30)
Dans l'opinion qu'il nous a donnée et dont nous avons
communiqué le contenu à la presse en indiquant, à ce
moment-là il n'y a aucune cachette qu'il y avait une autre
partie de l'opinion de Me Pratte qui concernait les faits et que, de l'avis
même de Me Yves Pratte, on ne devait pas, dans l'intérêt
public, les publier, celui-ci exprimait l'opinion suivante, textuellement, dans
le document qui a été remis aux journalistes lors d'une
conférence de presse.
Je cite: "II ne me semble pas nécessaire de résumer ici
les faits mentionnés dans le rapport de la sûreté. Qu'il
suffise de dire qu'en l'absence d'explications suffisantes, ceux-ci sont de
nature à engendrer la méfiance et même la suspicion
à l'endroit de M. Fabien. Par ailleurs, il n'apparaît pas que des
réponses satisfaisantes aient été obtenues. Le ministre
n'a pas en main les rensei- gnements qui lui permettraient de dissiper les
soupçons et de proclamer l'intégrité et la probité
du juge Fabien". C'est textuellement, en fait, l'opinion de Me Yves Pratte, que
je partage. Plus loin, dans son opinion, ce dernier ajoutait que, selon lui, le
dossier ne permettait pas au ministre de proclamer l'intégrité du
juge Fabien, ni de fermer les yeux, C'est elle, la question importante. Est-ce
que c'était une enquête futile? Est-ce que dans les attributions,
dans la responsabilité d'un ministre de la Justice, qui est de veiller
au respect de la magistrature, il était de son devoir de faire
enquête? Je pense que la réponse est très claire.
Là-dessus, vous me permettrez cinq minutes?
Le Président (M. Laplante): D'accord, avec le consentement
des membres pour finir sur le cas Fabien?
M. Lalonde: Est-ce que vous allez me donner le même
consentement pour répondre, ou si on va continuer... De toute
façon, on va continuer cet après-midi.
Le Président (M. Laplante): Ce sera à vous d'en
juger.
M. Bédard: M. le Président, je termine par une
phrase. Non seulement, il n'y a pas eu d'attentisme de la part du ministre de
la Justice, mais il n'y a eu, en aucune façon, d'acte posé de sa
part, ayant pour but de brandir la menace d'une commission d'enquête, qui
est loin d'être une menace, mais qui constituait plutôt l'occasion
privilégiée pour M. Fabien de se blanchir.
Le Président (M. Laplante): La commission ajourne ses
travaux sine die. J'avise aussi les personnes, les invités qui sont ici
que la commission reprendra probablement sur l'ordre de l'Assemblée
nationale vers 16 h 15.
(Fin de la séance à 12 h 34)
Reprise de la séance à 16 h 35
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Reprise des travaux de la commission permanente de la Justice pour
l'étude des crédits budgétaires 1978/79.
Les membres de cette commission sont: M. Alfred (Papineau),
remplacé par M. Lavigne (Beauharnois); M. Bédard (Chicoutimi), M.
Blank (Saint-Louis), M. Charbonneau (Verchères), M. Clair (Drummond), M.
Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Vaillancourt
(Jonquière).
Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau,
(Saint-Hyacinthe), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavigne (Beauharnois), M.
Léger (Lafontaine), M. Marois (Laporte), M. Pagé (Portneuf), M.
Roy (Beauce-Sud) et M. Tardif (Crémazie).
M. le député de Marguerite-Bourgeoys et M. le
député de Nicolet-Yamaska, je crois qu'il y a eu une entente ce
midi pour que, demain matin, à 10 heures, ce soit le programme 15 qui
débute.
M. Fontaine: C'est cela.
Le Président (M. Laplante): Vous êtes d'accord?
M. Lalonde: Parfaitement.
Le Président (M. Laplante): Merci. La parole est au
ministre, pour les réponses à donner aux questions de ce
matin.
L'affaire du juge Fabien
M. Bédard: M. le Président, il y a un autre point
que je voudrais aborder concernant les remarques qui ont été
faites par le représentant de l'Opposition officielle sur le cas de M.
André Fabien, à savoir: la question de la commission
d'enquête. Je crois qu'il y a lieu d'apporter des éclaircissements
concernant les recommandations de Me Pratte, contenues dans l'opinion qu'il
avait rédigée concernant le cas de l'ancien juge en chef.
La position de notre procureur spécial, je pense, peut être
résumée de la façon suivante. Me Pratte, après son
étude, constata d'abord que les faits apparaissant au rapport de la
Sûreté du Québec, bien que troublants et sérieux,
n'étaient pas suffisamment étayés en droit pour nous
permettre d'instituer immédiatement et directement, devant la Cour
d'appel, la procédure de destitution prévue par la Loi des
tribunaux judiciaires.
À ce moment-là, Me Pratte nous recommandait donc, pour le
moment, de ne pas intenter cette procédure directement devant la Cour
d'appel mais plutôt de tenir une commission d'enquête en vue de
vérifier si les faits justifiaient cette procédure de
destitution.
J'ai accepté cette recommandation et j'ai décidé,
rapidement, de soumettre au Conseil des ministres un arrêté en
conseil créant une commis- sion d'enquête, le tout comme
étape préalable et indispensable à la procédure de
destitution, s'il y avait lieu. À ce moment-là, cette
décision a été prise rapidement et mon sous-ministre en
informa le juge j'avais demandé à mon sous-ministre d'en
informer le juge Fabien, ce qu'il fit. La démission subséquente
de ce dernier a cependant rendu cette procédure de la commission
d'enquête inapplicable et impossible, tout comme elle rendait inutile une
procédure de destitution devant la Cour d'appel, puisque M. Fabien
n'était plus juge et ce, par sa seule volonté.
Il est évident que je ne pouvais ordonner une commission pour
enquêter s'il y avait lieu de présenter une requête en
destitution d'un juge alors que le juge concerné ne l'était plus.
La décision du juge Fabien rendait donc inapplicable, impossible, et
inutile, une procédure de destitution devant la Cour d'appel. M. Fabien
n'étant plus juge.
Quant à savoir si nous aurions pu tout de même tenir une
autre commission d'enquête à l'endroit du citoyen André
Fabien, c'est là une tout autre question. Il nous est vite apparu
clairement que dans l'exercice de l'administration ou dans l'exercice normal de
l'administration de la justice, une commission d'enquête est un moyen
exceptionnel et disproportionné à exercer à l'endroit d'un
citoyen ordinaire, surtout qu'il n'y avait pas de preuves qui avaient
été portées à mon attention selon lesquelles il y
avait un système. Conséquemment, ce moyen exorbitant ne pouvait
pas être utilisé contre M. André Fabien, sous peine
d'être taxé d'acharnement.
Alors, M. le Président, nous aurons peut-être l'occasion de
revenir sur ce sujet. Il y a d'autres sujets très importants qui ont
été abordés par les membres de l'Opposition. Comme je l'ai
dit, peut-être qu'il n'est pas opportun de répondre à
toutes les questions qui ont été soulevées, puisque nous
aurons la possibilité de le faire, programme par programme. Il y a eu la
question concernant le rapport Saulnier, la réorganisation des corps
policiers et aussi le problème auquel nous avons à faire face,
celui de l'élimination des corps policiers, suite à la
décision de certaines municipalités d'abandonner leur corps
policier.
À la Commission de police, j'avais eu l'occasion de dire, en
fait, que le gouvernement n'accepterait pas que des municipalités, ayant
l'obligation légale de garder un corps policier, puissent s'en
départir et que, à ce moment, si tel était le cas, il y
aurait lieu pour le gouvernement de procéder à une
législation en conséquence. Suite à cette rencontre
à la Commission de police, j'ai écrit à différentes
municipalités qui étaient susceptibles d'abandonner leur corps
policier, selon les informations que nous avions, et je leur ai dit que le
gouvernement entendait procéder dans les meilleurs délais,
c'est-à-dire l'automne 1978, à l'adoption d'orientations
précises dans ce domaine, après avoir procédé
à toutes les consultations nécessaires.
Je leur disais que le gouvernement n'avait pas l'intention d'imposer
unilatéralement le regroupement de forces policières; par
ailleurs, les municipalités régies par la Loi des cités et
villes ont
l'obligation, on le sait, de respecter non seulement la lettre, mais
également l'esprit de cette loi et de la Loi de la Commission de police.
Elles doivent donc maintenir en fonction le même nombre de policiers
qu'elles avaient à leur service au moment de la publication du rapport
Saulnier, à moins d'une exemption spécifique qui leur serait
accordée par la loi, selon la procédure que vous connaissez. Je
faisais part aux municipalités, dans cette lettre, que le gouvernement
n'endosserait pas de situation injuste en offrant des services policiers
gratuits à des municipalités qui manqueraient à leurs
obligations, parce que ceci n'était que simple justice envers les
municipalités, qui elles, s'acquittaient de leur devoir dans ce
domaine.
Je leur disais également que celles-ci devraient résister,
en fait, à la tentation d'attribuer des promotions
inconsidérées à leurs agents, en attendant que des
décisions définitives ou des orientations définitives
soient prises du point de vue gouvernemental. Également, je les
informais que s'il y avait des regroupements, nous procéderions,
à ce moment, à une normalisation des grades, de manière
que tous les policiers puissent bénéficier d'un traitement juste
et équitable. (16 h 45)
Le président de l'Union des municipalités, que j'ai
rencontré lors des journées d'études de la Commission de
police, m'a assuré de sa collaboration et il a tenu parole. Je sais
qu'il a lui-même communiqué avec chacune de ces
municipalités, afin de les informer dans la même ligne de
pensée que celle que je viens de vous exprimer.
J'espère que cet appel à la collaboration des
municipalités sera suffisant, parce qu'il est évident que nous
n'aurons pas d'autre choix, du point de vue gouvernemental, que de
procéder par législation. Je puis vous dire que, depuis que nous
avons fait parvenir cette lettre aux municipalités, il a
été porté à notre attention le cas de deux ou trois
municipalités qui pouvaient être tentées d'abandonner leur
corps de police. Je puis vous dire aussi que, simultanément à cet
appel aux municipalités, nous sommes, à l'heure actuelle, au
niveau du ministère de la Justice, à préparer une loi
appropriée, si cela devenait nécessaire de
légiférer.
Il est évident que nous ne pouvons donner de suite au rapport
Saulnier immédiatement, puisqu'il y a la nécessité d'une
concertation entre les différents ministères impliqués,
soit la Justice, les Finances, l'aménagement, ainsi que les Affaires
municipales. Il y a aussi la nécessité de consultation avec les
municipalités, ce que nous ferons d'une façon
systématique, pour qu'à l'automne, ces consultations étant
terminées, nous puissions donner une fois pour toutes les orientations
gouvernementales.
Il y a cependant un point du rapport Saulnier sur lequel nous avons
donné notre accord, à savoir celui de l'instauration d'un
inspectorat qui, effectivement, est devenu nécessaire et constitue,
à notre humble avis, une recommandation qui doit être suivie le
plus rapidement possible.
M. Fontaine: M. le Président, sur cela, vous n'avez pas
l'intention, à ce moment, de donner suite à la suggestion du
comité Thiffault qui préconisait des mini-sommets des
états généraux de la justice.
M. Bédard: Si on demeure dans le cadre du rapport
Saulnier, il y aura certaines rencontres gouvernementales avec les
municipalités, à l'intérieur desquelles le
ministère de la Justice va essayer de s'insérer, afin de pouvoir
en profiter également pour savoir quel est leur sentiment à
l'endroit de l'application des différentes recommandations de ce
rapport. Je pense que ceci sera suffisant. Je ne vois vraiment pas comment on
pourrait procéder à la tenue de mini-sommets d'une façon
suffisamment rapide pour que, à l'automne, nous puissions donner suite
aux recommandations du rapport Saulnier. Concernant la possibilité de la
tenue de mini-sommets, au niveau de la justice, sur les autres sujets
soulevés par le rapport Thiffault, à l'heure actuelle, nous
sommes à analyser jusqu'à quel point ceci pourrait être
possible et souhaitable.
M. Fontaine: Vous ne pensez pas que les deux pourraient
être faits en même temps.
M. Bédard: Concernant le rapport Saulnier, il reste que
l'urgence n'est pas la même. Nous avons quand même à
procéder plus rapidement, je crois, surtout qu'il a été
exprimé hier par le ministre des Finances que les discussions
étaient résolument engagées avec les municipalités
en ce qui a trait à une réforme de la fiscalité municipale
et la réorganisation policière. Les conclusions du rapport
Saulnier impliquant quand même des dépenses assez
considérables, cela doit s'inscrire d'une façon
privilégiée dans ce cadre. Concernant la compensation
financière de près de $1 milliard que nous avons
réclamée du gouvernement fédéral pour le maintien
des forces policières au Québec, je dois vous dire que le
gouvernement est déterminé à continuer ce dossier.
D'ailleurs, nous allons avoir l'appui de l'ensemble de la population et
également de tous les parlementaires. Lorsque j'ai eu l'occasion de
discuter de ce dossier, lors d'une conférence
fédérale-provinciale, on nous a indiqué à ce moment
que cela regardait surtout les finances. Pour que le fédéral
n'ait plus ce prétexte, j'ai fait en sorte de référer le
dossier au ministre des Finances qui, j'en suis informé, a
acheminé cette demande à son homologue fédéral, le
ministre Jean Chrétien. Une chose est certaine, c'est que dans ce
dossier, la Commission de police a fait un travail quand même assez
fantastique de comptabilisation, de manière à prouver à la
population que les chiffres avancés, soit de l'ordre de $800 millions,
plus les intérêts qui ne sont pas comptés, ne sont pas des
chiffres politiques lancés en l'air, mais au contraire,
représentent des sommes dûment comptabilisées qui sont dues
par le fédéral au gouvernement du Québec, en toute
justice.
On a abordé également le problème de la
criminalité juvénile. Je sais que c'est un problème qui
nous préoccupe constamment, mais il n'est pas facile de trouver les
moyens pour lutter spéci-
fiquement dans ce secteur; je crois que la nouvelle Loi de la protection
de la jeunesse, également les lois que nous avons
présentées en deuxième lecture concernant la Commission de
libération conditionnelle, concernant le travail
rémunéré des détenus, seront de nature, à
constituer des instruments de plus pour lutter contre ce
phénomène de la criminalité juvénile. Je serais
très heureux si, au cours des débats, l'Opposition avait des
suggestions spéciales qui pourraient constituer des moyens additionnels
à cette lutte contre la criminalité juvénile qui existe,
selon le même pourcentage, parce que nous avons consulté certaines
statistiques et le pourcentage de criminalité juvénile qui existe
à l'heure actuelle est presque le même que celui qui existe depuis
23 ans. En fait, c'est un phénomène constant et si l'Opposition a
des suggestions, nous serons heureux de les accueillir.
M. le Président, il y a bien d'autres sujets qui ont
été abordés par les membres de l'Opposition. Je crois que
nous aurons l'occasion, programme par programme...
M. Fontaine: Les commissions d'enquête?
M. Bédard: Concernant la Commission d'enquête, et le
député se réfère à la CECO, ma conviction
est que ceci représente un instrument très important dans la
lutte contre le crime organisé. Maintenant, ceci ne veut pas dire qu'il
n'y a pas lieu de réfléchir sur les possibilités
d'augmenter son efficacité, d'améliorer son fonctionnement. Comme
je l'avais dit lors de l'étude des derniers crédits, nous avons
procédé, au cours de la présente année, à
plusieurs consultations je pourrai vous donner plus de détails
lorsqu'on arrivera à ce programme avec tous ceux qui ont
oeuvré, d'une façon particulière, dans ce domaine. Je n'ai
pas abandonné l'idée que nous puissions, avant l'automne, avoir
une réunion informelle des membres de la commission parlementaire de la
justice afin de pouvoir leur faire part de l'ensemble de ces remarques, d'une
part, et, d'étudier ensemble les suggestions possibles aux fins
d'améliorer ce mécanisme, entre autres, qui constitue un
instrument contre le crime organisé.
Maintenant, je crois qu'avant d'en arriver à la décision
de la permanence de la CECO, il y a lieu à beaucoup de réflexion.
Est-ce qu'il y a d'autres sujets?
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ... avant d'aborder un programme, j'aimerais qu'on
termine la partie des commentaires de nature générale.
Le Président (M. Laplante): Je crois que c'est du bon
temps. On arrive aux programmes après cela.
M. Lalonde: Alors, avec votre permission, M. le
Président...
Le Président (M. Laplante): Je suis pleinement d'accord,
cela avance les travaux, après cela, programme par programme.
M. Lalonde: ... je voudrais revenir sur la question que j'avais
soulevée pour certains projets de loi importants, les projets de loi 24
et 39. Un certain nombre d'explications du ministre sont tout à fait
valables mais, plus particulièrement en ce qui concerne le projet de loi
no 39, j'ai eu l'occasion de travailler au niveau de la commission
parlementaire. J'avais espéré la présence du ministre de
la Justice et celle du ministre d'État, étant donné que
c'est une loi... Et peut-être plus encore qu'en vertu du projet de loi no
24, parce que pour le projet de loi no 24, le ministre de la Justice se trouve
à être responsable de l'application d'une partie seulement de la
loi, les articles 12, etc. et certains chapitres, tandis qu'en vertu du projet
de loi no 39, on est en plein dans l'administration de la justice.
Pour l'affaire Fabien, naturellement, je suis tout à fait
d'accord avec le ministre en ce sens que le problème n'était pas
souhaitable. C'est un problème délicat. Mais je n'accepte pas
l'explication du ministre indiquant que la démission du juge fait
disparaître la nécessité d'une enquête publique. Il y
a deux problèmes là-dedans, M. le Président, c'est la
façon dont sa démission a été donnée. Si
j'ai bien entendu les explications du ministre, ce matin, un avis de Me Yves
Pratte recommande de faire une enquête publique, d'instituer une
commission d'enquête et le ministre décide d'accepter cet avis et
en informe le juge.
M. Bédard: C'est-à-dire que mon sous-ministre en a
informé le juge, à ma demande.
M. Lalonde: Oui, c'est sûr, le sous-ministre agit sous les
instructions du ministre.
M. Bédard: C'est cela.
M. Lalonde: Alors, le ministre informe le juge de sa
décision. Si on doit en croire certains rapports, ce n'est pas
exactement ce qui est arrivé. Là, la lettre du ministre ou du
sous-ministre serait peut-être un élément
révélateur. Est-ce qu'il a informé le juge de l'intention
de faire une enquête ou s'il a dit que le ministre se proposait de
recommander une enquête, ou bien s'il a informé de la
décision du Conseil des ministres qu'une enquête soit faite? (17
heures)
M. Bédard: De la décision du ministre de la Justice
de demander une commission d'enquête.
M. Lalonde: Mais la décision du Conseil des ministres
n'était pas prise encore.
M. Bédard: On a une recommandation dans ce sens.
M. Lalonde: À ce moment, la lettre du sous-ministre
serait-elle dans le sens que le ministre avait décidé de proposer
au Conseil des ministres une commission d'enquête? Si tel est le cas,
le
ministre ne peut pas prétendre que la démission du
magistrat a été faite en toute volonté, en toute
liberté. Il me semble qu'il est absolument inadmissible que l'on menace
quelqu'un de faire une enquête, qu'on l'en informe et ensuite qu'on
décide de ne pas faire enquête parce qu'il y a une
démission. C'est ce que je trouve absolument odieux. Sans tenir compte,
naturellement, du degré de culpabilité ou de
non-culpabilité de la personne en question je l'ignore, il y a
des faits que le ministre connaît et que nous ne connaissons pas
mais ce que nous commençons à connaître dans le public est
quand même assez important pour qu'on se pose des questions.
M. Bédard: Pardon. Je m'excuse, mais vous dites...
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais qu'on me laisse
terminer. Je n'ai pas...
Le Président (M. Laplante): Si M. le ministre
accepte...
M. Lalonde: Non seulement je n'ai pas interrompu le ministre,
mais je l'ai laissé compléter toutes ses questions avant de
revenir là-dessus.
Le Président (M. Laplante): ... nous allons essayer de
compléter l'intervention du député de
Marguerite-Bourgeoys, et après vous pourrez répondre.
M. Bédard: D'accord.
M. Lalonde: C'est là la première question. Il
m'apparaît totalement inadmissible que l'on informe quelqu'un qu'on va
faire une enquête sur son comportement avant de décider de la
faire. Depuis quand informe-t-on quelqu'un qu'on a l'intention de faire une
enquête publique sur son comportement? Comme je le dis, s'il s'agissait
de faire une enquête publique sur l'état des routes au
Québec, ce serait différent, mais sur la conduite et le
comportement de quelqu'un... Et encore là, si les documents qui nous ont
été remis sont les vrais, le juriste, Me Yves Pratte, dans ce
temps-là, était d'avis que le ministre de la Justice devrait,
dans l'état actuel du dossier, proposer au lieutenant-gouverneur en
conseil d'instituer, en vertu de la Loi des commissions d'enquête, une
enquête sur la conduite et le comportement du juge Fabien, depuis la date
de sa nomination comme juge à la Cour des sessions de la paix.
Il n'y a pas de mention, dans cette recommandation, parce qu'il s'agit
d'une recommandation d'une enquête seulement en vue d'une destitution
éventuelle. Il y a tellement de bruits qui ont été rendus
publics, et même des rumeurs confirmées par le ministre. Je me
souviens de certaines déclarations, de certaines réponses du
ministre en Chambre, selon lesquelles il s'agissait de savoir la provenance de
certains montants d'argent importants. Je n'ai pas la référence
directe ici, mais je me souviens très bien que le ministre avait dit
publiquement qu'il s'agissait de savoir si le juge Fa- bien avait reçu
des fonds dont il ne pourrait pas expliquer la provenance. C'est maintenant de
notoriété publique. Tout cela a commencé avec une
accusation de Me Alfred Chevalier, à savoir que le juge aurait
reçu un pot-de-vin, je crois, d'une compagnie, Alliance
sécurité blindée.
Je ne sais pas quel est l'état du dossier, mais je trouve tout a
fait inacceptable la façon dont le ministre a procédé,
c'est-à-dire avertir d'avance quelqu'un qu'on a l'intention de proposer
de faire une enquête publique sur lui. Au départ, c'est absolument
inacceptable. Le ministre relie l'enquête à la procédure de
destitution, alors que je ne vois pas ce lien dans les documents rendus
publics.
Ce qui est important, c'est de savoir si le ministre avait raison de
faire une enquête. C'est ce qu'il m'a dit tantôt. D'accord, je
pense que les faits révélés par la recommandation de Me
Pratte, à ce moment, c'est une recommandation très valable, mais
Me Pratte parle de méfiance et de suspicion à l'égard du
juge Fabien. Le fait qu'il démissionne, sous la menace d'une
enquête, m'apparaît premièrement inacceptable.
Deuxièmement, je peux peut-être citer un éditorial
de Jean-Claude Leclerc, qui est quand même assez récent, puisqu'il
date du 14 avril 1978, concernant l'argument qui veut que maintenant qu'il y a
eu une démission, on n'a pas besoin d'enquête: "C'est par une
argumentation à caractère sophiste que Me Marc-André
Bédard prétend que le juge en chef ayant
démissionné, pareille commission n'était plus
nécessaire." Il poursuit un peu plus loin: "Quand un ministre et un
gouvernement se trouvent en pareil embarras, l'intégrité de la
justice et la crédibilité du parti au pouvoir sont servis non pas
par une prudence qui prête flanc à des soupçons de
tergiversation intéressée, et de "cover-up", mais par une action
ouverte et diligente. "
Je pense que, dans les circonstances, les explications du ministre sont
totalement inacceptables. Il reste actuellement sans le juger pour ma
part, mais il est jugé par la population qu'un ancien juge est,
à quelque part, peut-être réadmis au Barreau sans aucune
objection du ministre qui, comme membre du Barreau, aurait pu s'opposer avec
l'avis de 30 jours; comment expliquer ces choses? Il me semble qu'on trouve ici
ce que l'avocat, le président de l'Association des avocats de la
défense, Me Serge Ménard, disait dans une nouvelle parue il y a
quelques jours, et je cite la nouvelle: "L'esprit d'indécision pourrait
être le mauvais côté de la trop grande prudence dont fait
preuve le ministre québécois de la Justice, avec toute l'amertume
qu'il suscite après le grand espoir que la nomination de Me
Marc-André Bédard à ce poste prestigieux avait permis
d'intervenir".
Ce n'est pas être prudent que d'hésiter à prendre
ses responsabilités, c'est l'intégrité de la justice et de
tout l'appareil judiciaire qui est en jeu, M. le Président. Ce sont les
remarques que je voulais faire là-dessus, parce que je sais qu'il y a
toutes sortes de ragots qui sont publiés de ce temps-ci, je ne veux pas
les faire miens, mais il reste qu'il y a un principe qui est fondamental
ac-
tuellement: C'est comment un justiciable est traité devant nos
tribunaux et s'il n'y a pas d'enquête... Cela fait sept mois que c'est
fini, la conférence de presse du ministre a eu lieu à quelque
part en septembre. Apparemment, une enquête policière aurait
continué et le même Jean-Claude Leclerc disait le 29 septembre
1977, le lendemain ou quelques jours après la conférence de
presse du ministre: "Le ministre de la Justice a laissé une porte
entrouverte en ajoutant, hier, qu'il était embarrassé par
semblables problèmes et qu'il allait demander l'avis du conseil de la
magistrature. ' Je vais demander au ministre s'il a demandé avis au
conseil de la magistrature dans ce cas-ci, et si c'est exact qu'il avait
laissé la porte ouverte, mais je n'ai pas assisté à sa
conférence de presse et je lui demanderais de considérer
très sérieusement la façon inacceptable avec laquelle
cette affaire a été traitée et quelles dispositions
devraient être prises pour rétablir l'intégrité de
la justice dans cette affaire.
Le Président (M. Laplante): Le ministre de la Justice.
M. Fontaine: M. le Président, je voudrais juste ajouter
quelque chose là-dessus avant que vous ne répondiez.
Premièrement, je suis d'accord avec la plupart des propos
énoncés par le député de Marguerite-Bourgeoys et je
pense que les constatations que fait Me Pratte, à l'effet que les faits
n'étaient pas suffisamment étayés en droit pour entamer
une procédure de destitution à la Cour d'appel, montrent d'ores
et déjà qu'on n'était pas trop sûr de notre
affaire.
Il reste un fait, c'est que le juge a démissionné et que
nous sommes présentement devant un citoyen comme les autres qui, de par
ses fonctions, a été pratiquement jugé avant qu'on ait pu
lui faire un procès. Il y a un principe dans notre droit qui dit: "Tout
le monde est innocent tant qu'il n'a pas été
déclaré coupable. " Je pense que, dans ce cas-là, cela n'a
pas été tout à fait le cas. Mais le fait est accompli et
le juge a démissionné. Cependant, le ministre de la Justice a
déjà répondu en Chambre, je pense que c'est le 3
août 1977, à une question de M. Lalonde; il avait dit à ce
moment: "Hier et aujourd'hui on m'a posé et on me pose certaines
questions concernant ce sujet d'intérêt public."
J'estime qu'effectivement ces questions sont d'intérêt
public, au plus haut point, et je puis assurer cette assemblée qu'elle
recevra des réponses dans les meilleurs délais,
c'est-à-dire après que j'aurai reçu le rapport complet
d'enquête, ce qui ne saurait tarder.
J'ai en effet l'intention de faire publiquement le point et la
lumière sur toute cette question, tant sur le fond de l'enquête
que sur l'aspect de la collaboration des personnes concernées. M. le
Président, je pense qu'aujourd'hui on serait peut-être en droit de
demander au ministre: Pourquoi ne pas faire la lumière, comme il l'avait
promis, tant sur le fond de cette enquête que sur l'aspect de la
collaboration des personnes concernées? Parce qu'aujourd'hui, à
la suite des événements qui se sont produits, on est quand
même en droit de se poser des questions, et la population est en droit de
s'en poser. Par exemple, celle-ci: Est-ce qu'il y a eu, oui ou non, des
tentatives de corruption vis-à-vis du juge Fabien? Pourquoi la CECO a
interrogé à huis clos Me Chevalier? Pourquoi n'a-ton pas
donné suite à ce témoignage? Est-ce qu'il aurait pu y
avoir des poursuites?
L'enquête de la Sûreté du Québec s'est-elle
déroulée impartialement? On a parlé, à un moment
donné, d'intervention politique dans ce dossier.
M. Bédard: Allez plus tranquillement.
M. Fontaine: Je peux répéter, M. le
Président, il y a au moins trois questions, avec le journaliste M.
Leclerc, qu'on peut se poser actuellement. Est-ce qu'il y a eu des tentatives
de corruption, oui ou non, vis-à-vis du juge Fabien? Pourquoi la CECO
a-t-elle interrogé Me Chevalier à huis clos et pourquoi on n'a
pas donné une suite à ce témoignage, s'il y avait lieu
à prendre des poursuites? L'enquête de la Sûreté du
Québec s'est-elle déroulée impartialement? On a
parlé d'intervention politique qu'il aurait pu y avoir dans ce
dossier-là.
Une voix: Précisez!
M. Charbonneau: Précisez!
M. Fontaine: Je vais préciser si vous le voulez. À
un moment donné, on m'a posé, à l'Assemblée
nationale, une question en ce sens: Est-ce qu'il était vrai que M.
Chevalier avait pu prendre connaissance d'un rapport d'étape qui avait
été produit par la Sûreté du Québec?
M. Lalonde: II n'a pas répondu.
M. Fontaine: Et on n'a jamais eu de réponse
là-dessus. Le ministre, je pense, s'il n'avait pas refusé de
répondre, avait évité d'y répondre. On a dit
également que l'enquêteur, M. Clément Bousquet de la
Sûreté du Québec était un ami personnel de Me
Chevalier.
M. Charbonneau: Qui est-ce qui a dit cela? M. Fontaine:
Est-ce que ces faits-là sont... M. Charbonneau: Colombo!
M. Fontaine: Monsieur, on pose des questions et c'est au ministre
de répondre.
Une voix: Un journaliste.
M. Charbonneau: Un journaliste, on n'a pas la même
définition d'un journaliste.
M. Marchand: Si vous voulez faire une enquête, faites-en
une.
Une voix: Si vous aviez été au Devoir vous auriez
dit la même chose.
Le Président (M. Laplante): À l'ordre!
M. Fontaine: Alors, M. le Président, se sont toutes des
questions auxquelles la population est en droit d'attendre des réponses.
Si le ministre a l'intention de faire la lumière là-dessus, qu'il
la fasse aujourd'hui ou demain, mais qu'il la fasse d'une façon ou d'une
autre.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Je vais laisser le ministre de la Justice...
Une voix: Ne vous mettez pas les pieds dans les plats!
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y aurait d'autres
questions?
M. Bédard: Je vais essayer de répondre à
toutes les questions qui pourraient se poser.
M. Lalonde: Je voudrais réitérer. Le
député de Nicolet-Yamaska a posé une question que je
voulais poser et que j'avais oubliée; c'est que le 3 août 1977,
j'ai posé à deux reprises à la page 2653 la question:
Comment se fait-il que selon ses prétentions Me Chevalier aurait pris
connaissance du contenu du rapport d'étape? On sait que Me Chevalier
était le dénonciateur là-dedans. Je vais
répéter la réponse du ministre, et je cite: "Je vous ai
dit, tout à l'heure, que toutes les questions qui ont été
posées et dont j'ai pris note, hier, celles qui me sont posées
aujourd'hui, les autres qui pourraient être ajoutées selon que
nous pourrons les évaluer, sont pertinentes et que c'était mon
intention de faire publiquement la lumière sur ce dossier, de
répondre à chacune des questions et de le faire en temps et lieu,
en termes de responsabilité, à savoir est-ce que j'aurai le
rapport complet d'enquête"? C'était au mois d'août 1977 et
on est en avril 1978. J'aimerais savoir si le ministre va faire enquête
pour savoir comment il se fait qu'il y a du coulage.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, cela serait
peut-être assez long comme réponse. Je crois bien qu'il y a lieu
d'y mettre le temps nécessaire...
Le Président (M. Laptante): Un sujet délicat et que
les réponses soient claires.
M. Bédard: Ou point de vue chronologique, à la
suite du témoignage rendu par l'avocat Alfred Chevalier, le 24 janvier
1977, devant la Commission d'enquête sur le crime organisé, la
Sûreté du Québec a entrepris, en février 1977, une
enquête policière sur certains aspects de la conduite de M.
André Fabien, alors juge en chef des Sessions de la Paix à
Montréal. (17 h 15)
Bien que l'enquête c'est important ait
débuté à la suite et à propos des
allégations faites par l'avocat Alfred Chevalier, elle devait, assez
rapidement, permettre d'établir un certain nombre de faits
étrangers au témoignage de M. Chevalier. Le 28 mai 1977, j'ai
rencontré le juge en chef André Fabien et je lui ai alors
représenté que dans l'intérêt supérieur de la
justice, il y avait lieu, soit que les faits soient éclaircis
très rapidement avec son entière collaboration, soit qu'il
s'abstienne d'exercer ses fonctions pendant la période de
l'enquête.
Par lettre, en date du 1er juin 1977, le juge en chef André
Fabien m'avisait de sa décision, tout en conservant les
prérogatives de sa charge pendant la période de l'enquête,
de s'abstenir d'en exercer les fonctions et ce, pour la durée de
l'enquête. À ce moment-là, j'avais offert à M. le
juge Fabien, le juge en chef, de faire la lumière sur les faits qui
étaient portés à notre attention, et de collaborer avec
les officiers, les enquêteurs de la Sûreté du Québec
qui étaient chargés de ce dossier. L'honorable juge m'a
avisé, dans une lettre datée du 1er juin 1977, de sa
décision de s'absenter, c'est-à-dire de s'abstenir d'exercer ses
fonctions. Donc, une première occasion lui était offerte
très clairement de pouvoir donner toutes les explications
nécessaires à la Sûreté du Québec.
Le 22 juillet, le juge en chef m'avisait de sa décision de
reprendre immédiatement ses fonctions, alléguant qu'il avait
toutes les raisons de croire que l'enquête était terminée.
Le 24 juillet, je l'avisais par télégramme que tel n'était
pas le cas. Dans le plus entier respect du principe fondamental de
l'indépendance judiciaire, n'ayant alors pas en main un rapport
suffisamment circonstancié de la Sûreté du Québec
pour justifier une décision autre, je me suis abstenu d'intervenir
à nouveau, relativement à la décision prise par le juge en
chef André Fabien.
Le 18 août 1977, la Sûreté du Québec m'a
transmis un rapport d'étapes relativement à son enquête.
Dans les jours subséquents, quelques documents additionnels furent remis
au ministère. De façon exceptionnelle, à cause des hautes
fonctions occupées par la personne visée, considérant le
droit du public à une information à ce sujet, tenant compte du
fait qu'il n'est pas prévisible queces faits soient
autrement rendus publics, tenant compte aussi de ce que les médias y ont
déjà fait référence, je confirme, en substance et
pour l'essentiel de ce qu'il est d'intérêt public de
révéler, que ce rapport établit la réception et
l'utilisation par M. Fabien d'importantes sommes d'argent dont la provenance
n'a pas été expliquée de façon satisfaisante. Par
ailleurs, ces faits bruts ne comportent en eux-mêmes aucun aspect
criminel, et le rapport de la Sûreté du Québec ne contient
la preuve de la commission d'aucun acte criminel, ni relativement à ces
faits, ni relativement à aucun autre. Mais le poste de juge et de juge
en chef exige que de tels faits soient éclaircis. Je pense que l'opinion
de Me Pratte, maintenant juge en chef de la Cour suprême, était
très claire sur ce point. Les intérêts supérieurs de
la justice demandent en effet, de la part de ceux qui sont chargés de la
dispenser, une attitude et une conduite qui soit et qui apparaisse à la
fois irréprochable.
Après avoir pris connaissance de ce rapport, j'ai, par
écrit, le 25 août 1977, demandé formelle-
ment au juge en chef André Fabien de reconsidérer, dans
les circonstances, le bien-fondé de la décision qu'il avait prise
le 22 juillet, soit de remonter sur le banc, et de revenir à l'attitude
qu'il m'avait indiquée dans sa lettre du 1er juin, et ce, jusqu'à
ce que les faits révélés dans le rapport et les questions
ainsi soulevées à son sujet aient été
éclaircis à la satisfaction du ministre de la justice, par les
moyens jugés appropriés par celui-ci, dans le meilleur
intérêt de la justice.
Le 26 août 1977, le juge en chef André Fabien m'avisait de
sa décision de s'abstenir d'exercer les fonctions de sa charge
jusqu'à ce que la situation ait été éclaircie. Et,
conformément à l'article 72 de la Loi des tribunaux judiciaires,
le Conseil des ministres autorisait M. Yves Mayrand, juge des sessions,
à assumer provisoirement la juridiction administrative du juge des
sessions à Montréal, pendant l'absence du juge en chef.
En l'absence de précédents et de jurisprudence sur le
sujet, j'ai demandé aux officiers de mon ministère, ainsi
qu'à un procureur conseil, Me Yves Pratte, de me faire part de leur
opinion sur les mesures qui devraient être prises à la suite des
informations contenues dans le rapport qui m'avait été
communiqué par la Sûreté du Québec. Les juristes du
ministère et le procureur conseil, Me Yves Pratte, avaient
particulièrement à analyser, s'il y avait lieu pour le Procureur
général de se prévaloir de la procédure de
requête en destitution devant la Cour d'appel prévue à
l'article 76 de la Loi des tribunaux judiciaires ou s'il y avait lieu de
procéder à la nomination d'un commissaire-enquêteur afin
que les faits soient éclaircis.
Après étude sérieuse de cette délicate
question, les officiers du ministère de la Justice et le procureur
conseil m'ont recommandé de procéder à la nomination d'un
commissaire-enquêteur dont le mandat aurait été
d'éclaircir les faits, afin de démontrer, le cas
échéant, les qualités d'intégrité et
d'indépendance de M. Fabien et de dissiper ainsi toute méfiance
ou suspicion à son endroit ou, encore, me permettre de me
prévaloir de la procédure prévue à l'article 76.
Leur opinion de tous ces juristes peut être
résumée dans les phrases suivantes de Me Yves Pratte: "L'article
76 ne permet pas la tenue, par la Cour d'appel, d'une enquête en vue de
déterminer s'il existe des faits qui justifient la destitution d'un
magistrat. L'enquête dont parle l'article 76 est limitée à
la preuve des faits allégués dans la requête et vise
à déterminer l'authenticité de ces faits. En d'autres
mots, l'enquête devant la Cour d'appel n'a pas pour objet de rechercher
des faits dont on peut préalablement affirmer l'existence; elle vise
plutôt à vérifier la véracité
d'allégations précises formulées contre un magistrat."
Me Yves Pratte continuait dans ces termes: "Je suis d'opinion que dans
l'état actuel du dossier, le ministre de la Justice ne peut, tout en
respectant les principes constitutionnels qui le lient et, eu égard
à la prudence dont il doit faire preuve en pareille matière,
procéder par voie de requête en destitution en vertu de l'article
76 de la Loi des tribunaux judiciaires. J'en viens donc, par un simple
procédé d'élimination, à la conclusion que
l'institution d'une commission d'enquête en vertu de la Loi des
commissions d'enquête est, dans l'espèce, le moyen le plus
approprié pour faire la lumière dans cette affaire."
Le juge Pratte en venait, par un procédé
d'élimination, à cette conclusion que le moyen était la
commission d'enquête, puisque l'enquête policière qui
aurait pu être un moyen était moins efficace, étant
donné que nous avions à procéder dans des délais
rapides. Il ne faut quand même pas oublier qu'à ce
moment-là M. André Fabien était toujours juge en chef de
la Cour des sessions de la paix, ce qui n'est plus le cas maintenant.
Alors, il appert en effet que le ministre de la Justice a l'obligation
d'assurer l'indépendance et l'intégrité de la
magistrature, de défendre l'intégrité d'un magistrat
contre des attaques injustifiées. Mais si les accusations sont
fondées, il doit prendre les mesures nécessaires pour que le
magistrat indigne cesse d'agir. Suite à ces avis juridiques, j'ai
demandé au sous-ministre de la Justice d'informer M. le juge en chef,
à ce moment-là, de mon intention de recommander au Conseil des
ministres l'institution d'une enquête et la nomination d'un
commissaire-enquêteur, relativement à certains faits
réglés par le rapport de la Sûreté du Québec
à son sujet.
Le 20 septembre, le sous-ministre de la Justice a fait part au juge en
chef André Fabien de mon intention de procéder à cette
recommandation lors du Conseil des ministres. Le 21 septembre, soit dès
le lendemain. Par considération et eu égard à la haute
fonction de M. André Fabien, et pour des considérations
humanitaires, j'ai accepté d'accorder au juge en chef André
Fabien un délai d'une semaine qu'il m'avait demandé à ce
moment, par l'entremise de mon sous-ministre qui avait communiqué
oralement avec lui.
Mardi le 27 septembre, une semaine plus tard, le juge en chef
André Fabien m'a informé qu'il démissionnait de son poste,
parce qu'il était d'avis que son état de santé ne lui
permettait plus de continuer à remplir ses fonctions de façon
satisfaisante et, le 28 septembre, le Conseil des ministres a accepté
cette démission. Je dois ajouter que cette démission n'a pas
été demandée, n'a fait l'objet d'aucune tractation et,
suivant la Loi des tribunaux judiciaires, ne donne droit à aucune
pension. Cette démission rend inutile l'institution d'une commission
d'enquête étant donné que celle-ci avait pour but, et c'est
très clair dans l'opinion de Me Pratte, de déterminer l'occasion,
pour le Procureur général, de présenter une requête
en destitution devant la Cour d'appel, conformément à l'article
76 de la Loi des tribunaux judiciaires.
Cette démission m'oblige de plus à traiter M. André
Fabien comme tout citoyen ordinaire. Je dois dire que tous ces faits, toute
cette chronologie, ce n'est pas aujourd'hui que j'en fais part aux membres de
la commission parlementaire, ou même à l'Assemblée
nationale, c'est exactement le contenu de la mise au point que j'ai faite lors
de la conférence de presse qui a eu lieu le même jour, je crois,
que la démission de M. Fabien.
M. Lalonde: On l'avait reconnu. Cela ne répond pas
à nos questions.
M. Bédard: Non, on va revenir.
J'avais également, lors de cette conférence de presse,
produit une lettre de Me Yves Pratte, indiquant qu'il n'était pas
d'intérêt public de révéler les faits même de
l'enquête. J'avais alors donné à la presse le contenu de
l'opinion juridique de Me Yves Pratte.
M. le Président, cette enquête pour répondre
à certaines des questions a été menée d'une
façon tout à fait impartiale par la Sûreté du
Québec. On a laissé entendre et je reprends les
expressions du représentant de l'Union Nationale que
l'enquêteur principal, M. Bousquet, était un ami de Me Chevalier,
le dénonciateur. C'est complètement faux. Mes informations sont
très clairement dans ce sens que M. Bousquet, l'inspecteur, a
rencontré une fois M. Chevalier, il y a une dizaine d'années.
Lorsqu'il a eu à le rencontrer concernant cette enquête, il n'y
avait eu aucune autre communication entre les deux. Alors, ceux qui
prétendent qu'il y a un lien d'amitié entre l'enquêteur
principal et le dénonciateur sont complètement dans l'erreur, et
c'était un fait facilement vérifiable. (17 h 30)
On a laissé entendre que l'enquêteur était
l'enquêteur du ministre de la Justice; c'est complètement faux, et
le Solliciteur général sait très bien que lorsqu'il y a
une enquête qui doit être instituée, ce n'est pas le
ministre de la Justice qui détermine les enquêteurs, ce sont les
autorités de la Sûreté du Québec, ce qui a
été fait dans ce cas-là. De plus, il n'y avait pas
seulement un enquêteur, il y avait, outre M. Bousquet, le caporal
Desrochers qui assistait M. Bousquet dans son enquête et cinq autres
agents qui, effectivement, étaient chargés également de
cette enquête. Quand on prétend que M. André Fabien ne
voulait pas donner des informations, des explications à M. Bousquet
à cause des liens d'amitié qu'il aurait pu avoir avec Me
Chevalier, je pense que cela n'a aucun fondement, parce qu'il n'y avait aucune
amitié entre M. Bousquet et Me Chevalier.
Le représentant de l'Union Nationale m'a posé la question
quant à savoir s'il y avait eu des interventions politiques. Ce dossier
a été strictement traité par le ministère de la
Justice, par le ministre de la justice avec le concours des officiers du
ministère, et le concours également de Me Yves Pratte comme
conseiller spécial. Il n'y a eu absolument aucune intervention politique
dans ce dossier, qui devait d'ailleurs être traité uniquement par
le ministère de la Justice. Les recommandations qui ont
été faites pour la nomination de Me Mayrand et de M. Vignola ont
été des recommandations faites par le ministre de la Justice et
acceptées unanimement par le Conseil des ministres.
On a fait état qu'il y aurait pu avoir intervention politique
parce que M. le juge Mayrand, qui a été nommé juge en chef
intérimaire, avait été préalablement associé
à M. Chevalier. Il n'y a eu aucune intervention puisque, lorsque j'ai
nommé M. le juge Mayrand juge en chef durant l'absence du juge Fabien,
je n'étais même pas au courant de cette association
postérieure.
M. Lalonde: Passée.
M. Bédard: De cette association passée. D'ailleurs,
même si j'en avais été mis au courant, ceci ne m'aurait pas
influencé dans la nomination du juge Mayrand comme juge en chef parce
que sa nomination a été faite après une longue
consultation, plusieurs consultations dans le milieu des juges, des avocats de
la couronne et d'autres personnes qui étaient en mesure de nous donner
des renseignements. Toutes ces consultations ont été à
l'effet que le juge Mayrand est un homme de valeur dont
l'intégrité ne peut être mise en doute, dont la
compétence ne peut être mise en doute et qui, justement,
constituait dans les circonstances un juge qui pouvait accéder à
ce poste de juge en chef de la Cour des sessions. Je puis vous dire que depuis
sa nomination, je n'ai eu que des éloges à l'endroit de M. le
juge en chef Mayrand.
M. Blank: Sauf de Me Shoofey. M. Charbonneau: II n'y a
rien là.
M. Bédard: Concernant son esprit de travail, sa
probité, sa compétence et sa capacité, autrement dit,
d'occuper cette haute fonction de juge en chef. Concernant la nomination de M.
Vignola, comme directeur du service de police à Montréal, il n'y
a eu absolument aucune intervention, d'ailleurs, des...
M. Lalonde: On n'a pas connu Vignola, nous autres. Avez-vous lu
le livre?
M. Bédard: Non, je comprends, mais je n'aime pas jouer
à l'autruche.
M. Lalonde: Mais vous faites le tour, répondez aux
questions des députés.
M. Bédard: On va répondre à des
questions...
M. Fontaine: Si on peut avoir la lumière, je suis bien
d'accord pour que le ministre réponde à toutes les questions qui
viennent à son esprit.
M. Bédard: Alors, il n'y a eu absolument aucune
intervention politique. Dès le début de mon mandat, j'avais
indiqué qu'il y avait un problème sérieux à
Montréal concernant la direction du service de police, qu'il y avait un
problème de structure et qu'il y avait un problème de leadership
et qu'effectivement il y avait lieu d'intervenir, ce que nous avons fait. M.
Vignola a été nommé à la suite de plusieurs
consultations auprès du milieu policier. Sa nomination répondait
à l'attente du milieu policier, il s'agit simplement de se rappeler avec
quel enthousiasme sa nomination a été acceptée.
D'ailleurs, il y a des consultations dans le cas de la nomination d'un
directeur de service de police de la Communauté urbaine qui sont
prévues par la
loi. Ces consultations ont été faites avec le conseil de
sécurité et toutes les personnes qui pouvaient être en
mesure de fournir au ministre de la Justice des informations dans ce
sens-là.
Alors, pour répondre aux questions du représentant de
l'Union Nationale, une enquête policière s'est
déroulée impartialement, sans intervention politique d'aucune
façon, et concernant le fait de savoir si M. Alfred Chevalier, selon
votre question...
M. Lalonde: M. le Président, il me fait plaisir de
répéter ma question. Avec le tour d'horizon qu'on a fait, je
comprends que le ministre ait oublié ma question.
M. Bédard: Non, je ne l'ai pas oubliée.
M. Lalonde: Comment se fait-il que, selon ses prétentions,
Me Chevalier ait pris connaissance du contenu du rapport d'étapes?
Depuis le 3 août, j'attends la réponse; je peux attendre encore
quelques minutes.
M. Bédard: Je comprends, ce sont les prétentions de
Me Chevalier. Me Chevalier a été vu, on le conçoit,
à maintes reprises par les officiers de la Sûreté du
Québec. Je ne sais pas comment Me Chevalier, malgré
l'enquête qu'on a pu faire, est entré en possession de documents
tel qu'il le dit, de même que je ne sais pas comment d'autres ont pu
entrer en possession de documents qu'ils détiennent.
M. Marchand: Vous n'aimeriez pas cela le savoir?
M. Bédard: J'aimerais certainement le savoir, mais...
M. Marchand: Cherchez-le!
M. Bédard: ... mais nous cherchons.
M. Lalonde: Ah! vous cherchez?
M. Bédard: Oui.
M. Lalonde: Vous ne cherchez pas fort!
M. Bédard: Si vous me permettez, l'ancien Solliciteur
général, l'ancien procureur, c'est-à-dire le
député de Marguerite-Bourgeoys a peut-être
déjà eu à assister ou à être mis en face de
certaines fuites qu'il n'a pas élucidées non plus.
M. Bédard: II sait très bien une chose: lorsqu'il y
a une fuite, entre vous et moi, l'enquête est extrêmement difficile
à faire.
M. Lalonde: Avez-vous demandé à Me Chevalier
comment il était venu en possession...? C'est un collaborateur de la
justice, puisque c'est lui qui a dénoncé le juge Fabien au
début. Est-ce que vous lui avez demandé, à Me Chevalier,
comment il était venu en possession du rapport?
M. Blank: Personne ne l'a demandé?
M. Bédard: Personnellement, je n'ai jamais
communiqué avec M. Chevalier pour lui demander cela.
M. Blank: II est ici très souvent; c'est facile de lui
demander.
Le Président (M. Laplante): À l'ordre! Laissez
répondre le ministre.
M. Bédard: Je n'ai pas communiqué avec M. Chevalier
pour lui demander cela.
M. Blank: On le voit partout ici, c'est facile de le lui
demander.
M. Lalonde: Quand vous le rencontrez dans les corridors...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Louis, vous avez demandé la collaboration du ministre tout
à l'heure d'attendre la fin de vos interventions.
M. Blank: Excusez-moi.
Le Président (M. Laplante): J'aimerais que le ministre
finisse son intervention et si vous avez d'autres questions, je les
permettrai.
M. Blank: Oui, j'ai une question à poser.
M. Bédard: Vous disiez: circuler. Est-ce que vous
pouvez...
M. Blank: Oui, j'ai dit, en passant, que je vois, depuis
l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, Me Chevalier très
souvent dans les coulisses du parlement et même dans cette salle de
commissions à l'occasion de l'étude de certains projets de loi
privés, au salon rouge, au café du parlement; c'est facile de lui
poser une question, il est ici très souvent. Ce n'est pas un
étranger au parlement.
M. Bédard: Le ministre de la Justice n'est pas celui qui
fait enquête, ce n'est quand même pas un enquêteur. Je ne
commencerai pas à aller voir M. Chevalier pour lui poser des
questions.
M. Blank: On vous avait posé cette question le soir
où...
M. Charbonneau: Question de règlement, M. le
Président.
M. Bédard: La Sûreté du Québec
continue son enquête et il faut espérer qu'elle en arrivera
à une conclusion; maintenant, on sait très bien, le
député de Marguerite-Bourgeoys sait très bien qu'il y a
des enquêtes qui durent très longtemps et ce n'est quand
même pas le ministre de la Justice qui est le juge de la durée
d'une enquête policière.
M. Blank: Est-ce que je peux poser...
Une voix: Une question, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verchères avait demandé la parole au préalable.
M. Charbonneau: Seulement deux points que je voulais souligner,
M. le Président. D'abord, et cela pourrait peut-être permettre de
répondre à une des questions que le député de
Nicolet-Yamaska a posées tout à l'heure, qui à mon sens
était impertinente, c'est: Pourquoi la Commission d'enquête sur le
crime organisé n'a-t-elle pas elle-même poursuivi l'affaire
Fabien? C'est parce qu'elle a eu le témoignage... Pour avoir
travaillé non seulement comme journaliste couvrant l'enquête de la
CECO mais également comme consultant de la Commission d'enquête,
je peux vous dire que devant une révélation comme
celle-là, le mandat de la CECO ne permettait pas à la commission
de poursuivre l'affaire.
M. Blank: Oui, mais il est obligé...
M. Fontaine: Maintenant qu'il a démissionné...
M. Blank: Même d'être obligé?
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charbonneau: Le mandat de la Commission d'enquête sur le
crime organisé ne le permet pas, ce qui ne veut pas dire, à un
moment donné, que le ministre de la Justice ne peut pas, comme il l'a
indiqué tout à l'heure, recommander qu'il y ait d'autres
enquêtes qui se fassent. Mais la commission d'enquête, l'organisme
constitué, n'avait pas, dans son mandat, à donner une information
de cette nature; son travail était de faire rapport au ministre de la
Justice et de voir à ce que... (17 h 45)
M. Marchand: Est-ce que le député parle au nom du
ministre?
M. Fontaine: Cela vous déplaît qu'un
député connaisse ses dossiers?
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Laurier, s'il vous plaît! Nous avons le bon ordre depuis le matin, et
vous n'êtes pas inscrit sur la liste des intervenants, ni sur celle des
membres réguliers, et puis...
M. Fontaine: II a le droit de parole. M. Blank: II a le
droit de parole.
Le Président (M. Laplante): J'aimerais, s'il vous
plaît...
M. Blank: C'est l'étude des crédits.
M. Lalonde: C'est l'étude des crédits.
M. Charbonneau: C'est moi qui ai la parole.
M. Fontaine: Est-ce que la commission attendra pour entendre un
citoyen?
M. Lalonde: Si le député de Verchères me
permet une question, en fait, ce n'est pas une question, je suis totalement
d'accord avec ce qu'il vient de dire, qu'une dénonciation de la nature
de ce qu'on connaît, qu'un pot-de-vin aurait été
payé, pouvait ne pas entrer de façon claire dans le mandat de la
CECO. C'est là-dessus que cela me satisfait; d'ailleurs, je n'ai pas
posé la question. On a vu que suite a été donnée,
par une enquête de police, ce qui se fait, je pense, tout à fait
naturellement dans ce cas. À moins que le député de
Nicolet-Yamaska n'ait d'autres questions, pour ma part, cette affaire serait
réglée et nous passerions aux affaires sérieuses.
M. Charbonneau: D'autres affaires sérieuses, parce que
finalement je pense que c'est important que certains députés, de
bonne foi...
M. Lalonde: Parce que le poisson est noyé, il a de la
misère à respirer.
M. Charbonneau: On va le noyer et puis vous allez voir qu'on va
le sortir de l'eau pour vous montrer de quel genre de poisson cela avait l'air.
C'est qu'il y a des députés de bonne foi qui... cela vous
énerve, mon doux Seigneur! Bon, si cela ne vous énerve pas,
laissez-moi parler.
M. Blank: Ce n'est pas nous autres, c'est vous autres qui vous
énervez.
M. Marchand: II est à le noyer.
M. Charbonneau: Donc, je disais de bonne foi, mais en
écoutant certains collègues, je me demande si c'était
vraiment de bonne foi. Peut-être que certains députés
peuvent utiliser différentes sources d'information pour poser des
questions. Il faudrait peut-être en savoir plus long sur l'une de ces
sources qui, dernièrement, a écrit un livre sur toute la
question, et qui affirmait, à la page 59 je cite cela et vous
allez voir comme c'est intéressant. On dit ici: "La thèse du
maire Drapeau est celle-ci, qu'il n'y avait pas vraiment de crime
organisé dans la métropole, et à la lumière"
c'est le journaliste auteur du livre...
M. Lalonde: C'est le livre de Dubois?
M. Charbonneau: Oui, c'est le livre de Dubois sur lequel...
M. Lalonde: Ne nous dites pas qu'on va commencer à
étudier le livre de Dubois ici?
M. Charbonneau: Non, on a fondé certaines des questions,
sur...
M. Lalonde: Non, jamais, pas moi.
M. Charbonneau: Peut-être pas vous, mais...
M. Lalonde: Le ministre a répondu à des
questions à Dubois, mais jamais je n'ai posé des questions
à Dubois.
M. Charbonneau: II y a des choses tantôt qui ont
été dites...
M. Lalonde: Ce sont les conférences de presse du
ministre...
M. Charbonneau: ...cela venait de là, cela ne venait pas
de l'éditorial de Jean-Claude Leclerc, vous ne viendrez pas nous
raconter des histoires.
M. Lalonde: Jean-Claude Leclerc.
M. Fontaine: II est ici, l'éditorial de Jean-Claude
Leclerc.
M. Charbonneau: II y a des questions qui ont été
posées tantôt qui ne venaient pas...
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Verchères, veuillez continuer
votre intervention.
M. Charbonneau: ... de cet éditorial. Seulement pour
terminer, ce que ce journaliste indiquait dans son livre, c'est qu'à la
lumière des choses étalées en six ans d'enquête, on
a pu conclure en fait qu'il avait presque raison, c'est-à-dire qu'il n'y
avait à peu près pas de crime organisé à
Montréal. S'il y a quelqu'un ici, autour de la table, qui est capable de
prétendre cela, qui est capable de prétendre qu'un auteur qui va
affirmer cela est sérieux, cela ne me fait rien, je vais
démissionner.
M. Lalonde: Si le ministre peut continuer ses
réponses.
M. Fontaine: On vous encourage à démissionner.
M. Charbonneau: Cela veut dire que vous croyez cela.
M. Lalonde: Voulez-vous signer cela?
Le Président (M. Laplante): Monsieur le ministre.
M. Blank: On va avoir un siège pour le nouveau patron.
M. Charbonneau: Je l'ai eu pour cinq ans et je vais le
garder.
Une voix: On attend toujours vos réponses.
M. Bédard: Le représentant de l'Opposition
officielle, député de Marguerite-Bourgeoys, s'est
étonné que j'aie demandé au sous-ministre de la Justice
d'informer le juge Fabien que j'avais pris la décision de tenir une
commission d'enquête, afin d'éclaircir les faits. Je l'ai
demandé parce que, premièrement, il s'agissait du juge en chef de
la
Cour des sessions de la paix de Montréal et je crois qu'il aurait
été assez inconvenant qu'il l'apprenne par la voie des journaux.
Je l'en ai averti la veille il faut se rappeler des faits du
Conseil des ministres, ou la veille de la tenue du Conseil des ministres,
où une décision devait être prise dans ce sens. Je tiens
à vous dire que la décision était tellement prise,
à ce moment, que nous avions même choisi le juge qui, en fait,
aurait présidé à cette enquête.
Ce n'était pas d'une intention que nous faisions part au juge en
chef, mais vraiment d'une décision. Chacun peut avoir son opinion.
Étant donné qu'il s'agissait du juge en chef, étant
donné qu'il savait déjà qu'il y avait une enquête de
la Sûreté du Québec sur son compte, il était
indiqué de l'avertir de cette décision, de la même
façon que je crois qu'il était, pour des raisons humanitaires,
facilement concevable que je donne suite à sa demande d'un délai
d'une semaine pour lui permettre de réfléchir. Je tiens à
le souligner, c'est à la demande même du juge Fabien que nous
avons accordé ce délai. Je ne vois pas comment on peut essayer de
se scandaliser de cette démarche du ministre de la Justice qui me
semblait et qui me semble encore tout à fait indiquée.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ... le ministre nous a relaté les faits depuis
le début. On savait tout cela. D'ailleurs, il a avoué
lui-même que c'est la conférence de presse qu'il nous a relue.
M. Bédard: Pourquoi dites-vous: Avoué
lui-même? J'ai dit que c'était...
M. Lalonde: Bon, c'est cela.
M. Bédard: ... le contenu de la conférence de
presse...
M. Lalonde: Alors, le ministre nous disait...
M. Bédard: ... et que tous ces faits quand vous
regardez tous les aspects sont...
M. Lalonde: Donc, c'était connu.
M. Bédard: ... déjà connus et portés
à la connaissance de la presse.
M. Lalonde: C'est plus que cela qu'on veut savoir. Voulez-vous me
laisser parler? Je vous ai laissé parler. Les faits, au fond, se
résument à quoi? Une dénonciation; le juge ne veut pas
collaborer; il y a des faits troublants qui sont rendus publics, y compris la
réception d'argent dont la source n'a pas été
expliquée; la recommandation là-dessus, je suis
très bien le processus du ministre, quoiqu'on ait hésité
un peu trop émanant de sa consultation avec un grand juriste, Me
Pratte. La conclusion, c'est de faire la lumière.
Quant à moi, la démission du juge Fabien, sur la menace
d'une enquête, ne rassure personne quant à
l'intégrité de l'administration de la justice. C'est ce qui
m'intéresse, que l'intégrité de l'administration de la
justice soit au-dessus de tout soupçon. Jamais je n'ai je ne sais
pas si d'autres députés l'ont fait, mais sûrement pas le
député de Nicolet-Yamaska mis l'impartialité de la
Sûreté du Québec en doute là-dedans. Mais il est
évident que l'enquête policière piétinait parce
qu'on ne pouvait pas avoir la collaboration du témoin Fabien.
La nomination du juge Mayrand, je n'en ai jamais parlé. Quant
à moi, le juge Mayrand...
M. Bédard: Je ne vous ai pas fait de grief à ce
propos.
M. Lalonde: C'est un excellent juge.
M. Bédard: C'est le représentant de l'Union
Nationale qui en a parlé.
M. Lalonde: Puis...
M. Fontaine: Je n'ai pas parlé de cela, M. le
Président. Je n'ai pas parlé de cela du tout.
M. Bédard: Non, non. Qui a parlé d'intervention
politique.
M. Lalonde: La nomination de M. Vignola, jamais je n'en ai
parlé. Au lieu d'essayer de faire des circonvolutions méandreuses
autour de la question et d'essayer de noyer le poisson cela fait trois
quarts d'heure est-ce que vous allez laisser cela là? Avec tous
les bobards et les ragots qui se racontent et la réputation de
l'administration de la justice qui est mise en doute, allez-vous laisser cela
là?
M. Blank: Et même nos confrères, nos
collègues.
M. Bédard: II n'est pas question de laisser cela là
et je l'ai dit...
M. Lalonde: Vous avez dit: une enquête
policière.
M. Bédard: ... lors de ma conférence de presse, que
le dossier demeurait ouvert, que l'enquête continuait et...
M. Lalonde: L'enquête policière...
M. Bédard: ... elle continue. L'enquête
policière continue.
M. Lalonde: ... dont l'incapacité a été
reconnue par le ministre parce qu'il s'est fait recommander par Me Pratte de
faire une enquête publique, avec les pouvoirs de la commission
d'enquête. C'est un aveu d'impuissance.
M. Charbonneau: II n'est plus juge en chef. Il est simple citoyen
maintenant. Vous êtes si fort sur les libertés individuelles,
allez-vous faire une enquête publique sur un citoyen ordinaire?
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verchères.
M. Blank: Est-ce que je peux dire un mot sur la réponse du
député de Verchères?
Le Président (M. Laplante): Non, je ne voudrais pas que ce
soit...
M. Lalonde: II a le droit de parole.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous une question au
ministre?
M. Blank: Oui, j'ai une question à poser au ministre. Je
demande au ministre pourquoi il ne fait pas une enquête publique parce
que c'est plus qu'un simple citoyen, le juge Fabien. Il est déjà
jugé, et mal jugé, je pense, par l'opinion publique. Il y a
l'autre côté de la médaille, on n'a pas parlé de
tout ici. Ce fameux poisson qu'on veut noyer, comme le député de
Marguerite-Bourgeoys l'a dit. Il y avait un aveu de Me Chevalier et je
ne parle pas du livre je parle des faits connus dans le public. Il y a un fait
et il y a d'autres personnes qui ont reçu des accusations publiques. Au
moins, ces gens doivent avoir le droit de se défendre, de se
blanchir.
M. Lalonde: Se défendre.
M. Blank: Parce que Me Chevalier a nommé une personne qui
a donné un pot-de-vin. Pour recevoir un pot-de-vin, il doit y avoir une
autre personne qui le lui donne. Lui-même, devant la CECO, a donné
le nom de la personne, et c'est intéressant de savoir qu'à ce
moment, cette personne est son client. Même des années plus tard,
cette même personne était son client; il est venu ici, il est
allé devant d'autres régies ou tribunaux et toujours avec ce
même client. Me Chevalier est reconnu comme un organisateur du Parti
québécois.
M. Charbonneau: C'est faux.
M. Blank: C'est faux?
M. Lalonde: II n'a jamais été organisateur.
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, à
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Blank: Organisateur de trois députés qui
siègent avec nous autres.
M. Charbonneau: C'est faux!
M. Blank: Au moins, ces gens doivent avoir le droit de dire
non.
M. Charbonneau: Ce n'est pas parce que c'est écrit dans un
livre que cela est vrai.
M. Blank: Une minute, une minute! Je n'ai pas fini.
M. Charbonneau: Voyons donc!
M. Blank: Et c'est curieux que le même avocat avec le
même client a et comme témoins des collègues de la Chambre.
S'il y a des soupçons...
M. Bédard: On n'est plus dans le dossier Fabien.
Pardon!
M. Blank: Oui, on est dans le dossier. M. Lalonde:
Justement.
M. Blank: Le commencement de ce dossier est...
M. Bédard: Vous pouvez aller ailleurs, si vous voulez, je
n'ai pas d'objection, mais...
M. Blank: Je vais en appeler de la commission Babeau.
M. Bédard: Babu.
M. Blank: Babu, on trouve ce nom dans tous les dossiers et des
gens qui sont victimes de soupçons en public ont le droit de se
défendre. Je veux défendre le droit de nos collègues ici,
parce que le public lie maintenant nos collègues à cette affaire.
Je ne veux pas que des députés de cette Chambre soient
accusés sans avoir le droit de se défendre. C'est pour cela qu'on
a besoin d'une enquête publique. Cela est rendu plus loin qu'une
enquête sur les capacités d'un juge en chef. C'est le gouvernement
qui est maintenant en jeu. Je n'accuse personne, mais c'est certain que ces
accusations sont fausses, mais elles sont dans l'esprit du public. Ils ont
droit d'avoir une enquête publique pour faire toute la lumière
là-dessus.
M. Bédard: Est-ce que le député pourrait me
dire de quoi sont accusés nos collègues?
M. Blank: Ils sont accusés de participer à la
pression politique en faveur de Me Chevalier.
M. Bédard: Je viens de vous dire qu'il n'y a eu aucune
intervention politique.
M. Blank: Le public ne croit pas à ce qui se passe ici. Le
public veut avoir une enquête publique.
M. Lalonde: Indépendante.
M. Blank: Indépendante. C'est cela que le public veut.
M. Charbonneau: Cela n'est même pas relié à
l'affaire Fabien dont vous parlez depuis le début.
M. Blank: Oui, c'est aussi relié à l'affaire
Fabien.
M. Lalonde: Non?
M. Charbonneau: Non.
M. Blank: On va régler beaucoup d'affaires.
M. Charbonneau: Ah! Vous voulez avoir des enquêtes
publiques "at large"?
M. Blank: Non, sur cette affaire. Sur l'affaire Babeau. Babu
Babeau. Je ne me souviens pas de son nom.
M. Charbonneau: Ce n'est plus l'affaire Fabien? Vous avez
changé d'affaire.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Verchères.
M. Blank: C'est Babeau qui commençait à faire...
Babu qui a donné les premiers $25 000, selon le témoignage de Me
Chevalier.
M. Lalonde: Oui.
M. Charbonneau: Et puis?
M. Blank: Son avocat, et encore son avocat! C'est curieux, c'est
très curieux. Où il y a de la fumée, il y a
peut-être du feu.
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y a d'autres
questions avant d'entreprendre l'élément 1 du programme 1?
M. Fontaine: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, j'imagine que s'il y a
des gens qui seront visés d'une façon tout à fait
particulière, tel que l'a exprimé le député de
Saint-Louis, ces derniers ont le droit de se prévaloir de poursuites
civiles. Concernant le dossier du juge Fabien...
M. Blank: La cause...
M. Bédard: ... qui regarde le ministère de la
Justice, je vous ai dis très clairement qu'il n'y avait pas eu
"d'attentisme" et que, dès que nous avons eu l'opinion de Me Pratte,
nous avons pris une décision dans le sens de la recommandation, qu'il
n'y avait pas eu de menace d'une commission d'enquête, mais que le juge
avait été informé de la décision d'une commission
d'enquête et je crois que cette commission d'enquête, loin
d'être une menace, aurait pu être l'occasion rêvée
pour M. André Fabien de se justifier de la même façon. Il
ne faut pas oublier qu'à deux reprises nous avons donné
l'occasion à M. Fabien de fournir les explications qu'il croyait
appropriées afin d'éclaircir cette situation.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais...
M. Bédard: M. Fabien a décidé de
démissionner, ce n'est pas la décision du ministre de la Justice,
c'est la décision de l'ancien juge. (18 heures)
M. Lalonde: M. le Président, en terminant, je voudrais
dire au ministre qu'affirmer des choses, à un moment donné, les
gens ne nous croient plus. Il faut faire plus qu'affirmer.
Le Président (M. Laplante): Travaux ajournés
à demain, 10 heures.
M. Bédard: Tout le dossier est très clair.
(Fin de la séance à 18 h 1)