L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de la justice

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de la justice

Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le vendredi 17 novembre 1978 - Vol. 20 N° 193

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat: L'indépendance du pouvoir judiciaire et ses conséquences sur le rôle des juges


Journal des débats

 

Question avec débat

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la justice est réunie pour discuter de la question avec débat du député de Nicolet-Yamaska au ministre de la Justice sur le sujet suivant: l'application du principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire et ses conséquences sur le rôle des juges dans la société québécoise.

Je présume que tous les membres de cette commission connaissent les règles qui régissent cette question avec débat. Je donne donc immédiatement la parole au député de Nicolet-Yamaska. M. le député.

Exposé du sujet M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Mes premiers mots seront tout d'abord pour déplorer le fait que, du côté du gouvernement, même si on sait que les règles de procédure de ce genre de commission ne requièrent pas de quorum, les députés ministériels ne semblent pas trop intéressés à la question de l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux deux autres pouvoirs. Plusieurs députés auraient dû être présents aujourd'hui, des députés qui souvent se font critiques à l'endroit soit des avocats, soit des juges, par exemple Mme le ministre des Consommateurs qui aurait sans doute pu apporter un point de vue intéressant à cette commission et qui, aujourd'hui, brille par son absence.

M. Bédard: Elle n'est pas membre de la commission.

M. Fontaine: II n'y a pas de membres. M. Lalonde: II n'y a pas de membres ici.

M. Bédard: Non, mais il y a un bout à déplorer!

M. Lalonde: II n'y a pas de membres ici.

M. Fontaine: II n'y a pas de membres de la commission. Je remarque, pour les fins du journal des Débats, que le ministre de la Justice est seul à la table aujourd'hui, du côté du gouvernement.

M. Bédard: Ils ont tenu pour acquis que j'étais capable de me défendre seul.

M. Lalonde: C'est une erreur! (10 h 15)

M. Fontaine: M. le Président saura sans doute vous venir en aide si vous vous sentez mal pris, à un moment donné.

Le 3 novembre dernier, la Conférence des juges provinciaux lançait un débat public sur un thème assez surprenant venant de ceux qui ont comme vocation l'interprétation des lois. Ce thème était l'inexistence du pouvoir judiciaire. Que les magistrats nommés par le gouvernement provincial prennent la peine d'organiser un tel débat me paraît un signe fort inquiétant parce qu'il me semble y avoir décelé un véritable problème, un problème qui les préoccupe tellement que, contrairement à leurs habitudes, ils en sont venus à discuter de cette chose sur la place publique. On sait que les juges sont des gens sérieux. S'ils ont décidé de procéder de cette façon, c'est que le problème est sans doute en profondeur.

M. le Président, j'ai eu le plaisir et l'honneur de participer à ce colloque. Malheureusement, le gouvernement, pour des raisons qui lui appartiennent et qu'il ne m'appartient pas d'expliquer ici, avait jugé bon de ne pas participer à cette réunion. C'est une fois sur les lieux, en discutant avec les juges présents que j'ai constaté jusqu'à quel point ceux-ci remettent en cause l'existence même du pouvoir judiciaire et, par ricochet, ce fameux principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Il faut dire que ce n'était pas la première occasion pour moi d'aborder cette question. Le ministre se rappellera que lors de l'étude du projet de loi 40, en juin dernier, Loi modifiant la Loi des tribunaux judiciaires et créant le Conseil de la magistrature, proposant également un nouveau mode de rémunération des juges et un réaménagement complet de leur régime de pension, l'Union Nationale avait abordé l'étude de ce projet de loi en s'interrogeant notamment sur les conséquences que pourrait avoir ce projet de loi sur le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Je voudrais vous citer un court passage, M. le Président, du discours du député de Mégantic-Compton du 13 juin 1978 qui disait ceci: "En effet, sous le couvert d'amendements techniques à plusieurs articles de la Loi des tribunaux judiciaires, le gouvernement nous invite indirectement à aborder la discussion sur une question extrêmement importante qui touche l'essence même des fondements démocratiques qui sont à la base de notre système constitutionnel, tel qu'il existe à l'heure actuelle."

Cette question que, à tort ou à raison, nous avons tendance à tenir pour acquise, concerne le juste équilibre qu'il nous faut maintenir constamment entre les trois expressions du pouvoir au sein de notre société, à savoir le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

M. le Président, dans le but d'illustrer la fragilité, la position délicate et souvent inconfortable du pouvoir judiciaire, en somme sa vulnérabilité face aux responsabilités dévolues aux pouvoirs exécutif et législatif relativement à l'administration de la justice, nous avions cité alors un extrait d'un

article publié dans la Revue du Barreau du Québec de 1968.

M. le Président, bien que cette citation date déjà de dix ans, je pense que malheureusement elle est encore beaucoup d'actualité. J'aimerais vous citer ce passage d'un article de l'honorable juge Trudel dans la Revue du Barreau, 1968, qui disait ceci: "Une observation scientifique s'avère indispensable au préalable. Un étonnement est irrépressible devant une première constatation. L'appareil judiciaire n'a aucune ossature qui permette à ceux qui ont exclusivement la responsabilité de rendre la justice d'oeuvrer dans l'établissement des moyens d'en assurer l'efficacité. Le corps judiciaire n'a même pas, dans la constitution, un rôle consultatif reconnu et nanti des organes normaux pour chercher et exprimer une suggestion sur les structures du pouvoir qu'on lui a confié. Tout ceci — de continuer le juge Trudel — est dévolu à l'exécutif et au législatif, parfois au Barreau, comme dans le cas particulier de la capacité des sténographes judiciaires. Le pouvoir judiciaire canadien se caractérise, s'il ne se définit pas, par un ensemble de juges isolés dans les divers tribunaux rendant des décisions sous leurs noms et n'ayant, sur l'appareil judiciaire fondé pour assurer l'efficacité de leurs décisions, aucune autorité valable et efficace. Le budget, la nomination des aides et officiers de justice, la logistique, rétablissement de tribunaux, tout leur échappe pour se reporter sur l'exécutif."

Le juge Trudel continue: "La justice est trop importante pour lui continuer de telles entraves qui diminuent son efficacité et sa productivité. D'autres services de l'Etat existent avec des facilités administratives qui ont décuplé et assoupli leur rendement, comme l'Hydro-Québec ou la Régie des alcools. Il suffit de n'en nommer que quelques-unes. Elles doivent beaucoup à l'absence de traditions d'ancienneté ou d'origine noblement incertaine et reculée. La raison ne saurait refuser au pouvoir judiciaire ce qui est essentiel à la bonne marche de tout service public. Il serait normal de suivre la logique de la responsabilité qu'on impose au judiciaire en lui laissant le choix des moyens et les moyens de choisir les outils, les instruments, les rouages et le personnel requis pour atteindre ses fins avec un rendement maximal. Alors, véritablement, ce qu'on appelle aujourd'hui l'indépendance judiciaire et qui est réduite, en somme, à la sécurité de juge sera-t-elle enfin réalisée et dans sa dimension réelle produira-t-elle des effets bénéfiques dans une société qui aurait raison d'être rassurée et confiante." On voit bien que cette citation, encore aujourd'hui, reste bien d'actualité.

C'est dans le but de répondre à ces préoccupations, du moins en partie, que le juge Trudel disait ce que je viens de citer. Je peux vous assurer, M. le Président, que les discussions du 3 novembre, lors de la conférence des juges, ont été très vives. Le ministre de la Justice avait déjà discuté ce sujet, justement, lors de l'étude en deuxième lecture du projet de loi 40. Il nous avait informés, à ce moment-là, qu'il devait former un comité. Je vais vous faire une citation très rapidement: Dans la logique de ce que prévoit la loi pour le financement du perfectionnement des juges, il me semble important d'étudier la possibilité de confier une plus grande autonomie aux juges en ce qui touche l'administration des sommes d'argent consenties par l'Etat pour ses services de soutien. C'est le mandat que je confierai à un groupe de travail sur l'indépendance administrative, qui sera composé de représentants du ministère de la Justice et de juges.

M. le Président, ce matin je pense qu'il serait important pour le ministre de la Justice de nous dire — d'informer la population du Québec — si effectivement il a donné suite à ses paroles, de nous dire si le comité qu'il annonçait au mois de juin 1978 est effectivement formé, de qui il est formé, quel est exactement le mandat de ce comité, si le comité a fait rapport ou fera rapport, si ce rapport sera rendu public et s'il y aura un débat public sur ce rapport.

Je pense qu'il serait temps ce matin que le ministre de la Justice nous dise quelles mesures concrètes ont été prises dans ce sens. Des réponses précises de la part du ministre aujourd'hui seraient de nature à calmer les appréhensions de nos magistrats québécois qui, lors de ce colloque, se sont dits être malheureux. Je voudrais que le ministre puisse nous faire part aussi des intentions du gouvernement vis-à-vis d'autres mesures qui pourraient être prises en vue de faire disparaître le plus possible les tracasseries administratives, les obstacles matériels, les pressions sociales et politiques qui ne facilitent pas le travail des juges. Je fais allusion à la floraison prodigieuse de lois-cadres avec des pouvoirs de réglementation délégués à des fonctionnaires.

Je cite, à titre d'exemple, la loi 67, dont on a discuté longtemps à l'Assemblée nationale et en commission parlementaire, où les critiques ont été nombreuses tant de la part des députés de l'Opposition que du Barreau face aux responsabilités qui étaient dévolues à des fonctionnaires. C'était un peu la même chose lorsqu'on a étudié la loi 77 sur l'immigration. Les députés ont eu l'occasion de se prononcer, à ce moment-là, sur le fait que des lois-cadres soient votées par l'Assemblée nationale alors qu'en fait la véritable loi est la réglementation et que les députés n'ont aucun moyen de se prononcer sur cette réglementation.

Cette tendance de plus en plus marquée ne surprend pas seulement les législateurs, mais aussi les juges. C'est ainsi que, souvent, le pouvoir législatif transforme les juges en fonctionnaires et les fonctionnaires en juges. Je voudrais, ici, M. le Président, vous apporter l'exemple des suspensions de permis de conduire. C'est un sujet qui touche beaucoup de nos familles québécoises. J'ai moi-même écrit au ministre des Transports et au ministre de la Justice pour leur demander d'étudier ce sujet afin de pouvoir amender la loi le plus rapidement possible.

Lors de l'adoption de la loi 67, on avait modifié la Loi de l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles de sorte que le direc-

teur du Bureau des véhicules automobiles peut suspendre le permis de conduire d'une personne qui est accusée de facultés affaiblies au moyen de l'ivressomètre. On sait que les juges provinciaux, ne voulant pas voir leurs décisions révisées par le directeur du Bureau des véhicules automobiles, actuellement, n'interviennent pas dans ce domaine, de sorte que plusieurs personnes, beaucoup de pères de famille surtout qui ont besoin de leur permis de conduire pour conserver leur emploi et faire vivre leur famille voient suspendre leur permis de conduire pour une période minimale de trois mois sans aucun recours. Je pense qu'il serait important que le ministre de la Justice y voie, de concert avec son confrère, le ministre des Transports, pour que la loi à ce sujet soit amendée le plus rapidement possible. Je pense que cela pourrait se faire d'une façon très simple et je puis l'assurer, du moins, de la collaboration de l'Union Nationale et probablement de l'Opposition officielle si le ministre décidait d'apporter de tels amendements.

Sur un autre sujet, je veux faire allusion également à la multiplication des tribunaux administratifs et quasi judiciaires où il n'existe pratiquement ni exercice de discrétion judiciaire, ni droit d'appel pour les citoyens. Je ne comprends pas que le ministre de la Justice n'agisse pas dans ce domaine.

Egalement, dans le domaine concernant les clauses privatives, on est en train d'étudier la Loi sur le zonage agricole. Dans cette loi, il y a encore des clauses privatives et on n'est pas loin de i'indépendance judiciaire. M. le Président

M. Bédard: Ce n'est pas fait...

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs! A l'ordre! M. le député de Nicolet-Yamaska, vous avez la parole.

M. Bédard: Vous pourriez peut-être le rattacher.

M. Fontaine: Je peux le rattacher certainement à i'indépendance judiciaire parce que si les juges sont privés d'exercer à leur discrétion à cause de clauses privatives, je pense que cela touche leur indépendance judiciaire. Si vous aviez assisté au congrès, M. le ministre, au congrès des juges, vous auriez pu certainement...

M. Lalonde: II n'était pas là?

M. Fontaine: Non, il n'était pas là malheureusement.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska...

M. Lalonde: On l'a rencontré dans le bout. Le Président (M. Clair): ... je vous rappelle qu'en vertu de l'article 162a de notre règlement, paragraphe a): celui qui a donné la question avec débat a le droit d'être entendu le premier, et le ministre questionné peut lui répondre immédiatement après. Chacune de ces interventions doit être limitée à 20 minutes. Je veux vous le rappeler dans le but de vous permettre de faire une intervention complète au départ. Allez-y.

M. Fontaine: M. le Président, je reviens au sujet. Je pense que le ministre de la Justice, avec tout l'appui qu'il peut avoir du sous-ministre actuel qui est un expert dans le domaine, pourrait certainement agir dans le domaine des clauses privatives qui se multiplient, malheureusement. Depuis deux ans, lors de l'étude des crédits, j'ai abordé ce sujet et on m'a dit à chaque fois qu'on y verrait, mais je pense que, jusqu'à ce jour, il n'y a pas grand-chose dans ce domaine qui a été fait. Il serait important de savoir du ministre de la Justice si c'est véritablement son intention d'agir dans ce domaine. Vous nous avez répondu il y a un an que c'était à l'étude, mais je pense que l'étude était commencée bien avant que le ministre de la Justice arrive à ce ministère. C'était d'ailleurs inclus dans le livre blanc sur l'administration de la justice. Je pense qu'il serait temps d'agir dans ce domaine. (10 h 30)

J'aimerais également obtenir du ministre de la Justice ou de son sous-ministre expert dans ce domaine des réponses concrètes et précises car cette question m'intéresse et intéresse également tout le domaine de l'administration de la justice.

Je voudrais également aborder de nouveau la question du salaire des juges et aussi celle du régime de pension contributive établi par la loi 40. Le ministre connaît bien la position de l'Union Nationale sur cette question. On lui avait déjà fait des propositions quant à l'adoption d'une loi qui permettrait une indexation du salaire des juges un peu semblable à celle de l'indexation du salaire des députés.

En terminant, je voudrais également attirer l'attention du ministre de la Justice qui est sans doute au courant de ce dossier sur l'insatisfaction des juges concernant les amendements de la loi 40 au sujet de la pension des juges et surtout du rachat d'années antérieures. On nous a informés que certains juges doivent débourser des sommes allant même au-delà de $35 000 sur une période de dix ans, ce qui veut dire que les juges seront privés de leur augmentation de salaire sur une période de dix ans, afin de racheter ce régime de retraite. Quand on connaît l'inflation d'aujourd'hui, je pense que ce n'est pas acceptable; il n'y a pas un syndicat qui aurait accepté, de la part du ministre, de semblables modifications. Je pense, M. le Président, qu'on a amplement de sujets sur !a table et le ministre de la Justice pourra sans doute éclairer tant l'Opposition que la population sur ces sujets qui sont d'actualité depuis dix ans.

Le Président (M. Clair): M. le ministre.

Réplique du ministre M. Marc-André Bédard

M. Bédard: Comme vous l'avez dit en terminant, ce sont des sujets d'actualité depuis dix ans. Depuis deux ans que nous sommes là, on a essayé de poser des gestes qui montrent notre détermination d'aller d'amélioration en amélioration, tout en ayant assez de réalisme pour comprendre qu'on ne peut pas tout faire en l'espace de deux ans. Au-delà des définitions et des discussions théoriques concernant le sujet très important de l'indépendance du pouvoir judiciaire, une seule chose me semble déterminante. C'est l'examen des mesures prises par le ministère de la Justice. Je crois que la loi 40, adoptée par l'Assemblée nationale en juin dernier, constitue le pas le plus important et le plus prometteur qui ait été franchi au Québec depuis au moins dix ans concernant la magistrature. Je n'irai pas — vous le savez très bien — jusqu'à dire qu'il s'agit d'une loi parfaite. Je ne crois d'ailleurs pas que les lois puissent être parfaites. Elles sont toujours perfectibles et nous avons assez de réalisme pour le constater.

Mais il reste que cette loi 40 constitue un pas très important. Non seulement cette loi a-t-elle réglé les problèmes urgents, mais elle a inscrit dans nos institutions ce qui, je crois, sera la pierre angulaire du pouvoir judiciaire, à savoir le Conseil de la magistrature qui constituera un organisme de toute première importance, non seulement en fonction de l'élaboration de règles de discipline, de déontologie, mais aussi qui constituera un organisme très important qui fera les recommandations qu'il jugera à propos de faire aux autorités gouvernementales.

Le député de Nicolet-Yamaska a abordé plusieurs sujets qui sont traités d'une façon spéciale par la loi 40 et ont été aussi abordés lors de la Conférence des juges. Entre autres, il y avait le sujet concernant le salaire des juges. Au chapitre du salaire des juges, prétendre que leur rattachement à une catégorie de hauts fonctionnaires ou a la politique générale de rémunération des officiers publics, prétendre que faire cela compromet l'indépendance des juges ou de la magistrature dans son ensemble constitue à mon sens une affirmation absolument démagogique, superficielle et contraire à l'observation la plus élémentaire de la réalité.

Depuis longtemps, nous avons eu l'occasion de constater que la question du salaire des juges faisait constamment le sujet de débats enflammés, et plutôt démagogiques sur les bords, à l'Assemblée nationale toutes les fois qu'il était question d'augmentation de salaire. C'est un problème qui existait non seulement depuis dix ans, mais depuis plus que dix ans. Nous avons essayé de corriger cette situation par le projet de loi no 40. Nous ne sommes pas tombés dans la nouveauté, à ce moment-là, puisque les neuf provinces anglaises du Canada procédaient déjà ainsi, et ce n'est pas sans motif.

De deux choses l'une. Les salaires des juges sont finalement déterminés par l'Assemblée natio- nale ou par l'Exécutif. L'expérience a démontré à plusieurs occasions et dans plusieurs provinces que le mécanisme législatif qui existait, c'est-à-dire une loi par année pour l'augmentation du salaire des juges, était trop lourd, trop long; plus que cela, qu'à la longue, il causait des injustices par les retards à s'adapter au contexte économique. Sur cet aspect du salaire des juges, lorsque nous avons présenté la loi 40, vous n'êtes pas sans savoir que cela faisait déjà deux ou trois ans que les juges n'avaient pas eu d'augmentation substantielle, justement parce que le mécanisme législatif était trop lourd. Celui que nous avons adopté nous permet d'être plus souples, je crois. Tout mécanisme fixé dans une loi manque ainsi de la souplesse nécessaire pour assurer l'amélioration normale de la rémunération, sans pour autant verser dans une croissance démesurée.

Au contraire, le mécanisme retenu par la loi 40 permet de s'adapter aux politiques d'ensemble de l'Etat en tenant compte du contexte économique. C'est non seulement efficace, mais c'est juste.

La loi 40 aussi, puisqu'on parle d'indépendance judiciaire, a consacré un mécanisme de nomination des juges. Je pense que c'est de toute première importance, puisque, lorsqu'on parle de l'indépendance du pouvoir judiciaire, il faut quand même réaliser que le juge est à la base de cette indépendance judiciaire. C'est, d'ailleurs, ce qu'explicitait le livre blanc sur la justice, que je me permets de vous citer, à la page 5: "Le juge étant le pivot de la justice, il est d'une extrême importance que ceux qui accèdent à la magistrature répondent aux exigences requises pour remplir la fonction avec intégrité et compétence. L'exercice de la fonction de juge suppose plusieurs qualités d'ordre divers, certaines sont d'ordre moral, comme le caractère, l'indépendance et l'impartialité; d'autres sont d'ordre technique ou résultent de l'expérience acquise, comme le savoir juridique, l'expérience des procès, la connaissance des hommes, la sagesse et le bon sens. "C'est la raison pour laquelle la nomination des juges est une affaire délicate et importante. Divers milieux aimeraient voir instituer un mode de nomination qui permette d'assurer chez les juges la présence de ces qualités. Il en découle aussi l'impératif de mettre en place une procédure appropriée pour la vérification des aptitudes à demeurer un juge lorsqu'une question sérieuse rend cet examen souhaitable ".

C'était le principe de base qui était énoncé dans le livre blanc sur la justice de l'ex-ministre de la Justice, M. Jérôme Choquette. La loi 40 est justement importante en ce sens qu'elle a consacré un mécanisme de nomination des juges qui place, je n'hésite pas à le dire, notre société à lavant-garde de tout ce qui est connu dans le monde occidental. Il y avait lieu d'encadrer ce processus de nomination pour assurer le plus possible que la compétence soit le principal critère de nomination et que l'action politique du candidat ne le favorise ou ne le défavorise pas.

Dans une longue analyse des différents systèmes de nomination des juges qu'il faisait en décembre 1977, le juge en chef Jules Deschênes

de la Cour supérieure du Québec, après avoir fait une réserve sur le traitement confidentiel des candidatures, disait: "Le système mis actuellement sur pied... Pas par les gouvernements qui nous ont précédés; c'est un problème qui existe depuis dix ans et plus, le problème de la nomination des juges. Donc, le juge en chef de la Cour supérieure, M. Jules Dechênes, disait très clairement ceci à propos du mode de nomination que nous avons mis sur pied: "Le système mis actuellement sur pied répond aux espoirs que les meilleurs esprits ont longuement exprimés".

Je pense que ceci est très éloquent en termes d'acceptation de ce principe. Je puis vous dire aussi — on aura peut-être l'occasion d'en discuter tout à l'heure — que même ceci rejoint des dispositions qui ont été prises par le président Carter concernant la nécessité de mise en place de mécanismes pour la nomination de juges. A moins de prétendre que seuls des juges devraient choisir de nouveaux juges, ce qui nous ramènerait à une conception féodale du pouvoir judiciaire, je crois qu'il y a là un pas susceptible d'améliorations, certes, mais un pas majeur.

Concernant le problème des pensions qu'a mentionné le député de Nicolet-Yamaska, on sait que la loi 40 a également introduit un nouveau régime de pension pour les juges. Ceux-ci en avaient déjà un, mais dans lequel ils n'avaient pas à contribuer leur part, du point de vue monétaire. A l'heure actuelle, comme vous le savez, ils contribuent à 71/2%, alors que tout récemment la Saskatchewan a établi une contribution non pas de 7 1/2% mais de 9% pour ses juges. L'ancien régime — il n'y a pas eu d'injustice là-dedans — a été maintenu sans aucune modification, respectant ainsi les droits acquis, mais un nouveau régime plus adapté et plus avantageux a été instauré. C'est cela la loi 40, concernant les pensions. En vertu de ce régime, un juge prenant sa retraite dans des conditions normales, aura droit à 70% de son traitement des cinq meilleures années. Ainsi, un juge qui prendrait sa retraite dans cinq ans aurait droit au minimum à 70% d'un traitement minimum d'à peu près $50 000, soit environ $35 000 de pension.

Si le représentant de l'Union Nationale ou le représentant du Parti libéral jugent cela insuffisant, je me demande...

M. Lalonde: Je n'ai pas dit un mot...

M. Bédard: Non, mais votre chef a dit quelque chose, on y reviendra...

M. Lalonde: Au moins, il n'était pas au bar en bas, il était là...

M. Bédard: Non, c'est complètement démagogique. Ce soir là, justement, j'ai passé la soirée avec le juge en chef qui venait d'être nommé et qui faisait l'objet d'une fête de la part de ses collègues, le juge Chassé... (10 h 45)

M. Lalonde: Bon, on passe aux aveux.

M. Bédard: II y a un bout à jouer à la petite démagogie et...

M. Lalonde: Donc, vous étiez là, donc vous étiez autour...

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, le ministre a droit à ses 20 minutes et je lui indique qu'il lui reste quatre minutes.

M. Lalonde: Bon, mais il m'avait attaqué.

M. Bédard: II y a également la loi 40. On aura l'occasion de revenir sur d'autres sujets — je ne les aborde pas tous — qui ont été mentionnés par le député de Nicolet-Yamaska. La loi 40 aussi — je le disais tout à l'heure — met en place ce qui sera, j'en suis convaincu, la pierre angulaire du système judiciaire, à savoir le Conseil de la magisr trature. Ce Conseil de la magistrature sera, j'en suis convaincu, la pierre angulaire de la réforme des tribunaux et la pierre d'assise de l'indépendance de la magistrature. Concernant le Conseil de la magistrature — j'avais l'occasion de le dire en deuxième lecture — le livre blanc sur l'administration de la justice, déposé en avril 1975 par mon prédécesseur du gouvernement libéral, proposait, après avoir examiné les différentes expériences qui existent ailleurs, la création d'un Conseil de la magistrature chargé de préparer un code de déontologie et doté de certains pouvoirs en matière de perfectionnement. Notre système judiciaire souffre énormément de l'absence d'un organisme officiel permettant d'établir un lien entre l'administration et les juges, de mettre sur pied des programmes de perfectionnement adaptés aux besoins des juges et d'élaborer un code de déontologie.

Les juges du Québec sont nommés durant bonne conduite et ils ne sont régis par aucune norme déontologique écrite, de sorte que la seule sanction d'une conduite qui ne serait pas conforme à l'éthique est la destitution. L'exercice d'un tel pouvoir suppose une faute à ce point grave qu'il n'a jamais été exercé. Les juges ne sauraient être soumis — c'est notre conviction — à aucune pression lorsqu'ils rendent leurs décisions et ils doivent pouvoir juger en toute liberté et sans aucune contrainte. C'est le principe même de l'indépendance judiciaire. Il nous faut cependant éviter l'érosion de l'éthique et de l'image d'impartialité et d'intégrité que doit avoir et que doit toujours conserver la magistrature. C'est pour cela qu'il était important — c'est que la loi 40 a fait — afin d'assurer l'objectivité et l'impartialité de ce conseil, qu'il ne soit pas issu uniquement du milieu de la magistrature. C'est pourquoi — on le constate dans la loi 40 que nous avons adoptée — deux de ses membres sont choisis par les membres du Barreau et deux autres sont des représentants du public.

Le Conseil de la magistrature, comme pierre d'assise de l'indépendance judiciaire, sera appelé à développer l'ensemble des responsabilités qui

lui sont octroyées par la loi au fur et à mesure que le temps fera son oeuvre et que les idées se préciseront. Ainsi, j'ai déjà dit que — le député de Nicolet-Yamaska y a fait référence — dès que le Conseil de la magistrature commencera son travail, je mettrai sur pied un groupe de travail sur les relations entre le judiciaire et l'administration. Alors, cela est conforme à ce que j'ai dit. Vous devriez le lire, c'est textuellement ce que j'ai dit en deuxième lecture. Dès que le Conseil de la magistrature commencerait son travail — ce qui n'est pas fait à l'heure actuelle — à ce moment-là, je m'engageais d'avance à mettre sur pied un groupe de travail pour étudier les relations entre le judiciaire et l'administratif.

Comme vous le savez, la loi 40 prévoit que des recommandations doivent être faites par le Barreau, par différents organismes, pour indiquer les personnes qui doivent siéger à ce Conseil de la magistrature. Il me reste certaines recommandations à recevoir et dès que je les aurai, nous allons, d'une façon très officielle, mettre sur pied — autrement dit — le Conseil de la magistrature et, conformément à ce à quoi je me suis engagé, nous mettrons également sur pied un groupe de travail sur les relations entre le judiciaire et l'administratif.

Mais quand on parle de relations entre le judiciaire et l'administratif, je pense qu'on peut dire honnêtement que, dans ce domaine, la réflexion au Québec est loin d'être terminée. D'ailleurs, le livre blanc sur la justice disait ceci concernant le rôle des juges dans l'administration: Les juges ont pour vocation de rendre la justice en arbitrant les litiges entre particuliers en matière civile et en sanctionnant les violations de la loi en matière criminelle ou pénale. Sur le strict plan de l'organisation judiciaire, le juge exerce ces attributions par l'acte de jugement. Toutefois, pour assurer l'exercice ordonné de cette fonction judiciaire, les juges ont besoin d'un cadre administratif et il appartient au ministère de la Justice de leur procurer les ressources humaines et physiques dont ils ont besoin pour s'acquitter de leur tâche.

Le livre blanc disait aussi ceci: Les juges ne sont donc pas engagés dans l'ordre administratif, lequel relève du pouvoir exécutif. C'est là une des caractéristiques principales de l'indépendance de la magistrature. Le juge est ainsi dégagé du fardeau administratif et exerce pleinement le rôle qui lui est imparti. Pas besoin de vous dire qu'il semble bien que l'esprit du livre blanc de celui qui m'a précédé est loin des propositions que nous fait le député de Nicolet-Yamaska de remettre tout l'ensemble de l'administratif entre les mains du judiciaire. Au contraire, on va exactement dans le sens opposé dans le livre blanc.

M. Fontaine: ... assisté à la conférence.

M. Lalonde: Votre programme, ce n'est pas bon?

M. Bédard: Oui, justement j'y viens. On ne s'est pas laissé arrêter par les réflexions du livre blanc; on s'est plutôt orienté vers ce que dit notre programme. Ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. Quand je parle de la mise sur pied d'un groupe de travail pour étudier les relations entre le judiciaire et l'administratif, je m'en vais exactement dans le sens de notre programme plutôt que dans le sens du livre blanc, parce que notre programme prévoit, dans son chapitre sur la justice, que soit accordé au pouvoir judiciaire un maximum d'autonomie administrative. Alors, je pense que le comité...

M. Fontaine: Ce n'est pas cela que je vous ai proposé...

M. Bédard: Une fois le Conseil de la magistrature en place, il y aura un groupe de travail qui sera mis sur pied pour étudier les questions d'administration, les relations entre l'administration et le judiciaire et je pense qu'il est fort possible, en tout cas, on peut le prévoir, que les résultats de ce groupe de travail s'orienteront dans le sens de — en tout cas, je ne peux tout de même pas présumer des recommandations—ceque dit le programme du parti.

Par ailleurs, je sais que le temps...

M. Lalonde: Qu'est-ce que cela donne d'avoir un groupe de travail, si vous pensez qu'il va s'orienter...

M. Bédard: Je l'espère. J'ai quand même le droit d'avoir mon optique personnelle mais il ne faut pas oublier que ce qui sera important à ce moment-là... Comme ministre de la Justice, j'ai le droit de penser que c'est peut-être dans cette ligne qu'on devrait s'orienter; j'ai déjà des gestes de posés...

M. Lalonde: On verra qui sera...

M. Bédard: ... qui laissent entendre que nous nous en allons dans cette ligne-là, mais ce qui sera important, c'est justement la composition de ce groupe de travail.

M. Lalonde: Oui, il faut qu'il aille dans votre sens. C'est important.

M. Bédard: C'est clair.

M. Lalonde: On verra qui va être déçu.

M. Fontaine: M. le Président, question de règlement.

M. Bédard: Vous être très perspicace. Je termine, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska invoque le règlement.

M. Fontaine: Je comprends, M. le Président, que le temps alloué au ministre est déjà terminé depuis quelque temps. S'il achève...

M. Bédard: Oui, j'achève.

Le Président (M. Clair): M. le ministre.

M. Bédard: Alors, il s'agira de prévoir qu'à l'intérieur de ce groupe de travail ce ne seront pas seulement des gens du ministère de la Justice, mais qu'il y aura, justement, une représentation très significative du Conseil de la magistrature et des juges qui sont concernés par le problème.

M. le Président, le 13 juin dernier, je déclarais, à l'occasion de l'adoption de la loi 40, que, dans la logique de ce que prévoit le projet pour le financement du perfectionnement des juges, il me semble important d'étudier la possibilité de confier une plus grande autonomie en ce qui touche l'administration des sommes d'argent consenties par l'Etat pour ses services de soutien. J'ai donné à ce moment l'indication. On ne peut pas tout faire en même temps et je continuais dans ce sens: "C'est le mandat que je confierai à un groupe de travail sur l'indépendance administrative, qui serait composé de représentants du ministère de la Justice et de juges."

Comme vous le voyez, M. le Président, et je termine là-dessus, les idées se modifient, quand même. Du livre blanc à aujourd'hui, on peut constater que les idées se modifient concernant ce sujet de l'autonomie administrative, mais on doit avouer qu'elles ne sont pas encore très précises. Permettez-moi de conclure en citant Me Patrice Garand qui, dans une excellente étude sur le sujet, disait: "Au Québec, la loi no 40 de 1978 constitue un premier pas dans une certaine direction qui à certains égards m'apparaît positive. C'est plus modeste que le mirage ontarien, mais c'est plus sûr."

M. Fontaine: II n'a pas été applaudi beaucoup à la conférence.

M. Bédard: Bon, il y a d'autres choses qu'il a dites aussi qui étaient très intéressantes et je comprends qu'il n'ait pas été applaudi.

M. Lalonde: M. le Président, une demande de directive. Est-ce que les autres ont droit de parole? Les autres, c'est seulement moi, d'après ce que je vois. Le groupe ministériel est assez ténu en nombre quoi que, en qualité on ait le ministre. Est-ce que j'ai droit de parole à un moment donné?

Le Président (M. Clair): Oui. "Un député peut prendre la parole aussi souvent qu'il lui plaît, à condition de ne parler plus de 20 minutes en tout; cette restriction ne s'applique pas au député qui a donné l'avis de question avec débat, ni au ministre questionné, lesquels ont un droit de parole privilégié." Ce règlement m'est apparu tellement clair jusqu'à maintenant que je vous reconnais pour vous donner le droit de parole.

M. Fontaine: J'ai un droit de parole privilégié selon le règlement et je voudrais tout simplement faire une remarque très courte; je ne veux pas vous empêcher de parler.

M. Lalonde: Merci.

Le Président (M. Clair): Si M. le député de Marguerite-Bourgeoys ne veut pas se retrouver à un siège encore plus loin.

M. Fontaine: Je voudrais tout simplement revenir sur des propos qui ont été tenus par le ministre qu'il me paraît très important de relever immédiatement. Lorsqu'il a traité de la réaction des juges en disant qu'elle était démagogique et superficielle, cela m'apparaît tout à fait injuste et, à sa face même, de nature démagogique de la part du ministre. Nous ne croyons pas que la solution retenue par le gouvernement, soit d'agir par voie d'arrêté ministériel concernant le salaire des juges, soit la meilleure et offre toutes les garanties nécessaires pour respecter le principe de l'indépendance judiciaire. La solution qui avait été proposée par l'Union Nationale lors de l'étude du projet de loi no 40, soit celle qui avait été retenue concernant le salaire des députés, m'apparaît beaucoup plus respectueuse de ce principe, car cette solution aurait réglé le problème pour de bon sans danger d'un changement possible et arbitraire dans l'avenir, ce qui existe toujours en théorie dans la formule retenue par le gouvernement.

On sait qu'il arrive assez souvent... On a déjà eu l'occasion en Chambre parfois de poser des questions au ministre sur un arrêté en conseil qui avait été passé concernant son ministère et il n'était même pas au courant. S'il y a des choses comme cela qui se produisent dans l'administration en adoptant des règlements, je pense que cela ne garantit pas nécessairement l'indépendance du pouvoir judiciaire.

M. Bédard: Juste sur ce point. Le député de Nicolet-Yamaska semble oublier quelque chose de fondamental. La loi 40 ne prévoit pas seulement un arrêté ministériel lorsqu'il s'agit d'augmenter ou de toucher au salaire des juges. D'abord, la loi 40 prévoit que le salaire des juges ne peut pas être réduit. Deuxièmement, pour l'arrêté ministériel, on prévoit une publication dans la Gazette officielle. Il y a aussi la possibilité d'un débat sur une augmentation du salaire des juges ou sur une décision concernant le salaire des juges qui aurait pu être prise par le Conseil des ministres, n'importe quand.

M. Lalonde: Un débat au Conseil des ministres.

M. Bédard: Ce n'est pas caché. Le contenu est dans la Gazette officielle. Si l'Opposition juge à propos de faire un débat sur ce sujet...

M. Fontaine: On pourrait faire un débat de 25 heures et on n'aurait pas de résultats.

M. Bédard: ... c'est toujours possible à l'Assemblée nationale. Je suis convaincu que ce serait un débat beaucoup plus positif que tous ceux qu'on a eus jusqu'à maintenant quand il s'agissait d'augmenter le salaire des juges, à la fin des sessions. (11 heures)

M. Fontaine: Mais il reste un fait, c'est le Conseil des ministres qui prend la décision. Il pourrait décider de modifier l'augmentation telle que prévue.

M. Bédard: Oui. C'est ce qui se fait dans neuf autres provinces. Arrêtez de faire croire que c'est une atteinte à l'indépendance judiciaire. Voyons!

M. Fontaine: On vous dit que ce n'était pas la meilleure solution.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Clair): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Point de vue de l'Opposition officielle

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: On voit que l'intérêt du gouvernement du Parti québécois est très mince quant à l'indépendance judiciaire. Le député de Nicolet-Yamaska l'a souligné tantôt. Le ministre de la Justice est ici. Merci beaucoup d'être là. Mais il n'y a aucun député, aucun autre ministre. Il y a la présidence, mais la présidence est invisible. Vous le savez, M. le Président. Il n'y a aucun autre député ici. C'est réellement déplorable. Il me semble qu'il devrait y avoir dans la deputation ministérielle... Où sont-ils rendus? Sont-ils dans le champ pour le référendum? C'est plus important le référendum que l'indépendance judiciaire, peut-être? Non?

M. Bédard: On pose des gestes pratiques, comme la loi 40.

M. Lalonde: Je ne parle pas de la loi 40. Je parle de l'absence du gouvernement...

M. Bédard: Ils ont voté pour la loi 40.

M. Fontaine: Vous pensez que la loi 40 est...

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. Laionde: Le 3 novembre, pas de gouvernement non plus pour rencontrer les juges. Je comprends qu'on avait, d'après ce qu'on a dit, délégué un superministre qui était occupé. Il semble que le ministre de la Justice, lui, allait aussi à un party, dans le coin, je ne sais pas, à une cérémonie, à un anniversaire quelconque.

M. Bédard: Je n'ai jamais vu être démagogique comme cela. J'ai eu l'occasion...

M. Lalonde: En tout cas, j'ai posé une question tantôt. Le ministre de la Justice n'était pas loin de la conférence à ce moment-là. On dit qu'il était même dans l'hôtel.

Le Président (M. Clair): A l'ordre!

M. Bédard: Je vous l'ai dit. J'ai passé une partie de la soirée avec le juge en chef, puisqu'on fêtait sa nomination ce soir-là.

M. Lalonde: Alors le ministre de la Justice a passé un bout de temps dans l'hôtel et il n'a même pas assisté à la conférence. M. le Président, il y a quand même un bout.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: M. le Président, permettez-moi, sur ce point-là...

Le Président (M. Clair): M. le ministre, vous aurez sûrement...

M. Lalonde: II n'y a pas de question de privilège ici. Mon temps est de 20 minutes et je le commence.

M. Bédard: Je ne sais pas. Ce n'est même pas un privilège.

Le Président (M. Clair): M. le ministre, vous aurez sûrement l'occasion de revenir sur le sujet. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Bédard: Pour ce que vous avez d'important à dire!

M. Lalonde: Je trouve cela arrogant. Je comprends que le ministre de la Justice représente un parti qui s'est déjà montré non seulement arrogant, mais même dégueulasse à l'égard des juges. Qu'on se souvienne — le ministre de la Justice en a sorti une bonne tantôt — du mécanisme trop lourd pour l'augmentation. Il parlait de la Chambre, de l'Assemblée nationale. Il peut bien dire trop lourd. Lui qui a participé assez peu — sa prudence déjà commençait à faire ses marques — lui, dont le parti a fait la plus basse démagogie avec le salaire des juges, a fait de ce débat une bataille de rue, de petite politicaillerie. Il peut bien dire que c'est un mécanisme un peu lourd. C'était rendu un mécanisme éhonté. A cause de qui, par exemple? A cause du Parti québécois. Je comprends bien. Ils ne veulent plus se montrer devant les juges. Enfin! L'indépendance judiciaire décrit cet idéal où le juge rend ses jugements dans la plus grande objectivité, surtout à l'égard des autres pouvoirs organisés, comme les groupes de pression et surtout, il inclut,

naturellement, le gouvernement, l'Assemblée nationale. Comme c'est la loi qui est l'institution démocratique suprême et que le gouvernement est appelé à appliquer les lois et à les faire modifier par l'Assemblée nationale, il n'est que juste qu'on se retrouve devant le gouvernement pour lui poser des questions sur l'indépendance judiciaire.

Pourquoi maintenant? Je pense que le député de Nicolet-Yamaska a soulevé à bon droit cette question que nous avons soulevée à d'autres lieux. Pourquoi maintenant? C'est parce que la question se pose avec beaucoup plus d'acuité actuellement. On a tenu pour acquis que l'indépendance des juges était une espèce de rempart infranchissable des vertus de notre régime démocratique. On a cru que les seuls périls qui menaçaient ce principe essentiel à une saine administration de la justice se présentaient sous la forme d'ingérence directe du pouvoir exécutif dans le processus judiciaire; par exemple, les fameux appels téléphoniques de certains ministres à un autre niveau, à des juges, et d'où sont venues certaines démissions. On l'a vu. Pourquoi à un autre niveau?

On pense que cela ne s'est pas passé ici? Donnons un exemple. Un appel téléphonique, à la demande du ministre, d'un sous-ministre à un coroner pour lui faire réviser son verdict lors de l'accident du premier ministre. N'est-ce pas de l'ingérence? Oui, c'est un cas. Dans ce cas-là, le ministre n'a pas démissionné. Il semble qu'ici on ait un autre ordre de valeurs.

On a même accepté dans notre vocabulaire le mot "pouvoir" pour décrire la réalité judiciaire. L'érosion de cette protection du justiciable est venue d'une façon beaucoup plus subtile et beaucoup plus périlleuse. D'abord, les lois-cadres avec la législation déléguée qui les accompagne nécessairement, le gigantisme de l'administration publique, la multiplication des tribunaux judiciaires, régies, offices, sans droit d'appel. Là-dessus — je pense que le député de Nicolet-Yamaska l'a mentionné, hier soir encore, en un autre lieu, on en parlait — on assiste, dans le projet de loi no 90, à une autre tentative de tripotage absolument éhon-tée de ces principes d'indépendance judiciaire. On crée une régie ou un office, on lui donne droit d'appel à lui-même, doit de révision qu'un député ministériel a eu le culot d'appeler un droit d'appel alors que c'est l'office qui révise ses propres décisions. On s'était déjà rendu là dans la loi 67, mais dans ce cas-ci — je ne me souviens pas si on l'avait dans la loi 67 — c'est le bout! On donne au gouvernement le droit de retirer à l'office des questions, des dossiers, des cas à volonté. Je ne pense pas qu'on l'ait fait pour la loi 67. Maintenant, il n'y a plus de limite à ce gouvernement!

C'est rendu, dans ce projet de loi no 90 sur le zonage agricole, que le ministre de la Justice le laisse passer comme une lettre à la poste. Nous ne sommes pas les seuls à nous plaindre. On a vu que cette conférence des juges a attiré une attention, a créé un intérêt assez rare dans la presse. Seulement quelques exemples. M. Jean-Claude

Rivard écrivait dans le Soleil du 10 novembre— ce n'est pas de son cru, mais il rapporte ce qui a été dit à la conférence: "II faudra cesser de transformer les juges en fonctionnaires, par exemple la loi 24, le Tribunal de la jeunesse, et de transformer des fonctionnaires en juges, par exemple la loi 67, les protonotaires spéciaux". Entre parenthèses, je n'ai pas eu le plaisir d'assister à cette conférence, le Parti libéral étant représenté par son chef, M. Ryan.

Je reviens à l'article du Soleil. "Deuxièmement, il faudra faire en sorte que les décisions judiciaires ne puissent être révisées par des fonctionnaires comme c'est actuellement le cas au Bureau des véhicules automobiles au sujet des permis de conduire". Encore là, la loi 67 en a fait de bonnes. Il continue: "II faudra mettre un terme au fléau de la législation déléguée par le biais des lois-cadres et cesser de rédiger des lois mal foutues". C'est le journaliste qui le dit.

Paul Lachance, dans le Soleil du 7 novembre, écrit: "L'accélération de la création des tribunaux quasi judiciaires et l'imposition des mesures législatives qui constituent, à toutes fins utiles, une amputation lente mais progressive du caractère fondamental de la judicature — avec d'autres choses qu'il mentionnait — sont de nature à inspirer la crainte". Il y a un tas de témoignages dans ce sens qui décrivent avec assez de précision quelles sont les raisons de cette érosion de l'indépendance judiciaire.

Vous me direz que ce n'est pas nouveau et vous aurez raison. Ce n'est pas nouveau, le type d'organisation sociale moderne que nous avons a fait qu'il a fallu avoir une multiplication des lois, trouver d'autres façons de légiférer que strictement en détail à l'Assemblée nationale. De là la législation déléguée et l'augmentation de la législation déléguée. L'administration publique est devenue plus gigantesque. Tout ça, oui, c'est vrai. Mais je pense que maintenant on a atteint un point de saturation et aussi un moment où il faut s'arrêter et réfléchir. Quand les juges décident de descendre dans la rue et de nous en parler, je pense que c'est le temps de s'arrêter et de réfléchir.

Je ne pense pas qu'ils se soient conduits de façon irréfléchie, de façon démagogique, comme, je pense, quelqu'un l'a dit ici, et ce n'est pas quelqu'un de l'Opposition. Je ne pense pas qu'ils se soient conduits comme des gamins ni comme des voyous. Ils ont simplement pris la responsabilité de faire connaître au public un état de fait. Il semble qu'ils ne sont pas les seuls puisque presque généralement, sauf M. Garant, apparemment, qui est un expert en droit administratif, la majorité des gens sont d'avis qu'il faut s'arrêter et réfléchir.

Que faire? Je pense qu'il y a certains moyens qui appartiennent à la catégorie des grands moyens exceptionnels, par exemple les amendements à la constitution où le principe et le rôle du pouvoir judiciaire seraient définis. Mais d'autres sont d'ordre administratif et je pense que le ministre de la Justice a une responsabilité très

claire à cet égard. Il s'agit de l'autonomie administrative. Le ministre nous a répété ce qu'il nous a dit au mois de juin — on est déjà rendu au mois de décembre, presque — c'est la constitution d'un groupe de travail. Il ne faudrait quand même pas rire du monde.

Ecoutez, vous avez autour de vous, au ministère de la Justice, des gens qui sont parfaitement familiers avec les problèmes quotidiens de l'administration des tribunaux et des juges. Je suis sûr qu'il y a des petites dispositions qui constituent des tracasseries pour les juges, qui pourraient tout de suite faire l'objet de décisions de la part du ministre et du ministère de la Justice. Pas besoin d'un groupe de travail pour ça.

Troisièmement, les lois-cadres et la législation déléguée. Le ministre de la Justice, comme jurisconsulte du gouvernement, a là encore une grave responsabilité. Mais ce qui m'étonne — je me suis d'ailleurs étonné de ça auparavant, mais il ne semble qu'aucun correctif n'ait été apporté — c'est que ce n'est pas le ministre de la Justice qui est le président du comité de législation. Je le déplore. Il me semble que, comme jurisconsulte du gouvernement, aussi comme responsable de l'administration de la justice et responsable de la protection de l'indépendance judiciaire, le ministre de la Justice devrait avoir son mot à dire au niveau de la façon dont on fait les lois, la façon dont on produit des lois-cadres à profusion, qui sont strictement des chèques en blanc pour faire des règlements et de la législation déléguée.

Là encore, le ministre de la Justice ne peut pas se défiler derrière un groupe de travail. C'est à lui de prendre ses responsabilités.

Sur la nomination des juges, je pense que dans l'ensemble, les décisions du ministre ne sont pas si mal. En fait, c'est une tentative, une expérience à faire. Les améliorations que ça peut apporter pourront être mesurées seulement à l'expérience. Je ne peux pas dire que c'est parfait. Une seule chose, l'emprunt à la fonction publique de la formule de nomination, candidature, examen, entrevue par des jurys, genre de listes d'admissibilité, l'emprunt de tout ce système donne-t-il des résultats aussi étanches qu'on le dit? Certaines nominations de péquistes notoires à des hauts postes dans la fonction publique me laissent songeur quant à l'efficacité de ce système. Si c'est seulement ce système qu'on a emprunté pour le judiciaire, on a raison d'être vigilants et nous le serons. (11 h 15)

Je souhaite qu'il ne s'agisse pas d'un trompe-l'oeil. On verra simplement à l'expérience. Mais ce que je veux dire, c'est que le fait d'avoir emprunté strictement un système presque semblable, à quelques exceptions près, quant à la nomination des jurys, par exemple, ne nous permet pas de nous asseoir et de nous fermer les yeux. Je ne pense pas qu'on doive le prendre comme une garantie absolue de l'indépendance judiciaire.

Sur la loi 40, M. le Président, vous savez qu'on a voté contre cette loi en deuxième lecture. Le gouvernement, le ministre en particulier, nous a apporté de très nombreux amendements, pas tous satisfaisants et, dans l'ensemble, ne satisfaisant pas à toutes nos réclamations, mais qui amélioraient sensiblement la loi. Il reste que cette loi 40 contient des choses sur lesquelles nous avons exprimé soit des réserves sérieuses, soit un désaccord sévère. Si l'Opposition officielle a voté en faveur en troisième lecture — je pense qu'il est bon de le rappeler au ministre et il pourra relire mon discours en troisième lecture — ce n'est que pour faire une tentative... oui, en partie en fonction des amendements et des améliorations qui avaient été apportées. S'il n'y avait pas eu d'améliorations, il n'y aurait pas eu de vote; cette loi-là n'aurait pas été adoptée.

Le ministre nous a demandé notre collaboration pour l'adopter avant la fin du mois de juin. Les consultations que j'avais eues indiquaient que, même malgré les réserves et même l'opposition de certains milieux et de plusieurs juges, y compris la Conférence des juges, à des dispositions de cette loi, on préférait quand même avoir cela que de ne rien avoir. C'est dans ce sens-là que nous avons collaboré avec le ministre pour l'adopter à la vapeur, malheureusement — que voulez-vous, nous ne sommes que l'Opposition — à deux heures de la nuit, l'avant-dernier ou le dernier jour de la session. L'étude article par article avait eu lieu la veille. On a fini à deux heures du matin et le jour même — la continuation de ce jour-là — on a eu le débat en troisième lecture et l'adoption dans la soirée. C'est cette nuit-là que la session a été ajournée.

M. Bédard: L'étude article par article avait été précédée d'une consultation des membres de l'Opposition...

M. Lalonde: C'est cela.

M. Bédard: ... sur chacun des amendements que je voulais apporter. Il ne faut pas négliger cela.

M. Lalonde: Je ne voulais pas faire référence aux rencontres privées que nous avons eues, mais je dis que le ministre nous avait offert des amendements qui étaient considérables en nombre et satisfaisants dans une certaine mesure, au moins pour une partie de nos problèmes. Il nous avait consultés quelques heures avant de procéder à l'étude article par article. C'est dans cette optique que nous avons adopté cette loi à la vapeur.

Mais, au-delà des changements partiels, mais nécessaires qui ont été apportés, notre vote en faveur en troisième lecture — je l'ai expliqué, je l'ai répété — c'était strictement pour tenter très modestement, parce que nous ne sommes que l'Opposition, d'injecter dans cette loi ce qui n'y est pas, la valorisation de la fonction du juge. Dans une tentative de faire un vote peut-être même unanime — on ne l'a pas eu parce que je pense que l'Union Nationale a voté contre; du moins, il y a eu l'Opposition officielle et le gouverne-

ment — sur cette loi, nous avons essayé de donner un nouveau départ à la revalorisation de la fonction du juge. Cela n'a pas été un grand succès. On l'a vu, d'après...

Mais, au moins, les juges doivent savoir qu'il y a des hommes publics et des femmes publiques, des gens qui sont élus par la population, qui s'inquiètent et s'interrogent. Je pense que — c'est le maximum qu'on peut faire dans l'Opposition — le minimum qu'on pouvait faire à ce moment-là, c'était de voter en faveur de cette loi dans cet effort de revaloriser la fonction du juge.

J'espère qu'on n'aura pas l'audace d'interpréter ce vote comme étant un appui total à cette loi. Ce sont les quelques mots que j'avais à dire, M. le Président, à ce stade-ci et il me fera plaisir de continuer à contribuer à vos travaux.

Le Président (M. Clair): M. le ministre.

M. Bédard: Quelques petits points concernant le fait que le ministre de la Justice n'est pas président du comité de législation. Je dois informer et rassurer mes collègues en disant que je suis membre du comité de législation et que je me fais un devoir d'assister à toutes les séances du comité de législation concernant l'ensemble de la législation gouvernementale. Le député de Marguerite-Bourgeoys revient sur les délais qu'il dit inacceptables concernant la mise sur pied d'un groupe de travail pour étudier l'autonomie administrative. Je dois lui rappeler que, conformément à ma promesse, il faut prendre la promesse telle que je l'ai explicitée.

M. Lalonde: ...

M. Bédard: Non, je ne change pas.

M. Lalonde: ... si elle traîne dans le décor.

M. Bédard: Non, au contraire. Je ne tiens pas à la mettre de côté, je tiens seulement à la rappeler telle que je l'ai faite, à savoir que, dès que le Conseil de la magistrature commencera à fonctionner, à ce moment-là et rapidement nous allons mettre sur pied un groupe de travail où se retrouveront des gens du ministère de la Justice et des représentants des juges afin d'étudier à fond l'ensemble du problème des relations entre les juges et l'administration. On parle beaucoup de soutien administratif. Je crois qu'il y a un soutien administratif très valable donné par le ministère de la Justice à nos juges du Québec, un soutien administratif qui fait que, en aucune façon, le principe de l'indépendance judiciaire ne peut être affecté.

M. Fontaine: M. le Président, sur ce point-là, je voudrais tout simplement rappeler au ministre de la Justice que, dans le débat de deuxième lecture du 13 juin 1978, bien sûr, il nous parlait du Conseil de la magistrature. Mais je ne pense pas qu'il ait relié dans son discours la création d'un Conseil de la magistrature à la formation de ce comité. D'ailleurs, je ne vois pas tellement pourquoi on devrait attendre le Conseil de la magistrature à ce sujet parce qu'il nous disait: C'est le mandat que je confierai à un groupe de travail sur l'indépendance administrative qui serait composé de représentants du ministère de la Justice et de juges. Il ne nous a pas parlé de représentants du Conseil de la magistrature.

M. Bédard: Mais il me semble que cela s'infère de soi. Je vous ai dit tout à l'heure que je voulais...

M. Lalonde: Vous voulez inférer vos promesses, maintenant?

M. Bédard: Non, je vous ai dit tout à l'heure — vous l'avez fait remarquer — qu'il ne faut pas que ce soit un groupe de travail bidon dont les conclusions sont d'avance décidées. Justement, il faut que dans ce groupe de travail il y ait des représentants du ministère de la Justice et des représentants du Conseil de la magistrature, ce qui constituera — c'est ma conviction...

M. Fontaine: Ce n'est pas ce que vous avez dit.

M. Bédard: ... la pierre angulaire du système judiciaire.

M. Lalonde: Une interprétation de faits.

M. Bédard: Le Conseil de la magistrature, pour autant qu'on veuille s'en servir à bon escient, positivement, constituera, à mon humble opinion, un organisme d'un poids considérable pour faire des représentations très précises aux autorités gouvernementales, quelles qu'elles soient. Cela s'inscrit dans un effort de revalorisation de la fonction du travail de la magistrature et de la fonction de juge.

M. Lalonde: Le ministre me permettrait-il une question? Qui nomme la majorité des membres du conseil?

M. Bédard: A l'heure actuelle, le conseil... Une Voix: Ils sont nommés dans la loi. M. Bédard: Ils sont nommés dans la loi.

M. Lalonde: Non pas dans la loi. Des membres sont nommés...

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalonde:... par leurs fonctions dans la loi.

M. Bédard: II y a des membres qui sont nommés...

M. Lalonde: II y en a d'autres qui sont nommés par quelqu'un d'autre.

M. Bédard: C'est cela. Il y a les membres... M. Lalonde: Le gouvernement en nomme-t-il?

M. Bédard: Le gouvernement n'en nomme pas directement, que sur recommandation.

M. Lalonde: Oui, sur recommandation, mais il en nomme.

M. Bédard: Ceux qui prétendaient, dans le...

M. Lalonde: Non, mais ma question est la suivante.

M. Bédard: Non, laissez-moi terminer.

M. Lalonde: Non, c'est une question de débat.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît! Un à la fois.

M. Lalonde: Ma question est la suivante: Est-ce que le gouvernement en nomme? Oui, le gouvernement en nomme. Ecoutez! Je peux regarder la loi 40, c'est là.

M. Bédard: Oui.

M. Lalonde: Donc, la promesse du ministre dépend de l'action du gouvernement, à savoir s'il les nomme ou s'il ne les nomme pas. S'il ne les nomme pas, on n'aura pas de conseil. C'est assez rare quand même. Ecoutez!

M. Bédard: C'est clair. Cela ne fait pas de doute; dans mon esprit, c'est clair que nous allons les nommer et nous avons hâte qu'ils soient pleinement constitués. Maintenant, vous connaissez la loi 40 autant que moi. Vous savez qu'il y a des membres qui sont nommément indiqués par la loi.

M. Lalonde: ... vous faire confiance.

M. Bédard: II s'agit des juges en chef, etc., et il y a d'autres membres du Conseil de la magistrature qui sont nommés sur recommandation soit d'organismes ou du Barreau. Nous avons fait les communications nécessaires avec chacun de ces organismes pour qu'ils nous fassent connaître les personnes qu'ils veulent recommander pour siéger au Conseil de la magistrature. Dès que nous aurons la totalité de ces recommandations, nous allons procéder à leur nomination. C'est un amendement important qui avait été fait après le discours de deuxième lecture de la loi 40.

Un des points majeurs qui motivaient l'opposition de l'Union Nationale et du Parti libéral était le fait de constater que la majorité des membres du Conseil de la magistrature étaient nommés par le ministre ou par le gouvernement. Nous avons complètement changé cette manière d'aborder le problème. Il y a eu des amendements à l'effet que ces membres seraient nommés sur recommanda- tion, ce qui veut dire qu'il n'y a absolument aucune ingérence de la part du pouvoir politique au niveau de la formation du Conseil de la magistrature, si ce n'est d'entériner des recommandations qui sont faites soit par la Conférence des juges soit par le Barreau ou par le Conseil consultatif de la justice.

M. Lalonde: C'est beaucoup mieux que c'était, grâce à l'Opposition.

M. Bédard: C'est une amélioration très importante, quoique lorsqu'on lit le livre blanc du ministre de la Justice, M. Jérôme Choquette, qui était dans un gouvernement que le député de Marguerite-Bourgeoys connaît bien.

M. Lalonde: Qu'il a quitté par exemple.

M. Bédard: Le ministre du temps, lorsqu'il parlait du Conseil de la magistrature, parlait de la nomination de membres sur consultation et non pas sur recommandation.

M. Lalonde: On a évolué nous aussi. M. Fontaine: M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Est-ce que le ministre serait prêt aujourd'hui à s'engager, dès que le comité en question sera formé et qu'un mandat lui aura été confié, de façon que la population sache bien quel sera le mandat, la durée du travail et les buts visés par ce comité, à annoncer publiquement — peut-être par voie de déclaration ministérielle à l'Assemblée nationale — la formation de ce comité, le mandat qui lui sera confié et les délais qu'il devra respecter avant de faire rapport?

M. Bédard: Cela a toujours été dans mon esprit que la formation de ce comité, les membres qui en feraient partie, etc., cela serait connu du public. Cela est bien clair. Cela n'a même jamais fait l'objet d'une interrogation dans mon esprit. C'est évident qu'on forme un groupe de travail; sur un sujet aussi important, je n'ai aucune objection à ce que les noms des membres et l'ensemble du mandat soient connus du public. C'est très évident et très clair.

M. Fontaine: Est-ce que le ministre de la Justice serait prêt à revenir sur la question du régime de retraite des juges? Je pense qu'il a abordé ce sujet de façon assez superficielle dans sa réplique mais c'est un problème assez important pour la magistrature aujourd'hui. On pourrait relever, par exemple, l'intervention du juge Guy Guérin lors de la réunion de la Conférence des juges qui disait ceci: Jamais un syndicat n'aurait accepté une pareille spoliation — de dire le juge Guérin de la Cour des sessions de la paix, qui estime à $40 000 le déboursé que lui-même devra faire pour racheter ses années antérieures.

M. Bédard: Je n'entrerai pas dans la tuyauterie. Une chose est certaine; quand on parle du rachat, il s'agit d'une mesure qui est prévue dans les conventions collectives, dans le régime de retraite des fonctionnaires. (11 h 30)

Je ne vois pas pourquoi on aurait fait une situation privilégiée aux juges par rapport à ce qui existe d'une façon généralisée dans tout système de retraite. A moins d'entrer dans toute la mécanique du plan de pension, ce qui me semble important, c'est qu'au bout de la ligne on se rende compte que les juges auront droit à 70% du salaire moyen des cinq dernières années, ce qui représente dans le contexte actuel, pour un juge qui gagne $50 000, $35 000 de retraite. Il me semble que cela commence à être un régime plus qu'acceptable.

M. Fontaine: Je ne nie pas le fait que ce soit un régime de retraite assez important, mais il faudrait également que le ministre soit conscient qu'il y a peut-être une quarantaine de juges au Québec qui vont devoir racheter les années antérieures...

M. Bédard: Ils ne sont pas obligés.

M. Fontaine: Ils ne sont pas obligés, mais s'ils veulent avoir le régime de retraite, ils vont être obligés de le faire, et débourser $40 000 sur une période de dix ans, cela équivaut ni plus ni moins à éliminer toute augmentation de salaire pour une période de dix ans.

M. Bédard: II ne faudrait quand même pas oublier que le montant qu'ils ont à payer est déductible pour l'impôt. Le montant qu'ils auront à payer pour le rachat est déductible pour l'impôt.

M. Fontaine: Comme toute contribution à un régime de retraite.

M. Bédard: C'est cela.

M. Fontaine: Comme pour n'importe quelle autre personne.

M. Bédard: Ils ont le choix.

M. Lalonde: Si le député le permet, en fait, le problème de la pension, si je comprends bien, on l'a étudié à ce moment, c'est la transition du système précédent à un système qui est tout à fait général.

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalonde: II y a un tas de juges qui ont accepté d'être nommés juges en fonction de l'avantage — parce qu'il y a sûrement une question pécuniaire dans chaque décision à savoir quelle fonction on accepte ou non — de la pension sans contribution qui était un facteur, un des facteurs favorables. Il y a plusieurs juges qui ont accepté cela dans le passé. Là on leur offre de rester, ils ne sont pas obligés de racheter les années passées, mais à ce moment ils sont gelés...

M. Bédard: Non, ils ont l'indexation.

M. Lalonde: Ils sont indexés, mais à partir de quel temps, à partir de quel montant?

M, Bédard: Ils sont indexés...

M. Lalonde: A partir de quel montant?

M. Bédard: Comme c'est plus technique, je demanderais au sous-ministre...

M. Dussault (René): Sur un plan purement technique, il y a l'option qui doit être faite, en vertu de la loi, d'ici le 1er janvier 1979, d'adhérerou non au régime. Il y a une autre décision à prendre d'ici le 1er juillet 1979, de racheter ou de ne pas racheter si on a des années d'exercice qui peuvent servir à cela. La loi garantit à quelqu'un qui opte dans un régime le montant de la pension qui était inscrit dans la Loi des tribunaux judiciaires avant la loi 40 et qui est de $20 480, indexés à compter du 1er janvier 1979.

M. Lalonde: Est-ce que cela a été changé dans les amendements?

M. Dussault (René): Oui. M. Lalonde: C'est cela.

M. Dussault (René): C'est cela. C'est un amendement important, majeur, qui s'est fait entre la deuxième et la troisième lecture. Cela veut dire que le montant de $20 480, le montant dans la loi, est indexé à compter du 1er janvier 1979 pour quiconque opte dans le régime, de sorte qu'en ne rachetant pas, les juges qui optent sont certains d'avoir $20 480 indexés, dès janvier 1979, à l'indice du coût de la vie. En fonction de l'indice des rentes le plein indice sur le plein montant. C'est la réalité technique.

M. Lalonde: Et ceux qui n'optent pas.

M. Dussault (René): Ceux qui n'optent pas, évidemment, ils restent dans l'ancien régime tel qu'il était là.

M. Lalonde: Dans l'ancien régime, ils ne sont pas indexés. C'est là qu'est le problème de ceux qui se sentent obligés de racheter aujourd'hui ou d'opter.

M. Dussault (René): Non, parce qu'on peut opter dans le régime sans racheter.

M. Latonde: Oui, mais ceux qui n'optent pas.

M. Dussault (René): Ils n'ont pas le droit de racheter non plus.

M. LaIonde: Ils n'ont pas le droit de racheter mais là où ils se sentent forcés de faire quelque-chose, c'est que, lorsqu'ils ont accepté d'être nommés juges, ils avaient, parmi les différents avantages — il y a le côté avantage et le côté inconvénient; et le salaire en est sûrement un et il faut l'accepter en acceptant d'être juge— il y avait aussi une pension sans contribution. Il y avait une expectative que ce serait comme cela tout le temps, que le salaire ne serait pas nécessairement gelé à $28 000 ou à quelque montant établi autrefois et que la pension suivrait. Et à ceux-là, on se trouve à faire une offre qu'ils ne peuvent pas refuser.

M. Dussault (René): Simplement une addition sur le plan technique. Les lois au Québec sont faites de telle sorte que, sur une période de quinze à vingt ans, on est passé de 100% de pension par rapport au salaire qui était dans la loi à l'époque, à environ 47%. C'était la situation avant la loi 40. Il y a eu une modification constante, une baisse constante de la relation entre le montant de la pension et le montant du salaire. Je pense que c'est bon à souligner. Il n'y avait pas, donc, de garantie au moment où chacun des juges rentrait.

M. Lalonde: II y a eu une érosion...

M. Dussault (René): ... de parité constante, qui descendait. Je pense que c'est un fait qui doit être mentionné. Avec le nouveau régime également, le juge qui opte, mais qui ne rachète pas, a $20 480 indexés. Egalement, selon le nombre d'annéesqu'il aura fait effectivement, c'est multiplié par 2,8. Quelqu'un qui fait 20 ans, par exemple, c'est 56% malgré tout du salaire qu'il aura dans le temps. C'est rattaché en plus au salaire.

M. Lalonde: J'essaie d'expliquer le sentiment des juges à ce propos. On voit des remarques en public qui sont très...

M. Bédard: Dans les remarques en public, il y en a qui parlent de la loi 40 sans avoir l'air d'être au courant des amendements qui ont été apportés après la deuxième lecture.

M. Lalonde: Je ne sais pas ce que vous voulez dire, à quelle intervention vous référez spécifiquement. Mais il n'y a aucun doute que le sentiment d'être malheureux, comme le disait un titre de journal, vient du fait qu'ils ont été forcés de faire quelque chose, qu'on a changé les règles du jeu en chemin. Je ne porte pas de jugement à savoir si on doit faire un plan de pension contributoire. Je pense que tout le monde, même les élus, le fait. Je ne vois pas pourquoi eux aussi ne le feraient pas. Je pense que le principe ne fait pas de difficulté. Il s'agit d'une question de justice dans la transition.

M. Fontaine: Est-ce que le ministre de la Justice ou le sous-ministre serait en mesure de... Je sais que les juges ont jusqu'en juillet 1979 pour faire option, n'est-ce pas?

M. Bédard: C'est-à-dire pour racheter. M. Fontaine: Pour racheter.

M. Bédard: Ils ont jusqu'au 1er janvier 1979 pour faire option.

M. Fontaine: Est-ce qu'on serait en mesure de nous dire aujourd'hui combien ont déjà avisé qu'ils voulaient racheter? Egalement, en vertu de l'article 253, on dit: "Si une difficulté survient dans l'application d'une disposition de la présente partie — celle qui concerne la retraite et la pension des juges — le litige peut être soumis dans l'année à un arbitre choisi par la Commission administrative du régime de retraite, des juges concernés à même une liste établie par le lieutenant-gouverneur en conseil après consultation du Conseil consultatif de la justice. Si les parties ne s'entendent pas sur le choix d'un arbitre, celui-ci est choisi par le Conseil consultatif de la justice. Est-ce qu'il y a eu beaucoup de litiges jusqu'à maintenant ou s'il n'y en a pas eu?

M. Dussault (René): Evidemment, comme toute nouvelle loi, il y a eu des discussions d'interprétation, entre autres, avec la Commission administrative du régime de retraite et le ministère. Là-dessus encore, il n'y a pas — et M. Monfette pourra compléter — de chiffres définitifs qui ont été exprimés par la CARR et cela doit l'être très prochainement quant au coût du rachat que chacun va devoir faire en fonction de la loi. Il y avait, encore une fois, place à certaines interprétations et on devait préciser au fur et à mesure. On est dans ce processus actuellement. Sur le point spécifique que vous mentionnez, le mécanisme d'arbitrage prévu dans la loi, il n'en a pas été question jusqu'à ce jour.

M. Fontaine: Le nombre de ceux qui ont avisé?

M. Dussault (René): II y en a 25 actuellement qui ont fait l'option avec rachat. Mais il y en a plusieurs qui n'ont pas de rachat à faire.

M. Bédard: C'est cela. Au chiffre 25, il faut ajouter tous ceux qui n'ont pas besoin d'effectuer de rachat puisqu'ils ont été nommés. C'est un grand nombre. Il y a seulement quelques...

M. Fontaine: Serait-il possible de savoir combien n'ont pas de rachat à effectuer et combien en auraient, s'ils le voulaient?

M. Dussault (René): M. Monfette pourrait le dire, c'est relié au chiffre définitif d'interprétation dont je parlais pour dire: Chacun, voici ce que cela donne. C'est pour cela que je pense qu'on ne pourra pas le mentionner ce matin.

M. Fontaine: D'accord.

M. Monfette (Guy): Le rachat est fonction de l'âge du juge au moment où le 1er janvier 1979 va

arriver ou des années de service qu'il a comme juge. Pour certaines juges, peu importent les années de service ou l'âge qu'ils ont, il n'y a aucun rachat parce qu'ils sont arrivés tellement jeunes dans la profession de juge que, d'ici 25 ans, ou au total 70 d'âge, ils auront accompli en termes d'années futures ce qu'il faut pour avoir le maximum du minimum garanti.

Le coût de rachat est en moyenne de $3100 par année rachetée. Ce qu'il est aussi important de noter, c'est que quelqu'un va faire le rachat et cela va lui coûter $18 000, mais il va augmenter sa pension de $10 000 par année. Il récupère assez rapidement aussi son rachat.

M. Lalonde: II y a un système généreux, je pense, pour le financement.

M. Monfette: On charge un taux d'intérêt de 6%. C'est déductible d'impôt. L'individu a ses cotisations régulières qu'il peut déduire de l'impôt et il a une cotisation additionnelle de $3500 qu'il obtient parce que c'est du service antérieur non contribué qu'il peut aussi déduire.

M. Fontaine: C'est en plus? M. Dussault (René): Oui. M. Monfette: C'est en plus.

M. Lalonde: Au point de vue fiscal, c'est assez avantageux.

M. Monfette: Oui, très avantageux.

M. Dussault (René): Cela fait deux fois $3500.

M. Monfette: La moyenne des rachats actuellement qui ont à être effectués est quelque chose qui se situe entre $15 000 et $18 000. C'est vrai qu'il y en a à $35 000. Il y en a aussi plusieurs que c'est $6000 et $4000.

M. Fontaine: D'accord.

M. Lalonde: Le ministre, je pense bien, peut nous dire cela. Si jamais il y a des situations où les problèmes d'interprétation et d'application sont connus, j'espère qu'il n'hésitera pas à faire les amendements nécessaires à la loi au besoin.

M. Bédard: Je vais même faire appel à la collaboration de l'Opposition.

M. Lalonde: Vous l'aurez.

M. Fontaine: Pour changer de sujet — peut-être qu'on peut s'entendre pour finir vers midi — est-ce que...

M. Bédard: Midi?

M. Fontaine: ... le ministre ou le sous-ministre pourrait revenir sur la question des clauses priva- tives? J'ai soulevé cette question lors de ma première intervention. Etant donné la compétence du sous-ministre dans le domaine, il serait sûrement intéressant de l'entendre là-dessus.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le sous-ministre.

M. Dussault (René): C'est un peu une boîte de Pandore, c'est...

M. Lalonde: Oui.

M. Dussault (René): ... un sujet fort technique et important, par ailleurs.

M. Lalonde: Quand cela commence par les compliments, c'est dangereux.

M. Bédard: Je n'ai aucune objection que le sous-ministre réponde.

M. Dussault (René): Je voudrais simplement souligner que ces dispositions sont placées dans les lois qui constituent les organismes administratifs qui ont des fonctions d'adjudication de ce caractère spécialisé dans l'optique de maintenir la spécialisation des décisions; ne pas faire en sorte que les tribunaux puissent, par la suite, sur le plan à tout le moins du mérite des décisions, défaire un peu la volonté qu'il y avait d'avoir un jugement spécialisé.

Il est sûr aussi — je pense qu'on peut le dire, la jurisprudence est claire là-dessus — que les tribunaux ont fait bon marché malgré tout de ces clauses privatives jusqu'à présent. De plus en plus, ces dernières années, ils les ont contournées lorsqu'ils estimaient qu'il y avait vraiment des problèmes de droit essentiel à corriger dans les décisions rendues par ces instances, ces tribunaux inférieurs.

Actuellement, au ministère de la Justice, on a entre les mains le rapport de M. Georges Emery. Un groupe de travail a été constitué à l'époque et nous le regardons; il touche un peu, au fond, la possibilité d'amélioration des pouvoirs de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure et, de façon implicite, cela touche ceci. Cela fait l'objet d'un examen intensif du ministère de la Justice. On a fait des consultations avec la magistrature et le Barreau là-dessus. Il y a eu également, dans un colloque de droit administratif, au mois de juin à Laval, discussion du rapport Emery. On est dans un processus de réflexion qui pourra, selon les circonstances, aboutir ou non à des modifications au Code de procédure civile. On en est là, actuellement. On a une période interne de réflexion sur cette question; la question des clauses privatives y est nécessairement associée. (11 h 45)

C'est à peu près, pour ma part, ce que je peux mentionner à ce moment-ci.

M. Bédard: Nous essayons de les limiter aux cas...

M. Dussault (René): ... qui apparaissent vraiment essentiels...

M. Bédard:... qui nous apparaissent nécessaires.

M. Dussault (René):... pour garder le caractère de spécialisation de l'organisme créé.

M. Fontaine: Cela n'a pas été limité beaucoup dans les lois qui nous ont été présentées jusqu'à maintenant.

M. Lalonde: Vous avez, par exemple, la Commission des valeurs mobilières qui est quand même un organisme relativement spécialisé. Vous avez un droit d'appel de toutes ses décisions à trois juges de la Cour provinciale; cela n'a pas, jusqu'à maintenant, créé tellement d'embêtement. Au contraire, je pense que c'est là une garantie, pas seulement pour les juges. En fait, l'indépendance des juges, les premiers qui en profitent, ce ne sont pas les juges, ce sont les justiciables. Alors...

M. Bédard: II y a sans doute des cas où cela pourrait être enlevé concernant l'ancienne loi. C'est dans ce sens que se fait l'évaluation et la réflexion au ministère de la Justice.

M. Fontaine: Est-ce qu'il y a un autre comité qui va être formé là-dessus?

M. Lalonde: Je suis content quand même de savoir qu'il y a des choses qui se font.

M. Bédard: Non, c'est normal, il y a beaucoup de comités, ce n'est quand même pas un sujet où on s'embarque comme ça sans une réflexion approfondie. Je ne pense pas qu'on ait à nous faire reproche de prendre le temps de faire le tour.

M. Lalonde: Peut-on avoir une idée de l'échéancier de ce groupe de travail, ce comité, sur ce dossier?

M. Dussault (René): On vise à avoir des idées plus claires sr le plan interne, dans le courant du printemps prochain.

M. Lalonde: On va sûrement rappeler au ministre ces échéanciers dans le...

M. Bédard: J'ai confiance sur ce point. C'est normal.

M. Lalonde: Lors de l'étude des crédits, sûrement. C'est sûrement un des points qui, s'il était cerné, réduirait l'inquiétude, parce que l'indépendance totale et absolue n'existera jamais. On n'est quand même pas pour faire de l'angélisme. C'est un tas de petites choses et le civisme est un tas d'autres choses. Je suis convaincu que si on redonnait confiance aux justiciables qu'il peut y avoir un appel qui est protégé quelque part, surtout en ce qui concerne les tribunaux administratif, les régies, à ce moment-là, on atteindrait un niveau beaucoup plus grand d'indépendance judiciaire.

M. Bédard: Je voudrais être bien clair; le comité dont on parle, la réflexion dont on parle c'est celle touchant les clauses privatives qui, nous l'espérons, nous amèneront des solutions au printemps, non pas le comité ou le groupe de travail sur l'autonomie administrative, parce que celui-là, je ne conçois pas qu'il puisse être en mesure d'arriver à des conclusions aussi rapidement.

On me fait remarquer, et c'est exact, que concernant les clauses privatives il y a tout le problème constitutionnel qui entre en ligne de compte, lorsqu'on parle de certains droits d'appel de tribunaux.

M. Lalonde: Mais le droit de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure a-t-il déjà fait l'objet d'une contestation au point de vue constitutionnel?

M. Dussault (René): Non.

M. Lalonde: Non, c'est clair, mais c'est ça...

M. Dussault (René): Cela, c'est clair.

M. Lalonde:... quand on avait ça de façon non érodée, cela a commencé dans les années cinquante, l'érosion, la privation de ce droit?

M. Dussault (René): La contrepartie judiciaire a été bien claire, par contre.

M. Lalonde: Ils ne s'en sont pas occupés.

M. Dussault (René): Oui. C'est parce que si on veut concevoir un système d'appel plus structuré, comme on le mentionnait, comme la Loi des valeurs mobilières ou d'autres, là, on a un problème constitutionnel, à moins de faire constamment des appels à la Cour d'appel. On a des pressions, actuellement, du juge en chef de la Cour d'appel pour essayer de réduire le fardeau. Ces nouvelles règles de pratique vont dans ce sens-là.

Actuellement, faire un système d'appel — on l'a vu avec les transports — sur le plan constitutionnel, cela crée des difficultés. On a cette dimension-là aussi, si on veut avoir vraiment un régime d'appel des organismes administratifs dans un contexte de juridiction québécoise. Autrement, il nous reste la Cour d'appel qui a un fardeau important. C'est une dimension sur ce plan-là, quand on fait face à une démarche où on voudrait systématiser cette réalité, qui est importante.

M. Fontaine: Juste avant de terminer, M. le Président, je voudrais revenir sur un point dont le ministre n'a pas parlé dans sa réplique et qui touche la question de l'indépendance du pouvoir

judiciaire, mais qui est d'application vraiment pratique. C'est la question du permis de conduire qui peut relever d'une décision d'un juge, laquelle peut être, en fait, revisée par un fonctionnaire.

M. Bédard: Vous faites référence à la loi 67?

M. Fontaine: C'est cela! Est-ce que le ministre aurait des nouvelles à nous donner à ce sujet-là?

M. Bédard: Sur ce plan-là, nous attendons le résultat de certains jugements qui ont été portés en appel et nous agirons très rapidement, si nécessaire, dès que ces jugements seront rendus. Entre-temps, du point de vue administratif, je crois qu'il y a une... Il faut nécessairement attendre que ces jugements-là soient rendus...

M. Fontaine: Mais le ministre est conscient qu'actuellement les juges refusent d'intervenir dans ce domaine-là. C'est-à-dire qu'ils ne font pas de recommandation. Il y a peut-être exceptionnellement un juge ou deux qui le font...

M. Bédard: II y a des régions où ils ont trouvé une formule pour faire quand même les recommandations au Bureau des véhicules automobiles.

M. Fontaine: Dans les expériences que j'ai eues personnellement, les juges refusent de faire des recommandations au Bureau des véhicules automobiles, ce qui veut dire qu'automatiquement les pères de famille qui sont, par exemple, conducteurs de taxi, d'autobus ou de camion perdent leur permis de conduire pour trois mois lorsqu'ils sont condamnés par l'ivressomètre pour facultés affaiblies.

M. Bédard: On ne peut pas amender la loi à moins que nous n'ayons un avis très formel que c'est inconstitutionnel. C'est dans ce sens-là que nous attendons que les jugements soient rendus.

M. Fontaine: Ce n'est pas une question de constitutionnalité, c'est une question pratique. Les juges refusent de rendre une décision qui sera révisée par un fonctionnaire.

M. Bédard: Oui, mais ils invoquent l'inconsti-tutionnalité. C'est ce que vous n'avez pas l'air de saisir. Ils invoquent l'inconstitutionnalité. C'est ce qui a motivé certains jugements rendus, à propos desquels il y a des appels qui ont été logés et nous attendons une décision des juges concernés...

M. Fontaine: D'accord, mais même si la Cour d'appel décide que c'est constitutionnel, cela ne changera pas le problème.

M. Bédard: Si c'est constitutionnel ils vont être obligés...

M. Fontaine: Les juges ne sont pas obligés par la loi. Ils peuvent faire une recommandation. Si on les obligeait à la faire, ils seraient obligés de la faire. Mais là, ils ne sont pas obligés par la loi. C'est cela, on pourrait changer le "peut" pour le "doit" et...

Le Président (M. Clair): Messieurs, est-ce que je constate qu'il n'y a plus d'opinants?

M. Lalonde: Ce n'est pas parce que nous sommes bien satisfaits, M. le Président...

M. Bédard: J'étais d'avance convaincu de ne pas vous satisfaire. J'ai essayé de faire mon possible pour répondre le plus valablement possible à des interrogations...

M. Lalonde: On a quand même établi un certain nombre d'échéances, groupe de travail ici, comité là, qu'on regardera de très près. On invite le ministre, dans son administration quotidienne, à faire preuve de prudence, ne pas faire de téléphone, ne pas en faire faire. C'est extrêmement important que non seulement ce soit juste, mais que cela paraisse être juste aussi.

M. Bédard: Je n'ai qu'un objectif, c'est la revalorisation de l'ensemble du système judiciaire, du travail de l'ensemble de nos juges. C'est dans cette perspective-là que s'oriente chacune des mesures que nous croyons bon de mettre de l'avant.

M. Lalonde: En terminant, comment se fait-il que dans cet effort, cette préoccupation de revalorisation que le ministre vient de mentionner, il n'a pas cru bon, comme ministre de la Justice, d'assister à la conférence des juges?

M. Bédard: Pour une raison bien simple, c'est que je n'ai pas été invité — vous voulez le savoir et vous ne m'avez pas laissé répondre— au panel. Je n'en fais pas grief, à part cela, parce que je n'y serais probablement pas allé.

M. Lalonde: Mais le gouvernement?

M. Fontaine: Le premier ministre a été invité et le ministre d'Etat à...

M. Bédard: J'ai été invité... M. Lalonde: Oui.

M. Bédard: Laissez-nous répondre.

Le Président (M. Clair): Permettez au ministre de répondre, s'il vous plaît, messieurs.

M. Lalonde: C'est intéressant, la réponse, parce que cela amène d'autres questions.

M. Bédard: J'avais été invité à la soirée de clôture, au banquet de clôture. Cela m'a été impossible à cause d'engagements pris antérieurement.

M. Lalonde: Mais le premier ministre a été invité, d'après ce que je sais.

M. Bédard: Je crois, personnellement, que l'attitude du gouvernement a été correcte. On ne veut pas politiser ce débat. Je pense que l'attitude du gouvernement a été, je dirais, conforme à cette...

M. Lalonde: Quand même.

M. Bédard: Laissez-nous terminer nos réponses. Elle a été conforme à sa préoccupation et à sa prudence de ne politiser en aucune façon tout ce qui regarde la magistrature ou le système judiciaire.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre de la Justice vient de nous annoncer qu'il n'assistera plus jamais aux cérémonies d'ouverture des tribunaux?

M. Bédard: Non, c'est différent. M. Lalonde: C'est différent.

M. Bédard: Vous n'avez pas l'air de comprendre.

M. Lalonde: Mais ce sont des juges et des avocats.

M. Bédard: Non, c'est différent pour un...

M. Lalonde: Vous politisez cela quand vous êtes là, vous pensez?

M. Bédard: Là-dedans, c'est différent pour une raison. Le ministre de la Justice assiste à l'ouverture des tribunaux parce que c'est le lien, comme ministre de la Justice, entre les tribunaux et tout l'aspect administratif de la Justice. C'est dans cet esprit-là.

M. Fontaine: M. le Président...

M. Lalonde: Alors, le ministre de la Justice, qui est responsable vis-à-vis de l'Assemblée nationale de l'administration de la justice, qui est responsable des fonctionnaires qui sont appelés à communiquer quotidiennement ou hebdomadairement avec les juges en chef pour l'administration matérielle, etc..

M. Bédard: Je le fais régulièrement aussi.

M. Lalonde: ... va refuser d'aller les voir en public.

M. Bédard: Mais non. Le ministre de la Justice ne refuse pas. Vous me demandez pourquoi je ne suis pas allé à la Conférence des juges.

M. Lalonde: Vous dites que le gouvernement...

M. Bédard: Je vous dis ceci...

M. Lalonde: ... n'y est pas allé pour ne pas...

M. Bédard: Non, ne mêlez pas les deux sujets. Si vous voulez parler du gouvernement, parlez du gouvernement; si vous voulez parlez du ministre de la Justice...

M. Lalonde: Vous faites partie du gouvernement, non?

M. Bédard: ... parlez du ministre de la Justice. Non, comme ministre de la Justice, j'avais été invité au banquet de clôture. Je n'ai pas pu m'y rendre — et je les ai avertis en conséquence — à cause d'engagements antérieurs. C'est tout.

M. Lalonde: Mais le gouvernement, lui, a décidé de ne pas y aller pour ne pas politiser cela.

M. Bédard: Je pense qu'il a bien fait et je crois que le...

M. Lalonde: Et le ministre de la Justice ne fait plus partie du gouvernement.

M. Bédard: ... chef du Parti libéral s'est mis les pieds dans les plats en participant aux débats de la Conférence des juges. Il a parlé de ta loi 40 justement comme quelqu'un qui n'était même pas au courant de certains amendements. Il a axé une partie de sa...

M. Lalonde: Le chef du Parti libéral fait-il partie du gouvernement?

M. Bédard: Mais laissez-nous terminer. M. Lalonde: Non, pas encore; bientôt.

M. Bédard: C'était une rencontre entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Que je sache, M. Ryan ne fait partie d'aucun, ni du législatif, ni de l'exécutif, ni du judiciaire.

M. Lalonde: On parle du gouvernement.

M. Bédard: Vous voulez mon idée concernant la présence du chef libéral, je vous la donne.

M. Lalonde: Mais le gouvernement, lui, n'y va plus.

M. Bédard: D'ailleurs, il en a parlé comme quelqu'un qui, sur certains aspects, n'est vraiment pas au courant de la dernière version de la loi 40. Entre autres, il disait qu'il fallait en finir avec les tracasseries administratives qui entouraient les voyages de certains juges à travers le Canada ou à l'extérieur. S'il avait lu la loi 40 comme il le faut, il aurait pu constater que justement nous donnons au Conseil de la magistrature cette responsabilité de la formation des juges et qu'un budget sera affecté au Conseil de la magistrature qui réglera ces problèmes-là.

M. Lalonde: II fallait aller chercher pas mal loin pour répondre à celle-là. Vous êtes allé prendre deux articles pour essayer de dire que M. Ryan n'avait pas raison de dénoncer les tracasseries administratives.

M. Bédard: C'est le seul cas pratique d'autonomie administrative qu'il a mentionné.

M. Lalonde: Cela existe encore.

M. Bédard: J'ai lu les journaux comme vous.

M. Lalonde: Cela existe encore.

M. Bédard: J'ai lu les journaux.

M. Lalonde: Plusieurs juges se plaignent à nous.

M. Bédard: J'ai lu les journaux comme vous.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Même si le ministre ne veut pas parler aux juges, eux nous parlent.

M. Bédard: Au contraire!

M. Lalonde: Et ils se plaignent.

M. Bédard: J'ai des réunions régulièrement avec les juges en chef. Je crois que j'obtiens une très grande collaboration. Egalement, j'offre continuellement ma pleine collaboration.

M. Lalonde: Comme cela, le gouvernement est bien fondé de ne pas avoir assisté à la Conférence des juges, d'après vous?

M. Bédard: Je crois que le gouvernement a bien fait d'être prudent.

M. Lalonde: Et le ministre de la Justice ne fait pas partie du gouvernement.

M. Bédard: II a bien fait d'être prudent. Je vous ai dit tout à l'heure que le ministre de la Justice n'a pas le même rôle. Je vous ai donné les circonstances.

M. Fontaine: M. le Président...

M. Lalonde: II n'a pas le même rôle. Un instant. C'est le ministre de la Justice, qui est membre du gouvernement, qui est responsable de l'administration de la justice.

M. Bédard: Oui.

M. Lalonde: Lui serait autorisé à assister à cette conférence-là s'il était invité; d'après ce qu'on me dit, il n'a pas été invité.

M. Bédard: Non, prenez ce que j'ai dit. M. Lalonde: C'est contradictoire.

M. Bédard: Arrêtez de faire des interprétations.

M. Lalonde: Le ministre tente de justifier le gouvernement, le premier ministre et le ministre Marois de ne pas y être allés et il dit qu'il n'a pas été invité, qu'ils ont eu raison de ne pas y aller. Mais moi, j'y serais allé si j'avais été invité. Essayez de mettre cela ensemble. (12 heures)

M. Bédard: Oui, parce qu'ils avaient le souci... Ils ont eu raison parce qu'ils étaient conditionnés.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est une autre pirouette méan-dreuse.

M. Bédard: Ils avaient raison parce qu'ils étaient conditionnés par le souci de ne diviser d'aucune façon l'ensemble du problème judiciaire.

M. Lalonde: D'après le spectacle que le ministre vient de nous donner, M. le Président, les juges ont raison d'avoir peur de leur indépendance.

M. Bédard: C'est une petite réclame que vous faites à la fin d'un débat; passez votre message si vous voulez.

Le Président (M. Clair): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Ce que je peux vous dire, M. le Président...

M. Bédard: Ce qui est important, ce sont les faits. Les faits sont que le ministre de la Justice et le gouvernement actuel ont passé une loi 40 qui constitue un pas important pour la revalorisation de l'ensemble de la magistrature et de l'appareil judiciaire. C'est cela qui est important; ce sont les gestes, ce ne sont pas les paroles.

M. Fontaine: Ce que je peux vous dire, M. le Président, pour avoir assisté personnellement à cette conférence, c'est que les juges ont été pour le moins insultés et choqués de l'absence d'un membre du gouvernement. Il a été dit que le premier ministre avait été invité, que le ministre délégué au développement social avait été invité et que le ministre de la Justice, je pense, avait également été invité parce que le ministre d'Etat avait...

M. Bédard: J'ai été invité au banquet de clôture et c'est ce que je vous dis. Voulez-vous que je vous le répète 20 fois?

M. Lalonde: Vous m'en parlerez la prochaine fois; je vous ferai inviter; ce n'est pas si grave que cela.

M. Bédard: Je n'ai pas pu y aller parce que j'avais des engagements antérieurs et entre vous et moi, l'administration de la justice...

M. Fontaine: Tout le monde avait des engagements.

M. Bédard: ... le ministre de la Justice, qui rencontre régulièrement le juge en chef pour discuter, a des occasions très nombreuses de discuter.

M. Fontaine: Vous aimez mieux faire cela en cachette qu'en public.

Le Président (M. Clair): En vertu de notre règlement, je constate qu'il n'y a plus d'opinants et je mets fin aux travaux de cette commission qui ajourne sine die.

Fin de la séance à 12 h 2

Document(s) associé(s) à la séance