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Question avec débat
(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la justice est réunie pour discuter
de la question avec débat du député de Nicolet-Yamaska au
ministre de la Justice sur le sujet suivant: l'application du principe de
l'indépendance du pouvoir judiciaire et ses conséquences sur le
rôle des juges dans la société
québécoise.
Je présume que tous les membres de cette commission connaissent
les règles qui régissent cette question avec débat. Je
donne donc immédiatement la parole au député de
Nicolet-Yamaska. M. le député.
Exposé du sujet M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Mes premiers mots
seront tout d'abord pour déplorer le fait que, du côté du
gouvernement, même si on sait que les règles de procédure
de ce genre de commission ne requièrent pas de quorum, les
députés ministériels ne semblent pas trop
intéressés à la question de l'indépendance du
pouvoir judiciaire par rapport aux deux autres pouvoirs. Plusieurs
députés auraient dû être présents aujourd'hui,
des députés qui souvent se font critiques à l'endroit soit
des avocats, soit des juges, par exemple Mme le ministre des Consommateurs qui
aurait sans doute pu apporter un point de vue intéressant à cette
commission et qui, aujourd'hui, brille par son absence.
M. Bédard: Elle n'est pas membre de la commission.
M. Fontaine: II n'y a pas de membres. M. Lalonde: II n'y a pas de
membres ici.
M. Bédard: Non, mais il y a un bout à
déplorer!
M. Lalonde: II n'y a pas de membres ici.
M. Fontaine: II n'y a pas de membres de la commission. Je
remarque, pour les fins du journal des Débats, que le ministre de la
Justice est seul à la table aujourd'hui, du côté du
gouvernement.
M. Bédard: Ils ont tenu pour acquis que j'étais
capable de me défendre seul.
M. Lalonde: C'est une erreur! (10 h 15)
M. Fontaine: M. le Président saura sans doute vous venir
en aide si vous vous sentez mal pris, à un moment donné.
Le 3 novembre dernier, la Conférence des juges provinciaux
lançait un débat public sur un thème assez surprenant
venant de ceux qui ont comme vocation l'interprétation des lois. Ce
thème était l'inexistence du pouvoir judiciaire. Que les
magistrats nommés par le gouvernement provincial prennent la peine
d'organiser un tel débat me paraît un signe fort inquiétant
parce qu'il me semble y avoir décelé un véritable
problème, un problème qui les préoccupe tellement que,
contrairement à leurs habitudes, ils en sont venus à discuter de
cette chose sur la place publique. On sait que les juges sont des gens
sérieux. S'ils ont décidé de procéder de cette
façon, c'est que le problème est sans doute en profondeur.
M. le Président, j'ai eu le plaisir et l'honneur de participer
à ce colloque. Malheureusement, le gouvernement, pour des raisons qui
lui appartiennent et qu'il ne m'appartient pas d'expliquer ici, avait
jugé bon de ne pas participer à cette réunion. C'est une
fois sur les lieux, en discutant avec les juges présents que j'ai
constaté jusqu'à quel point ceux-ci remettent en cause
l'existence même du pouvoir judiciaire et, par ricochet, ce fameux
principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Il faut dire que ce n'était pas la première occasion pour
moi d'aborder cette question. Le ministre se rappellera que lors de
l'étude du projet de loi 40, en juin dernier, Loi modifiant la Loi des
tribunaux judiciaires et créant le Conseil de la magistrature, proposant
également un nouveau mode de rémunération des juges et un
réaménagement complet de leur régime de pension, l'Union
Nationale avait abordé l'étude de ce projet de loi en
s'interrogeant notamment sur les conséquences que pourrait avoir ce
projet de loi sur le principe de l'indépendance du pouvoir
judiciaire.
Je voudrais vous citer un court passage, M. le Président, du
discours du député de Mégantic-Compton du 13 juin 1978 qui
disait ceci: "En effet, sous le couvert d'amendements techniques à
plusieurs articles de la Loi des tribunaux judiciaires, le gouvernement nous
invite indirectement à aborder la discussion sur une question
extrêmement importante qui touche l'essence même des fondements
démocratiques qui sont à la base de notre système
constitutionnel, tel qu'il existe à l'heure actuelle."
Cette question que, à tort ou à raison, nous avons
tendance à tenir pour acquise, concerne le juste équilibre qu'il
nous faut maintenir constamment entre les trois expressions du pouvoir au sein
de notre société, à savoir le pouvoir législatif,
le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.
M. le Président, dans le but d'illustrer la fragilité, la
position délicate et souvent inconfortable du pouvoir judiciaire, en
somme sa vulnérabilité face aux responsabilités
dévolues aux pouvoirs exécutif et législatif relativement
à l'administration de la justice, nous avions cité alors un
extrait d'un
article publié dans la Revue du Barreau du Québec de
1968.
M. le Président, bien que cette citation date déjà
de dix ans, je pense que malheureusement elle est encore beaucoup
d'actualité. J'aimerais vous citer ce passage d'un article de
l'honorable juge Trudel dans la Revue du Barreau, 1968, qui disait ceci: "Une
observation scientifique s'avère indispensable au préalable. Un
étonnement est irrépressible devant une première
constatation. L'appareil judiciaire n'a aucune ossature qui permette à
ceux qui ont exclusivement la responsabilité de rendre la justice
d'oeuvrer dans l'établissement des moyens d'en assurer
l'efficacité. Le corps judiciaire n'a même pas, dans la
constitution, un rôle consultatif reconnu et nanti des organes normaux
pour chercher et exprimer une suggestion sur les structures du pouvoir qu'on
lui a confié. Tout ceci de continuer le juge Trudel est
dévolu à l'exécutif et au législatif, parfois au
Barreau, comme dans le cas particulier de la capacité des
sténographes judiciaires. Le pouvoir judiciaire canadien se
caractérise, s'il ne se définit pas, par un ensemble de juges
isolés dans les divers tribunaux rendant des décisions sous leurs
noms et n'ayant, sur l'appareil judiciaire fondé pour assurer
l'efficacité de leurs décisions, aucune autorité valable
et efficace. Le budget, la nomination des aides et officiers de justice, la
logistique, rétablissement de tribunaux, tout leur échappe pour
se reporter sur l'exécutif."
Le juge Trudel continue: "La justice est trop importante pour lui
continuer de telles entraves qui diminuent son efficacité et sa
productivité. D'autres services de l'Etat existent avec des
facilités administratives qui ont décuplé et assoupli leur
rendement, comme l'Hydro-Québec ou la Régie des alcools. Il
suffit de n'en nommer que quelques-unes. Elles doivent beaucoup à
l'absence de traditions d'ancienneté ou d'origine noblement incertaine
et reculée. La raison ne saurait refuser au pouvoir judiciaire ce qui
est essentiel à la bonne marche de tout service public. Il serait normal
de suivre la logique de la responsabilité qu'on impose au judiciaire en
lui laissant le choix des moyens et les moyens de choisir les outils, les
instruments, les rouages et le personnel requis pour atteindre ses fins avec un
rendement maximal. Alors, véritablement, ce qu'on appelle aujourd'hui
l'indépendance judiciaire et qui est réduite, en somme, à
la sécurité de juge sera-t-elle enfin réalisée et
dans sa dimension réelle produira-t-elle des effets
bénéfiques dans une société qui aurait raison
d'être rassurée et confiante." On voit bien que cette citation,
encore aujourd'hui, reste bien d'actualité.
C'est dans le but de répondre à ces préoccupations,
du moins en partie, que le juge Trudel disait ce que je viens de citer. Je peux
vous assurer, M. le Président, que les discussions du 3 novembre, lors
de la conférence des juges, ont été très vives. Le
ministre de la Justice avait déjà discuté ce sujet,
justement, lors de l'étude en deuxième lecture du projet de loi
40. Il nous avait informés, à ce moment-là, qu'il devait
former un comité. Je vais vous faire une citation très
rapidement: Dans la logique de ce que prévoit la loi pour le financement
du perfectionnement des juges, il me semble important d'étudier la
possibilité de confier une plus grande autonomie aux juges en ce qui
touche l'administration des sommes d'argent consenties par l'Etat pour ses
services de soutien. C'est le mandat que je confierai à un groupe de
travail sur l'indépendance administrative, qui sera composé de
représentants du ministère de la Justice et de juges.
M. le Président, ce matin je pense qu'il serait important pour le
ministre de la Justice de nous dire d'informer la population du
Québec si effectivement il a donné suite à ses
paroles, de nous dire si le comité qu'il annonçait au mois de
juin 1978 est effectivement formé, de qui il est formé, quel est
exactement le mandat de ce comité, si le comité a fait rapport ou
fera rapport, si ce rapport sera rendu public et s'il y aura un débat
public sur ce rapport.
Je pense qu'il serait temps ce matin que le ministre de la Justice nous
dise quelles mesures concrètes ont été prises dans ce
sens. Des réponses précises de la part du ministre aujourd'hui
seraient de nature à calmer les appréhensions de nos magistrats
québécois qui, lors de ce colloque, se sont dits être
malheureux. Je voudrais que le ministre puisse nous faire part aussi des
intentions du gouvernement vis-à-vis d'autres mesures qui pourraient
être prises en vue de faire disparaître le plus possible les
tracasseries administratives, les obstacles matériels, les pressions
sociales et politiques qui ne facilitent pas le travail des juges. Je fais
allusion à la floraison prodigieuse de lois-cadres avec des pouvoirs de
réglementation délégués à des
fonctionnaires.
Je cite, à titre d'exemple, la loi 67, dont on a discuté
longtemps à l'Assemblée nationale et en commission parlementaire,
où les critiques ont été nombreuses tant de la part des
députés de l'Opposition que du Barreau face aux
responsabilités qui étaient dévolues à des
fonctionnaires. C'était un peu la même chose lorsqu'on a
étudié la loi 77 sur l'immigration. Les députés ont
eu l'occasion de se prononcer, à ce moment-là, sur le fait que
des lois-cadres soient votées par l'Assemblée nationale alors
qu'en fait la véritable loi est la réglementation et que les
députés n'ont aucun moyen de se prononcer sur cette
réglementation.
Cette tendance de plus en plus marquée ne surprend pas seulement
les législateurs, mais aussi les juges. C'est ainsi que, souvent, le
pouvoir législatif transforme les juges en fonctionnaires et les
fonctionnaires en juges. Je voudrais, ici, M. le Président, vous
apporter l'exemple des suspensions de permis de conduire. C'est un sujet qui
touche beaucoup de nos familles québécoises. J'ai moi-même
écrit au ministre des Transports et au ministre de la Justice pour leur
demander d'étudier ce sujet afin de pouvoir amender la loi le plus
rapidement possible.
Lors de l'adoption de la loi 67, on avait modifié la Loi de
l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles de sorte que le
direc-
teur du Bureau des véhicules automobiles peut suspendre le permis
de conduire d'une personne qui est accusée de facultés affaiblies
au moyen de l'ivressomètre. On sait que les juges provinciaux, ne
voulant pas voir leurs décisions révisées par le directeur
du Bureau des véhicules automobiles, actuellement, n'interviennent pas
dans ce domaine, de sorte que plusieurs personnes, beaucoup de pères de
famille surtout qui ont besoin de leur permis de conduire pour conserver leur
emploi et faire vivre leur famille voient suspendre leur permis de conduire
pour une période minimale de trois mois sans aucun recours. Je pense
qu'il serait important que le ministre de la Justice y voie, de concert avec
son confrère, le ministre des Transports, pour que la loi à ce
sujet soit amendée le plus rapidement possible. Je pense que cela
pourrait se faire d'une façon très simple et je puis l'assurer,
du moins, de la collaboration de l'Union Nationale et probablement de
l'Opposition officielle si le ministre décidait d'apporter de tels
amendements.
Sur un autre sujet, je veux faire allusion également à la
multiplication des tribunaux administratifs et quasi judiciaires où il
n'existe pratiquement ni exercice de discrétion judiciaire, ni droit
d'appel pour les citoyens. Je ne comprends pas que le ministre de la Justice
n'agisse pas dans ce domaine.
Egalement, dans le domaine concernant les clauses privatives, on est en
train d'étudier la Loi sur le zonage agricole. Dans cette loi, il y a
encore des clauses privatives et on n'est pas loin de i'indépendance
judiciaire. M. le Président
M. Bédard: Ce n'est pas fait...
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. le député de Nicolet-Yamaska, vous avez la parole.
M. Bédard: Vous pourriez peut-être le rattacher.
M. Fontaine: Je peux le rattacher certainement à
i'indépendance judiciaire parce que si les juges sont privés
d'exercer à leur discrétion à cause de clauses privatives,
je pense que cela touche leur indépendance judiciaire. Si vous aviez
assisté au congrès, M. le ministre, au congrès des juges,
vous auriez pu certainement...
M. Lalonde: II n'était pas là?
M. Fontaine: Non, il n'était pas là
malheureusement.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska...
M. Lalonde: On l'a rencontré dans le bout. Le
Président (M. Clair): ... je vous rappelle qu'en vertu de l'article
162a de notre règlement, paragraphe a): celui qui a donné la
question avec débat a le droit d'être entendu le premier, et le
ministre questionné peut lui répondre immédiatement
après. Chacune de ces interventions doit être limitée
à 20 minutes. Je veux vous le rappeler dans le but de vous permettre de
faire une intervention complète au départ. Allez-y.
M. Fontaine: M. le Président, je reviens au sujet. Je
pense que le ministre de la Justice, avec tout l'appui qu'il peut avoir du
sous-ministre actuel qui est un expert dans le domaine, pourrait certainement
agir dans le domaine des clauses privatives qui se multiplient,
malheureusement. Depuis deux ans, lors de l'étude des crédits,
j'ai abordé ce sujet et on m'a dit à chaque fois qu'on y verrait,
mais je pense que, jusqu'à ce jour, il n'y a pas grand-chose dans ce
domaine qui a été fait. Il serait important de savoir du ministre
de la Justice si c'est véritablement son intention d'agir dans ce
domaine. Vous nous avez répondu il y a un an que c'était à
l'étude, mais je pense que l'étude était commencée
bien avant que le ministre de la Justice arrive à ce ministère.
C'était d'ailleurs inclus dans le livre blanc sur l'administration de la
justice. Je pense qu'il serait temps d'agir dans ce domaine. (10 h 30)
J'aimerais également obtenir du ministre de la Justice ou de son
sous-ministre expert dans ce domaine des réponses concrètes et
précises car cette question m'intéresse et intéresse
également tout le domaine de l'administration de la justice.
Je voudrais également aborder de nouveau la question du salaire
des juges et aussi celle du régime de pension contributive établi
par la loi 40. Le ministre connaît bien la position de l'Union Nationale
sur cette question. On lui avait déjà fait des propositions quant
à l'adoption d'une loi qui permettrait une indexation du salaire des
juges un peu semblable à celle de l'indexation du salaire des
députés.
En terminant, je voudrais également attirer l'attention du
ministre de la Justice qui est sans doute au courant de ce dossier sur
l'insatisfaction des juges concernant les amendements de la loi 40 au sujet de
la pension des juges et surtout du rachat d'années antérieures.
On nous a informés que certains juges doivent débourser des
sommes allant même au-delà de $35 000 sur une période de
dix ans, ce qui veut dire que les juges seront privés de leur
augmentation de salaire sur une période de dix ans, afin de racheter ce
régime de retraite. Quand on connaît l'inflation d'aujourd'hui, je
pense que ce n'est pas acceptable; il n'y a pas un syndicat qui aurait
accepté, de la part du ministre, de semblables modifications. Je pense,
M. le Président, qu'on a amplement de sujets sur !a table et le ministre
de la Justice pourra sans doute éclairer tant l'Opposition que la
population sur ces sujets qui sont d'actualité depuis dix ans.
Le Président (M. Clair): M. le ministre.
Réplique du ministre M. Marc-André
Bédard
M. Bédard: Comme vous l'avez dit en terminant, ce sont des
sujets d'actualité depuis dix ans. Depuis deux ans que nous sommes
là, on a essayé de poser des gestes qui montrent notre
détermination d'aller d'amélioration en amélioration, tout
en ayant assez de réalisme pour comprendre qu'on ne peut pas tout faire
en l'espace de deux ans. Au-delà des définitions et des
discussions théoriques concernant le sujet très important de
l'indépendance du pouvoir judiciaire, une seule chose me semble
déterminante. C'est l'examen des mesures prises par le ministère
de la Justice. Je crois que la loi 40, adoptée par l'Assemblée
nationale en juin dernier, constitue le pas le plus important et le plus
prometteur qui ait été franchi au Québec depuis au moins
dix ans concernant la magistrature. Je n'irai pas vous le savez
très bien jusqu'à dire qu'il s'agit d'une loi parfaite. Je
ne crois d'ailleurs pas que les lois puissent être parfaites. Elles sont
toujours perfectibles et nous avons assez de réalisme pour le
constater.
Mais il reste que cette loi 40 constitue un pas très important.
Non seulement cette loi a-t-elle réglé les problèmes
urgents, mais elle a inscrit dans nos institutions ce qui, je crois, sera la
pierre angulaire du pouvoir judiciaire, à savoir le Conseil de la
magistrature qui constituera un organisme de toute première importance,
non seulement en fonction de l'élaboration de règles de
discipline, de déontologie, mais aussi qui constituera un organisme
très important qui fera les recommandations qu'il jugera à propos
de faire aux autorités gouvernementales.
Le député de Nicolet-Yamaska a abordé plusieurs
sujets qui sont traités d'une façon spéciale par la loi 40
et ont été aussi abordés lors de la Conférence des
juges. Entre autres, il y avait le sujet concernant le salaire des juges. Au
chapitre du salaire des juges, prétendre que leur rattachement à
une catégorie de hauts fonctionnaires ou a la politique
générale de rémunération des officiers publics,
prétendre que faire cela compromet l'indépendance des juges ou de
la magistrature dans son ensemble constitue à mon sens une affirmation
absolument démagogique, superficielle et contraire à
l'observation la plus élémentaire de la
réalité.
Depuis longtemps, nous avons eu l'occasion de constater que la question
du salaire des juges faisait constamment le sujet de débats
enflammés, et plutôt démagogiques sur les bords, à
l'Assemblée nationale toutes les fois qu'il était question
d'augmentation de salaire. C'est un problème qui existait non seulement
depuis dix ans, mais depuis plus que dix ans. Nous avons essayé de
corriger cette situation par le projet de loi no 40. Nous ne sommes pas
tombés dans la nouveauté, à ce moment-là, puisque
les neuf provinces anglaises du Canada procédaient déjà
ainsi, et ce n'est pas sans motif.
De deux choses l'une. Les salaires des juges sont finalement
déterminés par l'Assemblée natio- nale ou par
l'Exécutif. L'expérience a démontré à
plusieurs occasions et dans plusieurs provinces que le mécanisme
législatif qui existait, c'est-à-dire une loi par année
pour l'augmentation du salaire des juges, était trop lourd, trop long;
plus que cela, qu'à la longue, il causait des injustices par les retards
à s'adapter au contexte économique. Sur cet aspect du salaire des
juges, lorsque nous avons présenté la loi 40, vous n'êtes
pas sans savoir que cela faisait déjà deux ou trois ans que les
juges n'avaient pas eu d'augmentation substantielle, justement parce que le
mécanisme législatif était trop lourd. Celui que nous
avons adopté nous permet d'être plus souples, je crois. Tout
mécanisme fixé dans une loi manque ainsi de la souplesse
nécessaire pour assurer l'amélioration normale de la
rémunération, sans pour autant verser dans une croissance
démesurée.
Au contraire, le mécanisme retenu par la loi 40 permet de
s'adapter aux politiques d'ensemble de l'Etat en tenant compte du contexte
économique. C'est non seulement efficace, mais c'est juste.
La loi 40 aussi, puisqu'on parle d'indépendance judiciaire, a
consacré un mécanisme de nomination des juges. Je pense que c'est
de toute première importance, puisque, lorsqu'on parle de
l'indépendance du pouvoir judiciaire, il faut quand même
réaliser que le juge est à la base de cette indépendance
judiciaire. C'est, d'ailleurs, ce qu'explicitait le livre blanc sur la justice,
que je me permets de vous citer, à la page 5: "Le juge étant le
pivot de la justice, il est d'une extrême importance que ceux qui
accèdent à la magistrature répondent aux exigences
requises pour remplir la fonction avec intégrité et
compétence. L'exercice de la fonction de juge suppose plusieurs
qualités d'ordre divers, certaines sont d'ordre moral, comme le
caractère, l'indépendance et l'impartialité; d'autres sont
d'ordre technique ou résultent de l'expérience acquise, comme le
savoir juridique, l'expérience des procès, la connaissance des
hommes, la sagesse et le bon sens. "C'est la raison pour laquelle la nomination
des juges est une affaire délicate et importante. Divers milieux
aimeraient voir instituer un mode de nomination qui permette d'assurer chez les
juges la présence de ces qualités. Il en découle aussi
l'impératif de mettre en place une procédure appropriée
pour la vérification des aptitudes à demeurer un juge lorsqu'une
question sérieuse rend cet examen souhaitable ".
C'était le principe de base qui était énoncé
dans le livre blanc sur la justice de l'ex-ministre de la Justice, M.
Jérôme Choquette. La loi 40 est justement importante en ce sens
qu'elle a consacré un mécanisme de nomination des juges qui
place, je n'hésite pas à le dire, notre société
à lavant-garde de tout ce qui est connu dans le monde occidental. Il y
avait lieu d'encadrer ce processus de nomination pour assurer le plus possible
que la compétence soit le principal critère de nomination et que
l'action politique du candidat ne le favorise ou ne le défavorise
pas.
Dans une longue analyse des différents systèmes de
nomination des juges qu'il faisait en décembre 1977, le juge en chef
Jules Deschênes
de la Cour supérieure du Québec, après avoir fait
une réserve sur le traitement confidentiel des candidatures, disait: "Le
système mis actuellement sur pied... Pas par les gouvernements qui nous
ont précédés; c'est un problème qui existe depuis
dix ans et plus, le problème de la nomination des juges. Donc, le juge
en chef de la Cour supérieure, M. Jules Dechênes, disait
très clairement ceci à propos du mode de nomination que nous
avons mis sur pied: "Le système mis actuellement sur pied répond
aux espoirs que les meilleurs esprits ont longuement exprimés".
Je pense que ceci est très éloquent en termes
d'acceptation de ce principe. Je puis vous dire aussi on aura
peut-être l'occasion d'en discuter tout à l'heure que
même ceci rejoint des dispositions qui ont été prises par
le président Carter concernant la nécessité de mise en
place de mécanismes pour la nomination de juges. A moins de
prétendre que seuls des juges devraient choisir de nouveaux juges, ce
qui nous ramènerait à une conception féodale du pouvoir
judiciaire, je crois qu'il y a là un pas susceptible
d'améliorations, certes, mais un pas majeur.
Concernant le problème des pensions qu'a mentionné le
député de Nicolet-Yamaska, on sait que la loi 40 a
également introduit un nouveau régime de pension pour les juges.
Ceux-ci en avaient déjà un, mais dans lequel ils n'avaient pas
à contribuer leur part, du point de vue monétaire. A l'heure
actuelle, comme vous le savez, ils contribuent à 71/2%, alors que tout
récemment la Saskatchewan a établi une contribution non pas de 7
1/2% mais de 9% pour ses juges. L'ancien régime il n'y a pas eu
d'injustice là-dedans a été maintenu sans aucune
modification, respectant ainsi les droits acquis, mais un nouveau régime
plus adapté et plus avantageux a été instauré.
C'est cela la loi 40, concernant les pensions. En vertu de ce régime, un
juge prenant sa retraite dans des conditions normales, aura droit à 70%
de son traitement des cinq meilleures années. Ainsi, un juge qui
prendrait sa retraite dans cinq ans aurait droit au minimum à 70% d'un
traitement minimum d'à peu près $50 000, soit environ $35 000 de
pension.
Si le représentant de l'Union Nationale ou le représentant
du Parti libéral jugent cela insuffisant, je me demande...
M. Lalonde: Je n'ai pas dit un mot...
M. Bédard: Non, mais votre chef a dit quelque chose, on y
reviendra...
M. Lalonde: Au moins, il n'était pas au bar en bas, il
était là...
M. Bédard: Non, c'est complètement
démagogique. Ce soir là, justement, j'ai passé la
soirée avec le juge en chef qui venait d'être nommé et qui
faisait l'objet d'une fête de la part de ses collègues, le juge
Chassé... (10 h 45)
M. Lalonde: Bon, on passe aux aveux.
M. Bédard: II y a un bout à jouer à la
petite démagogie et...
M. Lalonde: Donc, vous étiez là, donc vous
étiez autour...
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Marguerite-Bourgeoys, le ministre a droit
à ses 20 minutes et je lui indique qu'il lui reste quatre minutes.
M. Lalonde: Bon, mais il m'avait attaqué.
M. Bédard: II y a également la loi 40. On aura
l'occasion de revenir sur d'autres sujets je ne les aborde pas tous
qui ont été mentionnés par le député
de Nicolet-Yamaska. La loi 40 aussi je le disais tout à l'heure
met en place ce qui sera, j'en suis convaincu, la pierre angulaire du
système judiciaire, à savoir le Conseil de la magisr trature. Ce
Conseil de la magistrature sera, j'en suis convaincu, la pierre angulaire de la
réforme des tribunaux et la pierre d'assise de l'indépendance de
la magistrature. Concernant le Conseil de la magistrature j'avais
l'occasion de le dire en deuxième lecture le livre blanc sur
l'administration de la justice, déposé en avril 1975 par mon
prédécesseur du gouvernement libéral, proposait,
après avoir examiné les différentes expériences qui
existent ailleurs, la création d'un Conseil de la magistrature
chargé de préparer un code de déontologie et doté
de certains pouvoirs en matière de perfectionnement. Notre
système judiciaire souffre énormément de l'absence d'un
organisme officiel permettant d'établir un lien entre l'administration
et les juges, de mettre sur pied des programmes de perfectionnement
adaptés aux besoins des juges et d'élaborer un code de
déontologie.
Les juges du Québec sont nommés durant bonne conduite et
ils ne sont régis par aucune norme déontologique écrite,
de sorte que la seule sanction d'une conduite qui ne serait pas conforme
à l'éthique est la destitution. L'exercice d'un tel pouvoir
suppose une faute à ce point grave qu'il n'a jamais été
exercé. Les juges ne sauraient être soumis c'est notre
conviction à aucune pression lorsqu'ils rendent leurs
décisions et ils doivent pouvoir juger en toute liberté et sans
aucune contrainte. C'est le principe même de l'indépendance
judiciaire. Il nous faut cependant éviter l'érosion de
l'éthique et de l'image d'impartialité et
d'intégrité que doit avoir et que doit toujours conserver la
magistrature. C'est pour cela qu'il était important c'est que la
loi 40 a fait afin d'assurer l'objectivité et
l'impartialité de ce conseil, qu'il ne soit pas issu uniquement du
milieu de la magistrature. C'est pourquoi on le constate dans la loi 40
que nous avons adoptée deux de ses membres sont choisis par les
membres du Barreau et deux autres sont des représentants du public.
Le Conseil de la magistrature, comme pierre d'assise de
l'indépendance judiciaire, sera appelé à développer
l'ensemble des responsabilités qui
lui sont octroyées par la loi au fur et à mesure que le
temps fera son oeuvre et que les idées se préciseront. Ainsi,
j'ai déjà dit que le député de
Nicolet-Yamaska y a fait référence dès que le
Conseil de la magistrature commencera son travail, je mettrai sur pied un
groupe de travail sur les relations entre le judiciaire et l'administration.
Alors, cela est conforme à ce que j'ai dit. Vous devriez le lire, c'est
textuellement ce que j'ai dit en deuxième lecture. Dès que le
Conseil de la magistrature commencerait son travail ce qui n'est pas
fait à l'heure actuelle à ce moment-là, je
m'engageais d'avance à mettre sur pied un groupe de travail pour
étudier les relations entre le judiciaire et l'administratif.
Comme vous le savez, la loi 40 prévoit que des recommandations
doivent être faites par le Barreau, par différents organismes,
pour indiquer les personnes qui doivent siéger à ce Conseil de la
magistrature. Il me reste certaines recommandations à recevoir et
dès que je les aurai, nous allons, d'une façon très
officielle, mettre sur pied autrement dit le Conseil de la
magistrature et, conformément à ce à quoi je me suis
engagé, nous mettrons également sur pied un groupe de travail sur
les relations entre le judiciaire et l'administratif.
Mais quand on parle de relations entre le judiciaire et l'administratif,
je pense qu'on peut dire honnêtement que, dans ce domaine, la
réflexion au Québec est loin d'être terminée.
D'ailleurs, le livre blanc sur la justice disait ceci concernant le rôle
des juges dans l'administration: Les juges ont pour vocation de rendre la
justice en arbitrant les litiges entre particuliers en matière civile et
en sanctionnant les violations de la loi en matière criminelle ou
pénale. Sur le strict plan de l'organisation judiciaire, le juge exerce
ces attributions par l'acte de jugement. Toutefois, pour assurer l'exercice
ordonné de cette fonction judiciaire, les juges ont besoin d'un cadre
administratif et il appartient au ministère de la Justice de leur
procurer les ressources humaines et physiques dont ils ont besoin pour
s'acquitter de leur tâche.
Le livre blanc disait aussi ceci: Les juges ne sont donc pas
engagés dans l'ordre administratif, lequel relève du pouvoir
exécutif. C'est là une des caractéristiques principales de
l'indépendance de la magistrature. Le juge est ainsi
dégagé du fardeau administratif et exerce pleinement le
rôle qui lui est imparti. Pas besoin de vous dire qu'il semble bien que
l'esprit du livre blanc de celui qui m'a précédé est loin
des propositions que nous fait le député de Nicolet-Yamaska de
remettre tout l'ensemble de l'administratif entre les mains du judiciaire. Au
contraire, on va exactement dans le sens opposé dans le livre blanc.
M. Fontaine: ... assisté à la
conférence.
M. Lalonde: Votre programme, ce n'est pas bon?
M. Bédard: Oui, justement j'y viens. On ne s'est pas
laissé arrêter par les réflexions du livre blanc; on s'est
plutôt orienté vers ce que dit notre programme. Ce que nous avons
fait jusqu'à maintenant. Quand je parle de la mise sur pied d'un groupe
de travail pour étudier les relations entre le judiciaire et
l'administratif, je m'en vais exactement dans le sens de notre programme
plutôt que dans le sens du livre blanc, parce que notre programme
prévoit, dans son chapitre sur la justice, que soit accordé au
pouvoir judiciaire un maximum d'autonomie administrative. Alors, je pense que
le comité...
M. Fontaine: Ce n'est pas cela que je vous ai
proposé...
M. Bédard: Une fois le Conseil de la magistrature en
place, il y aura un groupe de travail qui sera mis sur pied pour étudier
les questions d'administration, les relations entre l'administration et le
judiciaire et je pense qu'il est fort possible, en tout cas, on peut le
prévoir, que les résultats de ce groupe de travail s'orienteront
dans le sens de en tout cas, je ne peux tout de même pas
présumer des recommandationsceque dit le programme du parti.
Par ailleurs, je sais que le temps...
M. Lalonde: Qu'est-ce que cela donne d'avoir un groupe de
travail, si vous pensez qu'il va s'orienter...
M. Bédard: Je l'espère. J'ai quand même le
droit d'avoir mon optique personnelle mais il ne faut pas oublier que ce qui
sera important à ce moment-là... Comme ministre de la Justice,
j'ai le droit de penser que c'est peut-être dans cette ligne qu'on
devrait s'orienter; j'ai déjà des gestes de posés...
M. Lalonde: On verra qui sera...
M. Bédard: ... qui laissent entendre que nous nous en
allons dans cette ligne-là, mais ce qui sera important, c'est justement
la composition de ce groupe de travail.
M. Lalonde: Oui, il faut qu'il aille dans votre sens. C'est
important.
M. Bédard: C'est clair.
M. Lalonde: On verra qui va être déçu.
M. Fontaine: M. le Président, question de
règlement.
M. Bédard: Vous être très perspicace. Je
termine, M. le Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska invoque le règlement.
M. Fontaine: Je comprends, M. le Président, que le temps
alloué au ministre est déjà terminé depuis quelque
temps. S'il achève...
M. Bédard: Oui, j'achève.
Le Président (M. Clair): M. le ministre.
M. Bédard: Alors, il s'agira de prévoir qu'à
l'intérieur de ce groupe de travail ce ne seront pas seulement des gens
du ministère de la Justice, mais qu'il y aura, justement, une
représentation très significative du Conseil de la magistrature
et des juges qui sont concernés par le problème.
M. le Président, le 13 juin dernier, je déclarais,
à l'occasion de l'adoption de la loi 40, que, dans la logique de ce que
prévoit le projet pour le financement du perfectionnement des juges, il
me semble important d'étudier la possibilité de confier une plus
grande autonomie en ce qui touche l'administration des sommes d'argent
consenties par l'Etat pour ses services de soutien. J'ai donné à
ce moment l'indication. On ne peut pas tout faire en même temps et je
continuais dans ce sens: "C'est le mandat que je confierai à un groupe
de travail sur l'indépendance administrative, qui serait composé
de représentants du ministère de la Justice et de juges."
Comme vous le voyez, M. le Président, et je termine
là-dessus, les idées se modifient, quand même. Du livre
blanc à aujourd'hui, on peut constater que les idées se modifient
concernant ce sujet de l'autonomie administrative, mais on doit avouer qu'elles
ne sont pas encore très précises. Permettez-moi de conclure en
citant Me Patrice Garand qui, dans une excellente étude sur le sujet,
disait: "Au Québec, la loi no 40 de 1978 constitue un premier pas dans
une certaine direction qui à certains égards m'apparaît
positive. C'est plus modeste que le mirage ontarien, mais c'est plus
sûr."
M. Fontaine: II n'a pas été applaudi beaucoup
à la conférence.
M. Bédard: Bon, il y a d'autres choses qu'il a dites aussi
qui étaient très intéressantes et je comprends qu'il n'ait
pas été applaudi.
M. Lalonde: M. le Président, une demande de directive.
Est-ce que les autres ont droit de parole? Les autres, c'est seulement moi,
d'après ce que je vois. Le groupe ministériel est assez
ténu en nombre quoi que, en qualité on ait le ministre. Est-ce
que j'ai droit de parole à un moment donné?
Le Président (M. Clair): Oui. "Un député
peut prendre la parole aussi souvent qu'il lui plaît, à condition
de ne parler plus de 20 minutes en tout; cette restriction ne s'applique pas au
député qui a donné l'avis de question avec débat,
ni au ministre questionné, lesquels ont un droit de parole
privilégié." Ce règlement m'est apparu tellement clair
jusqu'à maintenant que je vous reconnais pour vous donner le droit de
parole.
M. Fontaine: J'ai un droit de parole privilégié
selon le règlement et je voudrais tout simplement faire une remarque
très courte; je ne veux pas vous empêcher de parler.
M. Lalonde: Merci.
Le Président (M. Clair): Si M. le député de
Marguerite-Bourgeoys ne veut pas se retrouver à un siège encore
plus loin.
M. Fontaine: Je voudrais tout simplement revenir sur des propos
qui ont été tenus par le ministre qu'il me paraît
très important de relever immédiatement. Lorsqu'il a
traité de la réaction des juges en disant qu'elle était
démagogique et superficielle, cela m'apparaît tout à fait
injuste et, à sa face même, de nature démagogique de la
part du ministre. Nous ne croyons pas que la solution retenue par le
gouvernement, soit d'agir par voie d'arrêté ministériel
concernant le salaire des juges, soit la meilleure et offre toutes les
garanties nécessaires pour respecter le principe de
l'indépendance judiciaire. La solution qui avait été
proposée par l'Union Nationale lors de l'étude du projet de loi
no 40, soit celle qui avait été retenue concernant le salaire des
députés, m'apparaît beaucoup plus respectueuse de ce
principe, car cette solution aurait réglé le problème pour
de bon sans danger d'un changement possible et arbitraire dans l'avenir, ce qui
existe toujours en théorie dans la formule retenue par le
gouvernement.
On sait qu'il arrive assez souvent... On a déjà eu
l'occasion en Chambre parfois de poser des questions au ministre sur un
arrêté en conseil qui avait été passé
concernant son ministère et il n'était même pas au courant.
S'il y a des choses comme cela qui se produisent dans l'administration en
adoptant des règlements, je pense que cela ne garantit pas
nécessairement l'indépendance du pouvoir judiciaire.
M. Bédard: Juste sur ce point. Le député de
Nicolet-Yamaska semble oublier quelque chose de fondamental. La loi 40 ne
prévoit pas seulement un arrêté ministériel
lorsqu'il s'agit d'augmenter ou de toucher au salaire des juges. D'abord, la
loi 40 prévoit que le salaire des juges ne peut pas être
réduit. Deuxièmement, pour l'arrêté
ministériel, on prévoit une publication dans la Gazette
officielle. Il y a aussi la possibilité d'un débat sur une
augmentation du salaire des juges ou sur une décision concernant le
salaire des juges qui aurait pu être prise par le Conseil des ministres,
n'importe quand.
M. Lalonde: Un débat au Conseil des ministres.
M. Bédard: Ce n'est pas caché. Le contenu est dans
la Gazette officielle. Si l'Opposition juge à propos de faire un
débat sur ce sujet...
M. Fontaine: On pourrait faire un débat de 25 heures et on
n'aurait pas de résultats.
M. Bédard: ... c'est toujours possible à
l'Assemblée nationale. Je suis convaincu que ce serait un débat
beaucoup plus positif que tous ceux qu'on a eus jusqu'à maintenant quand
il s'agissait d'augmenter le salaire des juges, à la fin des sessions.
(11 heures)
M. Fontaine: Mais il reste un fait, c'est le Conseil des
ministres qui prend la décision. Il pourrait décider de modifier
l'augmentation telle que prévue.
M. Bédard: Oui. C'est ce qui se fait dans neuf autres
provinces. Arrêtez de faire croire que c'est une atteinte à
l'indépendance judiciaire. Voyons!
M. Fontaine: On vous dit que ce n'était pas la meilleure
solution.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Point de vue de l'Opposition officielle
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: On voit que l'intérêt du gouvernement du
Parti québécois est très mince quant à
l'indépendance judiciaire. Le député de Nicolet-Yamaska
l'a souligné tantôt. Le ministre de la Justice est ici. Merci
beaucoup d'être là. Mais il n'y a aucun député,
aucun autre ministre. Il y a la présidence, mais la présidence
est invisible. Vous le savez, M. le Président. Il n'y a aucun autre
député ici. C'est réellement déplorable. Il me
semble qu'il devrait y avoir dans la deputation ministérielle...
Où sont-ils rendus? Sont-ils dans le champ pour le
référendum? C'est plus important le référendum que
l'indépendance judiciaire, peut-être? Non?
M. Bédard: On pose des gestes pratiques, comme la loi
40.
M. Lalonde: Je ne parle pas de la loi 40. Je parle de l'absence
du gouvernement...
M. Bédard: Ils ont voté pour la loi 40.
M. Fontaine: Vous pensez que la loi 40 est...
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs, s'il vous
plaît!
M. Laionde: Le 3 novembre, pas de gouvernement non plus pour
rencontrer les juges. Je comprends qu'on avait, d'après ce qu'on a dit,
délégué un superministre qui était occupé.
Il semble que le ministre de la Justice, lui, allait aussi à un party,
dans le coin, je ne sais pas, à une cérémonie, à un
anniversaire quelconque.
M. Bédard: Je n'ai jamais vu être démagogique
comme cela. J'ai eu l'occasion...
M. Lalonde: En tout cas, j'ai posé une question
tantôt. Le ministre de la Justice n'était pas loin de la
conférence à ce moment-là. On dit qu'il était
même dans l'hôtel.
Le Président (M. Clair): A l'ordre!
M. Bédard: Je vous l'ai dit. J'ai passé une partie
de la soirée avec le juge en chef, puisqu'on fêtait sa nomination
ce soir-là.
M. Lalonde: Alors le ministre de la Justice a passé un
bout de temps dans l'hôtel et il n'a même pas assisté
à la conférence. M. le Président, il y a quand même
un bout.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: M. le Président, permettez-moi, sur ce
point-là...
Le Président (M. Clair): M. le ministre, vous aurez
sûrement...
M. Lalonde: II n'y a pas de question de privilège ici. Mon
temps est de 20 minutes et je le commence.
M. Bédard: Je ne sais pas. Ce n'est même pas un
privilège.
Le Président (M. Clair): M. le ministre, vous aurez
sûrement l'occasion de revenir sur le sujet. M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Bédard: Pour ce que vous avez d'important à
dire!
M. Lalonde: Je trouve cela arrogant. Je comprends que le ministre
de la Justice représente un parti qui s'est déjà
montré non seulement arrogant, mais même dégueulasse
à l'égard des juges. Qu'on se souvienne le ministre de la
Justice en a sorti une bonne tantôt du mécanisme trop lourd
pour l'augmentation. Il parlait de la Chambre, de l'Assemblée nationale.
Il peut bien dire trop lourd. Lui qui a participé assez peu sa
prudence déjà commençait à faire ses marques
lui, dont le parti a fait la plus basse démagogie avec le salaire des
juges, a fait de ce débat une bataille de rue, de petite
politicaillerie. Il peut bien dire que c'est un mécanisme un peu lourd.
C'était rendu un mécanisme éhonté. A cause de qui,
par exemple? A cause du Parti québécois. Je comprends bien. Ils
ne veulent plus se montrer devant les juges. Enfin! L'indépendance
judiciaire décrit cet idéal où le juge rend ses jugements
dans la plus grande objectivité, surtout à l'égard des
autres pouvoirs organisés, comme les groupes de pression et surtout, il
inclut,
naturellement, le gouvernement, l'Assemblée nationale. Comme
c'est la loi qui est l'institution démocratique suprême et que le
gouvernement est appelé à appliquer les lois et à les
faire modifier par l'Assemblée nationale, il n'est que juste qu'on se
retrouve devant le gouvernement pour lui poser des questions sur
l'indépendance judiciaire.
Pourquoi maintenant? Je pense que le député de
Nicolet-Yamaska a soulevé à bon droit cette question que nous
avons soulevée à d'autres lieux. Pourquoi maintenant? C'est parce
que la question se pose avec beaucoup plus d'acuité actuellement. On a
tenu pour acquis que l'indépendance des juges était une
espèce de rempart infranchissable des vertus de notre régime
démocratique. On a cru que les seuls périls qui menaçaient
ce principe essentiel à une saine administration de la justice se
présentaient sous la forme d'ingérence directe du pouvoir
exécutif dans le processus judiciaire; par exemple, les fameux appels
téléphoniques de certains ministres à un autre niveau,
à des juges, et d'où sont venues certaines démissions. On
l'a vu. Pourquoi à un autre niveau?
On pense que cela ne s'est pas passé ici? Donnons un exemple. Un
appel téléphonique, à la demande du ministre, d'un
sous-ministre à un coroner pour lui faire réviser son verdict
lors de l'accident du premier ministre. N'est-ce pas de l'ingérence?
Oui, c'est un cas. Dans ce cas-là, le ministre n'a pas
démissionné. Il semble qu'ici on ait un autre ordre de
valeurs.
On a même accepté dans notre vocabulaire le mot "pouvoir"
pour décrire la réalité judiciaire. L'érosion de
cette protection du justiciable est venue d'une façon beaucoup plus
subtile et beaucoup plus périlleuse. D'abord, les lois-cadres avec la
législation déléguée qui les accompagne
nécessairement, le gigantisme de l'administration publique, la
multiplication des tribunaux judiciaires, régies, offices, sans droit
d'appel. Là-dessus je pense que le député de
Nicolet-Yamaska l'a mentionné, hier soir encore, en un autre lieu, on en
parlait on assiste, dans le projet de loi no 90, à une autre
tentative de tripotage absolument éhon-tée de ces principes
d'indépendance judiciaire. On crée une régie ou un office,
on lui donne droit d'appel à lui-même, doit de révision
qu'un député ministériel a eu le culot d'appeler un droit
d'appel alors que c'est l'office qui révise ses propres
décisions. On s'était déjà rendu là dans la
loi 67, mais dans ce cas-ci je ne me souviens pas si on l'avait dans la
loi 67 c'est le bout! On donne au gouvernement le droit de retirer
à l'office des questions, des dossiers, des cas à volonté.
Je ne pense pas qu'on l'ait fait pour la loi 67. Maintenant, il n'y a plus de
limite à ce gouvernement!
C'est rendu, dans ce projet de loi no 90 sur le zonage agricole, que le
ministre de la Justice le laisse passer comme une lettre à la poste.
Nous ne sommes pas les seuls à nous plaindre. On a vu que cette
conférence des juges a attiré une attention, a créé
un intérêt assez rare dans la presse. Seulement quelques exemples.
M. Jean-Claude
Rivard écrivait dans le Soleil du 10 novembre ce n'est pas
de son cru, mais il rapporte ce qui a été dit à la
conférence: "II faudra cesser de transformer les juges en
fonctionnaires, par exemple la loi 24, le Tribunal de la jeunesse, et de
transformer des fonctionnaires en juges, par exemple la loi 67, les
protonotaires spéciaux". Entre parenthèses, je n'ai pas eu le
plaisir d'assister à cette conférence, le Parti libéral
étant représenté par son chef, M. Ryan.
Je reviens à l'article du Soleil. "Deuxièmement, il faudra
faire en sorte que les décisions judiciaires ne puissent être
révisées par des fonctionnaires comme c'est actuellement le cas
au Bureau des véhicules automobiles au sujet des permis de conduire".
Encore là, la loi 67 en a fait de bonnes. Il continue: "II faudra mettre
un terme au fléau de la législation déléguée
par le biais des lois-cadres et cesser de rédiger des lois mal foutues".
C'est le journaliste qui le dit.
Paul Lachance, dans le Soleil du 7 novembre, écrit:
"L'accélération de la création des tribunaux quasi
judiciaires et l'imposition des mesures législatives qui constituent,
à toutes fins utiles, une amputation lente mais progressive du
caractère fondamental de la judicature avec d'autres choses qu'il
mentionnait sont de nature à inspirer la crainte". Il y a un tas
de témoignages dans ce sens qui décrivent avec assez de
précision quelles sont les raisons de cette érosion de
l'indépendance judiciaire.
Vous me direz que ce n'est pas nouveau et vous aurez raison. Ce n'est
pas nouveau, le type d'organisation sociale moderne que nous avons a fait qu'il
a fallu avoir une multiplication des lois, trouver d'autres façons de
légiférer que strictement en détail à
l'Assemblée nationale. De là la législation
déléguée et l'augmentation de la législation
déléguée. L'administration publique est devenue plus
gigantesque. Tout ça, oui, c'est vrai. Mais je pense que maintenant on a
atteint un point de saturation et aussi un moment où il faut
s'arrêter et réfléchir. Quand les juges décident de
descendre dans la rue et de nous en parler, je pense que c'est le temps de
s'arrêter et de réfléchir.
Je ne pense pas qu'ils se soient conduits de façon
irréfléchie, de façon démagogique, comme, je pense,
quelqu'un l'a dit ici, et ce n'est pas quelqu'un de l'Opposition. Je ne pense
pas qu'ils se soient conduits comme des gamins ni comme des voyous. Ils ont
simplement pris la responsabilité de faire connaître au public un
état de fait. Il semble qu'ils ne sont pas les seuls puisque presque
généralement, sauf M. Garant, apparemment, qui est un expert en
droit administratif, la majorité des gens sont d'avis qu'il faut
s'arrêter et réfléchir.
Que faire? Je pense qu'il y a certains moyens qui appartiennent à
la catégorie des grands moyens exceptionnels, par exemple les
amendements à la constitution où le principe et le rôle du
pouvoir judiciaire seraient définis. Mais d'autres sont d'ordre
administratif et je pense que le ministre de la Justice a une
responsabilité très
claire à cet égard. Il s'agit de l'autonomie
administrative. Le ministre nous a répété ce qu'il nous a
dit au mois de juin on est déjà rendu au mois de
décembre, presque c'est la constitution d'un groupe de travail.
Il ne faudrait quand même pas rire du monde.
Ecoutez, vous avez autour de vous, au ministère de la Justice,
des gens qui sont parfaitement familiers avec les problèmes quotidiens
de l'administration des tribunaux et des juges. Je suis sûr qu'il y a des
petites dispositions qui constituent des tracasseries pour les juges, qui
pourraient tout de suite faire l'objet de décisions de la part du
ministre et du ministère de la Justice. Pas besoin d'un groupe de
travail pour ça.
Troisièmement, les lois-cadres et la législation
déléguée. Le ministre de la Justice, comme jurisconsulte
du gouvernement, a là encore une grave responsabilité. Mais ce
qui m'étonne je me suis d'ailleurs étonné de
ça auparavant, mais il ne semble qu'aucun correctif n'ait
été apporté c'est que ce n'est pas le ministre de
la Justice qui est le président du comité de législation.
Je le déplore. Il me semble que, comme jurisconsulte du gouvernement,
aussi comme responsable de l'administration de la justice et responsable de la
protection de l'indépendance judiciaire, le ministre de la Justice
devrait avoir son mot à dire au niveau de la façon dont on fait
les lois, la façon dont on produit des lois-cadres à profusion,
qui sont strictement des chèques en blanc pour faire des
règlements et de la législation
déléguée.
Là encore, le ministre de la Justice ne peut pas se
défiler derrière un groupe de travail. C'est à lui de
prendre ses responsabilités.
Sur la nomination des juges, je pense que dans l'ensemble, les
décisions du ministre ne sont pas si mal. En fait, c'est une tentative,
une expérience à faire. Les améliorations que ça
peut apporter pourront être mesurées seulement à
l'expérience. Je ne peux pas dire que c'est parfait. Une seule chose,
l'emprunt à la fonction publique de la formule de nomination,
candidature, examen, entrevue par des jurys, genre de listes
d'admissibilité, l'emprunt de tout ce système donne-t-il des
résultats aussi étanches qu'on le dit? Certaines nominations de
péquistes notoires à des hauts postes dans la fonction publique
me laissent songeur quant à l'efficacité de ce système. Si
c'est seulement ce système qu'on a emprunté pour le judiciaire,
on a raison d'être vigilants et nous le serons. (11 h 15)
Je souhaite qu'il ne s'agisse pas d'un trompe-l'oeil. On verra
simplement à l'expérience. Mais ce que je veux dire, c'est que le
fait d'avoir emprunté strictement un système presque semblable,
à quelques exceptions près, quant à la nomination des
jurys, par exemple, ne nous permet pas de nous asseoir et de nous fermer les
yeux. Je ne pense pas qu'on doive le prendre comme une garantie absolue de
l'indépendance judiciaire.
Sur la loi 40, M. le Président, vous savez qu'on a voté
contre cette loi en deuxième lecture. Le gouvernement, le ministre en
particulier, nous a apporté de très nombreux amendements, pas
tous satisfaisants et, dans l'ensemble, ne satisfaisant pas à toutes nos
réclamations, mais qui amélioraient sensiblement la loi. Il reste
que cette loi 40 contient des choses sur lesquelles nous avons exprimé
soit des réserves sérieuses, soit un désaccord
sévère. Si l'Opposition officielle a voté en faveur en
troisième lecture je pense qu'il est bon de le rappeler au
ministre et il pourra relire mon discours en troisième lecture ce
n'est que pour faire une tentative... oui, en partie en fonction des
amendements et des améliorations qui avaient été
apportées. S'il n'y avait pas eu d'améliorations, il n'y aurait
pas eu de vote; cette loi-là n'aurait pas été
adoptée.
Le ministre nous a demandé notre collaboration pour l'adopter
avant la fin du mois de juin. Les consultations que j'avais eues indiquaient
que, même malgré les réserves et même l'opposition de
certains milieux et de plusieurs juges, y compris la Conférence des
juges, à des dispositions de cette loi, on préférait quand
même avoir cela que de ne rien avoir. C'est dans ce sens-là que
nous avons collaboré avec le ministre pour l'adopter à la vapeur,
malheureusement que voulez-vous, nous ne sommes que l'Opposition
à deux heures de la nuit, l'avant-dernier ou le dernier jour de la
session. L'étude article par article avait eu lieu la veille. On a fini
à deux heures du matin et le jour même la continuation de
ce jour-là on a eu le débat en troisième lecture et
l'adoption dans la soirée. C'est cette nuit-là que la session a
été ajournée.
M. Bédard: L'étude article par article avait
été précédée d'une consultation des membres
de l'Opposition...
M. Lalonde: C'est cela.
M. Bédard: ... sur chacun des amendements que je voulais
apporter. Il ne faut pas négliger cela.
M. Lalonde: Je ne voulais pas faire référence aux
rencontres privées que nous avons eues, mais je dis que le ministre nous
avait offert des amendements qui étaient considérables en nombre
et satisfaisants dans une certaine mesure, au moins pour une partie de nos
problèmes. Il nous avait consultés quelques heures avant de
procéder à l'étude article par article. C'est dans cette
optique que nous avons adopté cette loi à la vapeur.
Mais, au-delà des changements partiels, mais nécessaires
qui ont été apportés, notre vote en faveur en
troisième lecture je l'ai expliqué, je l'ai
répété c'était strictement pour tenter
très modestement, parce que nous ne sommes que l'Opposition, d'injecter
dans cette loi ce qui n'y est pas, la valorisation de la fonction du juge. Dans
une tentative de faire un vote peut-être même unanime on ne
l'a pas eu parce que je pense que l'Union Nationale a voté contre; du
moins, il y a eu l'Opposition officielle et le gouverne-
ment sur cette loi, nous avons essayé de donner un nouveau
départ à la revalorisation de la fonction du juge. Cela n'a pas
été un grand succès. On l'a vu, d'après...
Mais, au moins, les juges doivent savoir qu'il y a des hommes publics et
des femmes publiques, des gens qui sont élus par la population, qui
s'inquiètent et s'interrogent. Je pense que c'est le maximum
qu'on peut faire dans l'Opposition le minimum qu'on pouvait faire
à ce moment-là, c'était de voter en faveur de cette loi
dans cet effort de revaloriser la fonction du juge.
J'espère qu'on n'aura pas l'audace d'interpréter ce vote
comme étant un appui total à cette loi. Ce sont les quelques mots
que j'avais à dire, M. le Président, à ce stade-ci et il
me fera plaisir de continuer à contribuer à vos travaux.
Le Président (M. Clair): M. le ministre.
M. Bédard: Quelques petits points concernant le fait que
le ministre de la Justice n'est pas président du comité de
législation. Je dois informer et rassurer mes collègues en disant
que je suis membre du comité de législation et que je me fais un
devoir d'assister à toutes les séances du comité de
législation concernant l'ensemble de la législation
gouvernementale. Le député de Marguerite-Bourgeoys revient sur
les délais qu'il dit inacceptables concernant la mise sur pied d'un
groupe de travail pour étudier l'autonomie administrative. Je dois lui
rappeler que, conformément à ma promesse, il faut prendre la
promesse telle que je l'ai explicitée.
M. Lalonde: ...
M. Bédard: Non, je ne change pas.
M. Lalonde: ... si elle traîne dans le décor.
M. Bédard: Non, au contraire. Je ne tiens pas à la
mettre de côté, je tiens seulement à la rappeler telle que
je l'ai faite, à savoir que, dès que le Conseil de la
magistrature commencera à fonctionner, à ce moment-là et
rapidement nous allons mettre sur pied un groupe de travail où se
retrouveront des gens du ministère de la Justice et des
représentants des juges afin d'étudier à fond l'ensemble
du problème des relations entre les juges et l'administration. On parle
beaucoup de soutien administratif. Je crois qu'il y a un soutien administratif
très valable donné par le ministère de la Justice à
nos juges du Québec, un soutien administratif qui fait que, en aucune
façon, le principe de l'indépendance judiciaire ne peut
être affecté.
M. Fontaine: M. le Président, sur ce point-là, je
voudrais tout simplement rappeler au ministre de la Justice que, dans le
débat de deuxième lecture du 13 juin 1978, bien sûr, il
nous parlait du Conseil de la magistrature. Mais je ne pense pas qu'il ait
relié dans son discours la création d'un Conseil de la
magistrature à la formation de ce comité. D'ailleurs, je ne vois
pas tellement pourquoi on devrait attendre le Conseil de la magistrature
à ce sujet parce qu'il nous disait: C'est le mandat que je confierai
à un groupe de travail sur l'indépendance administrative qui
serait composé de représentants du ministère de la Justice
et de juges. Il ne nous a pas parlé de représentants du Conseil
de la magistrature.
M. Bédard: Mais il me semble que cela s'infère de
soi. Je vous ai dit tout à l'heure que je voulais...
M. Lalonde: Vous voulez inférer vos promesses,
maintenant?
M. Bédard: Non, je vous ai dit tout à l'heure
vous l'avez fait remarquer qu'il ne faut pas que ce soit un
groupe de travail bidon dont les conclusions sont d'avance
décidées. Justement, il faut que dans ce groupe de travail il y
ait des représentants du ministère de la Justice et des
représentants du Conseil de la magistrature, ce qui constituera
c'est ma conviction...
M. Fontaine: Ce n'est pas ce que vous avez dit.
M. Bédard: ... la pierre angulaire du système
judiciaire.
M. Lalonde: Une interprétation de faits.
M. Bédard: Le Conseil de la magistrature, pour autant
qu'on veuille s'en servir à bon escient, positivement, constituera,
à mon humble opinion, un organisme d'un poids considérable pour
faire des représentations très précises aux
autorités gouvernementales, quelles qu'elles soient. Cela s'inscrit dans
un effort de revalorisation de la fonction du travail de la magistrature et de
la fonction de juge.
M. Lalonde: Le ministre me permettrait-il une question? Qui nomme
la majorité des membres du conseil?
M. Bédard: A l'heure actuelle, le conseil... Une Voix:
Ils sont nommés dans la loi. M. Bédard: Ils sont
nommés dans la loi.
M. Lalonde: Non pas dans la loi. Des membres sont
nommés...
M. Bédard: C'est cela.
M. Lalonde:... par leurs fonctions dans la loi.
M. Bédard: II y a des membres qui sont
nommés...
M. Lalonde: II y en a d'autres qui sont nommés par
quelqu'un d'autre.
M. Bédard: C'est cela. Il y a les membres... M.
Lalonde: Le gouvernement en nomme-t-il?
M. Bédard: Le gouvernement n'en nomme pas directement, que
sur recommandation.
M. Lalonde: Oui, sur recommandation, mais il en nomme.
M. Bédard: Ceux qui prétendaient, dans le...
M. Lalonde: Non, mais ma question est la suivante.
M. Bédard: Non, laissez-moi terminer.
M. Lalonde: Non, c'est une question de débat.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!
Un à la fois.
M. Lalonde: Ma question est la suivante: Est-ce que le
gouvernement en nomme? Oui, le gouvernement en nomme. Ecoutez! Je peux regarder
la loi 40, c'est là.
M. Bédard: Oui.
M. Lalonde: Donc, la promesse du ministre dépend de
l'action du gouvernement, à savoir s'il les nomme ou s'il ne les nomme
pas. S'il ne les nomme pas, on n'aura pas de conseil. C'est assez rare quand
même. Ecoutez!
M. Bédard: C'est clair. Cela ne fait pas de doute; dans
mon esprit, c'est clair que nous allons les nommer et nous avons hâte
qu'ils soient pleinement constitués. Maintenant, vous connaissez la loi
40 autant que moi. Vous savez qu'il y a des membres qui sont nommément
indiqués par la loi.
M. Lalonde: ... vous faire confiance.
M. Bédard: II s'agit des juges en chef, etc., et il y a
d'autres membres du Conseil de la magistrature qui sont nommés sur
recommandation soit d'organismes ou du Barreau. Nous avons fait les
communications nécessaires avec chacun de ces organismes pour qu'ils
nous fassent connaître les personnes qu'ils veulent recommander pour
siéger au Conseil de la magistrature. Dès que nous aurons la
totalité de ces recommandations, nous allons procéder à
leur nomination. C'est un amendement important qui avait été fait
après le discours de deuxième lecture de la loi 40.
Un des points majeurs qui motivaient l'opposition de l'Union Nationale
et du Parti libéral était le fait de constater que la
majorité des membres du Conseil de la magistrature étaient
nommés par le ministre ou par le gouvernement. Nous avons
complètement changé cette manière d'aborder le
problème. Il y a eu des amendements à l'effet que ces membres
seraient nommés sur recommanda- tion, ce qui veut dire qu'il n'y a
absolument aucune ingérence de la part du pouvoir politique au niveau de
la formation du Conseil de la magistrature, si ce n'est d'entériner des
recommandations qui sont faites soit par la Conférence des juges soit
par le Barreau ou par le Conseil consultatif de la justice.
M. Lalonde: C'est beaucoup mieux que c'était, grâce
à l'Opposition.
M. Bédard: C'est une amélioration très
importante, quoique lorsqu'on lit le livre blanc du ministre de la Justice, M.
Jérôme Choquette, qui était dans un gouvernement que le
député de Marguerite-Bourgeoys connaît bien.
M. Lalonde: Qu'il a quitté par exemple.
M. Bédard: Le ministre du temps, lorsqu'il parlait du
Conseil de la magistrature, parlait de la nomination de membres sur
consultation et non pas sur recommandation.
M. Lalonde: On a évolué nous aussi. M. Fontaine:
M. le Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Est-ce que le ministre serait prêt aujourd'hui
à s'engager, dès que le comité en question sera
formé et qu'un mandat lui aura été confié, de
façon que la population sache bien quel sera le mandat, la durée
du travail et les buts visés par ce comité, à annoncer
publiquement peut-être par voie de déclaration
ministérielle à l'Assemblée nationale la formation
de ce comité, le mandat qui lui sera confié et les délais
qu'il devra respecter avant de faire rapport?
M. Bédard: Cela a toujours été dans mon
esprit que la formation de ce comité, les membres qui en feraient
partie, etc., cela serait connu du public. Cela est bien clair. Cela n'a
même jamais fait l'objet d'une interrogation dans mon esprit. C'est
évident qu'on forme un groupe de travail; sur un sujet aussi important,
je n'ai aucune objection à ce que les noms des membres et l'ensemble du
mandat soient connus du public. C'est très évident et très
clair.
M. Fontaine: Est-ce que le ministre de la Justice serait
prêt à revenir sur la question du régime de retraite des
juges? Je pense qu'il a abordé ce sujet de façon assez
superficielle dans sa réplique mais c'est un problème assez
important pour la magistrature aujourd'hui. On pourrait relever, par exemple,
l'intervention du juge Guy Guérin lors de la réunion de la
Conférence des juges qui disait ceci: Jamais un syndicat n'aurait
accepté une pareille spoliation de dire le juge Guérin de
la Cour des sessions de la paix, qui estime à $40 000 le
déboursé que lui-même devra faire pour racheter ses
années antérieures.
M. Bédard: Je n'entrerai pas dans la tuyauterie. Une chose
est certaine; quand on parle du rachat, il s'agit d'une mesure qui est
prévue dans les conventions collectives, dans le régime de
retraite des fonctionnaires. (11 h 30)
Je ne vois pas pourquoi on aurait fait une situation
privilégiée aux juges par rapport à ce qui existe d'une
façon généralisée dans tout système de
retraite. A moins d'entrer dans toute la mécanique du plan de pension,
ce qui me semble important, c'est qu'au bout de la ligne on se rende compte que
les juges auront droit à 70% du salaire moyen des cinq dernières
années, ce qui représente dans le contexte actuel, pour un juge
qui gagne $50 000, $35 000 de retraite. Il me semble que cela commence à
être un régime plus qu'acceptable.
M. Fontaine: Je ne nie pas le fait que ce soit un régime
de retraite assez important, mais il faudrait également que le ministre
soit conscient qu'il y a peut-être une quarantaine de juges au
Québec qui vont devoir racheter les années
antérieures...
M. Bédard: Ils ne sont pas obligés.
M. Fontaine: Ils ne sont pas obligés, mais s'ils veulent
avoir le régime de retraite, ils vont être obligés de le
faire, et débourser $40 000 sur une période de dix ans, cela
équivaut ni plus ni moins à éliminer toute augmentation de
salaire pour une période de dix ans.
M. Bédard: II ne faudrait quand même pas oublier que
le montant qu'ils ont à payer est déductible pour l'impôt.
Le montant qu'ils auront à payer pour le rachat est déductible
pour l'impôt.
M. Fontaine: Comme toute contribution à un régime
de retraite.
M. Bédard: C'est cela.
M. Fontaine: Comme pour n'importe quelle autre personne.
M. Bédard: Ils ont le choix.
M. Lalonde: Si le député le permet, en fait, le
problème de la pension, si je comprends bien, on l'a
étudié à ce moment, c'est la transition du système
précédent à un système qui est tout à fait
général.
M. Bédard: C'est cela.
M. Lalonde: II y a un tas de juges qui ont accepté
d'être nommés juges en fonction de l'avantage parce qu'il y
a sûrement une question pécuniaire dans chaque décision
à savoir quelle fonction on accepte ou non de la pension sans
contribution qui était un facteur, un des facteurs favorables. Il y a
plusieurs juges qui ont accepté cela dans le passé. Là on
leur offre de rester, ils ne sont pas obligés de racheter les
années passées, mais à ce moment ils sont
gelés...
M. Bédard: Non, ils ont l'indexation.
M. Lalonde: Ils sont indexés, mais à partir de quel
temps, à partir de quel montant?
M, Bédard: Ils sont indexés...
M. Lalonde: A partir de quel montant?
M. Bédard: Comme c'est plus technique, je demanderais au
sous-ministre...
M. Dussault (René): Sur un plan purement technique, il y a
l'option qui doit être faite, en vertu de la loi, d'ici le 1er janvier
1979, d'adhérerou non au régime. Il y a une autre décision
à prendre d'ici le 1er juillet 1979, de racheter ou de ne pas racheter
si on a des années d'exercice qui peuvent servir à cela. La loi
garantit à quelqu'un qui opte dans un régime le montant de la
pension qui était inscrit dans la Loi des tribunaux judiciaires avant la
loi 40 et qui est de $20 480, indexés à compter du 1er janvier
1979.
M. Lalonde: Est-ce que cela a été changé
dans les amendements?
M. Dussault (René): Oui. M. Lalonde: C'est
cela.
M. Dussault (René): C'est cela. C'est un amendement
important, majeur, qui s'est fait entre la deuxième et la
troisième lecture. Cela veut dire que le montant de $20 480, le montant
dans la loi, est indexé à compter du 1er janvier 1979 pour
quiconque opte dans le régime, de sorte qu'en ne rachetant pas, les
juges qui optent sont certains d'avoir $20 480 indexés, dès
janvier 1979, à l'indice du coût de la vie. En fonction de
l'indice des rentes le plein indice sur le plein montant. C'est la
réalité technique.
M. Lalonde: Et ceux qui n'optent pas.
M. Dussault (René): Ceux qui n'optent pas,
évidemment, ils restent dans l'ancien régime tel qu'il
était là.
M. Lalonde: Dans l'ancien régime, ils ne sont pas
indexés. C'est là qu'est le problème de ceux qui se
sentent obligés de racheter aujourd'hui ou d'opter.
M. Dussault (René): Non, parce qu'on peut opter dans le
régime sans racheter.
M. Latonde: Oui, mais ceux qui n'optent pas.
M. Dussault (René): Ils n'ont pas le droit de racheter non
plus.
M. LaIonde: Ils n'ont pas le droit de racheter mais là
où ils se sentent forcés de faire quelque-chose, c'est que,
lorsqu'ils ont accepté d'être nommés juges, ils avaient,
parmi les différents avantages il y a le côté
avantage et le côté inconvénient; et le salaire en est
sûrement un et il faut l'accepter en acceptant d'être juge il
y avait aussi une pension sans contribution. Il y avait une expectative que ce
serait comme cela tout le temps, que le salaire ne serait pas
nécessairement gelé à $28 000 ou à quelque montant
établi autrefois et que la pension suivrait. Et à ceux-là,
on se trouve à faire une offre qu'ils ne peuvent pas refuser.
M. Dussault (René): Simplement une addition sur le plan
technique. Les lois au Québec sont faites de telle sorte que, sur une
période de quinze à vingt ans, on est passé de 100% de
pension par rapport au salaire qui était dans la loi à
l'époque, à environ 47%. C'était la situation avant la loi
40. Il y a eu une modification constante, une baisse constante de la relation
entre le montant de la pension et le montant du salaire. Je pense que c'est bon
à souligner. Il n'y avait pas, donc, de garantie au moment où
chacun des juges rentrait.
M. Lalonde: II y a eu une érosion...
M. Dussault (René): ... de parité constante, qui
descendait. Je pense que c'est un fait qui doit être mentionné.
Avec le nouveau régime également, le juge qui opte, mais qui ne
rachète pas, a $20 480 indexés. Egalement, selon le nombre
d'annéesqu'il aura fait effectivement, c'est multiplié par 2,8.
Quelqu'un qui fait 20 ans, par exemple, c'est 56% malgré tout du salaire
qu'il aura dans le temps. C'est rattaché en plus au salaire.
M. Lalonde: J'essaie d'expliquer le sentiment des juges à
ce propos. On voit des remarques en public qui sont très...
M. Bédard: Dans les remarques en public, il y en a qui
parlent de la loi 40 sans avoir l'air d'être au courant des amendements
qui ont été apportés après la deuxième
lecture.
M. Lalonde: Je ne sais pas ce que vous voulez dire, à
quelle intervention vous référez spécifiquement. Mais il
n'y a aucun doute que le sentiment d'être malheureux, comme le disait un
titre de journal, vient du fait qu'ils ont été forcés de
faire quelque chose, qu'on a changé les règles du jeu en chemin.
Je ne porte pas de jugement à savoir si on doit faire un plan de pension
contributoire. Je pense que tout le monde, même les élus, le fait.
Je ne vois pas pourquoi eux aussi ne le feraient pas. Je pense que le principe
ne fait pas de difficulté. Il s'agit d'une question de justice dans la
transition.
M. Fontaine: Est-ce que le ministre de la Justice ou le
sous-ministre serait en mesure de... Je sais que les juges ont jusqu'en juillet
1979 pour faire option, n'est-ce pas?
M. Bédard: C'est-à-dire pour racheter. M.
Fontaine: Pour racheter.
M. Bédard: Ils ont jusqu'au 1er janvier 1979 pour faire
option.
M. Fontaine: Est-ce qu'on serait en mesure de nous dire
aujourd'hui combien ont déjà avisé qu'ils voulaient
racheter? Egalement, en vertu de l'article 253, on dit: "Si une
difficulté survient dans l'application d'une disposition de la
présente partie celle qui concerne la retraite et la pension des
juges le litige peut être soumis dans l'année à un
arbitre choisi par la Commission administrative du régime de retraite,
des juges concernés à même une liste établie par le
lieutenant-gouverneur en conseil après consultation du Conseil
consultatif de la justice. Si les parties ne s'entendent pas sur le choix d'un
arbitre, celui-ci est choisi par le Conseil consultatif de la justice. Est-ce
qu'il y a eu beaucoup de litiges jusqu'à maintenant ou s'il n'y en a pas
eu?
M. Dussault (René): Evidemment, comme toute nouvelle loi,
il y a eu des discussions d'interprétation, entre autres, avec la
Commission administrative du régime de retraite et le ministère.
Là-dessus encore, il n'y a pas et M. Monfette pourra
compléter de chiffres définitifs qui ont été
exprimés par la CARR et cela doit l'être très prochainement
quant au coût du rachat que chacun va devoir faire en fonction de la loi.
Il y avait, encore une fois, place à certaines interprétations et
on devait préciser au fur et à mesure. On est dans ce processus
actuellement. Sur le point spécifique que vous mentionnez, le
mécanisme d'arbitrage prévu dans la loi, il n'en a pas
été question jusqu'à ce jour.
M. Fontaine: Le nombre de ceux qui ont avisé?
M. Dussault (René): II y en a 25 actuellement qui ont fait
l'option avec rachat. Mais il y en a plusieurs qui n'ont pas de rachat à
faire.
M. Bédard: C'est cela. Au chiffre 25, il faut ajouter tous
ceux qui n'ont pas besoin d'effectuer de rachat puisqu'ils ont
été nommés. C'est un grand nombre. Il y a seulement
quelques...
M. Fontaine: Serait-il possible de savoir combien n'ont pas de
rachat à effectuer et combien en auraient, s'ils le voulaient?
M. Dussault (René): M. Monfette pourrait le dire, c'est
relié au chiffre définitif d'interprétation dont je
parlais pour dire: Chacun, voici ce que cela donne. C'est pour cela que je
pense qu'on ne pourra pas le mentionner ce matin.
M. Fontaine: D'accord.
M. Monfette (Guy): Le rachat est fonction de l'âge du juge
au moment où le 1er janvier 1979 va
arriver ou des années de service qu'il a comme juge. Pour
certaines juges, peu importent les années de service ou l'âge
qu'ils ont, il n'y a aucun rachat parce qu'ils sont arrivés tellement
jeunes dans la profession de juge que, d'ici 25 ans, ou au total 70
d'âge, ils auront accompli en termes d'années futures ce qu'il
faut pour avoir le maximum du minimum garanti.
Le coût de rachat est en moyenne de $3100 par année
rachetée. Ce qu'il est aussi important de noter, c'est que quelqu'un va
faire le rachat et cela va lui coûter $18 000, mais il va augmenter sa
pension de $10 000 par année. Il récupère assez rapidement
aussi son rachat.
M. Lalonde: II y a un système généreux, je
pense, pour le financement.
M. Monfette: On charge un taux d'intérêt de 6%.
C'est déductible d'impôt. L'individu a ses cotisations
régulières qu'il peut déduire de l'impôt et il a une
cotisation additionnelle de $3500 qu'il obtient parce que c'est du service
antérieur non contribué qu'il peut aussi déduire.
M. Fontaine: C'est en plus? M. Dussault (René):
Oui. M. Monfette: C'est en plus.
M. Lalonde: Au point de vue fiscal, c'est assez avantageux.
M. Monfette: Oui, très avantageux.
M. Dussault (René): Cela fait deux fois $3500.
M. Monfette: La moyenne des rachats actuellement qui ont à
être effectués est quelque chose qui se situe entre $15 000 et $18
000. C'est vrai qu'il y en a à $35 000. Il y en a aussi plusieurs que
c'est $6000 et $4000.
M. Fontaine: D'accord.
M. Lalonde: Le ministre, je pense bien, peut nous dire cela. Si
jamais il y a des situations où les problèmes
d'interprétation et d'application sont connus, j'espère qu'il
n'hésitera pas à faire les amendements nécessaires
à la loi au besoin.
M. Bédard: Je vais même faire appel à la
collaboration de l'Opposition.
M. Lalonde: Vous l'aurez.
M. Fontaine: Pour changer de sujet peut-être qu'on
peut s'entendre pour finir vers midi est-ce que...
M. Bédard: Midi?
M. Fontaine: ... le ministre ou le sous-ministre pourrait revenir
sur la question des clauses priva- tives? J'ai soulevé cette question
lors de ma première intervention. Etant donné la
compétence du sous-ministre dans le domaine, il serait sûrement
intéressant de l'entendre là-dessus.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le sous-ministre.
M. Dussault (René): C'est un peu une boîte de
Pandore, c'est...
M. Lalonde: Oui.
M. Dussault (René): ... un sujet fort technique et
important, par ailleurs.
M. Lalonde: Quand cela commence par les compliments, c'est
dangereux.
M. Bédard: Je n'ai aucune objection que le sous-ministre
réponde.
M. Dussault (René): Je voudrais simplement souligner que
ces dispositions sont placées dans les lois qui constituent les
organismes administratifs qui ont des fonctions d'adjudication de ce
caractère spécialisé dans l'optique de maintenir la
spécialisation des décisions; ne pas faire en sorte que les
tribunaux puissent, par la suite, sur le plan à tout le moins du
mérite des décisions, défaire un peu la volonté
qu'il y avait d'avoir un jugement spécialisé.
Il est sûr aussi je pense qu'on peut le dire, la
jurisprudence est claire là-dessus que les tribunaux ont fait bon
marché malgré tout de ces clauses privatives jusqu'à
présent. De plus en plus, ces dernières années, ils les
ont contournées lorsqu'ils estimaient qu'il y avait vraiment des
problèmes de droit essentiel à corriger dans les décisions
rendues par ces instances, ces tribunaux inférieurs.
Actuellement, au ministère de la Justice, on a entre les mains le
rapport de M. Georges Emery. Un groupe de travail a été
constitué à l'époque et nous le regardons; il touche un
peu, au fond, la possibilité d'amélioration des pouvoirs de
surveillance et de contrôle de la Cour supérieure et, de
façon implicite, cela touche ceci. Cela fait l'objet d'un examen
intensif du ministère de la Justice. On a fait des consultations avec la
magistrature et le Barreau là-dessus. Il y a eu également, dans
un colloque de droit administratif, au mois de juin à Laval, discussion
du rapport Emery. On est dans un processus de réflexion qui pourra,
selon les circonstances, aboutir ou non à des modifications au Code de
procédure civile. On en est là, actuellement. On a une
période interne de réflexion sur cette question; la question des
clauses privatives y est nécessairement associée. (11 h 45)
C'est à peu près, pour ma part, ce que je peux mentionner
à ce moment-ci.
M. Bédard: Nous essayons de les limiter aux cas...
M. Dussault (René): ... qui apparaissent vraiment
essentiels...
M. Bédard:... qui nous apparaissent
nécessaires.
M. Dussault (René):... pour garder le caractère de
spécialisation de l'organisme créé.
M. Fontaine: Cela n'a pas été limité
beaucoup dans les lois qui nous ont été présentées
jusqu'à maintenant.
M. Lalonde: Vous avez, par exemple, la Commission des valeurs
mobilières qui est quand même un organisme relativement
spécialisé. Vous avez un droit d'appel de toutes ses
décisions à trois juges de la Cour provinciale; cela n'a pas,
jusqu'à maintenant, créé tellement d'embêtement. Au
contraire, je pense que c'est là une garantie, pas seulement pour les
juges. En fait, l'indépendance des juges, les premiers qui en profitent,
ce ne sont pas les juges, ce sont les justiciables. Alors...
M. Bédard: II y a sans doute des cas où cela
pourrait être enlevé concernant l'ancienne loi. C'est dans ce sens
que se fait l'évaluation et la réflexion au ministère de
la Justice.
M. Fontaine: Est-ce qu'il y a un autre comité qui va
être formé là-dessus?
M. Lalonde: Je suis content quand même de savoir qu'il y a
des choses qui se font.
M. Bédard: Non, c'est normal, il y a beaucoup de
comités, ce n'est quand même pas un sujet où on s'embarque
comme ça sans une réflexion approfondie. Je ne pense pas qu'on
ait à nous faire reproche de prendre le temps de faire le tour.
M. Lalonde: Peut-on avoir une idée de
l'échéancier de ce groupe de travail, ce comité, sur ce
dossier?
M. Dussault (René): On vise à avoir des
idées plus claires sr le plan interne, dans le courant du printemps
prochain.
M. Lalonde: On va sûrement rappeler au ministre ces
échéanciers dans le...
M. Bédard: J'ai confiance sur ce point. C'est normal.
M. Lalonde: Lors de l'étude des crédits,
sûrement. C'est sûrement un des points qui, s'il était
cerné, réduirait l'inquiétude, parce que
l'indépendance totale et absolue n'existera jamais. On n'est quand
même pas pour faire de l'angélisme. C'est un tas de petites choses
et le civisme est un tas d'autres choses. Je suis convaincu que si on redonnait
confiance aux justiciables qu'il peut y avoir un appel qui est
protégé quelque part, surtout en ce qui concerne les tribunaux
administratif, les régies, à ce moment-là, on atteindrait
un niveau beaucoup plus grand d'indépendance judiciaire.
M. Bédard: Je voudrais être bien clair; le
comité dont on parle, la réflexion dont on parle c'est celle
touchant les clauses privatives qui, nous l'espérons, nous
amèneront des solutions au printemps, non pas le comité ou le
groupe de travail sur l'autonomie administrative, parce que celui-là, je
ne conçois pas qu'il puisse être en mesure d'arriver à des
conclusions aussi rapidement.
On me fait remarquer, et c'est exact, que concernant les clauses
privatives il y a tout le problème constitutionnel qui entre en ligne de
compte, lorsqu'on parle de certains droits d'appel de tribunaux.
M. Lalonde: Mais le droit de surveillance et de contrôle de
la Cour supérieure a-t-il déjà fait l'objet d'une
contestation au point de vue constitutionnel?
M. Dussault (René): Non.
M. Lalonde: Non, c'est clair, mais c'est ça...
M. Dussault (René): Cela, c'est clair.
M. Lalonde:... quand on avait ça de façon non
érodée, cela a commencé dans les années cinquante,
l'érosion, la privation de ce droit?
M. Dussault (René): La contrepartie judiciaire a
été bien claire, par contre.
M. Lalonde: Ils ne s'en sont pas occupés.
M. Dussault (René): Oui. C'est parce que si on veut
concevoir un système d'appel plus structuré, comme on le
mentionnait, comme la Loi des valeurs mobilières ou d'autres, là,
on a un problème constitutionnel, à moins de faire constamment
des appels à la Cour d'appel. On a des pressions, actuellement, du juge
en chef de la Cour d'appel pour essayer de réduire le fardeau. Ces
nouvelles règles de pratique vont dans ce sens-là.
Actuellement, faire un système d'appel on l'a vu avec les
transports sur le plan constitutionnel, cela crée des
difficultés. On a cette dimension-là aussi, si on veut avoir
vraiment un régime d'appel des organismes administratifs dans un
contexte de juridiction québécoise. Autrement, il nous reste la
Cour d'appel qui a un fardeau important. C'est une dimension sur ce
plan-là, quand on fait face à une démarche où on
voudrait systématiser cette réalité, qui est
importante.
M. Fontaine: Juste avant de terminer, M. le Président, je
voudrais revenir sur un point dont le ministre n'a pas parlé dans sa
réplique et qui touche la question de l'indépendance du
pouvoir
judiciaire, mais qui est d'application vraiment pratique. C'est la
question du permis de conduire qui peut relever d'une décision d'un
juge, laquelle peut être, en fait, revisée par un
fonctionnaire.
M. Bédard: Vous faites référence à la
loi 67?
M. Fontaine: C'est cela! Est-ce que le ministre aurait des
nouvelles à nous donner à ce sujet-là?
M. Bédard: Sur ce plan-là, nous attendons le
résultat de certains jugements qui ont été portés
en appel et nous agirons très rapidement, si nécessaire,
dès que ces jugements seront rendus. Entre-temps, du point de vue
administratif, je crois qu'il y a une... Il faut nécessairement attendre
que ces jugements-là soient rendus...
M. Fontaine: Mais le ministre est conscient qu'actuellement les
juges refusent d'intervenir dans ce domaine-là. C'est-à-dire
qu'ils ne font pas de recommandation. Il y a peut-être exceptionnellement
un juge ou deux qui le font...
M. Bédard: II y a des régions où ils ont
trouvé une formule pour faire quand même les recommandations au
Bureau des véhicules automobiles.
M. Fontaine: Dans les expériences que j'ai eues
personnellement, les juges refusent de faire des recommandations au Bureau des
véhicules automobiles, ce qui veut dire qu'automatiquement les
pères de famille qui sont, par exemple, conducteurs de taxi, d'autobus
ou de camion perdent leur permis de conduire pour trois mois lorsqu'ils sont
condamnés par l'ivressomètre pour facultés affaiblies.
M. Bédard: On ne peut pas amender la loi à moins
que nous n'ayons un avis très formel que c'est inconstitutionnel. C'est
dans ce sens-là que nous attendons que les jugements soient rendus.
M. Fontaine: Ce n'est pas une question de
constitutionnalité, c'est une question pratique. Les juges refusent de
rendre une décision qui sera révisée par un
fonctionnaire.
M. Bédard: Oui, mais ils invoquent
l'inconsti-tutionnalité. C'est ce que vous n'avez pas l'air de saisir.
Ils invoquent l'inconstitutionnalité. C'est ce qui a motivé
certains jugements rendus, à propos desquels il y a des appels qui ont
été logés et nous attendons une décision des juges
concernés...
M. Fontaine: D'accord, mais même si la Cour d'appel
décide que c'est constitutionnel, cela ne changera pas le
problème.
M. Bédard: Si c'est constitutionnel ils vont être
obligés...
M. Fontaine: Les juges ne sont pas obligés par la loi. Ils
peuvent faire une recommandation. Si on les obligeait à la faire, ils
seraient obligés de la faire. Mais là, ils ne sont pas
obligés par la loi. C'est cela, on pourrait changer le "peut" pour le
"doit" et...
Le Président (M. Clair): Messieurs, est-ce que je constate
qu'il n'y a plus d'opinants?
M. Lalonde: Ce n'est pas parce que nous sommes bien satisfaits,
M. le Président...
M. Bédard: J'étais d'avance convaincu de ne pas
vous satisfaire. J'ai essayé de faire mon possible pour répondre
le plus valablement possible à des interrogations...
M. Lalonde: On a quand même établi un certain nombre
d'échéances, groupe de travail ici, comité là,
qu'on regardera de très près. On invite le ministre, dans son
administration quotidienne, à faire preuve de prudence, ne pas faire de
téléphone, ne pas en faire faire. C'est extrêmement
important que non seulement ce soit juste, mais que cela paraisse être
juste aussi.
M. Bédard: Je n'ai qu'un objectif, c'est la revalorisation
de l'ensemble du système judiciaire, du travail de l'ensemble de nos
juges. C'est dans cette perspective-là que s'oriente chacune des mesures
que nous croyons bon de mettre de l'avant.
M. Lalonde: En terminant, comment se fait-il que dans cet effort,
cette préoccupation de revalorisation que le ministre vient de
mentionner, il n'a pas cru bon, comme ministre de la Justice, d'assister
à la conférence des juges?
M. Bédard: Pour une raison bien simple, c'est que je n'ai
pas été invité vous voulez le savoir et vous ne
m'avez pas laissé répondre au panel. Je n'en fais pas
grief, à part cela, parce que je n'y serais probablement pas
allé.
M. Lalonde: Mais le gouvernement?
M. Fontaine: Le premier ministre a été
invité et le ministre d'Etat à...
M. Bédard: J'ai été invité... M.
Lalonde: Oui.
M. Bédard: Laissez-nous répondre.
Le Président (M. Clair): Permettez au ministre de
répondre, s'il vous plaît, messieurs.
M. Lalonde: C'est intéressant, la réponse, parce
que cela amène d'autres questions.
M. Bédard: J'avais été invité
à la soirée de clôture, au banquet de clôture. Cela
m'a été impossible à cause d'engagements pris
antérieurement.
M. Lalonde: Mais le premier ministre a été
invité, d'après ce que je sais.
M. Bédard: Je crois, personnellement, que l'attitude du
gouvernement a été correcte. On ne veut pas politiser ce
débat. Je pense que l'attitude du gouvernement a été, je
dirais, conforme à cette...
M. Lalonde: Quand même.
M. Bédard: Laissez-nous terminer nos réponses. Elle
a été conforme à sa préoccupation et à sa
prudence de ne politiser en aucune façon tout ce qui regarde la
magistrature ou le système judiciaire.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre de la Justice vient de nous
annoncer qu'il n'assistera plus jamais aux cérémonies d'ouverture
des tribunaux?
M. Bédard: Non, c'est différent. M. Lalonde:
C'est différent.
M. Bédard: Vous n'avez pas l'air de comprendre.
M. Lalonde: Mais ce sont des juges et des avocats.
M. Bédard: Non, c'est différent pour un...
M. Lalonde: Vous politisez cela quand vous êtes là,
vous pensez?
M. Bédard: Là-dedans, c'est différent pour
une raison. Le ministre de la Justice assiste à l'ouverture des
tribunaux parce que c'est le lien, comme ministre de la Justice, entre les
tribunaux et tout l'aspect administratif de la Justice. C'est dans cet
esprit-là.
M. Fontaine: M. le Président...
M. Lalonde: Alors, le ministre de la Justice, qui est responsable
vis-à-vis de l'Assemblée nationale de l'administration de la
justice, qui est responsable des fonctionnaires qui sont appelés
à communiquer quotidiennement ou hebdomadairement avec les juges en chef
pour l'administration matérielle, etc..
M. Bédard: Je le fais régulièrement
aussi.
M. Lalonde: ... va refuser d'aller les voir en public.
M. Bédard: Mais non. Le ministre de la Justice ne refuse
pas. Vous me demandez pourquoi je ne suis pas allé à la
Conférence des juges.
M. Lalonde: Vous dites que le gouvernement...
M. Bédard: Je vous dis ceci...
M. Lalonde: ... n'y est pas allé pour ne pas...
M. Bédard: Non, ne mêlez pas les deux sujets. Si
vous voulez parler du gouvernement, parlez du gouvernement; si vous voulez
parlez du ministre de la Justice...
M. Lalonde: Vous faites partie du gouvernement, non?
M. Bédard: ... parlez du ministre de la Justice. Non,
comme ministre de la Justice, j'avais été invité au
banquet de clôture. Je n'ai pas pu m'y rendre et je les ai avertis
en conséquence à cause d'engagements antérieurs.
C'est tout.
M. Lalonde: Mais le gouvernement, lui, a décidé de
ne pas y aller pour ne pas politiser cela.
M. Bédard: Je pense qu'il a bien fait et je crois que
le...
M. Lalonde: Et le ministre de la Justice ne fait plus partie du
gouvernement.
M. Bédard: ... chef du Parti libéral s'est mis les
pieds dans les plats en participant aux débats de la Conférence
des juges. Il a parlé de ta loi 40 justement comme quelqu'un qui
n'était même pas au courant de certains amendements. Il a
axé une partie de sa...
M. Lalonde: Le chef du Parti libéral fait-il partie du
gouvernement?
M. Bédard: Mais laissez-nous terminer. M. Lalonde:
Non, pas encore; bientôt.
M. Bédard: C'était une rencontre entre le
législatif, l'exécutif et le judiciaire. Que je sache, M. Ryan ne
fait partie d'aucun, ni du législatif, ni de l'exécutif, ni du
judiciaire.
M. Lalonde: On parle du gouvernement.
M. Bédard: Vous voulez mon idée concernant la
présence du chef libéral, je vous la donne.
M. Lalonde: Mais le gouvernement, lui, n'y va plus.
M. Bédard: D'ailleurs, il en a parlé comme
quelqu'un qui, sur certains aspects, n'est vraiment pas au courant de la
dernière version de la loi 40. Entre autres, il disait qu'il fallait en
finir avec les tracasseries administratives qui entouraient les voyages de
certains juges à travers le Canada ou à l'extérieur. S'il
avait lu la loi 40 comme il le faut, il aurait pu constater que justement nous
donnons au Conseil de la magistrature cette responsabilité de la
formation des juges et qu'un budget sera affecté au Conseil de la
magistrature qui réglera ces problèmes-là.
M. Lalonde: II fallait aller chercher pas mal loin pour
répondre à celle-là. Vous êtes allé prendre
deux articles pour essayer de dire que M. Ryan n'avait pas raison de
dénoncer les tracasseries administratives.
M. Bédard: C'est le seul cas pratique d'autonomie
administrative qu'il a mentionné.
M. Lalonde: Cela existe encore.
M. Bédard: J'ai lu les journaux comme vous.
M. Lalonde: Cela existe encore.
M. Bédard: J'ai lu les journaux.
M. Lalonde: Plusieurs juges se plaignent à nous.
M. Bédard: J'ai lu les journaux comme vous.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Même si le ministre ne veut pas parler aux
juges, eux nous parlent.
M. Bédard: Au contraire!
M. Lalonde: Et ils se plaignent.
M. Bédard: J'ai des réunions
régulièrement avec les juges en chef. Je crois que j'obtiens une
très grande collaboration. Egalement, j'offre continuellement ma pleine
collaboration.
M. Lalonde: Comme cela, le gouvernement est bien fondé de
ne pas avoir assisté à la Conférence des juges,
d'après vous?
M. Bédard: Je crois que le gouvernement a bien fait
d'être prudent.
M. Lalonde: Et le ministre de la Justice ne fait pas partie du
gouvernement.
M. Bédard: II a bien fait d'être prudent. Je vous ai
dit tout à l'heure que le ministre de la Justice n'a pas le même
rôle. Je vous ai donné les circonstances.
M. Fontaine: M. le Président...
M. Lalonde: II n'a pas le même rôle. Un instant.
C'est le ministre de la Justice, qui est membre du gouvernement, qui est
responsable de l'administration de la justice.
M. Bédard: Oui.
M. Lalonde: Lui serait autorisé à assister à
cette conférence-là s'il était invité;
d'après ce qu'on me dit, il n'a pas été invité.
M. Bédard: Non, prenez ce que j'ai dit. M. Lalonde:
C'est contradictoire.
M. Bédard: Arrêtez de faire des
interprétations.
M. Lalonde: Le ministre tente de justifier le gouvernement, le
premier ministre et le ministre Marois de ne pas y être allés et
il dit qu'il n'a pas été invité, qu'ils ont eu raison de
ne pas y aller. Mais moi, j'y serais allé si j'avais été
invité. Essayez de mettre cela ensemble. (12 heures)
M. Bédard: Oui, parce qu'ils avaient le souci... Ils ont
eu raison parce qu'ils étaient conditionnés.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: C'est une autre pirouette méan-dreuse.
M. Bédard: Ils avaient raison parce qu'ils étaient
conditionnés par le souci de ne diviser d'aucune façon l'ensemble
du problème judiciaire.
M. Lalonde: D'après le spectacle que le ministre vient de
nous donner, M. le Président, les juges ont raison d'avoir peur de leur
indépendance.
M. Bédard: C'est une petite réclame que vous faites
à la fin d'un débat; passez votre message si vous voulez.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Ce que je peux vous dire, M. le
Président...
M. Bédard: Ce qui est important, ce sont les faits. Les
faits sont que le ministre de la Justice et le gouvernement actuel ont
passé une loi 40 qui constitue un pas important pour la revalorisation
de l'ensemble de la magistrature et de l'appareil judiciaire. C'est cela qui
est important; ce sont les gestes, ce ne sont pas les paroles.
M. Fontaine: Ce que je peux vous dire, M. le Président,
pour avoir assisté personnellement à cette conférence,
c'est que les juges ont été pour le moins insultés et
choqués de l'absence d'un membre du gouvernement. Il a été
dit que le premier ministre avait été invité, que le
ministre délégué au développement social avait
été invité et que le ministre de la Justice, je pense,
avait également été invité parce que le ministre
d'Etat avait...
M. Bédard: J'ai été invité au banquet
de clôture et c'est ce que je vous dis. Voulez-vous que je vous le
répète 20 fois?
M. Lalonde: Vous m'en parlerez la prochaine fois; je vous ferai
inviter; ce n'est pas si grave que cela.
M. Bédard: Je n'ai pas pu y aller parce que j'avais des
engagements antérieurs et entre vous et moi, l'administration de la
justice...
M. Fontaine: Tout le monde avait des engagements.
M. Bédard: ... le ministre de la Justice, qui rencontre
régulièrement le juge en chef pour discuter, a des occasions
très nombreuses de discuter.
M. Fontaine: Vous aimez mieux faire cela en cachette qu'en
public.
Le Président (M. Clair): En vertu de notre
règlement, je constate qu'il n'y a plus d'opinants et je mets fin aux
travaux de cette commission qui ajourne sine die.
Fin de la séance à 12 h 2