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(Quinze heures dix minutes)
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission parlementaire de la justice est réunie
conformément à l'ordre qu'elle a reçu de la Chambre pour
étudier le projet de loi no 89, Loi instituant un nouveau Code civil et
portant réforme du droit de la famille.
Les membres de la commission de la justice sont M. Bédard
(Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M.
Charbonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget
(Saint-Laurent), M. Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey
(Îles-de-la-Madeleine), M. Marquis (Matapédia).
Peuvent aussi intervenir M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Desbiens
(Dubuc), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski) et M.
Pagé (Portneuf) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).
Est-ce qu'on pourrait me recommander un rapporteur pour la
commission?
Mme LeBlanc-Bantey? Alors, le rapporteur sera Mme LeBlanc-Bantey, des
Îles-de-la-Madeleine.
Avant d'appeler l'article 1 de ce projet de loi, en guise de
préambule, je donne la parole au ministre.
Remarques préliminaires M. Marc-André
Bédard
M- Bédard: M. le Président, comme vous l'avez
mentionné, nous abordons aujourd'hui l'étude article par article
du projet de loi no 89. Il nous appartient donc, maintenant, de
concrétiser dans les termes les plus adéquats l'accord au niveau
des principes que tous les partis ont unaniment signifié à
l'Assemblée nationale. Toutes et tous ont convenu de l'importance de ce
projet de loi qui est, en quelque sorte, l'axe central de tout notre droit
civil puisqu'il consacre le cadre juridique qui régit l'organisation
sociale dans ce que les individus ont de plus sensible et de plus intime.
Il nous incombe donc de tracer avec précaution cet environnement
juridique. Nous sommes appelés à concilier l'expression de
valeurs fondamentales, traditionnelles sur lesquelles la société
québécoise s'appuie en matière de droit familial avec une
réalité sociale dont l'évolution commande des ajustements
qui traduiront une situation actuelle.
Je me réjouis du climat positif et ouvert qui entoure
l'étude de ce projet de loi et qui s'est manifesté au cours de la
deuxième lecture et qui continuera. Je suis persuadé que cet
esprit constructif va nous conduire à réaliser une loi qui va
correspondre le plus adéquatement possible aux aspirations et aux
attentes de la population.
Nous bénéficions déjà d'un large
éventail de commentaires émanant de différents groupes
représentatifs de la société, qui ont apporté leur
généreuse contribution à l'élaboration de ce
projet, tant à l'occasion de la commission parlementaire qui a
précédé le dépôt du projet de loi qu'au
moment où nous avons sollicité par voie de mémoires les
réactions des groupes sur le libellé du projet. Cette vaste
consultation nous permet de dégager des constantes qui sont de nature,
je pense, à confirmer les options retenues sur certains sujets dans le
projet de loi. D'autres commentaires nous guident de façon aussi
pertinente à l'égard des modifications qu'il conviendrait
d'envisager à ce stade-ci dans le but de perfectionner les termes de ce
projet de loi. Je réfère, entre autres, à toutes les
remarques, toutes les suggestions et toutes les interrogations qui ont
été soulevées par les parlementaire, lors du discours de
deuxième lecture, que nous avons essayé d'analyser le plus
correctement possible.
Du côté du gouvernement, nous sommes, en tout cas,
très ouverts à toute forme d'amendement qui sera de nature
à améliorer ce cadre juridique. Les partis d'Opposition
bénéficient du même éclairage que nous sur les
suggestions d'amendements proposés par les différents groupes,
puisque, systématiquement, chaque mémoire reçu a
été transmis, en tout cas, nous l'espérons, aux
différentes formations dès réception.
De plus, il nous a paru justifié de répondre aux demandes
des différents partis qui ont sollicité de notre part la
contribution d'experts-conseils chargés d'assister les
députés sur les aspects plus techniques du projet. J'y reviendrai
tout à l'heure.
Nous avons donc en main, il me semble, tous les outils
nécessaires à la réalisation de la démarche que
nous entreprenons. Encore plus important, nous nous rencontrons parfaitement au
niveau des principes et nous partageons une ouverture d'esprit qui, je le
crois, nous permettra de relever le défi qui s'offre à nous.
Afin de répondre aux voeux exprimés par tous les qroupes
et par la population en général, il nous incombe de
procéder avec diligence, ce qui n'exclut pas le sérieux, à
l'étude des termes de ce projet de loi, tout en y apportant toute
l'attention requise. (15 h T5)
Je ne voudrais donc pas retarder davantage le processus que nous
entamons. Dans cette perspective, je suggère qu'après ces
brèves remarques préliminaires nous entendions les commentaires
généraux des représentants des oppositions et que nous
abordions l'étude de chacun des chapitres de ce projet de loi. Il sera
peut-être plus rationnel et plus efficace de soumettre, au fur et
à mesure - on en discutera tout à l'heure - que nous entamerons
une nouvelle tranche du projet, les différents amendements que nous
pourrions croire utiles à l'amélioration de
cette loi. Je veux vous assurer d'une ouverture totale de notre
côté. Je suis persuadé d'une réponse dans le
même sens de la part de tous les parlementaires réunis ici. Nous
avons eu une brève rencontre avec les représentants de
l'Opposition officielle et celui de l'Union Nationale concernant les moyens
matériels mis à la disposition des différents partis. Pour
avoir connu le rôle de l'Opposition, je sais qu'au niveau des moyens ce
n'est pas toujours aussi égal qu'on le voudrait et que ce serait
souhaitable et, dans ce sens, je puis réitérer à mes
collègues que, d'une façon générale, les experts
qui sont à notre disposition, qui ont travaillé au niveau
gouvernemental à ce projet de loi seront également à la
disposition des parlementaires, des membres de la commission parlementaire et
gu'ils seront naturellement disponibles continuellement pour répondre
à certaines interrogations techniques ou à encore certaines
interrogations juridiques plus approfondies.
Concernant l'esprit avec lequel nous apporterons des amendements, c'est
très simple, c'est que - je le dis au départ, je pense que cela
peut être réciproque - lorsque, du point de vue gouvernemental -
je vous le dis clairement - nous proposerons des amendements, je ne veux
surtout pas que ce soit interprété dans le sens que c'est
ça la vérité, que c'est ça qui doit passer. Je
pense que cela peut être considéré sûrement d'abord
comme étant une indication de l'intention gouvernementale, mais, d'autre
part, comme une base de discussion à partir de laquelle, à la
suite des suggestions qui pourraient être faites en contrepartie par les
Oppositions, on pourrait en venir à des solutions conjointes ou
unanimes.
C'est évident que, dans le projet de loi que nous
étudions, il y a des changements par rapport au Code civil qui existait
déjà. Il y en a aussi par rapport à certains articles du
rapport de l'Office de révision du Code civil et, lorsque ces
différences viendront, nous essaierons d'apporter l'argumentation
préliminaire qui aurait pu orienter soit une différence au niveau
de la formulation, soit carrément une décision qui a pour effet
de mettre de côté des représentations précises, des
suggestions précises faites par l'Office de révision du Code
civil, ce qui veut dire, comme méthode de procéder, qu'à
chaque article, d'abord, au début de chaque section, il y aura
peut-être un petit exposé très rapide qui expliquera non
seulement le sens du chapitre ou de la section, mais déjà les
amendements, s'il y en a, que nous voulons soumettre aux membres de la
commission.
Au début de chaque article, je lirai, par exemple, les
commentaires qui ont été rédigés à mon
intention afin de bien situer le pourquoi de l'article, soit au niveau de la
rédaction ou au niveau du contenu. Une demande m'a été
faite par mes collègues, à savoir qu'il serait peut-être
opportun et efficace, que ces remarques que j'aurai à faire puissent
être préalablement communiquées - peut-être en
même temps - au moins par écrit et qu'il y en ait une copie pour
les collègues de la commission parlementaire. J'en ai déjà
discuté avec les principaux juristes. On va essayer, dans la mesure du
possible, de faire en sorte que cela se fasse. Je pense que cela pourrait
beaucoup aider à la compréhension et peut-être même
empêcher des discussions qui, autrement, ne pourraient pas faire
autrement que de survenir si on procède seulement par une lecture dont
l'Opposition prend connaissance à la toute dernière minute.
Je termine sur ces remarques en me déclarant ouvert à
toute autre suggestion qui pourrait faciliter notre compréhension
mutuelle des dispositions et peut-être, rie ce fait, diminuer la longueur
de nos discussions.
Le Président (M. Laberge): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Claude Forget
M. Forget: L'Assemblée nationale, il y a quelques jours, a
adopté en deuxième lecture la première tranche d'un
nouveau code civil pour le Québec et, aujourd'hui, nous
commençons l'étude article par article de cette première
tranche. Il est remarquable de constater que lorsque l'on parle du Code civil,
on doit tout de suite se situer dans un contexte chronoloqique qui est
très sensiblement différent du contexte chronologique auquel les
travaux de l'Assemblée nationale nous ont habitués.
Nous révisons, pour la première fois de façon
compréhensive, une loi, le Code civil, qui est en vigueur depuis 114
ans, qui a fait, bien sûr, l'objet d'un certain nombre de modifications
de détails, mais qui n'a jamais, avant aujourd'hui, été
exhaustivement réévaluée et réexaminée.
Les travaux parlementaires auxquels nous participons se situent à
la suite du travail d'un comité, l'Office de révision du Code
civil, qui a échelonné ses travaux pendant une période de
vingt ans. Il est très rare - je me permets d'insister là-dessus
- que l'Assemblée nationale examine une loi qui a été en
vigueur pendant 114 ans et sur laquelle un comité a travaillé
pendant 20 ans. Cela nous donne tout de suite une idée qu'on est
à amorcer un travail qui est qualitativement très
différent du travail législatif habituel. C'est ce qui me porte
à dire que, de la même façon que l'objet sur lequel notre
étude, nos travaux vont porter, est différent de l'objet des
travaux habituels du travail législatif, autant la procédure qui
est adoptée aurait dû idéalement être
différente.
Nous adoptons ce qui sera probablement le Code civil du XXle
siècle au Québec, parce que, malgré tout, on commence
à toucher à la fin du présent siècle et, avec le
genre de délai dont il est question lorsque l'on parle du Code civil,
c'est probablement le Code civil sous lequel nos enfants vont vivre et mourir
même. On doit constater que ce Code civil du XXle siècle sera
étudié et adopté par une procédure parlementaire
qui est essentiellement une procédure parlementaire du XIXe
siècle. Ce que je veux dire, c'est qu'il me semble qu'il aurait
été approprié - cela a été d'ailleurs,
dès le mois d'avril dernier, je pense, une demande que j'ai
formulée au ministre et au leader du gouvernement - dès le
dépôt du rapport de l'Office de révision du Code civil, que
le gouvernement, au lieu de se garder pour lui-même la tâche d'en
faire l'étude, l'analyse et la transcription en un projet de loi,
profite de l'occasion pour faire ce que d'autres Parlements avant nous ont
déjà fait pour des sujets beaucoup moins importants, la
création d'une commission spéciale de l'Assemblée
nationale à qui on aurait confié directement la tâche -
avec, bien sûr, une
assistance technique appropriée - de voir à la
révision dans son ensemble de tout le Code civil et non pas seulement
d'un chapitre, bien sûr, en laissant à cette commission - ce qui
serait normal dans les circonstances - la liberté de procéder par
étapes. Je pense que cela aurait permis de donner une plus haute
priorité, dans le cadre des travaux d'une commission spéciale de
l'Assemblée nationale, à ce travail de réforme, alors
qu'en le confiant au ministère de la Justice comme s'il s'agissait d'une
loi statutaire ordinaire, on a, bien sûr, dû obéir à
toutes les priorités qui sont coutumières au sein d'un
ministère. Peut-être, plus important que cela, cela aurait permis
de situer les législateurs au premier rang de ceux qui étaient
amenés à présider à l'évolution
législative de ce monument du droit québécois que
constitue le Code civil.
Le Code civil est une de nos institutions fondamentales. C'est en
quelque sorte l'équivalent en droit privé de ce qu'est la
constitution en droit public, c'est-à-dire que c'est la pierre d'assise
de toutes les relations de droit entre individus, entre personnes, de droit
privé. Il me semble que l'Assemblée nationale, si tant il est
vrai qu'on veut rehausser et affirmer son rôle dans l'évolution de
nos lois et de nos institutions juridiques, aurait dû recevoir une
mission, une vocation tout à fait spéciale à l'occasion de
la refonte de notre droit civil.
Quoi qu'il en soit, M. le Président, et en dépit des
suggestions en ce sens que nous avons formulées, le gouvernement a
choisi d'en faire sa chose. Même si le style, le discours qu'a
adopté le ministre de la Justice au moment de la deuxième lecture
et aujourd'hui encore tente de faire sentir qu'il s'agit là d'une
entreprise qui se déroule en marge des partis et au-dessus des partis en
quelque sorte - on a déjà entendu cela dans d'autres contextes -
il demeure que le gouvernement semble avoir tenu beaucoup à en faire sa
chose de manière peut-être - il est au moins permis de se poser la
question - à pouvoir prétendre qu'il a donné au
Québec le premier chapitre d'un nouveau Code civil.
Je pense qu'il est important, pour que la vérité ne soit
pas complètement déformée, de dire que l'association qui
peut exister dans le temps entre l'introduction d'un nouveau Code civil et la
présence au gouvernement d'un groupe en particulier est largement une
coïncidence. Étant donné l'échelle chronologique
à laquelle je faisais allusion tout à l'heure, il est assez
évident que ce n'est pas un acte de gouvernement, c'est pratiquement une
question d'évolution sociale et la transcription de cette
évolution sociale en législation à laquelle on assiste. Je
pense qu'il n'est, a ce moment-là, pas approprié pour un
gouvernement de vouloir se l'approprier trop étroitement. Pourquoi
est-ce que je dis cela? Pas par désir d'être mesquin, mais parce
qu'il y a à ce désir de ce gouvernement de s'approprier la
réforme du Code civil des conséquences assez
désagréables non pas pour l'Opposition comme telle, non pas pour
les membres de l'Assemblée nationale, mais pour un certain nombre de
groupes qui se rendent compte, en voyant la façon dont se
déroulent les événements, qu'ils se sont fait un peu
manipuler par le gouvernement.
En effet, lorsque le rapport de l'Office de révision du Code
civil a été rendu public il y a environ deux ans et demi ou trois
ans, le gouvernement a cru bon de faire des audiences publiques pour entendre
les parties intéressées, les groupes intéressés, le
Barreau, le Conseil du statut de la femme, etc., pour voir ce qu'ils pensaient
de ce rapport de l'Office de révision du Code civil. Ce n'était
pas très courageux pour le gouvernement de permettre à tous les
points de vue de s'exprimer sur un document gui n'était essentiellement
pas le sien. C'était aussi commode, bien sûr, de pressentir
à l'avance quelle était la réaction des différents
groupes avant d'avoir lui-même à mettre la main à la
pâte. Mais voici que s'étant commis, ayant assumé cette
responsabilité à laquelle il semblait tenir beaucoup, le
gouvernement s'est maintenant récusé devant l'invitation gui lui
était faite d'inviter à nouveau les groupes qui avaient quelque
chose à dire pour voir si la façon dont le gouvernement a
transcrit leurs préoccupations dans un texte de loi rencontre
véritablement leur perception des problèmes et des solutions
appropriées à ces problèmes. (15 h 30)
Je pense que, de ce côté, nous avons assisté, dans
la révision du Code civil, au même genre de manipulations
auxquelles d'autres collègues du ministre de la Justice se sont
livrés lors de l'étude d'autres projets de loi. Il y a une
véritable subversion du processus de consultation démocratique
où on consulte sur des documents qui n'ont pas véritablement
l'estampille gouvernementale, gui sont sans danger pour le gouvernement. On va
un peu à la pêche aux opinions et aux points de vue et, lorsqu'il
est véritablement question de se compromettre, on évite
par-dessus tout toute occasion publique par laquelle des groupes pourraient
manifester leur dissidence. Je pense que c'est un manque de courage de la part
du gouvernement qui tient pourtant tellement à affirmer sa
responsabilité dans la révision de ce Code civil, de ne pas
être à la hauteur de cette dernière échéance
et de prétendre que les rencontres privées auxquelles il a
participé lui donnent un éclairage suffisant. C'est
peut-être vrai, quant à lui, sur la position des différents
groupes intéressés, mais ce n'est certainement pas vrai pour
l'opinion publique qui, elle, est maintenue dans l'ignorance des
hésitations, des doutes ou de l'insatisfaction même que certaines
positions gouvernementales peuvent susciter.
Je pense qu'il y a de cela une leçon que nous pouvons tous tirer
et qu'en particulier différents groupes professionnels ou sociaux dans
la population vont vouloir tirer de tout cela, c'est de ne jamais plus accepter
de participer à des consultations publiques sur des documents qui ne
représentent pas une position gouvernementale finale et
définitive, parce qu'on utilisera leur participation et leur
consultation, à ce moment, comme un alibi pour ne pas aller plus loin,
alors que cela compte vraiment.
C'est une certaine forme d'hypocrisie à laquelle on a eu recours
bien souvent du côté du gouvernement actuel, dont je tiens
à me dissocier à ce moment-ci, sans animosité. Le
gouvernement a fait son lit. Nous avons encore tout récemment
insisté sur l'intérêt qu'il y avait à entendre tout
le monde. On prétend qu'on est suffisamment informé. C'est une
réponse qui n'en est pas une. Je pensais qu'il était
nécessaire de signaler une dernière fois - je n'ai pas
l'intention d'y revenir -
notre désaccord avec une manipulation aussi cynique - je pense
que c'est le mot approprié -du processus de consultation
démocratique.
Il y a un point qui a été soulevé et sur lequel je
n'ai pas l'intention de revenir à part la mention que j'en ferai
aujourd'hui, puisque le président de l'Assemblée nationale a
tranché la question de la constitutionnalité. Il semble bien,
donc, que cette question ne doive pas nous retenir dans nos travaux, mais je
pense qu'il est conforme au respect que je dois à la décision du
président de noter que, de la part de notre formation politique, nous
estimons que cette décision du président, que nous allons
respecter en ne soulevant pas à nouveau le problème, en le
mentionnant simplement ici comme question de principe est mal fondée en
droit parlementaire. Nous l'acceptons néanmoins. Encore une fois, nous
n'avons pas l'intention d'en faire un grand débat, mais nous manquerions
à notre devoir de ne pas souligner que nous estimons qu'elle est mal
fondée en droit parlementaire. Si nous le mentionnons aujourd'hui, c'est
que ce vice en droit parlementaire peut avoir des conséquences, une fois
la loi adoptée.
Souvenons-nous, M. le Président, que le président de
l'Assemblée nationale a dit que cette motion de deuxième lecture,
puisque c'était de cela qu'il était question à cette
époque, il n'avait pas à en connaître les détails,
était légale, était correcte, était
régulière à sa face même. C'est à cet
argument, qui est essentiellement la base de la décision du
président, que nous en avons sur un plan juridique. En effet, à
sa face même, le texte de la loi portant réforme du Code civil
précise, dans son article 75, que certaines dispositions de la loi 89
sont incompatibles, ne relèvent pas de la compétence
législative de l'Assemblée nationale, mais relèvent de la
compétence législative du Parlement du Canada. Donc, la loi
elle-même dans son texte, à sa face même( dit
qu'elle comporte des éléments qui sont ultra vires de
l'Assemblée nationale. Le président a ignoré cet
élément et il a basé sa décision sur ceci: le fait
que cette loi soit lue une deuxième fois ne comportait aucun
élément ultra vires. Nous sommes d'accord avec lui dans le
contexte très étroit dans lequel il a rendu sa décision,
mais nous pensons que son refus de considérer le texte même du
projet de loi constitue une erreur de droit parlementaire et cela pourra
constituer, à l'avenir, un problème juridique pour ceux à
qui devra s'appliquer cette révision du Code civil. Autrement dit, on
pourra contester certaines parties de cette révision et les
conséquences juridiques de cette contestation, quant à nous, ne
sont pas claires, on ne peut pas les prédire d'avance. Est-ce que cela
aura pour effet seulement de rendre nulles et sans effet les dispositions qui
sont spécifiquement ultra vires ou est-ce que cela pourrait avoir pour
effet de rendre nul l'ensemble de la disposition? Nous n'en savons rien. C'est
là un danger juridique.
Je pense que nous manquerions à notre devoir de ne pas exprimer
aujourd'hui nos réserves sur un plan juridique. Ceci étant dit,
je voudrais cependant souligner que, ces problèmes juridiques mis
à part, nous n'avons aucune espèce d'objection à nous
conformer à la décision du président de l'Assemblée
nationale. Nous pensons, comme l'Office de révision du Code civil
lui-même, puisque c'est la politique qu'il avait adoptée dans son
rapport, comme le gouvernement, qu'il est très difficile de
réformer le Code civil dans le chapitre de la famille sans en avoir une
conception d'ensemble et sans modifier tout ce qui doit être
modifié de façon cohérente.
Nous sommes très heureux de participer à la discussion de
tous les éléments du projet de loi no 89 sans aucune
réserve. Cela ne nous gêne pas du tout. Il reste que cette
difficulté juridique se trouve dans le paysage. Nous pensons qu'il y a
eu une erreur de droit parlementaire et même si nous étions
d'accord et même si nous ne l'avions pas mentionné, il reste que
cette difficulté existe malgré tout. Elle pourra un jour
être invoquée et nous n'en connaissons évidemment pas les
conséquences. Il appartient au gouvernement là-dessus d'assumer
cette responsabilité et nous sommes, d'ailleurs ,fort heureux de le voir
l'assumer. Mais il reste que le problème existe.
Un autre point, M. le Président, qui est de nature plus
qénérale. Je m'en voudrais de commencer l'étude de cette
révision du Code civil sans signaler à quel point je me sens et,
si je parle au nom de mes collègues, nous nous sentons
particulièrement honorés d'être parmi les
législateurs à qui incombe la responsabilité d'une
étude et d'une adoption finale du nouveau Code civil du Québec.
Je pense que c'est un événement qui a une certaine valeur
historique. Bien sûr, ce ne sera pas nécessairement une chose qui
va faire les manchettes, mais, sur le plan de l'évolution de nos
institutions, c'est un événement très important et je
crois que tous ceux qui y participent doivent sentir l'immense
responsabilité qui leur incombe et se sentir investis d'une
responsabilité tout à fait spéciale. Comme cette
responsabilité est tout à fait spéciale, je puis vous
assurer, M. le Président, que nous allons essayer, dans la modeste
mesure de nos moyens, de nous en acquitter le plus correctement, le plus
consciencieusement possible.
Il n'est pas question d'utiliser, ou d'abuser encore moins, de la
procédure parlementaire. Nous voulons procéder à cette
étude le plus rapidement, mais le plus "responsablement" possible, si
l'expression est correcte, et ceci, au point de vue suivant. Sans
exagérer l'importance des délibérations de
l'Assemblée nationale et des procès-verbaux de l'Assemblée
nationale, et en particulier des procès-verbaux de cette commission
parlementaire, il reste que les procès-verbaux de la présente
commission parlementaire vont, dans une certaine mesure - et ceci sera plus
vrai dans ce cas-ci que dans la plupart des cas - constitue une espèce
de source de droit ou d'interprétation du droit. Je disais d'ailleurs,
ce matin, au ministre de la Justice que, lorsque je suis passé à
la faculté de droit, il y a une chose que nos professeurs de droit nous
disaient péremptoirement, soit que les débats parlementaires
étaient absolument non pertinents à l'étude des projets de
loi, à leur interprétation. Ils faisaient cette affirmation de
façon absolument catégorique.
Il y a des choses qui sont changées depuis 20 ou 25 ans - je ne
préciserai pas davantage -mais j'ai cru observer dans certains jugements
que les juges n'ont plus la même réticence qu'ils pouvaient avoir
dans le passé pour ce qui est de consulter les procès-verbaux des
Parlements, y compris l'Assemblée nationale.
Je pense que, dans ce cas-ci en particulier, étant donné
qu'il s'agit du Code civil, étant donné que le projet de loi du
gouvernement diffère - et cela est tout à fait légitime -
du rapport de l'Office de révision du Code civil, il faut bien se rendre
compte que la seule source officielle, pour comprendre les différences
entre les deux textes, sera constituée par les procès-verbaux de
cette commission. Je crois que ceci doit nous inciter à requérir,
de la part des conseillers juridiques du gouvernement, toute l'assistance
nécessaire pour compléter les interprétations, les
explications et nous inciter également, même dans les cas
où cela a l'air évident et où tout le monde est d'accord,
mais où il y a malgré tout des différences entre les deux
textes, à être assez complets de manière à aider
tous ceux qui vont vivre avec ces textes à comprendre le mieux possible.
Même s'ils ne peuvent pas les utiliser formellement devant les tribunaux,
je pense que nous avons un certain devoir de service public de rendre compte du
pourquoi des décisions, des choix, des alternatives qui ont
été considérés. Je pense que cela peut être
d'un immense secours.
Il reste que, quelle que soit la nécessité des
réformes - et cela est indéniable - que nous apporterons au Code
civil, nous introduisons dans tout changement législatif une certaine
incertitude, un certain degré d'incertitude. Puisque les nouvelles
dispositions n'auront jamais été interprétées par
les tribunaux, il va s'écouler un certain nombre d'années
où on va se poser des questions: Qu'est-ce qu'on a vraiment voulu dire?
Bien sûr, encore une fois, on ne pourra pas citer comme un argument
définitif les travaux de cette commission parlementaire, mais on peut
quand même offrir une petite lumière à ceux qui se poseront
ces questions pour ne pas les laisser totalement sans assistance et pour
diminuer, dans cette modeste mesure, l'incertitude avec laquelle doivent vivre
les justiciables devant un nouveau texte législatif.
À ce titre-là, j'apprécie en particulier les
efforts que le ministre s'est dit prêt à faire pour rendre compte
et expliquer, par des textes soigneusement préparés, les
divergences qui peuvent exister entre les textes de l'Office de révision
du Code civil et le texte tel qu'il sera éventuellement proposé
et adopté. Je pense que cela peut être d'une utilité plus
grande que d'habitude.
M. le Président, c'est tout ce que j'ai à dire quant aux
remarques préliminaires. On pourrait philosopher longuement, mais je
résiste à la tentation de faire ici ce que les circonstances
m'ont empêché de faire au niveau du débat de
deuxième lecture auquel je n'ai malheureusement pas pu participer
étant donné des circonstances tout à fait personnelles.
Mais je pense qu'à l'occasion de chacun des chapitres nous pourrons
soulever des éléments de philosophie sociale ou juridique qui
sont pertinents et qui peuvent aider à éclairer les
décisions que la commission va prendre. Je vous remercie.
Le Président (M. Laberge): Je vous remercie, M. le
député de Saint-Laurent.
M. le député de Nicolet-Yamaska, pour des commentaires
préliminaires. (15 h 45)
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais dire,
d'abord, que je suis extrêmement fier d'être au nombre des
parlementaires qui ont à étudier et à examiner ce projet
de loi qui, comme on l'a dit tantôt, est l'aboutissement d'un travail de
nombreuses années, au-delà de 20 ans, d'examen des textes
juridiques et de différentes études qui ont été
réalisées à ce sujet-là.
Je pense que l'importance du Code civil est peut-être un peu
méconnue au niveau du public, mais ceux qui ont à oeuvrer dans le
domaine du droit, soit les notaires et les avocats, ont eu à examiner
les modifications proposées. Je pense que tous ceux qui auront à
travailler avec ces nouveaux textes auront l'avantage d'y voir,
reflétée dans la loi, la société d'aujourd'hui.
Pour nous en tout cas, tout ce qui fera en sorte de démontrer dans la
loi l'épanouissement de la cellule familiale, nous en serons tout
à fait heureux et nous voudrons à ce moment-là contribuer
avec le gouvernement et l'Opposition officielle à l'étude la plus
positive de ce projet de loi.
Nous avons eu l'occasion en deuxième lecture de faire
différentes remarques sur des points particuliers. Je voudrais
peut-être revenir un peu sur ces points-là et aborder en tout
premier lieu la question du chapitre concernant le divorce. Mon collèque
vient de parler de la question juridique concernant la
constitutionnalité du divorce. Je voudrais de mon côté
aborder surtout la question pratique. On sait qu'il y a eu, depuis de
nombreuses années, différentes discussions avec les provinces et
le gouvernement fédéral à ce sujet-là. À un
moment donné, il semblait qu'il se dessinait une entente concernant le
rapatriement, si on peut s'exprimer ainsi, des pouvoirs en matière de
divorce au niveau des provinces.
Cependant, à la dernière conférence
constitutionnelle, on a pu noter un certain recul de ce
côté-là, de sorte qu'il n'y a aucune entente encore
jusqu'à maintenant sur cette question-là. Au point de vue
pratique, on se demande comment on peut faire, ici à l'Assemblée
nationale du Québec, pour adapter une partie de la loi qui touche le
divorce dans la province de Québec alors que cette juridiction est
toujours au niveau fédéral. Étant donné
également le recul de certaines autres provinces lors de la
dernière conférence constitutionnelle, on peut se demander si
cela ne prendra pas encore quelques années avant de pouvoir en arriver
à exercer cette juridiction-là au niveau de la province.
Dans ce contexte, je me demande bien sincèrement si on ne serait
pas mieux de tout simplement attendre pour faire l'étude et l'adoption
de cette partie de la loi, d'autant plus que, selon l'intention manifeste du
gouvernement, on voudrait adopter cette loi dans les meilleurs délais
et, si possible, avant Noël. Avec la quantité d'articles qui y sont
prévus, je pense qu'on pourrait faire en sorte d'accélérer
l'étude de ce projet de loi si on abandonnait tout simplement la partie
concernant le divorce, quitte à l'adopter un peu plus tard et
possiblement avec quelques modifications. Si des accords intervenaient aux
niveaux fédéral et provincial, il est possible qu'il y ait des
modifications à l'entente actuelle, ce qui pourrait nous forcer à
modifier le projet de loi que nous avons entre les mains. Au point de vue
pratique, je pense que la
suggestion que je fais de reporter à plus tard la partie traitant
du divorce serait des plus avantageuses. Au niveau des grands principes de base
de ce projet de loi - j'ai eu l'occasion de le dire en deuxième lecture
- l'Union Nationale est d'accord avec beaucoup des points qui y sont
relatés, entre autres, concernant la filiation, par exemple, ou le
concept de l'apport d'un époux à l'accroissement de l'actif de
son conjoint. J'ai eu l'occasion de le mentionner. Il y a, cependant, des
points sur lesquels on avait des interrogations sérieuses, et
principalement en ce qui concerne l'hypothèque judiciaire. On a eu
l'occasion de dire qu'au point de vue pratique la situation d'hypothèque
judiciaire engendre de nombreuses difficultés financières pour
l'époux qui ne possède qu'un seul immeuble et qui le voit
grevé d'une hypothèque. Je pense que, de ce côté, il
va falloir penser à apporter des modifications. Je sais que le ministre
a plusieurs amendements à nous proposer. D'ailleurs, il nous a promis
d'essayer de nous les remettre un peu à l'avance. On pourra examiner
cela de façon positive.
Je parlais tantôt d'une perspective d'épanouissement de la
cellule familiale. J'ai eu beaucoup de réticences, lors de mon discours
en deuxième lecture, concernant le divorce de consentement. Bien que
nous soyons prêts à accepter la séparation de corps par
consentement mutuel, au niveau du divorce, on a des difficultés à
accepter cette situation. Si la célébration du mariage doit
être l'aboutissement d'une mûre réflexion, d'un acte
sérieux qui est source d'obligations, nous pensons qu'il serait
illoqique que la fin du mariage, c'est-à-dire la dissolution, puisse
être obtenue sur simple consentement, sur simple accord souvent
donné sous le coup de l'émotion. On aura l'occasion de le revoir.
Je dis tout de suite au ministre que nous avons des difficultés à
accepter cette chose.
Je tiens également à mentionner des problèmes; j'ai
soulevé des difficultés concernant la solidarité des
dettes et, là-dessus, j'espère que le ministre va
éqalement examiner la possibilité de proposer des amendements.
J'ai soulevé également la question de la prescription. C'est un
point important. Le rapport du Barreau, d'ailleurs, en fait un état
assez large et je voudrais tout simplement répéter ce que le
Barreau disait à ce sujet. L'article du projet peut enqendrer des abus
considérables de la part des conjoints. En effet, l'on peut imaginer
facilement que le débiteur alimentaire se placera volontairement dans
une position où l'on ne pourra payer de pension alimentaire, demeurera
dans cette position pour une période de deux ans et, après ce
délai, recommencera à faire des affaires florissantes pour son
propre compte. Cela pourrait, en fin de compte, causer de véritables
problèmes.
Le dernier point, c'est celui de l'adoption; j'en ai glissé un
mot en deuxième lecture. Le ministre des Affaires sociales nous avait
fait adopter une loi, nous avait proposé l'adoption d'une loi concernant
l'adoption en mai 1979. Cette loi parlait de l'adoption internationale,
abolissait, à toutes fins pratiques, l'adoption privée, etc. Le
projet de loi no 89, là-dessus, abolit la loi concernant l'adoption et
on ne reprend que quelques articles au niveau de la loi 89. De ce
côté, il y a des difficultés auxquelles le ministre devra
essayer de trouver des solutions et nous les proposer.
Quant à nous de l'Union Nationale, nous abordons cela avec la
plus grande ouverture d'esprit. J'ai eu l'occasion de le dire au ministre
à quelques occasions. Si cela nous est possible d'adopter cela avant
Noël, tant mieux. Cependant, je le répète, nous
n'accepterons pas d'adopter une loi aussi importante de façon
hâtive à la fin de la session. On ne voudrait pas se faire
bousculer. Si le gouvernement veut notre collaboration, je pense qu'on devra le
faire de la façon la plus sereine possible. Si on ne peut pas finir au
mois de décembre, on continuera en janvier. À moins que le
ministre ne nous dise que le premier ministre va déclencher des
élections au mois de janvier, on aura tout le temps nécessaire,
en janvier et février, pour continuer l'étude article par
article, si nous n'avons pas l'occasion de terminer d'ici Noël.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre, pour certaines
remarques.
M. Marc-André Bédard
(réplique)
M. Bédard: Le député de Saint-Laurent
revient de vacances. J'avais espéré un instant qu'il nous fasse
qrâce de l'attitude maladivement partisane et mesquine qu'il emploie
toujours, d'une façon permanente, au niveau de l'Assemblée
nationale. Je vois que le naturel revient facilement au galop, si on peut
employer l'expression, et qu'il est bien difficile pour lui de s'empêcher
d'être partisan. Il sent même le besoin de dire certaines choses en
ajoutant la nuance qu'il le dit sans mesquinerie, tout en v allant à
fond. Je passerai au-dessus de ses remarques, mais j'avoue qu'il me fait
regretter, d'une certaine façon, son collègue de
Marguerite-Bourgeoys qui a su, au niveau de la deuxième lecture,
discuter de ce projet de loi avec la maturité et la dignité que
commande un tel projet de loi gui concerne non pas nos intérêts
partisans, mais le bien-être de l'ensemble de la collectivité
québécoise.
Le député de Saint-Laurent nous parle de ses suqqestions
de qrandes commissions spéciales qui auraient pu aboutir, à un
moment donné, à un Code civil. Il nous parle de la technique, de
la manière qui aurait pu être employée, par quelque
gouvernement que ce soit, pour faire l'étude, la révision du Code
civil. Ce qu'il oublie de dire, c'est que, quels que soient les
mécanismes qu'on ait pu mettre en place, à un moment
donné, il faut qu'un Parlement, et qu'un gouvernement, en
conséquence, assume la responsabilité de présenter un
projet de loi à l'Assemblée nationale pour que ce projet soit
soumis à l'attention des parlementaires. On ne peut pas passer à
côté de cela, quels que soient les mécanismes qu'on aurait
pu prévoir.
Cette responsabilité, nous l'avons assumée; nous l'avons
assumée avec sérieux et avec célérité. C'est
bien beau de dire qu'on avait depuis 23 ans l'Office de révision du Code
civil, qu'il fallait une étude sérieuse de son rapport, que c'est
une loi très importante. Tout le monde est d'accord sur cela. Mais il ne
faut quand même pas prendre cette importance du projet de loi pour en
faire un prétexte pour avancer lentement, à pas de tortue.
Après 23 ans d'étude de la part de l'Office de révision du
Code civil, et avoir entendu les groupes sur son rapport, on
n'est quand même pas là pour inventer une mécanique
qui, à un moment donné, va indûment allonqer des
délais qui ont déjà été suffisamment longs,
pour ne pas dire - et c'est l'avis de tout le monde - beaucoup trop longs,
autant d'aboutir à une réforme du droit de la famille. (16
heures)
D'ailleurs, je pense que la meilleure preuve du sérieux du
gouvernement face à cette pièce de législation importante,
c'est l'unanimité des parlementaires à la suite du
dépôt du projet de loi à l'occasion de la deuxième
lecture. Il me semble que c'est la meilleure preuve. Avec l'humilité de
ce que cela représente, parce qu'on parle de choses qui touchent les
fibres sensibles des Québécois et des Québécoises,
c'est, je pense, la meilleure preuve du sérieux que le gouvernement a
apporté pour présenter cette pièce impartante de
législation. Contrairement à ce que dit le député
de Saint-Laurent, cela prouve que le gouvernement n'est pas allé
à la pêche lorsqu'il a entendu les groupes, lorsqu'il a lu les
mémoires des différents groupes, mais, au contraire, il a
trouvé le moyen d'en faire une étude suffisamment sérieuse
pour arriver avec un projet de loi qui n'est pas parfait. Je n'ai pas cette
prétention-là et je n'ai pas la prétention que c'est la
chose du gouvernement, que c'est la chose du ministre, loin de là. Il me
semble que les propos que j'ai tenus jusqu'à maintenant sont assez
clairs là-dessus. Je suis très conscient que c'est avec la
collaboration de tous les membres de l'Assemblée nationale que nous
avons des chances de donner cette réforme qui est attendue depuis si
longtemps par la population du Québec. Je sais que ce n'est pas
uniquement ma responsabilité; c'est la responsabilité de tous les
parlementaires sans aucune attache, sans aucune connotation partisane.
L'étude a été d'autant plus sérieuse et les
propos du député de Saint-Laurent sont d'autant plus maladivement
- je le dis encore - partisans et mesquins que nous avons eu - il n'est
peut-être pas au courant - bien des représentations demandant de
procéder à l'adoption de ce projet de loi le plus rapidement
possible, tout en mentionnant qu'on aurait pu faire encore plus de
consultations, faire des commissions parlementaires, y ajouter, en plus de
cela, tout un mécanisme pour étudier le rapport de l'Office de
révision du Code civil.
Mais, à un moment donné, il faut en finir. C'est cela
notre responsabilité comme gouvernement, comme membres de
l'Assemblée nationale. Il faut à un moment donné, le plus
sérieusement possible, faire le tour de l'ensemble des
préoccupations des différents groupes qui se sont fait entendre
pour déposer une pièce de législation qui, nous le savons
d'avance, ne satisfera pas toutes les prétentions de tous les groupes,
c'est impossible, mais l'essentiel des représentations faites par ces
groupes.
Je donne comme exemple que nous avons procédé avec ce
projet de loi autrement qu'avec d'autres projets à l'Assemblée
nationale. Il y eu, je pense, en juin 1978, le dépôt à
l'Assemblée nationale du rapport final de l'Office de révision du
Code civil. Dès l'année suivante, du 13 mars au 28 mars 1979,
au-delà de 25 organismes se sont fait entendre et un nombre de
mémoires encore plus important a été produit,
déposé à la commission de la justice. Nous avons
procédé avec célérité étant
donné l'importance de cette législation, puisgue, l'année
qui a suivi, dès le 5 mars 1980, nous avons fait le dépôt
du projet de loi.
Nous n'avons pas exigé, en mars 1980, d'adopter rapidement,
à l'occasion de cette session, le projet de loi, parce qu'à ce
moment-là, et avec raison, nous aurions été accusés
de vouloir "bulldozer", de vouloir y aller d'une façon beaucoup trop
expéditive. Au contraire, il ne faut jamais l'oublier, depuis quand
même le 5 mars 1980, le projet de loi a été
déposé à l'Assemblée nationale et porté
à l'attention de l'ensemble de la population. Je comprends que ce n'est
pas l'ensemble de la population qui peut être informé juste
à partir du dépôt d'un projet de loi, mais nous y avons
ajouté, par exemple, de nombreuses communications. Nous avons
envoyé le projet de loi et une vulgarisation des principales
réformes à tous les avocats du Québec, à tous les
media du Québec, à tous les journalistes
spécialisés, à tous les organismes féminins et
sociaux concernés. Du 14 octobre à ce jour, nous avons eu la
réception de mémoires des mêmes groupes qui se sont
présentés devant la commission parlementaire, à quelques
exceptions près. J'ai pris la peine d'envoyer également une
lettre à tous ces groupes pour leur rappeler et leur demander de nous
faire parvenir des suggestions additionnelles, s'ils en avaient à la
suite des représentations déjà faites lors de la
première commission parlementaire.
Il me semble que nous sommes allés au devant, justement, de cet
éclairage dont nous avions besoin pour essayer de faire le travail le
plus sérieux possible au niveau de cette commission parlementaire.
S'ajoutent à tout cela - et c'est en cela que le député de
Saint-Laurent ne semble pas juste et correct - de nombreux témoignages,
dont celui du Barreau du Québec, par exemple. On ne nous accusera
certainement pas de pressions auprès du Barreau parce que, le 14 octobre
dernier, il parlait lui-même de la nécessité de doter le
Québec d'un Code civil encore mieux adapté aux besoins
réels de la société. "Et, poursuivait-il, à cet
égard, nous désirons signaler qu'une adoption rapide de ce livre
deuxième tel qu'amendé s'impose, compte tenu de la situation
actuelle du droit matrimonial qui contribue à entretenir de nombreuses
injustices."
Il y a eu l'organisme CSSQ, également les centres
d'assistance-maternité, La Clairière de Québec qui a fait
parvenir des télégrammes où on déplorait la lenteur
des démarches relatives à la réforme du droit de la
famille et où on disait textuellement: "Nous comptons sur vous pour que
cette réforme se fasse rapidement." J'y ajouterais de mon propre chef,
et c'est ce qu'ils voulaient dire: Nous compterons également sur la
collaboration de tous les parlementaires. L'Association des centres de services
sociaux aussi a fait des représentations pour que ce soit adopté
au cours de la présente session.
Le Conseil du statut de la femme disait ceci, dans son
télégramme: "Projet de loi d'ailleurs attendu depuis fort
longtemps. Une révision, une réforme en matière de droit
familial était devenue nécessaire au Québec. Face à
cette réforme, le CSF émet le souhait que les travaux
amorcés soient poursuivis et deviennent sans retard
réalité légale pour le meilleur intérêt des
citoyens et citoyennes du Québec." Il me semble
qu'il y a suffisamment d'indices au moins pour indiquer que le
gouvernement a fait un travail sérieux et nous y répondons en
essayant, à notre tour, d'y aller avec célérité,
mais avec sérieux. Nous répondons à des attentes qui
existent déjà au niveau de la population et des qroupes
concernés.
Il y aurait peut-être un autre point que je voudrais mentionner
avant que nous commencions l'étude. Des deux côtés, on a
parlé de la technique léqislative employée, des
difficultés constitutionnelles que cela pourrait représenter ou
de la possibilité de contestation devant les tribunaux. Je tiens
à dire que la technique législative qui est employée -
elle peut être améliorée sur certains points - par le
gouvernement dans le projet de loi no 89 peut nous donner la conviction qu'il
n'y a pas, qu'il n'existe pas ce danger de contestation allégué
par d'autres parlementaires. En fait, si je peux me permettre un exemple, je me
rappelle que, lorsqu'il y a eu le jugement de la Cour suprême du Canada,
nous avions employé une technique législative pour que tout soit
juridiquement impeccable. Je me rappelle qu'au cours de ce débat les
partis d'Opposition avaient émis bien des doutes sur la technique
législative que nous employions à ce moment. Pourtant, il n'y a
eu absolument aucune contestation. Cette technique législative, avec les
nuances qui sont nécessaires pour le code, j'en suis convaincu, sera
aussi rigoureuse et aussi étanche, de façon qu'elle ne donnera
pas ouverture à des contestations de la part des citoyens et citoyennes.
La meilleure manière pour qu'il n'y ait pas de contestation -le
représentant de l'Union Nationale, le député de
Nicolet-Yamaska l'a bien mentionné - et que cela règle le
problème une fois pour toutes, ce serait que le fédéral
rapidement trouve le moyen de nous donner cette juridiction qui, à mon
sens, est essentielle pour l'ensemble de la collectivité
québécoise et alors tout entrerait dans l'ordre.
Ce sont les dernières remarques que j'ai à faire. Si nous
nous en remettons à la technique que j'ai évoquée tout
à l'heure - et mes collègues semblaient d'accord là-dessus
- nous pourrions passer à la première section qui traite des
conditions du mariage.
Le Président (M. Laberge): Messieurs, pour le journal des
Débats qui ne voit pas comment est confectionné ce projet de loi,
je dirai que l'article 1 se lit comme suit: "II est institué un Code
civil du Québec dont le livre deuxième se lit comme suit" et,
à la suite de ces remarques, le livre deuxième comprend les
articles 400 à 652 du nouveau Code civil et il est divisé en cinq
titres dont certains sont divisés en plusieurs chapitres.
Donc, titre premier, Du mariage; chapitre premier, Des conditions
requises pour contracter mariaqe. Là, on pourrait avoir des
commentaires.
Étude du projet de loi
Chapitre premier
Des conditions requises pour
contracter mariage
M. Forget: Je m'excuse auprès du ministre, mais avant
qu'on aborde la question des conditions requises pour contracter mariage,
serait-il possible de nous éclairer un peu sur l'abandon, dans le projet
de loi, des recommandations de l'Office de révision du Code civil
relatives aux promesses de mariage ou aux fiançailles, si l'on veut? Il
y a, dans le Code civil actuel, des dispositions à cet égard, que
l'Office de révision du Code civil proposait de simplifier. On se livre
à une opération de chirurgie radicale de ce
côté-là, on les enlève complètement. Cela
crée, bien sûr, une situation juridique qu'il y aurait
peut-être lieu d'expliquer un peu et aussi il faudrait expliquer les
motifs qui sous-tendent le rejet de cette partie des recommandations de
l'office. Je pense que cela ne prendra pas tellement de temps. On veut
simplement donner au ministre l'occasion d'être "on record" sur cette
affaire, relativement à cette partie du Code civil.
M. Bédard: Je m'attendais à cette question, mais,
si le député de Saint-Laurent n'a pas d'objection, on pourrait
peut-être en traiter un peu plus tard.
M. Forget: C'est la première partie des recommandations et
cela précède, dans le rapport de l'office, le chapitre 2 sur les
conditions requises pour contracter mariage.
M. Bédard: Effectivement, le nouveau Code civil du
Québec ne reprend pas certaines recommandations de l'Office de
révision du Code civil, notamment sur le chapitre portant sur les
promesses de mariage. Les raisons suivantes, je crois, peuvent être
invoquées à l'appui de la décision de ne pas inclure ce
chapitre dans le nouveau Code civil. D'abord, le Code civil ne
réglemente pas actuellement les fiançailles ou les promesses de
mariage. Deuxièmement, cette institution est en voie de perdre sa
popularité et sa signification traditionnelle, si je puis employer
l'expression. D'autre part, la jurisprudence accorde déjà, sur la
base de la responsabilité civile, des dommages et intérêts
au fiancé victime d'une rupture abusive. Je pourrais citer plusieurs
causes de jurisprudence à cet égard. Il y a également le
droit de répétition des donations qui est déjà
reconnu lorsque le mariage n'est pas célébré.
M. Forget: Cela est au chapitre des donations.
M. Bédard: C'est cela. Les règles proposées
n'écartent pas tout risque d'interprétation contradictoire par la
doctrine ou la jurisprudence. Ainsi, la différence entre la perte des
avantages et le préjudice causé n'est pas évidente. Le
Conseil du statut de la femme et la Ligue des droits et libertés se sont
interrogés également sur l'opportunité de retenir un tel
chapitre. Ce sont essentiellement les principales raisons qui ont motivé
la décision de ne pas inclure les promesses de mariage au niveau du
nouveau Code civil. (16 h 15)
M. Forget: Donc, si on peut résumer, M. le
Président, très brièvement, il s'agit du fait que
l'institution est jugée en voie de désuétude.
M. Bédard: C'est cela.
M. Forget: Deuxièmement, il existe dans
d'autres chapitres du Code civil des remèdes satisfaisants,
à la fois sur le plan des recours en responsabilité civile et de
la répétition des donations lorsque la célébration
n'a pas lieu. Donc, tous les problèmes posés par les
fiançailles, dans la mesure où elles continuent ou
redeviendraient populaires, reçoivent des réponses
adéquates.
M. Bédard: C'est cela. M. Forget: Merci.
M. Bédard: Comme vous l'avez mentionné, M. le
Président, c'est par le titre Du mariage que nous abordons
l'étude du projet de loi portant réforme du droit de la famille.
Le mariage, en effet, est l'institution qui cimente les liens de la famille et
lui assure sa stabilité. C'est donc normal que le titre premier du livre
deuxième sur la famille lui soit consacré. C'est, d'ailleurs,
aussi, on le constatera, le titre le plus volumineux, puisqu'il couvre les
articles 400 à 536, soit plus de la moitié de tout le livre
deuxième. D'où l'importance que le législateur entend
accorder à chacune des facettes de cette institution fondamentale de
notre droit familial. Le titre Du mariage comprend neuf chapitres dont
plusieurs sont subdivisés en sections. Je propose, autrement dit, que
nous abordions l'étude de ces chapitres et sections à la suite
les uns des autres, bien sûr, en faisant ressortir à chaque fois
les idées maîtresses qui les inspirent et en déposant, le
cas échéant, des amendements susceptibles d'en améliorer
tantôt la substance, tantôt la rédaction. Je pourrais
déposer immédiatement les amendements que je soumets et dont on
aura l'occasion de discuter. Je les porte à la connaissance de la
commission.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Les amendements que le ministre se propose de
déposer, est-ce qu'il a l'intention de les déposer au fur et
à mesure ou s'il a l'intention de nous...
M. Bédard: Toute cette section-là.
Mme Lavoie-Roux: Vous allez nous les remettre? D'accord.
M. Bédard: C'est cela, cela comprend la section des
conditions du mariage. Je vous les dépose dès maintenant. Il n'y
en a pas d'autres.
Mme Lavoie-Roux: Parfait, mais juste section par section?
M. Bédard: Oui, je vais essayer de faire - je pense que
cela a été une des représentations - en sorte que ce ne
soit pas juste au moment où on aborde l'étude d'une section que
je dépose les amendements, mais je vais essayer de vous donner une
période de temps plus longue qui permette la réflexion à
tous les parlementaires pour pouvoir prendre position, parce qu'il y a certains
amendements, j'imagine, qui vont jusqu'à exiger, des fois, l'obligation
de consulter nos collègues du caucus, etc.
Comme entrée en matière, le chapitre premier traite des
conditions requises pour contracter mariage. Il est donc normal de l'asseoir,
comme le fait le droit actuel, sur le principe du consentement de chacun des
époux. Il nous a paru utile, toutefois, d'insister davantage sur le fait
que le consentement doit être libre et éclairé et que seul
le consentement exprimé par un homme et une femme peut donner lieu
à un mariage. Par ailleurs, la règle du Code civil actuel fixant
l'âge requis pour se marier à 12 ans pour la femme et à 14
ans pour l'homme n'a pas été reprise parce que trop exclusivement
fondée sur l'aspect biologique ou l'aptitude biologique. L'âge
où une personne acquiert une pleine capacité nous semble plus
acceptable et est susceptible, en même temps, de réduire le taux
élevé d'échecs du mariage, quitte à assouplir la
règle en faveur des personnes qui témoignent d'une
maturité suffisante entre 16 et 18 ans.
Enfin, le projet de loi maintient les empêchements de mariage du
droit actuel entre parents et les étend à toute parenté
légitime naturelle ou adoptive. Cependant, sur la recommandation de
l'Office de révision du Code civil, il supprime tous les
empêchements de mariage entre liés, mais, à ce sujet,
l'Assemblée des évêques du Québec nous a fait part
de son inquiétude. Cela a été évoqué lors de
la deuxième lecture. L'Assemblée des évêques nous a
fait part de son inquiétude que cette suppression favorise les intrigues
et menace la paix de la famille. Cette observation me paraît
sérieuse. C'est pourquoi il y aura un projet d'amendement, à
l'article 405 qui vise à maintenir les empêchements de mariage du
droit actuel entre alliés en ligne directe.
Je dépose également un autre amendement qui est
plutôt à caractère technique et qui concerne la
qualité de la rédaction de l'article 405.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent, sur les articles 400 à 405.
M. Forget: M. le Président, sous réserve de nos
droits relativement à la procédure normale d'y aller article par
article - je n'ai pas l'intention d'en faire un problème, à ce
moment-ci - j'ai deux considérations ici: une question et une objection.
La question vise le fait que le texte de loi abandonne une recommandation de
l'Office de révision du Code civil relativement à l'interdiction
de mariage pour le majeur en tutelle. Les causes qui donnent ouverture à
la tutelle des majeurs actuellement semblent assez restrictives. L'Office de
révision cite les cas où les facultés mentales sont
altérées ou les capacités physiques telles qu'une personne
est incapable d'exprimer sa volonté. Je me demande ce qui a
poussé le gouvernement à envisager que le mariage d'un majeur en
tutelle puisse être concevable. Évidemment, on peut toujours dire
que le consentement libre et éclairé sera
interprété - c'est l'article 400 - de façon à
exclure les majeurs en tutelle. Comme l'Office de révision avait cru bon
de préciser cela, comme il y a eu une controverse dans la jurisprudence,
semble-t-il, relativement à cette question, ne serait-il pas bon de
reprendre cette interdiction
qui semble raisonnable? Si quelqu'un n'est pas capable d'administrer ses
biens parce qu'il est trop incohérent ou incapable de manifester sa
volonté quant à l'administration de ses biens, il me semble qu'a
fortiori on ne devrait pas lui permettre d'exprimer un consentement à un
mariaqe. C'est encore plus grave. C'est la question, dans le fond.
Peut-être y a-t-il des réponses là-dessus?
L'autre point, à moins que vous n'aimiez mieux réagir tout
de suite à cela...
M. Bédard: Là, sans entrer sur le fond...
M. Forget: Oui.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Bédard: ...l'explication est que l'examen de l'article
8 - c'était l'article 8 de l'Office de révision du Code civil
relatif au mariaqe du majeur en tutelle - est reporté à
l'occasion de l'étude du livre I sur les personnes. Il s'agit d'une
question de capacité qui vise aussi bien le majeur physiquement
incapable d'exprimer sa volonté que celui dont les facultés
mentales sont altérées. C'est pour cette raison que l'adoption
d'un tel article serait, en tout cas, pour le moins prématurée.
Autrement dit...
M. Forget: Oui.
M. Bédard: ...sur le fond, je ne suis pas prêt
à...
M. Forget: Être en désaccord.
M. Bédard: Je n'exprime pas de désaccord face aux
propos du député de Saint-Laurent, loin de là. Mais je
crois qu'il y a lieu peut-être...
M. Forget: Oui, mais, M. le Président, je me
permets...
M. Bédard: Ce pourrait être
prématuré.
M. Forget: ...d'inviter le ministre, s'il n'a pas d'objection,
à réfléchir à nouveau à ceci parce que,
à l'article subséquent, on traite également d'une guestion
de capacité lorsqu'il est question que les mineurs de 18 ans n'ont pas
la capacité, dans le fond, de contracter mariage. Alors, si une question
de capacité est réglée au titre Du mariage, pourquoi une
autre question de capacité ne serait-elle pas réglée
éqalement au titre Du mariage? Je comprends qu'on pourrait dire
éqalement que c'est au titre de la capacité et des personnes
qu'on va régler le problème de la capacité des mineurs de
se marier. Mais, comme on l'a tranché relativement aux mineurs d'une
façon au niveau de la rédaction, pourquoi vis-à-vis des
majeurs en tutelle ne le tranche-t-on pas de la même façon de
manière que ceux qui lisent le chapitre sur le mariage aient un tableau
complet des personnes qui ont la capacité de se marier ou pas? Les
officiers, par exemple, chargés du culte qui sont les officiants, les
fonctionnaires chargés de l'application au premier titre du chapitre du
mariage devraient pouvoir, simplement en lisant ce chapitre-là et pas
l'ensemble du Code civil, juger si une personne est capable ou non. Enfin, je
pose la question et j'invite le ministre à y réfléchir
à nouveau.
M. Bédard: D'accord. Comme, sur le fond, nous ne sommes
pas fondamentalement en désaccord, loin de là, peut-être
que M. Guy pourrait ajouter quelque chose.
Si vous me le permettez, mon seul commentaire serait le suivant: Ce
concept de majeur en tutelle est tout à fait neuf dans notre droit. Il
se réfère aux articles 180 et suivants du livre 1 de l'Office de
révision. Il vise aussi bien l'altération des facultés
mentales que les personnes qui sont physiquement incapables d'exprimer leur
volonté. Cela va demander, c'est sûr, un examen assez particulier
de ce concept nouveau de majeur en tutelle et, comme l'interdiction
proposée par l'office, évidemment, supposait éqalement au
livre 2 que le livre premier soit retenu, si vous voulez, cela pouvait venir
plus normalement, alors que le cas de la minorité n'est pas
changé par le droit nouveau. Le mineur est mineur aussi longtemps qu'il
n'a pas 18 ans, de sorte que cela ne posait pas les mêmes
problèmes de qualification des concepts.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Si vous me permettez, sur ce point. Je dois vous
dire au départ que, n'ayant pas de formation de juriste, mes questions
seront plutôt d'ordre pratique.
Pour revenir à la question de majeur en tutelle, quand M. Guy
disait qu'il y avait des qens qui, physiquement, ne sont peut-être pas en
état de contracter mariaqe, cela m'est apparu presque bizarre. Il n'y a
pas plus longtemps que quinze jours, par exemple, des pressions d'ordre moral
ont été exercées sur des personnes malades en institution
pour leur faire contracter mariaqe. Je me demande si cela ne tombe pas un peu
dans cette catégorie. Je pourrais vous apporter les preuves. Dans un
milieu, quand même, qu'on dit ou qu'on pense évolué, je
trouvais que c'était un abus face à la liberté des gens.
Je vous apporte cela comme exemple si ça peut faire
réfléchir davantaqe sur ce point. Je comprends qu'il y a des
difficultés sur le plan juridique d'établir ce que c'est et ce
que cela couvre, mais je pense que ce n'est peut-être pas superflu d'y
réfléchir.
M. Bédard: Si les membres de la commission me le
permettent, j'ai omis une chose tout à l'heure. Je sais que, tout au
cours du débat en deuxième lecture et ici ce matin, ce gui
était tout à fait normal, on a eu l'occasion de féliciter
les membres de l'Office de révision du Code civil, de même que
tous les groupes qui ont fait des représentations. Je dirais d'une
certaine façon que toutes les femmes du Québec ont fait des
pressions pour un nouveau Code civil. Vous me permettrez sans doute de
mentionner le travail qui a été fait par les principaux
responsables de cette équipe du ministère qui est à notre
disposition, à la disposition de tous les parlementaires, et de les
féliciter en votre nom pour ce travail assez gigantesgue; on le voit
dès les premiers articles, cela demandait une réflexion en
profondeur de tous les instants.
Vous me permettrez de vous présenter, d'abord, M. Marcel Guy,
directeur de la direction du droit civil, qui, d'une façon tout à
fait
particulière, presque depuis le dépôt du rapport de
l'Office de révision, en tout cas, dans les quelques mois qui ont suivi,
a été attaché uniquement à ce dossier.
Également, M. Alain Bisson, qui est ici derrière moi,
sous-ministre associé aux affaires législatives, et
éqalement Mlle Marie-José Longtin, directrire de la
législation ministérielle, qui a toujours l'air effacé,
mais qui n'en fait pas moins un travail très efficace. Je voudrais aussi
profiter de l'occasion pour mentionner la collaboration qu'on a eue de M.
Jacques Massip, conseiller à la Cour d'appel française qui est
venu tout particulièrement discuter de l'aspect des dispositions
transitoires. Comme on sait que c'est le droit civil français, sa
collaboration a été très précieuse. Il est venu
nous visiter pour une dizaine de jours. J'aimerais également remercier
toutes les personnes ressources qui ont travaillé. (16 h 30)
M. Forget: J'avais un deuxième point. On peut
peut-être laisser celui-là pour réflexion.
M. Bédard: D'accord.
M. Forget: Un deuxième point - celui-là, c'est
moins une question qu'une objection relativement à l'article 403, la
question de la dispense d'âge pour le mariage. J'allais dire le mariage
d'enfants. Le projet de loi reprend la disposition ou la recommandation de
l'Office de révision du Code civil dans un sens qu'ici il y a une
conformité totale. Mais certains groupes ont fait valoir qu'il y aurait
sans doute lieu d'envisager une prohibition, c'est-à-dire de
considérer la limite d'âge de 18 ans comme étant d'ordre
public. Mes collègues et moi-même sommes d'avis que ce point de
vue mérite d'être examiné avec soin et même
d'être appuyé.
Il est difficile d'imaginer dans quelles circonstances une dispense
comme celle-là pourrait être valablement exercée.
L'idée qui va venir à l'esprit de la plupart des gens est le cas
d'une jeune fille qui attend un enfant et qu'on marie, en quelque sorte, en
dépit des dispositions de la loi normale; on obtient une dispense. On
peut se demander si, en 1980, étant donné l'évolution des
moeurs, c'est là la solution appropriée à un
problème social évident, à un problème personnel
aussi aigu. Est-ce qu'on ne confond pas les problèmes, est-ce qu'on
n'ajoute pas un deuxième problème à un premier en
provoquant un mariage dans des circonstances où les chances qu'il dure
et qu'il soit heureux ne sont probablement pas très
élevées? Il est difficile d'imaginer d'autres circonstances que
celle-là. C'est probablement ce qui viendra à l'esprit de tout le
monde. Cela date d'une époque où le mariage était vraiment
une institution beaucoup plus qu'un contrat, où des
événements extérieurs à la volonté des
parties parfois même, au XIXe siècle, la volonté des
familles beaucoup plus que celle des conjoints étaient
déterminantes.
On est peut-être rendu à la période où le
mariage de personnes de moins de 18 ans ne semble pas véritablement
justifiable. Pour ceux gui ont eu des enfants de cet âge, on s'imagine
mal qu'avant 18 ans ils aient pu donner un consentement valable guand on sait
ce que comporte le mariage qui est un engagement sérieux, pour
longtemps. On aimerait beaucoup mieux que cette possibilité de dispense,
qui fait introduire le tribunal, de toute façon, dans des relations
où le moins le tribunal s'introduit, le mieux c'est, disparaisse, tout
simplement.
M. Bédard: Disons que c'était pour bien marquer le
caractère exceptionnel de la dispense d'âqe auquel
réfère le député de Saint-Laurent...
M. Forget: Ce n'est plus la simple permission des parents, c'est
sûr.
M. Bédard: ...qu'on avait réservé ce droit
au tribunal plutôt qu'aux parents, le tribunal devant s'éclairer
de l'avis des parents. Nous pensons que ce contrôle judiciaire devrait
normalement entraîner une diminution, sinon une disparition, des mariages
contractés par des personnes mineures. Heureusement - je pourrai vous
fournir un tableau - on est à même de constater que ce nombre
diminue d'une façon plus que significative. Pour les quelques cas qui
peuvent quand même survenir - il s'agit quand même d'un
problème humain important quand on est concerné - nous croyons
nécessaire de qarder une sorte de mécanisme.
Mme Lavoie-Roux: Quel est le type de cas? Vous dites suivant le
type de cas, vous semblez avoir des statistiques.
M. Bédard: Non, j'ai seulement des statistiques... En tout
cas, on sait que c'est un cas humain important quand cela arrive.
Mme Lavoie-Roux: Mon collègue de Saint-Laurent s'est
référé à une situation particulière. Est-ce
que, selon votre expérience, il y a d'autres cas auxquels nous ne
pensons pas et qui, peut-être, pourraient justifier ce type de dispense
ou cet article particulier?
M. Bédard: Je n'en ai pas présent à
l'esprit. Je pense qu'on peut facilement imaginer que c'est un problème
humain important lorsque cela se présente. Il est peut-être
préférable de prévoir quand même la
continuité d'un mécanisme qui aura à répondre
à des situations comme celle-là quand elles se
présentent.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M, Fontaine: J'aurais deux choses à faire remarquer au
ministre concernant l'article 403. Il y a des différences assez
importantes, je pense, avec ce que rapportait l'Office de révision du
Code civil. L'article 403 dit: "Une dispense d'âge peut être
accordée..." L'Office de révision du Code civil disait: "Une
dispense d'âge peut être accordée pour motifs
sérieux." Ici, dans la loi 89, on a enlevé les mots "pour motifs
sérieux". Il m'apparaissait gue c'était important,
premièrement, de laisser au tribunal le soin de juger quels
étaient les motifs sérieux. En l'enlevant, je pense qu'on laisse
quelque chose qui est vaque. On ne sait pas trop...
M. Bédard: Je comprends le sens de l'intervention du
député de Nicolet-Yamaska. Cela peut donner l'impression de
laisser un peu prise à l'arbitraire. Je crois, au contraire, que
d'expliciter "pour motifs sérieux", c'est peut-être
plus de la phraséologie qu'autre chose parce qu'on peut
difficilement concevoir qu'une dispense, si elle est accordée dans ces
circonstances, puisse l'être pour des motifs qui ne sont pas
sérieux.
M. Fontaine: Si on ne le met pas, cela pourra peut-être
devenir presque automatique. Du moment où on n'indique pas pourquoi,
pour quels motifs on pourrait accorder cette dispense, on pourrait tout
simplement penser que le tribunal va dire: J'ai une demande et je
l'accorde.
M. Bédard: Le fait, par exemple, que les pères et
mères sont invités à donner leur opinion ne montre-t-il
pas déjà le caractère sérieux de la
démarche?
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pas nécessairement la raison
sérieuse de la dispense, par exemple.
M. Blank: Si le juge se trouve face au père et à la
mère qui, pour une raison spéciale, veulent que l'enfant se
marie, il est difficile pour lui de refuser.
M. Bédard: Je vous dis pourquoi... M. Blank: II n'y
a aucune raison.
M. Bédard: Je ne vois aucune objection. Peut-être
est-il préférable de laisser les mots "pour motifs
sérieux". Tenons pour acquis qu'on le fera.
M. Forget: Je pense que là il y a une question de
cohérence. À l'époque où était
rédigé le Code civil, il y avait une distinction très
marquée entre l'enfant légitime et l'enfant non légitime.
Comme on fait des efforts, espérons-le, complets en d'autres parties de
ce projet de loi pour éliminer le stigmate de
l'illégitimité, etc., je pense que le seul motif sérieux,
c'est de ne pas stigmatiser l'enfant à naître. Si on fait
disparaître ce motif, comme on l'a vu, il ne reste plus de motifs
sérieux. Il faut être cohérent. Si on modifie la loi
à certains égards, je pense qu'il faut en tenir compte. Le reste,
c'est l'honneur de la famille ou des notions comme celle-là. Je pense
qu'en 1980 il faut l'interpréter dans le contexte actuel.
M. Bédard: Voulez-vous dire que l'honneur ne veut rien
dire?
M. Forget: Les notions d'honneur... L'honneur ne disparaît
pas, mais la façon dont on l'interprète varie
énormément avec le temps, il n'y a pas d'erreur.
M. Blank: Si les enfants veulent se marier après 18 ans,
le mariage, même avec la loi actuelle, rend l'enfant légitime.
C'est-à-dire qu'il y a une période de réflexion pour
savoir si vraiment ils veulent se marier.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaire: J'avais une autre remarque sur le même
article.
Mme Lavoie-Roux: On le garde ou on l'enlève?
M. Bédard: Écoutez, on travaille ensemble.
Mme Lavoie-Roux: On ne parle pas de la même chose tous les
deux, nous autres.
Le Président (M. Laberge): On va donner la parole au
député de Nicolet-Yamaska pour son autre question.
M. Fontaine: Vous avez l'autre problème. On mentionne le
tribunal. L'office de révision parlait du juqe. On pourrait penser que
cela pourrait exclure la juridiction du juge en chambre. Est-ce que ce ne
serait pas mieux de réintroduire la notion de juge, plutôt que
celle de tribunal? Ou peut-être les deux?
M. Bédard: Cela apparaît plus logique de
déterminer cela au niveau du Code de procédure civile.
M. Fontaine: Oui.
M. Bédard: Je pense. C'est au Code de procédure
civile qu'on peut le mieux définir les procédures qui sont de la
juridiction du tribunal, du juge en chambre, et non pas commencer à
faire cela ici, au niveau du Code civil.
Le Président (M. Laberge): Tout en tenant compte des deux
modifications, des deux amendements suggérés par le ministre, y
a-t-il d'autres questions sur les articles 400 à 405?
M. Bédard: Comme méthode de travail, on va faire le
tour de cette section et ensuite on reviendra article par article. Ce sera plus
facile.
Le Président (M. Laberge): C'est pour cette raison que je
vous permets de poser des questions globalement.
M. Fontaine: J'aurais une autre remarque à faire sur les
deux premiers articles sur lesquels certains ont fait des commentaires
tantôt. Dans l'Office de révision du Code civil, lorsqu'on parlait
de consentement - à l'article 401 - on définissait le
consentement en disant qu'il devait être libre et éclairé.
Dans l'actuel article 401, on ne parle que de consentement. Je pense que c'est
important de qualifier le consentement, de le définir.
À 400, on dit que le mariage requiert le consentement libre et
éclairé. D'accord. Mais à 401, on définissait le
consentement libre et éclairé en disant qu'il consiste "dans la
volonté qu'expriment un homme et une femme de se prendre pour
époux."
M. Bédard: C'est tout simplement technique. Il n'a pas
paru utile de répéter les qualités du consentement qui
sont déjà contenues à l'article 400.
M. Fontaine: Donc, il faudrait interpréter le mot
"consentement" à l'article 401 comme étant un consentement libre
et éclairé, tel que défini à l'article 400.
Le Président (M. Laberge): Y a-t-il d'autres questions sur
l'article 400 comme tel?
M. Bédard: 400, je pense que ça va.
Le Président (M. Laberge): Cela peut peut-être
aller.
M. Bédard: Est-ce qu'il y a d'autres remarques avant qu'on
procède article par article?
M. Forget: Oui, il y a d'autres remarques, M. le
Président. À 405, il y a la question du mariage, les
interdictions de mariage. D'abord, il y a la suggestion qu'un certain nombre de
personnes ont faite de permettre qu'en cas d'adoption le juge puisse permettre
un mariage en ligne collatérale, selon les circonstances.
M. Bédard: J'ai donné l'explication tout à
l'heure.
M. Forget: J'aimerais bien que le ministre nous explique ce que
veut dire l'amendement qu'il introduit à 405. On ne peut
également contracter mariage entre alliés en ligne directe. Si je
comprends bien, on élimine du Code civil toutes les restrictions
actuelles, mais on conserve celle-là qu'on a de la difficulté
à comprendre. Que signifie-t-elle exactement?
M- Bédard: Ce sera peut-être une belle occasion
d'expliciter ce que j'ai dit préalablement, à savoir l'esprit
avec lequel on proposait certains amendements. C'est peut-être pour en
provoquer la discussion. Je l'ai rappelé tout à l'heure, il y a
eu certaines représentations qui avaient pour but de réintroduire
les empêchements.
Le Président (M. Laberge): Cela va. Mme la
députée des Îles-de-la-Madeleine.
M. Bédard: Pour donner l'idée de cela, parce que
c'est du langage juridique, ce sera plus facile à comprendre avec des
exemples. L'effet serait que le mariage entre le beau-père et la
belle-fille ne serait pas possible.
M. Forget: Après le décès ou après le
divorce?
M. Bédard: C'est cela. (16 h 45)
M. Forget: Indifféremment?
M. Bédard: Indifféremment. Mais que le mariage
entre - on dit collatéraux - un beau-frère et une belle-soeur
peut être possible.
Mme LeBlanc-Bantey: Même avant décès?
M. Bédard: C'est ça.
M. Forget: Après le divorce, bien sûr.
Mme Lavoie-Roux: Autant que possible.
M. Bédard: Après le divorce.
Mme LeBlanc-Bantey: Je ne suis pas juriste, mais j'avais cru le
comprendre.
M. Bédard: Je donne les deux exemples. Je les soumets
à votre attention.
Mme LeBlanc-Bantey: Le bon sens n'est pas seulement de votre
côté.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée,
je ne vous avais pas vue, mais je vous reconnais.
Mme LeBlanc-Bantey: Vous me reconnaissez maintenant? À
l'article 403 - j'ai perdu un peu la discussion, je m'excuse d'ailleurs - pour
vous donner un exemple, on est en train de discuter de l'égalité
des femmes. J'ai perdu un peu la discussion. J'ai eu un appel pour savoir
combien de temps il fallait faire cuire un lapin. Est-ce qu'on maintient...
Mme Lavoie-Roux: Elle ne pouvait pas demander ça à
votre mari?
Mme LeBlanc-Bantey: Non, il n'était pas là. Elle
n'a pas pensé de regarder dans le livre de recettes.
À l'article 403, maintien-t-on: "Le mineur peut demander seul la
dispense d'âge."
M. Bédard: Oui, cela a été
discuté.
Mme LeBlanc-Bantey: On le maintient. À l'article 405,
justement, avec votre amendement, vous dites que c'est dans le cas, par
exemple, du beau-père et de la belle-fille. J'imagine que, dans la
réalité d'aujourd'hui, il existe sans doute quand même des
cas où ça existe. Il y a peut-être même des enfants
en cause. Pourquoi n'a-t-on pas manifesté une certaine ouverture
d'esprit pour des cas d'exception au moins où ce genre de chose pourrait
être possible pour protéger les enfants qui pourraient être
en cause éventuellement? Ce que je dis, c'est que ça doit
exister. Il doit y avoir des cas où ça existe. Vous n'avez pas
compris, M. le ministre?
M. Bédard: Je m'excuse. J'étais distrait; ce n'est
parce que vous n'étiez pas cohérente.
Mme LeBlanc-Bantey: Chacun son tour. Ce que je dis, c'est que le
Code civil est censé être le reflet de la société.
Je dis qu'il doit peut-être exister des cas ou qu'il existera sans doute
des cas où de tels mariages devraient être
préférables justement parce qu'il pourrait y avoir des enfants en
cause. Si je comprends bien l'amendement, en aucune façon on ne
permettrait ce genre de mariage, même avec la permission d'un juge ou
autrement.
M. Bédard: C'est exact.
Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de faire un
amendement qui prévoirait ce genre de situation sans que ce soit ouvert
à...
M. Bédard: J'aimerais peut-être que vous m'ameniez
une argumentation qui serait...
Mme LeBlanc-Bantey: C'est parce que l'amendement vient de nous
arriver et on n'a pas eu le temps de se préparer.
Le Président (M. Laberge): D'autres questions, Mme la
députée?
Mme LeBlanc-Bantey: Non, ça va. Je trouve ça
dommage.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous...
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le Président, quelle
était l'argumentation? Je pense que c'est venu du conseil des
évêques.
Une voix: C'est ça.
Mme Lavoie-Roux: Et, pour une raison ou pour une autre, je ne
l'ai pas, ce mémoire.
Pourriez-vous nous dire l'argumentation qui a été
apportée?
M. Bédard: C'est assez simple. Les empêchements de
mariage entre parents tiennent à des questions de biologie, pour partie,
et aussi à des questions de paix familiale. Mais celles qui touchaient
les alliés, donc le heau-père et la belle-fille, la
belle-mère et le beau-fils et les autres, tenaient davantage à la
paix familiale. On craignait les intrigues familiales pour en arriver à
provoquer les divorces et, ensuite, à marier le frère de son mari
ou vice versa. C'est cette inquiétude que l'Assemblée des
évêques continue de manifester en permettant, puisque le projet
était assez ouvert, le mariage entre beau-père et belle-fille ou
belle-mère et beau-fils et éqalement entre les
collatéraux. L'amendement déposg par le ministre de la Justice ne
vise qu'à limiter, à empêcher, en d'autres termes, le
mariage entre un beau-père et une belle-fille et une belle-mère
et un beau-fils. C'est aussi limité que ça, la portée de
l'amendement. Cela n'empêche pas le mariage entre beau-frère et
belle-soeur à la suite d'un divorce. C'est déjà possible
à la suite d'un décès, mais non pas à la suite d'un
divorce.
M. Forget: Un beau-père ne pourrait pas marier sa bru,
mais il pourrait l'adopter.
Des voix: Ah, ah!
M. Bédard: Si le tribunal trouve que c'est
l'intérêt de la bru.
M. Blank: Oui, ça pourrait très bien se
prouver.
M. Bédard: Mais il faudrait y mettre des formes,
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais est-ce que le député de
Saint-Laurent entend par "bru" la belle-fille? Pour moi, ce n'est pas la
même chose; il y a belle-fille dans le sens d'un deuxième mariage.
C'est dans le sens du deuxième mariage et non pas dans le sens de la
bru...
M. Bédard: En lien direct, c'est dans le sens de la bru et
dans le sens du gendre.
Mme Lavoie-Roux: Ah!
M. Bédard: C'est dans ce sens limité, si vous
voulez, que s'entend l'amendement proposé.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine.
Mme LeBlanc-Bantey: Je m'excuse d'arriver à la
dernière minute avec mon amendement, mais, puisqu'on a essayé
d'être souple dans tout l'ensemble du texte, et que je doute que de
telles situations se produisent souvent - de toute façon, si elles se
produisent, ce n'est pas le Code civil qui va les empêcher - comme j'ai
toujours la préoccupation des enfants là-dedans, je me disais:
Est-ce qu'on ne pourrait pas ajouter... À moins que le tribunal n'en
décide autrement. Est-ce que cela chanqe quoi que ce soit à la
préoccupation que les évêques avaient au sujet des
discordes familiales?
M. Bédard: On nous dit que le tribunal intervient
déjà trop. Peut-être qu'on n'avait pas l'intention de le
faire intervenir encore une fois.
Mme LeBlanc-Bantey: Je ne ferai pas de bataille
là-dessus.
M. Bédard: On ne peut quand même pas tout
prévoir.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska, pour une autre question.
M. Fontaine: II y a une discussion intéressante
entre...
M. Bédard: Prenons la société actuelle qui
nous indique très clairement que maintenant les mariages entre deux
jeunes, comme ça pouvait se faire il y a quinze ou vingt ans, ça
n'existe plus. Même à un âge un peu moins jeune, le nombre
diminue constamment. Je donnerai le tableau aux parlementaires demain,
d'ailleurs.On en est à certains cas d'exception. Il ne faut pas, non
plus, que le code soit axé plus vers les exceptions que vers la
règle générale, j'imagine, vers ce qui arrive dans la
société normale. Cela ne veut pas dire qu'il est anormal...
Mme LeBlanc-Bantey: Mon intervention ne visait pas à
diminuer les mariages les mariages mais à les augmenter.
M. Bédard: D'ailleurs, je pense qu'on a tous la même
préoccupation.
Le Président (M. Laberge): Je redonne la parole au
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Le député de Saint-Laurent a ouvert la
porte tantôt à une discussion gui est intéressante
concernant l'adoption en regard des empêchements de mariage, si vous
voulez. Le Barreau a fait des recommandations à ce sujet. Puisque les
empêchements de mariage, actuellement, sont surtout pour cause de
consanguinité, on peut se demander si, dans les cas d'adoption, il n'y
aurait pas lieu de prévoir des exceptions. Le Barreau faisait des
recommandations dans ce sens-là. Je ne veux pas prendre position dans le
débat, mais peut-être que le ministre...
M. Bédard: Je vais vous donner l'explication globale,
à savoir pourquoi on en est venu à ce
libellé. Le principe d'égalité entre les enfants
d'une même famille a prévalu sur les recommandations de l'Office
de révision du Code civil de permettre, en cas d'adoption et sur
autorisation du juge, le mariage en ligne collatérale. Cette
façon de voir est conforme à l'état du droit actuel. Une
brève analyse du droit comparé semble indiquer que les dispenses
de mariage en ligne collatérale dans les cas d'adoption sont
plutôt exceptionnelles. Ainsi, en France, en Belgique et en Italie, seule
la plus haute autorité du pays peut octroyer cette dispense. Je crois
qu'en France c'est le président de la République. Par ailleurs,
cet article supprime tout empêchement - sauf l'exception prévue
à l'amendement- de mariage entre alliés, que le mariage
produisant le lien d'alliance ait été dissous par
décès ou par divorce. Comme on l'a dit tout a l'heure il s'agit
là d'un élargissement du droit actuel.
M. Fontaine: L'Office de révision du Code civil proposait
de permettre une exception en cas d'adoption selon les circonstances et
ça n'a pas été retenu.
M. Bédard: Je vous fais part de la position que nous avons
prise - je ne veux pas refaire le Code civil tout seul; je veux avoir votre
idée aussi - à partir du raisonnement que le principe
d'égalité des enfants, prévalait. C'est notre
manière de voir les choses. Si ce sont des interrogations, j'essaie d'y
répondre. Si vous avez des positions plus tranchées dans le sens
contraire - je ne sais pas, il ne semble pas que ce soit le cas, d'après
ce que vous me dites - ce serait peut-être le temps de les exprimer.
On mentionnait également que, dans la mesure où on accepte
- c'est peut-être une raison plus légale - la thèse que ces
empêchements ne donnent pas ouverture à la nullité civile
du mariage, il n'est pas pertinent de les retenir. Il y a plusieurs causes de
jurisprudence, qu'il n'est pas nécessaire de citer, qui explicitent
justement que cela n'entraîne pas la nullité pour les
empêchements religieux.
M- Forget: M. le Président, le ministre a fait une
argumentation qui m'a presque convaincu, lorsqu'il a dit: Le droit, tel qu'on
veut l'établir, établit l'égalité stricte entre les
enfants, qu'ils soient naturels ou adoptés. Je serais porté
à conclure dans le même sens en disant: Le mariage ne peut donc
être envisagé entre des enfants des mêmes parents. Mais,
d'un autre côté, il faut bien admettre que, dans d'autres
chapitres, on reconnaît que certains droits patrimoniaux ne sont pas
entièrement éteints, si ma mémoire est bonne, dans le cas
des enfants adoptifs. Est-ce qu'ils ne peuvent pas conserver le droit à
hériter de leurs parents naturels?
M. Bédard: Pas dans le projet 89. M. Forget: Pas
dans le projet 89.
M. Bédard: Dans la proposition de l'ORCC, mais cela 'n'a
pas été retenu pour les mêmes raisons...
M. Forget: Ah bon!
M. Bédard: ... que M. le ministre vient de souligner, pour
les droits patrimoniaux, les droits successoraux.
M. Forget: Sur le plan de la logique, évidemment, le
projet 89 est sauf, mais on me souligne qu'il peut y avoir des situations
où des enfants sont adoptés alors qu'ils ont 17 ans, parce qu'il
y a un mariage qui intervient entre leurs parents respectifs, etc. À ce
moment-là, le fait qu'ils soient adoptés légalement ne
change pas le fait qu'il s'agisse de deux familles, dans le fond. Quand on
pense aux circonstances, ce sont des circonstances qui font que - je comprends
qu'il y a les fictions juridiques dans le sens que tous les enfants d'un
même ménage sont sur un pied d'égalité - personne ne
va prendre au sérieux cette fiction juridique. Est-il raisonnable
à ce moment-là de mettre des interdictions dont le sens
véritable devrait être d'interdire les mariages pour des raisons
de consanguinité? Dans le fond, c'est un impératif biologique
qu'on veut transcrire dans la loi et aussi la considération
d'équité entre tous les enfants, ce que j'accepte de façon
générale, mais il y a des cas où la considération
d'équité sera mise de côté spontanément par
tout le monde, parce qu'elle n'est pas applicable. On a introduit une
restriction qui est peut-être abusive dans ces cas-là.
M. Bédard: Avec les explications qu'a données M.
Guay tout à l'heure, avec les restrictions qu'il a
énoncées, peut-être qu'il serait possible de penser
à un amendement dont l'application serait limitée cependant
à ce qu'exprime le député de Saint-Laurent et que
pourraient traduire nos légistes dans un article.
Mme Lavoie-Roux: Quand les gens se marient ou se remarient et
qu'ils décident d'accepter les enfants des conjoints ou d'un conjoint, y
a-t-il une limite d'âge pour l'adoption de l'enfant? Peut-on adopter des
enfants qui ont 16 ans?
M. Bédard: Oui.
Mme Lavoie-Roux: On peut les adopter jusqu'à 18 ans?
M. Bédard: Oui. Et même exceptionnellement pour les
majeurs dans le cas où ils avaient déjà été
adoptés de fait par les parents, enfin par les parents adoptifs.
Pour régulariser...
M. Forget: Pour des raisons patrimoniales.
M. Bédard: Pour régulariser aussi une situation qui
a commencé en minorité.
M. Forget: Je pense que cela donne ouverture à ce
moment-là à faire des exceptions.
M. Fontaine: Je pense qu'on devrait examiner cette
possibilité-là. Le Barreau donnait des exemples qu'il est
intéressant de noter. Par exemple, si une famille d'accueil
reçoit chez elle un enfant pendant plusieurs années et finalement
décide de l'adopter, le Barreau voudrait qu'il y ait possibilité,
malgré l'adoption, que cet enfant
puisse épouser un des enfants de la famille d'accueil. Ce sont
des cas qui peuvent survenir. (17 heures)
M. Bédard: Ce sont des cas humains très
compréhensibles. Ce n'est pas parce qu'ils sont exceptionnels qu'il ne
faut pas en tenir compte.
M. Forget: Parce qu'on introduit une prohibition.
M. Bédard: Oui.
M. Forget: C'est sérieux une prohibition. Il faut avoir
des raisons vraiment d'ordre public.
M. Fontaine: II faudrait qu'il y ait une preuve qui soit faite
devant le tribunal selon laquelle on doit appliquer une certaine mesure
d'exception dans des cas bien précis.
M. Bédard: Pour les fins de préparer
éventuellement le projet d'amendement, est-ce qu'il s'agit, somme toute,
de la recommandation telle que libellée par l'ORCC dans l'article H du
livre sur la famille?
M. Fontaine: Oui, sauf qu'il faudrait peut-être changer
juge pour tribunal, comme on l'a fait tantôt.
M. Bédard: Oui, parce que c'est devenu une politique
générale de ne parler que de tribunal et de laisser au Code de
procédure civile le soin de distinguer la juridiction des uns et des
autres. Je comprends aussi qu'il y aurait un accord concernant l'amendement que
j'ai soumis à l'attention de la commission.
M. Fontaine: Oui. M. Bédard: Cela va?
Le Président (M. Laberge): Est-ce que, par l'effet des
modifications proposées, l'article 400 sera touché?
M. Bédard: Non, cela ne le touche pas. Ceci veut dire
qu'on pourrait recommencer article par article, mais la discussion ne sera pas
longue, j'imagine.
M. Fontaine: J'aurais une autre question, concernant l'article
404.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je me demande si cet article n'est pas superflu. Il
y a déjà des dispositions dans le Code criminel concernant la
bigamie. Je me demande pourquoi on inclut un nouvel article dans le Code civil
qui semblerait avoir le même effet, en fin de compte.
M. Bédard: Comme on le sait, cet article reprend l'article
118 du Code civil, avec une autre formulation. Mais plusieurs mariages peuvent
être contractés successivement et l'important est que l'on ne
puisse pas en contracter un nouveau avant l'annulation ou la dissolution du
précédent. Même si cela paraît aller de soi,
étant donné cette remarque, on a d'autant moins d'objection
à le laisser là.
M. Fontaine: Si quelqu'un contracte un nouveau mariage alors que
le premier n'est pas dissous, il se met dans une situation de bigamie.
M. Forget: Oui, mais ce n'est pas une réponse
adéquate. À ce moment-là, il commet un acte criminel de
bigamie. Si le Code civil ne prévoit pas que le second mariage est
invalide, il demeure marié deux fois.
M. Bédard: Avec tous le effets juridiques que cela peut
entraîner.
M. Forget: C'est cela. Il faut le prévoir sur le plan
civil aussi.
M. Bédard: Cela va, 400?
Le Président (M. Laberge): L'article 400 est-il
adopté? Voulez-vous que j'en fasse la lecture?
M. Bédard: Je ne crois pas. Est-ce que c'est
nécessaire?
Le Président (M. Laberge): L'article 400 est-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle 401.
Adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 401 est
adopté. Article 403?
M. Forget: 402. M. Bédard: 402.
Le Président (M- Laberge): Pardon, article 402.
Adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 402 est
adopté. L'article 403 inclut un projet de modification. On nous demande
de remplacer le deuxième alinéa de l'article 403 par le suivant:
"Le titulaire de l'autorité parentale et, le cas échéant,
le tuteur et les personnes qui ont la garde du mineur doivent être
appelés à donner leur avis." C'est une question de
rédaction.
M. Forget: Nous n'avons pas d'objection sur la rédaction,
pour autant qu'il s'agit d'un problème de rédaction. Mais nous
avons soulevé le problème que l'article ne devrait
peut-être pas exister, puisque c'est l'article qui permet la dispense de
la limite d'âge.
Le Président (M. Laberge): Je pose la question: L'article
403 est-il adopté?
M. Forget: Je ne sais pas si le ministre veut suspendre
celui-là.
M. Bédard: Je préférerais...
Le Président (M. Laberge): Le laisser ouvert?
M. Bédard: Oui, d'ici à ce qu'on...
Mme Lavoie-Roux: D'ici à ce qu'on finisse la
révision. On pourra y revenir.
M. Bédard: Avant cela. Dès qu'on reprendra notre
étude, à 18 heures.
Le Président (M. Laberge): L'article 403 et l'amendement
proposé restent ouverts. J'appelle l'article 404.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 405? On
nous a proposé un deuxième alinéa qui se lirait comme
suit: On ne peut éqalement contracter mariaqe entre alliés en
ligne directe.
D'abord, l'amendement à l'article 405 est-il adopté?
M. Fontaine: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Amendement adopté.
L'article 405 modifié est-il adopté?
M. Forget: Attention, nous avions suqqéré un
deuxième amendement.
Le Président (M. Laberge): C'est vrai, il n'est pas
rédigé encore.
M. Bédard: Qui rejoignait l'Office de révision.
M. Forget: C'est-à-dire qu'il est déjà
rédigé dans le rapport de l'ORCC en changeant "tribunal"
par...
M. Bédard: Je préférerais le suspendre. Par
précaution...
M. Forget: Bon, il est suspendu, celui-là aussi.
M. Bédard: ... on le suspend, mais simplement pour
rédaction.
Le Président (M. Laberge): On le laisse ouvert pour la
rédaction d'un papillon conforme.
M. Bédard: ...sachant qu'il n'y a pas de discussion
à refaire là-dessus.
M. Fontaine: M. le Président, j'aimerais rappeler aussi
qu'à l'article 403 on s'était entendu tout à l'heure pour
ajouter la question des motifs sérieux. Il faudrait en tenir compte.
Mme Lavoie-Roux: II y a un amendement à l'article 403.
Le Président (M. Laberge): Oui, mais pour des motifs
sérieux, cela avait été demandé.
M. Fontaine: Oui, c'est cela, mais on va proposer un article
précis.
Mme Lavoie-Roux: Cela dépend, il peut rester ou
disparaître.
Le Président (M. Laberge): Alors, l'article 405 reste
ouvert pour le moment.
M. Bédard: S'il disparaît, il n'y a plus rien de
sérieux là.
Le Président (M. Laberge): Au chapitre deuxième,
Des oppositions au mariage, qui comprend trois articles, est-ce qu'il y a des
questions à l'article 406 ou des commentaires?
Chapitre deuxième Des oppositions au
mariage
M. Bédard: Oui, peut-être quelques commentaires.
Le Président (M. Laberge): Les commentaires du
ministre.
M. Bédard: Les trois chapitres qui suivent traitent des
oppositions, de la célébration et de la preuve du mariage. Les
empêchements au mariage étant d'ordre public, il a paru
souhaitable que toute personne intéressée puisse s'opposer au
mariage s'il y a lieu, contrairement au droit actuel. Toutefois, celui qui
abusera de son droit d'opposition sera tenu à des
dommages-intérêts; il pourra être effectivement poursuivi en
dommages-intérêts.
L'aspect public de la célébration du mariage est maintenu,
notamment le rôle du célébrant, la présence des
témoins et la publication par voie d'affiche qui remplace la publication
de bans dans le cas où le mariage est célébré par
un ministre du culte. Le Barreau et la Conférence des maires de la
banlieue de Montréal, dans leurs récents mémoires, nous
ont recommandé de confier les mariages civils aux maires et greffiers
des municipalités, de façon à rapprocher cette institution
des gens, surtout dans les régions rurales où les gens habitent
souvent des lieux fort éloignés des palais de justice.
D'ailleurs, cela a été repris par un parlementaire au niveau de
la deuxième lecture.
Cette suggestion mérite sûrement une grande attention. En
premier lieu, il est bon, cependant, de rappeler que l'Office de
révision du Code civil avait déjà recommandé, dans
son rapport de 1966, de conférer au maire de chaque municipalité
la qualité d'officier de l'état civil pour les fins du mariage.
Le législateur n'avait pas retenu cette recommandation en instaurant, en
1968, le mariage civil, il s'était plutôt tourné vers le
protonotaire. En deuxième lieu, cette réforme étant
étroitement liée - je pense que c'est la principale raison pour
laquelle nous ne pouvons, je crois, y donner suite, quoique, sur le fond, c'est
une suggestion sérieuse et peut-être qu'en principe nous serions
d'accord - aux dispositions régissant la question des actes de
l'état civil relevant du livre premier sur les personnes, à
l'heure actuelle, compte tenu des aspects administratifs importants d'une
pareille réforme et de sa cohérence nécessaire avec les
actes de l'état civil, je propose que les études
nécessaires soient entreprises dès maintenant et que la
réforme, s'il y a lieu, soit présentée dans le cadre du
livre premier - c'est là qu'elle se situerait - sur les personnes.
Enfin, le projet de loi réserve la dispense de publication au
seul protonotaire. Les objectifs visés étaient de rendre plus
exceptionnelle la dispense en vue de donner effet au chapitre sur les
oppositions, de marquer davantage l'aspect public du mariage et de
développer des pratiques aussi cohérentes que possible. Tout en
maintenant ces objectifs, nous sommes sensibles aux arguments de certains
groupes dont l'Assemblée des évêques du Québec - le
Barreau du Québec a aussi fait des représentations - en vue de
permettre à tous et chacun des célébrants
compétents, sans distinction, d'accorder une dispense de publication.
C'est pourquoi je dépose également un projet d'amendement dans ce
sens. Pour ce qui est de la preuve du mariage, le droit actuel est
substantiellement reconduit.
D'autres amendements que je porte à l'attention des membres de la
commission parlementaire sont plutôt de caractère technique et
visent également à améliorer la rédaction, la
cohérence du projet. Ces amendements techniques touchent les articles
413, 419 et 420. Je vous demanderais, M. le Président, de les faire
distribuer. C'est technique. Il n'y en a qu'un auquel nous ne pouvons donner
suite, tout en pouvant être d'accord parfaitement avec le fond du
problème soulevé. A cause de problèmes administratifs, il
pourrait trouver plutôt sa réponse lors de l'étude du
chapitre premier.
Le Président (M. Laberge): Y a-t-il des remarques ou des
questions concernant l'un ou l'autre ou n'importe quel des trois prochains
chapitres, c'est-à-dire les articles 406 à 422, à moins
qu'on ne veuille procéder directement article par article?
M. Forget: Oui.
M. Bédard: On peut en parler un peu d'une façon
générale.
M. Fontaine: Je pense qu'on ferait mieux d'y aller chapitre par
chapitre.
M. Bédard: Section par section?
M. Forget: Oui, les oppositions au mariage en premier lieu.
M. Bédard: D'accord, les oppositions au mariage.
Le Président (M. Laberge): Les oppositions au mariage.
Articles 406 à 408.
M. Forget: M. le Président, le ministre a anticipé
un peu nos remargues relativement à ceux qui sont admis à
célébrer le mariage lorsqu'il a parlé de la question
des...
Une voix: Dispenses?
M. Forget: Non, mais de la possibilité d'autoriser les
maires à célébrer le mariage. Je ne suis pas sûr si
je comprends vraiment la nature des difficultés administratives que
soulèverait le fait pour les maires d'avoir le droit de
célébrer les mariages alors que, dans le fond, cette
faculté est offerte assez largement aux ministres de tous les cultes
sans que dans le passé, on ait soulevé des difficultés
administratives considérables. Peut-être pourrait-on
éclairer notre lanterne un peu plus là-dessus. Si, effectivement,
cela dépend de modifications à un autre chapitre à venir
du Code civil, on est bien prêt à accepter cette argumentation
pour l'instant, encore que je déplore personnellement le fait que ceux
qui tiennent à célébrer des mariages civils soient dans
une position nettement défavorisée par rapport à ceux qui
sont satisfaits d'un mariage religieux puisque, évidemment,
l'accessibilité de l'un et de l'autre est très différente.
Mais enfin! S'il y a des difficultés administratives, on aimerait avoir
peut-être un peu plus de détails là-dessus.
Deuxièmement, je remargue - sous réserve des amendements
gue je n'ai pas encore vus et qui, peut-être, modifieraient un peu mes
remarques là-dessus - que, dans le rapport de l'Office de
révision du Code civil, on portait un jugement très
catégorigue sur l'efficacité - je pense gue c'est le mot qu'il
utilisait - de la procédure d'avis ou de la publication des bans. On
suggérait de remplacer cela par un mécanisme où on
accroissait les responsabilités du célébrant en exigeant
qu'il s'assure d'un certain nombre de faits et de choses. Dans la loi 89, on
revient dans le fond à la situation actuelle, dans une large mesure,
où les bans doivent être publiés. J'aimerais qu'on nous
explique sur quoi on se base pour nous affirmer que c'est un mécanisme
nécessaire et efficace pour déceler d'avance des motifs de
nullité ou des objections au mariage. Est-ce qu'effectivement on a pu
constater que ça fonctionne, ce mécanisme? Si ça ne
fonctionne pas, ce n'est qu'un vestige, dans le fond. Je pense que, pour
l'instant, pour ce qui est de ces chapitres, ce sont mes deux remarques.
M. Bédard: Cela voudrait dire que sur les oppositions, si
on prend le chapitre deuxième, l'essentiel des remarques du
député de Saint-Laurent se situe au niveau de la
célébration du mariage. Est-ce qu'il y a des remarques
particulières à l'article 406?
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska avait-il des remarques sur les oppositions au mariage? (.17 h
15)
M. Fontaine: J'en aurais une concernant le fait que l'Office de
révision permettait au ministre de faire opposition. Cela a
été enlevé. Dans le rapport de l'Office de
révision, on disait: Finalement, l'article donne au ministre de la
Justice la possibilité de faire lui-même opposition, ce qui
permettrait éventuellement aux personnes désireuses de ne pas
aqir directement de le faire par son intermédiaire. On a enlevé
cela. C'est peut-être une question d'économie?
M. Bédard: Non. Le ministre de la Justice ayant
déjà le droit d'intervenir en vertu des articles 98 et 99 du Code
de procédure civile dans une instance touchant l'application d'une
disposition, il n'apparaît pas évident que le Code civil doive lui
permettre de prendre l'initiative des procédures d'opposition, comme
s'il s'agissait là d'une de ses responsabilités.
M. Forget: II peut intervenir dans une
instance...
M. Bédard: II peut intervenir.
M. Forget: ...mais il ne peut pas l'initier.
M. Bédard: II peut intervenir, mais de là à
l'initier...
M. Fontaine: Comme le disait le député de
Saint-Laurent, il n'y a pas beaucoup de jurisprudence là-dessus.
Le Président (M. Laberge): L'article... Mme la
députée.
Mme Lavoie-Roux: On est toujours sur les opposants. D'accord.
M. Bédard: L'article 406?
Le Président (M. Laberge): Chez les opposants.
Mme LeBlanc-Bantey: J'ai une simple question technique: Qu'est-ce
qu'on appelle un témoin majeur?
M. Bédard: C'est dans la célébration du
mariage.
Mme Lavoie-Roux: On n'est pas encore rendu là.
M. Bédard: On pourrait y revenir.
Mme Lavoie-Roux: On n'est pas rendu là.
Le Président (M. Laberge): Article 406? Adopté.
Mme Lavoie-Roux: Sur l'article 408, on est d'accord.
Le Président (M. Laberge): Article 407? Adopté.
Article 408? Adopté.
J'appelle le chapitre troisième, De la célébration
du mariage, les articles 409 à 420 inclusivement.
Chapitre troisième De la
célébration du mariage
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense qu'il y a eu
des remarques faites par mon collègue de Saint-Laurent...Oui?
M. Bédard: Je m'excuse de vous interrompre. Si Mme la
députée le veut - je pense que cela va répondre à
son désir, d'ailleurs - dans un premier temps, M. Guy pourrait
peut-être ajouter aux propos que j'ai tenus tout à l'heure par
rapport à des remarques...
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Bédard: ...ou à des demandes d'explications
additionnelles qu'a formulées le député de Saint-Laurent.
Comme il a été dit, l'idée de maintenir une sorte de
publication du mariage, même par voie d'affichage, et cela
indépendamment de sa très grande efficacité comme moyen de
publication, paraît quand même fondamentalement, au point de vue de
la cohérence juridique, importante si on veut que l'intention de mariage
soit publicisée avant qu'elle soit rendue publique dans le mariage
lui-même. Si la volonté de mariage n'est jamais publicisée
par aucun mode - mon propos est peut-être un peu théorique - il
devient tout à fait impossible, et cela de façon absolue, pour
qui aurait des oppositions de les faire valoir. Je pense qu'on peut partir de
là.
Pour ce qui est de la publicité par voie d'affichaqe et de la
jurisprudence à laquelle cela a pu donner lieu par la suite, il est
possible que ce ne soit pas un moyen très efficace. J'avoue que nous
avons examiné beaucoup d'autres modes de publication. Ce n'est pas
très facile d'en trouver de très efficaces, peu coûteux et
faciles d'administration; qu'il s'agisse de la télévision, la
radio, les journaux, la criée, l'affichage, etc. Donc, c'est un peu pour
permettre, en tout cas théoriquement, la possibilité d'invoquer
les oppositions au mariage.
Maintenant, l'affichage a un rayonnement fort limité, comme il a
été dit. Il y a peu de gens qui voient cet affichage, mais il y a
peu de gens aussi gui s'intéressent à soulever des oppositions au
mariage de gens qu'ils ne connaissent pas. Mais s'ils savent que quelqu'un
qu'ils connaissent fort bien a publié son intention de mariage, ils
peuvent au moins, s'appuyant sur cette volonté exprimée
juridiquement par la voie d'un affichage, absolument placer une opposition
auprès du tribunal et elle sera recevable parce qu'on ne pourra pas dire
qu'on n'avait pas l'intention de se marier, parce que là au moins
l'intention sera publicisée.
En pratique, on sait que la dispense de publication des bans est de
pratique courante, en tout cas dans les églises. Quant au protonotaire,
à l'heure actuelle, dans le droit il n'a pas la possibilité
d'être dispensé de cet affichage. La loi n'accorde aucune dispense
possible. Enfin, il est peut-être prudent d'en avoir une. Je ne sais pas
si cela éclaire suffisamment ou si cela répond... S'il n'y a pas
de publicité du tout, on enlève les possibilités
d'opposition; c'est peut-être par la négative qu'on peut se
convaincre.
Mme Lavoie-Roux: On n'a pas de relevé de ceux qui font des
représentations? Il n'y a aucune façon de le savoir.
M. Bédard: C'est peut-être par l'argument
négatif qu'on peut mieux se convaincre.
Mme Lavoie-Roux: Je sais que dans des cas, cela s'est
déjà fait.
M. Forget: II y a deux causes d'opposition qui sont, on peut le
présumer, significatives. Ce sont la consanguinité et un mariage
précédent. L'Office de révision du Code civil a
évidemment formulé, relativement à l'état civil, la
recommandation d'un registre de l'état civil. Mais il existe
malgré tout, même si on ne va pas si loin - parce que, si je
comprends bien, cela coûterait cher - le registre de la population.
N'est-il pas vrai que toutes les naissances, donc les relations de filiation,
de même que les mariages sont signalés au registre de la
population? Si on voulait vraiment s'assurer que
la loi relativement à la consanguinité, aux interdictions
de consanguinité et de seconds mariages est respectée - je
comprends qu'il y a un souci de légalisme ou de formalisme juridique,
que je respecte, parce que je pense qu'il est bien pris - on pourrait penser
qu'on signifie l'intention d'un mariage au registre de la population, parce
qu'il pourrait très bien venir de cette source-là une
vérification à savoir s'il y a consanguinité ou mariage
précédent. Il y a un fichier qui existe si on voulait aller
au-delà du simple formalisme juridique.
M. Bédard: Ce qu'on ne sait pas, c'est à quel
moment quelqu'un forme l'intention de se marier.
M. Forget: Mais au moment où on formule l'avis, cet avis
pourrait être signifié au directeur du registre de la
population.
M. Bédard: D'accord, plutôt qu'affiché.
M. Forget: Oui, et on pourrait faire une obligation au directeur
dans son registre de signaler si cette personne est déjà
mariée ou s'il s'agit du frère et de la soeur. Si on
considère que ce sont des dispositions d'ordre public, l'État,
maintenant, en 1980, a le moyen de s'assurer que ces dispositions d'ordre
public soient respectées. Je ne fais que soulever la possibilité
parce que, malgré tout, la réponse, je l'accepte telle qu'elle a
été donnée. Mais on se rend bien compte que c'est du
formalisme juridique et rien d'autre. Cela n'enlève pas sa valeur.
M- Bédard: Non, moi, je trouve la suggestion très
intéressante. Peut-être que, dans le cadre du livre 1, on
pourrait... Cela pourrait exiger la réforme des actes de l'état
civil ou la centralisation d'une certaine information.
M- Forget: Quoique là il y a un devoir possible du
célébrant qui reçoit l'avis de le communiquer d'office au
registre.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, sur ce chapitre
particulier, je voudrais endosser du moins les réflexions, sinon
l'amendement formel du député de Saint-Laurent, pour
"extensionner", si on peut dire, les célébrants, dans le sens de
rendre plus facile et plus accessible le mariage civil. Il n'y a pas
d'amendements là-dessus?
M. Bédard: Non, mais j'ai donné les explications
techniques tout à l'heure indiquant pourquoi on ne le pouvait pas.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Le deuxième point que je
voudrais soulever - je ne sais pas quelle importance il a - concerne l'article
413, où on dit que "la publication du mariage contient une
déclaration" et on veut que ce soit publicisé sous une certaine
forme. On doit indiquer le nom des futurs époux, leur profession, leur
domicile, leur qualité de majeur ou mineur, les prénoms et noms
de leurs pères et mères. Cela m'apparaît différent -
je ne sais pas si c'est différent de ce qui existe dans le Code civil
actuel - de la recommandation de l'Office de révision. Peut-être
qu'avec les années des situations comme cela ne se présenteront
plus à cause des améliorations au point de vue de la filiation et
tout cela, mais, dans le moment, dans le code, il doit rester encore des
personnes qui ont des pères inconnus. Je ne sais pas si on veut le
laisser comme cela. Ce n'est peut-être pas une difficulté
réelle, mais je le soulève, en tout cas. Le dernier point, c'est
une recommandation du Barreau, et je pense, que le RAIF aussi a eu la
même recommandation à l'article 417: "Le célébrant
fait lecture aux futurs époux, en présence des témoins,
des dispositions de l'article 441." On ne présente pas d'amendement
formel, mais je serais prête à en faire un: Que lecture soit faite
des dispositions des articles 441 à 446 inclusivement.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Bédard: D'abord, le premier point que vous soulevez, la
préoccupation que vous avez concernant l'article 413, ce serait - si je
veux bien vous comprendre - qu'à partir du moment où on
crée l'obligation de déclarer le nom du père et de la
mère, cela pourrait constituer...
Mme Lavoie-Roux: Parce qu'il nous reste encore des vestiges. On
va quand même servir les générations à venir, mais
on sert aussi des gens qui existent présentement. Pour des gens cela n'a
pas d'importance; pour d'autres...
M. Bédard: Cela pourrait constituer une obligation pour
quelqu'un de dire: Je n'ai pas de père, je n'ai pas de mère.
Mme Lavoie-Roux: Oui, s'il est né de père
inconnu.
M. Forget: M. le Président, dans le même esprit, je
pense que ce que l'article 413 veut obtenir, c'est une désignation non
ambiguë des futurs conjoints. Je pense que la rédaction actuelle ne
reflète pas les exigences modernes de l'identification des personnes
dans le sens suivant. C'est - cela peut être vérifié
auprès de ceux qui s'occupent de l'inscription que ce soient des
électeurs ou des bénéficiaires des régimes sociaux
- qu'on a découvert que la façon la plus sûre d'identifier
les gens, c'était par leur nom, la date et le lieu de leur naissance;
seulement subsidiairement par le nom de leurs parents. D'autant plus qu'au
Québec, on a un grand nombre de gens qui portent le même nom.
Des histoires comme le domicile, la profession, ce sont pour bien des
qens des choses très transitoires qui ne permettent pas d'identifier
avec sûreté des personnes. Mais sa date de naissance et son lieu
de naissance, on n'en change jamais de toute sa vie. Il y a très peu de
cas de gens qui ont le même nom et qui sont nés au même
moment au même endroit, alors qu'il peut y avoir énormément
de gens qui ont le même nom, le même prénom et qui restent
sur la même rue dans la même ville. Cela se produit souvent. Si on
interroge les gens qui s'occupent des fichiers gouvernementaux, il y a des
milliers de cas pour lesquels on a découvert que c'est le nom, le
prénom, la date et le lieu de naissance qui permettent d'identifier les
gens. Tout le reste est bien secondaire et, dans cet esprit, même la
référence au nom des parents n'est pas nécessaire.
Enfin, elle n'est pas inutile, mais elle n'est pas véritablement
nécessaire.
M. Bédard: Le moyen le plus sûr et le vrai moyen,
c'est la date de naissance et l'endroit de la naissance.
M. Forget: Et cela permet de voir s'ils sont majeurs.
M. Bédard: Maintenant, il arrive que l'ensemble des autres
éléments puisse caractériser un peu. Peut-être que
je pourrais signaler qu'il y a aussi certaines difficultés parfois par
rapport à la date et au lieu de naissance. Pour exceptionnelles que
soient ces situations, tout le monde ne sait pas à quelle date il est
né, tout le monde n'a pas son acte de naissance. Il y a des situations
où on n'a pas d'acte de naissance ni, donc, de la précision sur
le lieu de naissance et parfois même la date de naissance. Bien sûr
que, dans ces cas, il faut se replier sur d'autres modes de preuve et arriver
à leur permettre aussi d'exercer leurs droits civils, se marier, par
exemple, même s'ils n'ont pas de documents à produire qui sont
aussi formels, disons, que les actes de naissance.
M. Forget: Oui, justement, mais comme on fait de la
majorité une disposition d'ordre public - que la dispense demeure ou
non, il reste que c'est une disposition très importante - il faudra bien
vérifier s'ils sont majeurs, parce que, s'ils ne sont pas majeurs, il
faudra exiger un jugement du tribunal. Je pense que la procédure de
mariage va commencer par la production d'un certificat de naissance et, s'il
n'y a pas de certificat de naissance, par le jugement d'un tribunal disant: Les
documents sont égarés, ils sont brûlés, ou par un
certificat qui tient lieu de certificat de naissance, comme un certificat de
citoyenneté, par exemple, qui fait déclaration de l'âge,
etc. (17 h 30)
M. Bédard: C'est la preuve la meilleure et c'est la preuve
habituelle de fournir ces documents. Il y aurait simplement le cas où
certaines personnes ne sont pas en possession de documents authentiques,
officiels concernant leur naissance. Il faudrait procéder à
d'autres preuves pour leur permettre d'exercer leurs droits civils.
M. Forget: Oui, bien sûr, mais si c'est un problème
de procédure, je pense qu'il y a bien des endroits dans le Code civil
où on exige la production d'un certificat de naissance.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais faire remarquer au
député de Saint-Laurent que j'ai vécu ou que j'ai eu
connaisance de cela. Il ne s'agissait pas de trouver sa date de naissance pour
se marier, mais pour avoir la pension de vieillesse. Les seuls recours que les
gens avaient ou la seule preuve qu'ils pouvaient fournir, c'était leur
fréquentation scolaire. Ils devaient retourner aux archives des
commissions scolaires pour attester leur âge. Il ne semble pas y avoir
d'autres preuves. D'après moi, cela arrivait plus fréquemment
dans ce temps-là avec les enfants illégitimes.
M. Forget: Mais cela est un problème de preuve.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Forget: Si la meilleure preuve n'existe pas, le tribunal va
admettre une preuve secondaire. Il reste que c'est un moyen d'identification
sûr et cela éviterait le problème que soulevait Mme la
députée de L'Acadie, soit de ne pas être obligé de
mentionner nécessairement le père et la mère.
M. Bédard: En tout cas, pour ce qui est du nom du
père et de la mère, je serais peut-être plus sensible
à cela. Maintenant, concernant le nom et la date de naissance - je
reprends l'argument du député de Saint-Laurent - comme plusieurs
noms se ressemblent et qu'on parle de publication du mariage, de la
possibilité pour quelqu'un d'identifier qui se marie et de voir s'il y a
lieu de se prévaloir d'autres dispositions, il me semble qu'on doit un
peu caractériser, c'est-à-dire qu'on doit habiller un peu ce nom
et cette date de naissance...
Mme Lavoie-Roux: Pour revenir, je suis contente que...
M. Bédard:...pour permettre à quelqu'un, à
la première lecture, à sa face même, de pouvoir un peu
identifier quelqu'un. Jos Tremblay né en 1935...
Mme Lavoie-Roux: II y en a beaucoup à Chicoutimi.
M. Bédard: II y en a beaucoup à Chicoutimi des
Tremblay.
Mme Lavoie-Roux: Et des Jos.
M. Bédard: Mais si vous y ajoutez un peu, pour une
meilleure compréhension, Jos Tremblay -je ne sais pas - avocat ou
cultivateur, il y en a peut-être pas mal moins. On pourrait
peut-être s'interroger encore un peu avant de le rayer. Mais pour ce qui
est du nom du père et de la mère, je vais demander si on peut
développer une argumentation peut-être plus serrée que
celle qu'on a jusqu'à maintenant pour pouvoir les maintenir.
Mme Lavoie-Roux: Dans le cas des mères, je pense que le
député de Saint-Laurent ou d'autres députés ici en
ont eu connaissance. Évidemment, cela va aller en s'atténuant
compte tenu de toutes les autres modifications, mais on vit encore avec ces
choses-là, vous avez les cas d'enfants, par exemple, qui ont
été abandonnés et qui ont été dans ce qu'on
appelle aujourd'hui un foyer d'accueil, une famille d'accueil et qu'on appelait
autrefois un foyer nourricier et qui, finalement, ont toujours
été, à toutes fins utiles, élevés là.
Ils ont même parfois pris le nom de leurs parents nourriciers parce
qu'ils ont passé toute leur vie là sans pouvoir, par contre,
être adoptés.
M. Bédard: Sans avoir été adoptés
légalement.
Mme Lavoie-Roux: Même dans le cas des
mères - les mères, on sait toujours qui elles sont - cela
peut présenter des problèmes.
M. Bédard: D'accord, on le retient.
Le Président (M. Laberge): On laisse cet article
ouvert.
M. Bédard: On part du principe que cela nous prendrait un
argument plus serré pour penser que c'est vraiment nécessaire d'y
indiquer le nom du père et de la mère. D'accord? On y
reviendra.
M. Fontaine: Juste une brève remarque, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Si on maintient le cas de dispense, il faudrait
peut-être prévoir, à l'article 413, d'indiquer aussi dans
la publication les nom, prénom, profession et domicile de chacun des
époux, leur qualité, majeur ou mineur, si on le maintient, et
indiquer également s'ils ont obtenu une dispense dans le cas des
mineurs.
M. Bédard: S'ils sont mineurs, est-ce que cela ne va pas
de soi? Je ne suis pas en mesure de donner la réponse
immédiatement. Jusqu'à quel point serait-il nécessaire
qu'on indique, vu qu'on dit déjà qu'ils sont mineurs, qu'il y a
eu une dispense à cet effet? Je sais qu'ils doivent produire cette
dispense au dossier pour pouvoir se marier. Le célébrant va
recueillir la preuve de l'âge et, dès que l'enfant n'aura pas 18
ans, il devra, pour procéder validement au mariage, obtenir
également la dispense d'âge du tribunal.
M. Fontaine: La publication est faite pour le public, pour que
les gens puissent en prendre connaissance. Il faudrait à ce
moment-là indiquer qu'il y a eu dispense.
M. Bédard: Dans ce sens-là, l'article 416 ne
répond pas à votre question, j'imagine? "Avant de procéder
au mariage, le célébrant s'assure de l'identité et de
l'état matrimonial des futurs époux. Il s'assure également
que toutes les formalités ont été remplies et que les
dispenses, s'il y a lieu, ont été accordées."
M. Fontaine: Le célébrant, il n'y a pas de
problème pour ça.
M. Bédard: Vous voulez la publicisation. Vous vous
interrogez sur la nécessité de ...
M. Fontaine: C'est parce que...
M. Bédard: ... publicisation de la dispense lorsqu'on
indique qu'il s'agit d'un mineur.
M. Fontaine: ... le public, en sachant que c'est un mineur, va
pouvoir se demander: Est-ce qu'il y a eu dispense? Il va être
obligé de faire la démarche pour savoir s'il y en a eu une,
tandis que, si on l'indique, ça règle le cas.
M. Bédard: Peut-être à cause de la fonction
de la publication; dans l'esprit qui a présidé à ces
articles, la publication était en vue de permettre, lorsqu'il y a un ou
l'autre des empêchements retenus au mariage, de les faire valoir. Comme
cela a été rappelé tantôt, il s'agissait de mariages
encore en vigueur, donc non dissous, et des empêchements qui sont
liés à la parenté ou enfin à la
consanguinité ou peut-être à l'alliance si c'est retenu.
Donc, ça ne visait pas la validité relative au formalisme qui
doit entourer la célébration du mariage, comme la dispense. Je
dirais que c'est pour cette raison-là que, dans la publication, il n'est
pas fait état des autres formalités qu'il faut remplir aussi pour
contracter validement le mariage. C'était en vue de pouvoir soulever les
oppositions.
Si vous me permettez d'ajouter - et on peut réévaluer
ça - qu'au sujet des pères et mères, ça peut
peut-être aider, dans la publication, connaissant le père et la
mère, à identifier des empêchements de mariaqe qui viennent
de la consanguinité. Remarquez que c'est une des possibilités et
ça n'est sans doute pas la seule, mais le fait de savoir qu'il est le
fils ou qu'elle est la fille d'Untel ou d'Unetelle peut peut-être aider
à établir les empêchements de consanquinité, mais je
dis que c'est très relatif. On pourrait peut-être, s'il n'y a pas
d'autres remarques générales, y aller article par article.
Mme LeBlanc-Bantey: J'avais posé une question pour
savoir...
M. Bédard: Je pense que votre question concernait le
premier article.
Mme LeBlanc-Bantey: ... ce qu'est un témoin majeur.
M. Bédard: Un témoin majeur, c'est un témoin
majeur.
Mme LeBlanc-Bantey: Dans le sens de la majorité. Ah, bien
oui! Ce n'est pas bête, quand même. C'est une question que beaucoup
d'Yvettes doivent se poser.
M. Bédard: Cet bien de la poser. À un moment
donné, ça éclaircit les choses pour tout le monde. Article
409?
Le Président (M. Laberge): On peut passer à
l'étude article par article.
Mme Lavoie-Roux: II y avait l'article 413.
M. Bédard: On va y revenir, Mme la
députée.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Mme LeBlanc-Bantey: ... ma question n'était pas conne.
M. Bédard: Sûrement! Un témoin ayant
l'âge de majorité parce que le terme "majeur", c'est une
expression...
Mme LeBlanc-Bantey: Dans le vocabulaire populaire, un
témoin majeur, c'est un témoin important.
M. Bédard: Non.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est dans ce sens-là que je l'avais
pris.
M. Bédard: Ah bon! Dans le sens du Code civil...
Mme LeBlanc-Bantey: Un notaire, un avocat, quelqu'un d'important,
quoi!
M. Bédard: Dans le lanqage juridique, ça ne
créera jamais de confusion parce que c'est un terme consacré.
Le Président (M. Laberge): L'article 409 est-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 410
est-il adopté?
M. Forget: Non, M. le Président. On a ici une
référence "aux ministres du culte autorisés par la loi".
C'est une désiqnation qui, évidemment, laisse tout à une
loi sur les ministres du culte présumément. Dans le contexte de
la non-discrimination pour des fins religieuses, est-ce qu'il n'y a pas
possiblement une incompatibilité entre une rédaction de cette
nature-là et une rédaction qui dirait: Tout ministre du culte ou
un ministre du culte de toute dénomination religieuse? J'ai à
l'esprit, par exemple - ce n'est pas théorique, il en existe dans mon
comté - des mahométans, des bouddhistes et certainement des
membres de la religion hébraïque. Sont-ils visés par cette
mesure-là? S'ils ne le sont pas, c'est une disposition discriminatoire.
N'y aurait-il pas lieu de revoir cette rédaction de manière
à s'assurer que la possibilité d'agir comme
célébrant est accordée à tous les membres d'une
dénomination religieuse? Je comprends qu'au niveau du Code de
procédure civile il y aurait peut-être nécessité de
reconnaître qu'il y a une dénomination religieuse. Je ne sais pas
si les discipes de Krishna constituent une dénomination
religieuse...
Mme Lavoie-Roux: C'est cela que je me demandais.
M. Forget: ... mais il faut sûrement un mécanisme
pour dire qu'ils en sont une et leur confier un registre d'état civil,
etc. Je comprends cela. Mais la question que je pose, c'est: Est-ce que c'est
discriminatoire, formulé comme cela?
M. Bédard: II faudrait peut-être revoir la Loi sur
les corporations religieuses, le chapitre 75. Je cite un peu de mémoire.
Il serait peut-être bon de revoir les textes. C'est en vertu de cette
loi, je pense, que le ministre de la Justice est saisi d'une demande en
provenance des différents groupes ou sectes religieuses en vue d'obtenir
l'autorisation de tenir des registres et donc de célébrer les
mariages. Cette autorisation est accordée. C'est une demande qui est
fréquente au ministère de la Justice. Il y a quelqu'un qui est
préposé à l'examen de ces dossiers-là. Une fois que
ces sectes, si vous voulez, ou ces groupes religieux sont autorisés, ils
deviennent des personnes, peut-être dans le sens où on l'employait
ici, "des ministres du culte autorisés par la loi à cette fin".
Mais il peut arriver aussi que certains ministres du culte soient, à
l'intérieur de la religion à laquelle ils appartiennent,
autorisés à célébrer les mariages, mais il ne sont
pas encore autorisés par la loi, si vous voulez, à tenir les
registres. Comme c'est lié chez nous, tenir les registres et
célébrer les mariages, nous nous sommes un peu raccrochés
à ce qui existe présentement de ce chapitre 75. Mais, afin
d'être plus précis, on pourrait, si vous me le permettiez,
regarder de nouveau ce statut. J'oublie l'article auquel il correspond.
M. Forget: Ce qu'il faudrait, je pense, c'est s'assurer que ce
n'est pas restreint aux dénominations chrétiennes, par exemple,
et que tout groupe bona fide...
M. Bédard: Je peux vous dire que ce n'est pas le cas
présentement.
M. Forget: Ce n'est pas le cas présentement.
M. Bédard: De très nombreuses dénominations
religieuses qui ne sont pas chrétiennes sont autorisées par la
loi présentement, c'est-à-dire sont autorisées par le
ministère de la Justice. Il y a fréquemment, dans les statuts
annuels - c'est par une loi, je crois, également, il faudrait voir -
référence à une secte religieuse qui vient d'être
reconnue pour tenir les registres et célébrer les mariages. Etant
donné que le fond de la question demandait sur s'il y avait de la
discrimination, je pense que...
M. Forget: II faudrait s'assurer que les textes qu'on approuve
sont absolument exempts de toute trace de discrimination possible à cet
égard.
M. Bédard: Ce n'est pas réservé à la
dénomination chrétienne, on peut vous l'assurer.
M. Forget: Oui. D'accord. Je suis content gu'on m'en donne
l'assurance, mais, sous bénéfice d'inventaire, j'attirerais aussi
l'attention de Me Guy sur l'article 411 où on parle de l'Église.
Quand on parle de l'Église, est-ce qu'on parle d'une église
chrétienne ou est-ce qu'on parle d'une Église dans le sens d'une
dénomination religieuse, d'une confession religieuse même non
chrétienne?
M. Bédard: Je pense qu'on en parle dans le sens le plus
général. C'est l'interprétation qui me paraît
correcte.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais l'Église, cela a une
référence chrétienne?
M. Bédard: Mais, pour des chrétiens, cela a une
référence chrétienne, mais, actuellement, dans
l'Église juive, il y a des ministres du culte gui sont
autorisés.
D'ailleurs, prenez la formulation...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pour la synagogue, ils n'ont jamais
parlé d'église.
M. Bédard: Non, cela ne fait rien, c'est un
terme...
M. Forget: Au sens du dictionnaire, église veut dire
chrétien, mais peut-être qu'au sens de
l'interprétation...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Forget: ... du Code civil, cela veut dire même une
mosquée, par exemple.
M. Bédard: Justement, D'ailleurs, si on prend la
formulation même du Code civil, ce n'est pas cela.
Mme Lavoie-Roux: Mais il y a des temples bouddhistes.
M. Bédard: Mais il y a déjà une
interprétation qui a été faite au niveau du Code
civil.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Bédard: Ce n'est pas dans le sens de l'Église
chrétienne, parce qu'on dit "selon sa religion et la discipline de
l'Église à laquelle il appartient". Alors, c'est très
clair que ce n'est pas seulement de l'Église chrétienne qu'il
s'agit. (17 h 45)
M. Forget: II y aurait peut-être lieu d'accorder,
cependant, le langage du Code civil avec celui du dictionnaire. Dans le
dictionnaire, on a vérifié, on me dit qu'église veut dire
dénomination chrétienne.
M. Bédard: Oui?
M. Forget: Oui. C'est un temple chrétien, une
église. Cela ne peut pas être autre chose en français.
M. Bédard: L'article 129 du code utilisant le mot
Église et la pratique étant au Québec que beaucoup
d'autres églises que les églises catholiques ou
chrétiennes, de façon plus large, sont concernés par ce
concept, je crois qu'il doit normalement, en tout cas, avoir une portée
aussi large que possible, sous réserve d'une vérification.
D'accord?
Le Président (M. Laberge): L'article 410 est-il
adopté?
M. Forget: Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable de suspendre
cela jusqu'à vérification?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Le Président (M. Laberge): Article 410 suspendu.
Mme Lavoie-Roux: Parce qu'on me dit que la religion
hébraïque n'accepte pas le terme Église, non pas comme
bâtisse, mais pour désigner l'association de ses membres.
Le Président (M. Laberge): Article 410 suspendu. Article
411 aussi.
M. Bédard: Chacun des articles de 410 à 413.
Le Président (M. Laberge): À 412 aussi.
M. Bédard: À 412, je ne crois pas qu'il y ait de
problème. Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 412, cela va. Article
412 adopté. Article 413?
M. Bédard: Sous réserve. M. Forget:
Suspendu. M. Bédard: Suspendu.
Le Président (M. Laberge): 414 est-il adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): 414, je m'excuse, oui. On porte
à mon attention qu'à la première ligne, les mots "le
protonotaire ou son adjoint" sont remplacés par "le
célébrant". J'enlève les mots "protonotaire ou son
adjoint" et je les remplace par "célébrant".
M. Forget: II y a concordance, M. le Président, à
l'article 21 que le délai... Ah non, excusez-moi.
Le Président (M. Laberge): Article 414, l'amendement pour
le mot "célébrant" est-il adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 414
amendé est adopté. J'appelle l'article 415.
M. Forget: M. le Président, un qroupe - je pense que c'est
le Barreau - suggère de supprimer cet article. On nous a expliqué
que, dans le fond, les avis correspondaient à un souci de rendre
publique l'intention de mariage, mais l'explication qu'on nous a donnée,
qu'on accepte aussi loin qu'elle nous amène, ne nous laissait pas
envisager qu'il s'agit d'une procédure si cruciale qu'on doive
l'assortir d'un délai et, si on ne se marie pas dans les trois mois, il
faut tout recommencer. Est-ce que cela n'est pas un peu excessif?
M. Bédard: Évidemment, il ne s'agit que de la
publication, ce qui est très simple comme document, et c'était
pour favoriser ou rendre davantage publique toujours l'idée de la
volonté du mariaqe. Si on annonce aujourd'hui qu'on se marie et qu'on se
marie trois ans plus tard, il est évident que la publicisation de l'acte
du mariage au moment où il va intervenir n'aura pas été
faite. Alors, le fait d'avoir un délai relativement court, qui est celui
du Code civil actuel de l'article 60, avait paru souhaitable.
M. Forget: Si on se marie malgré tout, est-ce que le
mariage est nul? Sûrement pas.
M. Bédard: C'est un formalisme qui n'est pas
respecté, mais il y a un article relatif à la nullité dans
le chapitre de la nullité qu'on n'a pas abordé encore, qui dit
que c'est sujet à
l'appréciation du tribunal de savoir... Je vais vous y
référer précisément.
Jusqu'à maintenant, il n'y a pas d'exemple de nullité qui
ait été prononcée sous le seul motif de non-publication.
Je crois quand même qu'on devrait peut-être y penser deux fois
avant de l'enlever, parce que c'est peut-être une occasion de renforcer
le caractère public du mariage. Ce n'est pas n'importe quelle sorte de
contrat. D'un autre côté, à partir du moment où on
en accepte le principe, le principe se perd si on ne crée pas
d'obligation et si, deux, trois ans après le délai expiré,
le mariage se fait, à ce moment-là, il faudrait presque, en
termes de concordance, se poser la question à savoir jusqu'à quel
point on laisse ça là ou on ne le laisse pas.
M. Forget: C'est parce que normalement, quand on donne un
délai plus long...
M. Bédard: II faut qu'un avis veuille dire quelque chose -
si vous me permettez de terminer - et je pense qu'à partir du moment
où on ne crée plus d'obligation, si le mariage se fait beaucoup
plus tard, l'avis ne veut plus rien dire.
M. Forget: Oui, sauf que la publication est un remède ou
pourrait prétendre être un remède aux deux vices
fondamentaux: la consanguinité et un mariage précédent. Si
une première publication a lieu et qu'il n'y a pas d'opposition
basée sur ces choses, la prolongation du délai après
publication n'est certainement pas de nature à faire surgir ces
oppositions alors qu'elles n'ont pas surgi au départ. Autrement dit,
ordinairement, plus on donne du temps à guelqu'un pour réagir et
s'opposer au mariage, plus on devrait être sûr qu'il n'y a pas de
raisons d'opposition. Là, c'est un peu le contraire de la logique: s'il
y a quelqu'un qui peut réagir en trois mois, tout va très bien,
mais s'il peut réagir seulement en trois ans, ce n'est plus valable. Il
y a bien plus de chances qu'il y ait une opposition sur trois ans qu'il y en
ait une sur trois mois. Donc, il me semble que c'est encore plus fort. Plus le
délai s'allonge, plus la force de l'avis est grande, dans le fond, parce
qu'il peut entraîner plus de conséquences si on donne du temps aux
gens de s'y opposer.
M. Bédard: Oui, mais là, on suppose qu'à
partir du moment où l'avis est fait, il est connu des mêmes
personnes, dans un deuxième avis, que celles qu'il a pu atteindre dans
un premier avis. Il peut être possible qu'un premier avis n'ait pas
atteint certaines personnes. Le deuxième, par exemple, peut le faire et,
encore une fois, c'est l'idée de garder le caractère public du
mariage.
M. Fontaine: II peut arriver aussi qu'après la publication
d'un premier avis, s'il y a un délai assez long qui s'écoule, il
n'y ait pas de suite au premier avis et que, entre-temps, une opposition
surgisse, par exemple, un second mariage.
M. Bédard: II n'y a pas eu, semble-t-il, dans la
jurisprudence de nullité prononcée pour un pareil défaut
de dispense.
Le Président (M. Laberge): L'article 415 est-il
adopté?
M. Fontaine: Adopté. M. Forget: Oui.
Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 416
est-il adopté?
M. Forget: M. le Président, l'article 416 déclare
ce dont le célébrant doit s'assurer avant de procéder au
mariage. Cela nous fait penser que, dans le rapport de l'Office de
révision du Code civil, on mentionne que le célébrant, en
plus de s'informer de ces choses, doit informer les futurs époux des
ressources communautaires, etc. Toute cette notion... D'aileurs, il ne faut pas
faire du service social à l'occasion de la rédaction du Code
civil. Je le conçois facilement, mais on traite du droit familial. On ne
traite pas non plus du droit, des obligations ou du droit de l'assurance. Il me
semble qu'un certain nombre de changements qu'on introduit est fait dans
l'esprit de prudence: le consentement après I8 ans, l'idée qu'il
s'agit là d'une obligation dans laguelle on ne doit pas entrer ou qu'on
ne doit pas accepter d'assumer à moins d'avoir un jugement
éclairé, etc. Est-ce que ce ne serait pas compatible avec cet
esprit du droit de la famille de créer pour le célébrant
une certaine obligation? Il a un rôle très passif ici. Il
reçoit la demande, publie l'avis et se livre à un certain nombre
de formalités, mais il a un rôle très passif. Est-ce que le
célébrant ne pourrait pas jouer un rôle plus actif? Il me
semble gue l'Office de révision, en proposant - ne serait-ce gue
ça au moins - gu'il informe de l'existence de ressources et gu'il invite
les futurs conjoints à s'en prévaloir, ne fait qu'exprimer le bon
sens, peut-être?
M. Bédard: Je prends le terme de mon collègue,
"qu'il invite". On en est, je pense, à discuter sur la nuance quand
même de taille qu'il peut y avoir d'en faire une obligation pour le
célébrant.
M. Forget: C'est un fonctionnaire de l'État à ce
moment-là.
M. Bédard: C'est peut-être un désir qu'on
aurait que cela se fasse. Simplement du point de vue pratique, quand des gens
sont rendus devant le célébrant - essayons d'imaginer la
situation -jusqu'à quel point sont-ils je ne dirais pas disposés,
mais jusqu'à quel point cela peut-il être efficace de se faire
faire l'énumération des services communautaires qu'ils peuvent
avoir à leur disposition?
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela ne devrait pas être au
moment où ils y vont pour la publication du mariage si vous ne voulez
pas le mettre au moment où ils arrivent devant le
célébrant pour le mariage? Il semble y avoir une étape
antérieure à la célébration du mariage.
M. Bédard: Je m'excuse. Quelgu'un est venu me parler.
Pourriez-vous recommencer?
Mme Lavoie-Roux: Vous dites que, lorsque le
célébrant arrive pour célébrer le mariage, ce n'est
peut-être pas le temps de leur dire d'aller suivre des cours de
préparation au mariage.
M. Bédard: À la publication des bans, se faire
informer des cours de préparation et de tout cela, il y a des choses pas
mal consommées, quand même, là.
Mme Lavoie-Roux: Ah, ah!
M. Bédard: Je veux dire au niveau des intentions. Je veux
dire au niveau d'intentions précises. Je ne parle pas au niveau des
actes.
M. Forget: C'est du droit nouveau.
Mme Lavoie-Roux: Mais au moment de la publication du mariage,
c'est peut-être la première fois où ils prennent contact
avec l'autorité, avec celui qui célébrera le mariage.
M. Bédard: La remarque qu'on me fait est celle-ci.Ce n'est
pas proprement juridique, en fait, ce à quoi on réfère.
Mais on avait pensé que le but serait atteint beaucoup plus facilement
par une brochette du ministère de la Justice, qui est donnée
à tous les célébrants, à tous ceux qui ont à
recevoir les futurs conjoints pour indiquer des choses qu'il serait utile et
même nécessaire de faire. Mais de là à en faire une
obligation dans le Code civil, il reste que si, à un moment
donné, cela ne se fait pas, par oubli ou autrement, toute obligation
qu'on met dans le Code civil peut apporter des conséquences si elle
n'est pas observée. Jusqu'à quel point c'est juridique...
Mme Lavoie-Roux: Mais aux États-Unis, par exemple, guand
ils demandent - je ne sais pas de quelle façon ils créent cette
obligation - aux futurs conjoints de produire un certificat médical,
c'est contenu où, cette obligation?
M. Bédard: Cela n'est pas obligatoire ici. Mme
Lavoie-Roux: II y a une obligation.
M. Bédard: Mais ici, il n'est pas proposé d'en
avoir un. Il est recommandé d'en avoir un. C'est peut-être
là que le problème est un peu différent. Cela pourrait
être une décision.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce que c'était de même
nature que ce dont on parle et vous dites que cela s'intègre mal dans le
Code civil. C'est pour cela que je vous demandais - que ce soit obligatoire ou
pas - à quel endroit c'est introduit aux États-Unis. Je pense que
c'est une obligation dans tous les États.
M. Bédard: S'ils ne peuvent pas se marier sans d'abord
avoir un examen prénuptial, je comprends gue cela va être
exigé dans le dossier des futurs époux; sans quoi, on ne pourra
pas procéder au mariage. Et là, cela devient une obligation
juridique qui devra être exécutée et le
célébrant aura la responsabilité de s'assurer que cette
obligation a été remplie.
Dans le cas présent, pour souhaitable gue soit cette
recommandation de l'office, il est certain gu'elle est davantage la
responsabilité des agents sociaux chargés d'éducation et
également le célébrant, comme le disait le ministre,
pourrait fort bien, au premier contact, au moins 20 jours avant - puisqu'il y a
une publication de 20 jours - remettre une brochure, un imprimé, qui
comprendrait même beaucoup plus que ces questions particulières,
et également un peu l'ensemble des devoirs qui attendent les
époux, enfin, les informer un peu de l'acte qu'ils vont poser. Cela
pourrait être éclairant au niveau de l'éducation, à
moins d'en faire une obligation juridique. Demander un certificat
médical, cela peut paraître une petite affaire, cela peut
paraître bien...
Mme Lavoie-Roux: Je ne dis pas de le rendre obligatoire, mais je
me disais gu'il existe quand même ailleurs des dispositions
semblables.
M. Bédard: Cela peut paraître souhaitable, mais
c'est une grande immixtion, à mon sens, dans la vie privée des
gens.
Mme Lavoie-Roux: Je donnais cela comme exemple, parce gue cela
existe aux États-Unis.
M. Bédard: On va passer nos remarques sur la
législation des États-Unis.
Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas dans ce sens-là que
j'ai dit cela.
M. Forget: M. le Président, je comprends qu'on peut
trouver cela drôle un peu, mais il reste que le Code civil n'est pas
étranger aux considérations génétiques, puisque la
consanguinité, dont on a fait un tabou, est aussi basée sur des
considérations biologiques importantes. On se trouve au Québec,
en particulier, dans une des régions au monde où le taux
d'incidence des maladies génétigues... (18 heures)
Une voix: Est le plus élevé.
M. Forget: ...est le plus élevé d'à peu
près tous les pays connus. Donc, il y a un problème réel
ici. La guestion qui se pose, c'est: Est-ce qu'on a vraiment consulté
ceux qui devaient être consultés pour se demander si même
l'examen médical ne devrait pas être obligatoire? Mais ce n'est
même pas cela que nous proposons. Nous proposons d'en faire plus qu'un
simple programme d'information du ministère de la Justice. De nos jours,
on veut tout régler par des programmes d'information. Il reste gue, dans
la décision importante des conjoints, le seul contact gu'ils ont avec
l'autorité civile, c'est au moment où ils vont voir le
célébrant pour dire: Nous avons l'intention de nous marier. Ils
vont alors faire publier les bans. N'est-il pas normal, à ce
moment-là, que ce fonctionnaire de l'État même s'il est un
officier du culte, il devient, pour ces fins-là, un fonctionnaire de
l'État - dise: Écoutez! Prenez soin d'avoir un examen
médical, pas simplement parce que c'est important, mais parce qu'un des
conjoints peut très bien hésiter à le demander à
l'autre pour des questions de pudeur, de délicatesse, etc.? On est loin
d'être sûr que, dans l'entourage familial de l'un ou l'autre des
conjoints, on aura des gens suffisamment intéressés,
informés ou sensibilisés à cette question. C'est la seule
occasion gui me semble appropriée.
Vous pouvez dire: Si on en fait une obligation et qu'elle n'est pas
respectée, cela peut avoir des conséquences. On a passé
à travers
ce raisonnement, il y a une minute et demie, au sujet de la publication
des bans dont tout le monde convient qu'elle n'est pas efficace, qu'elle est
là pour satisfaire un certain formalisme juridique qui a sa place, que
je suis prêt à admettre, mais qui, effectivement, n'est pas
efficace pour prévenir, par exemple, des problèmes
génétiques résultant de la consanguinité. Mais il y
a d'autres problèmes génétiques aussi. Si on n'a pas
hésité à créer des conséquences juridiques
pour la publication et la caducité de l'avis, pourquoi
s'interrogerait-on tellement lorsqu'on crée une obligation à un
fonctionnaire de l'État en disant: Écoutez! Vous avez le devoir
non seulement d'agir comme greffier dans le mariage, non seulement de prononcer
un certain nombre de formules incantatoires en disant: Vous êtes mari et
femme, etc., mais, vis-à-vis de ces gens-là, vous avez le devoir
de leur rappeler les obligations? Il me semble que cela n'est pas
déplacé dans le Code civil.
M. Bédard: Je voudrais bien comprendre le
député de Saint-Laurent parce qu'il y a une nuance de taille.
Est-ce qu'il voudrait créer une obligation ou encore...
M. Forget: D'informer.
M. Bédard: ...faire en sorte qu'on possède
simplement une information sur l'opportunité d'avoir un examen
médical?
M. Forget: Je pense que la formulation de l'Office de
révision du Code civil, à première vue, me satisfait.
C'était l'article 20 de l'Office de révision du Code civil.
C'était quelque chose de raisonnable dans les circonstances. On disait:
Le célébrant - donc on posait l'obligation sur le
célébrant, on n'en faisait pas une cause de nullité du
mariage ou quoi que ce soit - doit informer les futurs époux des
ressources communautaires. En fait, les cours de préparation au mariage,
l'expérience indique qu'il y a bien des qens qui pourraient en profiter.
Mais certainement un examen médical, il me semble que c'est une chose
élémentaire, de nos jours, au moins de suggérer que cela
peut être fort opportun.
Mme Lavoie-Roux: Apparemment...
M. Forget: II y a beaucoup de pays développés qui
le font.
Mme Lavoie-Roux: ...dans toutes les autres provinces du Canada,
on me dit que l'examen médical est obligatoire.
M. Forget: Le Québec se distingue de ce
côté-là.
M. Bédard: J'aimerais faire certaines vérifications
préalables.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, on peut le suspendre.
Le Président (M. Laberge): L'article 416 est suspendu.
J'appelle l'article 417.
Mme Lavoie-Roux: J'allais faire une proposition tout à
l'heure qui est, en fait, la proposition du Barreau et...
M. Forget: Du RAIF.
Mme Lavoie-Roux: ...du RAIF, à savoir que le
célébrant fasse lecture non seulement des dispositions de
l'article 441, mais des articles 441 à 446 inclusivement.
M. Bédard: On va suspendre pour le moment.
Le Président (M. Laberge): L'article 417 est suspendu.
L'article 418? Le travail que l'on fait est tellement intéressant qu'on
a oublié l'heure.
Mme Lavoie-Roux: II est 18 h 5. M. Forget: Oui.
Le Président (M. Laberge): Je suspends les travaux...
M. Bédard: C'est le cas de le dire, c'est un travail
intéressant.
Le Président (M. Laberge): ...jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 5)
(Reprise de la séance à 20 h 15)
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux et,
à la suspension, nous avions regardé l'article 417 que nous avons
mis de côté pour étude ultérieure. J'appelle donc
l'article 418.
Une voix: On était à 417?
Le Président (M. Laberge): Oui, on l'avait suspendu.
Alors, 418 est appelé. Est-ce qu'il y a des commentaires?
M. Bédard: Je suis d'accord pour ajouter... M- Forget:
Les quatre articles.
M. Bédard: ...les quatre articles. J'en ajouterais
même un cinquième qui serait peut-être 450, concernant la
résidence familiale. Cela concerne juste les meubles. Non, on verra si
on ajoute autre chose, mais au moins pour les quatre dont on a
parlé.
M. Forget: Oui.
M. Bédard: Parce que 450 ne regarde que les meubles.
Alors, on verra.
Le Président (M. Laberge): Je laisse donc cet article
ouvert...
M. Bédard: D'acord.
Le Président (M. Laberge): ... pour le moment...
M. Bédard: On va le laisser ouvert.
Le Président (M. Laberge): ...pour avoir une
rédaction en bonne et due forme. Est-ce que l'article 418 est
adopté?
M. Forget: Oui, adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 418 est
adopté. L'article 419, on m'a demandé de le remplacer. Il y a un
papillon qui se lit: Remplacer l'article par le suivant: "Le protonotaire ou
son adjoint procède à la célébration du mariage,
selon les règles édictées par arrêté du
ministre de la Justice et perçoit des futurs époux, pour le
compte du ministre des Finances, tout droit fixé par décret."
M. Bédard: C'est au niveau de la rédaction.
M. Forget: Ici, je ne peux pas m'empêcher de souligner au
passage, à la suite d'un certain nombre d'autres commentaires du
Barreau, en particulier, que c'est la première fois qu'on a un pouvoir
réglementaire mentionné dans le Code civil. C'est pour un sujet
bien précis, effectivement. Mais je le mentionne pour souligner
que...
M. Bédard: C'était déjà là,
à ce qu'on me dit.
Il reprend l'article 134a actuel du Code civil qui prévoit un
pouvoir réglementaire dans une forme différente, cependant.
M. Forget: Avec le même pouvoir du
lieutenant-gouverneur.
M. Bédard: Oui, avec le même pouvoir.
M. Forget: II ne faudrait pas que cela s'étende, à
d'autres articles.
M. Bédard: Non, je ne serais pas intéressé
à ce que cela s'étende, non plus.
M. Forget: D'accord.
M. Bédard: On a pu le voir tout à l'heure, à
certains articles. L'article 420, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Le nouvel article 419 est-il
adopté?
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 420, M.
le ministre?
M. Bédard: Article 420, une seconde. M. Forget:
C'est différent.
M. Bédard: Une seconde, vous me permettez. L'Office de
révision du Code civil propose de regrouper toutes les dispositions de
droit international privé dans un même livre et notamment la
réglementation relative au mariage célébré hors du
Québec. C'est pourquoi il est peut-être préférable,
par voie de conséquence, en attendant cette réforme, de supprimer
l'article 420 et de proposer un amendement au Code civil du Bas-Canada pour
recevoir l'article 135cc, car il paraît opportun de maintenir le droit
actuel. L'article 420 deviendrait l'article 7.1 du Code civil. Il faudrait voir
à cet effet l'article 1.1 du projet de loi.
M. Forget: D'accord.
Le Président (M. Laberge): L'article 420 est donc
supprimé.
M. Forget: II est supprimé, mais, si je comprends bien, il
va être réintroduit dans le Code civil par une disposition
ultérieure.
M. Bédard: C'est cela, parce que cela doit quand
même y être.
M. Forget: Très bien.
Le Président (M. Laberge): Cet article 420 étant
supprimé, au chapitre quatrième, De la preuve du mariage, aux
articles 421 et 422, est-ce que la discussion a été faite?
Chapitre quatrième De la preuve du
mariage
M. Bédard: Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de
remarques. Non, la discussion n'a pas été faite. Mais cela
rejoint les dispositions qui étaient déjà là.
M. Forget: Avant de passer à la preuve du mariage, pour ce
qui est de la célébration, est-ce qu'il apparaîtrait utile
au ministre ou à Me Guy de souligner s'il y a d'autres recommandations
de l'Office de révision qui n'ont pas été retenues et
pourquoi?
M. Bédard: Je crois qu'elles ont été
soulignées.
M. Forget: Elles ont toute été
soulignées?
M. Bédard: Oui, je n'en ai pas de mémoire, ni dans
les notes que j'ai sous les yeux. On a été attentif à
cela.
M. Forget: Oui, d'accord. J'avais cru voir quelque chose qui n'a
pas été repris, mais j'avais lu trop rapidement.
M. Bédard: Est-ce que cela vous paraît conforme?
M. Forget: Parfait. Cela va.
M. Bédard: Article 421. Cet article fait de la production
de l'acte de mariage la preuve suffisante du mariage à l'égard
des époux et des tiers. Il assure la continuité du droit actuel
tel qu'il apparaît aux articles 159 à 161 du Code civil. Les
jugements reconstitutifs et supplétifs d'actes de l'état civil
n'étant pas encore introduits dans notre Code civil, la proposition de
l'Office de révision du Code civil ne peut être retenue; à
défaut d'acte, il faut donc se rabattre sur les articles 51 du Code
civil et 453 du Code de procédure civile.
Le Président (M. Laberge): L'article 421 est-
il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 422,
adopté?
M. Bédard: Adopté. La possession d'état
d'époux ne constitue pas en principe une preuve suffisante du mariage.
On veut éviter ainsi que la possession d'état ne puisse
être invoquée pour donner la qualité d'époux et
reconnaître les effets du mariage à ceux qui vivent en
concubinage. Il faut donc présenter un acte de mariage; ce n'est que
dans ce cas que la possession d'état supplée au défaut de
forme de l'acte. Il n'est pas question de préciser dans cet article
qu'il s'agit d'époux légitimes puisque la qualification
d'époux de fait des concubins n'est pas retenue, contrairement à
l'article 49 de l'Office de révision du code civil.
Le Président (M. Laberge): Article 422 adopté.
Chapitre cinquième, Des nullités de mariage. Articles 423
à 430.
Chapitre cinquième Des nullités de
mariage
M. Bédard: M. le Président, le chapitre des
nullités de mariage reprend substantiellement les causes de
nullités de mariage du Code civil sous réserve de certains
assouplissements et de certaines modifications de cohérence. Il
précise le droit actuel, notamment en réglementant strictement le
mariage simulé et en ouvrant plus grande la voie à l'impuissance
psychologigue comme cause de nullité.
D'autre part, les effets du mariage putatif, c'est-à-dire du
mariage contracté de bonne foi, mais atteint de nullité, sont
davantage précisés que ne le fait le Code civil actuel. A cet
égard, il convient aussi de noter deux changements importants par
rapport au droit actuel; premièrement, le droit des époux
à la prestation compensatoire et la caducité de plein droit des
donations à cause de mort. 0e dépose un amendement à
caractère technique visant simplement à améliorer la
qualité de rédaction de l'article 429. C'est cela.
M. Fontaine: M. le Président, j'ai été un
petit peu distrait tantôt, mais à l'article 422, j'aurais juste
une question à poser. L'Office de révision du Code civil disait:
L'état d'époux légitime. Cela a été
enlevé dans la loi no 89.
M. Bédard: Oui. C'est ce gue j'ai expliqué tout
à l'heure.
M. Fontaine: Est-ce qu'il y a une raison?
M. Bédard: L'Office de révision du Code civil
faisait une distinction entre "époux de fait" et "époux
légitime". On n'a pas retenu les époux de fait.On n'a pas besoin
de faire la distinction.
M. Fontaine: D'accord.
Le Président (M. Laberge): Cela va pour cette question.
Article 423? Y a-t-il des questions?
M. Bédard: Article 423. Je pourrais peut-être y
aller de quelques remarques. Cet article évite de qualifier d'absolue la
nullité des trois cas de mariage qu'il propose. En effet, le concept de
nullité absolue est plutôt doctrinal et jurisprudentiel que
législatif. L'Office de révision du Code civil n'a pas
présenté les caractéristiques de la nullité absolue
et de la nullité relative dans le titre Du mariage. Elle l'a cependant
fait dans le livre 5 sur les obligations aux articles 47 et suivants, mais ce
livre n'a pas encore fait l'objet de la révision. C'est pourquoi il est
apparu plus indiqué de préciser directement qui peut invoquer ces
nullités.
D'autre part, deux cas de nullité absolue proposés par
l'Office de révision du Code civil n'apparaissent pas dans cet article.
Il s'agit en premier lieu du cas d'une personne privée de discernement;
l'Office de révision du Code civil en a fait un cas de nullité
absolue temporaire, sujet toutefois à ratification tacite lorsque les
époux ont cohabité pendant un an depuis le recouvrement du
discernement. Ce cas, ne donnant pas ouverture à une véritable
nullité absolue de caractère permanent, a été
traité distinctement dans les articles 425 et 427.
Le deuxième cas qui a été exclu de l'article 423
est celui du majeur en tutelle dont l'étude est reportée lors de
l'examen du livre 1 sur les personnes.
Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'il y a des questions
particulières?
M. Forget: Dans le mémoire du Barreau, à l'article
423, on suggère d'exclure "pour une personne de moins de 16 ans", car on
pourrait -c'est du moins la conclusion qu'en tire le Barreau demander la
nullité, même quelques années après que cette cause
de nullité soit disparue par l'écoulement du temps. Est-ce que ce
n'est pas une objection valable?
M. Bédard: Sauf qu'on a voulu que l'article 402 soit
d'ordre public. Il apporte donc une nullité absolue, ce qui n'est
peut-être pas tout à fait le cas dont fait état le Barreau.
Le Barreau dit "par une personne de moins de 16 ans et n'attacher à ce
fait qu'une nullité relative". Or, ce que l'on veut spécifier
à l'article 402, ce sont les nullités absolues et non pas les
nullités relatives. En soi, le Barreau peut avoir raison, à
savoir que cela peut être une nullité relative, mais ce dont on
traite, ce sont les nullités absolues.
M. Forget: Je ne comprends peut-être pas la réponse
du ministre. Supposons la situation où un mariage a lieu dont un des
conjoints a moins de 16 ans. Trois ans plus tard, ce conjoint a 19 ans ou
près de 19 ans. La nullité absolue veut dire que même
à ce moment-là - et même cinq ans plus tard - toute
personne intéressée peut demander que soit déclarée
la nullité. Je comprends que c'est cela, le concept de nullité
absolue. C'est tout à fait vrai, mais est-il raisonnable que ce soit un
cas de nullité absolue? C'est cela, le problème. J'ai l'air de me
contredire, mais il reste que si cela n'a pas été soulevé
en temps utile...
M. Bédard: On peut avoir de la difficulté
tous les deux, ce n'est pas grave.
M. Forget: C'est le problème de nullité absolue
temporaire, dans le fond, qui était soulevé aussi par les
personnes privées de discernement. Une fois que cela a duré
suffisamment longtemps, sans que personne ne soulève la nullité,
n'invoque la nullité, il reste qu'on est dans la situation paradoxale
où ce qui était la cause de la nullité est disparu, de
toute façon. II semble que les intéressés n'aient pas
trouvé de raison de s'en plaindre et toute personne à ce
moment-là - toute personne intéressée bien sûr, mais
cette expression vise plus que simplement les deux conjoints - peut provoquer
la déclaration de nullité de ce mariage.
M. Bédard: Comme il est fort possible que ce soit
rattaché à l'article 403 qu'on a déjà suspendu,
où on parlait de dispense et de l'âge de se marier, il peut y
avoir un interrelation, peut-être qu'il y aurait lieu, peut-être
pas de suspendre, mais de...
M. Forget: Oui et non. Là, ce n'est pas de moins de 18
ans; c'est de moins de 16 ans.
M. Bédard: Je relie cela à un membre de la
commission parlementaire qui nous a demandé d'évaluer s'il n'y
aurait pas des possibilités, même, avec permission très
spéciale, en bas de 16 ans.
M. Forget: La permission jouerait pour les mineurs entre 16 et 18
ans je pense? Ou ce serait en bas de 18 ans, sans restriction?
M. Bédard: Quelqu'un me semble être allé plus
loin que cela, à moins que je ne me trompe.
M. Forget: II reste que, même si on résolvait ce
problème, il demeurerait pour ceux de 18 ans. Si on faisait de 18 ans
une limite absolue, il reste que, si on se marie à 17 ans et demi, que
personne ne soulève la nullité et que, cinq ans plus tard,
lorsque la personne a 22 ans, on dit: C'était nul, est-ce que le
remède n'est pas disproportionné, dans le fond? C22 h 30)
M. Bédard: C'était lié à la rigueur,
qui sera acceptée ou pas, de la règle de l'âge du mariage.
S'il est jugé que c'est un âge important et que c'est une
considération majeure que l'âge du mariage, il est certain que, si
un mariage intervient avant cet âge, c'est radicalement nul parce que la
règle est forte pour les décourager. Si ces mariages se ratifient
ou se confirment simplement par l'écoulement du temps...
M. Forget: II n'y a pas de nullité.
M. Bédard: ... c'est une nullité, mais plus faible
que l'autre. Donc, la rigueur de la règle serait moins grande. Si le
deuxième alinéa de l'article 403 est maintenu ou même s'il
n'était pas maintenu, dans ce cas-là, comme il faut une
autorisation judiciaire en bas de 18 ans pour se marier, il est probable que le
célébrant va s'assurer qu'il y ait eu dispense judiciaire avant
et qu'il n'y aura pas beaucoup de cas de nullité. C'est peut-être
très théorique également sur le plan de la discussion.
M. Blank: Ils peuvent utiliser un faux document.
M. Bédard: Pardon?
M. Blank: La fille ou le garçon peut utiliser un faux
document...
M. Bédard: Oui.
M. Blank: ... et le célébrant acceptera cela.
Aujourd'hui, une fille de 16 ans peut dire qu'elle a 18 ans, 20 ans et
présenter un certificat modifié. Ou ce sont des immigrants qui
n'ont pas de certificat, qui ont des passeports. Pour vous dire franchement,
j'ai vu des passeports avec toutes sortes de dates.
À l'article 423, si on veut avoir une nullité absolue, la
nullité doit exister au moment où on prend l'action. Si on
ajoutait quelque chose en ce sens disant qu'on peut déclarer nul un
mariage à la demande de n'importe quelle personne
intéressée à la condition que la nullité existe
à ce moment-là.
M. Bédard: Si on y va avec trop
d'élasticité, en prévoyant déjà...
M. Blank: Comme le député de Saint-Laurent le dit,
ce serait absolu, mais cinq ans après, c'est un peu "rough".
M. Bédard: Je pense qu'il y a quand même une partie
de la réponse de M. Guy à considérer:
C'est un âge important, on y met toute la réflexion
nécessaire avant de le décider au niveau du Code civil.
M. Blank: Je donne seulement des idées. Je ne demande pas
une réponse ou un amendement à ce moment-ci.
M. Bédard: Je n'argumente pas, je réfléchis
en même temps que vous.
M. Forget: D'ailleurs, le même problème se pose dans
le cas...
M. Bédard: Nous avons tout le temps pour fixer
l'âge. À partir du moment où on l'aura fixé, si on
commence à essayer de tenir compte de tous les cas particuliers qui
peuvent se présenter, j'ai l'impression qu'on va avoir quelques
difficultés.
M. Forget: Le même problème se pose dans le cas d'un
deuxième mariage alors que le premier n'est pas dissous. À
supposer que le premier conjoint meure avant que qui que ce soit invoque la
nullité, c'est la même chose; à ce moment-là, le
deuxième mariage est nul même si le premier, dans le fond, a
été éteint par la mort du premier conjoint, mais
subséquemment au deuxième mariage. À ce moment-là,
il faut que les gens se remarient, même si c'est dix ans ou quinze ans
après le décès. C'est une interprétation
très rigoureuse du concept de nullité absolue.
M. Bédard: C'est le sens que donnait l'Office de
révision dans le livre cing auquel ceci se réfère. Quand
on parlait, dans l'article 25, de
la nullité absolue, c'est une nullité, dit-on, qui ne se
confirme pas. Donc, elle est radicale à ce point. Je pense que le point
a été bien identifié, C'est plutôt la riqueur de la
règle ou pas qui est en cause. En tout cas, est-ce qu'on accepterait la
suggestion de le garder ouvert?
M. Forget: Oui.
M. Bédard: Je pense que toutes les réflexions
étaient sérieuses et on pourrait peut-être approfondir
cela, si on le juge à propos, ensemble.
Le Président (M. Laberge): Pas d'autres questions?
L'article 423 est suspendu. J'appelle l'article 424. L'article 424 sera-t-il
adopté?
M. Bédard: Je ne pense pas qu'il y ait de remarques de ce
côté-là.
M. Forget: Ici, le Barreau a fait un commentaire qui peut avoir
son intérêt. Le Barreau suggère de changer la formulation
pour que l'article 424 se lise comme suit: La nullité du mariage
contracté par une personne qui s'est soumise aux formalités de la
célébration sans avoir l'intention d'assumer l'ensemble des
obligations, etc. Il justifie cela en disant qu'il faudrait démontrer
que c'est l'ensemble des obligations et non pas une seule obligation. Bon, je
soumets ce commentaire du Barreau comme il a été fait pour
connaître les réactions du ministre et de ses conseillers.
M. Bédard: Sur le plan strictement technique, ça
m'inquiète un peu. L'ensemble est complet ou incomplet. Il va falloir
lui donner une certaine portée. Par ailleurs, l'article prévoyait
les obligations du mariage de façon globale sans insister sur toutes et
chacune. On disait les obligations pour exclure un singulier qui aurait voulu
trop référer peut-être à une obligation et, du
même coup, automatiquement entraîner la nullité. Je pense
qu'il y avait là peut-être au plan de la rédaction une
sorte de moyen terme entre une situation trop rigide. Je pense que la
proposition du Barreau avait justement pour effet d'enlever une souplesse qui
est peut-être nécessaire.
M. Forget: Oui.
M. Blank: J'ai un commentaire à faire ici.
M. Bédard: Sur cet article?
M. Blank: Oui, sur cet article, sur la version en anglais. J'ai
ici les deux versions. La version française dit au deuxième
alinéa que "le mariage ne peut plus être attaqué". Le
mariage se réfère au premier alinéa, mais en anglais, on
ne dit pas cela. En anglais, on dit au premier paragraphe: "A marriage
contracted, etc." Dans le deuxième paragraphe, on dit: "No marriage in
which there has been cohabitation." "No marriage" veut dire n'importe quel
mariage. Ce serait préférable de dire "no such marriage" ou
peut-être un autre mot, mais' on doit référer en anglais au
premier alinéa dans le deuxième alinéa. C'est ouvert et
c'est ainsi pour tous les paragraphes semblables, 428 et 429.
M. Bédard: L'article 424, c'est correct?
Le Président (M. Laberge): L'article 424 est
adopté. L'article 425 est-il adopté?
M. Forget: Dans le cas d'une personne privée de
discernement, l'Office de révision suggérait que ça ne
puisse pas être invoqué après une année de
cohabitation. Ici, il semble que cette nullité du mariage peut
être attaquée en tout temps.
M. Bédard: Ici, la condition principale du mariage qui est
touchée est celle du consentement par la personne privée de
discernement et c'est un peu par ce biais-là actuellement, de toute
façon, que sont réglés certains des problèmes que
vous avez soulevés au cours de l'après-midi relativement à
ceux qui n'ont peut-être pas le discernement au moment de contracter
mariage. Donc, ici, comme ça touche une question fondamentale qui est
celle du consentement, c'est une autre façon de le dire. C'est
également, là aussi, assez radical et c'est assez ouvert pour la
raison que le consentement est fondamental et que ça ne se ratifie pas
en d'autres termes là aussi pour la même raison.
M. Forget: C'est une cause de nullité
absolue> en somme.
M. Bédard: Là aussi, s'il n'y a pas eu de
consentement. L'office l'avait classé, d'ailleurs, dans les causes de
nullité absolue à l'article 25 du projet de loi, mais dite
temporaire.
M. Forget: On se défait donc de cette distinction. Il y a
nullité absolue ou nullité relative, mais pas d'autres
raffinements.
M. Bédard: Les tribunaux n'y sont pas très
habitués à la nullité absolue temporaire, surtout que le
régime même de l'office, encore une fois, c'était que les
nullités absolues ne peuvent jamais être confirmées. Si
jamais dans le livre 5 on retient le schéma sur les nullités, on
va avoir des problèmes si on maintient des distinctions nouvelles. C'est
réservé à des personnes bien précises contrairement
à l'article 423 où c'est réservé à toute
personne intéressée.
Une voix: Nous sommes à l'article 425.
M. Fontaine: Je pense qu'on pourrait se servir de certains
arguments pour faire une différence entre les nullités absolues
et les nullités relatives. On pourrait, par exemple, penser à une
personne qui, en vertu de l'article 425, aurait pu être privée de
discernement au moment où le mariage a été
célébré et qu'un an ou deux ans après on est en
mesure de prouver que la personne est rétablie et que tout va bien. Mais
au moment du mariage, elle était privée de discernement. On
revient, à ce moment-là, si on crée des exceptions, au
même problème qu'on a rencontré tout à l'heure
concernant les personnes âgées de moins de 18 ans. Je pense qu'il
faudrait peut-être prendre une décision et dire: II y a des
nullités absolues et il y en a d'autres qui seront relatives, mais, dans
ces cas-là, s'il n'y avait pas de consentement, si la personne
était privée de discernement au moment du mariage, c'est une
nullité absolue.
M. Bédard: C'est une nullité absolue. Par rapport
à ce que le député de Saint-Laurent disait tout à
l'heure à propos de l'année de cohabitation, je pourrais vous
évoquer l'article 427; je pense qu'on le retrouve là.
M. Forget: C'est dans le cas de l'erreur.
M. Bédard: Non, non, le discernement aussi. "Un an depuis
le recouvrement du discernement ou depuis que l'époux a acquis sa pleine
liberté." Donc, le délai s'applique à l'article 425.
Le Président (M. Laberge): L'article 425 est-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 426,
rien de spécial?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 426 est
adopté. J'appelle l'article 427.
M. Forget: Un moment, s'il vous plaît! À l'article
426...
M. Bédard: "Le mariage ne peut plus être
attaqué lorsqu'il y a eu cohabitation des époux pendant un an
depuis le recouvrement du discernement ou depuis que l'erreur a
été connue."
Le Président (M- Laberge): Je pense que M. le
député de Saint-Laurent avait une question sur l'article 426.
M. Forget: Oui.
M. Bédard: Ah, sur l'article 426:
Le Président (M. Laberge): Un commentaire.
M. Forget: Je pense que l'article 426 reprend essentiellement la
recommandation de l'article 27 de l'office, mais le langage est
différent et je voulais, avant de passer à un autre article,
m'assurer que l'on comprend bien que c'est essentiellement, sous un langage
différent, la même position.
M. Bédard: La même position que celle de l'article
27.
M. Forget: D'accord. Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'adoption est maintenue.
J'appelle l'article 427. Est-ce que ça va?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 427 est
adopté. Article 428?
M. Bédard: 428. Cet article élargit la
portée de l'article 117 du Code civil en ouvrant la voie à
l'impuissance psychologique conformément à la tendance
jurisprudentielle. Cette nullité peut être invoquée aussi
par la personne impuissante. Enfin, il a paru sage de prévoir la
confirmation tacite du mariage après un an de cohabitation des
époux, même si le mariage n'a pas été
consommé. On pense qu'il appartient aux époux de soulever la
nullité avant la fin de la période de cohabitation prévue
s'ils veulent éviter cette confirmation.
Mme Lavoie-Roux: Si le mot "impuissant" veut dire ce que je pense
qu'il veut dire...
M. Bédard: C'est ce que vous pensez, malheureusement.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'était peut-être
quelque impuissance juridique ou quelque chose comme ça.
M. Bédard: Non, là, on est au coeur du sujet. C'est
psychologique aussi.
Mme Lavoie-Roux: C'est psychologigue aussi. M. Bédard:
Ça se rejoint.
Mme Lavoie-Roux: Je pose le problème juste pour
discussion. Après un an, un des conjoints ne peut plus le soulever pour
annulation, si je comprends bien. Ça me semble - il y a d'autres femmes
ici qui pourront réagir - peut-être un délai court. Dans le
cas d'un jeune couple... Harry, je te connais, tiens-toi tranquille!
M. Blank: Est-ce que c'est une accusation d'impuissance?
Mme Lavoie-Roux: Je ne me risquerais pas à ça avec
toi. Sérieusement, dans le cas de personnes qui sont jeunes ou de
personnes qui ne sont pas nécessairement jeunes, c'est quand même
un motif relativement exceptionnel pour les qens qui décident de se
marier, il me semble, toujours.
M. Bédard: II y en a qui se marient avec ce motif. (20 h
45)
Mme Lavoie-Roux: Soit par gêne, etc. Là, on dit un
an. Les gens disent: Au bout d'un an, il a dû s'en apercevoir ou elle a
dû s'en apercevoir. Mais, sérieusement, pour faire la
démarche dans le sens d'une représentation de ce type - c'est
cela ma question - est-ce qu'un an vous apparaît suffisant?
M. Bédard: II me semble parce que, même après
un an, cela peut devenir une cause de divorce, si on se réfère
à l'article 538.
Mme Lavoie-Roux: Cela pourrait devenir une cause de
nullité aussi.
M. Bédard: Cela ne peut pas être une cause de
nullité après un an, mais cela peut devenir une cause de divorce
en vertu de l'article 538.
Mme Lavoie-Roux: Cela ne peut pas devenir une cause de
nullité.
M. Bédard: Cela ne serait pas une cause de
nullité après un an.
Si cela n'a pas été soulevé dans l'année,
cela peut le devenir.
M. Blank: Je ne suis pas sûr, M. le ministre, parce que,
dans l'article 426 qu'on a étudié, on parle de la nullité
du mariage entaché d'erreur. Ici, on parle seulement d'erreur. Dans
l'ancien code, on parlait d'erreur sur la personne. Ici, on parle seulement
d'erreur. Le code nous dit que l'erreur, cela porte sur une qualité
essentielle du conjoint. L'impuissance peut être une qualité
essentielle du conjoint parce qu'on ne parle plus maintenant d'erreur sur la
personne. On parle d'erreur. Ce n'est pas sûr que l'impuissance va tomber
dans cette définition.
M. Bédard: C'est que, si vous me permettez une
précision, la qualité essentielle du conjoint, c'est lié
dans ce cas en particulier à l'existence d'un dol, donc de manoeuvres
frauduleuses, si vous voulez. Une simple erreur sur la qualité
essentielle, qui n'est pas une erreur provoquée par le dol, ne serait
pas retenue comme cause de nullité. Ce qui est retenu comme cause de
nullité au chapitre de l'erreur, sans qu'il y ait provocation par dol,
c'est l'identité du conjoint. C'est pour cela que je répondais
tantôt à M. le député de Saint-Laurent qu'on avait
repris, somme toute, de manière différente la formulation de
l'office qui a détaché les deux choses: l'identité du
conjoint, mais, dans le paragraphe 3 de l'article 27, on a rattaché
l'erreur sur la qualité essentielle au dol, simplement aux manoeuvres
frauduleuses. C'est possible aussi, mais simplement quand c'est provoqué
par une intervention. Maintenant, est-ce qu'on ne pourrait pas trouver qu'il
s'agit d'une qualité essentielle? Je ne suis pas prêt à
vous contredire là-dessus, loin de là.
M. Blank: Même la question de la virginité peut
tomber là. Une caractéristique essentielle des fois.
M. Bédard: Si cela pouvait rejoindre l'article 426, vous
auriez la prescription à l'article 427; dans les hypothèses
où cela retomberait sur 426, le délai de prescription est
établi à 427. Ce serait une année de la connaissance de
l'erreur. C'est vrai que tous les cas d'impuissance ne peuvent pas être
récupérés pleinement par la notion d'erreur sur la
qualité essentielle. Je pense que c'est juste de dire que les articles
se complètent, surtout qu'encore une fois le cas pour nous d'erreur sur
la qualité essentielle est lié à la commission d'un dol.
Donc, cela limite singulièrement les applications de ce
côté.
Le Président (M. Laberge): Nous avions adopté ces
deux articles. De toute façon, nous en étions à 428.
Est-ce qu'il y a des questions sur l'article 428? Cela va? Article 428, M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Forget: M. le Président, sur l'article 428...
Le Président (M. Laberge): Sur l'article 428.
M. Forget: ... on conserve la disposition actuelle, à
savoir que l'impuissance est au moment du mariage. Est-ce que la jurisprudence
là-dessus considère que c'est une règle qui est sage,
etc., parce qu'essentiellement, on demande de faire une preuve à ce
moment qui est très circonscrite dans le temps?
M. Bédard: De quel droit pourrait-on aller dans le
passé? Cela peut donner ouverture à n'importe quoi.
M. Forget: Oui.
M. Bédard: II y a assez du futur, je pense.
M. Forget: Enfin, si cela ne semble pas avoir donné de
difficulté, j'imagine qu'il n'y a pas une jurisprudence très
abondante là-dessus, de toute façon.
M. Bédard: Non, on n'a pas trouvé de commentaires.
Ni l'office ni nous-mêmes ne sommes arrivés à des
commentaires plus précis.
M. Forget: C'est que, si on étend un concept à
l'impuissance psychologigue - je pense bien que c'est cela l'intention - si
c'est une cause de nullité le jour du mariage, je ne vois pas en quoi ce
n'est pas une cause de nullité le mois suivant.
M. Bédard: Seulement, comme on l'a mentionné
tantôt, à l'article 538, paragraphe 4, il y a un moyen, au
chapitre du divorce, quand on dit que le mariage n'a pas été
consommé, peu importe qu'il n'ait pas été consommé
parce qu'il y avait ou pas impuissance au moment même du mariage, cela a
pu survenir un mois ou trois mois après. De toute façon, il y a
encore une porte ouverte, mais via le divorce.
M. Forget: Oui.
M. Bédard: En d'autres termes, cela n'obligera personne
à rester dans cet état.
M. Forget: Dans le contexte où il y a des règles
sur le divorce, est-ce que cette règle de nullité pour
impuissance demeure, conserve un sens?
M. Bédard: Dans la technique juridique, c'est sûr
que les causes de nullité, ce sont celles qui sont concomitantes
à l'échange des consentements, si vous voulez, alors qu'on se
rabat comme technique juridique sur les nullités. Pour ce qui survient
comme situation par la suite, c'est, du côté du divorce,
évidemment, et de la séparation de corps qui finit par
régler les problèmes. Je pense qu'on a déjà deux
choix.
Mme Lavoie-Roux: Après une déclaration de
nullité, est-ce qu'il y a des responsabilités? Les obligations
des conjoints l'un envers l'autre sont probablement différentes
après le divorce.
M. Bédard: L'époux, probablement. Mme
Lavoie-Roux: Oui.
M. Bédard: ... dans la mesure où il y a la bonne
foi, a droit aux effets civils du mariage. C'est ce qu'on appelle le mariage
"putatif", entre
guillemets. Il a droit aux effets civils du mariage, aux aliments, aux
prestations compensatoires. Il y a des effets vis-à-vis des enfants,
etc.
M. Blank: Est-ce qu'il y a des enfants d'un mari impuissants?
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que c'est au plan religieux que cela peut
être utile une nullité plutôt qu'un divorce? Non, ce n'est
pas relié à cela?
M. Bédard: On me dit que c'est la seule cause de divorce
reconnue par l'Église catholique que celle de l'impuissance, mais, pour
nous, c'est une cause de nullité pendant un an et cela devient une cause
de divorce après.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela. M. Bédard: C'est
un peu technique.
M. Forget: Après un an, cela ne peut plus être
invogué comme une cause de nullité, mais seulement comme une
cause de divorce.
M. Bédard: Cela peut devenir une cause de divorce.
M. Forget: Mais l'effet pratique est... Mme Lavoie-Roux:
Est le même.
M. Forget: ... le même. Ma guestion demeure guand
même valable. Y a-t-il encore une raison d'avoir une cause de
nullité de ce genre-là?
Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela que je demandais si la seule
raison, c'était au plan religieux.
M. Bédard: Cela rejoint, à un moment donné,
une cause qui est acceptée sur le plan religieux.
M. Blank: Une nullité de mariage avec un jugement de
divorce au civil.
Le Président (M, Laberge): Est-ce que cela va pour
l'article 428?
M. Forget: Oui. Je ne pense pas qu'on contribue à
moderniser beaucoup notre droit civil là, mais disons qu'on n'a pas
d'objection majeure.
Le Président (M. Laberge): Cela va. L'article 428 demeure
adopté. Article 429? On nous souligne un amendement à apporter au
dernier mot de l'article, soit remplacer "satisfaite" par "remplie". Est-ce que
cet amendement...
M. Bédard: II me semble, dans la logique, qu'on devrait le
suspendre,
M. Forget: C'est cela, c'est toute la question de la
minorité.
M. Bédard: D'accord.
M. Forget: Là, on se rend compte qu'il y a une gradation.
La nullité, dans le contexte actuel, est absolue en bas de seize ans.
Elle est relative de seize à dix-huit ans.
M. Bédard: C'est cela.
Le Président (M. Laberge): L'article 429 est suspendu.
Article 430. Est-ce qu'il y a des questions ou si c'est clair?
M. Forget: Qu'est-ce gu'un mariage célébré
publiquement? Le célébrant doit être là, les deux
conjoints, les deux témoins. Combien d'autres personnes font qu'un
mariage est public?
M. Bédard: Les deux témoins plus le
célébrant. Je pense que c'est suffisant.
C'est peut-être aussi généralement, sans que ce soit
très clairement dit, un lieu public aussi qui a tendance...
M. Forget: Le mariage célébré dans des
domiciles.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce gu'on peut célébrer un
mariage dans une maison privée avec le curé?
M. Bédard: Je suis assez d'accord gue ce n'est pas
très clair. Mais cela se pratique.
M. Forget: C'est pour cela que je pose la question parce que j'ai
assisté à des mariages dans des maisons privées.
M. Bédard: Même en avion, dit-on.
Mme Lavoie-Roux: Je ne le savais pas. C'est possible.
M. Bédard: Même sur avion. C'est public. C'est un
moyen de transport public.
M. Forget: Est-ce gue ce n'est pas pléonastigue alors de
dire: S'il y a le célébrant, les deux conjoints et les deux
témoins, le mariage est régulier? Est-ce qu'on ne devrait pas
faire un effort pour expliquer ce qui est public? On parle d'une cause de
nullité et c'est assez sérieux.
Mme Lavoie-Roux: Les curés font des funérailles
à la maison.
M. Forget: On pourrait comprendre, en lisant les articles
précédents, que cela doit se faire dans un local utilisé
pour le culte, une église, une synagogue, etc., ou dans les bureaux du
protonotaire à la Cour supérieure. Ce sont des lieux publics. Si
on ne veux pas dire ces lieux-là et gu'on utilise, malgré tout,
publiquement, je pense qu'on engendre énormément de
confusion.
M. Bédard: Cela sert à la publicité du
mariage.
M. Blank: Je pense gue le mot anglais serait mieux qu'en
français. En anqlais, on dit "openly". On ne dit pas "a public place"?
"Openly", en anglais.
M. Forget: Mais est-ce qu'on parle essentiellement de la
publication des bans?
M. Bédard: Mais l'élément "publication des
bans" est également un élément dans le caractère
public, non clandestin d'un mariage. Comme on le disait tout à l'heure,
le défaut de publication comme tel n'a jamais été
suffisant pour rendre nul un mariage. Mais s'il s'y ajoutait, par exemple, un
défaut de témoins, la conjonction dans la jurisprudence de tous
ces facteurs...
M. Forget: Oui, mais s'il y avait un défaut de
témoins, il y aurait défaut de témoins, mais on ne
manquerait pas au caractère public du mariage, dans ce sens gu'on n'a
pas besoin du mot "publiquement" pour rendre nul un mariage sans
témoins. L'article est complet si on enlève le mot
"publiquement", on dira: "Le mariage qui n'a pas été
contracté devant un célébrant compétent et en
présence de deux témoins peut être déclaré
nul," etc. Donc, le mot "publiquement" est pléonastique. Vous avez dit
avec raison que la publication des bans n'est pas une cause de nullité.
On en a discuté cet après-midi. Alors, je me dis, finalement, il
y a...
Une voix: C'est tout cela ensemble. M. Forget:
D'accord.
M. Bédard: S'il manque un témoin et qu'il n'y a pas
eu de publication, par exemple, cela devient une cause aggravante. Notre
jurisprudence sur ces questions est très subtile. C'est pour cela qu'on
n'a voulu bouleverser la terminologie actuelle. C'est une notion très
complexe.
M. Forget: Justement, est-ce qu'on peut nous expliquer ce que la
jurisprudence a compris par le mot "publiquement" ou un mot équivalent
qui est utilisé dans l'article?
M. Bédard: Selon la jurisprudence, le mariage est
considéré comme public dès lors qu'il y a eu des
publications, qu'il y a un célébrant compétent et qu'il y
a deux témoins. C'est la définition positive de la
publicité du mariage. Maintenant, ce n'est pas parce qu'il manque un
seul de ces éléments que, forcément, le juge va
déclarer la nullité, parce qu'on lui donne le pouvoir, à
ce moment, de juger selon les circonstances. C'est un ensemble de choses. (21
heures)
D'ailleurs, au niveau de la jurisprudence, cela n'a pas dû poser
grands problèmes.On n'a pas beaucoup de références de
côté-là. D'autre part, on reproduit substantiellement le
même contenu que ce qui existait dans le Code civil.
Il nous aurait paru imprudent de bouleverser les choses qui...
M. Forget: II reste que le Code civil a été aussi
rédigé pour une période où on se mariait dans les
églises. Je pense qu'on peut faire cette affirmation
catégoriquement qu'en 1864 on se mariait dans les églises. La
société actuelle nous permet d'envisager des situations beaucoup
plus diverses que celle-là et réutiliser le même mot alors
que les conditions ont changé, même s'il n'y a pas eu de
difficultés dans le passé, peut créer un problème
dans l'avenir.
M. Bédard: Mais comme le rappelle l'office lui-même
dans ses commentaires, le caractère public dépend de la
réunion de tous les éléments que M. Bisson venait
d'indiquer. C'est un ensemble d'éléments, la présence des
témoins, etc. C'est de tout cela que découle ce caractère
public et ce n'est pas restreint à un endroit public, ce n'est pas
restreint à la présence des témoins.
M. Blank: Chez nous, ches les Juifs, presque 50% des mariages ne
se font pas dans les synagogues. Ils se font dans les maisons ou dans les
salons privés des hôtels, des salons privés, pas publics.
Si vous allez dans des hôtels de Montréal, chaque fin de semaine,
vous allez trouver deux, trois, quatre ou cinq mariages dans des salles
privées. C'est là qu'on célèbre le mariage et non
dans la synanogue. Ou bien encore c'est dans les maisons privées.
M. Bédard: M. Guy donne le meilleur exemple, dans le sens
qu'il ne faut pas interpréter "publiquement" comme étant
relié à un endroit public; c'est un ensemble de règles qui
permettent de dire que c'est public, soit la présence de deux
témoins, la présence du célébrant, la publication
des bans, etc.
M. Forget: Mais je pense que, pour être concret, il faut
affirmer, à la suite de ces interventions, qu'un mariaqe qui est fait
devant un célébrant compétent, après publication
des bans, en présence de deux témoins, sera toujours valable.
Donc, le mot "publiquement" est une cheville. Il ne sert à aucune fin.
J'hésite, comme législateur, à mettre un mot gui ne veut
rien dire. On ne m'a pas démontré qu'il voulait dire quelque
chose. Je m'excuse, mais il me semble que non, du moins.
M. Bédard: II ne faudrait pas perdre plus de temps qu'il
ne le faut. Suspendons-le pour le moment, parce qu'on est dans la
rhétorique un peu.
Le Président (M. Laberge): L'article 430 est suspendu.
M. Bédard: Si le mot ne veut rien dire, cela ne serait pas
mal de le mettre. D'un autre côté, on a quand même
l'assurance que cela n'a pas causé de problème, car on reproduit
l'essentiel des articles tels que déjà libellés dans le
Code civil auparavant, quoique je comprenne que la société a
changé, les moeurs ont évolué. Est-ce qu'il n'y aurait pas
lieu de le laisser là? J'ai l'impression qu'il n'y aura pas beaucoup de
jurisprudence là-dessus. S'il devait y en avoir une, ce ne serait pas
une longue jurisprudence.
Le Président (M. Laberge): Cela va. L'article 430 est
suspendu. Section 2. Des effets de la nullité. Pardon. Mme la
députée de L'Acadie, sur l'article 430?
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si vous me permettriez de
retourner en arrière, simplement pour vous poser une question qui est
reliée...
Le Président (M. Laberge): Concernant quel article?
Mme Lavoie-Roux: C'est à l'article de la nullité
pour impuissance.
Le Président (M. Laberge): C'est à l'article
428.
Une voix: Vous avez cet article à l'oeil.
Mme Lavoie-Roux: Je m'occupe de l'intérêt des
femmes.
M. Blank: Cela peut être la femme qui est impuissante
aussi.
Mme Lavoie-Roux: Laisse faire. Tu t'en occuperas.
Sérieusement, je sais que cet article est adopté. Je pose
simplement la question. Quand je regarde ce qui a été
proposé par l'Office de révision du Code civil, à
l'article 429, on dit: "Le mariage contracté par une personne
impuissante au moment du mariage peut être déclaré nul
à la demande de l'un ou l'autre des époux." Vous autres, vous
introduisez la limite d'un an. Je reviens - et si je me trompe, vous me le
direz -à la question d'annulation religieuse. Je pense que la personne
qui peut obtenir cette annulation sans limite de temps pour une cause
d'impuissance, c'est très facile, après cela, pour elle de
l'obtenir au plan religieux-C'est ça, la réalité des
choses, au plan religieux, que le divorce n'est pas accepté. Est-ce que
vous ne créez pas une difficulté supplémentaire pour cette
personne? Elle va être obligée de faire la preuve pour la divorce
et, après cela, elle va être obligée de la faire devant
l'Église. Je me demande pourquoi vous avez ajouté la limite d'un
an. L'office ne l'ajoute pas et vous l'introduisez. Je me demande si, dans le
fond, vous rendez service. Sans ça, si ça ne sert même pas
à ça, mon Dieu! comme le disait mon collègue de
Saint-Laurent, on pourrait parler seulement de causes de divorce, de raisons de
divorce. Je me demande, s'il n'y a pas eu ça dans l'esprit des
personnes, pourquoi ils ne l'ont pas mis et pourguoi vous le mettez.
M. Bédard: Je suis convaincu que s'ils ne l'ont pas mis,
au départ, ce n'est sûrement pas pour des raisons religieuses et
des considérations religieuses. Je ne pense pas gu'on doive
mélanger les deux parce gu'on aurait vraiment des difficultés
majeures sur bien des articles.
Il ne faut pas oublier une chose, c'est que, quand la nullité
religieuse est reconnue, la nullité civile ne s'ensuit pas
automatiguement.
Mme Lavoie-Roux: Non, non, je sais cela, mais, guand vous obtenez
la nullité civile, ce sera automatique d'obtenir la nullité
religieuse.
M. Bédard: Ah, non!
Mme Lavoie-Roux: Non? Il faudra faire une autre preuve?
M. Bédard: Non. C'est un autre tribunal et c'est une autre
procédure. Soyez-en certaine.
Mme Lavoie-Roux: S'il n'y a pas de problèmes, il n'y en a
pas.
M. Bédard: Cela n'influence pas la marche à suivre
du côté religieux.
Mme Lavoie-Roux: Mais vous ne m'avez quand même pas dit
pourquoi vous avez introduit la notion d'un an.
M. Bédard: Quand il s'agit d'impuissance, après un
an...
Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qui m'empêcherait de parler
là-dessus?
M. Bédard: Si l'impuissance est réelle, il me
semble qu'il faut, à un moment donné, mettre un délai
parce qu'autrement on risque d'avoir la situation d'un conjoint qui peut
indéfiniment exercer certaines pressions vis-à-vis de celui qui
n'est pas en position de force. C'est exactement cela. À un moment
donné, ça peut venir à être un petit chantage dans
le genre: Tu sais gue tu es impuissant. Tu sais que n'importe quel temps je
peux avoir la nullité. À un moment donné, si deux
personnes sont placées dans cette situation, je pense qu'il y a des
décisions en termes de maturité qui doivent se prendre et
ça ne peut pas traîner indéfiniment. Si ça ne se
prend pas dans un délai raisonnable, à ce moment-là, on
accepte des choses. Sinon, c'est l'insécurité au niveau du
couple.
Le Président (M. Laberge): Vous avez une question, M. le
député de Sherbrooke?
M. Gosselin: J'écoutais tout à l'heure la
discussion là-dessus et je me demandais si je devais intervenir parce
que ça semble un principe tellement acquis qu'un mariage puisse
être annulé pour motif d'impuissance. Mais moi, ça me
heurte profondément parce que les motifs d'impuissance imputent une
forme de responsabilité ou un odieux qui est déjà dur
à porter par la personne qui subit le handicap donné, une
malformation génitale ou je ne sais trop quoi. Compte tenu qu'il existe
toutes les possibilités de divorce ou de séparation qu'on puisse
imaginer, je trouve odieux - il y a guelgue chose qui me heurte dans le fond
même - qu'on puisse déclarer une nullité de mariage pour
motif d'impuissance ou invoguer ce motif-là. En tout cas, j'ai connu un
couple d'amis qui a vécu cela et dont le mariage a été
déclaré nul parce qu'il n'y avait pas possibilité d'avoir
des relations conjugales, mais moi personnellement, si la situation devait se
produire, je préférerais aller en procédure de divorce. La
nullité n'impute-t-elle pas une forme de jugement sur la qualité
de la personne en relation avec l'autre?
M. Bédard: Imaginez, posez-vous la question,
jusqu'à quel point ça peut être heurtant aussi pour une
personne qui est dans cette situation et qui ne peut pas avoir le moyen
nécessaire d'en sortir. Il ne faut pas prendre seulement
l'évaluation de celui qui est position difficile quant à
l'impuissance, mais il faut penser aussi à l'autre personne qui a
à vivre avec cette impuissance.
M. Blank: Cela peut être seulement relatif à une
personne. Il peut être impuissant avec une autre.
M. Bédard: Cela, par exemple...
M. Blank: On a des cas déjà dans la
jurisprudence.
M. Bédard: Oui, mais, là, il y a deux personnes qui
vivent ensemble. C'est cela que je dis. Il y a des décisions en termes
de maturité qui se doivent d'être prises, parce que je ne vois pas
comment on peut priver d'un moyen aussi important que celui-là une
personne qui a à vivre avec un état d'impuissance. C'est encore
bien pire si la personne a la preuve que, dans d'autres circonstances, la
puissance revient. Franchement, il y a juste un martyr dans la "gang",
là!
Le Président (M. Laberge): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine.
Mme LeBlanc-Bantey: On part sur une discussion très
difficile. J'aurais tendance à partager un peu l'avis du
député de Sherbrooke, mais si vraiment on est pris pour maintenir
cette disposition dans le Code civil, je comprends l'argumentation de la
députée de L'Acadie. Effectivement, comme le dit le ministre, il
faut être un peu naïf pour ne pas se rendre compte, un an
après le mariage, qu'il y a un problème d'impuissance. Mais il se
peut que, pour des raisons familiales ou psychologiques, un des deux conjoints
ait de la difficulté à admettre qu'il y a un problème
d'impuissance et un an, pour des jeunes mariés, c'est vite passé.
Je ne comprends pas le délai d'un an, moi non plus. Je comprends qu'on
ne peut pas laisser peser la menace éternellement. Mais il reste qu'un
an, je trouve cela court aussi.
Mme Lavoie-Roux: II y a toujours l'espérance que cela
puisse se corriger.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est cela. On peut dire: C'est la
nervosité, la pudeur et toutes sortes de raisons.
M. Forget: M. le Président, d'autant plus que ce dont il
est question dans cet article, ce n'est pas l'impuissance pendant la
première année. C'est l'impuissance au moment du mariage. C'est
un moment; c'est une journée. Il s'agit d'une impuissance dans une
journée. Ce n'est pas l'impuissance pendant un an; c'est l'impuissance
pendant une journée, au moment du mariage, le jour du mariage, parce que
l'impuissance le lendemain, ce n'est plus une cause de nullité. C'est
cela, c'est au moment du mariage. Je pense que cela montre le caractère
un peu ridicule de cette cause de nullité, parce que c'est un moment de
raison, dans le fond, le moment du mariage. Cela n'existe pas.
M. Bédard: Normalement.
M. Forget: Enfin, un moment de raison, dans le sens que cela
existe avant ou après le mariage. Mais, au moment du mariage, cela ne
peut presque même pas exister, l'impuissance, dans le fond. Il y a une
seconde avant et une seconde après, mais c'est tout.
Le Président (M. Laberge): La présidence n'a pas le
droit d'intervenir, mais je pense que...
Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas le droit d'intervenir.
Le Président (M. Laberge): Je n'ai pas le droit
d'interpréter.
Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas le droit
d'interpréter.
Mme LeBlanc-Bantey: ...demander s'il y a une définition
légale de l'impuissance.
Le Président (M. Laberge): Je n'ai pas le droit
d'interpréter, mais je pense que tous les commentaires ont
été faits. Alors, si vous voulez, on revient à
l'article.
Mme Lavoie-Roux: Mais on a le droit de faire des
représentations pour faire sauter le délai. J'ai même de
l'appui de l'autre côté.
Le Président (M. Laberge): II avait été
adopté tout à l'heure, par exemple.
Mme Lavoie-Roux: C'est vrai, mais...
Mme LeBlanc-Bantey: Ah, il avait été
adopté.
M. Bédard: Je ne veux pas être rigoureux, mais je
dois vous avouer que je comprends qu'on peut philosopher longtemps
là-dessus, parce que c'est un problème important.
Mme Lavoie-Roux: Mais ce n'est pas de la philosophie qu'on fait,
M. le ministre.
M- Bédard: Je ne pense pas en avoir discuté en
philosophe non plus. Je pense avoir été assez près de la
question. Il faudrait se rappeler que, dans les cas de nullité relative
du mariage, autant que possible, pour fixer la situation des personnes qui sont
engagées quand même dans ces liens, on a retenu
généralement, tout au long du projet, à l'office aussi,
une année pour faire le point et invoquer les causes de nullité.
C'est évident que, si, au bout d'une année, il n'y avait
absolument plus rien à faire, ce serait peut-être un peu rigide.
Mais nous avons indiqué également que c'était
immédiatement, au-delà de l'année, pris en relève
par la possibilité d'obtenir le divorce. Comme le divorce ne pose pas
plus de difficultés au point de vue civil à obtenir que la
nullité - peut-être moins au point de vue de la preuve - il y
avait donc encore possibilité pour ceux qui sont dans cette situation de
dissoudre le lien du mariage.
Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'on revient à
la section II?
M. Bédard: Article 430.
Le Président (M. Laberge): Article 431.
M. Bédard: À 431?
Le Président (M. Laberge): Article 431. Les articles 429
et 430 sont suspendus. Â la section II, Des effets de la nullité,
les articles... (21 h 15)
M. Bédard: Est-ce qu'on a suspendu l'article 430?
Le Président (M. Laberge): Oui.
M. Bédard: Pour le mot "publiquement".
Le Président (M. Laberge): Sur les articles 431 à
439 inclusivement, avez-vous des commentaires, M. le ministre?
Des effets de la nullité
M. Bédard: Sur les effets de la nullité, non. Vous
pouvez y aller.
Le Président (M. Laberge): L'article 431, pas de
commentaires spéciaux.
M. Bédard: II n'y a pas de commentaires spéciaux.
Cet article précise que la nullité de mariage ne change rien aux
droits et devoirs des parents à l'égard de leurs enfants, qu'ils
aient été de bonne ou de mauvaise foi. En outre, l'article
précise que les enfants ne perdent aucun avantage que leur assure la
loi, qu'il s'agisse de leurs droits moraux ou pécuniaires ou de leur
droit d'invoquer au besoin la présomption de paternité pour
confirmer leur filiation. De plus, les dispositions du contrat de mariage
subsistent à leur égard, cette règle est en accord avec la
suppression des distinctions entre enfant légitime et illégitime.
Je pense que cela va de soi.
Le Président (M. Laberge): À l'article 431, y
a-t-il des questions? Non. Adopté?
M. Blank: On parle de n'importe quelle cause de nullité,
sauf l'impuissance.
Mme Lavoie-Roux: Cela peut être des enfants
adoptés?
M. Blank: Non. Cela peut être fait par insémination
artificielle.
M. Bédard: Tout dépend de la forme d'impuissance;
c'est tout.
Le Président (M. Laberge): Article 431? Adopté.
Article 432? Est-ce qu'il y a des commentaires?
M. Bédard: Cet article 432 reprend en la clarifiant la
règle de l'article 163 du Code civil à l'égard des
époux. L'article 163 du Code civil disait: "Le mariage qui a
été déclaré nul produit néanmoins des effets
civils tant à l'égard des époux qu'à l'égard
des enfants lorsqu'il est contracté de bonne foi." Le deuxième
alinéa vise à régler le problème de deux
époux de bonne foi qui désirent reprendre chacun leurs biens ou
dont l'un désire reprendre ses biens et l'autre demander la liquidation
du régime conformément à l'article 434 proposé.
Dans ce cas, la faveur est donnée à la présomption que le
régime a existé puisque celui-ci est censé avoir
été au bénéfice des époux. Je n'ai pas eu de
remarques sur cet article.
Le Président (M. Laberge): L'article 432 est-il
adopté?
M. Bédard: Cela permet des conventions.
C'est cela.
Le Président (M. Laberge): Article 432, adopté.
Article 433?
M. Bédard: Dans les cas de mauvaise foi, les époux
n'ont pas le même choix que lorsqu'ils sont de bonne foi; c'est
évident. Ils reprennent leurs biens seulement et il serait inopportun
d'octroyer les effets civils du mariage à ceux qui ont voulu agir en
fraude de la loi.
Le Président (M. Laberge): L'article 433 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 434?
M. Bédard: Cet article laisse un choix à
l'époux de bonne foi entre reprendre ses biens ou encore demander la
liquidation du régime matrimonial. Ce choix est opposable à
l'époux de mauvaise foi.
Le Président (M. Laberge): Article 434, adopté.
Article 435?
M. Bédard: Article 435. Dans l'état actuel du
droit, les donations entre vifs restent acquises à l'époux de
bonne foi, sauf stipulation contraire du contrat. L'exécution n'en peut
cependant être demandée avant qu'elle ne soit devenue exiqible.
L'article 435 propose, en s'inspirant de l'article 208 du Code civil, de
reconnaître au tribunal le pouvoir non seulement de différer le
paiement des donations entre vifs, comme le propose l'Office de révision
du Code civil, mais aussi de les réduire ou de les déclarer
caduques, qu'elles soient exiqibles ou non. L'article 554 vise le même
effet en matière de divorce, on le verra plus loin. Cette solution plus
souple permet au tribunal de tenir compte des circonstances, notamment de la
durée plus ou moins longue du mariage.
M. Blank: Dans la dernière partie que vous avez justement
lue, M. le ministre, est-ce que la question de la constitutionnalité
n'entre pas en jeu? On peut peut-être proclamer ces articles de la loi,
les articles sur le mariage, la nullité, etc., mais vous ne pouvez quand
même pas proclamer celui du divorce parce que vous n'en avez pas le
droit. Comment pouvez-vous vous référer à l'article 439:
"Le tribunal statue, comme en matière de divorce..." quand le divorce
n'existe pas? Cet article sur le divorce où on parle d'accroissement des
actifs des conjoints, vous ne le proclamerez pas.
M. Bédard: Non. Cet article ne se réfère pas
au divorce...
M. Blank: Oui. Oui.
M. Bédard: Non.
M. Blank: Article 439, oui.
M. Bédard: L'article 439, une seconde.
Mme Lavoie-Roux: On est à l'article 435.
M. Bédard: C'est dans mes notes que je
réfère à cela.
M. Blank: Je parle d'une question "at large". Vous avez lu vos
commentaires sur toute cette section, sur tous les articles. Quand vous parlez
des effets du divorce, je vous dis qu'on va entrer dans ce problème.
Même si vous proclamez l'article 439, cela n'a aucun effet.
M. Bédard: Au point de vue technique, je pense qu'on a
prévu cette situation qui fait que dans un article, si on
réfère au divorce, il y aurait possibilité d'adopter une
disposition afin de le rendre opérant pour cet article-là, mais
inopérant pour ce qui reqarde le divorce. D'accord?
M. Blank: Ce problème, on va le retrouver partout dans la
loi.
M. Bédard: On l'a partout. On en a disposé au
début, en mettant chacun les réserves qu'on trouvait
nécessaires.
M. Blank: Je ne sais pas comment on peut adopter des lois
conditionnelles.
M. Bédard: Est-ce qu'il y a des questions?
Le Président (M. Laberge): Je pense que Mme la
députée des Îles-de-la-Madeleine avait une question.
Mme LeBlanc-Bantey: Juste une question, et j'espère que ce
n'est pas la même que celle du député de Saint-Louis. Comme
il ne parle pas fort, je ne le comprends pas toujours.
Qu'implique, dans le premier paragraphe, "sauf stipulation contraire au
contrat"? D'un côté, on semble vouloir protéger
l'époux de bonne foi, mais, en même temps, on dit "sauf
stipulation contraire au contrat", ce qui veut dire que, s'il y a une
stipulation contraire au contrat...
M. Bédard: Si les époux en conviennent autrement
dans leur contrat, il faut respecter leur convention, leur volonté
clairement exprimée dans le contrat.
Mme LeBlanc-Bantey: J'espère que les époux qui font
des contrats ne sont pas trop sentimentaux et émotifs.
M. Bédard: C'est pour cela qu'un contrat de mariage, outre
l'émotivité, c'est un contrat important.
Le Président (M. Laberge): Questions? M. Forget:
Non.
Le Président (M. Laberge): Non. Article 435,
adopté. Article 436?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 437?
M. Bédard: Les donations à cause de mort.
M. Forget: Dans le cas de l'article 437, lorsqu'on le compare
à l'article 438 du rapport de l'Office de révision, on se rend
compte que le projet de loi adopte une solution beaucoup plus radicale,
c'est-à-dire la caducité automatique des donations à cause
de mort en cas de nullité de mariage, alors que l'Office de
révision permettait au tribunal d'annuler ou de réduire les
donations irrévocables faites à cause de mort en tenant compte
des circonstances. Le tribunal pouvait aussi les maintenir, bien sûr,
parce que c'était un pouvoir du tribunal de les réduire ou de les
annuler. Quelles sont les considérations qui ont inspiré une
rédaction aussi stricte de cette disposition?
M. Bédard: Les donations à cause de mort, si on
fait l'analyse un peu juridique de ces donations, sont faites à la
condition qu'au moment du décès survive la qualité
d'époux, dans le cas d'époux.
Évidemment, ici, dans le cas de nullité de mariage, cette
qualité d'époux disparaît. D'autre part, les donations
à cause de mort, quelque forme qu'elles prennent, ont un
caractère successoral et, souvent, dans les contrats de mariage, elles
peuvent être irrévocables. Elles peuvent même être par
voie d'institution d'héritiers de sorte que la totalité du
patrimoine est cédée par une donation à cause de mort. Il
semble que, si l'effet de ces donations à cause de mort était
maintenu à la suite d'un mariage nul, le conjoint qui serait lié
par cette donation serait fort embarrassé pour disposer de sa succession
par la suite en faveur de son deuxième conjoint avec lequel il serait
véritablement marié ou à l'égard de ses enfants,
s'il en a. Du point de vue de la technique juridique, c'est peut-être
sévère.
M. Forget: Je peux concevoir et reconnaître comme valable
l'argument qui vient d'être présenté parce qu'on
considère ici des donations à cause de mort dont
bénéficie un des conjoints. Je ne voudrais pas dire
d'hérésie, mais n'est-il pas vrai que le contrat de mariage peut
donner lieu à des donations à cause de mort qui impliquent des
tiers? On peut imaginer que le donateur qui s'est lié par ce contrat de
mariage ou qui bénéficie de cette donation peut, entre le moment
du contrat de mariaqe et le prononcé de la nullité, par exemple,
être mort lui-même. Il y a un élément de
rétroactivité là qui peut être
irrémédiable dans la nullité qu'on prononce dans toutes
les circonstances des donations à cause de mort. Je comprends que c'est
un peu parti des moeurs. Cela se retrouve beaucoup moins que de régler
les problèmes dynastiques en quelque sorte via le contrat de mariage et
c'est peut-être tellement désuet qu'on n'a plus besoin de s'en
préoccuper. Il reste qu'il y a des donations qui ont été
faites, mais là il y a probablement des problèmes de dispositions
transitoires.
Est-ce que cette règle nouvelle et plus sévère
s'appliquera aux mariaqes contractés avant l'adoption de cette loi?
M. Bédard: J'aimerais vérifier. Les dispositions
transitoires, c'est 437. Comme elles ne sont pas ouvertes encore, puisque la
condition qui permet de les ouvrir n'est pas encore arrivée, je crois
que la loi va s'appliquer. Je crois qu'il n'y a pas de dispositions
transitoires pour les
réserver. Cela ne les modifie pas, somme toute, cela n'intervient
pas dans celles qui seraient déjà ouvertes. Celle qui est a cause
de mort n'a pas encore produit son effet, c'est au décès
seulement qu'elle va produire son effet. Il n'y a pas de dessaisissement comme
dans le cas d'une donation entre vifs, par exemple, où il y a
déjà un effet juridique qui est produit dès le moment de
la donation, de sorte que celles-là sont maintenues et celles à
cause de mort sont toujours suspendues à l'arrivée de la
condition. Je crois qu'il n'y a pas de dispositions transitoires; donc, c'est
l'effet immédiat de la loi qui viendrait dire que ces donations
deviendraient caduques de par l'application de 437.
Mon collègue regardait les dispositions transitoires. Je crois
qu'il n'a pas trouvé. Oui, mais... La réponse que je viens de
vous donner me paraît conforme au projet.
M. Forget: II faudrait une expertise presque notariale pour
savoir s'il est prudent de faire en sorte que des mariages déjà
contractés, des contrats de mariage et des donations à cause de
mort dans des contrats de mariage existant au moment de l'entrée en
vigueur de cette loi et qui sont intervenus dans des mariages qui pourraient
être déclarés nuls après l'adoption de ce nouveau
Code civil pourraient ainsi être radicalement éliminés par
l'effet du nouveau Code civil. (21 h 3D)
M. Bédard: M. le Président, est-ce que ça
va?
M. Forget: Ce n'est peut-être pas un problème
majeur, mais seulement des notaires pourraient nous dire...
M. Bédard: On n'a pas de droit acquis. La preuve, c'est
que, si on décède, on ne transmet pas un droit, parce que la
condition d'une donation à cause de mort, c'est de survivre, et on ne
survit plus, comme époux, quand il y a nullité. Mon analyse est
assez théorique au point de vue juridique, mais elle est conforme, je
pense.
M. Forget: II s'agit de donation entre époux, d'un
époux à l'autre, à cause de mort. L'argumentation est
impeccable, je pense. Mais comme des tiers peuvent être affectés,
des tiers gui ne sont plus en mesure de corriger l'effet de l'application du
nouveau Code civil, je ne sais pas si on fait une chose prudente.
M. Bédard: La Chambre des notaires ne nous a pas fait
d'observation à ce point de vue; je ne sais pas si elle en a, mais elle
n'en a pas produit.
Mme Lavoie-Roux: La Chambre des notaires nous a transmis
ça à propos de l'article 435.
M. Blank: C'est nouveau; on a reçu ça aujourd'hui
de la Chambre des notaires.
M. Bédard: Vous m'excuserez, je ne l'ai pas lu parce que
vous l'avez reçu aujourd'hui.
Mme Lavoie-Roux: C'est sur l'article 435. Le Président
(M. Laberge): En attendant, peut-être que Mme la
députée...
M. Bédard: On pourrait suspendre l'article 435.
M. Blank: C'est pour l'article 435.
M. Bédard: Est-ce qu'ils parlent de l'article 437?
M. Blank: Oui, dans le bas de la page.
Mme Lavoie-Roux: Oui, dans le bas de la page.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine.
Mme LeBlanc-Bantey: Si on suspend l'article, je vais quand
même émettre une opinion pour qu'ils réfléchissent
entre-temps.
M. Bédard: Les commentaires qui sont ceux qu'on a. Ils ne
font pas d'observation critique sur l'article 437 en matière de donation
à cause de mort.
M. Forget: C'est sur l'article 435.
Mme Lavoie-Roux: C'est sur l'article 435.
M. Forget: Ils suggèrent qu'il faudrait faire une
distinction entre les obligations qui ont été
exécutées et celles qui ne l'ont pas été au moment
où la nullité est prononcée.
M. Bédard: II est possible que le tribunal en tienne
compte dans l'exercice de sa discrétion.
M. Forget: Oui, quoique le tribunal pourrait effectivement exiger
répétition.
M. Bédard: Oui, c'est possible. Mais ça poserait
peut-être des problèmes, surtout si la donation reçue a
été dépensée, n'existe plus.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine.
Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'on est encore à l'article
435 ou si on est rendu à l'article 437?
M. Bédard: Est-ce que ça va pour l'article 437?
Le Président (M. Laberge): On est à l'article
437.
M. Forget: Article 437.
Le Président (M. Laberge): C'est l'article 437 ou
435...
Mme LeBlane-Bantey: Articles 435 et 437... M. Forget: Sous
réserve...
M. Bédard: Des dispositions transitoires, mais on va le
garder présent à l'esprit.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous
le laissez ouvert ou...
M. Bédard: Non, il n'y a pas de problème, sur
l'article 437. Est-ce qu'on avait fermé l'article 435?
Le Président (M. Laberge): Non, il était
adopté. À moins que vous vouliez le rouvrir.
M. Forget: Sur l'article 437, la seule chose que je pourrais
ajouter, c'est qu'il serait peut-être opportun d'examiner - c'est
seulement une sugqestion - une distinction entre les donations à cause
de mort entre conjoints et les donations à cause de mort impliquant des
tiers.
M. Bédard: Les tiers comme donateurs...
M. Forget: Oui.
M. Bédard: ... ou comme donataires?
M. Forget: Peut-être les deux.
M. Bédard: Peut-être les deux.
M. Forget: Peut-être les deux. Peut-être
trouvera-t-on, après examen... Je n'ai pas l'expertise, je pense que
nous ne disposons pas de l'expertise nécessaire, mais ce serait prudent
de ne pas créer des situations nouvelles sans bien les voir venir
d'avance. Pour ce qui est de l'article 435, M. le Président, si on
pouvait me permettre d'y revenir, étant donné les commentaires
nouveaux de la Chambre des notaires. Ils suggèrent qu'essentiellement ce
qui a été donné soit considéré comme
donné, entre conjoints, même dans les cas de nullité.
C'est-à-dire que s'il y a eu des obligations qui ont été
exécutées, qu'on ne revienne pas sur le passé
vis-à-vis du conjoint de bonne foi. Cela semble raisonnable.
Mme LeBlanc-Bantey: Après le commentaire que vient de
faire le député de Saint-Laurent, je voudrais revenir au "sauf
stipulation contraire du contrat". Au risque d'avoir l'air paternaliste, ou
maternaliste, je me dis que le conjoint de bonne foi qui s'en va signer un
contrat de mariage, ignore que son autre conjoint est peut-être de
mauvaise foi et que dans six mois il devra demander une nullité de
mariage pour une raison ou pour une autre. Donc, s'il y a une suggestion
quelconque de faire des stipulations contraires au contrat qui serait
prévu au droit qu'il aura en vertu du Code civil, le conjoint de bonne
foi risque effectivement de dire: Pourquoi pas, pour découvrir, six mois
plus tard, que son conjoint était de mauvaise foi et qu'en vertu de cela
il peut demander la nullité du mariage. Dans ce sens-là - je ne
sais pas si mon argumentation est claire - je trouve que par ces quelques mots,
on lui enlève la protection de l'article 435.
M. Forget: II faut dire que le conjoint, qui insiste pour
inscrire dans un contrat de mariage que les donations qu'il fait ou les
obligations qu'il contracte seront caduques en cas de nullité du mariage
et qui sait d'avance qu'il est de mauvaise foi, se livre à une
opération assez curieuse. Je comprends que les parties s'entendent, mais
il y en a une qui sait qu'elle est de mauvaise foi et l'autre qui est de bonne
foi.
M. Bédard: Au départ...
Mme LeBlanc-Bantey: L'autre ne le sait pas et, s'il est
arrivé à la convaincre de le marier, il peut bien réussir
à la convaincre de mettre une stipulation contraire au contrat.
M. Bédard: II y a peut-être aussi une petite
différence entre parler de nullité avec toute sa
rétroactivité au sens strict et parler de ce qui est caduc. La
caducité, ça veut dire que ce qui est encore en vigueur,
existant, cesse pour l'avenir. Je me demande s'il n'y a pas, dans le
deuxième alinéa de notre article 435, somme toute, une
prévision suffisante pour permettre au tribunal de tenir compte de
celles qui ont déjà été exécutées,
donc, qui n'existent plus. À partir du moment où elles ont
été exécutées, les donations, comme toute
obligation, cessent. Il y a celles qui n'ont pas été
exécutées, pour lesquelles le tribunal peut déclarer la
caducité ou les réduire évidemment, de sorte qu'elles ne
produiraient pas leur effet, ne pourraient pas être
réclamées. Je pense que le concept de caducité ici vise
davantaqe l'avenir et il est distinct de celui de la nullité, qui, lui,
vise une répétition, si vous voulez, de l'état
antérieur, pour replacer les époux dans l'état
antérieur. Sans compter, au surplus, la discrétion du tribunal,
mais il est lié par le concept de caducité cependant.
M. Forget: Cette distinction entre nullité et
caducité peut être démontrée dans la jurisprudence
comme étant acceptée ou est-ce une hypothèse que vous
formulez?
M. Bédard: C'est appliqué à d'autres parties
du droit que j'ai pu vérifier en jurisprudence. En parlant des offres,
par exemple, on ne déclare pas des offres nulles, on les déclare
caduques après un certain temps, un certain délai. Donc, elles
ont été bonnes tout le temps qu'elles ont duré, mais il
vient un temps où elles cessent de produire leurs effets pour l'avenir.
Dans le cas d'une donation, encore une fois, qui a été
exécutée, elle est consommée, si je puis dire. Personne
n'a plus rien à demander, elle a été
exécutée et je me demande s'il n'y a pas une distinction
juridique suffisante pour faire la distinction entre les deux.
M. Forget: D'ailleurs, l'article 432, premier alinéa,
semblerait vous donner raison puisqu'on dit que "le mariage qui a
été déclaré nul produit des effets civils en faveur
des époux qui étaient de bonne foi". Donc, la donation qui a
été reçue de bonne foi est valablement reçue et ne
peut pas être répétée.
M. Bédard: Pour ce qui a été
exécuté. Ça va?
M. Forget: Oui.
Mme LeBlanc-Bantey: "Sauf stipulation contraire du contrat".
M. Bédard: C'est à l'article 435? Le
Président (M. Laberge): Oui.
Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce que l'article 435 est suspendu?
Le Président (M. Laberge): Votre question peut être
posée sur l'article 435.
M. Bédard: Ça ne change rien .
Mme LeBlanc-Bantey: Elle a été posée tout
à l'heure et je n'ai pas obtenu de réponse, c'est ça que
je veux dire.
Le Président (M. Laberge): C'est pour ça que je
vous permets de la répéter.
Mme LeBlanc-Bantey: Vous avez réglé la question du
député de Saint-Laurent, mais...
Le Président (M. Laberge): Nous avons peine à vous
entendre d'ici.
Mme LeBlanc-Bantey: "Sauf stipulation contraire du contrat",
est-ce qu'il y a une raison quelconque pour laquelle vous tenez à ce que
ça soit gardé dans l'article 435?
M. Bédard: II n'y a pas d'objection de principe, mais on
pense que ça ne changera pas nécessairement la règle si on
l'enlève.
Mme LeBlanc-Bantey: Ça peut donner beaucoup plus de
chances à l'époux de bonne foi.
M. Bédard: Dans l'exercice de la liberté
contractuelle des époux qui est sanctionnée par le droit civil,
ce qui n'est pas prohibé par les concepts d'ordre public, de bonne
moeurs ou des lois impératives peut, au point de vue contractuel,
être fait. Cela n'empêchera pas, c'est sûr, à moins
qu'on n'interdise de les faire, les clauses de caducité qui deviennent
peut-être plus courantes dans les contrats rie mariage actuellement. Ce
n'est pas le fait de le dire ou de ne pas le dire qui va affecter le principe
ou toucher au principe de la liberté.
Mme LeBlanc-Bantey: Ce qui est un peu frustrant, c'est que, dans
le fond, on est en train de légiférer pour accorder des
obligations et des droits et, de l'autre côté, vous êtes en
train de me dire que, par les contrats de mariage, on peut rendre caduc tout ce
qu'on est en train de légiférer ici, en vertu de la
liberté.
M. Bédard: La validité de ces clauses est
déjà reconnue par les tribunaux. Il fut un temps où elles
étaient suspectes, mais, actuellement, elles sont reconnues à
cause de leur forme et parce qu'elles sont dans l'exercice de la
liberté. Il est possible aussi - je ne fais que mentionner cet
aspect-là - que, si les donations ne peuvent pas être assorties
d'une clause de caducité, les donateurs soient plus
réservés dans leurs donations et qu'ils préfèrent
ne pas en faire.
Mme LeBlanc-Bantey: Mais il y a quand même un
élément ici qui est l'élément de l'époux de
mauvaise foi. C'est cela, la différence. Dans des mariages, il y a des
causes de divorce pour une raison ou une autre. Cela va, je peux comprendre,
mais il y a quand même ici un élément de mauvaise foi
évidente.
M. Forget: Je suis d'accord avec la députée des
Îles-de-la-Madeleine que, quand il y a mauvaise foi, si le conjoint qui
est de mauvaise foi fait insérer dans le contrat de mariage, sciemment,
une clause de nullité des donations qu'il fait dans le contrat de
mariage, il se trouve à bénéficier deux fois de sa
mauvaise foi en quelque sorte. D'abord, l'ensemble du contrat est vicié
de sa mauvaise foi, mais, en plus de cela, il a inséré dans le
contrat une clause qui l'avantage en raison même de sa mauvaise foi.
C'est cela qui semble odieux.
M. Bédard: II est nul dans le contexte. En plus de cela,
s'il est de mauvaise foi, il n'aura pas droit aux donations.
M. Forget: Non, lui n'y aura pas droit, mais le conjoint de bonne
foi...
M. Bédard: Lui, il n'y aura pas droit, comme il va avoir
nullité à cause de sa mauvaise foi.
M. Forget: Oui, lui ne sera pas impliqué, mais le conjoint
de bonne foi devra, à cause de cette clause-là, renoncer à
des avantages qui autrement seraient siens en vertu du premier paragraphe de
l'article 435 à cause du...
M. Bédard: À cause de la mauvaise foi de
l'autre.
M. Forget: ...dol, en quelque sorte, du conjoint de mauvaise foi
gui a prévu que le contrat pourrait être annulé et qui
s'est prémuni de cette nullité-là en disant: En
dépit du fait de la règle générale que le conjoint
de bonne foi pourrait bénéficier des donations, il ne le pourra
pas, parce qu'il a prévu d'avance le coup. Il me semble que, là,
on avantage le conjoint de mauvaise foi.
M. Bédard: II est probable, cependant, que la clause sera
jugée nulle, puisque justement elle est faite dans un dessein que vous
venez de décrire et, par conséquent, elle n'aura pas d'effet.
M. Blank: Ce n'est pas certain. Si vous avez ces mots ici dans
cet article-là, vous donnez ouverture à l'existence de ces
clauses.
Le Président (M. Laberge): À l'article...
M. Bédard: On va l'enlever.
Mme LeBlanc-Bantey: On va l'enlever.
M. Bédard: Adopté, en l'enlevant. Cela va?
Le Président (M. Laberge): L'article 435, qui était
adopté, est donc ouvert pour enlever les mots, au premier paragraphe,
"sauf stipulation contraire du contrat".
M. Bédard: C'est cela.
Le Président (M. Laberge): Cet amendement est-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Le premier
paragraphe se terminera donc par les mots "en considération du
mariage.", les mots "sauf stipulation contraire du contrat" étant
biffés.
L'article 435 amendé, adopté de nouveau.
M. Bédard: Adopté de nouveau.
Le Président (M. Laberge): On parle d'adoption...
M. Bédard: On ne pourra pas dire qu'il n'a pas
été adopté.
Le Président (M. Laberge): Celui-là est
adopté. Je rappelle l'article 437 qui n'était pas
adopté.
M. Bédard: Je pense que nous l'adoptions, mais...
M. Forget: J'avais fait une suggestion, mais ce n'est qu'une
suggestion...
M. Bédard: ...il y avait une suggestion...
M. Forget: ... d'examiner la distinction entre...
M. Bédard: ... à laquelle nous donnerons suite
quand il s'agit d'un tiers.
M. Forget: C'est cela.
Une voix: On le laisse alors en suspens?
M. Bédard: Non, on va le vérifier.
M. Forget: On y reviendra avec une réponse, il faut
présumer. (21 h 45)
Le Président (M. Laberge): Alors, on le laisse en suspens.
L'article 438?
M. Forget: Adopté. M. Bédard:
Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 438 est
adopté. L'article 439?
M. Forget: Les commentaires,je les avais faits
déjà.
M. Bédard: Oui, c'est déjà fait et je pense
qu'il n'y a pas eu d'autres remarques là-dessus.
Le Président (M. Laberge): Pas de commentaires. L'article
439 est adopté.
Maintenant, nous passons au chapitre sixième, des effets
du...
Mme Lavoie-Roux: ...M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Excusez-moi, sur l'article
439?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Hier, une ou deux associations ont fait des
remarques concernant l'utilisation du terme "aliments" ou "pension
alimentaire". Je sais que le terme "aliments" a un sens très
précis dans ce contexte. La suggestion qui a été faite,
c'est de parler de mesures compensatoires comme étant une chose plus
adaptée. Je vois que les juristes n'ont pas l'air du tout d'accord.
M. Bédard: Le mot "aliments", c'est vraiment un mot qui,
en droit, ne siqnifie rien d'autre. Cela n'a aucune connotation
péjorative. C'est vraiment un mot purement juridique. J'aurais des
ohjections aux mots "mesures compensatoires", car ici on ne compense rien.
C'est un droit, ce n'est pas une compensation pour une dette ou une quasi-dette
comme dans le cas de l'apport à l'accroissement de l'actif dont on
reparlera sans doute plus loin. Je pense que les mots "mesures compensatoires",
d'abord, introduiraient peut-être des confusions avec la prestation
compensatoire. Je crois que ce n'est pas une compensation. C'est vraiment un
droit sui generis au secours quotidien. C'est pour cette raison que j'aurais
beaucoup d'objections.
D'accord?
Mme Lavoie-Roux: Quand la cour définit ce qu'elle
considère comme des aliments, à quel type d'opération les
gens doivent-ils se soumettre pour décider, par exemple, de ce qui
constitue la pension alimentaire?
M. Bédard: En tout cas, c'est vraiment tous les besoins de
la vie courante qui sont couverts par la notion d'aliments, ce qui est vraiment
nécessaire pour la vie eu égard aux besoins de celui qui
réclame et aux facultés de celui qui doit les aliments. Alors,
c'est quelque chose de différent de la prestation compensatoire. C'est
vraiment pour assurer les besoins de la vie courante.
D'accord?
Le Président (M. Laberge): L'article 439 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Chapitre
sixième, Des effets du mariage. Article 440?
Chapitre sixième Des effets du mariage
M. Bédard: M. le Président, j'aurais une remarque
très succincte, mais importante. À ce chapitre, les effets du
mariage sont tous déclarés d'ordre public. Cela reconduit,
d'ailleurs, la règle de l'article 1252 du Code civil actuel. Il importe
toutefois de souligner une différence importante. Les effets
impératifs du mariage sont beaucoup plus étendus dans le projet
de loi que dans le Code civil actuel. En effet, la section des droits et
devoirs des époux a été profondément
modifiée. En outre, une section importante sur la résidence
familiale, comme on le sait, a été ajoutée.
Cette section est marquée du principe de l'égalité
juridique des époux dans la direction morale et matérielle de la
famille. C'est donc la fin de la prééminence juridique d'un
époux sur l'autre. Cette nouvelle philosophie de l'égalité
des époux transforme tout le chapitre correspondant du Code civil de
1866. Ainsi, aux droits et devoirs traditionnels des époux dans le
mariage s'ajoutent celui de respect d'abord et celui de vie commune. Cette
notion nouvelle est davantage celle d'une communauté de vie que celle,
plus restrictive, d'une simple cohabitation physique. Cette
égalité se traduit plus concrètement encore par le droit
pour la femme d'exiger que son nom de naissance soit respecté par tous,
par la codirection matérielle et morale de la famille, par le choix, de
concert, de la résidence familiale, par une contribution aux charges du
mariage en proportion des facultés respectives des époux, par une
solidarité des époux vis-à-vis des tiers dans le paiement
des dettes relatives aux besoins courants de la famille, par le pouvoir des
époux de se donner l'un à l'autre un mandat de
représentation.
En un mot, le projet de loi propose une égalité
complète des époux. Il est vrai gu'une égalité
aussi absolue peut conduire les époux devant le tribunal pour trancher
leurs différends, mais les avantages de créer une
société conjugale fondée sur une collaboration pleine et
entière de chacun des époux et la perspective d'une
réforme parallèle de l'administration de la justice familiale
l'emportent sur certains des inconvénients éventuels de cette
nouvelle conception de la vie familiale.
Je dépose également deux amendements, l'un visant à
la suppression de l'article 442 dont le rappel nous ramène à
1964, alors que la loi 16, plus connue sous le nom de bill 16, abolissait
l'incapacité de la femme mariée, et l'autre visant la
rédaction de l'article 449 pour tenir compte de la demande conjointe des
époux et mieux définir le rôle du tribunal, notamment dans
la perspective de la création d'un tribunal de la famille doté de
services auxiliaires. Ce sont les remarques préliminaires, M. le
Président, sur ces sections.
Le Président (M. Laberge): Avant d'entreprendre la section
I, l'article 440 qui est détaché de la première partie
sera-t-il adopté?
M. Bédard: C'est le caractère public. Une voix:
Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. À la
section I, Des droits et des devoirs des époux, article 441. Cet article
sera-t-il adopté?
Vous avez un commentaire? Vous pouvez y aller.
Des droits et des devoirs des époux
Mme LeBlanc-Bantey: J'ai un commentaire comme ça. Quand on
dit: "Ils sont tenus de faire vie commune", je me demande si ça
correspond à la réalité de beaucoup de couples, en
commençant par les députés.
M. Bédard: J'ai bien mentionné tout à
l'heure qu'il ne fallait pas assimiler l'expression "vie commune" au mot
"cohabitation".
Mme LeBlanc-Bantey: D'accord. Excusez-moi.
M. Bédard: D'accord?
Mme LeBlanc-Bantey: Je pensais aux Gaspésiens et aux
Madelinots qui s'en vont travailler à la Baie James pendant des mois et
des mois.
M. Bédard: Vous pouvez en être un exemple
très éloquent.
Mme LeBlanc-Bantey: Comme nous tous, d'ailleurs.
M. Bédard: Exactement.
Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire quoi, alors?
M. Bédard: La vie commune, c'est au niveau de l'intention
toujours continue des gens de faire une vie commune ensemble.
Mme LeBlanc-Bantey: Ce sont des symboles, dans le fond.
M. Bédard: C'est une expérience solidaire, mais qui
n'implique pas que tous les jours les époux doivent, pour faire vie
commune, cohabiter nécessairement. Il est clair que les aléas de
la vie...
Mme Lavoie-Roux: C'est de temps en temps qu'il faut qu'ils soient
ensemble.
M. Bédard: Oui, le plus souvent possible, si vous voulez
mon opinion.
Le Président (M. Laberge): L'article 441 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 442?
M. Forget: On propose de le supprimer.
Le Président (M. Laberge): On propose de le supprimer,
justement. L'article 442 sera supprimé.
M. Forget: Est-ce qu'on peut nous expliquer ce qui a
poussé le ministre à l'inscrire et à l'enlever puisqu'il
n'est pas dans le rapport de la commission de révision du Code
civil?
M. Bédard: Mais il était dans l'article 44. M.
Forget: Dans l'article 44?
M. Bédard: C'est peut-être par un souci excessif
d'être bien sûr que ça ne diminue pas la
capacité.
M. Forget: Mais est-ce que cela va de soi que ça ne
diminue pas la capacité? Je pense que la question se pose
peut-être...
M. Bédard: Cela dépend sous quel angle.
M. Forget: C'est un peu comme une société selon le
Code civil. Cela diminue un peu la capacité dans le sens où il y
a un associé.
M. Bédard: Ou cela limite la liberté. Cela peut
diminuer la liberté, mais je crois que ça ne diminue pas la
capacité juridique.
M. Forget: Et, à défaut de cet article, il n'y a
aucun danger qu'une disposition autre du Code civil soit utilisée pour
plaider qu'effectivement, en posant tel ou tel acte, il y a une espèce
de capacité diminuée, sur le plan juridique, de poser l'acte
seul? On sait que même avec les réformes de 1964, pendant des
années, certaines institutions financières, etc., ont
exigé encore la signature du mari, par exemple. Il y a donc une
tentation à lire entre les lignes d'un certain nombre de dispositions du
Code civil une capacité diminuée pour la femme, mais, dans le
fond, ça pourrait aussi évoluer et atteindre également les
deux conjoints. Est-il prudent d'enlever cet avertissement, en quelque sorte?
C'est une règle d'interprétation dans le fond que rien ne doit
être interprété dans le Code civil, dans le chapitre du
mariage, comme une diminution de la capacité juridique.
M. Bédard: Peut-être à cause de certaines
dispositions qu'on retrouve au niveau de la résidence familiale, qui
créent des obligations qu'on veut, de part et d'autre, assez
strictes.
M. Forget: C'est cela.
M. Blank: Son père lui conseille de vendre la
maison...
M. Bédard: II est préférable d'enlever
l'article.
M. Forget: Cela peut créer un conflit de droit.
M. Bédard: Parce qu'à un moment donné, cela
peut donner ouverture à des contestations qui ne mèneraient nulle
part.
M. Forget: Effectivement, il y a une capacité
diminuée du propriétaire d'un immeuble qui est utilisé
comme résidence familiale d'en disposer ou de l'hypothéquer.
M. Bédard: C'est cela.
M. Forget: Donc, ce n'est pas vrai que cela laisse intacte la
capacité juridique des parties.
M. Bédard: C'est globalement que cela se peut, dans des
circonstances particulières. Pour des avantages plus importants, cela
peut diminuer un aspect de la capacité, mais, globalement, je pense
qu'il est clair que le tout est positif.
M. Forget: D'accord.
Le Président (M. Laberge): Après ces commentaires,
l'article 442 est supprimé. Article 443?
M. Bédard: A l'article 443, est-ce qu'il y a des
commentaires?
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'aurais des remarques en vue de modifier le mot
"patronymique" par les mots "ses nom de famille et prénom", patronymique
trouvant ses racines dans le mot "pater". Ce n'est pas moi qui ai trouvé
cela, mais...
M. Bédard: Ce n'est pas certain que ce soit relié
au mot "pater".
L'ancêtre commun, c'est assez mythique, finalement. Je ne pense
pas que cette connotation paternaliste qu'on lui attribue vienne du grec
"patros".
Mme Lavoie-Roux: Allez chercher le Larousse et le Robert.
En anglais, il n'y a pas de problème, c'est "surname". Mais en
français. Est-ce que vous avez un dictionnaire?
M. Bédard: D'autre part, quand on prend le dictionnaire,
on voit que le nom patronymique, c'est le nom de famille. C'est la
définition qui est donnée. Le nom principal, c'est cela. À
ma grande surprise, d'ailleurs, cela n'a pas de connotation paternaliste. Avec
les nouveaux mots composés qui vont pouvoir surgir dans le paysage
à partir de la liberté de donner le nom qu'on veut, je pense
qu'on est mieux de ne pas courir de risque de ce côté-là.
D'ailleurs, la transmission du nom du père qui se fait par la coutume
présentement est un phénomène relativement récent.
Le nom patronymique a toujours existé, mais que ce soit le nom du
père, c'est une relation qui est récente, relativement, par
rapport à l'histoire. C'est pour cela que l'origine est plutôt
celle du mot patron, "patros", qui était le nom de l'ancêtre, qui
n'a pas toujours été celui du père, en fait.
Mme Lavoie-Roux: Cela vient du mot grec "pater", père et
"onuma", nom.
M- Forget: Au nom du père.
M. Bédard: Vous êtes dans le grec.
Mme Lavoie-Roux: Par contre, ce gue vous dites, "nom
patronymique, nom commun à tous les descendants d'une race et
tiré de celui qui en est le père, comme les mots
"mérovingiens", "carolingiens"."
Mme LeBlanc-Bantey: II faut un mot ordinaire, extrêmement
simple.
Mme Lavoie-Roux: Le nom de famille, tout le monde sait ce que
c'est, le nom de famille.
Mme LeBlanc-Bantey: Tout le monde connaît cela, tout le
monde dit cela. Et cela ne frustre personne.
Mme Lavoie-Roux: Vous êtes d'accord pour mettre le nom de
famille?
M. Bédard: Oui. Je n'ai pas d'objection, non plus. M. Guy
me fait certaines remarques.
Mme Lavoie-Roux: Si vous voulez l'examiner un peu plus longtemps
avant de le modifier, je n'ai pas d'objection.
M. Bédard: Cela pourrait valoir la peine de les porter
à l'attention de la commission.
Le nom de famille, ce n'est peut-être pas très juridique
actuellement. Cela pourrait le devenir, c'est évident. Il y a des
familles monoparentales, il y a des familles... Enfin, le mot famille
lui-même évolue beaucoup dans notre société. Il
faudrait s'assurer qu'on comprenne ce que cela veut dire et que ce soit
interprété avec la règle d'attribution des noms. (22
heures)
Mme Lavoie-Roux: Par exemple, quand on nous fait remplir des
formulaires, on nous demande toujours le nom de famille et le
prénom.
M. Bédard: Au point de vue administratif. Mme
Lavoie-Roux: C'est la formule.
M. Bédard: On n'a pas d'objection, je pense qu'on
s'interroge ensemble.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce que j'essaie de répondre.
C'est vrai que, sur le plan juridique, cela n'a peut-être pas un sens
précis, mais vous ne l'avez jamais utilisé, voyez-vous.
M. Bédard: Oui, mais il y a plus de technicité dans
le Code civil qu'il n'y en a dans les formules administratives qui s'adressent
à tous les citoyens. C'est peut-être pour cela, parfois, que c'est
un peu plus technique.
Mme Lavoie-Roux: Si vous voulez y repenser, ce n'est pas
grave.
M- Bédard: On peut le voir. On y avait pensé, on
savait que cela viendrait.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 443...
M. Bédard: Suspendu pour qu'on examine le nom de
famille.
Le Président (M. Laberge): L'article 443 est suspendu.
J'appelle l'article 444.
M. le député de Saint-Laurent sur l'article 444.
M. Bédard: À l'article 444...
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Bédard: ... énonce le principe de la direction
conjointe de la famille dans le respect de l'égalité
complète des époux. Il ne dit mot de l'éducation ni de
l'entretien des enfants puisqu'il s'agit là d'un aspect de la direction
morale et matérielle de la famille. Ces questions précises sont
réglées par les articles 641 et 642 que nous aurons l'occasion
d'examiner un peu plus tard.
M. Forget: M. le Président...
M. Bédard: Maintenant...
M. Forget: ... je ne veux pas interrompre le ministre.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Bédard: Je sais que le chef de l'Opposition, entre
autres, a fait certaines remarques au niveau du discours de deuxième
lecture. Peut-être que vous voulez en parler.
M. Forget: C'est un peu cela. D'abord, le langage de cet article
est un peu difficile à percer dans le sens qu'il parle de la direction.
C'est très limitatif. On a l'air de vouloir s'adresser, dans le fond,
aux responsabilités parentales. Mais ce ne sont pas les
responsabilités parentales, on en traite ailleurs. Si ce ne sont pas les
relations parentales, ce sont donc les relations entre les conjoints. Dire
qu'ils dirigent conjointement le ménage dans leurs relations entre eux,
cela n'a pas de sens, évidemment; il n'y a personne qui dirige, c'est
une relation d'égalité. Cela, on l'a déjà dit
à l'article 441.
Je me demande si, dans le fond, la première phrase de l'article
441 ne contient pas toute la substance de l'article 444. "Les époux ont,
en mariage, les mêmes droits et les mêmes obligations." Cela
s'applique tant à la direction qu'à l'exécution de toutes
les tâches; cela couvre tout, les droits et les obligations. Je me
demande si on a vraiment besoin d'un article comme celui-là, à
moins qu'on ne veuille le faire déboucher sur l'autorité
parentale exercée conjointement. Le ministre nous dit que ce n'est
décidément pas cela dont il est question; je me demande si on a
besoin de cet article, tout simplement.
M. Bédard: Je ne me ferai pas tordre le bras pour le
garder nécessairement parce gue je crois qu'il y a un très bon
fondement dans le raisonnement que vient d'évoquer le
député de Saint-Laurent. Peut-être pourrions-nous le
suspendre pour ne pas aller plus vite qu'il ne le faut non plus et nous
permettre de faire une dernière vérification.
Le Président (M. Laberge): Article 444. Aviez-vous une
question?
Mme LeBlanc-Bantey: Le Conseil du statut rie la femme
préconisait l'introduction du partage des tâches domestiques et je
trouvais que c'était une excellente idée.
M. Bédard: Pardon?
Mme LeBlanc-Bantey: Je voulais souligner que le Conseil du statut
de la femme préconisait l'introduction du partage des tâches
domestiques et je trouve que c'est une excellente idée.
M. Bédard: L'égalité aura ses effets.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela ne sera pas notre plus grosse bataille,
dans les circonstances.
M. Blank: On va acheter un lave-vaisselle.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est comme cela que les mentalités
évoluent et changent.
Mme Lavoie-Roux: De toute façon, on va y revenir, vous
pouvez le garder en suspens; j'avais préparé une formulation, on
verra à ce moment-là.
Le Président (M. Laberge): L'article 444 est en
suspens.
M. Blank: Au sujet des tâches domestiques?
Mme Lavoie-Roux: Surtout pour le député de
Saint-Louis!
Le Président (M. Laberge): Article 445? M. Bédard:
Cela va, adopté.
M. Fontaine: L'article 444, qu'est-ce qu'on a fait avec?
Le Président (M. Laberge): On le suspend, on y
reviendra.
M. Bédard: À l'article 445, on ne fera pas
intervenir une troisième personne.
Le Président (M. Laberge): L'article 445 est
adopté. Article 446?
Une voix: D'accord.
Le Président (M. Laberge): Cela va.
M. Bédard: D'accord.
Le Président (M. Laberge): Rien de spécial.
L'article 446 est adopté. L'article 447?
M. Bédard: Concernant les tiers, une seconde, M. le
Président. Cet article remplace le mandat légal donné
à la femme par la solidarité dont le fait de
représentation s'étend à chacun des époux tant
qu'ils ne sont pas séparés de corps. Le principe de
l'égalité des époux est ainsi étendu aux tiers par
rapport aux besoins courants de la famille.
M. Forget: C'est un mandat légal implicite. M.
Bédard: C'est cela, solidairement... M. Forget: C'est normal.
M. Bédard: ...ils sont à égalité.
M. Forget: M. le Président, vous êtes allé
vite un peu. À l'article 446, c'est le Conseil du statut de la femme, si
mes notes sont correctes, qui suggérait l'abrogation du deuxième
alinéa. Ce deuxième alinéa se lit comme suit: "Chaque
époux peut s'acquitter de sa contribution par son activité au
foyer." Je n'ai pas le mémoire, ici. C'est l'article 446,
deuxième alinéa.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Forget: II voulait l'abroger.
Mme Lavoie-Roux: Vois-tu, c'est...
M. Bédard: Je suis un peu surpris par cette
représentation faite par le Conseil du statut de la femme, parce qu'il
me semble qu'on enlève un moyen à l'épouse de faire valoir
sa contribution au foyer comme étant un élément qui puisse
lui permettre de...
Une voix: Ou à l'époux.
M. Forget: Mme la députée de L'Acadie, je crois,
avait une remarque à faire à ce sujet. II semble qu'on voit une
contradiction...
M. Bédard: II s'agirait de...
M. Forget: ...à cet article, avec l'article 555.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela.
Le Président (M. Laberge): L'article 555.
M. Bédard: Lequel?
Mme Lavoie-Roux: L'article 555, section 1.
Le Président (M. Laberge): On était rendu à
l'article 447, mais on est revenu à l'article 446.
M. Fontaine: Ah bon!
Mme Lavoie-Roux: On est à l'article 446.
M. Bédard: II parle de la compensation, l'article 555?
Le Président (M. Laberge): Oui. L'obligation par le
tribunal de verser une compensation.
Mme Lavoie-Roux: Ce à quoi le député de
Saint-Laurent faisait référence, c'est une remarque du Conseil du
statut de la femme. Je dois vous avouer que je ne l'ai pas examinée. Si
vous me le permettez, je peux la lire et on va voir s'il y a un fondement
à ceci: "Quant au paragraphe 2 de l'article 1.446 qui reconnaît au
conjoint la possibilité de s'acquitter de sa part aux charges du mariage
par son activité au foyer, le Conseil du statut de la femme demande
qu'il soit abrogé. Même si l'intention du législateur est
fort louable en la matière, ce paragraphe, en relation avec l'article
1.555 concernant l'attribution d'une mesure compensatoire, pourrait nuire aux
femmes au foyer. En effet, il nous semble qu'un juge pourrait refuser une
mesure compensatoire à une femme en tenant pour acquis que son
activité au foyer constitue sa contribution aux charges du mariage et
non un apport à l'accroissement de l'actif de son conjoint."
M. Bédard: Oui, mais c'est une notion de... M. Forget:
C'est une question de référence.
M. Bédard: C'est peut-être vrai sur un aspect...
Mme Lavoie-Roux: Non.
M. Bédard: ...mais c'est plus aléatoire sur
l'autre. La suppression de cet alinéa...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Bédard: ...n'aura pas nécessairement pour effet
de favoriser - en tout cas, c'est notre interprétation - une
interprétation de la notion de compensation de l'accroissement de
l'actif du conjoint comme comprenant l'activité au foyer, si celle-ci ne
dépasse pas une activité d'usage. D'autre part, la suppression de
cet alinéa risque d'avoir pour conséquence que l'activité
au foyer ne puisse pas être considérée comme contribution
aux charges du mariage. C'est probablement l'intention louable dont parle cet
article, notamment dans le cas où les deux conjoints travaillent
à l'extérieur, alors qu'un seul accomplit les tâches
domestiques.
M. Forget: Je ne pense pas qu'il y ait des contradictions. De
fait, l'un est presque la condition de l'autre: si un des époux reste au
foyer...
M. Bédard: C'est cela; il n'y a pas de contradictions.
M. Forget: ...il peut non seulement ainsi s'acquitter de sa part
des charges du mariage, il peut, de la même façon, contribuer
à l'accroissement de l'actif de l'autre conjoint. Mais cela suppose que
la contribution au foyer est reconnue comme valable au départ.
M. Bédard: D'accord.
Le Président (M. Laberge): Pas de contestation. L'article
446 demeure adopté. Article 447?
M. le ministre.
M- Bédard: Je crois que j'ai donné les explications
sur cet article tout à l'heure. Sur cet article, le député
de Nicolet-Yamaska avait fait certaines représentations. Je voudrais
ajouter -parce que j'ai écouté attentivement ses
représentations lors de la deuxième lecture - que cette solution
ne menaçait pas le principe de la contribution en nature entre
époux, puisque l'époux qui contribue en nature et qui a
été tenu de payer pourra se faire rembourser par son
conjoint.
D'autre part, les tiers n'ont aucun moyen de connaître la
contribution à laquelle chacun des époux est tenu, de sorte
qu'ils pourraient refuser de faire confiance au conjoint au foyer. Dans ces
circonstances, la famille en souffrirait. Enfin, le conjoint peut se
libérer totalement pour l'avenir, en portant a la connaissance du tiers
sa volonté de n'être pas engagé. Je pense que cela
répond à une interrogation très valable que se posait le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Mais il reste un fait, c'est que le conjoint dans la
grande majorité des cas, est l'épouse qui demeure au foyer, et
elle se verrait obligée d'acquitter des dettes solidaires qui auraient
pu être contractées par l'époux. À ce moment, je
pense que c'est un petit peu inégal. On recevait dernièrement un
mémoire du front commun qui disait ceci: "Le principe de
solidarité des dettes pour les besoins courants est inacceptable,
puisqu'il existe une grande inégalité financière entre les
conjoints. Ainsi, nous voudrions que le principe de la réalisation en
fonction de leurs facultés respectives s'applique aussi à cet
article." C'est endossé par l'Association féminine
d'éducation et d'action sociale, (l'AFEAS), la FFQ, la CSN, la Ligue des
femmes du Québec, l'Association des femmes de Radio-Canada, le Carrefour
des associations de familles, l'Association des femmes collaboratrices de leur
mari, l'Association des femmes diplômées des universités,
le Centre de santé des femmes, le Centre refuge, la
Fédération des unions de familles, le Comité d'action
politique des femmes du PQ, Parents uniques Laval...
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une...
M. Forget: Ce n'est pas une bonne référence?
Mme Lavoie-Roux: Non.
M. Bédard: J'espère que avez du respect pour toutes
les femmes du Québec, Mme Lavoie-Roux. J'espère que votre respect
des femmes est au-dessus de la partisanerie.
M. Fontaine: Ensuite de cela: Inform'elle, Vie nouvelle, YWCA. Je
pense que ce sont des représentations qui devraient faire
réfléchir le ministre à ce sujet parce que, comme je l'ai
dit en deuxième lecture, on devrait plutôt retenir la suggestion
qui a été faite par l'Office de révision et essayer de
voir à ce que la solidarité ne soit que limitée dans la
contribution. (22 h 15)
M. Bédard: On pourrait essayer de réfléchir
ensemble sur les effets que cela peut avoir. Je pense que tout le monde peut
avoir cette réaction au départ, mais, on oublie peut-être -
je l'ai mentionné tout à l'heure - qu'il est toujours possible
à un des conjoints de réclamer la part qui lui est due à
l'autre conjoint. Il faudrait peut-être aussi évaluer par rapport
aux tiers quelles seraient les conséquences que cela pourrait avoir,
étant donné que les tiers ne savent pas la proportion qui existe
ou qui a été déterminée entre les conjoints. Pour
ce qui est de l'usage courant, avant de faire quelque engagement que ce soit,
je pense que, si la règle de la solidarité n'existait pas,
à ce moment-là, on pourrait assister à certains
inconvénients qui vont l'emporter sur les avantages pour les tiers.
Remarquez que je ne suispas fixé dans le ciment, mais je pense qu'on a
ensemble l'obligation d'essayer de fouiller le plus possible au niveau de la
préoccupation qui est admise.
M. Fontaine: Seulement une remarque là-dessus. Quand on
parle de pouvoir réclamer à l'époux ou à l'autre
conjoint, c'est peut-être un droit qu'on a, mais, de la à
l'exercer, à s'en prévaloir et à se faire rembourser, il y
a une grande marge.
M. Bédard: C'est la partie des inconvénients dont
je faisais état. Regardons avec peut-être un ou deux exemples que
pourrait nous donner M. Guy quels seraient les inconvénients de l'autre
côté, par exemple, si on laissait tomber la solidarité.
Je pense qu'il serait peut-être souhaitable de distinguer deux
ordres de relations ou de rapports ici. Il y a les époux entre eux qui,
comme le disent les deux alinéas de l'article 446
contribuent chacun selon ses facultés respectives. Entre les
époux, cela peut se faire par l'activité au foyer. L'autre peut
être celui qui paie le compte d'électricité, le compte
d'épicerie, enfin qui acquitte parce qu'il travaille à
l'extérieur. Mais si on regarde le rapport des époux à
l'égard des tiers, vis-à-vis des fournisseurs, il est certain que
les fournisseurs n'ont aucun moyen de savoir comment les époux entre eux
se partagent, selon leurs facultés, la contribution aux charges du
mariage. Il est possible que les deux époux travaillent et gagnent tous
les deux de l'argent, mais qu'il y en ait un qui assume plus que l'autre et qui
assume peut-être même en exclusivité les charges du mariage,
enfin les activités au foyer, les charges domestiques.
Ce sont des situations que les époux connaissent très
bien, mais que les tiers ne connaissent pas. Si le tiers qui a fourni des
aliments réclame le paiement à l'épouse, si elle n'a pas
de revenu, il n'y a pas de problème; il ne la poursuivra pas. Le tiers
est habitué: II va poursuivre celui qui a de l'argent. S'il poursuit
l'épouse parce qu'elle a de l'argent et qu'elle estime qu'elle a
déjà acquitté sa contribution par son activité au
foyer, elle va mettre en cause, parce qu'elle sera poursuivie au moyen d'une
action en paiement de ce qui est dû par son mari à son point de
vue à elle, son mari dans la même action. Il n'y aura pas un
deuxième recours après. La procédure prévoit qu'on
peut mettre immédiatement en cause le mari et cela va permettre au tiers
de se faire payer. L'important, c'est que le tiers aussi soit certain de son
paiement. Autrement, il peut poursuivre l'un et se faire répondre qu'il
n'est pas tenu à toute la dette, mais qu'il n'est tenu qu'aux trois
quarts de la dette. Cela l'oblige à prendre une deuxième action
pour aller poursuivre l'autre pour les 25%. C'est une situation,]e pense, que
l'office n'avait pas, dans un rapport avec les tiers, peut-être
évaluée d'une façon aussi précise.
Je comprends que la solidarité, c'est vis-à-vis du tiers,
mais, entre eux, cela ne change pas les rapports qu'ils ont et, surtout par une
voie de mise en cause dans le même recours que le tiers exercera, il me
semble que cela peut fonctionner. Autrement, je pense que le tiers...
Actuellement cela fonctionne bien, parce qu'il y a un mandat légal et
que le mari est poursuivi pour la totalité et le tiers se fait payer. Il
n'y a pas de problème, mais avec une répartition aussi souple que
les facultés respectives, le tiers ne sait plus qui poursuivre et ne
sait plus pour quelle partie de la dette poursuivre non plus.
Il faut que cela fonctionne demain et que les gens puissent continuer de
s'approvisionner. Autrement, il n y aura peut-être plus de ventes
à crédit; il y aura plutôt des ventes au comptant que des
ventes à crédit pour ne pas courir de risque.
Enfin, c'est l'explication générale que je peux
fournir.
Je crois également que la notion de solidarité se situe un
peu dans le sillon de la notion d'égalité et ce serait, en
quelque sorte, revenir au mandat domestique, ce qui existait auparavant, je
dirais. Je ne pense pas que ce soit le désir contenu dans l'ensemble des
principes fondamentaux du projet de loi sur lequel nous nous étions mis
d'accord.
Si les tiers ne savent pas à quoi s'en tenir, on va
peut-être revenir à d'anciennes pratiques qu'on veut justement
expulser à l'heure actuelle, c'est-à-dire que, lorsqu'il va
s'agir, par exemple, d'une femme au foyer qui va faire des achats assez
importants, on va aussitôt recommencer à demander l'autorisation
du mari, vérifier son crédit, etc. Autrement dit, un tas de
démarches humiliantes desquelles on veut sortir et que la
solidarité permet de supprimer, je pense.
On peut compliquer, au contraire, la vie de la femme et la vie du couple
parce que les tiers, à partir du moment où on n'inscrit pas la
règle de la solidarité, peuvent créer pas mal
d'embêtements avant de décider de s'engager de leur
côté. Si on a affaire à des tiers qui, constamment,
demandent la dénonciation, d'une certaine façon, des ententes qui
existent entre les deux époux avant de s'engager vis-à-vis des
besoins - ne l'oublions pas courants de la famille, à ce
moment-là, j'ai l'impression qu'on va... Je comprends que cette
proposition est faite de bonne part par l'ensemble des organismes que vous avez
mentionnés et je peux vous assurer que j'ai demandé qu'on aille
au fond des choses pour être convaincu, parce qu'il n'y a rien de plus
facile que de dire oui, mais, quand on dit oui, il faut avoir l'impression de
vraiment rendre service à ceux qui le demandent et c'est tout à
fait normal. En tout cas, j'ai demandé aux légistes de fouiller
en profondeur cette demande-là pour être bien sûr qu'on rend
service et on n'a vraiment pas la conviction, au bout de la ligne, que cela
rendrait service à la femme et à la famille.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Sherbrooke.
M. Gosselin: La remarque que j'aurais à formuler est sur
le concept de besoins courants, la réalité concrète du
principe de l'égalité et de la solidarité dans les dettes
et les biens, sauf que dans la réalité concrète, pour
sûrement 90% des couples, un seul des conjoints travaille, soit l'homme,
et l'épouse est éducatrice des enfants à la maison; la
femme n'exerce pas ou exerce très peu son pouvoir de dépenser. Je
pense que, dans la réalité concrète, celui qui prend les
décisions est souvent l'homme seul. Il arrive que l'homme prenne ces
décisions-là seul, au niveau de l'automobile, par exemple.
M. Bédard: Je pense que c'est moins le cas quand on parle
des besoins courants. La femme, au contraire, prend...
M. Gosselin: Mais cela dépend, est-ce que l'automobile est
un besoin courant?
M. Bédard: ... certainement une partie des
décisions.
Une voix: Cela dépend.
Mme LeBlanc-Bantey: N'entrez pas dans les préjugés
du magasinage.
M. Gosselin: Évidemment, si on a affaire à une
situation de fait, si les partenaires sont vraiment égaux dans le
couple, ont les mêmes chances, ont les mêmes accès au
crédit, ça va, mais je pense à des situations types de
couples où, dans les faits, l'homme, étant encore le
pourvoyeur ou celui qui gagne le revenu familial, prend les
décisions importantes. Je ne fais que le signaler. De fait, cela
dépend de la notion qu'on se fait de besoins courants. Je connais des
couples immatures - il y a des gens qui sont immatures dans la vie de famille,
dans la vie de couple - qui pourraient s'endetter pour l'achat d'une automobile
de $10,000, par exemple, et divorcer en pleine dette après que
l'automobile a été "scrapée", un an plus tard. Et la femme
porterait le fardeau financier. de cette automobile sans en avoir
bénéficié. Cela dépend de la définition
qu'on se fait de besoins courants et du genre de dettes qui pourraient
être contractées.
M. Bédard: M. le Président...
Mme LeBlanc-Bantey: Je lui avais demandé la parole.
Le Président (M. Laberge): Oui. Est-ce que M. le ministre
répond à cette question?
M. Bédard: Non. Je vais laisser les autres s'exprimer.
Le Président (M. Laberge): Vous laissez faire?
Alors, Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme LeBlanc-Bantey: On a une discussion que je qualifierais
d'avocasserie. Je trouve ça compliqué.
M. Bédard: On ne comprend pas.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est la même chose quand c'est vous
qui parlez.
M. Bédard: Oui, je sais. C'est de nous y faire penser.
Mme LeBlanc-Bantey: Alors, tout le monde va faire un effort pour
parler plus fort.
Ce que je disais, c'est qu'on entre dans des discussions que je
qualifierais non péjorativement d'avocasserie et je trouve ça
toujours difficile de m'y retrouver, mais je comprends la philosophie du
ministre sur le principe de l'égalité, de la solidarité,
etc. En termes de philosophie, c'est excellent. En termes pratiques, on a
souligné la difficulté que ça pourrait supposer pour la
majorité des femmes qui n'ont pas encore les moyens financiers de
supporter une solidarité de ce genre. Est-ce gue vous avez
envisagé ou est-ce que même c'est envisageable au niveau juridique
- si ma question est naïve, je ne m'en sens pas complexée - une
solidarité, tout en mettant une disposition qui prévoirait que
c'est finalement le conjoint - et dans certains cas, ça peut être
la femme - qui a les revenus qui serait responsable, quand même, des
dettes? À ce moment-là, le stiers sauraient qui poursuivre.
M. Bédard: Je vous ferai remarquer que la disposition,
qu'elle soit libellée de quelque manière que ce soit, ne changera
pas les habitudes du créancier ou des tiers qui vont toujours poursuivre
celui des conjoints qui a un revenu.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela rassurerait les qroupes de femmes
qui...
M. Bédard: Tout à l'heure, je l'ai bien dit, on a
essayé de fouiller le plus en profondeur possible les
conséquences que pourrait avoir le fait de donner suite à cette
demande. S'il n'y avait que le principe théorique: il y a
l'égalité, donc, la solidarité, je n'argumenterais pas
longtemps là-dessus et d'ailleurs, je n'ai pas à argumenter
longtemps là-dessus. C'est plutôt au niveau des effets pratiques,
des inconvénients pratiques que ça peut avoir, ce que j'ai
énoncé tout à l'heure, envers les conjoints. À
partir du moment où les tiers savent qu'il peut y avoir un partage
différent entre les époux au niveau de la responsabilité
du paiement des dettes, c'est clair que nous allons voir à des tiers
qui, à ce moment-là, vont être beaucoup plus vigilants - si
je peux employer l'expression - et gui, avant de s'engager vraiment, vont
vouloir - j'appelle ça des tracasseries très importantes - savoir
d'une façon plus détaillée quelles sont les ententes entre
les deux conjoints. En fin de compte, ça peut représenter, je
pense, plus d'inconvénients que d'avantages. On peut le garder ouvert.
J'exprime dans quel esprit on l'a analysé. Ce n'est sûrement pas
avec l'idée de dire non. C'est peut-être d'essayer de donner suite
à cette demande, mais en étant bien conscient qu'on rend
service.
Le Président (M. Laberge): L'article 447 est-il
laissé en suspens?
M. Forget: Non. Je n'avais qu'une remarque, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: On a ici des dispositions, si on se
réfère à l'article 440, qui s'appliquent
indépendamment du régime matrimonial.
Essentiellement, ce qu'on dit aux articles 446 et 447, c'est que, dans
la mesure où on parle des besoins courants, quel que soit le
régime matrimonial, on vit, en fait, en communauté de biens. Je
pense qu'il y a peut-être un certain flottement au niveau de la
cohérence. Je pense que c'est cohérent avec la communauté
d'acquêts qui est le régime légal, mais il reste que,
même dans les cas où les conjoints font un contrat de
séparation de biens, même dans les cas où les deux
conjoints ont un revenu et, donc, à la fois en pratique et par leur
intention manifeste au moment du mariage, par leur contrat, ont choisi un
régime matrimonial de séparation, la loi les oblige à
vivre vis-à-vis des tiers en communauté de biens pour ce qui est
des besoins courants. Je pense que c'est peut-être un aspect auquel on
n'a pas pensé, on n'a pas regardé tout ça sous cet
éclairage jusgu'à maintenant. Mais est-ce qu'on veut vraiment
aller aussi loin que ça? Je comprends les arguments du ministre,
à savoir que les tiers vont vouloir, de toute façon, être
sûrs qu'ils ont un débiteur solvable derrière les achats
d'aliments, de vêtements, etc. De toute façon, les conjoints entre
eux ne sont tenus à contribuer que dans la mesure de leurs ressources
et, comme il s'agit de besoins courants, dans la mesure où ils en ont
profité aussi, dans le fond. On ne parle pas d'acquisition de biens de
luxe.
Les bâtons de golf, des billets d'avion pour des voyages en Europe
ou des histoires comme ça, ça ne fait pas partie de la
définition des besoins courants. (22 h 30)
M. Blank: Le manteau de fourrure.
M. Forget: Je pense que c'est une définition assez
restrictive des besoins courants. C'est dans la mesure où les deux en
bénéficient gue ça peut être gualifié de
besoins courants. Dans le fond, c'est une question gue je pose. C'est une
expression qui est effectivement interprétée par la jurisprudence
comme couvrant à peu près n'importe quelle dépense de
n'importe quel ménage. À ce moment-là, on serait en train
de décréter la communauté de biens universelle et sans
limite, quel que soit le régime matrimonial. Dans le fond, si tout tombe
dans les besoins courants, selon le niveau de revenu de la famille, on va
couvrir même le voyage en Europe ou en Chine, si le niveau de revenu le
permet. Là, peut-être gu'on va au-devant de ce gue le client
demande, dans un certain sens.
M. Bédard: Je répondrai peut-être à
cela gue c'est déjà ce que nous avons, sauf qu'actuellement, avec
le mandat domestique, c'est le mari qui est maître de cette
communauté, tandis que là, on en fait une communauté
bilatérale. C'est déjà la situation actuelle, avec cette
différence que c'est le mari qui est maître de la
communauté en question.
M. Forget: Oui. C'est un progrès que de dire que les deux
sont capables d'engager la responsabilité financière du
ménage. Le seul point, c'est gue, comme c'est une disposition d'ordre
public, elle contrevient même à l'expression manifeste des
conjoints. De plus en plus, les femmes vont sur le marché du travail
pour un salaire, contre rémunération, ont des contrats de mariage
en séparation de biens, mais on leur dit, même dans ces
cas-là: Vous vivez de fait en communauté de biens. La guestion,
c'est gue si l'expression "les besoins courants" selon le niveau de revenus
ça peut vouloir couvrir toute dépense, même somptuaire,
à ce moment-là, on se contredit.
M. Bédard: II est certain que plus les époux sont
riches, plus la notion de besoins courants s'élargit. On peut ajouter
que c'est certain que sous tous les régimes, même quand on se
marie en séparation de biens, avec ce régime primaire ou ce
régime impératif de la section I et de la section II gui s'en
vient, celle de la résidence,il y a une sorte de nouvelle notion
communautaire qui se développe. C'est le bien de la famille. Les besoins
courants, c'est pour le bien de la famille, c'est l'intérêt de la
famille. La résidence aussi.La philosophie gui a inspiré les
dispositions relatives à la résidence la considère, encore
une fois, comme une sorte de bien de la famille, une sorte de bien commun. Vous
avez parfaitement raison guand vous évoquez gue, même en
séparation de biens, il faudra, par rapport aux besoins courants de la
famille, par rapport à la résidence, se comporter d'une certaine
façon comme s'il y avait une nouvelle communauté imperative,
au-delà de laquelle on peut se séparer de biens, mais il faudra
respecter ce minimum. Je pense que c'est dans la philosophie du projet,
effectivement. Il serait préférable de s'accorder encore un peu
de réflexion sur cet article. Je pense qu'on est tous animés du
même désir d'essayer de rendre service. Au fil de la discussion,
on s'aperçoit qu'on a peut-être avantage à approfondir
encore un peu...
M. Fontaine: Je pense que oui.
M. Bédard: ...avant de fermer l'article.
Le Président (M. Laberge): L'article 447 est laissé
en suspens. Article 448?
M. Bédard: Article 448. Cet article étend à
la direction morale et matérielle de la famille la règle du
mandat gue l'article 178 du Code civil établissait pour l'exercice des
droits et pouvoirs que le régime matrimonial attribue à chacun
des époux. C'est sans doute aussi le sens gu'il faudrait attribuer au
mot "même" dans l'article 45 gui a été proposé par
l'Office de révision du Code civil.
Pour ce qui est du deuxième alinéa de l'article 448, le
mandat est présumé dans les deux hypothèses qui y sont
décrites: impossibilité pour un des époux de manifester sa
volonté, ou impossibilité de le faire en temps utile. On ne
réfère pas ici, en particulier, aux besoins courants du
ménage parce gue la situation est déjà
réglée par l'article 447 qui a pour effet d'établir cette
présomption face aux tiers. C'est là, évidemment, une
autre exception au principe que les époux doivent prendre leurs
décisions ensemble, mais elle tient compte des diverses circonstances
qui peuvent survenir dans la vie quotidienne. Soulignons, toutefois, gue, dans
le cas où le consentement du conjoint est reguis par une règle du
régime matrimonial, cette exception ne pourrait pas s'appliquer vu
l'article 478.
Le Président (M- Laberge): M. le député de
Sherbrooke.
M- Gosselin: J'aimerais avoir des précisions sur
l'application concrète à partir d'exemples. "Chacun des
époux peut donner à l'autre mandat de le représenter dans
les actes relatifs à la direction morale et matérielle de la
famille." Est-ce que cela veut dire qu'un papier, une déclaration
signée à l'intention de mon épouse l'autorisant pleinement
ou la désignant pleinement guant aux transactions qu'elle pourrait avoir
à effectuer pour les réparations de la maison, pour les
réparations de l'automobile, ce gue j'appelle les frais courants,
devrait être reçue, aurait force légale? La situation de
fait présente, c'est gue le seul conjoint qui travaille ou qui
amène un revenu, c'est l'homme dans le couple, chez nous. C'est une
expérience vécue tous les jours face aux institutions
financières, par exemple; dans les engagements réguliers,
l'épouse n'a pas de statut. Est-ce gue cette disposition de 448 confirme
un réel statut? C'est une guestion que je formule. J'essaie de voir
jusqu'à guel point cela modifie.
M. Bédard: C'est une question sérieuse. Un bref
commentaire. L'article 440 qui a été évoqué
tantôt dit gue les dispositions de ce chapitre sont impératives.
Donc, si on regarde les articles 443 et 444, par exemple, le choix de la
résidencs,
tout se fait ensemble, tout est impératif. Il fallait
prévoir à 448, parce qu'on sait fort bien qu'on ne peut pas
toujours tout faire ensemble -il y a des circonstances, soit la maladie, ou
l'absence, qui font qu'il est utile de le prévoir -qu'on puisse se
donner un mandat, par exemple, celui d'aller choisir la résidence
familiale. Il peut arriver qu'un époux n'a pas le temps d'être
libéré et dit à son conjoint: Choisis donc l'appartement
ou bien, le logement. Cela permet à 448 de se donner un mandat pour
aller choisir le logement. C'est là une souplesse. Autrement, on serait
prisonnier du caractère impératif de la règle de dire
qu'on choisit la résidence à deux.
Seulement, par le mandat c'est une technique qui fait que la
responsabilité juridique continue de reposer sur les deux époux.
L'un n'est pas obligé de donner mandat à l'autre, mais il peut le
faire et cela peut être très utile dans beaucoup de circonstances
de le faire. Dans ce sens, je pense qu'il faut se décrocher un peu de
440 pour arriver à faire fonctionner notre cogestion ou notre
codirection de la famille.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais revenir sur l'article 448. De toute
la discussion qu'on a eue, j'aurais une remarque. L'article 448, d'une certaine
façon, est relié à l'article 444 qui, lui, est en suspens
et dans lequel on a parlé de direction morale et matérielle. Ce
sont les mêmes termes qu'on reprend à 448: "dans les actes
relatifs à la direction morale et matérielle de la famille."
Évidemment, je ne l'ai pas souligné à 444 parce qu'il y a
possibilité de le faire sauter.
M. Bédard: Même si on faisait sauter l'article 444,
techniquement, je veux dire, cela ne nous empêcherait pas...
Mme Lavoie-Roux: Non, mais réduire - ce n'est
peut-être pas réduire, mais enfin - ou limiter à la
direction morale et matérielle les responsabilités conjointes ne
me semblait pas suffisant si on gardait l'article 444. D'ailleurs, je l'aurais
modifié dans le sens que les époux assument ensemble les
responsabilités morales, matérielles et parentales du foyer.
Quand vous arrivez à 448, on ne parle plus d'actes relatifs aux
responsabilités morales, matérielles et parentales de la
direction du foyer. Sans aller dans la question de la division des tâches
domestiques - parce que je trouve qu'on exagère un peu - je pense que
l'intention est bonne; mais j'aimerais quand même, compte tenu que trop
souvent la mère assume toutes les responsabilités qui ont trait
au soin des enfants, qu'on dise que chacun des époux peut donner
à l'autre le mandat de le représenter dans les actes relatifs aux
responsabilités morales, matérielles et parentales de la
direction du foyer. J'ajouterais l'élément "parentales" parce que
quand on parle de responsabilités parentales, ce n'est pas juste...
M. Bédard: II peut ne pas y avoir d'enfants.
Mme Lavoie-Roux: S'il n'y en a pas, il n'y en a pasl
M. Bédard: Je comprends!
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais "morales" et "matérielles" de
la famille, ce n'est pas cela, ce sont des responsabilités
parentales.
M. Bédard: Vous avez ces notions au niveau de
l'autorité parentale. Vous avez tout cela. En tout cas, on pourra y
revenir.
Mme Lavoie-Roux: En tout cas, les relier à l'article
444.
M. Bédard: On ne l'a pas adopté, on l'a
laissé en suspens.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. On a laissé 448 en suspens
pour faire la concordance.
M. Bédard: On a laissé 448 en suspens et on
pourrait peut-être relire...
M. Blank: Avec 448...
M. Bédard: ...les articles concernant l'autorité
parentale.
M. Blank: ...il y a aussi 445. Je me demande quelque chose. On
parle ici de mandat; □n donne une interprétation stricte de
l'article 445, c'est-à-dire que si le mari achète la maison
lui-même...
Mme Lavoie-Roux: Solo.
M. Blank: Solo... Ce n'est pas valide sans que la femme signe
l'acte?
M. Bédard: Je ne suis pas sûr que ce soit aussi
sévère que cela. C'est une chose que d'acheter un immeuble, mais
c'est autre chose que de le destiner à la résidence familiale.
Ils peuvent bien acheter un immeuble et ensuite dire: On en fait notre
résidence familiale, mais choisir de vivre dans l'immeuble ou dans tel
appartement, pour moi, c'est un acte qu'on détache de celui
d'acquérir un immeuble ou de louer un local.
Mme Lavoie-Roux: Ou de continuer à acquérir des
immeubles en leur nom personnel.
M. Bédard: Oui, mais décider, quand ils ont
loué un appartement, que c'est là que les deux époux
feront leur résidence familiale, je pense que là cela demande un
acte à deux. Le mari peut bien louer un local et son épouse dire:
On n'en fait pas notre résidence familiale; je ne suis pas d'accord.
Finalement, il faudra peut-être qu'ils en louent un autre, s'il a
été imprudent. L'acte juridique de location me paraît
parfaitement valable, mais il serait prudent qu'il s'assure de l'accord de son
épouse ou de son conjoint avant.
M. Blank: Le propriétaire va insister sur cela.
M. Bédard: Pour lui, il n'y a pas de problème, le
bail reste techniquement valide. Le problème n'est pas entre le locateur
et le locataire. C'est le locataire qui étant marié a
peut-être imprudemment loué un appartement pour sa famille sans
avoir le concours de son conjoint et qui là se retrouve avec un
conjoint
qui ne veut pas aller vivre dans cet appartement ou dans cette maison
qu'il a achetée à la campagne. En conséquence, les actes
sont valides, mais il a un problème familial. Cela donne une bonne
idée du chapitre de la résidence familiale.
Mme LeBlanc-Bantey: II y a un terme juridique. Le mot "mandat",
pour revenir un peu à ce dont traitait le député de
Sherbrooke, est-ce que cela implique un mandat écrit? N'importe quel
conjoint pourrait prétendre qu'il a eu un mandat de sa femme ou de son
mari alors qu'en réalité il n'aurait pas eu de mandat, si on
n'exige pas un mandat écrit. Il me semble que c'est important.
M- Bédard: Dans certains cas, il est
présumé, mais il faut qu'il le prouve.
Il faut qu'il le prouve parce que les règles d'ordre public, les
dispositions d'ordre public sont claires, celles qui précèdent
l'exception sont là: 441 et suivants.
M. Fontaine: Que penser des remarques du professeur Ernest
Caparros quand il dit: Étant donné que maintenant on accepte
qu'il y ait des contrats entre époux, qu'on permette de contracter entre
époux, on n'aurait pas besoin d'indiquer le mandat puisqu'il est
déjà permis ailleurs dans le code. (22 h 45)
M. Bédard: C'est clair. Vous pouvez y aller. Ce que
j'évoquais tantôt, c'est que l'article 440 déclare d'ordre
public tout le chapitre. Comme on a indiqué, à l'article 441,
qu'ils ont les mêmes droits et les mêmes obligations et que, par la
suite, on dit que tout doit se faire ensemble, si on veut que cela puisse se
faire par voie de mandat et séparément. Il est peut-être
extrêmement prudent de prévoir cela. S'il n'y avait pas de
caractère impératif, je pense que le professeur Caparros, je le
suivrais volontiers. C'est à cause du caractère
impératif.
Ils peuvent faire tous les contrats qu'ils veulent entre eux, à
condition qu'ils n'aillent pas contre l'ordre public. C'est là justement
votre problème. C'est que l'on aurait affaire à des contrats qui
iraient, éventuellement, contre les règles impératives du
régime ici; d'où l'obligation peut-être de donner cette
possibilité de mandat pour déroger, assouplir des règles
impératives.
M. Forget: Ce mandat peut être de plusieurs sortes. Je
pense que cela rejoint un peu la préoccupation du député
de Nicolet-Yamaska. On parle d'un mandat pour représenter le conjoint
"dans les actes relatifs". On pourrait utiliser une autre expression: dans
l'acte ou dans des actes. Ce que je vise, c'est est-ce qu'il peut y avoir, en
quelque sorte, même dans le contrat de mariage, une renonciation
générale, un mandat général?
M. Bédard: Une sorte de mandat général.
M. Forget: Pour la durée du mariage, un des conjoints
donne mandat à l'autre conjoint de le représenter. Je pense
qu'à ce moment-là on serait à la limite de quelque chose
qui contreviendrait à l'article 440. Même si on ne va pas aussi
loin que cela, il reste qu'il y a toute une marge entre un mandat
spécifique et un mandat général. Combien
général il peut être de façon à ne pas
devenir contraire à l'article 440? Est-ce qu'on peut d'avance, sans
avoir rien de précis à l'esprit, donner un mandat
général? Je comprends qu'en cas d'absence, par exemple, en cas de
voyage à l'étranger, etc., cela va bien. Mais dans d'autres
circonstances, est-ce qu'on peut, pour toute une catégorie de gestes, se
départir, en quelque sorte, de l'exercice d'un droit? De la façon
dont cela est formulé, je pense que cela ouvre la porte à une
formulation extrêmement large.
M. Bédard: J'aurais peut-être deux courts
commentaires là-dessus. Pour ce qui est du mandat, il est certain qu'un
article comme l'article 1703 du Code civil va nous guider sur ce qui est
possible avec un mandat de portée générale et un mandat
particulier. Quand le mandat est en termes généraux, on dit gu'il
ne vise ou n'embrasse que les actes d'administration; donc, c'est assez
important. Dans certains cas, il faut un mandat spécifique ou
spécial, si vous voulez, pour poser certains gestes.
Ma deuxième observation: Si le mandat devait être
interprété comme dérogeant ou allant au-delà de ce
que la règle doit recevoir comme interprétation, s'il visait
à comporter, plutôt qu'un mandat, une renonciation à ce que
la loi estime être...
M. Forget: Délégation.
M. Bédard: ...- délégation -
impératif, je douterais de la validité d'un pareil acte. Je ne
sais pas si mon collègue peut, là-dessus, ajouter quelque chose,
mais je douterais. Si cela avait plutôt une valeur de renonciation
à ce qui est déclaré d'ordre public, il pourrait
être recevable.
M. Forget: Mais on sait qu'en vertu de l'article 447 chaque
conjoint a un mandat légal...
M. Bédard: Oui.
M. Forget: ...et non conventionnel relativement aux besoins
courants. Donc, ce que vous dites, à savoir qu'un mandat
général, ce sera pour les fins d'administration et de gestion,
semble déjà réglé...
M. Bédard: D'accord.
M. Forget: ...par l'article 447. Donc, on serait porté
à déduire de tout cela que le mandat visé à
l'article 448 est un mandat assez particulier. J'essaie d'être un peu
plus concret. Est-ce que c'est le choix de la résidence? Est-ce que
c'est l'éducation des enfants, les responsabilités parentales,
l'exercice majeur de l'autorité parentale, le choix de la
résidence familiale? C'est peut-être tout. Il n'y a
peut-être pas autre chose dans le fond.
M. Bédard: Vous avez peut-être raison qu'il n'y a
pas autre chose. D'ailleurs, pour ce qui est de l'autorité parentale, il
y a l'article 642 qui, disons, en dispose. Enfin, l'article 642 en particulier.
Il doit avoir un autre article aussi. En principe, ils prennent
l'autorité ensemble, il n'y a pas de délégation. L'article
643, qui complète 642, prévoit une délégation
possible pour la garde, la surveillance ou l'éducation. On comprend
les
raisons de ces situations-là. C'est pour l'éducation des
enfants, pour l'exercice de l'autorité parentale. Si vous prenez le cas
d'un conjoint -c'est quand même relativement fréquent dans la vie
- qui, en raison de son travail, par exemple, est éloigné de son
milieu familial, de sa femme et de ses enfants ou de son mari et de ses enfants
ou qui est absent pour quelques semaines, quelques mois, l'idée de
pouvoir donner un mandat d'une portée générale pour ce qui
concerne tout ce qui s'appelle la direction morale et matérielle de la
famille devient assez nécessaire pour éviter qu'il n'y ait des
actes qui soient posés et dont on doute de la valeur ou de la
légalité. C'est sûr que ce mandat-là a une
portée générale, mais il a une portée temporaire en
même temps. Celui qui m'inquiète le plus, c'est celui que vous
avez évoqué, qui a une portée absolue et dans le temps et
par rapport aux actes et qui comporte davantage une renonciation qui pourrait
peut-être être interprétée - je soulève
à peine la question -comme étant contraire parce que touchant
à une disposition d'ordre public. Mais il est certain que c'est un
article, je dirais, qui ramasse le résidu de ce qu'on peut difficilement
imaginer comme situation quand un des conjoints n'est pas là et doit
s'absenter et que l'autre a besoin de savoir que tous les gestes qu'il va poser
sont des gestes valides et que le tiers avec qui il va les poser...
Évidemment, il peut s'agir de choisir l'école, par exemple, de
l'enfant; c'est un geste d'inscrire un enfant dans une école ou
même à l'université. Je pense toujours à l'enfant
mineur, évidemment. Bien, il faut que ce geste-la vis-à-vis des
tiers soit valide. C'est par le mandat qu'il faudra y arriver, ou
présumé ou exprès. Mais c'est un article un peu
résiduaire. Il ramasse des choses. Je suis d'accord avec vous, on ne
sait pas précisément ce qui reste. Mais, si on n'a pas de temps
en temps dans un Code civil un article résiduaire, ce qui nous arrive,
c'est qu'on va se retrouver devant certaines situations où on va manquer
de munitions peut-être,
M. Forget: Je pense qu'il est essentiel.
M. Bédard: L'essentiel des remarques vont dans le sens que
la phraséoloqie ne donne peut-être pas l'impression d'un article
résiduaire. On en a peut-être juste contre la formulation, parce
que je crois qu'on s'entend sur la nécessité d'une telle
disposition. C'est la formulation.
M. Forget: Je pense que l'esprit aussi. C'est un mandat qui doit
être limité dans le temps ou quant à la nature des actes.
Il ne peut pas s'agir d'une renonciation ou d'une délégation
générale.
M. Bédard: II ne doit pas, contrairement à
l'article 440, permettre de déroger presque complètement à
l'effet du chapitre.
M. Fontaine: Pourquoi a-t-on dit à l'article 444 que "les
époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la
famille"? Je me demande pourquoi à l'article 448 on vient, en fin de
compte, un peu contredire cela, parce que, là, on dit que chacun des
époux peut donner un mandat à l'autre.
M. Bédard: Ils le font quand même ensemble, en
termes d'intentions, mais au niveau du fait de poser l'acte, à un moment
donné, il y a des circonstances où il y en a seulement un des
deux qui peut poser l'acte et on doit s'assurer que, lorsqu'il le pose, il le
pose validement, en termes de sécurité pour la personne qui le
pose et pour le tiers,
M. Fontaine: D'où va-t-il sortir son autorité, par
exemple, celui des conjoints qui va dire à l'autre: Je te donne le
mandat de faire cela?
M. Bédard: II va la sortir de l'article
lui-même.
M. Fontaine: Qui est-ce qui décide que c'est lui qui a
l'autorité rie donner le mandat à l'autre de faire cela?
M. Bédard: C'est cela. Il peut déléguer ses
responsabilités.
M. Forget: II peut en confier l'exécution à l'autre
conjoint.
M. Fontaine: Oui, mais l'autre conjoint a autant
d'autorité que lui. Ils ont tous les deux la même
autorité.
Mme Lavoie-Roux: On va se promener avec le Code civil sous le
bras.
Une voix: II y en a un qui agit pour les deux.
M. Forget: L'autre agit pour les deux à ce
moment-là.
M. Bédard: II faut absolument prévoir quelque chose
de cette nature-là, Darce que tous les tiers vont demander, avant de
faire quoi que ce soit, d'avoir toujours les deux personnes devant eux. On n'a
pas à obliger l'autre conjoint à poser un acte. Il s'agit de lui
permettre de le faire seul alors que, normalement, le concours de l'autre
aurait été nécessaire.
On s'entend sur sa nécessité, mais, s'il y a une autre
formulation plus adéquate, on y verra demain.
Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'il y a d'autres
questions à l'article 448? M. le député de Sherbrooke ou
Mme. Cela va. Article 448, adopté?
Mme Lavoie-Roux: Non. M. Bédard:
C'est-à-dire...
Le Président (M. Laberge): Non, il est suspendu.
M. Bédard: Oui, quant à la forme.
Le Président (M. Laberge): On le laisse en suspens.
Article 449?
Mme Lavoie-Roux: II y a un amendement.
Le Président (M. Laberge): À l'article 449, on a
demandé de remplacer l'expression "l'un ou l'autre peut" par celle qui
suit: "les époux ou l'un d'eux peuvent". C'est à la fin de la
deuxième
ligne et au début de la troisième. Est-ce que ce premier
amendement à l'article 449 est adopté?
Mme Lavoie-Roux: II y a eu des remarques, a plusieurs reprises,
des associations selon lesquelles on indiquait peut-être une
démarche au tribunal sans que d'autres mécanismes d'intervention
ou de conciliation aient pu être utilisés. Enfin, les organismes
ont parlé de judiciarisation rapide des relations familiales ou des
relations conjugales par "le tribunal qui statuera dans l'intérêt
de la famille, après avoir tenté de concilier les parties."
M. Bédard: II y a l'expression ici: "tenté de
concilier" qu'on change par "favorisé la conciliation". Il me semble que
cela implique nécessairement le recours au...
Mme Lavoie-Roux: Vous le modifiez par "favorisé la
conciliation". C'est déjà mieux.
M- Blank: Vous changez cela pour laisser le juge lui-même
faire...
M. Bédard: C'est cela. Pour tenir compte de la
possibilité de...
Mme Lavoie-Roux: Favoriser peut vouloir dire...
M. Bédard: ...faire appel à toutes les ressources
communautaires, par exemple. Mais c'est un terme tellement
général. On ne peut pas employer le terme "ressources
communautaires", parce que cela veut tout dire.
M. Forget: Cela ne veut rien dire.
Mme Lavoie-Roux: Non, mais là, on parle de
conciliation.
M. Bédard: Là, il faudrait commencer à faire
une énumération de ce que c'est qu'une ressource communautaire.
Cela évolue à tous les jours.
Le Président (M. Laberge): À l'amendement
suggéré, il faudrait écrire "favorisé" et non
"favoriser".
M. Forget: Oui, en effet.
Le Président (M. Laberge): Celui que j'ai est
"favoriser".
M. Bédard: II n'a pas été
vérifié suffisamment. Cela a dû être
rédigé vers minuit ou une heure de la nuit!
M. Blank: C'est cela, le problème. Est-ce que je peux
suggérer qu'après cet article on prenne congé? Parce qu'on
commence à...
Mme Lavoie-Roux: On entre dans la résidence familiale.
M. Blank: ...un article très nouveau, très
intéressant.
Le Président (M. Laberge): Oui, maintenant, est-ce que
voulez adopter les deux amendements?
M. Forget: Oui, c'est adopté.
Le Président (M- Laberge): Les amendements sont
adoptés. L'amendement qui dit "les époux ou l'un d'eux peuvent",
adopté, et l'autre amendement qui dit: "favorisé la conciliation
des", adopté. L'article 449, amendé, est adopté, à
moins que...
M. Gosselin: Excusez, j'aurais quelques remarques et
peut-être un amendement. En tout cas, je suis prêt à le
discuter. Je voudrais d'abord formuler ma remarque sur l'article 449. Les
tribunaux, les juristes, les juges, dans la pratique des choses... Je veux bien
croire que, quand on aura un tribunal de la famille, on développera des
ressources de support qui s'appelleront des conseillers matrimoniaux, des
psychothérapeutes rattachés au tribunal, parce qu'à un
moment donné le tribunal aura évalué que ce dont ce
couple-là a besoin, avant de se déricher, c'est de passer par un
processus de temporisation avant d'amener le tribunal à se prononcer.
Moi, je pense qu'il faudrait inscrire, dans la responsabilité du
tribunal saisi d'une requête de la part d'une famille en
difficulté, la notion d'orienter ou d'informer le couple sur des recours
qu'il pourrait évaluer pertinents à des solutions qui pourraient
être trouvées.
Une voix: C'est dans l'amendement. (23 heures)
M. Gosselin: Je m'excuse, à mon avis, l'amendement n'est
pas tout à fait assez fort. Moi, j'en avais formulé un ici qui
dirait à peu près ceci. La première partie resterait la
même et, au milieu, on dirait: Les époux ou l'un deux peuvent
saisir le tribunal qui pourra orienter les époux vers les ressources
communautaires susceptibles de solutionner leur litige. La première
responsabilité du tribunal, c'est peut-être de conseiller sur les
démarches, avant de statuer. Cela se terminait ainsi: Et après
avoir favorisé la conciliation des parties, statuer ultimement dans
l'intérêt de la famille. Mais en introduisant la notion
intermédiaire que le tribunal pourrait - cela devrait même devenir
régulier dans les verdicts qu'il formulerait - dire à un couple:
Vous allez consulter un conseiller matrimonial puis vous reviendrez me voir,
ou: Vous auriez besoin de suivre un traitement quelconque ou une consultation
avec un psychothérapeute pour une psychothérapie de famille. Il y
a bien des problèmes qui sont liés à ce type
d'intervention qui appelle une intervention sociale.
Je ne voudrais pas que le tribunal soit saisi du litige et,
malgré les efforts de conciliation qui pourraient être faits,
statue là. Je voudrais qu'il ait vraiment, dans son mandat même,
la responsabilité d'orienter. Évidemment, je ne précise
pas les ressources communautaires. Je veux bien marquer, par cet amendement,
que le tribunal a comme première responsabilité non pas de
statuer tout de suite, quand il est saisi d'une demande, mais de bien
conseiller le couple en vue possiblement de faire régler par d'autres
les problèmes qui lui sont soumis.
M. Bédard: Je comprends très bien la
préoccupation du député. Je pense qu'elle trouve sa
réponse dans l'amendement. Ce n'est peut-être
pas aussi explicite que d'employer le terme "d'utilisation de ressources
communautaires", mais je pense qu'elle trouve sa réponse. Ce n'est
peut-être pas d'une façon aussi précise que le voudrait le
député de Sherbrooke, mais dans l'amendement qu'on vient de
proposer, quand on emploie le terme "favorisé", c'est plus qu'une
invitation. Je pense que c'est une sorte d'obligation de prendre les moyens
nécessaires et toutes les ressources nécessaires qui peuvent
être de nature à concilier les parties.
Un peu plus loin, à l'article 539, quand il s'agit du divorce, on
dit: "À tout moment de l'instance en divorce, il entre dans la mission
du tribunal de conseiller les époux et de favoriser leur conciliation".
Je pense que les représentations du député s'inscrivent
dans ce sens-là. Est-ce qu'il y aurait lieu de reprendre cette
phraséologie à l'article 449? On pourrait peut-être
regarder cela d'ici demain.
M. Gosselin: C'est peut-être une marotte, mais j'ai
vraiment l'impression...
M. Bédard: C'est une bonne marotte que d'avoir cette
préoccupation.
M. Gosselin: Quant aux interventions juridiques en matière
matrimoniale, pour les avocats qui prennent parti avec les parties et les juges
qui tranchent ces choses-là, nos cours ne sont pas
équipées à ce moment-ci. Elles le seront
éventuellement dans le concept d'un véritable tribunal de la
famille. Je ne pense pas qu'il soit dans le réflexe des praticiens du
droit, par exemple, d'orienter nécessairement les couples qui sont en
difficulté, qui s'adressent à eux, vers des ressources qui se
développent de plus en plus dans notre milieu. Depuis quelques
années, on a vraiment des agences de consultation matrimoniale qui se
développent et qui sont très précieuses. Je pense
même à des groupes ressources comme le Renouement conjugal. Il
existe de plus en plus de ressources comme celles-là. Je pense que c'est
la responsabilité du tribunal, non pas de chercher à solutionner,
même en tentant des efforts de conciliation, en premier, mais d'abord
d'orienter le couple, à partir du discernement qu'on peut avoir, vers
les ressources communautaires disponibles dans un milieu donné.
M. Bédard: Ce dont je peux assurer le
député, c'est l'objectif que nous visons quand nous apportons
l'amendement qui est inscrit à savoir de favoriser, ce qui implique
nécessairement faire l'inventaire de tous les moyens qui peuvent
être de nature à concilier les parties afin qu'elles prennent la
décision la plus éclairée. Je pense bien qu'on pourrait
adopter l'article 449.
M. Blank: Avec les amendements. M. Bédard: Tel
qu'amendé.
Le Président (M. Laberge): Ah oui, c'est ça.
L'article 449 est adopté avec deux amendements. Est-ce que vous
désirez continuer?
M. Forget: Si on était reposé, ça irait
mieux pour aborder la résidence familiale. C'est compliqué,
ça.
M. Bédard: M. le Président, je pense me faire
l'écho - on l'a évoqué tout à l'heure - de tous les
membres de la commission parlementaire en demandant peut-être un
ajournement qui serait de nature à nous permettre de reprendre des
forces pour entreprendre le ...
Une voix: Le droit nouveau.
M. Bédard: ...le droit nouveau concernant
particulièrement la résidence familiale. C'est assez complexe. Je
pense qu'étudier ça le soir, à l'heure qu'il est, ce n'est
pas très prudent.
M. Forget: On ne pourra pas terminer. Mme Lavoie-Roux: M.
le Président...
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je trouve...
M. Bédard: À moins qu'on n'aille dans d'autres
pratiques qui sont moins contestées...
Mme Lavoie-Roux: Non, je n'en ai pas du tout envie.
M. Bédard: ..comme le divorce, tout ça.
Mme Lavoie-Roux: Je trouve regrettable, je le dis de bonne foi,
qu'on n'ait pas accepté la suggestion du député de
Saint-Laurent, voulant que ce débat soit télévisé,
pas pour la splendeur de notre performance, mais pour l'intérêt de
la population. Je l'examine et je réalise ce que je n'avais pas
réalisé plus tôt, ce que cela comporte comme implications
dans l'évolution des mentalités, des moeurs.
M. Bédard: On se rend vite compte qu'on peut difficilement
discuter d'un sujet comme celui-là de façon partisane ou quoi que
ce soit, parce qu'on...
Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, vous connaissiez mon point de
vue, mais c'est quand même regrettable, parce que les gens en auraient
profité et cela les aurait sensibilisés.
M. Forget: Ils en auraient bénéficié.
Le Président (M. Laberge): Sur ce, mesdames et messieurs,
la commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 81