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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le jeudi 11 décembre 1980 - Vol. 23 N° 10

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 89 - Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille


Journal des débats

 

(Douze heures sept minutes)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission parlementaire de la justice est réunie de nouveau pour étudier le projet de loi no 89, Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille.

Les membres de la commission parlementaire pour aujourd'hui sont: M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup) remplacé par M. Lacoste (Sainte-Anne); M. Charbonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Guay (Taschereau) remplacé par M. Gosselin (Sherbrooke); Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. Marquis (Matapédia).

Peuvent aussi intervenir M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Desbiens (Dubuc), M. Lacoste (Sainte-Anne) remplacé par M. Boucher (Rivière-du-Loup); M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski) et M. Pagé (Portneuf).

Le rapporteur de cette commission a été désigné en la personne de Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine).

Quand nous avons suspendu nos travaux, hier soir, nous avions adopté l'article 449 avec amendements. J'appelle donc la section II intitulée: De la résidence familiale. J'appelle l'article 450.

M. Forget: M. le Président, je m'excuse, on parlait. Pour ce qui est des membres, M. Pagé est remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Le Président (M. Laberge): Correction au journal, M. Pagé (Portneuf) est remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Chapitre sixième

Des effets du mariage

De la résidence familiale

M. Bédard: M. le Président, vous me permettrez peut-être des propos un peu plus élaborés avant d'entrer dans l'étude article par article. Je pense qu'il s'agit, on en convient tous, d'un chapitre où on retrouve un droit déjà existant, mais on retrouve également un droit nouveau qui est très important. J'ai demandé, par rapport à ce que je vais dire et peut-être pour une meilleure compréhension au niveau de l'Opposition, qu'on fasse une copie de ces propos pour qu'ils soient transmis à l'Opposition de la même façon qu'hier il y avait quelques amendements que nous nous apprêtions à soumettre à l'attention des membres de la commission et j'en ai fait part à l'Opposition officielle.

La section sur la résidence familiale marque un tournant dans notre droit, d'une part, parce qu'elle s'étend impérativement à tous les régimes matrimoniaux et, d'autre part, parce qu'elle fait aussi appel au sens des responsabilités des époux qu'elle invite à poser certains gestes pour assurer la protection de leur résidence.

Le Québec a donné le ton depuis 1866 en Amérique du Nord en proposant aux époux des régimes matrimoniaux qui assuraient, dans bien des cas, non seulement la protection de la résidence familiale et des meubles qui la garnissent, mais aussi des autres immeubles et des autres biens meubles. Il s'agit des régimes de communauté de biens et de société d'acquêts. Il n'est que de relire certains articles du Code civil, principalement les articles 1266o, 1267c, 1292 et 1361, pour se rendre compte que les époux ne peuvent disposer entre vifs a titre gratuit des biens acquêts ou communs; que le mari ne peut disposer, même à titre onéreux, des immeubles de la communauté, des fonds de commerce et des meubles affectés à l'usage du ménage; que les époux, à la dissolution du régime par séparation de corps, divorce, décès ou autrement, partagent par moitié les biens acquêts ou communs et qu'enfin, dans le cas de décès ou d'absence d'un époux, son conjoint peut exiger que l'on place dans son lot la maison d'habitation, les meubles de ménage, l'établissement industriel, agricole ou commercial de caractère familial qui font partie de la masse des acquêts partageables.

Certes, cette protection ne suffit plus. Les biens propres échappent à ces règles et les époux choisissent trop souvent un autre régime qui n'y est en aucune manière soumis. Ainsi, on constate qu'actuellement, au Québec, les époux choisissent davantage le régime de séparation de biens, 55%, que la société d'acquêts, 45%, ou encore la communauté de biens, moins de 1%. Le

résultat est que la résidence et les meubles qui la garnissent sont insuffisamment protégés par les seuls régimes matrimoniaux, mais surtout par la liberté accordée aux époux de choisir un régime plutôt que l'autre.

C'est pourquoi le gouvernement a décidé d'intervenir en dehors des régimes matrimoniaux, mais en en tenant compte toutefois, afin de mieux protéger les biens indispensables qui permettent d'assurer les intérêts de la famille et de ses membres. C'est en restreignant le pouvoir de chacun des époux de disposer de ses biens que ces objectifs seront atteints. Toutefois, le gouvernement est conscient qu'en ce faisant il doit tenir compte des conséquences qui en découlent tant pour les tiers de bonne foi que pour le crédit des époux eux-mêmes. Il doit tenir compte également de l'état des supports de publication et d'information disponibles au Québec. Ainsi, dans le cas des meubles de la résidence, tout en protégeant les droits du conjoint, il nous a paru nécessaire de protéger l'acquéreur de bonne foi à titre onéreux qui n'a pas moyen de se protéger contre le défaut de consentement faute de supports de publication et d'information.

Dans le cas de la résidence où il existe un support de publication, le gouvernement invite les époux à enregistrer une déclaration de résidence afin d'en informer les tiers. La déclaration de résidence ne sera soumise à aucun autre formalisme et elle pourra être faite par l'un ou l'autre des époux. C'est le contenu du présent projet de loi, mais, cependant, je dépose, à l'invitation de plusieurs groupes, un projet d'amendement à l'article 454, visant la dénonciation de l'enregistrement à l'autre époux lorsqu'elle est faite par un seul. On aura l'occasion de discuter là-dessus.

Quant à la forme de la déclaration de résidence, je ne vois pas bien pourquoi il faudrait imposer la forme notariée en minutes quand l'acte d'achat de la résidence n'y est même pas soumis. Dans la très large majorité des cas, les époux s'en remettront sans doute à leur notaire, comme pour l'achat de la résidence. Dans certains cas, il sera peut-être utile de pouvoir procéder autrement.

Le projet de loi limite la protection de la résidence familiale aux immeubles de moins de cinq logements. À la suite de représentations de divers groupes, il paraîtrait opportun d'assurer, ne serait-ce que par voie d'un bail réservé en faveur du conjoint de l'époux qui aliène l'immeuble plutôt que par la nullité, la protection de la résidence dans un immeuble de cinq logements et plus contre lequel une déclaration de résidence aura été enregistrée. Comme cette solution présente un grand intérêt, surtout parce qu'elle permet d'atteindre toutes les résidences tout en faisant la distinction entre l'immeuble plus résidentiel et l'immeuble plus commercial, je dépose également un projet d'amendement en ce sens à l'article 453. (12 h 15)

La protection de la résidence familiale occupée à la suite d'un bail ne semble pas soulever de difficultés particulières. Aussi le principe paraît devoir être maintenu. Il n'est pas sans intérêt de rappeler que, dans le cas où le consentement du conjoint est requis, le tribunal pourra toujours être saisi lorsque le refus de consentir ne sera pas justifié par l'intérêt de la famille. On évitera ainsi un statu quo contraire aux intérêts mêmes de la famille. Pour ce qui est de l'attribution par le tribunal des meubles, de la résidence et du bail, il faut noter que ces règles vont déjà dans le sens déjà introduit par les articles 1267c du Code civil en matière de société d'acquêts et 1657.2 du Code civil en matière de bail du logement d'habitation. Le projet de loi complète le champ d'application de ces articles. Quant à l'attribution de la résidence proprement dite au conjoint de l'époux propriétaire, le pouvoir du tribunal est lié à l'existence d'une prestation compensatoire. Dans notre droit civil, cette solution nous paraissait complémentaire des avantages que procurent déjà les régimes matrimoniaux si on veut bien s'en servir.

En effet, le partage par moitié des biens acquêts ou communs s'effectue déjà sur la base d'une compensation présumée de façon absolue. Ce n'est que dans le cas du régime de séparation de biens ou dans les autres régimes, lorsque la résidence est un bien propre, qu'il faudra recourir à la preuve d'une prestation compensatoire. C'est pourquoi nous n'avons pas retenu telle quelle la proposition de l'Office de révision du Code civil visant l'attribution pure et simple de la résidence sans égard à l'équilibre des régimes ou aux créances entre conjoints. Je dépose également les projets d'amendements visant à améliorer la qualité de la rédaction. Je pense que ces amendements ne soulèveront pas de discussions.

Ce sont, M. le Président, les remarques un peu plus élaborées que je voulais faire avant d'entreprendre l'ensemble de ces dispositions concernant la résidence familiale.

Le Président (M. Laberge): Merci, M. le ministre. Est-ce que vous avez des questions ou des commentaires généraux?

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je serai très bref, M. le Président. Je voudrais dire, au début de l'étude de cette section II qui porte sur la résidence familiale, tel que nous l'avons indiqué au moment de la deuxième lecture, que nous épousons totalement d'ailleurs comme tous les groupes qui se sont exprimés

sur le sujet l'objectif visé par l'ensemble de ces dispositions, qui est de s'assurer que l'action unilatérale de l'un des conjoints ne vienne bouleverser la vie normale d'une famille particulièrement lorsque cette action unilatérale intervient comme c'est probablement le plus souvent le cas alors que la famille traverse pour d'autres raisons une situation de crise qui est en elle-même bien suffisante sans qu'on y ajoute par la désorganisation du cadre physique de vie de la famille. C'est donc un objectif qui apparaît souhaitable, sain et susceptible de diminuer l'impact des discordes ou des difficultés que traversent les ménages et les familles et de les restreindre le plus possible, d'en isoler, dans une certaine mesure, les enfants aussi.

Cependant, au niveau des modalités d'application, nous n'avons pu faire autrement que d'être frappés par la multiplicité des recommandations qui ont été faites par différents groupes et qui sont inspirés par deux séries de préoccupations. Une première série vise à s'assurer que cette protection sera efficace et l'efficacité de cette disposition nouvelle relative à la résidence familiale, en définitive, dépend dans une large mesure de l'abandon de toute restriction, toute formalité quant à l'acquisition du statut de résidence familiale par un lieu physique occupé par une famille, qu'elle soit détenue en propriété ou en location. À la limite, ces recommandations viseraient à faire disparaître toute modalité, tout formalisme et toute condition et on se retrouverait très rapidement dans une situation, en quelque sorte, de communauté de biens obligatoire pour tout ce qui peut avoir l'air d'une résidence familiale, pas nécessairement et seulement ce qui constitue effectivement une résidence familiale, mais tout ce qui, aux yeux des tiers, pourrait être considéré comme une résidence familiale, donc, essentiellement tout immeuble détenu en propriété ou en location. Cela soulève un certain nombre de problèmes sur lesquels je reviendrai tout à l'heure.

L'autre tendance - et je pense qu'on la retrouve dans une certaine mesure dans quelques mémoires, mais de façon beaucoup plus marquée dans le mémoire préparé par la Corporation professionnelle des notaires vise au contraire à s'assurer, dans un esprit de protection des tiers, un niveau de formalisme beaucoup plus grand. Je pense que, si l'on s'en tient strictement à la notion de protection des tiers, il y a quand même des immeubles qui se louent, qui s'achètent et qui se vendent dans la société et plusieurs de ces immeubles impliquent des lieux de résidence, donc, l'occupation de famille pour les tiers. L'absence de formalisme constitue une difficulté majeure, une source d'incertitude considérable. On peut comprendre qu'un certain formalisme, malgré tout, des règles claires sont nécessaires pour permettre que la vie normale portant sur les échanges immobiliers puisse se dérouler dans un certain ordre et avec une certaine sécurité, mais, bien évidemment, plus on s'engage sur cette voie, plus on entre en contradiction avec la première préoccupation que je soulignais tout à l'heure.

Je crois que ce qu'il nous faudra atteindre dans le texte final sera un équilibre le plus juste possible entre le souci d'en faire un régime universel applicable à toutes les familles sans même qu'elles aient à lever le petit doigt et un régime, d'un autre côté, qui soit tellement restrictif que seulement ceux qui ont une certaine connaissance du droit civil et ont l'habitude d'avoir recours aux notaires et aux avocats puissent s'en prévaloir. Je pense qu'il y a un équilibre. Il n'y a aucune situation ou solution parfaite et on verra, lors de la discussion article par article, dans quelle mesure le ministre et ses conseillers ont réussi à atteindre un équilibre parfait.

Ceci étant dit, M. le Président, il reste qu'au-delà de la question étroite relative à la résidence familiale, il se pose aussi une question peut-être plus large de philosophie sociale ou de philosophie de droit familial. Il me semble que ce que cette section du nouveau Code civil vise à régler, c'est de façon marquée le problème qu'ont éprouvé un certain nombre de femmes mariées qui étaient dans une situation de dépendance économique par rapport à l'homme et qui, au moment où le mariage subissait certains chocs, se sont retrouvées en quelque sorte expulsées de la résidence familiale, dépossédées, etc. C'est sans aucun doute une situation à laquelle il faut trouver un remède. Il reste que ce n'est pas la seule solution, la seule situation qu'on retrouve. Nous sommes de plus en plus dans un régime qui fait une place de plus en plus grande à des ménages où l'égalité économique des conjoints est une réalité. Les deux conjoints ont des sources de revenus, cherchent à maintenir dans leurs relations matrimoniales une situation d'autonomie et d'égalité réelle et cherchent à minimiser aussi les diminutions à leurs capacités juridiques qu'entraîne l'état du mariage. On peut se demander, dans ces circonstances, si l'ensemble des mesures à l'étude desquelles on se livre depuis hier, en particulier la solidarité face aux dettes contractées par le ménage en toutes choses quand il s'agit des besoins courants... Mais on a vu hier que c'est une expression tellement élastique. Cela veut dire à peu près n'importe quoi, les besoins courants. C'est essentiellement toute dépense faite par le ménage, donc, le principe de solidarité des dépenses, le principe d'une contribution déterminée, en quelque sorte, par le Code civil, des deux conjoints à l'ensemble de ces dépenses.

Aujourd'hui, la question de la résidence familiale, qui met dans une incapacité juridique de contracter par bail, par aliénation ou acquisition d'immeubles, chacun des deux conjoints, va produire une situation où le mariage devient une institution extrêmement contraignante sur le plan matrimonial pour les deux conjoints. Je crois que c'est souhaitable dans les cas, encore une fois, où il y a inégalité. Mais la question qui se pose, c'est que lorsque nous sommes en face de deux conjoints qui sont autonomes, économiquement parlant, et qui souhaitent par une convention matrimoniale maintenir la division de leur patrimoine, par un contrat de mariage, on les prive de cette possibilité par l'ensemble des mesures que nous sommes en train d'étudier.

Je pense que la séparation de biens va perdre 99,9% de son contenu pour l'immense majorité des ménages. Je ne pense pas, évidemment, aux héritiers de fortunes immenses. Pour eux, cela va continuer de demeurer une réalité, mais pour la plupart des gens, et même pour les jeunes ménages où les deux sont financièrement autonomes, il n'y aura pas tellement d'intérêt à se marier en séparation de biens. Il semble, malgré tout, que c'est un régime matrimonial auquel les gens tiennent et qui reflète peut-être la mentalité contemporaine plus que n'importe quel autre régime, en dépit de tout ce qu'on peut dire. De toute façon, c'est ce que les chiffres nous disent sur la volonté exprimée par les nouveaux ménages.

Je me demande si nous ne sommes pas en train de créer un situation où, finalement, à force vouloir accorder des protections à toute épreuve, la solution qui apparaîtra la plus raisonnable pour les gens de cette mentalité, c'est de s'abstenir tout simplement de toute forme de mariage, sauf le mariage de fait, bien sûr. On sait que c'est déjà une tendance assez fortement présente dans la société. Est-ce qu'il est d'intérêt public, au nom de la famille, de la protection des enfants et tout ce qu'on veut, de faire une dichotomie si grande entre un état de mariage légal où on a des protections à tout rompre, dont on ne veut même pas, par un contrat de séparation de biens devant le notaire, s'extirper d'aucune espèce de façon, ceci ayant des effets identiques sur les deux conjoints, d'une part, et, d'autre part, une situation de mariage de fait où il n'existe, effectivement, presque aucune protection. Les gens étant libres de choisir, bien sûr, choisiront probablement l'absence de contraintes immédiates. C'est seulement quand ils seront dans une situation de conflit qu'une des deux parties se dira: J'aurais été mieux de me marier que de passer à travers cette situation de vide juridique.

C'est une réflexion que je voulais faire à ce moment. Je n'ai pas tranché dans mon esprit - ni moi-même, ni mes collègues -quelles conclusions on peut tirer de tout cela. Encore une fois, il m'apparaît raisonnable, quand on regarde les choses dans le cadre étroit de la protection de la résidence familiale, de dire: Oui, cela doit être protégé. Quand on va passer sur un autre chapitre: Oui, il faut que telle protection existe. Il reste que l'ensemble de ces dispositions a un effet plus grand que la somme des parties. On peut se poser la question: Si on avait à donner un conseil à un jeune homme et à une jeune fille de 20 ans, qu'est-ce qu'on leur dirait, dans les circonstances actuelles? Quel genre de conseils leur donnerait-on? Quel genre de conseils donnerait-on à nos enfants dans les circonstances actuelles? Ce n'est pas absolument limpide. Cela va prendre un certain temps pour que moi-même je puisse en tirer les conclusions. (12 h 30)

M. Bédardi M. le Président, pour couper court, je pourrais faire miens, presque, les propos du député de Saint-Laurent au niveau de la réflexion, parce que je crois qu'il y a vraiment un défi que nous devons relever. C'est le défi de l'équilibre, équilibre entre l'objectif d'assurer une protection de la résidence familiale et, en même temps, de faire en sorte que cette protection ne devienne pas contraignante à un point tel qu'elle desserve l'objectif même que nous poursuivons.

Le député de Saint-Laurent me dit qu'il n'a pas tranché encore dans cette réflexion, sauf qu'il faut bien, à un moment donné, trancher. Je pense que l'expérience du temps sera probablement à même de fournir non seulement le résultat des dispositions que nous mettrons en place, mais peut-être d'apporter un éclairage qui sera de nature à y aller d'autres améliorations. Même si le député de Saint-Laurent me dit qu'il n'a pas tranché et je sais que ce n'est pas facile de le faire, si je me réfère aux propos du chef de l'Opposition lors de la deuxième lecture, il nous a invités, si ma mémoire est bonne, à augmenter cette protection même de la résidence familiale, ce sur quoi nous étions d'accord, mais en ayant quand même la précaution fondamentale d'en arriver à un équilibre.

C'est ce à quoi nous nous emploierons au niveau de la discussion article par article. Je pense qu'il faudra toujours avoir cette préoccupation présente à l'esprit. Lorsqu'on nous demande de bonne foi et, je pense, avec de très bonnes intentions, d'augmenter le formalisme à ce chapitre, il faudra y penser deux fois parce que le formalisme, plus on l'augmente, à un moment donné, cela peut devenir très contraignant pour les époux qui y sont astreints.

Heureusement, au niveau de la recherche de l'équilibre, il faut quand même

faire remarquer que, d'une façon générale, c'est important que la déclaration ne soit pas obligatoire au départ. C'est à partir des intentions exprimées par les conjoints que prennent forme les ententes nécessaires pour que cette résidence familiale soit bien protégée. Je pense qu'il est nécessaire qu'elle le soit, si on pense non seulement aux époux, mais si on pense à la famille elle-même et à la nécessité qu'en plus d'être chambardés psychologiquement lorsque viennent certaines difficultés au niveau d'un ménage, on n'assiste pas a un chambardement presque physique qui peut s'ajouter si on ne donne pas des protections au niveau de la résidence familiale. Je pense que nous sommes animés du même esprit au moment où nous entreprenons l'étude article par article.

Le Président (M. Laberge): Avant d'entreprendre l'étude de l'article 450, Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine a demandé à faire quelques commentaires.

Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais faire un commentaire, si vous me le permettez, sur les réflexions du député de Saint-Laurent. J'avoue que je n'ai pas réagi tout à fait de la même façon que le ministre. Quand on légifère en général, je crois qu'on légifère pour la majorité et la réalité veut que la majorité qui est visée par le chapitre de la résidence familiale et qui a besoin d'être protégée soit encore, en grande partie, des citoyennes et non des citoyens.

Vous faites allusion au fait que de plus en plus de couples ont acquis une forme d'égalité financière et que chacun de son côté essaie de maintenir une autonomie dans le couple. D'autre part, la grande majorité des couples n'a pas encore acquis d'égalité financière et c'est cette grande majorité qu'il est important de protéger.

Vous avez ajouté aussi que vous ne sauriez peut-être pas quoi dire à vos enfants qui vont se marier. Est-ce que, dans le fond, cela ne devient pas désavantageux pour eux de se marier avec des conditions aussi astreignantes, comme vous le mentionnez? Je répondrai à cela qu'effectivement, quand des gens décident de se marier, je ne crois pas que la réflexion de la non-protection financière les préoccupe beaucoup, c'est-à-dire de la surprotection financière les préoccupe beaucoup. Ce qui préoccupe la majorité des couples probablement, et dans le cas de la femme, c'est la question de la protection financière.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine n'a pas tout compris ce que le député de Saint-Laurent a dit. Il n'a pas parlé de la résidence familiale en particulier. Il n'était pas contre la protection.

Mme LeBlanc-Bantey: Par contre, j'ai dit que je ne partageais pas tout à fait ses préoccupations.

M. Blank: Non, mais la préoccupation qu'il a et que j'ai moi aussi, peut-être pour d'autres raisons, c'est qu'on trouve, dans la philosophie du changement de ce code, un peu trop d'ingérence dans la vie des personnes... ce que les personnes ne cherchent pas. Je cherche - je ne veux pas en faire une affaire de partisanerie- une philosophie du côté du parti ministériel. On voit cela dans la Loi des consommateurs, coopératives et institutions financières, on voit cela dans l'assurance automobile où on prend pour acquis que les gens du Québec ne peuvent ou ne veulent gérer leurs propres affaires. Je retrouve cette même philosophie ici où on donne plus que le client n'en demande. C'est cela qu'on retrouve. On ne parle pas particulièrement de la protection de la résidence. Oui, on doit avoir une protection. Quand on prend la section a), section b), section c), section d), on prend tout cela ensemble et on trouve une situation où on dit que les gens ont besoin de directives d'en haut.

C'est cela qu'on cherche ici. Est-ce que les couples qui se marient ne peuvent pas gérer leurs affaires? Ne se connaissent pas? Ne peuvent pas prendre des précautions l'un envers l'autre? Ne peuvent pas signer des documents entre eux? Est-ce que c'est l'État qui va tout gérer? Non, vous n'avez pas le droit de faire cela. Ce sont les questions que je me pose ici.

M. Bédard: Ce qui me surprend c'est que le député de Saint-Louis n'a pas l'air d'être simplement animé par la réflexion. II semble avoir tranché dans un sens, ce qui me surprend un peu par rapport aux propos qu'ont tenus les membres de l'Opposition au stade de la deuxième lecture. Vous disiez que vous ne vouliez pas être partisan, mais d'un autre côté...

M. Blank: Ce n'est pas cela du tout. On veut des changements.

M. Bédard: Vous me permettez.

M. Blank: On veut des changements. Vous changez le code de nouveau. On doit le moderniser. Est-ce qu'on veut un code pour cette année ou un code qui va être bon dans 100 ans?

M. Bédard: Je pense que c'est toute cette réflexion qui a été faite au niveau de l'Opposition qui nous amène, en tout cas, personnellement, à conclure qu'il faut y aller

avec cette protection de la résidence familiale dans le sens de ce que nous évoquons et je dis très honnêtement, et on ne fera pas référence à d'autres lois, restons dans le Code civil, je n'ai vraiment pas l'impression d'entrer dans la vie personnelle des gens parce que, si c'était cela, j'aurais beaucoup plus de réticences. Je crois que, au contraire, si on regarde la situation, du point de vue social que doit vivre, entre autres, la très grande majorité des femmes parce qu'il n'y a pas une certaine protection d'accordée, c'est à cette situation, qui n'est pas reluisante, que nous devons apporter une solution. C'est dans ce sens que je le vois. Une solution qui répond non seulement à certaines difficultés ou à des difficultés certaines que recontrait la grande majorité des femmes parce que c'est elles qui sont en premier lieu concernées, mais apporter aussi des solutions qui vont aider les enfants, le cadre familial, le cadre physique familial. Il me semble que là, je ne dis pas mettre un terme à nos réflexions, mais peut-être les évoquer au fur et à mesure que viendront les articles et cette réflexion prendra forme autrement dit.

Mme LeBlanc-Bantey: M. Hanley a une réaction d'un type d'homme tout à fait normal.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans le débat, mais je pense que c'est peut-être important qu'on émette une courte réflexion là-dessus. Je pense qu'on a besoin dans notre société de faire des lois qui vont favoriser l'essor de la famille et quand on parle de la famille, on parle des époux et on parle aussi des enfants. C'est bien sûr que lorsqu'on se marie , on ne pense pas toujours aux conséquences économiques. Comme le disait Mme la députée des Iles-de-la-Madeleine, ce n'est pas cela qui est le plus important pour les époux. Alors, on oublie bien souvent les questions financières et les conséquences des gestes qu'on pose à ce moment-là. C'est au fil des années qu'on s'aperçoit, à un moment donné, qu'il aurait pu y avoir quelque chose de mieux fait au moment du mariage. On s'aperçoit aussi bien souvent, surtout dans le cas des femmes, qu'il y a des injustices qu'on découvre et qui se perpétuent au cours des années. C'est pour cela que le législateur, bien qu'il ne doive pas intervenir dans tout le processus, a comme rôle de protéger à la fois la famille et les enfants, et d'empêcher que des injustices qu'on connaît aujourd'hui se perpétuent.

C'est pour cette raison que je suis d'accord qu'il y ait une protection accordée à la résidence familiale. Dans la façon de le faire, il y a des modalités dont on peut discuter, mais je pense que comme principe, il faut adopter cette façon de procéder.

M. Lacoste: M. le Président.

M. Blank: Si vous lisez le journal des Débats de 1964 sur la loi no 16, c'est moi qui ai soulevé la question de la résidence familiale à la suggestion de la sénatrice Casgrain qui m'en avait parlé. C'est moi qui ai suggéré, en 1964, qu'on fasse quelque chose.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est tout à votre honneur. J'espère que vous serez aussi collaborateur aujourd'hui.

Le Président (M. Laberge): Alors...

M. Blank: Aussi, le plus grand danger pour les femmes, ce n'est pas ici. C'est dans la Loi sur les successions. C'est là qu'est le problème et on n'y touche pas.

M. Bédard: En temps et lieu; on a assez d'un chapitre pour le moment, j'ai l'impression. On y reviendra en temps et lieu.

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lacoste: M. le Président, juste auparavant...

Le Président (M. Laberge): Un moment.

M. Lacoste: ...une courte réflexion...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Sainte-Anne.

M. Lacoste: ...bien personnelle. Je pense que je rejoins facilement l'argumentation du député de Nicolet-Yamaska. Il ne faut quand même pas oublier que la masse des gens, enfin, la majorité des couples... Cela fait quatre ans que je suis marié; cela fait presque autant de temps que je le suis avec la politique. Lorsqu'on rencontre le notaire - je parle pour les gens en général; je ne suis ni avocat ni notaire -pour faire un contrat de mariage, il nous l'explique en long et en large: deux régimes, etc. Alors tu demandes au notaire: Qu'est-ce que tu conseilles? C'est une réalité pour les gens concernés. Ils regardent tout cela et demandent au notaire: Qu'est-ce qui est mieux? Tu choisis souvent selon ce que le notaire va te suggérer. Mon notaire m'a suggéré le régime d'acquêts, qu'on peut modifier, etc. C'est selon le conseil du notaire. S'il nous avait conseillé l'autre régime, peut-être aurait-on pris ce dernier. Enfin, c'est cela une certaine réalité de la

populace, de la masse des gens. Une voix: ...

M. Lacoste: C'est comme cela. C'est la réalité des couples et tu n'as pas de problème, tu ne penses pas aux problèmes financiers au début. Cela vient peut-être au fur et à mesure, la femme dit: C'est vrai, on n'est pas protégés. On a une maison, nous autres, et si tu as des enfants, si jamais il survient un problème majeur dans la vie du couple, c'est seulement la femme qui subit, plus souvent qu'autrement, le contrecoup, et la famille. En fait, la femme peut être dépossédée et la famille aussi. Remarquez bien que je ne suis pas un technicien de la loi, je vais suivre...

M. Bédard: Ce n'est pas nécessaire d'être technicien pour apporter une très bonne contribution. La technique juridique n'est que la manière de traduire ce que nous voulons humainement pour le cadre familial. Là-dessus, tout le monde, peu importe...

Une voix: Peu importe.

M. Bédard: ...a sa manière de voir et d'apporter sa contribution.

Le Président (M. Laberge): Pour les fins du journal des Débats, je voudrais faire remarquer à tout le monde qu'après avoir fait l'appel des membres de la commission, on a porté à mon attention que M. Marx de D'Arcy McGee remplacerait, à titre d'intervenant, M. Lalonde de Marguerite-Bourgeoys. Alors, la correction étant apportée au journal des Débats, M. le...

Une voix: M. le Président, juste un instant.

Une voix: M. Lalonde n'y est pas?

Le Président (M. Laberge): ...député de...

Des voix: ...

Le Président (M. Laberge): Nous allons nous en tenir à l'ordre.

M. le député de D'Arcy McGee, vous avez la parole.

M. Bédard: Ne transposons pas les débats de l'Assemblée nationale, ici, en commission.

Le Président (M. Laberge): Non. D'ailleurs, il y a un article qui l'interdit.

M. Marx: Moi non plus je n'ai pas d'idée fixe sur cette question. Je suis d'accord, et je pense que tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut protéger les époux. Dans une société d'égalité, il faut parler des époux. Comment et par quels moyens? Je pense que c'est là la question. (12 h 45)

II ne faut pas oublier qu'en légiférant ici, cela ne va pas toucher toute la population. En ce qui concerne la couche de la société qui est très aisée, très riche; là, où on a plus d'une résidence, si une résidence est gelée par le Code civil, je ne pense pas que cela pose des problèmes. Il y a une autre couche de la société - peut-être 30% de la population du Québec, peut-être même 40% de la population du Québec - qui vit en dessous du seuil de la pauvreté. Eux, ils ne sont pas touchés par le Code civil non plus. Si vous avez déjà travaillé dans les quartier pauvres, par exemple, à Montréal, vous aurez vu que tous les meubles dans la maison ne valent pas $300 ou $400. Ce sont des meubles qu'on ne peut pas vendre, de toute façon. Je pense que cette couche de la société n'est pas touchée du tout par tout ce qu'on fait ici. Ces gens n'ont pas les moyens d'engager un notaire; ils voient rarement un avocat, et ainsi de suite. Même leurs biens...

M. Bédard: II y a la protection du bail aussi qui peut les concerner, au premier chef.

M. Marx: Moi, j'ai travaillé à Pointe-Saint-Charles, quand j'étais prof à l'Université de Montréal, parce qu'on avait une clinique juridique, à l'époque, à Pointe-Saint-Charles. J'ai trouvé que ces personnes ont des problèmes qui ne sont pas vraiment touchés par le Code civil. Dans le quotidien, ce n'est pas touché par le Code civil. Donc, on légifère vraiment, ici, pour ce qu'on peut appeler une classe moyenne, peut-être 40% de la population, qui va ramasser vraiment deux biens durant le mariage: une maison et une voiture. La plupart des gens ont deux biens qui valent quelque chose: c'est la voiture et la maison. Je vois ici qu'on essaie de protéger la résidence familiale. Je suis pour. Mais j'aimerais voir aussi des modalités quand on discute de cela article par article, parce que cela peut causer des problèmes et cela peut avoir des effets qu'on ne voit pas ici aujourd'hui. On fait un peu de théorie et on n'a peut-être pas assez de gens, autour de la table, qui ont vécu un certain nombre de situations qui puisssent nous apporter quelques éclaircissements.

M. Bédard: Quoique - je pense que le député serait d'accord avec moi - tous les mémoires qui ont été produits, les suggestions faites par des groupes qui sont très près de cette réalité que vous évoquez, doivent être considérés avec d'autant plus de sérieux qu'on peut tenir pour acquis que la grande partie de ces personnes qui forment

ces groupes est vraiment en contact avec une réalité qui n'a pas été très facile, jusqu'à maintenant.

M. Marx: Oui, mais, malheureusement, ils ne sont pas ici pour nous aider à l'étude de ce projet de loi.

M. Bédard: Je pense qu'on est capable de lire, et après cela de voir jusqu'à quel point on peut atteindre des objectifs ou des préoccupations qu'elles ont énoncés.

Le Président (M. Laberge): Sur ce, si vous me permettez, à l'article 450, on a porté à mon attention une correction de rédaction, si on veut, en changeant à la deuxième ligne le mot "ou" par le mot "ni". Est-ce que cet amendement sera adopté?

M. Bédard: De manière à ce que nous ne l'oublions pas. On a un autre petit amendement. Mais c'est du même ordre.

Le Président (M. Laberge): Ailleurs?

M. Bédard: Oui. C'est à l'article 453, de peur de l'oublier, remplacer à l'avant-dernière ligne le mot "ou" par "ni".

Le Président (M. Laberge): La même chose.

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que ces deux...

M. Forget: Pourriez-vous relire cela. Je ne l'ai pas trouvé encore.

M. Bédard: À l'article 453, l'avant-dernière ligne, remplacer le mot...

M. Forget: ...du premier alinéa? M. Bédard: Oui, c'est cela.

Le Président (M. Laberge): Oui, après le mot "réel".

M. Bédard: Oui, c'est cela. Après le mot réel, il se lirait comme suit: ...le grever d'un droit réel "ni en louer" à la place de "ou en louer".

Le Président (M. Laberge): À l'article 450, le mot "ou" remplacé par "ni", est-ce que cet amendement est adopté?

M. Blank: Qu'est-ce que vous avez changé à l'article 453? Est-ce un amendement?

M. Forget: On est à 450.

M. Blank: Je parlais de 450.

M. Bédard: C'est simplement au niveau de la rédaction. On y reviendra tout à l'heure définitivement, je crois.

M. Forget: L'amendement à l'article 450 portant sur le mot "ou" pour "ni", adopté.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article est adopté? On revient à l'article 450.

M. Bédard: Cet article vise à accorder - d'abord, 450 et 451 regardent les meubles - aux époux une protection relative aux meubles de la résidence principale de la famille qui sont affectés à l'usage du ménage. Cette disposition s'étend à tous les époux quel que soit leur régime matrimonial et élargit considérablement les restrictions actuelles découlant des articles 1266o, 1292 et 1425a du Code civil relativement aux meubles affectés à l'usage du ménage. Contrairement à la proposition de l'Office de révision du Code civil, cette disposition s'étend aussi à l'époux abandonné par son conjoint. D'une part, l'abandon est une question de fait dont la certitude requiert la preuve d'intention de ne plus faire commune. Elle se distingue alors du simple départ temporaire. D'autre part, un époux abandonné ou non peut toujours en vertu de l'article 455 obtenir une autorisation du tribunal pour passer seul un acte pour lequel le consentement de son conjoint serait nécessaire.

L'article étend l'interdiction à tous les meubles qui sont dans la résidence et qui sont affectés à l'usage du ménage sans égard au titre de propriété. Enfin, l'Office de révision du Code civil déclare, dans un document de travail que les besoins de protection de la famille constituent un problème qui déborde largement le cadre de notre époque et de notre province. Conscients de ce problème, certains législateurs étrangers et canadiens ont adopté un certain nombre de mesures qui rendent compte, à des degrés divers, de la nécessité de protéger la résidence commune. À ce moment, on rejoint la discussion qu'on a eue tout à l'heure.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, comme préalable, je ne sais pas si c'est tout à fait régulier, mais j'ai peur de l'oublier, alors, je le mentionne à ce moment-ci. Le Barreau fait des représentations au sujet du titre de la section. Je ne sais pas si ce serait le lieu de le faire ici, encore une fois, j'ai l'impression que je vais l'oublier si je ne le

mentionne pas tout de suite.

M. Bédard: Est-ce qu'on pourrait le noter?

M. Forget: Pour ce qui est de 450, il y a deux groupes qui ont fait une représentation à savoir que le consentement dont il est question à l'article 450 soit donné par écrit et je vois que le ministre n'a pas retenu cette suggestion.

M. Bédard: C'est-à-dire que je voulais qu'on en discute préalablement pour essayer de voir jusqu'à quel point on pourrait en arriver à un consensus et vous donner peut-être tout le portrait de ce que cela pourrait représenter. Sur ce point, j'inviterais, si vous le voulez...

M. Forget: Oui.

M. Bédard: ... peut-être M. Guy à faire part de sa réflexion sur les avantages et les désavantages qu'il y aurait à aller jusqu'au consentement écrit. On verra à départager ensemble.

L'exigence de l'écrit en matière de biens meubles pose certains problèmes sur la base du fait qu'on n'a pas de support d'information qui s'adresserait au tiers et qui permettrait de savoir si celui qui dispose d'un bien est marié ou célibataire. Si vous pensez aux marchés aux puces où on vend beaucoup de choses de cette nature, si vous pensez également à ce qui se vend comme meubles d'occasion par les annonces classées, enfin, tous ces moyens, il est très difficile, parce que vous avez le vendeur devant vous et vous lui demandez: Êtes-vous marié? Il vous répond oui ou il vous répond non. S'il vous répond non, il est peut-être marié et vous n'avez pas moyen de le contrôler. Si vous prenez sa parole et que vous achetez, peut-être que son conjoint viendra vous dire que vous n'avez pas eu d'écrit. La vente serait nulle. Alors, il est possible que l'acheteur soit prudent et n'ose pas acheter dans ces circonstances. S'il vous dit qu'il est marié, cela va très bien. Vous allez dire: J'achèterai si j'ai le consentement de votre conjoint. Mais on n'a pas le moyen pour le tiers de vérifier, encore une fois, si le vendeur est célibataire ou marié et, cela, pour une raison très simple, c'est que les actes de l'état civil ne sont pas centralisés. Ils ne sont pas suivis. On se marie un jour et on inscrit l'acte de mariage dans le registre local où le mariage a lieu. Mais c'est une information qui reste très locale, d'une part, et, d'autre part, surviennent toutes sortes de situations. Il survient un divorce après, un décès, un remariage et on n'a aucun moyen de le suivre.

Moi, je dis que dans le projet, la technique - je parle bien de technique - utilisée pour en rendre compte, c'était celle de présumer à l'égard des tiers, que celui qui dispose des meubles avait le consentement. Évidemment, si le tiers est de collusion, si le tiers n'est pas de bonne foi... Cela supposait deux éléments pour que le titre du tiers soit valable: cela supposait qu'il soit de bonne foi et qu'il ait acheté à titre onéreux et non pas qu'il ait reçu à titre de dons ou autrement...

Donc, le tiers qui serait de mauvaise foi, lui, verrait son titre annulé. Mais celui qui serait de bonne foi, verrait son titre maintenu. Je parle toujours dans l'état actuel et de la proposition, telle que déposée. C'est pourquoi l'écrit soulève un certain problème d'information pour les tiers.

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'il y aurait possibilité...

Le Président (M. Laberge): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme LeBlanc-Bantey: Je suis heureuse que le député de Saint-Laurent ait soulevé ce problème, parce que je voulais en faire un amendement, quitte à suspendre l'article pour y revenir. Je comprends la préoccupation que vous avez à l'égard des tiers. D'autre part, cet article vise d'abord à protéger le conjoint qui pourrait être pénalisé par la disposition des meubles familiaux, sans qu'il y ait eu son consentement. Je touve que, finalement, si on n'exige pas le consentement écrit, sans le consentement écrit tel qu'écrit, ici dans l'article, à toutes fins utiles, pour certains cas, cela ne veut rien dire.

Je reviens à ce dont le député de D'Arcy McGee parlait tout à l'heure. Ce qu'il faut protéger surtout par cet article, ce sont les gens en dessous du seuil de pauvreté. Qu'importe si leurs meubles valent $400. Pour ces familles, ou pour le conjoint, c'est toute sa richesse, c'est toute sa fortune. Ce sont les meubles dont il a besoin pour vivre. Alors, je trouve que les préoccupations à l'égard des tiers sont légitimes, mais que pour rejoindre le but que cet article veut bien viser, elles ne sont pas justifiables, pour empêcher un consentement écrit.

M. Blank: Supposons que dans la maison des pauvres, comme vous le mentionniez, le plus grand bien qu'ils possèdent, c'est une télévision qui vaut $200. Madame, dans l'après-midi, ou monsieur, le soir, prend sa télévision et la vend quelque part. C'est une vente à prix normal: $175 à un monsieur de mon coin. Qu'est-ce que cela va changer? Le monsieur va le reprocher à sa femme. La femme va reprocher au monsieur d'avoir vendu la télévision. On ne peut pas faire la tournée des télévisions. Le monsieur l'a

achetée de bonne foi. Lui ou elle a dépensé les $175. On ne peut pas retourner l'argent. Qu'est-ce qui arrive?

Mme LeBlanc-Bantey: Vous parlez de cas exceptionnels.

M. Blank: Non, ce n'est pas un cas exceptionnel. C'est cela qui est arrivé. Ce n'est pas un cas exceptionnel. Un cas exceptionnel, c'est quand le monsieur ou la femme va vider la maison. Avec des contrats de séparation de biens, les meubles sont la propriété de la femme. C'est peut-être arrivé que le monsieur vienne le soir et vide la maison. C'est cela un cas exceptionnel. Mais le cas de vendre la télévision ou le stéréo, c'est un cas qu'on va trouver chaque jour.

Mme LeBlanc-Bantey: II y a au-delà de 50% de gens qui sont mariés en séparation de bien, donc cela ne peut pas être exceptionnel, comme vous le dites. Moi, j'ai connu beaucoup de cas de femmes séparées où ce n'était pas exceptionnel qu'elles se retrouvent avec absolument aucune maison et aucun meuble disponible, parce que tout était au nom du mari. Alors, ce n'est plus exceptionnel.

M. Blank: Je ne discute pas de cela. Mais je dis: Comment peut-on régler cet article? Comment un fait soit changé...

Mme LeBlanc-Bantey: Qu'on exige un consentement écrit. S'il faut vendre sa télévision, ce monsieur, qu'il ait le consentement de sa madame. Je trouverais injuste que pour des questions d'information à l'égard des tiers, on ne donne pas le maximum de protection au conjoint qui en a besoin dans des situations comme cela.

M. Blank: Cela veut dire que chaque fois qu'il veut vendre une télévision, il a besoin d'un crédit. Je ne suis pas marié...

Mme LeBlanc-Bantey: Pour $175, cela vaut la peine de s'écrire une lettre. (13 heures)

M. Bédard: Si c'était aussi facile que cela, je pense qu'on n'aurait pas à faire un débat là-dessus. Il y a l'autre situation de l'individu qui dit: Je ne suis pas marié. Je comprends, mais je ne veux même pas en faire un prétexte et même pas une raison pour dire non. Je comprends qu'il y a toujours un recours en dommages et intérêts de la part du conjoint qui a été lésé. Je n'en ferai pas une raison fondamentale pour dire que le consentement ne doit pas être écrit parce que souvent ce recours en dommages et intérêts est aléatoire. Cela ne veut rien dire par rapport aux gens dont on parle. Peut-être qu'au niveau des familles riches, les gens peuvent y aller comme ils veulent dans les dommages et intérêts, mais ceux et celles dont on parle ne sont pas concernés par cette situation.

Je me pose la question: Qu'est-ce qui arrive à tout le... D'abord, je pense au tiers; il faut y penser. Un tiers qui est de bonne foi, c'est un individu dans une société qui a le droit, dans le domaine du commerce et dans ses relations avec d'autres individus, d'avoir un minimum de protection, il me semble. Pour régler un problème, on ne doit pas mettre de côté carrément les préoccupations normales que doit avoir le législateur pour un autre groupe de personnes que représentent les tiers de bonne foi.

Qu'est-ce qui arrive au niveau d'un commerce qui est important, lui aussi? Prenons tout le commerce des meubles usagés. Il y a quelques années - il ne s'agit pas de remonter bien loin - le commerce des meubles usagés n'était pas de grande envergure. Au moment où on se parle, vous avez des établissements commerciaux qui se spécialisent, d'une façon tout à fait spéciale - c'est le cas de le dire - dans la vente des meubles usagés. C'est quoi la conséquence? Qu'est-ce que ce sera, la sécurité de tous ces gens, ces tiers de bonne foi qui vont, de bonne foi, à un établissement commercial spécialisé dans ce secteur?

Je remarque qu'il est 13 heures. Je pense que cela vaut la peine de réfléchir encore quelques minutes et on y reviendra plus tard, à 15 heures, je crois, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Je me demandais justement si j'avais le consentement de la Chambre pour que le député de Verchères pose une courte question. Il m'avait fait signe.

M. Bédard: Cela pourra nous aider à la réflexion peut-être.

M. Charbonneau: Je ne suis pas avocat, mais est-ce que, légalement, s'il y avait un consentement écrit et si un tiers faisait l'acquisition en ignorant ce consentement, le tiers serait pénalisé ou s'il serait protégé à cause de sa bonne foi? Si c'était le cas, est-ce qu'un consentement écrit, dans le fond, n'empêcherait pas, ne dissuaderait pas avant coup un conjoint de vendre? Donc, ce serait bien plus un effet dissuasif qui préviendrait des ventes parce que le conjoint saurait qu'il ne peut pas vendre. Il y aurait toujours des gens qui passeraient à côté. Dans ces cas-là, est-ce que le tiers pourrait - c'est cela que je ne sais pas - de toute façon, être protégé à cause de la bonne foi?

M. Marx: Je ne pense pas que le tiers serait tenu responsable. Mais il y a un autre intérêt de l'État. L'intérêt de l'État, c'est

aussi de favoriser la liberté de commerce. Il ne faut pas trop gêner la liberté de commerce en requérant des documents. Si quelqu'un vend un téléviseur qui vaut $150, il ne faut pas trop exiger. Non, on va gêner la liberté des commerces et je pense qu'il y a...

M. Charbonneau: C'est contradictoire.

M. Marx: C'est cela. Il faut trouver l'équilibre.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est peut-être le mot même...

M. Bédard: Si vous me le permettez, à la suite de cette question du député de Verchères qui est intéressante parce qu'elle est orientée vers la protection des tiers également dont il faut tenir compte, avant d'ajourner, M. Guy pourra peut-être nous donner certaines réflexions.

À la suite de votre question, dépendant de la manière dont l'article peut être libellé, mais si le consentement par écrit est exigé sous peine de nullité, il faut qu'il soit donné par écrit. Il n'y a pas de bonne foi pour le tiers s'il n'a pas entre les mains, si vous voulez, c'est-à-dire s'il n'a pas obtenu le consentement par écrit. S'il ne l'a pas entre les mains, je ne sais pas de quelle façon il va faire la preuve qu'il l'a obtenu et qu'il s'est conformé à la loi. Donc, en principe, il l'a entre les mains. Je comprends que vous avez peut-être supposé l'existence d'un consentement par écrit qui est resté entre les mains du vendeur. Évidemment, tant qu'il ne pourra pas apporter la preuve qu'il a obtenu son consentement par écrit, et comme l'écrit est un formalisme qui entraîne la nullité de l'acte, c'est à lui à prouver, devant le tribunal, si vraiment cette question est soulevée devant le tribunal, et de déposer au dossier du tribunal la preuve qu'il a obtenu un consentement par écrit. S'il n'est pas capable de déposer la preuve de son consentement par écrit, le tribunal dira: Vous ne vous êtes pas conformé. J'imagine qu'il n'y aura pas, de la part du vendeur, un aveu. S'il y a un aveu de la part du vendeur, à savoir qu'il a dans ses papiers le consentement par écrit de son conjoint et qu'il le dépose, il n'y a pas de problème.

M. Charbonneau: Si le vendeur fait une déclaration à l'effet qu'il n'est pas marié, est-ce qu'on peut exiger d'un acheteur qu'il requière un certificat de mariage du vendeur?

M. Bédard: Si c'est vrai qu'il n'est pas marié, il n'y aura pas de problème. Mais s'il est marié et qu'il dit qu'il n'était pas marié, vous êtes encore pris avec la règle. Vous n'avez pas le consentement par écrit, donc c'est la nullité. C'est dans la mesure où vous rattachez l'écrit à la nullité, vous ne pouvez pas échapper à l'exigence de la loi.

M. Charbonneau: Est-ce que le fait d'avoir un consentement écrit entraîne nécessairement la nullité?

M. Bédard: C'est ce que j'ai compris qui était proposé.

M. Charbonneau: Parce que là, il faut...

Mme LeBlanc-Bantey: Je ne sais pas, il n'y a peut-être aucune disposition visant à protéger le tiers de bonne foi.

M. Bédard: Mais c'est ce que cette disposition visait. Pour faire le lien, c'est lié au deuxième alinéa de l'article de 478. Pour faire une histoire, qui est un peu technique, courte, c'est qu'il est dit, en matière de meubles, que chaque époux est réputé, à l'égard des tiers de bonne foi, avoir le droit de passer seul les actes à titre onéreux pour lesquels le consentement du conjoint serait nécessaire. Donc, il n'y a pas d'écrit. C'est à l'inverse d'un écrit, ce deuxième alinéa. C'est la présomption que celui qui vend un meuble a le pouvoir de son conjoint. L'autre solution possible, c'est d'exiger l'écrit dont il y est question. En exigeant l'écrit, si vous ne l'avez pas, c'est la nullité; si vous l'avez, c'est la validité.

Mme LeBlanc-Bantey: Aux termes de la jurisprudence, qu'est-ce qu'on entend par "les meubles affectés à l'usage des conjoints"?

M. Forget: M. le Président, c'est une question importante que la définition des mots "les meubles". On pourrait peut-être revenir là-dessus, cet après-midi.

Le Président (M. Laberge): Oui, justement.

Mme LeBlanc-Bantey: Votre télévision n'est peut-être pas là-dedans, ni votre machine à coudre.

Le Président (M. Laberge): Sur ce, bon appétit.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 8)

(Reprise de la séance à 15 h 14)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux concernant le projet de loi no 89. Les membres de la

commission sont les mêmes que ceux désignés ce matin.

À la suspension, nous avions adopté, à l'article 450, un amendement qui consiste à remplacer le mot "ou" par le mot "ni". La discussion s'est poursuivie sur l'article 450 amendé. Je demande donc si cet article 450 est adopté.

M. Bédard: M. le Président, on pourrait le suspendre. Je pense que nous sommes d'accord pour nous entendre sur quoi porte la discussion, à savoir si le consentement doit être par écrit ou non par écrit. Je pense que, de part et d'autre, on a évoqué les avantages et les désavantages. On pourrait peut-être suspendre l'article en s'entendant qu'il faudra prendre une décision rapide, naturellement, sur ce point.

Le Président (M. Laberge): C'est cela.

M. Blank: II y a quelque chose que je veux dire, c'est une pensée. Le problème que j'avais ce matin, ce n'était pas contre l'esprit de cet article ni du consentement écrit ou verbal. C'est la mise en vigueur de cet article du point de vue pratique. C'est cela que j'ai trouvé très difficile, de faire appliquer cet article. Selon moi, la seule façon de faire appliquer cet article, c'est de l'inclure avec la sanction finale. Cela ne tombera pas dans le Code civil, on aura peut-être une autre loi. Sauf qu'avec des pénalités finales, du point de vue pratique, cela ne vaut rien.

M. Bédard: On serait presque rendus dans le Code criminel.

M. Blank: Oui, mais, en fait...

M. Bédard: Non, je comprends vos...

M. Blank: ...comment va-t-on empêcher des gens de transiger sur des meubles?

M. Bédard: Alors, on s'entend? On suspend, mais ce sera sur ce point-là.

M. Forget: Je pense que vous aviez un collègue qui avait soulevé une question d'intérêt.

Mme LeBlanc-Bantey: D'intérêt?

M. Forget: C'était une question intéressante sur la...

M. Blank: Définition des meubles. M. Forget: ...définition des meubles.

Mme LeBlanc-Bantey: La définition des meubles, oui.

Le Président (M. Laberge): Ah bon! Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

M. Bédard: Là-dessus, je pense qu'on s'en est parlé et je crois que c'est le terme le plus précis qu'on puisse trouver parce que si on commence à essayer de définir...

Mme LeBlanc-Bantey: Avez-vous demandé l'autre sens à la jurisprudence? Qu'est-ce qu'on entendait par les meubles affectés à l'usage de la famille? Je comprends qu'il n'y a pas de définition, mais est-ce qu'on entendait le réfrigérateur, le poêle, la table, le lit, ou si la télévision, la machine à coudre, etc., étaient comprises dans tout cela?

M. Bédard: C'est évident. Il y a d'autres biens qui ne sont pas encore définis.

M. Forget: Dans l'article qui...

M. Blank: ...les voitures font partie des meubles. Dans certaines circonstances, cela en fait partie.

M. Bédard: Cela dépend du couple, du travail de l'un et de l'autre. Je pense que là-dessus, il faut laisser une certaine... Même si nous ne le voulions pas, nous ne serions pas capables de procéder sans laisser une certaine latitude parce que cela peut évoluer selon les circonstances.

M. Forget: Est-ce que je pourrais faire une suggestion, M. le Président, qui pourrait peut-être aider à éclairer les esprits. Je ne sais pas si c'est une suggestion appropriée, c'est une question que je pose en même temps, mais cela peut peut-être aider à canaliser étant donné que c'est quelque chose de concret. Dans le chapitre sur la société d'acquêts qu'on va voir un peu plus tard, il y a une énumération des biens qui ne sont pas des acquêts comme, par exemple, les vêtements personnels. Il est sûr que les vêtements appartiennent à chaque personne comme les outils et les instruments de travail. Par exemple, un des conjoints est membre du barreau, il a une bibliothèque sur le droit ou encore un médecin qui a des bouquins... Il est clair qu'il peut les vendre, s'il a le goût de les vendre, ou celui qui a des outils à la maison, il peut en disposer. C'est peut-être la même définition qui pourrait s'appliquer. Il y a toute une énumération...

M. Bédard: Cela peut être des points de référence.

M. Forget: ...en plusieurs paragraphes. Ce que je n'ai pas eu le temps de vérifier, parce que la question a été posée juste

avant le déjeuner, c'est si on a l'intention de couvrir la même chose, est-ce qu'on utilise les mêmes mots? Ce serait peut-être une chose à vérifier.

Mme LeBlanc-Bantey: J'ajouterais à la réflexion du ministre que, puisque l'article est suspendu et qu'on a beaucoup discuté de la protection des tiers là-dedans, une façon peut-être d'en arriver au même but, ce serait une disposition qui stipulerait que le conjoint disposant des meubles familiaux, sans l'autorisation de l'autre, sans consentement écrit, serait tenu de les remplacer. J'ajoute cette réflexion. Cela exclu les tiers de bonne foi du marchandage.

M. Bédard: Je comprends la stratégie de ma collègue, mais je pense bien qu'on n'en est pas a...

Mme LeBlanc-Bantey: Je l'appliquais à votre réflexion, l'article est suspendu.

M. Bédard: Oui. C'est pour cela que j'ai employé...

Mme LeBlanc-Bantey: Je demanderais... de le dire tout de suite.

M. Bédard: La réflexion n'empêche pas la stratégie, mais je pense bien qu'on peut réfléchir sur l'article 450.

Mme LeBlanc-Bantey: D'accord.

M. Bédard: Ce n'est pas une réflexion qui s'orientera dans un sens en contrepartie d'une réflexion qui ultérieurement devrait s'orienter dans un autre sens.

Mme LeBlanc-Bantey: Une grande partie de la discussion était faite sur la protection des tiers.

M. Bédard: Non. Je pense que continuellement, à l'intérieur du Code civil, on doit avoir la préoccupation des époux, la préoccupation des enfants et la préoccupation des tiers parce que c'est un projet de loi pour l'ensemble de la population.

Le Président (M. Laberge): L'article 450 est donc suspendu.

J'appelle l'article 451. Est-ce qu'il y a des commentaires spéciaux?

M. Bédard: Non.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 451 sera adopté?

Une voix: Un amendement?

Le Président (M. Laberge): Non, c'est à 453. Alors, l'article 451 sera-t-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 452. Il n'y a pas d'amendement. Il y a une note spéciale, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Bédard: Est-ce qu'il y a des remarques?

M. Forget: J'ai une remarque sur ce que le Barreau du Québec a fait relativement à cet article. J'aimerais avoir les commentaires du ministre ou de ses conseillers.

Le Barreau suggère qu'on insère dans l'article 452, après les mots "l'époux locataire de la résidence principale de la famille ne peut, sans le consentement de son conjoint, sous-louer, céder son droit, ni mettre fin au bail" et, à ce moment-ci, insérer "avant l'expiration du terme convenu ou prévu par la loi lorsque le locateur". Autrement dit, c'est mettre fin à un bail de façon prématurée. C'est la suggestion du Barreau.

M. Bédard: Justement, nous avons préparé - je remercie le député de Saint-Laurent de l'évoquer - une réponse ou une argumentation à ce problème précis soulevé par le Barreau.

Comme on le sait, l'article 452 du projet de loi prévoit que: l'époux locataire de la résidence principale de la famille ne peut, sans le consentement de son conjoint, sous-louer, céder son droit, ni mettre fin au bail lorsque le locateur a été avisé par l'un ou l'autre des époux, du fait que le logement servait de résidence principale. Le Barreau du Québec recommande de modifier cet article en ajoutant après les mots "mettre fin au bail" les mots "avant l'expiration du terme convenu ou prévu par la loi". Selon le Barreau, cette modification est nécessaire parce que, tel que rédigé, l'article 452 pose une difficulté d'interprétation sur la signification des mots "mettre fin au bail".

Le Barreau prétend que, sans la modification proposée, le bail pouvant se prolonger d'année en année, l'effet de l'article 452 sera que le locataire ne pourra jamais mettre fin au bail et que son conjoint pourra demeurer dans la résidence principale pour une durée indéterminée et ce contrairement à ce que l'article 58 du projet de loi de l'Office de révision du Code civil prévoyait. Je pense que cela résume bien.

Pour ce qui est des commentaires. Il est vrai que, tel que rédigé, l'article 58 du projet de l'Office de révision du Code civil permet à l'époux locataire de la résidence principale de la famille de mettre fin au bail, sans le consentement de son conjoint, à l'expiration du terme convenu ou prévu par la loi.

L'article 58 prévoyait, en effet, que l'époux locataire de la résidence principale de la famille ne peut, sans le consentement de son conjoint, ni sous-louer, ni céder son droit, ni mettre fin au bail avant que l'expiration du terme convenu ou prévu par la loi. Par contre, il nous semble que cette disposition aurait été à l'encontre de la politique que l'on veut implanter qui est de conserver à la famille la jouissance des lieux loués. Bien plus, je dirais même qu'on irait, en suivant la recommandation du Barreau, à l'encontre d'une politique déjà implantée. En effet, l'article 1657.2 du Code civil prévoit déjà que le conjoint d'un locataire ou, s'il habite avec lui depuis au moins six mois, un parent, un allié ou son concubin a, envers le locateur, les droits et les obligations résultant du bail s'il continue d'occuper le logement et s'il en avise le locateur dans les deux mois de la cessation de la cohabitation.

Ainsi donc, si on donnait suite à la recommandation du Barreau, en plus de contredire l'article 1657.2 du Code civil, on donnerait à un concubin, un parent ou un allié du locataire plus de droits qu'au conjoint. En définitive, il me semble que l'article 452 reflète l'intention de l'Office de révision du Code civil. Dans un premier temps, on ne permet pas, qu'en cours de bail, l'époux-locataire mette fin au bail du logement, ce qui aurait pour effet de priver sa famille de sa résidence habituelle, sans le consentement de son conjoint. Dans un deuxième temps, l'époux-locataire ne demeurant plus dans ce logement, on ne doit pas également se servir de cet article pour demander à la Régie du logement, ou à un autre tribunal, de fixer les conditions du bail relatives au loyer et à sa durée. C'est l'explication qu'on m'a fournie. Je pense qu'on y a attaché assez d'importance.

Dans la chronologie d'arrivée des textes, l'office a préparé sa proposition au temps où n'existait pas encore l'article 1657.2 qui favorise le maintien, dans les lieux, de certaines personnes qui y sont désignées. Forcément, parler de la fin conventionnel du bail, ou de la fin du bail prévu par la loi avait un sens différent, avant l'adoption de 1657.2. Maintenant, ce n'est plus possible, même quand le terme est expiré. Cela se prolonge de plein droit pour une autre année, etc. Donc, il y a une prolongation du terme en faveur de certaines personnes qui habitent déjà... C'est plutôt une coordination entre les deux textes qu'il faut refaire maintenant et non pas simplement se référer aux textes proposés par l'ORCC. C'est comme cela que le problème nous est apparu.

M. Forget: Est-ce que le problème n'aurait pas pu être réglé également en incluant le conjoint dans la liste des personnes protégées par cet article 1657?

M. Bédard: Effectivement, il doit y être. Je n'ai pas le texte. Il est disparu. Mais il doit y être, sauf que si dans le Code civil, on a un article qui n'a pas la même portée que l'article 1657.2, si on exclut, dans le cas du conjoint, la possibilité qu'il puisse avoir le droit de demeurer dans les lieux, au-delà du terme conventionnel... ...le conjoint d'un locataire et il n'a pas de conflit réel.

C'est pour cela qu'on a cessé de parler de la fin du bail dans l'article 452, parce que la fin du bail se trouve dorénavant régie ou réglementée par l'article 1657.2 et plaide en faveur du conjoint et pour d'autres personnes également.

Le Président (M. Laberge): Cela va?

M. Forget: Je voudrais pouvoir dire oui spontanément, mais ce que ma question essayait peut être maladroitement d'exprimer, c'était qu'étant donné que le conjoint est mentionné à l'article 1657.2, qu'est-ce qu'ajoute l'article 452? Quelles sont les circonstances pour lesquelles, autrement dit, l'article 1657.2 n'est pas une solution adéquate et pour lequel seul ce nouvel article 452 sera une solution adéquate?

M. Bédard: L'article 1657.2 - j'y vais, j'espère, avec autant de prudence qu'il faut -vise des cas de cessation de la vie commune, donc suppose que l'époux-locataire a quitté, et celui qui reste dans le logement...

M. Forget: ...

M. Bédard: C'est cela. Qu'il puisse continuer à rester dans ce logement. Tandis que dans le cas de 452, c'est beaucoup plus large et c'est complétaire, si je puis dire, de 1657.2; puisque les deux époux peuvent continuer d'habiter ensemble, mais l'un ne peut pas mettre fin au bail sans le consentement de l'autre. Ce n'est pas un problème lié à la cessation de la vie commune, alors que 1657.2 est essentiellement lié à la cessation de la vie commune ou - comme vous l'avez peut-être mentionné - l'abandon, qui permet donc à l'époux qui reste dans le local, de continuer de l'occuper moyennant un avis dans les deux mois de la cessation de la vie commune. fl5 h 30)

M. Forget: Cela va. Mais sur le plan pratique, quand une personne mariée est le locataire et qu'elle va signifier son désir de voir cesser le bail, si je comprends bien, cela implique que les documents prévus dans le chapitre du Code civil pour le louage de choses. Cet avis va devoir être signé par les deux conjoints. Il ne s'agira pas, autrement dit, que le conjoint qui n'est pas locataire donne son consentement verbal. Cela n'est pas précisé parce que, en pratique, le

conjoint qui est locataire face au locateur peut toujours dire on est d'accord et j'annule le bail. Sur le plan de l'application concrète, qui va informer le locateur qu'il ne s'agit pas d'une décision conjointe?

M. Bédard: Pour le locateur, je pense qu'il sera prudent d'exiger ou d'obtenir un écrit de ce consentement pour pouvoir ensuite en apporter la preuve en tout temps si l'époux prétend qu'il n'a pas donné son consentement. Je pense que la prudence exige qu'il doive donner ce consentement.

M. Blank: Le problème est qu'on a besoin de l'article 452 quand cela s'applique à un tiers. Quand un des conjoints transfère le bail à une tierce personne, je pense qu'on a besoin de l'article 452, ce n'est pas couvert par 1657.2. C'est de cet article qu'on a besoin, quand un des conjoints fait affaire avec une tierce personne, pas un locataire. Il va sous-louer ou cède ses droits. C'est la raison pour laquelle on a besoin de l'article 452.

M. Lacoste: J'aimerais poser une question se rapportant à la fois aux paragraphes 451 et 452. Qu'est-ce qui arrive lorsque la propriété ou la location... Il arrive souvent, en ville, qu'un commerce soit situé en avant de la propriété et que le couple demeure en arrière. C'est souvent le cas des dépanneurs.

M. Bédard: C'est considéré comme un tout.

Le Président (M. Laberge): La question a été posée. C'est le commerce attenant à une résidence.

M. Lacoste: Le fait que le commerce soit en avant, parce que cela, dans les rues de Montréal particulièrement, c'est assez fréquent, et le couple demeure en arrière de la maison familiale. Cela demeure la maison familiale et en même temps, le mari a son commerce, soit un dépanneur ou une agence d'assurances, sur une rue commerciale.

Supposons une rue de Montréal qui est semi-résidentielle, semi-commerciale, vous pouvez avoir un dépanneur, d'accord, à l'avant de la résidence et la famille demeure à l'arrière. Qu'arrive-t-il dans ces cas-là?

M. Bédard: Ce n'est peut-être pas très précis dans l'article lui-même. Cela réfère toujours au logement qui sert de résidence principale à la famille. Je pense que, concrètement, il y a des bureaux de professionnels qui sont intégrés dans le logement et il y a aussi des commerces d'épicerie qui sont assez distincts du logement même s'ils sont au même niveau de plancher, mais qui sont complètement distincts. Je pense que l'article ne précise pas. Il y a une question d'interprétation somme toute judiciaire possible dans le cas que vous soumettez à mon point de vue puisque l'article vise ce qui sert de résidence principale de la famille. Je ne crois pas pouvoir penser que cela inclurait également tout le local qui sert de commerce d'accommodation, par exemple, ou l'annexe qui sert de résidence principale, parfois, qui est peut-être unifamiliale, qui sert d'entrepôt, qui sert d'atelier ou qui sert de bureau aussi.

Je pense qu'on pourrait peut-être arriver à distinguer ces locaux, mais dans certains cas, cela peut être difficile, encore une fois, quand un professionnel a son bureau à l'intérieur même de la partie occupée par la famille comme résidence.

M. Blank: Je donne l'exemple d'un autre problème qui n'est pas couvert ici. Disons qu'on a un logement qui fait partie des conditions d'emploi et disons que le monsieur quitte l'emploi et sa femme en même temps. Qu'est-ce qui arrive?

M. Bédard: Dans ce cas, ce n'est pas tellement le locataire qui met fin à son bail, ce sont les conditions mêmes du bail qui font que le locataire a le droit de mettre fin à son bail quand il laisse son emploi, si j'ai bien compris, c'est attaché à son emploi. S'il laisse son emploi, il doit laisser le bail, mais ce n'est pas... La règle prévoyait que le locataire ne puisse pas de lui-même céder son droit au bail, mais si les conditions du bail sont que le locataire puisse y mettre fin quand il a cessé son emploi, il me semble que c'est en dehors de l'application de l'article 452.

M. Blank: Oui, je sais cela, mais ça ne protège pas la famille.

M. Bédard: Cela ne protège pas la famille parce que le bail est lié, ici, à l'emploi; vous parlez de la Baie James, cela se comprend.

M. Blank: Ou le concierge dans une maison d'appartements.

M. Bédard: Ou le concierge dans un immeuble de plusieurs logements.

M. Blank: Oui, je sais cela, mais je donne des exemples qui ne sont pas couverts.

M. Marx: Pour revenir à un autre exemple que le député a donné, en ce qui concerne les commerces; il y a beaucoup de commerces à Montréal, comme on l'a dit, où on fait du commerce - comment dire - dans le vivoir. L'épicerie est dans le vivoir et les autres chambres servent de résidence

familiale; c'est donc dire que s'il ne peut pas vendre le tout, il ne peut pas vendre son commerce. Cela pourrait être un problème. Je sais que dans le Code civil on donne des principes assez généraux. On en attend l'interprétation d'une autre commission qui a siégé dans ce salon. On a dit: II ne faut pas protéger les droits de la personne dans la constitution parce que cela va donner beaucoup d'instabilité, un tel article va donner beaucoup d'instabilité dans certains domaines du droit civil.

M. Bédard: Nous en sommes tous conscients. On essaie de trouver l'équilibre, mais avec l'objectif de protéger la résidence familiale.

M. Marx: On ne peut pas préciser davantage...

M. Bédard: Ce serait agréable si tout pouvait être limpide.

M. Marx: ...pour couvrir d'autres cas?

M. Bédard: Non. Il y a déjà une distinction qui est faite entre le propriétaire qui habite une partie de sa propriété et qui utilise l'autre pour les fins de l'exercice de sa profession ou d'un commerce. Ce cas-ci était uniquement le cas d'un locataire, à l'article 452. Je dis qu'il y a quand même une distinction. L'article 452 ne s'appliquerait pas dans beaucoup de cas que je connais où le propriétaire occupe également une partie des locaux pour des fins professionnelles ou des fins commerciales. Je ne crois pas que les articles aillent vraiment plus loin que cela. Le reste est laissé à une appréciation...

M. Marx: Oui, ce serait impossible de couvrir tous les cas imaginables.

M. Bédard: ...du tribunal. M. Marx: Oui, d'accord.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je voudrais revenir sur la question de l'avis par écrit. Dans le cas des deux articles précédant 450, le cas des meubles, je pense qu'on a convenu qu'il y avait des difficultés pratiques, en somme toutes insurmontables. Dans le cas du bail, étant donné que les baux sont par écrits, il y en a un certain nombre seulement qui sont verbaux, mais les baux généralement sont écrits et certainement l'avis qui met fin au bail étant donné la loi qui régit les relations entre - justement c'est par écrit aussi - pour éviter les contestations sur l'absence ou la présence du consentement du conjoint, est-ce qu'il ne serait pas plus prudent dans ce cas-ci de spécifier que le conjoint devrait donner par écrit son consentement?

Le ministre a dit tantôt, je suis d'accord avec lui, qu'il serait prudent pour les locataires de s'assurer...

M. Bédard: Ce sont deux situations différentes.

M. Forget: ...mais étant donné qu'il sera effectivement prudent, il est probable qu'un très grand nombre le prévoira; mais dans le fond, ce n'est pas beaucoup plus compliqué quand on envoie un avis qu'on n'a pas l'intention de renouveler le bail, de le faire contresigner par le conjoint. Si le Code civil le prévoyait, cela éviterait peut-être des situations confuses, où on va se mettre à essayer de prouver, devant le tribunal, qu'il y a bien eu consentement. On va faire témoigner les enfants, et Dieu sait qui! Ce ne sont quand même pas des choses qui se déroulent en public, ces consentements pour les questions familiales. Il serait peut-être bon...

M. Bédard: Je pense que ce sont deux situations différentes et cela s'inscrirait dans la philosophie qui est déjà contenue à 1651.4 du Code civil où on dit que: Tout avis relatif au bail d'un logement doit être donné par écrit. Alors, je pense que cela s'inscrirait dans le même esprit.

On le suspend, en s'entendant sur l'amendement. On le prend en note.

Le Président (M. Laberge): l'article 452 est suspendu pour la rédaction d'un amendement.

À l'article 453, c'est pour ajouter un article additionnel, après 453. À l'article 453, pour le moment, on a eu la suggestion de changer le mot "ou" par "ni". On m'a dit de ne pas l'oublier.

M. Bédard: C'est déjà...

Le Président (M. Laberge): Oui. Je n'avais pas demandé si c'était adopté.

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): "Ni" est adopté. L'article 453, amendé.

M. Bédard: M. le Président, cet article, comme on le sait, vise à accorder aux époux une protection relative à l'immeuble qui sert de résidence principale à la famille. Cette disposition s'étend à tous les époux, quel que soit leur régime matrimonial et élargit considérablement les restrictions actuelles découlant des articles du Code civil concernant la résidence familiale. La mise en

oeuvre de cette protection est soumise à l'enregistrement préalable d'une déclaration de résidence contre l'immeuble concerné. En effet, le tiers acquéreur ou locataire a peu ou pas de moyens de savoir autrement, avec certitude, s'il s'agit de la résidence principale ou de la résidence secondaire des époux et s'il est en présence d'un propriétaire marié ou non. Comme cette restriction ne s'applique qu'à l'égard du conjoint du propriétaire et que, dans le cas de la résidence principale de la famille, il faut éviter de paralyser la circulation de tous les immeubles et nuire au crédit des propriétaires. C'est la raison pour laquelle la déclaration de résidence est nécessaire pour informer les tiers.

La règle a été étendue aux immeubles de moins de cinq logements, de préférence, à moins de quatre. Ce type d'immeuble sert assez souvent de résidence principale pour le propriétaire, de sorte que cette extension de la règle ne risque pas de nuire au crédit des propriétaires d'immeubles commerciaux, dont le nombre de logements par immeuble est généralement plus élevé.

Le recours à l'autorisation judiciaire est prévu à l'article 455, lorsque le consentement du conjoint ne peut être obtenu ou son refus n'est pas justifié par l'intérêt de la famille.

L'amendement parle par lui-même, il n'y a pas d'autres explications.

Le Président (M. Laberge): Cela devient un article additionnel.

M. Forget: M. le Président, je me demande si dans l'intérêt du débat, on ne devrait pas pendant quelques minutes, au moins, les discuter ensemble...

M. Bédard: Oui.

M. Forget: ...pour une raison très simple, c'est que, dans le cas des immeubles de moins de cinq logements, la question majeure qui se pose et qui a été posée, par exemple, par l'Ordre des notaires, c'est: Pourquoi ne pas introduire le même genre de protection pour les immeubles, quelle que soit leur taille, en quelque sorte? Si la solution retenue pour les immeubles de plus de quatre logements est satisfaisante, alors qu'elle est, par contre, moins contraignante, pourquoi ne pas en faire une règle générale pour tous les logements autres que les logements unifamiliaux, si vous voulez?

Le Président (M. Laberge): Pour les fins du débat, je vais donner lecture immédiatement de l'article 453.1, qu'on nous suggère d'ajouter...

Une voix: ...pour le journal des Débats.

Le Président (M. Laberge): Pour le journal des Débats. "L'époux propriétaire d'un immeuble de moins de cinq logements qui sert, en tout ou en partie, de résidence principale de la famille et contre lequel une déclaration de résidence a été enregistrée, ne peut, sans le consentement de son conjoint, l'aliéner, le grever d'un droit réel ou en louer la partie réservée à l'usage de la famille."

Paragraphe suivant: "Le conjoint qui n'a pas donné son consentement à l'acte d'aliénation peut exiger de l'acquéreur qu'il lui consente un bail des lieux déjà occupés, à des fins résidentielles, aux conditions régissant le bail d'un logement. Celui qui n'a pas donné son consentemnt à l'acte de location peut, s'il ne l'a pas ratifié, en demander la nullité. L'usufruitier, l'emphytéote et l'usager sont soumis aux mêmes règles".

Les deux sont en discussion en même temps comme vous l'aviez demandé. Y a-t-il des questions sur 453 et 453.1? (15 h 45)

M. Blank: Je constate que la grande différence entre 453 et 453.1 c'est le fait qu'on peut hypothéquer une maison de plus de cinq logements. Dans l'article que vous nous avez lu, vous avez parlé de la question du crédit. Mais il arrive très souvent qu'une résidence unifamiliale soit le seul bien réel du conjoint, et le conjoint est en affaires ou est professionnel. La seule chose qu'il a pour garantir ses affaires, c'est sa maison. Cela veut dire que l'autre conjoint, maintenant, va entrer dans le commerce ou la profession de la personne. On peut éviter cela quand il a plus que cinq logements; moins de cinq logements, on dit, non. Maintenant, l'autre partie, l'autre conjoint peut entrer dans les affaires commerciales ou professionnelles de l'autre.

M. Bédard: Je pense qu'il y a une différence "visuellement" parlant, du point de vue commercial. Je pense que quand on est dans les cinq logements et plus, disons, d'une façon plus résolue, on est dans le domaine commercial beaucoup plus.

M. Blank: Vous rattachez cela au domaine commercial d'immeubles ou d'une maison d'appartements, bâtisses de bureaux. Mais il y a des gens qui ont un commerce complètement séparé de l'immeuble, par exemple, un magasin de vêtements, un magasin de meubles... Un avocat, un comptable, qui, pour une raison ou une autre, doit emprunter de l'argent à sa banque et il arrive que la banque lui demande une garantie; le seul bien qu'il a, c'est sa maison. Là, vous dites que la question de crédit ne compte pas. S'il s'agit d'une affaire commerciale de meubles, oui, mais si c'est dans une autre profession, non.

M. Bédard: J'aime bien que vous m'apportiez le problème, mais à un moment donné il faut tracer une ligne. Je pense que là où on a tracé la ligne, cela rejoint non seulement l'Office de révision du Code civil dans sa réflexion, cela rejoint aussi les notaires, sauf qu'ils ne font pas de distinction. D'autre part...

M. Blank: Sur le principe de résidence familiale, il y a des effets qu'on ne voit pas.

M. Bédard: Cela rejoint également un peu les notaires, qui ne font pas de distinction, sauf qu'ils ont des dispositions qui sont plus souples. Là, on a un choix à faire si on veut une protection plus souple ou une protection plus réelle.

M. Blank: Mais cela vient un peu maintenant vers la situation que le député de Saint-Laurent dit qu'on a des communautés de biens et la communauté dans tous les domaines, même dans le domaine professionnel et commercial d'un des conjoints.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, j'aimerais que le ministre nous donne un peu plus d'explications concernant la nécessité... Est-ce que le ministre m'écoute?

M. Bédard: Peut-être pour ajouter là-dessus, c'est que la Chambre des notaires ne met pas de côté le principe, sauf qu'elle voudrait le limiter. Ce qu'elle propose, c'est de limiter la règle à la maison unifamiliale. Dans le cas où il y a plus d'un logement, remplacer le recours à la nullité; c'est pour cela que je dis que cela devient pas mal plus souple, et là, c'est un choix à savoir est-ce qu'on protège, plus ou moins? Ils veulent remplacer le recours en nullité par un droit d'occupation dont les modalités sont déterminées par le tribunal. Les deux positions sont très claires. C'est à nous maintenant à évaluer la chose. Il est très clair que dans un cas, on donne plus de protection que dans l'autre; et ce qu'on nous propose est assez lourd quand même, aussi. Nous avons opté dans le sens de plus de protection.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska, est-ce que votre question tient toujours?

M. Fontaine: Je voudrais que le ministre nous donne un petit peu plus d'explications concernant la nécessité d'enregistrer un avis, parce qu'on sait très bien que dans la pratique, il y a, je pense bien, un bon nombre de personnes qui vont se priver de faire cet enregistrement par crainte d'avoir des problèmes familiaux, parce que cela peut être interprété comme un manque de confiance de la part d'un des conjoints.

Le ministre a parlé tantôt de la nécessité de l'enregistrement d'un tel avis, à cause des problèmes que cela peut créer avec des tiers. Est-ce que vous pourriez être plus explicite, parce qu'il y a des gens qui ont suggéré qu'il n'y ait pas un tel enregistrement, mais plutôt une espèce de présomption de résidence familiale? Par exemple, chaque fois qu'une transaction se fait habituellement chez le notaire, on appelle le conjoint de celui qui veut contracter et à qui on demande de donner son consentement sur les lieux. À ce moment-là on toucherait peut-être tout le monde. Il y aurait seulement ceux qui ne veulent pas donner leur consentement et qui seraient obligés de le donner à ce moment-là. C'était la position, entre autres, du professeur Caparros.

M. Bédard: Là aussi, le problème est toujours le support d'information. En matière immobilière particulièrement, à cause de la qualité de la chaîne de titres qui est importante pour la vente, pour l'hypothèque, c'est préservé d'une façon très particulière, si bien que seules les choses enregistrées contre l'immeuble, somme toute, sont vraiment opposables, si on excepte certains cas de nullité qui tiennent à l'erreur ou à des vices de consentement qui finissent par se ratifier lorsqu'on vend, etc. Actuellement, encore une fois, si vous faites un examen de titres et qu'il n'y a aucune déclaration enregistrée sur l'immeuble à l'effet que c'est une résidence, vous faites votre examen de titres et dites que ceux-ci sont francs et quittes, qu'ils sont clairs, voilà que vous pouvez faire consentir une valable et bonne première hypothèque, les titres de propriété sont parfaits. Si, une fois qu'on aura dit cela, on se fait opposer un défaut de consentement du conjoint dans l'acte de vente, c'est sûr que le prêteur hypothécaire et l'acquéreur vont avoir des réticences à prendre le risque d'acheter sans pouvoir contrôler la question des consentements.

J'ai souvent répété que sur le plan technique lorsque vous êtes propriétaire d'un immeuble et que vous voulez le vendre, on peut bien dire: Dites-nous si vous êtes marié ou célibataire. On est à la merci de la réponse faute d'une meilleure information. Si la personne dit: Je ne suis pas mariée, alors qu'elle l'est et qu'elle n'a pas par conséquent obtenu le consentement de son conjoint -parce que l'acheteur dit: si vous êtes célibataire, je n'ai pas besoin d'obtenir le consentement de votre conjoint, donc, j'achète ou je prête - est-ce qu'on voudrait que cette vente, ce prêt, soit valable sur la simple déclaration du vendeur? Si on

demande au tiers d'aller plus loin que cela, je me dis qu'est-ce qu'il va fouiller comme registres pour savoir si vraiment le vendeur est marié ou non. Les apparences dans notre société ne font pas, même quand on vit en couple, qu'on est nécessairement marié.

C'est toujours le problème et surtout sur une chaîne de titres, c'est peut-être encore plus considérable comme conséquences que dans le cas des biens immobiliers.

M. Fontaine: On indique déjà sur les contrats que la partie est mariée avec...

M. Bédard: Oui, sauf qu'à l'heure actuelle, on a le pouvoir de disposer des immeubles. La femme ou l'homme marié, sous la société d'acquêts comme sous la séparation de biens, peut vendre son bien sans consentement. Il n'y a plus d'incapacité qui découle pour l'épouse ou pour le mari, en ce qui concerne la société d'acquêts ou la séparation de biens, de sorte qu'il n'y a pas de problème, qu'ils nous disent ce qu'ils voudront. En d'autres termes qu'ils disent qu'ils sont mariés ou non, cela n'a pas beaucoup d'effet puisque, de toute façon, il n'y a pas de consentement à obtenir dans aucun des cas. Tandis que dans le cas du régime impératif de la résidence, il est certain que si on accroche la nullité, cela a cet effet. Je sais que dans certains pays -pour rapporter juste un élément de droit comparé - la règle est aussi automatique que celle à laquelle vous avez peut-être pensé, si on peut penser à la France, en particulier. Mais, il ne faut pas oublier que dans certains pays, on a des livrets de famille, on a des identifications de son état et de sa capacité qu'on traîne sur soi et qu'on doit - non seulement qu'on peut - assez fréquemment présenter. C'est sur la banque de ces livrets de famille qui comporte l'état et la capacité que les tiers peuvent se comporter. Mais chez nous - il faut le reconnaître - nous avons des registres dispersés à travers le Québec pour la naissance, pour le mariage ainsi que pour le décès. Nous n'avons pas de références centralisées pour l'information.

Alors, il nous restait la publication par voie d'enregistrement. Ce qui est enregistré sur la chaîne de titres, c'est imposable. Ce qui ne l'est pas, si on excepte des privilèges - on s'est habitué à certains privilèges - les taxes municipales et autres; ici, la résidence, c'est la difficulté technique, j'entends.

Cette centralisation...

M. Fontaine: La solution idéale serait d'être en mesure de pouvoir être certain que les gens sont mariés ou pas.

M. Bédard: ...en termes de grand registre, c'est plutôt au chapitre 1. Alors, à ce moment, la question se réglera. Cela pourrait permettre plus d'ouverture sur la suggestion qui a été faite par le député de Nicolet-Yamaska.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme LeBlanc-Bantey: Je voulais faire, à peu de chose près, l'intervention qu'a faite le député de Nicolet-Yamaska. J'ai écouté la réponse qu'on lui a fournie. Moi, je veux croire que c'est l'exception que quelqu'un, qui est marié, prétend qu'il ne l'est pas pour disposer d'une maison, parce que - je ne sais pas si ma mémoire ou mes informations sont bonnes - il me semble que quand on vend une maison, on nous demande notre contrat de mariage. Effectivement, est-ce que j'ai raison de penser cela? Parce que, nous, nous avons vendu une maison dernièrement et on nous a demandé notre contrat de mariage.

M. Bédard: Certainement.

M. Blank: Ce notaire avait des anciennes pratiques. C'est changé depuis 1964. On n'en a pas besoin.

M. Forget: Ce n'est pas obligatoire, mais c'est plus pratique...

M. Bédard: Tous n'ont pas cette habitude.

Mme LeBlanc-Bantey: En tout cas, c'est un jeune notaire.

M. Bédard: Cela arrive; des jeunes avec des vieilles habitudes.

Le problème n'était pas que cela ne se demande pas. C'est la qualité de la réponse qu'on va recevoir. Là, je ne sais si je pourrais me permettre de vous dire, pour avoir vécu moi-même une expérience d'acte notarié, où j'ai demandé à la personne qui vendait - c'était une femme, effectivement -quel était son état matrimonial. Elle n'a pas bien saisi ce que je voulais dire. Ma question était un peu technique. Alors, je lui ai demandé: Est-ce que vous êtes mariée ou célibataire? Ses hésitations à répondre m'ont permis de croire qu'elle était mariée. Alors, on a regardé cela d'un peu plus près. Mais elle avait déclaré, lors de l'achat, qu'elle était célibataire. Elle était mariée à l'époque et, là, elle vendait. Donc, il a fallu procéder par une séparation de corps et toute une procédure...

Mme LeBlanc-Bantey: Je ne dirais pas que votre exemple est pernicieux, mais je le pense quand même. Cela doit être rare que cela arrive, le cas où c'est la femme qui vend l'immeuble et qui se dit célibataire.

Je vais juste continuer ma pensée et dire que cet article vise à protéger le

conjoint, encore une fois, le conjoint qui voudrait disposer d'une résidence familiale, sans son consentement. Le consentement n'est pas obligatoire. Comme l'a souligné le député de Nicolet-Yamaska, il y a probablement encore beaucoup de couples qui hésiteront à exiger une déclaration de résidence familiale, la preuve étant que, mon mari, à qui je disais cette semaine: La maison est à mon nom. Il va falloir que tu fasses une déclaration de résidence familiale. Il a dit: Tu es complètement folle. Pourquoi je ferais cela; je te fais confiance.

M. Bédard: Cela ne vous empêchera pas de le faire.

Mme LeBlanc-Bantey: II ne pourra pas m'empêcher de vendre ma maison après quatre ou cinq ans...

M. Bédard: On a parlé de beaux principes: égalité, responsabilité. À un moment, cela va se traduire dans des attitudes et des réticences qui vont aller en diminuant. Sinon, ces mots ne veulent rien dire. Mais, je suis convaincu qu'aujourd'hui, il peut y avoir des échanges aux termes de la réclamation des droits d'une femme par rapport à l'époux qui ne font même plus l'objet d'une discussion, encore moins d'une altercation qui, peut-être, il y a dix ou quinze ans aurait fait dresser les cheveux sur la tête du mari. Il faut espérer qu'il y a des mentalités qui changent. (16 heures)

M. Fontaine: M. le Président...

M. Bédard: II y a quand même le sujet...

Mme Leblanc-Bantey: Je ne sais pas, je trouve que c'est dommage que vous ne reteniez pas la suggestion du député de Nicolet-Yamaska, à l'effet de la présomption, pour la résidence familiale.

M. Bédard: Écoutez, il y a le coeur et la raison.

M. Fontaine: Si vous me permettiez...

Le Président (M. Laberge): Là-dessus, le député de Saint-Laurent a un commentaire ou une question additionnelle.

M. Forget: Je vais changer un peu... si le député a l'intention de revenir spécifiquement là-dessus, parce que je voulais revenir à ma question d'il y a quarante minutes.

Le Présidente (M. Laberge): Avant que vous l'oubliiez.

M. Fontaine: J'aurais seulement une suggestion à faire.

M. Forget: Moi, je ne l'oublierai pas.

M. Fontaine: M. le Président, si on considère que la solution, par exemple, qui est appliquée en France est peut-être la solution idéale à l'effet qu'il y a une présomption et que là-bas, il n'y a pas de problème d'identification, si on dit que la solution de la présomption est la meilleure solution, on pourrait peut-être penser à régler le problème d'une façon différente. En établissant une présomption de résidence lorsqu'on établit l'acte, le notaire demande à la personne qui vend ou qui accorde une hypothèque sur son immeuble, si elle est mariée ou pas et si on attache une sanction à sa réponse en lui disant: Si vous nous répondez faussement être célibataire alors que vous êtes mariée, ça pourra amener la nullité de l'acte. À ce moment-là, on règlerait le problème.

Pour tous ceux qui voudraient faire des fausses déclarations, l'acte serait déclaré tout simplement nul, il n'aurait pas intérêt à le faire, à ce moment-là.

M. Blank: S'il prend l'argent...

M. Bédard: Le problème n'est pas au niveau du vendeur, il est au niveau de l'acheteur. Si le gars a décidé de tromper...

M. Blank: Le gars qui vend la maison, il s'en va au Brésil avec l'argent.

Le Président (M. Laberge): Votre question, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Je vais la répéter.

Le Président (M. Laberge): Je lui cède la parole.

M. Forget: Tout à l'heure, j'ai indiqué qu'il serait peut-être intéressant de voir les deux articles ensemble, parce qu'ils visent le même problème qu'ils tranchent par des moyens différents. Ma question était de savoir quel était véritablement le désavantage, étant donné l'objectif visé de généraliser à tous les cas de maisons de plus d'un logement, la disposition prévue dans les cas de cinq logements ou plus et qui consiste, non pas à annuler l'acte de vente, mais à céder un droit d'occupation à titre de locataire.

N'oublions pas une chose, c'est que l'objectif visé, me semble-t-il, à moins qu'on ne soit pas d'accord là-dessus, c'est d'assurer la continuité du cadre physique de vie pour la famille. On ne vise pas, par le même geste ou la même protection de la résidence familiale, à régler tous les problèmes

patrimoniaux dans une famille qui connaît des difficultés. C'est bien sûr qu'il y a d'autres éléments d'actifs et de passifs qui vont devoir être clarifiés, parce qu'il est bien clair que ce genre de problèmes va se poser dans les semaines ou dans les mois qui précèdent une séparation de corps et plus souvent, un divorce.

Donc, de dire que l'annulation de la vente restaure les parties dans l'état patrimonial où elles étaient, pendant le mariage, c'est vrai, mais ça n'est qu'une partie de la solution du problème des partages des patrimoines ou des compensations qui doivent se faire. Le seul but véritable de la protection de la résidence familiale, c'est d'assurer la continuité du cadre de vie physique, pour le bénéfice des enfants, pour le bénéfice du conjoint abandonné, etc.

Il me semble que la solution qui est retenue dans le cas des résidences qui se situent dans des édifices où il y a plus de cinq logements, évite...

M. Bédard: Cela va dans le sens...

M. Forget: Cela va dans le sens, mais si cette solution est valable pour ces logements et pour une partie de la population qui n'est pas négligeable dans les villes, malgré tout, qui vit de plus en plus dans des habitations collectives, elle doit être également valable pour tous les autres cas, sauf l'habitation unifamiliale où je conçois qu'il y a peut-être un problème différent, encore qu'on puisse en douter, mais dans ce cas l'acheteur va être ordinairement l'occupant, alors ça pose des problèmes un peu plus aigus. Il me semble que si on faisait ça, c'est-à-dire appliquer la même solution pour tout le monde, d'abord on simplifierait le Code civil, on applique la même règle pour tout le monde. C'est un peu odieux de faire, du genre d'édifices dans lesquels les gens vivent, un facteur dans le degré ou la qualité ou la nature de la protection de la résidence familiale. C'est un petit peu odieux en principe, si on veut protéger le plus possible toutes les familles de la même façon.

En plus de ça on se trouve à régler le problème qui a été soulevé précédemment, le cas où un édifice qui est loué ou détenu en propriété est utilisé en partie pour des fins professionnelles parce qu'il est clair que la partie du local, si elle est physiquement séparable, isolable du reste qui est utilisé pour les fins de résidence, peut recevoir le même traitement à ce moment-là, une obligation de détenir à bail et c'est une solution plus élégante sur le plan juridique, c'est-à-dire qu'elle s'applique à un plus grand nombre de cas. Il n'est pas nécessaire de se poser des questions à savoir dans quelle catégorie ça tombe. Cela évite le problème de nullité de la vente qui est un problème pour les tiers.

II me semble que si elle est satisfaisante pour un groupe elle doit avoir été jugée satisfaisante pour les groupes de cinq logements et plus. Si le ministre l'a prise à son compte, elle doit être également satisfaisante pour ceux qui vivent dans des maisons plus petites, des édifices plus petits.

Je pose au moins la question, il y a peut-être des choses qu'on ne voit pas...

M. Bédard: Je pense que vous avez bien employé l'expression, on en est sur l'objectif principal qui est d'assurer la sécurité de la résidence familiale. Le mot clé c'est "sécurité". Il est clair qu'il y a une différence entre les deux articles au niveau de la sécurité qui est donnée quand c'est plus de cinq logements parce que là, on parle de droit de location, par rapport à moins de cinq logements où la propriété même est en question.

M. Forget: Quoique la sécurité du locataire, avec les règles actuelles quant à la continuité du droit d'occupation du locataire, est presque équivalente au droit de propriété.

M. Bédard: Votre réflexion rejoint et explicite qu'on discute bien de la bonne chose qui est la sécurité. Si vous me dites que si on en vient à la conclusion qu'avec les règles qui existent maintenant, au niveau de la location, c'est presque aussi sécure que la propriété, on pourrait peut-être envisager d'aller dans le sens de ce que dit la Chambre des notaires, j'en conviens. Je ne suis pas un expert, mais il me semble qu'à première vue il y a une différence d'intensité au niveau de la sécurité entre les deux situations.

Sur l'analyse de plus ou moins de sécurité, on me fait remarquer - je l'avais oublié - un exemple bien simple; dans le cas de plus de cinq logements, ça voudrait dire que lorsque le propriétaire désire occuper ces lieux pour les membres de sa famille, à ce moment-là, il peut le faire. Tandis que dans le cas de moins de cinq logements, il ne peut pas le faire.

M. Forget: Mais c'est seulement après la fin du bail.

M. Bédard: Mais oui.

M. Forget: Jusqu'où veut-on aller protéger la continuité d'un cadre physique pour une famille?

M. Bédard: Oui, est-ce que c'est pour les siècles à venir ou ...

M. Forget: On ne peut pas créer un

régime juridique entièrement différent pour ces familles seulement qui connaissent un divorce, parce que, en somme, la famille à côté, qui elle, n'a pas connu de difficultés, n'a pas divorcé, peut se faire évincer par le propriétaire qui veut y loger son fils ou sa fille ou qui veut s'y loger lui-même. Si on croyait que le principe de la continuité du cadre physique est un absolu, il faudrait même interdire au propriétaire d'évincer qui que ce soit dans le fond...

M. Bédard: Je pense que la problématique est bien posée.

M. Blank: On va le suspendre et on va y penser durant la fin de semaine.

Le Président (M. Laberge): Les deux? M. Bédard: Oui, je préférerais.

Le Président (M. Laberge): Article 453...

M. Bédard: II faut remarquer qu'on suspend, jusqu'à maintenant, quelques articles. Je pars du principe qu'on suspend lorsque la discussion est terminée. À un moment donné, il faut bien prendre une décision dans un sens ou dans l'autre. On ne suspend pas pour reprendre toute la discussion.

M. Fontaine: C'est pour cela que j'aimerais reprendre la parole à ce sujet-là.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Ma réflexion n'est pas terminée là-dessus. Tenir pour acquis qu'on veut faire des lois pour la grande majorité de la population, je pense bien que, si on regarde la façon de faire des déclarations, quand il y a des immeubles à transiger, des droits immobiliers, un grand pourcentage de la population va, si on lui demandait s'il y a mariage ou pas, nous répondre la vérité.

Partant de là, si on laisse l'article tel quel, cela veut dire qu'on légifère pour peut-être 1% de la population; parce que ce seront seulement les exceptions qui vont se servir de l'article qui vont être obligés d'aller faire une déclaration, d'enregistrer un avis qu'il s'agit bien d'une résidence familiale.

Là-dessus, je voudrais vous faire remarquer qu'il y a plusieurs organismes qui ont fait des représentations dans ce sens-là.

M. Bédard: Essayez de l'approfondir.

M. Fontaine: Les femmes diplômées des universités, le Barreau, la Commission des services juridiques, le Comité de la condition féminine du PQ, M. Caparos...

M. Bédard: Je vous ferai remarquer que le Barreau est d'accord avec la déclaration de résidence.

M. Fontaine: Je n'ai pas parlé du Barreau.

M. Bédard: Oui, vous l'avez mentionné.

M. Fontaine: Je m'excuse. De toute façon, je me dis que si on allait plutôt vers une présomption, s'il y a des gens qui font de fausses déclarations, à ce moment-là, qu'on mette des sanctions et ce gens pourront être poursuivis. Peut-être, dans certains cas, ce sera aléatoire de les poursuivre, mais au moins on aura protégé 98% ou 99% de la population qui va respecter les lois, tandis que là, si on oblige les couples à enregistrer une déclaration, ils ne le feront pas. Ce n'est pas cela le but visé par la loi. Ce sera un sujet de discorde entre les époux et ce n'est pas cela qu'on veut non plus.

Je pense qu'il faut absolument repenser cet article-là pour essayer de faire en sorte que la population puisse bénéficier de la protection qu'on veut lui donner.

M. Bédard: Tout en oubliant que le tiers de bonne foi, ce n'est pas 1% de la population.

M. Forget: Ce sont les autres 50%, n'est-ce pas?

M. Bédard: Ils existent aussi. On va réévaluer pour voir jusqu'à quel point on peut déboucher sur une solution qui, d'avance, je le sais, ne peut pas convenir à tout le monde, parce qu'on ne peut pas être magicien au point de concilier des idées différentes, mais on va essayer de trouver le compromis acceptable.

M. Marx: Est-ce que cette présomption existe dans d'autres juridictions? Par exemple, en Ontario, y a-t-il une présomption? Ou dans d'autres provinces? Peut-être faut-il examiner ce qu'on fait ailleurs pour voir si on peut modifier cet article dans le sens suggéré par le député de Nicolet-Yamaska.

M. Bédard: Tout en ayant le temps de bien analyser l'ensemble de la situation. Je pense que le député est d'accord avec moi que, parfois, si on prend seulement une mesure, elle peut exister ailleurs, mais le contexte peut être bien différent.

Tout à l'heure, on donnait l'exemple de la France. La France a accepté cela, mais parce qu'il y avait un ensemble d'éléments qui étaient en place, lesquels éléments ne le

sont pas ici.

M. Marx: C'est pourquoi j'ai choisi l'Ontario, même s'il n'a pas un système de droit civil.

M. Bédard: C'est cela. Ce n'est pas parce que c'est un système de "common law" qu'on ne peut pas trouver des similitudes. (16 h 15)

M. Fontaine: Concernant les tiers, je ne pense pas que les compagnies prêteuses, par exemple, au niveau des prêts hypothécaires, vont tellement changer leur attitude. Même si elles savent qu'il y aura peut-être 1% de la population qui va faire des fausses déclarations, elles vont quand même continuer à prêter sur les immeubles. Ce sont des risques qu'elles vont avoir à assumer un peu plus, mais je ne pense pas que ça dérange grand-chose dans ce commerce.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: ...

M. Lacoste: Je comprends l'argumentation du député de Nicolet-Yamaska. Il a quand même comme principe, je pense, comme il le dit, de protéger la résidence familiale. Je pense qu'on doit partir de là et essayer de formuler pour essayer de rejoindre une grande partie des gens. Je prends seulement l'exemple de la déclaration: C'est à moi la maison actuellement, et comme c'est souvent le cas, c'est la grande majorité des hommes qui ont les maisons...

Mme Lavoie-Roux: Non.

M. Forget: Jamais de la vie.

M. Lacoste: Non? En tout cas, souvent. Et d'arriver demain pour offrir à mon épouse: Est-ce qu'on va aller signer une déclaration de résidence? Bon!

M. Bédard: Je serais curieux de voir les statistiques de ce côté-là.

M. Lacoste: Oui.

M. Bédard: Pour se préserver...

M. Lacoste: Oui, parfois, c'est pour se préserver.

M. Bédard: Je ne veux pas analyser les motifs, mais...

Mme LeBlanc-Bantey: On n'a pas d'objection à protéger l'homme si c'est le contraire. Il s'agit des droits des conjoints... M. Bédard: Oui, cela revient à dire...

Mme LeBlanc-Bantey: ...ou de la famille.

M. Bédard: ...qu'il faut le penser pour tout le monde.

M. Lacoste: En tout cas, en dehors de l'homme et la femme, je pense que c'est protéger la résidence familiale.

M. Bédard: Là-dessus, on ne se trompe pas.

M. Forget: M. le Président, j'ai un point technique à soulever...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ...qui nous amène sur un terrain très différent. Cela va peut-être être très court, on a peut-être des réponses à ça. On parle du propriétaire. Il y a un phénomène qui est en développement rapide, celui de la copropriété ou du mode coopératif de propriété. Est-ce que le mot "propriétaire" a une acception suffisamment large dans l'article en question pour viser la copropriété et la propriété coopérative; et jusqu'où cela nous amène-t-il dans la gestion d'immeubles qui sont en copropriété ou en propriété coopérative? Par exemple, si une coopérative, propriétaire d'édifices résidentiels collectifs, consent une hypothèque, il y a un conseil d'administration et est-ce que les décisions du conseil d'administration, dans un certain sens, vont devoir être approuvées par les conjoints des membres mariés qui sont membres de la coopérative ou est-ce, comme c'est le conseil de la corporation, c'est une personne morale et que ça s'arrête là? De la même façon, une corporation qui administre un condominium va-t-elle pouvoir obtenir une hypothèque pour financer les travaux dans les espaces communs sans l'autorisation des conjoints qui sont nominalement les propriétaires des part indivises?

M. Bédard: Une réponse partielle. Il nous apparaît que le conseil de propriété au Code civil, tel que défini à l'article 583, où on dit que la propriété s'acquiert, ce concept de propriété entendu dans un sens très général englobe ce qu'on peut appeler par la suite dans le Code civil la copropriété des immeubles bâtis ou entre guillemets "condominiums", ce qui est plus connu peut-être comme expression où la copropriété est indivise. Là-dessus, au point de vue d'une interprétation de type de droit civil, donc, de principe, il n'y a pas d'inquiétude que le

concept de propriété englobe celui de copropriété indivise classique ou de copropriété des immeubles bâtis puisqu'on utilise toujours ce même langage.

Pour ce qui est du problème plus particulier, que vous soulevez, des coopératives, je vous avoue que je ne suis pas préparé pour y répondre de façon utile et efficace. Je ne sais pas si Marie-Josée... On pourrait le noter.

M. Forget: Et aussi les conséquences de ce fait-là sur les gestes posés par les collectivités qui gèrent des immeubles de ce genre. Est-ce qu'ils doivent retourner à leurs principaux, en quelque sorte, pour obtenir des mandats? Quand des membres d'une coopérative votent, par exemple, sur l'acquisition d'un terrain additionnel ou sur la construction d'une piscine ou Dieu sait quoi, est-ce que chacun des membres qui votent doit s'assurer que son vote est contresigné -je ne sais pas comment on appelle cela - par son conjoint? Cela peut entraîner des charges qui, éventuellement, constituent une alinéation de droit réel, au moins par personne morale interposée.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous laissez cela en suspens?

M. Bédard: Est-ce qu'il y a d'autres interrogations que d'autres membres pourraient avoir? Une fois l'analyse faite..

M. Marx: Avant de passer à l'article suivant, j'aimerais soulever un problème. Je ne sais pas si c'est le moment. Je vois ici, dans cette section du Code civil, qu'on va protéger des conjoints mariés. Je ne vois aucune protection pour des conjoints qui vivent en union de fait. Aujourd'hui il y a des unions de fait qui durent plus longtemps que des mariages.

Je me demande s'il faut prévoir une certaine protection pour des conjoints qui vivent en union de fait, en ce qui concerne la résidence familiale.

M. Bédard: C'est un choix qui a été fait de ne pas réglementer l'union de fait. Je l'ai expliqué dans mon discours de deuxième lecture. La base de la décision et le respect de personnes qui ont décidé mutuellement, de consentement, d'adopter un genre vie, je pense qu'il y a eu plusieurs représentations dans le sens, justement, de ne pas réglementer le cas. C'était un choix de vie.

M. Marx: La loi va protéger seulement les gens qui se marient. Les gens qui ne se marient pas ne seront pas protégés.

M. Bédard: Ils ont la même protection que tout le monde. Cependant, comme je vous l'ai dit, on a eu la préoccupation de faire en sorte qu'ils soient sur le même pied que tout citoyen et on a fait disparaître certains actes qui étaient nuls, entre concubins. On a fait disparaître cela. On le verra plus loin, donnations, etc., ce qui les place sur un pied d'égalité. Et cela n'enlève pas aussi tous les devoirs par rapport aux enfants. Il y a les enfants auxquels il faut penser. Plus loin, on aura l'occasion...

M. Marx: Si j'ai bien compris la politique du gouvernement, c'est de ne pas protéger les unions de fait dans cette section du Code civil.

M. Bédard: Ce n'est pas de ne pas protéger...

M. Marx: Dans cette section du Code civil.

M. Bédard: ... c'est de ne pas réglementer, ne pas réglementer l'union de fait en respectant le choix de vie que ces personnes ont fait.

M. Marx: On peut respecter le choix de vie des personnes mariées sans les réglementer de cette façon.

M. Bédard: Si c'était si simple que cela, il me semble qu'on n'aurait pas eu différents groupes qui ont fait des représentations dans le sens d'aller dans une réglementation concernant le mariage et qui, en même temps, allaient dans le sens - ce n'est pas contradictoire - et je pense que le député le conçoit.

M. Marx: Si je comprends bien, la politique du gouvernement est de ne pas protéger des gens qui vivent en union de fait, en vertu de cette section du Code civil? Est-ce que c'est cela?

M. Bédard: À la suite des représentations faites, la décision est de les laisser libres et de ne pas les réglementer.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Cela rejoint un peu la préoccupation de mon collègue de D'Arcy McGee. Je reconnais également avec le ministre de la Justice qu'il y a eu des représentations faites à l'effet que les unions de fait soient respectées comme étant un choix libre.

Il reste quand même que l'une des préoccupations que nous avons dans toute cette grande discussion d'assurer la continuité de la résidence familiale, c'est dans un but de protéger les enfants. Finalement, même si c'était un mariage, s'il

n'y avait en cause que deux conjoints indépendants, la journée où ils décideraient de divorcer, je pense qu'on s'en préoccuperait peut-être moins. Mais dans le cas des unions de fait - j'accepte ce que le ministre a dit et ce qui a été dit ici en commission parlementaire - pour les enfants, la résidence familiale ne se trouve pas protégée. Alors, on pourra peut-être me rétorquer: ce sont les conjoints de fait qui ont fait ce choix libre. Mais l'esprit de la loi est de protéger les enfants par la résidence familiale et, là où il y a des enfants, on l'exclut...

M. Bédard: On ne protège quand même pas les enfants seulement par la résidence familiale physique.

Mme Lavoie-Roux: Non, mais ça nous semble un des aspects les plus importants.

M. Bédard: C'est un des moyens; cela rejoint le concept de famille. C'est pour ça qu'il est très clair, dans le code, que les enfants ne perdent jamais, quelle que soit la situation, les droits fondamentaux qu'ils ont par rapport aux parents.

Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, la résidence familiale, comme lieu de sécurité, ça n'existe pas ou ça n'existe plus.

M. Bédard: Écoutez, allez-y, j'aimerais bien ça vous voir...

M. Forget: À moins qu'on ne veuille en faire la suggestion.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme LeBIanc-Bantey: Effectivement, les enfants ne perdent pas leur droit, comme vous venez de le mentionner, mais à condition que le père ait fait une reconnaissance de paternité.

M. Bédard: Dans le projet de loi no 89, les enfants nés en mariage ou hors mariage sont sur un pied d'égalité même quant à la preuve de leur filiation.

Mme LeBIanc-Bantey: C'est-à-dire en termes pratiques?

M. Bédard: En termes pratiques, on les enregistre à l'acte de naissance, évidemment, et c'est l'acte de naissance qui fait foi de leur filiation, à moins que ce ne soit contesté par la suite, mais il faut partir de quelque part.

Mme LeBIanc-Bantey: Une femme peut décider d'enregistrer le nom du père, même s'il n'est pas d'accord.

M. Bédard: Oui.

Mme LeBIanc-Bantey: ...du moment qu'il est connu.

M. Bédard: Mais il peut contester, tant qu'il n'y a pas consolidation avec la possession d'état. Je voulais surtout indiquer, pour répondre sommairement à votre question, qu'ils sont sur un pied d'égalité à tous égards, au plan de la preuve de leur filiation, comme au plan des effets qui découlent de la filiation et ils sont intégrés dans la famille au complet. Ils n'ont pas qu'un père et une mère, ils auront dorénavant un grand-père et une grand-mère et des oncles, des tantes, enfin ils auront une famille complète, et tous les droits alimentaires et tous les droits successoraux.

M. Forget: Sauf la résidence familiale. Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

M. Bédard: Vous dites: Sauf la résidence familiale. Je vous invite, je trouve ça très intéressant que vous en parliez, parce qu'il est clair qu'on en a discuté avant de prendre une décision. J'ai écouté avec beaucoup d'attention le discours - parce qu'il faudrait se comprendre - du chef de l'Opposition officielle qui a parlé, concernant l'union de fait, de prudence justifiée du législateur.

M. Marx: Vous suivez toujours les suggestions du chef de l'Opposition officielle? On a d'autres suggestions à vous donner, d'autres conseils.

M. Bédard: Non, je ne les suis pas toujours, mais je pense que vous me comprenez...

Mme Lavoie-Roux: Celles qui font son affaire.

Le Président (M. Laberge): Un à la fois.

M. Bédard: Cette discussion est une large discussion; on peut l'entreprendre, je suis très ouvert, parce que je suis arrivé à cette décision après une large discussion.

Mme Lavoie-Roux: Pas avec le chef de l'Opposition, avant.

M. Bédard: Oui, mais si vous voulez déboucher là-dessus, allez-y, mais il ne faut pas jouer des deux côtés.

Mme Lavoie-Roux: Écoutez, je ne demande pas au ministre de reconnaître les unions de fait...

M. Bédard: Merci, j'en prends note.

Mme Lavoie-Roux: Attendez une minute, laissez-moi finir. Je suis une parmi douze ici. ...de la même façon que le mariage. Je pense qu'au point de départ on s'est entendu là-dessus. Mais il reste qu'une préoccupation ou une des plus grandes préccupations derrière toute cette législation a été le bien-être des enfants. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen que le ministre examine la question de la résidence familiale dans le cas des unions de fait où il y a des enfants? Quand il n'y en a pas, comme vous dites, ce sont eux qui ont fait ce choix, mais dans le cas où il y a des enfants, est-ce...

M. Bédard: Je vais le prendre en note... Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bédard: ...et voir si je pourrais arriver à une argumentation précise et succincte qui puisse répondre mieux.

Mme Lavoie-Roux: Mes collègues si bien renseignés, peut-être peuvent-ils vous apporter quelque chose, aussi. (16 h 30)

M. Marx: J'aimerais poser une question au ministre.

Le Président (M. Laberge): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Bédard: Pour aider à ma réflexion, est-ce que vous feriez des suggestions? Ou encore réfléchir peut-être...

M. Forget: Oui, on peut très sommairement suggérer qu'un article dise que tel article, tel article,tel article, ceux qui disposent de cette question de la protection de la résidence familiale, valent également dans le cas des unions de fait où il y a des enfants. Ce n'est pas exprimé en langage très juridique, mais... On m'a demandé une suggestion, j'en ai une spontanée.

Mme Lavoie-Roux: ...toujours.

M. Bédard: Une suggestion de rédaction.

M. Forget: Oui, c'est justement une suggestion de rédaction.

M. Marx: Ce qu'on a suggéré, ce n'est pas de mettre l'union de fait sur un pied d'égalité avec le mariage comme institution. Mais il y a des réalités sociales et je pense que le législateur doit en tenir compte.

J'aimerais, M. le Président, demander au ministre s'il y a des chiffres, au ministère, en ce qui concerne le pourcentaqe des Québécois qui vivent en union de fait. Est-ce qu'on a fait des recherches en ce sens? Ce serait intéressant de savoir combien de Québécois vivent en union de fait. On aurait des surprises.

M. Bédard: Et de savoir combien de temps...

M. Marx: On ne sait pas qui, souvent on ne connaît pas le régime des gens qui vivent à côté de nous.

M. Bédard: Vous comprendrez que c'est difficile d'avoir des statistiques de ce côté, parce qu'il n'y a pas...

M. Forget: Faites un sondage.

M. Bédard: ...d'enregistrement, il faudrait y aller par sondage, avec toute l'imprécision que ça peut représenter.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Beauce-Sud, sur les deux mêmes articles?

M. Mathieu: Oui, sur les deux mêmes articles. Il y a une chose à laquelle il faudrait faire attention. Si on veut protéger l'union de fait, il faudrait y aller par déclaration de résidence et non plus par présomption. Que ferait un chercheur de titres... M. X veut vendre sa maison et, si on y va par présomption, il faut commencer par faire une recherche; ce n'est pas inscrit au bureau d'enregistrement, ça, si la personne vit en union de fait, si elle a des enfants. Cela devient, pour le notaire qui va instrumenter ou pour le chercheur de titres... Le créancier hypothécaire qui veut une hypothèque sans vice, comment voulez-vous qu'on lui prouve ça? Cela va devenir impossible. Si on veut protéger la résidence familiale dans le cas de l'union de fait, il faut absolument y aller par la déclaration de résidence, à mon sens. Sans quoi, il n'y a plus de chercheurs de titres qui pourront faire une recherche...

M. Bédard: Qui pourraient s'y retrouver. D'accord.

Le Président (M. Laberge): Cela reste ouvert.

M. Forget: Un seul dernier point, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Parce qu'il me vient à l'esprit une possibilité de contourner tous ces articles et je me demande s'il ne devrait pas y avoir un remède. Un des conjoints propriétaires - c'est dans le cas de l'hypothèque; peut-être cela a-t-il des implications ailleurs - qui ne peut pas

obtenir le consentement du conjoint pour vendre, par exemple, pourrait cependant transférer la propriété de l'édifice à une compagnie privée dont il est l'unique actionnaire. Il est possible que cette transaction puisse être présentée à son conjoint comme ne changeant rien a la situation, dans le fond, comme étant avantageuse sur le plan fiscal, etc. Il reste qu'une fois la transaction faite, il est possible au conjoint propriétaire d'hypothéquer le bien en question. Bien sûr, il devient locataire, il doit conserver le bail, mais est-ce que ce n'est pas une possibilité qui est peut-être un peu trop facilement accessible? Il est peut-être bien difficile de fermer la porte à cette possibilité.

M. Bédard: ...à une corporation. M. Forget: ...à une corporation.

M. Bédard: Pour faire ce transfert d'immeubles à la corporation, ça va demander le consentement du conjoint et j'ai compris que, dans votre exemple, le consentement du conjoint était obtenu.

M. Forget: Oui, mais...

M. Bédard: ...pour éviter la nullité.

M. Forget: C'est une possibilité, mais une autre possibilité, c'est que l'immeuble soit acquis, originellement...

M. Bédard: Par une corporation.

M. Forget: ...par une corporation. À ce moment-là, évidemment, tous ces articles sur la propriété ne peuvent pas empêcher...

M. Bédard: Vous avez raison. À mon point de vue, c'est toute la notion de personne morale, distincte, des époux. Une corporation qui possède l'immeuble ne connaît pas de régimes matrimoniaux ni de régimes impératifs, est libre, répond à la loi des corporations, mais ne répond pas aux régimes matrimoniaux des époux, encore moins aux régimes impératifs du mariage, de sorte que c'est certain que si la corporation est propriétaire, elle va pouvoir disposer de son immeuble, même si c'est une corporation "sole", si vous voulez.

M. Forget: Non, il n'y a pas de remède pour ça, bien sûr.

M. Bédard: Il n'y a peut-être pas de remède, en tout cas, je n'en ai pas...

M. Forget: II faut peut-être être conscient, dans l'étude des différents choix, par exemple, de la question de la restriction, de la nullité, etc. vis-à-vis du bail. Dans le fond, la position la plus forte n'est pas nécessairement la meilleure si, d'un autre côté, se développait la tradition ou l'habitude, pour des gens qui ont un peu d'argent, d'incorporer leur propre, en quelque sorte. En incorporant leur propre, ils se soustraient à l'effet de ces dispositions.

Le Président (M. Laberge): Alors, l'article 453 est suspendu. Article 453.1 est suspendu.

M. Bédard: Est-ce que je dois comprendre que vous voudriez suggérer des articles pour qu'on puisse, à partir de ça... ou encore...

On aura du mal à saisir les nuances que vous voulez apporter dans l'union de fait.

M. Forget: II n'y a pas beaucoup de nuances, vous savez.Nous avons été d'accord pour éclairer le sens de nos remarques faites à différents moments. Nous avons dit que nous étions d'accord avec le ministre pour ne pas considérer sur un pied d'égalité, de façon générale et universelle, le mariage et l'union de fait. Je pense que ça va assez de soi, ça. Par contre, nous avons dit, cette fois-ci et, il me semble, à d'autres occasions aussi, que l'union de fait devait donner lieu à des protections de la loi, dans un certain nombre de circonstances bien déterminées, par exemple, lorsqu'il s'agit des enfants, je pense qu'ils n'ont pas à être pénalisés à cause du genre de statut civil qu'ont leurs parents. Vous en tenez compte dans certaines dispositions, on les a vues d'ailleurs hier soir, c'est peut-être un autre exemple d'une disposition où, lorsqu'il y a des enfants, une protection devrait être donnée à l'union de fait identique à celle qui est donnée dans le cas d'une famille légale. Il y a d'autres cas que nous verrons subséquemment, que vous avez déjà prévus.

Notre suggestion était d'examiner la possibilité qu'un certain nombre de ces articles, ou tous ces articles, ou toute cette section, je ne sais pas, soient réputés applicables aux unions de fait lorsqu'il y a des enfants - évidemment pas des enfants de 35 ans, j'imagine - mineurs ou quelque chose du genre, étant donné qu'il s'agit là de maintenir, dans leur cas, comme dans le cas des unions légales, la continuité du cadre physique de la famille, de la résidence familiale.

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: ...l'Office de révision du Code civil a déjà fait certaines études en ce qui concerne la protection juridique des unions

de fait, si je me souviens bien. J'ai un projet d'articles qui a été fait par le professeur François Ellen, il y a quelques années; j'imagine qu'il y a d'autres projets aussi. Donc, quand vous aurez toute la documentation, ce sera possible d'écrire un article ou deux, le cas échéant.

M. Bédard: Je ne voudrais pas minimiser les difficultés techniques; dans le cas de l'union de fait, il y a un député, le député de Beauce-Sud, je pense, qui les a évoquées tout à l'heure. Il y en a au niveau du concept même d'union de fait. Qui sont les gens qui sont en union de fait, est-ce qu'on exclut quelqu'un ou est-ce qu'on inclut tout le monde? Deuxièmement, la preuve de l'union de fait. Contrairement à celle du mariage qui réfère à un acte administratif, qui est l'acte de mariage qu'on produit, dans le cas des unions de fait, on peut produire un jugement qui est valable pour le jour où il est rendu, parce que la volonté peut changer le lendemain et l'union de fait cesser. Il y a une chaîne de titres qui est concernée, à laquelle on faisait allusion tantôt, sur laquelle il faut assurer la validité. Ayant quand même déjà eu l'occasion d'examiner de plus près les difficultés techniques par rapport à l'immeuble, je dois ajouter que l'Office de révision n'a pas proposé de système de protection en matière de résidence familiale non plus. Je ne veux pas minimiser cela et je ne sais pas si ce serait possible, dans un très court laps de temps de bâtir un régime de protection de la résidence familiale pour l'union de fait, faute d'étude préparée par l'Office de révision là-dessus et à cause des nombreuses difficultés techniques que cela soulève également. Je voulais juste signaler cela.

On va essayer...

M. Marx: Je comprends les difficultés. Nous sommes ici pour surmonter un certain nombre de difficultés, même si cela prend deux ou trois semaines de plus, mais j'aimerais souligner que l'union de fait est reconnue et protégée dans plusieurs lois québécoises et fédérales; par exemple, la Loi du ministère du Revenu, la Loi sur l'aide sociale, etc. La question est de savoir si on a la volonté politique de protéger l'union de fait dans certains cas où on va protéger les conjoints mariés dans le Code civil. C'est vraiment là la question; c'est la volonté politique de protéger les unions de fait dans certains cas, comme on l'a fait dans d'autres lois québécoises.

M. Bédard: Ce n'est pas aussi large que ça. Mme Lavoie-Roux l'a dit tout à l'heure, il faudrait que ça se comprenne de part et d'autre.

Mme Lavoie-Roux: Moi, ma préoccupation c'est à l'égard des enfants.

M. Bédard: On a parlé des enfants. M. Marx: Oui, c'est ça, c'est dans le...

M. Bédard: Ce n'est pas la protection globale de l'union de fait.

Mme Lavoie-Roux: Parce que quand il y a deux individus qui décident de...

M. Marx: Non, mais on parle maintenant de la résidence familiale.

M. Bédard: Ce sont deux choses différentes.

M. Marx: Si on trouve qu'il y a une autre place où il faut le protéger, on va le soulever, on n'est pas ici pour...

M. Bédard: En tout cas, on va leur demander de se pencher... Quand on aura le même langage de l'autre côté, je vais en être très heureux, pour commencer, deuxièmement, à la suite de la suggestion de Mme Lavoie-Roux, je vais...

M. Marx: Non, mais maintenant on en est à la résidence familiale. Si on trouve que la protection devrait exister dans une autre section du Code civil, je pense qu'on devrait être libre de soulever le point.

M. Bédard: À la suite de la suggestion de la députée de L'Acadie et dans le sens de ce qu'elle a exprimé, nous allons voir tout ce que nous pouvons recueillir en termes de renseignements qui pourraient nous aider à envisager certaines solutions dans ce sens.

M. Forget: ... de l'office - entre parenthèses - inclut une définition des époux de fait, le régime de rentes aussi.

Le Président (M. Laberge): D'accord. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je veux donner mon opinion là-dessus, si vous me le permettez. Je pense que, du moment où on a décidé politiquement de ne pas intervenir, de ne pas légiférer sur l'union de fait, du point de vue pratique ça devient presque impossible de le faire pour une circonstance particulière comme celle de la résidence familiale, parce qu'on n'a pas de définition d'une union de fait. Si on ne la définit pas, on ne peut pas intervenir pour dire: Dans telle ou telle circonstance on va la protéger, parce qu'on ne sait pas ce que c'est.

D'un autre côté, on peut donner une série d'exemples concernant la résidence familiale. Par exemple, une veuve ayant des

enfants qui va demeurer avec un homme, ça constituerait une union de fait; elle pourrait enregistrer une déclaration de résidence familiale sans savoir quand pourrait se terminer cette union.

M. Bédard: Je pense qu'il y a une question qu'on se posera peut-être - moi, je vais me la poser et la poser également au leader du gouvernement, peut-être aussi au chef de l'Opposition - à savoir jusqu'à quel point, au niveau du principe même... On a bien des latitudes en commision parlementaire, mais on n'a pas la latitude d'aller...

Mme Lavoie-Roux: Non, je pense qu'on a posé le problème et on...

M. Bédard: ... au-delà des principes du projet de loi. C'est pour ça que j'ai dit que je donnerais suite, dans le sens et la direction indiquée par la députée de L'Acadie, aux demandes faites.

M. Marx: Si vous vérifiez la transcription, vous allez voir qu'au début j'ai dit qu'il n'était pas question de mettre l'union de fait sur un pied d'égalité avec le mariage, mais, compte tenu de cela, il y a peut-être des possibilités de protéger l'union de fait en ce qui concerne la résidence familiale et peut-être en ce qui concerne autre-chose, mais ça, c'est à voir. (16 h 45)

Le Président (M. Laberge): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Seulement un bref commentaire, M. le Président. Je pense que dans la protection de la résidence familiale dans le cas de l'union de fait, cette protection devrait plutôt venir des conjoints, en ce sens que, lors de l'acquisition de l'immeuble, on devrait les informer d'acquérir l'immeuble au nom des deux, en copropriété. Je pense que c'est la protection la plus valable dans le cas de l'union de fait. Il y aurait peut-être une publicité quelconque à faire de ce côté.

M. Fontaine: Ne demandez pas au gouvernement de faire de la publicité, il va en faire.

Le Président (M. Laberge): Sur ce...

M. Bédard: Dans le cadre de ce que nous avons dit, par rapport aux interrogations posées, en tenant pour acquis que la discussion est rendue pas mal à son terme, nous allons supendre l'article 453 et l'article 453.1.

Le Président (M. Laberge): 453.1, c'est ça. Ces deux articles étant suspendus, j'appelle l'article 454, auquel on nous demande d'ajouter un deuxième alinéa. Le premier se lit: "La déclaration de résidence est faite par les époux ou l'un deux"; le deuxième alinéa se lit: "Lorsqu'elle est faite par le conjoint de l'époux, propriétaire de la résidence, il doit, sans délai, en donner avis à ce dernier."

Est-ce que l'amendement sera adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'amendement est adopté. Donc, l'article 454 amendé... Est-ce qu'il y a des questions? Un commentaire, vous avez le droit.

Mme LeBlanc-Bantey: Je ne vois pas pourquoi la nécessité revient au conjoint d'aviser l'autre conjoint, ça pourrait être fait simplement par le registrateur.

M. Bédard: Je ne crois pas qu'on doive donner à un officier public...

Mme Lavoie-Roux: II faut quand même qu'à un moment donné, les gens prennent leurs responsabilités.

M. Bédard: II faut toujours bien qu'il y en ait qui prennent des responsabilités.

M. Forget: II ne faut pas se faire des surprises.

M. Bédard: Je ne pense pas qu'on puisse indiquer à l'avance des responsabilités qui peuvent aller jusqu'à des dommages et intérêts à des officiers publics.

M. Marx: Dans beaucoup de familles, ce serait peut-être la raison pour divorcer. Un époux va dire à l'autre: Si vous l'avez enregistré, ça veut dire que vous n'avez pas de conflit ensemble.

M. Bédard: Au niveau de l'article 455. Mme LeBlanc-Bantey: ...indissolubilité.

Mme Lavoie-Roux: ... un test d'indissolubilité.

Le Président (M. Laberge): Vous avez encore le droit, parce qu'il n'est pas encore adopté. Je n'ai pas prononcé les paroles fatidiques.

M. Mathieu: J'aurais certaines interrogations...

M. Bédard: On s'est permis une certaine latitude.

M. Mathieu: On sait que c'est une déclaration qui est très importante, très

lourde de conséquence, si on veut qu'elle soit valable. Ici, on ne prévoit pas dans quelle forme elle sera faite. Est-ce que ce sera un acte sous seing privé signé devant témoins? Vous savez, il y a des gens, j'en ai fait un peu état dans mon exposé...

M. Bédard: En forme notariée ou fait devant un avocat.

M. Mathieu: Oui, même chose, mais l'avocat va avoir moins de facilité lorsque viendra le temps de chercher la désignation cadastrale. Vous savez que, dans nos petits villages, vous avez parfois 100 propriétés qui sont sur le même numéro de lot, ce que vous n'avez pas en ville, évidemment. Il y a beaucoup de gens qui transigent avec des petits papiers entre eux, sous seing privé; je n'ai rien contre ça, parce que ça donne de l'ouvrage aux avocats.

Mme Lavoie-Roux: Cela en enlève aux notaires.

M. Mathieu: Cela en enlève aux notaires, mais ça en donne aux avocats.

M. Bédard: C'est pour ça que je disais, par un avocat ou par un notaire.

M. Mathieu: Souvent, les gens, de bonne foi, font des transactions entre eux, ils viennent pour enregistrer ça, ce n'est même pas de forme enregistrable; il y a toutes de sortes de techniques et de règles pour l'enregistrement qui sont très précises. Alors, il faudrait que ce soit un acte, qu'on prévoie la forme pour que l'acte veuille dire quelque chose. C'est bien beau de dire: Va enregistrer ça; c'est quoi, ton numéro de lot? Le gars sort son reçu de taxe municipale, c'est 451. Sauf tout le respect que je dois aux secrétaires municipaux, dans 50% des cas, ils n'ont pas le bon numéro de lots dans leur registre, il ne faut pas se fier à ça.

M. Bédard: Entre se tromper sur un lot et sur une maison, un numéro, je pense qu'il y a le sens commun de choses qui fait que, si on déclare que la résidence familiale est dans tel immeuble, à tel numéro de rue...

M. Mathieu: M. le ministre...

M. Bédard: ... je pense qu'on n'est pas obligé de donner tous les tenants et aboutissants et je ne crois pas que, sur ce plan, on aiderait en apportant un formalisme qui, à mon sens, est inspiré d'une bonne intention, je n'en doute d'aucune façon, mais qui me semble vraiment trop lourd.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: II n'y a rien de plus rigide que nos règles de possession, vous savez. Mettons qu'un individu dit: Voici, je fais ma déclaration de résidence à 51, rue Notre-Dame. Quand cela va arriver à l'index aux immeubles au bureau d'enregistrement, ça ne marche pas par numéro de rue, ça marche par numéro cadastral de lot. Qu'est-ce que le registrateur va être capable de faire avec ça? Absolument rien, sinon le retourner et dire: Je ne peux pas accepter ça ici. Il n'y a pas de relation au bureau d'enregistrement entre le numéro civique et le numéro cadastral. La tenure est basée sur le numéro cadastral. C'est très important. Si quelqu'un fait une déclaration contre le numéro 51, rue Notre-Dame, telle ville, ça ne veut dire absolument rien. C'est absolument nul.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je voudrais...

M. Bédard: À ce moment-là, il sera loisible à la personne, si elle veut aller chez le notaire, d'y aller.

Le Président (M. Laberge): Pour plus de sécurité. Votre remarque est enregistrée. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Premièrement, je voudrais dire que, si on adopte la solution que j'ai proposée, c'est-à-dire que ce soit une présomption plutôt qu'un avis d'enregistrement, à ce moment-là on n'a pas tous ces problèmes-là; on n'a pas besoin d'envoyer d'avis, rien de tout cela. Ça règle le problème.

M. Bédard: On va le noter. C'est plus facile de le biffer après que de le réécrire.

M. Fontaine: Si, par contre, on opte pour cette façon de procéder, il faudrait quand même, comme le disait mon collègue de Beauce-Sud, prévoir au moins que ledit avis serait un avis écrit. Deuxièmement, il faudrait peut-être...

M. Bédard: À ce qu'on me dit, M. le député, c'est déjà prévu par les lois de l'enregistrement. Je m'excuse, j'aurais peut-être dû le dire.

M. Fontaine: Pardon?

M. Bédard: C'est déjà prévu par les lois de l'enregistrement. L'article 2133...

M. Fontaine: Oui, mais ce qu'on a ajouté comme amendement, c'est d'obliger l'un des conjoints qui fait l'enregistrement à donner un avis à l'autre conjoint. On ne dit pas sous quelle forme cet avis-là doit être

fait. Le Barreau suggère qu'il soit signifié.

M, Blank: Je crois que cet avis doit être donné au bureau d'enregistrement aussi.

M. Marx: Je trouve qu'on tombe dans des complications et je pense que c'est à revoir si le ministre veut bien prendre quelques minutes pour cela peut-être, toute cette question d'enregistrement et de préavis, toute cette question d'avis, je dirais.

M. Bédard: Non, là-dessus, je pense que la discussion a été faite et chacun y a amené sa contribution personnelle au niveau des interrogations.

M. Fontaine: Je pense qu'on devrait prévoir aussi de prouver au bureau d'enregistrement que l'avis a été donné au conjoint.

M. Bédard: Si vous me le permettez, sur cette question à la fois de la déclaration de résidence qu'il faut distinguer de l'avis à donner à l'autre conjoint. Nous avons examiné assez soigneusement cette question de la déclaration de résidence. Certains impératifs de la loi ont pu nous échapper, il s'agira donc d'en tenir compte et de modifier. L'article 2131 nous indique comment on enregistre un document, par bordereau, par dépôt. Donc, il y a toujours un écrit. Ce n'est pas répété ici, mais c'est déjà le régime général de l'enregistrement des actes. Tout est déjà prévu, la forme, le format, le papier. Il faut se conformer, en d'autres termes, aux exigences habituelles pour enregistrer des actes.

L'article 453 parle d'une déclaration qui doit être enregistrée contre l'immeuble. Tout ce qui s'enregistre contre l'immeuble suppose que la déclaration comporte la description de l'immeuble, selon la description habituelle. On la prend dans l'acte d'achat de l'immeuble. En pratique, des gens voient des notaires pour faire les actes de vente, peut-être aussi continueront-ils en pratique à voir les notaires pour les déclarations de résidence puisque ces choses sont assez liées. Là-dessus, il y a tout le régime également de radiation, de ce qui est enregistré sans droit, etc., qui est prévu par les dispositions. Je pense que le dessin, autant que possible, a été fait au complet.

Par ailleurs, la dénonciation au conjoint que l'on a procédé à l'enregistrement de la déclaration de résidence, l'idée de la faire sans trop de formalisme, c'est pour rendre le plus possible efficace la protection de la résidence en donnant cet avis. On peut bien exiger un formalisme plus grand, mais ce formalisme de l'avis n'est pas lié à la validité de la déclaration de résidence en même temps, parce que si elle est liée à la validité de la déclaration de résidence, cela va être assez complexe tantôt pour le registrateur et pour l'examinateur de titres. Il n'y a plus personne qui va savoir facilement où se situe la légalité et où se situe l'illégalité.

Il paraissait raisonnable, dans l'amendement proposé - au point de vue de la stricte technique tout le temps - que si on a procédé valablement à l'enregistrement d'une déclaration de résidence, on en prévienne, d'une manière ou de l'autre, son conjoint. Si cet avis n'est pas donné, cela ne débouche pas sur une nullité vis-à-vis du tiers.

M. Fontaine: Pourquoi le mettre, d'abord?

M. Bédard: C'est pour aviser le conjoint qu'il y a eu enregistrement d'une déclaration de résidence...

M. Fontaine: Ou bien...

M. Bédard: ...de façon que s'il trouve qu'elle est injustement faite il puisse en demander le retrait.

M. Fontaine: ...on dit: II faut donner un avis et donner une sanction avec cet avis. Vous me dites: II faut donner un avis, mais si on ne le donne pas, cela ne fait rien. Alors, cela ne donne pas grand-chose de mettre cela dans la loi.

M. Bédard: Je parle toujours vis-à-vis du tiers acquéreur.

M. Blank: Pensez-vous à ce qu'une situation semblable peut faire dans la famille? Un conjoint enregistre une déclaration et ne donne pas d'avis. L'autre va vendre ou hypothéquer la propriété. À ce moment-là, il découvre que le conjoint a fait un enregistrement. Pensez-vous que la vie familiale va être bonne ce soir-là?

M. Bédard: À ce moment, prenez votre raisonnement et mettez-le n'importe où. Je pense que c'est entre personnes...

M. Blank: Non, c'est très facile, comme le Barreau le dit. On doit donner la preuve de signification et la déclaration en même temps, avant de déposer la déclaration. Cela règle l'affaire.

M. Bédard: Là-dessus, je suis loin d'être convaincu, parce qu'on ajoute indûment au formalisme. Ensuite, il ne faut pas, si on entre dans toute cette technique de la manière de faire la dénonciation, qu'on en arrive à une sorte d'insécurité de la validité d'un acte qui est tout à fait normal. On ne doit pas - juste pour la manière de la signifier à son conjoint - mettre en danger

sa validité. Il ne faut pas multiplier les procédures. Ce ne serait plus vivable.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Fontaine: Enlevez-le complètement; on n'a pas besoin de donner d'avis au conjoint.

M. Forget: M. le Président, j'écoute depuis un certain temps les difficultés réelles soulevées par le député de Beauce-Sud et par le député de Nicolet-Yamaska. Une série de difficultés a trait au problème de la désignation. Moins on veut de formalisme, plus les possibilités d'erreurs de désignation sont considérables et, donc, d'inefficacité de la déclaration. Si la désignation est incorrecte, même si quelqu'un essaie de faire la désignation en fonction du cadastre et se trompe, et si le registrateur inscrit la déclaration au nom de la mauvaise propriété et si, par la suite, il y a une vente ou une alinéation de l'immeuble, parce que la déclaration est enregistrée sur la mauvaise page du cadastre, il reste que c'est comme s'il n'y avait pas eu de déclaration.

Donc, il y a un problème de désignation, et pour le résoudre, dans le cadre actuel, il faudrait aller vers quelque chose de notarié et de très formel. Le ministre dit: Les parties devraient avoir recours au notaire. Oui, bien sûr, c'est une solution, mais ce n'est pas une solution parfaite. (17 heures)

L'autre problème, c'est le problème de la signification. Je pense qu'on s'entend pour dire qu'il est souhaitable que l'autre conjoint soit saisi de la déclaration, mais il y a les problèmes de preuve, les problèmes de façon, de moments. Je ne sais pas si l'alternative a été examinée, mais il me semble que le problème qu'on veut solutionner, c'est un problème qui est virtuel dans tous les ménages, dans ce sens que ce n'est quand même pas tout le monde à qui il arrive de se faire expulser de la résidence familiale par son conjoint. Cela risque d'arriver à un moment de crise dans les relations conjugales. Si les choses en sont venues là, on peut présumer qu'elles sont concomitantes avec une demande de divorce ou vont précéder de peu une demande de divorce ou au moins de séparation de corps. Est-ce qu'il ne serait pas possible d'envisager que la procédure de déclaration soit remplacée par une espèce de requête préalable, une procédure devant le tribunal de la famille à venir qui permettrait au conjoint non propriétaire de demander à la cour de justement préserver ses droits par une ordonnance qui serait enregistrée à ce moment? L'ordonnance émanant de la cour, il n'y aurait pas le problème de désignation, on pourrait désigner les immeubles avec toute la précision voulue.

Je pense qu'un tribunal peut s'assurer de cela. D'ailleurs, un avocat sera nécessairement impliqué à ce moment. La signification aussi serait signifiée, comme n'importe quelle procédure judiciaire. On irait en cour de pratique; en quelque sorte ce serait une des choses préalables à l'intervention du tribunal parce que c'est assez évident qu'en pratique il y a bien peu de gens qui vont, me semble-t-il - peut-être que je me trompe - aller faire des déclarations vis-à-vis de leur conjoint propriétaire. Moi, je ne suis pas propriétaire de ma résidence familiale, c'est ma femme qui l'est, et il ne me viendrait jamais à l'esprit - je suis peut-être complètement déviant de de ce côté - d'enregistrer une déclaration de résidence familiale dans l'état actuel des choses. Si j'en viens là, c'est que j'aurai porté un jugement que le divorce est la prochaine étape. Il me semble que tout le monde va réagir comme cela. Peut-être que je me trompe. À ce moment, plutôt que d'avoir tout cela, j'aimerais mieux dire: On peut aller en cour de pratique et dire au tribunal: Écoutez, on sent que les choses se gâtent, on est en train de préparer une requête de divorce, plaise au tribunal de rendre une ordonnance qui sera enregistrée par le registrateur et qui empêchera le conjoint de me prendre subitement par surprise, de vendre la résidence familiale, de la vider de son contenu, etc.

Est-ce que cela ne serait pas plus approprié? On réglerait un certain nombre de problèmes, me semble-t-il.

M. Bédard: Je pense qu'on risquerait d'en créer d'autres. Si on pense à la famille, les procédures pour le divorce, il ne faut pas trop les multiplier.

Mme LeBIanc-Bantey: La présomption. Cela règle tout cela.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que...

M. Bédard: On voit que cela n'est pas facile.

Le Président (M. Laberge): Quelle est la volonté de la commission à propos de l'article 454?

M. Bédard: Cela va pour l'article 454.

Le Président (M. Laberge): D'accord. L'article 454 est adopté avec amendement. Article 455.

M. Forget: Sur division.

M. Bédard: Laissons-le ouvert en attendant la présomption.

M. Marx: Si on accepte la présomption, ce ne sera pas nécessaire d'avoir cet article.

M. Fontaine: Avec ce que vient de dire le député de Saint-Laurent, cela veut dire qu'en fin de compte l'avis de résidence familiale on va l'utiliser seulement lorsqu'il y a des procédures de divorce ou de séparation; on ne pourra plus l'utiliser dans une autre période que celle-là. Le divorce va venir automatiquement après. Si on est obligé d'aller devant le tribunal avec une requête pour faire une déclaration de résidence, c'est là que les problèmes vont commencer. Déjà...

M. Forget: Comme dans bien des cas où on va devant les tribunaux.

M. Fontaine: Ce n'est pas cela le but qu'on vise. Le but, c'est une protection de la résidence familiale.

M. Bédard: C'est de trouver le moyen que deux personnes matures, au moment où cela va très bien dans un mariage, que l'une et l'autre, parce que c'est l'une et l'autre, puissent prendre certaines précautions en ne pensant pas seulement à elles, mais en pensant aux enfants aussi. Je ne pense pas qu'on doive penser à des formules qui s'appliquent lorsque tout va mal dans le ménage, mais plutôt à des formules pour quand tout va bien.

M. Marx: Si tout va bien, on n'en a pas besoin.

M. Bédard: Même si ça va bien, personne ne pouvant prévoir l'avenir, ça n'empêche pas de prendre des garanties tout à fait normales. D'ailleurs, c'est ça, l'esprit de la résidence familiale.

M. Marx: Quand ça va bien, c'est une chose ou l'autre, soit qu'on n'enregistre pas la résidence familiale. Si ça va bien, pourquoi l'enregistrerait-on? Si on le fait, ça pourrait mal aller! L'un des conjoints pourrait dire à l'autre: Tu n'as pas confiance en moi, etc.

Est-ce qu'on veut, oui ou non, protéger les deux conjoints dans le cas d'une résidence familiale? Si on veut vraiment les protéger, qu'on accepte l'amendement du député de Nicolet-Yamaska voulant qu'il y ait présomption. Cela couvre tout, il n'y a pas de bureaucratie nécessaire pour approuver des documents et en envoyer d'autres; ça finît là, il y a présomption. Si on veut prévoir l'enregistrement des avis, etc., je pense que ça va causer plus de difficultés qu'on ne pense.

M. Bédard: Et on n'étudie pas en profondeur les effets sur les tiers. Je pense qu'il faut aussi regarder ça. M. Marx: Oui.

M. Bédard: La déclaration de résidence - les mesures les moins formalistes possible pour la protection de la résidence - on doit envisager que ça se fait au moment où ça peut bien se dérouler entre les deux conjoints qui ont également à l'idée le bien des enfants. De la même façon, par exemple, s'il y a une période où tout va bien, c'est bien à l'occasion du contrat de mariage; cela n'empêche pas d'y aller de mesures de protection de part et d'autre, mesures qui ne vont pas à l'encontre de tout ce qui regarde le côté émotif du mariage.

M. Forget: C'est un moment privilégié...

M. Bédard: Oui, c'est un moment privilégié.

M. Forget: ...pour un échange de consentements, mais on ne peut pas dire que, parce qu'il y a un contrat de mariage, au moment du mariage, les futurs époux vont déjà pouvoir enregistrer une déclaration de résidence. D'ailleurs, même s'ils le font, dans le cours d'un mariage, on change souvent de résidence, alors, ça va devenir caduc rapidement. C'est vraiment quand le problème va se présenter qu'on va vouloir enregistrer cette déclaration.

M. Marx: J'aimerais soulever un point que j'ai déjà soulevé, M. le Président. Je pense que ce serait utile pour nous, dans cette commission, de savoir si cette présomption existe dans d'autres juridictions en Amérique du Nord.

M. Bédard: C'est ce que nous allons faire.

M. Marx: On peut commencer avec l'Ontario, ce n'est pas loin, et voir si ça existe. Si ça existe en Ontario, j'imagine que c'a été copié d'une autre province ou d'un Etat américain.

M. Bédard: Tout en gardant toujours à l'esprit qu'on a ici un droit civil et non une "common law".

M. Marx: Oui.

M. Bédard: Je pense que ça peut quand même se concilier avec l'objectif qu'on essaie d'atteindre.

Une voix: Je pense qu'ils ont ça en Louisiane.

M. Marx: J'imagine que je n'apprends

rien au ministre en lui disant que, dans le Code civil actuel, il y a beaucoup de choses qui ont été copiées sur des provinces où le "common law" est en vigueur; l'article mil quarante quelque chose et d'autres articles. Je ne dirais pas que ce sont les articles les mieux rédigés dans le Code civil, mais, quand même, on l'a fait.

M. Bédard: II est en train de répondre pour moi.

Le Président (M. Laberge): L'article est suspendu; j'appelle l'article 455.

À l'article 455, on ne m'a pas présenté de modification; est-ce qu'il y a quelque chose de spécial?

M. Bédard: Non.

Le Président (M. Laberge): L'article 455 est-il adopté?

M. Blank: J'ai une question. L'époux peut aller en cour pour demander l'autorisation dans le cas de... mais on n'a pas la même chose pour un bail. Qu'arrive-t-il si l'autre partie ne veut pas consentir?

M. Bédard: C'est un article de portée générale, je pense: tout consentement...

M. Blank: Oui, excusez-moi.

M. Bédard: ... applicable aussi en matière de bail ou de biens meubles.

M. Blank: D'accord, je pensais que c'était autre chose.

Le Président (M. Laberge): Adopté? Article 455 adopté. 456.

M. Bédard: Cet article vise à donner -il parle par lui-même - au tribunal le pouvoir d'attribuer le bail de la résidence principale de la famille au conjoint du locataire, s'il l'estime nécessaire dans l'intérêt du conjoint et des enfants, notamment lorsque la garde de ces derniers lui est attribuée. Il a paru préférable, dans ces cas, de clarifier la situation juridique de tous les intervenants pour l'avenir en créant une novation par changement de locataire. Les droits du locateur sont, de toute façon, suffisamment protégés par les dispositions régissant le bail d'un logement.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je m'excuse, parce que j'avais perdu de vue les notes que j'avais relativement à l'article 455. Il semble y avoir une controverse parmi les groupes qui se sont penchés sur cet article.

La Chambre des notaires suggère - c'est cohérent avec sa recommandation relativement à la résidence principale - qu'il peut y avoir des controverses quant à ce qui constitue la résidence principale d'une famille et que, s'il y en avait, il serait opportun que le tribunal, alors qu'il a cette juridiction sur le consentement, puisse trancher les controverses.

Il y a des situations, par exemple, dans la région de Montréal, où des gens ont une résidence principale et une résidence secondaire, sauf que le style de vie qu'ils ont permet d'entretenir un doute sur laquelle des deux résidences est vraiment la résidence principale. On vit trois jours dans un endroit et quatre jours par semaine à l'autre endroit, à Montréal et à la campagne, par exemple...

Mme Lavoie-Roux: Quinze jours à Québec et à Montréal.

M. Forget: Je ne pensais pas à cette situation, mais il reste qu'il peut y avoir une controverse sur ce qui est principal et secondaire.

M. Bédard: Est-ce que, par l'article 455, il a peut-être paru suffisant... Le tribunal va examiner, avant d'accorder l'autorisation, va s'assurer qu'il s'agit bien de la résidence principale...

M. Forget: ...qu'il s'agit bien de la résidence familiale.

M. Bédard: ...me semble-t-il et qu'il s'agit bien d'un cas où le consentement devait être obtenu, une fois que les conditions d'application de l'article 455, qu'il aura préalablement vérifiées, seront établies. Il me semble qu'ensuite, il va donner ou refuser son autorisation, mais qu'en donnant son autorisation, il a le pouvoir d'examiner les faits sur lesquels va s'appuyer la preuve. Je vous donne ce qui m'a paru être la première interprétation de l'application.

M. Forget: Je suis d'accord qu'il sera nécessaire pour le tribunal de savoir s'il s'agit bien de la résidence principale, mais il faut noter cependant que rien dans le texte actuel ne dit qu'une famille n'a qu'une seule résidence familiale. Si l'intitulé était la résidence principale de la famille - je pense qu'on y reviendra à la fin - on indiquerait qu'une famille n'a qu'une résidence. Mais rien n'interdit de penser qu'une famille peut avoir plus d'une résidence.

M. Bédard: Si vous me permettez, sans attaquer l'intitulé immédiatement, c'est que l'intitulé de la section, c'est vrai, c'est résidence familiale, mais, à l'intérieur de la section, ce concept de résidence familiale est précisé, il s'agit de la résidence

principale de la famille. C'est pour éviter de répéter continuellement résidence principale de la famille que revient le concept de résidence principale. À l'intérieur du chapitre de la résidence familiale, il y a une définition, enfin, une référence à la résidence principale; donc, il me semble que c'est déjà, à ce point de vue, suffisamment précisé.

M. Forget: Je crois que c'est clair, vous avez raison.

Le Président (M. Laberge): Article 456, adopté, ou est-ce qu'il y a des commentaires spéciaux?

M. Bédard: Pas d'autres commentaires.

M. Blank: J'ai un commentaire à l'article 456.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Louis. (17 h 45)

M. Blank: Ici, avec l'article 456, je suis d'accord que la cour donne le bail à une des personnes, mais délivrer l'autre de l'obligation, ça peut causer un tort à un tiers, le propriétaire qui a loué la place à ce monsieur qui a un bon salaire, un commerce rentable ou quelque chose comme ça et qui vit là avec sa femme et ses enfants. Vous dites que dans le cas d'une séparation ou d'un divorce, la femme et les enfants demeurent là et lui n'est plus responsable du bail. C'est vrai que la femme peut avoir une pension alimentaire, mais le propriétaire n'a pas les mêmes garanties qu'il avait avant.

M. Bédard: J'imagine que s'il libère à ce moment-là, il y a une correspondance au niveau d'autres décisions qu'a à prendre le juge au sujet de l'évaluation, de ce que des charges...

M. Blank: Je ne vois pas en quoi c'est nécessaire.

M. Bédard: Vous voulez dire que vous aimeriez mieux le libellé: peut libérer pour l'avenir?

M. Blank: Ne pas en parler du tout. Dans l'article 1657.2 qu'est-ce qui arrive pour la Régie du logement? Est-ce que cette situation-là a été couverte dans l'article 1657.2?

M. Forget: Non, c'est le nouveau locataire qui prend le bail à son compte.

M. Blank: Oui, c'est ce que je...

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: À première vue, lorsque le locataire disparaît, abandonne et que le conjoint continue d'occuper les lieux loués, c'est lui, en vertu de l'article 1657.2, qui devient locataire. Donc, c'est lui qui assure l'exécution des conditions du bail, notamment le paiement du prix du loyer et le respect de toutes les autres conditions énoncées dans le bail.

M. Blank: Est-ce que vous pouvez lire l'article 1657.2?

M. Bédard: "1657.2. Le conjoint d'un locataire, ou, s'il habite avec lui depuis au moins six mois, un parent, un allié ou son concubin, a, envers le locateur, les droits et les obligations résultant du bail s'il continue d'occuper le logement et s'il en avise le locateur dans les deux mois de la cessation de la cohabitation."

M. Blank: Oui, mais ce n'était pas le locataire original.

M. Bédard: Ce n'est pas indiqué de façon très précise que ça libère et c'est sûr qu'une novation ne se présume pas, elle doit être expresse, etc.

M. Blank: Je pense que le propriétaire peut poursuire celui qui a abandonné les lieux par l'article 1657.2.

M. Bédard: Oui.

M. Blank: Ici, il ne le peut pas.

M. Bédard: Ici, il ne le peut pas, parce qu'il y a une novation. Le raisonnement qui a été à la base de ça, c'est que les dispositions sur le bail protègent suffisamment le locateur, de toute façon, et si le nouveau locataire, enfin celui à qui le bail a été attribué, ne paie pas ou n'exécute pas les obligations, les recours prévus dans la loi du logement pourraient s'appliquer.

M. Blank: Je vois là une façon détournée d'annuler un bail. Je donne un exemple. C'est peut-être un peu...

M. Bédard: Pour l'avenir...

M. Blank: Non, non. Prenons un couple qui a signé un bail pour trois ans, pour un loyer de $600 ou $700 par mois, et qui ne veut pas rester là. Il s'arrange pour se séparer, le bail est annulé, la femme demeure là. La femme ne possède rien et elle dit: Je déménage, poursuivez-moi, je n'ai rien. Il n'y a plus de bail, plus d'obligation du mari...

M. Bédard: Est-ce que le tribunal va apprécier les circonstances que vous

soulignez?

M. Blank: II n'a pas besoin d'apprécier, il est obligé.

M. Bédard: II peut attribuer, il n'attribue pas nécessairement. II y a un jugement...

M. Blank: Oui, mais si la femme vient avec un jugement ex parte de séparation et dit: Mon mari m'a laissée, je suis seule ici, j'ai besoin de ce logement. Le mari n'est pas là. C'est une chose pratique qui peut arriver. Je ne dis pas que c'est un cas régulier, c'est un cas d'exception, mais c'est une façon de détourner un bail.

M. Bédard: Jusqu'à quel point, comme législateur, on peut en arriver à...

M. Blank: Simplement en laissant le principal locataire conjointement et solidairement responsable du bail. Ça finit là.

M. Bédarcfe Franchement... Je comprends que ce que dit le député peut arriver, mais de là à ce que des personnes organisent un divorce pour se libérer d'un bail, il faudrait au moins...

M. Blank: ...pas demander un divorce. Une séparation, c'est plus facile, cela coûte moins cher.

M. Bédard: II faudrait au moins convenir que ce sont des situations assez exceptionnelles.

M. Fontaine: On pourrait peut-être le limiter à un an ou quelque chose comme cela.

M. Blank: Anyhow, it is a good way of... Je vous laisse la responsabilité de décider quoi faire, seulement, j'espère qu'il n'y a pas trop de gens qui vont lire le journal des Débats et qui vont utiliser cette façon-là. Il faudrait les faire payer pour les conseils.

M. Bédard: Vous êtes en train d'enseigner des moyens de contourner la loi. Je persiste - je ne crois pas qu'on puisse légiférer pour tous les cas exceptionnels - à croire que simuler des divorces pour une question de bail, cela sera sûrement des cas exceptionnels.

M. Blank: M. le ministre, j'ai déjà vu pas un, mais plusieurs cas où c'était plus facile d'avoir une séparation de biens par voie de séparation de corps et de biens que par voie de séparation de biens. Il y a des gens qui ont fait cela et, deux semaines après, ils vivaient ensemble et ils avaient une séparation de biens. C'était fait couramment.

M. Marx: Pas à Chicoutimi, mais à Montréal.

M. Bédard: On pourrait parler de toute l'aide sociale.

M. Blank: C'est facile d'avoir une séparation.

Le Président (M. Laberge): L'article 456 est-il adopté?

Mme Lavoie-Roux: ...permission.

Le Président (M. Laberge): Consentement à l'adoption de l'article 456. Adopté. Article 457. On nous a proposé une nouvelle rédaction qui se lit comme suit...

Mme LeBlanc-Bantey: ...

Le Président (M. Laberge): On a une nouvelle rédaction à l'article 457 qui se lit comme suit: "En cas de séparation de corps, de dissolution ou d'annulation du mariage, le tribunal peut attribuer à l'un des époux ou au survivant la propriété ou l'usage de meubles de son conjoint qui garnissent la résidence principale de la famille et sont affectés à l'usage du ménage." Est-ce que cet article nouveau 457 est adopté?

M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Juste une question, M. le Président. Je me demande pourquoi on parle de survivant alors que, dans l'introduction de l'article, on ne parle que de séparation de corps, de dissolution ou d'annulation.

M. Bédard: On parle de dissolution du mariage par divorce ou décès. Les deux sont inclus. D'accord?

M. Fontaine: D'accord.

M. Bédard: Pas de remarques particulières.

Le Président (M. Laberge): Adopté? M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 457 est remplacé par un nouvel article qui est adopté. Article 458. On nous suggère un léger amendement à la deuxième ligne de l'article. D'abord, ajouter une virgule après le mot "attribuer" et, après le mot "ou", supprimer la virgule et les mots "en cas de décès". Ce qui veut dire que cela se lirait: "En cas de dissolution ou d'annulation du mariage, le tribunal peut attribuer, à l'un des époux ou au survivant,

en compensation de..."

M. Charbonneau: ...la virgule après "peut attribuer", ce n'est pas français. Il peut attribuer à l'un des époux...

Le Président (M. Laberge): "...à l'un des époux ou au survivant".

Mme Lavoie-Roux: Bien oui, je suis d'accord avec cela.

Le Président (M. Laberge): Je pense que cela devient une incise, c'est-à-dire à qui. On dit...

Mme Lavoie-Roux: ...attribuer à...

Le Président (M. Laberge): ... "...peut attribuer à l'un des époux ou au survivant...

Une voix: II n'ya pas besoin de virgule là.

Mme Lavoie-Roux: Bien non.

M. Forget: Ce n'est pas une incidente, c'est un complément...

Mme Lavoie-Roux: ...peut attribuer à l'un des époux ou, en cas de décès, au survivant.

Mme LeBlanc-Bantey: Cela détend un peu de se chicaner sur des virgules.

M. Bédard: On ne se chicanera pas pour une virgule, il n'y aura pas de virgule.

Le Président (M. Laberge): La première suggestion qui a été faite d'ajouter une virgule...

M. Bédard: II n'y aura pas de virgule.

Le Président (M. Laberge): II n'y aura pas de virgule. Donc, le premier amendement est rejeté. Bravo!

Mme Lavoie-Roux: La virgule est rejetée.

Mme LeBlanc-Bantey: On vient de gagner quelque chose!

M. Bédard: Merci de votre collaboration. D'après nos linguistes, pour la compréhension, s'il faut enlever la première virgule, il va falloir en enlever une autre.

Le problème, c'est l'incidente. L'incidente, c'est "à l'un des époux ou au survivant". Alors, "...peut attribuer, à l'un des époux ou au survivant, en compensation..."

Le Président (M. Laberge): C'est parce que le mot "attribuer" se rapporte directement à "un droit".

M. Bédard: C'est "peut attribuer en compensation".

Le Président (M. Laberge): Alors, les deux autres sont explicatives. C'est là qu'est le bon français. Le verbe principal "attribuer" se rapporte à "un droit".

M. Fontaine: Je suis obligé de retirer mes paroles.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous acceptez qu'on maintienne la virgule après attribuer?

M. Bédard: Oui.

M. Fontaine: Je suis bien déçu, M. le Président. Je pensais que j'avais gagné quelque chose.

Le Président (M. Laberge): Le linguiste a eu gain de cause.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, pourquoi enlevez-vous "décès" dans l'article 458 et que vous ne l'enlevez pas dans l'article 457?

Le Président (M. Laberge): Parce que, d'après ce que j'ai pu comprendre, quand on dit "au survivant", cela veut dire qu'il y en a un de décédé.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vous l'avez gardé dans l'article 457.

M. Bédard: On l'a enlevé.

Mme Lavoie-Roux: Vous l'avez enlevé.

Le Président (M. Laberge): II est enlevé dans la nouvelle rédaction. On enlève, "ou en cas de décès", et puis on ajoute une virgule après le mot attribuer. Est-ce que ces amendements sont adoptés? Adopté. L'article 458 sera-t-il adopté?

M. Bédard: 459.

Le Président (M. Laberge): On est encore sur l'article 458.

M. Fontaine: Sur l'article 458, je voudrais demander au ministre pourquoi on indique, en ce qui concerne l'apport de l'époux, "à l'accroissement de l'actif de son conjoint". Moi, il me semble que, si l'un des époux - prenons, par exemple, le cas d'une femme au foyer - travaille à l'accroissement de l'actif, son travail est une compensation, c'est un apport à la famille, si vous voulez. Pourquoi devrait-on limiter cet

apport au fait qu'il y ait un accroissement de l'actif du conjoint? Il peut bien arriver, peut-être même que c'est la grande majorité des cas, que le travail, en fin de compte, ne soit pas rémunérateur. Cela ne fait pas augmenter l'actif du conjoint, mais on devrait quand même considérer ce travail.

M. Bédard: En tout cas, dans l'esprit on reconnaît ce que vous voulez dire. C'est qu'on peut calculer que le travail fait par la femme a constitué un apport à l'accroissement et que, si ce travail n'avait pas été fait, à ce moment, il y aurait eu une diminution, l'actif ne serait pas le même.

M. Fontaine: Supposons qu'il n'y a pas eu d'accroissement, mais qu'il y a quand même une propriété. On pourrait considérer qu'il y a eu un apport de fait par l'épouse ou par l'époux et que, de ce fait, du seul fait qu'ils ont vécu ensemble pendant un certain temps, lui ou elle aurait un droit de propriété ou d'habitation. Je ne vois pas pourquoi on limite cela à l'accroissement de l'actif. L'actif peut bien demeurer le même ou même diminuer et quand même donner lieu à un droit de propriété ou à un droit d'habitation.

M. Bédard: C'est qu'on réfère ici à la notion jurisprudentielle de l'enrichissement sans cause, l'accroissement. L'accroissement, on dit il est positif ou négatif, c'est-à-dire que vous avez un patrimoine qui aurait dû s'appauvrir davantage si tout avait été payé, mais, comme tout n'a pas été payé, il s'est appauvri, mais moins qu'il aurait dû s'appauvrir. Donc, c'est ce qu'on appelle l'enrichissement négatif. Dans d'autres cas, l'apport peut avoir un effet d'augmenter véritablement la masse des biens du patrimoine. Donc, c'est un enrichissement positif, mais c'est une notion qui ne fait aucune difficulté actuellement en jurisprudence quand il s'agit d'enrichissement sans cause. L'enrichissement, c'est un appauvrissement qu'on aurait dû avoir et qu'on n'a pas. Cela peut avoir pour effet d'augmenter, mais cela peut avoir pour effet aussi de maintenir ou de ne pas appauvrir autant que cela aurait dû appauvrir. Ce n'est pas une notion qui est simplement positive, dans le sens qu'on prend un capital donné et l'accroissement c'est tout simplement ce qui s'ajoute à ce capital. C'est une notion jurisprudentielle tout à fait établie en matière d'enrichissement sans cause dont les auteurs, par exemple, Jean-Louis Beaudoin, en matière d'obligations, et plusieurs autres de mes collègues ont fait état et de la jurisprudence et de la doctrine à ce sujet. (17 h 30)

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: En jurisprudence, comment évalue-t-on l'accroissement de l'actif dans les compensations qui sont versées au conjoint? Par exemple, vous avez, comme le disait le député de Nicolet-Yamaska, une femme qui a élevé cinq enfants; pendant ce temps, elle a été à la maison, elle s'est occupée des cinq enfants et tout ce qu'il reste au mari, c'est sa maison; je ne sais vraiment pas, sur le plan pratique, comment c'est évalué.

M. Bédard: D'un autre côté, il n'aurait pas eu sa maison s'il n'y avait pas eu tout cet apport, tout ce travail de la femme.

Mme Lavoie-Roux: Cela lui a peut-être juste permis de garder sa maison.

M. Bédard: Là, vous avez une appréciation très circonstantielle à faire, par le tribunal, d'un apport.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est ça.

M. Bédard: Dans quelle mesure l'apport de la femme, que vous mentionnez, a permis au mari de maintenir un capital ou de le grossir, si vous voulez...

Mme Lavoie-Roux: Quand il est grossi, ce n'est pas trop pire, mais quand il reste tel quel, parce qu'il a fallu qu'il...

M. Bédard: ... ou de le maintenir, parce qu'il aurait peut-être pu diminuer. C'est une évaluation qui va être faite par le tribunal de la même façon qu'il fait actuellement cette évaluation en matière de société d'acquêts. Quand on dit "La récompense est égale à l'enrichissement que procure au patrimoine...

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais quand vous élevez une famille, que vous élevez cinq enfants, il peut ne pas y avoir d'accroissement d'argent dans la famille, parce que tout l'argent est passé à élever les enfants, mais la femme, pendant ce temps, a perdu ses chances d'entrer sur le marché du travail et, plus elle vieillit, plus ça devient difficile pour elle d'entrer sur ce marché du travail. Comment ces choses sont-elles évaluées finalement? Quand il y a un accroissement, par exemple, si l'homme, en se mariant, avait $10,000 et qu'il en a maintenant $40,000, il y en a $30,000, on les divise par deux et ça donne $15,000, ça c'est simple.

M. Bédard: Oui, mais ce n'est peut-être pas tout à fait l'application qu'en ferait le tribunal, parce qu'il est obligé de faire une

évaluation de l'apport et de faire également une évaluation de l'accroissement dans le patrimoine de l'autre, parce qu'on peut avoir un cas où la femme a vraiment fait des apports en argent en plus des apports en services à l'entreprise du mari et...

Mme Lavoie-Roux: Oui, ça, c'est dans le cas des collaboratrices.

M. Bédard: Oui, mais peu importe la forme, elle peut avoir fait des apports en services qui sont autres que la collaboration à une entreprise et se trouver face à un conjoint qui est insolvable. Ce sont des situations possibles. Évidemment, à ce moment, il n'y a plus rien à aller chercher en compensation de l'apport, s'il y a insolvabilité.

Cela suppose toujours qu'il y a, dans le patrimoine de l'autre, des économies accumulées qui ne seraient pas là, ou qui ne seraient pas là avec la même importance, s'il n'y avait pas eu l'apport de l'autre.

Là, évidemment...

Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire que, pour 40% des cas, ça ne change pas grand-chose.

M. Bédard: II faudra voir comment le tribunal va accueillir et va appliquer une pareille disposition qui est très nouvelle - le moins qu'on puisse dire - et qui a besoin de faire sa jurisprudence avant qu'on puisse être fixé sur les résultats concrets que ça peut donner.

Mme LeBlanc-Bantey: Étant donné que la volonté du législateur est de faire partager aux conjoints la responsabilité matérielle de la famille, est-ce que le bout de phrase "... en compensation de son apport à l'accroissement de l'actif de son conjoint" n'est pas un peu redondant? Est-ce qu'on ne pourrait pas tout simplement l'éliminer, parce qu'on considère que le travail de l'un ou l'autre des conjoints, dans le fond, est nécessaire et, d'une façon ou d'une autre, contribue aussi à l'accroissement de l'actif, quel qu'il soit? Est-ce que c'est nécessaire de le spécifier?

M. Gosselin: Ne pourrait-on pas ajouter que, dans le principe même du mariage, l'égalité des partenaires, le titre de propriété de la résidence familiale est, par excellence, le lieu où on peut dire que l'homme et la femme ont des droits égaux? Donc, ce n'est pas en raison de la compensation au mérite ou de l'apport à l'enrichissement, mais en raison même du fait que le droit de propriété sur la résidence familiale est égal chez l'homme et la femme.

Mme LeBlanc-Bantey: À la rigueur, on pourrait même dire qu'un conjoint qui reste à la maison, s'il refusait de le faire... Si le conjoint qui a l'entreprise est obligé de rester à la maison pour garder les enfants, pendant ce temps-là, il y a un accroissement de son actif qui ne s'est pas fait. Donc, si l'un ou l'autre reste à la maison, il contribue.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'ai demandé la parole tantôt, M. le député de Nicolet-Yamaska aussi, peut-être subséquemment.

M. le Président, j'aimerais demander au ministre s'il pourrait nous expliquer la relation qui existe entre cette disposition et les dispositions un peu correspondantes du régime de la société d'acquêts. Déjà, dans la société d'acquêts, l'accroissement de l'actif des conjoints, en quelque sorte, forme une espèce de total que l'on divise lors de la dissolution du mariage. Est-ce que la disposition de l'article 458 est considérée comme faisant partie de ce régime? Dans les cas de régime de société d'acquêts, est-ce que l'attribution de la propriété, par exemple, de la résidence familiale sera considérée comme faisant partie de la part des acquêts qui sera attribuée à un des conjoints ou si ça s'ajoute aux dispositions du régime d'acquêts? Je pense que c'est assez important qu'on sache si c'est complémentaire ou si c'est tout simplement répétitif, dans le fond, pour une part.

M. Bédard: Dans le cas que vous soumettez, je crois que c'est complémentaire - je pense que vous partez de l'article 513 du projet de loi 89 - mais pour l'hypothèse du décès et de l'absence seulement, parce que la portée de l'article 513 est limitée à la situation du décès ou de l'absence de l'époux. Dans ces cas-là, si la résidence est un acquêt, a été acquise par le travail, les économies, il y aura, d'une part, le partage des acquêts par moitié, c'est une règle, mais ce n'est pas vrai seulement pour la résidence, c'est vrai pour l'ensemble des acquêts. Si on revient à la résidence de façon plus particulière et à certains autres biens qui sont indiqués d'ailleurs, des biens de caractère familial - le Code civil dit actuellement l'industrie, etc., qui est de caractère familial - on dit que le conjoint pourra exiger, c'est un droit qu'il a, qu'on place dans son lot toute la résidence, de même que les autres biens qui sont prévus là.

À ce moment, on applique l'article 513. Il est préférable, à mon point de vue, d'utiliser cet article, possiblement, puisqu'on peut exiger de placer dans son lot toute la

résidence, y compris certains autres biens. Mais tout le monde n'est pas marié... Pardon?

M. Blank: C'est le contraire. Je prendrais mes 50%, plus la partie de la maison, l'accroissement...

M. Bédard: II n'y a pas de copropriété indivise dans la société d'acquêts, c'est un partage qui peut se faire en nature, mais qui, c'est prévu, peut se faire aussi en argent. Donc, quand on dit qu'on sépare par moitié, contrairement à la communauté de biens, pour les biens communs, ce n'est pas un partage, ce n'est pas une copropriété; c'est vraiment qu'on prend la moitié de la valeur des biens d'acquêts et c'est en argent. Mais quand on veut avoir avec certitude l'immeuble lui-même, donc, avoir ce paiement en nature, on peut l'obtenir par application de l'article 513 en exigeant que la résidence, en nature donc, soit placée dans le lot de celui qui survit.

Là, évidemment, il y a les conditions qui sont prévues parce qu'il faut faire l'évaluation de la résidence et il est possible que la moitié des acquêts qui sont dus soit insuffisante pour payer le prix total de la résidence et ainsi de suite, donc, il y a toutes sortes d'ajustements qui sont prévus à l'article 513. Mais l'article 513 a une application limitée, d'abord aux décès et à l'absence, il ne couvre pas d'autres hypothèses. Deuxièmement, il ne couvre que le cas d'un immeuble qui est un acquêt; il ne couvre pas le cas d'un immeuble qui est un propre et il ne couvre pas les gens mariés sous le régime de la séparation de biens.

Dans ce sens-là je dois dire que notre article 458 est largement complémentaire. Il est essentiel pour prévoir les cas de dissolution ou d'annulation de mariage autrement que par décès et il couvre l'ensemble, parce que c'est un régime impératif. Il s'applique à tous les régimes, aussi bien celui de la séparation de biens que lorsqu'il s'agit de biens propres en communauté ou de biens propres en société d'acquêts.

Donc, son application est beaucoup plus étendue. Pour ce qui est des conditions, elles sont indiquées à l'article 459. L'attribution, dans ces cas-là, se fait aux conditions que le tribunal détermine. Il y a donc des évaluations faites de ces biens. L'article 459, en d'autres termes, vient préciser les conditions d'attribution par le tribunal.

M. Blank: Dans le cas de la séparation de biens, en appliquant l'article 458, est-ce qu'on prend en considération les biens du survivant et peut-être l'accroissement des biens du survivant par celui qui est décédé?

M. Bédard: Je ne suis pas certain d'avoir saisi votre question.

M. Blank: Disons qu'à un moment donné un homme décède. Ses biens ont augmenté de $50,000 à $100,000 durant sa vie avec sa femme. Mais sa femme, qui n'avait rien en se mariant, se trouve maintenant avec $150,000. Est-ce qu'on prend cela en considération?

M. Bédard: Oui, dans la société d'acquêts...

M. Blank: Non, je parle de la séparation de biens.

M. Bédard: Ah, dans la séparation de biens. Une des conditions de l'application de l'article 458 - je voulais compléter par ça tantôt - il ne faut pas l'oublier, est qu'il faut d'abord établir une prestation compensatoire. L'attribution prévue à l'article 458 est en paiement de la prestation compensatoire. Donc, un époux qui n'a pas prouvé à la satisfaction du tribunal qu'il a apporté une contribution à l'accroissement des actifs de son conjoint ne pourra pas obtenir de prestation et n'obtenant pas de prestation, il ne pourra pas demander qu'on lui attribue la résidence en vertu de l'article 458. Parce que, ici, l'attribution de la résidence est un mode de paiement de la prestation compensatoire. Donc, il est possible, en vertu de l'article 513, si on tombe dans cette application-là, qu'on soit déjà allé chercher la résidence. On n'a pas besoin de l'article 458 parce qu'à l'article 513 on n'a pas de preuve à faire de prestation compensatoire. C'est simplement l'application du régime.

M. Blank: Je parle de la séparation de biens qui, pour la majorité des gens...

M. Bédard: Oui, mais en séparation de biens, si on n'a pas prouvé une prestation compensatoire, on ne peut pas obtenir l'application de l'article 458. C'est possible qu'une femme - pour prendre un exemple concret - ait $150,000 d'économies et qu'un mari n'en ait que $50,000, mais que les $50,000 d'économies du mari soient dus pour 30% à un apport de son conjoint, de sa femme.

M. Blank: Mais les $150,000 qu'elle possède sont dus au mari.

M. Bédard: Oui, mais la prestation compensatoire est réciproque. Peut-être que c'est le mari qui va venir établir que les $150,000 que sa femme possède c'est grâce à lui à 50%; parce qu'il a été cosociétaire, si je peux presque dire, de l'entreprise de sa femme, cela lui a permis d'augmenter son

actif à $150,000. Il pourra aussi aller chercher la moitié si c'est ce qu'il prouve.

M. Blank: Non, je parle du cas particulier où c'est le mari qui est décédé au moment où il possédait $50,000 et la femme vit encore avec les $150,000. Le mari voulait laisser ces $50,000 à ses enfants et la maison est comprise dans les $50,000. Est-ce que la femme va avoir le droit de toucher ces $50,000, nonobstant le fait qu'elle a $75,000 des autres $150,000?

M. Bédard: Oui. Les héritiers du mari, cependant, vont pouvoir aller chercher aussi, sur la preuve d'une prestation compensatoire...

M. Blank: Les héritiers?

M. Bédard: On discute de façon très très précise. Il faudrait que je m'en assure en revoyant mon texte, parce que la prestation compensatoire est un droit, à mon avis, qui n'est peut-être pas transmissible. Je ne veux pas m'accrocher, ce n'est pas transmissible, ce n'est pas patrimonial dans ce sens-là.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): J'avais reconnu M. le député de Nicolet-Yamaska. (17 h 45)

M. Bédard: J'avoue que je ne suis pas sûr que la prestation compensatoire ne soit pas un droit patrimonial transmissible. Je ne suis pas sûr de ça. Cela a un caractère de dette, somme toute, selon les quelques cas que les tribunaux ont tenté de régler parfois par la société de fait; donc, c'est très patrimonial. Étant très patrimonial, je ne suis pas certain que ce n'est pas transmissible. Quand j'étais en train de vous dire qu'il est possible que les héritiers du mari décédé puissent aller en chercher en faisant la preuve de la prestation compensatoire de leur conjoint, je ne suis pas certain que c'est une hypothèse exclue, parce que, là, on touche au caractère patrimonial ou personnel de la prestation compensatoire. C'est loin d'être une affaire, à mon avis, tout à fait acquise. Je serais porté à penser que c'est plutôt patrimonial.

M. Blank: C'est seulement pour que le conjoint survivant ne fasse pas la collecte deux fois. C'est seulement cela que j'aimerais éviter. Il ou elle y a droit, dépendant, mais pas deux fois. Je veux seulement que l'article soit écrit de façon telle que le tribunal puisse prendre en considération l'accroissement que le conjoint survivant a apporté durant son mariage. Pas seulement une "one-way street".

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur la question de l'accroissement. Peut-être qu'avec un exemple pratique on pourra mieux comprendre. Supposons que des époux se marient et qu'au mariage l'époux a une maison de $30,000 et $25,000 en argent. Ils vivent ensemble pendant une certaine période de temps. Ils ont des enfants. L'épouse demeure à la maison, s'occupe de la résidence familiale et de la famille. Le mari, lui, a $25,000, mais il a des défauts. Il prend un coup, il sort et il dépense son argent. Pendant ce temps-là, on ne peut pas, non plus, faire réparer la maison et lui donner une plus-value. Il y a une dissolution du mariage par divorce et, bien sûr, on constate qu'il n'y a pas eu d'accroissement de l'actif. Alors, l'épouse, étant donné le fait qu'il n'y a pas d'accroissement de l'actif, ne pourra pas demander d'avoir un droit de propriété ou d'habitation de l'immeuble, de la résidence familiale.

Moi, je trouve que c'est un petit peu injuste. On vit des cas comme cela chaque jour. Je me demande si on ne devrait pas, au lieu de parler d'apport à l'accroissement de l'actif, parler de participation à la direction morale et matérielle de la famille, comme prévu à l'article 444. Si on disait: En compensation de la participation du conjoint à la direction morale et matérielle de la famille, à ce moment, on rendrait justice à tout le monde. Les juges auraient à évaluer cette participation, au lieu de parler d'accroissement.

M. Bédard: C'est une autre base que vous suggérez, si je comprends, à l'attribution plutôt que de faire la preuve d'une prestation compensatoire. Je crois que, dans votre exemple, s'il y a un immeuble dans le patrimoine du mari, donc, il y a un accroissement, parce que l'accroissement n'est pas simplement ce qu'on a en plus après. C'est ce qu'on a comme actif qu'on ne devrait pas avoir si on avait payé ses dettes.

M. Fontaine: Mais supposons que le mari a l'actif au mariage: une maison et $25,000 dans ses poches. On ne répare pas la maison parce qu'on n'a pas l'argent et le mari boit ses $25,000. Il y a dissolution du mariage et, là, l'épouse n'a pas contribué à l'accroissement de l'actif, puisque l'actif a diminué.

M. Bédard: Oui, il a diminué, mais il n'est pas à zéro. Il a encore un immeuble. C'est peut-être grâce à elle que l'immeuble est encore là, parce que même l'immeuble ne serait plus là s'il avait eu à payer...

C'est parce qu'on s'en tient au terme strict "accroissement".

M. Fontaine: II ne faudrait pas parler d'accroissement.

M. Bédard: Une jurisprudence a quand même défini cette notion. On y a fait référence tout à l'heure et je pense que l'accroissement, cela peut être en termes positifs ou négatifs, dans le sens que quelqu'un n'aurait pas ce qu'il a présentement si on ne tenait pas compte d'un accroissement dans le sens qu'il a encore ce qu'il a grâce à un apport qui a été constitué par une évaluation qui se fait du travail de l'un des conjoints.

M. Fontaine: Pourquoi ne parle-t-on pas en termes clairs?

M. Bédard: Ce terme est déjà clarifié au niveau de la jurisprudence. Je ne vois pas pourquoi on le changerait.

M. Fontaine: Si on parlait plutôt de la participation des conjoints à la direction morale et matérielle de la famille, on rendrait bien plus justice à tout le monde.

M. Bédard: On a déjà une notion, à mon sens, qui a déjà fait ses preuves au niveau de la jurisprudence d'évaluation. On a déjà une autre notion. La direction générale matérielle de la famille, c'est une autre notion sur laquelle on reviendra, d'ailleurs, et cela ne s'applique pas à...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela a vraiment fait ses preuves, M. le ministre?

M. Bédard: On peut apporter, si vous voulez, la preuve. La notion d'enrichissement... Parce que le problème, c'est de dire: Est-ce qu'on s'enrichit quand on a diminué son patrimoine? On peut s'enrichir au sens de la jurisprudence. Les auteurs là-dessus s'entendent fort bien. M. Caparros en matière de régimes matrimoniaux, parce que la notion d'enrichissement en société d'acquêts revient... Peut-être cela serait-il utile qu'on apporte demain un ou deux commentaires assez clairs là-dessus, si vous voulez.

M. Forget: M. le Président...

M. Blank: Une succession avec une réserve incluant la maison ou une partie de la maison, c'est plus facile. On peut le protéger par voie de succession avec une réserve et on n'a pas la question d'accroissement. Disons, c'est un tiers à la femme incluant la maison dans ce tiers.

Le Président (M. Laberge): La présidence a fait preuve de beaucoup de largesse en ne demandant pas toujours aux intervenants de s'adresser à elle-même, mais je voudrais reconnaître le député de Saint-Laurent qui m'a demandé la parole.

M. Forget: M. le Président, il est plausible qu'un certain nombre des remarques qui ont précédé soient pertinentes à ce que je vais dire, mais je voudrais quand même attirer l'attention du ministre et des autres membres de cette commission sur le fait qu'il me semble qu'on mélange des choses ici qui auraient avantage à être distinguées. On a une disposition qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe dans le chapitre sur la résidence familiale et qui, dans le fond, à part le fait qu'elle attribue la résidence familiale, dans certaines circonstances, à l'un des conjoints, n'a rien à voir avec le but de ce chapitre, de cette section qui vise à protéger la résidence familiale de la famille. Là, on essaie de régler un problème qui souvent sera complètement différent du problème qu'on veut régler. Je vais essayer de donner un exemple et je vais le faire en interprétant l'article comme je pense qu'il a été écrit.

Quand on a écrit cet article, je pense qu'il est assez clair qu'on avait à l'esprit la situation de la femme qui reste à la maison, qui n'a pas d'actif financier, qui n'est pas propriétaire de la maison, de la résidence familiale et qui, à un moment de dissolution ou d'annulation du mariage, se trouverait complètement sans aucun élément d'actif. On essaie de résoudre cela en disant: On peut, à ce moment, lui attribuer la résidence familiale en propriété. Savoir si la question des modalités et de quantum est la bonne compensation pour la contribution qu'elle a faite, c'est sûrement très important, mais il reste qu'on court le risque de produire des situations tout à fait différentes de celle-là. Pourquoi? Parce que le langage qu'on utilise, ce n'est pas le langage que je viens d'utiliser. On ne parle pas de l'épouse qui reste à la maison, etc. On emploie un langage asexué, c'est le conjoint. Mais prenons bien garde que cela peut être n'importe quel conjoint, pas nécessairement l'épouse et pas nécessairement le conjoint qui aura la garde des enfants à la suite de la dissolution du mariage.

On pourra trouver des situations où, en vertu de cet article on attribuera la propriété de la résidence familiale, pour des raisons patrimoniales... On a affaire à deux professionnels dont les fortunes ont évolué différemment, etc., et on pourra très bien, à ce moment, rien ne l'interdit, attribuer la propriété de la résidence familiale à celui des deux conjoints qui n'a pas du tout la garde des enfants et qui n'assume pas du tout la continuité de la famille, vis-à-vis des enfants au moins. Pourquoi? Parce qu'on

essaie, au hasard de ce chapitre sur la protection de la résidence familiale, de régler un problème patrimonial entre les conjoints. J'allègue humblement, M. le Président, que cet article n'a rien à voir dans ce chapitre, à moins de le reformuler en termes de celui qui a la garde des enfants et qui remplit un certain nombre de conditions au moment de la dissolution. Là, ce serait pertinent, mais ici, il n'a rien à voir avec ça. Cela devrait être dans le chapitre des droits successoraux ou dans le chapitre sur les régimes matrimoniaux; quand il faut les liquider d'une façon ou d'une autre, il faut trouver des règles de calcul, d'accord, mais ça n'a rien à voir ici, me semble-t-il. C'est parce qu'on le rédige en des termes tellement vagues qu'on a l'impression de régler un problème, mais on peut très bien être en train de régler le problème d'une façon tout à fait différente de l'intention qui était présente dans l'esprit des rédacteurs, du moins l'intention qu'on peut leur attribuer.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: Je ne crois pas qu'on puisse dire - je comprends que le député de Saint-Laurent y a mis des nuances - que cet article n'a pas sa place dans le chapitre sur la protection de la résidence familiale, parce que c'est tout simplement l'intention du législateur et, je pense, notre intention d'assurer la protection de la résidence familiale également au moment de la dissolution du mariage, au moment de l'annulation du mariage; c'est une continuité très normale, il me semble. On n'a pas voulu...

M. Forget: Mais, à ce moment, il faudrait peut-être le relier justement aux conditions de la dissolution et aux responsabilités qui sont assumées, après la dissolution, par l'un des conjoints. Si on le reliait, par exemple, à la garde des enfants et qu'on accordait le bail tant que le plus jeune des enfants n'a pas atteint l'âge de la majorité ou qu'il n'a pas quitté la famille, je comprendrais qu'on veuille continuer, après la dissolution, le maintien de la continuité du cadre physique, pour utiliser la même expression qu'on utilisait au début de l'après-midi. Mais non, on le fait dépendre d'un règlement patrimonial entre les conjoints et ce règlement, étant donné qu'on ne peut pas prévoir toutes les circonstances, peut très bien attribuer la résidence familiale au conjoint à qui on ne voudrait pas la donner, pour les considérations que je viens d'énumérer au départ.

Je suis tout à fait d'accord qu'il faut qu'il y ait un article, si ce n'est pas celui-là, un autre, pour assurer la continuité après la dissolution, mais on mélange le problème de la continuité du cadre de vie physique d'une famillle où il y a des enfants avec le problème du règlement de comptes financiers entre les conjoints après la dissolution. Ce sont deux problèmes différents.

Évidemment, il y a une interrelation, parce que, si la maison est attribuée à l'un des conjoints, ça va contribuer au règlement de comptes, mais il faudrait faire attention afin que, si le règlement financier indique que la maison devrait aller à l'un des conjoints, parce que c'est approprié étant donné la contribution respective, etc., et que c'est l'autre conjoint qui va avoir la garde des enfants, qu'on lui donne un bail jusqu'à ce que les enfants aient atteint la majorité et qu'on diffère l'application du règlement patrimonial pour assurer la continuité de la résidence familiale. Mais on peut trouver des situations où les deux considérations vont aller en sens opposé et, à mon avis, il faut les distinguer.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: II me semblerait que...

Le Président (M. Laberge): Je voudrais souligner une chose avant que vous preniez la parole, c'est que vous n'êtes pas membre de la commission, mais j'ai présumé, au nom de tous les membres, que vous étiez bienvenu.

M. Blank: Parce qu'il est notaire.

Le Président (M. Laberge): Non, je sais. C'est pour ça que j'ai dit que je dois présumer parce que, selon les règles du jeu, vous n'avez pas le droit de parole, mais je l'ai présumé au nom de tout le monde.

Mme Lavoie-Roux: Avec son esprit de collaboration, M. le Président.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Laberge): C'est pour ça que j'ai présumé dans le bon sens, je crois.

M. Bédard: M. le Président, vous avez eu une très bonne idée de présumer; on veut entendre, on réclame le député!

Le Président (M. Laberge): Vous le réclamez, alors!

M. Mathieu: Merci de votre largesse de présomption. Il me semble, M. le Président, que l'article 458 vise principalement le cas d'une épouse mariée en séparation de biens, qui habite avec son mari une propriété au nom du mari et dans laquelle l'épouse a mis

$10,000, $15,000, $20,000, $25,000 ou $30,000 en argent, comme on le voit assez régulièrement dans la pratique. Quand les taux d'intérêt augmentent et que l'épouse a de l'argent à la banque, elle le sort, baisse l'hypothèque et se retrouve sans aucun droit. Il me semble que l'article couvrirait ce cas. (18 heures)

Mais le point principal que je trouve un peu ambigu, c'est qu'à la dernière ligne du premier alinéa on dit "et sur lequel le conjoint a un droit de propriété." En lisant attentivement, je me demande lequel des deux conjoints. J'imagine que c'est celui qui reste, mais ce n'est pas extrêmement clair. Si la propriété est possédée de façon indivise par les deux... En relisant l'article, ce n'est pas clair duquel des deux conjoints il s'agit, s'ils sont copropriétaires.

M. Bédard: On a évoqué tout à l'heure le fait d'avoir un droit de propriété. Ce n'est peut-être pas nécessairement un droit de propriété exclusif, la notion de droit de propriété comprenant également celle de copropriété. Le langage de l'office de révision est à peu près semblable. Un immeuble sur lequel les époux ou l'un d'eux ont un droit de propriété...

M. Mathieu: Ce n'est pas là mon point. Quand on dit "sur lequel le conjoint a un droit de propriété", duquel des deux conjoints s'agit-il?

M. Bédard: Quand il s'agit d'attribuer la résidence en totalité à quelqu'un qui ne l'a pas, c'est soit qu'il en a déjà une partie en copropriété et il s'agit de lui faire attribuer l'autre partie sur laquelle son conjoint a un droit de propriété, puisqu'ils sont copropriétaires, soit qu'il n'est pas du tout propriétaire mais que seul son conjoint a la pleine propriété et il s'agit de lui attribuer tout le droit de propriété.

Evidemment, il y a des interprétations à faire, compte tenu des différentes hypothèses qui seront soumises au tribunal. Enfin, il me semble que ce sont les deux types de situations qu'on va rencontrer. Prenons le cas de décès, parce qu'il est prévu là. Au décès, le conjoint survivant n'a aucun droit de propriété sur la résidence qu'il occupait avec son conjoint décédé. Donc, il se fait attribuer toute la résidence; ou alors il était copropriétaire et il se fait attribuer la copropriété de son conjoint décédé.

M. Mathieu: Pour enlever l'ambiguïté, parce qu'on ne sait pas trop duquel des deux conjoints il s'agit, à la fin, est-ce qu'on ne pourrait pas dire "sur lequel son conjoint a un droit de propriété"? Il serait clair que ce serait son conjoint, ce serait l'autre qui est mort ou qui est parti.

M. Bédard: C'est possible. On prend note.

Mme Lavoie-Roux: II est 6 heures, M. le Président...

Le Président (M. Laberge): La commission de la justice suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

CSuspension de la séance à 18 h 3)

(Reprise de la séance à 20 h 14 )

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et messieurs.

La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux concernant le projet de loi no 89, à l'endroit où nous les avions laissés avant la suspension pour le lunch. Nous sommes à l'article 458 et une modification a été adoptée à cet article 458 afin d'enlever des mots et d'ajouter une virgule.

M. Bédard: II y a aussi une petite modification qui avait été demandée par le député de Beauce-Sud et qui ne pose pas de problème, c'est peut-être même une amélioration. Il s'agit de remplacer le mot "le" par le mot "son" afin que ce soit plus identifié.

Le Président (M. Laberge): "Sur lequel son conjoint...

M. Bédard: ...a un droit de propriété."

Le Président (M. Laberge): À la dernière ligne, le mot "le" est remplacé par le mot "son". Est-ce que cela est adopté?

M. Fontaine: Adopté.

M. Bédard: Je n'ai pas d'autres remarques à faire sur l'article, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): L'article tel qu'amendé sera-t-il adopté?

M. Fontaine: Quant à moi, j'avais certaines réserves sur la question de l'apport à l'accroissement de l'actif du conjoint, mais, si le ministre nous dit que selon la jurisprudence actuelle, l'accroissement peut être considéré même comme une diminution à certains moments, je pense que, de ce côté-là, on doit se contenter de la tendance jurisprudentielle actuelle.

Le Président (M. Laberge): L'article 458 est adopté avec amendements. Excusez...

M. Forget: J'ai une restriction, M. le

Président, parce que j'ai soulevé un problème de confusion de deux séries de préoccupations . Après réflexion, après en avoir discuté avec d'autres, je pense que c'est un problème réel et qui demeure malheureusement parce qu'on n'a rien modifié.

M. Bédard: Adoptons-le sur division. On va discuter de cette notion-là au niveau de la société d'acquêts que vous avez mentionnée et je pense que des choses peuvent se préciser à ce moment-là.

Le Président (M. Laberge): Ça va. La mention "sur division" est ajoutée. J'appelle l'article 459.

M. Bédard: Les articles 459 et 460 sont plus techniques qu'autre chose. À l'article 459, le tribunal n'intervient dans l'attribution du droit d'usage, d'habitation ou de propriété que si les parties ne s'entendent pas au préalable. Dans l'attribution d'un droit d'habitation ou de propriété de la résidence familiale, le problème d'une soulte peut se poser lorsque la valeur du droit attribué excède le montant de la prestation compensatoire due au conjoint. Le tribunal déterminera alors les modalités de paiement et de garanties pour la protection des droits de l'époux créancier de la soulte. Ça rejoint une formulation qui est déjà dans le Code civil.

M. Forget: D'accord. Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Article 459, adopté. Article 460.

M. Bédard: À l'article 460, au niveau de l'attribution judiciaire, disons que l'attribution judiciaire d'un droit de propriété est sans précédent dans notre Code civil, sous réserve de l'expropriation prévue par l'article 407 du Code civil et certaines lois spéciales. D'autre part, il faut distinguer l'attribution judiciaire du droit de propriété des articles 457 et 458 du cas de l'action en passation de titres de l'article 1576 du Code civil où seul le titre est concerné. Il a paru alors nécessaire de rattacher cet acte aux dispositions relatives à la vente pour tout ce qui n'est pas autrement réglé. Cela vaut pour les meubles de la résidence comme pour la résidence elle-même.

Évidemment, cette disposition serait moins appropriée en matière de meubles si le tribunal les attribuait au conjoint du propriétaire sans aucune considération, ce qui n'est pas le cas. On serait, alors, plus proche de la donation.

Quant à l'attribution des droits d'usage et d'habitation, le rattachement se fait naturellement aux dispositions relatives à l'usage et à l'habitation, en référence aux article 487 et suivants du Code civil. D'ailleurs, l'article 24 du projet de loi no 89 modifie l'article 498 du Code civil pour prévoir l'établissement des droits d'usage et d'habitation par jugement.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 460 est adopté. Article 461.

M. Bédard: Cet article vise tout simplement à dissiper tout doute dans un domaine nouveau sur le fait du jugement où on dit que cela "équivaut à titre et en a tous les effets". Alors, c'est par précaution.

Le Président (M. Laberge): Article 461, adopté.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Avant de quitter cette section, M. le Président, il y aurait deux choses sur lesquelles je voudrais revenir. D'abord - je pense qu'on en a déjà disposé, mais je l'avais mentionné au tout début - la question du titre de la résidence familiale. On m'a répondu - je ne sais pas si c'est une réponse qui est entièrement satisfaisante -que dans le corps de chacun des articles, on faisait allusion à la résidence principale. C'est, bien sûr, une réponse, sauf qu'on pourrait aussi dire: Puisque, dans le corps de chacun des articles, on parle de la résidence principale - c'est l'expression utilisée -pourquoi ne pas intituler l'ensemble de la section: La résidence principale de la famille?

M. Bédard: C'est un peu une définition par le titre indirect de la notion de résidence familiale qui est un terme, finalement, utilisé par les gens plutôt que résidence principale de la famille. C'est le terme que les gens vont utiliser couramment. Alors, on l'a mis dans le titre et dans le chapitre on parle de résidence principale. Donc, cela colore le titre.

M. Forget: Écoutez, si c'est une question de titre, je pense que ce n'est pas une question de faire une guerre de religion là-dessus. Le deuxième point que je voulais soulever relativement à cette section et, comme je l'avais indiqué au début de nos travaux, sur lequel, je pense, il est toujours utile de pouvoir produire un certain nombre d'éclaircissements, c'est quand il y a des différences entre le texte du projet de loi et le texte du rapport de l'Office de révision du Code civil. Je remarque dans un examen final qu'effectivement il y a des choses qui sont semblables ou même identiques, mais il y a des choses qui sont différentes. Une de ces choses qui sont différentes touche la

recommandation 57 de l'Office de révision qui vient définir avec plus de précision le sens de l'expression "les meubles qui sont affectés à l'usage du ménage". Nous en avons parlé un peu cet après-midi, mais nous n'avons pas rapproché cette question de la définition qui se retrouverait à la recommandation 57, où on disait: "Pour les fins des articles qui précèdent, le mot meubles ne comprend pas les livres et instruments nécessaires à l'exercice d'une profession, d'un art ou d'un métier, ni les collections d'objets de nature artistique ou scientifique."

Il me semble que c'est une précision qui ne va pas nécessairement de soi et qu'il serait peut-être opportun de l'indiquer à moins qu'il n'y ait des raisons qui ont amené le ministère à ne pas la retenir. En effet, quand on donne une précision comme celle-là, on diminue, malgré tout, la zone grise de litige, de dispute sur ce que veulent dire les mots utilisés dans le code. Cela peut être des grosses valeurs et cela n'aide en rien à maintenir la continuité du cadre physique de la famille. Au contraire, s'il y a des difficultés sur les instruments, les livres nécessaires à l'exercice d'une profession, cela peut gêner considérablement un des conjoints s'il ne peut pas les sortir, par exemple, de la résidence familiale.

M. Bédard: C'est en raison du fait que l'office a travaillé toujours en tenant compte de la réforme globale du Code civil et a réformé aussi le chapitre sur la distinction des biens meubles et des biens immeubles. Le projet de la réforme du droit de la famille s'aligne, lui, sur le Code civil du Bas-Canada pour ce qu'il en reste et, en particulier, sur les articles régissant les meubles. On trouvait déjà inscrit à l'article 396 du Code civil actuel: "Les mots meubles meublants ne comprennent que les meubles destinés à garnir et à orner les appartements, comme tapisseries, lits, sièges et autres objets de cette nature, les tableaux et les statues qui y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui sont les galeries ou pièces particulières. Il en est de même des porcelaines." C'est très énumératif. "Celles-ci seulement qui font l'objet de la décoration de l'appartement sont comprises sous la dénomination de meubles meublants." Cela veut dire, ayant à vivre peut-être encore pendant un certain temps avec cet article 396 qui est toujours dans le décor, qu'il avait été jugé utile de ne pas retenir, si vous voulez, la disposition telle que formulée.

M. Forget: Cela fait très XIXe siècle. On dit: Des collections dans des pièces particulières. C'est très rare qu'on voie cela de nos jours. Au XIXe siècle, dans les familles bourgeoises et même plus que cela, peut-être que cela se voyait des galeries de tableaux, mais on n'a plus cela de nos jours, je pense bien.

M. Bédard: On pourrait peut-être ajouter aussi le fait qu'il y a une définition certaine de meubles meublants ou encore de meubles d'usage via le Code de procédure civile; lorsqu'on parle des choses saisissables, on parle de meubles meublants. Je pense qu'il y a toute une jurisprudence déjà qui, à partir du Code civil et à partir aussi du Code de procédure civile, peut nous permettre de bien établir les balises de ce qu'est un "meuble meublant", même au moment où on se parle, tel que vu par le tribunaux...

Un argument de texte peut-être. Dans le Code de procédure civile, justement, on utilise l'expression "meuble meublant" dans un cadre pour dire que c'est insaisissable. À un autre endroit, on parle aussi de ce que l'office énumérait, les instruments nécessaires à l'exercice de l'art et du métier. Ce n'est donc pas considéré dans ce cas-là comme un "meuble meublant" ou un meuble qui peut être affecté.

M. Forget: Évidemment, la question demeure entière à savoir si les tribunaux donneraient au mot "meuble", dans un chapitre sur la résidence familiale, le même sens qu'on lui donne pour les fins de saisie pour dettes. Il y a quand même une distinction. On peut dire que dans le contexte de la section II sur la résidence familiale, le mot "meuble" doit être interprété dans son contexte, et lorsqu'on ne vise pas à protéger la famille contre les saisies, donc à lui laisser le strict minimum, l'équivalent de ce qu'on a à l'aide sociale en termes de revenus et de meubles, il s'agit de quelque chose de beaucoup plus large. Il s'agit de maintenir une continuité dans le mode de vie de la famille. À ce moment-là, il n'est pas incompatible avec l'utilisation de "meuble" dans ce chapitre qu'on en fasse une interprétation beaucoup plus large. Si le Code civil n'est pas modifié rapidement dans ses autres chapitres, on peut ouvrir là la porte à des contestations et à une jurisprudence divergente.

M. Bédard: Pour l'article 396, c'est peut-être un peu plus net par rapport à l'inquiétude que vous manifestez quand on restreint ce qui est destiné à garnir ou à orner les appartements. Nous, dans la réforme, on dit destiné à l'usage du ménage, affecté à l'usage du ménage, et quand on regarde le type d'énumération qu'on nous fait: des lits, des sièges et des objets de cette nature, on se rend compte qu'on se réfère à quelque chose qui est d'utilité et de décoration courantes en excluant quand même... Je voulais dire que c'était la raison

pour laquelle cela n'avait pas été repris à ce moment-ci, parce que l'expression n'était pas renouvelée par la réforme.

Le Président (M. Laberge): Cela répond à votre question?

M. Forget: Oui.

Chapitre septième Des régimes matrimoniaux

Le Président (M. Laberge): On change de chapitre. Chapitre septième, Des régimes matrimoniaux. À la section 1 qui traite des dispositions générales...

M. Bédard: M. le Président, comme il s'agit d'un chapitre qui est quand même assez volumineux et technique et que j'ai des notes de préambule un petit peu plus longues, j'ai demandé qu'on en fasse - je ne sais pas si cela a été fait - une distribution... (20 h 30)

M. Forget: Pas à ma connaissance, non. Le Président (M. Laberge): Article 462.

M. Bédard: Ce sera distribué dans la minute.

M. Forget: On vous écoute, M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, ce chapitre sur les régimes matrimoniaux a fait l'objet, en 1969, d'une réforme qui a conduit à l'établissement du régime de société d'acquêts comme régime légal et qui a fait de l'ancienne communauté de biens un régime conventionnel. Sous réserve de certaines modifications visant davantage une amélioration de la cohérence du régime qu'un changement de politique fondamental, le régime légal de la société d'acquêts est reconduit, de même que le régime de la séparation de biens.

Quant au régime conventionnel de communauté de biens, qui a bien servi les Québécois pendant un siècle, mais qui est tombé en complète désuétude depuis sept ans, soit moins de 1% en 1979, il n'a pas été reconduit dans ces dispositions apparaissant au Code civil. Le droit désuet doit cesser d'encombrer nos codes et nos lois pour laisser place au droit d'application courante si on veut que les citoyens s'y retrouvent, quoiqu'il y a des précautions que nous avons prises pour ceux qui déjà avaient fait un choix pour ce système de la communauté de biens. Toutefois, il nous a paru important de faire survivre ces dispositions par une mesure transitoire pour le bénéfice de tous ceux qui ont, dans le passé, adopté ce régime.

De même, les époux qui, dans l'avenir, désireront adopter un régime conventionnel de communauté de biens pourront le faire et ils pourront très facilement s'en remettre, pour certaines dispositions, au droit existant à une époque donnée. Cela se fait au contrat par simple renvoi à des dispositions précises du droit antérieur.

Il faut aussi espérer que les éditeurs du Code civil reproduiront en annexe aussi longtemps que ce sera utile les anciennes dispositions du Code civil susceptibles d'application pour permettre une meilleure référence à ceux qui déjà avaient opté pour le régime de la communauté de biens et pour ceux qui, de libre choix, décideraient de faire la même chose dans l'avenir. C'est, d'ailleurs, le rôle d'un Code civil historique dont une première édition privée est en voie de publication.

Dans les dispositions générales de ce chapitre sur les régimes matrimoniaux, nous attirons l'attention, notamment, sur deux changements importants par rapport au droit actuel. Le premier changement vise l'abolition des dispositions relatives à l'homologation des changements de régimes matrimoniaux de façon à en favoriser l'utilisation sans pour autant compromettre les droits de la famille et du tiers. Nous nous expliquerons plus longuement sur cette orientation à propos de l'article 469.

Le deuxième changement vise à ne pas lier l'effet des contrats de mariage à l'égard des tiers à leur enregistrement au registre central des régimes matrimoniaux. La règle actuelle est exorbitante du droit commun, des contrats et des jugements et crée des intervalles qui en pratique peuvent créer des injustice. D'ailleurs, contrairement à ce que son appellation laisse entendre, le registre ne publicise que certains changements. Là aussi, nous nous expliquerons peut-être plus longuement en abordant l'article 473.

Enfin, une disposition de droit nouveau a été introduite en cas de dissolution du régime de société d'acquêts, visant à faire remonter les effets de la dissolution entre les époux à la date où ils ont cessé de faire vie commune. Cette innovation de notre droit vise à contrer les efforts des époux qui chercheraient à dissiper leurs acquêts avant le moment du partage. En effet, il est possible qu'il s'écoule un temps plus ou moins long entre le moment de la cessation de la vie commune et le moment du partage des acquêts.

Après à peine dix ans d'application du régime de la société d'acquêts comme régime matrimonial légal au Québec, la doctrine et la jurisprudence nous ont permis et nous permettent encore d'identifier tous les jours de nouvelles situations auxquelles les dispositions actuelles du régime ne répondent pas de façon pleinement

satisfaisante. En vue de préciser davantage l'application de certaines règles du régime, on a déposé des amendements aux articles 481, 482, 485, 487 et 508. Il y a également d'autres amendements qui ont été déposés à d'autres articles, mais simplement pour fins d'amélioration de la qualité de la rédaction.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que quelqu'un désire... M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je vais me confiner à des remarques de caractère général comme le ministre. Il a noté que le projet de loi no 89 élimine du Code civil toute référence, au moins pour l'avenir, à la communauté de biens qui devient un régime purement conventionnel et l'argumentation qu'il a utilisée, c'est la désuétude de ce régime eu égard aux nouveaux mariages contractés depuis quelques années. C'est un argument qui est valable pour les nouveaux mariages, bien sûr, mais évidemment les gens ne meurent pas dans l'année qui suit le mariage et il y a encore énormément de gens qui sont mariés sous le régime de la communauté de biens. On peut certainement s'interroger sur une élimination aussi rapide d'un régime qui, encore pendant plusieurs années, dix, vingt, peut-être davantage d'années, va continuer à régir les relations entre les époux sur le plan du patrimoine. Bien sûr, ils vont retrouver dans l'annexe le texte qui s'applique à eux, mais il demeure que c'est le régime qui s'applique à eux et qui demeure légal quant à eux. Probablement que des dizaines de milliers de personnes sont visées. Est-il vraiment opportun d'aller si loin pour souligner le fait que le régime qu'ils ont effectivement préféré, plus ou moins consciemment, du moins, mais effectivement préféré à l'époque, est jugé maintenant marginal et presque dérogatoire?

C'est une chose. Maintenant, ce n'est pas une question de substance. C'est peut-être une question de présentation. Il demeure que certains groupes ont souligné que c'était une élimination qui était peut-être un peu sommaire ou peut-être un peu prématurée par quelques dizaines d'années. Ce n'est pas complètement une question de détail non plus. En faisant cela, cependant, le ministre choisit également de n'introduire aucune modification pour le présent et l'avenir dans le régime de la communauté de biens, parce qu'il se dit: Cela n'a plus qu'une valeur d'archives, ces parties du droit civil. On va les mentionner en annexe pour ceux que cela intéresse encore, mais les relations qui sont régies par la communauté de biens aujourd'hui sont en quelque sorte, à moins que les conjoints ne choisissent de les modifier par les procédures de modification du régime matrimonial, à moins qu'ils ne veuillent faire ces démarches, le régime de la communauté demeure inchangé. Or, certains groupes, je me permets de le signaler, ont suggéré que les mêmes règles d'égalité des conjoints auxquelles souscrit le gouvernement, d'ailleurs, auxquelles souscrivent tous les membres de l'Assemblée nationale, pourraient dès maintenant s'appliquer pour le présent et pour l'avenir à ceux qui continuent d'être régis par la communauté de biens.

Je ne pense pas qu'on soit allé de proposition de texte précis, mais il demeure que c'est une idée qui mérite examen et qu'en reléguant le texte relatif à la communauté de biens, encore une fois, en annexe, comme un document d'archives, on s'est même refusé, dans le fond, de le considérer au mérite.

Je pense que ce sont les deux questions que soulèvent ces chapitres. Il y en a de beaucoup plus détaillées, mais l'économie générale du texte reflète le choix d'un régime légal et d'un régime conventionnel qui est la séparation de biens. Curieusement, on pourrait dire la même chose de la séparation de biens que ce que l'on dit de la communauté. C'est un régime conventionnel. On pourrait se borner à dire cela. La communauté de biens devenant un régime conventionnel pourrait conserver au code un certain nombre de dispositions de caractère d'ordre public ou de dispositions qui peuvent être écartées par les parties mais qui sont données comme étant normales à défaut pour les contractants d'y déroger.

Il n'y a pas véritablement de logique non plus dans cette position-là de dire: II y a un régime légal, il y a des régimes conventionnels et de choisir parmi tous les régimes conventionnels un pour lequel on va continuer de préciser un certain nombre de règles.

Je pense qu'on peut s'arrêter-là à ce moment-ci, M. le Président. Encore une fois c'est une question d'économie générale du texte du Code civil relativement aux régimes matrimoniaux. On pourra aller plus loin quand on arrivera dans des articles particuliers.

Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Vous aviez un commentaire à formuler, M. le ministre.

M. Bédard: Nous aurons peut-être l'occasion de revenir, quoique j'ai pris bonne note je pense, comme tous les autres membres de la commission, des remarques du député de Saint-Laurent. Il est évident que c'est un choix qui a été fait. À part le Barreau du Québec, je pense, et peut-être la Chambre de commerce, il faut noter que nous n'avons pas eu de représentations spéciales pour garder le régime de la communauté de biens comme régime légal, au contraire. Je pense qu'il faut toujours se

rappeler, je le souligne à nouveau, que pour ceux qui avaient exercé un choix favorable pour la communauté de biens, comme le disait tout à l'heure le député de Saint-Laurent, plus ou moins consciemment, le régime demeure. Par convention ils peuvent même l'améliorer sans, cependant, qu'il y ait dérogation aux dispositions d'ordre public. Moins de 0,1% des nouveaux mariages ont recours à ce régime matrimonial; il me semble qu'à partir du moment où on prend les précautions pour ceux qui ont déjà opté dans le passé et qui continueront avec dans le futur il faut à un moment donné tirer la ligne.

M. Forget: J'ai fait une affirmation, je ne dirais pas que dans un certain sens le ministre l'a mise en doute, mais je n'ai peut-être pas suffisamment expliqué ce que je voulais dire. C'est vrai qu'il y a les représentations du Barreau relativement à cette question de la communauté de biens, mais par implication il y a, par exemple, une recommandation de l'AFEAS et c'est à ça que je faisais allusion quand je parlais d'un groupe qui a demandé des changements au régime de communauté. Évidemment, si on décide de ne pas l'inclure au Code civil, on ne fait pas de changement, mais il reste que, pour les gens qui vivent en communauté, on n'a pas réglé leur problème pour autant qu'ils ont un problème. Ce que l'AFEAS dit à ce sujet, je vais me permettre de le lire, ce sera peut-être plus court de toute manière: "Nous réclamons la cogestion pour les époux mariés en communauté de biens. Si le législateur décide de ne pas modifier la communauté de biens, il devrait au moins amender l'article 1425a de l'actuel Code civil pour faire en sorte que les fruits du travail de l'épouse commune en biens résultant du travail effectué dans l'entreprise familiale puissent être considérés comme biens réservés. Autrement, le fait d'avoir amendé la loi de l'impôt pour reconnaître le travail de la femme collaboratrice n'apportera aucun changement pour la femme collaboratrice commune en biens."

La question préalable à une modification du chapitre sur la communauté de biens, c'est que ça continue à faire partie de nos lois autrement que comme pièce d'archives. C'est une des raisons qui m'ont amené, en plus des représentations du Barreau, à dire: Ça demeure une pièce vivante de notre droit dans la mesure où ceux à qui ça s'applique ne sont pas tous morts. (20 h 45)

M. Bédard: Sauf que, justement, parce qu'ils ne sont pas tous morts, on en convient, ils auront l'occasion, s'ils le veulent, de faire les changements qu'ils pourraient désirer. Au moment où on se parle, au niveau des recommandations faites par l'AFEAS, il n'y a rien qui empêche des époux de changer leur régime maintenant et de faire les...

M. Forget: C'est une solution radicale, cela.

M. Bédard: ...améliorations ou les innovations auxquelles ils peuvent être intéressés, pourvu que cela n'aille pas en dérogation aux règles d'ordre public.

M. Forget: Cela peut coûter cher, changer de régime matrimonial pour bénéficier d'une exemption d'impôt, dans le fond, qui est disponible à d'autres sans frais.

M. Bédard: Oui, mais, d'un autre côté, si c'est nous qui prenons l'initiative de changer leur régime, on a le même problème.

On pourrait ajouter qu'ils peuvent, sans changer de régime s'ils désirent le conserver - parce qu'il procure des avantages fiscaux, mais peut-être d'autres aussi comme ceux de la copropriété des biens communs simplement, comme tous les autres, profiter des règles de la mutabilité des régimes matrimoniaux pour faire certaines améliorations à leur régime, certaines modifications à caractère partiel et l'améliorer selon leur volonté et leur désir. Avec l'abolition proposée de la technique d'homologation des changements, il y a certainement là aussi un coût réduit, puisqu'il s'agit simplement du prix d'un nouveau contrat de mariage modifiant l'ancien, d'une part.

D'autre part, si l'administrateur de la communauté, qui est le mari, dissipe les biens de la communauté ou est un mauvais administrateur, les recours habituels subsistent. Le conjoint peut demander une séparation de biens. C'est toujours possible également, parce que les articles sont tous reconduits, si on veut, par une mesure transitoire, tant et aussi longtemps qu'il y aura des gens qui seront mariés sous ce régime.

Pour ce qui est d'un tout autre petit aspect, la technique de ne pas reconduire ce qui est tombé en désuétude n'est pas particulière au Québec. En France on le fait couramment. Quand on a modifié les régimes matrimoniaux en France en 1966, par exemple - j'ai le Code civil français sous les yeux - on a remplacé complètement le régime. Il y a toute la section qui va des articles 1387 à 1581 qui s'est trouvée abrogée. Les éditeurs privés, comme la maison Dallog, qui produit le Code civil français, pour le bénéfice de ceux qui sont encore mariés sous ce régime et qui ont besoin de se référer aux dispositions du droit en vigueur à l'époque, le reproduit dans une

petite annexe, soit à la fin des régimes matrimoniaux, pour qu'on puisse le retrouver plus facilement - les éditeurs privés ont beaucoup d'imagination - ou à la fin du code, s'ils le préfèrent. C'est à la disposition de ceux qui veulent le consulter. Cela permet un certain... j'allais presque dire nettoyage des codes, au lieu de s'encombrer sous de nombreuses dispositions tombées en désuétude, c'est sûr. On avait même en France - je me souviens, moi, quand on m'en parlait - le régime dotal. Cela aussi, c'est disparu. C'est peut-être regrettable, mais il n'y avait plus personne qui se servait du régime dotal.

Je me souviens également que chez nous, quand j'étais dans la pratique, on disait: Le douaire, le douaire coutumier est tombé en désuétude, etc. Évidemment, on a moins de trace maintenant dans le Code civil du douaire coutumier. Il ne semble pas qu'il y ait beaucoup de gens qui le regrettent. Mais si quelqu'un veut absolument faire un douaire conventionnel, par son contrat de mariage, dans les limites de l'ordre public, il peut toujours se risquer à employer cette forme de protection, puisque l'ordre public ne le défend pas. Mais, enfin, ce n'est plus d'une très grande actualité. Par conséquent, l'aération des codes me paraissait importante.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Quand on dit tomber en désuétude, je suis bien d'accord que les gens ne s'en prévalent plus dans le moment. Mais il y a encore des milliers de couples. Alors, il me semble qu'on pourrait le considérer en désuétude quand tous ces gens seront morts, parce que c'est ce droit-là qui va encore régir les relations entre ces époux de leur vivant et à leur décès. Vous savez que cela arrive occasionnellement que vous avez des époux mariés en 1930 ou en 1940, qui n'ont ni contrat de mariage ni testament et qui décèdent.

M. Bédard: Le régime est toujours là.

M. Mathieu: Je comprends, mais il n'apparaîtra plus...

M. Bédard: Mais oui. Les éditeurs privés vont le faire apparaître. Il va être reproduit en annexe.

M. Mathieu: Je comprends, cela va être reproduit en annexe, mais il me semble qu'un droit qui régit encore des citoyens vivants...

Le Président (M. Laberge): M. le député.

M. Bédard: Je ne voudrais pas revenir sur des propos...

M. Marx: J'aimerais enchaîner sur ce que le député de Saint-Laurent a dit. Je comprends qu'on va laisser le régime de communauté de biens en annexe. Mais même si on laisse ça en annexe, s'il y a des améliorations à faire, je pense que c'est ici qu'il faut faire des améliorations. Je pense que c'est injuste, en ce sens, de dire aux gens: Vous pouvez changer votre régime. Je trouve ça onéreux dans le sens que, premièrement, les gens doivent être au courant qu'ils peuvent faire des changements. On fait beaucoup de publicité au Québec et il faut en faire, comme vous avez dit, M. le ministre. Prenez Logirente; il y a beaucoup de gens qui ne sont pas au courant que ça existe et les gens ne font pas de réclamations. Même quand on fait la publicité, ce n'est jamais assez.

Donc, je trouve ça onéreux, parce que, premièrement, les gens doivent être au courant et deuxièmement, ils doivent discuter de ça entre eux pour voir s'il y a des changements à faire, ainsi de suite. Troisièmement, ils doivent aller voir leur notaire. Je trouve ça onéreux, pas parce que ça coûte de l'argent, pas parce que je ne veux pas donner de travail aux notaires, mais en tout je trouve, comme on dit en anglais que c'est "pass the buck", c'est ne pas faire notre travail et dire: On va laisser les autres faire notre travail ou, le cas échéant, on va laisser ça aux individus parce qu'ils ont la possibilité de le faire.

Dans une révision des régimes matrimoniaux, s'il y a des améliorations à faire pour ces personnes qui tombent sous le régime de communauté de biens, je pense qu'il faut les faire aujourd'hui, dans l'étude.

M. Bédard: Chacun a droit à son opinion là-dessus. C'est un choix que nous avons fait avec les raisons que nous avons explicitées. Je comprends les représentations de la part du député de Saint-Laurent, du député de D'Arcy McGee et du député de Beauce-Sud. Maintenant, je ne pense pas qu'il soit nécessaire que je répète qu'on a pris quand même certaines précautions. Ce n'est pas la première fois que, dans un Code civil, arrive à un moment donné la disparition de chapitres entiers. À partir du moment où on garde le maximum de précautions, le reste demeure un choix qui a été fait.

M. Marx: Est-ce que c'est trop demander, par exemple, de revoir l'article 1425a du Code civil? Il n'est pas question de ça.

M. Bédard: Non, justement. Même à cela, je serais mal à l'aise parce qu'on a eu la deuxième lecture, ces décisions majeures ont été exprimées au niveau de la deuxième

lecture. Je crois qu'on a un cadre dans lequel on doit agir. C'est un peu la même chose pour ce qui est de l'union de fait. On y reviendra.

Le Président (M. Laberge): J'appelle l'article 462. Y a-t-il des questions particulières?

M. Bédard: Article 462. Cet article modifie et simplifie les articles 1257, 1258 et 1259 du Code civil. D'une part, il ne permet plus la renonciation par contrat de mariage à une succession non ouverte. C'est pourquoi les articles 658 à 1061 du Code civil sont modifiés en conséquence. Cette prohibition s'inscrit dans une perspective de protection des époux et de la famille. D'ailleurs, le de cujus n'a pas besoin de cette technique pour éliminer un proche de sa succession. Il n'a qu'à l'exhéréder par testament puisque sa liberté de tester est illimitée. Il est intéressant de noter que le Code civil français, contrairement au Code civil du Bas-Canada et au rapport de l'Office de révision, n'a jamais permis la renonciation, même par contrat de mariage, à une succession non ouverte. Pour ce qui est des donations des biens futurs de l'institution contractuelle et des autres dispositions à cause de mort, leur validité est déjà assurée par les article 817 et suivants du Code civil.

D'autre part, l'article 1258 du Code civil est inclus dans l'article 462 et l'article 1259 du Code civil ne serait pas édicté que les époux ne pourraient pas de toute façon déroger aux droits conférés par les institutions de caractère public qui y sont nommées. En effet, l'article 440 proposé est explicite en ce qui concerne les effets du mariage et personne ne doute du caractère public des dispositions relatives à l'autorité parentale, à la minorité et aux personnes sous tutelle ou curatelle.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, si j'ai bien compris la petite explication dont vient de donner lecture le ministre, il y a certaines raisons qui expliquent le caractère succinct de l'article 462 à comparer à la recommandation 69 de l'Office de révision du code civil. J'ai cru reconnaître au passage pourquoi en particulier le troisième alinéa de la recommandation 69 de l'Office de révision du Code civil ne s'est pas retrouvé dans le texte. L'article 440 dit que ce sont des dispositions d'ordre public.

Bon. Cela va bien. Maintenant, on retrouve au premier alinéa une énumération qui, à première vue, semble utile pour préciser un certain nombre de choses et j'imagine que l'Office de révision du Code civil ne les a pas inscrites là par erreur. Je ne crois pas avoir entendu dans l'explication du ministre pourquoi ce premier alinéa est omis. On dit bien qu'il est permis de faire toutes sortes de stipulations, mais on spécifie des choses qui ont été inscrites par l'Office de révision parce qu'elles ont été controversées et ont fait l'objet de procès dans le passé; c'est qu'on a voulu clarifier le droit. On dit, en particulier, donc parmi les choses qui sont permises par convention, même certaines stipulations qui seraient nulles dans tout autre acte entre vifs, notamment la renonciation à une succession non ouverte ou à la réserve successorale du conjoint survivant, la donation de biens futurs, l'institution contractuelle et autres dispositions à cause de mort. Est-ce qu'on reprend cette chose plus loin ou est-ce qu'on a jugé que c'étaient des stipulations qui n'étaient pas utiles à première vue? Encore une fois, j'imagine que l'Office de révision du Code civil avait de bonnes raisons de vouloir les inscrire.

M. Bédard: Pour ce qui est de l'énumération que vous venez d'examiner, la donation de biens futurs, de même que l'institution contractuelle et autres dispositions à cause de mort sont spécifiquement autorisées par les articles 817 et suivants du Code civil actuel du Bas-Canada. Cette section des articles 817 et suivants traite des donations par contrat de mariage tant de biens présents que de biens à cause de mort. C'est déjà dans un chapitre, dans une section particulière. La validité de ces donations est spécifiquement établie et prévue par contrat de mariage.

Dans le cas de la succession non ouverte et de la réserve successorale... La réserve successorale évidemment n'est pas encore établie. C'est une des réformes proposées par l'Office de révision du Code civil dans le livre III des successions. Celle-là n'est pas pertinente tant que le livre III n'est pas adopté.

Il restait la succession non ouverte et, comme le ministre le mentionnait tantôt, elle est spécifiquement bloquée; partout où, dans le Code civil, aux articles, par exemple, 1061 et 658, elle était permise, elle est bloquée pour les raisons qui ont été mentionnées. De sorte que l'énumération est complète puisqu'on peut y faire toutes sortes de stipulations. Je pense que tous les éléments de 69, premier alinéa, sont repris, soit pour les exclure ou encore parce qu'ils sont valides en vertu de certaines autres sections. (21 heures)

M. Forget: Évidemment, là, on touche un problème de philosophie de rédaction. Quand l'Office de révision a fait cette inscription c'est qu'il jugeait qu'il valait

mieux le mettre dans le chapitre sur le mariage que de le laisser, par exemple dans le cas des donations, dans le chapitre sur les donations. Est-ce que cela veut dire que le ministère de la Justice considère que, lorsqu'on en viendra au chapitre des donations, il faudra rouvrir le chapitre sur le mariage ou si on va se laisser guider par l'ordre chronologique de l'adoption des chapitres pour déterminer à quel genre de modèle de rédaction le Code civil va obéir?

À ce moment ce serait un peu inquiétant parce que cet ordre de rédaction et d'adoption, par l'Assemblée nationale, peut être contraire à celui qu'une saine logique dicterait.

M. Bédard: J'essaie de bien comprendre, mais le premier alinéa de cet article ne réglait rien somme toute, il ne faisait qu'annoncer que les dispositions qu'on allait trouver à l'article 817 et aux suivants étaient valides. Il ne faisait qu'annoncer qu'ailleurs, dans le Code civil, on trouverait des dispositions plus particulières sur ces sujets qui établiraient les limites de la validité de ces donations. Il annonçait que des dispositions se retrouveraient à quelque part dans le code.

Le fait est d'ailleurs qu'on retrouve, aux articles 658, 1061 de même que 817 et suivants, référence à cet article 1259. J'avoue que, dans la réforme du Code civil, à laquelle j'ai participé pendant une dizaine d'années, avec M. Crépeau, il y a eu un certain effort de fait pour éviter beaucoup de redites ou de reprises à travers le Code civil qui étaient un peu au même effet et qui étaient par voie de renvoi tout le temps. On nous disait: Là, c'est bon, mais vous irez voir dans une autre section. C'est peut-être dans le but d'une simplification de ce qui est, de toute façon, en ce qui concerne l'article 469, ou les anciens articles 1257, 1258 et 1259, des articles difficiles à lire et à comprendre en raison du fait que leur histoire a amené des choses non valides en cours de développement.

M. Forget: Si je soulève la question, M. le Président, c'est que, bien sûr, les codes sont faits d'abord pour les juristes, mais ils sont aussi faits pour la population en général. Or, je comprends qu'un jour quelqu'un qui connaît très bien le Code civil puisse retrouver, dans le chapitre des donations un article qui dit que certaines donations, qui sont énumérées, ou par exemple la renonciation à une succession non ouverte, cela est normalement interdit. On peut trouver dars le chapitre sur les successions une indication que, par contrat de mariage, on peut renoncer à une succession non ouverte. Il reste que, pour ceux qui ne sont pas des juristes et qui devraient pouvoir lire le chapitre sur le mariage, ils ne trouveront pas cette référence. Cela rend la lecture des lois difficile; à moins de lire tout le Code civil d'un couvert à l'autre, on ne comprend pas vraiment ce que chaque chapitre veut dire. II est bien sûr que ça revient au même sur un plan juridique, mais, sur le plan de l'accessibilité du droit pour le citoyen, ça rend la lecture du droit mystérieuse, parce que les choses qui ont une signification n'ont jamais la signification qu'elles ont l'air d'avoir parce qu'on leur dit toujours: Oui, c'est vrai dans ce chapitre, mais, si vous regardez 22 chapitres plus loin, vous allez voir que, là , il y a une exception. Il. me semble me souvenir que l'Office de révision avait été sensible à cette préoccupation et avait essayé de regrouper, par exemple dans le chapitre sur le mariage, tout ce qu'on pouvait faire avec le contrat de mariage plutôt que de dire: Oui, mais on va le mentionner ailleurs. C'est vrai qu'on va le mentionner ailleurs.

M. Bédard: Sous cet angle, c'est vraiment une question d'appréciation. En tout cas, je pense qu'on est convaincu que le fond y est. Maintenant, pour l'honnête citoyen qui n'est pas familiarisé avec le droit et qui voit s'ajouter à ce qui existe déjà la renonciation à une succession non ouverte, la réserve successorale du conjoint survivant, la donation de biens futurs, l'institution contractuelle et autres dispositions à cause de mort. Je vous assure que je suis loin d'être convaincu qu'il est rendu plus loin dans la compréhension, quoique, comme vous dites, cela peut être...

M. Forget: Renoncer à une succession non ouverte, ce n'est pas une expression pour laquelle il faut être un grand clerc.

M. Bédard: J'étais convaincu, je l'avais dit avant, que vous vous référeriez à cette partie; c'est peut-être quand même des lumières rouges qui s'allument pour le citoyen. On ne fera pas une longue discussion là-dessus. Est-ce que c'est une préférence qui est énoncée? On peut penser à le garder ouvert, mais simplement à savoir si on y ajoute...

Le Président (M. Laberge): Oui, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais poser juste une question. Est-ce qu'il y a une différence entre des dispositions impératives de la loi et l'ordre public, ou est-ce que c'est un pléonasme?

M. Bédard: La notion d'ordre public en droit civil est à la fois définie par les lois impératives et par les tribunaux. Dans ce sens, les civilistes - j'en suis avec M.

Crépeault - lorsqu'on a fait le livre cinquième sur les obligations, notamment, on a longuement approfondi cette question pour savoir quelles étaient les expressions à utiliser. Nous en sommes arrivés, dans le livre cinquième sur les obligations - cela se reflète aussi dans le rapport à plusieurs autres endroits - à parler des lois imperatives, de l'ordre public et des bonnes moeurs, parce que la notion d'ordre public n'est pas épuisée par les lois imperatives du Code civil.

M. Marx: L'ordre public englobe l'ordre public et les lois impératives. Dire qu'on ne peut stipuler contre des dispositions impératives de la loi est inutile parce que c'est déjà couvert par l'ordre public.

M. Bédard: Je ne voudrais pas ouvrir une discussion trop technique. La notion d'ordre public est une notion qui évolue dans plusieurs pays civilistes, de façon qu'on parle maintenant d'un ordre public général et d'un ordre public dit social ou de protection. Il y a des nuances à faire dans l'ordre public et souvent les lois impératives... Chez nous il y a la Loi de la protection du consommateur que l'on dit d'ordre public, mais c'est d'ordre public de protection de certains groupes. Donc, c'est un ordre public qui n'est pas général alors que l'ordre politique, l'ordre économique général... Enfin, il y a tellement de nuances, d'évolution dans ces concepts! Lorsqu'on a étudié cette question comme telle, elle nous est apparue, je pense, un peu, comme vous le soulevez, être une question pour des spécialistes. Il n'y a probablement pas de réponse absolue non plus. C'est plutôt un choix qui a été fait par l'office de révision et que nous avons reproduit ici, évidemment, dans la réforme de la famille qui, du reste, aussi...

M. Marx: Mon maître de droit civil, Maximilien Caron, a toujours expliqué que ce serait un pléonasme. Cela a peut-être évolué depuis qu'il a donné son cours.

Le Président (M. Laberge): L'article 462 est-il adopté?

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Article 462, adopté. J'appelle l'article 463. Y a-t-il quelque chose de spécial?

M. Bédard: Cet article simplifie tout simplement la rédaction de l'article 1260 du Code civil tout en en gardant la substance qui assure la continuation du régime de société d'acquêts comme régime légal depuis son entrée en vigueur le 1er juillet 1970. Cette formulation évite d'avoir à interpréter des expressions diverses, telles que stipulations spéciales et conventions spéciales, utilisées par l'Office de révision du Code civil dans des sens qui sont non clairement définies.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: On va probablement me répondre qu'on voulait éviter des pléonasmes, mais il reste qu'à la fois le premier alinéa de l'article 1260 du Code civil et la recommandation 70 de l'Office de révision du Code civil expriment une idée qui semble disparue du projet de loi no 89 et je lis: "La loi ne fixe le régime matrimonial qu'à défaut de stipulations spéciales faites par convention matrimoniale." C'est une idée différente de celle qui est exprimée par l'article 463 qui dit qu'à défaut de toute stipulation le régime légal est celui de la société d'acquêts. La première proposition, au contraire, vise à affirmer le principe selon lequel, même dans le cas du régime légal, même dans le cas du régime de la société d'acquêts, une convention peut intervenir pour en modifier les dispositions et que le régime légal intervient pour suppléer au défaut d'entente spécifique ou particulière des parties sur tel ou tel point particulier.

On me dira: La réponse à ça est dans l'article 462 où on dit: "II est permis de faire, par contrat de mariage, toutes sortes de stipulations". Cependant, encore là, le Code civil actuel, à l'article 1257, contient déjà cette chose-là. Donc, à la fois le Code civil du Bas-Canada et le rapport de l'Office de révision du Code civil retenaient ces trois notions: d'abord, qu'on peut faire toutes sortes de stipulations, sauf celles qui sont interdites par l'ordre public; deuxièmement, que la loi n'intervient pour fixer le régime matrimonial qu'à défaut de spécifications des parties; troisièmement, que, quand il n'y a aucun contrat, il y a un régime légal. Il y a une de ces trois propositions qui saute maintenant et j'hésite à tenir pour acquis qu'on n'a fait qu'éliminer un pléonasme dans la loi. Il y a quand même deux groupes, ceux qui ont adopté et élaboré le Code de 1866 et l'Office de révision qui, pendant des années, s'est penché sur ces questions-là, qui avaient retenu la deuxième proposition. Je me demande si on n'introduit pas là quelque chose qui pourrait avoir des conséquences.

M. Bédard: Est-ce que la Chambre des notaires qui a examiné le projet a fait des observations? Je n'ai lu aucune observation, y compris du côté du spécialiste des conventions matrimoniales, M. Caparros, qui a également fait parvenir - je ne sais pas si vous les avez obtenues - ses observations sur le projet de loi 89. Il y a peut-être des

nuances; elles paraissent nous échapper et je n'ai pas vu de commentaires faits sur la proposition.

M. Forget: Je vérifie. La Chambre des notaires ne semble pas avoir fait de recommandations sur les régimes matrimoniaux, d'après le rapport que j'ai là, si incroyable que ça puisse sembler.

M. Bédard: C'est que la Chambre des notaires - je le dis avec le sourire - était très présente au niveau de la rédaction.

M. Forget: Corporativement ou par des représentants?

M. Bédard: Oui, par des représentants autorisés, corporativement, au niveau du groupe de l'Office de révision du Code civil. Probablement que beaucoup de discussions se sont faites à ce moment-là, ce qui est tout à fait normal.

M. Guy me fait remarquer qu'il y a des notaires qui ont reçu tout le matériel nécessaire pour examiner cela.

M. Forget: Écoutez, c'est une réponse imaginable que celle que vous nous faites-là, mais vous comprenez que dans le cadre des travaux d'une commission parlementaire, si vous nous dites: II y a des gens qui ont regardé ça et ils n'ont pas manifesté leur désaccord, je vais prendre votre parole, M. le ministre, mais ça ne nous fait pas une très belle jambe comme commission parlementaire.

M. Bédard: Mais il y a d'autres remarques.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 463 est adopté?

M. Bédard: Je n'ai pas d'autres commentaires.

Une voix: Un instant!

Le Président (M. Laberge): Parfait, j'attends.

M. Forget: Je regarde les commentaires de l'office sur l'article correspondant et je dois dire qu'il se borne à reproduire le Code civil relativement à ça. Écoutez, M. le ministre, si vous avez consulté les autorités supérieures, on va s'incliner. (21 h 15)

M. Bédard: Je pense qu'il faudrait s'entendre là-dessus.

Le Président (M. Laberge): Article 463. Adopté. J'appelle l'article 464. Est-ce qu'il y a une modification?

M. Bédard: L'article 464 ne pose pas de problème; il n'y a pas de modification.

Le Président (M. Laberge): Non, c'est à l'article 465. Article 464.

M. Bédard: Cet article reprend l'article 1261 du Code civil et le complète en précisant que le changement de régime prend effet du jour de l'acte le constatant et que cette disposition est impérative. D'une part, l'homologation de changement n'a pas été retenue. D'autre part, cet article s'applique aux tiers comme aux parties, puisque la règle d'inopposabilité aux tiers, découlant de l'article 1266b du Code civil, n'a pas été reproduite.

M. Forget: Est-ce que vous pourriez répéter cela? La règle d'inopposabilité...

M. Bédard: D'inopposabilité aux tiers découlant de l'article 1266b du Code civil n'a pas été reproduite. L'article...

M. Forget: Donc, c'est opposable aux tiers?

M. Bédard: C'est cela, mais j'essaie de retrouver l'article.

C'est relatif à l'inscription au registre des régimes matrimoniaux. En d'autres termes, le contrat de mariage est opposable aux tiers. Cela reviendra, évidemment, sous l'article 473 au point de vue des commentaires. Le contrat de mariage est opposable aux tiers indépendamment de son inscription au registre central des régimes matrimoniaux. Il n'y a pas d'intervalle entre le moment où le contrat de mariage est modifié, si vous voulez, est fait et le moment où il est inscrit. S'il s'est écoulé un ou deux mois, les gens ne sont pas en société d'acquêts en attendant d'être en séparation de biens trois mois plus tard, avec des intervalles qui amèneraient la liquidation des régimes, etc. Cela est peut-être plus expliqué sous les articles 473 et 469 où on ira tantôt.

M. Forget: On pourrait en discuter partout. Mais comme cela vient ici pour la première fois, si vous n'avez pas d'objection, M. le Président, et comme nous avons une recommandation formulée par le Barreau là-dessus, une recommandation qui me semble pleine de bon sens, puisqu'on semble s'élever contre le fait qu'on puisse opposer aux tiers un acte qui n'est pas de commune renommée ou qui n'a aucun degré de publicité... Le Barreau suggère que le deuxième alinéa soit modifié ainsi: "La modification du régime effectuée pendant le mariage prend effet du jour de l'acte la constatant..." - c'est le texte actuel auquel on ajoute - "...quant aux parties et le jour du dépôt de l'avis prévu à

l'article 473 quant aux tiers."

À première vue, cela me semble une disposition raisonnable, puisque les droits des tiers peuvent être affectés, de ne pas les affecter, en quelque sorte, rétroactivement à l'avis qu'ils en auront.

M. Bédard: Les explications sont assez techniques. Est-ce que vous voulez faire lecture de tout l'article 473... On va les donner de façon plus succincte, quitte à répondre davantage aux besoins d'information.

C'est l'article 473 qu'il faut aller chercher pour cela. Il ne reprend pas la règle de l'inopposabilité aux tiers des contrats de mariage qui ne sont pas enregistrés. C'est sûr que cela demande des explications et des explications qui peuvent être de plusieurs ordres.

M. Forget: Il y a un double négatif. Quand on lit, ça va bien, mais quand on l'entend, quand vous dites que vous ne reprenez pas la règle d'inopposabilité, ça veut dire que vous avez une règle d'opposabilité.

M. Bédard: C'est ça. En d'autres termes, les conventions sont opposables aux tiers - parlons positivement, ça va éviter les doubles négations - sont opposables aux tiers dès que les contrats sont faits. C'est la règle générale de tous les contrats, sauf ceux qui comportent des droits réels, comme la vente d'un immeuble, l'hypothèque sur un immeuble, etc. La raison du fait qu'il faut les soumettre à l'enregistrement, ces derniers contrats qui portent sur des droits réels pour les rendre opposables, c'est qu'il faut établir le rang des acquéreurs ou le rang des créanciers. C'est l'objectif qui est recherché. Il est important quand on a deux acheteurs successifs d'une même propriété, de savoir lequel sera le véritable propriétaire, celui qui aura un titre opposable à tout le monde.

Alors, on dit: Celui qui aura le premier enregistré au bureau d'enregistrement. Donc, l'autre qui vient après, c'est regrettable, mais son contrat n'est pas opposable. C'est pour des fins d'opposabilité des droits réels. Dans certains cas, le législateur avait retenu, aux droits anciens, le bail de longue durée, pour qu'il soit opposable au-delà du terme, pendant toute la durée du terme convenu; il fallait aussi qu'il soit enregistré. Donc, c'était vraiment pour des questions particulières.

Mais, en règle générale, tous les contrats, sauf ceux qui touchent des droits réels de façon particulière sont opposables aux tiers dès leur conclusion. Il en est de même des jugements du tribunal. Dès que les jugements sont rendus, qu'il s'agisse de jugements de divorce, de séparation de corps ou autres, ils sont opposables dès que ces jugements sont rendus.

Quelle est la raison qui a amené l'introduction de l'article 473, il a une dizaine d'années, pour dire: Les contrats de mariage, tant qu'ils ne seront pas enregistrés, ne seront opposables à personne. L'article actuel, 1266b, se lit comme suit: "L'acte fait en vertu des dispositions des articles 1264 et 1266 - il s'agit des contrats de mariage, d'une part, et des modifications qui surviennent postérieurement - n'a d'effet à l'égard des tiers que par l'enregistrement d'un avis au registre central des régimes matrimoniaux."

Il arrive qu'il y a des intervalles réels entre le moment où le notaire fait son acte et le moment où il est effectivement enregistré au registre central qui n'a de central que le nom, parce que tout n'est pas dans ce registre. J'ai posé la question à un certain nombre de notaires de la pratique pour savoir ce qu'ils faisaient avec l'intervalle; ils m'ont dit qu'ils ne s'en occupaient pas, en pratique, mais, en droit, qu'est-ce qu'on fait avec l'intervalle? Si l'acte est inopposable, il est inexistant en ce qui les concerne. Donc, est-ce qu'on se trouverait, pendant l'intervalle, marié sous le régime de la société d'acquêts, puisque l'effet ne compte qu'à compter de l'enregistrement?

Si c'est ça, il faudrait donc, en toute légitimité, liquider ce régime provisoire pour en arriver au régime qui produit son effet une fois enregistré. En ce qui concerne... L'office proposait également une disposition assez générale, que tous les jugements affectant l'État matrimonial n'aient d'effet qu'à compter de l'enregistrement. Là aussi, un jugement de divorce qui aurait été enregistré trois mois après, à cause de délais administratifs plus ou moins contrôlables, aurait eu pour effet de prolonger les régimes, parce que les tiers se seraient comportés comme si le divorce n'avait pas encore été prononcé, auraient pu se comporter comme si rien n'avait changé, alors que les époux sont déjà divorcés, peut-être depuis trois mois, que leur régime matrimonial, le notaire l'a même liquidé.

Après vérification, je ne sais pas si le député de Beauce-Sud est en pratique privée, il pourrait peut-être dire si, à son avis, l'habitude des notaires de pratique privée, c'est d'appeler au registre central pour savoir à quel moment les contrats de mariage ont été enregistrés effectivement au registre central des régimes matrimoniaux.

Par ailleurs, on a actuellement dans le Code civil - c'est peut-être un peu long, mais c'est une explication technique, je m'excuse - un nombre impressionnant de systèmes d'enregistrement - on en a cinq -de l'état matrimonial. D'abord, l'article 1834 qui impose, depuis 1902, à toute personne mariée faisant affaire comme commerçante l'obligation d'enregistrer au bureau du

protonotaire de la Cour supérieure son état matrimonial. On a l'article 65 du Code civil qui, depuis 1931, impose au fonctionnaire chargé de tenir les registres d'inscrire dans l'acte de mariage si les parties se marient sans contrat ou si elles ont passé un contrat de mariage. On a les articles 804 et suivants, que nous connaissons bien dans la pratique, qui disent que les contrats de mariage lorsqu'ils comportent des donations entre vifs ou à cause de mort doivent être, sauf exceptions très limitées, soumis à l'enregistrement au bureau d'enregistrement du lieu où se trouvent les parties, où elles ont leur domicile, ou du lieu où se trouve l'immeuble s'il y a aussi une donation de l'immeuble.

On a également depuis 1969 un fichier où, conformément à la Loi concernant le registre central des régimes matrimoniaux, seuls sont enregistrés les régimes matrimoniaux qui ont été adoptés au début du mariage, si on peut dire, ou qui ont été modifiés par la suite, de même que les jugements de séparation de biens, de séparation de corps, de nullité de mariage ou de divorce en vertu de l'article 817 du Code de procédure civile.

Ce n'est pas le nombre de registres qui nous manque, mais il n'y en a aucun qui est complet; ils sont tous discriminatoires, partiels et limités. Ainsi - pour prendre des exemples - échappent au registre dit central les régimes matrimoniaux et leurs changements suivants. D'abord les régimes de société d'acquêts acquis sans contrat de mariage; ce n'est pas soumis et pourtant dès le moment du mariage le régime de société d'acquêts acquis sans contrat de mariage est opposable en vertu de la loi, je le reconnais, aux tiers. Ensuite, les régimes matrimoniaux acquis à l'étranger. Si quelqu'un s'est marié en France sous un régime de communauté réduite aux acquêts son contrat de mariage est opposable chez nous sans que personne ne puisse aller voir dans un fichier central s'il est enregistré ou non parce qu'il n'est pas soumis, en vertu de nos lois, à l'enregistrement. Les changements de régimes qui surviennent à la suite d'un décès, parce qu'il y a des liquidations de régime au décès, non plus ne sont pas notés, de même que dans le cas d'absence, dans le cas de remariage, etc.

La sanction d'inopposabilité qui avait été développée en 1969 a donc une portée extrêmement limitée par rapport à certains régimes matrimoniaux. C'est assez discriminatoire puisque les autres sont opposables dès le moment où ils existent alors que certains d'entre eux ne sont opposables qu'à compter du moment où ils sont enregistrés. On pourrait penser que les tiers pourraient souffrir préjudice et que, par conséquent, l'enregistrement était nécessaire pour les protéger. Là-dessus - encore une fois, je m'excuse d'être un peu technique -pour que les contrats en général et les contrats de mariage n'échappent pas à cette règle générale des contrats quand les contrats causent un préjudice à un tiers, à un créancier, par conséquent, l'action paulienne des articles 1036 et suivants permet dans l'année de la connaissance d'un préjudice qui est causé par le fait d'un contrat, donc d'une convention entre les parties, d'en soulever la nullité. On a déjà également, pour la protection des tiers, pour les contrats en général - vous retrouvez peut-être là le professeur qui traite des obligations et je m'en excuse - également une technique qui vise à protéger les tiers. Actuellement - ce n'est pas à moi à le dire, M. le ministre - il y a une étude sur les régimes...

Non. Je l'ai déjà mentionné.

Vous l'avez déjà mentionné. Je reprendrai donc ce que vous avez déjà dit. Le livre premier, Des personnes, qui propose la réforme des actes civils est actuellement au ministère, en gestation, à l'étude, en train de s'élaborer. (21 h 30)

L'une des préoccupations du ministère, c'est d'en arriver, si possible, à créer un registre central, complet cette fois, de l'état et de la capacité des personnes, c'est-à-dire les actes traditionnels de la naissance au mariage, mais, également, les contrats de mariage, les changements qui surviendront dans les régimes matrimoniaux, de façon à fournir au tiers, qui a besoin de savoir si l'un est marié ou pas marié, s'il est marié sous un régime ou sous tel autre régime, donc qui a besoin d'avoir de l'information pour déterminer son comportement contractuel à tout le moins ou, parfois, pour l'exercice de ses recours en justice, un lieu d'information objective qui permettrait de connaître l'état et la capacité des personnes en tout temps. Donc, dès que ce registre pourra être mis sur pied et qu'il pourra remplacer l'ensemble des petits registres qui ne sont pas utiles présentement par rapport à l'état matrimonial et à la capacité, on pourra fournir au tiers un instrument d'information ou un support d'information qui va lui permettre de se renseigner en tout temps.

Ce matin, quand on parlait de la résidence familiale, on a souvent fait état de l'absence au Québec d'un registre central où un tiers pourrait aller vérifier l'état matrimonial de quelqu'un et, ensuite, pourrait se comporter en conséquence par rapport aux actes juridiques qu'il a à poser avec ces différentes personnes. Cela fait substantiellement le tour du dossier en ce qui me concerne.

Je suis porté à remercier M. le professeur de son exposé qui, je pense, était très important étant donné l'importance du

geste que nous posons, on avait besoin qu'on détaille un peu plus au niveau des raisons.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre, pour les générations futures, vu que tout le témoignage de M. Guy est porté à votre nom, vous allez paraître très savant!

M. Bédard: C'est pour ça que je tenais à le dire, mais on s'en rendra facilement compte.

M. Marx: Les étudiants, à l'avenir, vont se demander l'intention du législateur, qui a parlé.

M. Forget: L'important, c'est de voir clair.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Pour répondre à une interrogation, on a parlé tout à l'heure de ce qui existait dans la pratique notariale. Je vous dis sincèrement que, dans ma région, à ma connaissance, jamais a-t-on recours au registre central des régimes matrimoniaux, sauf dans le cas où il nous arrive un individu qui se dit divorcé et qui ne peut nous exhiber le document de divorce ou encore dans le cas d'un individu qui est marié, qui n'a pas son régime matrimonial, qui n'a pas le nom du notaire, qui ne sait rien. À ce moment, on y a recours. Le recours n'est pas souvent utilisé parce que ça amène des délais. Quand vous êtes en train de rédiger un acte entre deux parties, que tout le monde est là, autant que possible on appelle le notaire qui a fait l'acte, qu'il soit n'importe où dans la province, et on lui dit: Donne-moi le régime matrimonial d'un tel. Peut-être la pratique n'est-elle pas bonne, mais...

M. Forget: Je suis sûr qu'il y aurait beaucoup d'autres choses à retenir des propos qu'on vient d'entendre de Me Guy, mais je retiens deux choses - on me corrigera si j'ai mal compris - d'une part, que l'opposabilité d'un contrat envers les tiers est la règle générale, mais qu'il existe à ça une exception dans le cas des contrats affectant les immeubles et que, à cet égard, l'exception est fort importante puisqu'elle détermine l'ordre de priorité des droits réels relatifs à l'immeuble. D'autre part, même s'il y a des difficultés pratiques dans les nombreux fichiers actuels, le principe de la divulgation publique de l'état matrimonial, du régime matrimonial est reconnu comme étant valable, comme étant encore pertinent à notre époque, si bien qu'on nous annonce, en quelque sorte, que, dans un autre chapitre portant sur les personnes et la capacité, etc., on élaborera des solutions à ce problème de manière que cette information soit plus efficacement accessible.

Si tel est le cas, j'observe en plus que la modification du régime matrimonial dans presque tous les cas, et certainement pas moins après l'adoption du nouveau Code civil qu'avant, affectera des droits réels sur des immeubles. Il n'y a presque pas de cas... Puisqu'on affecte la résidence familiale, on affecte la disposition d'un bien réel, dans presque tous les cas, le contrat de mariage donc, même s'il n'est pas essentiellement un contrat portant sur des immeubles, affecte les immeubles, dans un nombre très élevé de cas, affecte les immeubles. Donc, il semblerait sur cette base appartenir à cette catégorie de contrats pour laquelle l'opposabilité dépend d'un avis ou d'une signification ou d'une publicité quelconque à l'endroit des tiers.

Il me semble que, tout en tenant compte des difficultés pour l'instant, etc., il reste qu'il est bien difficile d'adopter un chapitre d'un nouveau Code civil en se basant sur l'état du reste du Code civil comme s'il n'était pas pour changer, parce que je pense que nous sommes tous conscients que nous abordons un processus de révision de l'ensemble du Code civil. Il serait peut-être imprudent de baser la réforme sur ce chapitre comme si rien d'autre n'allait changer. Est-ce qu'à ce moment, il ne serait pas plus normal, tenant compte de la nature du contrat de mariage et de ses effets presque constants sur des droits touchant des immeubles et du fait qu'on n'a pas du tout l'intention d'abandonner la publicité des contrats de mariage, des régimes matrimoniaux vis-à-vis des tiers, de conclure dans ce chapitre qu'eu égard aux tiers, les modifications d'un régime... On pourrait même vouloir ajouter dans la mesure où ils affectent des droits relatifs à des immeubles, si on veut se conformer le plus près possible à l'indication qu'on nous a donnée que tous les contrats qui affectent les immeubles ne sont opposables aux tiers que dans la mesure où les tiers en seront saisis. Je peux comprendre qu'il y a peut-être un certain nombre de contrats de mariage, de régimes matrimoniaux qu'on peut modifier et où les parties n'ont pas de biens immobiliers. S'ils en ont, à ce moment, je pense qu'ils appartiennent à la catégorie de ces contrats qui affectent les immeubles.

Un dernier argument qui n'a pas une valeur universelle. Me Guy a dit au début: Si on doit envisager un délai entre la date où prend effet entre les parties l'acte constatant le changement de régime et le moment où il est déposé formellement et que, pendant cette période, il y aura un régime légal, supposons qu'on est dans la société d'acquêts, au moment de la publication du dépôt de l'avis, il faudra liquider ce régime et cela pose un problème.

Pour ce qui est de l'avenir, je ne pense pas que le problème soit majeur. Si, par exemple, et ce sera probablement la situation la plus fréquente, on se marie sans contrat de mariage et qu'après un certain nombre d'années, on en contracte un, pour le régime de société d'acquêts, dans le fond, il n'y a pas tellement d'inconvénients à ce qu'il se continue durant cet intervalle parce que, dans le fond, ce sont les propres qui continuent, à ce moment, d'être les propres de chacun des conjoints. Il n'y a donc rien à liquider dans le fond.

La seule chose qu'il faudra liquider, ce sont les acquêts. Mais, vis-à-vis des tiers, il y a toute chance que les immeubles sont dans les propres et non pas dans les acquêts. Ce qui veut dire que le problème de l'intervalle ne posera pas tellement de problème vis-à-vis des tiers, c'est-à-dire qu'il qu'il n'y aura pas un régime à liquider vis-à-vis des propres. Je pensais à un problème qui est théorique mais qui, en pratique, ne se poserait probablement pas, encore qu'il faudrait analyser toutes les possibilités, mais il me semble que même si la possibilité théorique existe qu'il faudrait avoir un régime intérimaire, en pratique il y a peu de chance que ce soit un problème majeur.

M. Bédard: Je pense qu'il faut dire que les articles 804 et suivants du Code civil du Bas-Canada continuent d'être en vigueur jusqu'à ce qu'ils soient abrogés. L'office propose complètement leur abrogation dans la réforme générale. L'enregistrement au bureau d'enregistrement des contrats de mariage comportant des donations, quand il y a transfert de propriété, d'un immeuble, en particulier, dont la description apparaîtrait à l'acte même, évidemment, comme il s'agit d'un acte transférant la propriété, il faudrait bien, pour son opposabilité au tiers, qu'il continue d'être enregistré, mais c'est l'article 2098 du Code civil que les notaires connaissent fort bien.

Donc, les contrats de mariage comportant des donations de biens meubles ou de biens immeubles continueront, dans l'état actuel du droit, à être soumis au bureau d'enregistrement du lieu du domicile ou du lieu où se trouve l'immeuble dans le cas où il y a également des immeubles qui sont affectés.

M. Forget: ...tiers malgré tout avant l'enregistrement.

M. Bédard: Non, pour ce qui est de ces deux cas particuliers, l'effet est lié actuellement dans le code, en vertu des articles 804 et suivants, à l'enregistrement. Je pense que cela est assez important, mais les autres dispositions qui n'ont pas trait, si vous voulez, à des donations de biens meubles ou immeubles auraient effet à compter du contrat lui-même. Sauf que l'article 473 du projet de loi no 89 insiste quand même pour dire qu'un avis de tout contrat de mariage doit être donné à la personne chargée de tenir le registre central des régimes matrimoniaux. Même si on a détaché la règle d'inopposabilité tant et aussi longtemps que le contrat de mariage n'est pas enregistré, il reste que la règle exigeant l'enregistrement est maintenue, de sorte que la publicité de ces régimes-là va continuer de se faire via ce registre central des régimes matrimoniaux. Ce n'est donc que le petit aspect, important, je le reconnais, de l'opposabilité de ce que contient un contrat de mariage sous réserve des articles 804 et suivants du Code civil; ce serait opposable à compter du contrat. Et ça, ça l'est pour tout autre contrat, encore une fois, et cela permet également aux tiers d'invoquer l'inopposabilité de ces contrats de mariage chaque fois qu'ils en subissent un préjudice et ça par application des articles 1032 et suivants du Code civil, action paulienne, si vous voulez. Cela n'est pas changé, c'est une règle générale qui va continuer de s'appliquer. En d'autres termes, dans cette opération-là, au-delà peut-être d'une discussion très théorique, il n'y a pas beaucoup d'application pratique parce qu'on n'observe peut-être pas d'une façon très stricte la disposition de l'article 1266b. Nous avons également consulté un notaire spécialiste de ces questions pour voir ce qu'il en pensait et son avis était que pour décréter l'inopposabilité absolue, comme le faisait l'article 1266, il faut que le registre soit très complet, très sûr, un peu comme le sont nos bureaux d'enregistrement quant aux immeubles C'est quelque chose de très sûr, enfin de façon aussi parfaite que possible, ce qui n'est pas actuellement au registre central. Je pense que c'est important de dire que ce n'est pas une règle qui est abandonnée pour toujours, mais c'est une réévaluation qui se fait actuellement à propos de la réforme du livre premier et du registre central des actes de l'état civil et des états matrimoniaux.

M. Forget: Bon!

Le Président (M. Laberge): Ça doit répondre à quelques questions. L'article 464 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. On nous suggère un amendement à l'article 465, à l'effet de remplacer le deuxième alinéa par le suivant: "Le titulaire de l'autorité parentale ou, le cas échéant, le tuteur doivent être appelés à donner leur avis". (21 h 45)

M. Mathieu: C'est "doivent"?

Le Président (M. Laberge): Non. C'est le titulaire ou le tuteur qui doivent...

M. Mathieu: II me semble qu'on devrait le mettre "doive", au singulier. Il y en a seulement un qui va donner l'avis.

Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'il peut y avoir les deux?

M. Bédard: C'est dans l'ordre des possibilités. C'est pour ça qu'on a employé "doivent".

Le Président (M. Laberge): Article 465. D'abord, est-ce que vous adoptez la modification? Est-ce qu'il une remarque à propos de "doivent" ou si on le laisse?

M. Bédard: Laissez-le; c'est cela.

Le Président (M. Laberge): Alors "doivent" reste.

M. Bédard: L'amendement est adopté.

Le Président (M. Laberge): Amendement, adopté. L'article 465 amendé est-il adopté?

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, encore ici, je vais demander pourquoi on a modifié la recommandation 73 de l'Office de révision du Code civil, disant: "Les conventions matrimoniales d'un mineur non autorisé à se marier ou d'une personne en tutelle sont nulles de nullité absolue." Évidemment, la formulation est différente. On suppose que c'est d'un mineur non autorisé à se marier. Je ne sais pas ce qu'on a voulu dire exactement par cela. S'il est non autorisé à se marier, même pas par une dispense du tribunal, il est sûr qu'il n'y aura pas de mariage. Le mariage est nul; donc, la convention matrimoniale est nulle. J'imagine que ce n'est pas cela qu'on a voulu dire. On a voulu dire que, même après dispense, le mineur ne pouvait pas, en quelque sorte, consentir à une convention matrimoniale et que, s'il le faisait, c'était nul de nullité absolue. Je pense bien qu'on a voulu éliminer cette nullité absolue des conventions matrimoniales d'un mineur, mais on intervient ici par le tribunal plutôt que simplement par le consentement du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur. On peut se demander pourquoi le tribunal intervient si le tuteur, le titulaire de l'autorité parentale est d'accord, parce qu'il n'y a quand même pas de conflit entre les deux.

M. Bédard: II y a un alignement de cet article avec celui de la dispense d'âge. C'est lié.

M. Forget: Oui, bien sûr. C'est un point que je n'ai pas soulevé, mais...

M. Bédard: C'est un peu lié à cela en ce sens que le mineur demande au tribunal, par sa requête, l'autorisation de se marier et, en même temps, soumet ses conventions matrimoniales pour éviter d'avoir deux requêtes. II peut le faire en deux temps, mais règle générale...

M. Forget: II semble qu'il serait sage qu'il le fasse en deux temps, parce que, autrement, dans sa première requête pour la permission de se marier, s'il fait les dépenses d'un contrat de mariage et que la permission lui est refusée, il aura une tendance naturelle à faire la requête en dispense et, après cela, soumettre le contrat.

M. Bédard: Je voulais dire que ce n'est pas interdit de le présenter dans la même requête. Il peut le présenter de façon séparée. Dans les deux cas, on s'en était remis au tribunal, parce que c'est, dans un premier cas, celui qui l'autorisait, puisque, actuellement, de toute façon, même quand il est autorisé par ses parents, il faut que les conventions matrimoniales, en vertu de l'article 1262, soient autorisées par le tribunal ou par le juge, sur avis du conseil de famille. Actuellement il s'agit d'un mineur qui fait des conventions matrimoniales en vertu de l'article 1262.

Pour éviter, encore une fois, des procédures différentes, il y a été suggéré que le tribunal, dans les deux cas, autorise à la fois le mariage et peut-être, dans un deuxième temps - qui sera probablement la règle plus courante que vous mentionnez -qu'il autorise les conventions matrimoniales simplement en appelant les parents pour connaître leur avis, mais en n'étant pas soumis à la règle actuelle de l'article 1262 qui dit que le conseil de famille doit être convoqué, qu'il doit formellement donner son avis et que c'est ensuite que les conventions matrimoniales sont autorisées. C'est une simplification sur le droit actuel.

M. Forget: Je le comprends, mais il reste, de toute façon, que tout cela est entre parenthèses dans un certain sens, parce que s'il ne devait pas y avoir d'autorisation ou de dispense de mariage pour les moins de 18 ans, on n'aurait pas besoin de s'occuper de cela. Raison de plus, peut-être . Il reste que je peux comprendre le raisonnement de faire donner la dispense par le tribunal plutôt que par la famille. On en a discuté à ce moment-là. Je pense que la pression sociale de la famille peut être très intense et je pense que ça prend un arbitre un peu plus loin pour voir vraiment si l'intérêt du mineur lui-même est conforme au voeu de sa famille qu'il se marie, si c'est le cas.

Mais une fois que cette question est tranchée et pour éviter le légalisme inutile, je crois que ce serait assez puisque, à notre époque, après tout, les conventions matrimoniales, contrairement au XIXe siècle, ne sont plus des espèces d'ententes patrimoniales entre familles. Il y avait la dot là-dedans, probablement, et il y avait toutes sortes de considérations qui sont étrangères à nos moeurs et qui vont probablement le demeurer. Une fois qu'un tribunal a dit: D'accord, ils peuvent se marier, est-ce que ça ne serait pas suiffisant? Quant à la deuxième étape d'aller encore en cour, peut-être une deuxième fois, pour faire approuver la convention matrimoniale, si le tuteur ou les titulaires de l'autorité parentale sont d'accord, je me pose la question: Est-ce qu'il est vraiment nécessaire que la cour s'intéresse aux questions patrimoniales?

M. Bédard: Le problème, c'est la lésion. Il s'agit de s'assurer que le mineur ne consent pas à un contrat de mariage à ce point lésionnaire; le regard du tribunal, c'était pour ça. Actuellement, c'est le tuteur, quand il y en a un, le conseil de famille et l'autorisation du tribunal pour protéger la lésion. C'est une question de lésion.

M. Mathieu: II semblerait... Excusez, M. le ministre.

M. Bédard: J'avais une préférence pour que le tribunal continue d'intervenir, parce qu'il peut y avoir des contrats de mariage très importants concernant des mineurs où des immeubles sont concernés. Je crois que le fait de garder le tribunal dans le portrait constitue une sécurité non pas superflue, mais nécessaire dans les circonstances.

M. Mathieu: II me semble que l'expérience ne doit pas avoir démontré tellement de choses lésionnaires dans le passé pour les contrats de mariage par un mineur.

M. Bédard: Ils sont déjà, en vertu de l'article 1262, obligatoirement autorisés par le tribunal, sur avis du conseil de famille. Enfin, les précautions étaient prises. En pratique, je pense bien qu'il ne devait pas y avoir de source de lésion à cause du processus. Maintenant, il n'y a pas de conseil de famille prévu ici, sauf que le tribunal prend leur avis, les convoque s'ils veulent venir donner leur avis. Il y a une simplification de la procédure actuelle, en d'autres termes. Mais ça ne va pas aussi loin que celle de le faire autoriser par le titulaire de l'autorité parentale.

M. Mathieu: J'aurais une question, Me Guy. Qu'est-ce qui se passerait lors d'un contrat de mariage signé le 23 décembre, la loi entrant en vigueur le 27 décembre et le mariage étant célébré le 2 janvier? Est-ce que le contrat de mariage serait soumis à l'ancienne procédure ou à la nouvelle procédure?

M. Bédard: C'est assez précis; voulez-vous me répéter les faits?

M. Mathieu: II va y avoir, je ne sais pas, des règles de transition prévues pour les contrats de mariage qui seront faits avant l'entrée en vigueur de la loi et le mariage célébré après l'entrée en vigueur de la loi. Si c'est prévu, ne cherchez pas; on le verra quand on arrivera là-dessus.

M. Bédard: Les contrats en général qui ont été conclus avant la mise en vigueur de la loi obéissent aux règles de validité alors existantes, à moins d'établir une rétroactivité dans l'effet de la loi pour venir les rendre invalides. Je ne crois pas que ce soit le cas.

M. Mathieu: Le contrat prend effet le jour de la célébration du mariage.

M. Fontaine: Si la célébration a lieu avant la mise en vigueur de la loi, ce ne sera pas applicable.

M. Mathieu: Oui, mais sa validité n'est pas atteinte; c'est simplement son effet qui est retardé. Sa validité, comme contrat, me semble-t-il, ne serait pas mise en question, sauf que son effet est retardé.

M. Bédard: II est régi par les règles en vigueur au moment où les gestes devant être posés sont posés.

M. Forget: M. le Président, sur l'article 465, j'ai exprimé des réserves. Je me sens obligé de mentionner que la solution que nous préférons, comme nous l'avons indiqué au moment des questions relatives au mariage lui-même, c'est que le mariage entre mineurs ne soit pas permis. Il est évident que c'est la solution radicale et préférable. Si on insiste, à tout prendre, pour avoir malgré tout le mariage entre mineurs, je ne sais plus comment conclure. Plus, on met l'exigence d'aller devant les tribunaux, plus on rend la chose difficile, plus on atteint indirectement le même but, celui de décourager le mariage entre mineurs puisqu'il faut tout faire approuver par les tribunaux. Je me dis que, si c'est vraiment cela, cela illustre assez bien que, si on sent nécessaire de faire intervenir le tribunal à chaque virage, bien, mon Dieu... Est-ce que la vraie solution, ce n'est pas tout simplement d'éliminer cette possibilité, puisqu'on se rend bien compte qu'à la fois sur le plan patrimonial, sur le plan de l'opportunité du

mariage, on y voit toutes sortes de dangers? La conclusion est assez claire.

M. Bédard: Je me rappelle la discussion qu'on a eue pas plus tard qu'hier. On parlait de dispense entre 16 et 18 ans et des intervenants en étaient à d'autres cas d'exception, même en bas de 16 ans. Je pense que, dans un temps de transition, il est clair que l'intention est de garder au moins une dispense entre 16 et 18 ans.

M. Forget: Vous nous annoncez qu'après réflexion, c'est la façon dont vous concluez.

M. Bédard: II y en aura d'autres. On aura l'occasion de le reprendre. Je voulais quand même évoquer que, même en bas de 16 ans, il y avait quand même des membres de la commission parlementaire qui nous parlaient de possibilité...

M. Forget: Ah, oui?

M. Bédard: Bien, oui. À un moment donné, cela a été même évoqué hier.

M. Forget: Je devais être absent à ce moment-là.

Il y a certains textes de la loi qui mentionnent en bas de 16 ans, mais ce ne sont pas des suggestions qu'on a faites.

M. Bédard: Non. Ce n'était pas à titre de suggestions, c'était peut-être à titre de réflexion. Je n'identifie pas le côté de la table qui se référait à des situations exceptionnelles de mariage en bas de 16 ans à propos desquelles il faudrait prévoir des choses.

M. Forget: Le chapitre des nullités prévoit une nullité absolue en bas de 16 ans et une nullité relative entre 16 et 18 ans. C'est une chose. Encore une fois, je ne veux pas qu'on se méprenne sur notre intention de ce côté-ci de la table du moins. Elle était carrément d'éliminer la possibilité d'une dispense en bas de 18 ans. Enfin!

M. Bédard: Un moyen d'éviter cette deuxième requête dans le cas de 465 serait pour le mineur de se marier sous le régime idéal: la société d'acquêts.

M. Forget: Ah, bien oui. C'est vrai.

M. Bédard: Le régime légal. Il pourrait éviter cela et ça augmenterait le pourcentage de popularité du régime légal.

M. Forget: C'est une façon indirecte de mousser la popularité du régime. Je ne sais pas si c'est tout à fait correct.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 465 sera adopté tel qu'amendé? M. Fontaine: ...mineurs.

M. Forget: M. le Président, je pense que, si on l'adopte, ce sera pour l'instant sur division parce que, dans le fond, on a suspendu l'article permettant ce genre de mariage. On n'a pas encore tranché. Je ne voudrais pas qu'après, on nous dise qu'on l'a tous accepté, puisqu'on a accepté une conséquence juridique du fait qu'il y a des mariages...

M. Bédard: Non. Je suis capable de faire les distinctions.

M. Forget: Les concordances, le cas échéant.

M. Bédard: Enregistrons les réserves du député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Laberge): Adopté sur division.

M. Bédard: Je ne sais pas si c'est nécessaire de faire une division, mais j'enregistre les réserves.

M. Forget: Malgré tout, même s'il était retenu, je pense qu'on a beaucoup de juridisme là-dedans.

Le Président (M. Laberge): Votre remarque est enregistrée. J'appelle l'article 466. Y a-t-il des commentaires particuliers? (22 heures)

M. Forget: Je vais le relire.

M. Bédard: II n'y a pas de commentaires particuliers, ça reprend substantiellement la règle du deuxième alinéa de l'article 1262 du Code civil.

M. Forget: C'est le principe de la lésion des mineurs appliqué au contrat de mariage.

M. Mathieu: J'aurais une remarque relativement à l'article 1262, je m'adresse à Me Guy. C'est que je n'ai jamais vu, dans la pratique notariale, soumettre le contrat de mariage à l'approbation du tribunal; on dit, à 1262: "Le mineur, habile à contracter mariage, peut consentir toutes les conventions dont ce contrat est susceptible, pourvu qu'il soit assisté de son tuteur ou de son curateur, s'il en est." Comme dans 99,9% des cas il n'y a pas de tuteur, s'il n'y en a pas, on ne lui en nommera pas un juste pour l'autoriser à faire le contrat de mariage.

M. Bédard: C'est une des lacunes qu'il

faut essayer de corriger. Dans trop de cas il n'y a pas de tuteur; c'est quand même important un contrat de mariage, il y a peut-être avantage à ce qu'il y en ait un.

M. Mathieu: Un mineur, en principe, n'a jamais de tuteur, sauf si on lui en donne un pour motif de réclamation.

M. Bédard: Tout ce que je veux dire c'est que pour un contrat aussi important qu'un contrat de mariage, peut-être serait-il important de faire en sorte qu'il y ait un tuteur, parce que ça a quand même des conséquences pour l'avenir.

M. Mathieu: Je suis d'accord sur ce principe, mais ce qui se passait dans la pratique avant, supposons que les deux parents étaient décédés et qu'on avait nommé un tuteur au mineur, là le tuteur devait intervenir, on devait avoir l'autorisation du tribunal; mais si le père ou la mère du mineur sont présents, on fait intervenir un des deux pour consentir au contrat.

M. Bédard: II y a des distinctions que vous faites.

M. Forget: Si je lis bien l'article 1262, je ne sais pas s'il y a une faute d'ortographe dans l'article, mais l'autorisation du tribunal s'applique au tuteur ou au curateur et non pas aux stipulations de la convention matrimoniale, parce que c'est au singulier. D'après ce que je lis, c'est le tuteur ou le curateur autorisé par le juge et non pas les conventions, parce que les conventions, c'est féminin et "autorisés" est au masculin.

M. Bédard: Par application de 1262 -évidemment on en est à faire de l'interprétation de cet article - quand il y avait lieu d'aller devant le tribunal pour se faire autoriser il est bien sûr qu'il fallait soumettre la convention de mariage parce que, autrement, il n'aurait pas été nécessaire, enfin, ça aurait porté à vide de demander simplement au juge une autorisation sur la base d'aucune convention.

M. Forget: Mais vous me dites qu'effectivement, c'était sur la base de la convention.

M. Bédard: Avec les distinctions que faisait cependant M. le député de Beauce-Sud; ce n'est pas dans tous les cas qu'il fallait y aller, mais dans les cas où il fallait aller devant le tribunal, il fallait présenter le projet de convention matrimoniale pour que le juge le regarde et voie s'il y a des clauses dites lésionnaires pour le mineur.

M. Mathieu: Justement, c'était dans les cas d'exception qu'on devait aller devant le tribunal, parce qu'on dit, à la fin de l'article: "ainsi que des autres personnes dont le consentement est nécessaire pour la validité du mariage"; alors la loi dit que c'est ou le père ou la mère.

M. Forget: Alors, ce qui était une exception, on en ferait maintenant une règle générale dans 865.

M. Bédard: C'est cela.

M. Mathieu: Ce n'est pas que je sois contre cela, mais c'est pour rafraîchir la mémoire.

M. Bédard: Cela met évidemment le poids sur le mineur et comme, dans cet esprit, les parents, en fait, ne sont plus ceux qui autorisent le mineur à se marier, de même aussi, dans cette même logique, ce n'étaient plus les parents, si vous voulez, de façon générale, ou le tuteur autorisé, etc., dans les cas qui le permettaient, qui approuvent le projet de contrat de mariage, mais également le tribunal. C'était lié, si vous voulez, dans une sorte de...

Le Président (M. Laberge): L'article 466 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 467 est appelé.

M. Bédard: L'article 467 reprend l'article 1263 du Code civil. Il le complète in fine pour tenir compte de la possibilité pour les époux de modifier leur régime ou leurs conventions matrimoniales après le mariage.

M. Fontaine: Ils ont le droit de vote, ils peuvent bien se marier.

Le Président (M. Laberge): L'article 467 est adopté. J'appelle l'article 468.

M. Bédard: Cet article reprend substantiellement le deuxième alinéa de l'article 1264 du Code civil et précise que c'est par contrat de mariage que ces changements aux conventions matrimoniales doivent être effectués. La forme des contrats de mariage est déterminée à l'article 471.

M. Forget: On reproduit le deuxième alinéa. On ne reproduit pas le premier et on ne reproduit pas non plus le premier alinéa de la recommandation 75 de l'Office de révision du Code civil qui stipulait que les conventions matrimoniales doivent être, à peine de nullité absolue, constatées avant la

célébration du mariage par acte notarié en minutes. Il semblerait que le nouvel article 468 soit dépourvu de sanction.

M. Bédard: Le texte de l'article 471 c'est pour information et il complète l'article 463.

Le Président (M. Laberge): L'article 471 parle de nullité absolue.

M. Bédard: C'est cela, de nullité absolue. L'article 463 parle de l'exigence du contrat de mariage et l'article 471 dit que les contrats de mariage doivent être notariés et porter minutes. Il s'est élevé une discussion qui a eu ses échos dans les revues; en particulier, un notaire en a aussi fait la critique. On n'a pas su avec certitude comment s'appelait le changement de régime matrimonial. Est-ce que cela s'appelait un contrat de mariage? On avait l'habitude d'appeler contrat de mariage celui qu'on faisait une fois pour toutes avant 1969. En 1969, on a introduit la possibilité de changer son régime matrimonial ou d'en modifier certaines clauses, mais cet acte notarié, ce deuxième, j'entends, on n'a jamais su comment cela s'appelait. Tout le monde l'appelait un acte en minutes, mais les juristes, les auteurs se demandaient: Faut-il également l'appeler un contrat de mariage? Alors, il nous est apparu qu'il valait mieux régler ce problème d'une façon très claire dans le texte de loi et les appeler tous les deux des contrats de mariage.

Dans un cas, c'est un contrat de mariage qui en modifie un autre qui lui était antérieur. Dans les deux cas, cependant, sous peine de nullité, et là nous reprenons le premier alinéa de l'article 475 pour dire qu'ils doivent être faits sous forme notariée, en minutes, etc.. Il n'y a pas de changement, si vous voulez, quant à l'exigence stricte de la forme.

M. Forget: C'est très élégant comme solution, mais est-ce qu'on définit dans le texte que le contrat de mariage comprend une modification à un contrat de mariage ou s'il faut le comprendre entre les lignes?

M. Bédard: À la fin de l'article 468, où il est question de modification, il est indiqué qu'elles doivent être faites... Cela nous a amenés, à cause de la concordance que vous avez voulu souligner, à l'indiquer presque partout, mais c'est un terme de référence plus facile que d'autres.

Le Président (M. Laberge): L'article 468 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Un instant.

M. Forget: Un instant. À l'article 468, je ne veux pas soulever de question de virgule, mais j'imagine que ce n'est pas contraignant, l'expression "avec le consentement de tous ceux qui ont été parties au contrat de mariage". Entre les deux événements, il peut s'écouler un certain nombre d'années.Qu'est-ce qui arrive s'il y a des gens qui sont disparus, qui sont morts, etc.? Est-ce que tout simplement on les considère comme...

M. Fontaine: C'est entre le contrat et le mariage. Une couple de semaines. C'est avant le mariage.

M. Forget: Ah oui, avant le mariage, c'est juste.

M. Bédard: C'est très court comme intervalle en général.

M. Mathieu: Un mois, une semaine. M. Fontaine: S'il y avait un décès? M. Mathieu: L'acte est nul. Une voix: II n'y a pas de mariage.

M. Fontaine: Non, le décès d'une personne présente.

M. Bédard: Je pense que ce n'est pas fréquent - on nous le confirmera maintenant dans la pratique, les donateurs, les tiers qui interviennent dans les contrats de mariage. Au temps où j'ai aussi exercé -ça remonte à plus de 25 ans - des tiers qui venaient au contrat de mariage pour faire des donations, c'était déjà éminemment rare. Je ne sais pas s'il y en a aujourd'hui effectivement.

M. Mathieu: C'est très rare.

M. Bédard: Et ils ne meurent pas tous, au surplus.

Une voix: Malheureusement.

M. Bédard: Donc, le risque et minime.

M. Forget: C'est plutôt pertinent à l'article subséquent, mais l'homologation par le tribunal est supprimée.

M. Bédard: Oui, mais c'est dans le cadre de l'article suivant.

Le Président (M. Laberge): L'article 468 est adopté. À l'article 469, on nous propose la modification suivante: remplacer au troisième alinéa les mots "l'année" par

l'expression "le délai d'un an à compter du jour". C'est au dernier alinéa; le premier mot de la deuxième ligne est remplacé par "le délai d'un an à compter du jour où ils ont eu connaissance, etc." Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Est-ce que l'article 469, modifié ou amendé, est adopté?

M. Forget: Juste une précision, M. le Président. Je comprends qu'on a voulu rendre plus faciles et accessibles les modifications aux régimes matrimoniaux en supprimant l'homologation, donc une procédure judiciaire. Est-ce qu'il serait opportun, à ce moment-ci, de souligner les objections possibles qui auraient pu être considérées et les réponses que le ministère juge satisfaisant d'apporter à ces objections à la suppression de l'homologation?

M. Bédard: D'abord, on a fait état de l'intérêt de la famille que prenait en considération le tribunal dans l'homologation, de même que la protection des tiers. Je pense que ce sont les deux points qui reviennent dans le cadre de l'article 1265 du Code civil. La pratique n'a fait ressortir aucun cas de refus d'homologation sur la base de l'intérêt de la famille. Il est possible que ce soit très théorique parce que, dans notre système juridique, on a une sorte de liberté presque absolue de choix du régime matrimonial. On peut se marier en séparation de biens parce que le législateur reconnaît que, si les époux trouvent que c'est dans leur intérêt, ils peuvent l'adopter. Cela va encore plus loin que ça. Pour prendre l'exemple de la communauté ou même en société d'acquêts, on peut convertir ce régime si on trouve qu'il y a mauvaise administration et on dit dans ces cas-là qu'on tombe automatiquement en séparation de biens.

Donc, il semble qu'il y ait chez nous, comme philosophie générale des régimes matrimoniaux, une sorte de liberté assez totale de se marier sous l'un ou sous l'autre des régimes et que cela est laissé à la discrétion des parties pour ce qui est du premier contrat, quand on le choisit au début.

Quand des gens qui sont mariés sous le régime de la séparation de biens veulent changer pour la société d'acquêts ou des gens qui sont en communauté de biens désirent la société d'acquêts ou encore des gens qui sont en communauté de biens désirent changer pour la séparation de biens, on ne connaît absolument pas de restrictions par rapport à l'intérêt de la famille pour la raison toujours très simple que le changement est, en principe, autorisé. Donc, il ne semble pas que le fait de l'homologation préserve les intérêts de la famille, puisqu'ils ne semblent pas entrer en ligne de compte, comme, chez nous, il n'y a pas, au plan du droit successoral, en tout cas, à conserver le patrimoine, parce qu'il n'y a ni réserve en faveur des enfants ni réserve, actuellement, en faveur des conjoints ou autres limites. (22 h 15)

Par ailleurs, pour ce qui est des tiers, l'article proposé à 469 qui reprend effectivement la protection qui est accordée à l'article 1265 paraît suffisant pour les tiers, puisque les tiers qui pourraient souffrir un préjudice d'un changement de régime... C'est possible; on a vu seulement des choses théoriques. On n'a pas encore de jurisprudence et de cas pratiques. Encore là, c'est théorique, mais la règle les protège, puisque l'article 469 dit que les créanciers, s'ils en subissent préjudice, peuvent, dans le délai d'un an à compter du jour où ils ont eu connaissance des modifications apportées au contrat de mariage, les faire déclarer inopposables. Donc, leurs droits sont pleinement protégés, puisqu'ils ont une année de la connaissance.

Au surplus, les créanciers ont un avantage vis-à-vis du contrat de mariage, un avantage que n'ont pas les créanciers par rapport aux actes ordinaires, parce que les créanciers, par rapport aux actes ordinaires, quand cela cause préjudice, ont l'action paulienne à laquelle je faisais allusion tantôt, soit les articles 1032 et suivants. Mais dans le cas de l'action paulienne, il faut prouver l'intention frauduleuse en plus du préjudice. Mais dans le cas des régimes matrimoniaux, les créanciers qui subiraient préjudice du seul fait d'un changement provenant des époux pourraient invoquer le préjudice sans avoir à faire la preuve assez lourde parfois de l'intention frauduleuse. Donc, il y a là, il nous paraît, une protection suffisante et, en somme, j'ai aussi vérifié. Cela avait été emprunté en 1969 du système français et, à mon avis, les emprunts comportent toujours certains risques. Dans le contexte du système français, cela s'expliquait. Je ne veux pas entrer dans ces détails, mais chez nous, il ne semble pas que ce soit nécessaire pour la protection des tiers, sans compter que c'est très coûteux comme système et que cela empêche...

J'ai posé la question au registre central. Il y a très peu de changements de régimes chez nous. Je ne sais pas si les gens sont très satisfaits des régimes qu'ils ont adoptés du premier coup. Mais il y a des notaires de la pratique à qui j'ai téléphoné qui m'ont dit: Si vous liquidez un régime de communauté, cela va coûter combien pour changer de régime? Parce que eux pensent que c'est simplement un autre contrat de

mariage. Alors, vous leur dites: II faut liquider votre premier régime. Il faut faire un nouveau contrat. Il faut faire une requête, des avis dans les journaux. On me dit que cela se situe entre $600 et $800 pour faire un changement. Alors, dès que les gens entendent ce genre d'appréciation des coûts, ils ne sont pas empressés de demander un changement de régime.

Parfois, cela pourrait être utile de changer de régime, puisque le principe est admis maintenant, après dix ans. Il est peut-être bon de l'assouplir, surtout si on préserve les droits des tiers. Quant aux droits des parties, cela demande le consentement de toutes les parties au contrat. Donc, il n'y a personne qui est excepté.

M. Mathieu: En ce qui concerne les créanciers, n'y aurait-il pas moyen, quand même - au lieu de laisser le délai d'un an après qu'ils en ont eu connaissance, si le créancier dit: J'en ai eu connaissance douze ans après que le contrat a été fait - de trouver une formule, de les dénoncer dans le contrat ou dans un acte quelconque et de les aviser, comme M. et Mme Untel/Unetelle changent leur régime matrimonial? Parce que là, on on va se ramasser avec des gens qui vont prendre connaissance du changement quinze ou vingt ans après.

M. Bédard: Oui, mais, en raison du dépérissement des preuves, ils vont avoir du mal à dire que le changement intervenu douze ou quinze ans auparavant a pu leur causer un préjudice dont ils ne se sont pas encore plaints. Il va y avoir des problèmes de dépérissement de preuves, j'ai l'impression, et cela risque d'être théorique, là aussi. Quand il y va de gros sous, comme dans le cas présent, et que ce n'est pas nécessaire pour la protection des droits, c'est une question qui relève davantage...

M. Mathieu: En ce qui concerne les règles du partage de la communauté ou de la société d'acquêts - on n'en fait pas mention ici; cela doit se trouver quelque part -supposons qu'un couple est marié en communauté de biens et il adopte par un nouveau contrat de mariage, un régime de séparation de biens, on reste quand même soumis à la liquidation du régime de communauté. Alors, ce sont nos règles prévues au Code civil de l'annexe qui vont prévaloir, j'imagine.

M. Forget: Dans le même esprit, M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget:.. quand on change de régime, comme ça, on peut, bien sûr, présumer, sans qu'il soit besoin que le Code civil le précise, que le changement de régime doit s'accompagner d'un bilan, en quelque sorte, de la liquidation du régime antérieur. Mais si le Code civil ne le précise pas, est-ce qu'il n'y a pas un danger qu'il ne soit plus possible de s'y retrouver? Il y a un exemple qui est cité dans le mémoire du Barreau et qui en vaut un autre. On a un régime originellement de société d'acquêts qu'on modifie pour le transformer en un régime de séparation de biens, on fait ça, on ne se donne pas la peine de décrire avec autre chose que des mots les biens qui sont ainsi retournés, en quelque sorte, à l'un ou l'autre des conjoints, on ne se donne pas la peine de faire un bilan, etc, on laisse passer des années et à un moment donné, intervient la dissolution du mariage et il faut s'y retrouver dans tout ça. Le problème du dépérissement de preuve est sensible à ce moment-là, mais ce n'est plus à l'égard des tiers, c'est quant aux conjoints entre eux.

Il y a eu, pendant un certain temps, des acquêts qui se sont accumulés, qui auraient dus être divisés. Mais on ne l'a pas fait soigneusement, on l'a fait par des indications vagues et générales, par la désignation nominale des biens, sans imputer de valeur, à ce moment-là, et il y avait probablement compensation de biens mobiliers pour des biens immobiliers, etc. Après des années, il n'est même plus possible de savoir à combien ça se chiffrait. À un moment donné, il faut liquider ça, mais il faut tenir compte de la période pendant laquelle il y a eu une société d'acquêts. À défaut d'homologation où, bien sûr, la cour pourrait exiger la production de ces choses, est-ce qu'il ne serait pas prudent de prévoir que le contrat de mariage qui modifie un contrat de mariage antérieur devrait être accompagné d'une cédule ou d'une annexe contenant au moins une description sommaire mais chiffrée des différents éléments de l'actif - selon les régimes, ça peut être des acquêts ou autre chose - de manière qu'on puisse se retrouver et que ça serve de preuve, dans le fond, que ce soit la meilleure peuve quand, vingt ans plus tard, il faut faire le bilan?

M. Bédard: À la dissolution des régimes - les notaires ont de l'expérience pratique là-dedans - il y a un partage qui se fait. S'il y avait un régime de communauté, avant le changement, ou de société d'acquêts et qu'on veut faire un changement pour la séparation de biens, il y a une liquidation, donc, il y a un acte de partage qui intervient, qui dresse l'état de la situation, d'une part. Quand ils adoptent un régime de société d'acquêts, je me demande si ce n'est pas déjà aussi la pratique d'établir quels sont les biens que les époux possèdent au moment du mariage. Je pense que, là aussi, ça se fait dans la pratique notariale, l'établissement d'une

cédule des biens.

M. Mathieu: Cela se fait, justement, pour simplifier, quand arrivera la dissolution, si on l'adopte par contrat de mariage... Dans le cas de modifications, c'est nécessaire. Les gens qui se marient pour la première fois, sans contrat de mariage, quand ils vont arriver à la dissolution, il va leur manquer certains éléments de preuve. Des gens nous disent quelquefois: Pourquoi faire un contrat de mariage si on se marie en société d'acquêts, on tombe sous le régime légal? La première raison, c'est justement pour avoir un élément de preuve, savoir ce qui était propre à chacun en se mariant, ensuite, possiblement, pour la clause d'institution contractuelle, parce que, souvent, il arrive une situation un peu pénible où un époux décède, où le survivant arrive et dit: Je voudrais vendre la maison. Oui, mais elle était au nom de ton conjoint. Ton conjoint avait-il un testament? Non, on était marié en société d'acquêts.

Les gens prétendent que le fait qu'ils se marient en société d'acquêts institue automatiquement une clause d'institution contractuelle. C'est pour ça qu'ils nous disent: On a écouté à la radio, La minute juridique, on a dit: Tu n'as pas besoin de contrat de mariage, tu t'es marié en société d'acquêts. C'est bon pendant que le régime dure, mais s'il se dissout par le décès, cela apporte... Je connais des personnes qui ont été lésées assez lourdement. S'il y a un enfant de trois mois qui va ramasser les propres et les acquêts du mari, il ne reste pas grand-chose pour l'épouse, alors qu'ils prétendent entre eux avoir une clause "au dernier vivant les biens". Dans le cas de la mutation de régime matrimonial, je serais un peu de l'avis de mon collègue qu'il serait peut-être bon qu'on explique que l'acte de partage est obligatoire. Pour les couples qui vont passer de la communauté à la société d'acquêts ou à la séparation, ou de la société d'acquêts à la séparation, s'il y a un manquement quelque part et que le notaire ne fait pas l'acte de partage, ne liquide pas le régime...

M. Bédard: Est-ce que c'est possible que le notaire ne liquide pas le régime avant de procéder à l'adoption d'un nouveau régime?

M. Mathieu: Présentement, je ne connais pas de cas où cela arrive, mais si on ne le spécifie pas dans le nouveau texte de loi...

M. Bédard: Dans les régimes de sociétés d'acquêts ou de communauté de biens tels qu'ils sont dans le code, il est prévu que quand on les change on les liquide par voie de partage.

M. Mathieu: Le régime de société d'acquêts et de communauté se dissout par le décès, le divorce ou par l'annulation, mais je ne crois pas que ce soit prévu par la mutation.

M. Bédard: Comme il n'y a que les notaires qui peuvent faire les changements de régimes, que c'est réservé à la spécialité du notariat, tout doit passer par le bureau du notaire. Est-ce qu'un notaire négligerait de faire la liquidation du régime antérieur? Je ne crois pas que ce soit la pratique. La raison pour laquelle c'est réservé aux notaires, c'est parce que c'est extrêmement important, délicat et difficile et cela demande quelqu'un du métier; le notaire le fait déjà. Il n'y a pas de plainte sur ces questions.

L'article 495 de notre projet était la reprise - je vais vérifier - de l'article 1266r, pour faire la référence au Code civil actuel, qui dit que la société d'acquêts se dissout par le changement conventionnel de régime selon les règles, les dispositions, etc. Alors, le partage se fait par le notaire et automatiquement il y a liquidation.

Le Président (M. Gosselin): L'article 469 est adopté tel qu'amendé?

M. Forget: Oui, adopté.

Le Président (M. Gosselin): Article 470?

M. Bédard: Cet article vise à dissiper tout doute relatif au pouvoir des futurs époux ou des époux de consentir à la modification ou même à la suppression des donations consenties à leurs enfants à naître. Les articles 788 et 790 du Code civil donnent bien aux époux le pouvoir de représenter leurs enfants à naître pour accepter les donations qui leur sont consenties, mais quand il s'agit de modifications et de suppressions, c'est autre chose. Cet article étend la règle de la représentation même aux changements survenus après le mariage et non seulement aux changements survenus avant le mariage, comme le propose d'ailleurs l'Office de révision du Code civil dans la rédaction de l'article 75.

M. Forget: M. le Président, on voit de plus en plus dans nos lois la notion d'une représentation distincte de l'enfant face aux parents. Je ne sais pas si cela s'applique ici, mais il me semble que, par le changement de régime matrimonial, un des conjoints pourrait... Un exemple me vient à l'esprit parce que c'est un exemple qui m'a été cité aujourd'hui et je ne sais pas si cela s'applique exactement. Supposons un deuxième mariage et qu'un des conjoints a des enfants d'un premier mariage. Ce

conjoint, en plus d'avoir des enfants, a des biens personnels. La convention initiale du mariage est la séparation de biens. Les biens propres proviennent du premier conjoint décédé. Il y a eu un premier mariage, il y a eu des enfants, il y a eu des biens qui ont été légués au conjoint survivant par le conjoint décédé. Changement de régime matrimonial pour la communauté de biens et le résultat de ceci peut être de déshériter les enfants du premier mariage, dans une certaine mesure. (22 h 30)

On fait une affirmation catégorique voulant que l'intérêt des enfants est adéquatement représenté par les parents. Je pense qu'il peut y avoir un intérêt patrimonial divergent pour les enfants et les parents. Je me demande si c'est une règle qui est entièrement sage, entièrement sécuritaire. Peut-être me dira-t-on que ça ne s'applique pas strictement, mais...

M. Bédard: C'est seulement pour les enfants à naître, donc ça limite de façon rigoureuse, parce que si les enfants sont nés, les parents comme tels ne sont pas, en vertu de la loi, habilités pour la représentation. La seule représentation, dans l'état actuel du droit, c'est celle du tuteur dans le cas des intérêts. Alors, je pense que pour la protection des intérêts, dans le cas que vous avez soulevé, il faudrait peut-être procéder par la nomination d'un tuteur.

M. Forget: Oui, mais il reste qu'il n'y a plus d'homologation, le problème ne se pose donc pas devant le tribunal.

M. Bédard: Non, mais devant le notaire, est-ce qu'on...

M. Mathieu C'est un cas pas mal hypothétique...

M. Forget: Enfin, des deuxièmes mariages avec des enfants venant du premier mariage, ça existe quand même, ce n'est pas très hypothétique en soi.

M. Mathieu: D'accord, mais c'est le cas de l'enfant à naître.

M. Forget: Mettons de côté le cas de l'enfant à naître, je pense que sur ça, on m'a répondu adéquatement; mais dans le cas où on change un régime matrimonial et qu'on se trouve dans un deuxième mariage, il y a des enfants d'un premier mariage, dans le fond les conjoints de ce deuxième mariage, en réaménageant leur régime matrimonial, peuvent prendre des décisions qui vont affecter le patrimoine de ces enfants, issus du premier mariage, il n'y a plus d'homologation. Évidemment, l'argument encore plus fort, c'est qu'il n'y a pas d'intervention du tribunal pour le premier contrat de mariage de toute façon, alors le problème est radical dans un certain sens, c'est qu'un contrat de mariage, pour un deuxième mariage, peut avoir un effet assez négatif sur l'intérêt des enfants.

Je repose ma question dans ce contexte, est-ce que le notaire va demander que les enfants issus d'un premier mariage soient représentés devant lui? Le notariat, ce n'est pas une profession litigieuse, donc le contrat de mariage est un instrument qui pourrait avoir un effet visant à priver les enfants d'un premier mariage d'une partie de leurs expectatives naturelles à hériter.

M. Bédard: Je comprends votre inquiétude. S'il s'agissait de donations faites par contrat de mariage aux enfants qui sont déjà nés - oublions les enfants à naître - le deuxième alinéa de 469 peut-être répondrait en disant "... les donations portées au contrat de mariage, y compris celles qui sont faites à cause de mort, peuvent être modifiées, même si elles sont stipulées irrévocables, pourvu que soit obtenu le consentement de tous les intéressés." On pourrait dire "les enfants nés" et pour ce consentement évidemment il faudra procéder à la nomination d'un tuteur et le faire autoriser par un tribunal pour modifier ou supprimer les donations. Mais s'il n'y a pas de donation ou d'avantage consenti aux enfants par contrat de mariage, ils n'ont aucune protection dans la succession de leur père ou de leur mère puisqu'il y a une faculté illimitée de tester chez nous.

M. Forget: C'est un problème de droit successoral.

M. Bédard: II y a un problème de droit successoral et il n'y a pas de réserve, ni proposée par l'office ni dans le droit actuel, visant la protection des enfants. Mais c'est un problème noté pour le droit successoral.

M. Mathieu: Si vous me le permettez, M. le Président, lorsque les gens sont de bonne foi, ils vont faire un contrat de mariage et il n'y aura pas de lésion parce que le notaire instrumentant tient normalement à ça.

Il y aura lésion dans le cas d'une personne qui voudra profiter de l'autre. À ce moment, il n'y aura pas de contrat de mariage, les gens vont préférer vivre en concubinage, ce sera plus facile d'atteindre les mêmes fins, il n'y a pas de tiers qui surveille.

Le Président (M. Laberge): L'article 470 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle l'article 471.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 471 est adopté. Article 472. Article 472, adopté. Article 473.

M. Bédard: Adopté également. Un avis du contrat de mariage doit être donné à la personne chargée de tenir le registre en attendant.

Le Président (M. Laberge): L'article 473 est adopté. J'appelle l'article 474.

M. Bédard: Peut-être une petite remarque.

Cet article reprend textuellement l'article 178 du Code civil. Son intérêt est évident pour un meilleur fonctionnement du régime. Il tient compte aussi de la proposition de l'Office de révision du Code civil qui est retenue dans l'article 448 proposé. Il n'y a pas de nouveau là-dedans.

M. Forget: Avec votre permission, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Est-ce qu'on pourrait revenir pour une seconde à 473? On crée une obligation, mais on ne dit pas à qui dans cet article. À l'article 473, on crée une obligation de donner un avis. On ne dit pas qui doit donner l'avis et ici aussi on suggère, le Barreau suggère que ce soit le notaire instrumentant et que ce soit indiqué spécifiquement. Cela devient à ce moment partie de sa responsabilité professionnelle.

M. Bédard: Dans la pratique actuelle de cet avis au registre, je crois que c'est le notaire qui le donne, mais il le donne dans l'exercice, est-ce que je me trompe en disant du mandat somme toute que lui confie le client quand il vient faire son contrat de mariage chez lui et qu'il lui demande de s'assurer de son efficacité. Le notaire fait habituellement l'enregistrement et au bureau d'enregistrement s'il y a des donations et également au registre central. C'est la pratique.

M. Forget: La pratique, oui.

M. Bédard: Cela se fait par le mandat qu'il a dès qu'il est saisi d'une demande de contrat de mariage.

M. Mathieu: Je serais tenté de dire oui. M. Bédard: Pardon?

M. Mathieu: Je serais porté à dire oui, mais la proposition...

M. Forget: ... en fait une obligation professionnelle. Cela protège les parties parce qu'autrement, si c'est un mandat, c'est autre chose.

Le Président (M. Laberge): L'article 473 est rouvert pour modification. Après le mot "donné" nous ajouterons "par le notaire instrumentant".

M. Bédard: Est-ce qu'on peut poser une question? Est-ce qu'il n'y a toujours qu'un notaire dans un contrat de mariage actuellement et c'est l'instrumentant?

M. Mathieu: Toujours.

M. Bédard: II n'y a pas deux signatures qu'on peut prendre à distance comme dans le cas de certains autres actes?

M. Mathieu: En théorie oui, mais l'acte sera fermé au nom du notaire qui reçoit la dernière signature.

M. Bédard: C'est lui qu'on appelle instrumentant.

M. Mathieu: Oui.

M. Bédard: Comment appelle-t-on l'autre notaire qui recevrait une signature à Montréal, par exemple, et l'instrumentant qui fermerait le dossier à Québec?

M. Mathieu: Savez-vous que le terme précis m'échappe.

M. Bédard: Mais c'est possible.

M. Mathieu: Oui, c'est possible, mais la Loi du notariat prévoit que le notaire qui reçoit la dernière signature, c'est le notaire instrumentant.

M. Bédard: Disons qu'on va le laisser ouvert. Peut-être que si on fait une soustraction il peut y avoir des conséquences. Simplement pour fins de sécurité, laissons-le ouvert. On sait que ce sera un amendement rapide.

Le Président (M. Laberge): L'article 473, l'adoption est radiée. Il est ouvert et laissé en suspens. Article 474.

M. Bédard: En ce qui concerne l'article 474, j'ai fait les remarques.

Le Président (M. Laberge): L'article 474 est adopté. Article 475.

M. Bédard: Cette disposition de droit

nouveau crée un mandat judiciaire utile pour éviter la paralysie dans l'administration des biens. La rédaction de l'article tient compte également de la disparition du régime de communauté de biens.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: J'imagine que c'est pour éviter le conseil de famille, de nommer un curateur. La personne fait une requête au tribunal.

M. Bédard: Le mandat va cesser de plein droit, on le voit à l'article suivant, dès la nomination d'un curateur. Mais c'est un peu l'intervalle entre la nomination du curateur et le moment où le conjoint ne peut plus manifester sa volonté ou le faire en temps utile. C'est pour couvrir l'intervalle que l'office proposait ça et ça devait répondre à des préoccupations de la pratique.

M. Mathieu: Est-ce qu'il y a quelque chose qui va obliger cet époux à provoquer la nomination d'un curateur si l'époux décide de faire perdurer le mandat?

M. Bédard: J'ai l'impression que la nomination du curateur va obéir aux règles actuelles du Code civil.

M. Mathieu: D'accord, mais il n'y a pas de délai pendant lequel l'époux qui sera mandaté par le tribunal sera obligé de provoquer la nomination d'un curateur?

M. Bédard: Peut-être que, selon l'alinéa 2, lorsque le tribunal fixe les modalités et les conditions d'exercice, il va fixer le temps; donc, il va peut-être donner une durée temporaire au pouvoir pour permettre d'évaluer la situation.

M. Mathieu: II y a peut-être possibilité de le préciser davantage parce que c'est une situation très délicate.

M. Bédard: C'est pour ça, évidemment, qu'il y a une autorisation judiciaire. Il est peut-être difficile d'entrer dans les circonstances qui vont entourer une pareille situation, sauf que le tribunal, en fixant les modalités et les conditions d'exercice, aura tous les faits pour peut-être mieux évaluer cela. C'est vraiment une remise au tribunal d'apprécier toutes les circonstances qui sont ici assez difficiles à préciser.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 475 sera adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté.

J'appelle l'article 476.

M. Bédard: Cet article donne au mandat judiciaire un caractère temporaire, notamment lorsque le conjoint est pourvu d'un curateur, de façon à éviter le chevauchement des modes de représentation et à respecter les institutions légales, ce que vous avez mentionné tout à l'heure.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 476 sera adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle l'article 477.

M. Bédard: II y a un amendement, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Je m'excuse, je vérifie. À l'article 477, on nous dit de supprimer à la dernière ligne les mots "expresse au", ce qui veut dire que ça se lira: "sauf stipulation contraire".

M. Bédard: On voit que c'est un amendement simplement pour améliorer la rédaction. L'article reprend l'article 181 du Code civil sous réserve de légères modifications de forme pour tenir compte du mandat judiciaire et du réaménagement des articles.

M. Forget: ... comme l'exonération du conjoint administrateur.

M. Bédard: C'est un article qui figure parmi les dispositions générales de tous les régimes. (22 h 45)

M. Forget: Oui, c'est la disposition traditionnelle. Elle est, dans le fond, inspirée de l'époque où le mari était l'administrateur des biens de la communauté. Elle me semble refléter un peu la conception fortement paternaliste de l'époque où il était inconcevable de mettre en question l'administration que l'époux faisait des biens de la communauté.

Dans un contexte d'égalité des conjoints, on ne voit pas beaucoup dans d'autres régimes la notion que quelqu'un qui est administrateur n'a pas à rendre compte, sauf de ce qui reste. Cela ne veut rien dire, finalement. Il peut tout dilapider et...

M. Bédard: ...la meilleure manière de ne pas rendre compte.

M. Forget: C'est la meilleure manière de ne pas rendre compte, exactement. Évidemment, s'il ne reste plus rien, de toute façon, il sera probablement insolvable, mais pas vraiment, puisqu'on lui confie

l'administration des biens de son conjoint. Ceux-là, il peut les dilapider, mais ses biens propres, il ne les dilapidera peut-être pas. Donc, on ne peut pas présumer qu'il n'y aurait rien, de toute façon, qu'il n'y aurait pas de solvabilité.

M. Bédard: Dans le mandat judiciaire -parce qu'il faut couvrir le mandat judiciaire - il n'y aurait pas de stipulation. Quand c'est conventionnel, on peut dire: Les époux peuvent convenir autrement. Avec le mandat judiciaire, je ne sais pas si le tribunal va penser à cela.

M. Forget: II n'y aurait pas lieu d'y penser, parce qu'il y a un article du code qui y pourvoit et qui dit qu'il va...

M. Bédard: II va le laisser s'appliquer.

M. Forget: ...le laisser s'appliquer. Mais mon interrogation, dans le fond, c'est que c'est une disposition qui est traditionnelle, qui reflète l'ancienne acceptation aveugle que tout ce que le bon père de famille faisait, c'était bon a priori. Maintenant, on peut concevoir des cas où, dans un motif de vengeance, le conjoint dont on administre les biens est parti. Est-ce qu'il souffre d'amnésie ou pas? De toute façon, je pense qu'un mandat d'administration impose des...

M. Bédard: On pourrait proposer de le laisser ouvert, parce que cela me semble une bonne suggestion. Il s'agirait de la formuler, point.

M. Mathieu: Quels articles cela va-t-il recouvrir?

Le Président (M. Laberge): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: M. le Président, si vous me le permettez, le veuf, avec des enfants se marie en secondes noces et il devient sujet à cet article-là. La seconde épouse risque de faire une querelle avec les enfants du premier mariage. C'est ce qui arrive dans la pratique, surtout si elle n'est pas comptable.

M. Bédard: Moi, je trouve que cela a bien du bon sens. Cela va, on le laisse ouvert pour le moment.

Le Président (M. Laberge): L'article 477 est en suspens.

M. Bédard: Pour y apporter un amendement dans le sens exprimé par le député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Laberge): L'article 478 est appelé.

M. Bédard: Le premier alinéa de cet article reprend la règle de l'article 183, alinéa 1, du Code civil, en en modifiant la rédaction pour tenir compte de l'abolition du régime de communauté de biens. La sanction de cette règle est en conformité avec celle retenue en matière de résidence familiale.

Le deuxième alinéa de cet article restreint la portée de l'article 184 du Code civil, de façon à éviter de rendre valide l'aliénation gratuite ou l'aliénation de la chose d'autrui. Ainsi, cette présomption de pouvoir est pleinement compatible avec les articles 492, 493 et 517 qui visent la protection des acquêts et des biens personnels. Elle est aussi en conformité avec le deuxième alinéa de l'article 451 proposé.

M. Forget: Je m'excuse. Tout à coup, la concordance m'est frappante entre ce deuxième alinéa et ce que nous avons dit sur la résidence familiale au titre des immeubles. On parlait de présomption pour les immeubles, mais là, la présomption est inversée. C'est-à-dire que la présomption est l'inverse de celle dont on parlait cet après-midi. Il y a une présomption très forte que tout ce qui se fait en fait de meuble...

M. Bédard: Pour les meubles.

M. Forget: C'est cela, justement.

M. Bédard: Mais, là-dessus, cela...

M. Forget: C'est conforme également au mandat implicite relativement à l'administration, la solidarité quant aux dettes pour les besoins courants du ménage.

M. Bédard: Cela va?

De la société d'acquêts

Le Président (M. Laberge): Article 478. Adopté. Article 479, nouvelle section qui traite de la société d'acquêts. Article 479.

M. Bédard: L'article 479 reprend substantiellement l'article 1266 du Code civil en le modifiant, toutefois, pour tenir compte de la règle de la mutabilité des régimes établis depuis 1969. Ainsi, l'expression "lors du mariage" a été remplacée par "au début du régime". C'est la règle générale.

Le Président (M. Laberge): L'article 479 est-il adopté? Adopté. Article 480.

M. Bédard: L'article reprend l'article 1266 du Code civil en tenant compte de la règle de la mutabilité des régimes établis depuis 1969, comme à l'article précédent.

M. Forget: M. le Président, à l'article 480, nous avons une demande, une suggestion

de l'AFEAS relativement à la définition comme propre ou comme acquêt, une demande de clarification, si on veut, quant au salaire versé au conjoint dans une entreprise non incorporée.

M. Bédard: Est-ce que c'est un propre ou un acquêt?

M. Forget: C'est ça. On nous demande de le préciser. Je pense que, si on regarde le premier alinéa de l'article 480, on a la réponse. Je me demande un peu pourquoi on nous pose cette question; il me semble qu'on a la réponse. Je comprends qu'on ne l'aime peut-être pas, c'est peut-être ça, mais non, ça semble tout simplement un désir de clarifier.

M. Bédard: C'est ça.

Je me suis demandé si ce n'était pas plutôt la question fiscale qui l'avait amenée; est-ce que c'est accepté au point de vue de la fiscalité? Mais, au point de vue l'article 480, ça paraît très clair que, puisqu'il s'agit du produit du travail, c'est un salaire, forcément un acquêt.

M. Forget: II n'y a aucune relation entre la fiscalité et l'article 480, de toute manière, parce que chaque conjoint sera imposé sur les revenus de son travail, même si, dans le régime, ça constitue une seule masse.

Le Président (M. Laberge): L'article 480 est adopté. À l'article 481, on nous propose de remplacer, au paragraphe 2 les mots "en a ainsi expressément disposé" par les suivants: "l'a stipulé". C'est au deuxième paragraphe.

M. Bédard: Ce n'est pas un gros amendement.

Le Président (M. Laberge): Non, c'est une correction de rédaction. Ou le donateur l'a stipulé.

M. Bédard: Cela reprend la règle 1266 du Code civil en tenant compte de la règle de la mutabilité des régimes établis depuis 1969 et des modifications suivantes: dans le quatrième alinéa de l'article, l'expression "désigné par le conjoint ou par un tiers" n'a pas été retenue, parce que, d'une part, elle n'ajoute rien et que, d'autre part, si elle vise a exclure des propres d'un conjoint les droits ou avantages qu'il retirerait d'une assurance qu'il prendrait sur la vie d'un autre à son profit; elle n'est pas nécessaire puisque le conjoint reçoit alors à titre de propriétaire preneur et non à titre de bénéficiaire désigné ou de propriétaire subsidiaire, comme le précise le quatrième alinéa amendé de cet article.

Le cinquième alinéa de l'article englobe, parmi les biens propres, les alliances en raison de leur valeur sentimentale pour les époux. D'ailleurs, les alliances sont déjà généralement des propres parce que reçues à titre gratuit, même si elles ont une certaine valeur matérielle. En outre, l'expression "papiers personnels" a été préférée à "correspondance", parce qu'elle englobe tout écrit de nature personnelle dont la correspondance.

Enfin, le sixième alinéa a été introduit parce que ces biens sont rattachés à la personne et ne sont pas nécessairement des biens propres, en vertu de l'article 1266 du Code civil, compte tenu que les biens propres sont numerus clausus, une clause fermée.

Le Président (M. Laberge): Je remarque aussi qu'on nous propose deux autres amendements à l'article 481. Au deuxième paragraphe, on a changé les mots "en a ainsi expressément disposé" par les mots "l'a stipulé". Est-ce que ce sera adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Il me faut le demander pour la forme.

M. Bédard: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Au paragraphe 3, après le mot "propre" on nous demande d'ajouter les mots "de même que les indemnités d'assurance qui s'y rattachent". Est-ce que cela est aussi adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Au paragraphe 4, remplacer le mot "subrogé" par le mot "subsidiaire". Adopté?

Une voix: Adopté.

M. Forget: ... subsidiaire c'est défini ailleurs.

M. Bédard: C'est dans l'assurance que tout ce vocabulaire est défini.

Le Président (M. Laberge): Le mot "subsidiaire" remplace le mot "subrogé". Adopté. Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier: supprimer les mots "de pension". "Ou d'un régime de pension de retraite", on dit tout simplement "un régime de retraite". On enlève les mots "de pension", c'est biffé. L'article 481 amendé est-il adopté?

M. Bédard: Je n'ai pas d'autres remarques.

M. Mathieu: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Ça veut dire que le produit de toute police d'assurance-vie est un propre, peu importe que la prime ait été payée avec un propre ou un acquêt, si je comprends bien.

On parle d'une assurance de personnes, alors c'est une assurance-vie, communément appelée. À la fin du paragraphe 4, on dit: "d'une autre rente ou d'une assurance de personnes". Ce sont les derniers mots de l'article 4.

M. Bédard: Ou à titre de bénéficiaire. Les expressions "à titre de propriétaire subrogé" ou "à titre de bénéficiaire d'un contrat", c'est assez important. Donc, quand il est désigné comme bénéficiaire d'un contrat... Supposons que je sois désigné comme bénéficiaire d'un contrat par quelqu'un d'autre qui en acquitte les primes, ce qui sera reçu m'appartiendra en propre comme bénéficiaire. Si vous êtes le propriétaire de la police et qu'à votre décès vous me transférez vos droits comme propriétaire en second subsidiaire, j'acquiers donc vos droits et ces droits-là sont encore aussi des propres. Donc, ça procède toujours d'une autre personne.

M. Mathieu: II y a un point que je veux éclaircir. On dit: Si je suis le bénéficiaire désigné, c'est un propre, il n'y a pas de problème, que les primes aient été payées à même les acquêts ou les propres, c'est un propre. Mais si je suis légataire du produit de l'assurance par succession ou par testament au lieu que par désignation de bénéficiaire dans la police... Supposons qu'une personne décède et, par son testament, me laisse le produit d'une police d'assurance sur la vie du décédé. Sur la police il apparaît que c'est payable aux héritiers légaux ou aux ayants-droit ou à la succession. Ce ne serait plus un propre.

M. Bédard: ... je pense dans l'hypothèse que vous soulevez. Ce sera un bien reçu par succession, legs ou testament.

M. Mathieu: Ah oui! d'accord.

M. Bédard: C'est dans cette autre hypothèse.

M. Mathieu: D'accord, c'est ça. L'assurance revenait au paragraphe 4, c'est pour ça que...

M. Bédard: Est-ce que ça répond à votre question?

M. Mathieu: Alors ça couvre tous les cas d'assurance. (23 heures)

Le Président (M. Laberge): L'article 481 avec les amendements dont nous avons discuté est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendements. Article 482, on nous dit de le remplacer en totalité par le suivant: "Est également propre à charge de récompense le bien acquis avec des propres et des acquêts si la valeur des propres employés est supérieure à la moitié du coût total d'acquisition de ce bien. Autrement, il est acquêt à charge de récompense." Deuxième paragraphe: "La même règle s'applique à l'assurance sur la vie de même qu'aux pensions de retraite et autres rentes que l'époux peut racheter par anticipation. Le coût total est déterminé par l'ensemble des primes ou sommes versées sauf dans le cas de l'assurance temporaire où il est déterminé par la dernière prime."

M. Bédard: II y a un assez long commentaire. Je pense que ça vaut la peine de le lire pour les fins du journal des Débats.

Le Président (M. Laberge): Oui. M. le ministre, sur l'article 482.

M. Bédard: L'article 482 proposé modifie et complète l'article 1266f du Code civil, de façon à tenir compte des acquisitions dont le prix n'est pas payé au comptant. L'amendement proposé vise à remplacer cet article pour améliorer le régime de la société d'acquêts afin de ne pas porter atteinte à l'équilibre du régime. En effet, le régime de la société d'acquêts favorise les acquêts à l'encontre des propres. L'article 1266f du Code civil ne modifie pas cet équilibre dans une perspective d'acquisition au comptant, mais si on applique la règle du deuxième alinéa de l'article 1266f du Code civil aux acquisitions dont le prix est payé par versements - et c'est là une pratique courante au Québec -on en arrive à déclarer propres tous ces biens jusqu'au moment où la valeur des acquêts effectivement employés au paiement du prix d'acquisition est supérieure à la valeur totale du bien. Pourtant, en pratique, les versements seront généralement acquittés avec des acquêts, de sorte que cette règle porterait atteinte à l'équilibre du régime.

C'est pourquoi il est proposé de renverser la règle du deuxième alinéa de l'article 1266f du Code civil de façon à considérer acquêts ces acquisitions jusqu'au moment où la valeur des propres effectivement employés est supérieure à la

moitié du coût total d'acquisition de ce bien. Ainsi, le régime ne sera pas bouleversé du seul fait que le prix n'est pas payé au comptant. Le premier alinéa vise aussi à favoriser les acquêts en proposant le critère de la valeur égale et non seulement celui de la valeur supérieure. Le deuxième alinéa du nouvel article 482 applique la même règle à l'assurance sur la vie de même qu'aux pensions de retraite et aux autres rentes que l'époux peut acheter par anticipation. On dissipe ainsi un doute que l'article 1266h du Code civil pouvait faire naître par une interprétation a contrario concernant les rentes et pensions rachetables par anticipation. On élimine ainsi le risque de les considérer toujours acquêts.

Pour ce qui est de l'assurance de personnes relative à l'intégrité physique, le deuxième alinéa de l'article 485 y pourvoit. Cela se réfère à l'article 2472 du Code civil.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: C'est une question de la part d'une profane. Tout ce qu'un conjoint acquiert en termes d'assurance durant sa vie conjugale, c'est sa propriété propre - c'est ce que je veux comprendre -ou comment cela se partage-t-il dans...

M. Bédard: Cela dépend si vous achetez de l'assurance avec vos propres ou si vous les achetez avec des biens communs ou acquêts, pour parler de la société d'acquêts. Si vous remplacez vos biens propres qui sont en argent ou en biens meubles ou immeubles pour acquérir des valeurs d'assurance, vous ne faites que remplacer un propre par un autre propre et cela vous appartient en propre.

Mme Lavoie-Roux: C'est de l'argent que vous aviez même avant d'entrer dans le mariage.

M. Bédard: C'est ça, mais, si vous le faites avec des acquêts - donc des biens qui sont le produit du travail, pour prendre un exemple - ce sont également des acquêts, ça va rester des acquêts puisque ce sont des biens acquis avec le produit du travail.

L'article 482 qui est assez technique -je vais essayer d'en simplifier un peu la portée tout en répondant à cette question -il peut arriver que, pour acheter un certain bien, vous utilisiez à la fois des propres et des acquêts. L'article actuel du Code civil ne précisait pas combien d'acquêts et combien de propres. Mais enfin, peu importe le montant, on disait: Si les acquêts employés pour acheter ce bien sont supérieurs aux propres, c'est un acquêt. Mais, si les propres sont supérieurs aux acquêts, c'est un propre.

C'était facile quand il s'agissait d'acheter quelque chose au comptant. Quand on parle d'assurance sur la vie, on peut faire une double distinction. Si vous achetez de l'assurance temporaire, les assureurs vous disent généralement qu'à chaque prime vous achetez la valeur d'assurance et vous couvrez le risque pour une période déterminée. Si vous ne renouvelez pas, tout tombe, parce que c'est de l'assurance dite temporaire.

Dans ce cas-là, la prime annuelle, pour une protection temporaire, si vous avez utilisé vos acquêts, ce sera un bien acquêt; si vous avez utilisé des propres, ce sera des biens propres. Et si, encore une fois, vous avez utilisé un peu de propres et un peu d'acquêts, si vous avez payé au moins 50% de la prime annuelle avec des acquêts, ce sera tout un bien acquêt.

Il y a le cas de l'assurance-vie qui accumule des valeurs de rachat et dont les primes sont, dans le langage des assureurs, des primes dites nivelées, c'est-à-dire que dans la première prime vous commencez déjà et, prime après prime, vous accumulez des valeurs de rachat. Les primes étant nivelées, on ne peut pas dire que c'est chacune qui achète l'assurance de l'année. Au contraire, il y a une répartition qui s'est faite sur la longévité de la personne, en termes actuariels, et la prime est établie une fois pour toutes et vous la payez pendant une période donnée de votre vie ou jusqu'au décès, selon les modes d'assurance.

Dans ces cas-là, l'article proposé dit qu'il faudra calculer; le coût total va être déterminé par l'ensemble des primes. On va additionner les primes annuelles. Si le rachat de la police survient au bout de cinq ans, on va prendre les cinq primes et on va les additionner et on va examiner si le total de ces cinq primes c'est des acquêts ou des propres. Si c'est un peu des deux, mais qu'il y a 50% des acquêts, on va dire que tout le bien est acquêt. Et si c'est plus de 50% qui a été utilisé en propres, on dira que tout le bien est propre. C'est cela que cet article vient préciser en matière d'assurance principalement, et également le deuxième alinéa qui est indiqué dans l'article 482.

Je sais que c'est un peu technique, mais j'aimerais faire une application à l'achat de biens plus courants, de biens que l'on achète à tempérament ou par mode de paiement échelonné dans le temps. L'article que proposait l'office de révision, c'était de dire: Dès qu'on utilise des propres et des acquêts pour acheter un bien, c'est toujours un propre, à moins qu'on prouve, à un moment donné, qu'on a prélevé au moins 50% du prix à partir des acquêts pour le payer.

Donc, il fallait se placer longtemps après, surtout quand on sait que les versements, quand on achète des choses à

terme, sont souvent très échelonnés; cela veut dire que le bien était propre tout ce temps-là, jusqu'à ce qu'on ait la démonstration que la moitié du prix a été payée avec les acquêts.

Il y a une différence de régime entre les propres et les acquêts. Les propres, vous pouvez les donner, alors que les acquêts, c'est une des rares restrictions qui existent dans le régime, vous ne pouvez pas les donner. Il faut protéger l'accumulation en vue du partage au décès ou à la dissolution.

C'est un peu la raison pour laquelle, dans le cas des achats à terme, on a inversé la proposition. On a dit: Quand vous achetez un bien à terme, avec des acquêts et des propres, on va toujours le présumer être un bien acquêt, jusqu'à ce qu'on fasse la démonstration qu'on a employé plus de 50% du prix pour en faire un propre. En d'autres termes, on veut favoriser les acquêts plutôt que favoriser les propres dans un cas comme celui-là où vous pouvez, pour un premier versement, théoriquement, faire un versement symbolique, verser, disons, $100, mettre théoriquement $1 de propre et $99 d'acquêts et déjà l'article proposé par l'office en faisait un propre, parce que les $99 ne représentaient pas la moitié du prix total. On a voulu inverser pour arriver à mieux équilibrer le régime de société d'acquêts parce que l'article actuel du Code civil ne couvrait que les achats au comptant.

En matière d'assurances, les tribunaux n'avaient pas d'article sur lequel s'appuyer. Il y a d'ailleurs eu un jugement très récent où quelqu'un avait payé toutes ses primes avant son mariage. Il est décédé l'année de son mariage, mais il était en société d'acquêts; alors s'est posé le problème de savoir si le produit de l'assurance était un acquêt ou un bien propre, et le tribunal a décidé que c'était un bien propre parce que les primes avaient été acquittées avant le mariage. C'était un bien qui était possédé au moment du mariage, donc c'était un propre. Si cela se produit avec le paiement des primes une fois les époux mariés, le tribunal, avec la règle que nous lui proposons, va pouvoir faire les évaluations qui s'imposent.

Mme Lavoie-Roux: Ceci suppose que dans... Je m'excuse auprès de mes collègues qui sont très familiers avec ça...

M. Bédard: Personne ne l'est, madame, sauf nos experts.

M. Forget: Non, il n'y a personne de familier.

Le Président (M. Laberge): C'est très pertinent, madame.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ceci suppose que dans la société d'acquêts les deux conjoints doivent déclarer ce que chacun possède en propre au moment où...

M. Bédard: Oui, s'ils ne le font pas... C'est sur eux que reposera le fardeau de la preuve d'établir que les biens seront des propres, parce que le régime de société d'acquêts est bâti sur une présomption d'acquêts. C'est-à-dire que tous les biens sont présumés être des acquêts, à moins que vous n'apportiez la preuve qu'ils sont des propres.

Tantôt, on a peut-être eu un échange qui visait à dire: Quand le notaire fait un contrat de mariage... C'est pour ça que, même en société d'acquêts, le notaire parfois peu rendre ce service de dresser la liste des biens au moment du mariage pour préserver la preuve dix ans, quinze ans ou vingt ans plus tard.

Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas compliquer les choses, mais supposons qu'un des conjoints déclare, au moment où il se marie, qu'il a un capital de $50,000. Après ça, ça prend toute une comptabilité pour calculer les intérêts.

Une voix: Les acquêts.

Mme Lavoie-Roux: Non, ils ne sont pas acquêts puisque...

M. Bédard: Oui, les revenus des propres sont des acquêts.

Mme Lavoie-Roux: Ah, les revenus des propres sont des acquêts!

M. Bédard: Sauf de petites exceptions, mais, en général, les revenus des propres sont des acquêts.

M. Forget: D'ailleurs, c'est la valeur historique des propres qui constitue le propre.

M. Bédard: C'est l'origine.

M. Forget: Dans une période d'inflation comme celle qu'on connaît, évidemment, tout le problème se pose. En projetant sur 20 ans l'inflation, sachant que tous les revenus des propres seront des acquêts et qu'on ne tiendra pas compte de l'inflation, le régime de communauté d'acquêts se résume à un régime de communauté, dans le fond, parce que 20 ans ou 30 ans après les propres ne valent plus rien.

M. Bédard: S'ils sont en argent en tout

M. Bédard: En immeubles...

M. Forget: Même s'ils ont été réutilisés, à moins qu'il n'y ait une correspondance exacte...

M. Bédard: Oui, mais si vos $50,000 sont possédés en immeubles, il est possible que 30 ans plus tard l'immeuble vaille $150,000 ou $100,000...

M. Forget: Ou en or, si on l'évalue au poids.

Mme Lavoie-Roux: À ce moment il reste un bien propre, même si la valeur a augmenté de...

M. Bédard: Oui, l'inflation est propre aussi, c'était le revenu qui...

Mme Lavoie-Roux: Dans un sens ou dans l'autre.

M. Bédard: Dans un sens ou dans l'autre.

Le Président (M. Laberge): Le nouvel article 482 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle l'article 483. Il y a un amendement à cet article, qui nous demande de remplacer, au deuxième alinéa, le mot "moyennant" par l'expression "à charge de".

M. Forget: À l'article 483?

Le Président (M. Laberge): Oui, c'est à la dernière ligne. (23 h 15)

M. Bédard: Au lieu de "moyennant", c'est cela?

Le Président (M. Laberge): Oui. Au lieu de "moyennant", les mots "à charge de". Cet amendement est-il adopté?

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 483?

M. Bédard: Cela reprend l'article 1266g du Code civil en tenant compte, toujours, de la règle de mutabilité des régimes établie depuis 1969. Le deuxième alinéa vise aussi à favoriser les acquêts en proposant le critère de la valeur égale et non seulement le critère de la valeur supérieure.

Le Président (M. Laberge): Cet article 483 amendé est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement. Article 484. Deux modifications nous sont suggérées. Premièrement, à la première ligne du premier alinéa, remplacer le mot "ou" par ce qui suit: ", à une pension". Un instant. Cela se trouve le dernier mot de la première ligne à la page 20. Cela deviendrait: "Au cours du régime, -on biffe le mot "ou" - à une pension, qui sont payables..." Cet amendement est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté.

M. Bédard: L'article étant la règle de l'absence de récompense de l'article 1266h du Code civil aux rentes et pensions de retraite, compte tenu que ces rentes et pensions sont aussi de nature alimentaire.

Le Président (M. Laberge): J'ai aussi un amendement au troisième alinéa qui commence par "Aucune récompense"; il s'agit de remplacer les mots "à même", à la deuxième ligne, par le mot "avec".

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Laberge): J'inscris "avec". Disons que c'est adopté. L'article 484 amendé est-il adopté?

M. Bédard: Je n'ai pas d'autres remarques à faire.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: À l'exception des modifications - c'est une question ou une interrogation qui se pose vis-à-vis de l'ensemble des articles - étant donné qu'il est 23 h 15 et qu'on a beau, après 23 heures, avoir fait une première lecture Dieu sait quand, j'aimerais qu'on profite de l'occasion, s'il y a lieu, pour nous souligner les changements substantiels.

M. Bédard: D'accord.

M. Forget: Autrement, nous risquons de les manquer. S'il n'y en a pas à l'article 484, je suis bien prêt à l'adopter.

M. Bédard: II a été dit que l'absence de récompense est étendue aux rentes et pensions de retraite sur la recommandation de l'office. En fait, la pension d'invalidité serait sans récompense parce que ça ne fait que remplacer ce qui, dans l'intégrité, a été...

M. Forget: Oui, oui.

Le Président (M. Laberge): L'article 484, avec deux amendements, est adopté. Article 485. On nous demande de remplacer l'article au complet par le suivant: "Sont également propres à l'époux le droit à des dommages-intérêts et l'indemnité reçue pour atteinte à la personne." Un deuxième paragraphe: "La même règle s'applique au droit et à l'indemnité découlant d'un contrat d'assurance ou de tout autre régime d'indemnisation, mais aucune récompense n'est due en raison des primes ou sommes payées avec les acquêts."

M. Forget: Le sens de tous ces changements est de considérer la capacité d'un individu à gagner un revenu comme un propre.

M. Bédard: Oui.

M. Forget: Sa capacité physique et intellectuelle; tout ce qui y porte atteinte et tout ce qui vient le compenser pour la perte de cette capacité est un propre parce qu'il remplace un propre.

M. Bédard: C'est cela, la capacité qui lui était propre.

Le deuxième alinéa, qui n'était pas dans le code actuel ni dans la proposition de M. Crépeault, ne fait que préciser ce qui se produit quand l'indemnité vient non plus d'un auteur qui répare le dommage, mais d'un contrat d'assurance, par exemple, ou d'un régime d'indemnité.

Il y a lieu de penser que le tribunal aurait également appliqué la règle du propre, mais c'est une précision pour lui permettre de le faire.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: M. le Président, à l'article 485 tel que proposé, après le premier alinéa, n'y aurait-il pas lieu d'ajouter également -on parle d'atteinte à la personne - "ou à la réputation"?

M. Bédard: L'atteinte physique et l'atteinte morale, c'est généralement le concept qui est retenu et je crois que déjà, à l'article 19 du Code civil, quand on ne les qualifie pas ou ne les restreint pas, les mots "atteinte à la personne" comprennent généralement l'atteinte morale et l'atteinte physique, sauf que, pour ce qui est de l'atteinte morale, je ne sais pas s'il y a des... Cela va bien pour le premier alinéa, mais, en matière d'assurance pour l'atteinte morale, je crois que ça n'existe pas comme forme d'assurance pour le deuxième alinéa, mais, pour le premier, ça existe.

Évidemment, c'est la diffamation et ça comprend... Ce n'est pas restreint, les mots "atteinte à la personne" dans le vocabulaire habituel. Cela comprend aussi bien l'atteinte physique que l'atteinte morale.

Le Président (M. Laberge): Cela suffit? Article 485, adopté. Adopté. Nouvelle rédaction. Article 486. À la première ligne du deuxième alinéa, on nous demande de remplacer les mots "à même" par le mot "avec". C'est une concordance avec l'article 484. "Si c'est avec", adopté, et l'article 486 amendé est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 487. À l'article 487, il faut remplacer l'article 487 par les suivants, c'est-à-dire deux articles dont je vous fais lecture. Article 487: "Les actions acquises par suite de la déclaration de dividendes sur des actions propres à l'un des époux lui restent propres sauf récompense. Les actions acquises par suite de l'exercice d'un droit de souscription ou de préemption ou autre droit semblable que confèrent des actions propres à l'un des époux lui restent également propres sauf récompense, s'il y a lieu. Les primes de rachat ou de remboursement anticipé de valeurs mobilières propres à l'un des époux lui restent propres sans récompense."

Article 487.1: "Sont propres à charge de récompense les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise propre à l'un des époux s'ils sont investis dans l'entreprise."

M. Bédard: Comme il s'agit d'un amendement, il y aurait peut-être lieu de donner plus d'explications.

Le Président (M. Laberge): Si vous le voulez.

M. le ministre.

M. Bédard: L'article 487 reprenait la proposition de l'Office de révision du Code civil qui venait compléter l'article 1266k du Code civil. À titre d'amendement, deux articles nouveaux sont proposés, les articles 487 et 487.1. Le nouvel article 487 modifie et complète l'article 1266k du Code civil. En effet, un examen plus approfondi de l'article 1266k du Code civil a fait ressortir des difficultés sérieuses d'interprétation pour distinguer ce qui est fruit des revenus de ce qui est capital. L'application de la règle qui y est prévue risquait en outre, dans certains cas, de porter atteinte à l'équilibre du régime de la société d'acquêts en favorisant les propres au détriment des acquêts sans donner lieu à récompense. En effet, lorsqu'une entreprise incorporée déclare

valablement des dividendes, ceux-ci deviennent la propriété des actionnaires et dès lors ils sont acquêts parce qu'ils constituent des revenus, même si la compagnie décide de les payer en actions plutôt qu'en argent. Toutefois, s'il est préférable de qualifier de propres les dividendes lorsqu'ils sont payés en actions pour maintenir l'unité du stock d'actions possédées par un époux dans une même entreprise, il est normal, là aussi, que la masse des acquêts reçoive récompense.

En outre, s'il est souhaitable pour les mêmes raisons que soient propres les actions acquises par suite de l'exercice d'un droit de souscription, de préemption ou autre droit semblable que confèrent des actions propres à un époux, il est également normal que la masse des acquêts reçoive récompense lorsque le prix payé pour les acquérir provient de cette masse.

Enfin, dans le cas d'une prime de rachat ou de remboursement anticipé de valeurs mobilières, il est normal qu'elle ne donne pas lieu à récompense parce que la prime dans ces cas est plutôt de la nature d'un capital que d'un revenu. En effet, ce n'est pas le rendement de la valeur mobilière qui est touché, mais la valeur capitale elle-même qui fluctue. La qualification du produit d'une capitalisation de réserve ou de surplus est déterminée par le nouvel article 487.1. Pour toutes ces raisons, il nous a paru nécessaire de reformuler cet article de manière à régler ces difficultés et également le rendre plus concret.

Le Président (M. Laberge): Une question, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: M. le Président, j'ai des questions, mais vous comprenez qu'après 13 heures, à 23 h 30, essayer de comprendre comment tout ceci change la situation... J'ai écouté avec intérêt et attention le ministre - du moins avec toute l'attention dont je suis capable dans les circonstances - je dois dire qu'il y a des bouts que je comprends mais je ne suis pas sûr que je comprends tout. Ce qui me frappe quand je relis l'article 1226k, c'est qu'on basait la caractérisation des propres sur l'origine du paiement de dividendes. S'il s'agissait du fruit d'une capitalisation, de la distribution d'un élément de capital de l'entreprise elle-même, on le considérait comme propre s'il s'agissait d'un versement de dividendes; à mêmes les revenus courants, il était considéré comme acquêt. Je pense que, sur ce point, ça va. Maintenant on met ces critères de côté. On dit: Dans le fond peu importe si cette distribution de dividendes ou d'actions à titre de dividendes se fait à même les revenus ou à même les réserves, cela n'a aucune espèce d'importance. On les considérera - je ne suis pas sûr que c'est dans tous les cas ou si c'est seulement dans certains cas - comme des propres à charge de récompense. Je comprends que quand on exerce un droit de souscription, il y a récompense. Je ne comprends pas très bien ce que "sauf récompense" veut dire dans le premier alinéa puisqu'on parle d'un dividende en actions; il n'y a ordinairement pas de problème de récompense dans ce cas-là. On semble déplacer les critères de l'entreprise qui est à l'origine du dividende vers les situations propres à la façon dont ces sommes sont reçues par le bénéficiaire. Je me demande si cela n'en fait pas quelque chose encore plus suggestif qu'avant.

M. Bédard: II n'est pas facile... On a essayé de savoir ce que les auteurs comprenaient de l'article 1266k et cela paraît poser des problèmes de lecture; c'est d'un certain degré d'abstraction et c'est d'une certaine complexité pour le moins. La proposition de l'Office de révision du code civil, notamment dans le premier alinéa qui était repris par le projet de loi 89...

M. Forget: Quelle recommandation?

M. Bédard: Pour ce qui est de l'office, c'était l'article 89 et l'article 87 du projet 89 reprenait exactement le projet de l'office sans y ajouter une ligne.: J'avoue que le premier alinéa est lui aussi d'une certaine théoricité et d'une certaine abstraction difficile. Le produit d'une distribution, il y a un caractère là. Nous avons procédé à une analyse avec des experts en fiscalité, des experts en droit des compagnies et moi-même pour essayer de démêler un peu et rendre un peu plus concret cet article. Nous avons essayé d'identifier les situations somme toute qui sont courantes dans la vie d'une entreprise incorporée et d'une entreprise non incorporée. Le 487.1 vise l'entreprise non incorporée - on n'y est pas rendu - le 487 ne vise que l'entreprise incorporée. Je ne sais pas si vous avez le projet d'article nouveau sous les yeux... Oui. Dès qu'on possède une action dans une entreprise incorporée, il peut y avoir des déclarations de dividendes. Or, le dividende est en vertu des règles du régime de société d'acquêts un produit qui tombe dans les acquêts puisque le dividende est une distribution de revenus. (23 h 30)

Quand la compagnie décide de payer son dividende par des actions, elle ne fait que le convertir, mais cela n'empêche que c'est un dividende et qu'il est raisonnable que la société d'acquêts profite du dividende. Comme on veut maintenir l'unité du stock d'actions qu'on possède dans l'entreprise, puisque les actions sont propres, les dividendes sont payés par voie d'actions supplémentaires ou nouvelles, alors on veut peut-être garder propre l'ensemble du

portefeuille d'actions. À ce moment, il est important que la société d'acquêts, qui est privée de ses dividendes, puisse avoir récompense. C'est dans ce sens que les récompenses seront dues à la société d'acquêts.

Normalement, si la compagnie avait payé son dividende en argent, tout tombait dans la société d'acquêts. Comme elle le paie en actions, on dit que les actions resteront propres, mais qu'il y aura récompense en conséquence pour le même montant dans la société d'acquêts. Je ne sais pas si je me suis exprimé de façon assez claire sur cet aspect.

Si on va au deuxième alinéa, il y a d'autres situations. C'est qu'il y a des droits qui sont attachés parfois aux actions, qui sont des droits de préemption, des droits de souscription, des droits de cette nature qui varient beaucoup avec l'évolution du droit des corporations. Cela permet, somme toute, ces droits, à chaque fois qu'il y a une nouvelle émission, d'acheter un certain nombre d'actions. Récemment, par exemple, la Banque Royale a procédé ainsi. Donc, ces actions nouvelles qui sont achetées par l'exercice des droits de préemption sont ou achetées avec des propres et alors il n'y a pas de récompense, ou avec des acquêts auquel cas il y a récompense. C'est pour cela qu'il y a une petite nuance: récompense s'il y a lieu selon qu'on a utilisé les acquêts pour les acheter ou des propres.

Enfin, pour ce qui est du troisième alinéa, les primes de rachat ou de remboursement anticipé de valeurs mobilières propres à l'un des époux lui restent propres sans récompense. Là, vraiment, c'est tout le domaine... Je ne sais pas si quelqu'un a l'avantage d'avoir des obligations qui rapportent un fort taux d'intérêt. Si on se retrouve un an après ou quelque temps après avec un rendement d'intérêts sur des obligations qui est de beaucoup inférieur, votre obligation, à cause de son haut taux d'intérêt, va valoir plus que la valeur nominale. Ce que vous aurez peut-être payé $1000 comme obligation à un taux d'intérêt de 14%, si les taux d'intérêt baissent, va rester à 14%, c'est bien sûr, mais la valeur nominale de $1000 en capital va peut-être monter à $1050 parce que votre obligation a un rendement supérieur au marché courant, de sorte que cette prime, si vous voulez, qui s'attache, elle s'attache au capital et c'est normal qu'elle reste propre, car ce n'est pas un revenu des propres.

Ce ne sont pas les intérêts qui sont modifiés. C'est une prime qui est attachée, si vous voulez, à cause de la fluctuation des rendements. D'ailleurs, cela ne fait que reprendre pour ce bout aussi, ce que l'office proposait à cet égard. Si on pouvait lier tout de suite l'article 487... À l'article 487.1, qui est l'article détaché, c'est le cas d'une entreprise - cela réfère assez bien aussi à l'article du code, d'un côté, et également à la proposition Crépeau - qui n'est pas incorporée. Dans une entreprise qui est incorporée, comme chacun le sait, on peut capitaliser au lieu de distribuer les revenus au chapitre des dividendes. Mais quand on fait cette opération de capitalisation, cela n'a rien à voir avec des acquêts ou des propres parce que la compagnie est une personne morale qui n'a pas de régimes matrimoniaux, qui n'a pas de propres, qui n'a pas d'acquêts. Ses actionnaires décident de faire de la capitalisation ou du réinvestissement. Par conséquent, l'article du Code civil ne peut viser que les entreprises non incorporées. Si vous avez une entreprise non incorporée, vous faites des revenus et vous réinvestissez dans les revenus. Je pense à un artisan, l'hiver, qui ramasse la neige, il peut, avec ses revenus, acheter un deuxième camion, donc, faire du réinvestissement. Quand il fait du réinvestissement, comme on l'a dit, son propre a charge de récompense, parce qu'il réinvestit, dans son cas, des revenus qui, par définition à l'article 480, sont nécessairement des acquêts. Etant des acquêts qu'il réinvestit, c'est normal qu'il ait le droit de réinvestir dans l'entreprise pour améliorer son entreprise, mais c'est normal aussi qu'il rende compte aux acquêts des revenus dont il prive la masse des acquêts. C'est pourquoi l'article 487.1 vient préciser qu'il y a là lieu à récompense, ce que ne faisait pas, avec nuance, l'article 1266k et l'article 89 de l'Office de révision. J'avoue que c'est aussi assez technique, mais...

M. Forget: Je crois que l'article 487.1 intervient fort à propos, il n'y a pas de problème. Je posais simplement la question. Quand on parle de revenus ici, on parle bien de revenus dans le sens de la Loi sur l'impôt, c'est-à-dire que l'amortissement n'est pas considéré comme un revenu. L'amortissement ne tombe pas dans les acquêts. Par exemple, pour employer le même exemple, l'amortissement sur le premier camion, qui constitue une réserve financière, peut être utilisé pour acheter un deuxième camion. Cette partie des revenus de l'entreprise, qui ne sont pas véritablement des revenus, mais qui sont des revenus bruts avant amortissement, ce dont on parle ici, c'est le revenu net après amortissement.

M. Bédard: Dans le cas de l'article 487.1?

M. Forget: 487.1.

M. Bédard: Cela ne distingue pas entre les revenus nets et les revenus bruts. Je crois que les revenus, tous les revenus du travail, dans le cas d'une entreprise non incorporée - parce qu'elle n'est pas

incorporée - constituent des acquêts, je pense, par application de l'article 480.

M. Forget: II pourrait y avoir une controverse assez facile là-dessus, parce que l'amortissement n'est précisément pas un revenu du travail. C'est un revenu imputable à l'utilisation d'un actif physique, par exemple, à l'utilisation d'un camion ou d'une pièce d'équipement, de machinerie. Donc, ce n'est pas un revenu du travail, c'est un revenu d'une chose, si on peut dire, sur le plan certainement de la comptabilité commerciale, industrielle, économique, si on veut.

M. Bédard: Cela permet une imputation, parce qu'il s'agit d'une dépense pour gagner. C'est imputable au point de vue fiscal, mais au point de vue de la société d'acquêts, si vous faites la cueillette de la neige, que vous avez $20,000 de revenu, même si vous en employez $10,000 à payer les versements sur le camion, je crois que ces $10,000 qui seront utilisés à amortir les versements, à partir d'un capital, vont être considérés, au point de vue de la société d'acquêts, comme étant un revenu. C'est peut-être sous réserve...

M. Forget: J'aurais une opinion différente, parce que le camion étant un propre, sur le plan de la société de crédit qui va prêter l'argent pour l'achat du camion, elle va présumer que c'est celui qui est le propriétaire du camion qui peut payer et non pas la société d'acquêts, ce qui implique à ce moment-là l'autre conjoint qui devient solidairement responsable de la dette, en somme, relativement à un propre.

Mais chacun a l'administration complète et indépendante de son patrimoine de propres et d'acquêts, et comme ce n'est qu'au partage qu'interviennent les relations entre les deux époux quant à leur patrimoine, je vous donne mon opinion bien modestement, je suis porté à penser que tout ce qui est le gain d'un conjoint et, en vertu de l'article 480, un acquêt, et s'il paye le camion qui est un propre, c'est toujours sujet à récompense. C'est un peu comme le réinvestissement; une fois que le camion est payé, il est possible qu'on en ait besoin d'un deuxième pour augmenter les revenus, les affaires et que les économies réalisées par le travail servent à acheter un deuxième camion. À ce moment, là aussi, pour les fins d'unité de l'entreprise, on dit: Cela sera un propre, l'achat du camion, mais il devra récompense aux acquêts pour avoir utilisé de la masse des acquêts la somme nécessaire à l'achat du camion.

Vous permettez que je vous pose une question? L'achat de l'essence pour faire fonctionner le camion, est-ce que c'est une dépense de la communauté ou si c'est une dépense de l'un des conjoints dans l'administration de ses propres?

M. Bédard: Si vous payez l'essence du camion avec les acquêts, non pas avec vos propres, mais avec vos revenus de travail, c'est une dépense d'acquêts.

M. Forget: Donc, c'est la communauté d'acquêts qui administre l'entreprise.

M. Bédard: Ce n'est pas un investissement. J'ai compris que vous parliez de l'essence, donc, de dépenses courantes.

M. Forget: Oui, c'est cela. Si vous m'aviez dit: Non, la dépense d'essence, par exemple, qui est une dépense courante, est imputable au patrimoine propre, par analogie, l'amortissememt est aussi une dépense. Les articles du Code civil qui traitent de la communauté d'acquêts sont exprimés en termes d'actifs beaucoup plus qu'en termes de dépenses.

M. Bédard: Oui.

M. Forget: D'ailleurs, tout ce chapitre est assez silencieux. Quand on aborde le problème des dépenses, on se rend compte qu'une personne qui exerce une profession, un métier ou un commerce non incorporé et qui est en communauté d'acquêts fait assumer à la communauté l'ensemble des responsabilités financières afférentes à la gestion de ce commerce, de cette profession ou de cette industrie non incorporée.

M. Bédard: Oui, mais il y a une retombée. Les revenus de ce propre, parce qu'il est maintenu, vivifié et rendu productif, tous les revenus des propres tombent dans les acquêts. C'est avantageux de maintenir et de conserver les propres, parce que les revenus font partie des acquêts. Il n'y a pas que le travail qui alimente les acquêts. Il y a également les revenus des propres.

M. Forget: Oui, tant que les propres produisent des revenus plus qu'ils n'engendrent de dépenses.

M. Bédard: Oui, mais, là-dessus, c'est un fait qu'il n'y a pas de contrôle. Encore une fois, c'est pour des fins de partage qu'on a identifié deux patrimoines. En réalité, en société d'acquêts, chacun des époux administre la totalité de ses biens, sans faire de distinction, souvent - dans la pratique, j'entends - entre ses acquêts, ses propres et tout cela. C'est quand arrive le moment du partage ou de la dissolution qu'il faut reconstituer ce qui est propre et ce qui est acquêts. Certains trouvent que cela a une certaine complexité comme régime et

certains pensent même que c'est peut-être pour cette raison que le régime a un peu de difficulté à gagner une faveur plus grande dans le public aussi.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que c'est la séparation de biens qui, dans le moment, gagne le plus de faveur?

M. Bédard: Bien, elle est à 55% contre 45%, si on a le droit de donner des statistiques.

On l'a même mentionné.

M. Forget: Dans le cas d'entreprises, il me semble qu'on apporte là une solution bien partielle, parce qu'au moment où on calculera les acquêts, si l'on se base sur la notion que les revenus bruts d'une entreprise sont des acquêts et qu'on ne s'occupe pas du tout des dépenses engendrées pour les générer on va se trouver dans des situations de partage des acquêts absolument aberrantes.

M. Bédard: C'est la situation présente. J'ai déjà fait l'hypothèse suivante. Je ne sais pas si je devrais vous la transmettre. Vous pouvez fort bien faire le tour du monde avec vos acquêts, puisque vous êtes l'administrateur de vos acquêts et personne ne peut vous empêcher de le faire et, à la dissolution, n'avoir rien à partager, alors que votre conjoint, plus parcimonieux, a économisé les acquêts et se trouve à les partager. Dans la société d'acquêts, vous êtes débiteur de la moitié de vos acquêts, mais vous êtes aussi créancier de la moitié des acquêts de l'autre. Chacun des conjoints a l'autonomie complète de son patrimoine, sauf aliéner à titre gratuit les acquêts, mais aliéner à titre gratuit, cela ne comprend pas faire le tour du monde. Les gens vont en Floride ou ailleurs avec leurs acquêts généralement plutôt qu'avec leurs propres et vous pouvez utiliser le régime. Pourquoi? Parce que la philosophie de ce régime, c'est fondamentalement un régime de partage des économies - s'il y en a - au chapitre des acquêts. Il n'y a pas autre chose que cela dans ce régime, si je peux dire. (23 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est même pas à risque partagé.

M. Bédard: On partage des acquêts s'il y en a.

M. Mathieu: À la fin, simplement pour enchaîner avec ce que vous dites, Me Guy, et mon collègue, M. Forget, on ne s'occupera pas des revenus et des dépenses, on va s'occuper de partager l'actif ou le passif qui reste à la fin. Il peut arriver... Moi, j'ai déjà eu un cas d'acquêts déficitaires du côté d'un conjoint et largement excédentaires du côté de l'autre. On est obligé de faire le partage. Il est sûr que, chez celui dont les acquêts sont déficitaires, il y a eu beaucoup de dépenses à son commerce ou à d'autres fins, ou encore il en a profité pour cacher des acquêts quelque part pour diminuer sa masse d'acquêts, pour ne point faire partager à même sa masse par son conjoint. Ce qui se fait dans la pratique, c'est que les gens en quelques mois vident leur patrimoine d'acquêts, le réalisent en argent et vont le cacher dans des coffrets de sûreté aux Etats-Unis au nom d'amis. En rendant leur patrimoine d'acquêts déficitaire... C'est un peu le danger qui arrive dans certains cas. Si vous arrivez avec un conjoint dont les acquêts sont déficitaires, l'autre conjoint va renoncer, mais celui dont les acquêts sont déficitaires va prendre la moitié des acquêts de l'autre. On ne peut pas parler en termes de dépenses ou de revenus, à ce moment-là, c'est en termes d'actif ou de passif qui restera au moment de la dissolution.

M. Bédard: C'est justement le prix à payer pour une autonomie de gestion de ce régime.

Mme Lavoie-Roux: On se marie souvent pour le mieux et pour le pire! Et pour le pire!

M. Bédard: Cela impose la surveillance.

Le Président (M. Laberge): L'article 487 est-il adopté?

M. Forget: Non, M. le Président.

Je ne suis pas sûr qu'il soit prudent de l'adopter dès ce soir parce que ce sont des choses tellement complexes. Il y a plusieurs façons de lire le premier alinéa. L'explication qui nous a été donnée me semble sûrement une amélioration sur le texte antérieur puisqu'elle n'exige pas de faire ces distinctions subtiles sur ce qui est un paiement capital et un paiement de revenu dans une entreprise. Je me demande si le libellé lui-même est suffisamment limpide. Quand on dit: les actions acquises par suite de la déclaration de dividendes sur des actions propres, on vise, si je comprends bien, des dividendes payés en actions, mais est-ce que cela ne pourrait pas être interprété comme signifiant des actions acquises à même des dividendes payés en argent?

M. Bédard: Vous voulez dire qu'on peut recevoir les dividendes...

M. Forget: Acheter les actions de la même entreprise...

M. Bédard: ...et acheter des actions dans un deuxième temps au lieu de recevoir

des actions comme dividendes. Je pense que les deux hypothèses sont bien identifiées, si l'article ne veut viser que l'une des deux, c'est-à-dire celle qui découle d'une déclaration de dividendes. Il est possible que le texte ne soit pas assez serré. Est-ce qu'il y a des suggestions de le serrer davantage? C'est ce que nous avons trouvé de meilleur. Il y a peut-être une façon de l'améliorer.

M. Forget: Je n'ai pas d'amendement à proposer spontanément comme cela. J'ai vu les amendements du ministre seulement ce soir. Dans le cas du troisième alinéa...

M. Bédard: Est-ce qu'on ne pourrait pas le suspendre? C'est très technique. Je pense qu'on a eu une très bonne discussion là-dessus et il s'agirait de...

Mme Lavoie-Roux: Bien oui.

Le Président (M. Laberge): On va le laisser en suspens pour le moment. Demain matin...

Mme Lavoie-Roux: Pourquoi ne suspendez-vous pas la séance à minuit moins dix? Franchement, cela fait dix heures que vous êtes attablés.

Le Président (M. Laberge): On est prêt. Bientôt.

M. Bédard: Je ne pense pas qu'on doive être agressif. C'est la première fois qu'on en parle.

Mme Lavoie-Roux: Non, pas agressif. Excusez-moi! S'il y avait de l'agressivité, je la retire.

Le Président (M. Laberge): En toute gentillesse.

M. Bédard: Cela nous fait plaisir de vous revoir.

Mme Lavoie-Roux: En toute gentillesse, j'aimerais faire la suggestion que peut-être, à 23 h 50...

M. Bédard: Celui-là, je suis d'autant d'accord qu'on le suspende que, comme on l'a mentionné, même si les explications ont été assez limpides de la part de M. Guy, il reste quand même que nous l'avons déposé ce soir. Pour ce qui concerne les autres articles...

Le Président (M. Laberge): L'article 487 est suspendu.

M. Bédard: ... on peut regarder s'il y a des amendements spéciaux. Il n'y a pas d'autres amendements dans les autres articles.

Le Président (M. Laberge): Non. Aux articles 488, 489 et 490, il n'y a pas d'amendements suggérés. Ils sont très courts.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, sans agressivité, encore une fois, cela me semble raisonnable qu'on arrête. Je pourrais bien faire une motion d'ajournement et en discuter pendant une demi-heure, mais c'est de bonne foi que je le suggère. Je pense que mon collègue...

M. Bédard: II a fait un travail fantastique.

Mme Lavoie-Roux: Oui, et il ne reste que dix minutes.

M. Bédard: Je suis d'accord avec vous.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Beauce-Sud.

M. Bédard: II y a une question; vous avez un collègue qui est en pleine forme, là-bas.

M. Mathieu: J'aimerais qu'on cogite, cette nuit, à un problème qui ne me paraît pas avoir été réglé ici. Supposons qu'une personne achète un billet à $10 de Loto-Québec et gagne le million - j'ai regardé jusqu'à la fin, il ne reste que trois articles et je ne trouve pas de réponse - est-ce que ce million sera propre ou acquêt?

M. Bédard: C'est important, ce que vous dites. Une recommandation nous a été faite d'ajouter un septième alinéa pour qualifier le prix des loteries. Je croyais préférable qu'on en discute avant de se brancher.

M. Mathieu: J'ai eu ce cas dans ma pratique, un gain d'un million par l'achat d'un billet de $10, et imaginez, les époux sont en instance de divorce!

M. Bédard: C'est mieux d'être le détenteur du billet que d'être le notaire!

M. Mathieu: II peut y avoir lésion de $500,000, là.

M. Bédard: Pour ce qui est de la lésion, on pourra regarder cela demain matin...

M. Mathieu: Très bien.

M. Bédard: ... en y réfléchissant cette nuit.

M. Mathieu: C'est pour cela que

j'aimais en parler, pour qu'on y cogite cette nuit.

M. Marx: Pensez-vous qu'on va pouvoir dormir? Cela peut nous empêcher de dormir.

M. Bédard: En rêvant au million, peut-être.

Le Président (M. Laberge): Sur ce, mesdames et messieurs, la commission parlementaire de la justice ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 52)

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