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(Douze heures sept minutes)
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission parlementaire de la justice est réunie de nouveau
pour étudier le projet de loi no 89, Loi instituant un nouveau Code
civil et portant réforme du droit de la famille.
Les membres de la commission parlementaire pour aujourd'hui sont: M.
Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher
(Rivière-du-Loup) remplacé par M. Lacoste (Sainte-Anne); M.
Charbonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget
(Saint-Laurent), M. Guay (Taschereau) remplacé par M. Gosselin
(Sherbrooke); Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. Marquis
(Matapédia).
Peuvent aussi intervenir M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Desbiens
(Dubuc), M. Lacoste (Sainte-Anne) remplacé par M. Boucher
(Rivière-du-Loup); M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski) et M. Pagé
(Portneuf).
Le rapporteur de cette commission a été
désigné en la personne de Mme LeBlanc-Bantey
(Îles-de-la-Madeleine).
Quand nous avons suspendu nos travaux, hier soir, nous avions
adopté l'article 449 avec amendements. J'appelle donc la section II
intitulée: De la résidence familiale. J'appelle l'article
450.
M. Forget: M. le Président, je m'excuse, on parlait. Pour
ce qui est des membres, M. Pagé est remplacé par Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie).
Le Président (M. Laberge): Correction au journal, M.
Pagé (Portneuf) est remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).
Chapitre sixième
Des effets du mariage
De la résidence familiale
M. Bédard: M. le Président, vous me permettrez
peut-être des propos un peu plus élaborés avant d'entrer
dans l'étude article par article. Je pense qu'il s'agit, on en convient
tous, d'un chapitre où on retrouve un droit déjà existant,
mais on retrouve également un droit nouveau qui est très
important. J'ai demandé, par rapport à ce que je vais dire et
peut-être pour une meilleure compréhension au niveau de
l'Opposition, qu'on fasse une copie de ces propos pour qu'ils soient transmis
à l'Opposition de la même façon qu'hier il y avait quelques
amendements que nous nous apprêtions à soumettre à
l'attention des membres de la commission et j'en ai fait part à
l'Opposition officielle.
La section sur la résidence familiale marque un tournant dans
notre droit, d'une part, parce qu'elle s'étend impérativement
à tous les régimes matrimoniaux et, d'autre part, parce qu'elle
fait aussi appel au sens des responsabilités des époux qu'elle
invite à poser certains gestes pour assurer la protection de leur
résidence.
Le Québec a donné le ton depuis 1866 en Amérique du
Nord en proposant aux époux des régimes matrimoniaux qui
assuraient, dans bien des cas, non seulement la protection de la
résidence familiale et des meubles qui la garnissent, mais aussi des
autres immeubles et des autres biens meubles. Il s'agit des régimes de
communauté de biens et de société d'acquêts. Il
n'est que de relire certains articles du Code civil, principalement les
articles 1266o, 1267c, 1292 et 1361, pour se rendre compte que les époux
ne peuvent disposer entre vifs a titre gratuit des biens acquêts ou
communs; que le mari ne peut disposer, même à titre
onéreux, des immeubles de la communauté, des fonds de commerce et
des meubles affectés à l'usage du ménage; que les
époux, à la dissolution du régime par séparation de
corps, divorce, décès ou autrement, partagent par moitié
les biens acquêts ou communs et qu'enfin, dans le cas de
décès ou d'absence d'un époux, son conjoint peut exiger
que l'on place dans son lot la maison d'habitation, les meubles de
ménage, l'établissement industriel, agricole ou commercial de
caractère familial qui font partie de la masse des acquêts
partageables.
Certes, cette protection ne suffit plus. Les biens propres
échappent à ces règles et les époux choisissent
trop souvent un autre régime qui n'y est en aucune manière
soumis. Ainsi, on constate qu'actuellement, au Québec, les époux
choisissent davantage le régime de séparation de biens, 55%, que
la société d'acquêts, 45%, ou encore la communauté
de biens, moins de 1%. Le
résultat est que la résidence et les meubles qui la
garnissent sont insuffisamment protégés par les seuls
régimes matrimoniaux, mais surtout par la liberté accordée
aux époux de choisir un régime plutôt que l'autre.
C'est pourquoi le gouvernement a décidé d'intervenir en
dehors des régimes matrimoniaux, mais en en tenant compte toutefois,
afin de mieux protéger les biens indispensables qui permettent d'assurer
les intérêts de la famille et de ses membres. C'est en
restreignant le pouvoir de chacun des époux de disposer de ses biens que
ces objectifs seront atteints. Toutefois, le gouvernement est conscient qu'en
ce faisant il doit tenir compte des conséquences qui en découlent
tant pour les tiers de bonne foi que pour le crédit des époux
eux-mêmes. Il doit tenir compte également de l'état des
supports de publication et d'information disponibles au Québec. Ainsi,
dans le cas des meubles de la résidence, tout en protégeant les
droits du conjoint, il nous a paru nécessaire de protéger
l'acquéreur de bonne foi à titre onéreux qui n'a pas moyen
de se protéger contre le défaut de consentement faute de supports
de publication et d'information.
Dans le cas de la résidence où il existe un support de
publication, le gouvernement invite les époux à enregistrer une
déclaration de résidence afin d'en informer les tiers. La
déclaration de résidence ne sera soumise à aucun autre
formalisme et elle pourra être faite par l'un ou l'autre des
époux. C'est le contenu du présent projet de loi, mais,
cependant, je dépose, à l'invitation de plusieurs groupes, un
projet d'amendement à l'article 454, visant la dénonciation de
l'enregistrement à l'autre époux lorsqu'elle est faite par un
seul. On aura l'occasion de discuter là-dessus.
Quant à la forme de la déclaration de résidence, je
ne vois pas bien pourquoi il faudrait imposer la forme notariée en
minutes quand l'acte d'achat de la résidence n'y est même pas
soumis. Dans la très large majorité des cas, les époux
s'en remettront sans doute à leur notaire, comme pour l'achat de la
résidence. Dans certains cas, il sera peut-être utile de pouvoir
procéder autrement.
Le projet de loi limite la protection de la résidence familiale
aux immeubles de moins de cinq logements. À la suite de
représentations de divers groupes, il paraîtrait opportun
d'assurer, ne serait-ce que par voie d'un bail réservé en faveur
du conjoint de l'époux qui aliène l'immeuble plutôt que par
la nullité, la protection de la résidence dans un immeuble de
cinq logements et plus contre lequel une déclaration de résidence
aura été enregistrée. Comme cette solution présente
un grand intérêt, surtout parce qu'elle permet d'atteindre toutes
les résidences tout en faisant la distinction entre l'immeuble plus
résidentiel et l'immeuble plus commercial, je dépose
également un projet d'amendement en ce sens à l'article 453. (12
h 15)
La protection de la résidence familiale occupée à
la suite d'un bail ne semble pas soulever de difficultés
particulières. Aussi le principe paraît devoir être
maintenu. Il n'est pas sans intérêt de rappeler que, dans le cas
où le consentement du conjoint est requis, le tribunal pourra toujours
être saisi lorsque le refus de consentir ne sera pas justifié par
l'intérêt de la famille. On évitera ainsi un statu quo
contraire aux intérêts mêmes de la famille. Pour ce qui est
de l'attribution par le tribunal des meubles, de la résidence et du
bail, il faut noter que ces règles vont déjà dans le sens
déjà introduit par les articles 1267c du Code civil en
matière de société d'acquêts et 1657.2 du Code civil
en matière de bail du logement d'habitation. Le projet de loi
complète le champ d'application de ces articles. Quant à
l'attribution de la résidence proprement dite au conjoint de
l'époux propriétaire, le pouvoir du tribunal est lié
à l'existence d'une prestation compensatoire. Dans notre droit civil,
cette solution nous paraissait complémentaire des avantages que
procurent déjà les régimes matrimoniaux si on veut bien
s'en servir.
En effet, le partage par moitié des biens acquêts ou
communs s'effectue déjà sur la base d'une compensation
présumée de façon absolue. Ce n'est que dans le cas du
régime de séparation de biens ou dans les autres régimes,
lorsque la résidence est un bien propre, qu'il faudra recourir à
la preuve d'une prestation compensatoire. C'est pourquoi nous n'avons pas
retenu telle quelle la proposition de l'Office de révision du Code civil
visant l'attribution pure et simple de la résidence sans égard
à l'équilibre des régimes ou aux créances entre
conjoints. Je dépose également les projets d'amendements visant
à améliorer la qualité de la rédaction. Je pense
que ces amendements ne soulèveront pas de discussions.
Ce sont, M. le Président, les remarques un peu plus
élaborées que je voulais faire avant d'entreprendre l'ensemble de
ces dispositions concernant la résidence familiale.
Le Président (M. Laberge): Merci, M. le ministre. Est-ce
que vous avez des questions ou des commentaires généraux?
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Je serai très bref, M. le Président. Je
voudrais dire, au début de l'étude de cette section II qui porte
sur la résidence familiale, tel que nous l'avons indiqué au
moment de la deuxième lecture, que nous épousons totalement
d'ailleurs comme tous les groupes qui se sont exprimés
sur le sujet l'objectif visé par l'ensemble de ces dispositions,
qui est de s'assurer que l'action unilatérale de l'un des conjoints ne
vienne bouleverser la vie normale d'une famille particulièrement lorsque
cette action unilatérale intervient comme c'est probablement le plus
souvent le cas alors que la famille traverse pour d'autres raisons une
situation de crise qui est en elle-même bien suffisante sans qu'on y
ajoute par la désorganisation du cadre physique de vie de la famille.
C'est donc un objectif qui apparaît souhaitable, sain et susceptible de
diminuer l'impact des discordes ou des difficultés que traversent les
ménages et les familles et de les restreindre le plus possible, d'en
isoler, dans une certaine mesure, les enfants aussi.
Cependant, au niveau des modalités d'application, nous n'avons pu
faire autrement que d'être frappés par la multiplicité des
recommandations qui ont été faites par différents groupes
et qui sont inspirés par deux séries de préoccupations.
Une première série vise à s'assurer que cette protection
sera efficace et l'efficacité de cette disposition nouvelle relative
à la résidence familiale, en définitive, dépend
dans une large mesure de l'abandon de toute restriction, toute formalité
quant à l'acquisition du statut de résidence familiale par un
lieu physique occupé par une famille, qu'elle soit détenue en
propriété ou en location. À la limite, ces recommandations
viseraient à faire disparaître toute modalité, tout
formalisme et toute condition et on se retrouverait très rapidement dans
une situation, en quelque sorte, de communauté de biens obligatoire pour
tout ce qui peut avoir l'air d'une résidence familiale, pas
nécessairement et seulement ce qui constitue effectivement une
résidence familiale, mais tout ce qui, aux yeux des tiers, pourrait
être considéré comme une résidence familiale, donc,
essentiellement tout immeuble détenu en propriété ou en
location. Cela soulève un certain nombre de problèmes sur
lesquels je reviendrai tout à l'heure.
L'autre tendance - et je pense qu'on la retrouve dans une certaine
mesure dans quelques mémoires, mais de façon beaucoup plus
marquée dans le mémoire préparé par la Corporation
professionnelle des notaires vise au contraire à s'assurer, dans un
esprit de protection des tiers, un niveau de formalisme beaucoup plus grand. Je
pense que, si l'on s'en tient strictement à la notion de protection des
tiers, il y a quand même des immeubles qui se louent, qui
s'achètent et qui se vendent dans la société et plusieurs
de ces immeubles impliquent des lieux de résidence, donc, l'occupation
de famille pour les tiers. L'absence de formalisme constitue une
difficulté majeure, une source d'incertitude considérable. On
peut comprendre qu'un certain formalisme, malgré tout, des règles
claires sont nécessaires pour permettre que la vie normale portant sur
les échanges immobiliers puisse se dérouler dans un certain ordre
et avec une certaine sécurité, mais, bien évidemment, plus
on s'engage sur cette voie, plus on entre en contradiction avec la
première préoccupation que je soulignais tout à
l'heure.
Je crois que ce qu'il nous faudra atteindre dans le texte final sera un
équilibre le plus juste possible entre le souci d'en faire un
régime universel applicable à toutes les familles sans même
qu'elles aient à lever le petit doigt et un régime, d'un autre
côté, qui soit tellement restrictif que seulement ceux qui ont une
certaine connaissance du droit civil et ont l'habitude d'avoir recours aux
notaires et aux avocats puissent s'en prévaloir. Je pense qu'il y a un
équilibre. Il n'y a aucune situation ou solution parfaite et on verra,
lors de la discussion article par article, dans quelle mesure le ministre et
ses conseillers ont réussi à atteindre un équilibre
parfait.
Ceci étant dit, M. le Président, il reste
qu'au-delà de la question étroite relative à la
résidence familiale, il se pose aussi une question peut-être plus
large de philosophie sociale ou de philosophie de droit familial. Il me semble
que ce que cette section du nouveau Code civil vise à régler,
c'est de façon marquée le problème qu'ont
éprouvé un certain nombre de femmes mariées qui
étaient dans une situation de dépendance économique par
rapport à l'homme et qui, au moment où le mariage subissait
certains chocs, se sont retrouvées en quelque sorte expulsées de
la résidence familiale, dépossédées, etc. C'est
sans aucun doute une situation à laquelle il faut trouver un
remède. Il reste que ce n'est pas la seule solution, la seule situation
qu'on retrouve. Nous sommes de plus en plus dans un régime qui fait une
place de plus en plus grande à des ménages où
l'égalité économique des conjoints est une
réalité. Les deux conjoints ont des sources de revenus, cherchent
à maintenir dans leurs relations matrimoniales une situation d'autonomie
et d'égalité réelle et cherchent à minimiser aussi
les diminutions à leurs capacités juridiques qu'entraîne
l'état du mariage. On peut se demander, dans ces circonstances, si
l'ensemble des mesures à l'étude desquelles on se livre depuis
hier, en particulier la solidarité face aux dettes contractées
par le ménage en toutes choses quand il s'agit des besoins courants...
Mais on a vu hier que c'est une expression tellement élastique. Cela
veut dire à peu près n'importe quoi, les besoins courants. C'est
essentiellement toute dépense faite par le ménage, donc, le
principe de solidarité des dépenses, le principe d'une
contribution déterminée, en quelque sorte, par le Code civil, des
deux conjoints à l'ensemble de ces dépenses.
Aujourd'hui, la question de la résidence familiale, qui met dans
une incapacité juridique de contracter par bail, par aliénation
ou acquisition d'immeubles, chacun des deux conjoints, va produire une
situation où le mariage devient une institution extrêmement
contraignante sur le plan matrimonial pour les deux conjoints. Je crois que
c'est souhaitable dans les cas, encore une fois, où il y a
inégalité. Mais la question qui se pose, c'est que lorsque nous
sommes en face de deux conjoints qui sont autonomes, économiquement
parlant, et qui souhaitent par une convention matrimoniale maintenir la
division de leur patrimoine, par un contrat de mariage, on les prive de cette
possibilité par l'ensemble des mesures que nous sommes en train
d'étudier.
Je pense que la séparation de biens va perdre 99,9% de son
contenu pour l'immense majorité des ménages. Je ne pense pas,
évidemment, aux héritiers de fortunes immenses. Pour eux, cela va
continuer de demeurer une réalité, mais pour la plupart des gens,
et même pour les jeunes ménages où les deux sont
financièrement autonomes, il n'y aura pas tellement
d'intérêt à se marier en séparation de biens. Il
semble, malgré tout, que c'est un régime matrimonial auquel les
gens tiennent et qui reflète peut-être la mentalité
contemporaine plus que n'importe quel autre régime, en dépit de
tout ce qu'on peut dire. De toute façon, c'est ce que les chiffres nous
disent sur la volonté exprimée par les nouveaux
ménages.
Je me demande si nous ne sommes pas en train de créer un
situation où, finalement, à force vouloir accorder des
protections à toute épreuve, la solution qui apparaîtra la
plus raisonnable pour les gens de cette mentalité, c'est de s'abstenir
tout simplement de toute forme de mariage, sauf le mariage de fait, bien
sûr. On sait que c'est déjà une tendance assez fortement
présente dans la société. Est-ce qu'il est
d'intérêt public, au nom de la famille, de la protection des
enfants et tout ce qu'on veut, de faire une dichotomie si grande entre un
état de mariage légal où on a des protections à
tout rompre, dont on ne veut même pas, par un contrat de
séparation de biens devant le notaire, s'extirper d'aucune espèce
de façon, ceci ayant des effets identiques sur les deux conjoints, d'une
part, et, d'autre part, une situation de mariage de fait où il n'existe,
effectivement, presque aucune protection. Les gens étant libres de
choisir, bien sûr, choisiront probablement l'absence de contraintes
immédiates. C'est seulement quand ils seront dans une situation de
conflit qu'une des deux parties se dira: J'aurais été mieux de me
marier que de passer à travers cette situation de vide juridique.
C'est une réflexion que je voulais faire à ce moment. Je
n'ai pas tranché dans mon esprit - ni moi-même, ni mes
collègues -quelles conclusions on peut tirer de tout cela. Encore une
fois, il m'apparaît raisonnable, quand on regarde les choses dans le
cadre étroit de la protection de la résidence familiale, de dire:
Oui, cela doit être protégé. Quand on va passer sur un
autre chapitre: Oui, il faut que telle protection existe. Il reste que
l'ensemble de ces dispositions a un effet plus grand que la somme des parties.
On peut se poser la question: Si on avait à donner un conseil à
un jeune homme et à une jeune fille de 20 ans, qu'est-ce qu'on leur
dirait, dans les circonstances actuelles? Quel genre de conseils leur
donnerait-on? Quel genre de conseils donnerait-on à nos enfants dans les
circonstances actuelles? Ce n'est pas absolument limpide. Cela va prendre un
certain temps pour que moi-même je puisse en tirer les conclusions. (12 h
30)
M. Bédardi M. le Président, pour couper court, je pourrais
faire miens, presque, les propos du député de Saint-Laurent au
niveau de la réflexion, parce que je crois qu'il y a vraiment un
défi que nous devons relever. C'est le défi de
l'équilibre, équilibre entre l'objectif d'assurer une protection
de la résidence familiale et, en même temps, de faire en sorte que
cette protection ne devienne pas contraignante à un point tel qu'elle
desserve l'objectif même que nous poursuivons.
Le député de Saint-Laurent me dit qu'il n'a pas
tranché encore dans cette réflexion, sauf qu'il faut bien,
à un moment donné, trancher. Je pense que l'expérience du
temps sera probablement à même de fournir non seulement le
résultat des dispositions que nous mettrons en place, mais
peut-être d'apporter un éclairage qui sera de nature à y
aller d'autres améliorations. Même si le député de
Saint-Laurent me dit qu'il n'a pas tranché et je sais que ce n'est pas
facile de le faire, si je me réfère aux propos du chef de
l'Opposition lors de la deuxième lecture, il nous a invités, si
ma mémoire est bonne, à augmenter cette protection même de
la résidence familiale, ce sur quoi nous étions d'accord, mais en
ayant quand même la précaution fondamentale d'en arriver à
un équilibre.
C'est ce à quoi nous nous emploierons au niveau de la discussion
article par article. Je pense qu'il faudra toujours avoir cette
préoccupation présente à l'esprit. Lorsqu'on nous demande
de bonne foi et, je pense, avec de très bonnes intentions, d'augmenter
le formalisme à ce chapitre, il faudra y penser deux fois parce que le
formalisme, plus on l'augmente, à un moment donné, cela peut
devenir très contraignant pour les époux qui y sont
astreints.
Heureusement, au niveau de la recherche de l'équilibre, il faut
quand même
faire remarquer que, d'une façon générale, c'est
important que la déclaration ne soit pas obligatoire au départ.
C'est à partir des intentions exprimées par les conjoints que
prennent forme les ententes nécessaires pour que cette résidence
familiale soit bien protégée. Je pense qu'il est
nécessaire qu'elle le soit, si on pense non seulement aux époux,
mais si on pense à la famille elle-même et à la
nécessité qu'en plus d'être chambardés
psychologiquement lorsque viennent certaines difficultés au niveau d'un
ménage, on n'assiste pas a un chambardement presque physique qui peut
s'ajouter si on ne donne pas des protections au niveau de la résidence
familiale. Je pense que nous sommes animés du même esprit au
moment où nous entreprenons l'étude article par article.
Le Président (M. Laberge): Avant d'entreprendre
l'étude de l'article 450, Mme la députée des
Îles-de-la-Madeleine a demandé à faire quelques
commentaires.
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais faire un commentaire, si vous me
le permettez, sur les réflexions du député de
Saint-Laurent. J'avoue que je n'ai pas réagi tout à fait de la
même façon que le ministre. Quand on légifère en
général, je crois qu'on légifère pour la
majorité et la réalité veut que la majorité qui est
visée par le chapitre de la résidence familiale et qui a besoin
d'être protégée soit encore, en grande partie, des
citoyennes et non des citoyens.
Vous faites allusion au fait que de plus en plus de couples ont acquis
une forme d'égalité financière et que chacun de son
côté essaie de maintenir une autonomie dans le couple. D'autre
part, la grande majorité des couples n'a pas encore acquis
d'égalité financière et c'est cette grande majorité
qu'il est important de protéger.
Vous avez ajouté aussi que vous ne sauriez peut-être pas
quoi dire à vos enfants qui vont se marier. Est-ce que, dans le fond,
cela ne devient pas désavantageux pour eux de se marier avec des
conditions aussi astreignantes, comme vous le mentionnez? Je répondrai
à cela qu'effectivement, quand des gens décident de se marier, je
ne crois pas que la réflexion de la non-protection financière les
préoccupe beaucoup, c'est-à-dire de la surprotection
financière les préoccupe beaucoup. Ce qui préoccupe la
majorité des couples probablement, et dans le cas de la femme, c'est la
question de la protection financière.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Mme la députée des
Îles-de-la-Madeleine n'a pas tout compris ce que le député
de Saint-Laurent a dit. Il n'a pas parlé de la résidence
familiale en particulier. Il n'était pas contre la protection.
Mme LeBlanc-Bantey: Par contre, j'ai dit que je ne partageais pas
tout à fait ses préoccupations.
M. Blank: Non, mais la préoccupation qu'il a et que j'ai
moi aussi, peut-être pour d'autres raisons, c'est qu'on trouve, dans la
philosophie du changement de ce code, un peu trop d'ingérence dans la
vie des personnes... ce que les personnes ne cherchent pas. Je cherche - je ne
veux pas en faire une affaire de partisanerie- une philosophie du
côté du parti ministériel. On voit cela dans la Loi des
consommateurs, coopératives et institutions financières, on voit
cela dans l'assurance automobile où on prend pour acquis que les gens du
Québec ne peuvent ou ne veulent gérer leurs propres affaires. Je
retrouve cette même philosophie ici où on donne plus que le client
n'en demande. C'est cela qu'on retrouve. On ne parle pas
particulièrement de la protection de la résidence. Oui, on doit
avoir une protection. Quand on prend la section a), section b), section c),
section d), on prend tout cela ensemble et on trouve une situation où on
dit que les gens ont besoin de directives d'en haut.
C'est cela qu'on cherche ici. Est-ce que les couples qui se marient ne
peuvent pas gérer leurs affaires? Ne se connaissent pas? Ne peuvent pas
prendre des précautions l'un envers l'autre? Ne peuvent pas signer des
documents entre eux? Est-ce que c'est l'État qui va tout gérer?
Non, vous n'avez pas le droit de faire cela. Ce sont les questions que je me
pose ici.
M. Bédard: Ce qui me surprend c'est que le
député de Saint-Louis n'a pas l'air d'être simplement
animé par la réflexion. II semble avoir tranché dans un
sens, ce qui me surprend un peu par rapport aux propos qu'ont tenus les membres
de l'Opposition au stade de la deuxième lecture. Vous disiez que vous ne
vouliez pas être partisan, mais d'un autre côté...
M. Blank: Ce n'est pas cela du tout. On veut des changements.
M. Bédard: Vous me permettez.
M. Blank: On veut des changements. Vous changez le code de
nouveau. On doit le moderniser. Est-ce qu'on veut un code pour cette
année ou un code qui va être bon dans 100 ans?
M. Bédard: Je pense que c'est toute cette réflexion
qui a été faite au niveau de l'Opposition qui nous amène,
en tout cas, personnellement, à conclure qu'il faut y aller
avec cette protection de la résidence familiale dans le sens de
ce que nous évoquons et je dis très honnêtement, et on ne
fera pas référence à d'autres lois, restons dans le Code
civil, je n'ai vraiment pas l'impression d'entrer dans la vie personnelle des
gens parce que, si c'était cela, j'aurais beaucoup plus de
réticences. Je crois que, au contraire, si on regarde la situation, du
point de vue social que doit vivre, entre autres, la très grande
majorité des femmes parce qu'il n'y a pas une certaine protection
d'accordée, c'est à cette situation, qui n'est pas reluisante,
que nous devons apporter une solution. C'est dans ce sens que je le vois. Une
solution qui répond non seulement à certaines difficultés
ou à des difficultés certaines que recontrait la grande
majorité des femmes parce que c'est elles qui sont en premier lieu
concernées, mais apporter aussi des solutions qui vont aider les
enfants, le cadre familial, le cadre physique familial. Il me semble que
là, je ne dis pas mettre un terme à nos réflexions, mais
peut-être les évoquer au fur et à mesure que viendront les
articles et cette réflexion prendra forme autrement dit.
Mme LeBlanc-Bantey: M. Hanley a une réaction d'un type
d'homme tout à fait normal.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans le
débat, mais je pense que c'est peut-être important qu'on
émette une courte réflexion là-dessus. Je pense qu'on a
besoin dans notre société de faire des lois qui vont favoriser
l'essor de la famille et quand on parle de la famille, on parle des
époux et on parle aussi des enfants. C'est bien sûr que lorsqu'on
se marie , on ne pense pas toujours aux conséquences économiques.
Comme le disait Mme la députée des Iles-de-la-Madeleine, ce n'est
pas cela qui est le plus important pour les époux. Alors, on oublie bien
souvent les questions financières et les conséquences des gestes
qu'on pose à ce moment-là. C'est au fil des années qu'on
s'aperçoit, à un moment donné, qu'il aurait pu y avoir
quelque chose de mieux fait au moment du mariage. On s'aperçoit aussi
bien souvent, surtout dans le cas des femmes, qu'il y a des injustices qu'on
découvre et qui se perpétuent au cours des années. C'est
pour cela que le législateur, bien qu'il ne doive pas intervenir dans
tout le processus, a comme rôle de protéger à la fois la
famille et les enfants, et d'empêcher que des injustices qu'on
connaît aujourd'hui se perpétuent.
C'est pour cette raison que je suis d'accord qu'il y ait une protection
accordée à la résidence familiale. Dans la façon de
le faire, il y a des modalités dont on peut discuter, mais je pense que
comme principe, il faut adopter cette façon de procéder.
M. Lacoste: M. le Président.
M. Blank: Si vous lisez le journal des Débats de 1964 sur
la loi no 16, c'est moi qui ai soulevé la question de la
résidence familiale à la suggestion de la sénatrice
Casgrain qui m'en avait parlé. C'est moi qui ai suggéré,
en 1964, qu'on fasse quelque chose.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est tout à votre honneur.
J'espère que vous serez aussi collaborateur aujourd'hui.
Le Président (M. Laberge): Alors...
M. Blank: Aussi, le plus grand danger pour les femmes, ce n'est
pas ici. C'est dans la Loi sur les successions. C'est là qu'est le
problème et on n'y touche pas.
M. Bédard: En temps et lieu; on a assez d'un chapitre pour
le moment, j'ai l'impression. On y reviendra en temps et lieu.
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lacoste: M. le Président, juste auparavant...
Le Président (M. Laberge): Un moment.
M. Lacoste: ...une courte réflexion...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Lacoste: ...bien personnelle. Je pense que je rejoins
facilement l'argumentation du député de Nicolet-Yamaska. Il ne
faut quand même pas oublier que la masse des gens, enfin, la
majorité des couples... Cela fait quatre ans que je suis marié;
cela fait presque autant de temps que je le suis avec la politique. Lorsqu'on
rencontre le notaire - je parle pour les gens en général; je ne
suis ni avocat ni notaire -pour faire un contrat de mariage, il nous l'explique
en long et en large: deux régimes, etc. Alors tu demandes au notaire:
Qu'est-ce que tu conseilles? C'est une réalité pour les gens
concernés. Ils regardent tout cela et demandent au notaire: Qu'est-ce
qui est mieux? Tu choisis souvent selon ce que le notaire va te
suggérer. Mon notaire m'a suggéré le régime
d'acquêts, qu'on peut modifier, etc. C'est selon le conseil du notaire.
S'il nous avait conseillé l'autre régime, peut-être
aurait-on pris ce dernier. Enfin, c'est cela une certaine réalité
de la
populace, de la masse des gens. Une voix: ...
M. Lacoste: C'est comme cela. C'est la réalité des
couples et tu n'as pas de problème, tu ne penses pas aux
problèmes financiers au début. Cela vient peut-être au fur
et à mesure, la femme dit: C'est vrai, on n'est pas
protégés. On a une maison, nous autres, et si tu as des enfants,
si jamais il survient un problème majeur dans la vie du couple, c'est
seulement la femme qui subit, plus souvent qu'autrement, le contrecoup, et la
famille. En fait, la femme peut être dépossédée et
la famille aussi. Remarquez bien que je ne suis pas un technicien de la loi, je
vais suivre...
M. Bédard: Ce n'est pas nécessaire d'être
technicien pour apporter une très bonne contribution. La technique
juridique n'est que la manière de traduire ce que nous voulons
humainement pour le cadre familial. Là-dessus, tout le monde, peu
importe...
Une voix: Peu importe.
M. Bédard: ...a sa manière de voir et d'apporter sa
contribution.
Le Président (M. Laberge): Pour les fins du journal des
Débats, je voudrais faire remarquer à tout le monde
qu'après avoir fait l'appel des membres de la commission, on a
porté à mon attention que M. Marx de D'Arcy McGee remplacerait,
à titre d'intervenant, M. Lalonde de Marguerite-Bourgeoys. Alors, la
correction étant apportée au journal des Débats, M.
le...
Une voix: M. le Président, juste un instant.
Une voix: M. Lalonde n'y est pas?
Le Président (M. Laberge): ...député
de...
Des voix: ...
Le Président (M. Laberge): Nous allons nous en tenir
à l'ordre.
M. le député de D'Arcy McGee, vous avez la parole.
M. Bédard: Ne transposons pas les débats de
l'Assemblée nationale, ici, en commission.
Le Président (M. Laberge): Non. D'ailleurs, il y a un
article qui l'interdit.
M. Marx: Moi non plus je n'ai pas d'idée fixe sur cette
question. Je suis d'accord, et je pense que tout le monde est d'accord pour
dire qu'il faut protéger les époux. Dans une
société d'égalité, il faut parler des époux.
Comment et par quels moyens? Je pense que c'est là la question. (12 h
45)
II ne faut pas oublier qu'en légiférant ici, cela ne va
pas toucher toute la population. En ce qui concerne la couche de la
société qui est très aisée, très riche;
là, où on a plus d'une résidence, si une résidence
est gelée par le Code civil, je ne pense pas que cela pose des
problèmes. Il y a une autre couche de la société -
peut-être 30% de la population du Québec, peut-être
même 40% de la population du Québec - qui vit en dessous du seuil
de la pauvreté. Eux, ils ne sont pas touchés par le Code civil
non plus. Si vous avez déjà travaillé dans les quartier
pauvres, par exemple, à Montréal, vous aurez vu que tous les
meubles dans la maison ne valent pas $300 ou $400. Ce sont des meubles qu'on ne
peut pas vendre, de toute façon. Je pense que cette couche de la
société n'est pas touchée du tout par tout ce qu'on fait
ici. Ces gens n'ont pas les moyens d'engager un notaire; ils voient rarement un
avocat, et ainsi de suite. Même leurs biens...
M. Bédard: II y a la protection du bail aussi qui peut les
concerner, au premier chef.
M. Marx: Moi, j'ai travaillé à
Pointe-Saint-Charles, quand j'étais prof à l'Université de
Montréal, parce qu'on avait une clinique juridique, à
l'époque, à Pointe-Saint-Charles. J'ai trouvé que ces
personnes ont des problèmes qui ne sont pas vraiment touchés par
le Code civil. Dans le quotidien, ce n'est pas touché par le Code civil.
Donc, on légifère vraiment, ici, pour ce qu'on peut appeler une
classe moyenne, peut-être 40% de la population, qui va ramasser vraiment
deux biens durant le mariage: une maison et une voiture. La plupart des gens
ont deux biens qui valent quelque chose: c'est la voiture et la maison. Je vois
ici qu'on essaie de protéger la résidence familiale. Je suis
pour. Mais j'aimerais voir aussi des modalités quand on discute de cela
article par article, parce que cela peut causer des problèmes et cela
peut avoir des effets qu'on ne voit pas ici aujourd'hui. On fait un peu de
théorie et on n'a peut-être pas assez de gens, autour de la table,
qui ont vécu un certain nombre de situations qui puisssent nous apporter
quelques éclaircissements.
M. Bédard: Quoique - je pense que le député
serait d'accord avec moi - tous les mémoires qui ont été
produits, les suggestions faites par des groupes qui sont très
près de cette réalité que vous évoquez, doivent
être considérés avec d'autant plus de sérieux qu'on
peut tenir pour acquis que la grande partie de ces personnes qui forment
ces groupes est vraiment en contact avec une réalité qui
n'a pas été très facile, jusqu'à maintenant.
M. Marx: Oui, mais, malheureusement, ils ne sont pas ici pour
nous aider à l'étude de ce projet de loi.
M. Bédard: Je pense qu'on est capable de lire, et
après cela de voir jusqu'à quel point on peut atteindre des
objectifs ou des préoccupations qu'elles ont énoncés.
Le Président (M. Laberge): Sur ce, si vous me permettez,
à l'article 450, on a porté à mon attention une correction
de rédaction, si on veut, en changeant à la deuxième ligne
le mot "ou" par le mot "ni". Est-ce que cet amendement sera adopté?
M. Bédard: De manière à ce que nous ne
l'oublions pas. On a un autre petit amendement. Mais c'est du même
ordre.
Le Président (M. Laberge): Ailleurs?
M. Bédard: Oui. C'est à l'article 453, de peur de
l'oublier, remplacer à l'avant-dernière ligne le mot "ou" par
"ni".
Le Président (M. Laberge): La même chose.
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que ces deux...
M. Forget: Pourriez-vous relire cela. Je ne l'ai pas
trouvé encore.
M. Bédard: À l'article 453, l'avant-dernière
ligne, remplacer le mot...
M. Forget: ...du premier alinéa? M. Bédard:
Oui, c'est cela.
Le Président (M. Laberge): Oui, après le mot
"réel".
M. Bédard: Oui, c'est cela. Après le mot
réel, il se lirait comme suit: ...le grever d'un droit réel "ni
en louer" à la place de "ou en louer".
Le Président (M. Laberge): À l'article 450, le mot
"ou" remplacé par "ni", est-ce que cet amendement est adopté?
M. Blank: Qu'est-ce que vous avez changé à
l'article 453? Est-ce un amendement?
M. Forget: On est à 450.
M. Blank: Je parlais de 450.
M. Bédard: C'est simplement au niveau de la
rédaction. On y reviendra tout à l'heure définitivement,
je crois.
M. Forget: L'amendement à l'article 450 portant sur le mot
"ou" pour "ni", adopté.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article est
adopté? On revient à l'article 450.
M. Bédard: Cet article vise à accorder - d'abord,
450 et 451 regardent les meubles - aux époux une protection relative aux
meubles de la résidence principale de la famille qui sont
affectés à l'usage du ménage. Cette disposition
s'étend à tous les époux quel que soit leur régime
matrimonial et élargit considérablement les restrictions
actuelles découlant des articles 1266o, 1292 et 1425a du Code civil
relativement aux meubles affectés à l'usage du ménage.
Contrairement à la proposition de l'Office de révision du Code
civil, cette disposition s'étend aussi à l'époux
abandonné par son conjoint. D'une part, l'abandon est une question de
fait dont la certitude requiert la preuve d'intention de ne plus faire commune.
Elle se distingue alors du simple départ temporaire. D'autre part, un
époux abandonné ou non peut toujours en vertu de l'article 455
obtenir une autorisation du tribunal pour passer seul un acte pour lequel le
consentement de son conjoint serait nécessaire.
L'article étend l'interdiction à tous les meubles qui sont
dans la résidence et qui sont affectés à l'usage du
ménage sans égard au titre de propriété. Enfin,
l'Office de révision du Code civil déclare, dans un document de
travail que les besoins de protection de la famille constituent un
problème qui déborde largement le cadre de notre époque et
de notre province. Conscients de ce problème, certains
législateurs étrangers et canadiens ont adopté un certain
nombre de mesures qui rendent compte, à des degrés divers, de la
nécessité de protéger la résidence commune.
À ce moment, on rejoint la discussion qu'on a eue tout à
l'heure.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, comme préalable, je ne
sais pas si c'est tout à fait régulier, mais j'ai peur de
l'oublier, alors, je le mentionne à ce moment-ci. Le Barreau fait des
représentations au sujet du titre de la section. Je ne sais pas si ce
serait le lieu de le faire ici, encore une fois, j'ai l'impression que je vais
l'oublier si je ne le
mentionne pas tout de suite.
M. Bédard: Est-ce qu'on pourrait le noter?
M. Forget: Pour ce qui est de 450, il y a deux groupes qui ont
fait une représentation à savoir que le consentement dont il est
question à l'article 450 soit donné par écrit et je vois
que le ministre n'a pas retenu cette suggestion.
M. Bédard: C'est-à-dire que je voulais qu'on en
discute préalablement pour essayer de voir jusqu'à quel point on
pourrait en arriver à un consensus et vous donner peut-être tout
le portrait de ce que cela pourrait représenter. Sur ce point,
j'inviterais, si vous le voulez...
M. Forget: Oui.
M. Bédard: ... peut-être M. Guy à faire part
de sa réflexion sur les avantages et les désavantages qu'il y
aurait à aller jusqu'au consentement écrit. On verra à
départager ensemble.
L'exigence de l'écrit en matière de biens meubles pose
certains problèmes sur la base du fait qu'on n'a pas de support
d'information qui s'adresserait au tiers et qui permettrait de savoir si celui
qui dispose d'un bien est marié ou célibataire. Si vous pensez
aux marchés aux puces où on vend beaucoup de choses de cette
nature, si vous pensez également à ce qui se vend comme meubles
d'occasion par les annonces classées, enfin, tous ces moyens, il est
très difficile, parce que vous avez le vendeur devant vous et vous lui
demandez: Êtes-vous marié? Il vous répond oui ou il vous
répond non. S'il vous répond non, il est peut-être
marié et vous n'avez pas moyen de le contrôler. Si vous prenez sa
parole et que vous achetez, peut-être que son conjoint viendra vous dire
que vous n'avez pas eu d'écrit. La vente serait nulle. Alors, il est
possible que l'acheteur soit prudent et n'ose pas acheter dans ces
circonstances. S'il vous dit qu'il est marié, cela va très bien.
Vous allez dire: J'achèterai si j'ai le consentement de votre conjoint.
Mais on n'a pas le moyen pour le tiers de vérifier, encore une fois, si
le vendeur est célibataire ou marié et, cela, pour une raison
très simple, c'est que les actes de l'état civil ne sont pas
centralisés. Ils ne sont pas suivis. On se marie un jour et on inscrit
l'acte de mariage dans le registre local où le mariage a lieu. Mais
c'est une information qui reste très locale, d'une part, et, d'autre
part, surviennent toutes sortes de situations. Il survient un divorce
après, un décès, un remariage et on n'a aucun moyen de le
suivre.
Moi, je dis que dans le projet, la technique - je parle bien de
technique - utilisée pour en rendre compte, c'était celle de
présumer à l'égard des tiers, que celui qui dispose des
meubles avait le consentement. Évidemment, si le tiers est de collusion,
si le tiers n'est pas de bonne foi... Cela supposait deux
éléments pour que le titre du tiers soit valable: cela supposait
qu'il soit de bonne foi et qu'il ait acheté à titre
onéreux et non pas qu'il ait reçu à titre de dons ou
autrement...
Donc, le tiers qui serait de mauvaise foi, lui, verrait son titre
annulé. Mais celui qui serait de bonne foi, verrait son titre maintenu.
Je parle toujours dans l'état actuel et de la proposition, telle que
déposée. C'est pourquoi l'écrit soulève un certain
problème d'information pour les tiers.
Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'il y aurait
possibilité...
Le Président (M. Laberge): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine.
Mme LeBlanc-Bantey: Je suis heureuse que le député
de Saint-Laurent ait soulevé ce problème, parce que je voulais en
faire un amendement, quitte à suspendre l'article pour y revenir. Je
comprends la préoccupation que vous avez à l'égard des
tiers. D'autre part, cet article vise d'abord à protéger le
conjoint qui pourrait être pénalisé par la disposition des
meubles familiaux, sans qu'il y ait eu son consentement. Je touve que,
finalement, si on n'exige pas le consentement écrit, sans le
consentement écrit tel qu'écrit, ici dans l'article, à
toutes fins utiles, pour certains cas, cela ne veut rien dire.
Je reviens à ce dont le député de D'Arcy McGee
parlait tout à l'heure. Ce qu'il faut protéger surtout par cet
article, ce sont les gens en dessous du seuil de pauvreté. Qu'importe si
leurs meubles valent $400. Pour ces familles, ou pour le conjoint, c'est toute
sa richesse, c'est toute sa fortune. Ce sont les meubles dont il a besoin pour
vivre. Alors, je trouve que les préoccupations à l'égard
des tiers sont légitimes, mais que pour rejoindre le but que cet article
veut bien viser, elles ne sont pas justifiables, pour empêcher un
consentement écrit.
M. Blank: Supposons que dans la maison des pauvres, comme vous le
mentionniez, le plus grand bien qu'ils possèdent, c'est une
télévision qui vaut $200. Madame, dans l'après-midi, ou
monsieur, le soir, prend sa télévision et la vend quelque part.
C'est une vente à prix normal: $175 à un monsieur de mon coin.
Qu'est-ce que cela va changer? Le monsieur va le reprocher à sa femme.
La femme va reprocher au monsieur d'avoir vendu la télévision. On
ne peut pas faire la tournée des télévisions. Le monsieur
l'a
achetée de bonne foi. Lui ou elle a dépensé les
$175. On ne peut pas retourner l'argent. Qu'est-ce qui arrive?
Mme LeBlanc-Bantey: Vous parlez de cas exceptionnels.
M. Blank: Non, ce n'est pas un cas exceptionnel. C'est cela qui
est arrivé. Ce n'est pas un cas exceptionnel. Un cas exceptionnel, c'est
quand le monsieur ou la femme va vider la maison. Avec des contrats de
séparation de biens, les meubles sont la propriété de la
femme. C'est peut-être arrivé que le monsieur vienne le soir et
vide la maison. C'est cela un cas exceptionnel. Mais le cas de vendre la
télévision ou le stéréo, c'est un cas qu'on va
trouver chaque jour.
Mme LeBlanc-Bantey: II y a au-delà de 50% de gens qui sont
mariés en séparation de bien, donc cela ne peut pas être
exceptionnel, comme vous le dites. Moi, j'ai connu beaucoup de cas de femmes
séparées où ce n'était pas exceptionnel qu'elles se
retrouvent avec absolument aucune maison et aucun meuble disponible, parce que
tout était au nom du mari. Alors, ce n'est plus exceptionnel.
M. Blank: Je ne discute pas de cela. Mais je dis: Comment peut-on
régler cet article? Comment un fait soit changé...
Mme LeBlanc-Bantey: Qu'on exige un consentement écrit.
S'il faut vendre sa télévision, ce monsieur, qu'il ait le
consentement de sa madame. Je trouverais injuste que pour des questions
d'information à l'égard des tiers, on ne donne pas le maximum de
protection au conjoint qui en a besoin dans des situations comme cela.
M. Blank: Cela veut dire que chaque fois qu'il veut vendre une
télévision, il a besoin d'un crédit. Je ne suis pas
marié...
Mme LeBlanc-Bantey: Pour $175, cela vaut la peine de
s'écrire une lettre. (13 heures)
M. Bédard: Si c'était aussi facile que cela, je
pense qu'on n'aurait pas à faire un débat là-dessus. Il y
a l'autre situation de l'individu qui dit: Je ne suis pas marié. Je
comprends, mais je ne veux même pas en faire un prétexte et
même pas une raison pour dire non. Je comprends qu'il y a toujours un
recours en dommages et intérêts de la part du conjoint qui a
été lésé. Je n'en ferai pas une raison fondamentale
pour dire que le consentement ne doit pas être écrit parce que
souvent ce recours en dommages et intérêts est aléatoire.
Cela ne veut rien dire par rapport aux gens dont on parle. Peut-être
qu'au niveau des familles riches, les gens peuvent y aller comme ils veulent
dans les dommages et intérêts, mais ceux et celles dont on parle
ne sont pas concernés par cette situation.
Je me pose la question: Qu'est-ce qui arrive à tout le...
D'abord, je pense au tiers; il faut y penser. Un tiers qui est de bonne foi,
c'est un individu dans une société qui a le droit, dans le
domaine du commerce et dans ses relations avec d'autres individus, d'avoir un
minimum de protection, il me semble. Pour régler un problème, on
ne doit pas mettre de côté carrément les
préoccupations normales que doit avoir le législateur pour un
autre groupe de personnes que représentent les tiers de bonne foi.
Qu'est-ce qui arrive au niveau d'un commerce qui est important, lui
aussi? Prenons tout le commerce des meubles usagés. Il y a quelques
années - il ne s'agit pas de remonter bien loin - le commerce des
meubles usagés n'était pas de grande envergure. Au moment
où on se parle, vous avez des établissements commerciaux qui se
spécialisent, d'une façon tout à fait spéciale -
c'est le cas de le dire - dans la vente des meubles usagés. C'est quoi
la conséquence? Qu'est-ce que ce sera, la sécurité de tous
ces gens, ces tiers de bonne foi qui vont, de bonne foi, à un
établissement commercial spécialisé dans ce secteur?
Je remarque qu'il est 13 heures. Je pense que cela vaut la peine de
réfléchir encore quelques minutes et on y reviendra plus tard,
à 15 heures, je crois, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Je me demandais justement si
j'avais le consentement de la Chambre pour que le député de
Verchères pose une courte question. Il m'avait fait signe.
M. Bédard: Cela pourra nous aider à la
réflexion peut-être.
M. Charbonneau: Je ne suis pas avocat, mais est-ce que,
légalement, s'il y avait un consentement écrit et si un tiers
faisait l'acquisition en ignorant ce consentement, le tiers serait
pénalisé ou s'il serait protégé à cause de
sa bonne foi? Si c'était le cas, est-ce qu'un consentement écrit,
dans le fond, n'empêcherait pas, ne dissuaderait pas avant coup un
conjoint de vendre? Donc, ce serait bien plus un effet dissuasif qui
préviendrait des ventes parce que le conjoint saurait qu'il ne peut pas
vendre. Il y aurait toujours des gens qui passeraient à
côté. Dans ces cas-là, est-ce que le tiers pourrait - c'est
cela que je ne sais pas - de toute façon, être
protégé à cause de la bonne foi?
M. Marx: Je ne pense pas que le tiers serait tenu responsable.
Mais il y a un autre intérêt de l'État.
L'intérêt de l'État, c'est
aussi de favoriser la liberté de commerce. Il ne faut pas trop
gêner la liberté de commerce en requérant des documents. Si
quelqu'un vend un téléviseur qui vaut $150, il ne faut pas trop
exiger. Non, on va gêner la liberté des commerces et je pense
qu'il y a...
M. Charbonneau: C'est contradictoire.
M. Marx: C'est cela. Il faut trouver l'équilibre.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est peut-être le mot
même...
M. Bédard: Si vous me le permettez, à la suite de
cette question du député de Verchères qui est
intéressante parce qu'elle est orientée vers la protection des
tiers également dont il faut tenir compte, avant d'ajourner, M. Guy
pourra peut-être nous donner certaines réflexions.
À la suite de votre question, dépendant de la
manière dont l'article peut être libellé, mais si le
consentement par écrit est exigé sous peine de nullité, il
faut qu'il soit donné par écrit. Il n'y a pas de bonne foi pour
le tiers s'il n'a pas entre les mains, si vous voulez, c'est-à-dire s'il
n'a pas obtenu le consentement par écrit. S'il ne l'a pas entre les
mains, je ne sais pas de quelle façon il va faire la preuve qu'il l'a
obtenu et qu'il s'est conformé à la loi. Donc, en principe, il
l'a entre les mains. Je comprends que vous avez peut-être supposé
l'existence d'un consentement par écrit qui est resté entre les
mains du vendeur. Évidemment, tant qu'il ne pourra pas apporter la
preuve qu'il a obtenu son consentement par écrit, et comme
l'écrit est un formalisme qui entraîne la nullité de
l'acte, c'est à lui à prouver, devant le tribunal, si vraiment
cette question est soulevée devant le tribunal, et de déposer au
dossier du tribunal la preuve qu'il a obtenu un consentement par écrit.
S'il n'est pas capable de déposer la preuve de son consentement par
écrit, le tribunal dira: Vous ne vous êtes pas conformé.
J'imagine qu'il n'y aura pas, de la part du vendeur, un aveu. S'il y a un aveu
de la part du vendeur, à savoir qu'il a dans ses papiers le consentement
par écrit de son conjoint et qu'il le dépose, il n'y a pas de
problème.
M. Charbonneau: Si le vendeur fait une déclaration
à l'effet qu'il n'est pas marié, est-ce qu'on peut exiger d'un
acheteur qu'il requière un certificat de mariage du vendeur?
M. Bédard: Si c'est vrai qu'il n'est pas marié, il
n'y aura pas de problème. Mais s'il est marié et qu'il dit qu'il
n'était pas marié, vous êtes encore pris avec la
règle. Vous n'avez pas le consentement par écrit, donc c'est la
nullité. C'est dans la mesure où vous rattachez l'écrit
à la nullité, vous ne pouvez pas échapper à
l'exigence de la loi.
M. Charbonneau: Est-ce que le fait d'avoir un consentement
écrit entraîne nécessairement la nullité?
M. Bédard: C'est ce que j'ai compris qui était
proposé.
M. Charbonneau: Parce que là, il faut...
Mme LeBlanc-Bantey: Je ne sais pas, il n'y a peut-être
aucune disposition visant à protéger le tiers de bonne foi.
M. Bédard: Mais c'est ce que cette disposition visait.
Pour faire le lien, c'est lié au deuxième alinéa de
l'article de 478. Pour faire une histoire, qui est un peu technique, courte,
c'est qu'il est dit, en matière de meubles, que chaque époux est
réputé, à l'égard des tiers de bonne foi, avoir le
droit de passer seul les actes à titre onéreux pour lesquels le
consentement du conjoint serait nécessaire. Donc, il n'y a pas
d'écrit. C'est à l'inverse d'un écrit, ce deuxième
alinéa. C'est la présomption que celui qui vend un meuble a le
pouvoir de son conjoint. L'autre solution possible, c'est d'exiger
l'écrit dont il y est question. En exigeant l'écrit, si vous ne
l'avez pas, c'est la nullité; si vous l'avez, c'est la
validité.
Mme LeBlanc-Bantey: Aux termes de la jurisprudence, qu'est-ce
qu'on entend par "les meubles affectés à l'usage des
conjoints"?
M. Forget: M. le Président, c'est une question importante
que la définition des mots "les meubles". On pourrait peut-être
revenir là-dessus, cet après-midi.
Le Président (M. Laberge): Oui, justement.
Mme LeBlanc-Bantey: Votre télévision n'est
peut-être pas là-dedans, ni votre machine à coudre.
Le Président (M. Laberge): Sur ce, bon appétit.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 8)
(Reprise de la séance à 15 h 14)
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux concernant
le projet de loi no 89. Les membres de la
commission sont les mêmes que ceux désignés ce
matin.
À la suspension, nous avions adopté, à l'article
450, un amendement qui consiste à remplacer le mot "ou" par le mot "ni".
La discussion s'est poursuivie sur l'article 450 amendé. Je demande donc
si cet article 450 est adopté.
M. Bédard: M. le Président, on pourrait le
suspendre. Je pense que nous sommes d'accord pour nous entendre sur quoi porte
la discussion, à savoir si le consentement doit être par
écrit ou non par écrit. Je pense que, de part et d'autre, on a
évoqué les avantages et les désavantages. On pourrait
peut-être suspendre l'article en s'entendant qu'il faudra prendre une
décision rapide, naturellement, sur ce point.
Le Président (M. Laberge): C'est cela.
M. Blank: II y a quelque chose que je veux dire, c'est une
pensée. Le problème que j'avais ce matin, ce n'était pas
contre l'esprit de cet article ni du consentement écrit ou verbal. C'est
la mise en vigueur de cet article du point de vue pratique. C'est cela que j'ai
trouvé très difficile, de faire appliquer cet article. Selon moi,
la seule façon de faire appliquer cet article, c'est de l'inclure avec
la sanction finale. Cela ne tombera pas dans le Code civil, on aura
peut-être une autre loi. Sauf qu'avec des pénalités
finales, du point de vue pratique, cela ne vaut rien.
M. Bédard: On serait presque rendus dans le Code
criminel.
M. Blank: Oui, mais, en fait...
M. Bédard: Non, je comprends vos...
M. Blank: ...comment va-t-on empêcher des gens de transiger
sur des meubles?
M. Bédard: Alors, on s'entend? On suspend, mais ce sera
sur ce point-là.
M. Forget: Je pense que vous aviez un collègue qui avait
soulevé une question d'intérêt.
Mme LeBlanc-Bantey: D'intérêt?
M. Forget: C'était une question intéressante sur
la...
M. Blank: Définition des meubles. M. Forget:
...définition des meubles.
Mme LeBlanc-Bantey: La définition des meubles, oui.
Le Président (M. Laberge): Ah bon! Mme la
députée des Îles-de-la-Madeleine.
M. Bédard: Là-dessus, je pense qu'on s'en est
parlé et je crois que c'est le terme le plus précis qu'on puisse
trouver parce que si on commence à essayer de définir...
Mme LeBlanc-Bantey: Avez-vous demandé l'autre sens
à la jurisprudence? Qu'est-ce qu'on entendait par les meubles
affectés à l'usage de la famille? Je comprends qu'il n'y a pas de
définition, mais est-ce qu'on entendait le réfrigérateur,
le poêle, la table, le lit, ou si la télévision, la machine
à coudre, etc., étaient comprises dans tout cela?
M. Bédard: C'est évident. Il y a d'autres biens qui
ne sont pas encore définis.
M. Forget: Dans l'article qui...
M. Blank: ...les voitures font partie des meubles. Dans certaines
circonstances, cela en fait partie.
M. Bédard: Cela dépend du couple, du travail de
l'un et de l'autre. Je pense que là-dessus, il faut laisser une
certaine... Même si nous ne le voulions pas, nous ne serions pas capables
de procéder sans laisser une certaine latitude parce que cela peut
évoluer selon les circonstances.
M. Forget: Est-ce que je pourrais faire une suggestion, M. le
Président, qui pourrait peut-être aider à éclairer
les esprits. Je ne sais pas si c'est une suggestion appropriée, c'est
une question que je pose en même temps, mais cela peut peut-être
aider à canaliser étant donné que c'est quelque chose de
concret. Dans le chapitre sur la société d'acquêts qu'on va
voir un peu plus tard, il y a une énumération des biens qui ne
sont pas des acquêts comme, par exemple, les vêtements personnels.
Il est sûr que les vêtements appartiennent à chaque personne
comme les outils et les instruments de travail. Par exemple, un des conjoints
est membre du barreau, il a une bibliothèque sur le droit ou encore un
médecin qui a des bouquins... Il est clair qu'il peut les vendre, s'il a
le goût de les vendre, ou celui qui a des outils à la maison, il
peut en disposer. C'est peut-être la même définition qui
pourrait s'appliquer. Il y a toute une énumération...
M. Bédard: Cela peut être des points de
référence.
M. Forget: ...en plusieurs paragraphes. Ce que je n'ai pas eu le
temps de vérifier, parce que la question a été
posée juste
avant le déjeuner, c'est si on a l'intention de couvrir la
même chose, est-ce qu'on utilise les mêmes mots? Ce serait
peut-être une chose à vérifier.
Mme LeBlanc-Bantey: J'ajouterais à la réflexion du
ministre que, puisque l'article est suspendu et qu'on a beaucoup discuté
de la protection des tiers là-dedans, une façon peut-être
d'en arriver au même but, ce serait une disposition qui stipulerait que
le conjoint disposant des meubles familiaux, sans l'autorisation de l'autre,
sans consentement écrit, serait tenu de les remplacer. J'ajoute cette
réflexion. Cela exclu les tiers de bonne foi du marchandage.
M. Bédard: Je comprends la stratégie de ma
collègue, mais je pense bien qu'on n'en est pas a...
Mme LeBlanc-Bantey: Je l'appliquais à votre
réflexion, l'article est suspendu.
M. Bédard: Oui. C'est pour cela que j'ai
employé...
Mme LeBlanc-Bantey: Je demanderais... de le dire tout de
suite.
M. Bédard: La réflexion n'empêche pas la
stratégie, mais je pense bien qu'on peut réfléchir sur
l'article 450.
Mme LeBlanc-Bantey: D'accord.
M. Bédard: Ce n'est pas une réflexion qui
s'orientera dans un sens en contrepartie d'une réflexion qui
ultérieurement devrait s'orienter dans un autre sens.
Mme LeBlanc-Bantey: Une grande partie de la discussion
était faite sur la protection des tiers.
M. Bédard: Non. Je pense que continuellement, à
l'intérieur du Code civil, on doit avoir la préoccupation des
époux, la préoccupation des enfants et la préoccupation
des tiers parce que c'est un projet de loi pour l'ensemble de la
population.
Le Président (M. Laberge): L'article 450 est donc
suspendu.
J'appelle l'article 451. Est-ce qu'il y a des commentaires
spéciaux?
M. Bédard: Non.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 451 sera
adopté?
Une voix: Un amendement?
Le Président (M. Laberge): Non, c'est à 453. Alors,
l'article 451 sera-t-il adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 452. Il
n'y a pas d'amendement. Il y a une note spéciale, M. le ministre. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Bédard: Est-ce qu'il y a des remarques?
M. Forget: J'ai une remarque sur ce que le Barreau du
Québec a fait relativement à cet article. J'aimerais avoir les
commentaires du ministre ou de ses conseillers.
Le Barreau suggère qu'on insère dans l'article 452,
après les mots "l'époux locataire de la résidence
principale de la famille ne peut, sans le consentement de son conjoint,
sous-louer, céder son droit, ni mettre fin au bail" et, à ce
moment-ci, insérer "avant l'expiration du terme convenu ou prévu
par la loi lorsque le locateur". Autrement dit, c'est mettre fin à un
bail de façon prématurée. C'est la suggestion du
Barreau.
M. Bédard: Justement, nous avons préparé -
je remercie le député de Saint-Laurent de l'évoquer - une
réponse ou une argumentation à ce problème précis
soulevé par le Barreau.
Comme on le sait, l'article 452 du projet de loi prévoit que:
l'époux locataire de la résidence principale de la famille ne
peut, sans le consentement de son conjoint, sous-louer, céder son droit,
ni mettre fin au bail lorsque le locateur a été avisé par
l'un ou l'autre des époux, du fait que le logement servait de
résidence principale. Le Barreau du Québec recommande de modifier
cet article en ajoutant après les mots "mettre fin au bail" les mots
"avant l'expiration du terme convenu ou prévu par la loi". Selon le
Barreau, cette modification est nécessaire parce que, tel que
rédigé, l'article 452 pose une difficulté
d'interprétation sur la signification des mots "mettre fin au bail".
Le Barreau prétend que, sans la modification proposée, le
bail pouvant se prolonger d'année en année, l'effet de l'article
452 sera que le locataire ne pourra jamais mettre fin au bail et que son
conjoint pourra demeurer dans la résidence principale pour une
durée indéterminée et ce contrairement à ce que
l'article 58 du projet de loi de l'Office de révision du Code civil
prévoyait. Je pense que cela résume bien.
Pour ce qui est des commentaires. Il est vrai que, tel que
rédigé, l'article 58 du projet de l'Office de révision du
Code civil permet à l'époux locataire de la résidence
principale de la famille de mettre fin au bail, sans le consentement de son
conjoint, à l'expiration du terme convenu ou prévu par la
loi.
L'article 58 prévoyait, en effet, que l'époux locataire de
la résidence principale de la famille ne peut, sans le consentement de
son conjoint, ni sous-louer, ni céder son droit, ni mettre fin au bail
avant que l'expiration du terme convenu ou prévu par la loi. Par contre,
il nous semble que cette disposition aurait été à
l'encontre de la politique que l'on veut implanter qui est de conserver
à la famille la jouissance des lieux loués. Bien plus, je dirais
même qu'on irait, en suivant la recommandation du Barreau, à
l'encontre d'une politique déjà implantée. En effet,
l'article 1657.2 du Code civil prévoit déjà que le
conjoint d'un locataire ou, s'il habite avec lui depuis au moins six mois, un
parent, un allié ou son concubin a, envers le locateur, les droits et
les obligations résultant du bail s'il continue d'occuper le logement et
s'il en avise le locateur dans les deux mois de la cessation de la
cohabitation.
Ainsi donc, si on donnait suite à la recommandation du Barreau,
en plus de contredire l'article 1657.2 du Code civil, on donnerait à un
concubin, un parent ou un allié du locataire plus de droits qu'au
conjoint. En définitive, il me semble que l'article 452 reflète
l'intention de l'Office de révision du Code civil. Dans un premier
temps, on ne permet pas, qu'en cours de bail, l'époux-locataire mette
fin au bail du logement, ce qui aurait pour effet de priver sa famille de sa
résidence habituelle, sans le consentement de son conjoint. Dans un
deuxième temps, l'époux-locataire ne demeurant plus dans ce
logement, on ne doit pas également se servir de cet article pour
demander à la Régie du logement, ou à un autre tribunal,
de fixer les conditions du bail relatives au loyer et à sa durée.
C'est l'explication qu'on m'a fournie. Je pense qu'on y a attaché assez
d'importance.
Dans la chronologie d'arrivée des textes, l'office a
préparé sa proposition au temps où n'existait pas encore
l'article 1657.2 qui favorise le maintien, dans les lieux, de certaines
personnes qui y sont désignées. Forcément, parler de la
fin conventionnel du bail, ou de la fin du bail prévu par la loi avait
un sens différent, avant l'adoption de 1657.2. Maintenant, ce n'est plus
possible, même quand le terme est expiré. Cela se prolonge de
plein droit pour une autre année, etc. Donc, il y a une prolongation du
terme en faveur de certaines personnes qui habitent déjà... C'est
plutôt une coordination entre les deux textes qu'il faut refaire
maintenant et non pas simplement se référer aux textes
proposés par l'ORCC. C'est comme cela que le problème nous est
apparu.
M. Forget: Est-ce que le problème n'aurait pas pu
être réglé également en incluant le conjoint dans la
liste des personnes protégées par cet article 1657?
M. Bédard: Effectivement, il doit y être. Je n'ai
pas le texte. Il est disparu. Mais il doit y être, sauf que si dans le
Code civil, on a un article qui n'a pas la même portée que
l'article 1657.2, si on exclut, dans le cas du conjoint, la possibilité
qu'il puisse avoir le droit de demeurer dans les lieux, au-delà du terme
conventionnel... ...le conjoint d'un locataire et il n'a pas de conflit
réel.
C'est pour cela qu'on a cessé de parler de la fin du bail dans
l'article 452, parce que la fin du bail se trouve dorénavant
régie ou réglementée par l'article 1657.2 et plaide en
faveur du conjoint et pour d'autres personnes également.
Le Président (M. Laberge): Cela va?
M. Forget: Je voudrais pouvoir dire oui spontanément, mais
ce que ma question essayait peut être maladroitement d'exprimer,
c'était qu'étant donné que le conjoint est
mentionné à l'article 1657.2, qu'est-ce qu'ajoute l'article 452?
Quelles sont les circonstances pour lesquelles, autrement dit, l'article 1657.2
n'est pas une solution adéquate et pour lequel seul ce nouvel article
452 sera une solution adéquate?
M. Bédard: L'article 1657.2 - j'y vais, j'espère,
avec autant de prudence qu'il faut -vise des cas de cessation de la vie
commune, donc suppose que l'époux-locataire a quitté, et celui
qui reste dans le logement...
M. Forget: ...
M. Bédard: C'est cela. Qu'il puisse continuer à
rester dans ce logement. Tandis que dans le cas de 452, c'est beaucoup plus
large et c'est complétaire, si je puis dire, de 1657.2; puisque les deux
époux peuvent continuer d'habiter ensemble, mais l'un ne peut pas mettre
fin au bail sans le consentement de l'autre. Ce n'est pas un problème
lié à la cessation de la vie commune, alors que 1657.2 est
essentiellement lié à la cessation de la vie commune ou - comme
vous l'avez peut-être mentionné - l'abandon, qui permet donc
à l'époux qui reste dans le local, de continuer de l'occuper
moyennant un avis dans les deux mois de la cessation de la vie commune. fl5 h
30)
M. Forget: Cela va. Mais sur le plan pratique, quand une personne
mariée est le locataire et qu'elle va signifier son désir de voir
cesser le bail, si je comprends bien, cela implique que les documents
prévus dans le chapitre du Code civil pour le louage de choses. Cet avis
va devoir être signé par les deux conjoints. Il ne s'agira pas,
autrement dit, que le conjoint qui n'est pas locataire donne son consentement
verbal. Cela n'est pas précisé parce que, en pratique, le
conjoint qui est locataire face au locateur peut toujours dire on est
d'accord et j'annule le bail. Sur le plan de l'application concrète, qui
va informer le locateur qu'il ne s'agit pas d'une décision
conjointe?
M. Bédard: Pour le locateur, je pense qu'il sera prudent
d'exiger ou d'obtenir un écrit de ce consentement pour pouvoir ensuite
en apporter la preuve en tout temps si l'époux prétend qu'il n'a
pas donné son consentement. Je pense que la prudence exige qu'il doive
donner ce consentement.
M. Blank: Le problème est qu'on a besoin de l'article 452
quand cela s'applique à un tiers. Quand un des conjoints
transfère le bail à une tierce personne, je pense qu'on a besoin
de l'article 452, ce n'est pas couvert par 1657.2. C'est de cet article qu'on a
besoin, quand un des conjoints fait affaire avec une tierce personne, pas un
locataire. Il va sous-louer ou cède ses droits. C'est la raison pour
laquelle on a besoin de l'article 452.
M. Lacoste: J'aimerais poser une question se rapportant à
la fois aux paragraphes 451 et 452. Qu'est-ce qui arrive lorsque la
propriété ou la location... Il arrive souvent, en ville, qu'un
commerce soit situé en avant de la propriété et que le
couple demeure en arrière. C'est souvent le cas des
dépanneurs.
M. Bédard: C'est considéré comme un
tout.
Le Président (M. Laberge): La question a été
posée. C'est le commerce attenant à une résidence.
M. Lacoste: Le fait que le commerce soit en avant, parce que
cela, dans les rues de Montréal particulièrement, c'est assez
fréquent, et le couple demeure en arrière de la maison familiale.
Cela demeure la maison familiale et en même temps, le mari a son
commerce, soit un dépanneur ou une agence d'assurances, sur une rue
commerciale.
Supposons une rue de Montréal qui est semi-résidentielle,
semi-commerciale, vous pouvez avoir un dépanneur, d'accord, à
l'avant de la résidence et la famille demeure à l'arrière.
Qu'arrive-t-il dans ces cas-là?
M. Bédard: Ce n'est peut-être pas très
précis dans l'article lui-même. Cela réfère toujours
au logement qui sert de résidence principale à la famille. Je
pense que, concrètement, il y a des bureaux de professionnels qui sont
intégrés dans le logement et il y a aussi des commerces
d'épicerie qui sont assez distincts du logement même s'ils sont au
même niveau de plancher, mais qui sont complètement distincts. Je
pense que l'article ne précise pas. Il y a une question
d'interprétation somme toute judiciaire possible dans le cas que vous
soumettez à mon point de vue puisque l'article vise ce qui sert de
résidence principale de la famille. Je ne crois pas pouvoir penser que
cela inclurait également tout le local qui sert de commerce
d'accommodation, par exemple, ou l'annexe qui sert de résidence
principale, parfois, qui est peut-être unifamiliale, qui sert
d'entrepôt, qui sert d'atelier ou qui sert de bureau aussi.
Je pense qu'on pourrait peut-être arriver à distinguer ces
locaux, mais dans certains cas, cela peut être difficile, encore une
fois, quand un professionnel a son bureau à l'intérieur
même de la partie occupée par la famille comme
résidence.
M. Blank: Je donne l'exemple d'un autre problème qui n'est
pas couvert ici. Disons qu'on a un logement qui fait partie des conditions
d'emploi et disons que le monsieur quitte l'emploi et sa femme en même
temps. Qu'est-ce qui arrive?
M. Bédard: Dans ce cas, ce n'est pas tellement le
locataire qui met fin à son bail, ce sont les conditions mêmes du
bail qui font que le locataire a le droit de mettre fin à son bail quand
il laisse son emploi, si j'ai bien compris, c'est attaché à son
emploi. S'il laisse son emploi, il doit laisser le bail, mais ce n'est pas...
La règle prévoyait que le locataire ne puisse pas de
lui-même céder son droit au bail, mais si les conditions du bail
sont que le locataire puisse y mettre fin quand il a cessé son emploi,
il me semble que c'est en dehors de l'application de l'article 452.
M. Blank: Oui, je sais cela, mais ça ne protège pas
la famille.
M. Bédard: Cela ne protège pas la famille parce que
le bail est lié, ici, à l'emploi; vous parlez de la Baie James,
cela se comprend.
M. Blank: Ou le concierge dans une maison d'appartements.
M. Bédard: Ou le concierge dans un immeuble de plusieurs
logements.
M. Blank: Oui, je sais cela, mais je donne des exemples qui ne
sont pas couverts.
M. Marx: Pour revenir à un autre exemple que le
député a donné, en ce qui concerne les commerces; il y a
beaucoup de commerces à Montréal, comme on l'a dit, où on
fait du commerce - comment dire - dans le vivoir. L'épicerie est dans le
vivoir et les autres chambres servent de résidence
familiale; c'est donc dire que s'il ne peut pas vendre le tout, il ne
peut pas vendre son commerce. Cela pourrait être un problème. Je
sais que dans le Code civil on donne des principes assez
généraux. On en attend l'interprétation d'une autre
commission qui a siégé dans ce salon. On a dit: II ne faut pas
protéger les droits de la personne dans la constitution parce que cela
va donner beaucoup d'instabilité, un tel article va donner beaucoup
d'instabilité dans certains domaines du droit civil.
M. Bédard: Nous en sommes tous conscients. On essaie de
trouver l'équilibre, mais avec l'objectif de protéger la
résidence familiale.
M. Marx: On ne peut pas préciser davantage...
M. Bédard: Ce serait agréable si tout pouvait
être limpide.
M. Marx: ...pour couvrir d'autres cas?
M. Bédard: Non. Il y a déjà une distinction
qui est faite entre le propriétaire qui habite une partie de sa
propriété et qui utilise l'autre pour les fins de l'exercice de
sa profession ou d'un commerce. Ce cas-ci était uniquement le cas d'un
locataire, à l'article 452. Je dis qu'il y a quand même une
distinction. L'article 452 ne s'appliquerait pas dans beaucoup de cas que je
connais où le propriétaire occupe également une partie des
locaux pour des fins professionnelles ou des fins commerciales. Je ne crois pas
que les articles aillent vraiment plus loin que cela. Le reste est
laissé à une appréciation...
M. Marx: Oui, ce serait impossible de couvrir tous les cas
imaginables.
M. Bédard: ...du tribunal. M. Marx: Oui,
d'accord.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je voudrais revenir sur la
question de l'avis par écrit. Dans le cas des deux articles
précédant 450, le cas des meubles, je pense qu'on a convenu qu'il
y avait des difficultés pratiques, en somme toutes insurmontables. Dans
le cas du bail, étant donné que les baux sont par écrits,
il y en a un certain nombre seulement qui sont verbaux, mais les baux
généralement sont écrits et certainement l'avis qui met
fin au bail étant donné la loi qui régit les relations
entre - justement c'est par écrit aussi - pour éviter les
contestations sur l'absence ou la présence du consentement du conjoint,
est-ce qu'il ne serait pas plus prudent dans ce cas-ci de spécifier que
le conjoint devrait donner par écrit son consentement?
Le ministre a dit tantôt, je suis d'accord avec lui, qu'il serait
prudent pour les locataires de s'assurer...
M. Bédard: Ce sont deux situations différentes.
M. Forget: ...mais étant donné qu'il sera
effectivement prudent, il est probable qu'un très grand nombre le
prévoira; mais dans le fond, ce n'est pas beaucoup plus compliqué
quand on envoie un avis qu'on n'a pas l'intention de renouveler le bail, de le
faire contresigner par le conjoint. Si le Code civil le prévoyait, cela
éviterait peut-être des situations confuses, où on va se
mettre à essayer de prouver, devant le tribunal, qu'il y a bien eu
consentement. On va faire témoigner les enfants, et Dieu sait qui! Ce ne
sont quand même pas des choses qui se déroulent en public, ces
consentements pour les questions familiales. Il serait peut-être
bon...
M. Bédard: Je pense que ce sont deux situations
différentes et cela s'inscrirait dans la philosophie qui est
déjà contenue à 1651.4 du Code civil où on dit que:
Tout avis relatif au bail d'un logement doit être donné par
écrit. Alors, je pense que cela s'inscrirait dans le même
esprit.
On le suspend, en s'entendant sur l'amendement. On le prend en note.
Le Président (M. Laberge): l'article 452 est suspendu pour
la rédaction d'un amendement.
À l'article 453, c'est pour ajouter un article additionnel,
après 453. À l'article 453, pour le moment, on a eu la suggestion
de changer le mot "ou" par "ni". On m'a dit de ne pas l'oublier.
M. Bédard: C'est déjà...
Le Président (M. Laberge): Oui. Je n'avais pas
demandé si c'était adopté.
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): "Ni" est adopté.
L'article 453, amendé.
M. Bédard: M. le Président, cet article, comme on
le sait, vise à accorder aux époux une protection relative
à l'immeuble qui sert de résidence principale à la
famille. Cette disposition s'étend à tous les époux, quel
que soit leur régime matrimonial et élargit
considérablement les restrictions actuelles découlant des
articles du Code civil concernant la résidence familiale. La mise en
oeuvre de cette protection est soumise à l'enregistrement
préalable d'une déclaration de résidence contre l'immeuble
concerné. En effet, le tiers acquéreur ou locataire a peu ou pas
de moyens de savoir autrement, avec certitude, s'il s'agit de la
résidence principale ou de la résidence secondaire des
époux et s'il est en présence d'un propriétaire
marié ou non. Comme cette restriction ne s'applique qu'à
l'égard du conjoint du propriétaire et que, dans le cas de la
résidence principale de la famille, il faut éviter de paralyser
la circulation de tous les immeubles et nuire au crédit des
propriétaires. C'est la raison pour laquelle la déclaration de
résidence est nécessaire pour informer les tiers.
La règle a été étendue aux immeubles de
moins de cinq logements, de préférence, à moins de quatre.
Ce type d'immeuble sert assez souvent de résidence principale pour le
propriétaire, de sorte que cette extension de la règle ne risque
pas de nuire au crédit des propriétaires d'immeubles commerciaux,
dont le nombre de logements par immeuble est généralement plus
élevé.
Le recours à l'autorisation judiciaire est prévu à
l'article 455, lorsque le consentement du conjoint ne peut être obtenu ou
son refus n'est pas justifié par l'intérêt de la
famille.
L'amendement parle par lui-même, il n'y a pas d'autres
explications.
Le Président (M. Laberge): Cela devient un article
additionnel.
M. Forget: M. le Président, je me demande si dans
l'intérêt du débat, on ne devrait pas pendant quelques
minutes, au moins, les discuter ensemble...
M. Bédard: Oui.
M. Forget: ...pour une raison très simple, c'est que, dans
le cas des immeubles de moins de cinq logements, la question majeure qui se
pose et qui a été posée, par exemple, par l'Ordre des
notaires, c'est: Pourquoi ne pas introduire le même genre de protection
pour les immeubles, quelle que soit leur taille, en quelque sorte? Si la
solution retenue pour les immeubles de plus de quatre logements est
satisfaisante, alors qu'elle est, par contre, moins contraignante, pourquoi ne
pas en faire une règle générale pour tous les logements
autres que les logements unifamiliaux, si vous voulez?
Le Président (M. Laberge): Pour les fins du débat,
je vais donner lecture immédiatement de l'article 453.1, qu'on nous
suggère d'ajouter...
Une voix: ...pour le journal des Débats.
Le Président (M. Laberge): Pour le journal des
Débats. "L'époux propriétaire d'un immeuble de moins de
cinq logements qui sert, en tout ou en partie, de résidence principale
de la famille et contre lequel une déclaration de résidence a
été enregistrée, ne peut, sans le consentement de son
conjoint, l'aliéner, le grever d'un droit réel ou en louer la
partie réservée à l'usage de la famille."
Paragraphe suivant: "Le conjoint qui n'a pas donné son
consentement à l'acte d'aliénation peut exiger de
l'acquéreur qu'il lui consente un bail des lieux déjà
occupés, à des fins résidentielles, aux conditions
régissant le bail d'un logement. Celui qui n'a pas donné son
consentemnt à l'acte de location peut, s'il ne l'a pas ratifié,
en demander la nullité. L'usufruitier, l'emphytéote et l'usager
sont soumis aux mêmes règles".
Les deux sont en discussion en même temps comme vous l'aviez
demandé. Y a-t-il des questions sur 453 et 453.1? (15 h 45)
M. Blank: Je constate que la grande différence entre 453
et 453.1 c'est le fait qu'on peut hypothéquer une maison de plus de cinq
logements. Dans l'article que vous nous avez lu, vous avez parlé de la
question du crédit. Mais il arrive très souvent qu'une
résidence unifamiliale soit le seul bien réel du conjoint, et le
conjoint est en affaires ou est professionnel. La seule chose qu'il a pour
garantir ses affaires, c'est sa maison. Cela veut dire que l'autre conjoint,
maintenant, va entrer dans le commerce ou la profession de la personne. On peut
éviter cela quand il a plus que cinq logements; moins de cinq logements,
on dit, non. Maintenant, l'autre partie, l'autre conjoint peut entrer dans les
affaires commerciales ou professionnelles de l'autre.
M. Bédard: Je pense qu'il y a une différence
"visuellement" parlant, du point de vue commercial. Je pense que quand on est
dans les cinq logements et plus, disons, d'une façon plus
résolue, on est dans le domaine commercial beaucoup plus.
M. Blank: Vous rattachez cela au domaine commercial d'immeubles
ou d'une maison d'appartements, bâtisses de bureaux. Mais il y a des gens
qui ont un commerce complètement séparé de l'immeuble, par
exemple, un magasin de vêtements, un magasin de meubles... Un avocat, un
comptable, qui, pour une raison ou une autre, doit emprunter de l'argent
à sa banque et il arrive que la banque lui demande une garantie; le seul
bien qu'il a, c'est sa maison. Là, vous dites que la question de
crédit ne compte pas. S'il s'agit d'une affaire commerciale de meubles,
oui, mais si c'est dans une autre profession, non.
M. Bédard: J'aime bien que vous m'apportiez le
problème, mais à un moment donné il faut tracer une ligne.
Je pense que là où on a tracé la ligne, cela rejoint non
seulement l'Office de révision du Code civil dans sa réflexion,
cela rejoint aussi les notaires, sauf qu'ils ne font pas de distinction.
D'autre part...
M. Blank: Sur le principe de résidence familiale, il y a
des effets qu'on ne voit pas.
M. Bédard: Cela rejoint également un peu les
notaires, qui ne font pas de distinction, sauf qu'ils ont des dispositions qui
sont plus souples. Là, on a un choix à faire si on veut une
protection plus souple ou une protection plus réelle.
M. Blank: Mais cela vient un peu maintenant vers la situation que
le député de Saint-Laurent dit qu'on a des communautés de
biens et la communauté dans tous les domaines, même dans le
domaine professionnel et commercial d'un des conjoints.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, j'aimerais que le ministre
nous donne un peu plus d'explications concernant la nécessité...
Est-ce que le ministre m'écoute?
M. Bédard: Peut-être pour ajouter là-dessus,
c'est que la Chambre des notaires ne met pas de côté le principe,
sauf qu'elle voudrait le limiter. Ce qu'elle propose, c'est de limiter la
règle à la maison unifamiliale. Dans le cas où il y a plus
d'un logement, remplacer le recours à la nullité; c'est pour cela
que je dis que cela devient pas mal plus souple, et là, c'est un choix
à savoir est-ce qu'on protège, plus ou moins? Ils veulent
remplacer le recours en nullité par un droit d'occupation dont les
modalités sont déterminées par le tribunal. Les deux
positions sont très claires. C'est à nous maintenant à
évaluer la chose. Il est très clair que dans un cas, on donne
plus de protection que dans l'autre; et ce qu'on nous propose est assez lourd
quand même, aussi. Nous avons opté dans le sens de plus de
protection.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska, est-ce que votre question tient toujours?
M. Fontaine: Je voudrais que le ministre nous donne un petit peu
plus d'explications concernant la nécessité d'enregistrer un
avis, parce qu'on sait très bien que dans la pratique, il y a, je pense
bien, un bon nombre de personnes qui vont se priver de faire cet enregistrement
par crainte d'avoir des problèmes familiaux, parce que cela peut
être interprété comme un manque de confiance de la part
d'un des conjoints.
Le ministre a parlé tantôt de la nécessité de
l'enregistrement d'un tel avis, à cause des problèmes que cela
peut créer avec des tiers. Est-ce que vous pourriez être plus
explicite, parce qu'il y a des gens qui ont suggéré qu'il n'y ait
pas un tel enregistrement, mais plutôt une espèce de
présomption de résidence familiale? Par exemple, chaque fois
qu'une transaction se fait habituellement chez le notaire, on appelle le
conjoint de celui qui veut contracter et à qui on demande de donner son
consentement sur les lieux. À ce moment-là on toucherait
peut-être tout le monde. Il y aurait seulement ceux qui ne veulent pas
donner leur consentement et qui seraient obligés de le donner à
ce moment-là. C'était la position, entre autres, du professeur
Caparros.
M. Bédard: Là aussi, le problème est
toujours le support d'information. En matière immobilière
particulièrement, à cause de la qualité de la chaîne
de titres qui est importante pour la vente, pour l'hypothèque, c'est
préservé d'une façon très particulière, si
bien que seules les choses enregistrées contre l'immeuble, somme toute,
sont vraiment opposables, si on excepte certains cas de nullité qui
tiennent à l'erreur ou à des vices de consentement qui finissent
par se ratifier lorsqu'on vend, etc. Actuellement, encore une fois, si vous
faites un examen de titres et qu'il n'y a aucune déclaration
enregistrée sur l'immeuble à l'effet que c'est une
résidence, vous faites votre examen de titres et dites que ceux-ci sont
francs et quittes, qu'ils sont clairs, voilà que vous pouvez faire
consentir une valable et bonne première hypothèque, les titres de
propriété sont parfaits. Si, une fois qu'on aura dit cela, on se
fait opposer un défaut de consentement du conjoint dans l'acte de vente,
c'est sûr que le prêteur hypothécaire et l'acquéreur
vont avoir des réticences à prendre le risque d'acheter sans
pouvoir contrôler la question des consentements.
J'ai souvent répété que sur le plan technique
lorsque vous êtes propriétaire d'un immeuble et que vous voulez le
vendre, on peut bien dire: Dites-nous si vous êtes marié ou
célibataire. On est à la merci de la réponse faute d'une
meilleure information. Si la personne dit: Je ne suis pas mariée, alors
qu'elle l'est et qu'elle n'a pas par conséquent obtenu le consentement
de son conjoint -parce que l'acheteur dit: si vous êtes
célibataire, je n'ai pas besoin d'obtenir le consentement de votre
conjoint, donc, j'achète ou je prête - est-ce qu'on voudrait que
cette vente, ce prêt, soit valable sur la simple déclaration du
vendeur? Si on
demande au tiers d'aller plus loin que cela, je me dis qu'est-ce qu'il
va fouiller comme registres pour savoir si vraiment le vendeur est marié
ou non. Les apparences dans notre société ne font pas, même
quand on vit en couple, qu'on est nécessairement marié.
C'est toujours le problème et surtout sur une chaîne de
titres, c'est peut-être encore plus considérable comme
conséquences que dans le cas des biens immobiliers.
M. Fontaine: On indique déjà sur les contrats que
la partie est mariée avec...
M. Bédard: Oui, sauf qu'à l'heure actuelle, on a le
pouvoir de disposer des immeubles. La femme ou l'homme marié, sous la
société d'acquêts comme sous la séparation de biens,
peut vendre son bien sans consentement. Il n'y a plus d'incapacité qui
découle pour l'épouse ou pour le mari, en ce qui concerne la
société d'acquêts ou la séparation de biens, de
sorte qu'il n'y a pas de problème, qu'ils nous disent ce qu'ils
voudront. En d'autres termes qu'ils disent qu'ils sont mariés ou non,
cela n'a pas beaucoup d'effet puisque, de toute façon, il n'y a pas de
consentement à obtenir dans aucun des cas. Tandis que dans le cas du
régime impératif de la résidence, il est certain que si on
accroche la nullité, cela a cet effet. Je sais que dans certains pays
-pour rapporter juste un élément de droit comparé - la
règle est aussi automatique que celle à laquelle vous avez
peut-être pensé, si on peut penser à la France, en
particulier. Mais, il ne faut pas oublier que dans certains pays, on a des
livrets de famille, on a des identifications de son état et de sa
capacité qu'on traîne sur soi et qu'on doit - non seulement qu'on
peut - assez fréquemment présenter. C'est sur la banque de ces
livrets de famille qui comporte l'état et la capacité que les
tiers peuvent se comporter. Mais chez nous - il faut le reconnaître -
nous avons des registres dispersés à travers le Québec
pour la naissance, pour le mariage ainsi que pour le décès. Nous
n'avons pas de références centralisées pour
l'information.
Alors, il nous restait la publication par voie d'enregistrement. Ce qui
est enregistré sur la chaîne de titres, c'est imposable. Ce qui ne
l'est pas, si on excepte des privilèges - on s'est habitué
à certains privilèges - les taxes municipales et autres; ici, la
résidence, c'est la difficulté technique, j'entends.
Cette centralisation...
M. Fontaine: La solution idéale serait d'être en
mesure de pouvoir être certain que les gens sont mariés ou
pas.
M. Bédard: ...en termes de grand registre, c'est
plutôt au chapitre 1. Alors, à ce moment, la question se
réglera. Cela pourrait permettre plus d'ouverture sur la suggestion qui
a été faite par le député de Nicolet-Yamaska.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine.
Mme LeBlanc-Bantey: Je voulais faire, à peu de chose
près, l'intervention qu'a faite le député de
Nicolet-Yamaska. J'ai écouté la réponse qu'on lui a
fournie. Moi, je veux croire que c'est l'exception que quelqu'un, qui est
marié, prétend qu'il ne l'est pas pour disposer d'une maison,
parce que - je ne sais pas si ma mémoire ou mes informations sont bonnes
- il me semble que quand on vend une maison, on nous demande notre contrat de
mariage. Effectivement, est-ce que j'ai raison de penser cela? Parce que, nous,
nous avons vendu une maison dernièrement et on nous a demandé
notre contrat de mariage.
M. Bédard: Certainement.
M. Blank: Ce notaire avait des anciennes pratiques. C'est
changé depuis 1964. On n'en a pas besoin.
M. Forget: Ce n'est pas obligatoire, mais c'est plus
pratique...
M. Bédard: Tous n'ont pas cette habitude.
Mme LeBlanc-Bantey: En tout cas, c'est un jeune notaire.
M. Bédard: Cela arrive; des jeunes avec des vieilles
habitudes.
Le problème n'était pas que cela ne se demande pas. C'est
la qualité de la réponse qu'on va recevoir. Là, je ne sais
si je pourrais me permettre de vous dire, pour avoir vécu moi-même
une expérience d'acte notarié, où j'ai demandé
à la personne qui vendait - c'était une femme, effectivement
-quel était son état matrimonial. Elle n'a pas bien saisi ce que
je voulais dire. Ma question était un peu technique. Alors, je lui ai
demandé: Est-ce que vous êtes mariée ou célibataire?
Ses hésitations à répondre m'ont permis de croire qu'elle
était mariée. Alors, on a regardé cela d'un peu plus
près. Mais elle avait déclaré, lors de l'achat, qu'elle
était célibataire. Elle était mariée à
l'époque et, là, elle vendait. Donc, il a fallu procéder
par une séparation de corps et toute une procédure...
Mme LeBlanc-Bantey: Je ne dirais pas que votre exemple est
pernicieux, mais je le pense quand même. Cela doit être rare que
cela arrive, le cas où c'est la femme qui vend l'immeuble et qui se dit
célibataire.
Je vais juste continuer ma pensée et dire que cet article vise
à protéger le
conjoint, encore une fois, le conjoint qui voudrait disposer d'une
résidence familiale, sans son consentement. Le consentement n'est pas
obligatoire. Comme l'a souligné le député de
Nicolet-Yamaska, il y a probablement encore beaucoup de couples qui
hésiteront à exiger une déclaration de résidence
familiale, la preuve étant que, mon mari, à qui je disais cette
semaine: La maison est à mon nom. Il va falloir que tu fasses une
déclaration de résidence familiale. Il a dit: Tu es
complètement folle. Pourquoi je ferais cela; je te fais confiance.
M. Bédard: Cela ne vous empêchera pas de le
faire.
Mme LeBlanc-Bantey: II ne pourra pas m'empêcher de vendre
ma maison après quatre ou cinq ans...
M. Bédard: On a parlé de beaux principes:
égalité, responsabilité. À un moment, cela va se
traduire dans des attitudes et des réticences qui vont aller en
diminuant. Sinon, ces mots ne veulent rien dire. Mais, je suis convaincu
qu'aujourd'hui, il peut y avoir des échanges aux termes de la
réclamation des droits d'une femme par rapport à l'époux
qui ne font même plus l'objet d'une discussion, encore moins d'une
altercation qui, peut-être, il y a dix ou quinze ans aurait fait dresser
les cheveux sur la tête du mari. Il faut espérer qu'il y a des
mentalités qui changent. (16 heures)
M. Fontaine: M. le Président...
M. Bédard: II y a quand même le sujet...
Mme Leblanc-Bantey: Je ne sais pas, je trouve que c'est dommage
que vous ne reteniez pas la suggestion du député de
Nicolet-Yamaska, à l'effet de la présomption, pour la
résidence familiale.
M. Bédard: Écoutez, il y a le coeur et la
raison.
M. Fontaine: Si vous me permettiez...
Le Président (M. Laberge): Là-dessus, le
député de Saint-Laurent a un commentaire ou une question
additionnelle.
M. Forget: Je vais changer un peu... si le député a
l'intention de revenir spécifiquement là-dessus, parce que je
voulais revenir à ma question d'il y a quarante minutes.
Le Présidente (M. Laberge): Avant que vous l'oubliiez.
M. Fontaine: J'aurais seulement une suggestion à
faire.
M. Forget: Moi, je ne l'oublierai pas.
M. Fontaine: M. le Président, si on considère que
la solution, par exemple, qui est appliquée en France est
peut-être la solution idéale à l'effet qu'il y a une
présomption et que là-bas, il n'y a pas de problème
d'identification, si on dit que la solution de la présomption est la
meilleure solution, on pourrait peut-être penser à régler
le problème d'une façon différente. En établissant
une présomption de résidence lorsqu'on établit l'acte, le
notaire demande à la personne qui vend ou qui accorde une
hypothèque sur son immeuble, si elle est mariée ou pas et si on
attache une sanction à sa réponse en lui disant: Si vous nous
répondez faussement être célibataire alors que vous
êtes mariée, ça pourra amener la nullité de l'acte.
À ce moment-là, on règlerait le problème.
Pour tous ceux qui voudraient faire des fausses déclarations,
l'acte serait déclaré tout simplement nul, il n'aurait pas
intérêt à le faire, à ce moment-là.
M. Blank: S'il prend l'argent...
M. Bédard: Le problème n'est pas au niveau du
vendeur, il est au niveau de l'acheteur. Si le gars a décidé de
tromper...
M. Blank: Le gars qui vend la maison, il s'en va au Brésil
avec l'argent.
Le Président (M. Laberge): Votre question, M. le
député de Saint-Laurent?
M. Forget: Je vais la répéter.
Le Président (M. Laberge): Je lui cède la
parole.
M. Forget: Tout à l'heure, j'ai indiqué qu'il
serait peut-être intéressant de voir les deux articles ensemble,
parce qu'ils visent le même problème qu'ils tranchent par des
moyens différents. Ma question était de savoir quel était
véritablement le désavantage, étant donné
l'objectif visé de généraliser à tous les cas de
maisons de plus d'un logement, la disposition prévue dans les cas de
cinq logements ou plus et qui consiste, non pas à annuler l'acte de
vente, mais à céder un droit d'occupation à titre de
locataire.
N'oublions pas une chose, c'est que l'objectif visé, me
semble-t-il, à moins qu'on ne soit pas d'accord là-dessus, c'est
d'assurer la continuité du cadre physique de vie pour la famille. On ne
vise pas, par le même geste ou la même protection de la
résidence familiale, à régler tous les
problèmes
patrimoniaux dans une famille qui connaît des difficultés.
C'est bien sûr qu'il y a d'autres éléments d'actifs et de
passifs qui vont devoir être clarifiés, parce qu'il est bien clair
que ce genre de problèmes va se poser dans les semaines ou dans les mois
qui précèdent une séparation de corps et plus souvent, un
divorce.
Donc, de dire que l'annulation de la vente restaure les parties dans
l'état patrimonial où elles étaient, pendant le mariage,
c'est vrai, mais ça n'est qu'une partie de la solution du
problème des partages des patrimoines ou des compensations qui doivent
se faire. Le seul but véritable de la protection de la résidence
familiale, c'est d'assurer la continuité du cadre de vie physique, pour
le bénéfice des enfants, pour le bénéfice du
conjoint abandonné, etc.
Il me semble que la solution qui est retenue dans le cas des
résidences qui se situent dans des édifices où il y a plus
de cinq logements, évite...
M. Bédard: Cela va dans le sens...
M. Forget: Cela va dans le sens, mais si cette solution est
valable pour ces logements et pour une partie de la population qui n'est pas
négligeable dans les villes, malgré tout, qui vit de plus en plus
dans des habitations collectives, elle doit être également valable
pour tous les autres cas, sauf l'habitation unifamiliale où je
conçois qu'il y a peut-être un problème différent,
encore qu'on puisse en douter, mais dans ce cas l'acheteur va être
ordinairement l'occupant, alors ça pose des problèmes un peu plus
aigus. Il me semble que si on faisait ça, c'est-à-dire appliquer
la même solution pour tout le monde, d'abord on simplifierait le Code
civil, on applique la même règle pour tout le monde. C'est un peu
odieux de faire, du genre d'édifices dans lesquels les gens vivent, un
facteur dans le degré ou la qualité ou la nature de la protection
de la résidence familiale. C'est un petit peu odieux en principe, si on
veut protéger le plus possible toutes les familles de la même
façon.
En plus de ça on se trouve à régler le
problème qui a été soulevé
précédemment, le cas où un édifice qui est
loué ou détenu en propriété est utilisé en
partie pour des fins professionnelles parce qu'il est clair que la partie du
local, si elle est physiquement séparable, isolable du reste qui est
utilisé pour les fins de résidence, peut recevoir le même
traitement à ce moment-là, une obligation de détenir
à bail et c'est une solution plus élégante sur le plan
juridique, c'est-à-dire qu'elle s'applique à un plus grand nombre
de cas. Il n'est pas nécessaire de se poser des questions à
savoir dans quelle catégorie ça tombe. Cela évite le
problème de nullité de la vente qui est un problème pour
les tiers.
II me semble que si elle est satisfaisante pour un groupe elle doit
avoir été jugée satisfaisante pour les groupes de cinq
logements et plus. Si le ministre l'a prise à son compte, elle doit
être également satisfaisante pour ceux qui vivent dans des maisons
plus petites, des édifices plus petits.
Je pose au moins la question, il y a peut-être des choses qu'on ne
voit pas...
M. Bédard: Je pense que vous avez bien employé
l'expression, on en est sur l'objectif principal qui est d'assurer la
sécurité de la résidence familiale. Le mot clé
c'est "sécurité". Il est clair qu'il y a une différence
entre les deux articles au niveau de la sécurité qui est
donnée quand c'est plus de cinq logements parce que là, on parle
de droit de location, par rapport à moins de cinq logements où la
propriété même est en question.
M. Forget: Quoique la sécurité du locataire, avec
les règles actuelles quant à la continuité du droit
d'occupation du locataire, est presque équivalente au droit de
propriété.
M. Bédard: Votre réflexion rejoint et explicite
qu'on discute bien de la bonne chose qui est la sécurité. Si vous
me dites que si on en vient à la conclusion qu'avec les règles
qui existent maintenant, au niveau de la location, c'est presque aussi
sécure que la propriété, on pourrait peut-être
envisager d'aller dans le sens de ce que dit la Chambre des notaires, j'en
conviens. Je ne suis pas un expert, mais il me semble qu'à
première vue il y a une différence d'intensité au niveau
de la sécurité entre les deux situations.
Sur l'analyse de plus ou moins de sécurité, on me fait
remarquer - je l'avais oublié - un exemple bien simple; dans le cas de
plus de cinq logements, ça voudrait dire que lorsque le
propriétaire désire occuper ces lieux pour les membres de sa
famille, à ce moment-là, il peut le faire. Tandis que dans le cas
de moins de cinq logements, il ne peut pas le faire.
M. Forget: Mais c'est seulement après la fin du bail.
M. Bédard: Mais oui.
M. Forget: Jusqu'où veut-on aller protéger la
continuité d'un cadre physique pour une famille?
M. Bédard: Oui, est-ce que c'est pour les siècles
à venir ou ...
M. Forget: On ne peut pas créer un
régime juridique entièrement différent pour ces
familles seulement qui connaissent un divorce, parce que, en somme, la famille
à côté, qui elle, n'a pas connu de difficultés, n'a
pas divorcé, peut se faire évincer par le propriétaire qui
veut y loger son fils ou sa fille ou qui veut s'y loger lui-même. Si on
croyait que le principe de la continuité du cadre physique est un
absolu, il faudrait même interdire au propriétaire
d'évincer qui que ce soit dans le fond...
M. Bédard: Je pense que la problématique est bien
posée.
M. Blank: On va le suspendre et on va y penser durant la fin de
semaine.
Le Président (M. Laberge): Les deux? M. Bédard:
Oui, je préférerais.
Le Président (M. Laberge): Article 453...
M. Bédard: II faut remarquer qu'on suspend, jusqu'à
maintenant, quelques articles. Je pars du principe qu'on suspend lorsque la
discussion est terminée. À un moment donné, il faut bien
prendre une décision dans un sens ou dans l'autre. On ne suspend pas
pour reprendre toute la discussion.
M. Fontaine: C'est pour cela que j'aimerais reprendre la parole
à ce sujet-là.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Ma réflexion n'est pas terminée
là-dessus. Tenir pour acquis qu'on veut faire des lois pour la grande
majorité de la population, je pense bien que, si on regarde la
façon de faire des déclarations, quand il y a des immeubles
à transiger, des droits immobiliers, un grand pourcentage de la
population va, si on lui demandait s'il y a mariage ou pas, nous
répondre la vérité.
Partant de là, si on laisse l'article tel quel, cela veut dire
qu'on légifère pour peut-être 1% de la population; parce
que ce seront seulement les exceptions qui vont se servir de l'article qui vont
être obligés d'aller faire une déclaration, d'enregistrer
un avis qu'il s'agit bien d'une résidence familiale.
Là-dessus, je voudrais vous faire remarquer qu'il y a plusieurs
organismes qui ont fait des représentations dans ce sens-là.
M. Bédard: Essayez de l'approfondir.
M. Fontaine: Les femmes diplômées des
universités, le Barreau, la Commission des services juridiques, le
Comité de la condition féminine du PQ, M. Caparos...
M. Bédard: Je vous ferai remarquer que le Barreau est
d'accord avec la déclaration de résidence.
M. Fontaine: Je n'ai pas parlé du Barreau.
M. Bédard: Oui, vous l'avez mentionné.
M. Fontaine: Je m'excuse. De toute façon, je me dis que si
on allait plutôt vers une présomption, s'il y a des gens qui font
de fausses déclarations, à ce moment-là, qu'on mette des
sanctions et ce gens pourront être poursuivis. Peut-être, dans
certains cas, ce sera aléatoire de les poursuivre, mais au moins on aura
protégé 98% ou 99% de la population qui va respecter les lois,
tandis que là, si on oblige les couples à enregistrer une
déclaration, ils ne le feront pas. Ce n'est pas cela le but visé
par la loi. Ce sera un sujet de discorde entre les époux et ce n'est pas
cela qu'on veut non plus.
Je pense qu'il faut absolument repenser cet article-là pour
essayer de faire en sorte que la population puisse bénéficier de
la protection qu'on veut lui donner.
M. Bédard: Tout en oubliant que le tiers de bonne foi, ce
n'est pas 1% de la population.
M. Forget: Ce sont les autres 50%, n'est-ce pas?
M. Bédard: Ils existent aussi. On va
réévaluer pour voir jusqu'à quel point on peut
déboucher sur une solution qui, d'avance, je le sais, ne peut pas
convenir à tout le monde, parce qu'on ne peut pas être magicien au
point de concilier des idées différentes, mais on va essayer de
trouver le compromis acceptable.
M. Marx: Est-ce que cette présomption existe dans d'autres
juridictions? Par exemple, en Ontario, y a-t-il une présomption? Ou dans
d'autres provinces? Peut-être faut-il examiner ce qu'on fait ailleurs
pour voir si on peut modifier cet article dans le sens suggéré
par le député de Nicolet-Yamaska.
M. Bédard: Tout en ayant le temps de bien analyser
l'ensemble de la situation. Je pense que le député est d'accord
avec moi que, parfois, si on prend seulement une mesure, elle peut exister
ailleurs, mais le contexte peut être bien différent.
Tout à l'heure, on donnait l'exemple de la France. La France a
accepté cela, mais parce qu'il y avait un ensemble
d'éléments qui étaient en place, lesquels
éléments ne le
sont pas ici.
M. Marx: C'est pourquoi j'ai choisi l'Ontario, même s'il
n'a pas un système de droit civil.
M. Bédard: C'est cela. Ce n'est pas parce que c'est un
système de "common law" qu'on ne peut pas trouver des similitudes. (16 h
15)
M. Fontaine: Concernant les tiers, je ne pense pas que les
compagnies prêteuses, par exemple, au niveau des prêts
hypothécaires, vont tellement changer leur attitude. Même si elles
savent qu'il y aura peut-être 1% de la population qui va faire des
fausses déclarations, elles vont quand même continuer à
prêter sur les immeubles. Ce sont des risques qu'elles vont avoir
à assumer un peu plus, mais je ne pense pas que ça dérange
grand-chose dans ce commerce.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Bédard: ...
M. Lacoste: Je comprends l'argumentation du député
de Nicolet-Yamaska. Il a quand même comme principe, je pense, comme il le
dit, de protéger la résidence familiale. Je pense qu'on doit
partir de là et essayer de formuler pour essayer de rejoindre une grande
partie des gens. Je prends seulement l'exemple de la déclaration: C'est
à moi la maison actuellement, et comme c'est souvent le cas, c'est la
grande majorité des hommes qui ont les maisons...
Mme Lavoie-Roux: Non.
M. Forget: Jamais de la vie.
M. Lacoste: Non? En tout cas, souvent. Et d'arriver demain pour
offrir à mon épouse: Est-ce qu'on va aller signer une
déclaration de résidence? Bon!
M. Bédard: Je serais curieux de voir les statistiques de
ce côté-là.
M. Lacoste: Oui.
M. Bédard: Pour se préserver...
M. Lacoste: Oui, parfois, c'est pour se préserver.
M. Bédard: Je ne veux pas analyser les motifs, mais...
Mme LeBlanc-Bantey: On n'a pas d'objection à
protéger l'homme si c'est le contraire. Il s'agit des droits des
conjoints... M. Bédard: Oui, cela revient à dire...
Mme LeBlanc-Bantey: ...ou de la famille.
M. Bédard: ...qu'il faut le penser pour tout le monde.
M. Lacoste: En tout cas, en dehors de l'homme et la femme, je
pense que c'est protéger la résidence familiale.
M. Bédard: Là-dessus, on ne se trompe pas.
M. Forget: M. le Président, j'ai un point technique
à soulever...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ...qui nous amène sur un terrain très
différent. Cela va peut-être être très court, on a
peut-être des réponses à ça. On parle du
propriétaire. Il y a un phénomène qui est en
développement rapide, celui de la copropriété ou du mode
coopératif de propriété. Est-ce que le mot
"propriétaire" a une acception suffisamment large dans l'article en
question pour viser la copropriété et la propriété
coopérative; et jusqu'où cela nous amène-t-il dans la
gestion d'immeubles qui sont en copropriété ou en
propriété coopérative? Par exemple, si une
coopérative, propriétaire d'édifices résidentiels
collectifs, consent une hypothèque, il y a un conseil d'administration
et est-ce que les décisions du conseil d'administration, dans un certain
sens, vont devoir être approuvées par les conjoints des membres
mariés qui sont membres de la coopérative ou est-ce, comme c'est
le conseil de la corporation, c'est une personne morale et que ça
s'arrête là? De la même façon, une corporation qui
administre un condominium va-t-elle pouvoir obtenir une hypothèque pour
financer les travaux dans les espaces communs sans l'autorisation des conjoints
qui sont nominalement les propriétaires des part indivises?
M. Bédard: Une réponse partielle. Il nous
apparaît que le conseil de propriété au Code civil, tel que
défini à l'article 583, où on dit que la
propriété s'acquiert, ce concept de propriété
entendu dans un sens très général englobe ce qu'on peut
appeler par la suite dans le Code civil la copropriété des
immeubles bâtis ou entre guillemets "condominiums", ce qui est plus connu
peut-être comme expression où la copropriété est
indivise. Là-dessus, au point de vue d'une interprétation de type
de droit civil, donc, de principe, il n'y a pas d'inquiétude que le
concept de propriété englobe celui de
copropriété indivise classique ou de copropriété
des immeubles bâtis puisqu'on utilise toujours ce même langage.
Pour ce qui est du problème plus particulier, que vous soulevez,
des coopératives, je vous avoue que je ne suis pas préparé
pour y répondre de façon utile et efficace. Je ne sais pas si
Marie-Josée... On pourrait le noter.
M. Forget: Et aussi les conséquences de ce fait-là
sur les gestes posés par les collectivités qui gèrent des
immeubles de ce genre. Est-ce qu'ils doivent retourner à leurs
principaux, en quelque sorte, pour obtenir des mandats? Quand des membres d'une
coopérative votent, par exemple, sur l'acquisition d'un terrain
additionnel ou sur la construction d'une piscine ou Dieu sait quoi, est-ce que
chacun des membres qui votent doit s'assurer que son vote est
contresigné -je ne sais pas comment on appelle cela - par son conjoint?
Cela peut entraîner des charges qui, éventuellement, constituent
une alinéation de droit réel, au moins par personne morale
interposée.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous laissez cela en
suspens?
M. Bédard: Est-ce qu'il y a d'autres interrogations que
d'autres membres pourraient avoir? Une fois l'analyse faite..
M. Marx: Avant de passer à l'article suivant, j'aimerais
soulever un problème. Je ne sais pas si c'est le moment. Je vois ici,
dans cette section du Code civil, qu'on va protéger des conjoints
mariés. Je ne vois aucune protection pour des conjoints qui vivent en
union de fait. Aujourd'hui il y a des unions de fait qui durent plus longtemps
que des mariages.
Je me demande s'il faut prévoir une certaine protection pour des
conjoints qui vivent en union de fait, en ce qui concerne la résidence
familiale.
M. Bédard: C'est un choix qui a été fait de
ne pas réglementer l'union de fait. Je l'ai expliqué dans mon
discours de deuxième lecture. La base de la décision et le
respect de personnes qui ont décidé mutuellement, de
consentement, d'adopter un genre vie, je pense qu'il y a eu plusieurs
représentations dans le sens, justement, de ne pas réglementer le
cas. C'était un choix de vie.
M. Marx: La loi va protéger seulement les gens qui se
marient. Les gens qui ne se marient pas ne seront pas
protégés.
M. Bédard: Ils ont la même protection que tout le
monde. Cependant, comme je vous l'ai dit, on a eu la préoccupation de
faire en sorte qu'ils soient sur le même pied que tout citoyen et on a
fait disparaître certains actes qui étaient nuls, entre concubins.
On a fait disparaître cela. On le verra plus loin, donnations, etc., ce
qui les place sur un pied d'égalité. Et cela n'enlève pas
aussi tous les devoirs par rapport aux enfants. Il y a les enfants auxquels il
faut penser. Plus loin, on aura l'occasion...
M. Marx: Si j'ai bien compris la politique du gouvernement, c'est
de ne pas protéger les unions de fait dans cette section du Code
civil.
M. Bédard: Ce n'est pas de ne pas protéger...
M. Marx: Dans cette section du Code civil.
M. Bédard: ... c'est de ne pas réglementer, ne pas
réglementer l'union de fait en respectant le choix de vie que ces
personnes ont fait.
M. Marx: On peut respecter le choix de vie des personnes
mariées sans les réglementer de cette façon.
M. Bédard: Si c'était si simple que cela, il me
semble qu'on n'aurait pas eu différents groupes qui ont fait des
représentations dans le sens d'aller dans une réglementation
concernant le mariage et qui, en même temps, allaient dans le sens - ce
n'est pas contradictoire - et je pense que le député le
conçoit.
M. Marx: Si je comprends bien, la politique du gouvernement est
de ne pas protéger des gens qui vivent en union de fait, en vertu de
cette section du Code civil? Est-ce que c'est cela?
M. Bédard: À la suite des représentations
faites, la décision est de les laisser libres et de ne pas les
réglementer.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Cela rejoint un peu la préoccupation de
mon collègue de D'Arcy McGee. Je reconnais également avec le
ministre de la Justice qu'il y a eu des représentations faites à
l'effet que les unions de fait soient respectées comme étant un
choix libre.
Il reste quand même que l'une des préoccupations que nous
avons dans toute cette grande discussion d'assurer la continuité de la
résidence familiale, c'est dans un but de protéger les enfants.
Finalement, même si c'était un mariage, s'il
n'y avait en cause que deux conjoints indépendants, la
journée où ils décideraient de divorcer, je pense qu'on
s'en préoccuperait peut-être moins. Mais dans le cas des unions de
fait - j'accepte ce que le ministre a dit et ce qui a été dit ici
en commission parlementaire - pour les enfants, la résidence familiale
ne se trouve pas protégée. Alors, on pourra peut-être me
rétorquer: ce sont les conjoints de fait qui ont fait ce choix libre.
Mais l'esprit de la loi est de protéger les enfants par la
résidence familiale et, là où il y a des enfants, on
l'exclut...
M. Bédard: On ne protège quand même pas les
enfants seulement par la résidence familiale physique.
Mme Lavoie-Roux: Non, mais ça nous semble un des aspects
les plus importants.
M. Bédard: C'est un des moyens; cela rejoint le concept de
famille. C'est pour ça qu'il est très clair, dans le code, que
les enfants ne perdent jamais, quelle que soit la situation, les droits
fondamentaux qu'ils ont par rapport aux parents.
Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, la
résidence familiale, comme lieu de sécurité, ça
n'existe pas ou ça n'existe plus.
M. Bédard: Écoutez, allez-y, j'aimerais bien
ça vous voir...
M. Forget: À moins qu'on ne veuille en faire la
suggestion.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Mme LeBIanc-Bantey: Effectivement, les enfants ne perdent pas
leur droit, comme vous venez de le mentionner, mais à condition que le
père ait fait une reconnaissance de paternité.
M. Bédard: Dans le projet de loi no 89, les enfants
nés en mariage ou hors mariage sont sur un pied d'égalité
même quant à la preuve de leur filiation.
Mme LeBIanc-Bantey: C'est-à-dire en termes pratiques?
M. Bédard: En termes pratiques, on les enregistre à
l'acte de naissance, évidemment, et c'est l'acte de naissance qui fait
foi de leur filiation, à moins que ce ne soit contesté par la
suite, mais il faut partir de quelque part.
Mme LeBIanc-Bantey: Une femme peut décider d'enregistrer
le nom du père, même s'il n'est pas d'accord.
M. Bédard: Oui.
Mme LeBIanc-Bantey: ...du moment qu'il est connu.
M. Bédard: Mais il peut contester, tant qu'il n'y a pas
consolidation avec la possession d'état. Je voulais surtout indiquer,
pour répondre sommairement à votre question, qu'ils sont sur un
pied d'égalité à tous égards, au plan de la preuve
de leur filiation, comme au plan des effets qui découlent de la
filiation et ils sont intégrés dans la famille au complet. Ils
n'ont pas qu'un père et une mère, ils auront dorénavant un
grand-père et une grand-mère et des oncles, des tantes, enfin ils
auront une famille complète, et tous les droits alimentaires et tous les
droits successoraux.
M. Forget: Sauf la résidence familiale. Mme
Lavoie-Roux: M. le Président...
M. Bédard: Vous dites: Sauf la résidence familiale.
Je vous invite, je trouve ça très intéressant que vous en
parliez, parce qu'il est clair qu'on en a discuté avant de prendre une
décision. J'ai écouté avec beaucoup d'attention le
discours - parce qu'il faudrait se comprendre - du chef de l'Opposition
officielle qui a parlé, concernant l'union de fait, de prudence
justifiée du législateur.
M. Marx: Vous suivez toujours les suggestions du chef de
l'Opposition officielle? On a d'autres suggestions à vous donner,
d'autres conseils.
M. Bédard: Non, je ne les suis pas toujours, mais je pense
que vous me comprenez...
Mme Lavoie-Roux: Celles qui font son affaire.
Le Président (M. Laberge): Un à la fois.
M. Bédard: Cette discussion est une large discussion; on
peut l'entreprendre, je suis très ouvert, parce que je suis
arrivé à cette décision après une large
discussion.
Mme Lavoie-Roux: Pas avec le chef de l'Opposition, avant.
M. Bédard: Oui, mais si vous voulez déboucher
là-dessus, allez-y, mais il ne faut pas jouer des deux
côtés.
Mme Lavoie-Roux: Écoutez, je ne demande pas au ministre de
reconnaître les unions de fait...
M. Bédard: Merci, j'en prends note.
Mme Lavoie-Roux: Attendez une minute, laissez-moi finir. Je suis
une parmi douze ici. ...de la même façon que le mariage. Je pense
qu'au point de départ on s'est entendu là-dessus. Mais il reste
qu'une préoccupation ou une des plus grandes préccupations
derrière toute cette législation a été le
bien-être des enfants. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen que le ministre
examine la question de la résidence familiale dans le cas des unions de
fait où il y a des enfants? Quand il n'y en a pas, comme vous dites, ce
sont eux qui ont fait ce choix, mais dans le cas où il y a des enfants,
est-ce...
M. Bédard: Je vais le prendre en note... Mme
Lavoie-Roux: Oui.
M. Bédard: ...et voir si je pourrais arriver à une
argumentation précise et succincte qui puisse répondre mieux.
Mme Lavoie-Roux: Mes collègues si bien renseignés,
peut-être peuvent-ils vous apporter quelque chose, aussi. (16 h 30)
M. Marx: J'aimerais poser une question au ministre.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Bédard: Pour aider à ma réflexion, est-ce
que vous feriez des suggestions? Ou encore réfléchir
peut-être...
M. Forget: Oui, on peut très sommairement suggérer
qu'un article dise que tel article, tel article,tel article, ceux qui disposent
de cette question de la protection de la résidence familiale, valent
également dans le cas des unions de fait où il y a des enfants.
Ce n'est pas exprimé en langage très juridique, mais... On m'a
demandé une suggestion, j'en ai une spontanée.
Mme Lavoie-Roux: ...toujours.
M. Bédard: Une suggestion de rédaction.
M. Forget: Oui, c'est justement une suggestion de
rédaction.
M. Marx: Ce qu'on a suggéré, ce n'est pas de mettre
l'union de fait sur un pied d'égalité avec le mariage comme
institution. Mais il y a des réalités sociales et je pense que le
législateur doit en tenir compte.
J'aimerais, M. le Président, demander au ministre s'il y a des
chiffres, au ministère, en ce qui concerne le pourcentaqe des
Québécois qui vivent en union de fait. Est-ce qu'on a fait des
recherches en ce sens? Ce serait intéressant de savoir combien de
Québécois vivent en union de fait. On aurait des surprises.
M. Bédard: Et de savoir combien de temps...
M. Marx: On ne sait pas qui, souvent on ne connaît pas le
régime des gens qui vivent à côté de nous.
M. Bédard: Vous comprendrez que c'est difficile d'avoir
des statistiques de ce côté, parce qu'il n'y a pas...
M. Forget: Faites un sondage.
M. Bédard: ...d'enregistrement, il faudrait y aller par
sondage, avec toute l'imprécision que ça peut
représenter.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Beauce-Sud, sur les deux mêmes articles?
M. Mathieu: Oui, sur les deux mêmes articles. Il y a une
chose à laquelle il faudrait faire attention. Si on veut protéger
l'union de fait, il faudrait y aller par déclaration de résidence
et non plus par présomption. Que ferait un chercheur de titres... M. X
veut vendre sa maison et, si on y va par présomption, il faut commencer
par faire une recherche; ce n'est pas inscrit au bureau d'enregistrement,
ça, si la personne vit en union de fait, si elle a des enfants. Cela
devient, pour le notaire qui va instrumenter ou pour le chercheur de titres...
Le créancier hypothécaire qui veut une hypothèque sans
vice, comment voulez-vous qu'on lui prouve ça? Cela va devenir
impossible. Si on veut protéger la résidence familiale dans le
cas de l'union de fait, il faut absolument y aller par la déclaration de
résidence, à mon sens. Sans quoi, il n'y a plus de chercheurs de
titres qui pourront faire une recherche...
M. Bédard: Qui pourraient s'y retrouver. D'accord.
Le Président (M. Laberge): Cela reste ouvert.
M. Forget: Un seul dernier point, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Parce qu'il me vient à l'esprit une
possibilité de contourner tous ces articles et je me demande s'il ne
devrait pas y avoir un remède. Un des conjoints propriétaires -
c'est dans le cas de l'hypothèque; peut-être cela a-t-il des
implications ailleurs - qui ne peut pas
obtenir le consentement du conjoint pour vendre, par exemple, pourrait
cependant transférer la propriété de l'édifice
à une compagnie privée dont il est l'unique actionnaire. Il est
possible que cette transaction puisse être présentée
à son conjoint comme ne changeant rien a la situation, dans le fond,
comme étant avantageuse sur le plan fiscal, etc. Il reste qu'une fois la
transaction faite, il est possible au conjoint propriétaire
d'hypothéquer le bien en question. Bien sûr, il devient locataire,
il doit conserver le bail, mais est-ce que ce n'est pas une possibilité
qui est peut-être un peu trop facilement accessible? Il est
peut-être bien difficile de fermer la porte à cette
possibilité.
M. Bédard: ...à une corporation. M. Forget:
...à une corporation.
M. Bédard: Pour faire ce transfert d'immeubles à la
corporation, ça va demander le consentement du conjoint et j'ai compris
que, dans votre exemple, le consentement du conjoint était obtenu.
M. Forget: Oui, mais...
M. Bédard: ...pour éviter la nullité.
M. Forget: C'est une possibilité, mais une autre
possibilité, c'est que l'immeuble soit acquis, originellement...
M. Bédard: Par une corporation.
M. Forget: ...par une corporation. À ce moment-là,
évidemment, tous ces articles sur la propriété ne peuvent
pas empêcher...
M. Bédard: Vous avez raison. À mon point de vue,
c'est toute la notion de personne morale, distincte, des époux. Une
corporation qui possède l'immeuble ne connaît pas de
régimes matrimoniaux ni de régimes impératifs, est libre,
répond à la loi des corporations, mais ne répond pas aux
régimes matrimoniaux des époux, encore moins aux régimes
impératifs du mariage, de sorte que c'est certain que si la corporation
est propriétaire, elle va pouvoir disposer de son immeuble, même
si c'est une corporation "sole", si vous voulez.
M. Forget: Non, il n'y a pas de remède pour ça,
bien sûr.
M. Bédard: Il n'y a peut-être pas de remède,
en tout cas, je n'en ai pas...
M. Forget: II faut peut-être être conscient, dans
l'étude des différents choix, par exemple, de la question de la
restriction, de la nullité, etc. vis-à-vis du bail. Dans le fond,
la position la plus forte n'est pas nécessairement la meilleure si, d'un
autre côté, se développait la tradition ou l'habitude, pour
des gens qui ont un peu d'argent, d'incorporer leur propre, en quelque sorte.
En incorporant leur propre, ils se soustraient à l'effet de ces
dispositions.
Le Président (M. Laberge): Alors, l'article 453 est
suspendu. Article 453.1 est suspendu.
M. Bédard: Est-ce que je dois comprendre que vous voudriez
suggérer des articles pour qu'on puisse, à partir de ça...
ou encore...
On aura du mal à saisir les nuances que vous voulez apporter dans
l'union de fait.
M. Forget: II n'y a pas beaucoup de nuances, vous savez.Nous
avons été d'accord pour éclairer le sens de nos remarques
faites à différents moments. Nous avons dit que nous
étions d'accord avec le ministre pour ne pas considérer sur un
pied d'égalité, de façon générale et
universelle, le mariage et l'union de fait. Je pense que ça va assez de
soi, ça. Par contre, nous avons dit, cette fois-ci et, il me semble,
à d'autres occasions aussi, que l'union de fait devait donner lieu
à des protections de la loi, dans un certain nombre de circonstances
bien déterminées, par exemple, lorsqu'il s'agit des enfants, je
pense qu'ils n'ont pas à être pénalisés à
cause du genre de statut civil qu'ont leurs parents. Vous en tenez compte dans
certaines dispositions, on les a vues d'ailleurs hier soir, c'est
peut-être un autre exemple d'une disposition où, lorsqu'il y a des
enfants, une protection devrait être donnée à l'union de
fait identique à celle qui est donnée dans le cas d'une famille
légale. Il y a d'autres cas que nous verrons subséquemment, que
vous avez déjà prévus.
Notre suggestion était d'examiner la possibilité qu'un
certain nombre de ces articles, ou tous ces articles, ou toute cette section,
je ne sais pas, soient réputés applicables aux unions de fait
lorsqu'il y a des enfants - évidemment pas des enfants de 35 ans,
j'imagine - mineurs ou quelque chose du genre, étant donné qu'il
s'agit là de maintenir, dans leur cas, comme dans le cas des unions
légales, la continuité du cadre physique de la famille, de la
résidence familiale.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: ...l'Office de révision du Code civil a
déjà fait certaines études en ce qui concerne la
protection juridique des unions
de fait, si je me souviens bien. J'ai un projet d'articles qui a
été fait par le professeur François Ellen, il y a quelques
années; j'imagine qu'il y a d'autres projets aussi. Donc, quand vous
aurez toute la documentation, ce sera possible d'écrire un article ou
deux, le cas échéant.
M. Bédard: Je ne voudrais pas minimiser les
difficultés techniques; dans le cas de l'union de fait, il y a un
député, le député de Beauce-Sud, je pense, qui les
a évoquées tout à l'heure. Il y en a au niveau du concept
même d'union de fait. Qui sont les gens qui sont en union de fait, est-ce
qu'on exclut quelqu'un ou est-ce qu'on inclut tout le monde?
Deuxièmement, la preuve de l'union de fait. Contrairement à celle
du mariage qui réfère à un acte administratif, qui est
l'acte de mariage qu'on produit, dans le cas des unions de fait, on peut
produire un jugement qui est valable pour le jour où il est rendu, parce
que la volonté peut changer le lendemain et l'union de fait cesser. Il y
a une chaîne de titres qui est concernée, à laquelle on
faisait allusion tantôt, sur laquelle il faut assurer la validité.
Ayant quand même déjà eu l'occasion d'examiner de plus
près les difficultés techniques par rapport à l'immeuble,
je dois ajouter que l'Office de révision n'a pas proposé de
système de protection en matière de résidence familiale
non plus. Je ne veux pas minimiser cela et je ne sais pas si ce serait
possible, dans un très court laps de temps de bâtir un
régime de protection de la résidence familiale pour l'union de
fait, faute d'étude préparée par l'Office de
révision là-dessus et à cause des nombreuses
difficultés techniques que cela soulève également. Je
voulais juste signaler cela.
On va essayer...
M. Marx: Je comprends les difficultés. Nous sommes ici
pour surmonter un certain nombre de difficultés, même si cela
prend deux ou trois semaines de plus, mais j'aimerais souligner que l'union de
fait est reconnue et protégée dans plusieurs lois
québécoises et fédérales; par exemple, la Loi du
ministère du Revenu, la Loi sur l'aide sociale, etc. La question est de
savoir si on a la volonté politique de protéger l'union de fait
dans certains cas où on va protéger les conjoints mariés
dans le Code civil. C'est vraiment là la question; c'est la
volonté politique de protéger les unions de fait dans certains
cas, comme on l'a fait dans d'autres lois québécoises.
M. Bédard: Ce n'est pas aussi large que ça. Mme
Lavoie-Roux l'a dit tout à l'heure, il faudrait que ça se
comprenne de part et d'autre.
Mme Lavoie-Roux: Moi, ma préoccupation c'est à
l'égard des enfants.
M. Bédard: On a parlé des enfants. M. Marx:
Oui, c'est ça, c'est dans le...
M. Bédard: Ce n'est pas la protection globale de l'union
de fait.
Mme Lavoie-Roux: Parce que quand il y a deux individus qui
décident de...
M. Marx: Non, mais on parle maintenant de la résidence
familiale.
M. Bédard: Ce sont deux choses différentes.
M. Marx: Si on trouve qu'il y a une autre place où il faut
le protéger, on va le soulever, on n'est pas ici pour...
M. Bédard: En tout cas, on va leur demander de se
pencher... Quand on aura le même langage de l'autre côté, je
vais en être très heureux, pour commencer, deuxièmement,
à la suite de la suggestion de Mme Lavoie-Roux, je vais...
M. Marx: Non, mais maintenant on en est à la
résidence familiale. Si on trouve que la protection devrait exister dans
une autre section du Code civil, je pense qu'on devrait être libre de
soulever le point.
M. Bédard: À la suite de la suggestion de la
députée de L'Acadie et dans le sens de ce qu'elle a
exprimé, nous allons voir tout ce que nous pouvons recueillir en termes
de renseignements qui pourraient nous aider à envisager certaines
solutions dans ce sens.
M. Forget: ... de l'office - entre parenthèses - inclut
une définition des époux de fait, le régime de rentes
aussi.
Le Président (M. Laberge): D'accord. M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je veux donner mon opinion là-dessus, si vous
me le permettez. Je pense que, du moment où on a décidé
politiquement de ne pas intervenir, de ne pas légiférer sur
l'union de fait, du point de vue pratique ça devient presque impossible
de le faire pour une circonstance particulière comme celle de la
résidence familiale, parce qu'on n'a pas de définition d'une
union de fait. Si on ne la définit pas, on ne peut pas intervenir pour
dire: Dans telle ou telle circonstance on va la protéger, parce qu'on ne
sait pas ce que c'est.
D'un autre côté, on peut donner une série d'exemples
concernant la résidence familiale. Par exemple, une veuve ayant des
enfants qui va demeurer avec un homme, ça constituerait une union
de fait; elle pourrait enregistrer une déclaration de résidence
familiale sans savoir quand pourrait se terminer cette union.
M. Bédard: Je pense qu'il y a une question qu'on se posera
peut-être - moi, je vais me la poser et la poser également au
leader du gouvernement, peut-être aussi au chef de l'Opposition -
à savoir jusqu'à quel point, au niveau du principe même...
On a bien des latitudes en commision parlementaire, mais on n'a pas la latitude
d'aller...
Mme Lavoie-Roux: Non, je pense qu'on a posé le
problème et on...
M. Bédard: ... au-delà des principes du projet de
loi. C'est pour ça que j'ai dit que je donnerais suite, dans le sens et
la direction indiquée par la députée de L'Acadie, aux
demandes faites.
M. Marx: Si vous vérifiez la transcription, vous allez
voir qu'au début j'ai dit qu'il n'était pas question de mettre
l'union de fait sur un pied d'égalité avec le mariage, mais,
compte tenu de cela, il y a peut-être des possibilités de
protéger l'union de fait en ce qui concerne la résidence
familiale et peut-être en ce qui concerne autre-chose, mais ça,
c'est à voir. (16 h 45)
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Seulement un bref commentaire, M. le
Président. Je pense que dans la protection de la résidence
familiale dans le cas de l'union de fait, cette protection devrait plutôt
venir des conjoints, en ce sens que, lors de l'acquisition de l'immeuble, on
devrait les informer d'acquérir l'immeuble au nom des deux, en
copropriété. Je pense que c'est la protection la plus valable
dans le cas de l'union de fait. Il y aurait peut-être une
publicité quelconque à faire de ce côté.
M. Fontaine: Ne demandez pas au gouvernement de faire de la
publicité, il va en faire.
Le Président (M. Laberge): Sur ce...
M. Bédard: Dans le cadre de ce que nous avons dit, par
rapport aux interrogations posées, en tenant pour acquis que la
discussion est rendue pas mal à son terme, nous allons supendre
l'article 453 et l'article 453.1.
Le Président (M. Laberge): 453.1, c'est ça. Ces
deux articles étant suspendus, j'appelle l'article 454, auquel on nous
demande d'ajouter un deuxième alinéa. Le premier se lit: "La
déclaration de résidence est faite par les époux ou l'un
deux"; le deuxième alinéa se lit: "Lorsqu'elle est faite par le
conjoint de l'époux, propriétaire de la résidence, il
doit, sans délai, en donner avis à ce dernier."
Est-ce que l'amendement sera adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'amendement est adopté.
Donc, l'article 454 amendé... Est-ce qu'il y a des questions? Un
commentaire, vous avez le droit.
Mme LeBlanc-Bantey: Je ne vois pas pourquoi la
nécessité revient au conjoint d'aviser l'autre conjoint,
ça pourrait être fait simplement par le registrateur.
M. Bédard: Je ne crois pas qu'on doive donner à un
officier public...
Mme Lavoie-Roux: II faut quand même qu'à un moment
donné, les gens prennent leurs responsabilités.
M. Bédard: II faut toujours bien qu'il y en ait qui
prennent des responsabilités.
M. Forget: II ne faut pas se faire des surprises.
M. Bédard: Je ne pense pas qu'on puisse indiquer à
l'avance des responsabilités qui peuvent aller jusqu'à des
dommages et intérêts à des officiers publics.
M. Marx: Dans beaucoup de familles, ce serait peut-être la
raison pour divorcer. Un époux va dire à l'autre: Si vous l'avez
enregistré, ça veut dire que vous n'avez pas de conflit
ensemble.
M. Bédard: Au niveau de l'article 455. Mme
LeBlanc-Bantey: ...indissolubilité.
Mme Lavoie-Roux: ... un test d'indissolubilité.
Le Président (M. Laberge): Vous avez encore le droit,
parce qu'il n'est pas encore adopté. Je n'ai pas prononcé les
paroles fatidiques.
M. Mathieu: J'aurais certaines interrogations...
M. Bédard: On s'est permis une certaine latitude.
M. Mathieu: On sait que c'est une déclaration qui est
très importante, très
lourde de conséquence, si on veut qu'elle soit valable. Ici, on
ne prévoit pas dans quelle forme elle sera faite. Est-ce que ce sera un
acte sous seing privé signé devant témoins? Vous savez, il
y a des gens, j'en ai fait un peu état dans mon exposé...
M. Bédard: En forme notariée ou fait devant un
avocat.
M. Mathieu: Oui, même chose, mais l'avocat va avoir moins
de facilité lorsque viendra le temps de chercher la désignation
cadastrale. Vous savez que, dans nos petits villages, vous avez parfois 100
propriétés qui sont sur le même numéro de lot, ce
que vous n'avez pas en ville, évidemment. Il y a beaucoup de gens qui
transigent avec des petits papiers entre eux, sous seing privé; je n'ai
rien contre ça, parce que ça donne de l'ouvrage aux avocats.
Mme Lavoie-Roux: Cela en enlève aux notaires.
M. Mathieu: Cela en enlève aux notaires, mais ça en
donne aux avocats.
M. Bédard: C'est pour ça que je disais, par un
avocat ou par un notaire.
M. Mathieu: Souvent, les gens, de bonne foi, font des
transactions entre eux, ils viennent pour enregistrer ça, ce n'est
même pas de forme enregistrable; il y a toutes de sortes de techniques et
de règles pour l'enregistrement qui sont très précises.
Alors, il faudrait que ce soit un acte, qu'on prévoie la forme pour que
l'acte veuille dire quelque chose. C'est bien beau de dire: Va enregistrer
ça; c'est quoi, ton numéro de lot? Le gars sort son reçu
de taxe municipale, c'est 451. Sauf tout le respect que je dois aux
secrétaires municipaux, dans 50% des cas, ils n'ont pas le bon
numéro de lots dans leur registre, il ne faut pas se fier à
ça.
M. Bédard: Entre se tromper sur un lot et sur une maison,
un numéro, je pense qu'il y a le sens commun de choses qui fait que, si
on déclare que la résidence familiale est dans tel immeuble,
à tel numéro de rue...
M. Mathieu: M. le ministre...
M. Bédard: ... je pense qu'on n'est pas obligé de
donner tous les tenants et aboutissants et je ne crois pas que, sur ce plan, on
aiderait en apportant un formalisme qui, à mon sens, est inspiré
d'une bonne intention, je n'en doute d'aucune façon, mais qui me semble
vraiment trop lourd.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: II n'y a rien de plus rigide que nos règles de
possession, vous savez. Mettons qu'un individu dit: Voici, je fais ma
déclaration de résidence à 51, rue Notre-Dame. Quand cela
va arriver à l'index aux immeubles au bureau d'enregistrement, ça
ne marche pas par numéro de rue, ça marche par numéro
cadastral de lot. Qu'est-ce que le registrateur va être capable de faire
avec ça? Absolument rien, sinon le retourner et dire: Je ne peux pas
accepter ça ici. Il n'y a pas de relation au bureau d'enregistrement
entre le numéro civique et le numéro cadastral. La tenure est
basée sur le numéro cadastral. C'est très important. Si
quelqu'un fait une déclaration contre le numéro 51, rue
Notre-Dame, telle ville, ça ne veut dire absolument rien. C'est
absolument nul.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je voudrais...
M. Bédard: À ce moment-là, il sera loisible
à la personne, si elle veut aller chez le notaire, d'y aller.
Le Président (M. Laberge): Pour plus de
sécurité. Votre remarque est enregistrée. M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Premièrement, je voudrais dire que, si on
adopte la solution que j'ai proposée, c'est-à-dire que ce soit
une présomption plutôt qu'un avis d'enregistrement, à ce
moment-là on n'a pas tous ces problèmes-là; on n'a pas
besoin d'envoyer d'avis, rien de tout cela. Ça règle le
problème.
M. Bédard: On va le noter. C'est plus facile de le biffer
après que de le réécrire.
M. Fontaine: Si, par contre, on opte pour cette façon de
procéder, il faudrait quand même, comme le disait mon
collègue de Beauce-Sud, prévoir au moins que ledit avis serait un
avis écrit. Deuxièmement, il faudrait peut-être...
M. Bédard: À ce qu'on me dit, M. le
député, c'est déjà prévu par les lois de
l'enregistrement. Je m'excuse, j'aurais peut-être dû le dire.
M. Fontaine: Pardon?
M. Bédard: C'est déjà prévu par les
lois de l'enregistrement. L'article 2133...
M. Fontaine: Oui, mais ce qu'on a ajouté comme amendement,
c'est d'obliger l'un des conjoints qui fait l'enregistrement à donner un
avis à l'autre conjoint. On ne dit pas sous quelle forme cet
avis-là doit être
fait. Le Barreau suggère qu'il soit signifié.
M, Blank: Je crois que cet avis doit être donné au
bureau d'enregistrement aussi.
M. Marx: Je trouve qu'on tombe dans des complications et je pense
que c'est à revoir si le ministre veut bien prendre quelques minutes
pour cela peut-être, toute cette question d'enregistrement et de
préavis, toute cette question d'avis, je dirais.
M. Bédard: Non, là-dessus, je pense que la
discussion a été faite et chacun y a amené sa contribution
personnelle au niveau des interrogations.
M. Fontaine: Je pense qu'on devrait prévoir aussi de
prouver au bureau d'enregistrement que l'avis a été donné
au conjoint.
M. Bédard: Si vous me le permettez, sur cette question
à la fois de la déclaration de résidence qu'il faut
distinguer de l'avis à donner à l'autre conjoint. Nous avons
examiné assez soigneusement cette question de la déclaration de
résidence. Certains impératifs de la loi ont pu nous
échapper, il s'agira donc d'en tenir compte et de modifier. L'article
2131 nous indique comment on enregistre un document, par bordereau, par
dépôt. Donc, il y a toujours un écrit. Ce n'est pas
répété ici, mais c'est déjà le régime
général de l'enregistrement des actes. Tout est
déjà prévu, la forme, le format, le papier. Il faut se
conformer, en d'autres termes, aux exigences habituelles pour enregistrer des
actes.
L'article 453 parle d'une déclaration qui doit être
enregistrée contre l'immeuble. Tout ce qui s'enregistre contre
l'immeuble suppose que la déclaration comporte la description de
l'immeuble, selon la description habituelle. On la prend dans l'acte d'achat de
l'immeuble. En pratique, des gens voient des notaires pour faire les actes de
vente, peut-être aussi continueront-ils en pratique à voir les
notaires pour les déclarations de résidence puisque ces choses
sont assez liées. Là-dessus, il y a tout le régime
également de radiation, de ce qui est enregistré sans droit,
etc., qui est prévu par les dispositions. Je pense que le dessin, autant
que possible, a été fait au complet.
Par ailleurs, la dénonciation au conjoint que l'on a
procédé à l'enregistrement de la déclaration de
résidence, l'idée de la faire sans trop de formalisme, c'est pour
rendre le plus possible efficace la protection de la résidence en
donnant cet avis. On peut bien exiger un formalisme plus grand, mais ce
formalisme de l'avis n'est pas lié à la validité de la
déclaration de résidence en même temps, parce que si elle
est liée à la validité de la déclaration de
résidence, cela va être assez complexe tantôt pour le
registrateur et pour l'examinateur de titres. Il n'y a plus personne qui va
savoir facilement où se situe la légalité et où se
situe l'illégalité.
Il paraissait raisonnable, dans l'amendement proposé - au point
de vue de la stricte technique tout le temps - que si on a
procédé valablement à l'enregistrement d'une
déclaration de résidence, on en prévienne, d'une
manière ou de l'autre, son conjoint. Si cet avis n'est pas donné,
cela ne débouche pas sur une nullité vis-à-vis du
tiers.
M. Fontaine: Pourquoi le mettre, d'abord?
M. Bédard: C'est pour aviser le conjoint qu'il y a eu
enregistrement d'une déclaration de résidence...
M. Fontaine: Ou bien...
M. Bédard: ...de façon que s'il trouve qu'elle est
injustement faite il puisse en demander le retrait.
M. Fontaine: ...on dit: II faut donner un avis et donner une
sanction avec cet avis. Vous me dites: II faut donner un avis, mais si on ne le
donne pas, cela ne fait rien. Alors, cela ne donne pas grand-chose de mettre
cela dans la loi.
M. Bédard: Je parle toujours vis-à-vis du tiers
acquéreur.
M. Blank: Pensez-vous à ce qu'une situation semblable peut
faire dans la famille? Un conjoint enregistre une déclaration et ne
donne pas d'avis. L'autre va vendre ou hypothéquer la
propriété. À ce moment-là, il découvre que
le conjoint a fait un enregistrement. Pensez-vous que la vie familiale va
être bonne ce soir-là?
M. Bédard: À ce moment, prenez votre raisonnement
et mettez-le n'importe où. Je pense que c'est entre personnes...
M. Blank: Non, c'est très facile, comme le Barreau le dit.
On doit donner la preuve de signification et la déclaration en
même temps, avant de déposer la déclaration. Cela
règle l'affaire.
M. Bédard: Là-dessus, je suis loin d'être
convaincu, parce qu'on ajoute indûment au formalisme. Ensuite, il ne faut
pas, si on entre dans toute cette technique de la manière de faire la
dénonciation, qu'on en arrive à une sorte
d'insécurité de la validité d'un acte qui est tout
à fait normal. On ne doit pas - juste pour la manière de la
signifier à son conjoint - mettre en danger
sa validité. Il ne faut pas multiplier les procédures. Ce
ne serait plus vivable.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Fontaine: Enlevez-le complètement; on n'a pas besoin de
donner d'avis au conjoint.
M. Forget: M. le Président, j'écoute depuis un
certain temps les difficultés réelles soulevées par le
député de Beauce-Sud et par le député de
Nicolet-Yamaska. Une série de difficultés a trait au
problème de la désignation. Moins on veut de formalisme, plus les
possibilités d'erreurs de désignation sont considérables
et, donc, d'inefficacité de la déclaration. Si la
désignation est incorrecte, même si quelqu'un essaie de faire la
désignation en fonction du cadastre et se trompe, et si le registrateur
inscrit la déclaration au nom de la mauvaise propriété et
si, par la suite, il y a une vente ou une alinéation de l'immeuble,
parce que la déclaration est enregistrée sur la mauvaise page du
cadastre, il reste que c'est comme s'il n'y avait pas eu de
déclaration.
Donc, il y a un problème de désignation, et pour le
résoudre, dans le cadre actuel, il faudrait aller vers quelque chose de
notarié et de très formel. Le ministre dit: Les parties devraient
avoir recours au notaire. Oui, bien sûr, c'est une solution, mais ce
n'est pas une solution parfaite. (17 heures)
L'autre problème, c'est le problème de la signification.
Je pense qu'on s'entend pour dire qu'il est souhaitable que l'autre conjoint
soit saisi de la déclaration, mais il y a les problèmes de
preuve, les problèmes de façon, de moments. Je ne sais pas si
l'alternative a été examinée, mais il me semble que le
problème qu'on veut solutionner, c'est un problème qui est
virtuel dans tous les ménages, dans ce sens que ce n'est quand
même pas tout le monde à qui il arrive de se faire expulser de la
résidence familiale par son conjoint. Cela risque d'arriver à un
moment de crise dans les relations conjugales. Si les choses en sont venues
là, on peut présumer qu'elles sont concomitantes avec une demande
de divorce ou vont précéder de peu une demande de divorce ou au
moins de séparation de corps. Est-ce qu'il ne serait pas possible
d'envisager que la procédure de déclaration soit remplacée
par une espèce de requête préalable, une procédure
devant le tribunal de la famille à venir qui permettrait au conjoint non
propriétaire de demander à la cour de justement préserver
ses droits par une ordonnance qui serait enregistrée à ce moment?
L'ordonnance émanant de la cour, il n'y aurait pas le problème de
désignation, on pourrait désigner les immeubles avec toute la
précision voulue.
Je pense qu'un tribunal peut s'assurer de cela. D'ailleurs, un avocat
sera nécessairement impliqué à ce moment. La signification
aussi serait signifiée, comme n'importe quelle procédure
judiciaire. On irait en cour de pratique; en quelque sorte ce serait une des
choses préalables à l'intervention du tribunal parce que c'est
assez évident qu'en pratique il y a bien peu de gens qui vont, me
semble-t-il - peut-être que je me trompe - aller faire des
déclarations vis-à-vis de leur conjoint propriétaire. Moi,
je ne suis pas propriétaire de ma résidence familiale, c'est ma
femme qui l'est, et il ne me viendrait jamais à l'esprit - je suis
peut-être complètement déviant de de ce côté -
d'enregistrer une déclaration de résidence familiale dans
l'état actuel des choses. Si j'en viens là, c'est que j'aurai
porté un jugement que le divorce est la prochaine étape. Il me
semble que tout le monde va réagir comme cela. Peut-être que je me
trompe. À ce moment, plutôt que d'avoir tout cela, j'aimerais
mieux dire: On peut aller en cour de pratique et dire au tribunal:
Écoutez, on sent que les choses se gâtent, on est en train de
préparer une requête de divorce, plaise au tribunal de rendre une
ordonnance qui sera enregistrée par le registrateur et qui
empêchera le conjoint de me prendre subitement par surprise, de vendre la
résidence familiale, de la vider de son contenu, etc.
Est-ce que cela ne serait pas plus approprié? On réglerait
un certain nombre de problèmes, me semble-t-il.
M. Bédard: Je pense qu'on risquerait d'en créer
d'autres. Si on pense à la famille, les procédures pour le
divorce, il ne faut pas trop les multiplier.
Mme LeBIanc-Bantey: La présomption. Cela règle tout
cela.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que...
M. Bédard: On voit que cela n'est pas facile.
Le Président (M. Laberge): Quelle est la volonté de
la commission à propos de l'article 454?
M. Bédard: Cela va pour l'article 454.
Le Président (M. Laberge): D'accord. L'article 454 est
adopté avec amendement. Article 455.
M. Forget: Sur division.
M. Bédard: Laissons-le ouvert en attendant la
présomption.
M. Marx: Si on accepte la présomption, ce ne sera pas
nécessaire d'avoir cet article.
M. Fontaine: Avec ce que vient de dire le député de
Saint-Laurent, cela veut dire qu'en fin de compte l'avis de résidence
familiale on va l'utiliser seulement lorsqu'il y a des procédures de
divorce ou de séparation; on ne pourra plus l'utiliser dans une autre
période que celle-là. Le divorce va venir automatiquement
après. Si on est obligé d'aller devant le tribunal avec une
requête pour faire une déclaration de résidence, c'est
là que les problèmes vont commencer. Déjà...
M. Forget: Comme dans bien des cas où on va devant les
tribunaux.
M. Fontaine: Ce n'est pas cela le but qu'on vise. Le but, c'est
une protection de la résidence familiale.
M. Bédard: C'est de trouver le moyen que deux personnes
matures, au moment où cela va très bien dans un mariage, que
l'une et l'autre, parce que c'est l'une et l'autre, puissent prendre certaines
précautions en ne pensant pas seulement à elles, mais en pensant
aux enfants aussi. Je ne pense pas qu'on doive penser à des formules qui
s'appliquent lorsque tout va mal dans le ménage, mais plutôt
à des formules pour quand tout va bien.
M. Marx: Si tout va bien, on n'en a pas besoin.
M. Bédard: Même si ça va bien, personne ne
pouvant prévoir l'avenir, ça n'empêche pas de prendre des
garanties tout à fait normales. D'ailleurs, c'est ça, l'esprit de
la résidence familiale.
M. Marx: Quand ça va bien, c'est une chose ou l'autre,
soit qu'on n'enregistre pas la résidence familiale. Si ça va
bien, pourquoi l'enregistrerait-on? Si on le fait, ça pourrait mal
aller! L'un des conjoints pourrait dire à l'autre: Tu n'as pas confiance
en moi, etc.
Est-ce qu'on veut, oui ou non, protéger les deux conjoints dans
le cas d'une résidence familiale? Si on veut vraiment les
protéger, qu'on accepte l'amendement du député de
Nicolet-Yamaska voulant qu'il y ait présomption. Cela couvre tout, il
n'y a pas de bureaucratie nécessaire pour approuver des documents et en
envoyer d'autres; ça finît là, il y a présomption.
Si on veut prévoir l'enregistrement des avis, etc., je pense que
ça va causer plus de difficultés qu'on ne pense.
M. Bédard: Et on n'étudie pas en profondeur les
effets sur les tiers. Je pense qu'il faut aussi regarder ça. M. Marx:
Oui.
M. Bédard: La déclaration de résidence - les
mesures les moins formalistes possible pour la protection de la
résidence - on doit envisager que ça se fait au moment où
ça peut bien se dérouler entre les deux conjoints qui ont
également à l'idée le bien des enfants. De la même
façon, par exemple, s'il y a une période où tout va bien,
c'est bien à l'occasion du contrat de mariage; cela n'empêche pas
d'y aller de mesures de protection de part et d'autre, mesures qui ne vont pas
à l'encontre de tout ce qui regarde le côté émotif
du mariage.
M. Forget: C'est un moment privilégié...
M. Bédard: Oui, c'est un moment
privilégié.
M. Forget: ...pour un échange de consentements, mais on ne
peut pas dire que, parce qu'il y a un contrat de mariage, au moment du mariage,
les futurs époux vont déjà pouvoir enregistrer une
déclaration de résidence. D'ailleurs, même s'ils le font,
dans le cours d'un mariage, on change souvent de résidence, alors,
ça va devenir caduc rapidement. C'est vraiment quand le problème
va se présenter qu'on va vouloir enregistrer cette
déclaration.
M. Marx: J'aimerais soulever un point que j'ai déjà
soulevé, M. le Président. Je pense que ce serait utile pour nous,
dans cette commission, de savoir si cette présomption existe dans
d'autres juridictions en Amérique du Nord.
M. Bédard: C'est ce que nous allons faire.
M. Marx: On peut commencer avec l'Ontario, ce n'est pas loin, et
voir si ça existe. Si ça existe en Ontario, j'imagine que c'a
été copié d'une autre province ou d'un Etat
américain.
M. Bédard: Tout en gardant toujours à l'esprit
qu'on a ici un droit civil et non une "common law".
M. Marx: Oui.
M. Bédard: Je pense que ça peut quand même se
concilier avec l'objectif qu'on essaie d'atteindre.
Une voix: Je pense qu'ils ont ça en Louisiane.
M. Marx: J'imagine que je n'apprends
rien au ministre en lui disant que, dans le Code civil actuel, il y a
beaucoup de choses qui ont été copiées sur des provinces
où le "common law" est en vigueur; l'article mil quarante quelque chose
et d'autres articles. Je ne dirais pas que ce sont les articles les mieux
rédigés dans le Code civil, mais, quand même, on l'a
fait.
M. Bédard: II est en train de répondre pour
moi.
Le Président (M. Laberge): L'article est suspendu;
j'appelle l'article 455.
À l'article 455, on ne m'a pas présenté de
modification; est-ce qu'il y a quelque chose de spécial?
M. Bédard: Non.
Le Président (M. Laberge): L'article 455 est-il
adopté?
M. Blank: J'ai une question. L'époux peut aller en cour
pour demander l'autorisation dans le cas de... mais on n'a pas la même
chose pour un bail. Qu'arrive-t-il si l'autre partie ne veut pas consentir?
M. Bédard: C'est un article de portée
générale, je pense: tout consentement...
M. Blank: Oui, excusez-moi.
M. Bédard: ... applicable aussi en matière de bail
ou de biens meubles.
M. Blank: D'accord, je pensais que c'était autre
chose.
Le Président (M. Laberge): Adopté? Article 455
adopté. 456.
M. Bédard: Cet article vise à donner -il parle par
lui-même - au tribunal le pouvoir d'attribuer le bail de la
résidence principale de la famille au conjoint du locataire, s'il
l'estime nécessaire dans l'intérêt du conjoint et des
enfants, notamment lorsque la garde de ces derniers lui est attribuée.
Il a paru préférable, dans ces cas, de clarifier la situation
juridique de tous les intervenants pour l'avenir en créant une novation
par changement de locataire. Les droits du locateur sont, de toute
façon, suffisamment protégés par les dispositions
régissant le bail d'un logement.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je m'excuse, parce que j'avais
perdu de vue les notes que j'avais relativement à l'article 455. Il
semble y avoir une controverse parmi les groupes qui se sont penchés sur
cet article.
La Chambre des notaires suggère - c'est cohérent avec sa
recommandation relativement à la résidence principale - qu'il
peut y avoir des controverses quant à ce qui constitue la
résidence principale d'une famille et que, s'il y en avait, il serait
opportun que le tribunal, alors qu'il a cette juridiction sur le consentement,
puisse trancher les controverses.
Il y a des situations, par exemple, dans la région de
Montréal, où des gens ont une résidence principale et une
résidence secondaire, sauf que le style de vie qu'ils ont permet
d'entretenir un doute sur laquelle des deux résidences est vraiment la
résidence principale. On vit trois jours dans un endroit et quatre jours
par semaine à l'autre endroit, à Montréal et à la
campagne, par exemple...
Mme Lavoie-Roux: Quinze jours à Québec et à
Montréal.
M. Forget: Je ne pensais pas à cette situation, mais il
reste qu'il peut y avoir une controverse sur ce qui est principal et
secondaire.
M. Bédard: Est-ce que, par l'article 455, il a
peut-être paru suffisant... Le tribunal va examiner, avant d'accorder
l'autorisation, va s'assurer qu'il s'agit bien de la résidence
principale...
M. Forget: ...qu'il s'agit bien de la résidence
familiale.
M. Bédard: ...me semble-t-il et qu'il s'agit bien d'un cas
où le consentement devait être obtenu, une fois que les conditions
d'application de l'article 455, qu'il aura préalablement
vérifiées, seront établies. Il me semble qu'ensuite, il va
donner ou refuser son autorisation, mais qu'en donnant son autorisation, il a
le pouvoir d'examiner les faits sur lesquels va s'appuyer la preuve. Je vous
donne ce qui m'a paru être la première interprétation de
l'application.
M. Forget: Je suis d'accord qu'il sera nécessaire pour le
tribunal de savoir s'il s'agit bien de la résidence principale, mais il
faut noter cependant que rien dans le texte actuel ne dit qu'une famille n'a
qu'une seule résidence familiale. Si l'intitulé était la
résidence principale de la famille - je pense qu'on y reviendra à
la fin - on indiquerait qu'une famille n'a qu'une résidence. Mais rien
n'interdit de penser qu'une famille peut avoir plus d'une résidence.
M. Bédard: Si vous me permettez, sans attaquer
l'intitulé immédiatement, c'est que l'intitulé de la
section, c'est vrai, c'est résidence familiale, mais, à
l'intérieur de la section, ce concept de résidence familiale est
précisé, il s'agit de la résidence
principale de la famille. C'est pour éviter de
répéter continuellement résidence principale de la famille
que revient le concept de résidence principale. À
l'intérieur du chapitre de la résidence familiale, il y a une
définition, enfin, une référence à la
résidence principale; donc, il me semble que c'est déjà,
à ce point de vue, suffisamment précisé.
M. Forget: Je crois que c'est clair, vous avez raison.
Le Président (M. Laberge): Article 456, adopté, ou
est-ce qu'il y a des commentaires spéciaux?
M. Bédard: Pas d'autres commentaires.
M. Blank: J'ai un commentaire à l'article 456.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Louis. (17 h 45)
M. Blank: Ici, avec l'article 456, je suis d'accord que la cour
donne le bail à une des personnes, mais délivrer l'autre de
l'obligation, ça peut causer un tort à un tiers, le
propriétaire qui a loué la place à ce monsieur qui a un
bon salaire, un commerce rentable ou quelque chose comme ça et qui vit
là avec sa femme et ses enfants. Vous dites que dans le cas d'une
séparation ou d'un divorce, la femme et les enfants demeurent là
et lui n'est plus responsable du bail. C'est vrai que la femme peut avoir une
pension alimentaire, mais le propriétaire n'a pas les mêmes
garanties qu'il avait avant.
M. Bédard: J'imagine que s'il libère à ce
moment-là, il y a une correspondance au niveau d'autres décisions
qu'a à prendre le juge au sujet de l'évaluation, de ce que des
charges...
M. Blank: Je ne vois pas en quoi c'est nécessaire.
M. Bédard: Vous voulez dire que vous aimeriez mieux le
libellé: peut libérer pour l'avenir?
M. Blank: Ne pas en parler du tout. Dans l'article 1657.2
qu'est-ce qui arrive pour la Régie du logement? Est-ce que cette
situation-là a été couverte dans l'article 1657.2?
M. Forget: Non, c'est le nouveau locataire qui prend le bail
à son compte.
M. Blank: Oui, c'est ce que je...
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Bédard: À première vue, lorsque le
locataire disparaît, abandonne et que le conjoint continue d'occuper les
lieux loués, c'est lui, en vertu de l'article 1657.2, qui devient
locataire. Donc, c'est lui qui assure l'exécution des conditions du
bail, notamment le paiement du prix du loyer et le respect de toutes les autres
conditions énoncées dans le bail.
M. Blank: Est-ce que vous pouvez lire l'article 1657.2?
M. Bédard: "1657.2. Le conjoint d'un locataire, ou, s'il
habite avec lui depuis au moins six mois, un parent, un allié ou son
concubin, a, envers le locateur, les droits et les obligations résultant
du bail s'il continue d'occuper le logement et s'il en avise le locateur dans
les deux mois de la cessation de la cohabitation."
M. Blank: Oui, mais ce n'était pas le locataire
original.
M. Bédard: Ce n'est pas indiqué de façon
très précise que ça libère et c'est sûr
qu'une novation ne se présume pas, elle doit être expresse,
etc.
M. Blank: Je pense que le propriétaire peut poursuire
celui qui a abandonné les lieux par l'article 1657.2.
M. Bédard: Oui.
M. Blank: Ici, il ne le peut pas.
M. Bédard: Ici, il ne le peut pas, parce qu'il y a une
novation. Le raisonnement qui a été à la base de
ça, c'est que les dispositions sur le bail protègent suffisamment
le locateur, de toute façon, et si le nouveau locataire, enfin celui
à qui le bail a été attribué, ne paie pas ou
n'exécute pas les obligations, les recours prévus dans la loi du
logement pourraient s'appliquer.
M. Blank: Je vois là une façon
détournée d'annuler un bail. Je donne un exemple. C'est
peut-être un peu...
M. Bédard: Pour l'avenir...
M. Blank: Non, non. Prenons un couple qui a signé un bail
pour trois ans, pour un loyer de $600 ou $700 par mois, et qui ne veut pas
rester là. Il s'arrange pour se séparer, le bail est
annulé, la femme demeure là. La femme ne possède rien et
elle dit: Je déménage, poursuivez-moi, je n'ai rien. Il n'y a
plus de bail, plus d'obligation du mari...
M. Bédard: Est-ce que le tribunal va apprécier les
circonstances que vous
soulignez?
M. Blank: II n'a pas besoin d'apprécier, il est
obligé.
M. Bédard: II peut attribuer, il n'attribue pas
nécessairement. II y a un jugement...
M. Blank: Oui, mais si la femme vient avec un jugement ex parte
de séparation et dit: Mon mari m'a laissée, je suis seule ici,
j'ai besoin de ce logement. Le mari n'est pas là. C'est une chose
pratique qui peut arriver. Je ne dis pas que c'est un cas régulier,
c'est un cas d'exception, mais c'est une façon de détourner un
bail.
M. Bédard: Jusqu'à quel point, comme
législateur, on peut en arriver à...
M. Blank: Simplement en laissant le principal locataire
conjointement et solidairement responsable du bail. Ça finit
là.
M. Bédarcfe Franchement... Je comprends que ce que dit le
député peut arriver, mais de là à ce que des
personnes organisent un divorce pour se libérer d'un bail, il faudrait
au moins...
M. Blank: ...pas demander un divorce. Une séparation,
c'est plus facile, cela coûte moins cher.
M. Bédard: II faudrait au moins convenir que ce sont des
situations assez exceptionnelles.
M. Fontaine: On pourrait peut-être le limiter à un
an ou quelque chose comme cela.
M. Blank: Anyhow, it is a good way of... Je vous laisse la
responsabilité de décider quoi faire, seulement, j'espère
qu'il n'y a pas trop de gens qui vont lire le journal des Débats et qui
vont utiliser cette façon-là. Il faudrait les faire payer pour
les conseils.
M. Bédard: Vous êtes en train d'enseigner des moyens
de contourner la loi. Je persiste - je ne crois pas qu'on puisse
légiférer pour tous les cas exceptionnels - à croire que
simuler des divorces pour une question de bail, cela sera sûrement des
cas exceptionnels.
M. Blank: M. le ministre, j'ai déjà vu pas un, mais
plusieurs cas où c'était plus facile d'avoir une
séparation de biens par voie de séparation de corps et de biens
que par voie de séparation de biens. Il y a des gens qui ont fait cela
et, deux semaines après, ils vivaient ensemble et ils avaient une
séparation de biens. C'était fait couramment.
M. Marx: Pas à Chicoutimi, mais à
Montréal.
M. Bédard: On pourrait parler de toute l'aide sociale.
M. Blank: C'est facile d'avoir une séparation.
Le Président (M. Laberge): L'article 456 est-il
adopté?
Mme Lavoie-Roux: ...permission.
Le Président (M. Laberge): Consentement à
l'adoption de l'article 456. Adopté. Article 457. On nous a
proposé une nouvelle rédaction qui se lit comme suit...
Mme LeBlanc-Bantey: ...
Le Président (M. Laberge): On a une nouvelle
rédaction à l'article 457 qui se lit comme suit: "En cas de
séparation de corps, de dissolution ou d'annulation du mariage, le
tribunal peut attribuer à l'un des époux ou au survivant la
propriété ou l'usage de meubles de son conjoint qui garnissent la
résidence principale de la famille et sont affectés à
l'usage du ménage." Est-ce que cet article nouveau 457 est
adopté?
M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Juste une question, M. le Président. Je me
demande pourquoi on parle de survivant alors que, dans l'introduction de
l'article, on ne parle que de séparation de corps, de dissolution ou
d'annulation.
M. Bédard: On parle de dissolution du mariage par divorce
ou décès. Les deux sont inclus. D'accord?
M. Fontaine: D'accord.
M. Bédard: Pas de remarques particulières.
Le Président (M. Laberge): Adopté? M. Forget:
Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 457
est remplacé par un nouvel article qui est adopté. Article 458.
On nous suggère un léger amendement à la deuxième
ligne de l'article. D'abord, ajouter une virgule après le mot
"attribuer" et, après le mot "ou", supprimer la virgule et les mots "en
cas de décès". Ce qui veut dire que cela se lirait: "En cas de
dissolution ou d'annulation du mariage, le tribunal peut attribuer, à
l'un des époux ou au survivant,
en compensation de..."
M. Charbonneau: ...la virgule après "peut attribuer", ce
n'est pas français. Il peut attribuer à l'un des
époux...
Le Président (M. Laberge): "...à l'un des
époux ou au survivant".
Mme Lavoie-Roux: Bien oui, je suis d'accord avec cela.
Le Président (M. Laberge): Je pense que cela devient une
incise, c'est-à-dire à qui. On dit...
Mme Lavoie-Roux: ...attribuer à...
Le Président (M. Laberge): ... "...peut attribuer à
l'un des époux ou au survivant...
Une voix: II n'ya pas besoin de virgule là.
Mme Lavoie-Roux: Bien non.
M. Forget: Ce n'est pas une incidente, c'est un
complément...
Mme Lavoie-Roux: ...peut attribuer à l'un des époux
ou, en cas de décès, au survivant.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela détend un peu de se chicaner sur
des virgules.
M. Bédard: On ne se chicanera pas pour une virgule, il n'y
aura pas de virgule.
Le Président (M. Laberge): La première suggestion
qui a été faite d'ajouter une virgule...
M. Bédard: II n'y aura pas de virgule.
Le Président (M. Laberge): II n'y aura pas de virgule.
Donc, le premier amendement est rejeté. Bravo!
Mme Lavoie-Roux: La virgule est rejetée.
Mme LeBlanc-Bantey: On vient de gagner quelque chose!
M. Bédard: Merci de votre collaboration. D'après
nos linguistes, pour la compréhension, s'il faut enlever la
première virgule, il va falloir en enlever une autre.
Le problème, c'est l'incidente. L'incidente, c'est "à l'un
des époux ou au survivant". Alors, "...peut attribuer, à l'un des
époux ou au survivant, en compensation..."
Le Président (M. Laberge): C'est parce que le mot
"attribuer" se rapporte directement à "un droit".
M. Bédard: C'est "peut attribuer en compensation".
Le Président (M. Laberge): Alors, les deux autres sont
explicatives. C'est là qu'est le bon français. Le verbe principal
"attribuer" se rapporte à "un droit".
M. Fontaine: Je suis obligé de retirer mes paroles.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous acceptez qu'on
maintienne la virgule après attribuer?
M. Bédard: Oui.
M. Fontaine: Je suis bien déçu, M. le
Président. Je pensais que j'avais gagné quelque chose.
Le Président (M. Laberge): Le linguiste a eu gain de
cause.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, pourquoi enlevez-vous
"décès" dans l'article 458 et que vous ne l'enlevez pas dans
l'article 457?
Le Président (M. Laberge): Parce que, d'après ce
que j'ai pu comprendre, quand on dit "au survivant", cela veut dire qu'il y en
a un de décédé.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vous l'avez gardé dans
l'article 457.
M. Bédard: On l'a enlevé.
Mme Lavoie-Roux: Vous l'avez enlevé.
Le Président (M. Laberge): II est enlevé dans la
nouvelle rédaction. On enlève, "ou en cas de
décès", et puis on ajoute une virgule après le mot
attribuer. Est-ce que ces amendements sont adoptés? Adopté.
L'article 458 sera-t-il adopté?
M. Bédard: 459.
Le Président (M. Laberge): On est encore sur l'article
458.
M. Fontaine: Sur l'article 458, je voudrais demander au ministre
pourquoi on indique, en ce qui concerne l'apport de l'époux, "à
l'accroissement de l'actif de son conjoint". Moi, il me semble que, si l'un des
époux - prenons, par exemple, le cas d'une femme au foyer - travaille
à l'accroissement de l'actif, son travail est une compensation, c'est un
apport à la famille, si vous voulez. Pourquoi devrait-on limiter cet
apport au fait qu'il y ait un accroissement de l'actif du conjoint? Il
peut bien arriver, peut-être même que c'est la grande
majorité des cas, que le travail, en fin de compte, ne soit pas
rémunérateur. Cela ne fait pas augmenter l'actif du conjoint,
mais on devrait quand même considérer ce travail.
M. Bédard: En tout cas, dans l'esprit on reconnaît
ce que vous voulez dire. C'est qu'on peut calculer que le travail fait par la
femme a constitué un apport à l'accroissement et que, si ce
travail n'avait pas été fait, à ce moment, il y aurait eu
une diminution, l'actif ne serait pas le même.
M. Fontaine: Supposons qu'il n'y a pas eu d'accroissement, mais
qu'il y a quand même une propriété. On pourrait
considérer qu'il y a eu un apport de fait par l'épouse ou par
l'époux et que, de ce fait, du seul fait qu'ils ont vécu ensemble
pendant un certain temps, lui ou elle aurait un droit de
propriété ou d'habitation. Je ne vois pas pourquoi on limite cela
à l'accroissement de l'actif. L'actif peut bien demeurer le même
ou même diminuer et quand même donner lieu à un droit de
propriété ou à un droit d'habitation.
M. Bédard: C'est qu'on réfère ici à
la notion jurisprudentielle de l'enrichissement sans cause, l'accroissement.
L'accroissement, on dit il est positif ou négatif, c'est-à-dire
que vous avez un patrimoine qui aurait dû s'appauvrir davantage si tout
avait été payé, mais, comme tout n'a pas été
payé, il s'est appauvri, mais moins qu'il aurait dû s'appauvrir.
Donc, c'est ce qu'on appelle l'enrichissement négatif. Dans d'autres
cas, l'apport peut avoir un effet d'augmenter véritablement la masse des
biens du patrimoine. Donc, c'est un enrichissement positif, mais c'est une
notion qui ne fait aucune difficulté actuellement en jurisprudence quand
il s'agit d'enrichissement sans cause. L'enrichissement, c'est un
appauvrissement qu'on aurait dû avoir et qu'on n'a pas. Cela peut avoir
pour effet d'augmenter, mais cela peut avoir pour effet aussi de maintenir ou
de ne pas appauvrir autant que cela aurait dû appauvrir. Ce n'est pas une
notion qui est simplement positive, dans le sens qu'on prend un capital
donné et l'accroissement c'est tout simplement ce qui s'ajoute à
ce capital. C'est une notion jurisprudentielle tout à fait
établie en matière d'enrichissement sans cause dont les auteurs,
par exemple, Jean-Louis Beaudoin, en matière d'obligations, et plusieurs
autres de mes collègues ont fait état et de la jurisprudence et
de la doctrine à ce sujet. (17 h 30)
Mme Lavoie-Roux: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: En jurisprudence, comment évalue-t-on
l'accroissement de l'actif dans les compensations qui sont versées au
conjoint? Par exemple, vous avez, comme le disait le député de
Nicolet-Yamaska, une femme qui a élevé cinq enfants; pendant ce
temps, elle a été à la maison, elle s'est occupée
des cinq enfants et tout ce qu'il reste au mari, c'est sa maison; je ne sais
vraiment pas, sur le plan pratique, comment c'est évalué.
M. Bédard: D'un autre côté, il n'aurait pas
eu sa maison s'il n'y avait pas eu tout cet apport, tout ce travail de la
femme.
Mme Lavoie-Roux: Cela lui a peut-être juste permis de
garder sa maison.
M. Bédard: Là, vous avez une appréciation
très circonstantielle à faire, par le tribunal, d'un apport.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est ça.
M. Bédard: Dans quelle mesure l'apport de la femme, que
vous mentionnez, a permis au mari de maintenir un capital ou de le grossir, si
vous voulez...
Mme Lavoie-Roux: Quand il est grossi, ce n'est pas trop pire,
mais quand il reste tel quel, parce qu'il a fallu qu'il...
M. Bédard: ... ou de le maintenir, parce qu'il aurait
peut-être pu diminuer. C'est une évaluation qui va être
faite par le tribunal de la même façon qu'il fait actuellement
cette évaluation en matière de société
d'acquêts. Quand on dit "La récompense est égale à
l'enrichissement que procure au patrimoine...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais quand vous élevez une famille,
que vous élevez cinq enfants, il peut ne pas y avoir d'accroissement
d'argent dans la famille, parce que tout l'argent est passé à
élever les enfants, mais la femme, pendant ce temps, a perdu ses chances
d'entrer sur le marché du travail et, plus elle vieillit, plus ça
devient difficile pour elle d'entrer sur ce marché du travail. Comment
ces choses sont-elles évaluées finalement? Quand il y a un
accroissement, par exemple, si l'homme, en se mariant, avait $10,000 et qu'il
en a maintenant $40,000, il y en a $30,000, on les divise par deux et ça
donne $15,000, ça c'est simple.
M. Bédard: Oui, mais ce n'est peut-être pas tout
à fait l'application qu'en ferait le tribunal, parce qu'il est
obligé de faire une
évaluation de l'apport et de faire également une
évaluation de l'accroissement dans le patrimoine de l'autre, parce qu'on
peut avoir un cas où la femme a vraiment fait des apports en argent en
plus des apports en services à l'entreprise du mari et...
Mme Lavoie-Roux: Oui, ça, c'est dans le cas des
collaboratrices.
M. Bédard: Oui, mais peu importe la forme, elle peut avoir
fait des apports en services qui sont autres que la collaboration à une
entreprise et se trouver face à un conjoint qui est insolvable. Ce sont
des situations possibles. Évidemment, à ce moment, il n'y a plus
rien à aller chercher en compensation de l'apport, s'il y a
insolvabilité.
Cela suppose toujours qu'il y a, dans le patrimoine de l'autre, des
économies accumulées qui ne seraient pas là, ou qui ne
seraient pas là avec la même importance, s'il n'y avait pas eu
l'apport de l'autre.
Là, évidemment...
Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire que, pour 40% des cas, ça
ne change pas grand-chose.
M. Bédard: II faudra voir comment le tribunal va
accueillir et va appliquer une pareille disposition qui est très
nouvelle - le moins qu'on puisse dire - et qui a besoin de faire sa
jurisprudence avant qu'on puisse être fixé sur les
résultats concrets que ça peut donner.
Mme LeBlanc-Bantey: Étant donné que la
volonté du législateur est de faire partager aux conjoints la
responsabilité matérielle de la famille, est-ce que le bout de
phrase "... en compensation de son apport à l'accroissement de l'actif
de son conjoint" n'est pas un peu redondant? Est-ce qu'on ne pourrait pas tout
simplement l'éliminer, parce qu'on considère que le travail de
l'un ou l'autre des conjoints, dans le fond, est nécessaire et, d'une
façon ou d'une autre, contribue aussi à l'accroissement de
l'actif, quel qu'il soit? Est-ce que c'est nécessaire de le
spécifier?
M. Gosselin: Ne pourrait-on pas ajouter que, dans le principe
même du mariage, l'égalité des partenaires, le titre de
propriété de la résidence familiale est, par excellence,
le lieu où on peut dire que l'homme et la femme ont des droits
égaux? Donc, ce n'est pas en raison de la compensation au mérite
ou de l'apport à l'enrichissement, mais en raison même du fait que
le droit de propriété sur la résidence familiale est
égal chez l'homme et la femme.
Mme LeBlanc-Bantey: À la rigueur, on pourrait même
dire qu'un conjoint qui reste à la maison, s'il refusait de le faire...
Si le conjoint qui a l'entreprise est obligé de rester à la
maison pour garder les enfants, pendant ce temps-là, il y a un
accroissement de son actif qui ne s'est pas fait. Donc, si l'un ou l'autre
reste à la maison, il contribue.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: J'ai demandé la parole tantôt, M. le
député de Nicolet-Yamaska aussi, peut-être
subséquemment.
M. le Président, j'aimerais demander au ministre s'il pourrait
nous expliquer la relation qui existe entre cette disposition et les
dispositions un peu correspondantes du régime de la
société d'acquêts. Déjà, dans la
société d'acquêts, l'accroissement de l'actif des
conjoints, en quelque sorte, forme une espèce de total que l'on divise
lors de la dissolution du mariage. Est-ce que la disposition de l'article 458
est considérée comme faisant partie de ce régime? Dans les
cas de régime de société d'acquêts, est-ce que
l'attribution de la propriété, par exemple, de la
résidence familiale sera considérée comme faisant partie
de la part des acquêts qui sera attribuée à un des
conjoints ou si ça s'ajoute aux dispositions du régime
d'acquêts? Je pense que c'est assez important qu'on sache si c'est
complémentaire ou si c'est tout simplement répétitif, dans
le fond, pour une part.
M. Bédard: Dans le cas que vous soumettez, je crois que
c'est complémentaire - je pense que vous partez de l'article 513 du
projet de loi 89 - mais pour l'hypothèse du décès et de
l'absence seulement, parce que la portée de l'article 513 est
limitée à la situation du décès ou de l'absence de
l'époux. Dans ces cas-là, si la résidence est un
acquêt, a été acquise par le travail, les économies,
il y aura, d'une part, le partage des acquêts par moitié, c'est
une règle, mais ce n'est pas vrai seulement pour la résidence,
c'est vrai pour l'ensemble des acquêts. Si on revient à la
résidence de façon plus particulière et à certains
autres biens qui sont indiqués d'ailleurs, des biens de caractère
familial - le Code civil dit actuellement l'industrie, etc., qui est de
caractère familial - on dit que le conjoint pourra exiger, c'est un
droit qu'il a, qu'on place dans son lot toute la résidence, de
même que les autres biens qui sont prévus là.
À ce moment, on applique l'article 513. Il est
préférable, à mon point de vue, d'utiliser cet article,
possiblement, puisqu'on peut exiger de placer dans son lot toute la
résidence, y compris certains autres biens. Mais tout le monde
n'est pas marié... Pardon?
M. Blank: C'est le contraire. Je prendrais mes 50%, plus la
partie de la maison, l'accroissement...
M. Bédard: II n'y a pas de copropriété
indivise dans la société d'acquêts, c'est un partage qui
peut se faire en nature, mais qui, c'est prévu, peut se faire aussi en
argent. Donc, quand on dit qu'on sépare par moitié, contrairement
à la communauté de biens, pour les biens communs, ce n'est pas un
partage, ce n'est pas une copropriété; c'est vraiment qu'on prend
la moitié de la valeur des biens d'acquêts et c'est en argent.
Mais quand on veut avoir avec certitude l'immeuble lui-même, donc, avoir
ce paiement en nature, on peut l'obtenir par application de l'article 513 en
exigeant que la résidence, en nature donc, soit placée dans le
lot de celui qui survit.
Là, évidemment, il y a les conditions qui sont
prévues parce qu'il faut faire l'évaluation de la
résidence et il est possible que la moitié des acquêts qui
sont dus soit insuffisante pour payer le prix total de la résidence et
ainsi de suite, donc, il y a toutes sortes d'ajustements qui sont prévus
à l'article 513. Mais l'article 513 a une application limitée,
d'abord aux décès et à l'absence, il ne couvre pas
d'autres hypothèses. Deuxièmement, il ne couvre que le cas d'un
immeuble qui est un acquêt; il ne couvre pas le cas d'un immeuble qui est
un propre et il ne couvre pas les gens mariés sous le régime de
la séparation de biens.
Dans ce sens-là je dois dire que notre article 458 est largement
complémentaire. Il est essentiel pour prévoir les cas de
dissolution ou d'annulation de mariage autrement que par décès et
il couvre l'ensemble, parce que c'est un régime impératif. Il
s'applique à tous les régimes, aussi bien celui de la
séparation de biens que lorsqu'il s'agit de biens propres en
communauté ou de biens propres en société
d'acquêts.
Donc, son application est beaucoup plus étendue. Pour ce qui est
des conditions, elles sont indiquées à l'article 459.
L'attribution, dans ces cas-là, se fait aux conditions que le tribunal
détermine. Il y a donc des évaluations faites de ces biens.
L'article 459, en d'autres termes, vient préciser les conditions
d'attribution par le tribunal.
M. Blank: Dans le cas de la séparation de biens, en
appliquant l'article 458, est-ce qu'on prend en considération les biens
du survivant et peut-être l'accroissement des biens du survivant par
celui qui est décédé?
M. Bédard: Je ne suis pas certain d'avoir saisi votre
question.
M. Blank: Disons qu'à un moment donné un homme
décède. Ses biens ont augmenté de $50,000 à
$100,000 durant sa vie avec sa femme. Mais sa femme, qui n'avait rien en se
mariant, se trouve maintenant avec $150,000. Est-ce qu'on prend cela en
considération?
M. Bédard: Oui, dans la société
d'acquêts...
M. Blank: Non, je parle de la séparation de biens.
M. Bédard: Ah, dans la séparation de biens. Une des
conditions de l'application de l'article 458 - je voulais compléter par
ça tantôt - il ne faut pas l'oublier, est qu'il faut d'abord
établir une prestation compensatoire. L'attribution prévue
à l'article 458 est en paiement de la prestation compensatoire. Donc, un
époux qui n'a pas prouvé à la satisfaction du tribunal
qu'il a apporté une contribution à l'accroissement des actifs de
son conjoint ne pourra pas obtenir de prestation et n'obtenant pas de
prestation, il ne pourra pas demander qu'on lui attribue la résidence en
vertu de l'article 458. Parce que, ici, l'attribution de la résidence
est un mode de paiement de la prestation compensatoire. Donc, il est possible,
en vertu de l'article 513, si on tombe dans cette application-là, qu'on
soit déjà allé chercher la résidence. On n'a pas
besoin de l'article 458 parce qu'à l'article 513 on n'a pas de preuve
à faire de prestation compensatoire. C'est simplement l'application du
régime.
M. Blank: Je parle de la séparation de biens qui, pour la
majorité des gens...
M. Bédard: Oui, mais en séparation de biens, si on
n'a pas prouvé une prestation compensatoire, on ne peut pas obtenir
l'application de l'article 458. C'est possible qu'une femme - pour prendre un
exemple concret - ait $150,000 d'économies et qu'un mari n'en ait que
$50,000, mais que les $50,000 d'économies du mari soient dus pour 30%
à un apport de son conjoint, de sa femme.
M. Blank: Mais les $150,000 qu'elle possède sont dus au
mari.
M. Bédard: Oui, mais la prestation compensatoire est
réciproque. Peut-être que c'est le mari qui va venir
établir que les $150,000 que sa femme possède c'est grâce
à lui à 50%; parce qu'il a été cosociétaire,
si je peux presque dire, de l'entreprise de sa femme, cela lui a permis
d'augmenter son
actif à $150,000. Il pourra aussi aller chercher la moitié
si c'est ce qu'il prouve.
M. Blank: Non, je parle du cas particulier où c'est le
mari qui est décédé au moment où il
possédait $50,000 et la femme vit encore avec les $150,000. Le mari
voulait laisser ces $50,000 à ses enfants et la maison est comprise dans
les $50,000. Est-ce que la femme va avoir le droit de toucher ces $50,000,
nonobstant le fait qu'elle a $75,000 des autres $150,000?
M. Bédard: Oui. Les héritiers du mari, cependant,
vont pouvoir aller chercher aussi, sur la preuve d'une prestation
compensatoire...
M. Blank: Les héritiers?
M. Bédard: On discute de façon très
très précise. Il faudrait que je m'en assure en revoyant mon
texte, parce que la prestation compensatoire est un droit, à mon avis,
qui n'est peut-être pas transmissible. Je ne veux pas m'accrocher, ce
n'est pas transmissible, ce n'est pas patrimonial dans ce sens-là.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): J'avais reconnu M. le
député de Nicolet-Yamaska. (17 h 45)
M. Bédard: J'avoue que je ne suis pas sûr que la
prestation compensatoire ne soit pas un droit patrimonial transmissible. Je ne
suis pas sûr de ça. Cela a un caractère de dette, somme
toute, selon les quelques cas que les tribunaux ont tenté de
régler parfois par la société de fait; donc, c'est
très patrimonial. Étant très patrimonial, je ne suis pas
certain que ce n'est pas transmissible. Quand j'étais en train de vous
dire qu'il est possible que les héritiers du mari
décédé puissent aller en chercher en faisant la preuve de
la prestation compensatoire de leur conjoint, je ne suis pas certain que c'est
une hypothèse exclue, parce que, là, on touche au
caractère patrimonial ou personnel de la prestation compensatoire. C'est
loin d'être une affaire, à mon avis, tout à fait acquise.
Je serais porté à penser que c'est plutôt patrimonial.
M. Blank: C'est seulement pour que le conjoint survivant ne fasse
pas la collecte deux fois. C'est seulement cela que j'aimerais éviter.
Il ou elle y a droit, dépendant, mais pas deux fois. Je veux seulement
que l'article soit écrit de façon telle que le tribunal puisse
prendre en considération l'accroissement que le conjoint survivant a
apporté durant son mariage. Pas seulement une "one-way street".
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir
sur la question de l'accroissement. Peut-être qu'avec un exemple pratique
on pourra mieux comprendre. Supposons que des époux se marient et qu'au
mariage l'époux a une maison de $30,000 et $25,000 en argent. Ils vivent
ensemble pendant une certaine période de temps. Ils ont des enfants.
L'épouse demeure à la maison, s'occupe de la résidence
familiale et de la famille. Le mari, lui, a $25,000, mais il a des
défauts. Il prend un coup, il sort et il dépense son argent.
Pendant ce temps-là, on ne peut pas, non plus, faire réparer la
maison et lui donner une plus-value. Il y a une dissolution du mariage par
divorce et, bien sûr, on constate qu'il n'y a pas eu d'accroissement de
l'actif. Alors, l'épouse, étant donné le fait qu'il n'y a
pas d'accroissement de l'actif, ne pourra pas demander d'avoir un droit de
propriété ou d'habitation de l'immeuble, de la résidence
familiale.
Moi, je trouve que c'est un petit peu injuste. On vit des cas comme cela
chaque jour. Je me demande si on ne devrait pas, au lieu de parler d'apport
à l'accroissement de l'actif, parler de participation à la
direction morale et matérielle de la famille, comme prévu
à l'article 444. Si on disait: En compensation de la participation du
conjoint à la direction morale et matérielle de la famille,
à ce moment, on rendrait justice à tout le monde. Les juges
auraient à évaluer cette participation, au lieu de parler
d'accroissement.
M. Bédard: C'est une autre base que vous suggérez,
si je comprends, à l'attribution plutôt que de faire la preuve
d'une prestation compensatoire. Je crois que, dans votre exemple, s'il y a un
immeuble dans le patrimoine du mari, donc, il y a un accroissement, parce que
l'accroissement n'est pas simplement ce qu'on a en plus après. C'est ce
qu'on a comme actif qu'on ne devrait pas avoir si on avait payé ses
dettes.
M. Fontaine: Mais supposons que le mari a l'actif au mariage: une
maison et $25,000 dans ses poches. On ne répare pas la maison parce
qu'on n'a pas l'argent et le mari boit ses $25,000. Il y a dissolution du
mariage et, là, l'épouse n'a pas contribué à
l'accroissement de l'actif, puisque l'actif a diminué.
M. Bédard: Oui, il a diminué, mais il n'est pas
à zéro. Il a encore un immeuble. C'est peut-être
grâce à elle que l'immeuble est encore là, parce que
même l'immeuble ne serait plus là s'il avait eu à
payer...
C'est parce qu'on s'en tient au terme strict "accroissement".
M. Fontaine: II ne faudrait pas parler d'accroissement.
M. Bédard: Une jurisprudence a quand même
défini cette notion. On y a fait référence tout à
l'heure et je pense que l'accroissement, cela peut être en termes
positifs ou négatifs, dans le sens que quelqu'un n'aurait pas ce qu'il a
présentement si on ne tenait pas compte d'un accroissement dans le sens
qu'il a encore ce qu'il a grâce à un apport qui a
été constitué par une évaluation qui se fait du
travail de l'un des conjoints.
M. Fontaine: Pourquoi ne parle-t-on pas en termes clairs?
M. Bédard: Ce terme est déjà clarifié
au niveau de la jurisprudence. Je ne vois pas pourquoi on le changerait.
M. Fontaine: Si on parlait plutôt de la participation des
conjoints à la direction morale et matérielle de la famille, on
rendrait bien plus justice à tout le monde.
M. Bédard: On a déjà une notion, à
mon sens, qui a déjà fait ses preuves au niveau de la
jurisprudence d'évaluation. On a déjà une autre notion. La
direction générale matérielle de la famille, c'est une
autre notion sur laquelle on reviendra, d'ailleurs, et cela ne s'applique pas
à...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela a vraiment fait ses preuves, M.
le ministre?
M. Bédard: On peut apporter, si vous voulez, la preuve. La
notion d'enrichissement... Parce que le problème, c'est de dire: Est-ce
qu'on s'enrichit quand on a diminué son patrimoine? On peut s'enrichir
au sens de la jurisprudence. Les auteurs là-dessus s'entendent fort
bien. M. Caparros en matière de régimes matrimoniaux, parce que
la notion d'enrichissement en société d'acquêts revient...
Peut-être cela serait-il utile qu'on apporte demain un ou deux
commentaires assez clairs là-dessus, si vous voulez.
M. Forget: M. le Président...
M. Blank: Une succession avec une réserve incluant la
maison ou une partie de la maison, c'est plus facile. On peut le
protéger par voie de succession avec une réserve et on n'a pas la
question d'accroissement. Disons, c'est un tiers à la femme incluant la
maison dans ce tiers.
Le Président (M. Laberge): La présidence a fait
preuve de beaucoup de largesse en ne demandant pas toujours aux intervenants de
s'adresser à elle-même, mais je voudrais reconnaître le
député de Saint-Laurent qui m'a demandé la parole.
M. Forget: M. le Président, il est plausible qu'un certain
nombre des remarques qui ont précédé soient pertinentes
à ce que je vais dire, mais je voudrais quand même attirer
l'attention du ministre et des autres membres de cette commission sur le fait
qu'il me semble qu'on mélange des choses ici qui auraient avantage
à être distinguées. On a une disposition qui arrive un peu
comme un cheveu sur la soupe dans le chapitre sur la résidence familiale
et qui, dans le fond, à part le fait qu'elle attribue la
résidence familiale, dans certaines circonstances, à l'un des
conjoints, n'a rien à voir avec le but de ce chapitre, de cette section
qui vise à protéger la résidence familiale de la famille.
Là, on essaie de régler un problème qui souvent sera
complètement différent du problème qu'on veut
régler. Je vais essayer de donner un exemple et je vais le faire en
interprétant l'article comme je pense qu'il a été
écrit.
Quand on a écrit cet article, je pense qu'il est assez clair
qu'on avait à l'esprit la situation de la femme qui reste à la
maison, qui n'a pas d'actif financier, qui n'est pas propriétaire de la
maison, de la résidence familiale et qui, à un moment de
dissolution ou d'annulation du mariage, se trouverait complètement sans
aucun élément d'actif. On essaie de résoudre cela en
disant: On peut, à ce moment, lui attribuer la résidence
familiale en propriété. Savoir si la question des
modalités et de quantum est la bonne compensation pour la contribution
qu'elle a faite, c'est sûrement très important, mais il reste
qu'on court le risque de produire des situations tout à fait
différentes de celle-là. Pourquoi? Parce que le langage qu'on
utilise, ce n'est pas le langage que je viens d'utiliser. On ne parle pas de
l'épouse qui reste à la maison, etc. On emploie un langage
asexué, c'est le conjoint. Mais prenons bien garde que cela peut
être n'importe quel conjoint, pas nécessairement l'épouse
et pas nécessairement le conjoint qui aura la garde des enfants à
la suite de la dissolution du mariage.
On pourra trouver des situations où, en vertu de cet article on
attribuera la propriété de la résidence familiale, pour
des raisons patrimoniales... On a affaire à deux professionnels dont les
fortunes ont évolué différemment, etc., et on pourra
très bien, à ce moment, rien ne l'interdit, attribuer la
propriété de la résidence familiale à celui des
deux conjoints qui n'a pas du tout la garde des enfants et qui n'assume pas du
tout la continuité de la famille, vis-à-vis des enfants au moins.
Pourquoi? Parce qu'on
essaie, au hasard de ce chapitre sur la protection de la
résidence familiale, de régler un problème patrimonial
entre les conjoints. J'allègue humblement, M. le Président, que
cet article n'a rien à voir dans ce chapitre, à moins de le
reformuler en termes de celui qui a la garde des enfants et qui remplit un
certain nombre de conditions au moment de la dissolution. Là, ce serait
pertinent, mais ici, il n'a rien à voir avec ça. Cela devrait
être dans le chapitre des droits successoraux ou dans le chapitre sur les
régimes matrimoniaux; quand il faut les liquider d'une façon ou
d'une autre, il faut trouver des règles de calcul, d'accord, mais
ça n'a rien à voir ici, me semble-t-il. C'est parce qu'on le
rédige en des termes tellement vagues qu'on a l'impression de
régler un problème, mais on peut très bien être en
train de régler le problème d'une façon tout à fait
différente de l'intention qui était présente dans l'esprit
des rédacteurs, du moins l'intention qu'on peut leur attribuer.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Bédard: Je ne crois pas qu'on puisse dire - je
comprends que le député de Saint-Laurent y a mis des nuances -
que cet article n'a pas sa place dans le chapitre sur la protection de la
résidence familiale, parce que c'est tout simplement l'intention du
législateur et, je pense, notre intention d'assurer la protection de la
résidence familiale également au moment de la dissolution du
mariage, au moment de l'annulation du mariage; c'est une continuité
très normale, il me semble. On n'a pas voulu...
M. Forget: Mais, à ce moment, il faudrait peut-être
le relier justement aux conditions de la dissolution et aux
responsabilités qui sont assumées, après la dissolution,
par l'un des conjoints. Si on le reliait, par exemple, à la garde des
enfants et qu'on accordait le bail tant que le plus jeune des enfants n'a pas
atteint l'âge de la majorité ou qu'il n'a pas quitté la
famille, je comprendrais qu'on veuille continuer, après la dissolution,
le maintien de la continuité du cadre physique, pour utiliser la
même expression qu'on utilisait au début de l'après-midi.
Mais non, on le fait dépendre d'un règlement patrimonial entre
les conjoints et ce règlement, étant donné qu'on ne peut
pas prévoir toutes les circonstances, peut très bien attribuer la
résidence familiale au conjoint à qui on ne voudrait pas la
donner, pour les considérations que je viens d'énumérer au
départ.
Je suis tout à fait d'accord qu'il faut qu'il y ait un article,
si ce n'est pas celui-là, un autre, pour assurer la continuité
après la dissolution, mais on mélange le problème de la
continuité du cadre de vie physique d'une famillle où il y a des
enfants avec le problème du règlement de comptes financiers entre
les conjoints après la dissolution. Ce sont deux problèmes
différents.
Évidemment, il y a une interrelation, parce que, si la maison est
attribuée à l'un des conjoints, ça va contribuer au
règlement de comptes, mais il faudrait faire attention afin que, si le
règlement financier indique que la maison devrait aller à l'un
des conjoints, parce que c'est approprié étant donné la
contribution respective, etc., et que c'est l'autre conjoint qui va avoir la
garde des enfants, qu'on lui donne un bail jusqu'à ce que les enfants
aient atteint la majorité et qu'on diffère l'application du
règlement patrimonial pour assurer la continuité de la
résidence familiale. Mais on peut trouver des situations où les
deux considérations vont aller en sens opposé et, à mon
avis, il faut les distinguer.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: II me semblerait que...
Le Président (M. Laberge): Je voudrais souligner une chose
avant que vous preniez la parole, c'est que vous n'êtes pas membre de la
commission, mais j'ai présumé, au nom de tous les membres, que
vous étiez bienvenu.
M. Blank: Parce qu'il est notaire.
Le Président (M. Laberge): Non, je sais. C'est pour
ça que j'ai dit que je dois présumer parce que, selon les
règles du jeu, vous n'avez pas le droit de parole, mais je l'ai
présumé au nom de tout le monde.
Mme Lavoie-Roux: Avec son esprit de collaboration, M. le
Président.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Laberge): C'est pour ça que j'ai
présumé dans le bon sens, je crois.
M. Bédard: M. le Président, vous avez eu une
très bonne idée de présumer; on veut entendre, on
réclame le député!
Le Président (M. Laberge): Vous le réclamez,
alors!
M. Mathieu: Merci de votre largesse de présomption. Il me
semble, M. le Président, que l'article 458 vise principalement le cas
d'une épouse mariée en séparation de biens, qui habite
avec son mari une propriété au nom du mari et dans laquelle
l'épouse a mis
$10,000, $15,000, $20,000, $25,000 ou $30,000 en argent, comme on le
voit assez régulièrement dans la pratique. Quand les taux
d'intérêt augmentent et que l'épouse a de l'argent à
la banque, elle le sort, baisse l'hypothèque et se retrouve sans aucun
droit. Il me semble que l'article couvrirait ce cas. (18 heures)
Mais le point principal que je trouve un peu ambigu, c'est qu'à
la dernière ligne du premier alinéa on dit "et sur lequel le
conjoint a un droit de propriété." En lisant attentivement, je me
demande lequel des deux conjoints. J'imagine que c'est celui qui reste, mais ce
n'est pas extrêmement clair. Si la propriété est
possédée de façon indivise par les deux... En relisant
l'article, ce n'est pas clair duquel des deux conjoints il s'agit, s'ils sont
copropriétaires.
M. Bédard: On a évoqué tout à l'heure
le fait d'avoir un droit de propriété. Ce n'est peut-être
pas nécessairement un droit de propriété exclusif, la
notion de droit de propriété comprenant également celle de
copropriété. Le langage de l'office de révision est
à peu près semblable. Un immeuble sur lequel les époux ou
l'un d'eux ont un droit de propriété...
M. Mathieu: Ce n'est pas là mon point. Quand on dit "sur
lequel le conjoint a un droit de propriété", duquel des deux
conjoints s'agit-il?
M. Bédard: Quand il s'agit d'attribuer la résidence
en totalité à quelqu'un qui ne l'a pas, c'est soit qu'il en a
déjà une partie en copropriété et il s'agit de lui
faire attribuer l'autre partie sur laquelle son conjoint a un droit de
propriété, puisqu'ils sont copropriétaires, soit qu'il
n'est pas du tout propriétaire mais que seul son conjoint a la pleine
propriété et il s'agit de lui attribuer tout le droit de
propriété.
Evidemment, il y a des interprétations à faire, compte
tenu des différentes hypothèses qui seront soumises au tribunal.
Enfin, il me semble que ce sont les deux types de situations qu'on va
rencontrer. Prenons le cas de décès, parce qu'il est prévu
là. Au décès, le conjoint survivant n'a aucun droit de
propriété sur la résidence qu'il occupait avec son
conjoint décédé. Donc, il se fait attribuer toute la
résidence; ou alors il était copropriétaire et il se fait
attribuer la copropriété de son conjoint
décédé.
M. Mathieu: Pour enlever l'ambiguïté, parce qu'on ne
sait pas trop duquel des deux conjoints il s'agit, à la fin, est-ce
qu'on ne pourrait pas dire "sur lequel son conjoint a un droit de
propriété"? Il serait clair que ce serait son conjoint, ce serait
l'autre qui est mort ou qui est parti.
M. Bédard: C'est possible. On prend note.
Mme Lavoie-Roux: II est 6 heures, M. le Président...
Le Président (M. Laberge): La commission de la justice
suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
CSuspension de la séance à 18 h 3)
(Reprise de la séance à 20 h 14 )
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et
messieurs.
La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux concernant
le projet de loi no 89, à l'endroit où nous les avions
laissés avant la suspension pour le lunch. Nous sommes à
l'article 458 et une modification a été adoptée à
cet article 458 afin d'enlever des mots et d'ajouter une virgule.
M. Bédard: II y a aussi une petite modification qui avait
été demandée par le député de Beauce-Sud et
qui ne pose pas de problème, c'est peut-être même une
amélioration. Il s'agit de remplacer le mot "le" par le mot "son" afin
que ce soit plus identifié.
Le Président (M. Laberge): "Sur lequel son conjoint...
M. Bédard: ...a un droit de propriété."
Le Président (M. Laberge): À la dernière
ligne, le mot "le" est remplacé par le mot "son". Est-ce que cela est
adopté?
M. Fontaine: Adopté.
M. Bédard: Je n'ai pas d'autres remarques à faire
sur l'article, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): L'article tel qu'amendé
sera-t-il adopté?
M. Fontaine: Quant à moi, j'avais certaines
réserves sur la question de l'apport à l'accroissement de l'actif
du conjoint, mais, si le ministre nous dit que selon la jurisprudence actuelle,
l'accroissement peut être considéré même comme une
diminution à certains moments, je pense que, de ce
côté-là, on doit se contenter de la tendance
jurisprudentielle actuelle.
Le Président (M. Laberge): L'article 458 est adopté
avec amendements. Excusez...
M. Forget: J'ai une restriction, M. le
Président, parce que j'ai soulevé un problème de
confusion de deux séries de préoccupations . Après
réflexion, après en avoir discuté avec d'autres, je pense
que c'est un problème réel et qui demeure malheureusement parce
qu'on n'a rien modifié.
M. Bédard: Adoptons-le sur division. On va discuter de
cette notion-là au niveau de la société d'acquêts
que vous avez mentionnée et je pense que des choses peuvent se
préciser à ce moment-là.
Le Président (M. Laberge): Ça va. La mention "sur
division" est ajoutée. J'appelle l'article 459.
M. Bédard: Les articles 459 et 460 sont plus techniques
qu'autre chose. À l'article 459, le tribunal n'intervient dans
l'attribution du droit d'usage, d'habitation ou de propriété que
si les parties ne s'entendent pas au préalable. Dans l'attribution d'un
droit d'habitation ou de propriété de la résidence
familiale, le problème d'une soulte peut se poser lorsque la valeur du
droit attribué excède le montant de la prestation compensatoire
due au conjoint. Le tribunal déterminera alors les modalités de
paiement et de garanties pour la protection des droits de l'époux
créancier de la soulte. Ça rejoint une formulation qui est
déjà dans le Code civil.
M. Forget: D'accord. Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Article 459, adopté.
Article 460.
M. Bédard: À l'article 460, au niveau de
l'attribution judiciaire, disons que l'attribution judiciaire d'un droit de
propriété est sans précédent dans notre Code civil,
sous réserve de l'expropriation prévue par l'article 407 du Code
civil et certaines lois spéciales. D'autre part, il faut distinguer
l'attribution judiciaire du droit de propriété des articles 457
et 458 du cas de l'action en passation de titres de l'article 1576 du Code
civil où seul le titre est concerné. Il a paru alors
nécessaire de rattacher cet acte aux dispositions relatives à la
vente pour tout ce qui n'est pas autrement réglé. Cela vaut pour
les meubles de la résidence comme pour la résidence
elle-même.
Évidemment, cette disposition serait moins appropriée en
matière de meubles si le tribunal les attribuait au conjoint du
propriétaire sans aucune considération, ce qui n'est pas le cas.
On serait, alors, plus proche de la donation.
Quant à l'attribution des droits d'usage et d'habitation, le
rattachement se fait naturellement aux dispositions relatives à l'usage
et à l'habitation, en référence aux article 487 et
suivants du Code civil. D'ailleurs, l'article 24 du projet de loi no 89 modifie
l'article 498 du Code civil pour prévoir l'établissement des
droits d'usage et d'habitation par jugement.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 460 est
adopté. Article 461.
M. Bédard: Cet article vise tout simplement à
dissiper tout doute dans un domaine nouveau sur le fait du jugement où
on dit que cela "équivaut à titre et en a tous les effets".
Alors, c'est par précaution.
Le Président (M. Laberge): Article 461, adopté.
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Avant de quitter cette section, M. le
Président, il y aurait deux choses sur lesquelles je voudrais revenir.
D'abord - je pense qu'on en a déjà disposé, mais je
l'avais mentionné au tout début - la question du titre de la
résidence familiale. On m'a répondu - je ne sais pas si c'est une
réponse qui est entièrement satisfaisante -que dans le corps de
chacun des articles, on faisait allusion à la résidence
principale. C'est, bien sûr, une réponse, sauf qu'on pourrait
aussi dire: Puisque, dans le corps de chacun des articles, on parle de la
résidence principale - c'est l'expression utilisée -pourquoi ne
pas intituler l'ensemble de la section: La résidence principale de la
famille?
M. Bédard: C'est un peu une définition par le titre
indirect de la notion de résidence familiale qui est un terme,
finalement, utilisé par les gens plutôt que résidence
principale de la famille. C'est le terme que les gens vont utiliser couramment.
Alors, on l'a mis dans le titre et dans le chapitre on parle de
résidence principale. Donc, cela colore le titre.
M. Forget: Écoutez, si c'est une question de titre, je
pense que ce n'est pas une question de faire une guerre de religion
là-dessus. Le deuxième point que je voulais soulever relativement
à cette section et, comme je l'avais indiqué au début de
nos travaux, sur lequel, je pense, il est toujours utile de pouvoir produire un
certain nombre d'éclaircissements, c'est quand il y a des
différences entre le texte du projet de loi et le texte du rapport de
l'Office de révision du Code civil. Je remarque dans un examen final
qu'effectivement il y a des choses qui sont semblables ou même
identiques, mais il y a des choses qui sont différentes. Une de ces
choses qui sont différentes touche la
recommandation 57 de l'Office de révision qui vient
définir avec plus de précision le sens de l'expression "les
meubles qui sont affectés à l'usage du ménage". Nous en
avons parlé un peu cet après-midi, mais nous n'avons pas
rapproché cette question de la définition qui se retrouverait
à la recommandation 57, où on disait: "Pour les fins des articles
qui précèdent, le mot meubles ne comprend pas les livres et
instruments nécessaires à l'exercice d'une profession, d'un art
ou d'un métier, ni les collections d'objets de nature artistique ou
scientifique."
Il me semble que c'est une précision qui ne va pas
nécessairement de soi et qu'il serait peut-être opportun de
l'indiquer à moins qu'il n'y ait des raisons qui ont amené le
ministère à ne pas la retenir. En effet, quand on donne une
précision comme celle-là, on diminue, malgré tout, la zone
grise de litige, de dispute sur ce que veulent dire les mots utilisés
dans le code. Cela peut être des grosses valeurs et cela n'aide en rien
à maintenir la continuité du cadre physique de la famille. Au
contraire, s'il y a des difficultés sur les instruments, les livres
nécessaires à l'exercice d'une profession, cela peut gêner
considérablement un des conjoints s'il ne peut pas les sortir, par
exemple, de la résidence familiale.
M. Bédard: C'est en raison du fait que l'office a
travaillé toujours en tenant compte de la réforme globale du Code
civil et a réformé aussi le chapitre sur la distinction des biens
meubles et des biens immeubles. Le projet de la réforme du droit de la
famille s'aligne, lui, sur le Code civil du Bas-Canada pour ce qu'il en reste
et, en particulier, sur les articles régissant les meubles. On trouvait
déjà inscrit à l'article 396 du Code civil actuel: "Les
mots meubles meublants ne comprennent que les meubles destinés à
garnir et à orner les appartements, comme tapisseries, lits,
sièges et autres objets de cette nature, les tableaux et les statues qui
y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui sont les
galeries ou pièces particulières. Il en est de même des
porcelaines." C'est très énumératif. "Celles-ci seulement
qui font l'objet de la décoration de l'appartement sont comprises sous
la dénomination de meubles meublants." Cela veut dire, ayant à
vivre peut-être encore pendant un certain temps avec cet article 396 qui
est toujours dans le décor, qu'il avait été jugé
utile de ne pas retenir, si vous voulez, la disposition telle que
formulée.
M. Forget: Cela fait très XIXe siècle. On dit: Des
collections dans des pièces particulières. C'est très rare
qu'on voie cela de nos jours. Au XIXe siècle, dans les familles
bourgeoises et même plus que cela, peut-être que cela se voyait des
galeries de tableaux, mais on n'a plus cela de nos jours, je pense bien.
M. Bédard: On pourrait peut-être ajouter aussi le
fait qu'il y a une définition certaine de meubles meublants ou encore de
meubles d'usage via le Code de procédure civile; lorsqu'on parle des
choses saisissables, on parle de meubles meublants. Je pense qu'il y a toute
une jurisprudence déjà qui, à partir du Code civil et
à partir aussi du Code de procédure civile, peut nous permettre
de bien établir les balises de ce qu'est un "meuble meublant",
même au moment où on se parle, tel que vu par le tribunaux...
Un argument de texte peut-être. Dans le Code de procédure
civile, justement, on utilise l'expression "meuble meublant" dans un cadre pour
dire que c'est insaisissable. À un autre endroit, on parle aussi de ce
que l'office énumérait, les instruments nécessaires
à l'exercice de l'art et du métier. Ce n'est donc pas
considéré dans ce cas-là comme un "meuble meublant" ou un
meuble qui peut être affecté.
M. Forget: Évidemment, la question demeure entière
à savoir si les tribunaux donneraient au mot "meuble", dans un chapitre
sur la résidence familiale, le même sens qu'on lui donne pour les
fins de saisie pour dettes. Il y a quand même une distinction. On peut
dire que dans le contexte de la section II sur la résidence familiale,
le mot "meuble" doit être interprété dans son contexte, et
lorsqu'on ne vise pas à protéger la famille contre les saisies,
donc à lui laisser le strict minimum, l'équivalent de ce qu'on a
à l'aide sociale en termes de revenus et de meubles, il s'agit de
quelque chose de beaucoup plus large. Il s'agit de maintenir une
continuité dans le mode de vie de la famille. À ce
moment-là, il n'est pas incompatible avec l'utilisation de "meuble" dans
ce chapitre qu'on en fasse une interprétation beaucoup plus large. Si le
Code civil n'est pas modifié rapidement dans ses autres chapitres, on
peut ouvrir là la porte à des contestations et à une
jurisprudence divergente.
M. Bédard: Pour l'article 396, c'est peut-être un
peu plus net par rapport à l'inquiétude que vous manifestez quand
on restreint ce qui est destiné à garnir ou à orner les
appartements. Nous, dans la réforme, on dit destiné à
l'usage du ménage, affecté à l'usage du ménage, et
quand on regarde le type d'énumération qu'on nous fait: des lits,
des sièges et des objets de cette nature, on se rend compte qu'on se
réfère à quelque chose qui est d'utilité et de
décoration courantes en excluant quand même... Je voulais dire que
c'était la raison
pour laquelle cela n'avait pas été repris à ce
moment-ci, parce que l'expression n'était pas renouvelée par la
réforme.
Le Président (M. Laberge): Cela répond à
votre question?
M. Forget: Oui.
Chapitre septième Des régimes
matrimoniaux
Le Président (M. Laberge): On change de chapitre. Chapitre
septième, Des régimes matrimoniaux. À la section 1 qui
traite des dispositions générales...
M. Bédard: M. le Président, comme il s'agit d'un
chapitre qui est quand même assez volumineux et technique et que j'ai des
notes de préambule un petit peu plus longues, j'ai demandé qu'on
en fasse - je ne sais pas si cela a été fait - une
distribution... (20 h 30)
M. Forget: Pas à ma connaissance, non. Le
Président (M. Laberge): Article 462.
M. Bédard: Ce sera distribué dans la minute.
M. Forget: On vous écoute, M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, ce chapitre sur les
régimes matrimoniaux a fait l'objet, en 1969, d'une réforme qui a
conduit à l'établissement du régime de
société d'acquêts comme régime légal et qui a
fait de l'ancienne communauté de biens un régime conventionnel.
Sous réserve de certaines modifications visant davantage une
amélioration de la cohérence du régime qu'un changement de
politique fondamental, le régime légal de la
société d'acquêts est reconduit, de même que le
régime de la séparation de biens.
Quant au régime conventionnel de communauté de biens, qui
a bien servi les Québécois pendant un siècle, mais qui est
tombé en complète désuétude depuis sept ans, soit
moins de 1% en 1979, il n'a pas été reconduit dans ces
dispositions apparaissant au Code civil. Le droit désuet doit cesser
d'encombrer nos codes et nos lois pour laisser place au droit d'application
courante si on veut que les citoyens s'y retrouvent, quoiqu'il y a des
précautions que nous avons prises pour ceux qui déjà
avaient fait un choix pour ce système de la communauté de biens.
Toutefois, il nous a paru important de faire survivre ces dispositions par une
mesure transitoire pour le bénéfice de tous ceux qui ont, dans le
passé, adopté ce régime.
De même, les époux qui, dans l'avenir, désireront
adopter un régime conventionnel de communauté de biens pourront
le faire et ils pourront très facilement s'en remettre, pour certaines
dispositions, au droit existant à une époque donnée. Cela
se fait au contrat par simple renvoi à des dispositions précises
du droit antérieur.
Il faut aussi espérer que les éditeurs du Code civil
reproduiront en annexe aussi longtemps que ce sera utile les anciennes
dispositions du Code civil susceptibles d'application pour permettre une
meilleure référence à ceux qui déjà avaient
opté pour le régime de la communauté de biens et pour ceux
qui, de libre choix, décideraient de faire la même chose dans
l'avenir. C'est, d'ailleurs, le rôle d'un Code civil historique dont une
première édition privée est en voie de publication.
Dans les dispositions générales de ce chapitre sur les
régimes matrimoniaux, nous attirons l'attention, notamment, sur deux
changements importants par rapport au droit actuel. Le premier changement vise
l'abolition des dispositions relatives à l'homologation des changements
de régimes matrimoniaux de façon à en favoriser
l'utilisation sans pour autant compromettre les droits de la famille et du
tiers. Nous nous expliquerons plus longuement sur cette orientation à
propos de l'article 469.
Le deuxième changement vise à ne pas lier l'effet des
contrats de mariage à l'égard des tiers à leur
enregistrement au registre central des régimes matrimoniaux. La
règle actuelle est exorbitante du droit commun, des contrats et des
jugements et crée des intervalles qui en pratique peuvent créer
des injustice. D'ailleurs, contrairement à ce que son appellation laisse
entendre, le registre ne publicise que certains changements. Là aussi,
nous nous expliquerons peut-être plus longuement en abordant l'article
473.
Enfin, une disposition de droit nouveau a été introduite
en cas de dissolution du régime de société
d'acquêts, visant à faire remonter les effets de la dissolution
entre les époux à la date où ils ont cessé de faire
vie commune. Cette innovation de notre droit vise à contrer les efforts
des époux qui chercheraient à dissiper leurs acquêts avant
le moment du partage. En effet, il est possible qu'il s'écoule un temps
plus ou moins long entre le moment de la cessation de la vie commune et le
moment du partage des acquêts.
Après à peine dix ans d'application du régime de la
société d'acquêts comme régime matrimonial
légal au Québec, la doctrine et la jurisprudence nous ont permis
et nous permettent encore d'identifier tous les jours de nouvelles situations
auxquelles les dispositions actuelles du régime ne répondent pas
de façon pleinement
satisfaisante. En vue de préciser davantage l'application de
certaines règles du régime, on a déposé des
amendements aux articles 481, 482, 485, 487 et 508. Il y a également
d'autres amendements qui ont été déposés à
d'autres articles, mais simplement pour fins d'amélioration de la
qualité de la rédaction.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que quelqu'un
désire... M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je vais me confiner à
des remarques de caractère général comme le ministre. Il a
noté que le projet de loi no 89 élimine du Code civil toute
référence, au moins pour l'avenir, à la communauté
de biens qui devient un régime purement conventionnel et l'argumentation
qu'il a utilisée, c'est la désuétude de ce régime
eu égard aux nouveaux mariages contractés depuis quelques
années. C'est un argument qui est valable pour les nouveaux mariages,
bien sûr, mais évidemment les gens ne meurent pas dans
l'année qui suit le mariage et il y a encore énormément de
gens qui sont mariés sous le régime de la communauté de
biens. On peut certainement s'interroger sur une élimination aussi
rapide d'un régime qui, encore pendant plusieurs années, dix,
vingt, peut-être davantage d'années, va continuer à
régir les relations entre les époux sur le plan du patrimoine.
Bien sûr, ils vont retrouver dans l'annexe le texte qui s'applique
à eux, mais il demeure que c'est le régime qui s'applique
à eux et qui demeure légal quant à eux. Probablement que
des dizaines de milliers de personnes sont visées. Est-il vraiment
opportun d'aller si loin pour souligner le fait que le régime qu'ils ont
effectivement préféré, plus ou moins consciemment, du
moins, mais effectivement préféré à
l'époque, est jugé maintenant marginal et presque
dérogatoire?
C'est une chose. Maintenant, ce n'est pas une question de substance.
C'est peut-être une question de présentation. Il demeure que
certains groupes ont souligné que c'était une élimination
qui était peut-être un peu sommaire ou peut-être un peu
prématurée par quelques dizaines d'années. Ce n'est pas
complètement une question de détail non plus. En faisant cela,
cependant, le ministre choisit également de n'introduire aucune
modification pour le présent et l'avenir dans le régime de la
communauté de biens, parce qu'il se dit: Cela n'a plus qu'une valeur
d'archives, ces parties du droit civil. On va les mentionner en annexe pour
ceux que cela intéresse encore, mais les relations qui sont
régies par la communauté de biens aujourd'hui sont en quelque
sorte, à moins que les conjoints ne choisissent de les modifier par les
procédures de modification du régime matrimonial, à moins
qu'ils ne veuillent faire ces démarches, le régime de la
communauté demeure inchangé. Or, certains groupes, je me permets
de le signaler, ont suggéré que les mêmes règles
d'égalité des conjoints auxquelles souscrit le gouvernement,
d'ailleurs, auxquelles souscrivent tous les membres de l'Assemblée
nationale, pourraient dès maintenant s'appliquer pour le présent
et pour l'avenir à ceux qui continuent d'être régis par la
communauté de biens.
Je ne pense pas qu'on soit allé de proposition de texte
précis, mais il demeure que c'est une idée qui mérite
examen et qu'en reléguant le texte relatif à la communauté
de biens, encore une fois, en annexe, comme un document d'archives, on s'est
même refusé, dans le fond, de le considérer au
mérite.
Je pense que ce sont les deux questions que soulèvent ces
chapitres. Il y en a de beaucoup plus détaillées, mais
l'économie générale du texte reflète le choix d'un
régime légal et d'un régime conventionnel qui est la
séparation de biens. Curieusement, on pourrait dire la même chose
de la séparation de biens que ce que l'on dit de la communauté.
C'est un régime conventionnel. On pourrait se borner à dire cela.
La communauté de biens devenant un régime conventionnel pourrait
conserver au code un certain nombre de dispositions de caractère d'ordre
public ou de dispositions qui peuvent être écartées par les
parties mais qui sont données comme étant normales à
défaut pour les contractants d'y déroger.
Il n'y a pas véritablement de logique non plus dans cette
position-là de dire: II y a un régime légal, il y a des
régimes conventionnels et de choisir parmi tous les régimes
conventionnels un pour lequel on va continuer de préciser un certain
nombre de règles.
Je pense qu'on peut s'arrêter-là à ce moment-ci, M.
le Président. Encore une fois c'est une question d'économie
générale du texte du Code civil relativement aux régimes
matrimoniaux. On pourra aller plus loin quand on arrivera dans des articles
particuliers.
Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants? Vous aviez un commentaire à formuler, M. le ministre.
M. Bédard: Nous aurons peut-être l'occasion de
revenir, quoique j'ai pris bonne note je pense, comme tous les autres membres
de la commission, des remarques du député de Saint-Laurent. Il
est évident que c'est un choix qui a été fait. À
part le Barreau du Québec, je pense, et peut-être la Chambre de
commerce, il faut noter que nous n'avons pas eu de représentations
spéciales pour garder le régime de la communauté de biens
comme régime légal, au contraire. Je pense qu'il faut toujours
se
rappeler, je le souligne à nouveau, que pour ceux qui avaient
exercé un choix favorable pour la communauté de biens, comme le
disait tout à l'heure le député de Saint-Laurent, plus ou
moins consciemment, le régime demeure. Par convention ils peuvent
même l'améliorer sans, cependant, qu'il y ait dérogation
aux dispositions d'ordre public. Moins de 0,1% des nouveaux mariages ont
recours à ce régime matrimonial; il me semble qu'à partir
du moment où on prend les précautions pour ceux qui ont
déjà opté dans le passé et qui continueront avec
dans le futur il faut à un moment donné tirer la ligne.
M. Forget: J'ai fait une affirmation, je ne dirais pas que dans
un certain sens le ministre l'a mise en doute, mais je n'ai peut-être pas
suffisamment expliqué ce que je voulais dire. C'est vrai qu'il y a les
représentations du Barreau relativement à cette question de la
communauté de biens, mais par implication il y a, par exemple, une
recommandation de l'AFEAS et c'est à ça que je faisais allusion
quand je parlais d'un groupe qui a demandé des changements au
régime de communauté. Évidemment, si on décide de
ne pas l'inclure au Code civil, on ne fait pas de changement, mais il reste
que, pour les gens qui vivent en communauté, on n'a pas
réglé leur problème pour autant qu'ils ont un
problème. Ce que l'AFEAS dit à ce sujet, je vais me permettre de
le lire, ce sera peut-être plus court de toute manière: "Nous
réclamons la cogestion pour les époux mariés en
communauté de biens. Si le législateur décide de ne pas
modifier la communauté de biens, il devrait au moins amender l'article
1425a de l'actuel Code civil pour faire en sorte que les fruits du travail de
l'épouse commune en biens résultant du travail effectué
dans l'entreprise familiale puissent être considérés comme
biens réservés. Autrement, le fait d'avoir amendé la loi
de l'impôt pour reconnaître le travail de la femme collaboratrice
n'apportera aucun changement pour la femme collaboratrice commune en
biens."
La question préalable à une modification du chapitre sur
la communauté de biens, c'est que ça continue à faire
partie de nos lois autrement que comme pièce d'archives. C'est une des
raisons qui m'ont amené, en plus des représentations du Barreau,
à dire: Ça demeure une pièce vivante de notre droit dans
la mesure où ceux à qui ça s'applique ne sont pas tous
morts. (20 h 45)
M. Bédard: Sauf que, justement, parce qu'ils ne sont pas
tous morts, on en convient, ils auront l'occasion, s'ils le veulent, de faire
les changements qu'ils pourraient désirer. Au moment où on se
parle, au niveau des recommandations faites par l'AFEAS, il n'y a rien qui
empêche des époux de changer leur régime maintenant et de
faire les...
M. Forget: C'est une solution radicale, cela.
M. Bédard: ...améliorations ou les innovations
auxquelles ils peuvent être intéressés, pourvu que cela
n'aille pas en dérogation aux règles d'ordre public.
M. Forget: Cela peut coûter cher, changer de régime
matrimonial pour bénéficier d'une exemption d'impôt, dans
le fond, qui est disponible à d'autres sans frais.
M. Bédard: Oui, mais, d'un autre côté, si
c'est nous qui prenons l'initiative de changer leur régime, on a le
même problème.
On pourrait ajouter qu'ils peuvent, sans changer de régime s'ils
désirent le conserver - parce qu'il procure des avantages fiscaux, mais
peut-être d'autres aussi comme ceux de la copropriété des
biens communs simplement, comme tous les autres, profiter des règles de
la mutabilité des régimes matrimoniaux pour faire certaines
améliorations à leur régime, certaines modifications
à caractère partiel et l'améliorer selon leur
volonté et leur désir. Avec l'abolition proposée de la
technique d'homologation des changements, il y a certainement là aussi
un coût réduit, puisqu'il s'agit simplement du prix d'un nouveau
contrat de mariage modifiant l'ancien, d'une part.
D'autre part, si l'administrateur de la communauté, qui est le
mari, dissipe les biens de la communauté ou est un mauvais
administrateur, les recours habituels subsistent. Le conjoint peut demander une
séparation de biens. C'est toujours possible également, parce que
les articles sont tous reconduits, si on veut, par une mesure transitoire, tant
et aussi longtemps qu'il y aura des gens qui seront mariés sous ce
régime.
Pour ce qui est d'un tout autre petit aspect, la technique de ne pas
reconduire ce qui est tombé en désuétude n'est pas
particulière au Québec. En France on le fait couramment. Quand on
a modifié les régimes matrimoniaux en France en 1966, par exemple
- j'ai le Code civil français sous les yeux - on a remplacé
complètement le régime. Il y a toute la section qui va des
articles 1387 à 1581 qui s'est trouvée abrogée. Les
éditeurs privés, comme la maison Dallog, qui produit le Code
civil français, pour le bénéfice de ceux qui sont encore
mariés sous ce régime et qui ont besoin de se
référer aux dispositions du droit en vigueur à
l'époque, le reproduit dans une
petite annexe, soit à la fin des régimes matrimoniaux,
pour qu'on puisse le retrouver plus facilement - les éditeurs
privés ont beaucoup d'imagination - ou à la fin du code, s'ils le
préfèrent. C'est à la disposition de ceux qui veulent le
consulter. Cela permet un certain... j'allais presque dire nettoyage des codes,
au lieu de s'encombrer sous de nombreuses dispositions tombées en
désuétude, c'est sûr. On avait même en France - je me
souviens, moi, quand on m'en parlait - le régime dotal. Cela aussi,
c'est disparu. C'est peut-être regrettable, mais il n'y avait plus
personne qui se servait du régime dotal.
Je me souviens également que chez nous, quand j'étais dans
la pratique, on disait: Le douaire, le douaire coutumier est tombé en
désuétude, etc. Évidemment, on a moins de trace maintenant
dans le Code civil du douaire coutumier. Il ne semble pas qu'il y ait beaucoup
de gens qui le regrettent. Mais si quelqu'un veut absolument faire un douaire
conventionnel, par son contrat de mariage, dans les limites de l'ordre public,
il peut toujours se risquer à employer cette forme de protection,
puisque l'ordre public ne le défend pas. Mais, enfin, ce n'est plus
d'une très grande actualité. Par conséquent,
l'aération des codes me paraissait importante.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Quand on dit tomber en désuétude, je
suis bien d'accord que les gens ne s'en prévalent plus dans le moment.
Mais il y a encore des milliers de couples. Alors, il me semble qu'on pourrait
le considérer en désuétude quand tous ces gens seront
morts, parce que c'est ce droit-là qui va encore régir les
relations entre ces époux de leur vivant et à leur
décès. Vous savez que cela arrive occasionnellement que vous avez
des époux mariés en 1930 ou en 1940, qui n'ont ni contrat de
mariage ni testament et qui décèdent.
M. Bédard: Le régime est toujours là.
M. Mathieu: Je comprends, mais il n'apparaîtra plus...
M. Bédard: Mais oui. Les éditeurs privés
vont le faire apparaître. Il va être reproduit en annexe.
M. Mathieu: Je comprends, cela va être reproduit en annexe,
mais il me semble qu'un droit qui régit encore des citoyens
vivants...
Le Président (M. Laberge): M. le député.
M. Bédard: Je ne voudrais pas revenir sur des
propos...
M. Marx: J'aimerais enchaîner sur ce que le
député de Saint-Laurent a dit. Je comprends qu'on va laisser le
régime de communauté de biens en annexe. Mais même si on
laisse ça en annexe, s'il y a des améliorations à faire,
je pense que c'est ici qu'il faut faire des améliorations. Je pense que
c'est injuste, en ce sens, de dire aux gens: Vous pouvez changer votre
régime. Je trouve ça onéreux dans le sens que,
premièrement, les gens doivent être au courant qu'ils peuvent
faire des changements. On fait beaucoup de publicité au Québec et
il faut en faire, comme vous avez dit, M. le ministre. Prenez Logirente; il y a
beaucoup de gens qui ne sont pas au courant que ça existe et les gens ne
font pas de réclamations. Même quand on fait la publicité,
ce n'est jamais assez.
Donc, je trouve ça onéreux, parce que,
premièrement, les gens doivent être au courant et
deuxièmement, ils doivent discuter de ça entre eux pour voir s'il
y a des changements à faire, ainsi de suite. Troisièmement, ils
doivent aller voir leur notaire. Je trouve ça onéreux, pas parce
que ça coûte de l'argent, pas parce que je ne veux pas donner de
travail aux notaires, mais en tout je trouve, comme on dit en anglais que c'est
"pass the buck", c'est ne pas faire notre travail et dire: On va laisser les
autres faire notre travail ou, le cas échéant, on va laisser
ça aux individus parce qu'ils ont la possibilité de le faire.
Dans une révision des régimes matrimoniaux, s'il y a des
améliorations à faire pour ces personnes qui tombent sous le
régime de communauté de biens, je pense qu'il faut les faire
aujourd'hui, dans l'étude.
M. Bédard: Chacun a droit à son opinion
là-dessus. C'est un choix que nous avons fait avec les raisons que nous
avons explicitées. Je comprends les représentations de la part du
député de Saint-Laurent, du député de D'Arcy McGee
et du député de Beauce-Sud. Maintenant, je ne pense pas qu'il
soit nécessaire que je répète qu'on a pris quand
même certaines précautions. Ce n'est pas la première fois
que, dans un Code civil, arrive à un moment donné la disparition
de chapitres entiers. À partir du moment où on garde le maximum
de précautions, le reste demeure un choix qui a été
fait.
M. Marx: Est-ce que c'est trop demander, par exemple, de revoir
l'article 1425a du Code civil? Il n'est pas question de ça.
M. Bédard: Non, justement. Même à cela, je
serais mal à l'aise parce qu'on a eu la deuxième lecture, ces
décisions majeures ont été exprimées au niveau de
la deuxième
lecture. Je crois qu'on a un cadre dans lequel on doit agir. C'est un
peu la même chose pour ce qui est de l'union de fait. On y reviendra.
Le Président (M. Laberge): J'appelle l'article 462. Y
a-t-il des questions particulières?
M. Bédard: Article 462. Cet article modifie et simplifie
les articles 1257, 1258 et 1259 du Code civil. D'une part, il ne permet plus la
renonciation par contrat de mariage à une succession non ouverte. C'est
pourquoi les articles 658 à 1061 du Code civil sont modifiés en
conséquence. Cette prohibition s'inscrit dans une perspective de
protection des époux et de la famille. D'ailleurs, le de cujus n'a pas
besoin de cette technique pour éliminer un proche de sa succession. Il
n'a qu'à l'exhéréder par testament puisque sa
liberté de tester est illimitée. Il est intéressant de
noter que le Code civil français, contrairement au Code civil du
Bas-Canada et au rapport de l'Office de révision, n'a jamais permis la
renonciation, même par contrat de mariage, à une succession non
ouverte. Pour ce qui est des donations des biens futurs de l'institution
contractuelle et des autres dispositions à cause de mort, leur
validité est déjà assurée par les article 817 et
suivants du Code civil.
D'autre part, l'article 1258 du Code civil est inclus dans l'article 462
et l'article 1259 du Code civil ne serait pas édicté que les
époux ne pourraient pas de toute façon déroger aux droits
conférés par les institutions de caractère public qui y
sont nommées. En effet, l'article 440 proposé est explicite en ce
qui concerne les effets du mariage et personne ne doute du caractère
public des dispositions relatives à l'autorité parentale,
à la minorité et aux personnes sous tutelle ou curatelle.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, si j'ai bien compris la petite
explication dont vient de donner lecture le ministre, il y a certaines raisons
qui expliquent le caractère succinct de l'article 462 à comparer
à la recommandation 69 de l'Office de révision du code civil.
J'ai cru reconnaître au passage pourquoi en particulier le
troisième alinéa de la recommandation 69 de l'Office de
révision du Code civil ne s'est pas retrouvé dans le texte.
L'article 440 dit que ce sont des dispositions d'ordre public.
Bon. Cela va bien. Maintenant, on retrouve au premier alinéa une
énumération qui, à première vue, semble utile pour
préciser un certain nombre de choses et j'imagine que l'Office de
révision du Code civil ne les a pas inscrites là par erreur. Je
ne crois pas avoir entendu dans l'explication du ministre pourquoi ce premier
alinéa est omis. On dit bien qu'il est permis de faire toutes sortes de
stipulations, mais on spécifie des choses qui ont été
inscrites par l'Office de révision parce qu'elles ont été
controversées et ont fait l'objet de procès dans le passé;
c'est qu'on a voulu clarifier le droit. On dit, en particulier, donc parmi les
choses qui sont permises par convention, même certaines stipulations qui
seraient nulles dans tout autre acte entre vifs, notamment la renonciation
à une succession non ouverte ou à la réserve successorale
du conjoint survivant, la donation de biens futurs, l'institution contractuelle
et autres dispositions à cause de mort. Est-ce qu'on reprend cette chose
plus loin ou est-ce qu'on a jugé que c'étaient des stipulations
qui n'étaient pas utiles à première vue? Encore une fois,
j'imagine que l'Office de révision du Code civil avait de bonnes raisons
de vouloir les inscrire.
M. Bédard: Pour ce qui est de l'énumération
que vous venez d'examiner, la donation de biens futurs, de même que
l'institution contractuelle et autres dispositions à cause de mort sont
spécifiquement autorisées par les articles 817 et suivants du
Code civil actuel du Bas-Canada. Cette section des articles 817 et suivants
traite des donations par contrat de mariage tant de biens présents que
de biens à cause de mort. C'est déjà dans un chapitre,
dans une section particulière. La validité de ces donations est
spécifiquement établie et prévue par contrat de
mariage.
Dans le cas de la succession non ouverte et de la réserve
successorale... La réserve successorale évidemment n'est pas
encore établie. C'est une des réformes proposées par
l'Office de révision du Code civil dans le livre III des successions.
Celle-là n'est pas pertinente tant que le livre III n'est pas
adopté.
Il restait la succession non ouverte et, comme le ministre le
mentionnait tantôt, elle est spécifiquement bloquée;
partout où, dans le Code civil, aux articles, par exemple, 1061 et 658,
elle était permise, elle est bloquée pour les raisons qui ont
été mentionnées. De sorte que l'énumération
est complète puisqu'on peut y faire toutes sortes de stipulations. Je
pense que tous les éléments de 69, premier alinéa, sont
repris, soit pour les exclure ou encore parce qu'ils sont valides en vertu de
certaines autres sections. (21 heures)
M. Forget: Évidemment, là, on touche un
problème de philosophie de rédaction. Quand l'Office de
révision a fait cette inscription c'est qu'il jugeait qu'il valait
mieux le mettre dans le chapitre sur le mariage que de le laisser, par
exemple dans le cas des donations, dans le chapitre sur les donations. Est-ce
que cela veut dire que le ministère de la Justice considère que,
lorsqu'on en viendra au chapitre des donations, il faudra rouvrir le chapitre
sur le mariage ou si on va se laisser guider par l'ordre chronologique de
l'adoption des chapitres pour déterminer à quel genre de
modèle de rédaction le Code civil va obéir?
À ce moment ce serait un peu inquiétant parce que cet
ordre de rédaction et d'adoption, par l'Assemblée nationale, peut
être contraire à celui qu'une saine logique dicterait.
M. Bédard: J'essaie de bien comprendre, mais le premier
alinéa de cet article ne réglait rien somme toute, il ne faisait
qu'annoncer que les dispositions qu'on allait trouver à l'article 817 et
aux suivants étaient valides. Il ne faisait qu'annoncer qu'ailleurs,
dans le Code civil, on trouverait des dispositions plus particulières
sur ces sujets qui établiraient les limites de la validité de ces
donations. Il annonçait que des dispositions se retrouveraient à
quelque part dans le code.
Le fait est d'ailleurs qu'on retrouve, aux articles 658, 1061 de
même que 817 et suivants, référence à cet article
1259. J'avoue que, dans la réforme du Code civil, à laquelle j'ai
participé pendant une dizaine d'années, avec M. Crépeau,
il y a eu un certain effort de fait pour éviter beaucoup de redites ou
de reprises à travers le Code civil qui étaient un peu au
même effet et qui étaient par voie de renvoi tout le temps. On
nous disait: Là, c'est bon, mais vous irez voir dans une autre section.
C'est peut-être dans le but d'une simplification de ce qui est, de toute
façon, en ce qui concerne l'article 469, ou les anciens articles 1257,
1258 et 1259, des articles difficiles à lire et à comprendre en
raison du fait que leur histoire a amené des choses non valides en cours
de développement.
M. Forget: Si je soulève la question, M. le
Président, c'est que, bien sûr, les codes sont faits d'abord pour
les juristes, mais ils sont aussi faits pour la population en
général. Or, je comprends qu'un jour quelqu'un qui connaît
très bien le Code civil puisse retrouver, dans le chapitre des donations
un article qui dit que certaines donations, qui sont
énumérées, ou par exemple la renonciation à une
succession non ouverte, cela est normalement interdit. On peut trouver dars le
chapitre sur les successions une indication que, par contrat de mariage, on
peut renoncer à une succession non ouverte. Il reste que, pour ceux qui
ne sont pas des juristes et qui devraient pouvoir lire le chapitre sur le
mariage, ils ne trouveront pas cette référence. Cela rend la
lecture des lois difficile; à moins de lire tout le Code civil d'un
couvert à l'autre, on ne comprend pas vraiment ce que chaque chapitre
veut dire. II est bien sûr que ça revient au même sur un
plan juridique, mais, sur le plan de l'accessibilité du droit pour le
citoyen, ça rend la lecture du droit mystérieuse, parce que les
choses qui ont une signification n'ont jamais la signification qu'elles ont
l'air d'avoir parce qu'on leur dit toujours: Oui, c'est vrai dans ce chapitre,
mais, si vous regardez 22 chapitres plus loin, vous allez voir que, là ,
il y a une exception. Il. me semble me souvenir que l'Office de révision
avait été sensible à cette préoccupation et avait
essayé de regrouper, par exemple dans le chapitre sur le mariage, tout
ce qu'on pouvait faire avec le contrat de mariage plutôt que de dire:
Oui, mais on va le mentionner ailleurs. C'est vrai qu'on va le mentionner
ailleurs.
M. Bédard: Sous cet angle, c'est vraiment une question
d'appréciation. En tout cas, je pense qu'on est convaincu que le fond y
est. Maintenant, pour l'honnête citoyen qui n'est pas familiarisé
avec le droit et qui voit s'ajouter à ce qui existe déjà
la renonciation à une succession non ouverte, la réserve
successorale du conjoint survivant, la donation de biens futurs, l'institution
contractuelle et autres dispositions à cause de mort. Je vous assure que
je suis loin d'être convaincu qu'il est rendu plus loin dans la
compréhension, quoique, comme vous dites, cela peut être...
M. Forget: Renoncer à une succession non ouverte, ce n'est
pas une expression pour laquelle il faut être un grand clerc.
M. Bédard: J'étais convaincu, je l'avais dit avant,
que vous vous référeriez à cette partie; c'est
peut-être quand même des lumières rouges qui s'allument pour
le citoyen. On ne fera pas une longue discussion là-dessus. Est-ce que
c'est une préférence qui est énoncée? On peut
penser à le garder ouvert, mais simplement à savoir si on y
ajoute...
Le Président (M. Laberge): Oui, M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais poser juste une question. Est-ce qu'il y a
une différence entre des dispositions impératives de la loi et
l'ordre public, ou est-ce que c'est un pléonasme?
M. Bédard: La notion d'ordre public en droit civil est
à la fois définie par les lois impératives et par les
tribunaux. Dans ce sens, les civilistes - j'en suis avec M.
Crépeault - lorsqu'on a fait le livre cinquième sur les
obligations, notamment, on a longuement approfondi cette question pour savoir
quelles étaient les expressions à utiliser. Nous en sommes
arrivés, dans le livre cinquième sur les obligations - cela se
reflète aussi dans le rapport à plusieurs autres endroits -
à parler des lois imperatives, de l'ordre public et des bonnes moeurs,
parce que la notion d'ordre public n'est pas épuisée par les lois
imperatives du Code civil.
M. Marx: L'ordre public englobe l'ordre public et les lois
impératives. Dire qu'on ne peut stipuler contre des dispositions
impératives de la loi est inutile parce que c'est déjà
couvert par l'ordre public.
M. Bédard: Je ne voudrais pas ouvrir une discussion trop
technique. La notion d'ordre public est une notion qui évolue dans
plusieurs pays civilistes, de façon qu'on parle maintenant d'un ordre
public général et d'un ordre public dit social ou de protection.
Il y a des nuances à faire dans l'ordre public et souvent les lois
impératives... Chez nous il y a la Loi de la protection du consommateur
que l'on dit d'ordre public, mais c'est d'ordre public de protection de
certains groupes. Donc, c'est un ordre public qui n'est pas
général alors que l'ordre politique, l'ordre économique
général... Enfin, il y a tellement de nuances, d'évolution
dans ces concepts! Lorsqu'on a étudié cette question comme telle,
elle nous est apparue, je pense, un peu, comme vous le soulevez, être une
question pour des spécialistes. Il n'y a probablement pas de
réponse absolue non plus. C'est plutôt un choix qui a
été fait par l'office de révision et que nous avons
reproduit ici, évidemment, dans la réforme de la famille qui, du
reste, aussi...
M. Marx: Mon maître de droit civil, Maximilien Caron, a
toujours expliqué que ce serait un pléonasme. Cela a
peut-être évolué depuis qu'il a donné son cours.
Le Président (M. Laberge): L'article 462 est-il
adopté?
M. Forget: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Article 462, adopté.
J'appelle l'article 463. Y a-t-il quelque chose de spécial?
M. Bédard: Cet article simplifie tout simplement la
rédaction de l'article 1260 du Code civil tout en en gardant la
substance qui assure la continuation du régime de société
d'acquêts comme régime légal depuis son entrée en
vigueur le 1er juillet 1970. Cette formulation évite d'avoir à
interpréter des expressions diverses, telles que stipulations
spéciales et conventions spéciales, utilisées par l'Office
de révision du Code civil dans des sens qui sont non clairement
définies.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: On va probablement me répondre qu'on voulait
éviter des pléonasmes, mais il reste qu'à la fois le
premier alinéa de l'article 1260 du Code civil et la recommandation 70
de l'Office de révision du Code civil expriment une idée qui
semble disparue du projet de loi no 89 et je lis: "La loi ne fixe le
régime matrimonial qu'à défaut de stipulations
spéciales faites par convention matrimoniale." C'est une idée
différente de celle qui est exprimée par l'article 463 qui dit
qu'à défaut de toute stipulation le régime légal
est celui de la société d'acquêts. La première
proposition, au contraire, vise à affirmer le principe selon lequel,
même dans le cas du régime légal, même dans le cas du
régime de la société d'acquêts, une convention peut
intervenir pour en modifier les dispositions et que le régime
légal intervient pour suppléer au défaut d'entente
spécifique ou particulière des parties sur tel ou tel point
particulier.
On me dira: La réponse à ça est dans l'article 462
où on dit: "II est permis de faire, par contrat de mariage, toutes
sortes de stipulations". Cependant, encore là, le Code civil actuel,
à l'article 1257, contient déjà cette chose-là.
Donc, à la fois le Code civil du Bas-Canada et le rapport de l'Office de
révision du Code civil retenaient ces trois notions: d'abord, qu'on peut
faire toutes sortes de stipulations, sauf celles qui sont interdites par
l'ordre public; deuxièmement, que la loi n'intervient pour fixer le
régime matrimonial qu'à défaut de spécifications
des parties; troisièmement, que, quand il n'y a aucun contrat, il y a un
régime légal. Il y a une de ces trois propositions qui saute
maintenant et j'hésite à tenir pour acquis qu'on n'a fait
qu'éliminer un pléonasme dans la loi. Il y a quand même
deux groupes, ceux qui ont adopté et élaboré le Code de
1866 et l'Office de révision qui, pendant des années, s'est
penché sur ces questions-là, qui avaient retenu la
deuxième proposition. Je me demande si on n'introduit pas là
quelque chose qui pourrait avoir des conséquences.
M. Bédard: Est-ce que la Chambre des notaires qui a
examiné le projet a fait des observations? Je n'ai lu aucune
observation, y compris du côté du spécialiste des
conventions matrimoniales, M. Caparros, qui a également fait parvenir -
je ne sais pas si vous les avez obtenues - ses observations sur le projet de
loi 89. Il y a peut-être des
nuances; elles paraissent nous échapper et je n'ai pas vu de
commentaires faits sur la proposition.
M. Forget: Je vérifie. La Chambre des notaires ne semble
pas avoir fait de recommandations sur les régimes matrimoniaux,
d'après le rapport que j'ai là, si incroyable que ça
puisse sembler.
M. Bédard: C'est que la Chambre des notaires - je le dis
avec le sourire - était très présente au niveau de la
rédaction.
M. Forget: Corporativement ou par des représentants?
M. Bédard: Oui, par des représentants
autorisés, corporativement, au niveau du groupe de l'Office de
révision du Code civil. Probablement que beaucoup de discussions se sont
faites à ce moment-là, ce qui est tout à fait normal.
M. Guy me fait remarquer qu'il y a des notaires qui ont reçu tout
le matériel nécessaire pour examiner cela.
M. Forget: Écoutez, c'est une réponse imaginable
que celle que vous nous faites-là, mais vous comprenez que dans le cadre
des travaux d'une commission parlementaire, si vous nous dites: II y a des gens
qui ont regardé ça et ils n'ont pas manifesté leur
désaccord, je vais prendre votre parole, M. le ministre, mais ça
ne nous fait pas une très belle jambe comme commission
parlementaire.
M. Bédard: Mais il y a d'autres remarques.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 463 est
adopté?
M. Bédard: Je n'ai pas d'autres commentaires.
Une voix: Un instant!
Le Président (M. Laberge): Parfait, j'attends.
M. Forget: Je regarde les commentaires de l'office sur l'article
correspondant et je dois dire qu'il se borne à reproduire le Code civil
relativement à ça. Écoutez, M. le ministre, si vous avez
consulté les autorités supérieures, on va s'incliner. (21
h 15)
M. Bédard: Je pense qu'il faudrait s'entendre
là-dessus.
Le Président (M. Laberge): Article 463. Adopté.
J'appelle l'article 464. Est-ce qu'il y a une modification?
M. Bédard: L'article 464 ne pose pas de problème;
il n'y a pas de modification.
Le Président (M. Laberge): Non, c'est à l'article
465. Article 464.
M. Bédard: Cet article reprend l'article 1261 du Code
civil et le complète en précisant que le changement de
régime prend effet du jour de l'acte le constatant et que cette
disposition est impérative. D'une part, l'homologation de changement n'a
pas été retenue. D'autre part, cet article s'applique aux tiers
comme aux parties, puisque la règle d'inopposabilité aux tiers,
découlant de l'article 1266b du Code civil, n'a pas été
reproduite.
M. Forget: Est-ce que vous pourriez répéter cela?
La règle d'inopposabilité...
M. Bédard: D'inopposabilité aux tiers
découlant de l'article 1266b du Code civil n'a pas été
reproduite. L'article...
M. Forget: Donc, c'est opposable aux tiers?
M. Bédard: C'est cela, mais j'essaie de retrouver
l'article.
C'est relatif à l'inscription au registre des régimes
matrimoniaux. En d'autres termes, le contrat de mariage est opposable aux
tiers. Cela reviendra, évidemment, sous l'article 473 au point de vue
des commentaires. Le contrat de mariage est opposable aux tiers
indépendamment de son inscription au registre central des régimes
matrimoniaux. Il n'y a pas d'intervalle entre le moment où le contrat de
mariage est modifié, si vous voulez, est fait et le moment où il
est inscrit. S'il s'est écoulé un ou deux mois, les gens ne sont
pas en société d'acquêts en attendant d'être en
séparation de biens trois mois plus tard, avec des intervalles qui
amèneraient la liquidation des régimes, etc. Cela est
peut-être plus expliqué sous les articles 473 et 469 où on
ira tantôt.
M. Forget: On pourrait en discuter partout. Mais comme cela vient
ici pour la première fois, si vous n'avez pas d'objection, M. le
Président, et comme nous avons une recommandation formulée par le
Barreau là-dessus, une recommandation qui me semble pleine de bon sens,
puisqu'on semble s'élever contre le fait qu'on puisse opposer aux tiers
un acte qui n'est pas de commune renommée ou qui n'a aucun degré
de publicité... Le Barreau suggère que le deuxième
alinéa soit modifié ainsi: "La modification du régime
effectuée pendant le mariage prend effet du jour de l'acte la
constatant..." - c'est le texte actuel auquel on ajoute - "...quant aux parties
et le jour du dépôt de l'avis prévu à
l'article 473 quant aux tiers."
À première vue, cela me semble une disposition
raisonnable, puisque les droits des tiers peuvent être affectés,
de ne pas les affecter, en quelque sorte, rétroactivement à
l'avis qu'ils en auront.
M. Bédard: Les explications sont assez techniques. Est-ce
que vous voulez faire lecture de tout l'article 473... On va les donner de
façon plus succincte, quitte à répondre davantage aux
besoins d'information.
C'est l'article 473 qu'il faut aller chercher pour cela. Il ne reprend
pas la règle de l'inopposabilité aux tiers des contrats de
mariage qui ne sont pas enregistrés. C'est sûr que cela demande
des explications et des explications qui peuvent être de plusieurs
ordres.
M. Forget: Il y a un double négatif. Quand on lit,
ça va bien, mais quand on l'entend, quand vous dites que vous ne
reprenez pas la règle d'inopposabilité, ça veut dire que
vous avez une règle d'opposabilité.
M. Bédard: C'est ça. En d'autres termes, les
conventions sont opposables aux tiers - parlons positivement, ça va
éviter les doubles négations - sont opposables aux tiers
dès que les contrats sont faits. C'est la règle
générale de tous les contrats, sauf ceux qui comportent des
droits réels, comme la vente d'un immeuble, l'hypothèque sur un
immeuble, etc. La raison du fait qu'il faut les soumettre à
l'enregistrement, ces derniers contrats qui portent sur des droits réels
pour les rendre opposables, c'est qu'il faut établir le rang des
acquéreurs ou le rang des créanciers. C'est l'objectif qui est
recherché. Il est important quand on a deux acheteurs successifs d'une
même propriété, de savoir lequel sera le véritable
propriétaire, celui qui aura un titre opposable à tout le
monde.
Alors, on dit: Celui qui aura le premier enregistré au bureau
d'enregistrement. Donc, l'autre qui vient après, c'est regrettable, mais
son contrat n'est pas opposable. C'est pour des fins d'opposabilité des
droits réels. Dans certains cas, le législateur avait retenu, aux
droits anciens, le bail de longue durée, pour qu'il soit opposable
au-delà du terme, pendant toute la durée du terme convenu; il
fallait aussi qu'il soit enregistré. Donc, c'était vraiment pour
des questions particulières.
Mais, en règle générale, tous les contrats, sauf
ceux qui touchent des droits réels de façon particulière
sont opposables aux tiers dès leur conclusion. Il en est de même
des jugements du tribunal. Dès que les jugements sont rendus, qu'il
s'agisse de jugements de divorce, de séparation de corps ou autres, ils
sont opposables dès que ces jugements sont rendus.
Quelle est la raison qui a amené l'introduction de l'article 473,
il a une dizaine d'années, pour dire: Les contrats de mariage, tant
qu'ils ne seront pas enregistrés, ne seront opposables à
personne. L'article actuel, 1266b, se lit comme suit: "L'acte fait en vertu des
dispositions des articles 1264 et 1266 - il s'agit des contrats de mariage,
d'une part, et des modifications qui surviennent postérieurement - n'a
d'effet à l'égard des tiers que par l'enregistrement d'un avis au
registre central des régimes matrimoniaux."
Il arrive qu'il y a des intervalles réels entre le moment
où le notaire fait son acte et le moment où il est effectivement
enregistré au registre central qui n'a de central que le nom, parce que
tout n'est pas dans ce registre. J'ai posé la question à un
certain nombre de notaires de la pratique pour savoir ce qu'ils faisaient avec
l'intervalle; ils m'ont dit qu'ils ne s'en occupaient pas, en pratique, mais,
en droit, qu'est-ce qu'on fait avec l'intervalle? Si l'acte est inopposable, il
est inexistant en ce qui les concerne. Donc, est-ce qu'on se trouverait,
pendant l'intervalle, marié sous le régime de la
société d'acquêts, puisque l'effet ne compte qu'à
compter de l'enregistrement?
Si c'est ça, il faudrait donc, en toute légitimité,
liquider ce régime provisoire pour en arriver au régime qui
produit son effet une fois enregistré. En ce qui concerne... L'office
proposait également une disposition assez générale, que
tous les jugements affectant l'État matrimonial n'aient d'effet
qu'à compter de l'enregistrement. Là aussi, un jugement de
divorce qui aurait été enregistré trois mois après,
à cause de délais administratifs plus ou moins
contrôlables, aurait eu pour effet de prolonger les régimes, parce
que les tiers se seraient comportés comme si le divorce n'avait pas
encore été prononcé, auraient pu se comporter comme si
rien n'avait changé, alors que les époux sont déjà
divorcés, peut-être depuis trois mois, que leur régime
matrimonial, le notaire l'a même liquidé.
Après vérification, je ne sais pas si le
député de Beauce-Sud est en pratique privée, il pourrait
peut-être dire si, à son avis, l'habitude des notaires de pratique
privée, c'est d'appeler au registre central pour savoir à quel
moment les contrats de mariage ont été enregistrés
effectivement au registre central des régimes matrimoniaux.
Par ailleurs, on a actuellement dans le Code civil - c'est
peut-être un peu long, mais c'est une explication technique, je m'excuse
- un nombre impressionnant de systèmes d'enregistrement - on en a cinq
-de l'état matrimonial. D'abord, l'article 1834 qui impose, depuis 1902,
à toute personne mariée faisant affaire comme commerçante
l'obligation d'enregistrer au bureau du
protonotaire de la Cour supérieure son état matrimonial.
On a l'article 65 du Code civil qui, depuis 1931, impose au fonctionnaire
chargé de tenir les registres d'inscrire dans l'acte de mariage si les
parties se marient sans contrat ou si elles ont passé un contrat de
mariage. On a les articles 804 et suivants, que nous connaissons bien dans la
pratique, qui disent que les contrats de mariage lorsqu'ils comportent des
donations entre vifs ou à cause de mort doivent être, sauf
exceptions très limitées, soumis à l'enregistrement au
bureau d'enregistrement du lieu où se trouvent les parties, où
elles ont leur domicile, ou du lieu où se trouve l'immeuble s'il y a
aussi une donation de l'immeuble.
On a également depuis 1969 un fichier où,
conformément à la Loi concernant le registre central des
régimes matrimoniaux, seuls sont enregistrés les régimes
matrimoniaux qui ont été adoptés au début du
mariage, si on peut dire, ou qui ont été modifiés par la
suite, de même que les jugements de séparation de biens, de
séparation de corps, de nullité de mariage ou de divorce en vertu
de l'article 817 du Code de procédure civile.
Ce n'est pas le nombre de registres qui nous manque, mais il n'y en a
aucun qui est complet; ils sont tous discriminatoires, partiels et
limités. Ainsi - pour prendre des exemples - échappent au
registre dit central les régimes matrimoniaux et leurs changements
suivants. D'abord les régimes de société d'acquêts
acquis sans contrat de mariage; ce n'est pas soumis et pourtant dès le
moment du mariage le régime de société d'acquêts
acquis sans contrat de mariage est opposable en vertu de la loi, je le
reconnais, aux tiers. Ensuite, les régimes matrimoniaux acquis à
l'étranger. Si quelqu'un s'est marié en France sous un
régime de communauté réduite aux acquêts son contrat
de mariage est opposable chez nous sans que personne ne puisse aller voir dans
un fichier central s'il est enregistré ou non parce qu'il n'est pas
soumis, en vertu de nos lois, à l'enregistrement. Les changements de
régimes qui surviennent à la suite d'un décès,
parce qu'il y a des liquidations de régime au décès, non
plus ne sont pas notés, de même que dans le cas d'absence, dans le
cas de remariage, etc.
La sanction d'inopposabilité qui avait été
développée en 1969 a donc une portée extrêmement
limitée par rapport à certains régimes matrimoniaux. C'est
assez discriminatoire puisque les autres sont opposables dès le moment
où ils existent alors que certains d'entre eux ne sont opposables
qu'à compter du moment où ils sont enregistrés. On
pourrait penser que les tiers pourraient souffrir préjudice et que, par
conséquent, l'enregistrement était nécessaire pour les
protéger. Là-dessus - encore une fois, je m'excuse d'être
un peu technique -pour que les contrats en général et les
contrats de mariage n'échappent pas à cette règle
générale des contrats quand les contrats causent un
préjudice à un tiers, à un créancier, par
conséquent, l'action paulienne des articles 1036 et suivants permet dans
l'année de la connaissance d'un préjudice qui est causé
par le fait d'un contrat, donc d'une convention entre les parties, d'en
soulever la nullité. On a déjà également, pour la
protection des tiers, pour les contrats en général - vous
retrouvez peut-être là le professeur qui traite des obligations et
je m'en excuse - également une technique qui vise à
protéger les tiers. Actuellement - ce n'est pas à moi à le
dire, M. le ministre - il y a une étude sur les régimes...
Non. Je l'ai déjà mentionné.
Vous l'avez déjà mentionné. Je reprendrai donc ce
que vous avez déjà dit. Le livre premier, Des personnes, qui
propose la réforme des actes civils est actuellement au
ministère, en gestation, à l'étude, en train de
s'élaborer. (21 h 30)
L'une des préoccupations du ministère, c'est d'en arriver,
si possible, à créer un registre central, complet cette fois, de
l'état et de la capacité des personnes, c'est-à-dire les
actes traditionnels de la naissance au mariage, mais, également, les
contrats de mariage, les changements qui surviendront dans les régimes
matrimoniaux, de façon à fournir au tiers, qui a besoin de savoir
si l'un est marié ou pas marié, s'il est marié sous un
régime ou sous tel autre régime, donc qui a besoin d'avoir de
l'information pour déterminer son comportement contractuel à tout
le moins ou, parfois, pour l'exercice de ses recours en justice, un lieu
d'information objective qui permettrait de connaître l'état et la
capacité des personnes en tout temps. Donc, dès que ce registre
pourra être mis sur pied et qu'il pourra remplacer l'ensemble des petits
registres qui ne sont pas utiles présentement par rapport à
l'état matrimonial et à la capacité, on pourra fournir au
tiers un instrument d'information ou un support d'information qui va lui
permettre de se renseigner en tout temps.
Ce matin, quand on parlait de la résidence familiale, on a
souvent fait état de l'absence au Québec d'un registre central
où un tiers pourrait aller vérifier l'état matrimonial de
quelqu'un et, ensuite, pourrait se comporter en conséquence par rapport
aux actes juridiques qu'il a à poser avec ces différentes
personnes. Cela fait substantiellement le tour du dossier en ce qui me
concerne.
Je suis porté à remercier M. le professeur de son
exposé qui, je pense, était très important étant
donné l'importance du
geste que nous posons, on avait besoin qu'on détaille un peu plus
au niveau des raisons.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre, pour les
générations futures, vu que tout le témoignage de M. Guy
est porté à votre nom, vous allez paraître très
savant!
M. Bédard: C'est pour ça que je tenais à le
dire, mais on s'en rendra facilement compte.
M. Marx: Les étudiants, à l'avenir, vont se
demander l'intention du législateur, qui a parlé.
M. Forget: L'important, c'est de voir clair.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Pour répondre à une interrogation, on a
parlé tout à l'heure de ce qui existait dans la pratique
notariale. Je vous dis sincèrement que, dans ma région, à
ma connaissance, jamais a-t-on recours au registre central des régimes
matrimoniaux, sauf dans le cas où il nous arrive un individu qui se dit
divorcé et qui ne peut nous exhiber le document de divorce ou encore
dans le cas d'un individu qui est marié, qui n'a pas son régime
matrimonial, qui n'a pas le nom du notaire, qui ne sait rien. À ce
moment, on y a recours. Le recours n'est pas souvent utilisé parce que
ça amène des délais. Quand vous êtes en train de
rédiger un acte entre deux parties, que tout le monde est là,
autant que possible on appelle le notaire qui a fait l'acte, qu'il soit
n'importe où dans la province, et on lui dit: Donne-moi le régime
matrimonial d'un tel. Peut-être la pratique n'est-elle pas bonne,
mais...
M. Forget: Je suis sûr qu'il y aurait beaucoup d'autres
choses à retenir des propos qu'on vient d'entendre de Me Guy, mais je
retiens deux choses - on me corrigera si j'ai mal compris - d'une part, que
l'opposabilité d'un contrat envers les tiers est la règle
générale, mais qu'il existe à ça une exception dans
le cas des contrats affectant les immeubles et que, à cet égard,
l'exception est fort importante puisqu'elle détermine l'ordre de
priorité des droits réels relatifs à l'immeuble. D'autre
part, même s'il y a des difficultés pratiques dans les nombreux
fichiers actuels, le principe de la divulgation publique de l'état
matrimonial, du régime matrimonial est reconnu comme étant
valable, comme étant encore pertinent à notre époque, si
bien qu'on nous annonce, en quelque sorte, que, dans un autre chapitre portant
sur les personnes et la capacité, etc., on élaborera des
solutions à ce problème de manière que cette information
soit plus efficacement accessible.
Si tel est le cas, j'observe en plus que la modification du
régime matrimonial dans presque tous les cas, et certainement pas moins
après l'adoption du nouveau Code civil qu'avant, affectera des droits
réels sur des immeubles. Il n'y a presque pas de cas... Puisqu'on
affecte la résidence familiale, on affecte la disposition d'un bien
réel, dans presque tous les cas, le contrat de mariage donc, même
s'il n'est pas essentiellement un contrat portant sur des immeubles, affecte
les immeubles, dans un nombre très élevé de cas, affecte
les immeubles. Donc, il semblerait sur cette base appartenir à cette
catégorie de contrats pour laquelle l'opposabilité dépend
d'un avis ou d'une signification ou d'une publicité quelconque à
l'endroit des tiers.
Il me semble que, tout en tenant compte des difficultés pour
l'instant, etc., il reste qu'il est bien difficile d'adopter un chapitre d'un
nouveau Code civil en se basant sur l'état du reste du Code civil comme
s'il n'était pas pour changer, parce que je pense que nous sommes tous
conscients que nous abordons un processus de révision de l'ensemble du
Code civil. Il serait peut-être imprudent de baser la réforme sur
ce chapitre comme si rien d'autre n'allait changer. Est-ce qu'à ce
moment, il ne serait pas plus normal, tenant compte de la nature du contrat de
mariage et de ses effets presque constants sur des droits touchant des
immeubles et du fait qu'on n'a pas du tout l'intention d'abandonner la
publicité des contrats de mariage, des régimes matrimoniaux
vis-à-vis des tiers, de conclure dans ce chapitre qu'eu égard aux
tiers, les modifications d'un régime... On pourrait même vouloir
ajouter dans la mesure où ils affectent des droits relatifs à des
immeubles, si on veut se conformer le plus près possible à
l'indication qu'on nous a donnée que tous les contrats qui affectent les
immeubles ne sont opposables aux tiers que dans la mesure où les tiers
en seront saisis. Je peux comprendre qu'il y a peut-être un certain
nombre de contrats de mariage, de régimes matrimoniaux qu'on peut
modifier et où les parties n'ont pas de biens immobiliers. S'ils en ont,
à ce moment, je pense qu'ils appartiennent à la catégorie
de ces contrats qui affectent les immeubles.
Un dernier argument qui n'a pas une valeur universelle. Me Guy a dit au
début: Si on doit envisager un délai entre la date où
prend effet entre les parties l'acte constatant le changement de régime
et le moment où il est déposé formellement et que, pendant
cette période, il y aura un régime légal, supposons qu'on
est dans la société d'acquêts, au moment de la publication
du dépôt de l'avis, il faudra liquider ce régime et cela
pose un problème.
Pour ce qui est de l'avenir, je ne pense pas que le problème soit
majeur. Si, par exemple, et ce sera probablement la situation la plus
fréquente, on se marie sans contrat de mariage et qu'après un
certain nombre d'années, on en contracte un, pour le régime de
société d'acquêts, dans le fond, il n'y a pas tellement
d'inconvénients à ce qu'il se continue durant cet intervalle
parce que, dans le fond, ce sont les propres qui continuent, à ce
moment, d'être les propres de chacun des conjoints. Il n'y a donc rien
à liquider dans le fond.
La seule chose qu'il faudra liquider, ce sont les acquêts. Mais,
vis-à-vis des tiers, il y a toute chance que les immeubles sont dans les
propres et non pas dans les acquêts. Ce qui veut dire que le
problème de l'intervalle ne posera pas tellement de problème
vis-à-vis des tiers, c'est-à-dire qu'il qu'il n'y aura pas un
régime à liquider vis-à-vis des propres. Je pensais
à un problème qui est théorique mais qui, en pratique, ne
se poserait probablement pas, encore qu'il faudrait analyser toutes les
possibilités, mais il me semble que même si la possibilité
théorique existe qu'il faudrait avoir un régime
intérimaire, en pratique il y a peu de chance que ce soit un
problème majeur.
M. Bédard: Je pense qu'il faut dire que les articles 804
et suivants du Code civil du Bas-Canada continuent d'être en vigueur
jusqu'à ce qu'ils soient abrogés. L'office propose
complètement leur abrogation dans la réforme
générale. L'enregistrement au bureau d'enregistrement des
contrats de mariage comportant des donations, quand il y a transfert de
propriété, d'un immeuble, en particulier, dont la description
apparaîtrait à l'acte même, évidemment, comme il
s'agit d'un acte transférant la propriété, il faudrait
bien, pour son opposabilité au tiers, qu'il continue d'être
enregistré, mais c'est l'article 2098 du Code civil que les notaires
connaissent fort bien.
Donc, les contrats de mariage comportant des donations de biens meubles
ou de biens immeubles continueront, dans l'état actuel du droit,
à être soumis au bureau d'enregistrement du lieu du domicile ou du
lieu où se trouve l'immeuble dans le cas où il y a
également des immeubles qui sont affectés.
M. Forget: ...tiers malgré tout avant
l'enregistrement.
M. Bédard: Non, pour ce qui est de ces deux cas
particuliers, l'effet est lié actuellement dans le code, en vertu des
articles 804 et suivants, à l'enregistrement. Je pense que cela est
assez important, mais les autres dispositions qui n'ont pas trait, si vous
voulez, à des donations de biens meubles ou immeubles auraient effet
à compter du contrat lui-même. Sauf que l'article 473 du projet de
loi no 89 insiste quand même pour dire qu'un avis de tout contrat de
mariage doit être donné à la personne chargée de
tenir le registre central des régimes matrimoniaux. Même si on a
détaché la règle d'inopposabilité tant et aussi
longtemps que le contrat de mariage n'est pas enregistré, il reste que
la règle exigeant l'enregistrement est maintenue, de sorte que la
publicité de ces régimes-là va continuer de se faire via
ce registre central des régimes matrimoniaux. Ce n'est donc que le petit
aspect, important, je le reconnais, de l'opposabilité de ce que contient
un contrat de mariage sous réserve des articles 804 et suivants du Code
civil; ce serait opposable à compter du contrat. Et ça, ça
l'est pour tout autre contrat, encore une fois, et cela permet également
aux tiers d'invoquer l'inopposabilité de ces contrats de mariage chaque
fois qu'ils en subissent un préjudice et ça par application des
articles 1032 et suivants du Code civil, action paulienne, si vous voulez. Cela
n'est pas changé, c'est une règle générale qui va
continuer de s'appliquer. En d'autres termes, dans cette
opération-là, au-delà peut-être d'une discussion
très théorique, il n'y a pas beaucoup d'application pratique
parce qu'on n'observe peut-être pas d'une façon très
stricte la disposition de l'article 1266b. Nous avons également
consulté un notaire spécialiste de ces questions pour voir ce
qu'il en pensait et son avis était que pour décréter
l'inopposabilité absolue, comme le faisait l'article 1266, il faut que
le registre soit très complet, très sûr, un peu comme le
sont nos bureaux d'enregistrement quant aux immeubles C'est quelque chose de
très sûr, enfin de façon aussi parfaite que possible, ce
qui n'est pas actuellement au registre central. Je pense que c'est important de
dire que ce n'est pas une règle qui est abandonnée pour toujours,
mais c'est une réévaluation qui se fait actuellement à
propos de la réforme du livre premier et du registre central des actes
de l'état civil et des états matrimoniaux.
M. Forget: Bon!
Le Président (M. Laberge): Ça doit répondre
à quelques questions. L'article 464 sera-t-il adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. On nous
suggère un amendement à l'article 465, à l'effet de
remplacer le deuxième alinéa par le suivant: "Le titulaire de
l'autorité parentale ou, le cas échéant, le tuteur doivent
être appelés à donner leur avis". (21 h 45)
M. Mathieu: C'est "doivent"?
Le Président (M. Laberge): Non. C'est le titulaire ou le
tuteur qui doivent...
M. Mathieu: II me semble qu'on devrait le mettre "doive", au
singulier. Il y en a seulement un qui va donner l'avis.
Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'il peut y avoir les
deux?
M. Bédard: C'est dans l'ordre des possibilités.
C'est pour ça qu'on a employé "doivent".
Le Président (M. Laberge): Article 465. D'abord, est-ce
que vous adoptez la modification? Est-ce qu'il une remarque à propos de
"doivent" ou si on le laisse?
M. Bédard: Laissez-le; c'est cela.
Le Président (M. Laberge): Alors "doivent" reste.
M. Bédard: L'amendement est adopté.
Le Président (M. Laberge): Amendement, adopté.
L'article 465 amendé est-il adopté?
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, encore ici, je vais demander
pourquoi on a modifié la recommandation 73 de l'Office de
révision du Code civil, disant: "Les conventions matrimoniales d'un
mineur non autorisé à se marier ou d'une personne en tutelle sont
nulles de nullité absolue." Évidemment, la formulation est
différente. On suppose que c'est d'un mineur non autorisé
à se marier. Je ne sais pas ce qu'on a voulu dire exactement par cela.
S'il est non autorisé à se marier, même pas par une
dispense du tribunal, il est sûr qu'il n'y aura pas de mariage. Le
mariage est nul; donc, la convention matrimoniale est nulle. J'imagine que ce
n'est pas cela qu'on a voulu dire. On a voulu dire que, même après
dispense, le mineur ne pouvait pas, en quelque sorte, consentir à une
convention matrimoniale et que, s'il le faisait, c'était nul de
nullité absolue. Je pense bien qu'on a voulu éliminer cette
nullité absolue des conventions matrimoniales d'un mineur, mais on
intervient ici par le tribunal plutôt que simplement par le consentement
du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur. On peut se demander
pourquoi le tribunal intervient si le tuteur, le titulaire de l'autorité
parentale est d'accord, parce qu'il n'y a quand même pas de conflit entre
les deux.
M. Bédard: II y a un alignement de cet article avec celui
de la dispense d'âge. C'est lié.
M. Forget: Oui, bien sûr. C'est un point que je n'ai pas
soulevé, mais...
M. Bédard: C'est un peu lié à cela en ce
sens que le mineur demande au tribunal, par sa requête, l'autorisation de
se marier et, en même temps, soumet ses conventions matrimoniales pour
éviter d'avoir deux requêtes. II peut le faire en deux temps, mais
règle générale...
M. Forget: II semble qu'il serait sage qu'il le fasse en deux
temps, parce que, autrement, dans sa première requête pour la
permission de se marier, s'il fait les dépenses d'un contrat de mariage
et que la permission lui est refusée, il aura une tendance naturelle
à faire la requête en dispense et, après cela, soumettre le
contrat.
M. Bédard: Je voulais dire que ce n'est pas interdit de le
présenter dans la même requête. Il peut le présenter
de façon séparée. Dans les deux cas, on s'en était
remis au tribunal, parce que c'est, dans un premier cas, celui qui
l'autorisait, puisque, actuellement, de toute façon, même quand il
est autorisé par ses parents, il faut que les conventions matrimoniales,
en vertu de l'article 1262, soient autorisées par le tribunal ou par le
juge, sur avis du conseil de famille. Actuellement il s'agit d'un mineur qui
fait des conventions matrimoniales en vertu de l'article 1262.
Pour éviter, encore une fois, des procédures
différentes, il y a été suggéré que le
tribunal, dans les deux cas, autorise à la fois le mariage et
peut-être, dans un deuxième temps - qui sera probablement la
règle plus courante que vous mentionnez -qu'il autorise les conventions
matrimoniales simplement en appelant les parents pour connaître leur
avis, mais en n'étant pas soumis à la règle actuelle de
l'article 1262 qui dit que le conseil de famille doit être
convoqué, qu'il doit formellement donner son avis et que c'est ensuite
que les conventions matrimoniales sont autorisées. C'est une
simplification sur le droit actuel.
M. Forget: Je le comprends, mais il reste, de toute façon,
que tout cela est entre parenthèses dans un certain sens, parce que s'il
ne devait pas y avoir d'autorisation ou de dispense de mariage pour les moins
de 18 ans, on n'aurait pas besoin de s'occuper de cela. Raison de plus,
peut-être . Il reste que je peux comprendre le raisonnement de faire
donner la dispense par le tribunal plutôt que par la famille. On en a
discuté à ce moment-là. Je pense que la pression sociale
de la famille peut être très intense et je pense que ça
prend un arbitre un peu plus loin pour voir vraiment si l'intérêt
du mineur lui-même est conforme au voeu de sa famille qu'il se marie, si
c'est le cas.
Mais une fois que cette question est tranchée et pour
éviter le légalisme inutile, je crois que ce serait assez
puisque, à notre époque, après tout, les conventions
matrimoniales, contrairement au XIXe siècle, ne sont plus des
espèces d'ententes patrimoniales entre familles. Il y avait la dot
là-dedans, probablement, et il y avait toutes sortes de
considérations qui sont étrangères à nos moeurs et
qui vont probablement le demeurer. Une fois qu'un tribunal a dit: D'accord, ils
peuvent se marier, est-ce que ça ne serait pas suiffisant? Quant
à la deuxième étape d'aller encore en cour,
peut-être une deuxième fois, pour faire approuver la convention
matrimoniale, si le tuteur ou les titulaires de l'autorité parentale
sont d'accord, je me pose la question: Est-ce qu'il est vraiment
nécessaire que la cour s'intéresse aux questions
patrimoniales?
M. Bédard: Le problème, c'est la lésion. Il
s'agit de s'assurer que le mineur ne consent pas à un contrat de mariage
à ce point lésionnaire; le regard du tribunal, c'était
pour ça. Actuellement, c'est le tuteur, quand il y en a un, le conseil
de famille et l'autorisation du tribunal pour protéger la lésion.
C'est une question de lésion.
M. Mathieu: II semblerait... Excusez, M. le ministre.
M. Bédard: J'avais une préférence pour que
le tribunal continue d'intervenir, parce qu'il peut y avoir des contrats de
mariage très importants concernant des mineurs où des immeubles
sont concernés. Je crois que le fait de garder le tribunal dans le
portrait constitue une sécurité non pas superflue, mais
nécessaire dans les circonstances.
M. Mathieu: II me semble que l'expérience ne doit pas
avoir démontré tellement de choses lésionnaires dans le
passé pour les contrats de mariage par un mineur.
M. Bédard: Ils sont déjà, en vertu de
l'article 1262, obligatoirement autorisés par le tribunal, sur avis du
conseil de famille. Enfin, les précautions étaient prises. En
pratique, je pense bien qu'il ne devait pas y avoir de source de lésion
à cause du processus. Maintenant, il n'y a pas de conseil de famille
prévu ici, sauf que le tribunal prend leur avis, les convoque s'ils
veulent venir donner leur avis. Il y a une simplification de la
procédure actuelle, en d'autres termes. Mais ça ne va pas aussi
loin que celle de le faire autoriser par le titulaire de l'autorité
parentale.
M. Mathieu: J'aurais une question, Me Guy. Qu'est-ce qui se
passerait lors d'un contrat de mariage signé le 23 décembre, la
loi entrant en vigueur le 27 décembre et le mariage étant
célébré le 2 janvier? Est-ce que le contrat de mariage
serait soumis à l'ancienne procédure ou à la nouvelle
procédure?
M. Bédard: C'est assez précis; voulez-vous me
répéter les faits?
M. Mathieu: II va y avoir, je ne sais pas, des règles de
transition prévues pour les contrats de mariage qui seront faits avant
l'entrée en vigueur de la loi et le mariage célébré
après l'entrée en vigueur de la loi. Si c'est prévu, ne
cherchez pas; on le verra quand on arrivera là-dessus.
M. Bédard: Les contrats en général qui ont
été conclus avant la mise en vigueur de la loi obéissent
aux règles de validité alors existantes, à moins
d'établir une rétroactivité dans l'effet de la loi pour
venir les rendre invalides. Je ne crois pas que ce soit le cas.
M. Mathieu: Le contrat prend effet le jour de la
célébration du mariage.
M. Fontaine: Si la célébration a lieu avant la mise
en vigueur de la loi, ce ne sera pas applicable.
M. Mathieu: Oui, mais sa validité n'est pas atteinte;
c'est simplement son effet qui est retardé. Sa validité, comme
contrat, me semble-t-il, ne serait pas mise en question, sauf que son effet est
retardé.
M. Bédard: II est régi par les règles en
vigueur au moment où les gestes devant être posés sont
posés.
M. Forget: M. le Président, sur l'article 465, j'ai
exprimé des réserves. Je me sens obligé de mentionner que
la solution que nous préférons, comme nous l'avons indiqué
au moment des questions relatives au mariage lui-même, c'est que le
mariage entre mineurs ne soit pas permis. Il est évident que c'est la
solution radicale et préférable. Si on insiste, à tout
prendre, pour avoir malgré tout le mariage entre mineurs, je ne sais
plus comment conclure. Plus, on met l'exigence d'aller devant les tribunaux,
plus on rend la chose difficile, plus on atteint indirectement le même
but, celui de décourager le mariage entre mineurs puisqu'il faut tout
faire approuver par les tribunaux. Je me dis que, si c'est vraiment cela, cela
illustre assez bien que, si on sent nécessaire de faire intervenir le
tribunal à chaque virage, bien, mon Dieu... Est-ce que la vraie
solution, ce n'est pas tout simplement d'éliminer cette
possibilité, puisqu'on se rend bien compte qu'à la fois sur le
plan patrimonial, sur le plan de l'opportunité du
mariage, on y voit toutes sortes de dangers? La conclusion est assez
claire.
M. Bédard: Je me rappelle la discussion qu'on a eue pas
plus tard qu'hier. On parlait de dispense entre 16 et 18 ans et des
intervenants en étaient à d'autres cas d'exception, même en
bas de 16 ans. Je pense que, dans un temps de transition, il est clair que
l'intention est de garder au moins une dispense entre 16 et 18 ans.
M. Forget: Vous nous annoncez qu'après réflexion,
c'est la façon dont vous concluez.
M. Bédard: II y en aura d'autres. On aura l'occasion de le
reprendre. Je voulais quand même évoquer que, même en bas de
16 ans, il y avait quand même des membres de la commission parlementaire
qui nous parlaient de possibilité...
M. Forget: Ah, oui?
M. Bédard: Bien, oui. À un moment donné,
cela a été même évoqué hier.
M. Forget: Je devais être absent à ce
moment-là.
Il y a certains textes de la loi qui mentionnent en bas de 16 ans, mais
ce ne sont pas des suggestions qu'on a faites.
M. Bédard: Non. Ce n'était pas à titre de
suggestions, c'était peut-être à titre de réflexion.
Je n'identifie pas le côté de la table qui se
référait à des situations exceptionnelles de mariage en
bas de 16 ans à propos desquelles il faudrait prévoir des
choses.
M. Forget: Le chapitre des nullités prévoit une
nullité absolue en bas de 16 ans et une nullité relative entre 16
et 18 ans. C'est une chose. Encore une fois, je ne veux pas qu'on se
méprenne sur notre intention de ce côté-ci de la table du
moins. Elle était carrément d'éliminer la
possibilité d'une dispense en bas de 18 ans. Enfin!
M. Bédard: Un moyen d'éviter cette deuxième
requête dans le cas de 465 serait pour le mineur de se marier sous le
régime idéal: la société d'acquêts.
M. Forget: Ah, bien oui. C'est vrai.
M. Bédard: Le régime légal. Il pourrait
éviter cela et ça augmenterait le pourcentage de
popularité du régime légal.
M. Forget: C'est une façon indirecte de mousser la
popularité du régime. Je ne sais pas si c'est tout à fait
correct.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 465 sera
adopté tel qu'amendé? M. Fontaine: ...mineurs.
M. Forget: M. le Président, je pense que, si on l'adopte,
ce sera pour l'instant sur division parce que, dans le fond, on a suspendu
l'article permettant ce genre de mariage. On n'a pas encore tranché. Je
ne voudrais pas qu'après, on nous dise qu'on l'a tous accepté,
puisqu'on a accepté une conséquence juridique du fait qu'il y a
des mariages...
M. Bédard: Non. Je suis capable de faire les
distinctions.
M. Forget: Les concordances, le cas échéant.
M. Bédard: Enregistrons les réserves du
député de Saint-Laurent.
Le Président (M. Laberge): Adopté sur division.
M. Bédard: Je ne sais pas si c'est nécessaire de
faire une division, mais j'enregistre les réserves.
M. Forget: Malgré tout, même s'il était
retenu, je pense qu'on a beaucoup de juridisme là-dedans.
Le Président (M. Laberge): Votre remarque est
enregistrée. J'appelle l'article 466. Y a-t-il des commentaires
particuliers? (22 heures)
M. Forget: Je vais le relire.
M. Bédard: II n'y a pas de commentaires particuliers,
ça reprend substantiellement la règle du deuxième
alinéa de l'article 1262 du Code civil.
M. Forget: C'est le principe de la lésion des mineurs
appliqué au contrat de mariage.
M. Mathieu: J'aurais une remarque relativement à l'article
1262, je m'adresse à Me Guy. C'est que je n'ai jamais vu, dans la
pratique notariale, soumettre le contrat de mariage à l'approbation du
tribunal; on dit, à 1262: "Le mineur, habile à contracter
mariage, peut consentir toutes les conventions dont ce contrat est susceptible,
pourvu qu'il soit assisté de son tuteur ou de son curateur, s'il en
est." Comme dans 99,9% des cas il n'y a pas de tuteur, s'il n'y en a pas, on ne
lui en nommera pas un juste pour l'autoriser à faire le contrat de
mariage.
M. Bédard: C'est une des lacunes qu'il
faut essayer de corriger. Dans trop de cas il n'y a pas de tuteur; c'est
quand même important un contrat de mariage, il y a peut-être
avantage à ce qu'il y en ait un.
M. Mathieu: Un mineur, en principe, n'a jamais de tuteur, sauf si
on lui en donne un pour motif de réclamation.
M. Bédard: Tout ce que je veux dire c'est que pour un
contrat aussi important qu'un contrat de mariage, peut-être serait-il
important de faire en sorte qu'il y ait un tuteur, parce que ça a quand
même des conséquences pour l'avenir.
M. Mathieu: Je suis d'accord sur ce principe, mais ce qui se
passait dans la pratique avant, supposons que les deux parents étaient
décédés et qu'on avait nommé un tuteur au mineur,
là le tuteur devait intervenir, on devait avoir l'autorisation du
tribunal; mais si le père ou la mère du mineur sont
présents, on fait intervenir un des deux pour consentir au contrat.
M. Bédard: II y a des distinctions que vous faites.
M. Forget: Si je lis bien l'article 1262, je ne sais pas s'il y a
une faute d'ortographe dans l'article, mais l'autorisation du tribunal
s'applique au tuteur ou au curateur et non pas aux stipulations de la
convention matrimoniale, parce que c'est au singulier. D'après ce que je
lis, c'est le tuteur ou le curateur autorisé par le juge et non pas les
conventions, parce que les conventions, c'est féminin et
"autorisés" est au masculin.
M. Bédard: Par application de 1262 -évidemment on
en est à faire de l'interprétation de cet article - quand il y
avait lieu d'aller devant le tribunal pour se faire autoriser il est bien
sûr qu'il fallait soumettre la convention de mariage parce que,
autrement, il n'aurait pas été nécessaire, enfin,
ça aurait porté à vide de demander simplement au juge une
autorisation sur la base d'aucune convention.
M. Forget: Mais vous me dites qu'effectivement, c'était
sur la base de la convention.
M. Bédard: Avec les distinctions que faisait cependant M.
le député de Beauce-Sud; ce n'est pas dans tous les cas qu'il
fallait y aller, mais dans les cas où il fallait aller devant le
tribunal, il fallait présenter le projet de convention matrimoniale pour
que le juge le regarde et voie s'il y a des clauses dites lésionnaires
pour le mineur.
M. Mathieu: Justement, c'était dans les cas d'exception
qu'on devait aller devant le tribunal, parce qu'on dit, à la fin de
l'article: "ainsi que des autres personnes dont le consentement est
nécessaire pour la validité du mariage"; alors la loi dit que
c'est ou le père ou la mère.
M. Forget: Alors, ce qui était une exception, on en ferait
maintenant une règle générale dans 865.
M. Bédard: C'est cela.
M. Mathieu: Ce n'est pas que je sois contre cela, mais c'est pour
rafraîchir la mémoire.
M. Bédard: Cela met évidemment le poids sur le
mineur et comme, dans cet esprit, les parents, en fait, ne sont plus ceux qui
autorisent le mineur à se marier, de même aussi, dans cette
même logique, ce n'étaient plus les parents, si vous voulez, de
façon générale, ou le tuteur autorisé, etc., dans
les cas qui le permettaient, qui approuvent le projet de contrat de mariage,
mais également le tribunal. C'était lié, si vous voulez,
dans une sorte de...
Le Président (M. Laberge): L'article 466 est-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 467
est appelé.
M. Bédard: L'article 467 reprend l'article 1263 du Code
civil. Il le complète in fine pour tenir compte de la possibilité
pour les époux de modifier leur régime ou leurs conventions
matrimoniales après le mariage.
M. Fontaine: Ils ont le droit de vote, ils peuvent bien se
marier.
Le Président (M. Laberge): L'article 467 est
adopté. J'appelle l'article 468.
M. Bédard: Cet article reprend substantiellement le
deuxième alinéa de l'article 1264 du Code civil et précise
que c'est par contrat de mariage que ces changements aux conventions
matrimoniales doivent être effectués. La forme des contrats de
mariage est déterminée à l'article 471.
M. Forget: On reproduit le deuxième alinéa. On ne
reproduit pas le premier et on ne reproduit pas non plus le premier
alinéa de la recommandation 75 de l'Office de révision du Code
civil qui stipulait que les conventions matrimoniales doivent être,
à peine de nullité absolue, constatées avant la
célébration du mariage par acte notarié en minutes.
Il semblerait que le nouvel article 468 soit dépourvu de sanction.
M. Bédard: Le texte de l'article 471 c'est pour
information et il complète l'article 463.
Le Président (M. Laberge): L'article 471 parle de
nullité absolue.
M. Bédard: C'est cela, de nullité absolue.
L'article 463 parle de l'exigence du contrat de mariage et l'article 471 dit
que les contrats de mariage doivent être notariés et porter
minutes. Il s'est élevé une discussion qui a eu ses échos
dans les revues; en particulier, un notaire en a aussi fait la critique. On n'a
pas su avec certitude comment s'appelait le changement de régime
matrimonial. Est-ce que cela s'appelait un contrat de mariage? On avait
l'habitude d'appeler contrat de mariage celui qu'on faisait une fois pour
toutes avant 1969. En 1969, on a introduit la possibilité de changer son
régime matrimonial ou d'en modifier certaines clauses, mais cet acte
notarié, ce deuxième, j'entends, on n'a jamais su comment cela
s'appelait. Tout le monde l'appelait un acte en minutes, mais les juristes, les
auteurs se demandaient: Faut-il également l'appeler un contrat de
mariage? Alors, il nous est apparu qu'il valait mieux régler ce
problème d'une façon très claire dans le texte de loi et
les appeler tous les deux des contrats de mariage.
Dans un cas, c'est un contrat de mariage qui en modifie un autre qui lui
était antérieur. Dans les deux cas, cependant, sous peine de
nullité, et là nous reprenons le premier alinéa de
l'article 475 pour dire qu'ils doivent être faits sous forme
notariée, en minutes, etc.. Il n'y a pas de changement, si vous voulez,
quant à l'exigence stricte de la forme.
M. Forget: C'est très élégant comme
solution, mais est-ce qu'on définit dans le texte que le contrat de
mariage comprend une modification à un contrat de mariage ou s'il faut
le comprendre entre les lignes?
M. Bédard: À la fin de l'article 468, où il
est question de modification, il est indiqué qu'elles doivent être
faites... Cela nous a amenés, à cause de la concordance que vous
avez voulu souligner, à l'indiquer presque partout, mais c'est un terme
de référence plus facile que d'autres.
Le Président (M. Laberge): L'article 468 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Un instant.
M. Forget: Un instant. À l'article 468, je ne veux pas
soulever de question de virgule, mais j'imagine que ce n'est pas contraignant,
l'expression "avec le consentement de tous ceux qui ont été
parties au contrat de mariage". Entre les deux événements, il
peut s'écouler un certain nombre d'années.Qu'est-ce qui arrive
s'il y a des gens qui sont disparus, qui sont morts, etc.? Est-ce que tout
simplement on les considère comme...
M. Fontaine: C'est entre le contrat et le mariage. Une couple de
semaines. C'est avant le mariage.
M. Forget: Ah oui, avant le mariage, c'est juste.
M. Bédard: C'est très court comme intervalle en
général.
M. Mathieu: Un mois, une semaine. M. Fontaine: S'il y
avait un décès? M. Mathieu: L'acte est nul. Une voix:
II n'y a pas de mariage.
M. Fontaine: Non, le décès d'une personne
présente.
M. Bédard: Je pense que ce n'est pas fréquent - on
nous le confirmera maintenant dans la pratique, les donateurs, les tiers qui
interviennent dans les contrats de mariage. Au temps où j'ai aussi
exercé -ça remonte à plus de 25 ans - des tiers qui
venaient au contrat de mariage pour faire des donations, c'était
déjà éminemment rare. Je ne sais pas s'il y en a
aujourd'hui effectivement.
M. Mathieu: C'est très rare.
M. Bédard: Et ils ne meurent pas tous, au surplus.
Une voix: Malheureusement.
M. Bédard: Donc, le risque et minime.
M. Forget: C'est plutôt pertinent à l'article
subséquent, mais l'homologation par le tribunal est
supprimée.
M. Bédard: Oui, mais c'est dans le cadre de l'article
suivant.
Le Président (M. Laberge): L'article 468 est
adopté. À l'article 469, on nous propose la modification
suivante: remplacer au troisième alinéa les mots "l'année"
par
l'expression "le délai d'un an à compter du jour". C'est
au dernier alinéa; le premier mot de la deuxième ligne est
remplacé par "le délai d'un an à compter du jour où
ils ont eu connaissance, etc." Est-ce que cet amendement est adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Est-ce que
l'article 469, modifié ou amendé, est adopté?
M. Forget: Juste une précision, M. le Président. Je
comprends qu'on a voulu rendre plus faciles et accessibles les modifications
aux régimes matrimoniaux en supprimant l'homologation, donc une
procédure judiciaire. Est-ce qu'il serait opportun, à ce
moment-ci, de souligner les objections possibles qui auraient pu être
considérées et les réponses que le ministère juge
satisfaisant d'apporter à ces objections à la suppression de
l'homologation?
M. Bédard: D'abord, on a fait état de
l'intérêt de la famille que prenait en considération le
tribunal dans l'homologation, de même que la protection des tiers. Je
pense que ce sont les deux points qui reviennent dans le cadre de l'article
1265 du Code civil. La pratique n'a fait ressortir aucun cas de refus
d'homologation sur la base de l'intérêt de la famille. Il est
possible que ce soit très théorique parce que, dans notre
système juridique, on a une sorte de liberté presque absolue de
choix du régime matrimonial. On peut se marier en séparation de
biens parce que le législateur reconnaît que, si les époux
trouvent que c'est dans leur intérêt, ils peuvent l'adopter. Cela
va encore plus loin que ça. Pour prendre l'exemple de la
communauté ou même en société d'acquêts, on
peut convertir ce régime si on trouve qu'il y a mauvaise administration
et on dit dans ces cas-là qu'on tombe automatiquement en
séparation de biens.
Donc, il semble qu'il y ait chez nous, comme philosophie
générale des régimes matrimoniaux, une sorte de
liberté assez totale de se marier sous l'un ou sous l'autre des
régimes et que cela est laissé à la discrétion des
parties pour ce qui est du premier contrat, quand on le choisit au
début.
Quand des gens qui sont mariés sous le régime de la
séparation de biens veulent changer pour la société
d'acquêts ou des gens qui sont en communauté de biens
désirent la société d'acquêts ou encore des gens qui
sont en communauté de biens désirent changer pour la
séparation de biens, on ne connaît absolument pas de restrictions
par rapport à l'intérêt de la famille pour la raison
toujours très simple que le changement est, en principe,
autorisé. Donc, il ne semble pas que le fait de l'homologation
préserve les intérêts de la famille, puisqu'ils ne semblent
pas entrer en ligne de compte, comme, chez nous, il n'y a pas, au plan du droit
successoral, en tout cas, à conserver le patrimoine, parce qu'il n'y a
ni réserve en faveur des enfants ni réserve, actuellement, en
faveur des conjoints ou autres limites. (22 h 15)
Par ailleurs, pour ce qui est des tiers, l'article proposé
à 469 qui reprend effectivement la protection qui est accordée
à l'article 1265 paraît suffisant pour les tiers, puisque les
tiers qui pourraient souffrir un préjudice d'un changement de
régime... C'est possible; on a vu seulement des choses
théoriques. On n'a pas encore de jurisprudence et de cas pratiques.
Encore là, c'est théorique, mais la règle les
protège, puisque l'article 469 dit que les créanciers, s'ils en
subissent préjudice, peuvent, dans le délai d'un an à
compter du jour où ils ont eu connaissance des modifications
apportées au contrat de mariage, les faire déclarer inopposables.
Donc, leurs droits sont pleinement protégés, puisqu'ils ont une
année de la connaissance.
Au surplus, les créanciers ont un avantage vis-à-vis du
contrat de mariage, un avantage que n'ont pas les créanciers par rapport
aux actes ordinaires, parce que les créanciers, par rapport aux actes
ordinaires, quand cela cause préjudice, ont l'action paulienne à
laquelle je faisais allusion tantôt, soit les articles 1032 et suivants.
Mais dans le cas de l'action paulienne, il faut prouver l'intention frauduleuse
en plus du préjudice. Mais dans le cas des régimes matrimoniaux,
les créanciers qui subiraient préjudice du seul fait d'un
changement provenant des époux pourraient invoquer le préjudice
sans avoir à faire la preuve assez lourde parfois de l'intention
frauduleuse. Donc, il y a là, il nous paraît, une protection
suffisante et, en somme, j'ai aussi vérifié. Cela avait
été emprunté en 1969 du système français et,
à mon avis, les emprunts comportent toujours certains risques. Dans le
contexte du système français, cela s'expliquait. Je ne veux pas
entrer dans ces détails, mais chez nous, il ne semble pas que ce soit
nécessaire pour la protection des tiers, sans compter que c'est
très coûteux comme système et que cela empêche...
J'ai posé la question au registre central. Il y a très peu
de changements de régimes chez nous. Je ne sais pas si les gens sont
très satisfaits des régimes qu'ils ont adoptés du premier
coup. Mais il y a des notaires de la pratique à qui j'ai
téléphoné qui m'ont dit: Si vous liquidez un régime
de communauté, cela va coûter combien pour changer de
régime? Parce que eux pensent que c'est simplement un autre contrat
de
mariage. Alors, vous leur dites: II faut liquider votre premier
régime. Il faut faire un nouveau contrat. Il faut faire une
requête, des avis dans les journaux. On me dit que cela se situe entre
$600 et $800 pour faire un changement. Alors, dès que les gens entendent
ce genre d'appréciation des coûts, ils ne sont pas
empressés de demander un changement de régime.
Parfois, cela pourrait être utile de changer de régime,
puisque le principe est admis maintenant, après dix ans. Il est
peut-être bon de l'assouplir, surtout si on préserve les droits
des tiers. Quant aux droits des parties, cela demande le consentement de toutes
les parties au contrat. Donc, il n'y a personne qui est excepté.
M. Mathieu: En ce qui concerne les créanciers, n'y
aurait-il pas moyen, quand même - au lieu de laisser le délai d'un
an après qu'ils en ont eu connaissance, si le créancier dit: J'en
ai eu connaissance douze ans après que le contrat a été
fait - de trouver une formule, de les dénoncer dans le contrat ou dans
un acte quelconque et de les aviser, comme M. et Mme Untel/Unetelle changent
leur régime matrimonial? Parce que là, on on va se ramasser avec
des gens qui vont prendre connaissance du changement quinze ou vingt ans
après.
M. Bédard: Oui, mais, en raison du
dépérissement des preuves, ils vont avoir du mal à dire
que le changement intervenu douze ou quinze ans auparavant a pu leur causer un
préjudice dont ils ne se sont pas encore plaints. Il va y avoir des
problèmes de dépérissement de preuves, j'ai l'impression,
et cela risque d'être théorique, là aussi. Quand il y va de
gros sous, comme dans le cas présent, et que ce n'est pas
nécessaire pour la protection des droits, c'est une question qui
relève davantage...
M. Mathieu: En ce qui concerne les règles du partage de la
communauté ou de la société d'acquêts - on n'en fait
pas mention ici; cela doit se trouver quelque part -supposons qu'un couple est
marié en communauté de biens et il adopte par un nouveau contrat
de mariage, un régime de séparation de biens, on reste quand
même soumis à la liquidation du régime de
communauté. Alors, ce sont nos règles prévues au Code
civil de l'annexe qui vont prévaloir, j'imagine.
M. Forget: Dans le même esprit, M. le
Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget:.. quand on change de régime, comme ça,
on peut, bien sûr, présumer, sans qu'il soit besoin que le Code
civil le précise, que le changement de régime doit s'accompagner
d'un bilan, en quelque sorte, de la liquidation du régime
antérieur. Mais si le Code civil ne le précise pas, est-ce qu'il
n'y a pas un danger qu'il ne soit plus possible de s'y retrouver? Il y a un
exemple qui est cité dans le mémoire du Barreau et qui en vaut un
autre. On a un régime originellement de société
d'acquêts qu'on modifie pour le transformer en un régime de
séparation de biens, on fait ça, on ne se donne pas la peine de
décrire avec autre chose que des mots les biens qui sont ainsi
retournés, en quelque sorte, à l'un ou l'autre des conjoints, on
ne se donne pas la peine de faire un bilan, etc, on laisse passer des
années et à un moment donné, intervient la dissolution du
mariage et il faut s'y retrouver dans tout ça. Le problème du
dépérissement de preuve est sensible à ce
moment-là, mais ce n'est plus à l'égard des tiers, c'est
quant aux conjoints entre eux.
Il y a eu, pendant un certain temps, des acquêts qui se sont
accumulés, qui auraient dus être divisés. Mais on ne l'a
pas fait soigneusement, on l'a fait par des indications vagues et
générales, par la désignation nominale des biens, sans
imputer de valeur, à ce moment-là, et il y avait probablement
compensation de biens mobiliers pour des biens immobiliers, etc. Après
des années, il n'est même plus possible de savoir à combien
ça se chiffrait. À un moment donné, il faut liquider
ça, mais il faut tenir compte de la période pendant laquelle il y
a eu une société d'acquêts. À défaut
d'homologation où, bien sûr, la cour pourrait exiger la production
de ces choses, est-ce qu'il ne serait pas prudent de prévoir que le
contrat de mariage qui modifie un contrat de mariage antérieur devrait
être accompagné d'une cédule ou d'une annexe contenant au
moins une description sommaire mais chiffrée des différents
éléments de l'actif - selon les régimes, ça peut
être des acquêts ou autre chose - de manière qu'on puisse se
retrouver et que ça serve de preuve, dans le fond, que ce soit la
meilleure peuve quand, vingt ans plus tard, il faut faire le bilan?
M. Bédard: À la dissolution des régimes -
les notaires ont de l'expérience pratique là-dedans - il y a un
partage qui se fait. S'il y avait un régime de communauté, avant
le changement, ou de société d'acquêts et qu'on veut faire
un changement pour la séparation de biens, il y a une liquidation, donc,
il y a un acte de partage qui intervient, qui dresse l'état de la
situation, d'une part. Quand ils adoptent un régime de
société d'acquêts, je me demande si ce n'est pas
déjà aussi la pratique d'établir quels sont les biens que
les époux possèdent au moment du mariage. Je pense que, là
aussi, ça se fait dans la pratique notariale, l'établissement
d'une
cédule des biens.
M. Mathieu: Cela se fait, justement, pour simplifier, quand
arrivera la dissolution, si on l'adopte par contrat de mariage... Dans le cas
de modifications, c'est nécessaire. Les gens qui se marient pour la
première fois, sans contrat de mariage, quand ils vont arriver à
la dissolution, il va leur manquer certains éléments de preuve.
Des gens nous disent quelquefois: Pourquoi faire un contrat de mariage si on se
marie en société d'acquêts, on tombe sous le régime
légal? La première raison, c'est justement pour avoir un
élément de preuve, savoir ce qui était propre à
chacun en se mariant, ensuite, possiblement, pour la clause d'institution
contractuelle, parce que, souvent, il arrive une situation un peu
pénible où un époux décède, où le
survivant arrive et dit: Je voudrais vendre la maison. Oui, mais elle
était au nom de ton conjoint. Ton conjoint avait-il un testament? Non,
on était marié en société d'acquêts.
Les gens prétendent que le fait qu'ils se marient en
société d'acquêts institue automatiquement une clause
d'institution contractuelle. C'est pour ça qu'ils nous disent: On a
écouté à la radio, La minute juridique, on a dit: Tu n'as
pas besoin de contrat de mariage, tu t'es marié en société
d'acquêts. C'est bon pendant que le régime dure, mais s'il se
dissout par le décès, cela apporte... Je connais des personnes
qui ont été lésées assez lourdement. S'il y a un
enfant de trois mois qui va ramasser les propres et les acquêts du mari,
il ne reste pas grand-chose pour l'épouse, alors qu'ils
prétendent entre eux avoir une clause "au dernier vivant les biens".
Dans le cas de la mutation de régime matrimonial, je serais un peu de
l'avis de mon collègue qu'il serait peut-être bon qu'on explique
que l'acte de partage est obligatoire. Pour les couples qui vont passer de la
communauté à la société d'acquêts ou à
la séparation, ou de la société d'acquêts à
la séparation, s'il y a un manquement quelque part et que le notaire ne
fait pas l'acte de partage, ne liquide pas le régime...
M. Bédard: Est-ce que c'est possible que le notaire ne
liquide pas le régime avant de procéder à l'adoption d'un
nouveau régime?
M. Mathieu: Présentement, je ne connais pas de cas
où cela arrive, mais si on ne le spécifie pas dans le nouveau
texte de loi...
M. Bédard: Dans les régimes de
sociétés d'acquêts ou de communauté de biens tels
qu'ils sont dans le code, il est prévu que quand on les change on les
liquide par voie de partage.
M. Mathieu: Le régime de société
d'acquêts et de communauté se dissout par le décès,
le divorce ou par l'annulation, mais je ne crois pas que ce soit prévu
par la mutation.
M. Bédard: Comme il n'y a que les notaires qui peuvent
faire les changements de régimes, que c'est réservé
à la spécialité du notariat, tout doit passer par le
bureau du notaire. Est-ce qu'un notaire négligerait de faire la
liquidation du régime antérieur? Je ne crois pas que ce soit la
pratique. La raison pour laquelle c'est réservé aux notaires,
c'est parce que c'est extrêmement important, délicat et difficile
et cela demande quelqu'un du métier; le notaire le fait
déjà. Il n'y a pas de plainte sur ces questions.
L'article 495 de notre projet était la reprise - je vais
vérifier - de l'article 1266r, pour faire la référence au
Code civil actuel, qui dit que la société d'acquêts se
dissout par le changement conventionnel de régime selon les
règles, les dispositions, etc. Alors, le partage se fait par le notaire
et automatiquement il y a liquidation.
Le Président (M. Gosselin): L'article 469 est
adopté tel qu'amendé?
M. Forget: Oui, adopté.
Le Président (M. Gosselin): Article 470?
M. Bédard: Cet article vise à dissiper tout doute
relatif au pouvoir des futurs époux ou des époux de consentir
à la modification ou même à la suppression des donations
consenties à leurs enfants à naître. Les articles 788 et
790 du Code civil donnent bien aux époux le pouvoir de
représenter leurs enfants à naître pour accepter les
donations qui leur sont consenties, mais quand il s'agit de modifications et de
suppressions, c'est autre chose. Cet article étend la règle de la
représentation même aux changements survenus après le
mariage et non seulement aux changements survenus avant le mariage, comme le
propose d'ailleurs l'Office de révision du Code civil dans la
rédaction de l'article 75.
M. Forget: M. le Président, on voit de plus en plus dans
nos lois la notion d'une représentation distincte de l'enfant face aux
parents. Je ne sais pas si cela s'applique ici, mais il me semble que, par le
changement de régime matrimonial, un des conjoints pourrait... Un
exemple me vient à l'esprit parce que c'est un exemple qui m'a
été cité aujourd'hui et je ne sais pas si cela s'applique
exactement. Supposons un deuxième mariage et qu'un des conjoints a des
enfants d'un premier mariage. Ce
conjoint, en plus d'avoir des enfants, a des biens personnels. La
convention initiale du mariage est la séparation de biens. Les biens
propres proviennent du premier conjoint décédé. Il y a eu
un premier mariage, il y a eu des enfants, il y a eu des biens qui ont
été légués au conjoint survivant par le conjoint
décédé. Changement de régime matrimonial pour la
communauté de biens et le résultat de ceci peut être de
déshériter les enfants du premier mariage, dans une certaine
mesure. (22 h 30)
On fait une affirmation catégorique voulant que
l'intérêt des enfants est adéquatement
représenté par les parents. Je pense qu'il peut y avoir un
intérêt patrimonial divergent pour les enfants et les parents. Je
me demande si c'est une règle qui est entièrement sage,
entièrement sécuritaire. Peut-être me dira-t-on que
ça ne s'applique pas strictement, mais...
M. Bédard: C'est seulement pour les enfants à
naître, donc ça limite de façon rigoureuse, parce que si
les enfants sont nés, les parents comme tels ne sont pas, en vertu de la
loi, habilités pour la représentation. La seule
représentation, dans l'état actuel du droit, c'est celle du
tuteur dans le cas des intérêts. Alors, je pense que pour la
protection des intérêts, dans le cas que vous avez soulevé,
il faudrait peut-être procéder par la nomination d'un tuteur.
M. Forget: Oui, mais il reste qu'il n'y a plus d'homologation, le
problème ne se pose donc pas devant le tribunal.
M. Bédard: Non, mais devant le notaire, est-ce
qu'on...
M. Mathieu C'est un cas pas mal hypothétique...
M. Forget: Enfin, des deuxièmes mariages avec des enfants
venant du premier mariage, ça existe quand même, ce n'est pas
très hypothétique en soi.
M. Mathieu: D'accord, mais c'est le cas de l'enfant à
naître.
M. Forget: Mettons de côté le cas de l'enfant
à naître, je pense que sur ça, on m'a répondu
adéquatement; mais dans le cas où on change un régime
matrimonial et qu'on se trouve dans un deuxième mariage, il y a des
enfants d'un premier mariage, dans le fond les conjoints de ce deuxième
mariage, en réaménageant leur régime matrimonial, peuvent
prendre des décisions qui vont affecter le patrimoine de ces enfants,
issus du premier mariage, il n'y a plus d'homologation. Évidemment,
l'argument encore plus fort, c'est qu'il n'y a pas d'intervention du tribunal
pour le premier contrat de mariage de toute façon, alors le
problème est radical dans un certain sens, c'est qu'un contrat de
mariage, pour un deuxième mariage, peut avoir un effet assez
négatif sur l'intérêt des enfants.
Je repose ma question dans ce contexte, est-ce que le notaire va
demander que les enfants issus d'un premier mariage soient
représentés devant lui? Le notariat, ce n'est pas une profession
litigieuse, donc le contrat de mariage est un instrument qui pourrait avoir un
effet visant à priver les enfants d'un premier mariage d'une partie de
leurs expectatives naturelles à hériter.
M. Bédard: Je comprends votre inquiétude. S'il
s'agissait de donations faites par contrat de mariage aux enfants qui sont
déjà nés - oublions les enfants à naître - le
deuxième alinéa de 469 peut-être répondrait en
disant "... les donations portées au contrat de mariage, y compris
celles qui sont faites à cause de mort, peuvent être
modifiées, même si elles sont stipulées
irrévocables, pourvu que soit obtenu le consentement de tous les
intéressés." On pourrait dire "les enfants nés" et pour ce
consentement évidemment il faudra procéder à la nomination
d'un tuteur et le faire autoriser par un tribunal pour modifier ou supprimer
les donations. Mais s'il n'y a pas de donation ou d'avantage consenti aux
enfants par contrat de mariage, ils n'ont aucune protection dans la succession
de leur père ou de leur mère puisqu'il y a une faculté
illimitée de tester chez nous.
M. Forget: C'est un problème de droit successoral.
M. Bédard: II y a un problème de droit successoral
et il n'y a pas de réserve, ni proposée par l'office ni dans le
droit actuel, visant la protection des enfants. Mais c'est un problème
noté pour le droit successoral.
M. Mathieu: Si vous me le permettez, M. le Président,
lorsque les gens sont de bonne foi, ils vont faire un contrat de mariage et il
n'y aura pas de lésion parce que le notaire instrumentant tient
normalement à ça.
Il y aura lésion dans le cas d'une personne qui voudra profiter
de l'autre. À ce moment, il n'y aura pas de contrat de mariage, les gens
vont préférer vivre en concubinage, ce sera plus facile
d'atteindre les mêmes fins, il n'y a pas de tiers qui surveille.
Le Président (M. Laberge): L'article 470 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle
l'article 471.
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 471 est
adopté. Article 472. Article 472, adopté. Article 473.
M. Bédard: Adopté également. Un avis du
contrat de mariage doit être donné à la personne
chargée de tenir le registre en attendant.
Le Président (M. Laberge): L'article 473 est
adopté. J'appelle l'article 474.
M. Bédard: Peut-être une petite remarque.
Cet article reprend textuellement l'article 178 du Code civil. Son
intérêt est évident pour un meilleur fonctionnement du
régime. Il tient compte aussi de la proposition de l'Office de
révision du Code civil qui est retenue dans l'article 448
proposé. Il n'y a pas de nouveau là-dedans.
M. Forget: Avec votre permission, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Est-ce qu'on pourrait revenir pour une seconde
à 473? On crée une obligation, mais on ne dit pas à qui
dans cet article. À l'article 473, on crée une obligation de
donner un avis. On ne dit pas qui doit donner l'avis et ici aussi on
suggère, le Barreau suggère que ce soit le notaire instrumentant
et que ce soit indiqué spécifiquement. Cela devient à ce
moment partie de sa responsabilité professionnelle.
M. Bédard: Dans la pratique actuelle de cet avis au
registre, je crois que c'est le notaire qui le donne, mais il le donne dans
l'exercice, est-ce que je me trompe en disant du mandat somme toute que lui
confie le client quand il vient faire son contrat de mariage chez lui et qu'il
lui demande de s'assurer de son efficacité. Le notaire fait
habituellement l'enregistrement et au bureau d'enregistrement s'il y a des
donations et également au registre central. C'est la pratique.
M. Forget: La pratique, oui.
M. Bédard: Cela se fait par le mandat qu'il a dès
qu'il est saisi d'une demande de contrat de mariage.
M. Mathieu: Je serais tenté de dire oui. M.
Bédard: Pardon?
M. Mathieu: Je serais porté à dire oui, mais la
proposition...
M. Forget: ... en fait une obligation professionnelle. Cela
protège les parties parce qu'autrement, si c'est un mandat, c'est autre
chose.
Le Président (M. Laberge): L'article 473 est rouvert pour
modification. Après le mot "donné" nous ajouterons "par le
notaire instrumentant".
M. Bédard: Est-ce qu'on peut poser une question? Est-ce
qu'il n'y a toujours qu'un notaire dans un contrat de mariage actuellement et
c'est l'instrumentant?
M. Mathieu: Toujours.
M. Bédard: II n'y a pas deux signatures qu'on peut prendre
à distance comme dans le cas de certains autres actes?
M. Mathieu: En théorie oui, mais l'acte sera fermé
au nom du notaire qui reçoit la dernière signature.
M. Bédard: C'est lui qu'on appelle instrumentant.
M. Mathieu: Oui.
M. Bédard: Comment appelle-t-on l'autre notaire qui
recevrait une signature à Montréal, par exemple, et
l'instrumentant qui fermerait le dossier à Québec?
M. Mathieu: Savez-vous que le terme précis
m'échappe.
M. Bédard: Mais c'est possible.
M. Mathieu: Oui, c'est possible, mais la Loi du notariat
prévoit que le notaire qui reçoit la dernière signature,
c'est le notaire instrumentant.
M. Bédard: Disons qu'on va le laisser ouvert.
Peut-être que si on fait une soustraction il peut y avoir des
conséquences. Simplement pour fins de sécurité,
laissons-le ouvert. On sait que ce sera un amendement rapide.
Le Président (M. Laberge): L'article 473, l'adoption est
radiée. Il est ouvert et laissé en suspens. Article 474.
M. Bédard: En ce qui concerne l'article 474, j'ai fait les
remarques.
Le Président (M. Laberge): L'article 474 est
adopté. Article 475.
M. Bédard: Cette disposition de droit
nouveau crée un mandat judiciaire utile pour éviter la
paralysie dans l'administration des biens. La rédaction de l'article
tient compte également de la disparition du régime de
communauté de biens.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: J'imagine que c'est pour éviter le conseil de
famille, de nommer un curateur. La personne fait une requête au
tribunal.
M. Bédard: Le mandat va cesser de plein droit, on le voit
à l'article suivant, dès la nomination d'un curateur. Mais c'est
un peu l'intervalle entre la nomination du curateur et le moment où le
conjoint ne peut plus manifester sa volonté ou le faire en temps utile.
C'est pour couvrir l'intervalle que l'office proposait ça et ça
devait répondre à des préoccupations de la pratique.
M. Mathieu: Est-ce qu'il y a quelque chose qui va obliger cet
époux à provoquer la nomination d'un curateur si l'époux
décide de faire perdurer le mandat?
M. Bédard: J'ai l'impression que la nomination du curateur
va obéir aux règles actuelles du Code civil.
M. Mathieu: D'accord, mais il n'y a pas de délai pendant
lequel l'époux qui sera mandaté par le tribunal sera
obligé de provoquer la nomination d'un curateur?
M. Bédard: Peut-être que, selon l'alinéa 2,
lorsque le tribunal fixe les modalités et les conditions d'exercice, il
va fixer le temps; donc, il va peut-être donner une durée
temporaire au pouvoir pour permettre d'évaluer la situation.
M. Mathieu: II y a peut-être possibilité de le
préciser davantage parce que c'est une situation très
délicate.
M. Bédard: C'est pour ça, évidemment, qu'il
y a une autorisation judiciaire. Il est peut-être difficile d'entrer dans
les circonstances qui vont entourer une pareille situation, sauf que le
tribunal, en fixant les modalités et les conditions d'exercice, aura
tous les faits pour peut-être mieux évaluer cela. C'est vraiment
une remise au tribunal d'apprécier toutes les circonstances qui sont ici
assez difficiles à préciser.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 475 sera
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté.
J'appelle l'article 476.
M. Bédard: Cet article donne au mandat judiciaire un
caractère temporaire, notamment lorsque le conjoint est pourvu d'un
curateur, de façon à éviter le chevauchement des modes de
représentation et à respecter les institutions légales, ce
que vous avez mentionné tout à l'heure.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 476 sera
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle
l'article 477.
M. Bédard: II y a un amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): Je m'excuse, je vérifie.
À l'article 477, on nous dit de supprimer à la dernière
ligne les mots "expresse au", ce qui veut dire que ça se lira: "sauf
stipulation contraire".
M. Bédard: On voit que c'est un amendement simplement pour
améliorer la rédaction. L'article reprend l'article 181 du Code
civil sous réserve de légères modifications de forme pour
tenir compte du mandat judiciaire et du réaménagement des
articles.
M. Forget: ... comme l'exonération du conjoint
administrateur.
M. Bédard: C'est un article qui figure parmi les
dispositions générales de tous les régimes. (22 h 45)
M. Forget: Oui, c'est la disposition traditionnelle. Elle est,
dans le fond, inspirée de l'époque où le mari était
l'administrateur des biens de la communauté. Elle me semble
refléter un peu la conception fortement paternaliste de l'époque
où il était inconcevable de mettre en question l'administration
que l'époux faisait des biens de la communauté.
Dans un contexte d'égalité des conjoints, on ne voit pas
beaucoup dans d'autres régimes la notion que quelqu'un qui est
administrateur n'a pas à rendre compte, sauf de ce qui reste. Cela ne
veut rien dire, finalement. Il peut tout dilapider et...
M. Bédard: ...la meilleure manière de ne pas rendre
compte.
M. Forget: C'est la meilleure manière de ne pas rendre
compte, exactement. Évidemment, s'il ne reste plus rien, de toute
façon, il sera probablement insolvable, mais pas vraiment, puisqu'on lui
confie
l'administration des biens de son conjoint. Ceux-là, il peut les
dilapider, mais ses biens propres, il ne les dilapidera peut-être pas.
Donc, on ne peut pas présumer qu'il n'y aurait rien, de toute
façon, qu'il n'y aurait pas de solvabilité.
M. Bédard: Dans le mandat judiciaire -parce qu'il faut
couvrir le mandat judiciaire - il n'y aurait pas de stipulation. Quand c'est
conventionnel, on peut dire: Les époux peuvent convenir autrement. Avec
le mandat judiciaire, je ne sais pas si le tribunal va penser à
cela.
M. Forget: II n'y aurait pas lieu d'y penser, parce qu'il y a un
article du code qui y pourvoit et qui dit qu'il va...
M. Bédard: II va le laisser s'appliquer.
M. Forget: ...le laisser s'appliquer. Mais mon interrogation,
dans le fond, c'est que c'est une disposition qui est traditionnelle, qui
reflète l'ancienne acceptation aveugle que tout ce que le bon
père de famille faisait, c'était bon a priori. Maintenant, on
peut concevoir des cas où, dans un motif de vengeance, le conjoint dont
on administre les biens est parti. Est-ce qu'il souffre d'amnésie ou
pas? De toute façon, je pense qu'un mandat d'administration impose
des...
M. Bédard: On pourrait proposer de le laisser ouvert,
parce que cela me semble une bonne suggestion. Il s'agirait de la formuler,
point.
M. Mathieu: Quels articles cela va-t-il recouvrir?
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: M. le Président, si vous me le permettez, le
veuf, avec des enfants se marie en secondes noces et il devient sujet à
cet article-là. La seconde épouse risque de faire une querelle
avec les enfants du premier mariage. C'est ce qui arrive dans la pratique,
surtout si elle n'est pas comptable.
M. Bédard: Moi, je trouve que cela a bien du bon sens.
Cela va, on le laisse ouvert pour le moment.
Le Président (M. Laberge): L'article 477 est en
suspens.
M. Bédard: Pour y apporter un amendement dans le sens
exprimé par le député de Saint-Laurent.
Le Président (M. Laberge): L'article 478 est
appelé.
M. Bédard: Le premier alinéa de cet article reprend
la règle de l'article 183, alinéa 1, du Code civil, en en
modifiant la rédaction pour tenir compte de l'abolition du régime
de communauté de biens. La sanction de cette règle est en
conformité avec celle retenue en matière de résidence
familiale.
Le deuxième alinéa de cet article restreint la
portée de l'article 184 du Code civil, de façon à
éviter de rendre valide l'aliénation gratuite ou
l'aliénation de la chose d'autrui. Ainsi, cette présomption de
pouvoir est pleinement compatible avec les articles 492, 493 et 517 qui visent
la protection des acquêts et des biens personnels. Elle est aussi en
conformité avec le deuxième alinéa de l'article 451
proposé.
M. Forget: Je m'excuse. Tout à coup, la concordance m'est
frappante entre ce deuxième alinéa et ce que nous avons dit sur
la résidence familiale au titre des immeubles. On parlait de
présomption pour les immeubles, mais là, la présomption
est inversée. C'est-à-dire que la présomption est
l'inverse de celle dont on parlait cet après-midi. Il y a une
présomption très forte que tout ce qui se fait en fait de
meuble...
M. Bédard: Pour les meubles.
M. Forget: C'est cela, justement.
M. Bédard: Mais, là-dessus, cela...
M. Forget: C'est conforme également au mandat implicite
relativement à l'administration, la solidarité quant aux dettes
pour les besoins courants du ménage.
M. Bédard: Cela va?
De la société d'acquêts
Le Président (M. Laberge): Article 478. Adopté.
Article 479, nouvelle section qui traite de la société
d'acquêts. Article 479.
M. Bédard: L'article 479 reprend substantiellement
l'article 1266 du Code civil en le modifiant, toutefois, pour tenir compte de
la règle de la mutabilité des régimes établis
depuis 1969. Ainsi, l'expression "lors du mariage" a été
remplacée par "au début du régime". C'est la règle
générale.
Le Président (M. Laberge): L'article 479 est-il
adopté? Adopté. Article 480.
M. Bédard: L'article reprend l'article 1266 du Code civil
en tenant compte de la règle de la mutabilité des régimes
établis depuis 1969, comme à l'article
précédent.
M. Forget: M. le Président, à l'article 480, nous
avons une demande, une suggestion
de l'AFEAS relativement à la définition comme propre ou
comme acquêt, une demande de clarification, si on veut, quant au salaire
versé au conjoint dans une entreprise non incorporée.
M. Bédard: Est-ce que c'est un propre ou un
acquêt?
M. Forget: C'est ça. On nous demande de le
préciser. Je pense que, si on regarde le premier alinéa de
l'article 480, on a la réponse. Je me demande un peu pourquoi on nous
pose cette question; il me semble qu'on a la réponse. Je comprends qu'on
ne l'aime peut-être pas, c'est peut-être ça, mais non,
ça semble tout simplement un désir de clarifier.
M. Bédard: C'est ça.
Je me suis demandé si ce n'était pas plutôt la
question fiscale qui l'avait amenée; est-ce que c'est accepté au
point de vue de la fiscalité? Mais, au point de vue l'article 480,
ça paraît très clair que, puisqu'il s'agit du produit du
travail, c'est un salaire, forcément un acquêt.
M. Forget: II n'y a aucune relation entre la fiscalité et
l'article 480, de toute manière, parce que chaque conjoint sera
imposé sur les revenus de son travail, même si, dans le
régime, ça constitue une seule masse.
Le Président (M. Laberge): L'article 480 est
adopté. À l'article 481, on nous propose de remplacer, au
paragraphe 2 les mots "en a ainsi expressément disposé" par les
suivants: "l'a stipulé". C'est au deuxième paragraphe.
M. Bédard: Ce n'est pas un gros amendement.
Le Président (M. Laberge): Non, c'est une correction de
rédaction. Ou le donateur l'a stipulé.
M. Bédard: Cela reprend la règle 1266 du Code civil
en tenant compte de la règle de la mutabilité des régimes
établis depuis 1969 et des modifications suivantes: dans le
quatrième alinéa de l'article, l'expression
"désigné par le conjoint ou par un tiers" n'a pas
été retenue, parce que, d'une part, elle n'ajoute rien et que,
d'autre part, si elle vise a exclure des propres d'un conjoint les droits ou
avantages qu'il retirerait d'une assurance qu'il prendrait sur la vie d'un
autre à son profit; elle n'est pas nécessaire puisque le conjoint
reçoit alors à titre de propriétaire preneur et non
à titre de bénéficiaire désigné ou de
propriétaire subsidiaire, comme le précise le quatrième
alinéa amendé de cet article.
Le cinquième alinéa de l'article englobe, parmi les biens
propres, les alliances en raison de leur valeur sentimentale pour les
époux. D'ailleurs, les alliances sont déjà
généralement des propres parce que reçues à titre
gratuit, même si elles ont une certaine valeur matérielle. En
outre, l'expression "papiers personnels" a été
préférée à "correspondance", parce qu'elle englobe
tout écrit de nature personnelle dont la correspondance.
Enfin, le sixième alinéa a été introduit
parce que ces biens sont rattachés à la personne et ne sont pas
nécessairement des biens propres, en vertu de l'article 1266 du Code
civil, compte tenu que les biens propres sont numerus clausus, une clause
fermée.
Le Président (M. Laberge): Je remarque aussi qu'on nous
propose deux autres amendements à l'article 481. Au deuxième
paragraphe, on a changé les mots "en a ainsi expressément
disposé" par les mots "l'a stipulé". Est-ce que ce sera
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Il me faut le
demander pour la forme.
M. Bédard: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Au paragraphe 3, après
le mot "propre" on nous demande d'ajouter les mots "de même que les
indemnités d'assurance qui s'y rattachent". Est-ce que cela est aussi
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Au paragraphe 4, remplacer le
mot "subrogé" par le mot "subsidiaire". Adopté?
Une voix: Adopté.
M. Forget: ... subsidiaire c'est défini ailleurs.
M. Bédard: C'est dans l'assurance que tout ce vocabulaire
est défini.
Le Président (M. Laberge): Le mot "subsidiaire" remplace
le mot "subrogé". Adopté. Il y a une chose qu'il ne faut pas
oublier: supprimer les mots "de pension". "Ou d'un régime de pension de
retraite", on dit tout simplement "un régime de retraite". On
enlève les mots "de pension", c'est biffé. L'article 481
amendé est-il adopté?
M. Bédard: Je n'ai pas d'autres remarques.
M. Mathieu: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Ça veut dire que le produit de toute police
d'assurance-vie est un propre, peu importe que la prime ait été
payée avec un propre ou un acquêt, si je comprends bien.
On parle d'une assurance de personnes, alors c'est une assurance-vie,
communément appelée. À la fin du paragraphe 4, on dit:
"d'une autre rente ou d'une assurance de personnes". Ce sont les derniers mots
de l'article 4.
M. Bédard: Ou à titre de
bénéficiaire. Les expressions "à titre de
propriétaire subrogé" ou "à titre de
bénéficiaire d'un contrat", c'est assez important. Donc, quand il
est désigné comme bénéficiaire d'un contrat...
Supposons que je sois désigné comme bénéficiaire
d'un contrat par quelqu'un d'autre qui en acquitte les primes, ce qui sera
reçu m'appartiendra en propre comme bénéficiaire. Si vous
êtes le propriétaire de la police et qu'à votre
décès vous me transférez vos droits comme
propriétaire en second subsidiaire, j'acquiers donc vos droits et ces
droits-là sont encore aussi des propres. Donc, ça procède
toujours d'une autre personne.
M. Mathieu: II y a un point que je veux éclaircir. On dit:
Si je suis le bénéficiaire désigné, c'est un
propre, il n'y a pas de problème, que les primes aient été
payées à même les acquêts ou les propres, c'est un
propre. Mais si je suis légataire du produit de l'assurance par
succession ou par testament au lieu que par désignation de
bénéficiaire dans la police... Supposons qu'une personne
décède et, par son testament, me laisse le produit d'une police
d'assurance sur la vie du décédé. Sur la police il
apparaît que c'est payable aux héritiers légaux ou aux
ayants-droit ou à la succession. Ce ne serait plus un propre.
M. Bédard: ... je pense dans l'hypothèse que vous
soulevez. Ce sera un bien reçu par succession, legs ou testament.
M. Mathieu: Ah oui! d'accord.
M. Bédard: C'est dans cette autre hypothèse.
M. Mathieu: D'accord, c'est ça. L'assurance revenait au
paragraphe 4, c'est pour ça que...
M. Bédard: Est-ce que ça répond à
votre question?
M. Mathieu: Alors ça couvre tous les cas d'assurance. (23
heures)
Le Président (M. Laberge): L'article 481 avec les
amendements dont nous avons discuté est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendements.
Article 482, on nous dit de le remplacer en totalité par le suivant:
"Est également propre à charge de récompense le bien
acquis avec des propres et des acquêts si la valeur des propres
employés est supérieure à la moitié du coût
total d'acquisition de ce bien. Autrement, il est acquêt à charge
de récompense." Deuxième paragraphe: "La même règle
s'applique à l'assurance sur la vie de même qu'aux pensions de
retraite et autres rentes que l'époux peut racheter par anticipation. Le
coût total est déterminé par l'ensemble des primes ou
sommes versées sauf dans le cas de l'assurance temporaire où il
est déterminé par la dernière prime."
M. Bédard: II y a un assez long commentaire. Je pense que
ça vaut la peine de le lire pour les fins du journal des
Débats.
Le Président (M. Laberge): Oui. M. le ministre, sur
l'article 482.
M. Bédard: L'article 482 proposé modifie et
complète l'article 1266f du Code civil, de façon à tenir
compte des acquisitions dont le prix n'est pas payé au comptant.
L'amendement proposé vise à remplacer cet article pour
améliorer le régime de la société d'acquêts
afin de ne pas porter atteinte à l'équilibre du régime. En
effet, le régime de la société d'acquêts favorise
les acquêts à l'encontre des propres. L'article 1266f du Code
civil ne modifie pas cet équilibre dans une perspective d'acquisition au
comptant, mais si on applique la règle du deuxième alinéa
de l'article 1266f du Code civil aux acquisitions dont le prix est payé
par versements - et c'est là une pratique courante au Québec -on
en arrive à déclarer propres tous ces biens jusqu'au moment
où la valeur des acquêts effectivement employés au paiement
du prix d'acquisition est supérieure à la valeur totale du bien.
Pourtant, en pratique, les versements seront généralement
acquittés avec des acquêts, de sorte que cette règle
porterait atteinte à l'équilibre du régime.
C'est pourquoi il est proposé de renverser la règle du
deuxième alinéa de l'article 1266f du Code civil de façon
à considérer acquêts ces acquisitions jusqu'au moment
où la valeur des propres effectivement employés est
supérieure à la
moitié du coût total d'acquisition de ce bien. Ainsi, le
régime ne sera pas bouleversé du seul fait que le prix n'est pas
payé au comptant. Le premier alinéa vise aussi à favoriser
les acquêts en proposant le critère de la valeur égale et
non seulement celui de la valeur supérieure. Le deuxième
alinéa du nouvel article 482 applique la même règle
à l'assurance sur la vie de même qu'aux pensions de retraite et
aux autres rentes que l'époux peut acheter par anticipation. On dissipe
ainsi un doute que l'article 1266h du Code civil pouvait faire naître par
une interprétation a contrario concernant les rentes et pensions
rachetables par anticipation. On élimine ainsi le risque de les
considérer toujours acquêts.
Pour ce qui est de l'assurance de personnes relative à
l'intégrité physique, le deuxième alinéa de
l'article 485 y pourvoit. Cela se réfère à l'article 2472
du Code civil.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: C'est une question de la part d'une profane.
Tout ce qu'un conjoint acquiert en termes d'assurance durant sa vie conjugale,
c'est sa propriété propre - c'est ce que je veux comprendre -ou
comment cela se partage-t-il dans...
M. Bédard: Cela dépend si vous achetez de
l'assurance avec vos propres ou si vous les achetez avec des biens communs ou
acquêts, pour parler de la société d'acquêts. Si vous
remplacez vos biens propres qui sont en argent ou en biens meubles ou immeubles
pour acquérir des valeurs d'assurance, vous ne faites que remplacer un
propre par un autre propre et cela vous appartient en propre.
Mme Lavoie-Roux: C'est de l'argent que vous aviez même
avant d'entrer dans le mariage.
M. Bédard: C'est ça, mais, si vous le faites avec
des acquêts - donc des biens qui sont le produit du travail, pour prendre
un exemple - ce sont également des acquêts, ça va rester
des acquêts puisque ce sont des biens acquis avec le produit du
travail.
L'article 482 qui est assez technique -je vais essayer d'en simplifier
un peu la portée tout en répondant à cette question -il
peut arriver que, pour acheter un certain bien, vous utilisiez à la fois
des propres et des acquêts. L'article actuel du Code civil ne
précisait pas combien d'acquêts et combien de propres. Mais enfin,
peu importe le montant, on disait: Si les acquêts employés pour
acheter ce bien sont supérieurs aux propres, c'est un acquêt.
Mais, si les propres sont supérieurs aux acquêts, c'est un
propre.
C'était facile quand il s'agissait d'acheter quelque chose au
comptant. Quand on parle d'assurance sur la vie, on peut faire une double
distinction. Si vous achetez de l'assurance temporaire, les assureurs vous
disent généralement qu'à chaque prime vous achetez la
valeur d'assurance et vous couvrez le risque pour une période
déterminée. Si vous ne renouvelez pas, tout tombe, parce que
c'est de l'assurance dite temporaire.
Dans ce cas-là, la prime annuelle, pour une protection
temporaire, si vous avez utilisé vos acquêts, ce sera un bien
acquêt; si vous avez utilisé des propres, ce sera des biens
propres. Et si, encore une fois, vous avez utilisé un peu de propres et
un peu d'acquêts, si vous avez payé au moins 50% de la prime
annuelle avec des acquêts, ce sera tout un bien acquêt.
Il y a le cas de l'assurance-vie qui accumule des valeurs de rachat et
dont les primes sont, dans le langage des assureurs, des primes dites
nivelées, c'est-à-dire que dans la première prime vous
commencez déjà et, prime après prime, vous accumulez des
valeurs de rachat. Les primes étant nivelées, on ne peut pas dire
que c'est chacune qui achète l'assurance de l'année. Au
contraire, il y a une répartition qui s'est faite sur la
longévité de la personne, en termes actuariels, et la prime est
établie une fois pour toutes et vous la payez pendant une période
donnée de votre vie ou jusqu'au décès, selon les modes
d'assurance.
Dans ces cas-là, l'article proposé dit qu'il faudra
calculer; le coût total va être déterminé par
l'ensemble des primes. On va additionner les primes annuelles. Si le rachat de
la police survient au bout de cinq ans, on va prendre les cinq primes et on va
les additionner et on va examiner si le total de ces cinq primes c'est des
acquêts ou des propres. Si c'est un peu des deux, mais qu'il y a 50% des
acquêts, on va dire que tout le bien est acquêt. Et si c'est plus
de 50% qui a été utilisé en propres, on dira que tout le
bien est propre. C'est cela que cet article vient préciser en
matière d'assurance principalement, et également le
deuxième alinéa qui est indiqué dans l'article 482.
Je sais que c'est un peu technique, mais j'aimerais faire une
application à l'achat de biens plus courants, de biens que l'on
achète à tempérament ou par mode de paiement
échelonné dans le temps. L'article que proposait l'office de
révision, c'était de dire: Dès qu'on utilise des propres
et des acquêts pour acheter un bien, c'est toujours un propre, à
moins qu'on prouve, à un moment donné, qu'on a
prélevé au moins 50% du prix à partir des acquêts
pour le payer.
Donc, il fallait se placer longtemps après, surtout quand on sait
que les versements, quand on achète des choses à
terme, sont souvent très échelonnés; cela veut dire
que le bien était propre tout ce temps-là, jusqu'à ce
qu'on ait la démonstration que la moitié du prix a
été payée avec les acquêts.
Il y a une différence de régime entre les propres et les
acquêts. Les propres, vous pouvez les donner, alors que les
acquêts, c'est une des rares restrictions qui existent dans le
régime, vous ne pouvez pas les donner. Il faut protéger
l'accumulation en vue du partage au décès ou à la
dissolution.
C'est un peu la raison pour laquelle, dans le cas des achats à
terme, on a inversé la proposition. On a dit: Quand vous achetez un bien
à terme, avec des acquêts et des propres, on va toujours le
présumer être un bien acquêt, jusqu'à ce qu'on fasse
la démonstration qu'on a employé plus de 50% du prix pour en
faire un propre. En d'autres termes, on veut favoriser les acquêts
plutôt que favoriser les propres dans un cas comme celui-là
où vous pouvez, pour un premier versement, théoriquement, faire
un versement symbolique, verser, disons, $100, mettre théoriquement $1
de propre et $99 d'acquêts et déjà l'article proposé
par l'office en faisait un propre, parce que les $99 ne représentaient
pas la moitié du prix total. On a voulu inverser pour arriver à
mieux équilibrer le régime de société
d'acquêts parce que l'article actuel du Code civil ne couvrait que les
achats au comptant.
En matière d'assurances, les tribunaux n'avaient pas d'article
sur lequel s'appuyer. Il y a d'ailleurs eu un jugement très
récent où quelqu'un avait payé toutes ses primes avant son
mariage. Il est décédé l'année de son mariage, mais
il était en société d'acquêts; alors s'est
posé le problème de savoir si le produit de l'assurance
était un acquêt ou un bien propre, et le tribunal a
décidé que c'était un bien propre parce que les primes
avaient été acquittées avant le mariage. C'était un
bien qui était possédé au moment du mariage, donc
c'était un propre. Si cela se produit avec le paiement des primes une
fois les époux mariés, le tribunal, avec la règle que nous
lui proposons, va pouvoir faire les évaluations qui s'imposent.
Mme Lavoie-Roux: Ceci suppose que dans... Je m'excuse
auprès de mes collègues qui sont très familiers avec
ça...
M. Bédard: Personne ne l'est, madame, sauf nos
experts.
M. Forget: Non, il n'y a personne de familier.
Le Président (M. Laberge): C'est très pertinent,
madame.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ceci suppose que dans la
société d'acquêts les deux conjoints doivent
déclarer ce que chacun possède en propre au moment
où...
M. Bédard: Oui, s'ils ne le font pas... C'est sur eux que
reposera le fardeau de la preuve d'établir que les biens seront des
propres, parce que le régime de société d'acquêts
est bâti sur une présomption d'acquêts. C'est-à-dire
que tous les biens sont présumés être des acquêts,
à moins que vous n'apportiez la preuve qu'ils sont des propres.
Tantôt, on a peut-être eu un échange qui visait
à dire: Quand le notaire fait un contrat de mariage... C'est pour
ça que, même en société d'acquêts, le notaire
parfois peu rendre ce service de dresser la liste des biens au moment du
mariage pour préserver la preuve dix ans, quinze ans ou vingt ans plus
tard.
Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas compliquer les choses, mais
supposons qu'un des conjoints déclare, au moment où il se marie,
qu'il a un capital de $50,000. Après ça, ça prend toute
une comptabilité pour calculer les intérêts.
Une voix: Les acquêts.
Mme Lavoie-Roux: Non, ils ne sont pas acquêts
puisque...
M. Bédard: Oui, les revenus des propres sont des
acquêts.
Mme Lavoie-Roux: Ah, les revenus des propres sont des
acquêts!
M. Bédard: Sauf de petites exceptions, mais, en
général, les revenus des propres sont des acquêts.
M. Forget: D'ailleurs, c'est la valeur historique des propres qui
constitue le propre.
M. Bédard: C'est l'origine.
M. Forget: Dans une période d'inflation comme celle qu'on
connaît, évidemment, tout le problème se pose. En projetant
sur 20 ans l'inflation, sachant que tous les revenus des propres seront des
acquêts et qu'on ne tiendra pas compte de l'inflation, le régime
de communauté d'acquêts se résume à un régime
de communauté, dans le fond, parce que 20 ans ou 30 ans après les
propres ne valent plus rien.
M. Bédard: S'ils sont en argent en tout
M. Bédard: En immeubles...
M. Forget: Même s'ils ont été
réutilisés, à moins qu'il n'y ait une correspondance
exacte...
M. Bédard: Oui, mais si vos $50,000 sont
possédés en immeubles, il est possible que 30 ans plus tard
l'immeuble vaille $150,000 ou $100,000...
M. Forget: Ou en or, si on l'évalue au poids.
Mme Lavoie-Roux: À ce moment il reste un bien propre,
même si la valeur a augmenté de...
M. Bédard: Oui, l'inflation est propre aussi,
c'était le revenu qui...
Mme Lavoie-Roux: Dans un sens ou dans l'autre.
M. Bédard: Dans un sens ou dans l'autre.
Le Président (M. Laberge): Le nouvel article 482 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle
l'article 483. Il y a un amendement à cet article, qui nous demande de
remplacer, au deuxième alinéa, le mot "moyennant" par
l'expression "à charge de".
M. Forget: À l'article 483?
Le Président (M. Laberge): Oui, c'est à la
dernière ligne. (23 h 15)
M. Bédard: Au lieu de "moyennant", c'est cela?
Le Président (M. Laberge): Oui. Au lieu de "moyennant",
les mots "à charge de". Cet amendement est-il adopté?
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 483?
M. Bédard: Cela reprend l'article 1266g du Code civil en
tenant compte, toujours, de la règle de mutabilité des
régimes établie depuis 1969. Le deuxième alinéa
vise aussi à favoriser les acquêts en proposant le critère
de la valeur égale et non seulement le critère de la valeur
supérieure.
Le Président (M. Laberge): Cet article 483 amendé
est-il adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement.
Article 484. Deux modifications nous sont suggérées.
Premièrement, à la première ligne du premier
alinéa, remplacer le mot "ou" par ce qui suit: ", à une pension".
Un instant. Cela se trouve le dernier mot de la première ligne à
la page 20. Cela deviendrait: "Au cours du régime, -on biffe le mot "ou"
- à une pension, qui sont payables..." Cet amendement est-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté.
M. Bédard: L'article étant la règle de
l'absence de récompense de l'article 1266h du Code civil aux rentes et
pensions de retraite, compte tenu que ces rentes et pensions sont aussi de
nature alimentaire.
Le Président (M. Laberge): J'ai aussi un amendement au
troisième alinéa qui commence par "Aucune récompense"; il
s'agit de remplacer les mots "à même", à la deuxième
ligne, par le mot "avec".
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Laberge): J'inscris "avec". Disons que
c'est adopté. L'article 484 amendé est-il adopté?
M. Bédard: Je n'ai pas d'autres remarques à
faire.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: À l'exception des modifications - c'est une
question ou une interrogation qui se pose vis-à-vis de l'ensemble des
articles - étant donné qu'il est 23 h 15 et qu'on a beau,
après 23 heures, avoir fait une première lecture Dieu sait quand,
j'aimerais qu'on profite de l'occasion, s'il y a lieu, pour nous souligner les
changements substantiels.
M. Bédard: D'accord.
M. Forget: Autrement, nous risquons de les manquer. S'il n'y en a
pas à l'article 484, je suis bien prêt à l'adopter.
M. Bédard: II a été dit que l'absence de
récompense est étendue aux rentes et pensions de retraite sur la
recommandation de l'office. En fait, la pension d'invalidité serait sans
récompense parce que ça ne fait que remplacer ce qui, dans
l'intégrité, a été...
M. Forget: Oui, oui.
Le Président (M. Laberge): L'article 484, avec deux
amendements, est adopté. Article 485. On nous demande de remplacer
l'article au complet par le suivant: "Sont également propres à
l'époux le droit à des dommages-intérêts et
l'indemnité reçue pour atteinte à la personne." Un
deuxième paragraphe: "La même règle s'applique au droit et
à l'indemnité découlant d'un contrat d'assurance ou de
tout autre régime d'indemnisation, mais aucune récompense n'est
due en raison des primes ou sommes payées avec les acquêts."
M. Forget: Le sens de tous ces changements est de
considérer la capacité d'un individu à gagner un revenu
comme un propre.
M. Bédard: Oui.
M. Forget: Sa capacité physique et intellectuelle; tout ce
qui y porte atteinte et tout ce qui vient le compenser pour la perte de cette
capacité est un propre parce qu'il remplace un propre.
M. Bédard: C'est cela, la capacité qui lui
était propre.
Le deuxième alinéa, qui n'était pas dans le code
actuel ni dans la proposition de M. Crépeault, ne fait que
préciser ce qui se produit quand l'indemnité vient non plus d'un
auteur qui répare le dommage, mais d'un contrat d'assurance, par
exemple, ou d'un régime d'indemnité.
Il y a lieu de penser que le tribunal aurait également
appliqué la règle du propre, mais c'est une précision pour
lui permettre de le faire.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: M. le Président, à l'article 485 tel
que proposé, après le premier alinéa, n'y aurait-il pas
lieu d'ajouter également -on parle d'atteinte à la personne - "ou
à la réputation"?
M. Bédard: L'atteinte physique et l'atteinte morale, c'est
généralement le concept qui est retenu et je crois que
déjà, à l'article 19 du Code civil, quand on ne les
qualifie pas ou ne les restreint pas, les mots "atteinte à la personne"
comprennent généralement l'atteinte morale et l'atteinte
physique, sauf que, pour ce qui est de l'atteinte morale, je ne sais pas s'il y
a des... Cela va bien pour le premier alinéa, mais, en matière
d'assurance pour l'atteinte morale, je crois que ça n'existe pas comme
forme d'assurance pour le deuxième alinéa, mais, pour le premier,
ça existe.
Évidemment, c'est la diffamation et ça comprend... Ce
n'est pas restreint, les mots "atteinte à la personne" dans le
vocabulaire habituel. Cela comprend aussi bien l'atteinte physique que
l'atteinte morale.
Le Président (M. Laberge): Cela suffit? Article 485,
adopté. Adopté. Nouvelle rédaction. Article 486. À
la première ligne du deuxième alinéa, on nous demande de
remplacer les mots "à même" par le mot "avec". C'est une
concordance avec l'article 484. "Si c'est avec", adopté, et l'article
486 amendé est-il adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 487.
À l'article 487, il faut remplacer l'article 487 par les suivants,
c'est-à-dire deux articles dont je vous fais lecture. Article 487: "Les
actions acquises par suite de la déclaration de dividendes sur des
actions propres à l'un des époux lui restent propres sauf
récompense. Les actions acquises par suite de l'exercice d'un droit de
souscription ou de préemption ou autre droit semblable que
confèrent des actions propres à l'un des époux lui restent
également propres sauf récompense, s'il y a lieu. Les primes de
rachat ou de remboursement anticipé de valeurs mobilières propres
à l'un des époux lui restent propres sans récompense."
Article 487.1: "Sont propres à charge de récompense les
revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise propre à l'un des
époux s'ils sont investis dans l'entreprise."
M. Bédard: Comme il s'agit d'un amendement, il y aurait
peut-être lieu de donner plus d'explications.
Le Président (M. Laberge): Si vous le voulez.
M. le ministre.
M. Bédard: L'article 487 reprenait la proposition de
l'Office de révision du Code civil qui venait compléter l'article
1266k du Code civil. À titre d'amendement, deux articles nouveaux sont
proposés, les articles 487 et 487.1. Le nouvel article 487 modifie et
complète l'article 1266k du Code civil. En effet, un examen plus
approfondi de l'article 1266k du Code civil a fait ressortir des
difficultés sérieuses d'interprétation pour distinguer ce
qui est fruit des revenus de ce qui est capital. L'application de la
règle qui y est prévue risquait en outre, dans certains cas, de
porter atteinte à l'équilibre du régime de la
société d'acquêts en favorisant les propres au
détriment des acquêts sans donner lieu à récompense.
En effet, lorsqu'une entreprise incorporée déclare
valablement des dividendes, ceux-ci deviennent la
propriété des actionnaires et dès lors ils sont
acquêts parce qu'ils constituent des revenus, même si la compagnie
décide de les payer en actions plutôt qu'en argent. Toutefois,
s'il est préférable de qualifier de propres les dividendes
lorsqu'ils sont payés en actions pour maintenir l'unité du stock
d'actions possédées par un époux dans une même
entreprise, il est normal, là aussi, que la masse des acquêts
reçoive récompense.
En outre, s'il est souhaitable pour les mêmes raisons que soient
propres les actions acquises par suite de l'exercice d'un droit de
souscription, de préemption ou autre droit semblable que
confèrent des actions propres à un époux, il est
également normal que la masse des acquêts reçoive
récompense lorsque le prix payé pour les acquérir provient
de cette masse.
Enfin, dans le cas d'une prime de rachat ou de remboursement
anticipé de valeurs mobilières, il est normal qu'elle ne donne
pas lieu à récompense parce que la prime dans ces cas est
plutôt de la nature d'un capital que d'un revenu. En effet, ce n'est pas
le rendement de la valeur mobilière qui est touché, mais la
valeur capitale elle-même qui fluctue. La qualification du produit d'une
capitalisation de réserve ou de surplus est déterminée par
le nouvel article 487.1. Pour toutes ces raisons, il nous a paru
nécessaire de reformuler cet article de manière à
régler ces difficultés et également le rendre plus
concret.
Le Président (M. Laberge): Une question, M. le
député de Saint-Laurent?
M. Forget: M. le Président, j'ai des questions, mais vous
comprenez qu'après 13 heures, à 23 h 30, essayer de comprendre
comment tout ceci change la situation... J'ai écouté avec
intérêt et attention le ministre - du moins avec toute l'attention
dont je suis capable dans les circonstances - je dois dire qu'il y a des bouts
que je comprends mais je ne suis pas sûr que je comprends tout. Ce qui me
frappe quand je relis l'article 1226k, c'est qu'on basait la
caractérisation des propres sur l'origine du paiement de dividendes.
S'il s'agissait du fruit d'une capitalisation, de la distribution d'un
élément de capital de l'entreprise elle-même, on le
considérait comme propre s'il s'agissait d'un versement de dividendes;
à mêmes les revenus courants, il était
considéré comme acquêt. Je pense que, sur ce point,
ça va. Maintenant on met ces critères de côté. On
dit: Dans le fond peu importe si cette distribution de dividendes ou d'actions
à titre de dividendes se fait à même les revenus ou
à même les réserves, cela n'a aucune espèce
d'importance. On les considérera - je ne suis pas sûr que c'est
dans tous les cas ou si c'est seulement dans certains cas - comme des propres
à charge de récompense. Je comprends que quand on exerce un droit
de souscription, il y a récompense. Je ne comprends pas très bien
ce que "sauf récompense" veut dire dans le premier alinéa
puisqu'on parle d'un dividende en actions; il n'y a ordinairement pas de
problème de récompense dans ce cas-là. On semble
déplacer les critères de l'entreprise qui est à l'origine
du dividende vers les situations propres à la façon dont ces
sommes sont reçues par le bénéficiaire. Je me demande si
cela n'en fait pas quelque chose encore plus suggestif qu'avant.
M. Bédard: II n'est pas facile... On a essayé de
savoir ce que les auteurs comprenaient de l'article 1266k et cela paraît
poser des problèmes de lecture; c'est d'un certain degré
d'abstraction et c'est d'une certaine complexité pour le moins. La
proposition de l'Office de révision du code civil, notamment dans le
premier alinéa qui était repris par le projet de loi 89...
M. Forget: Quelle recommandation?
M. Bédard: Pour ce qui est de l'office, c'était
l'article 89 et l'article 87 du projet 89 reprenait exactement le projet de
l'office sans y ajouter une ligne.: J'avoue que le premier alinéa est
lui aussi d'une certaine théoricité et d'une certaine abstraction
difficile. Le produit d'une distribution, il y a un caractère là.
Nous avons procédé à une analyse avec des experts en
fiscalité, des experts en droit des compagnies et moi-même pour
essayer de démêler un peu et rendre un peu plus concret cet
article. Nous avons essayé d'identifier les situations somme toute qui
sont courantes dans la vie d'une entreprise incorporée et d'une
entreprise non incorporée. Le 487.1 vise l'entreprise non
incorporée - on n'y est pas rendu - le 487 ne vise que l'entreprise
incorporée. Je ne sais pas si vous avez le projet d'article nouveau sous
les yeux... Oui. Dès qu'on possède une action dans une entreprise
incorporée, il peut y avoir des déclarations de dividendes. Or,
le dividende est en vertu des règles du régime de
société d'acquêts un produit qui tombe dans les
acquêts puisque le dividende est une distribution de revenus. (23 h
30)
Quand la compagnie décide de payer son dividende par des actions,
elle ne fait que le convertir, mais cela n'empêche que c'est un dividende
et qu'il est raisonnable que la société d'acquêts profite
du dividende. Comme on veut maintenir l'unité du stock d'actions qu'on
possède dans l'entreprise, puisque les actions sont propres, les
dividendes sont payés par voie d'actions supplémentaires ou
nouvelles, alors on veut peut-être garder propre l'ensemble du
portefeuille d'actions. À ce moment, il est important que la
société d'acquêts, qui est privée de ses dividendes,
puisse avoir récompense. C'est dans ce sens que les récompenses
seront dues à la société d'acquêts.
Normalement, si la compagnie avait payé son dividende en argent,
tout tombait dans la société d'acquêts. Comme elle le paie
en actions, on dit que les actions resteront propres, mais qu'il y aura
récompense en conséquence pour le même montant dans la
société d'acquêts. Je ne sais pas si je me suis
exprimé de façon assez claire sur cet aspect.
Si on va au deuxième alinéa, il y a d'autres situations.
C'est qu'il y a des droits qui sont attachés parfois aux actions, qui
sont des droits de préemption, des droits de souscription, des droits de
cette nature qui varient beaucoup avec l'évolution du droit des
corporations. Cela permet, somme toute, ces droits, à chaque fois qu'il
y a une nouvelle émission, d'acheter un certain nombre d'actions.
Récemment, par exemple, la Banque Royale a procédé ainsi.
Donc, ces actions nouvelles qui sont achetées par l'exercice des droits
de préemption sont ou achetées avec des propres et alors il n'y a
pas de récompense, ou avec des acquêts auquel cas il y a
récompense. C'est pour cela qu'il y a une petite nuance:
récompense s'il y a lieu selon qu'on a utilisé les acquêts
pour les acheter ou des propres.
Enfin, pour ce qui est du troisième alinéa, les primes de
rachat ou de remboursement anticipé de valeurs mobilières propres
à l'un des époux lui restent propres sans récompense.
Là, vraiment, c'est tout le domaine... Je ne sais pas si quelqu'un a
l'avantage d'avoir des obligations qui rapportent un fort taux
d'intérêt. Si on se retrouve un an après ou quelque temps
après avec un rendement d'intérêts sur des obligations qui
est de beaucoup inférieur, votre obligation, à cause de son haut
taux d'intérêt, va valoir plus que la valeur nominale. Ce que vous
aurez peut-être payé $1000 comme obligation à un taux
d'intérêt de 14%, si les taux d'intérêt baissent, va
rester à 14%, c'est bien sûr, mais la valeur nominale de $1000 en
capital va peut-être monter à $1050 parce que votre obligation a
un rendement supérieur au marché courant, de sorte que cette
prime, si vous voulez, qui s'attache, elle s'attache au capital et c'est normal
qu'elle reste propre, car ce n'est pas un revenu des propres.
Ce ne sont pas les intérêts qui sont modifiés. C'est
une prime qui est attachée, si vous voulez, à cause de la
fluctuation des rendements. D'ailleurs, cela ne fait que reprendre pour ce bout
aussi, ce que l'office proposait à cet égard. Si on pouvait lier
tout de suite l'article 487... À l'article 487.1, qui est l'article
détaché, c'est le cas d'une entreprise - cela
réfère assez bien aussi à l'article du code, d'un
côté, et également à la proposition Crépeau -
qui n'est pas incorporée. Dans une entreprise qui est incorporée,
comme chacun le sait, on peut capitaliser au lieu de distribuer les revenus au
chapitre des dividendes. Mais quand on fait cette opération de
capitalisation, cela n'a rien à voir avec des acquêts ou des
propres parce que la compagnie est une personne morale qui n'a pas de
régimes matrimoniaux, qui n'a pas de propres, qui n'a pas
d'acquêts. Ses actionnaires décident de faire de la capitalisation
ou du réinvestissement. Par conséquent, l'article du Code civil
ne peut viser que les entreprises non incorporées. Si vous avez une
entreprise non incorporée, vous faites des revenus et vous
réinvestissez dans les revenus. Je pense à un artisan, l'hiver,
qui ramasse la neige, il peut, avec ses revenus, acheter un deuxième
camion, donc, faire du réinvestissement. Quand il fait du
réinvestissement, comme on l'a dit, son propre a charge de
récompense, parce qu'il réinvestit, dans son cas, des revenus
qui, par définition à l'article 480, sont nécessairement
des acquêts. Etant des acquêts qu'il réinvestit, c'est
normal qu'il ait le droit de réinvestir dans l'entreprise pour
améliorer son entreprise, mais c'est normal aussi qu'il rende compte aux
acquêts des revenus dont il prive la masse des acquêts. C'est
pourquoi l'article 487.1 vient préciser qu'il y a là lieu
à récompense, ce que ne faisait pas, avec nuance, l'article 1266k
et l'article 89 de l'Office de révision. J'avoue que c'est aussi assez
technique, mais...
M. Forget: Je crois que l'article 487.1 intervient fort à
propos, il n'y a pas de problème. Je posais simplement la question.
Quand on parle de revenus ici, on parle bien de revenus dans le sens de la Loi
sur l'impôt, c'est-à-dire que l'amortissement n'est pas
considéré comme un revenu. L'amortissement ne tombe pas dans les
acquêts. Par exemple, pour employer le même exemple,
l'amortissement sur le premier camion, qui constitue une réserve
financière, peut être utilisé pour acheter un
deuxième camion. Cette partie des revenus de l'entreprise, qui ne sont
pas véritablement des revenus, mais qui sont des revenus bruts avant
amortissement, ce dont on parle ici, c'est le revenu net après
amortissement.
M. Bédard: Dans le cas de l'article 487.1?
M. Forget: 487.1.
M. Bédard: Cela ne distingue pas entre les revenus nets et
les revenus bruts. Je crois que les revenus, tous les revenus du travail, dans
le cas d'une entreprise non incorporée - parce qu'elle n'est pas
incorporée - constituent des acquêts, je pense, par
application de l'article 480.
M. Forget: II pourrait y avoir une controverse assez facile
là-dessus, parce que l'amortissement n'est précisément pas
un revenu du travail. C'est un revenu imputable à l'utilisation d'un
actif physique, par exemple, à l'utilisation d'un camion ou d'une
pièce d'équipement, de machinerie. Donc, ce n'est pas un revenu
du travail, c'est un revenu d'une chose, si on peut dire, sur le plan
certainement de la comptabilité commerciale, industrielle,
économique, si on veut.
M. Bédard: Cela permet une imputation, parce qu'il s'agit
d'une dépense pour gagner. C'est imputable au point de vue fiscal, mais
au point de vue de la société d'acquêts, si vous faites la
cueillette de la neige, que vous avez $20,000 de revenu, même si vous en
employez $10,000 à payer les versements sur le camion, je crois que ces
$10,000 qui seront utilisés à amortir les versements, à
partir d'un capital, vont être considérés, au point de vue
de la société d'acquêts, comme étant un revenu.
C'est peut-être sous réserve...
M. Forget: J'aurais une opinion différente, parce que le
camion étant un propre, sur le plan de la société de
crédit qui va prêter l'argent pour l'achat du camion, elle va
présumer que c'est celui qui est le propriétaire du camion qui
peut payer et non pas la société d'acquêts, ce qui implique
à ce moment-là l'autre conjoint qui devient solidairement
responsable de la dette, en somme, relativement à un propre.
Mais chacun a l'administration complète et indépendante de
son patrimoine de propres et d'acquêts, et comme ce n'est qu'au partage
qu'interviennent les relations entre les deux époux quant à leur
patrimoine, je vous donne mon opinion bien modestement, je suis porté
à penser que tout ce qui est le gain d'un conjoint et, en vertu de
l'article 480, un acquêt, et s'il paye le camion qui est un propre, c'est
toujours sujet à récompense. C'est un peu comme le
réinvestissement; une fois que le camion est payé, il est
possible qu'on en ait besoin d'un deuxième pour augmenter les revenus,
les affaires et que les économies réalisées par le travail
servent à acheter un deuxième camion. À ce moment,
là aussi, pour les fins d'unité de l'entreprise, on dit: Cela
sera un propre, l'achat du camion, mais il devra récompense aux
acquêts pour avoir utilisé de la masse des acquêts la somme
nécessaire à l'achat du camion.
Vous permettez que je vous pose une question? L'achat de l'essence pour
faire fonctionner le camion, est-ce que c'est une dépense de la
communauté ou si c'est une dépense de l'un des conjoints dans
l'administration de ses propres?
M. Bédard: Si vous payez l'essence du camion avec les
acquêts, non pas avec vos propres, mais avec vos revenus de travail,
c'est une dépense d'acquêts.
M. Forget: Donc, c'est la communauté d'acquêts qui
administre l'entreprise.
M. Bédard: Ce n'est pas un investissement. J'ai compris
que vous parliez de l'essence, donc, de dépenses courantes.
M. Forget: Oui, c'est cela. Si vous m'aviez dit: Non, la
dépense d'essence, par exemple, qui est une dépense courante, est
imputable au patrimoine propre, par analogie, l'amortissememt est aussi une
dépense. Les articles du Code civil qui traitent de la communauté
d'acquêts sont exprimés en termes d'actifs beaucoup plus qu'en
termes de dépenses.
M. Bédard: Oui.
M. Forget: D'ailleurs, tout ce chapitre est assez silencieux.
Quand on aborde le problème des dépenses, on se rend compte
qu'une personne qui exerce une profession, un métier ou un commerce non
incorporé et qui est en communauté d'acquêts fait assumer
à la communauté l'ensemble des responsabilités
financières afférentes à la gestion de ce commerce, de
cette profession ou de cette industrie non incorporée.
M. Bédard: Oui, mais il y a une retombée. Les
revenus de ce propre, parce qu'il est maintenu, vivifié et rendu
productif, tous les revenus des propres tombent dans les acquêts. C'est
avantageux de maintenir et de conserver les propres, parce que les revenus font
partie des acquêts. Il n'y a pas que le travail qui alimente les
acquêts. Il y a également les revenus des propres.
M. Forget: Oui, tant que les propres produisent des revenus plus
qu'ils n'engendrent de dépenses.
M. Bédard: Oui, mais, là-dessus, c'est un fait
qu'il n'y a pas de contrôle. Encore une fois, c'est pour des fins de
partage qu'on a identifié deux patrimoines. En réalité, en
société d'acquêts, chacun des époux administre la
totalité de ses biens, sans faire de distinction, souvent - dans la
pratique, j'entends - entre ses acquêts, ses propres et tout cela. C'est
quand arrive le moment du partage ou de la dissolution qu'il faut reconstituer
ce qui est propre et ce qui est acquêts. Certains trouvent que cela a une
certaine complexité comme régime et
certains pensent même que c'est peut-être pour cette raison
que le régime a un peu de difficulté à gagner une faveur
plus grande dans le public aussi.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que c'est la séparation de biens
qui, dans le moment, gagne le plus de faveur?
M. Bédard: Bien, elle est à 55% contre 45%, si on a
le droit de donner des statistiques.
On l'a même mentionné.
M. Forget: Dans le cas d'entreprises, il me semble qu'on apporte
là une solution bien partielle, parce qu'au moment où on
calculera les acquêts, si l'on se base sur la notion que les revenus
bruts d'une entreprise sont des acquêts et qu'on ne s'occupe pas du tout
des dépenses engendrées pour les générer on va se
trouver dans des situations de partage des acquêts absolument
aberrantes.
M. Bédard: C'est la situation présente. J'ai
déjà fait l'hypothèse suivante. Je ne sais pas si je
devrais vous la transmettre. Vous pouvez fort bien faire le tour du monde avec
vos acquêts, puisque vous êtes l'administrateur de vos
acquêts et personne ne peut vous empêcher de le faire et, à
la dissolution, n'avoir rien à partager, alors que votre conjoint, plus
parcimonieux, a économisé les acquêts et se trouve à
les partager. Dans la société d'acquêts, vous êtes
débiteur de la moitié de vos acquêts, mais vous êtes
aussi créancier de la moitié des acquêts de l'autre. Chacun
des conjoints a l'autonomie complète de son patrimoine, sauf
aliéner à titre gratuit les acquêts, mais aliéner
à titre gratuit, cela ne comprend pas faire le tour du monde. Les gens
vont en Floride ou ailleurs avec leurs acquêts généralement
plutôt qu'avec leurs propres et vous pouvez utiliser le régime.
Pourquoi? Parce que la philosophie de ce régime, c'est fondamentalement
un régime de partage des économies - s'il y en a - au chapitre
des acquêts. Il n'y a pas autre chose que cela dans ce régime, si
je peux dire. (23 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est même pas à risque
partagé.
M. Bédard: On partage des acquêts s'il y en a.
M. Mathieu: À la fin, simplement pour enchaîner avec
ce que vous dites, Me Guy, et mon collègue, M. Forget, on ne s'occupera
pas des revenus et des dépenses, on va s'occuper de partager l'actif ou
le passif qui reste à la fin. Il peut arriver... Moi, j'ai
déjà eu un cas d'acquêts déficitaires du
côté d'un conjoint et largement excédentaires du
côté de l'autre. On est obligé de faire le partage. Il est
sûr que, chez celui dont les acquêts sont déficitaires, il y
a eu beaucoup de dépenses à son commerce ou à d'autres
fins, ou encore il en a profité pour cacher des acquêts quelque
part pour diminuer sa masse d'acquêts, pour ne point faire partager
à même sa masse par son conjoint. Ce qui se fait dans la pratique,
c'est que les gens en quelques mois vident leur patrimoine d'acquêts, le
réalisent en argent et vont le cacher dans des coffrets de
sûreté aux Etats-Unis au nom d'amis. En rendant leur patrimoine
d'acquêts déficitaire... C'est un peu le danger qui arrive dans
certains cas. Si vous arrivez avec un conjoint dont les acquêts sont
déficitaires, l'autre conjoint va renoncer, mais celui dont les
acquêts sont déficitaires va prendre la moitié des
acquêts de l'autre. On ne peut pas parler en termes de dépenses ou
de revenus, à ce moment-là, c'est en termes d'actif ou de passif
qui restera au moment de la dissolution.
M. Bédard: C'est justement le prix à payer pour une
autonomie de gestion de ce régime.
Mme Lavoie-Roux: On se marie souvent pour le mieux et pour le
pire! Et pour le pire!
M. Bédard: Cela impose la surveillance.
Le Président (M. Laberge): L'article 487 est-il
adopté?
M. Forget: Non, M. le Président.
Je ne suis pas sûr qu'il soit prudent de l'adopter dès ce
soir parce que ce sont des choses tellement complexes. Il y a plusieurs
façons de lire le premier alinéa. L'explication qui nous a
été donnée me semble sûrement une
amélioration sur le texte antérieur puisqu'elle n'exige pas de
faire ces distinctions subtiles sur ce qui est un paiement capital et un
paiement de revenu dans une entreprise. Je me demande si le libellé
lui-même est suffisamment limpide. Quand on dit: les actions acquises par
suite de la déclaration de dividendes sur des actions propres, on vise,
si je comprends bien, des dividendes payés en actions, mais est-ce que
cela ne pourrait pas être interprété comme signifiant des
actions acquises à même des dividendes payés en argent?
M. Bédard: Vous voulez dire qu'on peut recevoir les
dividendes...
M. Forget: Acheter les actions de la même entreprise...
M. Bédard: ...et acheter des actions dans un
deuxième temps au lieu de recevoir
des actions comme dividendes. Je pense que les deux hypothèses
sont bien identifiées, si l'article ne veut viser que l'une des deux,
c'est-à-dire celle qui découle d'une déclaration de
dividendes. Il est possible que le texte ne soit pas assez serré. Est-ce
qu'il y a des suggestions de le serrer davantage? C'est ce que nous avons
trouvé de meilleur. Il y a peut-être une façon de
l'améliorer.
M. Forget: Je n'ai pas d'amendement à proposer
spontanément comme cela. J'ai vu les amendements du ministre seulement
ce soir. Dans le cas du troisième alinéa...
M. Bédard: Est-ce qu'on ne pourrait pas le suspendre?
C'est très technique. Je pense qu'on a eu une très bonne
discussion là-dessus et il s'agirait de...
Mme Lavoie-Roux: Bien oui.
Le Président (M. Laberge): On va le laisser en suspens
pour le moment. Demain matin...
Mme Lavoie-Roux: Pourquoi ne suspendez-vous pas la séance
à minuit moins dix? Franchement, cela fait dix heures que vous
êtes attablés.
Le Président (M. Laberge): On est prêt.
Bientôt.
M. Bédard: Je ne pense pas qu'on doive être
agressif. C'est la première fois qu'on en parle.
Mme Lavoie-Roux: Non, pas agressif. Excusez-moi! S'il y avait de
l'agressivité, je la retire.
Le Président (M. Laberge): En toute gentillesse.
M. Bédard: Cela nous fait plaisir de vous revoir.
Mme Lavoie-Roux: En toute gentillesse, j'aimerais faire la
suggestion que peut-être, à 23 h 50...
M. Bédard: Celui-là, je suis d'autant d'accord
qu'on le suspende que, comme on l'a mentionné, même si les
explications ont été assez limpides de la part de M. Guy, il
reste quand même que nous l'avons déposé ce soir. Pour ce
qui concerne les autres articles...
Le Président (M. Laberge): L'article 487 est suspendu.
M. Bédard: ... on peut regarder s'il y a des amendements
spéciaux. Il n'y a pas d'autres amendements dans les autres
articles.
Le Président (M. Laberge): Non. Aux articles 488, 489 et
490, il n'y a pas d'amendements suggérés. Ils sont très
courts.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, sans agressivité,
encore une fois, cela me semble raisonnable qu'on arrête. Je pourrais
bien faire une motion d'ajournement et en discuter pendant une demi-heure, mais
c'est de bonne foi que je le suggère. Je pense que mon
collègue...
M. Bédard: II a fait un travail fantastique.
Mme Lavoie-Roux: Oui, et il ne reste que dix minutes.
M. Bédard: Je suis d'accord avec vous.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Bédard: II y a une question; vous avez un
collègue qui est en pleine forme, là-bas.
M. Mathieu: J'aimerais qu'on cogite, cette nuit, à un
problème qui ne me paraît pas avoir été
réglé ici. Supposons qu'une personne achète un billet
à $10 de Loto-Québec et gagne le million - j'ai regardé
jusqu'à la fin, il ne reste que trois articles et je ne trouve pas de
réponse - est-ce que ce million sera propre ou acquêt?
M. Bédard: C'est important, ce que vous dites. Une
recommandation nous a été faite d'ajouter un septième
alinéa pour qualifier le prix des loteries. Je croyais
préférable qu'on en discute avant de se brancher.
M. Mathieu: J'ai eu ce cas dans ma pratique, un gain d'un million
par l'achat d'un billet de $10, et imaginez, les époux sont en instance
de divorce!
M. Bédard: C'est mieux d'être le détenteur du
billet que d'être le notaire!
M. Mathieu: II peut y avoir lésion de $500,000,
là.
M. Bédard: Pour ce qui est de la lésion, on pourra
regarder cela demain matin...
M. Mathieu: Très bien.
M. Bédard: ... en y réfléchissant cette
nuit.
M. Mathieu: C'est pour cela que
j'aimais en parler, pour qu'on y cogite cette nuit.
M. Marx: Pensez-vous qu'on va pouvoir dormir? Cela peut nous
empêcher de dormir.
M. Bédard: En rêvant au million,
peut-être.
Le Président (M. Laberge): Sur ce, mesdames et messieurs,
la commission parlementaire de la justice ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 52)