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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le mercredi 10 décembre 1980 - Vol. 23 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 89 - Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille


Journal des débats

 

(Quinze heures dix minutes)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission parlementaire de la justice est réunie conformément à l'ordre qu'elle a reçu de la Chambre pour étudier le projet de loi no 89, Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille.

Les membres de la commission de la justice sont M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Charbonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. Marquis (Matapédia).

Peuvent aussi intervenir M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Desbiens (Dubuc), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski) et M. Pagé (Portneuf) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Est-ce qu'on pourrait me recommander un rapporteur pour la commission?

Mme LeBlanc-Bantey? Alors, le rapporteur sera Mme LeBlanc-Bantey, des Îles-de-la-Madeleine.

Avant d'appeler l'article 1 de ce projet de loi, en guise de préambule, je donne la parole au ministre.

Remarques préliminaires M. Marc-André Bédard

M- Bédard: M. le Président, comme vous l'avez mentionné, nous abordons aujourd'hui l'étude article par article du projet de loi no 89. Il nous appartient donc, maintenant, de concrétiser dans les termes les plus adéquats l'accord au niveau des principes que tous les partis ont unaniment signifié à l'Assemblée nationale. Toutes et tous ont convenu de l'importance de ce projet de loi qui est, en quelque sorte, l'axe central de tout notre droit civil puisqu'il consacre le cadre juridique qui régit l'organisation sociale dans ce que les individus ont de plus sensible et de plus intime.

Il nous incombe donc de tracer avec précaution cet environnement juridique. Nous sommes appelés à concilier l'expression de valeurs fondamentales, traditionnelles sur lesquelles la société québécoise s'appuie en matière de droit familial avec une réalité sociale dont l'évolution commande des ajustements qui traduiront une situation actuelle.

Je me réjouis du climat positif et ouvert qui entoure l'étude de ce projet de loi et qui s'est manifesté au cours de la deuxième lecture et qui continuera. Je suis persuadé que cet esprit constructif va nous conduire à réaliser une loi qui va correspondre le plus adéquatement possible aux aspirations et aux attentes de la population.

Nous bénéficions déjà d'un large éventail de commentaires émanant de différents groupes représentatifs de la société, qui ont apporté leur généreuse contribution à l'élaboration de ce projet, tant à l'occasion de la commission parlementaire qui a précédé le dépôt du projet de loi qu'au moment où nous avons sollicité par voie de mémoires les réactions des groupes sur le libellé du projet. Cette vaste consultation nous permet de dégager des constantes qui sont de nature, je pense, à confirmer les options retenues sur certains sujets dans le projet de loi. D'autres commentaires nous guident de façon aussi pertinente à l'égard des modifications qu'il conviendrait d'envisager à ce stade-ci dans le but de perfectionner les termes de ce projet de loi. Je réfère, entre autres, à toutes les remarques, toutes les suggestions et toutes les interrogations qui ont été soulevées par les parlementaire, lors du discours de deuxième lecture, que nous avons essayé d'analyser le plus correctement possible.

Du côté du gouvernement, nous sommes, en tout cas, très ouverts à toute forme d'amendement qui sera de nature à améliorer ce cadre juridique. Les partis d'Opposition bénéficient du même éclairage que nous sur les suggestions d'amendements proposés par les différents groupes, puisque, systématiquement, chaque mémoire reçu a été transmis, en tout cas, nous l'espérons, aux différentes formations dès réception.

De plus, il nous a paru justifié de répondre aux demandes des différents partis qui ont sollicité de notre part la contribution d'experts-conseils chargés d'assister les députés sur les aspects plus techniques du projet. J'y reviendrai tout à l'heure.

Nous avons donc en main, il me semble, tous les outils nécessaires à la réalisation de la démarche que nous entreprenons. Encore plus important, nous nous rencontrons parfaitement au niveau des principes et nous partageons une ouverture d'esprit qui, je le crois, nous permettra de relever le défi qui s'offre à nous.

Afin de répondre aux voeux exprimés par tous les qroupes et par la population en général, il nous incombe de procéder avec diligence, ce qui n'exclut pas le sérieux, à l'étude des termes de ce projet de loi, tout en y apportant toute l'attention requise. (15 h T5)

Je ne voudrais donc pas retarder davantage le processus que nous entamons. Dans cette perspective, je suggère qu'après ces brèves remarques préliminaires nous entendions les commentaires généraux des représentants des oppositions et que nous abordions l'étude de chacun des chapitres de ce projet de loi. Il sera peut-être plus rationnel et plus efficace de soumettre, au fur et à mesure - on en discutera tout à l'heure - que nous entamerons une nouvelle tranche du projet, les différents amendements que nous pourrions croire utiles à l'amélioration de

cette loi. Je veux vous assurer d'une ouverture totale de notre côté. Je suis persuadé d'une réponse dans le même sens de la part de tous les parlementaires réunis ici. Nous avons eu une brève rencontre avec les représentants de l'Opposition officielle et celui de l'Union Nationale concernant les moyens matériels mis à la disposition des différents partis. Pour avoir connu le rôle de l'Opposition, je sais qu'au niveau des moyens ce n'est pas toujours aussi égal qu'on le voudrait et que ce serait souhaitable et, dans ce sens, je puis réitérer à mes collègues que, d'une façon générale, les experts qui sont à notre disposition, qui ont travaillé au niveau gouvernemental à ce projet de loi seront également à la disposition des parlementaires, des membres de la commission parlementaire et gu'ils seront naturellement disponibles continuellement pour répondre à certaines interrogations techniques ou à encore certaines interrogations juridiques plus approfondies.

Concernant l'esprit avec lequel nous apporterons des amendements, c'est très simple, c'est que - je le dis au départ, je pense que cela peut être réciproque - lorsque, du point de vue gouvernemental - je vous le dis clairement - nous proposerons des amendements, je ne veux surtout pas que ce soit interprété dans le sens que c'est ça la vérité, que c'est ça qui doit passer. Je pense que cela peut être considéré sûrement d'abord comme étant une indication de l'intention gouvernementale, mais, d'autre part, comme une base de discussion à partir de laquelle, à la suite des suggestions qui pourraient être faites en contrepartie par les Oppositions, on pourrait en venir à des solutions conjointes ou unanimes.

C'est évident que, dans le projet de loi que nous étudions, il y a des changements par rapport au Code civil qui existait déjà. Il y en a aussi par rapport à certains articles du rapport de l'Office de révision du Code civil et, lorsque ces différences viendront, nous essaierons d'apporter l'argumentation préliminaire qui aurait pu orienter soit une différence au niveau de la formulation, soit carrément une décision qui a pour effet de mettre de côté des représentations précises, des suggestions précises faites par l'Office de révision du Code civil, ce qui veut dire, comme méthode de procéder, qu'à chaque article, d'abord, au début de chaque section, il y aura peut-être un petit exposé très rapide qui expliquera non seulement le sens du chapitre ou de la section, mais déjà les amendements, s'il y en a, que nous voulons soumettre aux membres de la commission.

Au début de chaque article, je lirai, par exemple, les commentaires qui ont été rédigés à mon intention afin de bien situer le pourquoi de l'article, soit au niveau de la rédaction ou au niveau du contenu. Une demande m'a été faite par mes collègues, à savoir qu'il serait peut-être opportun et efficace, que ces remarques que j'aurai à faire puissent être préalablement communiquées - peut-être en même temps - au moins par écrit et qu'il y en ait une copie pour les collègues de la commission parlementaire. J'en ai déjà discuté avec les principaux juristes. On va essayer, dans la mesure du possible, de faire en sorte que cela se fasse. Je pense que cela pourrait beaucoup aider à la compréhension et peut-être même empêcher des discussions qui, autrement, ne pourraient pas faire autrement que de survenir si on procède seulement par une lecture dont l'Opposition prend connaissance à la toute dernière minute.

Je termine sur ces remarques en me déclarant ouvert à toute autre suggestion qui pourrait faciliter notre compréhension mutuelle des dispositions et peut-être, rie ce fait, diminuer la longueur de nos discussions.

Le Président (M. Laberge): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: L'Assemblée nationale, il y a quelques jours, a adopté en deuxième lecture la première tranche d'un nouveau code civil pour le Québec et, aujourd'hui, nous commençons l'étude article par article de cette première tranche. Il est remarquable de constater que lorsque l'on parle du Code civil, on doit tout de suite se situer dans un contexte chronoloqique qui est très sensiblement différent du contexte chronologique auquel les travaux de l'Assemblée nationale nous ont habitués.

Nous révisons, pour la première fois de façon compréhensive, une loi, le Code civil, qui est en vigueur depuis 114 ans, qui a fait, bien sûr, l'objet d'un certain nombre de modifications de détails, mais qui n'a jamais, avant aujourd'hui, été exhaustivement réévaluée et réexaminée.

Les travaux parlementaires auxquels nous participons se situent à la suite du travail d'un comité, l'Office de révision du Code civil, qui a échelonné ses travaux pendant une période de vingt ans. Il est très rare - je me permets d'insister là-dessus - que l'Assemblée nationale examine une loi qui a été en vigueur pendant 114 ans et sur laquelle un comité a travaillé pendant 20 ans. Cela nous donne tout de suite une idée qu'on est à amorcer un travail qui est qualitativement très différent du travail législatif habituel. C'est ce qui me porte à dire que, de la même façon que l'objet sur lequel notre étude, nos travaux vont porter, est différent de l'objet des travaux habituels du travail législatif, autant la procédure qui est adoptée aurait dû idéalement être différente.

Nous adoptons ce qui sera probablement le Code civil du XXle siècle au Québec, parce que, malgré tout, on commence à toucher à la fin du présent siècle et, avec le genre de délai dont il est question lorsque l'on parle du Code civil, c'est probablement le Code civil sous lequel nos enfants vont vivre et mourir même. On doit constater que ce Code civil du XXle siècle sera étudié et adopté par une procédure parlementaire qui est essentiellement une procédure parlementaire du XIXe siècle. Ce que je veux dire, c'est qu'il me semble qu'il aurait été approprié - cela a été d'ailleurs, dès le mois d'avril dernier, je pense, une demande que j'ai formulée au ministre et au leader du gouvernement - dès le dépôt du rapport de l'Office de révision du Code civil, que le gouvernement, au lieu de se garder pour lui-même la tâche d'en faire l'étude, l'analyse et la transcription en un projet de loi, profite de l'occasion pour faire ce que d'autres Parlements avant nous ont déjà fait pour des sujets beaucoup moins importants, la création d'une commission spéciale de l'Assemblée nationale à qui on aurait confié directement la tâche - avec, bien sûr, une

assistance technique appropriée - de voir à la révision dans son ensemble de tout le Code civil et non pas seulement d'un chapitre, bien sûr, en laissant à cette commission - ce qui serait normal dans les circonstances - la liberté de procéder par étapes. Je pense que cela aurait permis de donner une plus haute priorité, dans le cadre des travaux d'une commission spéciale de l'Assemblée nationale, à ce travail de réforme, alors qu'en le confiant au ministère de la Justice comme s'il s'agissait d'une loi statutaire ordinaire, on a, bien sûr, dû obéir à toutes les priorités qui sont coutumières au sein d'un ministère. Peut-être, plus important que cela, cela aurait permis de situer les législateurs au premier rang de ceux qui étaient amenés à présider à l'évolution législative de ce monument du droit québécois que constitue le Code civil.

Le Code civil est une de nos institutions fondamentales. C'est en quelque sorte l'équivalent en droit privé de ce qu'est la constitution en droit public, c'est-à-dire que c'est la pierre d'assise de toutes les relations de droit entre individus, entre personnes, de droit privé. Il me semble que l'Assemblée nationale, si tant il est vrai qu'on veut rehausser et affirmer son rôle dans l'évolution de nos lois et de nos institutions juridiques, aurait dû recevoir une mission, une vocation tout à fait spéciale à l'occasion de la refonte de notre droit civil.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, et en dépit des suggestions en ce sens que nous avons formulées, le gouvernement a choisi d'en faire sa chose. Même si le style, le discours qu'a adopté le ministre de la Justice au moment de la deuxième lecture et aujourd'hui encore tente de faire sentir qu'il s'agit là d'une entreprise qui se déroule en marge des partis et au-dessus des partis en quelque sorte - on a déjà entendu cela dans d'autres contextes - il demeure que le gouvernement semble avoir tenu beaucoup à en faire sa chose de manière peut-être - il est au moins permis de se poser la question - à pouvoir prétendre qu'il a donné au Québec le premier chapitre d'un nouveau Code civil.

Je pense qu'il est important, pour que la vérité ne soit pas complètement déformée, de dire que l'association qui peut exister dans le temps entre l'introduction d'un nouveau Code civil et la présence au gouvernement d'un groupe en particulier est largement une coïncidence. Étant donné l'échelle chronologique à laquelle je faisais allusion tout à l'heure, il est assez évident que ce n'est pas un acte de gouvernement, c'est pratiquement une question d'évolution sociale et la transcription de cette évolution sociale en législation à laquelle on assiste. Je pense qu'il n'est, a ce moment-là, pas approprié pour un gouvernement de vouloir se l'approprier trop étroitement. Pourquoi est-ce que je dis cela? Pas par désir d'être mesquin, mais parce qu'il y a à ce désir de ce gouvernement de s'approprier la réforme du Code civil des conséquences assez désagréables non pas pour l'Opposition comme telle, non pas pour les membres de l'Assemblée nationale, mais pour un certain nombre de groupes qui se rendent compte, en voyant la façon dont se déroulent les événements, qu'ils se sont fait un peu manipuler par le gouvernement.

En effet, lorsque le rapport de l'Office de révision du Code civil a été rendu public il y a environ deux ans et demi ou trois ans, le gouvernement a cru bon de faire des audiences publiques pour entendre les parties intéressées, les groupes intéressés, le Barreau, le Conseil du statut de la femme, etc., pour voir ce qu'ils pensaient de ce rapport de l'Office de révision du Code civil. Ce n'était pas très courageux pour le gouvernement de permettre à tous les points de vue de s'exprimer sur un document gui n'était essentiellement pas le sien. C'était aussi commode, bien sûr, de pressentir à l'avance quelle était la réaction des différents groupes avant d'avoir lui-même à mettre la main à la pâte. Mais voici que s'étant commis, ayant assumé cette responsabilité à laquelle il semblait tenir beaucoup, le gouvernement s'est maintenant récusé devant l'invitation gui lui était faite d'inviter à nouveau les groupes qui avaient quelque chose à dire pour voir si la façon dont le gouvernement a transcrit leurs préoccupations dans un texte de loi rencontre véritablement leur perception des problèmes et des solutions appropriées à ces problèmes. (15 h 30)

Je pense que, de ce côté, nous avons assisté, dans la révision du Code civil, au même genre de manipulations auxquelles d'autres collègues du ministre de la Justice se sont livrés lors de l'étude d'autres projets de loi. Il y a une véritable subversion du processus de consultation démocratique où on consulte sur des documents qui n'ont pas véritablement l'estampille gouvernementale, gui sont sans danger pour le gouvernement. On va un peu à la pêche aux opinions et aux points de vue et, lorsqu'il est véritablement question de se compromettre, on évite par-dessus tout toute occasion publique par laquelle des groupes pourraient manifester leur dissidence. Je pense que c'est un manque de courage de la part du gouvernement qui tient pourtant tellement à affirmer sa responsabilité dans la révision de ce Code civil, de ne pas être à la hauteur de cette dernière échéance et de prétendre que les rencontres privées auxquelles il a participé lui donnent un éclairage suffisant. C'est peut-être vrai, quant à lui, sur la position des différents groupes intéressés, mais ce n'est certainement pas vrai pour l'opinion publique qui, elle, est maintenue dans l'ignorance des hésitations, des doutes ou de l'insatisfaction même que certaines positions gouvernementales peuvent susciter.

Je pense qu'il y a de cela une leçon que nous pouvons tous tirer et qu'en particulier différents groupes professionnels ou sociaux dans la population vont vouloir tirer de tout cela, c'est de ne jamais plus accepter de participer à des consultations publiques sur des documents qui ne représentent pas une position gouvernementale finale et définitive, parce qu'on utilisera leur participation et leur consultation, à ce moment, comme un alibi pour ne pas aller plus loin, alors que cela compte vraiment.

C'est une certaine forme d'hypocrisie à laquelle on a eu recours bien souvent du côté du gouvernement actuel, dont je tiens à me dissocier à ce moment-ci, sans animosité. Le gouvernement a fait son lit. Nous avons encore tout récemment insisté sur l'intérêt qu'il y avait à entendre tout le monde. On prétend qu'on est suffisamment informé. C'est une réponse qui n'en est pas une. Je pensais qu'il était nécessaire de signaler une dernière fois - je n'ai pas l'intention d'y revenir -

notre désaccord avec une manipulation aussi cynique - je pense que c'est le mot approprié -du processus de consultation démocratique.

Il y a un point qui a été soulevé et sur lequel je n'ai pas l'intention de revenir à part la mention que j'en ferai aujourd'hui, puisque le président de l'Assemblée nationale a tranché la question de la constitutionnalité. Il semble bien, donc, que cette question ne doive pas nous retenir dans nos travaux, mais je pense qu'il est conforme au respect que je dois à la décision du président de noter que, de la part de notre formation politique, nous estimons que cette décision du président, que nous allons respecter en ne soulevant pas à nouveau le problème, en le mentionnant simplement ici comme question de principe est mal fondée en droit parlementaire. Nous l'acceptons néanmoins. Encore une fois, nous n'avons pas l'intention d'en faire un grand débat, mais nous manquerions à notre devoir de ne pas souligner que nous estimons qu'elle est mal fondée en droit parlementaire. Si nous le mentionnons aujourd'hui, c'est que ce vice en droit parlementaire peut avoir des conséquences, une fois la loi adoptée.

Souvenons-nous, M. le Président, que le président de l'Assemblée nationale a dit que cette motion de deuxième lecture, puisque c'était de cela qu'il était question à cette époque, il n'avait pas à en connaître les détails, était légale, était correcte, était régulière à sa face même. C'est à cet argument, qui est essentiellement la base de la décision du président, que nous en avons sur un plan juridique. En effet, à sa face même, le texte de la loi portant réforme du Code civil précise, dans son article 75, que certaines dispositions de la loi 89 sont incompatibles, ne relèvent pas de la compétence législative de l'Assemblée nationale, mais relèvent de la compétence législative du Parlement du Canada. Donc, la loi elle-même dans son texte, à sa face même( dit qu'elle comporte des éléments qui sont ultra vires de l'Assemblée nationale. Le président a ignoré cet élément et il a basé sa décision sur ceci: le fait que cette loi soit lue une deuxième fois ne comportait aucun élément ultra vires. Nous sommes d'accord avec lui dans le contexte très étroit dans lequel il a rendu sa décision, mais nous pensons que son refus de considérer le texte même du projet de loi constitue une erreur de droit parlementaire et cela pourra constituer, à l'avenir, un problème juridique pour ceux à qui devra s'appliquer cette révision du Code civil. Autrement dit, on pourra contester certaines parties de cette révision et les conséquences juridiques de cette contestation, quant à nous, ne sont pas claires, on ne peut pas les prédire d'avance. Est-ce que cela aura pour effet seulement de rendre nulles et sans effet les dispositions qui sont spécifiquement ultra vires ou est-ce que cela pourrait avoir pour effet de rendre nul l'ensemble de la disposition? Nous n'en savons rien. C'est là un danger juridique.

Je pense que nous manquerions à notre devoir de ne pas exprimer aujourd'hui nos réserves sur un plan juridique. Ceci étant dit, je voudrais cependant souligner que, ces problèmes juridiques mis à part, nous n'avons aucune espèce d'objection à nous conformer à la décision du président de l'Assemblée nationale. Nous pensons, comme l'Office de révision du Code civil lui-même, puisque c'est la politique qu'il avait adoptée dans son rapport, comme le gouvernement, qu'il est très difficile de réformer le Code civil dans le chapitre de la famille sans en avoir une conception d'ensemble et sans modifier tout ce qui doit être modifié de façon cohérente.

Nous sommes très heureux de participer à la discussion de tous les éléments du projet de loi no 89 sans aucune réserve. Cela ne nous gêne pas du tout. Il reste que cette difficulté juridique se trouve dans le paysage. Nous pensons qu'il y a eu une erreur de droit parlementaire et même si nous étions d'accord et même si nous ne l'avions pas mentionné, il reste que cette difficulté existe malgré tout. Elle pourra un jour être invoquée et nous n'en connaissons évidemment pas les conséquences. Il appartient au gouvernement là-dessus d'assumer cette responsabilité et nous sommes, d'ailleurs ,fort heureux de le voir l'assumer. Mais il reste que le problème existe.

Un autre point, M. le Président, qui est de nature plus qénérale. Je m'en voudrais de commencer l'étude de cette révision du Code civil sans signaler à quel point je me sens et, si je parle au nom de mes collègues, nous nous sentons particulièrement honorés d'être parmi les législateurs à qui incombe la responsabilité d'une étude et d'une adoption finale du nouveau Code civil du Québec. Je pense que c'est un événement qui a une certaine valeur historique. Bien sûr, ce ne sera pas nécessairement une chose qui va faire les manchettes, mais, sur le plan de l'évolution de nos institutions, c'est un événement très important et je crois que tous ceux qui y participent doivent sentir l'immense responsabilité qui leur incombe et se sentir investis d'une responsabilité tout à fait spéciale. Comme cette responsabilité est tout à fait spéciale, je puis vous assurer, M. le Président, que nous allons essayer, dans la modeste mesure de nos moyens, de nous en acquitter le plus correctement, le plus consciencieusement possible.

Il n'est pas question d'utiliser, ou d'abuser encore moins, de la procédure parlementaire. Nous voulons procéder à cette étude le plus rapidement, mais le plus "responsablement" possible, si l'expression est correcte, et ceci, au point de vue suivant. Sans exagérer l'importance des délibérations de l'Assemblée nationale et des procès-verbaux de l'Assemblée nationale, et en particulier des procès-verbaux de cette commission parlementaire, il reste que les procès-verbaux de la présente commission parlementaire vont, dans une certaine mesure - et ceci sera plus vrai dans ce cas-ci que dans la plupart des cas - constitue une espèce de source de droit ou d'interprétation du droit. Je disais d'ailleurs, ce matin, au ministre de la Justice que, lorsque je suis passé à la faculté de droit, il y a une chose que nos professeurs de droit nous disaient péremptoirement, soit que les débats parlementaires étaient absolument non pertinents à l'étude des projets de loi, à leur interprétation. Ils faisaient cette affirmation de façon absolument catégorique.

Il y a des choses qui sont changées depuis 20 ou 25 ans - je ne préciserai pas davantage -mais j'ai cru observer dans certains jugements que les juges n'ont plus la même réticence qu'ils pouvaient avoir dans le passé pour ce qui est de consulter les procès-verbaux des Parlements, y compris l'Assemblée nationale.

Je pense que, dans ce cas-ci en particulier, étant donné qu'il s'agit du Code civil, étant donné que le projet de loi du gouvernement diffère - et cela est tout à fait légitime - du rapport de l'Office de révision du Code civil, il faut bien se rendre compte que la seule source officielle, pour comprendre les différences entre les deux textes, sera constituée par les procès-verbaux de cette commission. Je crois que ceci doit nous inciter à requérir, de la part des conseillers juridiques du gouvernement, toute l'assistance nécessaire pour compléter les interprétations, les explications et nous inciter également, même dans les cas où cela a l'air évident et où tout le monde est d'accord, mais où il y a malgré tout des différences entre les deux textes, à être assez complets de manière à aider tous ceux qui vont vivre avec ces textes à comprendre le mieux possible. Même s'ils ne peuvent pas les utiliser formellement devant les tribunaux, je pense que nous avons un certain devoir de service public de rendre compte du pourquoi des décisions, des choix, des alternatives qui ont été considérés. Je pense que cela peut être d'un immense secours.

Il reste que, quelle que soit la nécessité des réformes - et cela est indéniable - que nous apporterons au Code civil, nous introduisons dans tout changement législatif une certaine incertitude, un certain degré d'incertitude. Puisque les nouvelles dispositions n'auront jamais été interprétées par les tribunaux, il va s'écouler un certain nombre d'années où on va se poser des questions: Qu'est-ce qu'on a vraiment voulu dire? Bien sûr, encore une fois, on ne pourra pas citer comme un argument définitif les travaux de cette commission parlementaire, mais on peut quand même offrir une petite lumière à ceux qui se poseront ces questions pour ne pas les laisser totalement sans assistance et pour diminuer, dans cette modeste mesure, l'incertitude avec laquelle doivent vivre les justiciables devant un nouveau texte législatif.

À ce titre-là, j'apprécie en particulier les efforts que le ministre s'est dit prêt à faire pour rendre compte et expliquer, par des textes soigneusement préparés, les divergences qui peuvent exister entre les textes de l'Office de révision du Code civil et le texte tel qu'il sera éventuellement proposé et adopté. Je pense que cela peut être d'une utilité plus grande que d'habitude.

M. le Président, c'est tout ce que j'ai à dire quant aux remarques préliminaires. On pourrait philosopher longuement, mais je résiste à la tentation de faire ici ce que les circonstances m'ont empêché de faire au niveau du débat de deuxième lecture auquel je n'ai malheureusement pas pu participer étant donné des circonstances tout à fait personnelles. Mais je pense qu'à l'occasion de chacun des chapitres nous pourrons soulever des éléments de philosophie sociale ou juridique qui sont pertinents et qui peuvent aider à éclairer les décisions que la commission va prendre. Je vous remercie.

Le Président (M. Laberge): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent.

M. le député de Nicolet-Yamaska, pour des commentaires préliminaires. (15 h 45)

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais dire, d'abord, que je suis extrêmement fier d'être au nombre des parlementaires qui ont à étudier et à examiner ce projet de loi qui, comme on l'a dit tantôt, est l'aboutissement d'un travail de nombreuses années, au-delà de 20 ans, d'examen des textes juridiques et de différentes études qui ont été réalisées à ce sujet-là.

Je pense que l'importance du Code civil est peut-être un peu méconnue au niveau du public, mais ceux qui ont à oeuvrer dans le domaine du droit, soit les notaires et les avocats, ont eu à examiner les modifications proposées. Je pense que tous ceux qui auront à travailler avec ces nouveaux textes auront l'avantage d'y voir, reflétée dans la loi, la société d'aujourd'hui. Pour nous en tout cas, tout ce qui fera en sorte de démontrer dans la loi l'épanouissement de la cellule familiale, nous en serons tout à fait heureux et nous voudrons à ce moment-là contribuer avec le gouvernement et l'Opposition officielle à l'étude la plus positive de ce projet de loi.

Nous avons eu l'occasion en deuxième lecture de faire différentes remarques sur des points particuliers. Je voudrais peut-être revenir un peu sur ces points-là et aborder en tout premier lieu la question du chapitre concernant le divorce. Mon collèque vient de parler de la question juridique concernant la constitutionnalité du divorce. Je voudrais de mon côté aborder surtout la question pratique. On sait qu'il y a eu, depuis de nombreuses années, différentes discussions avec les provinces et le gouvernement fédéral à ce sujet-là. À un moment donné, il semblait qu'il se dessinait une entente concernant le rapatriement, si on peut s'exprimer ainsi, des pouvoirs en matière de divorce au niveau des provinces.

Cependant, à la dernière conférence constitutionnelle, on a pu noter un certain recul de ce côté-là, de sorte qu'il n'y a aucune entente encore jusqu'à maintenant sur cette question-là. Au point de vue pratique, on se demande comment on peut faire, ici à l'Assemblée nationale du Québec, pour adapter une partie de la loi qui touche le divorce dans la province de Québec alors que cette juridiction est toujours au niveau fédéral. Étant donné également le recul de certaines autres provinces lors de la dernière conférence constitutionnelle, on peut se demander si cela ne prendra pas encore quelques années avant de pouvoir en arriver à exercer cette juridiction-là au niveau de la province.

Dans ce contexte, je me demande bien sincèrement si on ne serait pas mieux de tout simplement attendre pour faire l'étude et l'adoption de cette partie de la loi, d'autant plus que, selon l'intention manifeste du gouvernement, on voudrait adopter cette loi dans les meilleurs délais et, si possible, avant Noël. Avec la quantité d'articles qui y sont prévus, je pense qu'on pourrait faire en sorte d'accélérer l'étude de ce projet de loi si on abandonnait tout simplement la partie concernant le divorce, quitte à l'adopter un peu plus tard et possiblement avec quelques modifications. Si des accords intervenaient aux niveaux fédéral et provincial, il est possible qu'il y ait des modifications à l'entente actuelle, ce qui pourrait nous forcer à modifier le projet de loi que nous avons entre les mains. Au point de vue pratique, je pense que la

suggestion que je fais de reporter à plus tard la partie traitant du divorce serait des plus avantageuses. Au niveau des grands principes de base de ce projet de loi - j'ai eu l'occasion de le dire en deuxième lecture - l'Union Nationale est d'accord avec beaucoup des points qui y sont relatés, entre autres, concernant la filiation, par exemple, ou le concept de l'apport d'un époux à l'accroissement de l'actif de son conjoint. J'ai eu l'occasion de le mentionner. Il y a, cependant, des points sur lesquels on avait des interrogations sérieuses, et principalement en ce qui concerne l'hypothèque judiciaire. On a eu l'occasion de dire qu'au point de vue pratique la situation d'hypothèque judiciaire engendre de nombreuses difficultés financières pour l'époux qui ne possède qu'un seul immeuble et qui le voit grevé d'une hypothèque. Je pense que, de ce côté, il va falloir penser à apporter des modifications. Je sais que le ministre a plusieurs amendements à nous proposer. D'ailleurs, il nous a promis d'essayer de nous les remettre un peu à l'avance. On pourra examiner cela de façon positive.

Je parlais tantôt d'une perspective d'épanouissement de la cellule familiale. J'ai eu beaucoup de réticences, lors de mon discours en deuxième lecture, concernant le divorce de consentement. Bien que nous soyons prêts à accepter la séparation de corps par consentement mutuel, au niveau du divorce, on a des difficultés à accepter cette situation. Si la célébration du mariage doit être l'aboutissement d'une mûre réflexion, d'un acte sérieux qui est source d'obligations, nous pensons qu'il serait illoqique que la fin du mariage, c'est-à-dire la dissolution, puisse être obtenue sur simple consentement, sur simple accord souvent donné sous le coup de l'émotion. On aura l'occasion de le revoir. Je dis tout de suite au ministre que nous avons des difficultés à accepter cette chose.

Je tiens également à mentionner des problèmes; j'ai soulevé des difficultés concernant la solidarité des dettes et, là-dessus, j'espère que le ministre va éqalement examiner la possibilité de proposer des amendements. J'ai soulevé également la question de la prescription. C'est un point important. Le rapport du Barreau, d'ailleurs, en fait un état assez large et je voudrais tout simplement répéter ce que le Barreau disait à ce sujet. L'article du projet peut enqendrer des abus considérables de la part des conjoints. En effet, l'on peut imaginer facilement que le débiteur alimentaire se placera volontairement dans une position où l'on ne pourra payer de pension alimentaire, demeurera dans cette position pour une période de deux ans et, après ce délai, recommencera à faire des affaires florissantes pour son propre compte. Cela pourrait, en fin de compte, causer de véritables problèmes.

Le dernier point, c'est celui de l'adoption; j'en ai glissé un mot en deuxième lecture. Le ministre des Affaires sociales nous avait fait adopter une loi, nous avait proposé l'adoption d'une loi concernant l'adoption en mai 1979. Cette loi parlait de l'adoption internationale, abolissait, à toutes fins pratiques, l'adoption privée, etc. Le projet de loi no 89, là-dessus, abolit la loi concernant l'adoption et on ne reprend que quelques articles au niveau de la loi 89. De ce côté, il y a des difficultés auxquelles le ministre devra essayer de trouver des solutions et nous les proposer.

Quant à nous de l'Union Nationale, nous abordons cela avec la plus grande ouverture d'esprit. J'ai eu l'occasion de le dire au ministre à quelques occasions. Si cela nous est possible d'adopter cela avant Noël, tant mieux. Cependant, je le répète, nous n'accepterons pas d'adopter une loi aussi importante de façon hâtive à la fin de la session. On ne voudrait pas se faire bousculer. Si le gouvernement veut notre collaboration, je pense qu'on devra le faire de la façon la plus sereine possible. Si on ne peut pas finir au mois de décembre, on continuera en janvier. À moins que le ministre ne nous dise que le premier ministre va déclencher des élections au mois de janvier, on aura tout le temps nécessaire, en janvier et février, pour continuer l'étude article par article, si nous n'avons pas l'occasion de terminer d'ici Noël.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre, pour certaines remarques.

M. Marc-André Bédard (réplique)

M. Bédard: Le député de Saint-Laurent revient de vacances. J'avais espéré un instant qu'il nous fasse qrâce de l'attitude maladivement partisane et mesquine qu'il emploie toujours, d'une façon permanente, au niveau de l'Assemblée nationale. Je vois que le naturel revient facilement au galop, si on peut employer l'expression, et qu'il est bien difficile pour lui de s'empêcher d'être partisan. Il sent même le besoin de dire certaines choses en ajoutant la nuance qu'il le dit sans mesquinerie, tout en v allant à fond. Je passerai au-dessus de ses remarques, mais j'avoue qu'il me fait regretter, d'une certaine façon, son collègue de Marguerite-Bourgeoys qui a su, au niveau de la deuxième lecture, discuter de ce projet de loi avec la maturité et la dignité que commande un tel projet de loi gui concerne non pas nos intérêts partisans, mais le bien-être de l'ensemble de la collectivité québécoise.

Le député de Saint-Laurent nous parle de ses suqqestions de qrandes commissions spéciales qui auraient pu aboutir, à un moment donné, à un Code civil. Il nous parle de la technique, de la manière qui aurait pu être employée, par quelque gouvernement que ce soit, pour faire l'étude, la révision du Code civil. Ce qu'il oublie de dire, c'est que, quels que soient les mécanismes qu'on ait pu mettre en place, à un moment donné, il faut qu'un Parlement, et qu'un gouvernement, en conséquence, assume la responsabilité de présenter un projet de loi à l'Assemblée nationale pour que ce projet soit soumis à l'attention des parlementaires. On ne peut pas passer à côté de cela, quels que soient les mécanismes qu'on aurait pu prévoir.

Cette responsabilité, nous l'avons assumée; nous l'avons assumée avec sérieux et avec célérité. C'est bien beau de dire qu'on avait depuis 23 ans l'Office de révision du Code civil, qu'il fallait une étude sérieuse de son rapport, que c'est une loi très importante. Tout le monde est d'accord sur cela. Mais il ne faut quand même pas prendre cette importance du projet de loi pour en faire un prétexte pour avancer lentement, à pas de tortue. Après 23 ans d'étude de la part de l'Office de révision du Code civil, et avoir entendu les groupes sur son rapport, on

n'est quand même pas là pour inventer une mécanique qui, à un moment donné, va indûment allonqer des délais qui ont déjà été suffisamment longs, pour ne pas dire - et c'est l'avis de tout le monde - beaucoup trop longs, autant d'aboutir à une réforme du droit de la famille. (16 heures)

D'ailleurs, je pense que la meilleure preuve du sérieux du gouvernement face à cette pièce de législation importante, c'est l'unanimité des parlementaires à la suite du dépôt du projet de loi à l'occasion de la deuxième lecture. Il me semble que c'est la meilleure preuve. Avec l'humilité de ce que cela représente, parce qu'on parle de choses qui touchent les fibres sensibles des Québécois et des Québécoises, c'est, je pense, la meilleure preuve du sérieux que le gouvernement a apporté pour présenter cette pièce impartante de législation. Contrairement à ce que dit le député de Saint-Laurent, cela prouve que le gouvernement n'est pas allé à la pêche lorsqu'il a entendu les groupes, lorsqu'il a lu les mémoires des différents groupes, mais, au contraire, il a trouvé le moyen d'en faire une étude suffisamment sérieuse pour arriver avec un projet de loi qui n'est pas parfait. Je n'ai pas cette prétention-là et je n'ai pas la prétention que c'est la chose du gouvernement, que c'est la chose du ministre, loin de là. Il me semble que les propos que j'ai tenus jusqu'à maintenant sont assez clairs là-dessus. Je suis très conscient que c'est avec la collaboration de tous les membres de l'Assemblée nationale que nous avons des chances de donner cette réforme qui est attendue depuis si longtemps par la population du Québec. Je sais que ce n'est pas uniquement ma responsabilité; c'est la responsabilité de tous les parlementaires sans aucune attache, sans aucune connotation partisane.

L'étude a été d'autant plus sérieuse et les propos du député de Saint-Laurent sont d'autant plus maladivement - je le dis encore - partisans et mesquins que nous avons eu - il n'est peut-être pas au courant - bien des représentations demandant de procéder à l'adoption de ce projet de loi le plus rapidement possible, tout en mentionnant qu'on aurait pu faire encore plus de consultations, faire des commissions parlementaires, y ajouter, en plus de cela, tout un mécanisme pour étudier le rapport de l'Office de révision du Code civil.

Mais, à un moment donné, il faut en finir. C'est cela notre responsabilité comme gouvernement, comme membres de l'Assemblée nationale. Il faut à un moment donné, le plus sérieusement possible, faire le tour de l'ensemble des préoccupations des différents groupes qui se sont fait entendre pour déposer une pièce de législation qui, nous le savons d'avance, ne satisfera pas toutes les prétentions de tous les groupes, c'est impossible, mais l'essentiel des représentations faites par ces groupes.

Je donne comme exemple que nous avons procédé avec ce projet de loi autrement qu'avec d'autres projets à l'Assemblée nationale. Il y eu, je pense, en juin 1978, le dépôt à l'Assemblée nationale du rapport final de l'Office de révision du Code civil. Dès l'année suivante, du 13 mars au 28 mars 1979, au-delà de 25 organismes se sont fait entendre et un nombre de mémoires encore plus important a été produit, déposé à la commission de la justice. Nous avons procédé avec célérité étant donné l'importance de cette législation, puisgue, l'année qui a suivi, dès le 5 mars 1980, nous avons fait le dépôt du projet de loi.

Nous n'avons pas exigé, en mars 1980, d'adopter rapidement, à l'occasion de cette session, le projet de loi, parce qu'à ce moment-là, et avec raison, nous aurions été accusés de vouloir "bulldozer", de vouloir y aller d'une façon beaucoup trop expéditive. Au contraire, il ne faut jamais l'oublier, depuis quand même le 5 mars 1980, le projet de loi a été déposé à l'Assemblée nationale et porté à l'attention de l'ensemble de la population. Je comprends que ce n'est pas l'ensemble de la population qui peut être informé juste à partir du dépôt d'un projet de loi, mais nous y avons ajouté, par exemple, de nombreuses communications. Nous avons envoyé le projet de loi et une vulgarisation des principales réformes à tous les avocats du Québec, à tous les media du Québec, à tous les journalistes spécialisés, à tous les organismes féminins et sociaux concernés. Du 14 octobre à ce jour, nous avons eu la réception de mémoires des mêmes groupes qui se sont présentés devant la commission parlementaire, à quelques exceptions près. J'ai pris la peine d'envoyer également une lettre à tous ces groupes pour leur rappeler et leur demander de nous faire parvenir des suggestions additionnelles, s'ils en avaient à la suite des représentations déjà faites lors de la première commission parlementaire.

Il me semble que nous sommes allés au devant, justement, de cet éclairage dont nous avions besoin pour essayer de faire le travail le plus sérieux possible au niveau de cette commission parlementaire. S'ajoutent à tout cela - et c'est en cela que le député de Saint-Laurent ne semble pas juste et correct - de nombreux témoignages, dont celui du Barreau du Québec, par exemple. On ne nous accusera certainement pas de pressions auprès du Barreau parce que, le 14 octobre dernier, il parlait lui-même de la nécessité de doter le Québec d'un Code civil encore mieux adapté aux besoins réels de la société. "Et, poursuivait-il, à cet égard, nous désirons signaler qu'une adoption rapide de ce livre deuxième tel qu'amendé s'impose, compte tenu de la situation actuelle du droit matrimonial qui contribue à entretenir de nombreuses injustices."

Il y a eu l'organisme CSSQ, également les centres d'assistance-maternité, La Clairière de Québec qui a fait parvenir des télégrammes où on déplorait la lenteur des démarches relatives à la réforme du droit de la famille et où on disait textuellement: "Nous comptons sur vous pour que cette réforme se fasse rapidement." J'y ajouterais de mon propre chef, et c'est ce qu'ils voulaient dire: Nous compterons également sur la collaboration de tous les parlementaires. L'Association des centres de services sociaux aussi a fait des représentations pour que ce soit adopté au cours de la présente session.

Le Conseil du statut de la femme disait ceci, dans son télégramme: "Projet de loi d'ailleurs attendu depuis fort longtemps. Une révision, une réforme en matière de droit familial était devenue nécessaire au Québec. Face à cette réforme, le CSF émet le souhait que les travaux amorcés soient poursuivis et deviennent sans retard réalité légale pour le meilleur intérêt des citoyens et citoyennes du Québec." Il me semble

qu'il y a suffisamment d'indices au moins pour indiquer que le gouvernement a fait un travail sérieux et nous y répondons en essayant, à notre tour, d'y aller avec célérité, mais avec sérieux. Nous répondons à des attentes qui existent déjà au niveau de la population et des qroupes concernés.

Il y aurait peut-être un autre point que je voudrais mentionner avant que nous commencions l'étude. Des deux côtés, on a parlé de la technique léqislative employée, des difficultés constitutionnelles que cela pourrait représenter ou de la possibilité de contestation devant les tribunaux. Je tiens à dire que la technique législative qui est employée - elle peut être améliorée sur certains points - par le gouvernement dans le projet de loi no 89 peut nous donner la conviction qu'il n'y a pas, qu'il n'existe pas ce danger de contestation allégué par d'autres parlementaires. En fait, si je peux me permettre un exemple, je me rappelle que, lorsqu'il y a eu le jugement de la Cour suprême du Canada, nous avions employé une technique législative pour que tout soit juridiquement impeccable. Je me rappelle qu'au cours de ce débat les partis d'Opposition avaient émis bien des doutes sur la technique législative que nous employions à ce moment. Pourtant, il n'y a eu absolument aucune contestation. Cette technique législative, avec les nuances qui sont nécessaires pour le code, j'en suis convaincu, sera aussi rigoureuse et aussi étanche, de façon qu'elle ne donnera pas ouverture à des contestations de la part des citoyens et citoyennes. La meilleure manière pour qu'il n'y ait pas de contestation -le représentant de l'Union Nationale, le député de Nicolet-Yamaska l'a bien mentionné - et que cela règle le problème une fois pour toutes, ce serait que le fédéral rapidement trouve le moyen de nous donner cette juridiction qui, à mon sens, est essentielle pour l'ensemble de la collectivité québécoise et alors tout entrerait dans l'ordre.

Ce sont les dernières remarques que j'ai à faire. Si nous nous en remettons à la technique que j'ai évoquée tout à l'heure - et mes collègues semblaient d'accord là-dessus - nous pourrions passer à la première section qui traite des conditions du mariage.

Le Président (M. Laberge): Messieurs, pour le journal des Débats qui ne voit pas comment est confectionné ce projet de loi, je dirai que l'article 1 se lit comme suit: "II est institué un Code civil du Québec dont le livre deuxième se lit comme suit" et, à la suite de ces remarques, le livre deuxième comprend les articles 400 à 652 du nouveau Code civil et il est divisé en cinq titres dont certains sont divisés en plusieurs chapitres.

Donc, titre premier, Du mariage; chapitre premier, Des conditions requises pour contracter mariaqe. Là, on pourrait avoir des commentaires.

Étude du projet de loi

Chapitre premier

Des conditions requises pour

contracter mariage

M. Forget: Je m'excuse auprès du ministre, mais avant qu'on aborde la question des conditions requises pour contracter mariage, serait-il possible de nous éclairer un peu sur l'abandon, dans le projet de loi, des recommandations de l'Office de révision du Code civil relatives aux promesses de mariage ou aux fiançailles, si l'on veut? Il y a, dans le Code civil actuel, des dispositions à cet égard, que l'Office de révision du Code civil proposait de simplifier. On se livre à une opération de chirurgie radicale de ce côté-là, on les enlève complètement. Cela crée, bien sûr, une situation juridique qu'il y aurait peut-être lieu d'expliquer un peu et aussi il faudrait expliquer les motifs qui sous-tendent le rejet de cette partie des recommandations de l'office. Je pense que cela ne prendra pas tellement de temps. On veut simplement donner au ministre l'occasion d'être "on record" sur cette affaire, relativement à cette partie du Code civil.

M. Bédard: Je m'attendais à cette question, mais, si le député de Saint-Laurent n'a pas d'objection, on pourrait peut-être en traiter un peu plus tard.

M. Forget: C'est la première partie des recommandations et cela précède, dans le rapport de l'office, le chapitre 2 sur les conditions requises pour contracter mariage.

M. Bédard: Effectivement, le nouveau Code civil du Québec ne reprend pas certaines recommandations de l'Office de révision du Code civil, notamment sur le chapitre portant sur les promesses de mariage. Les raisons suivantes, je crois, peuvent être invoquées à l'appui de la décision de ne pas inclure ce chapitre dans le nouveau Code civil. D'abord, le Code civil ne réglemente pas actuellement les fiançailles ou les promesses de mariage. Deuxièmement, cette institution est en voie de perdre sa popularité et sa signification traditionnelle, si je puis employer l'expression. D'autre part, la jurisprudence accorde déjà, sur la base de la responsabilité civile, des dommages et intérêts au fiancé victime d'une rupture abusive. Je pourrais citer plusieurs causes de jurisprudence à cet égard. Il y a également le droit de répétition des donations qui est déjà reconnu lorsque le mariage n'est pas célébré.

M. Forget: Cela est au chapitre des donations.

M. Bédard: C'est cela. Les règles proposées n'écartent pas tout risque d'interprétation contradictoire par la doctrine ou la jurisprudence. Ainsi, la différence entre la perte des avantages et le préjudice causé n'est pas évidente. Le Conseil du statut de la femme et la Ligue des droits et libertés se sont interrogés également sur l'opportunité de retenir un tel chapitre. Ce sont essentiellement les principales raisons qui ont motivé la décision de ne pas inclure les promesses de mariage au niveau du nouveau Code civil. (16 h 15)

M. Forget: Donc, si on peut résumer, M. le Président, très brièvement, il s'agit du fait que l'institution est jugée en voie de désuétude.

M. Bédard: C'est cela.

M. Forget: Deuxièmement, il existe dans

d'autres chapitres du Code civil des remèdes satisfaisants, à la fois sur le plan des recours en responsabilité civile et de la répétition des donations lorsque la célébration n'a pas lieu. Donc, tous les problèmes posés par les fiançailles, dans la mesure où elles continuent ou redeviendraient populaires, reçoivent des réponses adéquates.

M. Bédard: C'est cela. M. Forget: Merci.

M. Bédard: Comme vous l'avez mentionné, M. le Président, c'est par le titre Du mariage que nous abordons l'étude du projet de loi portant réforme du droit de la famille. Le mariage, en effet, est l'institution qui cimente les liens de la famille et lui assure sa stabilité. C'est donc normal que le titre premier du livre deuxième sur la famille lui soit consacré. C'est, d'ailleurs, aussi, on le constatera, le titre le plus volumineux, puisqu'il couvre les articles 400 à 536, soit plus de la moitié de tout le livre deuxième. D'où l'importance que le législateur entend accorder à chacune des facettes de cette institution fondamentale de notre droit familial. Le titre Du mariage comprend neuf chapitres dont plusieurs sont subdivisés en sections. Je propose, autrement dit, que nous abordions l'étude de ces chapitres et sections à la suite les uns des autres, bien sûr, en faisant ressortir à chaque fois les idées maîtresses qui les inspirent et en déposant, le cas échéant, des amendements susceptibles d'en améliorer tantôt la substance, tantôt la rédaction. Je pourrais déposer immédiatement les amendements que je soumets et dont on aura l'occasion de discuter. Je les porte à la connaissance de la commission.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Les amendements que le ministre se propose de déposer, est-ce qu'il a l'intention de les déposer au fur et à mesure ou s'il a l'intention de nous...

M. Bédard: Toute cette section-là.

Mme Lavoie-Roux: Vous allez nous les remettre? D'accord.

M. Bédard: C'est cela, cela comprend la section des conditions du mariage. Je vous les dépose dès maintenant. Il n'y en a pas d'autres.

Mme Lavoie-Roux: Parfait, mais juste section par section?

M. Bédard: Oui, je vais essayer de faire - je pense que cela a été une des représentations - en sorte que ce ne soit pas juste au moment où on aborde l'étude d'une section que je dépose les amendements, mais je vais essayer de vous donner une période de temps plus longue qui permette la réflexion à tous les parlementaires pour pouvoir prendre position, parce qu'il y a certains amendements, j'imagine, qui vont jusqu'à exiger, des fois, l'obligation de consulter nos collègues du caucus, etc.

Comme entrée en matière, le chapitre premier traite des conditions requises pour contracter mariage. Il est donc normal de l'asseoir, comme le fait le droit actuel, sur le principe du consentement de chacun des époux. Il nous a paru utile, toutefois, d'insister davantage sur le fait que le consentement doit être libre et éclairé et que seul le consentement exprimé par un homme et une femme peut donner lieu à un mariage. Par ailleurs, la règle du Code civil actuel fixant l'âge requis pour se marier à 12 ans pour la femme et à 14 ans pour l'homme n'a pas été reprise parce que trop exclusivement fondée sur l'aspect biologique ou l'aptitude biologique. L'âge où une personne acquiert une pleine capacité nous semble plus acceptable et est susceptible, en même temps, de réduire le taux élevé d'échecs du mariage, quitte à assouplir la règle en faveur des personnes qui témoignent d'une maturité suffisante entre 16 et 18 ans.

Enfin, le projet de loi maintient les empêchements de mariage du droit actuel entre parents et les étend à toute parenté légitime naturelle ou adoptive. Cependant, sur la recommandation de l'Office de révision du Code civil, il supprime tous les empêchements de mariage entre liés, mais, à ce sujet, l'Assemblée des évêques du Québec nous a fait part de son inquiétude. Cela a été évoqué lors de la deuxième lecture. L'Assemblée des évêques nous a fait part de son inquiétude que cette suppression favorise les intrigues et menace la paix de la famille. Cette observation me paraît sérieuse. C'est pourquoi il y aura un projet d'amendement, à l'article 405 qui vise à maintenir les empêchements de mariage du droit actuel entre alliés en ligne directe.

Je dépose également un autre amendement qui est plutôt à caractère technique et qui concerne la qualité de la rédaction de l'article 405.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent, sur les articles 400 à 405.

M. Forget: M. le Président, sous réserve de nos droits relativement à la procédure normale d'y aller article par article - je n'ai pas l'intention d'en faire un problème, à ce moment-ci - j'ai deux considérations ici: une question et une objection. La question vise le fait que le texte de loi abandonne une recommandation de l'Office de révision du Code civil relativement à l'interdiction de mariage pour le majeur en tutelle. Les causes qui donnent ouverture à la tutelle des majeurs actuellement semblent assez restrictives. L'Office de révision cite les cas où les facultés mentales sont altérées ou les capacités physiques telles qu'une personne est incapable d'exprimer sa volonté. Je me demande ce qui a poussé le gouvernement à envisager que le mariage d'un majeur en tutelle puisse être concevable. Évidemment, on peut toujours dire que le consentement libre et éclairé sera interprété - c'est l'article 400 - de façon à exclure les majeurs en tutelle. Comme l'Office de révision avait cru bon de préciser cela, comme il y a eu une controverse dans la jurisprudence, semble-t-il, relativement à cette question, ne serait-il pas bon de reprendre cette interdiction

qui semble raisonnable? Si quelqu'un n'est pas capable d'administrer ses biens parce qu'il est trop incohérent ou incapable de manifester sa volonté quant à l'administration de ses biens, il me semble qu'a fortiori on ne devrait pas lui permettre d'exprimer un consentement à un mariaqe. C'est encore plus grave. C'est la question, dans le fond. Peut-être y a-t-il des réponses là-dessus?

L'autre point, à moins que vous n'aimiez mieux réagir tout de suite à cela...

M. Bédard: Là, sans entrer sur le fond...

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: ...l'explication est que l'examen de l'article 8 - c'était l'article 8 de l'Office de révision du Code civil relatif au mariaqe du majeur en tutelle - est reporté à l'occasion de l'étude du livre I sur les personnes. Il s'agit d'une question de capacité qui vise aussi bien le majeur physiquement incapable d'exprimer sa volonté que celui dont les facultés mentales sont altérées. C'est pour cette raison que l'adoption d'un tel article serait, en tout cas, pour le moins prématurée. Autrement dit...

M. Forget: Oui.

M. Bédard: ...sur le fond, je ne suis pas prêt à...

M. Forget: Être en désaccord.

M. Bédard: Je n'exprime pas de désaccord face aux propos du député de Saint-Laurent, loin de là. Mais je crois qu'il y a lieu peut-être...

M. Forget: Oui, mais, M. le Président, je me permets...

M. Bédard: Ce pourrait être prématuré.

M. Forget: ...d'inviter le ministre, s'il n'a pas d'objection, à réfléchir à nouveau à ceci parce que, à l'article subséquent, on traite également d'une guestion de capacité lorsqu'il est question que les mineurs de 18 ans n'ont pas la capacité, dans le fond, de contracter mariage. Alors, si une question de capacité est réglée au titre Du mariage, pourquoi une autre question de capacité ne serait-elle pas réglée éqalement au titre Du mariage? Je comprends qu'on pourrait dire éqalement que c'est au titre de la capacité et des personnes qu'on va régler le problème de la capacité des mineurs de se marier. Mais, comme on l'a tranché relativement aux mineurs d'une façon au niveau de la rédaction, pourquoi vis-à-vis des majeurs en tutelle ne le tranche-t-on pas de la même façon de manière que ceux qui lisent le chapitre sur le mariage aient un tableau complet des personnes qui ont la capacité de se marier ou pas? Les officiers, par exemple, chargés du culte qui sont les officiants, les fonctionnaires chargés de l'application au premier titre du chapitre du mariage devraient pouvoir, simplement en lisant ce chapitre-là et pas l'ensemble du Code civil, juger si une personne est capable ou non. Enfin, je pose la question et j'invite le ministre à y réfléchir à nouveau.

M. Bédard: D'accord. Comme, sur le fond, nous ne sommes pas fondamentalement en désaccord, loin de là, peut-être que M. Guy pourrait ajouter quelque chose.

Si vous me le permettez, mon seul commentaire serait le suivant: Ce concept de majeur en tutelle est tout à fait neuf dans notre droit. Il se réfère aux articles 180 et suivants du livre 1 de l'Office de révision. Il vise aussi bien l'altération des facultés mentales que les personnes qui sont physiquement incapables d'exprimer leur volonté. Cela va demander, c'est sûr, un examen assez particulier de ce concept nouveau de majeur en tutelle et, comme l'interdiction proposée par l'office, évidemment, supposait éqalement au livre 2 que le livre premier soit retenu, si vous voulez, cela pouvait venir plus normalement, alors que le cas de la minorité n'est pas changé par le droit nouveau. Le mineur est mineur aussi longtemps qu'il n'a pas 18 ans, de sorte que cela ne posait pas les mêmes problèmes de qualification des concepts.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Si vous me permettez, sur ce point. Je dois vous dire au départ que, n'ayant pas de formation de juriste, mes questions seront plutôt d'ordre pratique.

Pour revenir à la question de majeur en tutelle, quand M. Guy disait qu'il y avait des qens qui, physiquement, ne sont peut-être pas en état de contracter mariaqe, cela m'est apparu presque bizarre. Il n'y a pas plus longtemps que quinze jours, par exemple, des pressions d'ordre moral ont été exercées sur des personnes malades en institution pour leur faire contracter mariaqe. Je me demande si cela ne tombe pas un peu dans cette catégorie. Je pourrais vous apporter les preuves. Dans un milieu, quand même, qu'on dit ou qu'on pense évolué, je trouvais que c'était un abus face à la liberté des gens. Je vous apporte cela comme exemple si ça peut faire réfléchir davantaqe sur ce point. Je comprends qu'il y a des difficultés sur le plan juridique d'établir ce que c'est et ce que cela couvre, mais je pense que ce n'est peut-être pas superflu d'y réfléchir.

M. Bédard: Si les membres de la commission me le permettent, j'ai omis une chose tout à l'heure. Je sais que, tout au cours du débat en deuxième lecture et ici ce matin, ce gui était tout à fait normal, on a eu l'occasion de féliciter les membres de l'Office de révision du Code civil, de même que tous les groupes qui ont fait des représentations. Je dirais d'une certaine façon que toutes les femmes du Québec ont fait des pressions pour un nouveau Code civil. Vous me permettrez sans doute de mentionner le travail qui a été fait par les principaux responsables de cette équipe du ministère qui est à notre disposition, à la disposition de tous les parlementaires, et de les féliciter en votre nom pour ce travail assez gigantesgue; on le voit dès les premiers articles, cela demandait une réflexion en profondeur de tous les instants.

Vous me permettrez de vous présenter, d'abord, M. Marcel Guy, directeur de la direction du droit civil, qui, d'une façon tout à fait

particulière, presque depuis le dépôt du rapport de l'Office de révision, en tout cas, dans les quelques mois qui ont suivi, a été attaché uniquement à ce dossier. Également, M. Alain Bisson, qui est ici derrière moi, sous-ministre associé aux affaires législatives, et éqalement Mlle Marie-José Longtin, directrire de la législation ministérielle, qui a toujours l'air effacé, mais qui n'en fait pas moins un travail très efficace. Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour mentionner la collaboration qu'on a eue de M. Jacques Massip, conseiller à la Cour d'appel française qui est venu tout particulièrement discuter de l'aspect des dispositions transitoires. Comme on sait que c'est le droit civil français, sa collaboration a été très précieuse. Il est venu nous visiter pour une dizaine de jours. J'aimerais également remercier toutes les personnes ressources qui ont travaillé. (16 h 30)

M. Forget: J'avais un deuxième point. On peut peut-être laisser celui-là pour réflexion.

M. Bédard: D'accord.

M. Forget: Un deuxième point - celui-là, c'est moins une question qu'une objection relativement à l'article 403, la question de la dispense d'âge pour le mariage. J'allais dire le mariage d'enfants. Le projet de loi reprend la disposition ou la recommandation de l'Office de révision du Code civil dans un sens qu'ici il y a une conformité totale. Mais certains groupes ont fait valoir qu'il y aurait sans doute lieu d'envisager une prohibition, c'est-à-dire de considérer la limite d'âge de 18 ans comme étant d'ordre public. Mes collègues et moi-même sommes d'avis que ce point de vue mérite d'être examiné avec soin et même d'être appuyé.

Il est difficile d'imaginer dans quelles circonstances une dispense comme celle-là pourrait être valablement exercée. L'idée qui va venir à l'esprit de la plupart des gens est le cas d'une jeune fille qui attend un enfant et qu'on marie, en quelque sorte, en dépit des dispositions de la loi normale; on obtient une dispense. On peut se demander si, en 1980, étant donné l'évolution des moeurs, c'est là la solution appropriée à un problème social évident, à un problème personnel aussi aigu. Est-ce qu'on ne confond pas les problèmes, est-ce qu'on n'ajoute pas un deuxième problème à un premier en provoquant un mariage dans des circonstances où les chances qu'il dure et qu'il soit heureux ne sont probablement pas très élevées? Il est difficile d'imaginer d'autres circonstances que celle-là. C'est probablement ce qui viendra à l'esprit de tout le monde. Cela date d'une époque où le mariage était vraiment une institution beaucoup plus qu'un contrat, où des événements extérieurs à la volonté des parties parfois même, au XIXe siècle, la volonté des familles beaucoup plus que celle des conjoints étaient déterminantes.

On est peut-être rendu à la période où le mariage de personnes de moins de 18 ans ne semble pas véritablement justifiable. Pour ceux gui ont eu des enfants de cet âge, on s'imagine mal qu'avant 18 ans ils aient pu donner un consentement valable guand on sait ce que comporte le mariage qui est un engagement sérieux, pour longtemps. On aimerait beaucoup mieux que cette possibilité de dispense, qui fait introduire le tribunal, de toute façon, dans des relations où le moins le tribunal s'introduit, le mieux c'est, disparaisse, tout simplement.

M. Bédard: Disons que c'était pour bien marquer le caractère exceptionnel de la dispense d'âqe auquel réfère le député de Saint-Laurent...

M. Forget: Ce n'est plus la simple permission des parents, c'est sûr.

M. Bédard: ...qu'on avait réservé ce droit au tribunal plutôt qu'aux parents, le tribunal devant s'éclairer de l'avis des parents. Nous pensons que ce contrôle judiciaire devrait normalement entraîner une diminution, sinon une disparition, des mariages contractés par des personnes mineures. Heureusement - je pourrai vous fournir un tableau - on est à même de constater que ce nombre diminue d'une façon plus que significative. Pour les quelques cas qui peuvent quand même survenir - il s'agit quand même d'un problème humain important quand on est concerné - nous croyons nécessaire de qarder une sorte de mécanisme.

Mme Lavoie-Roux: Quel est le type de cas? Vous dites suivant le type de cas, vous semblez avoir des statistiques.

M. Bédard: Non, j'ai seulement des statistiques... En tout cas, on sait que c'est un cas humain important quand cela arrive.

Mme Lavoie-Roux: Mon collègue de Saint-Laurent s'est référé à une situation particulière. Est-ce que, selon votre expérience, il y a d'autres cas auxquels nous ne pensons pas et qui, peut-être, pourraient justifier ce type de dispense ou cet article particulier?

M. Bédard: Je n'en ai pas présent à l'esprit. Je pense qu'on peut facilement imaginer que c'est un problème humain important lorsque cela se présente. Il est peut-être préférable de prévoir quand même la continuité d'un mécanisme qui aura à répondre à des situations comme celle-là quand elles se présentent.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M, Fontaine: J'aurais deux choses à faire remarquer au ministre concernant l'article 403. Il y a des différences assez importantes, je pense, avec ce que rapportait l'Office de révision du Code civil. L'article 403 dit: "Une dispense d'âge peut être accordée..." L'Office de révision du Code civil disait: "Une dispense d'âge peut être accordée pour motifs sérieux." Ici, dans la loi 89, on a enlevé les mots "pour motifs sérieux". Il m'apparaissait gue c'était important, premièrement, de laisser au tribunal le soin de juger quels étaient les motifs sérieux. En l'enlevant, je pense qu'on laisse quelque chose qui est vaque. On ne sait pas trop...

M. Bédard: Je comprends le sens de l'intervention du député de Nicolet-Yamaska. Cela peut donner l'impression de laisser un peu prise à l'arbitraire. Je crois, au contraire, que d'expliciter "pour motifs sérieux", c'est peut-être

plus de la phraséologie qu'autre chose parce qu'on peut difficilement concevoir qu'une dispense, si elle est accordée dans ces circonstances, puisse l'être pour des motifs qui ne sont pas sérieux.

M. Fontaine: Si on ne le met pas, cela pourra peut-être devenir presque automatique. Du moment où on n'indique pas pourquoi, pour quels motifs on pourrait accorder cette dispense, on pourrait tout simplement penser que le tribunal va dire: J'ai une demande et je l'accorde.

M. Bédard: Le fait, par exemple, que les pères et mères sont invités à donner leur opinion ne montre-t-il pas déjà le caractère sérieux de la démarche?

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pas nécessairement la raison sérieuse de la dispense, par exemple.

M. Blank: Si le juge se trouve face au père et à la mère qui, pour une raison spéciale, veulent que l'enfant se marie, il est difficile pour lui de refuser.

M. Bédard: Je vous dis pourquoi... M. Blank: II n'y a aucune raison.

M. Bédard: Je ne vois aucune objection. Peut-être est-il préférable de laisser les mots "pour motifs sérieux". Tenons pour acquis qu'on le fera.

M. Forget: Je pense que là il y a une question de cohérence. À l'époque où était rédigé le Code civil, il y avait une distinction très marquée entre l'enfant légitime et l'enfant non légitime. Comme on fait des efforts, espérons-le, complets en d'autres parties de ce projet de loi pour éliminer le stigmate de l'illégitimité, etc., je pense que le seul motif sérieux, c'est de ne pas stigmatiser l'enfant à naître. Si on fait disparaître ce motif, comme on l'a vu, il ne reste plus de motifs sérieux. Il faut être cohérent. Si on modifie la loi à certains égards, je pense qu'il faut en tenir compte. Le reste, c'est l'honneur de la famille ou des notions comme celle-là. Je pense qu'en 1980 il faut l'interpréter dans le contexte actuel.

M. Bédard: Voulez-vous dire que l'honneur ne veut rien dire?

M. Forget: Les notions d'honneur... L'honneur ne disparaît pas, mais la façon dont on l'interprète varie énormément avec le temps, il n'y a pas d'erreur.

M. Blank: Si les enfants veulent se marier après 18 ans, le mariage, même avec la loi actuelle, rend l'enfant légitime. C'est-à-dire qu'il y a une période de réflexion pour savoir si vraiment ils veulent se marier.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaire: J'avais une autre remarque sur le même article.

Mme Lavoie-Roux: On le garde ou on l'enlève?

M. Bédard: Écoutez, on travaille ensemble.

Mme Lavoie-Roux: On ne parle pas de la même chose tous les deux, nous autres.

Le Président (M. Laberge): On va donner la parole au député de Nicolet-Yamaska pour son autre question.

M. Fontaine: Vous avez l'autre problème. On mentionne le tribunal. L'office de révision parlait du juqe. On pourrait penser que cela pourrait exclure la juridiction du juge en chambre. Est-ce que ce ne serait pas mieux de réintroduire la notion de juge, plutôt que celle de tribunal? Ou peut-être les deux?

M. Bédard: Cela apparaît plus logique de déterminer cela au niveau du Code de procédure civile.

M. Fontaine: Oui.

M. Bédard: Je pense. C'est au Code de procédure civile qu'on peut le mieux définir les procédures qui sont de la juridiction du tribunal, du juge en chambre, et non pas commencer à faire cela ici, au niveau du Code civil.

Le Président (M. Laberge): Tout en tenant compte des deux modifications, des deux amendements suggérés par le ministre, y a-t-il d'autres questions sur les articles 400 à 405?

M. Bédard: Comme méthode de travail, on va faire le tour de cette section et ensuite on reviendra article par article. Ce sera plus facile.

Le Président (M. Laberge): C'est pour cette raison que je vous permets de poser des questions globalement.

M. Fontaine: J'aurais une autre remarque à faire sur les deux premiers articles sur lesquels certains ont fait des commentaires tantôt. Dans l'Office de révision du Code civil, lorsqu'on parlait de consentement - à l'article 401 - on définissait le consentement en disant qu'il devait être libre et éclairé. Dans l'actuel article 401, on ne parle que de consentement. Je pense que c'est important de qualifier le consentement, de le définir.

À 400, on dit que le mariage requiert le consentement libre et éclairé. D'accord. Mais à 401, on définissait le consentement libre et éclairé en disant qu'il consiste "dans la volonté qu'expriment un homme et une femme de se prendre pour époux."

M. Bédard: C'est tout simplement technique. Il n'a pas paru utile de répéter les qualités du consentement qui sont déjà contenues à l'article 400.

M. Fontaine: Donc, il faudrait interpréter le mot "consentement" à l'article 401 comme étant un consentement libre et éclairé, tel que défini à l'article 400.

Le Président (M. Laberge): Y a-t-il d'autres questions sur l'article 400 comme tel?

M. Bédard: 400, je pense que ça va.

Le Président (M. Laberge): Cela peut peut-être aller.

M. Bédard: Est-ce qu'il y a d'autres remarques avant qu'on procède article par article?

M. Forget: Oui, il y a d'autres remarques, M. le Président. À 405, il y a la question du mariage, les interdictions de mariage. D'abord, il y a la suggestion qu'un certain nombre de personnes ont faite de permettre qu'en cas d'adoption le juge puisse permettre un mariage en ligne collatérale, selon les circonstances.

M. Bédard: J'ai donné l'explication tout à l'heure.

M. Forget: J'aimerais bien que le ministre nous explique ce que veut dire l'amendement qu'il introduit à 405. On ne peut également contracter mariage entre alliés en ligne directe. Si je comprends bien, on élimine du Code civil toutes les restrictions actuelles, mais on conserve celle-là qu'on a de la difficulté à comprendre. Que signifie-t-elle exactement?

M- Bédard: Ce sera peut-être une belle occasion d'expliciter ce que j'ai dit préalablement, à savoir l'esprit avec lequel on proposait certains amendements. C'est peut-être pour en provoquer la discussion. Je l'ai rappelé tout à l'heure, il y a eu certaines représentations qui avaient pour but de réintroduire les empêchements.

Le Président (M. Laberge): Cela va. Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

M. Bédard: Pour donner l'idée de cela, parce que c'est du langage juridique, ce sera plus facile à comprendre avec des exemples. L'effet serait que le mariage entre le beau-père et la belle-fille ne serait pas possible.

M. Forget: Après le décès ou après le divorce?

M. Bédard: C'est cela. (16 h 45)

M. Forget: Indifféremment?

M. Bédard: Indifféremment. Mais que le mariage entre - on dit collatéraux - un beau-frère et une belle-soeur peut être possible.

Mme LeBlanc-Bantey: Même avant décès?

M. Bédard: C'est ça.

M. Forget: Après le divorce, bien sûr.

Mme Lavoie-Roux: Autant que possible.

M. Bédard: Après le divorce.

Mme LeBlanc-Bantey: Je ne suis pas juriste, mais j'avais cru le comprendre.

M. Bédard: Je donne les deux exemples. Je les soumets à votre attention.

Mme LeBlanc-Bantey: Le bon sens n'est pas seulement de votre côté.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée, je ne vous avais pas vue, mais je vous reconnais.

Mme LeBlanc-Bantey: Vous me reconnaissez maintenant? À l'article 403 - j'ai perdu un peu la discussion, je m'excuse d'ailleurs - pour vous donner un exemple, on est en train de discuter de l'égalité des femmes. J'ai perdu un peu la discussion. J'ai eu un appel pour savoir combien de temps il fallait faire cuire un lapin. Est-ce qu'on maintient...

Mme Lavoie-Roux: Elle ne pouvait pas demander ça à votre mari?

Mme LeBlanc-Bantey: Non, il n'était pas là. Elle n'a pas pensé de regarder dans le livre de recettes.

À l'article 403, maintien-t-on: "Le mineur peut demander seul la dispense d'âge."

M. Bédard: Oui, cela a été discuté.

Mme LeBlanc-Bantey: On le maintient. À l'article 405, justement, avec votre amendement, vous dites que c'est dans le cas, par exemple, du beau-père et de la belle-fille. J'imagine que, dans la réalité d'aujourd'hui, il existe sans doute quand même des cas où ça existe. Il y a peut-être même des enfants en cause. Pourquoi n'a-t-on pas manifesté une certaine ouverture d'esprit pour des cas d'exception au moins où ce genre de chose pourrait être possible pour protéger les enfants qui pourraient être en cause éventuellement? Ce que je dis, c'est que ça doit exister. Il doit y avoir des cas où ça existe. Vous n'avez pas compris, M. le ministre?

M. Bédard: Je m'excuse. J'étais distrait; ce n'est parce que vous n'étiez pas cohérente.

Mme LeBlanc-Bantey: Chacun son tour. Ce que je dis, c'est que le Code civil est censé être le reflet de la société. Je dis qu'il doit peut-être exister des cas ou qu'il existera sans doute des cas où de tels mariages devraient être préférables justement parce qu'il pourrait y avoir des enfants en cause. Si je comprends bien l'amendement, en aucune façon on ne permettrait ce genre de mariage, même avec la permission d'un juge ou autrement.

M. Bédard: C'est exact.

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de faire un amendement qui prévoirait ce genre de situation sans que ce soit ouvert à...

M. Bédard: J'aimerais peut-être que vous m'ameniez une argumentation qui serait...

Mme LeBlanc-Bantey: C'est parce que l'amendement vient de nous arriver et on n'a pas eu le temps de se préparer.

Le Président (M. Laberge): D'autres questions, Mme la députée?

Mme LeBlanc-Bantey: Non, ça va. Je trouve ça dommage.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous...

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le Président, quelle était l'argumentation? Je pense que c'est venu du conseil des évêques.

Une voix: C'est ça.

Mme Lavoie-Roux: Et, pour une raison ou pour une autre, je ne l'ai pas, ce mémoire.

Pourriez-vous nous dire l'argumentation qui a été apportée?

M. Bédard: C'est assez simple. Les empêchements de mariage entre parents tiennent à des questions de biologie, pour partie, et aussi à des questions de paix familiale. Mais celles qui touchaient les alliés, donc le heau-père et la belle-fille, la belle-mère et le beau-fils et les autres, tenaient davantage à la paix familiale. On craignait les intrigues familiales pour en arriver à provoquer les divorces et, ensuite, à marier le frère de son mari ou vice versa. C'est cette inquiétude que l'Assemblée des évêques continue de manifester en permettant, puisque le projet était assez ouvert, le mariage entre beau-père et belle-fille ou belle-mère et beau-fils et éqalement entre les collatéraux. L'amendement déposg par le ministre de la Justice ne vise qu'à limiter, à empêcher, en d'autres termes, le mariage entre un beau-père et une belle-fille et une belle-mère et un beau-fils. C'est aussi limité que ça, la portée de l'amendement. Cela n'empêche pas le mariage entre beau-frère et belle-soeur à la suite d'un divorce. C'est déjà possible à la suite d'un décès, mais non pas à la suite d'un divorce.

M. Forget: Un beau-père ne pourrait pas marier sa bru, mais il pourrait l'adopter.

Des voix: Ah, ah!

M. Bédard: Si le tribunal trouve que c'est l'intérêt de la bru.

M. Blank: Oui, ça pourrait très bien se prouver.

M. Bédard: Mais il faudrait y mettre des formes,

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais est-ce que le député de Saint-Laurent entend par "bru" la belle-fille? Pour moi, ce n'est pas la même chose; il y a belle-fille dans le sens d'un deuxième mariage. C'est dans le sens du deuxième mariage et non pas dans le sens de la bru...

M. Bédard: En lien direct, c'est dans le sens de la bru et dans le sens du gendre.

Mme Lavoie-Roux: Ah!

M. Bédard: C'est dans ce sens limité, si vous voulez, que s'entend l'amendement proposé.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme LeBlanc-Bantey: Je m'excuse d'arriver à la dernière minute avec mon amendement, mais, puisqu'on a essayé d'être souple dans tout l'ensemble du texte, et que je doute que de telles situations se produisent souvent - de toute façon, si elles se produisent, ce n'est pas le Code civil qui va les empêcher - comme j'ai toujours la préoccupation des enfants là-dedans, je me disais: Est-ce qu'on ne pourrait pas ajouter... À moins que le tribunal n'en décide autrement. Est-ce que cela chanqe quoi que ce soit à la préoccupation que les évêques avaient au sujet des discordes familiales?

M. Bédard: On nous dit que le tribunal intervient déjà trop. Peut-être qu'on n'avait pas l'intention de le faire intervenir encore une fois.

Mme LeBlanc-Bantey: Je ne ferai pas de bataille là-dessus.

M. Bédard: On ne peut quand même pas tout prévoir.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska, pour une autre question.

M. Fontaine: II y a une discussion intéressante entre...

M. Bédard: Prenons la société actuelle qui nous indique très clairement que maintenant les mariages entre deux jeunes, comme ça pouvait se faire il y a quinze ou vingt ans, ça n'existe plus. Même à un âge un peu moins jeune, le nombre diminue constamment. Je donnerai le tableau aux parlementaires demain, d'ailleurs.On en est à certains cas d'exception. Il ne faut pas, non plus, que le code soit axé plus vers les exceptions que vers la règle générale, j'imagine, vers ce qui arrive dans la société normale. Cela ne veut pas dire qu'il est anormal...

Mme LeBlanc-Bantey: Mon intervention ne visait pas à diminuer les mariages les mariages mais à les augmenter.

M. Bédard: D'ailleurs, je pense qu'on a tous la même préoccupation.

Le Président (M. Laberge): Je redonne la parole au député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Le député de Saint-Laurent a ouvert la porte tantôt à une discussion gui est intéressante concernant l'adoption en regard des empêchements de mariage, si vous voulez. Le Barreau a fait des recommandations à ce sujet. Puisque les empêchements de mariage, actuellement, sont surtout pour cause de consanguinité, on peut se demander si, dans les cas d'adoption, il n'y aurait pas lieu de prévoir des exceptions. Le Barreau faisait des recommandations dans ce sens-là. Je ne veux pas prendre position dans le débat, mais peut-être que le ministre...

M. Bédard: Je vais vous donner l'explication globale, à savoir pourquoi on en est venu à ce

libellé. Le principe d'égalité entre les enfants d'une même famille a prévalu sur les recommandations de l'Office de révision du Code civil de permettre, en cas d'adoption et sur autorisation du juge, le mariage en ligne collatérale. Cette façon de voir est conforme à l'état du droit actuel. Une brève analyse du droit comparé semble indiquer que les dispenses de mariage en ligne collatérale dans les cas d'adoption sont plutôt exceptionnelles. Ainsi, en France, en Belgique et en Italie, seule la plus haute autorité du pays peut octroyer cette dispense. Je crois qu'en France c'est le président de la République. Par ailleurs, cet article supprime tout empêchement - sauf l'exception prévue à l'amendement- de mariage entre alliés, que le mariage produisant le lien d'alliance ait été dissous par décès ou par divorce. Comme on l'a dit tout a l'heure il s'agit là d'un élargissement du droit actuel.

M. Fontaine: L'Office de révision du Code civil proposait de permettre une exception en cas d'adoption selon les circonstances et ça n'a pas été retenu.

M. Bédard: Je vous fais part de la position que nous avons prise - je ne veux pas refaire le Code civil tout seul; je veux avoir votre idée aussi - à partir du raisonnement que le principe d'égalité des enfants, prévalait. C'est notre manière de voir les choses. Si ce sont des interrogations, j'essaie d'y répondre. Si vous avez des positions plus tranchées dans le sens contraire - je ne sais pas, il ne semble pas que ce soit le cas, d'après ce que vous me dites - ce serait peut-être le temps de les exprimer.

On mentionnait également que, dans la mesure où on accepte - c'est peut-être une raison plus légale - la thèse que ces empêchements ne donnent pas ouverture à la nullité civile du mariage, il n'est pas pertinent de les retenir. Il y a plusieurs causes de jurisprudence, qu'il n'est pas nécessaire de citer, qui explicitent justement que cela n'entraîne pas la nullité pour les empêchements religieux.

M- Forget: M. le Président, le ministre a fait une argumentation qui m'a presque convaincu, lorsqu'il a dit: Le droit, tel qu'on veut l'établir, établit l'égalité stricte entre les enfants, qu'ils soient naturels ou adoptés. Je serais porté à conclure dans le même sens en disant: Le mariage ne peut donc être envisagé entre des enfants des mêmes parents. Mais, d'un autre côté, il faut bien admettre que, dans d'autres chapitres, on reconnaît que certains droits patrimoniaux ne sont pas entièrement éteints, si ma mémoire est bonne, dans le cas des enfants adoptifs. Est-ce qu'ils ne peuvent pas conserver le droit à hériter de leurs parents naturels?

M. Bédard: Pas dans le projet 89. M. Forget: Pas dans le projet 89.

M. Bédard: Dans la proposition de l'ORCC, mais cela 'n'a pas été retenu pour les mêmes raisons...

M. Forget: Ah bon!

M. Bédard: ... que M. le ministre vient de souligner, pour les droits patrimoniaux, les droits successoraux.

M. Forget: Sur le plan de la logique, évidemment, le projet 89 est sauf, mais on me souligne qu'il peut y avoir des situations où des enfants sont adoptés alors qu'ils ont 17 ans, parce qu'il y a un mariage qui intervient entre leurs parents respectifs, etc. À ce moment-là, le fait qu'ils soient adoptés légalement ne change pas le fait qu'il s'agisse de deux familles, dans le fond. Quand on pense aux circonstances, ce sont des circonstances qui font que - je comprends qu'il y a les fictions juridiques dans le sens que tous les enfants d'un même ménage sont sur un pied d'égalité - personne ne va prendre au sérieux cette fiction juridique. Est-il raisonnable à ce moment-là de mettre des interdictions dont le sens véritable devrait être d'interdire les mariages pour des raisons de consanguinité? Dans le fond, c'est un impératif biologique qu'on veut transcrire dans la loi et aussi la considération d'équité entre tous les enfants, ce que j'accepte de façon générale, mais il y a des cas où la considération d'équité sera mise de côté spontanément par tout le monde, parce qu'elle n'est pas applicable. On a introduit une restriction qui est peut-être abusive dans ces cas-là.

M. Bédard: Avec les explications qu'a données M. Guay tout à l'heure, avec les restrictions qu'il a énoncées, peut-être qu'il serait possible de penser à un amendement dont l'application serait limitée cependant à ce qu'exprime le député de Saint-Laurent et que pourraient traduire nos légistes dans un article.

Mme Lavoie-Roux: Quand les gens se marient ou se remarient et qu'ils décident d'accepter les enfants des conjoints ou d'un conjoint, y a-t-il une limite d'âge pour l'adoption de l'enfant? Peut-on adopter des enfants qui ont 16 ans?

M. Bédard: Oui.

Mme Lavoie-Roux: On peut les adopter jusqu'à 18 ans?

M. Bédard: Oui. Et même exceptionnellement pour les majeurs dans le cas où ils avaient déjà été adoptés de fait par les parents, enfin par les parents adoptifs.

Pour régulariser...

M. Forget: Pour des raisons patrimoniales.

M. Bédard: Pour régulariser aussi une situation qui a commencé en minorité.

M. Forget: Je pense que cela donne ouverture à ce moment-là à faire des exceptions.

M. Fontaine: Je pense qu'on devrait examiner cette possibilité-là. Le Barreau donnait des exemples qu'il est intéressant de noter. Par exemple, si une famille d'accueil reçoit chez elle un enfant pendant plusieurs années et finalement décide de l'adopter, le Barreau voudrait qu'il y ait possibilité, malgré l'adoption, que cet enfant

puisse épouser un des enfants de la famille d'accueil. Ce sont des cas qui peuvent survenir. (17 heures)

M. Bédard: Ce sont des cas humains très compréhensibles. Ce n'est pas parce qu'ils sont exceptionnels qu'il ne faut pas en tenir compte.

M. Forget: Parce qu'on introduit une prohibition.

M. Bédard: Oui.

M. Forget: C'est sérieux une prohibition. Il faut avoir des raisons vraiment d'ordre public.

M. Fontaine: II faudrait qu'il y ait une preuve qui soit faite devant le tribunal selon laquelle on doit appliquer une certaine mesure d'exception dans des cas bien précis.

M. Bédard: Pour les fins de préparer éventuellement le projet d'amendement, est-ce qu'il s'agit, somme toute, de la recommandation telle que libellée par l'ORCC dans l'article H du livre sur la famille?

M. Fontaine: Oui, sauf qu'il faudrait peut-être changer juge pour tribunal, comme on l'a fait tantôt.

M. Bédard: Oui, parce que c'est devenu une politique générale de ne parler que de tribunal et de laisser au Code de procédure civile le soin de distinguer la juridiction des uns et des autres. Je comprends aussi qu'il y aurait un accord concernant l'amendement que j'ai soumis à l'attention de la commission.

M. Fontaine: Oui. M. Bédard: Cela va?

Le Président (M. Laberge): Est-ce que, par l'effet des modifications proposées, l'article 400 sera touché?

M. Bédard: Non, cela ne le touche pas. Ceci veut dire qu'on pourrait recommencer article par article, mais la discussion ne sera pas longue, j'imagine.

M. Fontaine: J'aurais une autre question, concernant l'article 404.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je me demande si cet article n'est pas superflu. Il y a déjà des dispositions dans le Code criminel concernant la bigamie. Je me demande pourquoi on inclut un nouvel article dans le Code civil qui semblerait avoir le même effet, en fin de compte.

M. Bédard: Comme on le sait, cet article reprend l'article 118 du Code civil, avec une autre formulation. Mais plusieurs mariages peuvent être contractés successivement et l'important est que l'on ne puisse pas en contracter un nouveau avant l'annulation ou la dissolution du précédent. Même si cela paraît aller de soi, étant donné cette remarque, on a d'autant moins d'objection à le laisser là.

M. Fontaine: Si quelqu'un contracte un nouveau mariage alors que le premier n'est pas dissous, il se met dans une situation de bigamie.

M. Forget: Oui, mais ce n'est pas une réponse adéquate. À ce moment-là, il commet un acte criminel de bigamie. Si le Code civil ne prévoit pas que le second mariage est invalide, il demeure marié deux fois.

M. Bédard: Avec tous le effets juridiques que cela peut entraîner.

M. Forget: C'est cela. Il faut le prévoir sur le plan civil aussi.

M. Bédard: Cela va, 400?

Le Président (M. Laberge): L'article 400 est-il adopté? Voulez-vous que j'en fasse la lecture?

M. Bédard: Je ne crois pas. Est-ce que c'est nécessaire?

Le Président (M. Laberge): L'article 400 est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle 401. Adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 401 est adopté. Article 403?

M. Forget: 402. M. Bédard: 402.

Le Président (M- Laberge): Pardon, article 402. Adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 402 est adopté. L'article 403 inclut un projet de modification. On nous demande de remplacer le deuxième alinéa de l'article 403 par le suivant: "Le titulaire de l'autorité parentale et, le cas échéant, le tuteur et les personnes qui ont la garde du mineur doivent être appelés à donner leur avis." C'est une question de rédaction.

M. Forget: Nous n'avons pas d'objection sur la rédaction, pour autant qu'il s'agit d'un problème de rédaction. Mais nous avons soulevé le problème que l'article ne devrait peut-être pas exister, puisque c'est l'article qui permet la dispense de la limite d'âge.

Le Président (M. Laberge): Je pose la question: L'article 403 est-il adopté?

M. Forget: Je ne sais pas si le ministre veut suspendre celui-là.

M. Bédard: Je préférerais...

Le Président (M. Laberge): Le laisser ouvert?

M. Bédard: Oui, d'ici à ce qu'on...

Mme Lavoie-Roux: D'ici à ce qu'on finisse la révision. On pourra y revenir.

M. Bédard: Avant cela. Dès qu'on reprendra notre étude, à 18 heures.

Le Président (M. Laberge): L'article 403 et l'amendement proposé restent ouverts. J'appelle l'article 404.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 405? On nous a proposé un deuxième alinéa qui se lirait comme suit: On ne peut éqalement contracter mariaqe entre alliés en ligne directe.

D'abord, l'amendement à l'article 405 est-il adopté?

M. Fontaine: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Amendement adopté. L'article 405 modifié est-il adopté?

M. Forget: Attention, nous avions suqqéré un deuxième amendement.

Le Président (M. Laberge): C'est vrai, il n'est pas rédigé encore.

M. Bédard: Qui rejoignait l'Office de révision.

M. Forget: C'est-à-dire qu'il est déjà rédigé dans le rapport de l'ORCC en changeant "tribunal" par...

M. Bédard: Je préférerais le suspendre. Par précaution...

M. Forget: Bon, il est suspendu, celui-là aussi.

M. Bédard: ... on le suspend, mais simplement pour rédaction.

Le Président (M. Laberge): On le laisse ouvert pour la rédaction d'un papillon conforme.

M. Bédard: ...sachant qu'il n'y a pas de discussion à refaire là-dessus.

M. Fontaine: M. le Président, j'aimerais rappeler aussi qu'à l'article 403 on s'était entendu tout à l'heure pour ajouter la question des motifs sérieux. Il faudrait en tenir compte.

Mme Lavoie-Roux: II y a un amendement à l'article 403.

Le Président (M. Laberge): Oui, mais pour des motifs sérieux, cela avait été demandé.

M. Fontaine: Oui, c'est cela, mais on va proposer un article précis.

Mme Lavoie-Roux: Cela dépend, il peut rester ou disparaître.

Le Président (M. Laberge): Alors, l'article 405 reste ouvert pour le moment.

M. Bédard: S'il disparaît, il n'y a plus rien de sérieux là.

Le Président (M. Laberge): Au chapitre deuxième, Des oppositions au mariage, qui comprend trois articles, est-ce qu'il y a des questions à l'article 406 ou des commentaires?

Chapitre deuxième Des oppositions au mariage

M. Bédard: Oui, peut-être quelques commentaires.

Le Président (M. Laberge): Les commentaires du ministre.

M. Bédard: Les trois chapitres qui suivent traitent des oppositions, de la célébration et de la preuve du mariage. Les empêchements au mariage étant d'ordre public, il a paru souhaitable que toute personne intéressée puisse s'opposer au mariage s'il y a lieu, contrairement au droit actuel. Toutefois, celui qui abusera de son droit d'opposition sera tenu à des dommages-intérêts; il pourra être effectivement poursuivi en dommages-intérêts.

L'aspect public de la célébration du mariage est maintenu, notamment le rôle du célébrant, la présence des témoins et la publication par voie d'affiche qui remplace la publication de bans dans le cas où le mariage est célébré par un ministre du culte. Le Barreau et la Conférence des maires de la banlieue de Montréal, dans leurs récents mémoires, nous ont recommandé de confier les mariages civils aux maires et greffiers des municipalités, de façon à rapprocher cette institution des gens, surtout dans les régions rurales où les gens habitent souvent des lieux fort éloignés des palais de justice. D'ailleurs, cela a été repris par un parlementaire au niveau de la deuxième lecture.

Cette suggestion mérite sûrement une grande attention. En premier lieu, il est bon, cependant, de rappeler que l'Office de révision du Code civil avait déjà recommandé, dans son rapport de 1966, de conférer au maire de chaque municipalité la qualité d'officier de l'état civil pour les fins du mariage. Le législateur n'avait pas retenu cette recommandation en instaurant, en 1968, le mariage civil, il s'était plutôt tourné vers le protonotaire. En deuxième lieu, cette réforme étant étroitement liée - je pense que c'est la principale raison pour laquelle nous ne pouvons, je crois, y donner suite, quoique, sur le fond, c'est une suggestion sérieuse et peut-être qu'en principe nous serions d'accord - aux dispositions régissant la question des actes de l'état civil relevant du livre premier sur les personnes, à l'heure actuelle, compte tenu des aspects administratifs importants d'une pareille réforme et de sa cohérence nécessaire avec les actes de l'état civil, je propose que les études nécessaires soient entreprises dès maintenant et que la réforme, s'il y a lieu, soit présentée dans le cadre du livre premier - c'est là qu'elle se situerait - sur les personnes.

Enfin, le projet de loi réserve la dispense de publication au seul protonotaire. Les objectifs visés étaient de rendre plus exceptionnelle la dispense en vue de donner effet au chapitre sur les oppositions, de marquer davantage l'aspect public du mariage et de développer des pratiques aussi cohérentes que possible. Tout en maintenant ces objectifs, nous sommes sensibles aux arguments de certains groupes dont l'Assemblée des évêques du Québec - le Barreau du Québec a aussi fait des représentations - en vue de permettre à tous et chacun des célébrants compétents, sans distinction, d'accorder une dispense de publication. C'est pourquoi je dépose également un projet d'amendement dans ce sens. Pour ce qui est de la preuve du mariage, le droit actuel est substantiellement reconduit.

D'autres amendements que je porte à l'attention des membres de la commission parlementaire sont plutôt de caractère technique et visent également à améliorer la rédaction, la cohérence du projet. Ces amendements techniques touchent les articles 413, 419 et 420. Je vous demanderais, M. le Président, de les faire distribuer. C'est technique. Il n'y en a qu'un auquel nous ne pouvons donner suite, tout en pouvant être d'accord parfaitement avec le fond du problème soulevé. A cause de problèmes administratifs, il pourrait trouver plutôt sa réponse lors de l'étude du chapitre premier.

Le Président (M. Laberge): Y a-t-il des remarques ou des questions concernant l'un ou l'autre ou n'importe quel des trois prochains chapitres, c'est-à-dire les articles 406 à 422, à moins qu'on ne veuille procéder directement article par article?

M. Forget: Oui.

M. Bédard: On peut en parler un peu d'une façon générale.

M. Fontaine: Je pense qu'on ferait mieux d'y aller chapitre par chapitre.

M. Bédard: Section par section?

M. Forget: Oui, les oppositions au mariage en premier lieu.

M. Bédard: D'accord, les oppositions au mariage.

Le Président (M. Laberge): Les oppositions au mariage. Articles 406 à 408.

M. Forget: M. le Président, le ministre a anticipé un peu nos remargues relativement à ceux qui sont admis à célébrer le mariage lorsqu'il a parlé de la question des...

Une voix: Dispenses?

M. Forget: Non, mais de la possibilité d'autoriser les maires à célébrer le mariage. Je ne suis pas sûr si je comprends vraiment la nature des difficultés administratives que soulèverait le fait pour les maires d'avoir le droit de célébrer les mariages alors que, dans le fond, cette faculté est offerte assez largement aux ministres de tous les cultes sans que dans le passé, on ait soulevé des difficultés administratives considérables. Peut-être pourrait-on éclairer notre lanterne un peu plus là-dessus. Si, effectivement, cela dépend de modifications à un autre chapitre à venir du Code civil, on est bien prêt à accepter cette argumentation pour l'instant, encore que je déplore personnellement le fait que ceux qui tiennent à célébrer des mariages civils soient dans une position nettement défavorisée par rapport à ceux qui sont satisfaits d'un mariage religieux puisque, évidemment, l'accessibilité de l'un et de l'autre est très différente. Mais enfin! S'il y a des difficultés administratives, on aimerait avoir peut-être un peu plus de détails là-dessus.

Deuxièmement, je remargue - sous réserve des amendements gue je n'ai pas encore vus et qui, peut-être, modifieraient un peu mes remarques là-dessus - que, dans le rapport de l'Office de révision du Code civil, on portait un jugement très catégorigue sur l'efficacité - je pense gue c'est le mot qu'il utilisait - de la procédure d'avis ou de la publication des bans. On suggérait de remplacer cela par un mécanisme où on accroissait les responsabilités du célébrant en exigeant qu'il s'assure d'un certain nombre de faits et de choses. Dans la loi 89, on revient dans le fond à la situation actuelle, dans une large mesure, où les bans doivent être publiés. J'aimerais qu'on nous explique sur quoi on se base pour nous affirmer que c'est un mécanisme nécessaire et efficace pour déceler d'avance des motifs de nullité ou des objections au mariage. Est-ce qu'effectivement on a pu constater que ça fonctionne, ce mécanisme? Si ça ne fonctionne pas, ce n'est qu'un vestige, dans le fond. Je pense que, pour l'instant, pour ce qui est de ces chapitres, ce sont mes deux remarques.

M. Bédard: Cela voudrait dire que sur les oppositions, si on prend le chapitre deuxième, l'essentiel des remarques du député de Saint-Laurent se situe au niveau de la célébration du mariage. Est-ce qu'il y a des remarques particulières à l'article 406?

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska avait-il des remarques sur les oppositions au mariage? (.17 h 15)

M. Fontaine: J'en aurais une concernant le fait que l'Office de révision permettait au ministre de faire opposition. Cela a été enlevé. Dans le rapport de l'Office de révision, on disait: Finalement, l'article donne au ministre de la Justice la possibilité de faire lui-même opposition, ce qui permettrait éventuellement aux personnes désireuses de ne pas aqir directement de le faire par son intermédiaire. On a enlevé cela. C'est peut-être une question d'économie?

M. Bédard: Non. Le ministre de la Justice ayant déjà le droit d'intervenir en vertu des articles 98 et 99 du Code de procédure civile dans une instance touchant l'application d'une disposition, il n'apparaît pas évident que le Code civil doive lui permettre de prendre l'initiative des procédures d'opposition, comme s'il s'agissait là d'une de ses responsabilités.

M. Forget: II peut intervenir dans une

instance...

M. Bédard: II peut intervenir.

M. Forget: ...mais il ne peut pas l'initier.

M. Bédard: II peut intervenir, mais de là à l'initier...

M. Fontaine: Comme le disait le député de Saint-Laurent, il n'y a pas beaucoup de jurisprudence là-dessus.

Le Président (M. Laberge): L'article... Mme la députée.

Mme Lavoie-Roux: On est toujours sur les opposants. D'accord.

M. Bédard: L'article 406?

Le Président (M. Laberge): Chez les opposants.

Mme LeBlanc-Bantey: J'ai une simple question technique: Qu'est-ce qu'on appelle un témoin majeur?

M. Bédard: C'est dans la célébration du mariage.

Mme Lavoie-Roux: On n'est pas encore rendu là.

M. Bédard: On pourrait y revenir.

Mme Lavoie-Roux: On n'est pas rendu là.

Le Président (M. Laberge): Article 406? Adopté.

Mme Lavoie-Roux: Sur l'article 408, on est d'accord.

Le Président (M. Laberge): Article 407? Adopté. Article 408? Adopté.

J'appelle le chapitre troisième, De la célébration du mariage, les articles 409 à 420 inclusivement.

Chapitre troisième De la célébration du mariage

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense qu'il y a eu des remarques faites par mon collègue de Saint-Laurent...Oui?

M. Bédard: Je m'excuse de vous interrompre. Si Mme la députée le veut - je pense que cela va répondre à son désir, d'ailleurs - dans un premier temps, M. Guy pourrait peut-être ajouter aux propos que j'ai tenus tout à l'heure par rapport à des remarques...

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Bédard: ...ou à des demandes d'explications additionnelles qu'a formulées le député de Saint-Laurent. Comme il a été dit, l'idée de maintenir une sorte de publication du mariage, même par voie d'affichage, et cela indépendamment de sa très grande efficacité comme moyen de publication, paraît quand même fondamentalement, au point de vue de la cohérence juridique, importante si on veut que l'intention de mariage soit publicisée avant qu'elle soit rendue publique dans le mariage lui-même. Si la volonté de mariage n'est jamais publicisée par aucun mode - mon propos est peut-être un peu théorique - il devient tout à fait impossible, et cela de façon absolue, pour qui aurait des oppositions de les faire valoir. Je pense qu'on peut partir de là.

Pour ce qui est de la publicité par voie d'affichaqe et de la jurisprudence à laquelle cela a pu donner lieu par la suite, il est possible que ce ne soit pas un moyen très efficace. J'avoue que nous avons examiné beaucoup d'autres modes de publication. Ce n'est pas très facile d'en trouver de très efficaces, peu coûteux et faciles d'administration; qu'il s'agisse de la télévision, la radio, les journaux, la criée, l'affichage, etc. Donc, c'est un peu pour permettre, en tout cas théoriquement, la possibilité d'invoquer les oppositions au mariage.

Maintenant, l'affichage a un rayonnement fort limité, comme il a été dit. Il y a peu de gens qui voient cet affichage, mais il y a peu de gens aussi gui s'intéressent à soulever des oppositions au mariage de gens qu'ils ne connaissent pas. Mais s'ils savent que quelqu'un qu'ils connaissent fort bien a publié son intention de mariage, ils peuvent au moins, s'appuyant sur cette volonté exprimée juridiquement par la voie d'un affichage, absolument placer une opposition auprès du tribunal et elle sera recevable parce qu'on ne pourra pas dire qu'on n'avait pas l'intention de se marier, parce que là au moins l'intention sera publicisée.

En pratique, on sait que la dispense de publication des bans est de pratique courante, en tout cas dans les églises. Quant au protonotaire, à l'heure actuelle, dans le droit il n'a pas la possibilité d'être dispensé de cet affichage. La loi n'accorde aucune dispense possible. Enfin, il est peut-être prudent d'en avoir une. Je ne sais pas si cela éclaire suffisamment ou si cela répond... S'il n'y a pas de publicité du tout, on enlève les possibilités d'opposition; c'est peut-être par la négative qu'on peut se convaincre.

Mme Lavoie-Roux: On n'a pas de relevé de ceux qui font des représentations? Il n'y a aucune façon de le savoir.

M. Bédard: C'est peut-être par l'argument négatif qu'on peut mieux se convaincre.

Mme Lavoie-Roux: Je sais que dans des cas, cela s'est déjà fait.

M. Forget: II y a deux causes d'opposition qui sont, on peut le présumer, significatives. Ce sont la consanguinité et un mariage précédent. L'Office de révision du Code civil a évidemment formulé, relativement à l'état civil, la recommandation d'un registre de l'état civil. Mais il existe malgré tout, même si on ne va pas si loin - parce que, si je comprends bien, cela coûterait cher - le registre de la population. N'est-il pas vrai que toutes les naissances, donc les relations de filiation, de même que les mariages sont signalés au registre de la population? Si on voulait vraiment s'assurer que

la loi relativement à la consanguinité, aux interdictions de consanguinité et de seconds mariages est respectée - je comprends qu'il y a un souci de légalisme ou de formalisme juridique, que je respecte, parce que je pense qu'il est bien pris - on pourrait penser qu'on signifie l'intention d'un mariage au registre de la population, parce qu'il pourrait très bien venir de cette source-là une vérification à savoir s'il y a consanguinité ou mariage précédent. Il y a un fichier qui existe si on voulait aller au-delà du simple formalisme juridique.

M. Bédard: Ce qu'on ne sait pas, c'est à quel moment quelqu'un forme l'intention de se marier.

M. Forget: Mais au moment où on formule l'avis, cet avis pourrait être signifié au directeur du registre de la population.

M. Bédard: D'accord, plutôt qu'affiché.

M. Forget: Oui, et on pourrait faire une obligation au directeur dans son registre de signaler si cette personne est déjà mariée ou s'il s'agit du frère et de la soeur. Si on considère que ce sont des dispositions d'ordre public, l'État, maintenant, en 1980, a le moyen de s'assurer que ces dispositions d'ordre public soient respectées. Je ne fais que soulever la possibilité parce que, malgré tout, la réponse, je l'accepte telle qu'elle a été donnée. Mais on se rend bien compte que c'est du formalisme juridique et rien d'autre. Cela n'enlève pas sa valeur.

M- Bédard: Non, moi, je trouve la suggestion très intéressante. Peut-être que, dans le cadre du livre 1, on pourrait... Cela pourrait exiger la réforme des actes de l'état civil ou la centralisation d'une certaine information.

M- Forget: Quoique là il y a un devoir possible du célébrant qui reçoit l'avis de le communiquer d'office au registre.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, sur ce chapitre particulier, je voudrais endosser du moins les réflexions, sinon l'amendement formel du député de Saint-Laurent, pour "extensionner", si on peut dire, les célébrants, dans le sens de rendre plus facile et plus accessible le mariage civil. Il n'y a pas d'amendements là-dessus?

M. Bédard: Non, mais j'ai donné les explications techniques tout à l'heure indiquant pourquoi on ne le pouvait pas.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Le deuxième point que je voudrais soulever - je ne sais pas quelle importance il a - concerne l'article 413, où on dit que "la publication du mariage contient une déclaration" et on veut que ce soit publicisé sous une certaine forme. On doit indiquer le nom des futurs époux, leur profession, leur domicile, leur qualité de majeur ou mineur, les prénoms et noms de leurs pères et mères. Cela m'apparaît différent - je ne sais pas si c'est différent de ce qui existe dans le Code civil actuel - de la recommandation de l'Office de révision. Peut-être qu'avec les années des situations comme cela ne se présenteront plus à cause des améliorations au point de vue de la filiation et tout cela, mais, dans le moment, dans le code, il doit rester encore des personnes qui ont des pères inconnus. Je ne sais pas si on veut le laisser comme cela. Ce n'est peut-être pas une difficulté réelle, mais je le soulève, en tout cas. Le dernier point, c'est une recommandation du Barreau, et je pense, que le RAIF aussi a eu la même recommandation à l'article 417: "Le célébrant fait lecture aux futurs époux, en présence des témoins, des dispositions de l'article 441." On ne présente pas d'amendement formel, mais je serais prête à en faire un: Que lecture soit faite des dispositions des articles 441 à 446 inclusivement.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: D'abord, le premier point que vous soulevez, la préoccupation que vous avez concernant l'article 413, ce serait - si je veux bien vous comprendre - qu'à partir du moment où on crée l'obligation de déclarer le nom du père et de la mère, cela pourrait constituer...

Mme Lavoie-Roux: Parce qu'il nous reste encore des vestiges. On va quand même servir les générations à venir, mais on sert aussi des gens qui existent présentement. Pour des gens cela n'a pas d'importance; pour d'autres...

M. Bédard: Cela pourrait constituer une obligation pour quelqu'un de dire: Je n'ai pas de père, je n'ai pas de mère.

Mme Lavoie-Roux: Oui, s'il est né de père inconnu.

M. Forget: M. le Président, dans le même esprit, je pense que ce que l'article 413 veut obtenir, c'est une désignation non ambiguë des futurs conjoints. Je pense que la rédaction actuelle ne reflète pas les exigences modernes de l'identification des personnes dans le sens suivant. C'est - cela peut être vérifié auprès de ceux qui s'occupent de l'inscription que ce soient des électeurs ou des bénéficiaires des régimes sociaux - qu'on a découvert que la façon la plus sûre d'identifier les gens, c'était par leur nom, la date et le lieu de leur naissance; seulement subsidiairement par le nom de leurs parents. D'autant plus qu'au Québec, on a un grand nombre de gens qui portent le même nom.

Des histoires comme le domicile, la profession, ce sont pour bien des qens des choses très transitoires qui ne permettent pas d'identifier avec sûreté des personnes. Mais sa date de naissance et son lieu de naissance, on n'en change jamais de toute sa vie. Il y a très peu de cas de gens qui ont le même nom et qui sont nés au même moment au même endroit, alors qu'il peut y avoir énormément de gens qui ont le même nom, le même prénom et qui restent sur la même rue dans la même ville. Cela se produit souvent. Si on interroge les gens qui s'occupent des fichiers gouvernementaux, il y a des milliers de cas pour lesquels on a découvert que c'est le nom, le prénom, la date et le lieu de naissance qui permettent d'identifier les gens. Tout le reste est bien secondaire et, dans cet esprit, même la

référence au nom des parents n'est pas nécessaire. Enfin, elle n'est pas inutile, mais elle n'est pas véritablement nécessaire.

M. Bédard: Le moyen le plus sûr et le vrai moyen, c'est la date de naissance et l'endroit de la naissance.

M. Forget: Et cela permet de voir s'ils sont majeurs.

M. Bédard: Maintenant, il arrive que l'ensemble des autres éléments puisse caractériser un peu. Peut-être que je pourrais signaler qu'il y a aussi certaines difficultés parfois par rapport à la date et au lieu de naissance. Pour exceptionnelles que soient ces situations, tout le monde ne sait pas à quelle date il est né, tout le monde n'a pas son acte de naissance. Il y a des situations où on n'a pas d'acte de naissance ni, donc, de la précision sur le lieu de naissance et parfois même la date de naissance. Bien sûr que, dans ces cas, il faut se replier sur d'autres modes de preuve et arriver à leur permettre aussi d'exercer leurs droits civils, se marier, par exemple, même s'ils n'ont pas de documents à produire qui sont aussi formels, disons, que les actes de naissance.

M. Forget: Oui, justement, mais comme on fait de la majorité une disposition d'ordre public - que la dispense demeure ou non, il reste que c'est une disposition très importante - il faudra bien vérifier s'ils sont majeurs, parce que, s'ils ne sont pas majeurs, il faudra exiger un jugement du tribunal. Je pense que la procédure de mariage va commencer par la production d'un certificat de naissance et, s'il n'y a pas de certificat de naissance, par le jugement d'un tribunal disant: Les documents sont égarés, ils sont brûlés, ou par un certificat qui tient lieu de certificat de naissance, comme un certificat de citoyenneté, par exemple, qui fait déclaration de l'âge, etc. (17 h 30)

M. Bédard: C'est la preuve la meilleure et c'est la preuve habituelle de fournir ces documents. Il y aurait simplement le cas où certaines personnes ne sont pas en possession de documents authentiques, officiels concernant leur naissance. Il faudrait procéder à d'autres preuves pour leur permettre d'exercer leurs droits civils.

M. Forget: Oui, bien sûr, mais si c'est un problème de procédure, je pense qu'il y a bien des endroits dans le Code civil où on exige la production d'un certificat de naissance.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais faire remarquer au député de Saint-Laurent que j'ai vécu ou que j'ai eu connaisance de cela. Il ne s'agissait pas de trouver sa date de naissance pour se marier, mais pour avoir la pension de vieillesse. Les seuls recours que les gens avaient ou la seule preuve qu'ils pouvaient fournir, c'était leur fréquentation scolaire. Ils devaient retourner aux archives des commissions scolaires pour attester leur âge. Il ne semble pas y avoir d'autres preuves. D'après moi, cela arrivait plus fréquemment dans ce temps-là avec les enfants illégitimes.

M. Forget: Mais cela est un problème de preuve.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Forget: Si la meilleure preuve n'existe pas, le tribunal va admettre une preuve secondaire. Il reste que c'est un moyen d'identification sûr et cela éviterait le problème que soulevait Mme la députée de L'Acadie, soit de ne pas être obligé de mentionner nécessairement le père et la mère.

M. Bédard: En tout cas, pour ce qui est du nom du père et de la mère, je serais peut-être plus sensible à cela. Maintenant, concernant le nom et la date de naissance - je reprends l'argument du député de Saint-Laurent - comme plusieurs noms se ressemblent et qu'on parle de publication du mariage, de la possibilité pour quelqu'un d'identifier qui se marie et de voir s'il y a lieu de se prévaloir d'autres dispositions, il me semble qu'on doit un peu caractériser, c'est-à-dire qu'on doit habiller un peu ce nom et cette date de naissance...

Mme Lavoie-Roux: Pour revenir, je suis contente que...

M. Bédard:...pour permettre à quelqu'un, à la première lecture, à sa face même, de pouvoir un peu identifier quelqu'un. Jos Tremblay né en 1935...

Mme Lavoie-Roux: II y en a beaucoup à Chicoutimi.

M. Bédard: II y en a beaucoup à Chicoutimi des Tremblay.

Mme Lavoie-Roux: Et des Jos.

M. Bédard: Mais si vous y ajoutez un peu, pour une meilleure compréhension, Jos Tremblay -je ne sais pas - avocat ou cultivateur, il y en a peut-être pas mal moins. On pourrait peut-être s'interroger encore un peu avant de le rayer. Mais pour ce qui est du nom du père et de la mère, je vais demander si on peut développer une argumentation peut-être plus serrée que celle qu'on a jusqu'à maintenant pour pouvoir les maintenir.

Mme Lavoie-Roux: Dans le cas des mères, je pense que le député de Saint-Laurent ou d'autres députés ici en ont eu connaissance. Évidemment, cela va aller en s'atténuant compte tenu de toutes les autres modifications, mais on vit encore avec ces choses-là, vous avez les cas d'enfants, par exemple, qui ont été abandonnés et qui ont été dans ce qu'on appelle aujourd'hui un foyer d'accueil, une famille d'accueil et qu'on appelait autrefois un foyer nourricier et qui, finalement, ont toujours été, à toutes fins utiles, élevés là. Ils ont même parfois pris le nom de leurs parents nourriciers parce qu'ils ont passé toute leur vie là sans pouvoir, par contre, être adoptés.

M. Bédard: Sans avoir été adoptés légalement.

Mme Lavoie-Roux: Même dans le cas des

mères - les mères, on sait toujours qui elles sont - cela peut présenter des problèmes.

M. Bédard: D'accord, on le retient.

Le Président (M. Laberge): On laisse cet article ouvert.

M. Bédard: On part du principe que cela nous prendrait un argument plus serré pour penser que c'est vraiment nécessaire d'y indiquer le nom du père et de la mère. D'accord? On y reviendra.

M. Fontaine: Juste une brève remarque, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Si on maintient le cas de dispense, il faudrait peut-être prévoir, à l'article 413, d'indiquer aussi dans la publication les nom, prénom, profession et domicile de chacun des époux, leur qualité, majeur ou mineur, si on le maintient, et indiquer également s'ils ont obtenu une dispense dans le cas des mineurs.

M. Bédard: S'ils sont mineurs, est-ce que cela ne va pas de soi? Je ne suis pas en mesure de donner la réponse immédiatement. Jusqu'à quel point serait-il nécessaire qu'on indique, vu qu'on dit déjà qu'ils sont mineurs, qu'il y a eu une dispense à cet effet? Je sais qu'ils doivent produire cette dispense au dossier pour pouvoir se marier. Le célébrant va recueillir la preuve de l'âge et, dès que l'enfant n'aura pas 18 ans, il devra, pour procéder validement au mariage, obtenir également la dispense d'âge du tribunal.

M. Fontaine: La publication est faite pour le public, pour que les gens puissent en prendre connaissance. Il faudrait à ce moment-là indiquer qu'il y a eu dispense.

M. Bédard: Dans ce sens-là, l'article 416 ne répond pas à votre question, j'imagine? "Avant de procéder au mariage, le célébrant s'assure de l'identité et de l'état matrimonial des futurs époux. Il s'assure également que toutes les formalités ont été remplies et que les dispenses, s'il y a lieu, ont été accordées."

M. Fontaine: Le célébrant, il n'y a pas de problème pour ça.

M. Bédard: Vous voulez la publicisation. Vous vous interrogez sur la nécessité de ...

M. Fontaine: C'est parce que...

M. Bédard: ... publicisation de la dispense lorsqu'on indique qu'il s'agit d'un mineur.

M. Fontaine: ... le public, en sachant que c'est un mineur, va pouvoir se demander: Est-ce qu'il y a eu dispense? Il va être obligé de faire la démarche pour savoir s'il y en a eu une, tandis que, si on l'indique, ça règle le cas.

M. Bédard: Peut-être à cause de la fonction de la publication; dans l'esprit qui a présidé à ces articles, la publication était en vue de permettre, lorsqu'il y a un ou l'autre des empêchements retenus au mariage, de les faire valoir. Comme cela a été rappelé tantôt, il s'agissait de mariages encore en vigueur, donc non dissous, et des empêchements qui sont liés à la parenté ou enfin à la consanguinité ou peut-être à l'alliance si c'est retenu. Donc, ça ne visait pas la validité relative au formalisme qui doit entourer la célébration du mariage, comme la dispense. Je dirais que c'est pour cette raison-là que, dans la publication, il n'est pas fait état des autres formalités qu'il faut remplir aussi pour contracter validement le mariage. C'était en vue de pouvoir soulever les oppositions.

Si vous me permettez d'ajouter - et on peut réévaluer ça - qu'au sujet des pères et mères, ça peut peut-être aider, dans la publication, connaissant le père et la mère, à identifier des empêchements de mariaqe qui viennent de la consanguinité. Remarquez que c'est une des possibilités et ça n'est sans doute pas la seule, mais le fait de savoir qu'il est le fils ou qu'elle est la fille d'Untel ou d'Unetelle peut peut-être aider à établir les empêchements de consanquinité, mais je dis que c'est très relatif. On pourrait peut-être, s'il n'y a pas d'autres remarques générales, y aller article par article.

Mme LeBlanc-Bantey: J'avais posé une question pour savoir...

M. Bédard: Je pense que votre question concernait le premier article.

Mme LeBlanc-Bantey: ... ce qu'est un témoin majeur.

M. Bédard: Un témoin majeur, c'est un témoin majeur.

Mme LeBlanc-Bantey: Dans le sens de la majorité. Ah, bien oui! Ce n'est pas bête, quand même. C'est une question que beaucoup d'Yvettes doivent se poser.

M. Bédard: Cet bien de la poser. À un moment donné, ça éclaircit les choses pour tout le monde. Article 409?

Le Président (M. Laberge): On peut passer à l'étude article par article.

Mme Lavoie-Roux: II y avait l'article 413.

M. Bédard: On va y revenir, Mme la députée.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Mme LeBlanc-Bantey: ... ma question n'était pas conne.

M. Bédard: Sûrement! Un témoin ayant l'âge de majorité parce que le terme "majeur", c'est une expression...

Mme LeBlanc-Bantey: Dans le vocabulaire populaire, un témoin majeur, c'est un témoin important.

M. Bédard: Non.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est dans ce sens-là que je l'avais pris.

M. Bédard: Ah bon! Dans le sens du Code civil...

Mme LeBlanc-Bantey: Un notaire, un avocat, quelqu'un d'important, quoi!

M. Bédard: Dans le lanqage juridique, ça ne créera jamais de confusion parce que c'est un terme consacré.

Le Président (M. Laberge): L'article 409 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 410 est-il adopté?

M. Forget: Non, M. le Président. On a ici une référence "aux ministres du culte autorisés par la loi". C'est une désiqnation qui, évidemment, laisse tout à une loi sur les ministres du culte présumément. Dans le contexte de la non-discrimination pour des fins religieuses, est-ce qu'il n'y a pas possiblement une incompatibilité entre une rédaction de cette nature-là et une rédaction qui dirait: Tout ministre du culte ou un ministre du culte de toute dénomination religieuse? J'ai à l'esprit, par exemple - ce n'est pas théorique, il en existe dans mon comté - des mahométans, des bouddhistes et certainement des membres de la religion hébraïque. Sont-ils visés par cette mesure-là? S'ils ne le sont pas, c'est une disposition discriminatoire. N'y aurait-il pas lieu de revoir cette rédaction de manière à s'assurer que la possibilité d'agir comme célébrant est accordée à tous les membres d'une dénomination religieuse? Je comprends qu'au niveau du Code de procédure civile il y aurait peut-être nécessité de reconnaître qu'il y a une dénomination religieuse. Je ne sais pas si les discipes de Krishna constituent une dénomination religieuse...

Mme Lavoie-Roux: C'est cela que je me demandais.

M. Forget: ... mais il faut sûrement un mécanisme pour dire qu'ils en sont une et leur confier un registre d'état civil, etc. Je comprends cela. Mais la question que je pose, c'est: Est-ce que c'est discriminatoire, formulé comme cela?

M. Bédard: II faudrait peut-être revoir la Loi sur les corporations religieuses, le chapitre 75. Je cite un peu de mémoire. Il serait peut-être bon de revoir les textes. C'est en vertu de cette loi, je pense, que le ministre de la Justice est saisi d'une demande en provenance des différents groupes ou sectes religieuses en vue d'obtenir l'autorisation de tenir des registres et donc de célébrer les mariages. Cette autorisation est accordée. C'est une demande qui est fréquente au ministère de la Justice. Il y a quelqu'un qui est préposé à l'examen de ces dossiers-là. Une fois que ces sectes, si vous voulez, ou ces groupes religieux sont autorisés, ils deviennent des personnes, peut-être dans le sens où on l'employait ici, "des ministres du culte autorisés par la loi à cette fin". Mais il peut arriver aussi que certains ministres du culte soient, à l'intérieur de la religion à laquelle ils appartiennent, autorisés à célébrer les mariages, mais il ne sont pas encore autorisés par la loi, si vous voulez, à tenir les registres. Comme c'est lié chez nous, tenir les registres et célébrer les mariages, nous nous sommes un peu raccrochés à ce qui existe présentement de ce chapitre 75. Mais, afin d'être plus précis, on pourrait, si vous me le permettiez, regarder de nouveau ce statut. J'oublie l'article auquel il correspond.

M. Forget: Ce qu'il faudrait, je pense, c'est s'assurer que ce n'est pas restreint aux dénominations chrétiennes, par exemple, et que tout groupe bona fide...

M. Bédard: Je peux vous dire que ce n'est pas le cas présentement.

M. Forget: Ce n'est pas le cas présentement.

M. Bédard: De très nombreuses dénominations religieuses qui ne sont pas chrétiennes sont autorisées par la loi présentement, c'est-à-dire sont autorisées par le ministère de la Justice. Il y a fréquemment, dans les statuts annuels - c'est par une loi, je crois, également, il faudrait voir - référence à une secte religieuse qui vient d'être reconnue pour tenir les registres et célébrer les mariages. Etant donné que le fond de la question demandait sur s'il y avait de la discrimination, je pense que...

M. Forget: II faudrait s'assurer que les textes qu'on approuve sont absolument exempts de toute trace de discrimination possible à cet égard.

M. Bédard: Ce n'est pas réservé à la dénomination chrétienne, on peut vous l'assurer.

M. Forget: Oui. D'accord. Je suis content gu'on m'en donne l'assurance, mais, sous bénéfice d'inventaire, j'attirerais aussi l'attention de Me Guy sur l'article 411 où on parle de l'Église. Quand on parle de l'Église, est-ce qu'on parle d'une église chrétienne ou est-ce qu'on parle d'une Église dans le sens d'une dénomination religieuse, d'une confession religieuse même non chrétienne?

M. Bédard: Je pense qu'on en parle dans le sens le plus général. C'est l'interprétation qui me paraît correcte.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais l'Église, cela a une référence chrétienne?

M. Bédard: Mais, pour des chrétiens, cela a une référence chrétienne, mais, actuellement, dans l'Église juive, il y a des ministres du culte gui sont autorisés.

D'ailleurs, prenez la formulation...

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pour la synagogue, ils n'ont jamais parlé d'église.

M. Bédard: Non, cela ne fait rien, c'est un

terme...

M. Forget: Au sens du dictionnaire, église veut dire chrétien, mais peut-être qu'au sens de l'interprétation...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Forget: ... du Code civil, cela veut dire même une mosquée, par exemple.

M. Bédard: Justement, D'ailleurs, si on prend la formulation même du Code civil, ce n'est pas cela.

Mme Lavoie-Roux: Mais il y a des temples bouddhistes.

M. Bédard: Mais il y a déjà une interprétation qui a été faite au niveau du Code civil.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Bédard: Ce n'est pas dans le sens de l'Église chrétienne, parce qu'on dit "selon sa religion et la discipline de l'Église à laquelle il appartient". Alors, c'est très clair que ce n'est pas seulement de l'Église chrétienne qu'il s'agit. (17 h 45)

M. Forget: II y aurait peut-être lieu d'accorder, cependant, le langage du Code civil avec celui du dictionnaire. Dans le dictionnaire, on a vérifié, on me dit qu'église veut dire dénomination chrétienne.

M. Bédard: Oui?

M. Forget: Oui. C'est un temple chrétien, une église. Cela ne peut pas être autre chose en français.

M. Bédard: L'article 129 du code utilisant le mot Église et la pratique étant au Québec que beaucoup d'autres églises que les églises catholiques ou chrétiennes, de façon plus large, sont concernés par ce concept, je crois qu'il doit normalement, en tout cas, avoir une portée aussi large que possible, sous réserve d'une vérification. D'accord?

Le Président (M. Laberge): L'article 410 est-il adopté?

M. Forget: Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable de suspendre cela jusqu'à vérification?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Laberge): Article 410 suspendu.

Mme Lavoie-Roux: Parce qu'on me dit que la religion hébraïque n'accepte pas le terme Église, non pas comme bâtisse, mais pour désigner l'association de ses membres.

Le Président (M. Laberge): Article 410 suspendu. Article 411 aussi.

M. Bédard: Chacun des articles de 410 à 413.

Le Président (M. Laberge): À 412 aussi.

M. Bédard: À 412, je ne crois pas qu'il y ait de problème. Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 412, cela va. Article 412 adopté. Article 413?

M. Bédard: Sous réserve. M. Forget: Suspendu. M. Bédard: Suspendu.

Le Président (M. Laberge): 414 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): 414, je m'excuse, oui. On porte à mon attention qu'à la première ligne, les mots "le protonotaire ou son adjoint" sont remplacés par "le célébrant". J'enlève les mots "protonotaire ou son adjoint" et je les remplace par "célébrant".

M. Forget: II y a concordance, M. le Président, à l'article 21 que le délai... Ah non, excusez-moi.

Le Président (M. Laberge): Article 414, l'amendement pour le mot "célébrant" est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 414 amendé est adopté. J'appelle l'article 415.

M. Forget: M. le Président, un qroupe - je pense que c'est le Barreau - suggère de supprimer cet article. On nous a expliqué que, dans le fond, les avis correspondaient à un souci de rendre publique l'intention de mariage, mais l'explication qu'on nous a donnée, qu'on accepte aussi loin qu'elle nous amène, ne nous laissait pas envisager qu'il s'agit d'une procédure si cruciale qu'on doive l'assortir d'un délai et, si on ne se marie pas dans les trois mois, il faut tout recommencer. Est-ce que cela n'est pas un peu excessif?

M. Bédard: Évidemment, il ne s'agit que de la publication, ce qui est très simple comme document, et c'était pour favoriser ou rendre davantage publique toujours l'idée de la volonté du mariaqe. Si on annonce aujourd'hui qu'on se marie et qu'on se marie trois ans plus tard, il est évident que la publicisation de l'acte du mariage au moment où il va intervenir n'aura pas été faite. Alors, le fait d'avoir un délai relativement court, qui est celui du Code civil actuel de l'article 60, avait paru souhaitable.

M. Forget: Si on se marie malgré tout, est-ce que le mariage est nul? Sûrement pas.

M. Bédard: C'est un formalisme qui n'est pas respecté, mais il y a un article relatif à la nullité dans le chapitre de la nullité qu'on n'a pas abordé encore, qui dit que c'est sujet à

l'appréciation du tribunal de savoir... Je vais vous y référer précisément.

Jusqu'à maintenant, il n'y a pas d'exemple de nullité qui ait été prononcée sous le seul motif de non-publication. Je crois quand même qu'on devrait peut-être y penser deux fois avant de l'enlever, parce que c'est peut-être une occasion de renforcer le caractère public du mariage. Ce n'est pas n'importe quelle sorte de contrat. D'un autre côté, à partir du moment où on en accepte le principe, le principe se perd si on ne crée pas d'obligation et si, deux, trois ans après le délai expiré, le mariage se fait, à ce moment-là, il faudrait presque, en termes de concordance, se poser la question à savoir jusqu'à quel point on laisse ça là ou on ne le laisse pas.

M. Forget: C'est parce que normalement, quand on donne un délai plus long...

M. Bédard: II faut qu'un avis veuille dire quelque chose - si vous me permettez de terminer - et je pense qu'à partir du moment où on ne crée plus d'obligation, si le mariage se fait beaucoup plus tard, l'avis ne veut plus rien dire.

M. Forget: Oui, sauf que la publication est un remède ou pourrait prétendre être un remède aux deux vices fondamentaux: la consanguinité et un mariage précédent. Si une première publication a lieu et qu'il n'y a pas d'opposition basée sur ces choses, la prolongation du délai après publication n'est certainement pas de nature à faire surgir ces oppositions alors qu'elles n'ont pas surgi au départ. Autrement dit, ordinairement, plus on donne du temps à guelqu'un pour réagir et s'opposer au mariage, plus on devrait être sûr qu'il n'y a pas de raisons d'opposition. Là, c'est un peu le contraire de la logique: s'il y a quelqu'un qui peut réagir en trois mois, tout va très bien, mais s'il peut réagir seulement en trois ans, ce n'est plus valable. Il y a bien plus de chances qu'il y ait une opposition sur trois ans qu'il y en ait une sur trois mois. Donc, il me semble que c'est encore plus fort. Plus le délai s'allonge, plus la force de l'avis est grande, dans le fond, parce qu'il peut entraîner plus de conséquences si on donne du temps aux gens de s'y opposer.

M. Bédard: Oui, mais là, on suppose qu'à partir du moment où l'avis est fait, il est connu des mêmes personnes, dans un deuxième avis, que celles qu'il a pu atteindre dans un premier avis. Il peut être possible qu'un premier avis n'ait pas atteint certaines personnes. Le deuxième, par exemple, peut le faire et, encore une fois, c'est l'idée de garder le caractère public du mariage.

M. Fontaine: II peut arriver aussi qu'après la publication d'un premier avis, s'il y a un délai assez long qui s'écoule, il n'y ait pas de suite au premier avis et que, entre-temps, une opposition surgisse, par exemple, un second mariage.

M. Bédard: II n'y a pas eu, semble-t-il, dans la jurisprudence de nullité prononcée pour un pareil défaut de dispense.

Le Président (M. Laberge): L'article 415 est-il adopté?

M. Fontaine: Adopté. M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 416 est-il adopté?

M. Forget: M. le Président, l'article 416 déclare ce dont le célébrant doit s'assurer avant de procéder au mariage. Cela nous fait penser que, dans le rapport de l'Office de révision du Code civil, on mentionne que le célébrant, en plus de s'informer de ces choses, doit informer les futurs époux des ressources communautaires, etc. Toute cette notion... D'aileurs, il ne faut pas faire du service social à l'occasion de la rédaction du Code civil. Je le conçois facilement, mais on traite du droit familial. On ne traite pas non plus du droit, des obligations ou du droit de l'assurance. Il me semble qu'un certain nombre de changements qu'on introduit est fait dans l'esprit de prudence: le consentement après I8 ans, l'idée qu'il s'agit là d'une obligation dans laguelle on ne doit pas entrer ou qu'on ne doit pas accepter d'assumer à moins d'avoir un jugement éclairé, etc. Est-ce que ce ne serait pas compatible avec cet esprit du droit de la famille de créer pour le célébrant une certaine obligation? Il a un rôle très passif ici. Il reçoit la demande, publie l'avis et se livre à un certain nombre de formalités, mais il a un rôle très passif. Est-ce que le célébrant ne pourrait pas jouer un rôle plus actif? Il me semble gue l'Office de révision, en proposant - ne serait-ce gue ça au moins - gu'il informe de l'existence de ressources et gu'il invite les futurs conjoints à s'en prévaloir, ne fait qu'exprimer le bon sens, peut-être?

M. Bédard: Je prends le terme de mon collègue, "qu'il invite". On en est, je pense, à discuter sur la nuance quand même de taille qu'il peut y avoir d'en faire une obligation pour le célébrant.

M. Forget: C'est un fonctionnaire de l'État à ce moment-là.

M. Bédard: C'est peut-être un désir qu'on aurait que cela se fasse. Simplement du point de vue pratique, quand des gens sont rendus devant le célébrant - essayons d'imaginer la situation -jusqu'à quel point sont-ils je ne dirais pas disposés, mais jusqu'à quel point cela peut-il être efficace de se faire faire l'énumération des services communautaires qu'ils peuvent avoir à leur disposition?

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela ne devrait pas être au moment où ils y vont pour la publication du mariage si vous ne voulez pas le mettre au moment où ils arrivent devant le célébrant pour le mariage? Il semble y avoir une étape antérieure à la célébration du mariage.

M. Bédard: Je m'excuse. Quelgu'un est venu me parler. Pourriez-vous recommencer?

Mme Lavoie-Roux: Vous dites que, lorsque le célébrant arrive pour célébrer le mariage, ce n'est peut-être pas le temps de leur dire d'aller suivre des cours de préparation au mariage.

M. Bédard: À la publication des bans, se faire informer des cours de préparation et de tout cela, il y a des choses pas mal consommées, quand même, là.

Mme Lavoie-Roux: Ah, ah!

M. Bédard: Je veux dire au niveau des intentions. Je veux dire au niveau d'intentions précises. Je ne parle pas au niveau des actes.

M. Forget: C'est du droit nouveau.

Mme Lavoie-Roux: Mais au moment de la publication du mariage, c'est peut-être la première fois où ils prennent contact avec l'autorité, avec celui qui célébrera le mariage.

M. Bédard: La remarque qu'on me fait est celle-ci.Ce n'est pas proprement juridique, en fait, ce à quoi on réfère. Mais on avait pensé que le but serait atteint beaucoup plus facilement par une brochette du ministère de la Justice, qui est donnée à tous les célébrants, à tous ceux qui ont à recevoir les futurs conjoints pour indiquer des choses qu'il serait utile et même nécessaire de faire. Mais de là à en faire une obligation dans le Code civil, il reste que si, à un moment donné, cela ne se fait pas, par oubli ou autrement, toute obligation qu'on met dans le Code civil peut apporter des conséquences si elle n'est pas observée. Jusqu'à quel point c'est juridique...

Mme Lavoie-Roux: Mais aux États-Unis, par exemple, guand ils demandent - je ne sais pas de quelle façon ils créent cette obligation - aux futurs conjoints de produire un certificat médical, c'est contenu où, cette obligation?

M. Bédard: Cela n'est pas obligatoire ici. Mme Lavoie-Roux: II y a une obligation.

M. Bédard: Mais ici, il n'est pas proposé d'en avoir un. Il est recommandé d'en avoir un. C'est peut-être là que le problème est un peu différent. Cela pourrait être une décision.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que c'était de même nature que ce dont on parle et vous dites que cela s'intègre mal dans le Code civil. C'est pour cela que je vous demandais - que ce soit obligatoire ou pas - à quel endroit c'est introduit aux États-Unis. Je pense que c'est une obligation dans tous les États.

M. Bédard: S'ils ne peuvent pas se marier sans d'abord avoir un examen prénuptial, je comprends gue cela va être exigé dans le dossier des futurs époux; sans quoi, on ne pourra pas procéder au mariage. Et là, cela devient une obligation juridique qui devra être exécutée et le célébrant aura la responsabilité de s'assurer que cette obligation a été remplie.

Dans le cas présent, pour souhaitable gue soit cette recommandation de l'office, il est certain gu'elle est davantage la responsabilité des agents sociaux chargés d'éducation et également le célébrant, comme le disait le ministre, pourrait fort bien, au premier contact, au moins 20 jours avant - puisqu'il y a une publication de 20 jours - remettre une brochure, un imprimé, qui comprendrait même beaucoup plus que ces questions particulières, et également un peu l'ensemble des devoirs qui attendent les époux, enfin, les informer un peu de l'acte qu'ils vont poser. Cela pourrait être éclairant au niveau de l'éducation, à moins d'en faire une obligation juridique. Demander un certificat médical, cela peut paraître une petite affaire, cela peut paraître bien...

Mme Lavoie-Roux: Je ne dis pas de le rendre obligatoire, mais je me disais gu'il existe quand même ailleurs des dispositions semblables.

M. Bédard: Cela peut paraître souhaitable, mais c'est une grande immixtion, à mon sens, dans la vie privée des gens.

Mme Lavoie-Roux: Je donnais cela comme exemple, parce gue cela existe aux États-Unis.

M. Bédard: On va passer nos remarques sur la législation des États-Unis.

Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas dans ce sens-là que j'ai dit cela.

M. Forget: M. le Président, je comprends qu'on peut trouver cela drôle un peu, mais il reste que le Code civil n'est pas étranger aux considérations génétiques, puisque la consanguinité, dont on a fait un tabou, est aussi basée sur des considérations biologiques importantes. On se trouve au Québec, en particulier, dans une des régions au monde où le taux d'incidence des maladies génétigues... (18 heures)

Une voix: Est le plus élevé.

M. Forget: ...est le plus élevé d'à peu près tous les pays connus. Donc, il y a un problème réel ici. La guestion qui se pose, c'est: Est-ce qu'on a vraiment consulté ceux qui devaient être consultés pour se demander si même l'examen médical ne devrait pas être obligatoire? Mais ce n'est même pas cela que nous proposons. Nous proposons d'en faire plus qu'un simple programme d'information du ministère de la Justice. De nos jours, on veut tout régler par des programmes d'information. Il reste gue, dans la décision importante des conjoints, le seul contact gu'ils ont avec l'autorité civile, c'est au moment où ils vont voir le célébrant pour dire: Nous avons l'intention de nous marier. Ils vont alors faire publier les bans. N'est-il pas normal, à ce moment-là, que ce fonctionnaire de l'État même s'il est un officier du culte, il devient, pour ces fins-là, un fonctionnaire de l'État - dise: Écoutez! Prenez soin d'avoir un examen médical, pas simplement parce que c'est important, mais parce qu'un des conjoints peut très bien hésiter à le demander à l'autre pour des questions de pudeur, de délicatesse, etc.? On est loin d'être sûr que, dans l'entourage familial de l'un ou l'autre des conjoints, on aura des gens suffisamment intéressés, informés ou sensibilisés à cette question. C'est la seule occasion gui me semble appropriée.

Vous pouvez dire: Si on en fait une obligation et qu'elle n'est pas respectée, cela peut avoir des conséquences. On a passé à travers

ce raisonnement, il y a une minute et demie, au sujet de la publication des bans dont tout le monde convient qu'elle n'est pas efficace, qu'elle est là pour satisfaire un certain formalisme juridique qui a sa place, que je suis prêt à admettre, mais qui, effectivement, n'est pas efficace pour prévenir, par exemple, des problèmes génétiques résultant de la consanguinité. Mais il y a d'autres problèmes génétiques aussi. Si on n'a pas hésité à créer des conséquences juridiques pour la publication et la caducité de l'avis, pourquoi s'interrogerait-on tellement lorsqu'on crée une obligation à un fonctionnaire de l'État en disant: Écoutez! Vous avez le devoir non seulement d'agir comme greffier dans le mariage, non seulement de prononcer un certain nombre de formules incantatoires en disant: Vous êtes mari et femme, etc., mais, vis-à-vis de ces gens-là, vous avez le devoir de leur rappeler les obligations? Il me semble que cela n'est pas déplacé dans le Code civil.

M. Bédard: Je voudrais bien comprendre le député de Saint-Laurent parce qu'il y a une nuance de taille. Est-ce qu'il voudrait créer une obligation ou encore...

M. Forget: D'informer.

M. Bédard: ...faire en sorte qu'on possède simplement une information sur l'opportunité d'avoir un examen médical?

M. Forget: Je pense que la formulation de l'Office de révision du Code civil, à première vue, me satisfait. C'était l'article 20 de l'Office de révision du Code civil. C'était quelque chose de raisonnable dans les circonstances. On disait: Le célébrant - donc on posait l'obligation sur le célébrant, on n'en faisait pas une cause de nullité du mariage ou quoi que ce soit - doit informer les futurs époux des ressources communautaires. En fait, les cours de préparation au mariage, l'expérience indique qu'il y a bien des qens qui pourraient en profiter. Mais certainement un examen médical, il me semble que c'est une chose élémentaire, de nos jours, au moins de suggérer que cela peut être fort opportun.

Mme Lavoie-Roux: Apparemment...

M. Forget: II y a beaucoup de pays développés qui le font.

Mme Lavoie-Roux: ...dans toutes les autres provinces du Canada, on me dit que l'examen médical est obligatoire.

M. Forget: Le Québec se distingue de ce côté-là.

M. Bédard: J'aimerais faire certaines vérifications préalables.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, on peut le suspendre.

Le Président (M. Laberge): L'article 416 est suspendu. J'appelle l'article 417.

Mme Lavoie-Roux: J'allais faire une proposition tout à l'heure qui est, en fait, la proposition du Barreau et...

M. Forget: Du RAIF.

Mme Lavoie-Roux: ...du RAIF, à savoir que le célébrant fasse lecture non seulement des dispositions de l'article 441, mais des articles 441 à 446 inclusivement.

M. Bédard: On va suspendre pour le moment.

Le Président (M. Laberge): L'article 417 est suspendu. L'article 418? Le travail que l'on fait est tellement intéressant qu'on a oublié l'heure.

Mme Lavoie-Roux: II est 18 h 5. M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laberge): Je suspends les travaux...

M. Bédard: C'est le cas de le dire, c'est un travail intéressant.

Le Président (M. Laberge): ...jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 5)

(Reprise de la séance à 20 h 15)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux et, à la suspension, nous avions regardé l'article 417 que nous avons mis de côté pour étude ultérieure. J'appelle donc l'article 418.

Une voix: On était à 417?

Le Président (M. Laberge): Oui, on l'avait suspendu. Alors, 418 est appelé. Est-ce qu'il y a des commentaires?

M. Bédard: Je suis d'accord pour ajouter... M- Forget: Les quatre articles.

M. Bédard: ...les quatre articles. J'en ajouterais même un cinquième qui serait peut-être 450, concernant la résidence familiale. Cela concerne juste les meubles. Non, on verra si on ajoute autre chose, mais au moins pour les quatre dont on a parlé.

M. Forget: Oui.

M. Bédard: Parce que 450 ne regarde que les meubles. Alors, on verra.

Le Président (M. Laberge): Je laisse donc cet article ouvert...

M. Bédard: D'acord.

Le Président (M. Laberge): ... pour le moment...

M. Bédard: On va le laisser ouvert.

Le Président (M. Laberge): ...pour avoir une rédaction en bonne et due forme. Est-ce que l'article 418 est adopté?

M. Forget: Oui, adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 418 est adopté. L'article 419, on m'a demandé de le remplacer. Il y a un papillon qui se lit: Remplacer l'article par le suivant: "Le protonotaire ou son adjoint procède à la célébration du mariage, selon les règles édictées par arrêté du ministre de la Justice et perçoit des futurs époux, pour le compte du ministre des Finances, tout droit fixé par décret."

M. Bédard: C'est au niveau de la rédaction.

M. Forget: Ici, je ne peux pas m'empêcher de souligner au passage, à la suite d'un certain nombre d'autres commentaires du Barreau, en particulier, que c'est la première fois qu'on a un pouvoir réglementaire mentionné dans le Code civil. C'est pour un sujet bien précis, effectivement. Mais je le mentionne pour souligner que...

M. Bédard: C'était déjà là, à ce qu'on me dit.

Il reprend l'article 134a actuel du Code civil qui prévoit un pouvoir réglementaire dans une forme différente, cependant.

M. Forget: Avec le même pouvoir du lieutenant-gouverneur.

M. Bédard: Oui, avec le même pouvoir.

M. Forget: II ne faudrait pas que cela s'étende, à d'autres articles.

M. Bédard: Non, je ne serais pas intéressé à ce que cela s'étende, non plus.

M. Forget: D'accord.

M. Bédard: On a pu le voir tout à l'heure, à certains articles. L'article 420, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Le nouvel article 419 est-il adopté?

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 420, M. le ministre?

M. Bédard: Article 420, une seconde. M. Forget: C'est différent.

M. Bédard: Une seconde, vous me permettez. L'Office de révision du Code civil propose de regrouper toutes les dispositions de droit international privé dans un même livre et notamment la réglementation relative au mariage célébré hors du Québec. C'est pourquoi il est peut-être préférable, par voie de conséquence, en attendant cette réforme, de supprimer l'article 420 et de proposer un amendement au Code civil du Bas-Canada pour recevoir l'article 135cc, car il paraît opportun de maintenir le droit actuel. L'article 420 deviendrait l'article 7.1 du Code civil. Il faudrait voir à cet effet l'article 1.1 du projet de loi.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Laberge): L'article 420 est donc supprimé.

M. Forget: II est supprimé, mais, si je comprends bien, il va être réintroduit dans le Code civil par une disposition ultérieure.

M. Bédard: C'est cela, parce que cela doit quand même y être.

M. Forget: Très bien.

Le Président (M. Laberge): Cet article 420 étant supprimé, au chapitre quatrième, De la preuve du mariage, aux articles 421 et 422, est-ce que la discussion a été faite?

Chapitre quatrième De la preuve du mariage

M. Bédard: Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de remarques. Non, la discussion n'a pas été faite. Mais cela rejoint les dispositions qui étaient déjà là.

M. Forget: Avant de passer à la preuve du mariage, pour ce qui est de la célébration, est-ce qu'il apparaîtrait utile au ministre ou à Me Guy de souligner s'il y a d'autres recommandations de l'Office de révision qui n'ont pas été retenues et pourquoi?

M. Bédard: Je crois qu'elles ont été soulignées.

M. Forget: Elles ont toute été soulignées?

M. Bédard: Oui, je n'en ai pas de mémoire, ni dans les notes que j'ai sous les yeux. On a été attentif à cela.

M. Forget: Oui, d'accord. J'avais cru voir quelque chose qui n'a pas été repris, mais j'avais lu trop rapidement.

M. Bédard: Est-ce que cela vous paraît conforme?

M. Forget: Parfait. Cela va.

M. Bédard: Article 421. Cet article fait de la production de l'acte de mariage la preuve suffisante du mariage à l'égard des époux et des tiers. Il assure la continuité du droit actuel tel qu'il apparaît aux articles 159 à 161 du Code civil. Les jugements reconstitutifs et supplétifs d'actes de l'état civil n'étant pas encore introduits dans notre Code civil, la proposition de l'Office de révision du Code civil ne peut être retenue; à défaut d'acte, il faut donc se rabattre sur les articles 51 du Code civil et 453 du Code de procédure civile.

Le Président (M. Laberge): L'article 421 est-

il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 422, adopté?

M. Bédard: Adopté. La possession d'état d'époux ne constitue pas en principe une preuve suffisante du mariage. On veut éviter ainsi que la possession d'état ne puisse être invoquée pour donner la qualité d'époux et reconnaître les effets du mariage à ceux qui vivent en concubinage. Il faut donc présenter un acte de mariage; ce n'est que dans ce cas que la possession d'état supplée au défaut de forme de l'acte. Il n'est pas question de préciser dans cet article qu'il s'agit d'époux légitimes puisque la qualification d'époux de fait des concubins n'est pas retenue, contrairement à l'article 49 de l'Office de révision du code civil.

Le Président (M. Laberge): Article 422 adopté. Chapitre cinquième, Des nullités de mariage. Articles 423 à 430.

Chapitre cinquième Des nullités de mariage

M. Bédard: M. le Président, le chapitre des nullités de mariage reprend substantiellement les causes de nullités de mariage du Code civil sous réserve de certains assouplissements et de certaines modifications de cohérence. Il précise le droit actuel, notamment en réglementant strictement le mariage simulé et en ouvrant plus grande la voie à l'impuissance psychologigue comme cause de nullité.

D'autre part, les effets du mariage putatif, c'est-à-dire du mariage contracté de bonne foi, mais atteint de nullité, sont davantage précisés que ne le fait le Code civil actuel. A cet égard, il convient aussi de noter deux changements importants par rapport au droit actuel; premièrement, le droit des époux à la prestation compensatoire et la caducité de plein droit des donations à cause de mort. 0e dépose un amendement à caractère technique visant simplement à améliorer la qualité de rédaction de l'article 429. C'est cela.

M. Fontaine: M. le Président, j'ai été un petit peu distrait tantôt, mais à l'article 422, j'aurais juste une question à poser. L'Office de révision du Code civil disait: L'état d'époux légitime. Cela a été enlevé dans la loi no 89.

M. Bédard: Oui. C'est ce gue j'ai expliqué tout à l'heure.

M. Fontaine: Est-ce qu'il y a une raison?

M. Bédard: L'Office de révision du Code civil faisait une distinction entre "époux de fait" et "époux légitime". On n'a pas retenu les époux de fait.On n'a pas besoin de faire la distinction.

M. Fontaine: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Cela va pour cette question. Article 423? Y a-t-il des questions?

M. Bédard: Article 423. Je pourrais peut-être y aller de quelques remarques. Cet article évite de qualifier d'absolue la nullité des trois cas de mariage qu'il propose. En effet, le concept de nullité absolue est plutôt doctrinal et jurisprudentiel que législatif. L'Office de révision du Code civil n'a pas présenté les caractéristiques de la nullité absolue et de la nullité relative dans le titre Du mariage. Elle l'a cependant fait dans le livre 5 sur les obligations aux articles 47 et suivants, mais ce livre n'a pas encore fait l'objet de la révision. C'est pourquoi il est apparu plus indiqué de préciser directement qui peut invoquer ces nullités.

D'autre part, deux cas de nullité absolue proposés par l'Office de révision du Code civil n'apparaissent pas dans cet article. Il s'agit en premier lieu du cas d'une personne privée de discernement; l'Office de révision du Code civil en a fait un cas de nullité absolue temporaire, sujet toutefois à ratification tacite lorsque les époux ont cohabité pendant un an depuis le recouvrement du discernement. Ce cas, ne donnant pas ouverture à une véritable nullité absolue de caractère permanent, a été traité distinctement dans les articles 425 et 427.

Le deuxième cas qui a été exclu de l'article 423 est celui du majeur en tutelle dont l'étude est reportée lors de l'examen du livre 1 sur les personnes.

Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'il y a des questions particulières?

M. Forget: Dans le mémoire du Barreau, à l'article 423, on suggère d'exclure "pour une personne de moins de 16 ans", car on pourrait -c'est du moins la conclusion qu'en tire le Barreau demander la nullité, même quelques années après que cette cause de nullité soit disparue par l'écoulement du temps. Est-ce que ce n'est pas une objection valable?

M. Bédard: Sauf qu'on a voulu que l'article 402 soit d'ordre public. Il apporte donc une nullité absolue, ce qui n'est peut-être pas tout à fait le cas dont fait état le Barreau. Le Barreau dit "par une personne de moins de 16 ans et n'attacher à ce fait qu'une nullité relative". Or, ce que l'on veut spécifier à l'article 402, ce sont les nullités absolues et non pas les nullités relatives. En soi, le Barreau peut avoir raison, à savoir que cela peut être une nullité relative, mais ce dont on traite, ce sont les nullités absolues.

M. Forget: Je ne comprends peut-être pas la réponse du ministre. Supposons la situation où un mariage a lieu dont un des conjoints a moins de 16 ans. Trois ans plus tard, ce conjoint a 19 ans ou près de 19 ans. La nullité absolue veut dire que même à ce moment-là - et même cinq ans plus tard - toute personne intéressée peut demander que soit déclarée la nullité. Je comprends que c'est cela, le concept de nullité absolue. C'est tout à fait vrai, mais est-il raisonnable que ce soit un cas de nullité absolue? C'est cela, le problème. J'ai l'air de me contredire, mais il reste que si cela n'a pas été soulevé en temps utile...

M. Bédard: On peut avoir de la difficulté

tous les deux, ce n'est pas grave.

M. Forget: C'est le problème de nullité absolue temporaire, dans le fond, qui était soulevé aussi par les personnes privées de discernement. Une fois que cela a duré suffisamment longtemps, sans que personne ne soulève la nullité, n'invoque la nullité, il reste qu'on est dans la situation paradoxale où ce qui était la cause de la nullité est disparu, de toute façon. II semble que les intéressés n'aient pas trouvé de raison de s'en plaindre et toute personne à ce moment-là - toute personne intéressée bien sûr, mais cette expression vise plus que simplement les deux conjoints - peut provoquer la déclaration de nullité de ce mariage.

M. Bédard: Comme il est fort possible que ce soit rattaché à l'article 403 qu'on a déjà suspendu, où on parlait de dispense et de l'âge de se marier, il peut y avoir un interrelation, peut-être qu'il y aurait lieu, peut-être pas de suspendre, mais de...

M. Forget: Oui et non. Là, ce n'est pas de moins de 18 ans; c'est de moins de 16 ans.

M. Bédard: Je relie cela à un membre de la commission parlementaire qui nous a demandé d'évaluer s'il n'y aurait pas des possibilités, même, avec permission très spéciale, en bas de 16 ans.

M. Forget: La permission jouerait pour les mineurs entre 16 et 18 ans je pense? Ou ce serait en bas de 18 ans, sans restriction?

M. Bédard: Quelqu'un me semble être allé plus loin que cela, à moins que je ne me trompe.

M. Forget: II reste que, même si on résolvait ce problème, il demeurerait pour ceux de 18 ans. Si on faisait de 18 ans une limite absolue, il reste que, si on se marie à 17 ans et demi, que personne ne soulève la nullité et que, cinq ans plus tard, lorsque la personne a 22 ans, on dit: C'était nul, est-ce que le remède n'est pas disproportionné, dans le fond? C22 h 30)

M. Bédard: C'était lié à la rigueur, qui sera acceptée ou pas, de la règle de l'âge du mariage. S'il est jugé que c'est un âge important et que c'est une considération majeure que l'âge du mariage, il est certain que, si un mariage intervient avant cet âge, c'est radicalement nul parce que la règle est forte pour les décourager. Si ces mariages se ratifient ou se confirment simplement par l'écoulement du temps...

M. Forget: II n'y a pas de nullité.

M. Bédard: ... c'est une nullité, mais plus faible que l'autre. Donc, la rigueur de la règle serait moins grande. Si le deuxième alinéa de l'article 403 est maintenu ou même s'il n'était pas maintenu, dans ce cas-là, comme il faut une autorisation judiciaire en bas de 18 ans pour se marier, il est probable que le célébrant va s'assurer qu'il y ait eu dispense judiciaire avant et qu'il n'y aura pas beaucoup de cas de nullité. C'est peut-être très théorique également sur le plan de la discussion.

M. Blank: Ils peuvent utiliser un faux document.

M. Bédard: Pardon?

M. Blank: La fille ou le garçon peut utiliser un faux document...

M. Bédard: Oui.

M. Blank: ... et le célébrant acceptera cela. Aujourd'hui, une fille de 16 ans peut dire qu'elle a 18 ans, 20 ans et présenter un certificat modifié. Ou ce sont des immigrants qui n'ont pas de certificat, qui ont des passeports. Pour vous dire franchement, j'ai vu des passeports avec toutes sortes de dates.

À l'article 423, si on veut avoir une nullité absolue, la nullité doit exister au moment où on prend l'action. Si on ajoutait quelque chose en ce sens disant qu'on peut déclarer nul un mariage à la demande de n'importe quelle personne intéressée à la condition que la nullité existe à ce moment-là.

M. Bédard: Si on y va avec trop d'élasticité, en prévoyant déjà...

M. Blank: Comme le député de Saint-Laurent le dit, ce serait absolu, mais cinq ans après, c'est un peu "rough".

M. Bédard: Je pense qu'il y a quand même une partie de la réponse de M. Guy à considérer:

C'est un âge important, on y met toute la réflexion nécessaire avant de le décider au niveau du Code civil.

M. Blank: Je donne seulement des idées. Je ne demande pas une réponse ou un amendement à ce moment-ci.

M. Bédard: Je n'argumente pas, je réfléchis en même temps que vous.

M. Forget: D'ailleurs, le même problème se pose dans le cas...

M. Bédard: Nous avons tout le temps pour fixer l'âge. À partir du moment où on l'aura fixé, si on commence à essayer de tenir compte de tous les cas particuliers qui peuvent se présenter, j'ai l'impression qu'on va avoir quelques difficultés.

M. Forget: Le même problème se pose dans le cas d'un deuxième mariage alors que le premier n'est pas dissous. À supposer que le premier conjoint meure avant que qui que ce soit invoque la nullité, c'est la même chose; à ce moment-là, le deuxième mariage est nul même si le premier, dans le fond, a été éteint par la mort du premier conjoint, mais subséquemment au deuxième mariage. À ce moment-là, il faut que les gens se remarient, même si c'est dix ans ou quinze ans après le décès. C'est une interprétation très rigoureuse du concept de nullité absolue.

M. Bédard: C'est le sens que donnait l'Office de révision dans le livre cing auquel ceci se réfère. Quand on parlait, dans l'article 25, de

la nullité absolue, c'est une nullité, dit-on, qui ne se confirme pas. Donc, elle est radicale à ce point. Je pense que le point a été bien identifié, C'est plutôt la riqueur de la règle ou pas qui est en cause. En tout cas, est-ce qu'on accepterait la suggestion de le garder ouvert?

M. Forget: Oui.

M. Bédard: Je pense que toutes les réflexions étaient sérieuses et on pourrait peut-être approfondir cela, si on le juge à propos, ensemble.

Le Président (M. Laberge): Pas d'autres questions? L'article 423 est suspendu. J'appelle l'article 424. L'article 424 sera-t-il adopté?

M. Bédard: Je ne pense pas qu'il y ait de remarques de ce côté-là.

M. Forget: Ici, le Barreau a fait un commentaire qui peut avoir son intérêt. Le Barreau suggère de changer la formulation pour que l'article 424 se lise comme suit: La nullité du mariage contracté par une personne qui s'est soumise aux formalités de la célébration sans avoir l'intention d'assumer l'ensemble des obligations, etc. Il justifie cela en disant qu'il faudrait démontrer que c'est l'ensemble des obligations et non pas une seule obligation. Bon, je soumets ce commentaire du Barreau comme il a été fait pour connaître les réactions du ministre et de ses conseillers.

M. Bédard: Sur le plan strictement technique, ça m'inquiète un peu. L'ensemble est complet ou incomplet. Il va falloir lui donner une certaine portée. Par ailleurs, l'article prévoyait les obligations du mariage de façon globale sans insister sur toutes et chacune. On disait les obligations pour exclure un singulier qui aurait voulu trop référer peut-être à une obligation et, du même coup, automatiquement entraîner la nullité. Je pense qu'il y avait là peut-être au plan de la rédaction une sorte de moyen terme entre une situation trop rigide. Je pense que la proposition du Barreau avait justement pour effet d'enlever une souplesse qui est peut-être nécessaire.

M. Forget: Oui.

M. Blank: J'ai un commentaire à faire ici.

M. Bédard: Sur cet article?

M. Blank: Oui, sur cet article, sur la version en anglais. J'ai ici les deux versions. La version française dit au deuxième alinéa que "le mariage ne peut plus être attaqué". Le mariage se réfère au premier alinéa, mais en anglais, on ne dit pas cela. En anglais, on dit au premier paragraphe: "A marriage contracted, etc." Dans le deuxième paragraphe, on dit: "No marriage in which there has been cohabitation." "No marriage" veut dire n'importe quel mariage. Ce serait préférable de dire "no such marriage" ou peut-être un autre mot, mais' on doit référer en anglais au premier alinéa dans le deuxième alinéa. C'est ouvert et c'est ainsi pour tous les paragraphes semblables, 428 et 429.

M. Bédard: L'article 424, c'est correct?

Le Président (M. Laberge): L'article 424 est adopté. L'article 425 est-il adopté?

M. Forget: Dans le cas d'une personne privée de discernement, l'Office de révision suggérait que ça ne puisse pas être invoqué après une année de cohabitation. Ici, il semble que cette nullité du mariage peut être attaquée en tout temps.

M. Bédard: Ici, la condition principale du mariage qui est touchée est celle du consentement par la personne privée de discernement et c'est un peu par ce biais-là actuellement, de toute façon, que sont réglés certains des problèmes que vous avez soulevés au cours de l'après-midi relativement à ceux qui n'ont peut-être pas le discernement au moment de contracter mariage. Donc, ici, comme ça touche une question fondamentale qui est celle du consentement, c'est une autre façon de le dire. C'est également, là aussi, assez radical et c'est assez ouvert pour la raison que le consentement est fondamental et que ça ne se ratifie pas en d'autres termes là aussi pour la même raison.

M. Forget: C'est une cause de nullité absolue> en somme.

M. Bédard: Là aussi, s'il n'y a pas eu de consentement. L'office l'avait classé, d'ailleurs, dans les causes de nullité absolue à l'article 25 du projet de loi, mais dite temporaire.

M. Forget: On se défait donc de cette distinction. Il y a nullité absolue ou nullité relative, mais pas d'autres raffinements.

M. Bédard: Les tribunaux n'y sont pas très habitués à la nullité absolue temporaire, surtout que le régime même de l'office, encore une fois, c'était que les nullités absolues ne peuvent jamais être confirmées. Si jamais dans le livre 5 on retient le schéma sur les nullités, on va avoir des problèmes si on maintient des distinctions nouvelles. C'est réservé à des personnes bien précises contrairement à l'article 423 où c'est réservé à toute personne intéressée.

Une voix: Nous sommes à l'article 425.

M. Fontaine: Je pense qu'on pourrait se servir de certains arguments pour faire une différence entre les nullités absolues et les nullités relatives. On pourrait, par exemple, penser à une personne qui, en vertu de l'article 425, aurait pu être privée de discernement au moment où le mariage a été célébré et qu'un an ou deux ans après on est en mesure de prouver que la personne est rétablie et que tout va bien. Mais au moment du mariage, elle était privée de discernement. On revient, à ce moment-là, si on crée des exceptions, au même problème qu'on a rencontré tout à l'heure concernant les personnes âgées de moins de 18 ans. Je pense qu'il faudrait peut-être prendre une décision et dire: II y a des nullités absolues et il y en a d'autres qui seront relatives, mais, dans ces cas-là, s'il n'y avait pas de consentement, si la personne était privée de discernement au moment du mariage, c'est une

nullité absolue.

M. Bédard: C'est une nullité absolue. Par rapport à ce que le député de Saint-Laurent disait tout à l'heure à propos de l'année de cohabitation, je pourrais vous évoquer l'article 427; je pense qu'on le retrouve là.

M. Forget: C'est dans le cas de l'erreur.

M. Bédard: Non, non, le discernement aussi. "Un an depuis le recouvrement du discernement ou depuis que l'époux a acquis sa pleine liberté." Donc, le délai s'applique à l'article 425.

Le Président (M. Laberge): L'article 425 est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 426, rien de spécial?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 426 est adopté. J'appelle l'article 427.

M. Forget: Un moment, s'il vous plaît! À l'article 426...

M. Bédard: "Le mariage ne peut plus être attaqué lorsqu'il y a eu cohabitation des époux pendant un an depuis le recouvrement du discernement ou depuis que l'erreur a été connue."

Le Président (M- Laberge): Je pense que M. le député de Saint-Laurent avait une question sur l'article 426.

M. Forget: Oui.

M. Bédard: Ah, sur l'article 426:

Le Président (M. Laberge): Un commentaire.

M. Forget: Je pense que l'article 426 reprend essentiellement la recommandation de l'article 27 de l'office, mais le langage est différent et je voulais, avant de passer à un autre article, m'assurer que l'on comprend bien que c'est essentiellement, sous un langage différent, la même position.

M. Bédard: La même position que celle de l'article 27.

M. Forget: D'accord. Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'adoption est maintenue. J'appelle l'article 427. Est-ce que ça va?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 427 est adopté. Article 428?

M. Bédard: 428. Cet article élargit la portée de l'article 117 du Code civil en ouvrant la voie à l'impuissance psychologique conformément à la tendance jurisprudentielle. Cette nullité peut être invoquée aussi par la personne impuissante. Enfin, il a paru sage de prévoir la confirmation tacite du mariage après un an de cohabitation des époux, même si le mariage n'a pas été consommé. On pense qu'il appartient aux époux de soulever la nullité avant la fin de la période de cohabitation prévue s'ils veulent éviter cette confirmation.

Mme Lavoie-Roux: Si le mot "impuissant" veut dire ce que je pense qu'il veut dire...

M. Bédard: C'est ce que vous pensez, malheureusement.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'était peut-être quelque impuissance juridique ou quelque chose comme ça.

M. Bédard: Non, là, on est au coeur du sujet. C'est psychologique aussi.

Mme Lavoie-Roux: C'est psychologigue aussi. M. Bédard: Ça se rejoint.

Mme Lavoie-Roux: Je pose le problème juste pour discussion. Après un an, un des conjoints ne peut plus le soulever pour annulation, si je comprends bien. Ça me semble - il y a d'autres femmes ici qui pourront réagir - peut-être un délai court. Dans le cas d'un jeune couple... Harry, je te connais, tiens-toi tranquille!

M. Blank: Est-ce que c'est une accusation d'impuissance?

Mme Lavoie-Roux: Je ne me risquerais pas à ça avec toi. Sérieusement, dans le cas de personnes qui sont jeunes ou de personnes qui ne sont pas nécessairement jeunes, c'est quand même un motif relativement exceptionnel pour les qens qui décident de se marier, il me semble, toujours.

M. Bédard: II y en a qui se marient avec ce motif. (20 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Soit par gêne, etc. Là, on dit un an. Les gens disent: Au bout d'un an, il a dû s'en apercevoir ou elle a dû s'en apercevoir. Mais, sérieusement, pour faire la démarche dans le sens d'une représentation de ce type - c'est cela ma question - est-ce qu'un an vous apparaît suffisant?

M. Bédard: II me semble parce que, même après un an, cela peut devenir une cause de divorce, si on se réfère à l'article 538.

Mme Lavoie-Roux: Cela pourrait devenir une cause de nullité aussi.

M. Bédard: Cela ne peut pas être une cause de nullité après un an, mais cela peut devenir une cause de divorce en vertu de l'article 538.

Mme Lavoie-Roux: Cela ne peut pas devenir une cause de nullité.

M. Bédard: Cela ne serait pas une cause de

nullité après un an.

Si cela n'a pas été soulevé dans l'année, cela peut le devenir.

M. Blank: Je ne suis pas sûr, M. le ministre, parce que, dans l'article 426 qu'on a étudié, on parle de la nullité du mariage entaché d'erreur. Ici, on parle seulement d'erreur. Dans l'ancien code, on parlait d'erreur sur la personne. Ici, on parle seulement d'erreur. Le code nous dit que l'erreur, cela porte sur une qualité essentielle du conjoint. L'impuissance peut être une qualité essentielle du conjoint parce qu'on ne parle plus maintenant d'erreur sur la personne. On parle d'erreur. Ce n'est pas sûr que l'impuissance va tomber dans cette définition.

M. Bédard: C'est que, si vous me permettez une précision, la qualité essentielle du conjoint, c'est lié dans ce cas en particulier à l'existence d'un dol, donc de manoeuvres frauduleuses, si vous voulez. Une simple erreur sur la qualité essentielle, qui n'est pas une erreur provoquée par le dol, ne serait pas retenue comme cause de nullité. Ce qui est retenu comme cause de nullité au chapitre de l'erreur, sans qu'il y ait provocation par dol, c'est l'identité du conjoint. C'est pour cela que je répondais tantôt à M. le député de Saint-Laurent qu'on avait repris, somme toute, de manière différente la formulation de l'office qui a détaché les deux choses: l'identité du conjoint, mais, dans le paragraphe 3 de l'article 27, on a rattaché l'erreur sur la qualité essentielle au dol, simplement aux manoeuvres frauduleuses. C'est possible aussi, mais simplement quand c'est provoqué par une intervention. Maintenant, est-ce qu'on ne pourrait pas trouver qu'il s'agit d'une qualité essentielle? Je ne suis pas prêt à vous contredire là-dessus, loin de là.

M. Blank: Même la question de la virginité peut tomber là. Une caractéristique essentielle des fois.

M. Bédard: Si cela pouvait rejoindre l'article 426, vous auriez la prescription à l'article 427; dans les hypothèses où cela retomberait sur 426, le délai de prescription est établi à 427. Ce serait une année de la connaissance de l'erreur. C'est vrai que tous les cas d'impuissance ne peuvent pas être récupérés pleinement par la notion d'erreur sur la qualité essentielle. Je pense que c'est juste de dire que les articles se complètent, surtout qu'encore une fois le cas pour nous d'erreur sur la qualité essentielle est lié à la commission d'un dol. Donc, cela limite singulièrement les applications de ce côté.

Le Président (M. Laberge): Nous avions adopté ces deux articles. De toute façon, nous en étions à 428. Est-ce qu'il y a des questions sur l'article 428? Cela va? Article 428, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Forget: M. le Président, sur l'article 428...

Le Président (M. Laberge): Sur l'article 428.

M. Forget: ... on conserve la disposition actuelle, à savoir que l'impuissance est au moment du mariage. Est-ce que la jurisprudence là-dessus considère que c'est une règle qui est sage, etc., parce qu'essentiellement, on demande de faire une preuve à ce moment qui est très circonscrite dans le temps?

M. Bédard: De quel droit pourrait-on aller dans le passé? Cela peut donner ouverture à n'importe quoi.

M. Forget: Oui.

M. Bédard: II y a assez du futur, je pense.

M. Forget: Enfin, si cela ne semble pas avoir donné de difficulté, j'imagine qu'il n'y a pas une jurisprudence très abondante là-dessus, de toute façon.

M. Bédard: Non, on n'a pas trouvé de commentaires. Ni l'office ni nous-mêmes ne sommes arrivés à des commentaires plus précis.

M. Forget: C'est que, si on étend un concept à l'impuissance psychologigue - je pense bien que c'est cela l'intention - si c'est une cause de nullité le jour du mariage, je ne vois pas en quoi ce n'est pas une cause de nullité le mois suivant.

M. Bédard: Seulement, comme on l'a mentionné tantôt, à l'article 538, paragraphe 4, il y a un moyen, au chapitre du divorce, quand on dit que le mariage n'a pas été consommé, peu importe qu'il n'ait pas été consommé parce qu'il y avait ou pas impuissance au moment même du mariage, cela a pu survenir un mois ou trois mois après. De toute façon, il y a encore une porte ouverte, mais via le divorce.

M. Forget: Oui.

M. Bédard: En d'autres termes, cela n'obligera personne à rester dans cet état.

M. Forget: Dans le contexte où il y a des règles sur le divorce, est-ce que cette règle de nullité pour impuissance demeure, conserve un sens?

M. Bédard: Dans la technique juridique, c'est sûr que les causes de nullité, ce sont celles qui sont concomitantes à l'échange des consentements, si vous voulez, alors qu'on se rabat comme technique juridique sur les nullités. Pour ce qui survient comme situation par la suite, c'est, du côté du divorce, évidemment, et de la séparation de corps qui finit par régler les problèmes. Je pense qu'on a déjà deux choix.

Mme Lavoie-Roux: Après une déclaration de nullité, est-ce qu'il y a des responsabilités? Les obligations des conjoints l'un envers l'autre sont probablement différentes après le divorce.

M. Bédard: L'époux, probablement. Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bédard: ... dans la mesure où il y a la bonne foi, a droit aux effets civils du mariage. C'est ce qu'on appelle le mariage "putatif", entre

guillemets. Il a droit aux effets civils du mariage, aux aliments, aux prestations compensatoires. Il y a des effets vis-à-vis des enfants, etc.

M. Blank: Est-ce qu'il y a des enfants d'un mari impuissants?

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que c'est au plan religieux que cela peut être utile une nullité plutôt qu'un divorce? Non, ce n'est pas relié à cela?

M. Bédard: On me dit que c'est la seule cause de divorce reconnue par l'Église catholique que celle de l'impuissance, mais, pour nous, c'est une cause de nullité pendant un an et cela devient une cause de divorce après.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela. M. Bédard: C'est un peu technique.

M. Forget: Après un an, cela ne peut plus être invogué comme une cause de nullité, mais seulement comme une cause de divorce.

M. Bédard: Cela peut devenir une cause de divorce.

M. Forget: Mais l'effet pratique est... Mme Lavoie-Roux: Est le même.

M. Forget: ... le même. Ma guestion demeure guand même valable. Y a-t-il encore une raison d'avoir une cause de nullité de ce genre-là?

Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela que je demandais si la seule raison, c'était au plan religieux.

M. Bédard: Cela rejoint, à un moment donné, une cause qui est acceptée sur le plan religieux.

M. Blank: Une nullité de mariage avec un jugement de divorce au civil.

Le Président (M, Laberge): Est-ce que cela va pour l'article 428?

M. Forget: Oui. Je ne pense pas qu'on contribue à moderniser beaucoup notre droit civil là, mais disons qu'on n'a pas d'objection majeure.

Le Président (M. Laberge): Cela va. L'article 428 demeure adopté. Article 429? On nous souligne un amendement à apporter au dernier mot de l'article, soit remplacer "satisfaite" par "remplie". Est-ce que cet amendement...

M. Bédard: II me semble, dans la logique, qu'on devrait le suspendre,

M. Forget: C'est cela, c'est toute la question de la minorité.

M. Bédard: D'accord.

M. Forget: Là, on se rend compte qu'il y a une gradation. La nullité, dans le contexte actuel, est absolue en bas de seize ans. Elle est relative de seize à dix-huit ans.

M. Bédard: C'est cela.

Le Président (M. Laberge): L'article 429 est suspendu. Article 430. Est-ce qu'il y a des questions ou si c'est clair?

M. Forget: Qu'est-ce gu'un mariage célébré publiquement? Le célébrant doit être là, les deux conjoints, les deux témoins. Combien d'autres personnes font qu'un mariage est public?

M. Bédard: Les deux témoins plus le célébrant. Je pense que c'est suffisant.

C'est peut-être aussi généralement, sans que ce soit très clairement dit, un lieu public aussi qui a tendance...

M. Forget: Le mariage célébré dans des domiciles.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce gu'on peut célébrer un mariage dans une maison privée avec le curé?

M. Bédard: Je suis assez d'accord gue ce n'est pas très clair. Mais cela se pratique.

M. Forget: C'est pour cela que je pose la question parce que j'ai assisté à des mariages dans des maisons privées.

M. Bédard: Même en avion, dit-on.

Mme Lavoie-Roux: Je ne le savais pas. C'est possible.

M. Bédard: Même sur avion. C'est public. C'est un moyen de transport public.

M. Forget: Est-ce gue ce n'est pas pléonastigue alors de dire: S'il y a le célébrant, les deux conjoints et les deux témoins, le mariage est régulier? Est-ce qu'on ne devrait pas faire un effort pour expliquer ce qui est public? On parle d'une cause de nullité et c'est assez sérieux.

Mme Lavoie-Roux: Les curés font des funérailles à la maison.

M. Forget: On pourrait comprendre, en lisant les articles précédents, que cela doit se faire dans un local utilisé pour le culte, une église, une synagogue, etc., ou dans les bureaux du protonotaire à la Cour supérieure. Ce sont des lieux publics. Si on ne veux pas dire ces lieux-là et gu'on utilise, malgré tout, publiquement, je pense qu'on engendre énormément de confusion.

M. Bédard: Cela sert à la publicité du mariage.

M. Blank: Je pense gue le mot anglais serait mieux qu'en français. En anqlais, on dit "openly". On ne dit pas "a public place"? "Openly", en anglais.

M. Forget: Mais est-ce qu'on parle essentiellement de la publication des bans?

M. Bédard: Mais l'élément "publication des bans" est également un élément dans le caractère public, non clandestin d'un mariage. Comme on le disait tout à l'heure, le défaut de publication comme tel n'a jamais été suffisant pour rendre nul un mariage. Mais s'il s'y ajoutait, par exemple, un défaut de témoins, la conjonction dans la jurisprudence de tous ces facteurs...

M. Forget: Oui, mais s'il y avait un défaut de témoins, il y aurait défaut de témoins, mais on ne manquerait pas au caractère public du mariage, dans ce sens gu'on n'a pas besoin du mot "publiquement" pour rendre nul un mariage sans témoins. L'article est complet si on enlève le mot "publiquement", on dira: "Le mariage qui n'a pas été contracté devant un célébrant compétent et en présence de deux témoins peut être déclaré nul," etc. Donc, le mot "publiquement" est pléonastique. Vous avez dit avec raison que la publication des bans n'est pas une cause de nullité. On en a discuté cet après-midi. Alors, je me dis, finalement, il y a...

Une voix: C'est tout cela ensemble. M. Forget: D'accord.

M. Bédard: S'il manque un témoin et qu'il n'y a pas eu de publication, par exemple, cela devient une cause aggravante. Notre jurisprudence sur ces questions est très subtile. C'est pour cela qu'on n'a voulu bouleverser la terminologie actuelle. C'est une notion très complexe.

M. Forget: Justement, est-ce qu'on peut nous expliquer ce que la jurisprudence a compris par le mot "publiquement" ou un mot équivalent qui est utilisé dans l'article?

M. Bédard: Selon la jurisprudence, le mariage est considéré comme public dès lors qu'il y a eu des publications, qu'il y a un célébrant compétent et qu'il y a deux témoins. C'est la définition positive de la publicité du mariage. Maintenant, ce n'est pas parce qu'il manque un seul de ces éléments que, forcément, le juge va déclarer la nullité, parce qu'on lui donne le pouvoir, à ce moment, de juger selon les circonstances. C'est un ensemble de choses. (21 heures)

D'ailleurs, au niveau de la jurisprudence, cela n'a pas dû poser grands problèmes.On n'a pas beaucoup de références de côté-là. D'autre part, on reproduit substantiellement le même contenu que ce qui existait dans le Code civil.

Il nous aurait paru imprudent de bouleverser les choses qui...

M. Forget: II reste que le Code civil a été aussi rédigé pour une période où on se mariait dans les églises. Je pense qu'on peut faire cette affirmation catégoriquement qu'en 1864 on se mariait dans les églises. La société actuelle nous permet d'envisager des situations beaucoup plus diverses que celle-là et réutiliser le même mot alors que les conditions ont changé, même s'il n'y a pas eu de difficultés dans le passé, peut créer un problème dans l'avenir.

M. Bédard: Mais comme le rappelle l'office lui-même dans ses commentaires, le caractère public dépend de la réunion de tous les éléments que M. Bisson venait d'indiquer. C'est un ensemble d'éléments, la présence des témoins, etc. C'est de tout cela que découle ce caractère public et ce n'est pas restreint à un endroit public, ce n'est pas restreint à la présence des témoins.

M. Blank: Chez nous, ches les Juifs, presque 50% des mariages ne se font pas dans les synagogues. Ils se font dans les maisons ou dans les salons privés des hôtels, des salons privés, pas publics. Si vous allez dans des hôtels de Montréal, chaque fin de semaine, vous allez trouver deux, trois, quatre ou cinq mariages dans des salles privées. C'est là qu'on célèbre le mariage et non dans la synanogue. Ou bien encore c'est dans les maisons privées.

M. Bédard: M. Guy donne le meilleur exemple, dans le sens qu'il ne faut pas interpréter "publiquement" comme étant relié à un endroit public; c'est un ensemble de règles qui permettent de dire que c'est public, soit la présence de deux témoins, la présence du célébrant, la publication des bans, etc.

M. Forget: Mais je pense que, pour être concret, il faut affirmer, à la suite de ces interventions, qu'un mariaqe qui est fait devant un célébrant compétent, après publication des bans, en présence de deux témoins, sera toujours valable. Donc, le mot "publiquement" est une cheville. Il ne sert à aucune fin. J'hésite, comme législateur, à mettre un mot gui ne veut rien dire. On ne m'a pas démontré qu'il voulait dire quelque chose. Je m'excuse, mais il me semble que non, du moins.

M. Bédard: II ne faudrait pas perdre plus de temps qu'il ne le faut. Suspendons-le pour le moment, parce qu'on est dans la rhétorique un peu.

Le Président (M. Laberge): L'article 430 est suspendu.

M. Bédard: Si le mot ne veut rien dire, cela ne serait pas mal de le mettre. D'un autre côté, on a quand même l'assurance que cela n'a pas causé de problème, car on reproduit l'essentiel des articles tels que déjà libellés dans le Code civil auparavant, quoique je comprenne que la société a changé, les moeurs ont évolué. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de le laisser là? J'ai l'impression qu'il n'y aura pas beaucoup de jurisprudence là-dessus. S'il devait y en avoir une, ce ne serait pas une longue jurisprudence.

Le Président (M. Laberge): Cela va. L'article 430 est suspendu. Section 2. Des effets de la nullité. Pardon. Mme la députée de L'Acadie, sur l'article 430?

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si vous me permettriez de retourner en arrière, simplement pour vous poser une question qui est reliée...

Le Président (M. Laberge): Concernant quel article?

Mme Lavoie-Roux: C'est à l'article de la nullité pour impuissance.

Le Président (M. Laberge): C'est à l'article 428.

Une voix: Vous avez cet article à l'oeil.

Mme Lavoie-Roux: Je m'occupe de l'intérêt des femmes.

M. Blank: Cela peut être la femme qui est impuissante aussi.

Mme Lavoie-Roux: Laisse faire. Tu t'en occuperas.

Sérieusement, je sais que cet article est adopté. Je pose simplement la question. Quand je regarde ce qui a été proposé par l'Office de révision du Code civil, à l'article 429, on dit: "Le mariage contracté par une personne impuissante au moment du mariage peut être déclaré nul à la demande de l'un ou l'autre des époux." Vous autres, vous introduisez la limite d'un an. Je reviens - et si je me trompe, vous me le direz -à la question d'annulation religieuse. Je pense que la personne qui peut obtenir cette annulation sans limite de temps pour une cause d'impuissance, c'est très facile, après cela, pour elle de l'obtenir au plan religieux-C'est ça, la réalité des choses, au plan religieux, que le divorce n'est pas accepté. Est-ce que vous ne créez pas une difficulté supplémentaire pour cette personne? Elle va être obligée de faire la preuve pour la divorce et, après cela, elle va être obligée de la faire devant l'Église. Je me demande pourquoi vous avez ajouté la limite d'un an. L'office ne l'ajoute pas et vous l'introduisez. Je me demande si, dans le fond, vous rendez service. Sans ça, si ça ne sert même pas à ça, mon Dieu! comme le disait mon collègue de Saint-Laurent, on pourrait parler seulement de causes de divorce, de raisons de divorce. Je me demande, s'il n'y a pas eu ça dans l'esprit des personnes, pourquoi ils ne l'ont pas mis et pourguoi vous le mettez.

M. Bédard: Je suis convaincu que s'ils ne l'ont pas mis, au départ, ce n'est sûrement pas pour des raisons religieuses et des considérations religieuses. Je ne pense pas gu'on doive mélanger les deux parce gu'on aurait vraiment des difficultés majeures sur bien des articles.

Il ne faut pas oublier une chose, c'est que, quand la nullité religieuse est reconnue, la nullité civile ne s'ensuit pas automatiguement.

Mme Lavoie-Roux: Non, non, je sais cela, mais, guand vous obtenez la nullité civile, ce sera automatique d'obtenir la nullité religieuse.

M. Bédard: Ah, non!

Mme Lavoie-Roux: Non? Il faudra faire une autre preuve?

M. Bédard: Non. C'est un autre tribunal et c'est une autre procédure. Soyez-en certaine.

Mme Lavoie-Roux: S'il n'y a pas de problèmes, il n'y en a pas.

M. Bédard: Cela n'influence pas la marche à suivre du côté religieux.

Mme Lavoie-Roux: Mais vous ne m'avez quand même pas dit pourquoi vous avez introduit la notion d'un an.

M. Bédard: Quand il s'agit d'impuissance, après un an...

Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qui m'empêcherait de parler là-dessus?

M. Bédard: Si l'impuissance est réelle, il me semble qu'il faut, à un moment donné, mettre un délai parce qu'autrement on risque d'avoir la situation d'un conjoint qui peut indéfiniment exercer certaines pressions vis-à-vis de celui qui n'est pas en position de force. C'est exactement cela. À un moment donné, ça peut venir à être un petit chantage dans le genre: Tu sais gue tu es impuissant. Tu sais que n'importe quel temps je peux avoir la nullité. À un moment donné, si deux personnes sont placées dans cette situation, je pense qu'il y a des décisions en termes de maturité qui doivent se prendre et ça ne peut pas traîner indéfiniment. Si ça ne se prend pas dans un délai raisonnable, à ce moment-là, on accepte des choses. Sinon, c'est l'insécurité au niveau du couple.

Le Président (M. Laberge): Vous avez une question, M. le député de Sherbrooke?

M. Gosselin: J'écoutais tout à l'heure la discussion là-dessus et je me demandais si je devais intervenir parce que ça semble un principe tellement acquis qu'un mariage puisse être annulé pour motif d'impuissance. Mais moi, ça me heurte profondément parce que les motifs d'impuissance imputent une forme de responsabilité ou un odieux qui est déjà dur à porter par la personne qui subit le handicap donné, une malformation génitale ou je ne sais trop quoi. Compte tenu qu'il existe toutes les possibilités de divorce ou de séparation qu'on puisse imaginer, je trouve odieux - il y a guelgue chose qui me heurte dans le fond même - qu'on puisse déclarer une nullité de mariage pour motif d'impuissance ou invoguer ce motif-là. En tout cas, j'ai connu un couple d'amis qui a vécu cela et dont le mariage a été déclaré nul parce qu'il n'y avait pas possibilité d'avoir des relations conjugales, mais moi personnellement, si la situation devait se produire, je préférerais aller en procédure de divorce. La nullité n'impute-t-elle pas une forme de jugement sur la qualité de la personne en relation avec l'autre?

M. Bédard: Imaginez, posez-vous la question, jusqu'à quel point ça peut être heurtant aussi pour une personne qui est dans cette situation et qui ne peut pas avoir le moyen nécessaire d'en sortir. Il ne faut pas prendre seulement l'évaluation de celui qui est position difficile quant à l'impuissance, mais il faut penser aussi à l'autre personne qui a à vivre avec cette impuissance.

M. Blank: Cela peut être seulement relatif à une personne. Il peut être impuissant avec une autre.

M. Bédard: Cela, par exemple...

M. Blank: On a des cas déjà dans la jurisprudence.

M. Bédard: Oui, mais, là, il y a deux personnes qui vivent ensemble. C'est cela que je dis. Il y a des décisions en termes de maturité qui se doivent d'être prises, parce que je ne vois pas comment on peut priver d'un moyen aussi important que celui-là une personne qui a à vivre avec un état d'impuissance. C'est encore bien pire si la personne a la preuve que, dans d'autres circonstances, la puissance revient. Franchement, il y a juste un martyr dans la "gang", là!

Le Président (M. Laberge): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme LeBlanc-Bantey: On part sur une discussion très difficile. J'aurais tendance à partager un peu l'avis du député de Sherbrooke, mais si vraiment on est pris pour maintenir cette disposition dans le Code civil, je comprends l'argumentation de la députée de L'Acadie. Effectivement, comme le dit le ministre, il faut être un peu naïf pour ne pas se rendre compte, un an après le mariage, qu'il y a un problème d'impuissance. Mais il se peut que, pour des raisons familiales ou psychologiques, un des deux conjoints ait de la difficulté à admettre qu'il y a un problème d'impuissance et un an, pour des jeunes mariés, c'est vite passé. Je ne comprends pas le délai d'un an, moi non plus. Je comprends qu'on ne peut pas laisser peser la menace éternellement. Mais il reste qu'un an, je trouve cela court aussi.

Mme Lavoie-Roux: II y a toujours l'espérance que cela puisse se corriger.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est cela. On peut dire: C'est la nervosité, la pudeur et toutes sortes de raisons.

M. Forget: M. le Président, d'autant plus que ce dont il est question dans cet article, ce n'est pas l'impuissance pendant la première année. C'est l'impuissance au moment du mariage. C'est un moment; c'est une journée. Il s'agit d'une impuissance dans une journée. Ce n'est pas l'impuissance pendant un an; c'est l'impuissance pendant une journée, au moment du mariage, le jour du mariage, parce que l'impuissance le lendemain, ce n'est plus une cause de nullité. C'est cela, c'est au moment du mariage. Je pense que cela montre le caractère un peu ridicule de cette cause de nullité, parce que c'est un moment de raison, dans le fond, le moment du mariage. Cela n'existe pas.

M. Bédard: Normalement.

M. Forget: Enfin, un moment de raison, dans le sens que cela existe avant ou après le mariage. Mais, au moment du mariage, cela ne peut presque même pas exister, l'impuissance, dans le fond. Il y a une seconde avant et une seconde après, mais c'est tout.

Le Président (M. Laberge): La présidence n'a pas le droit d'intervenir, mais je pense que...

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas le droit d'intervenir.

Le Président (M. Laberge): Je n'ai pas le droit d'interpréter.

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas le droit d'interpréter.

Mme LeBlanc-Bantey: ...demander s'il y a une définition légale de l'impuissance.

Le Président (M. Laberge): Je n'ai pas le droit d'interpréter, mais je pense que tous les commentaires ont été faits. Alors, si vous voulez, on revient à l'article.

Mme Lavoie-Roux: Mais on a le droit de faire des représentations pour faire sauter le délai. J'ai même de l'appui de l'autre côté.

Le Président (M. Laberge): II avait été adopté tout à l'heure, par exemple.

Mme Lavoie-Roux: C'est vrai, mais...

Mme LeBlanc-Bantey: Ah, il avait été adopté.

M. Bédard: Je ne veux pas être rigoureux, mais je dois vous avouer que je comprends qu'on peut philosopher longtemps là-dessus, parce que c'est un problème important.

Mme Lavoie-Roux: Mais ce n'est pas de la philosophie qu'on fait, M. le ministre.

M- Bédard: Je ne pense pas en avoir discuté en philosophe non plus. Je pense avoir été assez près de la question. Il faudrait se rappeler que, dans les cas de nullité relative du mariage, autant que possible, pour fixer la situation des personnes qui sont engagées quand même dans ces liens, on a retenu généralement, tout au long du projet, à l'office aussi, une année pour faire le point et invoquer les causes de nullité. C'est évident que, si, au bout d'une année, il n'y avait absolument plus rien à faire, ce serait peut-être un peu rigide. Mais nous avons indiqué également que c'était immédiatement, au-delà de l'année, pris en relève par la possibilité d'obtenir le divorce. Comme le divorce ne pose pas plus de difficultés au point de vue civil à obtenir que la nullité - peut-être moins au point de vue de la preuve - il y avait donc encore possibilité pour ceux qui sont dans cette situation de dissoudre le lien du mariage.

Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'on revient à la section II?

M. Bédard: Article 430.

Le Président (M. Laberge): Article 431.

M. Bédard: À 431?

Le Président (M. Laberge): Article 431. Les articles 429 et 430 sont suspendus. Â la section II, Des effets de la nullité, les articles... (21 h 15)

M. Bédard: Est-ce qu'on a suspendu l'article 430?

Le Président (M. Laberge): Oui.

M. Bédard: Pour le mot "publiquement".

Le Président (M. Laberge): Sur les articles 431 à 439 inclusivement, avez-vous des commentaires, M. le ministre?

Des effets de la nullité

M. Bédard: Sur les effets de la nullité, non. Vous pouvez y aller.

Le Président (M. Laberge): L'article 431, pas de commentaires spéciaux.

M. Bédard: II n'y a pas de commentaires spéciaux. Cet article précise que la nullité de mariage ne change rien aux droits et devoirs des parents à l'égard de leurs enfants, qu'ils aient été de bonne ou de mauvaise foi. En outre, l'article précise que les enfants ne perdent aucun avantage que leur assure la loi, qu'il s'agisse de leurs droits moraux ou pécuniaires ou de leur droit d'invoquer au besoin la présomption de paternité pour confirmer leur filiation. De plus, les dispositions du contrat de mariage subsistent à leur égard, cette règle est en accord avec la suppression des distinctions entre enfant légitime et illégitime. Je pense que cela va de soi.

Le Président (M. Laberge): À l'article 431, y a-t-il des questions? Non. Adopté?

M. Blank: On parle de n'importe quelle cause de nullité, sauf l'impuissance.

Mme Lavoie-Roux: Cela peut être des enfants adoptés?

M. Blank: Non. Cela peut être fait par insémination artificielle.

M. Bédard: Tout dépend de la forme d'impuissance; c'est tout.

Le Président (M. Laberge): Article 431? Adopté. Article 432? Est-ce qu'il y a des commentaires?

M. Bédard: Cet article 432 reprend en la clarifiant la règle de l'article 163 du Code civil à l'égard des époux. L'article 163 du Code civil disait: "Le mariage qui a été déclaré nul produit néanmoins des effets civils tant à l'égard des époux qu'à l'égard des enfants lorsqu'il est contracté de bonne foi." Le deuxième alinéa vise à régler le problème de deux époux de bonne foi qui désirent reprendre chacun leurs biens ou dont l'un désire reprendre ses biens et l'autre demander la liquidation du régime conformément à l'article 434 proposé. Dans ce cas, la faveur est donnée à la présomption que le régime a existé puisque celui-ci est censé avoir été au bénéfice des époux. Je n'ai pas eu de remarques sur cet article.

Le Président (M. Laberge): L'article 432 est-il adopté?

M. Bédard: Cela permet des conventions.

C'est cela.

Le Président (M. Laberge): Article 432, adopté. Article 433?

M. Bédard: Dans les cas de mauvaise foi, les époux n'ont pas le même choix que lorsqu'ils sont de bonne foi; c'est évident. Ils reprennent leurs biens seulement et il serait inopportun d'octroyer les effets civils du mariage à ceux qui ont voulu agir en fraude de la loi.

Le Président (M. Laberge): L'article 433 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 434?

M. Bédard: Cet article laisse un choix à l'époux de bonne foi entre reprendre ses biens ou encore demander la liquidation du régime matrimonial. Ce choix est opposable à l'époux de mauvaise foi.

Le Président (M. Laberge): Article 434, adopté. Article 435?

M. Bédard: Article 435. Dans l'état actuel du droit, les donations entre vifs restent acquises à l'époux de bonne foi, sauf stipulation contraire du contrat. L'exécution n'en peut cependant être demandée avant qu'elle ne soit devenue exiqible. L'article 435 propose, en s'inspirant de l'article 208 du Code civil, de reconnaître au tribunal le pouvoir non seulement de différer le paiement des donations entre vifs, comme le propose l'Office de révision du Code civil, mais aussi de les réduire ou de les déclarer caduques, qu'elles soient exiqibles ou non. L'article 554 vise le même effet en matière de divorce, on le verra plus loin. Cette solution plus souple permet au tribunal de tenir compte des circonstances, notamment de la durée plus ou moins longue du mariage.

M. Blank: Dans la dernière partie que vous avez justement lue, M. le ministre, est-ce que la question de la constitutionnalité n'entre pas en jeu? On peut peut-être proclamer ces articles de la loi, les articles sur le mariage, la nullité, etc., mais vous ne pouvez quand même pas proclamer celui du divorce parce que vous n'en avez pas le droit. Comment pouvez-vous vous référer à l'article 439: "Le tribunal statue, comme en matière de divorce..." quand le divorce n'existe pas? Cet article sur le divorce où on parle d'accroissement des actifs des conjoints, vous ne le proclamerez pas.

M. Bédard: Non. Cet article ne se réfère pas au divorce...

M. Blank: Oui. Oui.

M. Bédard: Non.

M. Blank: Article 439, oui.

M. Bédard: L'article 439, une seconde.

Mme Lavoie-Roux: On est à l'article 435.

M. Bédard: C'est dans mes notes que je réfère à cela.

M. Blank: Je parle d'une question "at large". Vous avez lu vos commentaires sur toute cette section, sur tous les articles. Quand vous parlez des effets du divorce, je vous dis qu'on va entrer dans ce problème. Même si vous proclamez l'article 439, cela n'a aucun effet.

M. Bédard: Au point de vue technique, je pense qu'on a prévu cette situation qui fait que dans un article, si on réfère au divorce, il y aurait possibilité d'adopter une disposition afin de le rendre opérant pour cet article-là, mais inopérant pour ce qui reqarde le divorce. D'accord?

M. Blank: Ce problème, on va le retrouver partout dans la loi.

M. Bédard: On l'a partout. On en a disposé au début, en mettant chacun les réserves qu'on trouvait nécessaires.

M. Blank: Je ne sais pas comment on peut adopter des lois conditionnelles.

M. Bédard: Est-ce qu'il y a des questions?

Le Président (M. Laberge): Je pense que Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine avait une question.

Mme LeBlanc-Bantey: Juste une question, et j'espère que ce n'est pas la même que celle du député de Saint-Louis. Comme il ne parle pas fort, je ne le comprends pas toujours.

Qu'implique, dans le premier paragraphe, "sauf stipulation contraire au contrat"? D'un côté, on semble vouloir protéger l'époux de bonne foi, mais, en même temps, on dit "sauf stipulation contraire au contrat", ce qui veut dire que, s'il y a une stipulation contraire au contrat...

M. Bédard: Si les époux en conviennent autrement dans leur contrat, il faut respecter leur convention, leur volonté clairement exprimée dans le contrat.

Mme LeBlanc-Bantey: J'espère que les époux qui font des contrats ne sont pas trop sentimentaux et émotifs.

M. Bédard: C'est pour cela qu'un contrat de mariage, outre l'émotivité, c'est un contrat important.

Le Président (M. Laberge): Questions? M. Forget: Non.

Le Président (M. Laberge): Non. Article 435, adopté. Article 436?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 437?

M. Bédard: Les donations à cause de mort.

M. Forget: Dans le cas de l'article 437, lorsqu'on le compare à l'article 438 du rapport de l'Office de révision, on se rend compte que le projet de loi adopte une solution beaucoup plus radicale, c'est-à-dire la caducité automatique des donations à cause de mort en cas de nullité de mariage, alors que l'Office de révision permettait au tribunal d'annuler ou de réduire les donations irrévocables faites à cause de mort en tenant compte des circonstances. Le tribunal pouvait aussi les maintenir, bien sûr, parce que c'était un pouvoir du tribunal de les réduire ou de les annuler. Quelles sont les considérations qui ont inspiré une rédaction aussi stricte de cette disposition?

M. Bédard: Les donations à cause de mort, si on fait l'analyse un peu juridique de ces donations, sont faites à la condition qu'au moment du décès survive la qualité d'époux, dans le cas d'époux.

Évidemment, ici, dans le cas de nullité de mariage, cette qualité d'époux disparaît. D'autre part, les donations à cause de mort, quelque forme qu'elles prennent, ont un caractère successoral et, souvent, dans les contrats de mariage, elles peuvent être irrévocables. Elles peuvent même être par voie d'institution d'héritiers de sorte que la totalité du patrimoine est cédée par une donation à cause de mort. Il semble que, si l'effet de ces donations à cause de mort était maintenu à la suite d'un mariage nul, le conjoint qui serait lié par cette donation serait fort embarrassé pour disposer de sa succession par la suite en faveur de son deuxième conjoint avec lequel il serait véritablement marié ou à l'égard de ses enfants, s'il en a. Du point de vue de la technique juridique, c'est peut-être sévère.

M. Forget: Je peux concevoir et reconnaître comme valable l'argument qui vient d'être présenté parce qu'on considère ici des donations à cause de mort dont bénéficie un des conjoints. Je ne voudrais pas dire d'hérésie, mais n'est-il pas vrai que le contrat de mariage peut donner lieu à des donations à cause de mort qui impliquent des tiers? On peut imaginer que le donateur qui s'est lié par ce contrat de mariage ou qui bénéficie de cette donation peut, entre le moment du contrat de mariaqe et le prononcé de la nullité, par exemple, être mort lui-même. Il y a un élément de rétroactivité là qui peut être irrémédiable dans la nullité qu'on prononce dans toutes les circonstances des donations à cause de mort. Je comprends que c'est un peu parti des moeurs. Cela se retrouve beaucoup moins que de régler les problèmes dynastiques en quelque sorte via le contrat de mariage et c'est peut-être tellement désuet qu'on n'a plus besoin de s'en préoccuper. Il reste qu'il y a des donations qui ont été faites, mais là il y a probablement des problèmes de dispositions transitoires.

Est-ce que cette règle nouvelle et plus sévère s'appliquera aux mariaqes contractés avant l'adoption de cette loi?

M. Bédard: J'aimerais vérifier. Les dispositions transitoires, c'est 437. Comme elles ne sont pas ouvertes encore, puisque la condition qui permet de les ouvrir n'est pas encore arrivée, je crois que la loi va s'appliquer. Je crois qu'il n'y a pas de dispositions transitoires pour les

réserver. Cela ne les modifie pas, somme toute, cela n'intervient pas dans celles qui seraient déjà ouvertes. Celle qui est a cause de mort n'a pas encore produit son effet, c'est au décès seulement qu'elle va produire son effet. Il n'y a pas de dessaisissement comme dans le cas d'une donation entre vifs, par exemple, où il y a déjà un effet juridique qui est produit dès le moment de la donation, de sorte que celles-là sont maintenues et celles à cause de mort sont toujours suspendues à l'arrivée de la condition. Je crois qu'il n'y a pas de dispositions transitoires; donc, c'est l'effet immédiat de la loi qui viendrait dire que ces donations deviendraient caduques de par l'application de 437.

Mon collègue regardait les dispositions transitoires. Je crois qu'il n'a pas trouvé. Oui, mais... La réponse que je viens de vous donner me paraît conforme au projet.

M. Forget: II faudrait une expertise presque notariale pour savoir s'il est prudent de faire en sorte que des mariages déjà contractés, des contrats de mariage et des donations à cause de mort dans des contrats de mariage existant au moment de l'entrée en vigueur de cette loi et qui sont intervenus dans des mariages qui pourraient être déclarés nuls après l'adoption de ce nouveau Code civil pourraient ainsi être radicalement éliminés par l'effet du nouveau Code civil. (21 h 3D)

M. Bédard: M. le Président, est-ce que ça va?

M. Forget: Ce n'est peut-être pas un problème majeur, mais seulement des notaires pourraient nous dire...

M. Bédard: On n'a pas de droit acquis. La preuve, c'est que, si on décède, on ne transmet pas un droit, parce que la condition d'une donation à cause de mort, c'est de survivre, et on ne survit plus, comme époux, quand il y a nullité. Mon analyse est assez théorique au point de vue juridique, mais elle est conforme, je pense.

M. Forget: II s'agit de donation entre époux, d'un époux à l'autre, à cause de mort. L'argumentation est impeccable, je pense. Mais comme des tiers peuvent être affectés, des tiers gui ne sont plus en mesure de corriger l'effet de l'application du nouveau Code civil, je ne sais pas si on fait une chose prudente.

M. Bédard: La Chambre des notaires ne nous a pas fait d'observation à ce point de vue; je ne sais pas si elle en a, mais elle n'en a pas produit.

Mme Lavoie-Roux: La Chambre des notaires nous a transmis ça à propos de l'article 435.

M. Blank: C'est nouveau; on a reçu ça aujourd'hui de la Chambre des notaires.

M. Bédard: Vous m'excuserez, je ne l'ai pas lu parce que vous l'avez reçu aujourd'hui.

Mme Lavoie-Roux: C'est sur l'article 435. Le Président (M. Laberge): En attendant, peut-être que Mme la députée...

M. Bédard: On pourrait suspendre l'article 435.

M. Blank: C'est pour l'article 435.

M. Bédard: Est-ce qu'ils parlent de l'article 437?

M. Blank: Oui, dans le bas de la page.

Mme Lavoie-Roux: Oui, dans le bas de la page.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme LeBlanc-Bantey: Si on suspend l'article, je vais quand même émettre une opinion pour qu'ils réfléchissent entre-temps.

M. Bédard: Les commentaires qui sont ceux qu'on a. Ils ne font pas d'observation critique sur l'article 437 en matière de donation à cause de mort.

M. Forget: C'est sur l'article 435.

Mme Lavoie-Roux: C'est sur l'article 435.

M. Forget: Ils suggèrent qu'il faudrait faire une distinction entre les obligations qui ont été exécutées et celles qui ne l'ont pas été au moment où la nullité est prononcée.

M. Bédard: II est possible que le tribunal en tienne compte dans l'exercice de sa discrétion.

M. Forget: Oui, quoique le tribunal pourrait effectivement exiger répétition.

M. Bédard: Oui, c'est possible. Mais ça poserait peut-être des problèmes, surtout si la donation reçue a été dépensée, n'existe plus.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'on est encore à l'article 435 ou si on est rendu à l'article 437?

M. Bédard: Est-ce que ça va pour l'article 437?

Le Président (M. Laberge): On est à l'article 437.

M. Forget: Article 437.

Le Président (M. Laberge): C'est l'article 437 ou 435...

Mme LeBlane-Bantey: Articles 435 et 437... M. Forget: Sous réserve...

M. Bédard: Des dispositions transitoires, mais on va le garder présent à l'esprit.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous

le laissez ouvert ou...

M. Bédard: Non, il n'y a pas de problème, sur l'article 437. Est-ce qu'on avait fermé l'article 435?

Le Président (M. Laberge): Non, il était adopté. À moins que vous vouliez le rouvrir.

M. Forget: Sur l'article 437, la seule chose que je pourrais ajouter, c'est qu'il serait peut-être opportun d'examiner - c'est seulement une sugqestion - une distinction entre les donations à cause de mort entre conjoints et les donations à cause de mort impliquant des tiers.

M. Bédard: Les tiers comme donateurs...

M. Forget: Oui.

M. Bédard: ... ou comme donataires?

M. Forget: Peut-être les deux.

M. Bédard: Peut-être les deux.

M. Forget: Peut-être les deux. Peut-être trouvera-t-on, après examen... Je n'ai pas l'expertise, je pense que nous ne disposons pas de l'expertise nécessaire, mais ce serait prudent de ne pas créer des situations nouvelles sans bien les voir venir d'avance. Pour ce qui est de l'article 435, M. le Président, si on pouvait me permettre d'y revenir, étant donné les commentaires nouveaux de la Chambre des notaires. Ils suggèrent qu'essentiellement ce qui a été donné soit considéré comme donné, entre conjoints, même dans les cas de nullité. C'est-à-dire que s'il y a eu des obligations qui ont été exécutées, qu'on ne revienne pas sur le passé vis-à-vis du conjoint de bonne foi. Cela semble raisonnable.

Mme LeBlanc-Bantey: Après le commentaire que vient de faire le député de Saint-Laurent, je voudrais revenir au "sauf stipulation contraire du contrat". Au risque d'avoir l'air paternaliste, ou maternaliste, je me dis que le conjoint de bonne foi qui s'en va signer un contrat de mariage, ignore que son autre conjoint est peut-être de mauvaise foi et que dans six mois il devra demander une nullité de mariage pour une raison ou pour une autre. Donc, s'il y a une suggestion quelconque de faire des stipulations contraires au contrat qui serait prévu au droit qu'il aura en vertu du Code civil, le conjoint de bonne foi risque effectivement de dire: Pourquoi pas, pour découvrir, six mois plus tard, que son conjoint était de mauvaise foi et qu'en vertu de cela il peut demander la nullité du mariage. Dans ce sens-là - je ne sais pas si mon argumentation est claire - je trouve que par ces quelques mots, on lui enlève la protection de l'article 435.

M. Forget: II faut dire que le conjoint, qui insiste pour inscrire dans un contrat de mariage que les donations qu'il fait ou les obligations qu'il contracte seront caduques en cas de nullité du mariage et qui sait d'avance qu'il est de mauvaise foi, se livre à une opération assez curieuse. Je comprends que les parties s'entendent, mais il y en a une qui sait qu'elle est de mauvaise foi et l'autre qui est de bonne foi.

M. Bédard: Au départ...

Mme LeBlanc-Bantey: L'autre ne le sait pas et, s'il est arrivé à la convaincre de le marier, il peut bien réussir à la convaincre de mettre une stipulation contraire au contrat.

M. Bédard: II y a peut-être aussi une petite différence entre parler de nullité avec toute sa rétroactivité au sens strict et parler de ce qui est caduc. La caducité, ça veut dire que ce qui est encore en vigueur, existant, cesse pour l'avenir. Je me demande s'il n'y a pas, dans le deuxième alinéa de notre article 435, somme toute, une prévision suffisante pour permettre au tribunal de tenir compte de celles qui ont déjà été exécutées, donc, qui n'existent plus. À partir du moment où elles ont été exécutées, les donations, comme toute obligation, cessent. Il y a celles qui n'ont pas été exécutées, pour lesquelles le tribunal peut déclarer la caducité ou les réduire évidemment, de sorte qu'elles ne produiraient pas leur effet, ne pourraient pas être réclamées. Je pense que le concept de caducité ici vise davantaqe l'avenir et il est distinct de celui de la nullité, qui, lui, vise une répétition, si vous voulez, de l'état antérieur, pour replacer les époux dans l'état antérieur. Sans compter, au surplus, la discrétion du tribunal, mais il est lié par le concept de caducité cependant.

M. Forget: Cette distinction entre nullité et caducité peut être démontrée dans la jurisprudence comme étant acceptée ou est-ce une hypothèse que vous formulez?

M. Bédard: C'est appliqué à d'autres parties du droit que j'ai pu vérifier en jurisprudence. En parlant des offres, par exemple, on ne déclare pas des offres nulles, on les déclare caduques après un certain temps, un certain délai. Donc, elles ont été bonnes tout le temps qu'elles ont duré, mais il vient un temps où elles cessent de produire leurs effets pour l'avenir. Dans le cas d'une donation, encore une fois, qui a été exécutée, elle est consommée, si je puis dire. Personne n'a plus rien à demander, elle a été exécutée et je me demande s'il n'y a pas une distinction juridique suffisante pour faire la distinction entre les deux.

M. Forget: D'ailleurs, l'article 432, premier alinéa, semblerait vous donner raison puisqu'on dit que "le mariage qui a été déclaré nul produit des effets civils en faveur des époux qui étaient de bonne foi". Donc, la donation qui a été reçue de bonne foi est valablement reçue et ne peut pas être répétée.

M. Bédard: Pour ce qui a été exécuté. Ça va?

M. Forget: Oui.

Mme LeBlanc-Bantey: "Sauf stipulation contraire du contrat".

M. Bédard: C'est à l'article 435? Le Président (M. Laberge): Oui.

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce que l'article 435 est suspendu?

Le Président (M. Laberge): Votre question peut être posée sur l'article 435.

M. Bédard: Ça ne change rien .

Mme LeBlanc-Bantey: Elle a été posée tout à l'heure et je n'ai pas obtenu de réponse, c'est ça que je veux dire.

Le Président (M. Laberge): C'est pour ça que je vous permets de la répéter.

Mme LeBlanc-Bantey: Vous avez réglé la question du député de Saint-Laurent, mais...

Le Président (M. Laberge): Nous avons peine à vous entendre d'ici.

Mme LeBlanc-Bantey: "Sauf stipulation contraire du contrat", est-ce qu'il y a une raison quelconque pour laquelle vous tenez à ce que ça soit gardé dans l'article 435?

M. Bédard: II n'y a pas d'objection de principe, mais on pense que ça ne changera pas nécessairement la règle si on l'enlève.

Mme LeBlanc-Bantey: Ça peut donner beaucoup plus de chances à l'époux de bonne foi.

M. Bédard: Dans l'exercice de la liberté contractuelle des époux qui est sanctionnée par le droit civil, ce qui n'est pas prohibé par les concepts d'ordre public, de bonne moeurs ou des lois impératives peut, au point de vue contractuel, être fait. Cela n'empêchera pas, c'est sûr, à moins qu'on n'interdise de les faire, les clauses de caducité qui deviennent peut-être plus courantes dans les contrats rie mariage actuellement. Ce n'est pas le fait de le dire ou de ne pas le dire qui va affecter le principe ou toucher au principe de la liberté.

Mme LeBlanc-Bantey: Ce qui est un peu frustrant, c'est que, dans le fond, on est en train de légiférer pour accorder des obligations et des droits et, de l'autre côté, vous êtes en train de me dire que, par les contrats de mariage, on peut rendre caduc tout ce qu'on est en train de légiférer ici, en vertu de la liberté.

M. Bédard: La validité de ces clauses est déjà reconnue par les tribunaux. Il fut un temps où elles étaient suspectes, mais, actuellement, elles sont reconnues à cause de leur forme et parce qu'elles sont dans l'exercice de la liberté. Il est possible aussi - je ne fais que mentionner cet aspect-là - que, si les donations ne peuvent pas être assorties d'une clause de caducité, les donateurs soient plus réservés dans leurs donations et qu'ils préfèrent ne pas en faire.

Mme LeBlanc-Bantey: Mais il y a quand même un élément ici qui est l'élément de l'époux de mauvaise foi. C'est cela, la différence. Dans des mariages, il y a des causes de divorce pour une raison ou une autre. Cela va, je peux comprendre, mais il y a quand même ici un élément de mauvaise foi évidente.

M. Forget: Je suis d'accord avec la députée des Îles-de-la-Madeleine que, quand il y a mauvaise foi, si le conjoint qui est de mauvaise foi fait insérer dans le contrat de mariage, sciemment, une clause de nullité des donations qu'il fait dans le contrat de mariage, il se trouve à bénéficier deux fois de sa mauvaise foi en quelque sorte. D'abord, l'ensemble du contrat est vicié de sa mauvaise foi, mais, en plus de cela, il a inséré dans le contrat une clause qui l'avantage en raison même de sa mauvaise foi. C'est cela qui semble odieux.

M. Bédard: II est nul dans le contexte. En plus de cela, s'il est de mauvaise foi, il n'aura pas droit aux donations.

M. Forget: Non, lui n'y aura pas droit, mais le conjoint de bonne foi...

M. Bédard: Lui, il n'y aura pas droit, comme il va avoir nullité à cause de sa mauvaise foi.

M. Forget: Oui, lui ne sera pas impliqué, mais le conjoint de bonne foi devra, à cause de cette clause-là, renoncer à des avantages qui autrement seraient siens en vertu du premier paragraphe de l'article 435 à cause du...

M. Bédard: À cause de la mauvaise foi de l'autre.

M. Forget: ...dol, en quelque sorte, du conjoint de mauvaise foi gui a prévu que le contrat pourrait être annulé et qui s'est prémuni de cette nullité-là en disant: En dépit du fait de la règle générale que le conjoint de bonne foi pourrait bénéficier des donations, il ne le pourra pas, parce qu'il a prévu d'avance le coup. Il me semble que, là, on avantage le conjoint de mauvaise foi.

M. Bédard: II est probable, cependant, que la clause sera jugée nulle, puisque justement elle est faite dans un dessein que vous venez de décrire et, par conséquent, elle n'aura pas d'effet.

M. Blank: Ce n'est pas certain. Si vous avez ces mots ici dans cet article-là, vous donnez ouverture à l'existence de ces clauses.

Le Président (M. Laberge): À l'article...

M. Bédard: On va l'enlever.

Mme LeBlanc-Bantey: On va l'enlever.

M. Bédard: Adopté, en l'enlevant. Cela va?

Le Président (M. Laberge): L'article 435, qui était adopté, est donc ouvert pour enlever les mots, au premier paragraphe, "sauf stipulation contraire du contrat".

M. Bédard: C'est cela.

Le Président (M. Laberge): Cet amendement est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Le premier paragraphe se terminera donc par les mots "en considération du mariage.", les mots "sauf stipulation contraire du contrat" étant biffés.

L'article 435 amendé, adopté de nouveau.

M. Bédard: Adopté de nouveau.

Le Président (M. Laberge): On parle d'adoption...

M. Bédard: On ne pourra pas dire qu'il n'a pas été adopté.

Le Président (M. Laberge): Celui-là est adopté. Je rappelle l'article 437 qui n'était pas adopté.

M. Bédard: Je pense que nous l'adoptions, mais...

M. Forget: J'avais fait une suggestion, mais ce n'est qu'une suggestion...

M. Bédard: ...il y avait une suggestion...

M. Forget: ... d'examiner la distinction entre...

M. Bédard: ... à laquelle nous donnerons suite quand il s'agit d'un tiers.

M. Forget: C'est cela.

Une voix: On le laisse alors en suspens?

M. Bédard: Non, on va le vérifier.

M. Forget: On y reviendra avec une réponse, il faut présumer. (21 h 45)

Le Président (M. Laberge): Alors, on le laisse en suspens. L'article 438?

M. Forget: Adopté. M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 438 est adopté. L'article 439?

M. Forget: Les commentaires,je les avais faits déjà.

M. Bédard: Oui, c'est déjà fait et je pense qu'il n'y a pas eu d'autres remarques là-dessus.

Le Président (M. Laberge): Pas de commentaires. L'article 439 est adopté.

Maintenant, nous passons au chapitre sixième, des effets du...

Mme Lavoie-Roux: ...M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Excusez-moi, sur l'article 439?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Hier, une ou deux associations ont fait des remarques concernant l'utilisation du terme "aliments" ou "pension alimentaire". Je sais que le terme "aliments" a un sens très précis dans ce contexte. La suggestion qui a été faite, c'est de parler de mesures compensatoires comme étant une chose plus adaptée. Je vois que les juristes n'ont pas l'air du tout d'accord.

M. Bédard: Le mot "aliments", c'est vraiment un mot qui, en droit, ne siqnifie rien d'autre. Cela n'a aucune connotation péjorative. C'est vraiment un mot purement juridique. J'aurais des ohjections aux mots "mesures compensatoires", car ici on ne compense rien. C'est un droit, ce n'est pas une compensation pour une dette ou une quasi-dette comme dans le cas de l'apport à l'accroissement de l'actif dont on reparlera sans doute plus loin. Je pense que les mots "mesures compensatoires", d'abord, introduiraient peut-être des confusions avec la prestation compensatoire. Je crois que ce n'est pas une compensation. C'est vraiment un droit sui generis au secours quotidien. C'est pour cette raison que j'aurais beaucoup d'objections.

D'accord?

Mme Lavoie-Roux: Quand la cour définit ce qu'elle considère comme des aliments, à quel type d'opération les gens doivent-ils se soumettre pour décider, par exemple, de ce qui constitue la pension alimentaire?

M. Bédard: En tout cas, c'est vraiment tous les besoins de la vie courante qui sont couverts par la notion d'aliments, ce qui est vraiment nécessaire pour la vie eu égard aux besoins de celui qui réclame et aux facultés de celui qui doit les aliments. Alors, c'est quelque chose de différent de la prestation compensatoire. C'est vraiment pour assurer les besoins de la vie courante.

D'accord?

Le Président (M. Laberge): L'article 439 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Chapitre sixième, Des effets du mariage. Article 440?

Chapitre sixième Des effets du mariage

M. Bédard: M. le Président, j'aurais une remarque très succincte, mais importante. À ce chapitre, les effets du mariage sont tous déclarés d'ordre public. Cela reconduit, d'ailleurs, la règle de l'article 1252 du Code civil actuel. Il importe toutefois de souligner une différence importante. Les effets impératifs du mariage sont beaucoup plus étendus dans le projet de loi que dans le Code civil actuel. En effet, la section des droits et devoirs des époux a été profondément modifiée. En outre, une section importante sur la résidence familiale, comme on le sait, a été ajoutée.

Cette section est marquée du principe de l'égalité juridique des époux dans la direction morale et matérielle de la famille. C'est donc la fin de la prééminence juridique d'un époux sur l'autre. Cette nouvelle philosophie de l'égalité des époux transforme tout le chapitre correspondant du Code civil de 1866. Ainsi, aux droits et devoirs traditionnels des époux dans le mariage s'ajoutent celui de respect d'abord et celui de vie commune. Cette notion nouvelle est davantage celle d'une communauté de vie que celle, plus restrictive, d'une simple cohabitation physique. Cette égalité se traduit plus concrètement encore par le droit pour la femme d'exiger que son nom de naissance soit respecté par tous, par la codirection matérielle et morale de la famille, par le choix, de concert, de la résidence familiale, par une contribution aux charges du mariage en proportion des facultés respectives des époux, par une solidarité des époux vis-à-vis des tiers dans le paiement des dettes relatives aux besoins courants de la famille, par le pouvoir des époux de se donner l'un à l'autre un mandat de représentation.

En un mot, le projet de loi propose une égalité complète des époux. Il est vrai gu'une égalité aussi absolue peut conduire les époux devant le tribunal pour trancher leurs différends, mais les avantages de créer une société conjugale fondée sur une collaboration pleine et entière de chacun des époux et la perspective d'une réforme parallèle de l'administration de la justice familiale l'emportent sur certains des inconvénients éventuels de cette nouvelle conception de la vie familiale.

Je dépose également deux amendements, l'un visant à la suppression de l'article 442 dont le rappel nous ramène à 1964, alors que la loi 16, plus connue sous le nom de bill 16, abolissait l'incapacité de la femme mariée, et l'autre visant la rédaction de l'article 449 pour tenir compte de la demande conjointe des époux et mieux définir le rôle du tribunal, notamment dans la perspective de la création d'un tribunal de la famille doté de services auxiliaires. Ce sont les remarques préliminaires, M. le Président, sur ces sections.

Le Président (M. Laberge): Avant d'entreprendre la section I, l'article 440 qui est détaché de la première partie sera-t-il adopté?

M. Bédard: C'est le caractère public. Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. À la section I, Des droits et des devoirs des époux, article 441. Cet article sera-t-il adopté?

Vous avez un commentaire? Vous pouvez y aller.

Des droits et des devoirs des époux

Mme LeBlanc-Bantey: J'ai un commentaire comme ça. Quand on dit: "Ils sont tenus de faire vie commune", je me demande si ça correspond à la réalité de beaucoup de couples, en commençant par les députés.

M. Bédard: J'ai bien mentionné tout à l'heure qu'il ne fallait pas assimiler l'expression "vie commune" au mot "cohabitation".

Mme LeBlanc-Bantey: D'accord. Excusez-moi.

M. Bédard: D'accord?

Mme LeBlanc-Bantey: Je pensais aux Gaspésiens et aux Madelinots qui s'en vont travailler à la Baie James pendant des mois et des mois.

M. Bédard: Vous pouvez en être un exemple très éloquent.

Mme LeBlanc-Bantey: Comme nous tous, d'ailleurs.

M. Bédard: Exactement.

Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire quoi, alors?

M. Bédard: La vie commune, c'est au niveau de l'intention toujours continue des gens de faire une vie commune ensemble.

Mme LeBlanc-Bantey: Ce sont des symboles, dans le fond.

M. Bédard: C'est une expérience solidaire, mais qui n'implique pas que tous les jours les époux doivent, pour faire vie commune, cohabiter nécessairement. Il est clair que les aléas de la vie...

Mme Lavoie-Roux: C'est de temps en temps qu'il faut qu'ils soient ensemble.

M. Bédard: Oui, le plus souvent possible, si vous voulez mon opinion.

Le Président (M. Laberge): L'article 441 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 442?

M. Forget: On propose de le supprimer.

Le Président (M. Laberge): On propose de le supprimer, justement. L'article 442 sera supprimé.

M. Forget: Est-ce qu'on peut nous expliquer ce qui a poussé le ministre à l'inscrire et à l'enlever puisqu'il n'est pas dans le rapport de la commission de révision du Code civil?

M. Bédard: Mais il était dans l'article 44. M. Forget: Dans l'article 44?

M. Bédard: C'est peut-être par un souci excessif d'être bien sûr que ça ne diminue pas la capacité.

M. Forget: Mais est-ce que cela va de soi que ça ne diminue pas la capacité? Je pense que la question se pose peut-être...

M. Bédard: Cela dépend sous quel angle.

M. Forget: C'est un peu comme une société selon le Code civil. Cela diminue un peu la capacité dans le sens où il y a un associé.

M. Bédard: Ou cela limite la liberté. Cela peut diminuer la liberté, mais je crois que ça ne diminue pas la capacité juridique.

M. Forget: Et, à défaut de cet article, il n'y a aucun danger qu'une disposition autre du Code civil soit utilisée pour plaider qu'effectivement, en posant tel ou tel acte, il y a une espèce de capacité diminuée, sur le plan juridique, de poser l'acte seul? On sait que même avec les réformes de 1964, pendant des années, certaines institutions financières, etc., ont exigé encore la signature du mari, par exemple. Il y a donc une tentation à lire entre les lignes d'un certain nombre de dispositions du Code civil une capacité diminuée pour la femme, mais, dans le fond, ça pourrait aussi évoluer et atteindre également les deux conjoints. Est-il prudent d'enlever cet avertissement, en quelque sorte? C'est une règle d'interprétation dans le fond que rien ne doit être interprété dans le Code civil, dans le chapitre du mariage, comme une diminution de la capacité juridique.

M. Bédard: Peut-être à cause de certaines dispositions qu'on retrouve au niveau de la résidence familiale, qui créent des obligations qu'on veut, de part et d'autre, assez strictes.

M. Forget: C'est cela.

M. Blank: Son père lui conseille de vendre la maison...

M. Bédard: II est préférable d'enlever l'article.

M. Forget: Cela peut créer un conflit de droit.

M. Bédard: Parce qu'à un moment donné, cela peut donner ouverture à des contestations qui ne mèneraient nulle part.

M. Forget: Effectivement, il y a une capacité diminuée du propriétaire d'un immeuble qui est utilisé comme résidence familiale d'en disposer ou de l'hypothéquer.

M. Bédard: C'est cela.

M. Forget: Donc, ce n'est pas vrai que cela laisse intacte la capacité juridique des parties.

M. Bédard: C'est globalement que cela se peut, dans des circonstances particulières. Pour des avantages plus importants, cela peut diminuer un aspect de la capacité, mais, globalement, je pense qu'il est clair que le tout est positif.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Après ces commentaires, l'article 442 est supprimé. Article 443?

M. Bédard: A l'article 443, est-ce qu'il y a des commentaires?

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'aurais des remarques en vue de modifier le mot "patronymique" par les mots "ses nom de famille et prénom", patronymique trouvant ses racines dans le mot "pater". Ce n'est pas moi qui ai trouvé cela, mais...

M. Bédard: Ce n'est pas certain que ce soit relié au mot "pater".

L'ancêtre commun, c'est assez mythique, finalement. Je ne pense pas que cette connotation paternaliste qu'on lui attribue vienne du grec "patros".

Mme Lavoie-Roux: Allez chercher le Larousse et le Robert.

En anglais, il n'y a pas de problème, c'est "surname". Mais en français. Est-ce que vous avez un dictionnaire?

M. Bédard: D'autre part, quand on prend le dictionnaire, on voit que le nom patronymique, c'est le nom de famille. C'est la définition qui est donnée. Le nom principal, c'est cela. À ma grande surprise, d'ailleurs, cela n'a pas de connotation paternaliste. Avec les nouveaux mots composés qui vont pouvoir surgir dans le paysage à partir de la liberté de donner le nom qu'on veut, je pense qu'on est mieux de ne pas courir de risque de ce côté-là. D'ailleurs, la transmission du nom du père qui se fait par la coutume présentement est un phénomène relativement récent. Le nom patronymique a toujours existé, mais que ce soit le nom du père, c'est une relation qui est récente, relativement, par rapport à l'histoire. C'est pour cela que l'origine est plutôt celle du mot patron, "patros", qui était le nom de l'ancêtre, qui n'a pas toujours été celui du père, en fait.

Mme Lavoie-Roux: Cela vient du mot grec "pater", père et "onuma", nom.

M- Forget: Au nom du père.

M. Bédard: Vous êtes dans le grec.

Mme Lavoie-Roux: Par contre, ce gue vous dites, "nom patronymique, nom commun à tous les descendants d'une race et tiré de celui qui en est le père, comme les mots "mérovingiens", "carolingiens"."

Mme LeBlanc-Bantey: II faut un mot ordinaire, extrêmement simple.

Mme Lavoie-Roux: Le nom de famille, tout le monde sait ce que c'est, le nom de famille.

Mme LeBlanc-Bantey: Tout le monde connaît cela, tout le monde dit cela. Et cela ne frustre personne.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes d'accord pour mettre le nom de famille?

M. Bédard: Oui. Je n'ai pas d'objection, non plus. M. Guy me fait certaines remarques.

Mme Lavoie-Roux: Si vous voulez l'examiner un peu plus longtemps avant de le modifier, je n'ai pas d'objection.

M. Bédard: Cela pourrait valoir la peine de les porter à l'attention de la commission.

Le nom de famille, ce n'est peut-être pas très juridique actuellement. Cela pourrait le devenir, c'est évident. Il y a des familles monoparentales, il y a des familles... Enfin, le mot famille lui-même évolue beaucoup dans notre société. Il faudrait s'assurer qu'on comprenne ce que cela veut dire et que ce soit interprété avec la règle d'attribution des noms. (22 heures)

Mme Lavoie-Roux: Par exemple, quand on nous fait remplir des formulaires, on nous demande toujours le nom de famille et le prénom.

M. Bédard: Au point de vue administratif. Mme Lavoie-Roux: C'est la formule.

M. Bédard: On n'a pas d'objection, je pense qu'on s'interroge ensemble.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que j'essaie de répondre. C'est vrai que, sur le plan juridique, cela n'a peut-être pas un sens précis, mais vous ne l'avez jamais utilisé, voyez-vous.

M. Bédard: Oui, mais il y a plus de technicité dans le Code civil qu'il n'y en a dans les formules administratives qui s'adressent à tous les citoyens. C'est peut-être pour cela, parfois, que c'est un peu plus technique.

Mme Lavoie-Roux: Si vous voulez y repenser, ce n'est pas grave.

M- Bédard: On peut le voir. On y avait pensé, on savait que cela viendrait.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 443...

M. Bédard: Suspendu pour qu'on examine le nom de famille.

Le Président (M. Laberge): L'article 443 est suspendu. J'appelle l'article 444.

M. le député de Saint-Laurent sur l'article 444.

M. Bédard: À l'article 444...

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: ... énonce le principe de la direction conjointe de la famille dans le respect de l'égalité complète des époux. Il ne dit mot de l'éducation ni de l'entretien des enfants puisqu'il s'agit là d'un aspect de la direction morale et matérielle de la famille. Ces questions précises sont réglées par les articles 641 et 642 que nous aurons l'occasion d'examiner un peu plus tard.

M. Forget: M. le Président...

M. Bédard: Maintenant...

M. Forget: ... je ne veux pas interrompre le ministre.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: Je sais que le chef de l'Opposition, entre autres, a fait certaines remarques au niveau du discours de deuxième lecture. Peut-être que vous voulez en parler.

M. Forget: C'est un peu cela. D'abord, le langage de cet article est un peu difficile à percer dans le sens qu'il parle de la direction. C'est très limitatif. On a l'air de vouloir s'adresser, dans le fond, aux responsabilités parentales. Mais ce ne sont pas les responsabilités parentales, on en traite ailleurs. Si ce ne sont pas les relations parentales, ce sont donc les relations entre les conjoints. Dire qu'ils dirigent conjointement le ménage dans leurs relations entre eux, cela n'a pas de sens, évidemment; il n'y a personne qui dirige, c'est une relation d'égalité. Cela, on l'a déjà dit à l'article 441.

Je me demande si, dans le fond, la première phrase de l'article 441 ne contient pas toute la substance de l'article 444. "Les époux ont, en mariage, les mêmes droits et les mêmes obligations." Cela s'applique tant à la direction qu'à l'exécution de toutes les tâches; cela couvre tout, les droits et les obligations. Je me demande si on a vraiment besoin d'un article comme celui-là, à moins qu'on ne veuille le faire déboucher sur l'autorité parentale exercée conjointement. Le ministre nous dit que ce n'est décidément pas cela dont il est question; je me demande si on a besoin de cet article, tout simplement.

M. Bédard: Je ne me ferai pas tordre le bras pour le garder nécessairement parce gue je crois qu'il y a un très bon fondement dans le raisonnement que vient d'évoquer le député de Saint-Laurent. Peut-être pourrions-nous le suspendre pour ne pas aller plus vite qu'il ne le faut non plus et nous permettre de faire une dernière vérification.

Le Président (M. Laberge): Article 444. Aviez-vous une question?

Mme LeBlanc-Bantey: Le Conseil du statut rie la femme préconisait l'introduction du partage des tâches domestiques et je trouvais que c'était une excellente idée.

M. Bédard: Pardon?

Mme LeBlanc-Bantey: Je voulais souligner que le Conseil du statut de la femme préconisait l'introduction du partage des tâches domestiques et je trouve que c'est une excellente idée.

M. Bédard: L'égalité aura ses effets.

Mme LeBlanc-Bantey: Cela ne sera pas notre plus grosse bataille, dans les circonstances.

M. Blank: On va acheter un lave-vaisselle.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est comme cela que les mentalités évoluent et changent.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, on va y revenir, vous pouvez le garder en suspens; j'avais préparé une formulation, on verra à ce moment-là.

Le Président (M. Laberge): L'article 444 est en suspens.

M. Blank: Au sujet des tâches domestiques?

Mme Lavoie-Roux: Surtout pour le député de Saint-Louis!

Le Président (M. Laberge): Article 445? M. Bédard: Cela va, adopté.

M. Fontaine: L'article 444, qu'est-ce qu'on a fait avec?

Le Président (M. Laberge): On le suspend, on y reviendra.

M. Bédard: À l'article 445, on ne fera pas intervenir une troisième personne.

Le Président (M. Laberge): L'article 445 est adopté. Article 446?

Une voix: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Cela va.

M. Bédard: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Rien de spécial. L'article 446 est adopté. L'article 447?

M. Bédard: Concernant les tiers, une seconde, M. le Président. Cet article remplace le mandat légal donné à la femme par la solidarité dont le fait de représentation s'étend à chacun des époux tant qu'ils ne sont pas séparés de corps. Le principe de l'égalité des époux est ainsi étendu aux tiers par rapport aux besoins courants de la famille.

M. Forget: C'est un mandat légal implicite. M. Bédard: C'est cela, solidairement... M. Forget: C'est normal. M. Bédard: ...ils sont à égalité.

M. Forget: M. le Président, vous êtes allé vite un peu. À l'article 446, c'est le Conseil du statut de la femme, si mes notes sont correctes, qui suggérait l'abrogation du deuxième alinéa. Ce deuxième alinéa se lit comme suit: "Chaque époux peut s'acquitter de sa contribution par son activité au foyer." Je n'ai pas le mémoire, ici. C'est l'article 446, deuxième alinéa.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Forget: II voulait l'abroger.

Mme Lavoie-Roux: Vois-tu, c'est...

M. Bédard: Je suis un peu surpris par cette représentation faite par le Conseil du statut de la femme, parce qu'il me semble qu'on enlève un moyen à l'épouse de faire valoir sa contribution au foyer comme étant un élément qui puisse lui permettre de...

Une voix: Ou à l'époux.

M. Forget: Mme la députée de L'Acadie, je crois, avait une remarque à faire à ce sujet. II semble qu'on voit une contradiction...

M. Bédard: II s'agirait de...

M. Forget: ...à cet article, avec l'article 555.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

Le Président (M. Laberge): L'article 555.

M. Bédard: Lequel?

Mme Lavoie-Roux: L'article 555, section 1.

Le Président (M. Laberge): On était rendu à l'article 447, mais on est revenu à l'article 446.

M. Fontaine: Ah bon!

Mme Lavoie-Roux: On est à l'article 446.

M. Bédard: II parle de la compensation, l'article 555?

Le Président (M. Laberge): Oui. L'obligation par le tribunal de verser une compensation.

Mme Lavoie-Roux: Ce à quoi le député de Saint-Laurent faisait référence, c'est une remarque du Conseil du statut de la femme. Je dois vous avouer que je ne l'ai pas examinée. Si vous me le permettez, je peux la lire et on va voir s'il y a un fondement à ceci: "Quant au paragraphe 2 de l'article 1.446 qui reconnaît au conjoint la possibilité de s'acquitter de sa part aux charges du mariage par son activité au foyer, le Conseil du statut de la femme demande qu'il soit abrogé. Même si l'intention du législateur est fort louable en la matière, ce paragraphe, en relation avec l'article 1.555 concernant l'attribution d'une mesure compensatoire, pourrait nuire aux femmes au foyer. En effet, il nous semble qu'un juge pourrait refuser une mesure compensatoire à une femme en tenant pour acquis que son activité au foyer constitue sa contribution aux charges du mariage et non un apport à l'accroissement de l'actif de son conjoint."

M. Bédard: Oui, mais c'est une notion de... M. Forget: C'est une question de référence.

M. Bédard: C'est peut-être vrai sur un aspect...

Mme Lavoie-Roux: Non.

M. Bédard: ...mais c'est plus aléatoire sur l'autre. La suppression de cet alinéa...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bédard: ...n'aura pas nécessairement pour effet de favoriser - en tout cas, c'est notre interprétation - une interprétation de la notion de compensation de l'accroissement de l'actif du conjoint comme comprenant l'activité au foyer, si celle-ci ne dépasse pas une activité d'usage. D'autre part, la suppression de cet alinéa risque d'avoir pour conséquence que l'activité au foyer ne puisse pas être considérée comme contribution aux charges du mariage. C'est probablement l'intention louable dont parle cet article, notamment dans le cas où les deux conjoints travaillent à l'extérieur, alors qu'un seul accomplit les tâches domestiques.

M. Forget: Je ne pense pas qu'il y ait des contradictions. De fait, l'un est presque la condition de l'autre: si un des époux reste au foyer...

M. Bédard: C'est cela; il n'y a pas de contradictions.

M. Forget: ...il peut non seulement ainsi s'acquitter de sa part des charges du mariage, il peut, de la même façon, contribuer à l'accroissement de l'actif de l'autre conjoint. Mais cela suppose que la contribution au foyer est reconnue comme valable au départ.

M. Bédard: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Pas de contestation. L'article 446 demeure adopté. Article 447?

M. le ministre.

M- Bédard: Je crois que j'ai donné les explications sur cet article tout à l'heure. Sur cet article, le député de Nicolet-Yamaska avait fait certaines représentations. Je voudrais ajouter -parce que j'ai écouté attentivement ses représentations lors de la deuxième lecture - que cette solution ne menaçait pas le principe de la contribution en nature entre époux, puisque l'époux qui contribue en nature et qui a été tenu de payer pourra se faire rembourser par son conjoint.

D'autre part, les tiers n'ont aucun moyen de connaître la contribution à laquelle chacun des époux est tenu, de sorte qu'ils pourraient refuser de faire confiance au conjoint au foyer. Dans ces circonstances, la famille en souffrirait. Enfin, le conjoint peut se libérer totalement pour l'avenir, en portant a la connaissance du tiers sa volonté de n'être pas engagé. Je pense que cela répond à une interrogation très valable que se posait le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Mais il reste un fait, c'est que le conjoint dans la grande majorité des cas, est l'épouse qui demeure au foyer, et elle se verrait obligée d'acquitter des dettes solidaires qui auraient pu être contractées par l'époux. À ce moment, je pense que c'est un petit peu inégal. On recevait dernièrement un mémoire du front commun qui disait ceci: "Le principe de solidarité des dettes pour les besoins courants est inacceptable, puisqu'il existe une grande inégalité financière entre les conjoints. Ainsi, nous voudrions que le principe de la réalisation en fonction de leurs facultés respectives s'applique aussi à cet article." C'est endossé par l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, (l'AFEAS), la FFQ, la CSN, la Ligue des femmes du Québec, l'Association des femmes de Radio-Canada, le Carrefour des associations de familles, l'Association des femmes collaboratrices de leur mari, l'Association des femmes diplômées des universités, le Centre de santé des femmes, le Centre refuge, la Fédération des unions de familles, le Comité d'action politique des femmes du PQ, Parents uniques Laval...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une...

M. Forget: Ce n'est pas une bonne référence?

Mme Lavoie-Roux: Non.

M. Bédard: J'espère que avez du respect pour toutes les femmes du Québec, Mme Lavoie-Roux. J'espère que votre respect des femmes est au-dessus de la partisanerie.

M. Fontaine: Ensuite de cela: Inform'elle, Vie nouvelle, YWCA. Je pense que ce sont des représentations qui devraient faire réfléchir le ministre à ce sujet parce que, comme je l'ai dit en deuxième lecture, on devrait plutôt retenir la suggestion qui a été faite par l'Office de révision et essayer de voir à ce que la solidarité ne soit que limitée dans la contribution. (22 h 15)

M. Bédard: On pourrait essayer de réfléchir ensemble sur les effets que cela peut avoir. Je pense que tout le monde peut avoir cette réaction au départ, mais, on oublie peut-être - je l'ai mentionné tout à l'heure - qu'il est toujours possible à un des conjoints de réclamer la part qui lui est due à l'autre conjoint. Il faudrait peut-être aussi évaluer par rapport aux tiers quelles seraient les conséquences que cela pourrait avoir, étant donné que les tiers ne savent pas la proportion qui existe ou qui a été déterminée entre les conjoints. Pour ce qui est de l'usage courant, avant de faire quelque engagement que ce soit, je pense que, si la règle de la solidarité n'existait pas, à ce moment-là, on pourrait assister à certains inconvénients qui vont l'emporter sur les avantages pour les tiers. Remarquez que je ne suispas fixé dans le ciment, mais je pense qu'on a ensemble l'obligation d'essayer de fouiller le plus possible au niveau de la préoccupation qui est admise.

M. Fontaine: Seulement une remarque là-dessus. Quand on parle de pouvoir réclamer à l'époux ou à l'autre conjoint, c'est peut-être un droit qu'on a, mais, de la à l'exercer, à s'en prévaloir et à se faire rembourser, il y a une grande marge.

M. Bédard: C'est la partie des inconvénients dont je faisais état. Regardons avec peut-être un ou deux exemples que pourrait nous donner M. Guy quels seraient les inconvénients de l'autre côté, par exemple, si on laissait tomber la solidarité.

Je pense qu'il serait peut-être souhaitable de distinguer deux ordres de relations ou de rapports ici. Il y a les époux entre eux qui, comme le disent les deux alinéas de l'article 446

contribuent chacun selon ses facultés respectives. Entre les époux, cela peut se faire par l'activité au foyer. L'autre peut être celui qui paie le compte d'électricité, le compte d'épicerie, enfin qui acquitte parce qu'il travaille à l'extérieur. Mais si on regarde le rapport des époux à l'égard des tiers, vis-à-vis des fournisseurs, il est certain que les fournisseurs n'ont aucun moyen de savoir comment les époux entre eux se partagent, selon leurs facultés, la contribution aux charges du mariage. Il est possible que les deux époux travaillent et gagnent tous les deux de l'argent, mais qu'il y en ait un qui assume plus que l'autre et qui assume peut-être même en exclusivité les charges du mariage, enfin les activités au foyer, les charges domestiques.

Ce sont des situations que les époux connaissent très bien, mais que les tiers ne connaissent pas. Si le tiers qui a fourni des aliments réclame le paiement à l'épouse, si elle n'a pas de revenu, il n'y a pas de problème; il ne la poursuivra pas. Le tiers est habitué: II va poursuivre celui qui a de l'argent. S'il poursuit l'épouse parce qu'elle a de l'argent et qu'elle estime qu'elle a déjà acquitté sa contribution par son activité au foyer, elle va mettre en cause, parce qu'elle sera poursuivie au moyen d'une action en paiement de ce qui est dû par son mari à son point de vue à elle, son mari dans la même action. Il n'y aura pas un deuxième recours après. La procédure prévoit qu'on peut mettre immédiatement en cause le mari et cela va permettre au tiers de se faire payer. L'important, c'est que le tiers aussi soit certain de son paiement. Autrement, il peut poursuivre l'un et se faire répondre qu'il n'est pas tenu à toute la dette, mais qu'il n'est tenu qu'aux trois quarts de la dette. Cela l'oblige à prendre une deuxième action pour aller poursuivre l'autre pour les 25%. C'est une situation,]e pense, que l'office n'avait pas, dans un rapport avec les tiers, peut-être évaluée d'une façon aussi précise.

Je comprends que la solidarité, c'est vis-à-vis du tiers, mais, entre eux, cela ne change pas les rapports qu'ils ont et, surtout par une voie de mise en cause dans le même recours que le tiers exercera, il me semble que cela peut fonctionner. Autrement, je pense que le tiers... Actuellement cela fonctionne bien, parce qu'il y a un mandat légal et que le mari est poursuivi pour la totalité et le tiers se fait payer. Il n'y a pas de problème, mais avec une répartition aussi souple que les facultés respectives, le tiers ne sait plus qui poursuivre et ne sait plus pour quelle partie de la dette poursuivre non plus.

Il faut que cela fonctionne demain et que les gens puissent continuer de s'approvisionner. Autrement, il n y aura peut-être plus de ventes à crédit; il y aura plutôt des ventes au comptant que des ventes à crédit pour ne pas courir de risque.

Enfin, c'est l'explication générale que je peux fournir.

Je crois également que la notion de solidarité se situe un peu dans le sillon de la notion d'égalité et ce serait, en quelque sorte, revenir au mandat domestique, ce qui existait auparavant, je dirais. Je ne pense pas que ce soit le désir contenu dans l'ensemble des principes fondamentaux du projet de loi sur lequel nous nous étions mis d'accord.

Si les tiers ne savent pas à quoi s'en tenir, on va peut-être revenir à d'anciennes pratiques qu'on veut justement expulser à l'heure actuelle, c'est-à-dire que, lorsqu'il va s'agir, par exemple, d'une femme au foyer qui va faire des achats assez importants, on va aussitôt recommencer à demander l'autorisation du mari, vérifier son crédit, etc. Autrement dit, un tas de démarches humiliantes desquelles on veut sortir et que la solidarité permet de supprimer, je pense.

On peut compliquer, au contraire, la vie de la femme et la vie du couple parce que les tiers, à partir du moment où on n'inscrit pas la règle de la solidarité, peuvent créer pas mal d'embêtements avant de décider de s'engager de leur côté. Si on a affaire à des tiers qui, constamment, demandent la dénonciation, d'une certaine façon, des ententes qui existent entre les deux époux avant de s'engager vis-à-vis des besoins - ne l'oublions pas courants de la famille, à ce moment-là, j'ai l'impression qu'on va... Je comprends que cette proposition est faite de bonne part par l'ensemble des organismes que vous avez mentionnés et je peux vous assurer que j'ai demandé qu'on aille au fond des choses pour être convaincu, parce qu'il n'y a rien de plus facile que de dire oui, mais, quand on dit oui, il faut avoir l'impression de vraiment rendre service à ceux qui le demandent et c'est tout à fait normal. En tout cas, j'ai demandé aux légistes de fouiller en profondeur cette demande-là pour être bien sûr qu'on rend service et on n'a vraiment pas la conviction, au bout de la ligne, que cela rendrait service à la femme et à la famille.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: La remarque que j'aurais à formuler est sur le concept de besoins courants, la réalité concrète du principe de l'égalité et de la solidarité dans les dettes et les biens, sauf que dans la réalité concrète, pour sûrement 90% des couples, un seul des conjoints travaille, soit l'homme, et l'épouse est éducatrice des enfants à la maison; la femme n'exerce pas ou exerce très peu son pouvoir de dépenser. Je pense que, dans la réalité concrète, celui qui prend les décisions est souvent l'homme seul. Il arrive que l'homme prenne ces décisions-là seul, au niveau de l'automobile, par exemple.

M. Bédard: Je pense que c'est moins le cas quand on parle des besoins courants. La femme, au contraire, prend...

M. Gosselin: Mais cela dépend, est-ce que l'automobile est un besoin courant?

M. Bédard: ... certainement une partie des décisions.

Une voix: Cela dépend.

Mme LeBlanc-Bantey: N'entrez pas dans les préjugés du magasinage.

M. Gosselin: Évidemment, si on a affaire à une situation de fait, si les partenaires sont vraiment égaux dans le couple, ont les mêmes chances, ont les mêmes accès au crédit, ça va, mais je pense à des situations types de couples où, dans les faits, l'homme, étant encore le

pourvoyeur ou celui qui gagne le revenu familial, prend les décisions importantes. Je ne fais que le signaler. De fait, cela dépend de la notion qu'on se fait de besoins courants. Je connais des couples immatures - il y a des gens qui sont immatures dans la vie de famille, dans la vie de couple - qui pourraient s'endetter pour l'achat d'une automobile de $10,000, par exemple, et divorcer en pleine dette après que l'automobile a été "scrapée", un an plus tard. Et la femme porterait le fardeau financier. de cette automobile sans en avoir bénéficié. Cela dépend de la définition qu'on se fait de besoins courants et du genre de dettes qui pourraient être contractées.

M. Bédard: M. le Président...

Mme LeBlanc-Bantey: Je lui avais demandé la parole.

Le Président (M. Laberge): Oui. Est-ce que M. le ministre répond à cette question?

M. Bédard: Non. Je vais laisser les autres s'exprimer.

Le Président (M. Laberge): Vous laissez faire?

Alors, Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme LeBlanc-Bantey: On a une discussion que je qualifierais d'avocasserie. Je trouve ça compliqué.

M. Bédard: On ne comprend pas.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est la même chose quand c'est vous qui parlez.

M. Bédard: Oui, je sais. C'est de nous y faire penser.

Mme LeBlanc-Bantey: Alors, tout le monde va faire un effort pour parler plus fort.

Ce que je disais, c'est qu'on entre dans des discussions que je qualifierais non péjorativement d'avocasserie et je trouve ça toujours difficile de m'y retrouver, mais je comprends la philosophie du ministre sur le principe de l'égalité, de la solidarité, etc. En termes de philosophie, c'est excellent. En termes pratiques, on a souligné la difficulté que ça pourrait supposer pour la majorité des femmes qui n'ont pas encore les moyens financiers de supporter une solidarité de ce genre. Est-ce gue vous avez envisagé ou est-ce que même c'est envisageable au niveau juridique - si ma question est naïve, je ne m'en sens pas complexée - une solidarité, tout en mettant une disposition qui prévoirait que c'est finalement le conjoint - et dans certains cas, ça peut être la femme - qui a les revenus qui serait responsable, quand même, des dettes? À ce moment-là, le stiers sauraient qui poursuivre.

M. Bédard: Je vous ferai remarquer que la disposition, qu'elle soit libellée de quelque manière que ce soit, ne changera pas les habitudes du créancier ou des tiers qui vont toujours poursuivre celui des conjoints qui a un revenu.

Mme LeBlanc-Bantey: Cela rassurerait les qroupes de femmes qui...

M. Bédard: Tout à l'heure, je l'ai bien dit, on a essayé de fouiller le plus en profondeur possible les conséquences que pourrait avoir le fait de donner suite à cette demande. S'il n'y avait que le principe théorique: il y a l'égalité, donc, la solidarité, je n'argumenterais pas longtemps là-dessus et d'ailleurs, je n'ai pas à argumenter longtemps là-dessus. C'est plutôt au niveau des effets pratiques, des inconvénients pratiques que ça peut avoir, ce que j'ai énoncé tout à l'heure, envers les conjoints. À partir du moment où les tiers savent qu'il peut y avoir un partage différent entre les époux au niveau de la responsabilité du paiement des dettes, c'est clair que nous allons voir à des tiers qui, à ce moment-là, vont être beaucoup plus vigilants - si je peux employer l'expression - et gui, avant de s'engager vraiment, vont vouloir - j'appelle ça des tracasseries très importantes - savoir d'une façon plus détaillée quelles sont les ententes entre les deux conjoints. En fin de compte, ça peut représenter, je pense, plus d'inconvénients que d'avantages. On peut le garder ouvert. J'exprime dans quel esprit on l'a analysé. Ce n'est sûrement pas avec l'idée de dire non. C'est peut-être d'essayer de donner suite à cette demande, mais en étant bien conscient qu'on rend service.

Le Président (M. Laberge): L'article 447 est-il laissé en suspens?

M. Forget: Non. Je n'avais qu'une remarque, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: On a ici des dispositions, si on se réfère à l'article 440, qui s'appliquent indépendamment du régime matrimonial.

Essentiellement, ce qu'on dit aux articles 446 et 447, c'est que, dans la mesure où on parle des besoins courants, quel que soit le régime matrimonial, on vit, en fait, en communauté de biens. Je pense qu'il y a peut-être un certain flottement au niveau de la cohérence. Je pense que c'est cohérent avec la communauté d'acquêts qui est le régime légal, mais il reste que, même dans les cas où les conjoints font un contrat de séparation de biens, même dans les cas où les deux conjoints ont un revenu et, donc, à la fois en pratique et par leur intention manifeste au moment du mariage, par leur contrat, ont choisi un régime matrimonial de séparation, la loi les oblige à vivre vis-à-vis des tiers en communauté de biens pour ce qui est des besoins courants. Je pense que c'est peut-être un aspect auquel on n'a pas pensé, on n'a pas regardé tout ça sous cet éclairage jusgu'à maintenant. Mais est-ce qu'on veut vraiment aller aussi loin que ça? Je comprends les arguments du ministre, à savoir que les tiers vont vouloir, de toute façon, être sûrs qu'ils ont un débiteur solvable derrière les achats d'aliments, de vêtements, etc. De toute façon, les conjoints entre eux ne sont tenus à contribuer que dans la mesure de leurs ressources et, comme il s'agit de besoins courants, dans la mesure où ils en ont profité aussi, dans le fond. On ne parle pas d'acquisition de biens de luxe.

Les bâtons de golf, des billets d'avion pour des voyages en Europe ou des histoires comme ça, ça ne fait pas partie de la définition des besoins courants. (22 h 30)

M. Blank: Le manteau de fourrure.

M. Forget: Je pense que c'est une définition assez restrictive des besoins courants. C'est dans la mesure où les deux en bénéficient gue ça peut être gualifié de besoins courants. Dans le fond, c'est une question gue je pose. C'est une expression qui est effectivement interprétée par la jurisprudence comme couvrant à peu près n'importe quelle dépense de n'importe quel ménage. À ce moment-là, on serait en train de décréter la communauté de biens universelle et sans limite, quel que soit le régime matrimonial. Dans le fond, si tout tombe dans les besoins courants, selon le niveau de revenu de la famille, on va couvrir même le voyage en Europe ou en Chine, si le niveau de revenu le permet. Là, peut-être gu'on va au-devant de ce gue le client demande, dans un certain sens.

M. Bédard: Je répondrai peut-être à cela gue c'est déjà ce que nous avons, sauf qu'actuellement, avec le mandat domestique, c'est le mari qui est maître de cette communauté, tandis que là, on en fait une communauté bilatérale. C'est déjà la situation actuelle, avec cette différence que c'est le mari qui est maître de la communauté en question.

M. Forget: Oui. C'est un progrès que de dire que les deux sont capables d'engager la responsabilité financière du ménage. Le seul point, c'est gue, comme c'est une disposition d'ordre public, elle contrevient même à l'expression manifeste des conjoints. De plus en plus, les femmes vont sur le marché du travail pour un salaire, contre rémunération, ont des contrats de mariage en séparation de biens, mais on leur dit, même dans ces cas-là: Vous vivez de fait en communauté de biens. La guestion, c'est gue si l'expression "les besoins courants" selon le niveau de revenus ça peut vouloir couvrir toute dépense, même somptuaire, à ce moment-là, on se contredit.

M. Bédard: II est certain que plus les époux sont riches, plus la notion de besoins courants s'élargit. On peut ajouter que c'est certain que sous tous les régimes, même quand on se marie en séparation de biens, avec ce régime primaire ou ce régime impératif de la section I et de la section II gui s'en vient, celle de la résidence,il y a une sorte de nouvelle notion communautaire qui se développe. C'est le bien de la famille. Les besoins courants, c'est pour le bien de la famille, c'est l'intérêt de la famille. La résidence aussi.La philosophie gui a inspiré les dispositions relatives à la résidence la considère, encore une fois, comme une sorte de bien de la famille, une sorte de bien commun. Vous avez parfaitement raison guand vous évoquez gue, même en séparation de biens, il faudra, par rapport aux besoins courants de la famille, par rapport à la résidence, se comporter d'une certaine façon comme s'il y avait une nouvelle communauté imperative, au-delà de laquelle on peut se séparer de biens, mais il faudra respecter ce minimum. Je pense que c'est dans la philosophie du projet, effectivement. Il serait préférable de s'accorder encore un peu de réflexion sur cet article. Je pense qu'on est tous animés du même désir d'essayer de rendre service. Au fil de la discussion, on s'aperçoit qu'on a peut-être avantage à approfondir encore un peu...

M. Fontaine: Je pense que oui.

M. Bédard: ...avant de fermer l'article.

Le Président (M. Laberge): L'article 447 est laissé en suspens. Article 448?

M. Bédard: Article 448. Cet article étend à la direction morale et matérielle de la famille la règle du mandat gue l'article 178 du Code civil établissait pour l'exercice des droits et pouvoirs que le régime matrimonial attribue à chacun des époux. C'est sans doute aussi le sens gu'il faudrait attribuer au mot "même" dans l'article 45 gui a été proposé par l'Office de révision du Code civil.

Pour ce qui est du deuxième alinéa de l'article 448, le mandat est présumé dans les deux hypothèses qui y sont décrites: impossibilité pour un des époux de manifester sa volonté, ou impossibilité de le faire en temps utile. On ne réfère pas ici, en particulier, aux besoins courants du ménage parce gue la situation est déjà réglée par l'article 447 qui a pour effet d'établir cette présomption face aux tiers. C'est là, évidemment, une autre exception au principe que les époux doivent prendre leurs décisions ensemble, mais elle tient compte des diverses circonstances qui peuvent survenir dans la vie quotidienne. Soulignons, toutefois, gue, dans le cas où le consentement du conjoint est reguis par une règle du régime matrimonial, cette exception ne pourrait pas s'appliquer vu l'article 478.

Le Président (M- Laberge): M. le député de Sherbrooke.

M- Gosselin: J'aimerais avoir des précisions sur l'application concrète à partir d'exemples. "Chacun des époux peut donner à l'autre mandat de le représenter dans les actes relatifs à la direction morale et matérielle de la famille." Est-ce que cela veut dire qu'un papier, une déclaration signée à l'intention de mon épouse l'autorisant pleinement ou la désignant pleinement guant aux transactions qu'elle pourrait avoir à effectuer pour les réparations de la maison, pour les réparations de l'automobile, ce gue j'appelle les frais courants, devrait être reçue, aurait force légale? La situation de fait présente, c'est gue le seul conjoint qui travaille ou qui amène un revenu, c'est l'homme dans le couple, chez nous. C'est une expérience vécue tous les jours face aux institutions financières, par exemple; dans les engagements réguliers, l'épouse n'a pas de statut. Est-ce gue cette disposition de 448 confirme un réel statut? C'est une guestion que je formule. J'essaie de voir jusqu'à guel point cela modifie.

M. Bédard: C'est une question sérieuse. Un bref commentaire. L'article 440 qui a été évoqué tantôt dit gue les dispositions de ce chapitre sont impératives. Donc, si on regarde les articles 443 et 444, par exemple, le choix de la résidencs,

tout se fait ensemble, tout est impératif. Il fallait prévoir à 448, parce qu'on sait fort bien qu'on ne peut pas toujours tout faire ensemble -il y a des circonstances, soit la maladie, ou l'absence, qui font qu'il est utile de le prévoir -qu'on puisse se donner un mandat, par exemple, celui d'aller choisir la résidence familiale. Il peut arriver qu'un époux n'a pas le temps d'être libéré et dit à son conjoint: Choisis donc l'appartement ou bien, le logement. Cela permet à 448 de se donner un mandat pour aller choisir le logement. C'est là une souplesse. Autrement, on serait prisonnier du caractère impératif de la règle de dire qu'on choisit la résidence à deux.

Seulement, par le mandat c'est une technique qui fait que la responsabilité juridique continue de reposer sur les deux époux. L'un n'est pas obligé de donner mandat à l'autre, mais il peut le faire et cela peut être très utile dans beaucoup de circonstances de le faire. Dans ce sens, je pense qu'il faut se décrocher un peu de 440 pour arriver à faire fonctionner notre cogestion ou notre codirection de la famille.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais revenir sur l'article 448. De toute la discussion qu'on a eue, j'aurais une remarque. L'article 448, d'une certaine façon, est relié à l'article 444 qui, lui, est en suspens et dans lequel on a parlé de direction morale et matérielle. Ce sont les mêmes termes qu'on reprend à 448: "dans les actes relatifs à la direction morale et matérielle de la famille." Évidemment, je ne l'ai pas souligné à 444 parce qu'il y a possibilité de le faire sauter.

M. Bédard: Même si on faisait sauter l'article 444, techniquement, je veux dire, cela ne nous empêcherait pas...

Mme Lavoie-Roux: Non, mais réduire - ce n'est peut-être pas réduire, mais enfin - ou limiter à la direction morale et matérielle les responsabilités conjointes ne me semblait pas suffisant si on gardait l'article 444. D'ailleurs, je l'aurais modifié dans le sens que les époux assument ensemble les responsabilités morales, matérielles et parentales du foyer. Quand vous arrivez à 448, on ne parle plus d'actes relatifs aux responsabilités morales, matérielles et parentales de la direction du foyer. Sans aller dans la question de la division des tâches domestiques - parce que je trouve qu'on exagère un peu - je pense que l'intention est bonne; mais j'aimerais quand même, compte tenu que trop souvent la mère assume toutes les responsabilités qui ont trait au soin des enfants, qu'on dise que chacun des époux peut donner à l'autre le mandat de le représenter dans les actes relatifs aux responsabilités morales, matérielles et parentales de la direction du foyer. J'ajouterais l'élément "parentales" parce que quand on parle de responsabilités parentales, ce n'est pas juste...

M. Bédard: II peut ne pas y avoir d'enfants.

Mme Lavoie-Roux: S'il n'y en a pas, il n'y en a pasl

M. Bédard: Je comprends!

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais "morales" et "matérielles" de la famille, ce n'est pas cela, ce sont des responsabilités parentales.

M. Bédard: Vous avez ces notions au niveau de l'autorité parentale. Vous avez tout cela. En tout cas, on pourra y revenir.

Mme Lavoie-Roux: En tout cas, les relier à l'article 444.

M. Bédard: On ne l'a pas adopté, on l'a laissé en suspens.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. On a laissé 448 en suspens pour faire la concordance.

M. Bédard: On a laissé 448 en suspens et on pourrait peut-être relire...

M. Blank: Avec 448...

M. Bédard: ...les articles concernant l'autorité parentale.

M. Blank: ...il y a aussi 445. Je me demande quelque chose. On parle ici de mandat; □n donne une interprétation stricte de l'article 445, c'est-à-dire que si le mari achète la maison lui-même...

Mme Lavoie-Roux: Solo.

M. Blank: Solo... Ce n'est pas valide sans que la femme signe l'acte?

M. Bédard: Je ne suis pas sûr que ce soit aussi sévère que cela. C'est une chose que d'acheter un immeuble, mais c'est autre chose que de le destiner à la résidence familiale. Ils peuvent bien acheter un immeuble et ensuite dire: On en fait notre résidence familiale, mais choisir de vivre dans l'immeuble ou dans tel appartement, pour moi, c'est un acte qu'on détache de celui d'acquérir un immeuble ou de louer un local.

Mme Lavoie-Roux: Ou de continuer à acquérir des immeubles en leur nom personnel.

M. Bédard: Oui, mais décider, quand ils ont loué un appartement, que c'est là que les deux époux feront leur résidence familiale, je pense que là cela demande un acte à deux. Le mari peut bien louer un local et son épouse dire: On n'en fait pas notre résidence familiale; je ne suis pas d'accord. Finalement, il faudra peut-être qu'ils en louent un autre, s'il a été imprudent. L'acte juridique de location me paraît parfaitement valable, mais il serait prudent qu'il s'assure de l'accord de son épouse ou de son conjoint avant.

M. Blank: Le propriétaire va insister sur cela.

M. Bédard: Pour lui, il n'y a pas de problème, le bail reste techniquement valide. Le problème n'est pas entre le locateur et le locataire. C'est le locataire qui étant marié a peut-être imprudemment loué un appartement pour sa famille sans avoir le concours de son conjoint et qui là se retrouve avec un conjoint

qui ne veut pas aller vivre dans cet appartement ou dans cette maison qu'il a achetée à la campagne. En conséquence, les actes sont valides, mais il a un problème familial. Cela donne une bonne idée du chapitre de la résidence familiale.

Mme LeBlanc-Bantey: II y a un terme juridique. Le mot "mandat", pour revenir un peu à ce dont traitait le député de Sherbrooke, est-ce que cela implique un mandat écrit? N'importe quel conjoint pourrait prétendre qu'il a eu un mandat de sa femme ou de son mari alors qu'en réalité il n'aurait pas eu de mandat, si on n'exige pas un mandat écrit. Il me semble que c'est important.

M- Bédard: Dans certains cas, il est présumé, mais il faut qu'il le prouve.

Il faut qu'il le prouve parce que les règles d'ordre public, les dispositions d'ordre public sont claires, celles qui précèdent l'exception sont là: 441 et suivants.

M. Fontaine: Que penser des remarques du professeur Ernest Caparros quand il dit: Étant donné que maintenant on accepte qu'il y ait des contrats entre époux, qu'on permette de contracter entre époux, on n'aurait pas besoin d'indiquer le mandat puisqu'il est déjà permis ailleurs dans le code. (22 h 45)

M. Bédard: C'est clair. Vous pouvez y aller. Ce que j'évoquais tantôt, c'est que l'article 440 déclare d'ordre public tout le chapitre. Comme on a indiqué, à l'article 441, qu'ils ont les mêmes droits et les mêmes obligations et que, par la suite, on dit que tout doit se faire ensemble, si on veut que cela puisse se faire par voie de mandat et séparément. Il est peut-être extrêmement prudent de prévoir cela. S'il n'y avait pas de caractère impératif, je pense que le professeur Caparros, je le suivrais volontiers. C'est à cause du caractère impératif.

Ils peuvent faire tous les contrats qu'ils veulent entre eux, à condition qu'ils n'aillent pas contre l'ordre public. C'est là justement votre problème. C'est que l'on aurait affaire à des contrats qui iraient, éventuellement, contre les règles impératives du régime ici; d'où l'obligation peut-être de donner cette possibilité de mandat pour déroger, assouplir des règles impératives.

M. Forget: Ce mandat peut être de plusieurs sortes. Je pense que cela rejoint un peu la préoccupation du député de Nicolet-Yamaska. On parle d'un mandat pour représenter le conjoint "dans les actes relatifs". On pourrait utiliser une autre expression: dans l'acte ou dans des actes. Ce que je vise, c'est est-ce qu'il peut y avoir, en quelque sorte, même dans le contrat de mariage, une renonciation générale, un mandat général?

M. Bédard: Une sorte de mandat général.

M. Forget: Pour la durée du mariage, un des conjoints donne mandat à l'autre conjoint de le représenter. Je pense qu'à ce moment-là on serait à la limite de quelque chose qui contreviendrait à l'article 440. Même si on ne va pas aussi loin que cela, il reste qu'il y a toute une marge entre un mandat spécifique et un mandat général. Combien général il peut être de façon à ne pas devenir contraire à l'article 440? Est-ce qu'on peut d'avance, sans avoir rien de précis à l'esprit, donner un mandat général? Je comprends qu'en cas d'absence, par exemple, en cas de voyage à l'étranger, etc., cela va bien. Mais dans d'autres circonstances, est-ce qu'on peut, pour toute une catégorie de gestes, se départir, en quelque sorte, de l'exercice d'un droit? De la façon dont cela est formulé, je pense que cela ouvre la porte à une formulation extrêmement large.

M. Bédard: J'aurais peut-être deux courts commentaires là-dessus. Pour ce qui est du mandat, il est certain qu'un article comme l'article 1703 du Code civil va nous guider sur ce qui est possible avec un mandat de portée générale et un mandat particulier. Quand le mandat est en termes généraux, on dit gu'il ne vise ou n'embrasse que les actes d'administration; donc, c'est assez important. Dans certains cas, il faut un mandat spécifique ou spécial, si vous voulez, pour poser certains gestes.

Ma deuxième observation: Si le mandat devait être interprété comme dérogeant ou allant au-delà de ce que la règle doit recevoir comme interprétation, s'il visait à comporter, plutôt qu'un mandat, une renonciation à ce que la loi estime être...

M. Forget: Délégation.

M. Bédard: ...- délégation - impératif, je douterais de la validité d'un pareil acte. Je ne sais pas si mon collègue peut, là-dessus, ajouter quelque chose, mais je douterais. Si cela avait plutôt une valeur de renonciation à ce qui est déclaré d'ordre public, il pourrait être recevable.

M. Forget: Mais on sait qu'en vertu de l'article 447 chaque conjoint a un mandat légal...

M. Bédard: Oui.

M. Forget: ...et non conventionnel relativement aux besoins courants. Donc, ce que vous dites, à savoir qu'un mandat général, ce sera pour les fins d'administration et de gestion, semble déjà réglé...

M. Bédard: D'accord.

M. Forget: ...par l'article 447. Donc, on serait porté à déduire de tout cela que le mandat visé à l'article 448 est un mandat assez particulier. J'essaie d'être un peu plus concret. Est-ce que c'est le choix de la résidence? Est-ce que c'est l'éducation des enfants, les responsabilités parentales, l'exercice majeur de l'autorité parentale, le choix de la résidence familiale? C'est peut-être tout. Il n'y a peut-être pas autre chose dans le fond.

M. Bédard: Vous avez peut-être raison qu'il n'y a pas autre chose. D'ailleurs, pour ce qui est de l'autorité parentale, il y a l'article 642 qui, disons, en dispose. Enfin, l'article 642 en particulier. Il doit avoir un autre article aussi. En principe, ils prennent l'autorité ensemble, il n'y a pas de délégation. L'article 643, qui complète 642, prévoit une délégation possible pour la garde, la surveillance ou l'éducation. On comprend les

raisons de ces situations-là. C'est pour l'éducation des enfants, pour l'exercice de l'autorité parentale. Si vous prenez le cas d'un conjoint -c'est quand même relativement fréquent dans la vie - qui, en raison de son travail, par exemple, est éloigné de son milieu familial, de sa femme et de ses enfants ou de son mari et de ses enfants ou qui est absent pour quelques semaines, quelques mois, l'idée de pouvoir donner un mandat d'une portée générale pour ce qui concerne tout ce qui s'appelle la direction morale et matérielle de la famille devient assez nécessaire pour éviter qu'il n'y ait des actes qui soient posés et dont on doute de la valeur ou de la légalité. C'est sûr que ce mandat-là a une portée générale, mais il a une portée temporaire en même temps. Celui qui m'inquiète le plus, c'est celui que vous avez évoqué, qui a une portée absolue et dans le temps et par rapport aux actes et qui comporte davantage une renonciation qui pourrait peut-être être interprétée - je soulève à peine la question -comme étant contraire parce que touchant à une disposition d'ordre public. Mais il est certain que c'est un article, je dirais, qui ramasse le résidu de ce qu'on peut difficilement imaginer comme situation quand un des conjoints n'est pas là et doit s'absenter et que l'autre a besoin de savoir que tous les gestes qu'il va poser sont des gestes valides et que le tiers avec qui il va les poser... Évidemment, il peut s'agir de choisir l'école, par exemple, de l'enfant; c'est un geste d'inscrire un enfant dans une école ou même à l'université. Je pense toujours à l'enfant mineur, évidemment. Bien, il faut que ce geste-la vis-à-vis des tiers soit valide. C'est par le mandat qu'il faudra y arriver, ou présumé ou exprès. Mais c'est un article un peu résiduaire. Il ramasse des choses. Je suis d'accord avec vous, on ne sait pas précisément ce qui reste. Mais, si on n'a pas de temps en temps dans un Code civil un article résiduaire, ce qui nous arrive, c'est qu'on va se retrouver devant certaines situations où on va manquer de munitions peut-être,

M. Forget: Je pense qu'il est essentiel.

M. Bédard: L'essentiel des remarques vont dans le sens que la phraséoloqie ne donne peut-être pas l'impression d'un article résiduaire. On en a peut-être juste contre la formulation, parce que je crois qu'on s'entend sur la nécessité d'une telle disposition. C'est la formulation.

M. Forget: Je pense que l'esprit aussi. C'est un mandat qui doit être limité dans le temps ou quant à la nature des actes. Il ne peut pas s'agir d'une renonciation ou d'une délégation générale.

M. Bédard: II ne doit pas, contrairement à l'article 440, permettre de déroger presque complètement à l'effet du chapitre.

M. Fontaine: Pourquoi a-t-on dit à l'article 444 que "les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille"? Je me demande pourquoi à l'article 448 on vient, en fin de compte, un peu contredire cela, parce que, là, on dit que chacun des époux peut donner un mandat à l'autre.

M. Bédard: Ils le font quand même ensemble, en termes d'intentions, mais au niveau du fait de poser l'acte, à un moment donné, il y a des circonstances où il y en a seulement un des deux qui peut poser l'acte et on doit s'assurer que, lorsqu'il le pose, il le pose validement, en termes de sécurité pour la personne qui le pose et pour le tiers,

M. Fontaine: D'où va-t-il sortir son autorité, par exemple, celui des conjoints qui va dire à l'autre: Je te donne le mandat de faire cela?

M. Bédard: II va la sortir de l'article lui-même.

M. Fontaine: Qui est-ce qui décide que c'est lui qui a l'autorité rie donner le mandat à l'autre de faire cela?

M. Bédard: C'est cela. Il peut déléguer ses responsabilités.

M. Forget: II peut en confier l'exécution à l'autre conjoint.

M. Fontaine: Oui, mais l'autre conjoint a autant d'autorité que lui. Ils ont tous les deux la même autorité.

Mme Lavoie-Roux: On va se promener avec le Code civil sous le bras.

Une voix: II y en a un qui agit pour les deux.

M. Forget: L'autre agit pour les deux à ce moment-là.

M. Bédard: II faut absolument prévoir quelque chose de cette nature-là, Darce que tous les tiers vont demander, avant de faire quoi que ce soit, d'avoir toujours les deux personnes devant eux. On n'a pas à obliger l'autre conjoint à poser un acte. Il s'agit de lui permettre de le faire seul alors que, normalement, le concours de l'autre aurait été nécessaire.

On s'entend sur sa nécessité, mais, s'il y a une autre formulation plus adéquate, on y verra demain.

Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'il y a d'autres questions à l'article 448? M. le député de Sherbrooke ou Mme. Cela va. Article 448, adopté?

Mme Lavoie-Roux: Non. M. Bédard: C'est-à-dire...

Le Président (M. Laberge): Non, il est suspendu.

M. Bédard: Oui, quant à la forme.

Le Président (M. Laberge): On le laisse en suspens. Article 449?

Mme Lavoie-Roux: II y a un amendement.

Le Président (M. Laberge): À l'article 449, on a demandé de remplacer l'expression "l'un ou l'autre peut" par celle qui suit: "les époux ou l'un d'eux peuvent". C'est à la fin de la deuxième

ligne et au début de la troisième. Est-ce que ce premier amendement à l'article 449 est adopté?

Mme Lavoie-Roux: II y a eu des remarques, a plusieurs reprises, des associations selon lesquelles on indiquait peut-être une démarche au tribunal sans que d'autres mécanismes d'intervention ou de conciliation aient pu être utilisés. Enfin, les organismes ont parlé de judiciarisation rapide des relations familiales ou des relations conjugales par "le tribunal qui statuera dans l'intérêt de la famille, après avoir tenté de concilier les parties."

M. Bédard: II y a l'expression ici: "tenté de concilier" qu'on change par "favorisé la conciliation". Il me semble que cela implique nécessairement le recours au...

Mme Lavoie-Roux: Vous le modifiez par "favorisé la conciliation". C'est déjà mieux.

M- Blank: Vous changez cela pour laisser le juge lui-même faire...

M. Bédard: C'est cela. Pour tenir compte de la possibilité de...

Mme Lavoie-Roux: Favoriser peut vouloir dire...

M. Bédard: ...faire appel à toutes les ressources communautaires, par exemple. Mais c'est un terme tellement général. On ne peut pas employer le terme "ressources communautaires", parce que cela veut tout dire.

M. Forget: Cela ne veut rien dire.

Mme Lavoie-Roux: Non, mais là, on parle de conciliation.

M. Bédard: Là, il faudrait commencer à faire une énumération de ce que c'est qu'une ressource communautaire. Cela évolue à tous les jours.

Le Président (M. Laberge): À l'amendement suggéré, il faudrait écrire "favorisé" et non "favoriser".

M. Forget: Oui, en effet.

Le Président (M. Laberge): Celui que j'ai est "favoriser".

M. Bédard: II n'a pas été vérifié suffisamment. Cela a dû être rédigé vers minuit ou une heure de la nuit!

M. Blank: C'est cela, le problème. Est-ce que je peux suggérer qu'après cet article on prenne congé? Parce qu'on commence à...

Mme Lavoie-Roux: On entre dans la résidence familiale.

M. Blank: ...un article très nouveau, très intéressant.

Le Président (M. Laberge): Oui, maintenant, est-ce que voulez adopter les deux amendements?

M. Forget: Oui, c'est adopté.

Le Président (M- Laberge): Les amendements sont adoptés. L'amendement qui dit "les époux ou l'un d'eux peuvent", adopté, et l'autre amendement qui dit: "favorisé la conciliation des", adopté. L'article 449, amendé, est adopté, à moins que...

M. Gosselin: Excusez, j'aurais quelques remarques et peut-être un amendement. En tout cas, je suis prêt à le discuter. Je voudrais d'abord formuler ma remarque sur l'article 449. Les tribunaux, les juristes, les juges, dans la pratique des choses... Je veux bien croire que, quand on aura un tribunal de la famille, on développera des ressources de support qui s'appelleront des conseillers matrimoniaux, des psychothérapeutes rattachés au tribunal, parce qu'à un moment donné le tribunal aura évalué que ce dont ce couple-là a besoin, avant de se déricher, c'est de passer par un processus de temporisation avant d'amener le tribunal à se prononcer. Moi, je pense qu'il faudrait inscrire, dans la responsabilité du tribunal saisi d'une requête de la part d'une famille en difficulté, la notion d'orienter ou d'informer le couple sur des recours qu'il pourrait évaluer pertinents à des solutions qui pourraient être trouvées.

Une voix: C'est dans l'amendement. (23 heures)

M. Gosselin: Je m'excuse, à mon avis, l'amendement n'est pas tout à fait assez fort. Moi, j'en avais formulé un ici qui dirait à peu près ceci. La première partie resterait la même et, au milieu, on dirait: Les époux ou l'un deux peuvent saisir le tribunal qui pourra orienter les époux vers les ressources communautaires susceptibles de solutionner leur litige. La première responsabilité du tribunal, c'est peut-être de conseiller sur les démarches, avant de statuer. Cela se terminait ainsi: Et après avoir favorisé la conciliation des parties, statuer ultimement dans l'intérêt de la famille. Mais en introduisant la notion intermédiaire que le tribunal pourrait - cela devrait même devenir régulier dans les verdicts qu'il formulerait - dire à un couple: Vous allez consulter un conseiller matrimonial puis vous reviendrez me voir, ou: Vous auriez besoin de suivre un traitement quelconque ou une consultation avec un psychothérapeute pour une psychothérapie de famille. Il y a bien des problèmes qui sont liés à ce type d'intervention qui appelle une intervention sociale.

Je ne voudrais pas que le tribunal soit saisi du litige et, malgré les efforts de conciliation qui pourraient être faits, statue là. Je voudrais qu'il ait vraiment, dans son mandat même, la responsabilité d'orienter. Évidemment, je ne précise pas les ressources communautaires. Je veux bien marquer, par cet amendement, que le tribunal a comme première responsabilité non pas de statuer tout de suite, quand il est saisi d'une demande, mais de bien conseiller le couple en vue possiblement de faire régler par d'autres les problèmes qui lui sont soumis.

M. Bédard: Je comprends très bien la préoccupation du député. Je pense qu'elle trouve sa réponse dans l'amendement. Ce n'est peut-être

pas aussi explicite que d'employer le terme "d'utilisation de ressources communautaires", mais je pense qu'elle trouve sa réponse. Ce n'est peut-être pas d'une façon aussi précise que le voudrait le député de Sherbrooke, mais dans l'amendement qu'on vient de proposer, quand on emploie le terme "favorisé", c'est plus qu'une invitation. Je pense que c'est une sorte d'obligation de prendre les moyens nécessaires et toutes les ressources nécessaires qui peuvent être de nature à concilier les parties.

Un peu plus loin, à l'article 539, quand il s'agit du divorce, on dit: "À tout moment de l'instance en divorce, il entre dans la mission du tribunal de conseiller les époux et de favoriser leur conciliation". Je pense que les représentations du député s'inscrivent dans ce sens-là. Est-ce qu'il y aurait lieu de reprendre cette phraséologie à l'article 449? On pourrait peut-être regarder cela d'ici demain.

M. Gosselin: C'est peut-être une marotte, mais j'ai vraiment l'impression...

M. Bédard: C'est une bonne marotte que d'avoir cette préoccupation.

M. Gosselin: Quant aux interventions juridiques en matière matrimoniale, pour les avocats qui prennent parti avec les parties et les juges qui tranchent ces choses-là, nos cours ne sont pas équipées à ce moment-ci. Elles le seront éventuellement dans le concept d'un véritable tribunal de la famille. Je ne pense pas qu'il soit dans le réflexe des praticiens du droit, par exemple, d'orienter nécessairement les couples qui sont en difficulté, qui s'adressent à eux, vers des ressources qui se développent de plus en plus dans notre milieu. Depuis quelques années, on a vraiment des agences de consultation matrimoniale qui se développent et qui sont très précieuses. Je pense même à des groupes ressources comme le Renouement conjugal. Il existe de plus en plus de ressources comme celles-là. Je pense que c'est la responsabilité du tribunal, non pas de chercher à solutionner, même en tentant des efforts de conciliation, en premier, mais d'abord d'orienter le couple, à partir du discernement qu'on peut avoir, vers les ressources communautaires disponibles dans un milieu donné.

M. Bédard: Ce dont je peux assurer le député, c'est l'objectif que nous visons quand nous apportons l'amendement qui est inscrit à savoir de favoriser, ce qui implique nécessairement faire l'inventaire de tous les moyens qui peuvent être de nature à concilier les parties afin qu'elles prennent la décision la plus éclairée. Je pense bien qu'on pourrait adopter l'article 449.

M. Blank: Avec les amendements. M. Bédard: Tel qu'amendé.

Le Président (M. Laberge): Ah oui, c'est ça. L'article 449 est adopté avec deux amendements. Est-ce que vous désirez continuer?

M. Forget: Si on était reposé, ça irait mieux pour aborder la résidence familiale. C'est compliqué, ça.

M. Bédard: M. le Président, je pense me faire l'écho - on l'a évoqué tout à l'heure - de tous les membres de la commission parlementaire en demandant peut-être un ajournement qui serait de nature à nous permettre de reprendre des forces pour entreprendre le ...

Une voix: Le droit nouveau.

M. Bédard: ...le droit nouveau concernant particulièrement la résidence familiale. C'est assez complexe. Je pense qu'étudier ça le soir, à l'heure qu'il est, ce n'est pas très prudent.

M. Forget: On ne pourra pas terminer. Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je trouve...

M. Bédard: À moins qu'on n'aille dans d'autres pratiques qui sont moins contestées...

Mme Lavoie-Roux: Non, je n'en ai pas du tout envie.

M. Bédard: ..comme le divorce, tout ça.

Mme Lavoie-Roux: Je trouve regrettable, je le dis de bonne foi, qu'on n'ait pas accepté la suggestion du député de Saint-Laurent, voulant que ce débat soit télévisé, pas pour la splendeur de notre performance, mais pour l'intérêt de la population. Je l'examine et je réalise ce que je n'avais pas réalisé plus tôt, ce que cela comporte comme implications dans l'évolution des mentalités, des moeurs.

M. Bédard: On se rend vite compte qu'on peut difficilement discuter d'un sujet comme celui-là de façon partisane ou quoi que ce soit, parce qu'on...

Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, vous connaissiez mon point de vue, mais c'est quand même regrettable, parce que les gens en auraient profité et cela les aurait sensibilisés.

M. Forget: Ils en auraient bénéficié.

Le Président (M. Laberge): Sur ce, mesdames et messieurs, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 81

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