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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le vendredi 12 décembre 1980 - Vol. 23 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 89 - Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille


Journal des débats

 

(Quatorze heures cinquante minutes)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et messieursl

La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux concernant le projet de loi 89, Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille.

Les membres de la commission pour aujourd'hui sont: M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis) remplacé par M. Mathieu (Beauce-Sud); M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Charbonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Guay (Taschereau) remplacé par M. Gosselin (Sherbrooke): Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. Marquis (Matapédia).

Sont inscrits comme intervenants: M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Desbiens (Dubuc), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) remplacé par M. Lalande (Maisonneuve); M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Pagé (Portneuf) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Comme nous l'avons déjà mentionné, le rapporteur pour la commission est Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine).

De la société d'acquêts (suite)

M. le ministre, nous en étions arrivés, hier, à l'étude de l'article 487 auquel on a apporté des amendements. L'article 487 a été remplacé par un nouvel article 487 et un article 487.1. Nous avions suspendu ces deux articles.

M. Bédard: Nous avions suspendu nos travaux étant donné l'heure. Je crois que le député de Saint-Laurent avait quelques autres questions à poser.

M. Forget: Je n'avais pas de question à poser, M. le Président, j'avais simplement souligné qu'étant donné le caractère peut-être un peu ardu de l'article, avant d'en faire une adoption finale, on pourrait se donner jusqu'à ce matin, effectivement cet après-midi. Mais non, je n'ai pas d'autre remarque à faire, si ce n'est peut-être une seule qui est relative au troisième alinéa de l'article 487.

Les primes de rachat ou de remboursement anticipé de valeurs mobilières propres à l'un des époux lui restent propres sans récompense. Il y a là un choix qui évidemment a été fait, qui est fait clairement dans l'article, mais qui revêt un certain caractère d'arbitraire, parce qu'il est clair que ces primes, même si elles peuvent être considérées à juste titre comme des éléments de capital, constituent un exemple par excellence de ce qu'on appelle, en langage financier, une capitalisation d'un revenu ou d'un différentiel de revenu. À ce moment, la distinction entre capital et revenu perd de sa valeur dans une large mesure. Je pense qu'on doit peut-être seulement mentionner ici, quoiqu'il s'agisse d'éléments capitalisés - c'est du revenu capitalisé - qu'on aurait tout aussi pu conclure qu'il s'agissait d'acquêts plutôt que de propres. Mais ce n'est que pour le mentionner que j'en fais mention ici. Je pense que les deux solutions sont arbitraires dans une certaine mesure. Comme ces primes se rattachent à la valeur d'actifs qui sont des propres, sans controverse possible, c'est une solution qui ne répugne pas sur un plan conceptuel, sur un plan intellectuel, encore que, comme je l'indiquais tout à l'heure, ça paraisse être un élément assez arbitraire de choix. Mais je n'ai pas l'intention de m'y opposer comme tel, parce que je n'ai pas d'argument qui me vienne à l'esprit qui militerait en faveur d'un renversement de ce choix.

M. Bédard: II y avait deux voies à prendre, si on veut aller dans des voies très précises et, de toute façon, ça aurait été un peu de l'arbitraire, qu'on prenne l'une ou l'autre. Il y a un choix qui a été fait.

J'ajouterais que, là-dessus, nous avons somme toute reproduit la décision de 1969, lors de l'étude de l'article 1266k, parce que les propres, c'est sûr, c'est une décision d'un caractère arbitraire. On nous dit c'est un numerus casus, c'est-à-dire qu'on décide. Dans le cas des acquêts c'est une présomption, mais dans le cas des propres, il faut que la loi soit claire à ce sujet. C'est le parti qui avait été décidé en 1969. Il n'a été que repris.

M. Forget: Je n'ai pas d'autres

remarques à faire sur ces deux articles.

Le Président (M. Laberge): L'article 487, nouvelle rédaction, adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 487.1 est-il adopté? Adopté. J'appelle l'article 488.

M. Bédard: L'article 488 reprend l'article 1266 1 du Code civil. L'expression "propriété intellectuelle et industrielle" a été préférée à "oeuvres de l'esprit" proposée par l'Office de révision du Code civil dans son article 90. En effet, dans le contexte de la loi française du 11 mars 1957 qui a inspiré l'Office de révision du Code civil, l'expression "oeuvres de l'esprit" réfère à la propriété littéraire et artistique et non à la propriété dite industrielle. D'autre part, les lois canadiennes sur les droits d'auteurs, les brevets et les dessins industriels n'utilisent ni ne définissent l'expression "oeuvres de l'esprit" comme le fait la loi française du 11 mars 1957. L'utilisation de la terminologie de la loi française serait donc prématurée. La doctrine étant divisée sur la portée de l'article 1266 1 du Code civil, il est prudent d'attendre les premières interprétations judiciaires avant de modifier l'article. Cela reprend l'article.

M. Forget: Excusez-moi, M. le Président, j'aurais une remarque à faire, mais j'ai une vérification.

M. Bédard: Là-dessus, je crois que nous n'avons pas eu de remarques de la Chambre des notaires. Non.

M. Forget: Le ministre a dit qu'il y avait une controverse à ce sujet.

M. Bédard: Et parce que ce n'est pas encore déterminé, nous préférons avoir la prudence de garder le texte actuel essentiellement.

Comme il a été indiqué, les lois canadiennes sur les droits d'auteurs, les brevets et les dessins industriels - et on sait qu'il y a là compétence fédérale, en tout cas, pour partie - n'utilisent pas l'expression "oeuvres de l'esprit". Dans le Code civil français, la loi de 1957 utilise "oeuvres de l'esprit", mais en en définissant le contenu, en l'étendant à la propriété littéraire et artistique et non à la propriété dite industrielle. Les concepts chez nous ne sont peut-être pas encore suffisamment définis à cause des juridictions, d'une part, et à cause aussi de certaines incertitudes jurisprudentielles; il nous paraissait que c'était peut-être un peu délicat d'introduire, en tout cas, dans le Code civil cette expression sans, à tout le moins, la définir aussi. Et en la définissant, il y aurait peut-être aussi un problème de compétence qu'on pourrait soulever également entre le fédéral.

M. Forget: Si je comprends bien, la solution qui est adoptée n'affecte en rien la distinction entre les propres et les acquêts.

M. Bédard: Non.

M. Forget: II s'agit simplement de se questionner sur l'applicabilité au Québec d'une expression qui n'a pas reçu droit de cité ici. Pour ce qui est de la distinction entre les propres et les acquêts, est-ce que cette distinction relativement à la propriété intellectuelle a fait l'objet de représentations, de difficultés ou même de contestations?

M. Bédard: Non, pas sur le plan de savoir si c'est propre ou acquêt. C'est plutôt sur le plan de l'extension, si vous voulez, du contenu potentiel des expressions utilisées.

M. Forget: Lorsqu'on a étudié un article précédent qui énumérait les propres, on a d'ailleurs précisé que lorsqu'il s'agit de contrats d'assurance, les indemnités qui sont payées en vertu de contrats d'assurance sont considérées comme des propres, et c'est le principe auquel on a fait allusion à l'époque. Il s'agissait là, en quelque sorte, de compenser la perte d'une capacité de gagner qui est un élément de capital humain, si on veut, d'un des conjoints. (15 heures)

Lorsqu'on pense à la capacité de produire des oeuvres littéraires ou artistiques, il y a aussi un élément de capital humain et c'est reconnu, bien sûr, en disant que "les droits de propriété intellectuelle et industrielle sont propres". Cependant, quand on songe à la façon dont est rémunéré le produit d'une activité intellectuelle ou artistique, ça peut faire l'objet d'une vente de droits d'auteur et, à ce moment-là, on doit comprendre que, si un auteur vend ses droits globalement après la production d'une oeuvre ou vend son copyright, à ce moment-là, c'est un propre. S'il accepte, cependant, d'être payé sous forme de royautés, en quelque sorte, sur la production ou la reproduction d'une oeuvre, etc, ça devient un acquêt.

C'est un peu curieux parce que, dans le fond, c'est une question de convenance fiscale. Il s'agit toujours de l'épuisement en quelque sorte ou de la liquidation économique ou financière de cette capacité qui est ordinairement limitée. Quand on pense aux copyrights qui sont limités à 17 ans après leur enregistrement, qu'on reçoive une somme globale au début ou qu'on reçoive pendant 17 ans 17 versements annuels en

quelque sorte, on peut se dire que c'est la même chose. Comment se fait-il que, dans un cas, c'est un propre et, dans l'autre cas, c'est un acquêt?

M. Bédard: II y a peut-être certaines distinctions de caractère assez subtil aussi à indiquer. À l'article 488 du projet, je crois qu'il faut comprendre qu'il y a non seulement les revenus qui proviennent de l'exploitation des droits, mais également les produits. Quand on parle d'interprétation jurisprudentielle, les produits, les revenus sont-ils les prix de vente des droits comme tels et les revenus sont-ils des royautés? Il semble bien que tout ça est acquêt.

Par ailleurs, au sujet des indemnités d'assurance, je pense qu'il y a une distinction assez importante à faire entre l'article 484 pour ce qui est des pensions dites d'invalidité ou de quelque autre avantage de même nature et l'article 485 qui parle des indemnités pour atteinte à la personne. En d'autres termes, il semble que la portée de l'article 485, en ce qui concerne les atteintes à la personne, vise vraiment les sommes qui sont données, généralement à titre forfaitaire pour compenser la perte d'un membre, la perte d'un oeil, etc., ce qui est autre chose que la perte de la capacité de gagner le revenu, parce que le revenu est toujours acquêt.

Donc, s'il y a une indemnité - c'est assez ventilé par le tribunal - pour invalidité, si la capacité de travailler est réduite de 10%, 20% ou 30%, l'indemnité est acquêt. Celle qui n'est pas acquêt, pensons au cas d'un paraplégique, par exemple, qui, pour retrouver sa capacité de mouvement, a droit à une indemnité qui lui permet de se procurer des prothèses qui lui permettent de retrouver son mouvement. C'est strictement propre. Ce qui touche à sa capacité de gain pour l'avenir fait partie des acquêts.

Cette nuance étant faite entre les deux types d'indemnité, aux articles 484 et 485, en revenant à l'article 484, je pense que c'est peut-être là que tout n'est pas parfaitement clair. Les produits et revenus semblent englober non seulement les royautés, mais également les redevances, prix de vente ou autres. Ce n'est pas un article qui a reçu actuellement ce qu'on appelle une interprétation fixée, décisive ou finale. Ce n'est pas fait. C'est un article assez récent, il faut le dire; il a été adopté en 1969. On n'a pas pensé y toucher.

M. Forget: II semble bien que rien ne soit plus personnel que le produit financier de ce qui découle d'une activité intellectuelle ou artistique. Je ne suis pas sûr que la distinction qu'on peut faire entre des revenus et des versements en capital relativement à ces activités a la même solidité que dans d'autres domaines d'activités économiques. Comme c'est tellement lié à la personne et comme le sujet se pose avec de plus en plus d'intérêt au Québec et un peu partout, la question du droit d'auteur... Il y a d'ailleurs eu un livre blanc qui a été publié par un collègue du ministre de la Justice cette semaine sur le sujet du droit d'auteur. C'est une question qui a été négligée, je pense, dans notre législation au Québec depuis tellement longtemps que, mon Dieu, je pense que la question n'est certainement pas déplacée et, si on devait donner au droit d'auteur plus d'importance à l'avenir, il est peut-être d'autant plus important de prévoir plutôt que d'attendre qu'un certain partage soit fait et qu'on vienne en quelque sorte bouleverser des habitudes après coup.

M. Bédard: II faut dire qu'il n'y a pas beaucoup de littérature. Vous faites mention d'un ouvrage récent, mais il n'y a pas beaucoup de doctrine éclairante sur la question présentement.

M. Forget: Bon, à moins que le ministre n'ait de "second talks" comme on dit en anglais, je n'ai pas d'objection à l'adopter.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 488 est adopté. J'appelle l'article 489.

M. Bédard: Ça reprend l'article 1266m du Code civil sous réserve de la modification de rédaction qui ne touche pas au fond comme tel. C'est l'article clé du régime.

M. Forget: Ces biens-là ne sont plus-Non, c'est l'article suivant.

M. Bédard: Ils sont présumés acquêts, à moins qu'il ne soit établi que c'est un propre. C'est la présomption...

M. Forget: Ils ne sont plus présumés être indivis s'ils sont acquêts.

M. Bédard: Oui, ça viendra plus tard dans un autre article, la présomption...

M. Forget: C'est ça, c'est l'article suivant.

M. Bédard: Oui, cet article 489 répond peut-être aussi partiellement à la question qui a été posée hier soir, à savoir quand on achète un billet de loterie, je parle dans l'état actuel du droit, qu'en est-il? Le bien est présumé acquêt et certainement ce qui en découle également, c'est-à-dire le million quand on le gagne. Mais la preuve à faire est difficile dans le cas d'un billet de loterie que les $10 ou les $5 employés étaient un

propre. C'est une preuve sans doute assez difficile à faire, mais s'il était un propre, tout s'ensuivrait également, possiblement. Je dis bien possiblement parce que, là-dessus, là aussi on n'a pas une jurisprudence qu'on peut invoquer fortement à l'appui de nos prétentions, mais l'économie du régime.

M. Mathieu: C'est surprenant que le produit d'un billet de loterie puisse être un acquêt par la force de la présomption, à cause des sommes impliquées et à cause de l'étendue des procès qui vont découler de ça. Imaginez-vous des époux séparés de fait, sans aucun jugement en séparation de corps. L'épouse ou l'époux prend un billet de loterie, gagne le million alors qu'ils sont en instance de divorce. L'autre époux va avoir la demie du produit du billet. Imaginez-vous qu'ils vont sûrement faire jurisprudence en Cour supérieure, en Cour d'appel ou en Cour suprême. Il me semble que ce serait si simple, dans un cas semblable, d'énoncer une protection de propre comme on l'a fait à l'article 481, l'ajouter tout simplement.

M. Bédard: Un cas semblable peut être en matière d'indemnité payée à la suite, disons, d'un décès accidentel. Vous pouvez, pour une prime minime - c'est relatif - avoir une couverture d'assurance assez importante à l'occasion d'un voyage, par exemple, en autobus ou en avion et, si le paiement a été fait avec des acquêts, c'est la présomption qui est faite. L'indemnité sera aussi acquêt et il n'y a pas non plus là de... C'est un cas assez semblable et les dispositions que nous avons adoptées en font aussi des acquêts.

M. Forget: II reste que, dans le cas d'une instance de divorce, la cour peut juger que la communauté a cessé au moment du début de l'instance, ce qui veut dire que, si l'événement se situe après le début de l'instance, le tribunal a la discrétion de déterminer le moment où la société d'acquêts est dissoute.

Une voix: ...

M. Forget: On essaie de la lire entre les séances.

M. Bédard: D'accord. L'article 489 est adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 489 est adopté. J'appelle l'article 490.

M. Bédard: Article 490. Cet article modifie l'article 1266m du Code civil qui porte à faux. En effet, l'article 1266m du Code civil et l'article 489 proposé présument acquêt tout bien à moins qu'il ne soit établi qu'il est un propre, mais si le bien qualifié d'acquêt ou de propre n'est pas propriété exclusive d'un époux, là, une présomption d'indivision entre les époux est utile. Donc, ce qui porte à faux dans l'article 1266m du Code civil, c'est de présumer acquêt indivis un bien propre sur lequel un époux ne peut justifier une propriété exclusive parce qu'il l'a reçu par succession avec son conjoint ou parce qu'il l'a acquis en remplacement d'un propre avec son conjoint. C'est pourquoi la présomption d'acquêt indivis de l'article 1266m du Code civil a été abandonnée. L'article 490 est conforme à la proposition de l'Office de révision du Code civil sous réserve du rétablissement du mot "exclusivement" que l'article 92 a laissé tomber par mégarde, mais que le commentaire sous le même article a récupéré.

M. Forget: Ce qui veut dire que les biens en question peuvent être des propres indivis.

M. Bédard: En réalité, avec l'article 489 qu'on vient d'adopter, tous les biens sont présumés acquêts à moins qu'on ne prouve qu'ils soient propres. Donc, le problème ne se pose pas de savoir si c'est un propre ou un acquêt puisque la présomption permet d'en disposer de façon complète sauf qu'il peut arriver qu'on ait un bien acquêt qu'on possède par indivis avec un autre et cet autre pourrait être le conjoint également. En d'autres termes, rien n'empêche les conjoints d'utiliser chacun ses acquêts pour acheter un bien indivis. Exemple, la propriété qui est achetée en copropriété par les époux mariés en société d'acquêts et qui utilisent chacun ses acquêts pour l'acheter.

Une voix: ...

M. Bédard: Non, qui utilisent chacun ses acquêts pour acheter l'immeuble en copropriété. Ici, on dira qu'à défaut de faire la preuve d'un propre c'est un acquêt et ça va très bien. C'est un bien acquêt dans les deux cas pour chacun des époux et, en plus de ça, aucun n'a la propriété exclusive, mais ils pourraient aussi prendre chacun ses propres et faire l'achat d'une copropriété en indivision et là, dès qu'ils feront la preuve que c'est un propre, on élimine donc la notion d'acquêt, mais ils ne peuvent pas faire l'un et l'autre la preuve que c'est une propriété exclusive. Puisqu'ils sont en indivis dans les propres, ils peuvent être également en indivis dans les acquêts. C'est un peu difficile. On voit que même les spécialistes du droit ont du mal à se fixer là-dessus, mais il me semble que découlent de nos règles les applications que je viens de mentionner.

M. Forget: Donc, la société d'acquêts peut donner naissance à quatre catégories de

biens ou à quatre patrimoines... M. Bédard: Oui.

M. Forget: ...un propre exclusif pour chacun des conjoints, un propre indivis, un acquêt exclusif et un acquêt indivis.

M. Bédard: Mais seulement ça ne multiplie pas, comme certains le disent, les masses. Il restera deux masses dans chacun. Il n'y aura pas une cinquième masse de biens. Il y aura quand même deux masses sauf qu'il y aura des propres indivis et des propres exclusifs. Il y aura des acquêts indivis et des acquêts exclusifs. Il nous semble que le régime nous conduisait à des applications de cette nature.

Le Président (M. Laberge): L'article 490 est-il adopté?

M. Forget: Oui, adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 491.

De l'administration des biens et de la responsabilité des dettes

M. Bédard: Concernant la section de l'administration des biens et la responsabilité des dettes, l'article 491 reproduit textuellement la première règle de l'article 1266o du Code civil en spécifiant que chaque époux a l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens propres et de ses acquêts, règle générale.

M. Forget: Au sujet de cette règle, on a vu qu'il y avait une règle à peu près correspondante en cas d'absence d'un des conjoints. Ce sont des règles générales qu'on a vues précédemment. En cas d'absence d'un des conjoints ou d'abandon, le conjoint restant peut se faire décerner par le tribunal un mandat judiciaire d'administration. On a vu qu'il y avait la clause traditionnelle à savoir que ce mandataire judiciaire ne devait pas rendre compte, sauf du solde restant ou après mise en demeure, mais que jusqu'à mise en demeure, il avait la discrétion la plus absolue. (15 h 15)

Dans le fond, l'article 491 reproduit la même notion. Dans la communauté d'acquêts, chacun des conjoints a la pleine administration, la pleine jouissance de ses biens propres et de ses acquêts. D'accord, il n'y a pas de problème là. Mais lorsqu'il administre ses acquêts, dans le fond, il est dans la même situation que l'administrateur d'une communauté de biens. Plusieurs fois, au cours de nos débats, on a soulevé le problème du conjoint qui dilapide ses acquêts et qui, malgré tout, pourra partager les acquêts de l'autre, à supposer que l'autre soit un bon administrateur. Je me demande si les réserves que nous avons eues, qui nous ont d'ailleurs amenés à suspendre l'adoption définitive de cette clause d'irresponsabilité du mandataire judiciaire ne devraient pas nous amener à réfléchir à ce que cette libre disposition de ses acquêts par chacun des conjoints ne souffre aucune exception.

J'imagine qu'à la limite, si on pouvait prouver mauvaise foi, malice, intention de nuire, etc., peut-être qu'on nous dira que... sujet à faire une preuve très difficile de mauvaise foi et d'intention malicieuse, à part cela, dans le fond, il n'y a aucun recours. Je ne suis même pas sûr qu'il y a une obligation de rendre compte lors de la dissolution. On dit: Voici ce qui reste. C'est tout.

Je me demande si, dans des relations de confiance... Je comprends qu'on doit présumer de la confiance entre les conjoints tant que la communauté dure, mais si elle disparaît à un moment donné, avant qu'on puisse briser la communauté, obtenir un jugement, il peut se passer bien des choses. Ce qui est le plus odieux, ce n'est pas tellement qu'on sanctionne l'irresponsabilité d'un des conjoints, c'est qu'on lui permet, à ce moment-là, de profiter de la responsabilité de l'autre. C'est assez extraordinaire, il me semble.

M. Bédard: C'est peut-être un peu pour cela qu'on a retenu hier l'article 477, qu'on ne l'a pas fermé, pour ce qui est des fruits. Il est toujours ouvert. Il y a là peut-être un problème...

M. Forget: C'est peut-être une des choses qui peut retenir les gens à adopter plus spontanément la communauté d'acquêts. Cette notion que chacun, quant à lui, administre la totalité de ses biens, même les biens qui seront considérés par la loi comme communs, cela donne toute la liberté de la séparation et en plus, à l'autre conjoint, cela donne l'obligation de partager dans ce qu'il administre lui-même. Subjectivement parlant, ce n'est peut-être pas tellement attrayant.

M. Bédard: II y a quelques restrictions cependant. Il y a toujours le danger de dissiper carrément les acquêts pour un des conjoints. Il ne peut cependant pas en disposer à titre gratuit sans ce consentement de l'autre conjoint. J'imagine que cette disposition a été voulue pour éviter...

M. Forget: C'est le cas le plus flagrant. On prend ses acquêts et on les donne à quelqu'un d'autre.

M. Bédard: ... une situation qui prend complètement par surprise et qui ne peut pas être corrigée, dans le cas de la donation, par

exemple. Dans le cas de quelqu'un qui dissipe ses biens, à moins d'en avoir très peu, pour peu qu'il y en ait d'une façon raisonnable, cela ne peut pas se faire dans la même journée quand même. L'autre conjoint a comme une certaine lumière rouge qui s'allume à ce moment-là, en termes de responsabilité pour la protection de ses propres acquêts et il peut aussi poser des gestes.

Mme Lavoie-Roux: Une des raisons qui pourrait survenir comme étant une cause de la séparation ou de la dissolution de la société d'acquêts serait-elle justement l'irresponsabilité? Il reste quand même qu'au moment du partage, même si cela a pu être la raison principale de la séparation ou du divorce, il va profiter des fruits. Cela peut même être la cause.

M. Bédard: Le problème des fruits, je pense que nous l'avons retenu, parce qu'il y a quelque chose là, sauf que l'article 477 dit bien qu'il faut rendre compte, cependant, du capital. Donc, l'administrateur ne pourrait pas dilapider les acquêts qu'il a sous administration. Évidemment, il peut dilapider ses propres acquêts. C'est en vertu des règles du régime. Mais quand il a l'administration des biens de son conjoint en vertu de l'article 477...

Mme Lavoie-Roux: Non...

M. Bédard: ...sauf que les fruits, il n'en rendait pas compte, en vertu de l'article qui était proposé. Je pense qu'il y a quelque chose à corriger là, peut-être.

Mme Lavoie-Roux: Je crois que c'est au moment du partage. Cela se comprend. Il n'a pas le droit de mal administrer les acquêts de son conjoint, si cela lui a été confié par mandat de son conjoint. Mais, dans le cas où lui-même est responsable vis-à-vis de ses propres acquêts, la séparation a lieu, si je comprends, il a droit au partage des acquêts.

M. Forget: Le comportement d'un conjoint vis-à-vis de ses propres acquêts devrait probablement être opposable par l'autre conjoint relativement au partage de ses acquêts à lui et à ses ayants droit.

M. Bédard: ...contrôle de cela, de mauvaise administration aussi. Il ne faut pas qu'on ait dans le mariage...

On a fait beaucoup d'hypothèses à propos de ce que vous soulevez. Moi, j'avoue que j'y ai longuement réfléchi, parce que cela m'ennuyait également, mais on n'est pas arrivé à... En définitive, toutes sortes de situations vont se présenter. Quelqu'un a des acquêts de $50,000, disons, et il fait des placements imprudents, peut-être. Il prend des risques plus grands que d'autres et, finalement, il perd ses acquêts, pas nécessairement...

Mme Lavoie-Roux: II n'est pas de mauvaise foi.

M. Bédard: Non, mais la mauvaise foi, c'est difficile. C'est de la négligence dans l'administration. Ce n'est pas de la mauvaise foi nécessairement, parce que la mauvaise foi, c'est peut-être plus que cela. Alors, il perd ses acquêts. L'autre qui n'a pas pris de risques, qui a tout placé sur des obligations qui sont sûres, il retrouve tout son capital avec des intérêts accrus, évidemment, il augmente. Il y a toutes sortes de situations. Il y a celui qui les dépense. C'est la liberté d'administrer que la liberté de dépenser.

M. Forget: ...joue au cartes et l'autre qui les investit prudemment... Celui qui les a jouées partage éventuellement les économies de l'autre qui ne les a pas jouées. C'est agaçant.

Mme Lavoie-Roux: On ne pourrait pas y introduire un élément de preuve de responsabilités?

M. Bédard: Ils ne nous ont recommandé rien de particulier. Le projet a fait l'objet d'une réforme importante en 1969. Les experts du temps, qui étaient vraiment des experts, ont analysé, j'imagine, assez profondément ce régime, n'ont rien trouvé de plus et nous n'avons rien trouvé de plus. Je lisais les commentaires de M. Caparros, qui est quand même un professeur qui, en matière de régimes matrimoniaux, connaît fort bien cette matière. Il ne semble pas facile de trouver une réponse du type de celle qu'on recherche et qu'on souhaiterait dans ce domaine. Cela existe peut-être, mais ce n'est pas trouvé par les juristes.

M. Forget: Nous n'avons pas de suggestions avec un libellé précis, mais nous allons certainement y réfléchir.

Le Président (M. Laberge): Article 491, adopté. Article 492.

M. Bédard: Sur l'idée générale, on verra. Je pense qu'on peut continuer la réflexion. Je crois qu'on est animé de la même façon...

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Bédard: ...comme bien d'autres avant nous.

Le Président (M. Laberge): À l'article 492, on nous recommande, au deuxième

alinéa, de changer le mot "cet" devant le mot "acte" par "un tel". Est-ce que cet amendement est adopté? C'est afin de dire: "à passer seul un tel acte", etc. Adopté.

M. Bédard: Je ne crois pas que cela pose un problème.

Le Président (M. Laberge): Non, c'est pour préciser.

M. Bédard: C'est une première barrière à la préoccupation que nous évoquions tout à l'heure: au moins que ce soit très clair qu'il ne puisse en disposer à titre gratuit, avec l'effet de surprise que cela représente. D'accord?

Une voix: Adopté.

Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qui arrive s'il en dispose?

M. Bédard: C'est la nullité. Mme Lavoie-Roux: La nullité.

M. Bédard: Opposable de façon absolue aux tiers.

M. Forget: Parce que c'est à titre gratuit.

M. Bédard: Parce que c'est à titre gratuit et que les tiers ici doivent être prudents quand il s'agit de titres gratuits. Il n'y a pas de contre-prestation, il n'y a pas de remise en état, il n'y a pas de risque; ils reçoivent. Ils peuvent être appelés à remettre ce qu'ils ont reçu.

Mme Lavoie-Roux: Et si cela a été dissipé?

M. Bédard: Cela n'a pas d'importance. Ils doivent rendre...

Mme Lavoie-Roux: Ils doivent le rendre.

M. Bédard: ...l'équivalent en dommages-intérêts. En équivalent.

M. Forget: C'est un cas où il faut regarder un cheval donné.

M. Bédard: II faut regarder la bride.

M. Forget: II faut regarder la bride du cheval donné dans ce cas.

Mais s'il y a insolvabilité...

Mme Lavoie-Roux: Quand on reçoit un cadeau, il faut s'informer s'il est en société d'acquêts.

Le Président (M. Laberge): Article 492 adopté tel qu'amendé. Article 493?

M. Bédard: II y a des corrections de forme.

M. Forget: C'est la même correction qui intervient partout.

M. Bédard: C'est cela. Subsidiaire au lieu de subrogé.

M. Forget: Au risque d'exposer notre ignorance, j'aimerais qu'on nous explique cette substitution une fois parce...

Mme Lavoie-Roux: Pour moi, en tout cas.

M. Forget: ...que je ne suis pas sûr de la saisir.

Mme Lavoie-Roux: Cela me fait plaisir que tu en parles.

M. Bédard: La subsidiarité c'est ce qui vient en deuxième lieu, enfin qui vient en un lieu après. Alors, on a déjà un propriétaire de la police qui peut dire qu'à son décès il veut que le propriétaire de la police en soit un autre. De même, quand on est bénéficiaire désigné, on peut établir des bénéficiaires successifs; donc, sur la tête d'un premier et sur la tête d'un deuxième. Quand on arrive au deuxième, c'est par subsidiarité simplement. En d'autres termes, c'est à défaut du premier que le deuxième simplement peut bénéficier.

M. Forget: C'est le deuxième par le fait même.

M. Bédard: II n'y a pas de subrogation. L'expression "subrogé" qui avait été, dans le temps, utilisée paraît assez incorrecte en droit parce que la subrogation personnelle ou la subrogation réelle réfère à des notions en droit qui sont différentes de celle que voulait exprimer l'idée de subsidiarité dans l'assurance. Cela va?

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Laberge): La correction au mot "subsidiaire" est adoptée.

À la troisième ligne du premier alinéa, on nous demande d'ajouter une virgule après le mot "personnes" et de supprimer les mots "ou comme bénéficiaire". Je vais voir s'il y a d'autres corrections. On enlève "ou comme bénéficiaire". À la deuxième ligne du deuxième alinéa, il s'agit de remplacer les mots "à même" par le mot "avec". C'est tout pour cela.

L'article 493 se lira comme suit: "L'article 492 ne limite pas le droit d'un époux de désigner un tiers comme

bénéficiaire ou propriétaire subsidiaire d'une assurance de personnes, d'une pension de retraite ou autre rente. Aucune récompense n'est due en raison des sommes ou primes payées avec les acquêts si la désignation est en faveur du conjoint ou des enfants de l'époux ou du conjoint." Est-ce que l'article 493 est adopté avec les trois amendements que j'ai énumérés?

M. Bédard: M. le Président, il s'agit d'amendements de concordance comme on peut le voir. L'article reprend essentiellement l'article 1266p du Code civil.

Le Président (M. Laberge): Adopté tel qu'amendé. Article 494? Au deuxième alinéa de l'article 494, on nous demande de remplacer les chiffres "446 et 447" par "447 et 448".

M. Forget: Cela va être un éclaircissement au Barreau.

Le Président (M. Laberge): La correction est apportée et adoptée. Est-ce qu'il y a des commentaires sur l'article?

M. Bédard: Je n'ai pas d'autres commentaires.

Le Président (M. Laberge): Adopté tel qu'amendé.

M. Forget: Non. Pas trop vite.

Le Président (M. Laberge): Un moment. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Le premier paragraphe ne pose pas de difficultés. On dit que "chacun des époux est tenu, tant sur ses biens propres que sur ses acquêts, des dettes nées de son chef avant ou pendant le mariage." Evidemment, on introduit la réserve dans le deuxième alinéa qu'il n'est pas tenu des dettes nées du chef de son conjoint, ce qui est le corollaire, sauf dans la mesure où le conjoint encourt des dettes pour subvenir aux besoins courants du ménage selon les articles 447 et 448. (15 h 30)

Cet article, même s'il n'en parle pas spécifiquement, peut donner ouverture une nouvelle fois. J'y ai réfléchi à nouveau et, à la suite de notre discussion d'hier, il y a tout le problème, me semble-t-il, de l'entreprise professionnelle, commerciale ou industrielle et de la façon qu'elle intervient dans la communauté d'acquêts. Cet article, qui parle des dettes nées du chef d'un des conjoints, donne ouverture, évidemment, à poser la question que, parmi ces dettes, il y a les dettes d'entreprise. Les dépenses qu'un individu fait peuvent se diviser - pour les fins de la discussion, en gros, si vous voulez - en deux grandes masses: la catégorie des dépenses personnelles et la catégorie de dépenses qu'il encourt à titre d'entrepreneur ou de professionnel ou de commerçant.

Ce qu'on dit dans le premier alinéa, c'est que ces dettes sont ses dettes à lui, mais, dans une certaine mesure, dans la mesure où ce sont les dettes de ses acquêts, ce sont aussi, d'une façon indirecte, les dettes de son conjoint. Dans le cas des dépenses personnelles, je pense que cela fait partie de la notion de communauté, mais on peut se demander s'il est juste et raisonnable que la communauté, que les charges de la communauté et les charges des acquêts s'étendent aux dettes engendrées pour des activités professionnelles, commerciales, industrielles, professionnelles ou autres non incorporées, bien sûr.

Il semblerait - je reviens à la charge là-dessus - plus approprié que les activités commerciales: À moins qu'elles ne soient elles-mêmes des activités de communauté ou du ménage, si les deux ont une entreprise non incorporée qu'ils administrent indivisément, de façon indivise, là, c'est autre chose. La communauté s'élargit, elle prend une dimension commerciale, industrielle ou professionnelle. Mais si ce n'est pas le cas, il semble déraisonnable, en grevant les acquêts d'un des conjoints, de grever la communauté.

J'ai eu beau regarder l'ensemble des articles sur l'administration des biens et la responsabilité des dettes, dans le fond, je pense qu'il faut conclure, de la lecture de tous ces articles - c'est l'impression que j'ai toujours eue d'ailleurs de la communauté d'acquêts - ce n'est pas tellement qu'elle règle le problème de façon discutable, mais elle semble laisser ce problème de côté. Cela produit peut-être des situations un peu paradoxales: si cette entreprise non incorporée verse un salaire au deuxième conjoint, ce salaire du deuxième conjoint est considéré comme une dépense des acquêts du premier et un revenu des acquêts du second. C'est une façon bien indirecte de traiter du problème et peut-être aussi est-elle un peu imparfaite. Encore là, ou c'est une entreprise qui est véritablement indivise, et on doit considérer la totalité des dépenses et des recettes de cette entreprise comme faisant partie des acquêts, et la question du salaire peut avoir une importance sur le plan fiscal, mais évidemment, dans ce contexte et dans le contexte d'une communauté, cela perd sa signification, ou alors, c'est une activité qui est propre à un seul des deux conjoints et il me semble qu'à la fois les recettes brutes et les dépenses afférentes à cette activité devraient être propres et seulement le revenu net, au sens des règles habituelles de la comptabilité et du droit fiscal, devrait être un acquêt. Autrement, à cause du mariage, on fait de l'autre conjoint une espèce d'associé involontaire dans tous les risques que comporte une entreprise sans qu'il en tire manifestement ou

nécessairement des avantages. On accroît d'autant plus les charges à ce moment-là. C'est une des façons par lesquelles l'administration illimitée, le pouvoir d'administrer illimité d'un des conjoints face à ses acquêts peut, en plus de la donation à titre gratuit, porter préjudice au deuxième conjoint. Evidemment, c'est complexe. Il y a plusieurs dispositions qui ont probablement un certain impact sur la question et, comme le problème n'a jamais été posé, on n'a pas eu, dans les mémoires, une considération systématique des problèmes de l'entreprise non incorporée. Mais je ne suis pas sûr que les solutions qu'on a au détour de certains articles, qui sont conçus pour autre chose, soient satisfaisantes.

M. Bédard: II y a peut-être un élément important de réponse énoncé en termes de principe. A l'article 508, il y a une ventilation qui est faite des dettes. On y dit...

M. Forget: ... relativement à cela.

M. Bédard: Oui, et ça me paraît, en partie du moins, reprendre ce que vous venez de toucher. Aucune récompense n'est due en raison d'impenses n'ayant servi qu'à l'administration ou à la conservation des biens.

Donc, il semble que, dans ce régime de société d'acquêts, quant aux dettes, il y ait lieu de faire une distinction quant aux dettes - là, la ligne n'est pas toujours simple à tirer, je le reconnais - qui servent à l'entretien et à la conservation des biens. Jusqu'où le concept d'entretien et conservation des biens va? ça peut aller assez loin, mais aussi, c'est limité, ce n'est pas toute dette.

Dans les autres cas, en d'autres termes, on peut arriver à dire: C'est une dette qui n'est pas liée à la conservation ou à l'entretien des biens, donc elle est sujette à récompense. Certaines des dettes qui sont en relation avec l'entreprise privée, personnelle ou propre de l'un des époux donnerait lieu à récompense, par application de 508. Certaines autres dettes, payées relativement aux biens propres, ne donneraient pas lieu à récompense. C'est le critère de l'entretien ou de la conservation que le régime permettrait de retenir.

Maintenant, je...

M. Forget: Je pense que vous avez raison, c'est comme ça que j'ai compris 508 aussi; mais on doit faire reposer tellement d'interprétation sur ces deux maigres lignes que le problème demeure parce qu'on ne peut pas être sûr - je n'ai pas eu le temps de faire des recherches de jurisprudence -que cette interprétation nous donnerait le résultat voulu, il me semble qu'on ne peut pas être sûr de ça.

M. Bédard: Certaines personnes trouvent que c'est peut-être onéreux que de faire supporter par les acquêts même les dette relatives à l'entretien et à la conservation des biens propres. Mais l'explication qui est donnée par les experts de ce régime est la suivante: Si on n'entretient pas et on ne conserve pas les propres qui sont productifs de revenus au profit des acquêts, on se trouve à priver les acquêts d'une source d'enrichissement.

C'est évident que, si vous avez un immeuble qui rapporte des fruits, des logements, des revenus et que vous le laissez à l'abandon, il va cesser d'être productif au profit des acquêts. Si vous l'entretenez de façon courante, c'est sûrement mettre à contribution les acquêts, mais, en retour, vous avez les fruits, de sorte qu'il y a dans cette philosophie une sorte de compensation entre les fruits, les dépenses, etc., il y a un certain équilibre. Mais c'est assez jurisprudentiel maintenant de savoir... Les auteurs, à la lumière de la jurisprudence... C'est trop court, dix ans, dans le temps comme échelle pour avoir vraiment une jurisprudence importante là-dessus. Peut-être les gens ont-ils trouvé un terrain d'entente là-dessus sans saisir le tribunal de ce genre de question toujours un peu difficile.

M. Forget: Relativement à l'entretien des biens, l'argumentation de Me Guy est impeccable quand les biens sont bien administrés et qu'ils produisent effectivement des revenus. Mais, dans le fond, si celui qui administre ses propres peut grever la communauté pour les entretenir, mais que ce sont des biens qui ne valent pas les sommes qu'on dépense pour les entretenir... Tout dépend de la qualité de l'administration et c'est une autre façon par laquelle non seulement l'administration des acquêts mais même l'administration des propres peut grever la communauté.

Si la règle était une règle de revenus nets, la communauté en bénéficierait quand cela produit des revenus nets et, quand c'est malheureusement mal administré, ce serait dans le fond la valeur capitale des propres qui subirait la totalité de la perte. La société d'acquêts devient une espèce de société d'assurance tous risques dans cette interprétation. C'est ce qui rend, pour des gens qui ont des actifs ou qui ont des entreprises, la chose très avantageuse. Évidemment, si quelqu'un à l'esprit très entreprenant épouse un conjoint qui n'est pas entreprenant mais qui a de gros actifs, c'est parfait. Cela devient une société d'assurance tous risques. C'est peut-être ce qui fait que pour des gens qui regardent le régime, il y a un certain mouvement de doute ou de recul.

M. Bédard: II y a l'autre pendant où les investissements sont bien faits et rapportent.

M. Forget: Si c'est le revenu net qui est imputé à l'acquêt plutôt que le revenu sans autre précision, il n'y a aucune espèce de difficulté.

M. Bédard: J'ai l'impression que le problème auquel la société a fait face il y a dix ans, quand s'est posé le problème de la réforme des régimes matrimoniaux et de la désuétude très avancée de la communauté de biens par rapport à la séparation de biens, c'est qu'on en était rendu à plus de 75% des Québécois qui se mariaient et qui choisissaient le régime de séparation, peut-être même 80%. Il a semblé qu'à l'époque -en tout cas, en relisant certains documents -ce que les gens voulaient, somme toute, de façon importante, c'était la libre administration par chacun de ses biens, comme on le trouvait dans la séparation de biens. Évidemment, c'est devenu un élément majeur de la réforme du régime de société d'acquêts. Cet article qu'on vient d'examiner, l'article 491, qui énonce comme une sorte de dogme l'administration, la jouissance et la libre disposition, je pense que c'est ce qui était réclamé. Il y a un prix à payer pour cela. C'est que chacun n'est pas aussi bon administrateur, enfin, n'est pas administrateur, n'a pas même qualité d'administration à offrir. C'est peut-être le prix de ce principe.

M. Forget: L'alternative serait de poursuivre la réflexion pendant un petit peu de temps avec cette préoccupation de l'entreprise familiale, qui est un phénomène quand même important. Seule une discussion avec des experts et une étude approfondie pourraient nous dire s'il vaut la peine de se préoccuper de l'entreprise non incorporée. Malgré tout, je pense que oui puisque, dans le cas des professionnels, cela demeure la règle dans plusieurs professions. Il est assez rare que les deux conjoints soient membres de la même profession et puissent exercer conjointement. Cela existe, mais c'est quand des cas très rares. Dans la plupart des cas, s'il y a une société d'acquêts, mon Dieu, à ce moment, la société d'acquêts garantit en quelque sorte le bureau professionnel.

M. Bédard: Le problème est peut-être quand même un peu minimisé par rapport à celui qu'on a eu hier sur lequel aujourd'hui nous revenons avec un peu plus de précision. Si on pense à l'essence qui sert aux camions pour gagner des sous, je crois qu'il ne s'agit pas, dans le sens de l'article 508, on peut peut-être le dire maintenant, d'une dépense de conservation ou d'entretien. Il s'agit vraiment d'une dépense de fonctionnement ou d'exploitation d'une entreprise en vue d'obtenir des revenus. Donc, cette dette d'essence, si elle est payée avec les acquêts, appellerait une récompense à la dissolution. Comme on le verra plus loin, la règle des récompenses est maintenant proportionnelle de sorte que s'il y a inflation on en bénéficie au chapitre de la récompense aussi. On ne peut pas dire qu'il y a privation ou perte du patrimoine des acquêts au profit des propres.

Il reste la ligne... Encore une fois, c'est quand même... L'article 508, c'est l'entretien et la conservation. En jurisprudence, ces deux concepts ne pourraient certainement pas aller jusqu'à couvrir, peut-être contrairement à ce que nous avions aperçu hier, les dépenses d'essence, les dépenses d'autoroute, les dépenses de remplacement de pneus, les dépenses courantes, de l'entretien du camion qui ne sont pas tellement liées à la conservation de la chose, mais plutôt à l'exploitation de l'entreprise. (15 h 45)

En fait, il n'y a jamais de régime parfait. J'ai l'impression que, comme l'a évoqué tout à l'heure Me Guy, il y a un prix à payer pour le principe qui était demandé et qui se retrouve à l'article 491, à savoir que chacun ait l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens. C'est ce qui se dégageait de l'achalandage qu'il y avait pour le régime de la séparation de biens. Il y a certaines barrières, celle de l'article 492 concernant les donations à titre gratuit. Il y a également l'article 519 qui permet à l'un ou l'autre des époux de changer de régime lorsqu'il sent que ses intérêts ne sont pas bien préversés dans celui qu'il a adopté, chose qui est possible depuis 1969. Je pense que c'est une très bonne chose, parce que, quand on pense qu'avant il y avait le régime de la communauté de biens et que c'était d'une façon indéfinie, il n'y avait pas grand moyen de se prémunir contre un mari qui dissipait complètement les biens de la communauté. Je crois que, tout compte fait, il y a une confiance à faire à chacun des conjoints, mais aussi, je pense, au régime, parce que c'est de beaucoup préférable à celui de la communauté où le mari pouvait y aller allègrement au niveau de l'administration des biens, sans que l'épouse puisse y faire tellement grand-chose.

M. Forget: Nous sommes convaincus, M. le Président, qu'un régime parfait est, évidemment, impossible à atteindre, mais tout le problème est de savoir, si on a atteint le point minimum des désavantages.

Le Président (M. Laberge): L'article 494 amendé est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

De la dissolution et de la liquidation du régime

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement. Article 495. On nous suggère, à l'article 495, de remplacer, dans la troisième ligne du dernier alinéa, le mot "reporte" par "fasse remonter". C'est en haut de la page. L'amendement est adopté sans objections?

M. Bédard: C'est de la forme.

Le Président (M. Laberge): C'est de la forme. Adopté.

M. Bédard: L'article reprend substantiellement l'article 1266r du Code civil, sous réserve de deux modifications; premièrement, il précise que la nullité de mariage entraîne aussi la dissolution du régime présumé dans certains cas. Il étend au divorce, à la séparation de corps et à la nullité de mariage la règle applicable en séparation judiciaire de biens voulant qu'entre les époux la dissolution du régime remonte, en principe, au jour de la demande. Cette règle évite le recours aux mesures conservatoires pendant l'instance pour la protection des biens partageables. On l'a d'ailleurs évoqué.

Le Président (M. Laberge): Cet article 495 est adopté avec amendement. Article 496, remplacer les mots "seront reportés" dans la troisième ligne, par les mots "remonteront". C'est adopté. Y a-t-il d'autres commentaires?

M. Forget: II s'agit d'un article nouveau, me semble-t-il.

M. Bédard: Cette règle s'inspire des articles 262.1 et 302 du Code civil français applicables en matière de divorce et de séparation. L'article 262.1 se lisait comme suit: "Le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens dès la date d'assignation. L'un des époux peut demander que l'effet du jugement soit avancé à la date où, par la faute de l'autre, leur cohabitation ou leur collaboration a cessé." L'article 302 du Code civil français s'exprime ainsi: "La séparation de corps entraîne toujours séparation de biens; en ce qui concerne les biens, la date à laquelle la séparation de corps produit ses effets est déterminée conformément à d'autres dispositions."

Le fondement de cette rétroactivité dont il est question des effets de la dissolution entre les époux est la protection des droits de chacun d'eux dans le partage éventuel des acquêts. En effet, il peut arriver qu'un époux se livre à la dissipation de ses acquêts dès la cessation de la vie commune alors que l'autre continue de les accroître. L'équilibre du régime est alors mis en péril, de sorte que, si cet état se poursuit pendant plusieurs années avant que n'intervienne la dissolution du régime, l'un des époux peut en subir préjudice. Je pense que ça rejoint essentiellement la préoccupation que nous avions évoquée tout à l'heure. Ce sont toutes des petites parties. S'il y a d'autres solutions miracles qui peuvent tout régler, je suis...

Mme Lavoie-Roux: II peut y en avoir possiblement de disssipés avant qu'on en fasse la demande.

M. Bédard: S'il y a des solutions miracles qui peuvent tout régler, je serai bien heureux de les accueillir. Compte tenu des multiples situations qui peuvent se produire, une discrétion a été donnée au tribunal pour appliquer la règle, ce qui permet quand même aussi une intervention assez rapide avant qu'on ne puisse procéder, pour ne pas permettre la dissipation des biens.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... j'ai un peu de difficulté à lire ensemble les articles 495 et 496. À l'article 495 on dit - parce que l'article 495 énumère cinq causes de dissolution du régime de société d'acquêts: Dans le cas des paragraphes 3 et 5, - donc, dans deux sur cinq des causes de dissolution - les effets entrent en vigueur entre les époux au jour de la demande, à moins que le tribunal ne les reporte à une date antérieure par application de l'article qui suit, 496.

À l'article 496 on emploie non plus un langage spécifique aux paragraphes 3 et 5, mais on semble pouvoir le lire en disant que dans tous les cas de dissolution... Je ne sais pas si on doit le lire comme ça ou si on doit le lire avec 495. Dans le cas des paragraphes 3 et 5 de l'article 595, le tribunal peut faire remonter l'effet de la dissolution à la date où ils ont cessé de faire vie commune.

Deux questions se posent à ce moment-là dans l'interprétation simultanée des deux articles. Premièrement, est-ce que dans d'autres cas de dissolution le tribunal jouit du même pouvoir? Ça semblerait être possible en vertu de l'article 496 lu isolément, mais impossible en vertu de l'article 495, dernier alinéa, puisqu'on le restreint aux paragraphes 3 et 5. Comme, par exemple, en cas d'absence, s'il y a un jugement d'absence tel que prévu dans le rapport de l'Office de révision, on ne pourrait pas, semble-t-il, rendre la dissolution

effective à la date de la disparition du conjoint. Mais là, ce n'est pas clair.

La deuxième question est: Est-ce qu'il faut comprendre l'article 496 comme limitant effectivement la rétroactivité possible à la date de la cessation de vie commune ou si, dans certaines circonstances, la rétroactivité pourrait aller au-delà de ça, jusqu'à certains événements dont on fait la preuve? Par exemple le début d'une administration catastrophique.

M. Bédard: Oui, je crois que c'est une bonne interprétation de l'article 496 de penser qu'il s'applique à tous les cas de l'article 495, notamment quand on parle d'ayants droit, donc, on parle de décès et on voit que l'une des causes de dissolution est celle du décès. En tout cas la volonté est claire, ça s'applique à tous les cas de l'article 495.

Au point de vue de la rédaction, peut-être avez-vous raison quand on paraît attacher la référence à l'article 496 seulement aux paragraphes 3 et 5. C'est peut-être dans la manière de rédiger. A la suite de vos observations, on pourrait faire une réflexion et apporter une correction.

Pour ce qui est de savoir si les effets peuvent remonter au-delà de la cessation de la vie commune, je crois que l'article 496 -peut-être que mon collègue, M. Bisson, pourra ajouter quelque chose là-dessus - me paraît vraiment fixer la limite dans le temps et on ne pourrait pas remonter au-delà. Est-ce exact?

Oui, parce que, s'il y a des dissipations de biens avant la cessation de la vie commune, je pense que cela relève d'un autre article, l'article 519, qui comporte des mesures de sauvegarde du régime. La séparation de biens peut être poursuivie par l'un ou l'autre des époux lorsque l'application des règles du régime matrimonial se révèle contraire à ses intérêts ou à ceux de la famille. Je pense qu'à ce moment-là, c'est à l'époux, lors de la vie commune, d'agir s'il sent que ses intérêts sont en péril vu la mauvaise administration de l'autre conjoint.

Il s'agirait de faire un amendement.

M. Forget: Je m'excuse, M. le Président. Pour donner suite à la réponse qu'on vient de nous donner, il reste que l'article 520 qui suit l'article 519 fait référence à son tour à l'article 496, ce qui voudrait dire que, même dans le cas d'administration catastrophique des biens, on ne pourrait jamais retourner en arrière plus loin que le moment de la cessation de vie commune et, dans le cas plus large de l'article 519, il n'est même pas question de cessation de vie commune. La vie commune a pu continuer pendant tout ce temps-là, ce qui veut dire que, dans le cas d'administration catastrophique des biens, la date la plus tôt dans le temps, c'est le moment de la demande. S'il y a un délai quelconque entre le début d'une administration "dissipatoire" et la demande, c'est le conjoint qui a fait défaut de faire la demande qui en subit le préjudice et il n'y a pas de remède pour ça.

M. Bédard: Autre que celui d'invoquer l'article 519 en demandant la séparation, encore une fois.

M. Forget: Mais qui ne peut pas être efficace...

M. Bédard: Non.

M. Forget: ...rétroactivement au moment de la demande, de toute manière.

M. Bédard: Non. Ce serait peut-être, en pratique, assez complexe parce qu'en définitive, quelqu'un peut faire des placements tellement imprudents qu'on peut les considérer comme de l'administration imprudente, en tout cas. Il est possible que le conjoint décide de ne pas s'en plaindre pour autant et que, cinq ans, plusieurs années après, il décide de s'en plaindre; remonter jusqu'à cet acte-là, ce serait peut-être difficile d'application pratique. Il y a même des placements qui, dans un premier temps, peuvent avoir l'air très avantageux et se révéler catastrophiques après et d'autres, catastrophiques au départ.

M. Forget: Si je comprends bien, vous suspendez plutôt l'article 495 pour revoir la rédaction.

M. Bédard: Oui, c'est ça.

Une voix: L'article 495 est suspendu.

M. Bédard: Ils sont interreliés.

Le Président (M. Laberge): Ils sont interreliés.

Une voix: D'accord.

L'article 495 est ouvert et suspendu. L'article 496 demeure suspendu. Article 497.

M. Bédard: M. le Président...

Mme Lavoie-Roux: ...coupe le chauffage en même temps.

M. Forget: C'est ça. Ce sont des économies d'énergie.

M. Bédard: Cela doit faire partie des restrictions budgétaires.

Le Président (M. Laberge): Article 497, adopté. Article 498.

M. Bédard: Je n'ai pas de remarques, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Non plus.

Le Président (M. Laberge): Non plus? Article 498, adopté. Article 499.

M. Bédard: Pas de remarques non plus. Cela reprend substantiellement l'article 1266 u du Code civil, en tenant compte que le domicile conjugal entendu dans le sens de domicile légal de la femme mariée est abrogé. En effet, les époux ont un domicile commun ou encore ils vivent séparés. (16 heures}

M. Forget: D'accord. M. le Président, à l'article 499, il y a une remarque que le Barreau fait qui semble bien raisonnable. Le Barreau suggère que la présomption soit renversée et le deuxième alinéa, à ce moment-là, se lirait comme suit: "L'époux qui n'a pas accepté dans un délai d'un an à compter du jour de la dissolution est réputé avoir renoncé."

La justification de ce renversement de présomption, c'est que, si celui qui ne fait rien est réputé avoir accepté. Le conjoint négligent qui refuse de se manifester peut geler, pendant un certain nombre d'années, le règlement de toute affaire, alors que si on présume que le fardeau de la négligence tombe sur les épaules de celui qui est négligent, on a une situation qui est peut-être un peu plus normale. Autrement, un des conjoints qui refuse de se prononcer est réputé avoir accepté, et s'il a accepté, sa participation est nécessaire pour les étapes ultérieures. Mais s'il continue d'être négligent, le problème n'en finit plus.

M. Bédard: II ne s'agit pas de vouloir récompenser, d'une certaine façon, la négligence...

M. Forget: ... la négligence, la turpitude.

M. Bédard: Au départ, je trouvais que c'était un raisonnement qui se tient très bien. Je sais que Me Guy a certaines réserves. J'aimerais bien qu'il les exprime.

M. Forget: S'il nous en fait part, on pourra les partager

M. Bédard: II y a d'abord un problème général de philosophie du régime. Les acquêts sont là pour le bénéfice des époux et l'acceptation est un acte qu'on veut bien voir se produire en supposant que c'est intéressant pour les époux d'accepter. Je comprends qu'on ne puisse pas rester dans l'indécision pendant de nombreuses années, parce qu'il faut quand même, en ce qui concerne le patrimoine, poser certains gestes.

Il nous semblait que l'époux qui n'avait pas fait savoir qu'il renonçait ou refusait les acquêts - et cela dans un délai d'un an -étant devenu acceptant et étant acceptant des acquêts, il n'y a plus d'incertitude qui subsiste après une année, puisqu'il n'y a pas de renonciation. Et comme c'est une renonciation qui est formaliste, qui doit être faite par acte notarié en minutes, dont une déclaration judiciaire doit être enregistrée au bureau d'enregistrement, etc. - c'est un acte public- il est facile de voir s'il y a eu une renonciation. S'il n'y a pas de renonciation, il a accepté. Cela paraît, pour la protection de l'époux, préférable que de le priver éventuellement des acquêts simplement parce qu'il a négligé de faire son acte d'acceptation. Actuellement, c'est plutôt implicite. Il accepte, il est présumé accepter après un an. Si, pour des raisons quelconque, qui tiennent peut-être à un brin de négligence, il a oublié de produire, dans le sens du Barreau, son acceptation, il se trouve à perdre les bénéfices de son régime. Et peut-être que les bénéfices de son régime sont assez importants. Il nous paraissait qu'il valait mieux ne pas priver le conjoint qui avait justement adopté la société d'acquêts en vue d'aller chercher la moitié des acquêts de son conjoint, ne pas lui faire perdre c'e bénéfice simplement parce qu'il y a eu négligence. Mais c'est le même délai d'un an qui est proposé de sorte qu'au bout d'un an, on est fixé dans l'un ou l'autre des deux systèmes. La seule différence avec le Barreau, c'est que celui-ci prive le conjoint de ses acquêts alors que cette formule-ci, au moins, permettrait au conjoint de bénéficier des acquêts. Il a été négligent, pas nécessairement parce que les acquêts ne sont pas intéressants. Il y a toutes sortes de raisons qui tiennent à des contacts à établir, à des réflexions à faire, à des négligences aussi, j'en conviens. Mais il serait regrettable de voir partir les acquêts par une renonciation présumée, alors qu'on sait qu'ils valent peut-être pas mal d'argent.

Il arrive qu'un patrimoine, à part cela -pour avoir eu un peu d'expérience de règlement de successions - ne se révèle pas dans toute la capacité de son actif dans les premiers mois. Parfois, on finit par découvrir l'importance de la succession plusieurs mois après et, au bout d'un an, c'est une sorte d'épée de Damoclès qui priverait le conjoint. C'est un peu pour cela, M. le ministre, que j'ai des réserves.

Je voulais que vous les exprimiez.

M. Forget: M. le Président, je trouve que les réserves sont valables. Je serais porté à voter avec Me Guy, mais avec une réserve, cependant. Si on soulève le

problème, c'est peut-être qu'il y a eu des difficultés pratiques. Est-ce qu'il y a un recours pour le conjoint qui, lui, a manifesté son intention? Je ne parle pas des problèmes de délais inévitables, etc. Il y a des difficultés. On n'a pas liquidé les acquêts, on ne sait pas exactement de quoi il est question, s'il y a un passif ou un actif net ou quoi. Mais à supposer un cas de négligence, d'absence ou de départ, que faudrait-il faire pour éviter qu'on reste dans un état d'animation suspendue pendant plusieurs années? Surtout s'il y avait des éléments d'indivision ou de propriété indivise dans les acquêts, etc., j'imagine qu'il pourrait y avoir des difficultés à administrer ces biens.

M. Bédard: S'il y a des biens indivis, ce n'est pas à cause du régime, parce que le régime de société d'acquêts, comme tel, ne produit pas d'indivision. Le conjoint qui doit payer la moitié des acquêts peut toujours le faire en consignant au bureau général des dépôts de la province, après certaines procédures, bien sûr, l'argent qu'il doit, somme toute, au titre des acquêts à son conjoint et, ainsi, ne pas être gêné dans l'administration même de son patrimoine. Par ailleurs, s'il a acheté une maison en copropriété, ce n'est pas par application des règles du régime. C'est par décision. Actuellement, les jeunes couples achètent de plus en plus, paraît-il, en copropriété indivise les résidences. Ils sont exposés à des problèmes d'indivision peut-être encore plus profonds.

M. Forget: Est-ce qu'il y a une procédure judiciaire à laquelle le conjoint peut avoir recours pour mettre en demeure, en quelque sorte, le conjoint qui temporise à se prononcer dans un sens ou dans un autre?

M. Bédard: Dans le cas de l'article, ici, il y aura acceptation présumée, absolue, automatique après une année, sans qu'on soit obligé de poser un acte positif. Donc, dès qu'il y aura une année d'écoulée, il y aura présomption d'acceptation. C'est un an à compter du jour de la dissolution. Donc, dès qu'une année sera passée, il y aura acceptation automatique ou présumée; présumée de façon absolue, évidemment.

Il restera le problème d'avoir certaines relations de droit ou juridiques avec quelqu'un qui est peut-être absent, comme vous l'avez mentionné, ou quelqu'un qui est négligent. Mais cela, c'est de pratique quotidienne dans les relations créanciers-débiteurs dans notre système de rapports privés. Le Code de procédure civile, sans avoir à invoquer des articles trop déterminés, nous permet de dire comment on assigne dans ces cas-là, comment on procède quand on a un absent.

M. Forget: Ce que je ne comprends pas dans le rapport du Barreau, c'est qu'on fait une affirmation et c'est probablement cette affirmation-là, enfin, je suis sûr que c'est cette affirmation qui m'a persuadé. On dit: Cet époux qui ne réclame pas sa part des acquêts de son conjoint gèle les actifs de son conjoint pendant des années et même indéfiniment. Qu'est-ce que le Barreau peut bien vouloir dire par cela? Parce que l'explication que vous me donnez et que j'accepte comme étant très conséquente avec ce qu'on a vu du régime des acquêts ne semblerait pas pouvoir geler quoi que ce soit, sauf des actifs acquis de façon indivise. Mais cela peut être des propres aussi, alors, le problème n'est pas réglé.

M. Bédard: II n'y a pas d'indivision. Souvent, l'erreur que l'on commet dans la société d'acquêts, c'est de penser qu'on est en copropriété un peu comme en communauté de biens. Mais ce n'est pas cela, parce que dans le partage des acquêts, on les fait en nature, si on veut. Mais on les fait en valeurs ou en argent, si vous voulez, selon la décision de chacun des époux, de sorte qu'il n'y a pas de copropriété qui découle de l'application des règles du régime. Parfois, en tout cas, j'entends pas mal de gens qui font des confusions entre les patrimoines de communauté et les patrimoines d'acquêts.

Mme Lavoie-Roux: On ne peut pas le leur reprocher.

M. Bédard: Non, je ne le leur reproche pas.

M. Forget: II y a un certain nombre d'avocats...

M. Bédard: Nous parlions de juriste à juriste.

Mme Lavoie-Roux: On est en train de se demander si on ne vous décernera pas chacun un doctorat à la fin de l'étude!

M. Bédard: Non, je ne voudrais pas par mes propos induire...

Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais savoir quand le cours va être terminé.

M. Bédard: Si vous n'avez pas de doctorat, vous allez être bien placé pour en avoir un!

Mme Lavoie-Roux: On va vous décerner des doctorats honorifiques!

M. Bédard: Cela peut attendre.

Mme LeBlanc-Bantey: Si on est encore

là pour les décerner!

Mme Lavoie-Roux: On s'en occupera.

Le Président (M. Laberge): L'article 499 est-il adopté?

M. Forget: Oui, il est adopté. Je me rends, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): À bout d'arguments.

M. Bédard: Cela m'a permis de voir si le député de Saint-Laurent serait plus résistant que moi, parce que Me Guy m'en avait entretenu

Le Président (M. Laberge): Article 500?

M. Bédard: Article 500. C'est vraiment une reprise de l'article 1266b avec des modifications de corrections.

Le Président (M. Laberge): Article 500 adopté. Article 501?

M. Bédard: Je n'ai pas de remarques.

Le Président (M. Laberge): Article 501, adopté. Article 502?

M. Bédard: Article 502, adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 502, adopté. Article 503?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 504?

M. Forget: M. le Président, vous êtes un article en avant de moi. Je vais essayer de vous rattraper.

M. Bédard: Cela va pour l'article 503? M. Forget: Article 503, oui, adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 503, adopté. J'appelle l'article 504?

M. Bédard: Article 504.

M. Forget: En cas de décès. Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 504, adopté. Article 505?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 505, adopté. Article 506?

M. Forget: À l'article 506, on revoit la notion d'enrichissement. C'est bien toujours la même notion algébrique de positif et négatif?

C'est un enrichissement non pas arthmétique, mais algébrique. Cela comprend même l'enrichissement négatif.

M. Bédard: Dont on a discuté la... Mme Lavoie-Roux: ...

M. Forget: II s'agit de calculer l'enrichissement non pas sur la valeur historique des biens, mais...

Mme Lavoie-Roux: Non. Je comprends cela, mais algébrique.

M. Forget: C'est cela. ...par rapport à la valeur conceptuelle que les biens auraient eue dans d'autres circonstances. Cela peut être un enrichissement, même si c'est moins élevé que c'était.

M. Bédard: Conformément aux explications qu'on avait données à 458.

M. Forget: M. Guy pourrait peut-être ajouter quelque chose.

M. Bédard: Je n'ai pas pu me coucher hier soir et m'endormir sans vérifier une dernière fois mes avancés d'hier. Je me suis senti en bonne compagnie ce matin avec le professeur Jean-Louis Beaudoin de l'Université de Montréal et le professeur Maurice Tasselin de l'Université Laval à Québec qui tous deux ont traité des obligations. Je vous cite ce court paragraphe du professeur Beaudoin: "Cet accroissement -en parlant de l'accroissement de l'actif -peut provenir d'un enrichissement positif ou négatif selon qu'il s'agit d'un gain direct ayant augmenté le patrimoine de l'enrichi ou d'une perte ou dépense évitée." Cela m'a rassuré, j'ai fait une bonne nuit, je l'en remercie.

M. Forget: Je l'en remercie moi aussi. Le Président (M. Laberge): Article 506? Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 507?

M. Bédard: Je vais en envoyer une copie au député de Nicolet-Yamaska. Article 506 adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 506, adopté. J'appelle l'article 507.

M. Forget: M. le Président, pour revenir à 506, je remarque qu'on a changé le

libellé. Je me demande si vous souhaitez expliquer le sens du changement de libellé. Ce serait peut-être important parce que, comme il s'agit de règles de droit qui vont être utilisées dans les calculs pour la liquidation, il serait peut-être bien de faire sentir ce qui a motivé le changement de vocabulaire.

M. Bédard: L'article reprend substantiellement le premier alinéa de l'article 1267 dont on a modifié la rédaction, mais il ne retient pas le deuxième alinéa de l'article 1267 du Code civil, l'idée d'un plafond des récompenses lorsque l'enrichissement est supérieur à la dépense effective. En effet, s'il est logique et équitable d'adopter la règle de la proportionnalité lorsque l'enrichissement est inférieur à la dépense effective, on ne voit pas pourquoi la règle cesserait d'être équitable lorsque l'enrichissement est supérieur à la dépenses effective. D'autre part, l'Office de révision du Code civil, qui a suivi le même raisonnement, suggère d'établir un plancher plutôt qu'un plafond. On ne saisit pas bien le sens de ce nouveau plancher puisque le bien acquis à charge de récompense est susceptible de périr en totalité ou en partie aussi bien dans la masse des acquêts que dans celle des propres. En effet, l'époux administrateur des deux masses est le même. C'est pourquoi la règle la meilleure en matière de récompense a paru être celle de la proportionnalité, que la valeur du bien acquis soit augmenté ou diminué. (16 h 15)

Je pense que, pour les fins du journal des Débats et pour ceux qui auront à le lire, il est important de donner l'explication.

Il y aurait peut-être un petit supplément d'explication. La disposition actuelle du Code civil, qui a été dénoncée par les auteurs, fixait un plafond de sorte que, dans une période d'inflation comme celle qui sévit présentement, cela pouvait avoir quelque chose d'inquiétant pour l'équilibre du régime. En effet, quand on utilise, disons, $5000 ou $10,000 d'acquêts pour compléter les paiements d'une maison qui est déjà un bien propre entre les mains d'un conjoint, à la dissolution du régime, qui peut survenir 15 ans, 20 ans, 30 ans et plus après, la masse des propres n'était débitrice que de la somme effectivement versée, soit $10,000; mais on sait que les $10,000, 30 ans plus tard, ne valaient peut-être par grand-chose.

Par ailleurs, l'immeuble propre lui, à cause de l'inflation, avait pu doubler ou tripler sa valeur. Donc, les acquêts servaient à enrichir les propres à cause du plafond fixé par le code actuel et ne bénéficiaient pas, eux aussi, de l'inflation. Le fait de déplafonner, à tous égards, à la hausse et à la baisse, évidemment, parce que cela joue toujours dans les deux sens, s'il y a une période d'inflation, les $10,000 qui ont été investis dans l'immeuble propre, s'ils représentent 50% de la valeur du propre au temps où ils ont été investis, où ils ont été affectés, si l'immeuble vaut $100,000 plus tard, cela fera $50,000 à chacun des patrimoines. C'est cela, la proportionnalité. On fera le compte des acquêts utilisés pour l'achat de l'immeuble par rapport au compte des propres utilisés et, si on arrive à deux sommes égales, si dans les deux cas, en d'autres termes, on a mis $10,000 de propres et $10,000 d'acquêts pour acheter l'immeuble et que l'immeuble vaut $100,000 plusieurs années après, à ce moment-là, le partage ou la récompense sera de $50,000 aux acquêts, l'immeuble ayant été acquis à 50-50, somme toute.

Mme Lavoie-Roux: II y en a un qui aura 75 et l'autre 25.

M. Bédard: Dans l'hypothèse où vous achetez un immeuble qui vaut $20,000, vous avez $10,000 d'acquêts et $10,000 de propres; donc, par rapport aux deux masses de biens mis à contribution, il y a une égalité.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Bédard: Si, 30 ans plus tard, votre immeuble vaut $100,000, les acquêts bénéficieront de $50,000 alors que, dans la règle actuelle, ce serait limité à $10,000 et les propres auraient pris $90,000, ce qui paraît une disproportion dénoncée par tous. L'office a d'ailleurs proposé aussi qu'on enlève le plafond. Il a maintenu le plancher, mais le plancher aussi est dans une période où tout dégringole. C'est pénible, mais c'est normal aussi que les patrimoines subissent les risques.

Ça va?

Le Président (M. Laberge): C'était un commentaire sur l'article 506. L'article 507 est appelé.

M. Bédard: À l'article 507, je n'ai pas de remarque.

Le Président (M. Laberge): L'article 507 est adopté. À l'article 508, il y a un amendement; on nous demande de remplacer l'article tel que rédigé par un nouvel article qui se lit comme suit: "Aucune récompense n'est due en raison d'impenses n'ayant servi qu'à l'entretien, à la conservation ou à l'assurance des biens."

M. Bédard: ...à l'article 481, pour ce qui est de l'assurance des choses qu'on a retenue hier.

M. Forget: Comme on fait, dans l'ensemble du nouveau code, un effort d'ailleurs inspiré par l'Office de révision du Code civil pour un meilleur français, est-ce que l'expression "impenses" plutôt que "dépenses" est véritablement importante?

M. Bédard: Je ne puis pas répondre à votre question, l'Office de la langue française ne nous ayant fait aucune observation sur ce mot après avoir étudié l'article - après nous en avoir fait beaucoup sur d'autres, sauf sur celui-là - et, ne nous en ayant pas proposé d'autre, je dois avouer que nous n'en avons pas cherché d'autre non plus.

M. Forget: Cela veut dire "dépenses" en langage ordinaire.

M. Bédard: Sur ce genre de concept juridique fort ancien, il me faudrait, avant de dire que c'est équivalent purement et simplement aux dépenses, au moins faire faire une recherche, si vous le souhaitez.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ça ne vaudrait pas la peine, quand, parfois, vous pouvez en faire sauter un que le monde ordinaire ne comprend pas, de...

M. Bédard: On en a fait sauter pas mal.

Mme Lavoie-Roux: Vous savez, j'ai bien pensé que ça voulait dire "dépenses" par le sens de la phrase, mais pourquoi faut-il garder ça toujours si hermétique qu'il n'y ait que les juristes qui puissent le comprendre?

M. Forget: Pour être juste, il faut dire que le nouveau code est plus lisible de loin que l'ancien, mais il peut rester des vestiges malgré tout. Je ne peux pas imaginer qu'"impenses" puisse vouloir dire autre chose, mais, moi non plus je ne peux le prouver. Non, je ne me risquerai pas à ajouter quoi que ce soit sur le sujet.

Mme Lavoie-Roux: Vous pouvez peut-être l'examiner.

M. Bédard: II y a eu beaucoup d'efforts de faits dans l'ensemble du projet, je pense que nos collègues le reconnaissent.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais des termes qui vous apparaissent tout à fait d'usage courant...

M. Bédard: De tels termes ont une sorte de tradition, comme le dit Me Guy...

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais ceux qui peuvent être changés.

M. Bédard: Pour que vous ne vous fâchiez pas, ceux qui peuvent être changés ont été changés. Comme nous le dit Me Guy, mais il n'a pas fait une analyse en profondeur, il est à remarquer que le Code civil veut garder le même mot, également l'Office de révision du Code civil qui avait fait un effort tout à fait particulier.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une preuve, ça.

M. Bédard: Disons que ça ne veut rien dire, puisque vous le dites!

Mme Lavoie-Roux: Non, pas parce que je le dis, mais enfin...

M. Forget: Ces mots frappent moins l'oreille et l'oeil d'un juriste qui les a vus souvent. Moi, ça ne m'a pas frappé, mais quand ma collègue de L'Acadie m'a demandé: Qu'est-ce que c'est? j'ai dit: Ce sont des dépenses, mais effectivement...

Le Président (M. Laberge): Nouvel article 508, adopté maintenant le mot "impenses".

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Bédard: On l'a adopté...

Mme Lavoie-Roux: Non, il n'était pas encore adopté.

M. Bédard: Vous avez le bénéfice du doute.

M. Forget: Avec la dissidence de la députée de L'Acadie.

Le Président (M. Laberge): Pour l'article 508?

M. Forget: Nous plaisantons, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Parfait! À l'article 509, à la troisième ligne, on nous demande de remplacer les mots "à même" par "avec", ce qui a déjà été fait.

M. Bédard: Pour simplifier la rédaction de l'article 1267.

M. Forget: C'est l'Office de la langue française?

M. Bédard: C'est ça.

Le Président (M. Laberge): Cette correction est adoptée. Y a-t-il autre chose à l'article 509?

Une voix: Non.

Le Président (M. Laberge): L'article 509 est adopté. Article 510.

A l'article 510 on nous dit, à la première ligne, de remplacer l'expression "aux dépens des" par "avec les".

Une Voix: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Correction apportée. Article 510, adopté avec amendement. A l'article 511, c'est encore...

M. Bédard: C'est plus facilement compréhensible.

Le Président (M. Laberge): ... "à même", aux troisième et quatrième lignes.

M. Forget: Les gens de l'office ont osé s'y attaquer parce qu'ils comprenaient l'original. Cela arrive souvent. Quand ils voient un mot comme "impenses" ils disent: On ne peut pas toucher à ça, c'est sûrement un mot technique!

Mme Lavoie-Roux: C'est ça, je suis convaincue de ça, parce que "à même", c'est...

M. Forget: L'intimidation du jargon!

Le Président (M. Laberge): A l'article 512, il n'y a pas de correction. Vous n'avez pas de commentaire?

Article 512, adopté. Article 513.

M. Forget: À l'article 513 il y a une représentation. Est-ce qu'on est rendu là, M. le Président?

Le Président (M. Laberge): Oui, à l'article 513.

M. Forget: II y a une représentation de l'AFEAS au sujet de l'expression du Code civil actuel, la référence aux établissements industriels, agricoles et commerciaux de caractère familial. On remplace ça par "tout autre bien de caractère familial".

M. Bédard: Cet article reprend essentiellement le deuxième alinéa de l'article 1267c du Code civil sous réserve que la soulté puisse être payable par versements et non seulement au comptant. Dans ce cas, à défaut d'accord, le tribunal en fixe les modalités de garantie et de paiement. Il faut lire cet article en liaison avec les nouveaux articles 457 et suivants. Il les recoupe et les complète. Dans le cas où il les recoupe, le conjoint choisira selon les circonstances. Ainsi, si les meubles sont des acquêts faisant partie de la masse à partager, le conjoint pourra les inclure dans son lot moyennant, s'il y a lieu, une soulte. Il pourra, s'il le préfère, se les faire attribuer par le tribunal en vertu de l'article 457.

M. Forget: Cette inquiétude, je pense, part d'un bon naturel et je pense qu'il est important qu'on en fasse mention et qu'on y réponde. Mais je dois vous avouer que, personnellement, je pense que l'expression "tout autre bien de caractère familial" englobe nécessairement les entreprises de caractère familial. Je pense que, si cela va sans le dire, cela va encore mieux quand on le dit ici, pour le bénéfice du journal des Débats.

M. Bédard: On l'a précisé pour ceux et celles qui avaient cette préoccupation.

Le Président (M. Laberge): Article 513, adopté. Article 514. Pas de commentaires?

M. Bédard: S'ils ne s'entendent pas sur l'estimation des biens, l'estimation est faite par des experts qui sont désignés par les parties ou par le tribunal.

M. Forget: Entre parenthèses, je voudrais féliciter les rédacteurs du projet 89 dans des occasions comme celle-ci parce que je crois que le regroupement des concepts est plus heureux même que celui qu'on voit dans le rapport de l'Office de révision du Code civil. Je ne sais pas si le compliment s'adresse à Me Guy, mais je pense qu'on a peut-être regroupé les choses plus logiquement. Ce n'est pas le seul endroit où je l'ai remarqué, mais cela en est un.

Le Président (M. Laberge): La remarque est enregistrée. L'article 514 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 515?

M. Bédard: Article 515, adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 516?

M. Forget: On change de section. De la séparation de biens

Le Président (M. Laberge): Oui, nous tombons dans la section III, De la séparation de biens, qui est divisée en deux parties: séparation conventionnelle de biens et, un peu plus loin, séparation judiciaire de biens.

M. Bédard: L'article 516 exprime le principe, la manière de faire. Je pense qu'il est complet en soi.

Le Président (M. Laberge): Oui.

L'article 516 est-il adopté?

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): Vous avez des commentaires, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ...je m'en voudrais, d'autant plus que leur représentante est ici, de ne pas me faire l'écho des représentations du RAIF relativement à la séparation de biens comme régime matrimonial. Je le fais parce que dans le mémoire du RAIF on exprime ce que je pourrais, je pense bien, sans exagération, appeler une violente opposition au régime de séparation de biens. Je pense que c'est au moment où on aborde cette section qu'il est opportun d'en parler, de manière à donner au ministre l'occasion de livrer son raisonnement face à cette objection. Le RAIF - je ne reproduirai pas ici tout au long le contenu de son mémoire puisqu'il a été rendu public de toute manière - juge qu'il s'agit d'un régime qui est plein de surprises et d'embûches pour les femmes mariées sous son empire et suggère, pour le moins, que le Code civil adopte à son égard des dispositions restrictives qui le rendent moins attrayant, moins général et aillent même jusqu'à restreindre son application aux trois premières années du mariage, ce régime devant, après ces trois premières années, être remplacé par le régime d'acquêts ou par un régime conventionnel peut-être, mais qui serait mieux circonscrit dans l'optique toujours du RAIF.

Je pense qu'à ce moment-ci, étant donné que nous n'avons pas eu l'occasion dans des audiences publiques d'entendre cette position par ses auteurs, on peut, malgré tout, donner l'occasion au ministre de faire quelques commentaires sur l'opportunité, à son point de vue, d'une telle mesure.

M. Bédard: Mes commentaires seront probablement aussi brefs que ceux du député de Saint-Laurent. J'aurais aimé connaître les siens également. Je pense qu'une des suggestions, entre autres, celle de faire en sorte qu'après trois ans de mariage, la société d'acquêts devienne automatiquement le seul régime matrimonial en vigueur, est difficilement acceptable au nom du principe même du projet de loi, à savoir la liberté des époux de décider de l'organisation de leur vie familiale et de l'ensemble de l'administration de leurs biens.

J'aurais l'impression, même si j'en étais convaincu, ce qui n'est pas le cas, j'aurais d'énormes réticences à y aller d'une telle disposition, parce que j'aurais vraiment l'impression d'une intrusion très impérative de l'État dans la vie du couple, des conjoints qui ont à évaluer eux-mêmes jusqu'à quel point et pendant combien de temps ils veulent se prévaloir d'un certain régime matrimonial, celui de la séparation de biens dont il est fait état, d'autant plus que le code prévoit qu'il est toujours possible pour les époux, pour les conjoints, d'opter pour un autre régime. Là-dessus, je crois qu'on a non seulement simplifié les coûts pour permettre à des conjoints de s'en prévaloir, si telle est leur volonté, mais on a diminué aussi les complications au niveau du formalisme; je pense, entre autres, à l'homologation, etc.

Je sais fort bien, connaissant la représentante principale du RAIF, que toutes ces représentations partent d'un sentiment très noble, je peux le dire, d'une personne qui s'est toujours intéressée à essayer d'améliorer la situation de la vie du couple. Mais je ne crois pas, non seulement je ne crois pas, mais je me vois dans l'impossibilité de donner suite à cette recommandation, parce que, pour tout résumer, il me semble que ce serait une intrusion impérative de l'État dans les décisions que doivent prendre les conjoints. Ce serait également aller à l'encontre du principe même du projet de loi qui est la liberté des conjoints de décider de l'organisation de leur vie familiale.

Le Président (M. Laberge): Article 516. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voulais seulement...

M. Bédard: Je ne sais pas si le député de Forget...

M. Forget: Je n'ai pas encore de comté à mon nom.

M. Bédard: Moi non plus.

M. Forget: J'espère que ça ne viendra pas de sitôt, parce qu'on sait quel est l'événement qui doit précéder...

M. Bédard: Cela prend peut-être un événement malheureux comme celui que nous vivons aujourd'hui à l'Assemblée Nationale.

Mme Lavoie-Roux: II y a exception pour les anciens premiers ministres.

M. Bédard: J'imagine...

Mme Lavoie-Roux: Parce qu'il y a un comté de Lesage; il n'y a pas de comté?

Des voix: Non, il n'y en a pas.

Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas de comté.

Des voix: II y en aura peut-être un aux prochaines élections.

M. Bédard: Lesage et Lévesque.

Mme Lavoie-Roux: Voulez-vous faire mourir votre premier ministre tout de suite?

M. Bédard: Ce n'est pas nécessaire d'être mort pour...

Mme Lavoie-Roux: Normalement c'est plus décent.

M. le Président, l'autre jour j'ai demandé des statistiques. Me Guy m'a dit: C'est dans une proportion d'à peu près 45% et 55%, la société d'acquêts par rapport à la séparation de biens. Du point de vue de l'évolution, est-ce que... Évidemment la société d'acquêts a monté rapidement parce qu'elle a été substituée, pas officiellement, mais elle a été substituée à la communauté légale de biens. Quand vous regardez la séparation de biens, cela a évolué de quelle façon?

M. Bédard: L'étude de statistiques que nous avons pu mener à partir des registres indique que depuis dix ans, donc, depuis l'adoption du nouveau régime, et ça de façon stable, il y a bien quelques petites nuances, mais c'est de façon vraiment stable, c'est fixé présentement à 55% de gens qui choisissent la séparation de biens et à 45% de gens qui choisissent la société d'acquêts. Pour les choix qui sont faits depuis l'adoption du régime de la société d'acquêts mis en vigueur le 1er juillet 1970. Donc, pour ce qui est des communautés, quand on dit que c'est moins de 1%, je pourrais même préciser que c'est moins de 0,2% de façon très précise. Il y en a encore quelques-uns qui sont des communautés conventionnelles, donc, un peu faites sur mesure à l'intérieur du contrat de mariage. Pour ce qui est du nombre de personnes mariées sous le régime de la communauté de biens, donc, qui ont adopté un régime légal avant 1970, on sait que le régime de la communauté de biens était en désuétude de façon importante en 1970. Je crois que c'est autour de 20% à 25% de couples qui se mariaient en communauté de biens. Donc, il y en a sûrement un certain nombre dans la société, mais ce n'est pas dénombré parce qu'il s'agissait du régime légal et au surplus, à l'époque, il n'y avait pas de registre pour les noter non plus. Alors nous n'avons pas là-dessus de statistiques sur le nombre de personnes qui restent encore mariés sous ce régime. Il y a eu aussi certains changements mais ce n'est peut-être pas très important.

Mme Lavoie-Roux: Ma question n'était peut-être pas assez précise. On a vu une évolution à partir de 0% vers 45% du régime de la société d'acquêts, mais il reste que dans mon esprit, généralement, si on se replace à 25 ans en arrière, il semblait que le régime légal le plus en usage - en tout cas c'est l'impression que j'ai - était la séparation de biens.

M. Bédard: Depuis les années trente, un peu avant aussi mais de façon plus importante depuis les années trente, que le régime de la séparation de biens s'implante, si vous voulez, de plus en plus dans notre société jusqu'à devenir... Il était dans les années trente peut-être à 20% ou 25%, je donne ces statistiques sous toute réserve pour monter jusqu'à 75% en l'année 1970, disons.

Mme Lavoie-Roux: Donc, il y aurait une régression en fait...

M. Bédard: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ... du régime de séparation de biens.

M. Bédard: Une régression en raison de l'arrivée de ce nouveau régime de la société d'acquêts qui a pris largement la relève de la communauté de biens. C'est peut-être un peu fixé, mais il y a peut-être...

Mme Lavoie-Roux: Mais là, c'est à peu près stable.

M. Bédard: C'est à peu près stable, mais c'est difficile d'évaluer les raisons pour lesquelles c'est ainsi dans la société. Mais nous sommes entourés d'un monde qui adopte généralement le régime de la séparation de biens et pour qui le concept de séparation de biens a peut-être une sorte de résonance aussi, une sorte de valeur sur le plan social, le plan économique, enfin c'est assez difficile à mesurer.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ...le ministre a dit que je me bornais à lui demander son opinion sans exprimer la mienne; ce n'était pas du tout mon intention, mais il est normal de demander d'abord au gouvernement de préciser ses intentions. Je dois dire que même si...

M. Bédard: II n'y avait pas un soupçon de reproche dans mes propos.

M. Forget: Non, j'en suis sûr.

M. Bédard: C'était simplement l'observation d'une pression modérée.

Mme Lavoie-Roux: ...juste créer un peu de culpabilité au cas où il ne l'aurait pas

dit.

M. Bédard: Je n'ai pas compris votre raisonnement à vous.

M. Forget: Si je me suis fait un devoir de mentionner cette argumentation du RAIF sur la séparation de corps, - parce que c'est le seul mémoire qui en a fait une question de principe et je remercie le ministre de s'en être expliqué - il demeure que je l'ai citée sans l'endosser parce que je crois que même s'il y a un certain nombre de mesures d'ordre public dans les chapitres du droit de la famille que nous étudions et qui sont d'ailleurs spécifiées comme telles, tout ne peut pas et ne doit pas être d'ordre public. Il doit y avoir dans le droit de la famille une place quand même assez large pour permettre aux conjoints de déterminer selon leurs opinions et leur échelle de valeurs la nature des relations qui doivent les lier, même si, en ce faisant, ils adoptent des attitudes et des pratiques que des observateurs de l'extérieur, bien intentionnés, bien sûr, jugent déraisonnables ou imprudentes. Je pense que c'est le signe d'une société libre que de permettre à ses membres de faire des choses que d'autres jugent déraisonnables et imprudentes, pourvu, bien sûr, qu'en ce faisant ils ne mettent pas en péril l'ensemble de la société. Je pense que c'est ce à quoi nous assistons dans le domaine des régimes matrimoniaux. Ce n'est pas seulement pour des raisons théoriques, qu'il faut favoriser l'expression de la liberté et du libre arbitre des citoyens mais parce qu'en fait, en pratique, ils utilisent abondamment cette liberté. On vient d'en donner une indication très éloquente.

Ceci étant dit, je dois répéter l'interrogation qui se pose en mon esprit quant à la signification réelle de la distinction du régime d'acquêts et du régime de séparation de biens. Dans la majorité des cas au moins, étant donné les innovations qu'on introduit dans le Code civil... Après tout, on parle de patrimoine, mais, pour la plupart des gens, un patrimoine ça se résume, dans le fond, à bien peu de choses. On ne vit pas dans une société où les grandes fortunes sont courantes. Comme un de mes collègues l'a dit il y a deux jours, je pense, ce que la plupart des gens ont comme patrimoine, c'est une voiture, une maison et une police d'assurance. Point. Étant donné les dispositions sur la résidence familiale, étant donné le mandat légal de représentation réciproque pour les besoins courants du ménage, étant donné l'obligation que fait désormais le Code civil aux deux conjoints de contribuer proportionnellement à leurs ressources aux besoins du ménage et la reconnaissance explicite que l'on fait de la contribution de la femme au foyer comme devant être prise en compte dans l'exécution de ces obligations, je crois qu'on a une situation où, en termes de distribution de l'actif advenant une dissolution, qu'on soit en régime de société d'acquêts ou en régime de séparation de biens, la différence ne sera pas faramineuse dans la plupart des cas, encore que, évidemment, l'exercice...

Une voix: Sauf au décès.

M. Forget: Sauf au décès, mais le problème du décès, c'est un autre problème entièrement. Je pense que c'est le problème du droit successoral. Il n'y a rien qu'on puisse faire, je pense, aux régimes matrimoniaux qui va signifier qu'on a la liberté absolue de tester. Je pense qu'il faudra y venir le plus rapidement possible parce que le droit familial, tant qu'on ne touche pas au droit successoral, n'est pas complet, dans le fond. Je parlais de la dissolution par divorce, par séparation, par absence ou des choses dans ce genre, mais quand c'est par décès, c'est sûr qu'on n'a pas de solution dans le cadre de ce qu'on étudie. Il faudra attendre le droit successoral.

(16 h 45)

Je pense qu'on se dirige tous, au moins mentalement, vers une situation où la liberté absolue de tester va être sérieusement restreinte. Il faudra attendre ce chapitre pour en parler, mais dans le cadre que nous avons, je ne pense pas qu'on parle d'un contraste. Ce n'est pas le jour et la nuit, la société d'acquêts et la séparation de biens, il y a des tempéraments importants qui sont apportés. Je ne suis pas en mesure d'en évaluer l'impact. Il est possible qu'il y ait des différences significatives qui demeurent, bien sûr. Mais il sera peut-être important -et je me permets de le suggérer au ministre de la Justice - dans l'effort d'information qui devra suivre l'adoption d'un nouveau Code civil sur le chapitre de la famille, de fournir des moyens aux gens de juger, avec des exemples concrets, des implications respectives des deux régimes. Je regrette presque qu'on n'ait pas un document de travail de ce genre qui nous aurait permis de saisir de quoi on parle de façon concrète.

J'ai l'impression que le choix pour la séparation de biens risque de devenir beaucoup moins fréquent après l'adoption de l'ensemble de ces mesures, parce que, finalement, cela engendre des coûts de notaire, etc. Le résultat net, avec le chapitre sur la résidence familiale et les autres chapitres qui ont une incidence patrimoniale, pour la plupart des gens - je ne parle pas des gens qui ont des fortunes, parce que encore une fois, c'est 5% ou 10% de la population - ce ne sera pas une considération majeure. C'est ce qui me permet de conclure que, même si je n'épouse pas les revendications du RAIF sur ce

chapitre-là, je pense que les inquiétudes que ce groupe exprime trouvent une partie de leur réponse dans d'autres éléments du projet de réforme.

Le Président (M. Laberge): L'article 5.16 est-il adopté?

Une voix: Oui, adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 516, adopté. Article 517?

M. Bédard: Je pourrais simplement mentionner qu'à d'autres articles du projet de loi le RAIF et sa principale représentante y sont allés de recommandations constructives. Je pense, entre autres, à l'article 417, je crois, où on a exprimé déjà l'intention de donner suite, en bonne partie, à la recommandation faite par le RAIF.

L'article 516 est adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 516 est adopté. Article 517? M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 518?

M. Bédard: Cela rejoint nos... M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 519. Il n'y a rien de spécial à l'article 519?

M. Bédard: Non, rien de spécial, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): L'article 519 est adopté. À l'article 520, on a une correction à apporter.

M. Forget; Excusez-moi, M. le Président, à l'article 519...

M. Bédard: Est-ce qu'on nous permettrait une petite suspension de quelques minutes?

M. Forget: Oui, bien sûr.

Le Président (M. Laberge): La séance est suspendue pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 48)

(Reprise de la séance à 17 h 11)

M. Bédard: Je voudrais déposer deux amendements, un à l'article 495 et l'autre à l'article 496, à l'attention de l'Opposition. Nous savons que le but poursuivi était de bien clarifier la portée de l'article 495 et surtout de l'article 496. Alors, je vous en remets une copie. Est-ce qu'il est nécessaire de les lire, M. le Président?

Le Président (M. Laberge): Oui, je vais le faire. À l'article 495 que nous avions ouvert, nous allons oublier la recommandation qui nous a été faite de mettre les mots "fassent remonter". Cela devient caduc. Nous remplaçons le deuxième alinéa par le suivant: "Les effets de la dissolution se produisent immédiatement, sauf dans les cas des paragraphes 3 et 5, où ils remontent, entre les époux, au jour de la demande." Est-ce que cet amendement, remplaçant le deuxième alinéa, sera adopté?

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Amendement adopté. L'article 495, amendé, est adopté. À l'article 496, on nous demande de remplacer les mots "le tribunal peut" par "dans tous les cas de dissolution prévus à l'article précédent, le tribunal peut toutefois, à la demande de..." Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 496, amendé, est adopté. Nous retournons à l'article 520. À l'article 520, y a-t-il quelques commentaires?

M. Bédard: Cela précise les effets de la séparation de biens entre époux et la date où elle s'applique. Le deuxième alinéa de l'article 1442 du Code civil a été supprimé, parce qu'il n'a pas semblé utile, selon l'explication qui a été fournie par l'Office de révision du Code civil sous l'article 231.

Le Président (M. Laberge): Article 520, adopté. Article 521.

M. Bédard: Je n'ai pas de remarque spéciale, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Article 521 adopté. Article 522.

M. Forget: L'article 520 a été adopté avec une modification, n'est-ce pas?

Le Président (M. Laberge): Excusez! J'ai oublié. J'ai omis, à l'article 520... Alors, l'article 520 est ouvert pour remplacer, à la deuxième ligne du deuxième alinéa, le mot "reporte" par "ne les fasse remonter". Il ne faudrait pas seulement remplacer le mot "reporte". Si on change "reporte", on remplace par "fasse remonter". Donc, l'article 520, adopté avec amendement.

Je vous remercie de me l'avoir fait

remarquer. (17 h 15)

Article 522? Il n'y a rien de spécial.

M. Forget: L'article 521 a été adopté, M. le Président?

Le Président (M. Laberge): L'article 521, oui. Article 522? Je n'ai pas de papillon.

M. Forget: Adopté. Le Président (M. Laberge): Pardon? Mme LeBlanc-Bantey: J'ai une question. Le Président (M. Laberge): Excusez!

Mme LeBlanc-Bantey: J'aimerais encore une fois savoir la nécessité du "sauf stipulation contraire" dans le contrat de mariage. Cela me fatigue toujours les "sauf stipulation contraire" parce que j'ai toujours l'impression que, d'un côté, on veut protéger, rendre service ou faire les choses équitablement et que, de l'autre côté, par des stipulations contraires on veut défaire ce qu'on a fait. J'aimerais comprendre la signification de l'article.

M. Bédard: Ce n'est que pour informer que légalement les époux peuvent convenir du contraire. Je ne pense pas qu'il faille le voir dans le sens d'un encouragement à y aller d'une stipulation contraire.

Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais simplement vous demander de m'expliquer ce que signifie cet article. J'ai perdu de grands bouts de votre cours de droit depuis deux jours. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de l'expliquer. Que signifie cet article?

M. Bédard: Les droits de survie sont des droits qui ne prennent effet qu'au décès et comme le nom le dit, de survie, donc ils prennent effet en faveur du conjoint survivant, donc à la suite du décès de son conjoint. Une séparation judiciaire de biens peut intervenir parce que, le mari dans l'administration de la communauté n'est pas un bon administrateur ou encore parce que dans la société d'acquêts, les administrateurs sont considérés comme n'administrant pas dans l'intérêt de la famille. On demande une séparation de biens, mais cela n'a pas pour effet d'ouvrir les droits de survie parce que ce n'est pas un décès. Vous pourriez dire: Cela va de soi. Pourquoi le dire? Là aussi, il y a toutes sortes de raisons.

Mme LeBlanc-Bantey: Si je comprends bien le "sauf stipulation contraire" dans le contrat de mariage serait là cette fois-ci pour rendre service?

M. Bédard: Cela pourrait rendre service si dans le contrat de mariage... Remarquez que je ne suis pas prêt à dire que c'est d'application courante ou fréquente, mais en disant qu'à la suite d'une séparation judiciaire de biens des droits de survie peuvent être ouverts en faveur de l'un ou l'autre des conjoints, cela pourrait leur être favorable.

Mme LeBlanc-Bantey: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 522, adopté. Nous changeons de chapitre. Chapitre huitième.

M. Bédard: M. le Président, je pense que nous pourrions ajourner jusqu'à 20 heures, avec consentement.

Le Président (M. Laberge): De consentement. Les membres de la commission me demandent de suspendre les travaux. Ceux-ci sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 15)

(Reprise de la séance à 20 h 19)

Le Président (M. Laberge): La commission parlementaire de la justice, qui étudie présentement le projet de loi no 89, reprend ses travaux. Les membres de la commission seront les mêmes pour toute la séance.

Avant de suspendre pour le lunch, nous avons adopté l'article 522 et, après entente entre les membres de la commission, nous reviendrons sur les chapitres suspendus et passons maintenant au titre troisième, De la filiation.

M. Bédard: C'est cela, M. le Président. Après entente, également, nous avons convenu que nous entreprendrions l'étude article par article du chapitre deuxième traitant de l'adoption.

De l'adoption

Le Président (M. Laberge): Cette entente nous fait passer à la page 35 du projet de loi, chapitre deuxième, De l'adoption.

M. Bédard: Peut-être un commentaire général, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Oui, M. le ministre.

M. Bédard: Vous avez référé au titre De la filiation. Ce titre traite de la filiation des enfants dans un esprit d'égalité entre eux, que leur filiation soit établie par le

sang ou par l'adoption, qu'ils soient nés de parents mariés ou non.

Mme Lavoie-Roux: On a adopté tout cela.

M. Bédard: S'il vous plaît, à l'ordre!

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Ce titre traite de la filiation des enfants dans un esprit d'égalité entre eux, que leur filiation soit établie par le sang ou par l'adoption, qu'ils soient nés de parents mariés ou non. C'est là l'une des réformes les plus fondamentales du droit de la famille que propose le projet de loi, celle de l'abolition de toute distinction entre les enfants dits légitimes ou naturels. Les différences de traitement juridique entre les membres d'une famille ont souvent conduit à des injustices dont les enfants ont été les seuls à porter le poids; ceci n'est plus acceptable aujourd'hui.

Une deuxième réforme importante tient au fait que nous proposons d'inclure au Code civil les dispositions de droit substantiel relatives à l'adoption. L'adoption constitue, en effet, un moyen pour intégrer l'enfant à une nouvelle famille et lui assurer les mêmes droits qu'à un enfant dont la filiation est établie par le sang. C'est donc dans la perspective d'une réforme complète et cohérente du droit de la famille, comme je le mentionnais lors de mon discours de deuxième lecture, que nous proposons cette intégration des règles de droit substantiel, étant certains que ces règles seront complétées par d'autres lois en ce qui concerne les aspects les plus administratifs et la procédure civile relative à l'adoption.

Concernant l'adoption d'une façon particulière, la filiation adoptive constitue le deuxième volet du titre De la filiation et le projet de loi propose, par rapport aux règles actuelles, deux réformes majeures, soit la déclaration d'adoptabilité et l'ordonnance de placement. En effet, il nous a paru important, dans le but de faciliter l'adoption des enfants abandonnés ou sans filiation et d'assurer ainsi leur intégration dans une famille, de permettre, sur preuve de certains faits, qu'un tribunal puisse déclarer un enfant adoptable.

Par ailleurs, il nous a paru aussi qu'il était dans l'intérêt de l'enfant que sa situation juridique par rapport à ses parents biologiques soit réglée rapidement. C'est pourquoi le projet de loi propose que le placement s'effectue par une ordonnance du tribunal plutôt que par la simple remise de l'enfant aux adoptants. C'est, en effet, avant qu'il y ait ordonnance de placement que le tribunal sera appelé à vérifier la régularité des consentements et la qualité des adoptants. S'il en vient à la conclusion que le placement est dans l'intérêt de l'enfant, son ordonnance empêchera toute restitution de l'enfant aux parents ou à un tuteur ou l'établissement d'une filiation par le sang. Ceci, croyons-nous, favorisera la stabilité des liens affectifs entre l'enfant et les adoptants en mettant ceux-ci à l'abri de demandes de restitution - ce qui arrive assez souvent aujourd'hui - qui peuvent survenir à tout moment avant l'adoption, tout en préservant suffisamment les droits des parents biologiques.

Également, le projet de loi vise à faciliter le rétablissement possible de liens entre les adoptés majeurs et leurs parents biologiques, si tous y ont préalablement consenti. Il n'a pas paru opportun, afin d'éviter des traumatismes à l'enfant, de permettre le rétablissement de telles relations pendant la minorité de l'adopté.

Dans le but de faciliter le déroulement du processus d'adoption, je propose certains amendements à ce chapitre afin de réduire les contestations sur la régularité ou la qualité des consentements donnés par les parents, tuteurs ou enfants. Je propose que les consentements requis soient toujours donnés devant eux et devant témoins. C'est l'essentiel des propos d'ouverture.

En ce qui regarde la déclaration d'adoptabilité, il paraît opportun que le Code civil détermine, comme il le fait par ailleurs, les personnes qui peuvent exercer ce recours. Aussi, je propose un amendement pour préciser ce point. En outre, plusieurs personnes m'ont souligné les difficultés de preuve que pourrait susciter l'application de l'article 607, car, suivant le texte du projet de loi, les requérants seraient dans l'obligation non seulement de prouver que les père, mère ou tuteur ont effectivement abandonné l'enfant, mais aussi qu'il est improbable qu'ils en assument de nouveau le soin, l'entretien ou l'éducation. Afin d'éviter ces difficultés, je propose, en amendement, que cette improbabilité soit présumée dès que l'abandon est prouvé. M. le Président, j'ai déposé les amendements.

Le Président (M. Laberge): Le premier s'applique à l'article 596. Merci pour vos commentaires, M. le ministre, ou vos remarques préliminaires.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais dire, avant de commencer l'étude article par article de ce chapitre sur l'adoption, que ceci constitue pour moi ou presque l'aboutissement d'un assez long cheminement qui, à certains moments, a semblé ne jamais devoir déboucher sur quoi que ce soit. Si je peux me permettre quelques remarques d'intérêt historique ou personnel, ou les deux, je me souviens que

cette préoccupation de l'adoption que j'ai eue dès mon arrivée comme ministre des Affaires sociales, il y a déjà de cela plusieurs années, s'est heurtée à l'époque à toutes sortes d'obstacles que je n'ai jamais compris vraiment. Par exemple, il y a eu, après quelques mois de demandes pour que les fonctionnaires de mon ministère, à l'époque, me produisent quelques recommandations afin de résoudre des problèmes qui étaient aigus pour les familles et les enfants qui ont à y faire face, les délais incroyables et les réticences évidentes que j'ai senties chez un certain nombre de fonctionnaires qui étaient charqés de ces dossiers. Ces réticences ont éventuellement été surmontées devant l'intérêt évident et la persistance que j'apportais à vouloir traiter du sujet.

Ceci a été suivi d'une difficulté nouvelle lorsque, demandant aux centres de services sociaux de nous éclairer sur leur expérience, les centres de services sociaux étant les successeurs des sociétés de placement auxquelles fait allusion le Code civil, nous nous sommes heurtés auprès des centres de services sociaux à un refus de collaboration, un refus de nous communiquer toute espèce de renseignements, de nature globale et pas bien sûr de caractère individuel, nous permettant d'évaluer l'importance relative des problèmes, les raisons pour lesquelles certaines difficultés semblaient ne jamais vouloir se résoudre, l'expérience heureuse ou malheureuse de certains adoptants ou de certains parents qui conservaient leurs enfants, dans le cas des mères célibataires, etc., de manière à pouvoir formuler, malgré tout, des recommandations basées sur l'observation du réel.

Cet obstacle n'a jamais été surmonté, si bien qu'il a fallu utiliser les expériences étrangères telles qu'on les retrouve dans des écrits pour pouvoir en déduire, par analogie, que certains problèmes devaient se reproduire au Québec de la même façon que soit en France, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, ou Dieu sait où. Aussitôt qu'on a pu finalement mettre ensemble un certain nombre de recommandations, les aléas de la politique ont fait que je n'ai plus été en mesure d'en suivre le déroulement.

Cependant, je dois dire que cette question de l'adoption, je ne voudrais pas donner l'impression que j'étais le seul au Québec à m'y intéresser, bien loin de là, c'est seulement les circonstances qui ont voulu que j'aie des responsabilités à exercer. Dans les mois et les années qui ont suivi, des organismes ont fait connaître leurs réactions au livre blanc qui avait été publié à la fin de 1976, en particulier le Conseil des affaires sociales et de la famille. Je dois dire que le texte qui est devant nous à l'Assemblée nationale, de ce temps-ci, les reprend dans une très large mesure. Je ne le dis pas par désir de revendiquer la paternité de quoi que ce soit, je pense qu'il y a là un certain nombre d'idées qui sont devenues un patrimoine commun et je pense que c'est heureux qu'on puisse légiférer après tout ce processus de réflexion.

Il y a des idées que le ministre a mentionnées qui sont fort importantes et sur lesquelles nous reviendrons, bien sûr. La déclaration de l'adoptabilité, en particulier, qui est un nouvel élément de notre droit substantif qui est extrêmement important. Il y a aussi cette mesure qui est l'ordonnance de placement sur laquelle j'aurai passablement de choses à dire, mais qui est une des mesures à laquelle j'attache énormément d'importance, pourvu qu'elle soit bien conçue et bien appliquée, afin de favoriser l'intérêt de l'enfant. (20 h 30)

Avant d'en venir, encore une fois, à des choses plus particulières, j'aimerais dire aussi que je pense qu'il est symbolique de l'importance égale que l'on veut attacher aux liens d'adoption par rapport aux liens de filiation biologique que d'incorporer, dans le Code civil, les disposition substantielles de l'adoption. Il est assez paradoxal que la filiation biologique et naturelle soit inscrite et se traduise juridiquement par des dispositions du Code civil et que le reflet juridique de l'adoption ne se traduise que dans du droit statutaire. Je pense que ce reflet, dans deux types de lois, avec un statut bien différent dans notre système juridique, reflétait justement le statut très différent des liens en question, dans l'un et dans l'autre cas.

Je note avec plaisir que le ministre est conscient qu'il y a une nécessité qui persiste pour que certaines mesures administratives existent dans une loi statutaire ou dans des codes de procédure, où que ce soit, mais c'est bien sûr qu'on ne peut pas tout mettre dans le Code civil, il y a certains détails administratifs ou procéduriers qui devront être traités ailleurs.

M. le Président, nous allons examiner un chapitre où on va avoir énormément recours à la notion de l'intérêt des enfants. J'ai constaté, à travers toutes ces discussions et toutes les réflexions que j'ai faites relativement à l'adoption, que c'est un principe auquel tout le monde souscrit très facilement. Évidemment, c'est un principe un peu comme celui de la maternité; pour employer l'expression célèbre, tout le monde est aussi en faveur des enfants, sauf que, dans le concret, les implications de ce principe sont souvent ignorées. Les deux implications les plus sensibles d'une ignorance pratique de l'intérêt de l'enfant, dans le chapitre de l'adoption - je dois dire qu'on y apporte des remèdes significatifs - se trouvent du côté de l'adoption des enfants

légitimes.

Évidemment, tout le contexte mental, moral et légal dans lequel le droit de l'adoption s'est certainement élaboré dans le Code civil du Bas-Canada, et encore plus récemment, était que ces pauvres enfants illégitimes devaient être l'objet d'un acte de bienfaisance qui constituait l'essentiel du problème qu'avaient à résoudre les lois de l'adoption. Mais, dans notre monde d'aujourd'hui, les enfants qui ont le plus besoin d'être adoptés... Non, ce n'est peut-être pas ça, mais le plus grand nombre d'enfants qui ont besoin d'être adoptés sont des enfants légitimes. C'est véritablement un scandale de constater que notre droit, notre système juridique était complètement aveugle à cette réalité et plaçait des conditions telles pour permettre l'adoption de ces enfants qu'effectivement, ils se retrouvent littéralement par dizaine de milliers dans des institutions - on n'appelle plus ça des orphelinats, mais ça n'a de différent des orphelinats que le nom - qui restent là pendant des années, parce qu'en cours de route, on a oublié qu'ils avaient encore des parents légitimes et, même si on le savait, de toute façon, la procédure par laquelle les parents légitimes peuvent renoncer à leur droit de propriété, puisque c'est presque ça, sur les enfants et leur permettre un placement et une adoption, est tellement compliquée, tellement mal définie ou peut-être même inexistante que cela ne s'est pas fait.

Je pense que c'est l'exemple par excellence où l'intérêt des enfants que tout le monde proclamait était joyeusement ignoré, en pratique.

Un autre domaine où on a ignoré le droit des enfants, c'est dans les façons dont le droit relatif à l'adoption peut, dans le souci d'ailleurs légitime de protéger le droit des parents, prévoir tellement de possibilités de rétrocession, de révocation de consentement, d'appel et de recours parce qu'on traite l'enfant comme un "chattel", une propriété. Si jamais les parents ont le malheur de changer d'idée un jour, par fantaisie peut-être ou autrement, on a toujours voulu du côté du législateur, favoriser l'expression de ces velléités sans se demander ce que ça faisait à l'enfant qui lui, peut-être depuis des années ou des mois, s'est retrouvé dans une famille qu'il considère comme sa famille. On a encore ce problème-là. Bien sûr on ne peut jamais le trancher de façon absolue, mais je pense qu'il va falloir regarder un certain nombre de dispositions d'un oeil très sévère parce que, lorsque le problème de l'adoption se pose finalement, je pense que le droit des parents est très secondaire à l'intérêt de l'enfant. Quand le problème de l'adoption se pose, c'est qu'il y a une carence sérieuse du côté des parents. Il y a presque une présomption que le droit qu'ils auraient normalement, ils ont le fardeau de la preuve de démontrer qu'ils peuvent l'assumer et ils doivent le faire très rapidement pour ne pas créer une situation d'insécurité sur le plan émotif entre l'enfant adopté ou placé pour adoption et sa nouvelle famille.

Ces situations-là sont extrêmement difficiles et pénibles à vivre pour les parents adoptants et tout ce que le législateur peut faire pour les récompenser dans le fond de l'immense service qu'ils font à la société de s'occuper d'un enfant et de lui donner un vrai foyer en supprimant toute cette insécurité, tous ces recours, toutes ces tracasseries, je pense qu'il faut le faire avec assez de sévérité vis-à-vis des parents naturels.

En terminant, M. le Président, je pense que j'ai déjà souligné deux des objectifs importants qu'il faut surmonter pour véritablement donner un sens concret à l'expression "l'intérêt des enfants". Il y a certains autres obstacles administratifs ou bureaucratiques ou soi-disant professionnels qui s'expriment dans ce secteur-là et pour lesquels il faut également être très éveillés. J'en citerai quatre mais il y en a peut-être d'autres: Le premier c'est celui que l'on retrouve dans la situation actuelle. Je pense que dans une certaine mesure le projet qu'on a devant nous le règle, mais je ne suis pas absolument certain. Il serait peut-être possible de faire des améliorations. Il s'agit de cette espèce de présomption de culpabilité qui n'est évidemment pas dans la Loi sur l'adoption, mais qui se dégage de son fonctionnement et qui résulte de la période de probation des parents adoptants. Avec l'ordonnance de placement, je pense qu'on est en mesure de renverser cette présomption-là. On ne le fait peut-être pas suffisamment clairement, mais le sens d'une ordonnance de placement c'est d'anticiper le jugement sur la qualité de la famille adoptante ou adoptive et sur la validité des consentements, etc. La période de probation de six mois qui suit, même si le livre blanc que j'avais publié suggérait de l'éliminer totalement - je pense que cela a fait l'objet de beaucoup de commentaires - peut-être ne doit-on pas effectivement l'éliminer. Il y a quand même peut-être une dernière sauvegarde qu'il est important de conserver, mais je pense que le sens de cette période de probation serait beaucoup plus sain si, au lieu d'être une période pendant laquelle les parents adoptifs doivent continuer à montrer patte blanche et à faire positivement la preuve de leur qualification, ce soit une période pendant laquelle on laisse en suspens la qualité définitive de parents adoptifs, mais où, malgré tout, le fardeau de la preuve repose sur quelqu'un qui pourrait s'opposer à ce que l'adoption devienne définitive.

Je pense que, si on le formulait de

cette façon-là, la famille adoptive ne serait pas dans une situation extrêmement difficile à l'heure actuelle où elle a l'impression d'être sous le regard attentif et jaloux de toutes sortes d'organismes et où elle doit faire la preuve positivement qu'elle constitue une bonne famille. Pour nous qui avons des enfants qui ne sont pas adoptés, on se demande comment on aurait pu honorer une telle obligation vis-à-vis de nos propres enfants face à des tiers parce que personne ne nous a jamais dit ce que c'est que d'être des bons parents; on le fait du mieux possible, mais s'il fallait toujours se justifier aux yeux des tiers, en fonction de critères que personne n'a jamais précisés et qui peuvent dépendre de la bonne humeur ou de la mauvaise humeur de l'individu qui observe, je crois que ce serait une situation qu'on jugerait absolument abusive et intolérable.

Je pense que si on renverse la présomption, on protège l'enfant et on fait cesser cette espèce d'état policier. J'exagère un peu, mais pas tellement; on m'a raconté suffisamment d'anecdotes assez hallucinantes pour qu'on puisse presque utiliser cette expression.

Une deuxième difficulté administrative vient du fait que certains parents, certaines familles reçoivent des enfants à titre de familles d'accueil. Pour des raisons le plus souvent économiques, parfois autres mais légitimes - on ne peut pas, en général, présumer de leur illégitimité - elles ne se sentent pas capables d'assumer toute la responsabilité de l'adoption. Malgré tout, plusieurs centaines, plusieurs milliers d'enfants vivent dans des familles d'accueil et il n'existe aucun lien de droit entre la famille d'accueil et l'enfant placé. Aucun lien de droit. Ce placement dépend d'une discrétion administrative et professionnelle, bien sûr, mais il a un aspect administratif, de sorte que, parfois pour des raisons de convenances administratives, pour des raisons qui sont absolument inconnues et indéchiffrables, des enfants sont déplacés d'une famille à une autre, alors que des liens affectifs ont été créés. Il n'y a pas de remède. La famille d'accueil et l'enfant lui-même n'ont aucun recours.

Le livre blanc que j'ai publié en 1976 suggérait l'institution de la tutelle familiale. C'est une expression comme une autre qui désigne un certain nombre de droits, les droits de l'autorité parentale, sauf celui de consentir à l'adoption. On pourrait les définir en tenant compte d'autres préoccupations qui permettraient à la famille d'accueil d'avoir un certain sentiment de sécurité et de continuité et où, pour obtenir un déplacement, il faudrait l'intervention du tribunal et une preuve du caractère approprié ou nécessaire d'un tel déplacement. C'est une proposition, je ne le cache pas, qui a été l'objet de certaines controverses. Cette suggestion ne fait pas l'unanimité. Je ne la présente pas comme étant une vérité absolue, mais il reste qu'on n'a rien suggéré d'autre qu'une formule qui a été même incorporée dans la loi, l'adoption subventionnée et qui, je crois savoir, n'est pas heureuse, n'a pas réussi et soulève des problèmes encore pires que tout ce qui pourrait être soulevé par la tutelle familiale.

C'est un problème, l'absence de liens juridiques entre les familles d'accueil et les enfants qui leur sont confiés. Je ne suggère pas que la tutelle familiale existe dans tous les cas de placement, bien sûr, mais dans un certain nombre de cas, là où on peut envisager, où on doit se résoudre à envisager la durée. Par exemple, un certain nombre d'enfants avec handicaps sont placés en familles d'accueil. Il est parfois très difficile d'obtenir leur adoption. Pourquoi? Parce que l'existence même du handicap crée la perspective d'une responsabilité financière très lourde. Une famille peut hésiter à aller aussi loin que cela; malgré tout, tant qu'elle le peut, et tant qu'elle peut bénéficier de l'aide de l'État, elle peut être en mesure de continuer cette relation. Ce n'est qu'un exemple, mais je pense que c'est un exemple qui s'applique dans bien des cas. (20 h 45)

II y a un troisième problème administratif qu'il faut surmonter. Je pense que, dans l'ensemble, le projet qui est devant nous y correspond; c'est le problème du monopole professionnel des centres de services sociaux. J'ai été agréablement impressionné par le fait que le Code civil ne contient aucune disposition, me semble-t-il, qui doive être interprétée comme conférant un monopole ou un pouvoir exclusif aux centres de services sociaux. Je pense qu'il doit en être ainsi. On ne doit pas, dans le Code civil, se lier à des institutions qui n'existaient pas il y a dix ans et qui peut-être, dans dix ans, n'existeront pas, du moins sous la même forme. Je pense qu'il faut, non seulement en vertu de cette raison, mais en vertu du fait que, même si ces structures devaient être éternelles, je crois qu'il faut envisager un régime plus ouvert que celui-là et qui permet à une expertise professionnelle, même si elle ne correspond pas strictement à des normes technocratiques ou bureaucratiques précises, d'assister le tribunal dans les décisions qu'il doit prendre, en dehors de toute espèce de cadre étroitement défini pour des raisons et des fins administratives.

Un dernier point, M. le Président, les obstacles ou les difficultés dont il faut tenir compte plus explicitement, c'est dans le mécanisme de placement pour adoption, à la fois dans les délais et dans les exigences qui sont impliqués. Je crois qu'il faut faire une distinction entre différentes sortes d'adoption. Les adoptions entre consanguins, par exemple, ne posent pas les mêmes

problèmes de sélection, de preuve, de compatibilité ou d'acceptabilité des parents adoptifs que celles entre étrangers. Il n'est peut-être pas nécessaire, à ce moment-là, qu'on présume que la preuve et la façon de produire la requête, les délais, encore une fois, soient les mêmes.

Une autre catégorie qui est différente de l'adoption entre étrangers, l'adoption, en quelque sorte, aveugle qui se fait par une agence, etc., c'est ce que le Conseil des affaires sociales et de la famille appelle les adoptions ouvertes, c'est-à-dire des adoptions de consentement mutuel entre familles naturelles et familles adoptives, la famille naturelle pouvant se résumer à une seule personne, bien sûr. Mais on soulève dans le rapport une chose qui m'apparaît souhaitable. Par exemple, une mère célibataire qui a un bébé et qui ne souhaite pas procéder par le mécanisme anonyme et impersonnel d'une agence de placement, mais qui, malgré tout, veut placer son enfant pour adoption et qui préfère le faire à une famille qu'elle connaît, cette famille désirant, par ailleurs, adopter.

Il y a là, à mon avis, une situation qui n'exige pas le même genre d'intervention, d'expertise et de délai que celui que l'on retrouve dans une situation où une agence intervient comme intermédiaire entre parents naturels et parents adoptifs qui ne se connaissent ni d'Ève ni d'Adam. C'est une autre distinction, un peu comme celle entre consanguins, où un degré plus grand de souplesse serait nécessaire, l'avantage de tout ceci étant de réduire les délais et la période de tâtonnement ou de flottement que ces délais font nécessairement subir à tout le monde, les enfants étant les premiers concernés.

M. le Président, ce sont les remarques préliminaires que je voulais faire. Mais je voudrais terminer en disant que, dans l'ensemble, je pense qu'on va probablement passser un certain temps là-dessus, parce que c'est très intéressant et très important. Il y a peut-être quelques améliorations qu'on pourra faire à l'occasion. Mais je voudrais féliciter le ministre pour un projet qui, même dans son état actuel, est un progrès très substantiel sur la législation existante.

Le Président (M. Laberge): Merci, M. le député de Saint-Laurent.

Mme la député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'ai juste quelques remarques à ajouter à celles que vient de faire le député de Saint-Laurent. Si, sur une grande partie de ses remarques, je suis d'accord, il y en a d'autres sur lesquelles je ne suis pas autant d'accord. Je ne sais pas ce que cela va donner comme résultat si c'est l'Opposition qui est partagée dans ses opinions. Hein? Cela nous arrive. Cela nous arrive.

Le premier principe que mon collègue de Saint-Laurent a fait valoir était que l'adoption soit à l'intérieur du Code civil. En effet, si vraiment dans les faits on ne veut plus faire de différence entre enfant illégitime et légitime, etc., et qu'on veut que tous soient considérés sur le même pied au point de vue civil, je trouve qu'il est bon que ce soit à l'intérieur du Code civil. Il y a la question que mon collègue a soulevée sur la période de probation. Moi, je ne suis pas opposée à ce que, au lieu que la période de probation porte sur les parents, ce soit plutôt dans l'intérêt de l'enfant, mais il faut qu'il y ait une période de probation. Il y a peut-être des cas particuliers dont le député de Saint-Laurent a parlé tout à l'heure. Il reste qu'il ne faut pas oublier le temps pas si lointain où les adoptions se faisaient d'une façon assez scandaleuse, un peu à la va comme je te pousse et au hasard des circonstances parce qu'à ce moment-là il y avait beaucoup d'enfants à adopter et, ensuite, tout le monde faisait de l'adoption à droite et à gauche. S'il est vrai que mon collègue a pu rencontrer des cas où il y a eu abus des professionnels et autres, je pense quand même que la qualité de l'adoption s'est améliorée. Il s'est quand même développé une expertise. Je pense bien que personne ne peut professionnellement en prendre tout le mérite ou déclarer en avoir le monopole, mais il reste que cela s'est fait à l'intérieur des agences de service social. C'est un point sur lequel je diffère un petit peu d'opinion avec mon collègue, c'est-à-dire que j'aimerais le voir un petit peu moins absolu dans ce type d'affirmation.

Il reste que ma question fondamentale à cet égard est: De quelle façon va-t-on procéder pour ce qui constitue quand même des mesures administratives - je pense que ce n'est pas uniquement de nature administrative, mais plutôt de nature humaine aussi - pour assurer la qualité de l'adoption? Je répète que je suis d'accord que ce soit dans le Code civil, mais je pense qu'il faut aussi avoir des préoccupations au point de vue du fonctionnement et de la façon dont les adoptions vont se faire.

La suggestion que mon collègue de Saint-Laurent faisait sur les familles d'accueil, je crois qu'elle est fondée et on avait eu l'occasion d'en parler au moment de la loi 13. C'est ce qu'il appelle la tutelle familiale, sans penser qu'il ne puisse pas y avoir un meilleur titre. Cette formule qui créerait des liens juridiques entre la famille d'accueil et un enfant qui est placé pour un grand nombre d'années me semblerait beaucoup plus satisfaisante que ce qu'on a tenté de faire de bonne foi l'an dernier en passant l'adoption subventionnée. J'ai eu des informations de centres de services sociaux et d'agences de service social où on s'occupe

d'adoption. Il ne semble pas que cela ait fonctionné dans les faits. J'avais exprimé beaucoup de doutes à ce moment-là. En tout cas, ce n'est pas une chose qui semble pouvoir se généraliser dans le cas des familles d'accueil qui ont eu une permanence pour les enfants qu'ils ont.

Je ne sais pas si c'est ici qu'il faut soulever le problème ou si c'est à propos de la filiation, quoique ici on parle du consentement de l'adopté. J'ai connu quelques cas personnellement et il y en a d'autres qui m'ont été rapportés. Combien de fois un enfant peut-il être adopté? Cela a l'air d'une question un peu surprenante, mais vous avez un enfant qui est légitime, dans le sens où on l'entend et, avec la succession des divorces, je connais une adolescente qui a maintenant 13 ans, qui a changé trois fois de nom et les trois sont légaux. Elle a eu le premier à sa naissance, le deuxième lorsqu'elle a été adoptée la première fois et le troisième lorsqu'elle a été adoptée une deuxième fois. Quand on parle de la préoccupation qu'on veut avoir pour l'enfant et qui, je pense, nous anime tous, je n'ai pas de suggestion à faire, mais je me demande de quelle façon on pourrait... Est-ce qu'il y a des limites ou des restrictions quelconques? Qu'un enfant se fasse adopter successivement ou change de nom quand il a 1, 3, 4 ou 5 ans, dès qu'il est entré à l'école - peut-être même avant, mais disons à l'école - je pense que votre identité devient encore plus importante parce que vous vous appelez Tremblay, Bédard ou autrement. Je ne pense pas qu'on puisse permettre... Dans le moment, c'est ce qui arrive, des enfants qui peuvent . changer successivement... J'espère que c'est son dernier, rendu au troisième.

M. Bédard: II y a peut-être un problème d'affectivité.

Mme Lavoie-Roux: C'est peut-être un problème un peu particulier, mais je pense qu'il a sa place ici, dans la filiation ou dans l'adoption, je ne sais pas où. La première question est qu'il resterait une période de probation, si on veut, sauf que ce n'est plus en fonction des parents, mais en fonction du bien de l'enfant, de l'intérêt de l'enfant. Je ne m'oppose pas à ce que le fardeau change d'endroit, je suis tout à fait d'accord. Je voudrais quand même que le ministre nous donne aussi... J'ai vu, dans l'introduction, dans le préambule ou dans les notes préliminaires, les notes explicatives, que la Loi sur l'adoption semble disparaître, si je ne me trompe pas. Alors, qu'est-ce qu'on mettra en place? On peut parler de loi statutaire, je ne sais trop ce dont on peut parler, mais qu'est-ce qui la remplace quant aux dispositions administratives, sociales ou autres? Ce sont les deux points principaux que je voulais faire valoir.

Le Président (M. Laberge): Merci, Mme la députée de L'Acadie.

Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme LeBlanc-Bantey: J'imagine que nous en sommes aux questions d'ordre général. Honnêtement, je n'ai pas étudié toute la loi. À la suite des réflexions qu'ont faites et le député de Saint-Laurent et la députée de L'Acadie sur l'espèce de monopole que détiennent les centres de services sociaux, je vous avoue que je partage plutôt l'opinion de la députée de L'Acadie, mais je me demande s'il existe une procédure d'appel justement pour éviter les cas d'injustice auxquels aurait pu faire allusion le député de Saint-Laurent pour les parents qui se seraient vu refuser une adoption parce que telle personne, quelque part, aurait décidé arbitrairement que ce n'étaient pas de bons parents.

M. Bédard: Non, il n'y a pas...

Mme Lavoie-Roux: Je pense que le député de Saint-Laurent pensait plutôt qu'il y a des parents qui ont peut-être déjà deux enfants fort bien élevés ou enfin selon les normes générales, si on peut dire, dont on prenait bien soin; ils en adoptent un autre et ils se sentent peut-être dans une position difficile de voir que tout à coup ils sont mis un peu sous tutelle pour le troisième. Même s'ils n'en ont pas, il a pu se produire des cas comme ceux-là.

Par contre, si on faisait l'équilibre entre le nombre d'enfants qui ont été protégés par cette formule et d'autres parents qui ont été "abusés"...

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'il y aurait une procédure d'appel quelconque? Je soulève le point parce que j'ai connu des parents qui ont tenté d'adopter des enfants. C'étaient, ce qu'on appelle aux îles, des gens de l'extérieur qui viennent vivre quelques années là-bas sur le plan professionnel; ils ont pris deux enfants en famille d'accueil, ils ont voulu les adopter et semble-t-il qu'on aurait décidé - je ne suis pas au courant du cas, j'en ai vaguement entendu parler dernièrement - que, puisqu'ils quittaient les îles, on ne pouvait leur céder les enfants en famille d'accueil parce qu'on les arrachait de leur milieu originel, si vous voulez.

M. Bédard: Disons qu'il n'y a pas de mécanisme qui existe à l'heure actuelle, mais je puis vous dire qu'au moment où on se parle, il y a déjà...

Mme LeBlanc-Bantey: Ils voulaient les adopter et, semble-t-il, on aurait refusé tout simplement parce que les enfants seraient

transplantés hors de leur milieu alors que cela faisait quand même des années que les gens s'en occupaient.

M. Forget: Ce genre de critère ne donne ouverture à aucun appel. Encore une fois, tout ce que le parent peut faire, c'est prouver qu'il est un parent exemplaire. Si, pour une raison quelconque, on décide qu'il ne peut pas adopter, il ne le peut pas et c'est fini.

Mme LeBlanc-Bantey: II y a un autre cas que ma secrétaire m'a rapporté cette semaine.

M. Bédard: C'est pour cela... (21 heures)

Mme LeBlanc-Bantey: Je m'excuse, je vais terminer. Cela rejoint un autre problème déjà soulevé. C'est au sujet de l'office de placement, je ne sais pas comment vous l'appelez. Une dame enceinte avait déjà choisi une famille pour son enfant et, semble-t-il, on lui aurait dit qu'il n'en était pas question, que ce serait le centre de placement qui déciderait où l'enfant irait. Dans de petites régions rurales - peut-être qu'en ville c'est nécessaire pour justement éviter le commerce d'enfants ou autres choses - dans des régions où tout le monde se connaît, ça paraît un peu exagéré comme prudence.

Mme Lavoie-Roux: Je dirais que les normes se sont modifiées parce que, autrefois, justement dans un petit village, la jeune femme aurait pris soin de l'envoyer ailleurs, alors que, aujourd'hui, l'adoption évolue, de ça il n'y a pas de doute.

Mme LeBlanc-Bantey: De le cacher. Ce sont même très souvent des gens de la famille ou des amis qui adoptent dans ce temps.

Mme Lavoie-Roux: C'est ça.

Mme LeBlanc-Bantey: C'étaient juste les remarques générales qui me venaient à l'esprit.

M. Bédard: À votre question a savoir s'il y a une procédure d'appel; je dis non, il n'y en a pas. Maintenant, à l'heure actuelle - c'est déjà rendu devant le comité tripartite - il y a plus qu'une étude, nous en sommes rendus presque à l'aboutissement au niveau d'amendements au Code de procédure qui, à ce moment, prévoiraient des possibilités d'appel.

M. Forget: Oui, mais il reste...

M. Bédard: Je pense que ces genres de décisions se doivent d'être évaluées, c'est assez surprenant qu'il n'y ait pas d'appel lorsqu'il s'agit de sujets aussi importants qui concernent, au premier chef, l'intérêt de l'enfant et non l'intérêt des organismes ou de tous ceux qui essaient de bonne foi...

Mme Lavoie-Roux: Dans tous les autres cas de pratique professionnelle, les gens ont des droits d'appel, il aurait dû y en avoir dans celui-là comme dans les autres, mais ça n'a pas toujours intéressé beaucoup de monde l'adoption non plus, sauf pour... Il y en avait trop, on ne savait plus quoi en faire.

M. Bédard: D'ailleurs, je voulais effectivement... Je pense que le député de Saint-Laurent, dans ses propos d'introduction, avait raison de parler de l'intérêt qu'il a toujours manifesté pour l'ensemble du sujet que nous allons étudier ce soir. Effectivement, tous ses efforts avaient débouché sur un livre blanc; il nous a indiqué les difficultés qu'il avait pu rencontrer au niveau de certaines instances.

Je puis lui dire que nous avons probablement bénéficié du travail qu'il avait fait pour abattre certaines barrières qui se dressaient sur son chemin à ce moment, de telle façon que nous avons pu bénéficier de l'ensemble du travail et nous avons pu compter sur la collaboration, au niveau gouvernemental, de l'ensemble de l'appareil.

Je ne vous cacherai pas que certaines réticences sont peut-être demeurées très efficaces à certains niveaux, mais en tenant compte de tout ça, je pense, que la meilleure manière de répondre à toutes les interrogations que Mme la députée de L'Acadie et les autres membres de la commission se sont posées, ce serait de passer à l'étude du projet article par article. S'il y a des améliorations - il y en a déjà en perspective, je ne dis pas qu'on a toutes les solutions ni même qu'on a pensé à tout - je pense que le terrain est propice pour travailler en toute confiance. Je le dis et ça me fait plaisir d'avoir à étudier - j'ai eu à discuter longuement avec Me Guy - à faire ce travail avec le député de Saint-Laurent qui, on le sait, durant pas mal de temps, s'y est attardé d'une façon spéciale. Je crois que, pour l'ensemble du travail que nous avons à faire, ça ne peut être que productif au bout de la ligne.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il y a quand même une question pratique que j'ai posée et que peut-être on n'abordera pas ici, parce qu'elle déborde ceci. Quelles sont les mesures... Évidemment, ce code ne sera pas en vigueur demain matin, mais il reste quand même que c'est une question à se poser, parce que, quand il sera en vigueur, il faudra avoir prévu des mesures de substitution à la Loi sur l'adoption actuelle, c'est-à-dire qu'une large partie est couverte dans ceci,

les principes, mais il y a une partie qui doit être couverte par d'autres.

M. Bédard: En fait, actuellement, dans l'état des travaux de prévision, il est certainement possible qu'il y ait une loi pour faciliter l'application de ce code, parce que, évidemment, ça ne couvre pas l'ensemble des matières, enfin la procédure et l'administration qui en découlent.

Effectivement, il y a en préparation un projet sur la procédure civile. Il y a un projet aussi qui est en préparation principalement aux Affaires sociales - et en discussion sur les modes administratifs de l'adoption, par exemple, au niveau de l'organisation des services de placement, de l'organisation des critères pour les adoptants, et tout. Cela va se faire comme mode d'application. Cela ne pourra pas déroger quand même aux principes qui ont été posés au code.

Mme Lavoie-Roux: Évidemment, cela entre dans les mesures administratives toute la question de... Il y avait l'adoption internationale qu'on avait discutée l'an dernier. L'adoption subventionnée, peut-être disparaîtra-t-elle. Je ne sais pas ce qui va lui arriver. L'adoption privée devrait être...

M. Bédard: C'est là-dedans.

Mme Lavoie-Roux: C'est là-dedans.

Le Président (M. Laberge): Si vous voulez entreprendre l'étude des articles, article par article, j'appelle l'article 591. L'article 591 est-il adopté?

M. Bédard: L'article proposé reprend, en en modifiant la forme, l'article 2 de la Loi de l'adoption. Il applique à l'adoption la règle plus générale de l'article 2 du présent projet de loi. Ce chapitre a été complètement réaménagé de façon à regrouper les dispositions générales et à rendre plus accessibles les conditions de l'adoption en les articulant autour du consentement de l'adopté, du consentement des parents ou du tuteur et de la déclaration d'adoptabilité. C'est le principe général.

Le Président (M. Laberge): Article 591, adopté. J'appelle l'article 592.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 593.

M. Bédard: L'article 593, au premier alinéa, reprend, en en modifiant la forme, l'article 8 de la Loi de l'adoption. Le deuxième alinéa est de droit nouveau. Il reconnaît une discrétion au tribunal de passer outre à cette exigence dans l'intérêt de l'adopté.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 593, adopté. Article 594. Sur l'article 593, Mme la députée?

Mme Lavoie-Roux: Ça va, d'accord. Le Président (M. Laberge): Ça va.

M. Gosselin: De fait, d'après ce qui a été dit tout à l'heure, c'est par des précisions aux lois existantes du ministère des Affaires sociales que toutes les procédures d'adoption seront précisées. À propos de l'adotion des personnes majeures, je sais qu'il y a des procédures assez compliquées qui s'interposent. On pourrait penser, par exemple, qu'un enfant naturel qui est âgé de 24 ans pourrait être adopté très spontanément par une famille amie qui, à un moment donné voudrait se prévaloir de la possibilité de léguer l'héritage familial à cette personne et de la reconnaître comme l'enfant de la famille. Je sais que c'est compliqué actuellement. Il faut passer par le tribunal. Cela suppose des frais assez onéreux. Disons que c'est une demande d'explicitation. Cela m'a été rapporté à quelques reprises. La situation me semblait relativement odieuse parce qu'une famille ouvrière qui était désireuse d'adopter comme ça une amie de la famille majeure avait à suivre des procédures judiciaires assez compliquées. Ce n'est pas dans ces articles que ce sera précisé, évidemment.

M. Bédard: De toute façon, il faut que cela passe par le tribunal via une requête d'adoption.

M. Gosselin: Pourquoi cela ne pourrait-il pas être une simple déclaration devant un juge de paix? Cela ne peut pas être plus simple que cela?

M. Bédard: Ce n'est quand même pas d'un simple contrat dont on parle. À partir du moment où l'adoption a lieu ce sont tous les droits qui en découlent: filiation, droits de succession, etc. Je pense que c'est assez normal que ce soit entouré de ce qui est déjà prévu, à savoir une requête en adoption devant le tribunal qui a l'occasion ...

Le Président (M. Laberge): L'article 593 est adopté. Je rappelle l'article 594.

M. Bédard: Cet article s'écarte des articles 3 et 5 de la Loi sur l'adoption en ne précisant pas dans le Code civil les critères auxquels doivent répondre les personnes

majeures qui désirent adopter un enfant. Le Code civil cherche plutôt a régler le problème du choix des adoptants par le biais de l'intérêt de l'enfant et du respect de ses droits qui doivent être les motifs déterminants des décisions prises à son sujet.

C'est pourquoi on précisera qu'il doit être tenu compte notamment de l'âge, du sexe, de la religion, de la langue, du caractère de l'enfant, de son milieu familial et des autres circonstances dans lesquelles il se trouve avant de décider à son sujet en particulier de son adoption.

Cette méthode plus souple permettra sans doute de tenir compte davantage de l'évolution des situations. Ainsi il ne devrait plus se produire des anomalies comme celle contenue dans l'article 3 de la Loi sur l'adoption en vertu duquel une personne séparée de corps ou de fait ne peut jamais adopter seule un enfant alors qu'une personne divorcée, étant assimilée à une personne non mariée, peut le faire. Cet article est plutôt conforme à la proposition de l'Office de révision du Code civil en reconnaissant que toute personne majeure a le droit de demander d'adopter un enfant. Il en diffère toutefois en ne restreignant pas le droit d'adopter des époux comme le propose l'Office de révision du Code civil.

Le Président (M. Laberge): Cet article 594 sera-t-il adopté?

M. Forget: II faut probablement noter au passage l'innovation qu'il implique relativement aux limites quant à la différence de sexe etc., qui cesse d'être une exigence. C'est probablement au niveau de la qualification des adoptants la chose la plus significative...

M. Bédard: ... la question se pose. M. Forget: C'est ça, c'est ça.

Le Président (M. Laberge): L'article 594 est adopté. J'appelle l'article 595.

M. Bédard: 595. L'adoptant doit avoir au moins 18 ans de plus que l'adopté, sauf si ce dernier est l'enfant de son conjoint. Ça parle ...

Le Président (M. Laberge): L'article 595 est adopté. J'appelle l'article 596.

M. Bédard: Cet article...

M. Forget: II y a deux amendements, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Merci. À l'article 596, au premier alinéa, remplacer l'expression " à moins qu'ils ne soient donnés devant le tribunal" par les mots "devant deux témoins."

Mme LeBlanc-Bantey: ...

Le Président (M. Laberge): "Devant deux témoins" pour remplacer les mots - un instant que je me retrouve, au premier alinéa -...

Mme Lavoie-Roux: "Les consentements prévus au présent chapitre peuvent être donnés par écrit devant deux témoins." Pourquoi est-ce jugé meilleur?

M. Bédard: ...

Mme Lavoie-Roux: Pourquoi faites-vous le remplacement?

Le Président (M. Laberge): " Par écrit devant deux témoins."

M. Bédard: Une seconde!

Le Président (M. Laberge): L'article 596 se lira donc... Au deuxième alinéa on nous demande aussi de biffer le pluriel dans les mots "leurs rétractations". Donc, ça devient: "Les consentements prévus au présent chapitre doivent être donnés par écrit devant deux témoins." "Il en est de même de leur rétractation." (21 h 15)

M. Bédard: Comme commentaires, M. le Président, l'article reprend la règle de l'écrit pour l'expression du consentement en matière d'adoption et précise qu'il doit être donné devant deux témoins. Dans le cas de l'adoption ouverte, le directeur de la protection de la jeunesse agira comme l'un des témoins. La présence des témoins vise à assurer la protection du consentement et à permettre au tribunal d'en contrôler plus efficacement la qualité. C'est ce qui nous motive.

Mme Lavoie-Roux: Ce qui m'inquiétait, c'est que ça peut se faire dans ma cuisine avec mes deux voisines. Là, vous spécifiez qui ça va être. Il va y avoir le...

M. Bédard: Quant à la validité du consentement donné par... C'est concernant le mineur.

M. Forget: Je me demande, M. le Président, si l'élimination du consentement par écrit est sage.

M. Bédard: Par écrit, mais devant deux témoins.

M. Forget: Ah, ce n'est pas "à moins qu'ils ne soient donnés devant deux témoins"?

M. Bédard: Non, non. M. Forget: Excusez-moi.

M. Bédard: C'est "donnés par écrit devant deux témoins".

M. Forget: On supprime toute la phrase et pas seulement "le tribunal".

M. Bédard: C'est ça.

M. Forget: D'accord. Devant deux témoins. L'écrit est...

M. Bédard: Demeure nécessaire.

M. Forget: ...une bonne preuve devant le tribunal...

M. Bédard: C'est ça.

M. Forget: ...pourvu que les deux témoins aient contresigné.

M. Bédard: Et on y ajoute deux témoins.

Mme Lavoie-Roux: L'un d'eux étant le directeur de la protection...

M. Bédard: Pas toujours. Dans le cas de l'adoption ouverte, ça prend le directeur de la protection. Si l'enfant est adopté par un parent, alors que c'est possible, le directeur de la protection n'est pas là et le consentement n'a pas à être donné d'abord et obligatoirement devant lui. Deux autres témoins pourront être interrogés par le tribunal s'il y a lieu de vérifier et de s'assurer des consentements, mais le directeur ne sera pas nécessairement un de ceux-là. Dans le cas où l'enfant, par voie de la déclaration judiciaire d'adoptabilité, sera entre les mains du DPJ, il faudra son consentement.

Le Président (M. Laberge): Les amendements à l'article 596 seront adoptés, "devant deux témoins" et le singulier. L'article 596 amendé est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendements.

Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi, je reviens à l'article 595, si vous me le permettez, même s'il est adopté.

Le Président (M. Laberge): Oui, pour une question, ça va.

Mme Lavoie-Roux: Je veux être bien sûre. Supposons qu'il s'agit d'une adoption privée, je comprends pourquoi le directeur de la protection de la jeunesse n'est pas là dans ces circonstances. C'est le tribunal qui va vérifier la qualité des témoins.

M. Bédard: C'est ça.

Mme Lavoie-Roux: Ce sera vérifié.

M. Bédard: Oui.

M. Forget: Si le tribunal n'est pas satisfait.

M. Bédard: C'est justement pour assurer la protection du consentement qu'on prévoit deux témoins. Cela va permettre au tribunal de mieux évaluer. Je pense que ça répond à votre préoccupation.

Mme Lavoie-Roux: Les témoins ne seront pas nécessairement appelés.

M. Bédard: Non, pas nécessairement appelés, mais le tribunal peut mieux contrôler.

Il va s'assurer de la qualité du consentement. Dans certaines circonstances, ça peut aller... D'abord, le DPJ va aussi être mis en cause. En vertu du projet de Code de procédure civile, étant mis en cause, il pourra tout de même faire des représentations s'il estime que les consentements ont peut-être été extorqués ou obtenus d'une façon non libre.

Mme Lavoie-Roux: Dans le cas de l'adopté - je vais plus loin, mais c'est parce qu'il y a un lien quand même - qui a plus de dix ans, au moment de l'adoption, cet enfant ira-t-il devant le tribunal?

M. Bédard: Je dirais pas nécessairement.

Mme Lavoie-Roux: Je passe à 597, mais c'est parce que...

M. Bédard: On dit qu'il doit être consulté.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bédard: Entre dix et quatorze ans, par principe, on va l'aviser sauf qu'il reste une certaine discrétion au tribunal compte tenu des circonstances dans lesquelles peut être placé l'enfant.

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai peut-être pas une très bonne foi en la nature humaine, mais je trouve qu'on ne prend pas trop de précautions quand il s'agit d'adoption. Je m'excuse encore une fois de joindre les articles 595 et 597 - c'est la même chose un peu - ceux qui veulent adopter se présentent

devant le tribunal avec les témoins, la signature des deux témoins...

M. Forget: II y a plus que simplement le consentement à prouver. Le consentement, c'est un élément, si l'enfant peut être adopté.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Forget: Cela ne décide pas.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Et l'enfant adopté, de dix à quatorze ans, on va demander son consentement au tribunal.

M. Bédard: Consentement, pour ce qui est du mineur, un peu plus loin, a l'article 597, on va parler du consentement du mineur.

Mme Lavoie-Roux: II ira aussi devant le tribunal.

M. Bédard: Deux consentements, celui de l'enfant, à 597, comme celui des parents...

Mme Lavoie-Roux: Ils iront devant le tribunal.

M. Bédard: ... seront vérifiés par le tribunal quant à leur authenticité sans doute, pour vérifier s'ils ont été obtenus ou s'ils n'ont pas été extorqués, s'ils ont été donnés librement, dans des circonstances qui sont telles que... Et comme le tribunal doit rendre toute décision dans l'intérêt même de l'enfant, c'est évident qu'il va être obligé de prendre des précautions particulières en ce qui concerne les consentements, surtout celui de l'enfant, parce qu'il a une importance assez grande en ce qui concerne l'enfant de quatorze ans, à tout le moins.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Laberge): L'article 597 est-il adopté?

M. Bédard: L'article 597.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on n'a pas adopté l'article 596.

Le Président (M. Laberge): L'article 596, on l'a adopté avec deux amendements.

Vous êtes revenue à l'article 595 avec l'article 597.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Excusez-moi.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, à l'article 597, deux observations.

M. Bédard: Cela reprend l'article 9 de la Loi sur l'adoption.

M. Forget: II avait été suggéré de modifier l'article 9 pour élargir un peu la question du consentement de l'enfant. L'élimination de toute consultation de l'enfant de moins de dix ans... Bien sûr, on peut dire qu'en bas de dix ans, l'enfant ne sait pas ce qu'il fait. On ne dispose pas d'immeuble appartenant à l'enfant, ce n'est pas une question patrimoniale, c'est une question qui l'implique au premier chef et où la qualité de sa relation avec l'adoptant -dans certains cas, cela peut être pertinent parce qu'il peut déjà être dans une situation de placement, il peut déjà être là depuis longtemps - il devrait être consulté, semble-t-il, sans autre exigence. Mais le tribunal devrait s'enquérir de ce que l'enfant pense de cela, lui-même ou par personne interposée. Mais je pense que c'est une considération qui n'est pas impertinente que de se demander si l'enfant de neuf ans et demi, par exemple...

Mme Lavoie-Roux: Même plus jeune que cela.

M. Forget: C'est parce que la limite de dix ans est arbitraire. À neuf ans et demi, ce n'est pas différent de dix ans et quart. Pourtant, la loi fait un contraste très marqué.

M. Bédard: Est-ce que je pourrais rappeler, à cet effet, en allant à la page 43 du projet de loi 89, l'article 2 qui comporte les articles 30 et 31 du Code civil?

On y dit, à l'article 31 du Code civil -il y a un titre pour les enfants - que le tribunal peut, chaque fois qu'il est saisi d'une demande mettant en jeu l'intérêt d'un enfant, consulter ce dernier, de sorte qu'ici, c'est peu importe le niveau d'âge. Chaque fois qu'il est saisi, le tribunal pourra le consulter. Évidemment, il y a une discrétion, de façon à éviter que l'enfant, à partir de l'âge du discernement, ne parade nécessairement, obligatoirement devant le tribunal, mais le tribunal pourrait, dans le cas que vous avez souligné, de neuf ans, huit ans, peut-être le consulter.

Mme LeBlanc-Bantey: II pourrait, mais il n'est pas obligé de le faire.

M. Bédard: Non. Mais on dit bien si son intérêt est en jeu.

Mme LeBlanc-Bantey: Comme l'enfant n'a pas à être consulté, comme on présume au départ, qu'il est d'accord, le tribunal n'a

pas de raison de penser que son intérêt est en jeu. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Il faudrait qu'il y ait tout un débat autour de l'adoption.

M. Forget: II faut que des adultes disent que l'intérêt de l'enfant est en jeu. Mais même l'enfant de neuf ans et demi n'est pas en mesure de dire que son intérêt est en jeu, à moins qu'on veuille bien le consulter. Je comprends qu'une disposition de caractère général dans le Code civil, puisqu'on parle de questions patrimoniales, etc., doit s'exprimer en termes de "peut", parce que dans certains cas, ce n'est pas approprié. Mais, dans le cas de l'adoption, je me demande si la disposition ne pourrait pas être renforcée.

M. Bédard: Le texte qui est rédigé permettrait au tribunal de considérer lui-même que l'intérêt de l'enfant est en jeu, sans que ce soit plaidé par un tiers. Cela lui donne l'autorisation...

M. Forget: ...propre mouvement, mais il n'et pas tenu de le faire.

M. Bédard: Non, il ne sera pas tenu de le faire.

Mme LeBlanc-Bantey: Ce qui arrive, c'est que des enfants, à partir six, sept, huit ou neuf ans peuvent développer des antipathies, des types de comportement ou des relations qui vont les marquer longtemps. Ce n'est pas parce qu'ils ont...

Mme Lavoie-Roux: ...il y avait quelque chose de vrai à l'âge de raison, à sept ans. Un enfant de sept ans est capable de...

Mme LeBlanc-Bantey: C'est cela. Quand il décide qu'il n'aime pas quelqu'un, il ne l'aime pas.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Quand il décide qu'il n'aime pas quelqu'un, il ne l'aime pas.

M. Bédard: Le tribunal en tient compte si, là, il s'agit de faire une obligation ou pas. Mais j'ai l'impression qu'à un moment donné il faut trancher. On parle de dix ans, mais quand on est à neuf et demi... De sept à neuf ans, j'ai l'impression que le tribunal exerce sa discrétion, quand même. Il sait qu'un enfant de cet âge est capable d'exprimer, sinon un consentement, suffisamment d'éléments qui puissent dégager s'il y a consentement ou si c'est vraiment son intérêt qui est servi par la demande qui est faite.

Mme LeBlanc-Bantey: ...normalement, sont assez vigilants.

M. Bédard: ...le fait d'adopter au Code civil les articles 30 et 31, dans la mesure où on les retiendra, cela constituera une sorte d'invitation au tribunal à consulter chaque fois que l'intérêt de l'enfant est concerné au premier chef et que les circonstances sont telles qu'il sent qu'il doit le faire. L'absence de texte, évidemment, n'invite pas le tribunal à le faire, mais l'appui d'un texte, il me semble, le peut.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que...

M. Forget: J'essaie de trouver la recommandation du Conseil des affaires sociales...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ...qui a débattu cette question. Il me semble qu'il prévoyait une... Et, d'ailleurs, dans le livre blanc aussi.

Mme Lavoie-Roux: Dans la loi 24, il y a une disposition pour les enfants plus jeunes. On avait introduit... C'est vague, dans mon esprit, mais je pense que c'est la loi 24 qui pourrait être examinée pour...

M. Forget: Je ne peux pas trouver la recommandation. Il me semble, M. le Président, enfin, je ne sais pas, peut-être qu'on veut y réfléchir davantage, mais...

Mme Lavoie-Roux: On peut peut-être le suspendre. Ce n'est pas sur le fond. Entre-temps, si quelqu'un trouvait...

M. Forget: II y a un deuxième point, d'ailleurs, que j'aimerais soulever relativement à cet article et sur lequel, dans le fond, une certaine interrogation s'impose. C'est au premier alinéa, la restriction: "sauf s'il ignore son adoption". On parle d'un enfant de plus de dix ans. Il doit avoir son consentement, sauf s'il ignore son adoption de fait et si son comportement habituel à l'égard de l'adoptant peut être interprété par le tribunal comme un consentement tacite.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Forget: Je comprends que, dans les cas où la famille adoptante n'a jamais révélé que l'enfant a été adopté, on ne veut pas forcer une crise familiale en obligeant à saisir l'enfant d'un fait qui lui a été caché jusqu'à maintenant. D'un autre côté, on l'adopte pour lui donner une vraie famille. Toute cette notion que cela doit être caché semble un peu anachronique. (21 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Dans l'évolution des mentalités concernant les pratiques d'adoption, tôt ou tard il faut que...

M. Bédard: Je ne sais pas, quand on fait le compte des avantages et des inconvénients... Le député de Saint-Laurent évoque le cas d'un enfant de dix ans...

Mme Lavoie-Roux: C'est le cas dont il s'agit ici.

M. Bédard: ...qui ne s'est jamais posé de questions de ce côté-là...

M. Forget: C'est vrai pour un jeune enfant.

M. Bédard: Non, mais...

M. Forget: Prenons l'exemple d'un enfant de 14 ou 15 ans qui apprend plus tard qu'on l'a adopté sans le lui dire. À mon avis, ce n'est pas une pratique qui est d'ordre public au point où le Code civil devrait la sanctionner de cette façon. Peut-être qu'entre 10 et 14 ans... Je ne le sais pas. Encore une fois, j'ai lu cela, je vois l'intention, je ne peux pas dire qu'elle origine d'un mauvais naturel, mais je suis embarrassé de voir dans le Code civil qu'on reconnaît une cachette face à une personne. C'est une personne, un sujet de droit, qui est la principale impliquée dans la procédure. Je trouve cela presque immoral. Je ne veux pas exagérer, mais il y a quand même... Nulle part ailleurs dans le Code civil on cache quelque chose au principal intéressé.

M. Bédard: Pas au nom de l'immoralité.

Mme LeBlanc-Bantey: Je connais des cas personnels d'enfants adoptés qui l'ont appris sur le tard, au moment de leur adolescence et même plus tard. Cela a créé des drames personnels terribles pour ces gens.

Mme Lavoie-Roux: Cela me semble aller en arrière par rapport à...

M. Gosselin: II y a quand même le cas des enfants handicapés mentaux. Une famille peut décider d'adopter un enfant dont on sait très bien que l'état de conscience ne lui permet pas d'exprimer son consentement devant le tribunal. C'est matière à interprétation à ce moment-là. Je pense que cet article couvre aussi cette possibilité.

Mme LeBlanc-Bantey: II a été prévu que nonobstant le refus de consentement le tribunal peut prononcer l'adoption.

M. Gosselin: Dans le cas d'un enfant handicapé mental qu'une famille décide d'adopter, un enfant mongolien, par exemple, il est très possible que l'enfant ne puisse pas exprimer son consentement à l'adoption devant le tribunal. Le tribunal aura à porter interprétation sur le consentement tacite qui peut être. Il me semble que cet article permet, entre autres, ce type d'adoption.

M. Forget: C'est improuvable cela. On met là un critère qui n'a aucun sens. Qui va se donner la peine ou qui va pouvoir faire la preuve devant le tribunal que le comportement de l'enfant est équivalent à un consentement à l'adoption?

Mme Lavoie-Roux: Cela va être une exhibition des enfants vis-à-vis des parents.

M. Forget: À moins qu'il ne proteste ouvertement en disant: Si jamais vous voulez m'adopter, je m'y opposerai. Il n'y a rien qu'un enfant puisse faire pour dire que ce n'est pas vrai. C'est une clause échappatoire large comme une porte de grange. Tout le monde qui veut passer à travers va trouver le moyen de passer à travers sans que le juge puisse dire: Non, c'est un comportement incompatible avec son acceptation à l'adoption alors qu'il ne sait même pas qu'il est adopté. Ce n'est pas possible.

M. Bédard: Je sais qu'au départ on fait des distinctions entre avant dix ans et au-dessus de dix ans. On pourrait peut-être le laisser ouvert.

Mme Lavoie-Roux: Le regarder sous deux aspects, de toute façon.

M. Bédard: Je ne suis pas rébarbatif...

Mme Lavoie-Roux: Les enfants plus jeunes et sous cet aspect-là.

M. Bédard: ...à l'idée de... En fait, si je comprends bien l'essentiel d'une de vos remarques, elle est que l'adoption ne peut avoir lieu qu'avec le consentement de l'enfant s'il est âgé d'au moins dix ans. C'est cela?

Mme Lavoie-Roux: Dans le cas des enfants plus jeunes...

M. Forget: L'enfant doit être consulté dans tous les cas où il est capable de manifester son avis. Evidemment, il ne sert à rien de consulter un enfant d'un, deux ou trois ans. C'est une question de fait de savoir si l'enfant est capable de manifester une opinion.

Mme Lavoie-Roux: C'est ça.

M. Bédard: On en fait une obligation conditionnelle. C'est peut-être une question...

M. Forget: Peut-être qu'on y revient de cette façon, oui.

M. Bédard: À notre article 31, on y

revient peut-être indirectement, le tribunal jugeant, dans certains cas, que l'enfant peut être consulté et la discrétion s'exerçant en tenant compte peut-être des circonstances dans lesquelles se trouve l'enfant.

M. Forget: Oui, peut-être.

M. Bédard: Est-ce que ça irait si on faisait disparaître le "sauf"? C'est là-dessus qu'est le...

Une voix: Pourquoi ne pas le suspendre?

M- Bédard: Oui, c'est ça et on réfléchirait.

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laberge): L'article 597 est suspendu.

M. Bédard: II n'y a pas d'autre question concernant cet article?

M. Forget: Cet article? Non. Mme Lavoie-Roux: Non. M. Bédard: Cela irait? M. Forget: Cela va.

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous plaîtl Ne parlez pas plus fort que moi.

M. Bédard: M. le Président, on peut ne pas le retenir, on serait d'accord. Je pense que l'argumentation est quand même assez claire pour mettre un point après "dix ans".

Mme Lavoie-Roux: Les gens suivront le processus pour arriver, si ça leur prend six mois de plus...

Le Président (M. Laberge): Vous biffez tout ce qui suit "dix ans".

M. Bédard: C'est ça.

Le Président (M. Laberge): "L'adoption ne peut avoir lieu qu'avec le consentement de l'enfant, s'il est âgé d'au moins dix ans." Le reste du paragraphe est biffé.

M. Bédard: C'est ça.

Mme LeBlanc-Bantey: ...les enfants plus jeunes.

Mme Lavoie-Roux: Oui, les plus jeunes, on ne les a pas.

M. Bédard: Ils sont réglés par l'article.

M. Forget: Lors de mon argumentation, j'ai exprimé une réserve voulant que l'enfant de moins de dix ans, dans certains cas, ne pourrait pas manifester son consentement.

La réponse qui m'a été faite, c'est qu'en disant "... peut être consulté...", on tient compte de cette incapacité physique de manifester le consentement des enfants de moins de dix ans.

Il est bien clair qu'il n'y a pas une équivalence parfaite parce que, même pour les enfants qui peuvent manifester leur consentement et qui ont moins de dix ans, le tribunal conserve la discrétion. Il faut peut-être espérer, étant donné que ces articles sont placés au tout début d'un chapitre qui attire l'attention sur le droit des enfants, que le tribunal va y accorder une importance particulière et que la jurisprudence va être interprétée, que la pratique des tribunaux va être de consulter, dans tous les cas où c'est physiquement possible d'obtenir des consentements.

M. Gosselin: J'aimerais être éclairé sur un seul point. Qu'arrive-t-il à un enfant naturel placé dans un foyer nourricier, chez un parent, qui effectivement en arrive à être l'enfant de cette famille au point où, passé le cap des dix ans, l'enfant sera effectivement adopté... Ces parents ont toutes les intentions de faire de cet enfant le légataire des biens de la famille, l'héritier, et, alors que l'enfant n'a que huit ans et qu'il n'est pas adopté, les parents décèdent. Est-ce que cet enfant a droit à l'héritage?

M. Forget: Non.

Mme Lavoie-Roux: II n'a pas été adopté.

M. Bédard: Non, s'il n'a pas été adopté. C'est pour cela que je vous disais, tout à l'heure, que c'est un geste assez important pour qu'on le pose avec beaucoup de précaution.

Mme LeBlanc-Bantey: J'ai un autre commentaire là-dessus, si vous permettez. On est tannante, mais je pense que ce sont nos instincts de mère de famille qui nous portent à un excès de prudence.

Si, au lieu de dire "... s'il est âgé d'au moins dix ans", on disait: "...s'il a l'âge de raison". L'âge de raison, c'est un âge reconnu. J'imagine qu'il y a des cas dans la jurisprudence qui nous permettent de le déterminer.

M. Bédard: Non, je préfère qu'on prenne la responsabilité que de devoir déterminer...

Mme Lavoie-Roux: J'ai fait allusion à

l'âge de raison pas dans le sens... En voulant l'inclure, c'est que je voulais démontrer qu'on l'avait peut-être.

Mme LeBlanc-Bantey: Je ne vois pas pourquoi on ne prend même pas la peine d'en discuter, parce qu'il se pourrait qu'en réalité ce soit la solution. Je ne réagis pas comme un juriste qui va avoir à discuter de l'âge de raison devant un tribunal.

M. Forget: Je pense que c'est créer une obligation qui dépend de la précession subjective de celui auquel elle s'adresse. Finalement, c'est une obligation qui n'en est pas une.

M. Bédard: C'est ça, on ne peut pas permettre à quelqu'un de dire: On ne l'a pas consulté parce que, même s'il a tel âge, on pense qu'il n'avait pas l'âge de raison.

M. Forget: C'est ça, ça ne veut rien dire.

M. Bédard: II vaut mieux de ne pas laisser de discrétion à ceux qui auront à examiner.

Mme LeBlanc-Bantey: Dans une certaine mesure j'aime mieux la discrétion que l'arbitraire, parce que je trouve ça moins injuste que...

M. Forget: Oui, mais on l'a déjà la discrétion en disant qu'on peut consulter, ça ne change pas grand-chose.

Mme LeBlanc-Bantey: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Tous les mots qui suivent "dix ans" sont biffés; cette correction est adoptée et l'article 597, tel qu'amendé, est adopté.

Article 598.

M- Forget: L'Association des centres de services sociaux nous suggère que ce soit "de 14 ans et plus". C'est peut-être ce que cela veut dire, mais cela fait une lecture curieuse. L'enfant de 14 ans...

M. Bédard: Et plus. Je ne vois pas pourquoi.

M. Forget: ...fait obstacle à l'adoption par son refus, mais l'enfant de 15 ans, lui, est-ce qu'il est concerné?

M. Bédard: C'est une interprétation de civiliste: quand on a le pouvoir a 14 ans, on ne l'a pas perdu à 15 ans, habituellement. On ne se pose pas de question sur cela.

Mme Lavoie-Roux: Cela ne coûte pas plus cher de l'inscrire.

M. Bédard: C'est inutile, là. Mme Lavoie-Roux: C'est inutile?

M. Bédard: C'est cela. Cela encombre peut-être l'article. Il est certain que, si vous avez la capacité à 14 ans, vous ne l'avez pas perdue à 15 ans, à moins qu'on n'en fasse la preuve.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais le problème n'est pas tellement là. Si l'enfant de 12 ans s'est objecté à l'adoption, n'y a pas consenti - parce qu'on l'a consulté après 10 ans, de 10 ans à 14 ans, on l'a consulté -est-ce qu'on en déduit que cela ne fera pas obstacle à l'adoption?

M. Forget: Je ne suis pas sûr de te comprendre.

Mme Lavoie-Roux: Le refus de l'enfant de 14 ans fait obstacle à l'adoption.

M. Bédard: "Toutefois, lorsque l'enfant de moins de 14 ans refuse son consentement, le tribunal peut différer son jugement pour la période de temps qu'il indique ou, nonobstant le refus, prononcer l'adoption."

Mme Lavoie-Roux: C'est où, cela?

M. Bédard: C'est dans celui qu'on vient d'adopter.

Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi.

Le Président (M. Laberge): Cela va?

Mme Lavoie-Roux: D'accord, je ne l'avais pas lu.

Le Président (M. Laberge): L'article 598 est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: Je m'excuse de revenir en arrière, mais j'ai posé une question au sujet de l'enfant handicapé mental avancé. Est-ce qu'une famille ne peut pas adopter un enfant handicapé mental ayant 10 ans et plus sans que le consentement de l'enfant puisse être exprimé de manière normale? Est-ce qu'il ne faudrait pas prévoir un ajout à l'article 597 qu'on a adopté tout à l'heure, pour permettre ce type d'adoption? Est-ce que l'article n'est pas restrictif à des possibilités d'adoption d'enfants handicapés mentaux qui ne pourraient pas exprimer leur consentement au sens de la loi? Je ne suis pas juriste, je ne connais pas trop cela, mais je voudrais être certain que cela ne les exclut pas.

M. Bédard: Je dirais que c'est une bonne question technique pour juristes. C'est une très bonne question et si vous le voulez, nous allons la noter.

M. Gosselin: Oui.

Le Président (M. Laberge): La question est notée. Article 598?

M. Bédard: II est adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle l'article 599.

M. Bédard: Article 599.

Le Président (M. Laberge): La prochaine série d'articles concerne le consentement des parents.

M. Bédard: C'est cela. L'article s'inspire des articles 6a, 7b et 7c de la Loi sur l'adoption et il tend à assurer le sérieux du consentement des parents lorsque la filiation est établie à leur égard. Il serait donc impossible de passer outre à leur refus de consentir à l'adoption sauf dans les cas où la déclaration d'adoptabilité est permise.

M. Forget: D'accord, ça va. M. Bédard: Cela va.

Le Président (M. Laberge): L'article 599 est adopté; J'appelle l'article 600.

M. Bédard: Cet article complète l'article 599 en précisant les circonstances dans lesquelles le consentement d'un seul parent à l'adoption suffira. Cet article est également en corrélation avec l'article 642 du projet de loi. C'est le chapitre de l'autorité parentale où on stipule que les père et mère exercent ensemble l'autorité parentale. Lorsqu'il y a déchéance, il suffit alors du consentement d'un seul, par la force des choses. D'accord?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 600 est adopté. J'appelle l'article 601. (21 h 45)

M. Bédard: II y a un amendement, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Oui. À l'article 601, remplacer les mots "s'il en est un" par les suivants: "le cas échéant". C'était à la troisième ligne entre virgules.

M. Bédard: Pour améliorer la forme.

Le Président (M. Laberge): Les mots sont remplacés par "le cas échéant".

M. Bédard: L'article s'inspire de l'article 10 de la Loi sur l'adoption et tient compte de la réforme de l'autorité parentale. Il a paru souhaitable de préciser les circonstances dans lesquelles le tuteur, le cas échéant, doit consentir à l'adoption plutôt que de retenir une formule aussi générale et aussi ambiguë à la fois que celle proposée par l'Office de révision du Code civil qui s'exprimait ainsi: À défaut de parents en état de le faire. C'était assez général.

Le Président (M. Laberge): L'article 601 amendé est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement. Article 602. À l'article 602, il n'y a pas de correction. Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce que cela concerne la jeune fille de 17 ans, par exemple, qui a un bébé? Est-ce qu'elle est obligée de l'adopter?

M. Bédard: L'adoption ne sera plus nécessaire pour légitimer l'enfant et lui donner tous ses droits de toute façon.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est pour viser qui?

M. Bédard: L'article vise possiblement une jeune fille mineure, mais on veut dire qu'elle peut consentir valablement sans avoir l'autorisation d'un tuteur ou d'un titulaire d'autorité parentale.

Mme LeBlanc-Bantey: Cela veut dire que l'adoption demeure toujours nécessaire pour la jeune fille mineure qui a un enfant.

M. Bédard: Non.

Mme LeBlanc-Bantey: Non?

Le Président (M. Laberge): Nous aimerions...

Mme LeBlanc-Bantey: Je me posais la question. Je n'ai pas vu le chapitre sur les... Est-ce que, effectivement, la jeune fille de 17 ans qui a un bébé est obligée de passer par le processus de l'adoption?

M. Forget: Elle n'est pas obligée. Si elle veut que son enfant soit adopté par une tierce personne, oui.

M. Bédard: Elle peut donner son consentement.

Le Président (M. Laberge): Consentement valable. Article 602, adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 603.

M. Bédard: L'article 603 est de droit nouveau. Il délègue l'autorité parentale à la personne qui recueille l'enfant en vue du placement, soit le directeur de la protection de la jeunesse dans le cas d'adoption ouverte, soit un parent dans le cas d'adoption fermée. Quand interviendra l'ordonnance de placement, le tribunal attribuera l'autorité parentale au requérant. Cette délégation légale est donc rendue nécessaire pour couvrir l'intervalle qui sépare le moment du consentement à l'adoption de celui de l'ordonnance de placement. Il ne faudrait pas que, pendant cette période, personne ne puisse réellement exercer l'autorité parentale.

M. Forget: J'ai l'impression, M. le Président, si vous me permettez-Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Le libellé de cet article est peut-être un peu étroit. Est-on bien sûr que l'enfant est toujours remis à une personne en vue du placement pour adoption, en ce sens qu'il semble que, si on lit cela à la lumière des articles subséquents, il s'agit de la personne à qui s'adresse l'ordonnance de placement pour adoption? Or, eSt-on sûr que le placement peut toujours se faire directement du parent naturel à une autre personne qui s'est vu décerner une ordonnance de placement pour adoption. Je ne pense pas. Il y a un hiatus entre les deux et s'il y a un hiatus entre les deux, il y a une période pendant laquelle il n'y a personne qui a l'autorité parentale; il me semble que c'est cette expression "remis en vue du placement pour adoption". Je pense qu'on peut évidemment en trouver une explication. C'est que c'est la personne, cette personne, c'est une personne morale qui va s'occuper du placement. Mais c'est une interprétation qui est tirée d'un contexte administratif et social, mais qui n'a rien à voir avec les mots qui sont utilisés là parce que les mots portent à confusion.

Je pense qu'on pourrait imaginer qu'on l'exprime différemment. Par exemple, que l'autorité parentale est déléguée à la personne à qui l'enfant est confié en attendant d'être placé pour adoption ou à la personne qui est désignée dans le consentement pour un placement en vue d'une adoption. Je pense que c'est un des cas où il faut peut-être ouvrir la porte au placement ouvert, c'est-à-dire au cas où le consentement à l'adoption du parent naturel est conditionnel en quelque sorte à la désignation à ce moment-là du bénéficiaire du placement et éventuellement de l'adoption.

Il me semble que, si on ne donne pas à celui ou à celle qui donne le consentement la possibilité de désigner la personne, on la prive d'un droit qui devrait être le sien à ce moment-là si elle veut l'exercer.

M. Bédard: C'était, je pense, dans notre esprit, peut-être le même objectif que celui que vous avez indiqué. Si l'enfant est confié pour adoption à un parent, ce futur adoptant parent, disons, a été choisi par le père ou la mère ou les deux qui sont les parents de l'enfant. En le remettant effectivement à ce parent pour fins d'adoption, on voulait que ces nouveaux parents exercent l'autorité parentale en attendant qu'ils puissent placer une ordonnance de placement, se faire reconnaître par le tribunal comme remplissant les conditions prévues pour devenir les adoptants.

Dans d'autres cas, les parents qui consentent à l'adoption n'ont pas dans leur parenté ou ne désirent pas placer l'enfant dans leur parenté. Ils peuvent aller le remettre au DPJ, je m'en sers un peu comme d'une désignation générale de tous les organismes habilités à le recevoir en attendant le placement. Donc, le DPJ qui reçoit l'enfant pourrait de cette manière exercer l'autorité parentale par rapport à l'enfant jusqu'à ce qu'il trouve un couple ou une personne pour obtenir une ordonnance de placement.

C'est peut-être la formulation de l'article qui vous paraît imprécise par rapport aux mêmes objectifs qu'on poursuit. Il y a peut-être aussi, à ce que j'ai compris, une précision si vous me permettez de la demander, M. le Président. Dans le projet, ceux qui peuvent adopter sont les mêmes personnes que celles énumérés dans la loi 13. Donc, c'est un cercle limité de parents. Dans le texte...

M. Forget: La loi 13 c'est...

M. Bédard: La loi 13 qui, dans son article...

M. Forget: La loi 13, de quelle loi s'agit-il? Excusez-moi.

M. Bédard: C'est la Loi modifiant la Loi sur l'adoption. On dit: Le requérant peut être un ascendant, un parent en ligne collatérale jusqu'au troisième degré de l'adopté ou le conjoint de cet ascendant ou parent, de même que le conjoint du père ou de la mère de l'adopté. Donc, ces personnes qui forment un cercle familial de personnes qui peuvent adopter un enfant sans qu'on passe nécessairement par le DPJ ou les centres.

Si l'enfant est remis à l'une ou l'autre de ces personnes, elles exerceront par voie de délégation l'autorité parentale jusqu'à ce que l'ordonnance de placement intervienne et si l'enfant est effectivement remis au DPJ il exercera l'autorité parentale jusqu'à ce qu'une ordonnance de placement intervienne en faveur des futurs parents adoptifs.

M. Forget: C'est bien à ces gens-là que je pensais...

M. Bédard: C'est à ceux-là que vous pensiez.

M. Forget: Mais effectivement il y a plus que simplement l'énumération des possibilités. N'y a-t-il pas - et je pense que la réponse est affirmative - intérêt à ce que dans le cas où, effectivement, le requérant est un ascendant, un parent en ligne collatérale jusqu'au troisième degré de l'adopté, ou le conjoint de cet ascendant ou parent, le consentement puisse faire état de cette personne? Dans le fond, ce que l'article 603 dit, c'est que le consentement à l'adoption, qui n'est que ça, un consentement à l'adoption, a pour effet de conférer l'autorité parentale à une personne qui, par ailleurs, est déterminée par la loi, par le tribunal ou d'une autre façon. Le point que je soulève, c'est que, d'abord, le libellé devrait être fait de manière à ne pas laisser croire qu'il s'agit nécessairement et seulement du cas d'une personne à qui cette autorité est conférée par une ordonnance de placement, mais aussi par d'autres mécanismes. La considération de substance plutôt que de forme vise à permettre un consentement dirigé, si vous voulez, qui n'est valide que dans la mesure où le placement ira à cette personne. C'est une notion un peu nouvelle d'un consentement spécifique plutôt que d'un consentement général à l'adoption. Cela peut être déterminant pour rendre acceptable aux parents le consentement à l'adoption en disant: Je ne veux pas consentir à ce que mon enfant soit adopté par n'importe qui ou que la décision soit prise par n'importe qui, mais pourvu que ce soit un tel qui reçoive le placement pour adoption et qu'il exerce l'autorité parentale, j'y consens.

M. Bédard: On pourrait le garder ouvert en tenant pour acquis qu'on s'est bien compris au niveau de la discussion. Il s'agira de trouver l'amendement. Je pense qu'on est également d'accord sur ce qui a été évoqué.

Le Président (M. Laberge): Sans intervenir dans le débat, à chaque fois que vous avez employé les lettres "DPJ", pour la compréhension du journal des Débats, vous vouliez dire le directeur de la protection de la jeunesse..

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Laberge): ...nommé en vertu de la loi no 24.

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Laberge): C'est pour les générations qui liront le journal des Débats.

M. Bédard: Vous avez raison et je m'en excuse.

Le Président (M. Laberge): C'était très hermétique.

L'article 603 reste en suspens.

M. Bédard: C'est ça, pour précision.

Le Président (M. Laberge): L'article 604 est-il discutable immédiatement?

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Laberge): Article 604.

M. Forget: Avez-vous des explications? Je ne veux pas vous couper, mais...

M. Bédard: Peut-être. C'est un délai de réflexion minimum pendant lequel une ordonnance de placement ne peut être prononcée. Ce délai est accordé en raison de la gravité de la décision et des circonstances qui peuvent influer sur le consentement. La rétractation d'un seul parent suffit à empêcher l'adoption. Il paraît inutile à ce stade d'entourer la remise de l'enfant de formalités. Si cette remise était différée sans droit, il pourrait y avoir le droit à l'habeas corpus. C'est le délai minimum que nous avons cru raisonnable.

M. Forget: C'est ça. J'ai plusieurs remarques à formuler. Il y en a quelques-unes qui vont empiéter un peu sur l'article 605. C'est la question de la durée du délai. Comme je l'ai indiqué au début de notre étude du chapitre sur l'adoption, je crois qu'il est très important que le délai de rétractation soit un délai court. Or, il est court, 30 jours, c'est la durée que le livre blanc suggérait et qui a été d'ailleurs appuyée par presque tous les commentateurs. C'est un délai beaucoup plus court que celui qui existe maintenant. Cela va très bien.

Je pense que non seulement il faut qu'il soit court, mais il faut que ce soit un délai strict emportant déchéance. C'est ce qui m'amenait à dire que ça me force à déborder un peu sur l'article 605 parce qu'il n'emporte pas déchéance. Ce n'est pas un délai strict puisque celui qui n'a pas rétracté son consentement dans les 30 jours peut à tout moment, avant l'ordonnance de

placement, s'adresser au tribunal en vue d'obtenir la restitution de l'enfant. Je suis d'accord avec cela, mais il faut presque faire la discussion à l'envers. Tout dépendra comment on pourra terminer la question de l'ordonnance et des distinctions qui s'imposent à ce moment-là.

M. Bédard: Si cela se fait avec célérité.

M. Forget: C'est ça. La raison pour laquelle je vois une difficulté, c'est qu'il me semble qu'il y aurait lieu, dans tous les cas, à une ordonnance de placement, mais que, dans certains cas, il n'y aurait pas lieu au même délai. Je suis un peu embêté parce que je ne veux pas discuter un article qui vient 20 articles plus loin, incidemment, que celui-là. Dans l'état actuel de la rédaction, je suis d'accord, parce que s'il n'y a pas vraiment de placement, l'enfant est en quelque sorte dans une crèche ou en attente, et la rétractation ne lui cause aucun préjudice. Ce qui lui cause un préjudice, c'est qu'il soit en attente. Je pense qu'il faut penser, au moment des ordonnances de placement, à réduire au minimum les circonstances qui font que l'enfant est juste en "stand-by", en quelque sorte, en attendant que certains délais courent et que des procédures se fassent. (22 heures)

Mais à supposer qu'on puisse régler ce problème ailleurs, il n'y aura pas d'enfants qui seront en attente ou il y en aura très peu, ou cette attente sera très courte. À ce moment-là, le délai n'est plus de 30 jours; il est de 32 jours, ou de 33 jours. Il devient alors un délai strict, emportant déchéance. Je pense que cela me satisfait et que l'objectif est atteint.

M. Bédard: Ce sera à l'ordonnance, lorsque...

M. Forget: Ce sera à l'ordonnance qu'on pourra véritablement voir à ce que cette possibilité ne soit pas abusive. Je suis d'accord, mais je tenais à le mentionner ici parce que, si on ne pouvait pas trouver une façon d'éliminer certaines formalités, je pense qu'il faudrait revenir ici pour resserrer à ce moment-là.

J'avais une autre préoccupation. J'en avais une et l'amendement du ministre l'a réglée. C'était sur la forme du consentement, la question des témoins en particulier. Ceci étant réglé, il reste la possibilité de faire le consentement devant témoins; on ne requiert pas la présence devant le tribunal, mais on exige des témoins, je pense.Est-ce qu'on exige des témoins? Le consentement doit être fait par écrit devant deux témoins, nécessairement.

M. Bédard: Oui. Dans une disposition un peu omnibus ou générale, on a visé tous les consentements, à quelque moment qu'ils s'expriment pendant le processus d'adoption ou de rétractation.

M. Forget: D'accord. À ce moment-là, la seule question qui reste, dont on peut discuter à l'article 604, c'est la qualité de ce consentement. Ce n'est même pas tout à fait pertinent à l'article 604, mais il n'y a pas d'article qui en parle. Les autres, c'est qui peut donner le consentement. Tout de suite après, on tombe sur des questions de délai de rétractation. Je pense que, quelque part entre les deux, il y a le problème de savoir si on donne à la cour la possibilité de s'informer sur la qualité du consentement ou si la cour ne fait que constater. La préoccupation que j'ai à l'esprit, c'est un peu celle qu'a exprimée ma collègue.

M. Bédard: Pourriez-vous répéter? Est-ce que la cour...

M. Forget: Est-ce que la cour a une discrétion pour constater la qualité, pour vérifier ou analyser la qualité du consentement?

M. Bédard: Oui, vous l'avez à l'article 611. Elle doit s'assurer, "notamment, que les consentements requis ont été valablement donnés."

M. Forget: D'accord. C'est "valablement donnés" quant aux procédures et aux exigences formelles ou "valablement donnés" quant aux motivations, à l'information disponible à la personne, etc?

M. Bédard: Je pensais que c'était vraiment une validité générale qui est substantielle et qui peut être aussi formelle dans la mesure où l'écrit, par exemple, est un élément de formalité essentiel, mais il y a la qualité du consentement lui-même aussi. Il doit être donné en toute liberté et non pas extorqué. C'est une qualité substantielle. On visait certainement plus ...

M. Forget: Plus que simplement le formalisme.

M. Bédard: Oui, plus que le formalisme, parce qu'au fond les témoins étaient là pour s'assurer ...

M. Forget: Évidemment, on ne spécifie pas plus que cela. On se fie sur le tribunal pour donner un contenu complet à cela, y compris le degré d'information. Par exemple, on pense aux mères célibataires; jusqu'à quel point sont-elles au courant de l'aide financière dont elles peuvent bénéficier, si elles souhaitent garder l'enfant? On pourrait

imaginer que, dans le cas de mères célibataires, on veut s'assurer que le consentement a été donné, après qu'une telle information leur a été communiquée. Je ne suis pas sûr que l'expression "un consentement valable" réponde à ce test.

M. Bédard: Je ne sais si l'explication que je pourrais ajouter répondrait à l'inquiétude. Je pense qu'il y va là d'un acte juridique, puisqu'on consent à une adoption et, étant un acte juridique, les règles du consentement relatives aux actes juridiques précisent déjà que ces consentements doivent être libres, éclairés, ne doivent pas être obtenus... Enfin, il y a toutes les qualités du consentement des actes juridiques dans le chapitre des obligations, en particulier. Peut-être pourrions-nous appliquer - je pense que cela s'applique - les dispositions générales, quant à la qualité du consentement. Il me semble qu'on échapperait difficilement à ces exigences de qualité des consentements qui s'expriment. C'est valable en matière contractuelle, mais on sait que c'est applicable également à tout acte juridique, qu'il s'agisse du testament ou, dans un cas comme celui-ci, d'un consentement donné à l'adoption, par exemple. C'est déjà tellement important.

M. Forget: Dans le chapitre du consentement au mariage, par exemple...

M. Bédard: Oui.

M. Forget: ...si on fait une analogie, on a très bien précisé quels étaient les effets d'une erreur sur la personne et on a pris un grand soin à dire - parce que là aussi les règles générales du consentement s'appliquent - quels étaient les vices de consentement qui entraînaient la nullité. Ici, ce ne sera qu'un élément d'appréciation parmi d'autres.

M. Bédard: Oui, sauf que vous évoquiez tout à l'heure un ou deux critères concernant l'information qui pourraient être donnés. Mais, c'est à partir du moment où on essaie d'établir une liste de critères de ce que pourrait être, dans les circonstances, un consentement valablement donné qu'on risque peut-être de rétrécir, même sans le savoir, l'ensemble des circonstances sur lesquelles un juge peut...

M. Forget: Et de vicier des consentements pour des raisons, dans le fond, qui n'en sont peut-être pas.

M. Bédard: Oui, et pas nécessairement fermer la porte, mais enlever l'obligation ou la préoccupation d'un juge ou d'une personne d'aller même au-delà des critères qu'on pourrait fixer. D'accord?

M. Forget: Bon, adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Article 604, adopté. J'appelle l'article 605.

M. Bédard: Je pense que l'article 605 est adopté. On verra à l'ordonnance.

M. Forget: Oui, adopté, sous les réserves que j'ai indiquées tout à l'heure.

Le Président (M. Laberge): Article 605, adopté. J'appelle l'article 606 où on nous propose une modification. Remplacer, à la fin du paragraphe 1 de l'article, les mots "n'est établi" par les suivants: "ne sont établies". Alors, c'est une question... la filiation paternelle ni la filiation maternelle "ne sont..."

M. Bédard: L'article semble nouveau, M. le Président, mais il s'inspire toutefois des articles 6 et 7 de la Loi sur l'adoption. Il ne distingue pas entre les enfants naturels ou légitimes. En raison de la nouvelle philosophie du Code civil, compte tenu de la portée du paragraphe 2 de l'article 606 et des dispositions de la nouvelle Loi sur la protection de la jeunesse qui permettent au directeur de la protection de la jeunesse d'intervenir, il n'a pas paru utile de retenir l'hypothèse du paragraphe 4 de l'article 307 de l'Office de révision du Code civil. On a pondéré les paragraphes 3 et 4 de l'article 606, pour tenir compte du consentement du tuteur exigé en vertu de l'article 601.

Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'il y a des questions sur l'article 606, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Oui, il y a des questions, si je peux les formuler. Aux paragraphes 3 et 4, la restriction "s'il n'est pas pourvu d'un tuteur". Je lis au long. Par exemple, le paragraphe 3: "L'enfant dont les père et mère sont déchus de l'autorité parentale s'il n'est pas pourvu d'un tuteur." Je comprends que, dans le cas où il y a un tuteur, on puisse dire que cet enfant n'est pas abandonné en quelque sorte; quelqu'un s'en occupe. Il faut aussi regarder l'envers de la médaille. Lorsqu'un enfant est dans la situation où son père et sa mère sont déchus de l'autorité parentale ou est autrement abandonné, maltraité, etc., et que c'est sans espoir de correction, si on lui donne un tuteur, on rend son adoption plus difficile. Le tuteur qui est là pour l'aider devient un empêchement à l'évolution heureuse de son état civil. Je me demande s'il est pertinent qu'il ait un tuteur ou qu'il n'ait pas de tuteur. Je pense que personne ne prétend qu'un tuteur est un substitut adéquat à des

parents qui assument envers l'enfant toutes les responsabilités des parents. Qu'il ait un tuteur ou qu'il n'ait pas de tuteur, s'il n'y a pas espoir que ses parents s'en occupent un jour et s'il apparaît opportun de solliciter une requête d'adoptabilité, pourquoi cela serait-il une objection?

M. Bédard: II y a beaucoup d'aspects à cette question. Je vais essayer d'en identifier quelques-uns. J'avoue que c'est complexe et que c'est même lié à un autre amendement qui sera peut-être déposé à propos de l'autorité parentale.

Quand on regarde les choses très concrètement par rapport à la déchéance de l'autorité parentale... Restons-en au principe en oubliant des articles à formuler ou pas... Lorsque intervient une déchéance d'autorité parentale à l'égard des père et mère, si c'est à l'égard du père ou d'un seul des parents, si c'est l'autre qui l'assume, il n'y a pas de problème. Mais si cela arrive à l'égard des deux, il' faudra bien que le tribunal - c'est ce qui est prévu - désigne qui va exercer l'autorité parentale. On ne voit pas pourquoi... Je ne sais pas si on peut faire état...

On peut en faire état de toute façon on va le voir plus tard. ...d'un projet d'article qui sera déposé à propos de l'autorité parentale. Je vous le lis et ensuite je vous fournirai quelques explications: "Le tribunal peut, au moment où il prononce la déchéance, désigner la personne qui exercera l'autorité parentale ou décider de prendre l'avis du conseil de famille avant de procéder à cette désignation ou si l'intérêt de l'enfant l'exige, à la nomination d'un tuteur." On est dans une famille, somme toute; le tribunal ne sait pas, dans le cas d'une double déchéance d'autorité parentale, qui désigner si personne ne lui suggère un nom. On croit qu'il serait peut-être utile dans certains cas qu'il puisse prendre l'avis des parents de cet enfant, convoquer un conseil de famille pour se faire éclairer.Peut-être y a-t-il un oncle, comme c'est l'habitude ou la pratique actuellement, qui est prêt à être nommé tuteur, donc avoir la garde de la personne, administrer le patrimoine s'il en a - il n'y a pas fréquemment de patrimoines pour les mineurs - mais faire tout cela sans rompre les liens de filiation avec la famille déchue. Il peut vouloir respecter les liens de filiation. Comme on l'a vu fréquemment dans le passé, des enfants, à la suite du décès du père et de la mère, étaient élevés par les oncles qui étaient leur tuteur. Ces enfants n'ont pas besoin d'être adoptés, encore moins faire l'objet d'une déclaration d'adoptabilité et être remis au directeur de la protection de la jeunesse pour autant en vue d'une adoption. Ils restent dans la famille sans pour autant, encore une fois, qu'on modifie la filiation. Il me semble que c'est une des mesures qui paraissent souhaitables dans l'intérêt de l'enfant. C'est un peu pour cela que l'amendement sera déposé ici. Nous disons: Si l'enfant a un tuteur qui a été choisi par des parents ou des amis, sur avis du conseil de famille, comme c'est la procédure présente, il nous semble que, si l'intérêt de l'enfant est bien servi dans ces circonstances, cela préférable à une déclaration d'adoptabilité à tout prix. Autrement,à notre article 3, si on n'indique pas qu'il n'est pas pourvu d'un tuteur, se retrouve dans la situation de dire que quand les parents d'un enfant sont déchus, déjà la déclaration d'adoptabilité est la seule ressource, et c'est encore une fois le directeur de la protection de la jeunesse, une fois qu'il y a déclaration d'adoptabilité. C'était pour assouplir et permettre, encore une fois - ce qui s'est fait dans le passé - à des parents ou à des amis, parfois, d'être des tuteurs responsables, exerçant l'autorité parentale vis-à-vis des enfants; ils sont très souvent des parents ou des amis. (22 h 15)

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je suis d'accord sur une moitié de ce raisonnement, mais pas sur l'autre moitié. Je suis d'accord sur l'argument selon lequel quand un enfant est abandonné de ses parents, pas nécessairement au sens légal, mais dans les faits, alors que ses parents ne s'en occupent plus, il y aurait occasion pour une double déchéance. Je suis d'accord pour que dans ces cas on ait le choix, que la société ait le choix des moyens. S'il paraît approprié qu'un tuteur soit nommé sans que la filiation ne soit brisée, que ce soit la solution préférée. Si, par contre, l'adoption semble mieux adaptée aux circonstances, que cela aussi soit possible. Donc, je suis tout à fait d'accord sur l'argumentation que vous avez présentée quant à sa première partie: plus de souplesse, deux moyens plutôt qu'un pour régler un problème puisqu'on ne peut affirmer qu'un seul moyen serait suffisant ou serait le meilleur dans toutes les circonstances.

Ce sur quoi je ne suis pas d'accord, c'est que selon la formulation de l'article 606, troisième et quatrième paragraphes, un des moyens, pour un enfant en particulier, exclut nécessairement l'autre. Je ne vois pas qu'il soit absolument nécessaire de faire une exclusion comme celle-là. C'est-à-dire que si, au moment où la déchéance est prononcée, on juge que pour l'instant il est suffisant ou commode et désirable qu'un tuteur soit nommé, que ceci en quelque sorte préjuge de la question de l'adoptabilité. Autrement dit,

la nomination d'un tuteur peut être une mesure transitoire très appropriée, mais pas nécessairement une mesure permanente.

M. Bédard: Qui peut même devenir une mesure permanente...

M. Forget: C'est cela.

M. Bédard: ... mais qui ne doit pas nécessairement l'être.

M. Forget: Si elle devient une mesure permanente et que tout le monde juge que c'est bon, c'est parfait. Le problème de l'adoptabilité ne se pose pas. Mais si on le fait dans le but d'adopter une mesure transitoire, on nomme un tuteur parce qu'il faut bien que quelqu'un s'occupe de cet enfant aujourd'hui et demain, mais, après-demain, on se dit que la solution préférable serait véritablement une adoption parce que l'oncle en question est très âgé et que, de toute façon, étant donné l'âge de l'enfant et l'âge de l'oncle, on ne peut absolument pas présumer qu'il pourra s'en occuper pendant plus qu'une période de temps limitée. Donc, il faudra que cet enfant soit adopté, mais, précisément parce qu'on lui a donné un tuteur pour régler un problème transitoire, on ne peut plus faire une requête d'adoptabilité.

M. Bédard: C'est possible avec le consentement du tuteur. À l'article 601, on disait qu'il faut le consentement. Quand il a un tuteur, l'enfant, pour être adopté, doit avoir le consentement du tuteur. En d'autres termes, le tuteur, étant un peu comme les père et mère, peut consentir à l'adoption de l'enfant qu'il a sous tutelle. Finalement, il y a une très grande complexité dans tout cela parce que j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de situations. C'est peut-être là...

Si le tuteur se présente comme étant un obstacle à l'adoption, il y a toujours le conseil de famille qui peut effectivement entrer en action.

M. Forget: Le tuteur a ce pouvoir de consentir à l'adoption, oui, je me souviens que cela a été mentionné avant. Disons que c'est un pouvoir du tuteur qui, spontanément, ne vient pas à l'esprit parce qu'on dit que le tuteur doit respecter le lien de filiation. C'est pour cela qu'on l'a nommé. Mais s'il juge qu'il y va de l'intérêt de l'enfant, il a même le pouvoir de sacrifier cela.

M. Bédard: On peut être tuteur et, l'état de santé changeant, les circonstances changeant, l'intérêt de l'enfant étant concerné, le tuteur peut dire qu'il serait bon maintenant que l'enfant soit adopté. Il est possible que son rôle soit temporaire parce qu'il ne peut pas l'accomplir de façon plus permanente.

M. Forget: D'accord, j'admets ce raisonnement. Cela suscite tout de suite à l'esprit une interrogation vu l'article 607, puisqu'il y a une exigence, dans le fond; le tribunal, avant de déclarer l'adoptabilité, doit se faire une opinion quant à la volonté et à la capacité des parents naturels d'assumer leurs responsabilités. Si un tribunal croit qu'il ne peut pas porter ce jugement, il peut se décharger de cette responsabilité sur le tuteur qui la prendra à sa place effectivement et tout sera régulier. C'est peut-être bien ainsi, mais il reste que c'est un résultat peut-être insoupçonné du jeu de ces articles.

M. Bédard: L'article 607 étant complété d'un amendement, d'une présomption - on en discutera tantôt - va faciliter cette preuve. Mais il est possible aussi, pour ajouter des problèmes, que le tuteur lui-même abandonne l'enfant et, à ce moment, on retombe dans la déclaration d'adoptabilité aussi. En d'autres termes, dans certains cas, le tuteur sera mieux placé; dans d'autres cas, en l'absence d'une personne agissant comme tutrice, là, on n'aura pas le choix, il faudra bien procéder par la voie de l'adoption en dernier ressort.

M. Forget: D'accord, M. le Président, adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 606, avec amendements - les amendements étant "ne sont établies", au pluriel - est adopté.

M. Bédard: A 607, M. le Président, il y a un amendement.

Le Président (M. Laberge): Oui, j'ai autre chose avant. Ce ne sera pas long, mais, vu les circonstances exceptionnelles que nous vivons présentement, on a porté à ma connaissance un communiqué de presse qu'on me demande de lire à la commission pour que ça devienne officiel. Il se lit comme suit: "Le leader du gouvernement, M. Claude Charron, désire faire part à la population du Québec des modifications apportées au calendrier des travaux parlementaires du lundi 15 décembre 1980."

M. Bédard: On n'est pas obligé de se mettre debout pour ça!

Le Président (M. Laberge): "Ces modifications ont été rendues nécessaires vu les funérailles officielles de M. Jean Lesage, ancien premier ministre du Québec. La Chambre se réunira lundi, à quatorze heures, pour ajourner ses travaux à mardi matin, dix heures.

"Le lundi, 15 décembre 1980, les commissions parlementaires siégeront aux heures suivantes: à 81-A, affaires municipales, de 16 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures; à 91, consommateurs, coopératives et institutions financières, de 16 heures à 18 heures; à 91, dans le même édifice "A", énergie et ressources siégera de 20 heures à 24 heures et, au salon rouge, la commission de la justice siégera de 16 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures."

Ceci m'a été demandé par la vice-présidente de la Chambre, à cause des circonstances exceptionnelles.

Après l'article 606, on nous demande d'ajouter un article 606.1, qui se lit comme suit: "La demande en déclaration d'adoptabilité ne peut être présentée que par un ascendant de l'enfant, un parent en ligne collatérale jusqu'au troisième degré, le conjoint de cet ascendant ou parent ou par un directeur de la protection de la jeunesse."

M. Bédard: C'est par concordance.

M. Forget: Je remarque que l'enfant lui-même ne peut pas présenter une requête pour son adoptabilité, même s'il a plus de quatorze ans. Cela pourrait ne jamais se présenter, mais si ça ne se présentait qu'une fois en 100 ans?

M. Bédard: On considère la possibilité d'un amendement aux environs de 613 ou 614, justement, pour voir la possibilité que l'enfant qui a été placé, quand tout le monde traîne pour son adoption, puisse lui-même saisir le tribunal. Peut-être que ça pourrait se considérer à ce niveau.

Le Président (M. Laberge): L'article 606.1 est-il adopté?

M. Forget: Cela pourrait être intégré dans une autre disposition?

M. Bédard: Dans l'autre disposition, c'est un autre cas où on réserve certains droits à l'enfant de quatorze ans de saisir le tribunal s'il n'y a pas eu demande d'adoption à la suite de son placement...

M. Forget: Oui.

M. Bédard: ...pour éviter qu'il ne soit dans une situation trop incertaine quant à son statut.

M. Forget: Par analogie, on pourrait peut-être dire que l'enfant, qui est placé en famille d'accueil, etc., et dont personne ne s'occupe - parce que, administrativement, son cas est classé - pourrait un jour dire...

M. Bédard: On prévoit qu'il puisse demander son placement, c'est-à-dire demander à être déclaré adoptable. Je ne sais pas si cela lui procure des avantages parce que là, demander à être adoptable... S'il relève déjà du...

M. Forget: C'est dans le sens de la procédure d'adoption et c'est dans son intérêt parce, que dans bien des cas, c'est dans son intérêt, si personne ne veut le faire pour lui et s'il est persuadé que c'est sa planche de salut. Il y a des jeunes à qui c'est arrivé de vouloir intensément être adoptés, mais il n'y avait pas d'avenue légale très facile; ils s'en seraient sûrement occupés eux-mêmes s'ils avaient pu.

M. Bédard: Cela ne peut pas se rédiger sur le bord d'une table, mais on pourra y penser.

M. Forget: Pour réflexion. Quant au reste, il n'y a pas de problème quant à cet article.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous laissez l'article 606.1 ouvert?

M. Bédard: Non, on va l'adopter.

M. Forget: Peut-être suspendu parce qu'autrement on risque d'oublier ces points. Ce ne sera pas long.

Le Président (M. Laberge): L'article 606.1 est suspendu.

M. Bédard: C'est cela.

Le Président (M. Laberge): J'appelle l'article 607. À l'article 607, il y a déjà des amendements auxquels on va procéder. À la troisième ligne, remplacer le mot "assurera" par "assumera". Cela va pour ça. Et, à la fin, la phrase suivante: "Cette improbabilité est présumée." C'est parfait.

M. Bédard: Je n'ai pas de remarques particulières parce que cela crée une obligation qui me semble nécessaire.

M. Forget: Je suis entièrement d'accord avec l'esprit de cet amendement parce que autrement, l'article tel que rédigé avait pour effet de rendre improbable toute déclaration d'adoptabilité. Au point de vue de la rédaction, je comprends que c'est plus simple de rédiger l'amendement comme cela, mais on dit: Le tribunal doit s'assurer qu'il est improbable et, après cela, on dit que, dans le fond, il n'a pas besoin de s'en assurer parce que cette improbabilité est présumée. Ce que l'on veut dire c'est que le fardeau de la preuve est renversé et que c'est aux parents à prouver leurs intentions de

reprendre l'enfant. Est-ce que ce ne serait pas plus intelligible de le rédiger dans la forme positive en plaçant la responsabilité carrément sur les parents de faire la preuve, de venir prouver devant le tribunal, non seulement s'opposer, mais justifier leur opposition à leur propre déchéance d'autorité parentale et de responsabilité? Enfin, au moins dans la mesure où c'est une déclaration d'adoptabilité, en venant faire des protestations et des démonstrations d'intention ferme parce que c'est avec cela que la présomption sera renversée, j'imagine.

M. Bédard: Je pense que c'est lié à la procédure de mise en application de l'article 607. Si le tribunal doit s'assurer qu'il est improbable avant de déclarer l'enfant adoptable, il faudra qu'on avise d'une manière ou d'une autre les parents qu'on procède à l'adoption de l'enfant. Il leur donne donc l'occasion de venir eux-mêmes établir devant le tribunal qu'ils sont en mesure de reprendre l'enfant, que les circonstances ont changé. Mais s'ils ne réussissent pas à relever ce fardeau de la preuve, le tribunal pourra quand même rendre son jugement en disant: L'improbabilité est présumée parce que vous n'avez pas relevé le fardeau de la preuve. Quand on voulait dire: S'assurer qu'il est improbable, somme toute, cela vise peut-être autant qu'il en soit saisi.

M. Forgets Remarquez, je suis tout à fait d'accord, mais il me semble que, quand on fait l'obligation à un tribunal de s'assurer qu'il est improbable qu'une chose se produira et après, dans le prochain souffle, on dit que de toute façon cette preuve est présumée, c'est un grand circuit pour dire que la requête est accordée d'office à moins que les parents ne viennent démontrer leur intention et établir les circonstances nouvelles sur lesquelles s'appuieraient leurs capacités à assumer leurs obligations.

M. Bédard: On a eu du mal à trouver; on a examiné beaucoup de formules, on a celle-là, mais on peut peut-être faire un effort ultime...

Le Président (M. Laberge): L'article 607...

M. Bédard: ... pour améliorer la rédaction.

Le Président (M. Laberge): ... est suspendu. J'appelle l'article 608. Il n'y a pas de modifications à suggérer pour le moment.

M. Bédard: L'article 608 ça va de soi. "Lorsqu'il déclare l'enfant adoptable, le tribunal désigne la personne qui exercera l'autorité parentale à son égard."

M. Forget: Jusqu'à l'ordonnance de placement. Je pense que cette précision-là serait nécessaire car autrement, il y a conflit entre deux mesures.

M. Bédard: L'article 612 le prévoit comme complément." L'ordonnance de placement confère l'autorité parentale à l'adoptant".

M. Forget: Oui, je comprends, elle le confère à nouveau à quelqu'un d'autre ou à la même personne.

M. Bédard: Oui.

M. Forget: Oui, ce n'est pas susceptible de créer des conflits qu'on confère...

M. Bédard: II nous paraissait utile de l'inscrire dans la section sur l'ordonnance parce que c'était quand même important que l'ordonnance précise...

M. Forget: Oui.

M. Bédard: ... et ça nous paraissait utile de le faire et en le faisant dans cette section-là...

M. Forget: Cela rend caduque la première attribution de responsabilité.

M. Bédard: Cela rendait caduque la première, à moins d'être assez répétitif pour la même idée.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 608 est adopté. J'appelle l'article 609. Section II. De l'ordonnance de placement et du jugement d'adoption. Est-ce qu'il y a des remarques à l'article 609, M. le ministre?

M. Bédard: La grande innovation de cet article consiste dans le fait que l'enfant ne peut être placé en vue de son adoption que sur ordonnance du tribunal, qu'il s'agisse d'adoption ouverte ou d'adoption fermée. Ainsi, le tribunal pourra contrôler dès le premier moment de l'adoption les conditions de l'adoption. Article 611. Il ne restera à la fin du processus qu'à vérifier l'adaptation de l'enfant à son nouveau milieu. Article 615. Cette disposition est dans l'intérêt de l'enfant et aussi dans celui des adoptants.

M. Forget: Comme je l'ai indiqué au début, je suis entièrement d'accord avec la notion de faire porter sur le placement plutôt que sur le jugement d'adoption le fardeau d'établir que tout va bien parce que, si on laisse se créer une relation et qu'on intervienne après six mois, neuf mois ou un

an pour porter des jugements, à mon avis on a été soit irresponsable au départ ou alors on va créer de très grandes difficultés...

M. Bédard: Des traumatismes.

M. Forget: ... à la deuxième occasion. Je dois souligner là-dessus que je ne suis pas du tout d'accord avec l'Association des centres de services sociaux qui veut continuer d'en faire une prérogative purement professionnelle. Je pense qu'il y a là un acte extrêmement important qui doit revêtir une certaine solennité puisque c'est à ce moment-là que la relation se crée. Si les choses sont bien faites à ce moment-là, on peut présumer que le jugement d'adoption n'est qu'une formalité qui vient rendre définitive la première décision. Là-dessus je suis complètement d'accord et je pense que cette ordonnance de placement doit venir consacrer l'adoption ouverte, l'adoption entre consanguins parce qu'il faut bien sûr vérifier la consanguinité, il faut vérifier qu'il y a un échange de consentement entre la famille d'origine et la famille adoptive dans le cas d'adoption ouverte. Donc, il faut l'intervention du tribunal.

Je ne sais pas, mais - oui, c'est ici que je dois le mentionner - le problème vient des six mois. La durée de la période de probation. Je pense que six mois, dans le cas d'adoption où l'enfant était étranger à la famille adoptive, c'est une période raisonnable, ni trop courte ni trop longue. Si on ne peut pas porter un jugement en six mois, je pense qu'on ne pourra jamais le porter. C'est une amélioration sur la pratique actuelle où je pense qu'on spécifie un an, ma foi. Enfin, peu importe...

M. Bédard: Six mois.

M. Forget: Oui, six mois. Mais là où le délai de six mois n'est peut-être pas aussi impératif, c'est le cas, par exemple, où on a une adoption entre consanguins ou une adoption par une famille d'accueil, une famille qui a déjà effectivement la garde de l'enfant depuis longtemps. Ce n'est peut-être pas terriblement important, parce que, dans ce cas, la relation est assurée depuis longtemps. Dans la mesure où le deuxième jugement est un jugement où le fardeau de la preuve est renversé - on verra cela plus tard - je pense que c'est à peu près la perception unanime autour de cette table, c'est peut-être moins nécessaire, mais on pourrait imaginer plus de souplesse, du moins dans le cas de ces situations, puisque la relation est déjà établie et qu'on peut donc en constater la qualité presque immédiatement.

M. Bédard: Oui, sauf... C'est justement en considérant que la relation étant déjà établie, le délai devient moins important, parce qu'on ne peut pas concevoir...

M. Forget: II devient moins important, mais de toutes les façons, bien sûr.

M. Bédard: Oui.

M. Forget: Parce que la probabilité qu'il sera renversé au moment du jugement d'adoption est très faible à ce moment. Donc, l'insécurité que cela peut créer est...

M. Bédard: Cela prendrait des circonstances tout à fait spéciales qui, à ce moment, devraient, de toute façon, être considérées.

M. Forget: D'un autre côté, il faut rappeler que le jugement d'adoption est le seul qui crée des effets juridiques et que des droits patrimoniaux peuvent être perdus pendant que le délai court. C'est pour cela qu'on ne peut pas être totalement catégorique là-dessus. Je me demande, dans le cas d'adoptions entre consanguins, les adoptions qui sont mentionnées - disons que l'expression "courte" est bien compréhensible - et d'adoptions dans une famille d'accueil où l'enfant est là depuis longtemps et où on a peut-être recours à l'adoption, dans le fond, dans la perspective d'une maladie qu'on sait terminale et pour faire bénéficier l'enfant de droits patrimoniaux, si le délai de six mois ne peut pas porter un préjudice très grave. Si on avait une certaine souplesse au niveau du tribunal, dans ces cas, on ne ferait que rendre service à l'enfant, sans vraiment se priver de quelque possibilité de contrôle de la qualité de la relation que ce soit.

M. Bédard: La forme que cela pourrait prendre dans votre esprit, c'est un délai plus court ou une appréciation par le tribunal?

M. Forget: Une appréciation par le tribunal, parce que c'est dans le cas d'adoption entre consanguins et d'adoption par une famille qui a déjà la garde effective de l'enfant, avant l'ordonnance, où le délai peut commencer à courir, dans le fond, avant l'ordonnance; que cela peut se faire, si c'est dans l'intérêt de l'enfant.

M. Bédard: Je pense qu'on a pas mal couvert tous les angles. Est-ce que, dans ces cas-là, la précaution des six mois... On pourrait apporter d'autres exemples du fait que peut-être, même dans ces circonstances, les six mois seraient simplement une précaution, tandis que...

M. Forget: Oui, mais n'oublions pas une chose très importante et qui...

M. Bédard: Je suis sensible au fait que

cela peut même amener la perte de droits.

M. Forget: N'oublions pas que le délai de six mois, cette probation existait dans un régime de droit où il n'y avait pas de déchéance de l'autorité parentale ni de déclaration d'adoptabilité. Mais si cela se fait une fois, cela peut se faire une deuxième fois, n'est-ce pas? Dans le fond, on pourrait même imaginer un régime où - là, je réfléchis tout haut, M. le Président, si on me le permet, pendant deux secondes - la seule décision qui est prise est une décision du tribunal de placement et d'adoption immédiate. C'est peut-être trop radical dans tous les cas, mais cela pourrait se faire dans certains cas entre consanguins, là où il y a une relation déjà établie, parce que maintenant il y a un remède. Le remède n'est pas tellement différent, dans le fond. C'est un recours devant le tribunal, soit pour obtenir un jugement d'adoption, soit pour faire déclarer que les parents adoptifs de l'enfant ne s'en occupent pas. Le même jugement qu'on peut porter à l'égard des parents naturels, on peut le porter à l'égard des parents adoptifs. Quelle est la différence, dans le fond? On a des exemples abondants que les parents naturels maltraitent leurs propres enfants et on n'a pas un système de probation de toutes les familles. C'est seulement quand il y a une plainte et qu'on se rend compte qu'il y a quelque chose qui ne va pas qu'on dit: Ces parents-là n'ont pas la capacité de s'occuper de leurs enfants. On les leur retire d'une façon ou d'une autre. Dans le fond, si on veut vraiment traiter les enfants adoptifs comme les enfants naturels, on pourrait très bien prétendre que, pourvu qu'on ait le plus soigneusement possible choisi les parents adoptifs ou qu'ils soient dans la parenté, etc., on n'a pas à avoir à leur égard des exigences supérieures à celles qu'on exige des parents naturels. De toute façon, dans les deux cas, il y a désormais un remède qui est la déchéance de l'autorité parentale, la déclaration d'adoptabilité, l'intervention de la protection de la jeunesse pour les enfants battus. Les probabilités que les enfants adoptés soient battus ou maltraités, d'une certaine façon, sont peut-être plus faibles que chez les parents naturels. Cela peut se prouver parce que c'est un choix, c'est une élection, c'est vraiment une parenté élective. Il est bien rare que des gens vont adopter un enfant pour le battre, mais ils vont battre l'enfant qu'ils ont eu parce que peut-être ils ne le voulaient pas vraiment. J'avais toute cette question de la césure entre le placement et le jugement d'adoption. Il ne faut pas lui faire porter un fardeau trop grand, et dans tous les cas, où on peut le réduire, je pense qu'on devrait le faire.

M. Bédard: II y a peut-être un espace- temps, quand même, qui est utile dans le cas où l'enfant n'a pas déjà été dans la famille, est placé dans cette famille, même si ce sont des consanguins, même si c'est un oncle ou une tante. Il faudrait une certaine période minimale pour permettre de vérifier si l'enfant, somme toute, s'adapte bien dans ce milieu et dans cette nouvelle relation et peut-être aussi pour savoir si les parents adoptifs s'adaptent bien à un enfant. Parfois, on pense qu'on va bien s'adapter à un enfant et on se rend compte qu'on n'a pas les nerfs pour cela, qu'on n'a pas les aptitudes, après coup, et cela permet de mettre fin au placement de la part des parents qui ont fait l'expérience dans un temps minimum. Je pense qu'il y a un espace- temps, quand même, qu'il faudrait réserver ou préserver.

Dans le journal des Débats, je vais avoir l'air de me parler.

M. Forget: Cela arrive dans les meilleures familles qu'on se parle à soi-même.

M. Bédard: II n'y a rien là! C'est exactement la question que je me posais parce que je suis sensible à ce que dit le député de Saint-Laurent et je suis même d'accord. Mais en fonction de rédiger un amendement, il faudrait, quand même, prévoir peut-être un an quand un enfant est déjà... On ne peut pas parler de foyer d'accueil, etc., tout cela.

M. Forget: Oui, oui, mais je pense que le délai de six mois...

M. Bédard: Oui, peut-être un an dans ce cas-là.

M. Forget: Oui, le délai de six mois est bon, mais, dans le cas où l'enfant adoptif et sa nouvelle famille se connaissent déjà depuis des années, on n'a pas besoin de faire courir le calcul...

M. Bédard: Oui, mais un minimum.

M. Forget: ...à partir du jugement de l'ordonnance de placement. Ce délai pourrait se compter...

M. Bédard: II faudrait le faire courir avant.

M. Forget: ...à partir du moment où, effectivement, il y a eu contact.

M. Bédard: Mais ce serait quoi, ce délai raisonnable? Il faut en prévoir un, un minimum d'un an ou six mois?

M. Forget: Oui, le même délai de six mois, mais il commence à compter au moment où ils ont effectivement été en

contact. Dans le cas d'une famille d'accueil où l'enfant est placé depuis quatre ans, évidemment, ils ont satisfait à l'exigence de six mois le lendemain de l'ordonnance de placement. Dans le cas d'un oncle et de son neveu, alors qu'il s'en occupe peut-être depuis des années parce que les parents sont malades ou absents, la même chose va valoir. C'est un jugement de fait.

M. Bédard: II faudrait inscrire sauf discrétion du juge, dans le cas où un enfant a déjà été six mois... On verra comment le rédiger.

Par ailleurs, je voudrais bien qu'on saisisse que l'ordonnance de placement dans la philosophie du projet ne modifie pas la filiation. Seul le jugement le fera, de sorte que les droits successoraux, par exemple, les droits alimentaires continuent de pouvoir s'exercer à l'égard des parents d'origine, par exemple. Il n'y a pas d'intervalle où l'enfant a perdu des droits, sauf qu'il n'est plus en relation d'autorité parentale avec ses parents.

On va suspendre l'article 609. (22 h 45)

M. Forget: Juste pour terminer, une autre idée là-dessus qui est complémentaire; c'est que, si on voulait vraiment faire dépendre la durée du délai sur la difficulté d'adaptation de la famille à l'enfant, il faudrait se baser sur l'âge de l'enfant au moment de son placement. Les statistiques de plusieurs pays nous démontrent que le succès est très élevé quand on place pour adoption de jeunes enfants et il est beaucoup moindre, quoiqu'il soit encore très élevé, quand on place des enfants de cinq ans et plus.

La vraie distinction, au point de vue du délai, cela devrait être l'âge de l'enfant. Je n'en fais pas une suggestion. Je pense que c'est l'idée qui est vraiment la plus pertinente.

Le Président (M. Laberge): L'article 609 est suspendu. J'appelle l'article 610.

Une voix: Cela va.

Le Président (M. Laberge): L'article 610 est adopté. J'appelle l'article 611.

M. Forget: Ce n'est pas reproduit dans le journal des Débats?

Le Président (M. Laberge): Non, plus maintenant.

M. Bédard: II n'y a pas de remarque à l'article 611. L'article est assez clair.

M. Forget: Cet article est l'article où on peut se poser la question du fardeau de la preuve. Est-ce que, avant de prononcer l'ordonnance de placement... Il n'y a pas de problème, s'assurer que les conditions de l'adoption ont été remplies, que les consentements requis ont été valablement donnés; évidemment, cela doit être fait et "valablement" donné est vraiment le mot qui a été interprété tout à l'heure.

Quant à ce qui est des qualités et des aptitudes de l'adoptant, sur un plan philosophique et plus que cela, même sur un plan pratique, je serais porté à dire que des citoyens qui veulent adopter devraient, comme des citoyens qui se marient et qui ont des enfants, être présumés capables d'être parents. Il me semble que seulement la manifestation du désir d'assumer des responsabilités parentales, c'est déjà un début de preuve qu'on est des bons parents. Finalement, qu'est-ce que c'est qu'être un bon parent? Ce n'est pas avoir un diplôme, c'est vouloir s'occuper d'un enfant. Une fois qu'on a dit cela, on a fait un bon bout de chemin. Et des gens qui se marient et qui vont avoir des enfants n'ont pas besoin d'un certificat de parenté avant d'avoir des enfants. On présume qu'ils sont capables et que, dans l'ensemble et en moyenne, ils vont s'acquitter de leurs responsabilités convenablement.

Ce que je dis, c'est que bien sûr il y a une certaine preuve qui doit être faite, mais tout est de savoir: Est-ce que les parents qui adoptent partent de zéro? Est-ce qu'ils ont à faire la démonstration, à assumer le fardeau de la preuve qu'ils sont de bons parents? Ou si ce sont plutôt les experts, les psychologues, les travailleurs sociaux qui apparaissent devant la cour - et qui doivent apparaître devant la cour - qui devraient être chargés de démontrer que, selon eux, monsieur et madame X qui veulent adopter ne peuvent pas être de bons parents pour telle et telle raison?

Il me semble que c'est presque un droit fondamental que la capacité de chacun de vivre ce rôle parental ne soit pas l'objet d'une vérification administrative, à moins d'être interdit ou quelque chose dans ce genre-là. Il me semble que quelqu'un qui veut nous dire qu'on ne peut pas adopter devrait avoir le fardeau de faire une démonstration, soit parce que la santé mentale de la personne est telle qu'il est évident qu'elle ne peut pas assumer ce rôle ou peut-être même la santé physique, etc. Mais faire une preuve quelconque de comportement, de style vie, démontrer quelque chose.

Et là, la seule difficulté que cela pose, c'est bien sûr le fait que les renseignements confidentiels reçus par des professionnels devraient être dévoilés à l'encontre de ceux qui ont donné le renseignement alors qu'autrement, comme ils sont obligés de faire la preuve, on leur impose la nécessité

de dévoiler tout ce qui est à leur avantage.

M. Bédard: Je pense qu'on ne l'impose pas par méfiance vis-à-vis des adoptants, mais peut-être plus par souci de l'intérêt de l'enfant.

M. Forget: C'était perçu comme cela.

M. Bédard: On en est au niveau de la perception. Mais l'intérêt de l'enfant exige -je le pense - cette précaution de vérification des qualités et des aptitudes de l'adoptant. II ne faudrait pas que cela devienne un procès tel...

M. Forget: II faut presque faire une preuve négative. Pour prouver qu'on est apte, il faut presque prouver que les raisons qui feraient qu'on n'est pas apte n'existent pas. C'est très difficile de faire une preuve rigoureuse, parce que ce n'est pas une aptitude mesurable en quoi que ce soit. C'est simplement que les empêchements sont absents. C'est une preuve négative.

M. Bédard: Cela se vérifie peut-être par la présomption qu'on fait que les adoptants... L'enfant n'étant souvent pas capable de faire cette appréciation, la présomption est en faveur de l'enfant et on doit faire cette clarification-là. Mais, comme vous le dites, peut-être que la perception donne l'impression que c'est un procès en règle qu'on fait à des parents.

M. Forget: Certains procédés utilisés donnent plus que l'impression...

M. Bédard: Je le sais. C'est peut-être là que-Mais il y a un examen qui paraît utile et nécessaire et qui doit être fait par le tribunal. Pensons aux deux cheminements qu'on a. Le tribunal pourra être saisi par des requérants en vue de l'adoption qui auront été choisis, disons, par le directeur de la protection de la jeunesse - prenons un exemple - parce que l'enfant est déjà sous sa responsabilité, et on trouve une famille qui est prête à l'adopter et ils font une demande en vue du placement. On peut penser, à ce moment, que les services concernés pourront déposer dans le dossier toutes sortes de témoignages disant qu'ils ont vérifié les conditions de ces personnes et qu'elles paraissent aptes à pouvoir accueillir un enfant pour fins d'adoption.

Dans le cas où l'adoption va se faire entre les consanguins dont on parle, la requête va être acheminée directement par le consanguin demandant à recevoir en placement l'enfant. Il me semble, quand même, sans lui imposer le fardeau d'établir qu'il a les qualités morales, enfin, toutes les qualités et les aptitudes et de penser en termes d'un gros procès, qu'il est important de savoir au moins certaines choses. Si cette personne qui demande à adopter un autre enfant en a déjà quinze ou six, c'est déjà différent. Est-elle dans certaines conditions économiques et déjà dans des conditions de logement et d'habitation données? Il me semble que l'intérêt de l'enfant exige qu'on ne le place pas dans une condition de vie qui soit inacceptable. Je ne sais pas...

M. Forget: Le débat n'est pas sur le fond.

M. Bédard: Je suis d'accord avec vous.

M. Forget: Je ne dis pas que les enfants doivent être placés dans des familles où ils seront dans des situations inacceptables. Entendons-nous bien. Le débat porte complètement à faux dans le moment. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Mais si vous donnez à quelqu'un qui apparaît comme l'expert devant le tribunal la mission de dire si ces requérants ont l'aptitude ou non, à ce moment, le tribunal se prive de presque tout moyen de contrevérifier le genre de critères et d'évaluation. Je vais donner un exemple; cela va aider à comprendre. Certains centres de services sociaux font une exigence - cela m'a été dit de très bonne source, alors, ce n'est pas un exemple tiré d'un article de journal - qu'un parent accepte de suivre des cours et de se plier à une certaine série de séances soi-disant de formation, etc. Selon les milieux socio-économiques auxquels on s'adresse, cela peut jouer un rôle formidable ou cela peut être une perte de temps monumentale. Malgré tout, les familles qui sentent qu'elles perdent littéralement leur temps et qu'on les fait tourner en rond n'osent pas faire quoi que ce soit; elles se plient à toutes sortes de caprices invraisemblables. Il y en a des caprices dans ce milieu, croyez-moi. J'ai été familier avec cela; je l'ai observé de près. Il y a toutes sortes de caprices. Comme on dépend, non pas du juge et de critères qui sont dans la loi, mais de l'opinion de ces experts qui décident collectivement, d'ailleurs, d'une façon assez difficile à déterminer, où il n'y a pas de responsabilité professionnelle parce que ce sont des comités, où on ne peut jamais mettre quelqu'un en face de sa responsabilité professionnelle, on se plie à toutes ces histoires. Cela dure parfois des mois et des années et on évite surtout de déplaire à qui que ce soit. On reçoit des visites à tout moment du jour ou de la nuit; tout cela ce sont des vexations. Finalement on traite les gens comme des coupables et on les force à passer par un mécanisme pour prouver leur innocence. C'est indigne parce que ce sont des gens qui veulent s'occuper d'enfants abandonnés. Le voisin, lui, qui est marié qui a des enfants et qui les bat, il

arrive que le même organisme qui fait faire ces simagrées à ceux qui veulent s'en occuper ne s'occupe pas de ceux qui battent les enfants qu'ils ont eus pas voie biologique. À un moment donné, on se dit: Si on perd du temps à faire des preuves de ce genre, il vaudrait peut-être mieux réorganiser les priorités et si on avait seulement l'exigence de démontrer que quelqu'un n'est pas capable, on serait en face de critères que la cour peut contrôler. Il faudra dire à la cour: Nous avons observé des comportements qu'on soumet à la cour ou des observations cliniques qui sont telles qu'il y a manifestement incapacité d'assumer ces responsabilités. La qualité de la relation serait inversée.

M. Bédard: La seule question que je me pose, c'est de savoir comment on peut corriger ce malaise. Jusqu'à quel point on peut corriger ce malaise qui est beaucoup plus administratif qu'autre chose par une rédaction différente.

M. Forget: C'est très délicat. Comment définir le fardeau de prouver que l'intérêt de l'enfant sera bien protégé?

M. Bédard: Je crois que mon collègue est d'accord qu'il y va de l'intérêt de l'enfant que le tribunal vérifie les aptitudes, les capacités et les qualités de ceux qui veulent se porter comme parents adoptifs. Je pense que c'est normal.

M. Gosselin: On ne pourrait pas formuler cela de la manière suivante...

M. Bédard: On a tous la même préoccupation à savoir que cela ne devienne pas un procès devant le tribunal et surtout pas avant même d'arriver devant l'organisme qu'on met en place pour évaluer objectivement...

M. Forget: C'est pour cela que je ne fais que poser le problème. C'est celui qui est ressenti, croyez-moi, le plus intensément par ceux qui ont vécu cette expérience. Si on pouvait apporter le quart d'une solution, on aura fait beaucoup.

M. Bédard: Avec cette préoccupation, est-ce qu'on pourrait le garder ouvert, mais en s'entendant sur le fait que la discussion est faite et que c'est là-dessus qu'on...

Le Président (M. Laberge): Je pense que M. le député de Sherbrooke a une observation.

M. Gosselin: Je veux juste suggérer de vérifier s'il n'y a pas d'inaptitude patente de la part de l'adoptant, ou en tout cas quelque chose du genre, mais qui met moins d'insistance...

M. Bédard: Je ne voudrais pas qu'à un moment donné l'ensemble de notre réflexion se porte sur le tribunal et donne des critères qui peuvent être limitatifs et même desservir l'objectif qu'on veut atteindre. Il me semble que le tribunal, à partir des gens qu'il peut convoquer, des moyens qui sont à sa disposition, il faut présumer qu'il veut faire le travail correctement. Il en est capable sans critères précis. Il est même préférable qu'il n'y en ait pas. Faire l'évaluation qu'on demande des aptitudes et des qualités, une évaluation sérieuse, je crois que là-dessus, il faut demeurer général. (23 heures)

M. Forget: II est essentiel que le tribunal puisse aller au-delà du témoignage de l'expert.

M. Bédard: C'est cela.

M. Forget: ...et qu'il puisse exercer un certain contrôle sur le caractère raisonnable et approprié des faits sur lesquels l'expert se base.

M. Bédard: Une suggestion est peut-être de souligner que le tribunal peut demander toute personne qu'il juge opportun d'entendre...

M. Forget: C'est une excellente suggestion.

Le Président (M. Laberge): On va le laisser en suspens pour rédaction.

M. Bédard: ...plutôt que de limiter cela à un cercle fermé, ce qui fait qu'il n'y a pas d'autre éclairage. D'accord. Ce serait dans ce sens si on présente un amendement.

Le Président (M. Laberge): L'article 611 est suspendu pour correction possible. J'appelle l'article 612.

M. Forget: Non. Qu'est-ce qui arrive? Est-ce qu'on a abrogé l'article 610?

Le Président (M. Laberge): On a adopté l'article 610 et on a laissé en suspens l'article 609.

M. Forget: Je m'excuse, M. le Président, mais, dans mon cahier, ils sont intervertis et je ne m'en suis pas rendu compte. Avec votre permission, si on peut revenir quelques instants sur l'article 610. Il y a un problème dans le placement. Je ne me souviens pas qui a dénoncé cette difficulté, mais l'ordonnance de placement qui ne peut être prononcée que tant de jours après le consentement - il me semble que

c'est l'Association des centres de services sociaux qui en a parlé - crée un délai de trente jours entre le consentement et le placement. Où sont les enfants pendant ces trente jours? Ils ne sont pas dans leur famille adoptive et ils ne sont plus chez leurs parents naturels. Sont-ils dans une crèche?

M. Bédard: Ce délai de trente jours est en accord avec l'article 604 où on prévoyait la possibilité de rétractation. Pendant ce délai, évidemment, l'enfant a été confié possiblement soit a une personne qui a été désignée ou à un directeur de la protection de la jeunesse et temporairement, effectivement, il est placé quelque part. Il pourrait même être placé aussi dans une famille qui voudrait l'adopter.

M. Forget: Préalablement à l'ordonnance de placement.

M. Bédard: Préalablement à l'ordonnance de placement, mais pour un délai très court.

M. Forget; Je pense que là on touche du doigt un cas où le désir de préserver le droit du parent à la rétractation, dans le fond, porte préjudice à l'enfant. On fait ces changements dans l'ordonnance de placement vis-à-vis du jugement d'adoption de manière que le moment important et le moment décisif soit le placement. Là, s'il faut placer sans- ordonnance, cela veut dire qu'on a le même problème de placer et de déplacer éventuellement. On ne peut pas présumer que, lorsque le tribunal va faire connaître son ordpnnance, il va dans tous les cas confirmer le placement initial. Dans le fond, on maintient ces trente jours pour une seule raison: la possibilité que la personne, l'adulte qui a donné son consentement devant témoins - un consentement éclairé, etc., puisque autrement l'ordonnance de placement ne pourrait pas intervenir - veuille changer d'idée. J'aimerais beaucoup mieux que la révocation ne soit pas possible après...

M. Bédard: On a considéré qu'il pouvait aussi être dans l'intérêt de l'enfant, parce qu'il s'agit d'une adoption par consentement, que le parent qui aurait peut-être agi rapidement puisse rétracter son consentement et obtenir de nouveau la garde de l'enfant. Évidemment, on se retrouve un peu coincé entre un double intérêt possible.

M. Forget: L'article 609 est impératif: "Le placement d'un mineur ne peut avoir lieu que sur ordonnance du tribunal", donc on interdit à la famille adoptive de prendre la garde de l'enfant et on dit "... de toute manière l'ordonnance ne peut pas avoir effet avant 30 jours", donc, pendant 30 jours, l'enfant doit être placé ailleurs, et même dans le cas où l'enfant est déjà dans une famille d'accueil.

M. Bédard: Si on pense en fonction de l'intérêt de l'enfant, il n'y a rien qui empêche que l'enfant, s'il était dans une famille d'accueil, le demeure.

M. Forget: Les premiers mots de 609 disent: "Le placement d'un mineur ne peut avoir lieu...", ce n'est pas un acte juridique, c'est un fait, l'enfant ne peut pas être placé à moins qu'il n'y ait une ordonnance du tribunal, seulement sur ordonnance du tribunal, donc, pendant ces 30 jours, il n'est pas placé, il est tout simplement confié à une famille d'accueil, dans un orphelinat - il faudra en rouvrir pour les accueillir -l'article 609 est impératif.

M. Bédard: Si l'adoption intervient entre parents, il est sans doute entre les mains du parent qui va demander le placement, parce que les parents qui vont consentir à l'adoption de leur enfant, comme vous l'avez peut-être mentionné tantôt, vous souhaitiez une précision de la personne à qui ils vont le confier en vue de l'adoption; donc, c'est sans doute cette personne qui a recueilli l'enfant et qui maintenant désire l'adopter qui va présenter la requête, mais, entre temps, il est sous la garde, la surveillance, etc., de cette personne.

M. Forget: Mais il n'est pas techniquement placé.

M. Bédard: Mais il n'est pas techniquement placé, comme vous le dites.

Par ailleurs, dans le cas d'un enfant qui est confié à une société d'adoption ou qui est confié au directeur de la protection de la jeunesse, cela crée un problème; jusqu'à ce qu'une famille adopte l'enfant, on doit lui trouver une famille d'accueil ou une institution qui accueille l'enfant pendant un certain délai.

Je me demande si ce problème du caractère impératif de 609 ne sera pas réglé dans la mesure où on ouvrirait la possibilité qu'on a mentionnée tout à l'heure, celle que le placement antérieur à l'ordonnance puisse être compté dans les six mois; autrement, on serait obligé de régler ce cas.

M. Forget: Dans les catégories où ce serait possible; je pense qu'il faudrait peut-être aller au-delà de ça pour permettre, si on n'appelle pas ça un placement, que la famille adoptive serve de famille d'accueil, en quelque sorte, pendant les premiers 30 jours...

M. Bédard: Cela allait quand même, dans le cas où ça se fait entre parents,

cette adoption, jusqu'à la délégation de l'autorité parentale, donc ça comprenait la garde, etc. Dans le cas où l'enfant est confié pour adoption à une société, même si on veut compter les cas de garde antérieure, ce n'est pas dans tous les cas non plus qu'il y en aura.

M. Forget: II n'y en a pas toujours.

M. Bédard: II n'y en a pas toujours, donc il y a un intervalle.

Mais je me demande si, de toute façon, dans la pratique actuelle des choses, il n'y a pas aussi toujours un intervalle; en d'autres termes, dans l'état actuel des choses, quand des parents consentent à l'adoption de leur enfant et qu'ils le confient à une société d'adoption, qu'est-ce qui arrive avant qu'on trouve une famille, où reste-t-il?

M. Forget: C'est que les familles sont toutes trouvées.

M. Bédard: À l'avance. Si elles sont trouvées à l'avance, est-ce qu'on ne pourrait pas, à l'heure actuelle aussi... J'imagine qu'il y aura une liste d'attente dans les centres, il y a beaucoup de personnes qui demandent...

M. Forget: Le problème n'est pas un problème physique - c'est le problème que je soulevais - c'est une incapacité juridique de confier l'enfant a la famille adoptive - dans le cas d'adoption entre étrangers - parce que le placement ne peut pas avoir lieu à moins qu'il y ait une ordonnance, l'ordonnance ne peut pas être délivrée avant 30 jours et cela crée un problème alors que le problème n'existe pas en fait.

M. Bédard: Le délai de 30 jours c'est pour tenir compte de la possibilité qu'un parent rétracte son consentement et peut-être qu'il est prudent de faire... En tout cas, le souci c'est que, lorsque l'enfant, à un moment donné, est confié, ce soit définitif; autrement dit, il y a l'autre danger qui peut arriver. C'est que, si on ne met pas ce délai, cela va vouloir dire que le placement va se faire tout de suite chez la famille d'adoption. Là il va y avoir un délai d'incertitude de 30 jours. S'il se présentait une rétractation du consentement, à ce moment, jusqu'à quel point on aurait aidé l'enfant qu'on aurait confié durant 30 jours à une famille et qu'on retirerait à un moment donné de ce milieu? Je suis convaincu que cela pourrait occasionner un traumatisme qui n'a pas sa raison d'être parce qu'on aurait l'impression de prendre le risque de jouer avec un enfant, de le placer durant un mois de temps dans une famille et, sans qu'il y comprenne grand-chose, être obligé de lui dire: C'est bien de valeur, cela ne va pas parce que le consentement qui a été donné a été rétracté.

M. Forget: C'est exceptionnel les cas de rétractation. Il ne faut pas avoir une solution qui est faite en fonction strictement de ce cas exceptionnel. D'autant plus que l'autorité parentale est déléguée immédiatement au moment du consentement à l'adoption. Quand le consentement à l'adoption est "at large" en quelque sorte à une société d'adoption ou à un centre de services sociaux, il n'y a pas trop de problèmes. Mais si le consentement à l'adoption, suivant ce qu'on a dit, peut être fait expressément entre consanguins ou en vertu de l'adoption ouverte à une famille qui a été choisie par le parent, à ce moment, cela deviendrait embêtant parce que ceux qui auraient l'autorité parentale n'auraient pas la garde.

M. Bédard: Je pense qu'à l'article 609, en tout cas, c'est peut-être une précision à apporter. Il s'agissait de dire le placement qui compte, si je puis dire, pour les fins d'adoption, c'est peut-être...

M. Forget: Ce n'est pas la présence physique de l'enfant dans la famille.

M. Bédard: Non, ce n'est pas cette remise effective en attendant que les adoptants fassent une demande au tribunal. Il y a peut-être moyen de revoir notre formulation parce que de toute façon pour ce qui est de l'autre problème, à savoir s'il y a une famille qui accueille l'enfant pendant cet intervalle, il y en a toujours une. Dans l'état actuel du droit de toute façon c'est comme cela que les choses se passent avec encore un peu plus de dommages à mon avis parce que tant que l'adoption n'est pas prononcée, et cela doit durer pendant six mois, les parents pouvant rétracter leur consentement durant les six mois, on se trouve dans une incertitude, une insécurité peut-être assez grande.

M. Forget: C'est exceptionnel. Je pense que l'idéal qu'il faut viser c'est que, par exemple, l'enfant qui est né d'une mère célibataire, qui est à l'hôpital, à la pouponnière, je pense que ce qu'il faut viser c'est que lorsqu'il quitte la pouponnière il y ait un foyer adoptif qui l'accueille et qu'il ne soit pas envoyé dans une famille d'accueil pendant deux mois ou 30 jours ou 45 jours en attendant qu'il y ait une formalité juridique ou qu'un délai juridique ait couru. Je pense qu'on n'a pas besoin de régler toutes ces situations en mettant en quelque sorte la situation sur la glace pour le 0,5% de ces cas où il y aura rétractation. Je crois que la situation actuelle permet le placement de la pouponnière à la famille adoptive. II faudrait s'assurer qu'on ne l'interdit pas.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que cela nécessite de rouvrir l'article 610?

M. Bédard: Je pense que l'économie de nos discussions a toujours fait qu'on peut revenir sur un article et je pense que si on s'entend... (23 h 15)

Le Président (M. Laberge): Oui, ça va...

M. Forget: On peut peut-être y réfléchir.

M. Bédard: La discussion est terminée; on essaie de voir au niveau de la solution.

Le Président (M. Laberge): Alors nous passons à l'article 612. J'appelle l'article 612.

M. Bédard: L'article 611...

Le Président (M. Laberge): II avait été suspendu.

M. Forget: L'article 612 est adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 612 est adopté. J'appelle l'article 613.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 613 est adopté. J'appelle l'article 614.

M. Bédard: II y a un amendement.

Le Président (M. Laberge): À l'article 614, je vous en donne lecture. Dans la deuxième ligne de l'article, après le mot "demande" et avant l'expression "tout intéressé", on nous demande d'ajouter l'expression suivante... Ce qui veut dire: "à la demande de l'enfant lui-même, s'il est âgé de quatorze ans, ou de tout intéressé..."

M. Bédard: Je pense que ça répond...

M. Forget: C'est-à-dire que la concordance pourrait être faite pour présenter la requête.

Le Président (M. Laberge): L'amendement est adopté. L'article 614 amendé est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement. J'appelle l'article 615.

M. Bédard: L'article 614.1.

Le Président (M. Laberge): Ah oui! Excusez-moi. Parfait, merci. L'article 614.1 est introduit entre les deux articles. J'en donne lecture. L'article 614.1 se lit comme suit "Dans les cas prévus par les articles 613 et 614, le tribunal désigne, même d'office, la personne qui exercera l'autorité parentale à l'égard de l'enfant."

M. Bédard: L'ordonnance avait conféré l'autorité parentale. Si le placement cesse pour une quelconque raison il faut de nouveau désigner qui va exercer l'autorité parentale. Autrement il y a un intervalle.

Le Président (M. Laberge): L'article 614.1 est adopté. J'appelle l'article 615.

M. Forget: À l'article 615...

M. Bédard: ... toute autre preuve qu'il estime nécessaire.

M. Forget: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu ici d'établir une présomption cependant?

M. Bédard: Une présomption d'adaptation?

M. Forget: Oui. Que le tribunal prononce l'adoption au bout du délai à moins qu'on n'établisse qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant que l'adoption soit confirmée.

Le directeur de la protection de la jeunesse a la responsabilité de faire cette preuve s'il connaît des faits et il a la responsabilité de surveiller, de veiller à ce que les enfants soient protégés. Mais ça indiquerait l'esprit dans lequel ça se fait. Normalement ça va être donné, à moins qu'on ne fasse la preuve qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant de le faire. Dans le fond, qu'est-ce qui ne sera pas dans l'intérêt de l'enfant? Par analogie on pourra citer l'article de la Loi sur la protection de la jeunesse qui dit dans quelles circonstances...

M. Bédard: Cela est déjà déterminé.

M. Forget: ...le développement ou la sécurité d'un enfant est en danger. À ce moment-là on dit: qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant d'accorder...

M. Bédard: Avant d'établir une présomption, je préférerais peut-être y réfléchir.

M. Forget: C'est ce qu'on veut dire dans le fond par cet article. On a déjà dit que les parents, après une étude, des entrevues, etc., sont des personnes qui semblent avoir toutes les qualités nécessaires pour être de bons parents, on les a choisis, on les a triés sur le volet...

M. Bédard: En fait, vous voudriez que ce soit: "Le tribunal prononce l'adoption, à moins qu'il n'y ait réception d'un rapport, etc."

M. Forget: C'est ça. À moins qu'on ne démontre ou que le directeur de la protection de la jeunesse ne démontre que... ou d'autres sources.

M. Bédard: Oui, six mois et...

M. Forget: Parce que, s'ils l'ont bien traité, on n'a pas besoin de faire des démonstrations, dans le sens qu'on n'a pas besoin de présenter des preuves superfétatoires devant un tribunal. On n'a pas besoin de prouver qu'ils ont bien traité l'enfant. Je comprends que la preuve puisse se limiter à une seule phrase: M. le juge, je suis satisfait que l'enfant a été bien traité. C'est une preuve, si on veut, mais...

M. Bédard: Dans l'esprit de ce contrôle qui a été fait au moment du placement, on peut présumer que ça s'est continué pendant six mois - c'est un peu ça, si je comprends votre point de vue - à moins qu'on n'ait des indications contraires qui viennent d'un rapport que le directeur de la protection ferait.

M. Forget: De toute façon, le tribunal ne prendra jamais l'initiative d'aller voir. Il faut que la preuve lui soit faite. Donc, la preuve va lui être faite par le directeur de la protection de la jeunesse ou par quelqu'un qui s'intéresse à l'enfant et qui va dire au tribunal avec un affidavit: Ecoutez, c'est effrayant, ce qui se passe là. Vous ne pouvez pas donner l'adoption.

M. Bédard: Cela me semble logique.

Le Président (M. Laberge): On le laisse ouvert pour leur permettre de le rédiger en conséquence. L'article 615 est suspendu.

M. Bédard: Je me demande jusqu'à quel point on établit des présomptions là. Il y a une logique qui me semble normale.

M. Forget: Ce n'est pas vraiment une présomption. C'est une façon de formuler l'exigence de preuve, si vous voulez.

M. Bédard: C'est une formulation de l'article. Étant donné toutes les précautions dont on entoure le début du processus, à un moment donné, il va falloir que ça devienne moins compliqué.

M. Forget: Cela indique l'esprit dans lequel l'ordonnance de placement est introduite.

M. Bédard: Peut-être que ça incitera à y mettre même plus d'attention au début du processus; une fois la décision rendue au début du processus, cela va sûrement engager à surveiller...

M. Forget: Le moment de la décision importante est déplacé dans le temps. Au lieu de la faire à la fin, elle est faite au début et elle est contrôlée à la fin.

M. Bédard: On va le suspendre pour rédaction.

Le Président (M. Laberge): L'article 615 est suspendu. J'appelle l'article 616.

M. Bédard: Je tiens pour acquis que, si on arrive avec une rédaction dans le sens demandé, on n'a pas à reprendre la discussion.

M. Forget: On ne recommencera pas deux fois toute l'affaire de cinq jours, de 10 heures à 24 heures, je vous le promets.

M. Bédard: Oui, j'en ai l'impression. Le seul danger qui arrive là-dedans, c'est qu'à un moment donné il y a membres précis de la commission parlementaire qui font la discussion et qui fournissent l'effort nécessaire, mais arrivent des forces nouvelles.

Une voix: Non.

M. Bédard: Non, non, autant d'un côté que de l'autre, remarquez.

M. Forget: Si on avait voulu jouer ce jeu-là, avec 265 articles, on ne serait pas arrivé au dixième, M. le ministre.

M. Bédard: J'en conviens très facilement.

M. Forget: C'est ça.

M. Bédard: Ce n'est pas ce que je voulais laisser entendre.

Le Président (M. Laberge): Article 616?

M. Forget: Le nouvel... Ah, non, ce n'est pas le nouvel article. C'est 616.1.

Le Président (M. Laberge): Oui. À l'article 616, il n'y a pas de changement.

M. Bédard: Non, il n'y a pas de changement.

M. Forget: Adopté pour 616.

Le Président (M. Laberge): L'article 616

est adopté. J'appelle donc l'article 616.1...

M. Bédard: C'est la technique administrative.

Le Président (M. Laberge): ...qui se lit comme suit: "Le tribunal attribue à l'adopté les prénom et nom patronymique choisis par l'adoptant, à moins qu'il ne décide, à la demande de l'adoptant ou de l'adopté, de lui laisser ses prénom ou nom d'origine."

M. Bédard: M. le Président, ce n'est pas un article nouveau. Il existait déjà. C'est simplement qu'il était dans la mauvaise section. On l'a ramené. Il est rapporté là où on traite des actes de l'état civil.

M. Forget: Oui, il me semblait que je l'avais vu aussi, mais j'étais trop paresseux pour aller chercher où.

M. Bédard: II avait glissé dans une autre section.

M. Forget: Bon! Cela me fait penser...

Le Président (M. Laberge): Dans l'article, on dit, à la première ligne, "les prénoms et noms" et, à la dernière ligne, on dit "ses prénoms ou noms". Est-ce que c'est volontaire? C'est l'un ou l'autre ou l'un et l'autre.

M. Bédard: De lui laisser ses prénoms ou noms d'origine.

Le Président (M. Laberge): L'article 616.1, adopté?

M. Forget: Pas trop vite, M. le Président. Ma collègue de L'Acadie a soulevé un cas de changement de nom multiple, d'adoptions successives. Je comprends qu'on se couvre, dans une certaine mesure, en disant "au choix de l'adoptant". L'enfant qui est impliqué dans un troisième divorce ou un deuxième divorce, donc une troisième famille, va être rendu à un âge où il peut exprimer un consentement. Est-ce qu'il veut vraiment changer de nom encore une fois? Et sur le choix du nom, on ne mentionne pas le consentement de l'adoptant ou de l'adopté.

Une voix: II a le droit de demander de conserver son nom d'origine.

M. Forget: Oui.

M. Bédard: II pourrait, surtout s'il a 14 ou 15 ans et qu'il désire garder ce nom...

M. Forget: II est déjà connu à l'école, par ses amis, sous tel nom, il désire garder son nom.

M. Bédard: Ici, on n'a pas mis d'âge, de façon que cela puisse être apprécié.

M. Forget: D'accord, l'adopter et consulter. Cela va. Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 616.1 est adopté. J'appelle l'article 617.

M. Bédard: L'article 617 est technique.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que cela va à l'article 617?

M. Forget: Cela va.

Le Président (M. Laberge): L'article 617 est adopté. Article 618. On remplace l'article 618 par le suivant: "618. L'adoption prononcée en faveur d'adoptants dont l'un est décédé après la présentation de la demande d'adoption produit ses effets à compter de la demande."

M. Forget: Ce n'est pas la demande de placement. C'est la demande de la requête pour le jugement en adoption.

M. Bédard: II peut arriver que les requérants ont présenté leur requête et qu'il y a un décès. Les délais sont très courts. La requête sera accordée peut-être trois semaines ou un mois après. Il y a une certaine rétroactivité qui est faite dans le jugement, c'est évident. Mais il faut dire que les adoptants avaient posé le geste ultime qui était la requête d'adoption.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Laberge): L'article 618, nouvelle rédaction, adopté. On nous demande de supprimer l'article 619.

M. Bédard: Parce qu'on vient, comme on le sait, de le replacer ailleurs.

M. Forget: De le replacer ailleurs.

Le Président (M. Laberge): L'article 619 est biffé. J'appelle l'article 620.

M. Bédard: Ce sont les effets de l'adoption.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 620 est adopté. J'appelle l'article 621.

M. Bédard: Cela va.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 622.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 622 est adopté. J'appelle l'article 623.

M. Bédard: Oui.

M. Forget: Je ne suis pas sûr de comprendre cet article.

M. Bédard: De toute façon, la formulation de cet article est très ardue. Nous avions du mal à comprendre celle proposée par l'Office de révision. Nous avons cherché à y apporter une amélioration. On nous a dit que cela l'avait amélioré, mais que cela le rendait encore un peu difficile de lecture. Il arrive assez fréquemment, dans le cas d'un remariage, que le nouveau conjoint adopte les enfants de l'autre.

Il adopte les siens.

Non, pas les siens. D'accord, les siens. (23 h 30)

À ce moment-là, comme on a donné l'effet, à l'adoption, que cela rompait les liens de filiation, il ne faut quand même pas que cette adoption rompe les liens de filiation en ce qui concerne le conjoint qui a déjà une filiation consanguine avec ses enfants pour une filiation adoptive. C'est un cas classique actuellement et qui est d'application fréquente.

M. Forget: C'est ce que je croyais comprendre, mais, comme il y avait une différence entre la recommandation 328 de l'office de révision et celle-ci, je me suis demandé s'il y avait un désir de...

M. Bédard: Uniquement dans la formulation.

M. Forget: Je dois vous confesser, sans vouloir vous faire de peine, que la formulation de l'office de révision m'apparaît plus claire, parce que "ce conjoint et son enfant", les derniers mots dans le texte de loi, on ne sait plus trop bien à qui cela se réfère, alors que, dans la résolution de l'Office de révision du Code civil, la relation entre l'adopté et le parent dont l'adoptant est le conjoint, cela le désigne assez clairement.

M. Bédard: On n'est pas là pour faire une...

M. Forget: Enfin, je ne veux pas m'ériger en "virguliste". Ce n'est qu'une impression.

M. Bédard: J'avoue que j'ai de la difficulté à m'ériger en juge. Nos experts...

Le Président (M. Laberge): L'article 623 est-il adopté?

M. Bédard: Le contenu est là.

M. Forget: II est adopté, M. le Président. Si jamais on a des remords...

M. Bédard: Voulez-vous le regarder une dernière fois?

M. Forget: C'est cela, je vais regarder une dernière fois.

M. Bédard: Une révision objective de la formulation. Un dernier regard.

Le Président (M. Laberge): Ici, on nous suggère un amendement au titre de la section IV. Remplacer dans l'intitulé de la section IV du chapitre 2, du troisième titre, les mots "De la confidentialité" par les suivants: "Du caractère confidentiel".

M. Forget: Oui, en effet. C'est plus français. "Confidentialité", ce n'est pas français.

Le Président (M. Laberge): Alors, ici "Du caractère confidentiel".

M. Bédard: C'est intéressant, quand même, cette amélioration de la langue française.

Le Président (M. Laberge): À la section IV, le titre se lira: Du caractère confidentiel des dossiers d'adoption. La correction est apportée et c'est adopté comme correction. J'appelle l'article 624, où il y a un amendement de proposé. Remplacer à la deuxième ligne du deuxième alinéa le mot "pour" par les mots "à des fins". Alors, "pour fins d'étude", c'est plutôt "à des fins". Ce n'est pas juste le mot "pour".

M. Bédard: Cela doit être Jacques-Yvan Morin!

Le Président (M. Laberge): Cette correction étant apportée, elle est adoptée. Je vous livre l'article 624.

M. Bédard: La "confidentialité" des dossiers d'adoption est de la plus haute importance, car il s'agit d'empêcher notamment que la famille adoptive ne soit troublée par des réclamations intempestives de la part de la famille d'origine qui risqueraient de compromettre gravement l'équilibre de l'enfant. C'est la raison pour laquelle l'autorisation préalable du tribunal est requise pour la consultation des dossiers à des fins d'étude, d'enseignement, de

recherche ou d'enquête publique.

Le Président (M. Laberge): Article 624, adopté. L'article 625.

M. Forget: C'est du droit nouveau. C'est fort intéressant et je l'approuve, bien sûr. Je l'avais recommandé et je suis tout à fait d'accord avec cela.

Le Président (M. Laberge): Article 625, adopté.

M. Bédard: C'est agréable d'être logique.

M. Gosselin: J'aurais une question pour la compréhension. "Si ces derniers y ont préalablement consenti". À quel moment veut-on qu'on y ait préalablement consenti? Est-ce qu'il n'y a pas une ambiguïté dans la formulation? "L'adopté majeur a le droit d'obtenir les renseignements lui permettant de retrouver ses parents, si ces derniers y ont préalablement consenti."

M. Bédard: Si ses parents ont obtenu les renseignements qui vont permettre d'établir le lien avec les parents d'origine ou avec l'adopté. En d'autres termes, ce qui est recherché par la règle, c'est que les personnes qui veulent établir un lien avec l'enfant qu'elles ont confié pour adoption, ou les adoptés avec leurs parents d'origine, doivent déposer un consentement à cette fin. Sur la base de ces consentements déjà déposés, les liens pourront être faits pour permettre le contact ou établir le lien entre les deux.

M. Gosselin: Pour que la personne qui veut retrouver sa mère puisse effectivement avoir accès à des renseignements, il faudrait que sa mère ait posé le même geste.

M. Bédard: Ait posé le même geste.

M. Gosselin: Pour tous les cas d'enfants et de parents qui se cherchent - il y a un problème assez dramatique qui se révèle à un certain âge et qui est de plus en plus fréquent d'enfants qui cherchent leurs parents - n'y aurait-il pas lieu d'avoir un processus d'information pour que les gens soient informés qu'ils peuvent faire un dépôt? Je suppose qu'il pourrait y avoir une offensive dans ce sens. Ils pourraient faire un dépôt aux CSS à un moment, leur permettant de s'indentifer comme étant en quête de leur enfant.

M. Bédard: Je pense qu'il le faudra, et le jour où cette information sera faite, les gens qui le veulent iront déposer leur consentement et ensuite les contacts pourront s'établir.

M. Gosselin: Je trouve cela très intéressant, très important.

Le Président (M. Laberge): L'article 625 étant adopté, du consentement unanime des membres, la commission parlementaire de la justice, qui étudie le projet de loi no 89, ajourne ses travaux à lundi, 16 heures, au salon rouge.

Cette commission ajourne ses travaux.

(Fin de la séance à 23 h 37)

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