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(Quatorze heures cinquante minutes)
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et
messieursl
La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux concernant
le projet de loi 89, Loi instituant un nouveau Code civil et portant
réforme du droit de la famille.
Les membres de la commission pour aujourd'hui sont: M. Bédard
(Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis) remplacé par M. Mathieu
(Beauce-Sud); M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Charbonneau
(Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent),
M. Guay (Taschereau) remplacé par M. Gosselin (Sherbrooke): Mme
LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. Marquis (Matapédia).
Sont inscrits comme intervenants: M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M.
Desbiens (Dubuc), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lacoste (Sainte-Anne), M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) remplacé par M. Lalande (Maisonneuve); M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M.
Pagé (Portneuf) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).
Comme nous l'avons déjà mentionné, le rapporteur
pour la commission est Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine).
De la société d'acquêts
(suite)
M. le ministre, nous en étions arrivés, hier, à
l'étude de l'article 487 auquel on a apporté des amendements.
L'article 487 a été remplacé par un nouvel article 487 et
un article 487.1. Nous avions suspendu ces deux articles.
M. Bédard: Nous avions suspendu nos travaux étant
donné l'heure. Je crois que le député de Saint-Laurent
avait quelques autres questions à poser.
M. Forget: Je n'avais pas de question à poser, M. le
Président, j'avais simplement souligné qu'étant
donné le caractère peut-être un peu ardu de l'article,
avant d'en faire une adoption finale, on pourrait se donner jusqu'à ce
matin, effectivement cet après-midi. Mais non, je n'ai pas d'autre
remarque à faire, si ce n'est peut-être une seule qui est relative
au troisième alinéa de l'article 487.
Les primes de rachat ou de remboursement anticipé de valeurs
mobilières propres à l'un des époux lui restent propres
sans récompense. Il y a là un choix qui évidemment a
été fait, qui est fait clairement dans l'article, mais qui
revêt un certain caractère d'arbitraire, parce qu'il est clair que
ces primes, même si elles peuvent être considérées
à juste titre comme des éléments de capital, constituent
un exemple par excellence de ce qu'on appelle, en langage financier, une
capitalisation d'un revenu ou d'un différentiel de revenu. À ce
moment, la distinction entre capital et revenu perd de sa valeur dans une large
mesure. Je pense qu'on doit peut-être seulement mentionner ici, quoiqu'il
s'agisse d'éléments capitalisés - c'est du revenu
capitalisé - qu'on aurait tout aussi pu conclure qu'il s'agissait
d'acquêts plutôt que de propres. Mais ce n'est que pour le
mentionner que j'en fais mention ici. Je pense que les deux solutions sont
arbitraires dans une certaine mesure. Comme ces primes se rattachent à
la valeur d'actifs qui sont des propres, sans controverse possible, c'est une
solution qui ne répugne pas sur un plan conceptuel, sur un plan
intellectuel, encore que, comme je l'indiquais tout à l'heure, ça
paraisse être un élément assez arbitraire de choix. Mais je
n'ai pas l'intention de m'y opposer comme tel, parce que je n'ai pas d'argument
qui me vienne à l'esprit qui militerait en faveur d'un renversement de
ce choix.
M. Bédard: II y avait deux voies à prendre, si on
veut aller dans des voies très précises et, de toute
façon, ça aurait été un peu de l'arbitraire, qu'on
prenne l'une ou l'autre. Il y a un choix qui a été fait.
J'ajouterais que, là-dessus, nous avons somme toute reproduit la
décision de 1969, lors de l'étude de l'article 1266k, parce que
les propres, c'est sûr, c'est une décision d'un caractère
arbitraire. On nous dit c'est un numerus casus, c'est-à-dire qu'on
décide. Dans le cas des acquêts c'est une présomption, mais
dans le cas des propres, il faut que la loi soit claire à ce sujet.
C'est le parti qui avait été décidé en 1969. Il n'a
été que repris.
M. Forget: Je n'ai pas d'autres
remarques à faire sur ces deux articles.
Le Président (M. Laberge): L'article 487, nouvelle
rédaction, adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 487.1
est-il adopté? Adopté. J'appelle l'article 488.
M. Bédard: L'article 488 reprend l'article 1266 1 du Code
civil. L'expression "propriété intellectuelle et industrielle" a
été préférée à "oeuvres de l'esprit"
proposée par l'Office de révision du Code civil dans son article
90. En effet, dans le contexte de la loi française du 11 mars 1957 qui a
inspiré l'Office de révision du Code civil, l'expression "oeuvres
de l'esprit" réfère à la propriété
littéraire et artistique et non à la propriété dite
industrielle. D'autre part, les lois canadiennes sur les droits d'auteurs, les
brevets et les dessins industriels n'utilisent ni ne définissent
l'expression "oeuvres de l'esprit" comme le fait la loi française du 11
mars 1957. L'utilisation de la terminologie de la loi française serait
donc prématurée. La doctrine étant divisée sur la
portée de l'article 1266 1 du Code civil, il est prudent d'attendre les
premières interprétations judiciaires avant de modifier
l'article. Cela reprend l'article.
M. Forget: Excusez-moi, M. le Président, j'aurais une
remarque à faire, mais j'ai une vérification.
M. Bédard: Là-dessus, je crois que nous n'avons pas
eu de remarques de la Chambre des notaires. Non.
M. Forget: Le ministre a dit qu'il y avait une controverse
à ce sujet.
M. Bédard: Et parce que ce n'est pas encore
déterminé, nous préférons avoir la prudence de
garder le texte actuel essentiellement.
Comme il a été indiqué, les lois canadiennes sur
les droits d'auteurs, les brevets et les dessins industriels - et on sait qu'il
y a là compétence fédérale, en tout cas, pour
partie - n'utilisent pas l'expression "oeuvres de l'esprit". Dans le Code civil
français, la loi de 1957 utilise "oeuvres de l'esprit", mais en en
définissant le contenu, en l'étendant à la
propriété littéraire et artistique et non à la
propriété dite industrielle. Les concepts chez nous ne sont
peut-être pas encore suffisamment définis à cause des
juridictions, d'une part, et à cause aussi de certaines incertitudes
jurisprudentielles; il nous paraissait que c'était peut-être un
peu délicat d'introduire, en tout cas, dans le Code civil cette
expression sans, à tout le moins, la définir aussi. Et en la
définissant, il y aurait peut-être aussi un problème de
compétence qu'on pourrait soulever également entre le
fédéral.
M. Forget: Si je comprends bien, la solution qui est
adoptée n'affecte en rien la distinction entre les propres et les
acquêts.
M. Bédard: Non.
M. Forget: II s'agit simplement de se questionner sur
l'applicabilité au Québec d'une expression qui n'a pas
reçu droit de cité ici. Pour ce qui est de la distinction entre
les propres et les acquêts, est-ce que cette distinction relativement
à la propriété intellectuelle a fait l'objet de
représentations, de difficultés ou même de
contestations?
M. Bédard: Non, pas sur le plan de savoir si c'est propre
ou acquêt. C'est plutôt sur le plan de l'extension, si vous voulez,
du contenu potentiel des expressions utilisées.
M. Forget: Lorsqu'on a étudié un article
précédent qui énumérait les propres, on a
d'ailleurs précisé que lorsqu'il s'agit de contrats d'assurance,
les indemnités qui sont payées en vertu de contrats d'assurance
sont considérées comme des propres, et c'est le principe auquel
on a fait allusion à l'époque. Il s'agissait là, en
quelque sorte, de compenser la perte d'une capacité de gagner qui est un
élément de capital humain, si on veut, d'un des conjoints. (15
heures)
Lorsqu'on pense à la capacité de produire des oeuvres
littéraires ou artistiques, il y a aussi un élément de
capital humain et c'est reconnu, bien sûr, en disant que "les droits de
propriété intellectuelle et industrielle sont propres".
Cependant, quand on songe à la façon dont est
rémunéré le produit d'une activité intellectuelle
ou artistique, ça peut faire l'objet d'une vente de droits d'auteur et,
à ce moment-là, on doit comprendre que, si un auteur vend ses
droits globalement après la production d'une oeuvre ou vend son
copyright, à ce moment-là, c'est un propre. S'il accepte,
cependant, d'être payé sous forme de royautés, en quelque
sorte, sur la production ou la reproduction d'une oeuvre, etc, ça
devient un acquêt.
C'est un peu curieux parce que, dans le fond, c'est une question de
convenance fiscale. Il s'agit toujours de l'épuisement en quelque sorte
ou de la liquidation économique ou financière de cette
capacité qui est ordinairement limitée. Quand on pense aux
copyrights qui sont limités à 17 ans après leur
enregistrement, qu'on reçoive une somme globale au début ou qu'on
reçoive pendant 17 ans 17 versements annuels en
quelque sorte, on peut se dire que c'est la même chose. Comment se
fait-il que, dans un cas, c'est un propre et, dans l'autre cas, c'est un
acquêt?
M. Bédard: II y a peut-être certaines distinctions
de caractère assez subtil aussi à indiquer. À l'article
488 du projet, je crois qu'il faut comprendre qu'il y a non seulement les
revenus qui proviennent de l'exploitation des droits, mais également les
produits. Quand on parle d'interprétation jurisprudentielle, les
produits, les revenus sont-ils les prix de vente des droits comme tels et les
revenus sont-ils des royautés? Il semble bien que tout ça est
acquêt.
Par ailleurs, au sujet des indemnités d'assurance, je pense qu'il
y a une distinction assez importante à faire entre l'article 484 pour ce
qui est des pensions dites d'invalidité ou de quelque autre avantage de
même nature et l'article 485 qui parle des indemnités pour
atteinte à la personne. En d'autres termes, il semble que la
portée de l'article 485, en ce qui concerne les atteintes à la
personne, vise vraiment les sommes qui sont données,
généralement à titre forfaitaire pour compenser la perte
d'un membre, la perte d'un oeil, etc., ce qui est autre chose que la perte de
la capacité de gagner le revenu, parce que le revenu est toujours
acquêt.
Donc, s'il y a une indemnité - c'est assez ventilé par le
tribunal - pour invalidité, si la capacité de travailler est
réduite de 10%, 20% ou 30%, l'indemnité est acquêt. Celle
qui n'est pas acquêt, pensons au cas d'un paraplégique, par
exemple, qui, pour retrouver sa capacité de mouvement, a droit à
une indemnité qui lui permet de se procurer des prothèses qui lui
permettent de retrouver son mouvement. C'est strictement propre. Ce qui touche
à sa capacité de gain pour l'avenir fait partie des
acquêts.
Cette nuance étant faite entre les deux types d'indemnité,
aux articles 484 et 485, en revenant à l'article 484, je pense que c'est
peut-être là que tout n'est pas parfaitement clair. Les produits
et revenus semblent englober non seulement les royautés, mais
également les redevances, prix de vente ou autres. Ce n'est pas un
article qui a reçu actuellement ce qu'on appelle une
interprétation fixée, décisive ou finale. Ce n'est pas
fait. C'est un article assez récent, il faut le dire; il a
été adopté en 1969. On n'a pas pensé y toucher.
M. Forget: II semble bien que rien ne soit plus personnel que le
produit financier de ce qui découle d'une activité intellectuelle
ou artistique. Je ne suis pas sûr que la distinction qu'on peut faire
entre des revenus et des versements en capital relativement à ces
activités a la même solidité que dans d'autres domaines
d'activités économiques. Comme c'est tellement lié
à la personne et comme le sujet se pose avec de plus en plus
d'intérêt au Québec et un peu partout, la question du droit
d'auteur... Il y a d'ailleurs eu un livre blanc qui a été
publié par un collègue du ministre de la Justice cette semaine
sur le sujet du droit d'auteur. C'est une question qui a été
négligée, je pense, dans notre législation au
Québec depuis tellement longtemps que, mon Dieu, je pense que la
question n'est certainement pas déplacée et, si on devait donner
au droit d'auteur plus d'importance à l'avenir, il est peut-être
d'autant plus important de prévoir plutôt que d'attendre qu'un
certain partage soit fait et qu'on vienne en quelque sorte bouleverser des
habitudes après coup.
M. Bédard: II faut dire qu'il n'y a pas beaucoup de
littérature. Vous faites mention d'un ouvrage récent, mais il n'y
a pas beaucoup de doctrine éclairante sur la question
présentement.
M. Forget: Bon, à moins que le ministre n'ait de "second
talks" comme on dit en anglais, je n'ai pas d'objection à l'adopter.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 488 est
adopté. J'appelle l'article 489.
M. Bédard: Ça reprend l'article 1266m du Code civil
sous réserve de la modification de rédaction qui ne touche pas au
fond comme tel. C'est l'article clé du régime.
M. Forget: Ces biens-là ne sont plus-Non, c'est l'article
suivant.
M. Bédard: Ils sont présumés acquêts,
à moins qu'il ne soit établi que c'est un propre. C'est la
présomption...
M. Forget: Ils ne sont plus présumés être
indivis s'ils sont acquêts.
M. Bédard: Oui, ça viendra plus tard dans un autre
article, la présomption...
M. Forget: C'est ça, c'est l'article suivant.
M. Bédard: Oui, cet article 489 répond
peut-être aussi partiellement à la question qui a
été posée hier soir, à savoir quand on
achète un billet de loterie, je parle dans l'état actuel du
droit, qu'en est-il? Le bien est présumé acquêt et
certainement ce qui en découle également, c'est-à-dire le
million quand on le gagne. Mais la preuve à faire est difficile dans le
cas d'un billet de loterie que les $10 ou les $5 employés étaient
un
propre. C'est une preuve sans doute assez difficile à faire, mais
s'il était un propre, tout s'ensuivrait également, possiblement.
Je dis bien possiblement parce que, là-dessus, là aussi on n'a
pas une jurisprudence qu'on peut invoquer fortement à l'appui de nos
prétentions, mais l'économie du régime.
M. Mathieu: C'est surprenant que le produit d'un billet de
loterie puisse être un acquêt par la force de la
présomption, à cause des sommes impliquées et à
cause de l'étendue des procès qui vont découler de
ça. Imaginez-vous des époux séparés de fait, sans
aucun jugement en séparation de corps. L'épouse ou l'époux
prend un billet de loterie, gagne le million alors qu'ils sont en instance de
divorce. L'autre époux va avoir la demie du produit du billet.
Imaginez-vous qu'ils vont sûrement faire jurisprudence en Cour
supérieure, en Cour d'appel ou en Cour suprême. Il me semble que
ce serait si simple, dans un cas semblable, d'énoncer une protection de
propre comme on l'a fait à l'article 481, l'ajouter tout simplement.
M. Bédard: Un cas semblable peut être en
matière d'indemnité payée à la suite, disons, d'un
décès accidentel. Vous pouvez, pour une prime minime - c'est
relatif - avoir une couverture d'assurance assez importante à l'occasion
d'un voyage, par exemple, en autobus ou en avion et, si le paiement a
été fait avec des acquêts, c'est la présomption qui
est faite. L'indemnité sera aussi acquêt et il n'y a pas non plus
là de... C'est un cas assez semblable et les dispositions que nous avons
adoptées en font aussi des acquêts.
M. Forget: II reste que, dans le cas d'une instance de divorce,
la cour peut juger que la communauté a cessé au moment du
début de l'instance, ce qui veut dire que, si l'événement
se situe après le début de l'instance, le tribunal a la
discrétion de déterminer le moment où la
société d'acquêts est dissoute.
Une voix: ...
M. Forget: On essaie de la lire entre les séances.
M. Bédard: D'accord. L'article 489 est adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 489 est
adopté. J'appelle l'article 490.
M. Bédard: Article 490. Cet article modifie l'article
1266m du Code civil qui porte à faux. En effet, l'article 1266m du Code
civil et l'article 489 proposé présument acquêt tout bien
à moins qu'il ne soit établi qu'il est un propre, mais si le bien
qualifié d'acquêt ou de propre n'est pas propriété
exclusive d'un époux, là, une présomption d'indivision
entre les époux est utile. Donc, ce qui porte à faux dans
l'article 1266m du Code civil, c'est de présumer acquêt indivis un
bien propre sur lequel un époux ne peut justifier une
propriété exclusive parce qu'il l'a reçu par succession
avec son conjoint ou parce qu'il l'a acquis en remplacement d'un propre avec
son conjoint. C'est pourquoi la présomption d'acquêt indivis de
l'article 1266m du Code civil a été abandonnée. L'article
490 est conforme à la proposition de l'Office de révision du Code
civil sous réserve du rétablissement du mot "exclusivement" que
l'article 92 a laissé tomber par mégarde, mais que le commentaire
sous le même article a récupéré.
M. Forget: Ce qui veut dire que les biens en question peuvent
être des propres indivis.
M. Bédard: En réalité, avec l'article 489
qu'on vient d'adopter, tous les biens sont présumés acquêts
à moins qu'on ne prouve qu'ils soient propres. Donc, le problème
ne se pose pas de savoir si c'est un propre ou un acquêt puisque la
présomption permet d'en disposer de façon complète sauf
qu'il peut arriver qu'on ait un bien acquêt qu'on possède par
indivis avec un autre et cet autre pourrait être le conjoint
également. En d'autres termes, rien n'empêche les conjoints
d'utiliser chacun ses acquêts pour acheter un bien indivis. Exemple, la
propriété qui est achetée en copropriété par
les époux mariés en société d'acquêts et qui
utilisent chacun ses acquêts pour l'acheter.
Une voix: ...
M. Bédard: Non, qui utilisent chacun ses acquêts
pour acheter l'immeuble en copropriété. Ici, on dira qu'à
défaut de faire la preuve d'un propre c'est un acquêt et ça
va très bien. C'est un bien acquêt dans les deux cas pour chacun
des époux et, en plus de ça, aucun n'a la propriété
exclusive, mais ils pourraient aussi prendre chacun ses propres et faire
l'achat d'une copropriété en indivision et là, dès
qu'ils feront la preuve que c'est un propre, on élimine donc la notion
d'acquêt, mais ils ne peuvent pas faire l'un et l'autre la preuve que
c'est une propriété exclusive. Puisqu'ils sont en indivis dans
les propres, ils peuvent être également en indivis dans les
acquêts. C'est un peu difficile. On voit que même les
spécialistes du droit ont du mal à se fixer là-dessus,
mais il me semble que découlent de nos règles les applications
que je viens de mentionner.
M. Forget: Donc, la société d'acquêts peut
donner naissance à quatre catégories de
biens ou à quatre patrimoines... M. Bédard: Oui.
M. Forget: ...un propre exclusif pour chacun des conjoints, un
propre indivis, un acquêt exclusif et un acquêt indivis.
M. Bédard: Mais seulement ça ne multiplie pas,
comme certains le disent, les masses. Il restera deux masses dans chacun. Il
n'y aura pas une cinquième masse de biens. Il y aura quand même
deux masses sauf qu'il y aura des propres indivis et des propres exclusifs. Il
y aura des acquêts indivis et des acquêts exclusifs. Il nous semble
que le régime nous conduisait à des applications de cette
nature.
Le Président (M. Laberge): L'article 490 est-il
adopté?
M. Forget: Oui, adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 491.
De l'administration des biens et de la
responsabilité des dettes
M. Bédard: Concernant la section de l'administration des
biens et la responsabilité des dettes, l'article 491 reproduit
textuellement la première règle de l'article 1266o du Code civil
en spécifiant que chaque époux a l'administration, la jouissance
et la libre disposition de ses biens propres et de ses acquêts,
règle générale.
M. Forget: Au sujet de cette règle, on a vu qu'il y avait
une règle à peu près correspondante en cas d'absence d'un
des conjoints. Ce sont des règles générales qu'on a vues
précédemment. En cas d'absence d'un des conjoints ou d'abandon,
le conjoint restant peut se faire décerner par le tribunal un mandat
judiciaire d'administration. On a vu qu'il y avait la clause traditionnelle
à savoir que ce mandataire judiciaire ne devait pas rendre compte, sauf
du solde restant ou après mise en demeure, mais que jusqu'à mise
en demeure, il avait la discrétion la plus absolue. (15 h 15)
Dans le fond, l'article 491 reproduit la même notion. Dans la
communauté d'acquêts, chacun des conjoints a la pleine
administration, la pleine jouissance de ses biens propres et de ses
acquêts. D'accord, il n'y a pas de problème là. Mais
lorsqu'il administre ses acquêts, dans le fond, il est dans la même
situation que l'administrateur d'une communauté de biens. Plusieurs
fois, au cours de nos débats, on a soulevé le problème du
conjoint qui dilapide ses acquêts et qui, malgré tout, pourra
partager les acquêts de l'autre, à supposer que l'autre soit un
bon administrateur. Je me demande si les réserves que nous avons eues,
qui nous ont d'ailleurs amenés à suspendre l'adoption
définitive de cette clause d'irresponsabilité du mandataire
judiciaire ne devraient pas nous amener à réfléchir
à ce que cette libre disposition de ses acquêts par chacun des
conjoints ne souffre aucune exception.
J'imagine qu'à la limite, si on pouvait prouver mauvaise foi,
malice, intention de nuire, etc., peut-être qu'on nous dira que... sujet
à faire une preuve très difficile de mauvaise foi et d'intention
malicieuse, à part cela, dans le fond, il n'y a aucun recours. Je ne
suis même pas sûr qu'il y a une obligation de rendre compte lors de
la dissolution. On dit: Voici ce qui reste. C'est tout.
Je me demande si, dans des relations de confiance... Je comprends qu'on
doit présumer de la confiance entre les conjoints tant que la
communauté dure, mais si elle disparaît à un moment
donné, avant qu'on puisse briser la communauté, obtenir un
jugement, il peut se passer bien des choses. Ce qui est le plus odieux, ce
n'est pas tellement qu'on sanctionne l'irresponsabilité d'un des
conjoints, c'est qu'on lui permet, à ce moment-là, de profiter de
la responsabilité de l'autre. C'est assez extraordinaire, il me
semble.
M. Bédard: C'est peut-être un peu pour cela qu'on a
retenu hier l'article 477, qu'on ne l'a pas fermé, pour ce qui est des
fruits. Il est toujours ouvert. Il y a là peut-être un
problème...
M. Forget: C'est peut-être une des choses qui peut retenir
les gens à adopter plus spontanément la communauté
d'acquêts. Cette notion que chacun, quant à lui, administre la
totalité de ses biens, même les biens qui seront
considérés par la loi comme communs, cela donne toute la
liberté de la séparation et en plus, à l'autre conjoint,
cela donne l'obligation de partager dans ce qu'il administre lui-même.
Subjectivement parlant, ce n'est peut-être pas tellement attrayant.
M. Bédard: II y a quelques restrictions cependant. Il y a
toujours le danger de dissiper carrément les acquêts pour un des
conjoints. Il ne peut cependant pas en disposer à titre gratuit sans ce
consentement de l'autre conjoint. J'imagine que cette disposition a
été voulue pour éviter...
M. Forget: C'est le cas le plus flagrant. On prend ses
acquêts et on les donne à quelqu'un d'autre.
M. Bédard: ... une situation qui prend complètement
par surprise et qui ne peut pas être corrigée, dans le cas de la
donation, par
exemple. Dans le cas de quelqu'un qui dissipe ses biens, à moins
d'en avoir très peu, pour peu qu'il y en ait d'une façon
raisonnable, cela ne peut pas se faire dans la même journée quand
même. L'autre conjoint a comme une certaine lumière rouge qui
s'allume à ce moment-là, en termes de responsabilité pour
la protection de ses propres acquêts et il peut aussi poser des
gestes.
Mme Lavoie-Roux: Une des raisons qui pourrait survenir comme
étant une cause de la séparation ou de la dissolution de la
société d'acquêts serait-elle justement
l'irresponsabilité? Il reste quand même qu'au moment du partage,
même si cela a pu être la raison principale de la séparation
ou du divorce, il va profiter des fruits. Cela peut même être la
cause.
M. Bédard: Le problème des fruits, je pense que
nous l'avons retenu, parce qu'il y a quelque chose là, sauf que
l'article 477 dit bien qu'il faut rendre compte, cependant, du capital. Donc,
l'administrateur ne pourrait pas dilapider les acquêts qu'il a sous
administration. Évidemment, il peut dilapider ses propres acquêts.
C'est en vertu des règles du régime. Mais quand il a
l'administration des biens de son conjoint en vertu de l'article 477...
Mme Lavoie-Roux: Non...
M. Bédard: ...sauf que les fruits, il n'en rendait pas
compte, en vertu de l'article qui était proposé. Je pense qu'il y
a quelque chose à corriger là, peut-être.
Mme Lavoie-Roux: Je crois que c'est au moment du partage. Cela se
comprend. Il n'a pas le droit de mal administrer les acquêts de son
conjoint, si cela lui a été confié par mandat de son
conjoint. Mais, dans le cas où lui-même est responsable
vis-à-vis de ses propres acquêts, la séparation a lieu, si
je comprends, il a droit au partage des acquêts.
M. Forget: Le comportement d'un conjoint vis-à-vis de ses
propres acquêts devrait probablement être opposable par l'autre
conjoint relativement au partage de ses acquêts à lui et à
ses ayants droit.
M. Bédard: ...contrôle de cela, de mauvaise
administration aussi. Il ne faut pas qu'on ait dans le mariage...
On a fait beaucoup d'hypothèses à propos de ce que vous
soulevez. Moi, j'avoue que j'y ai longuement réfléchi, parce que
cela m'ennuyait également, mais on n'est pas arrivé à...
En définitive, toutes sortes de situations vont se présenter.
Quelqu'un a des acquêts de $50,000, disons, et il fait des placements
imprudents, peut-être. Il prend des risques plus grands que d'autres et,
finalement, il perd ses acquêts, pas nécessairement...
Mme Lavoie-Roux: II n'est pas de mauvaise foi.
M. Bédard: Non, mais la mauvaise foi, c'est difficile.
C'est de la négligence dans l'administration. Ce n'est pas de la
mauvaise foi nécessairement, parce que la mauvaise foi, c'est
peut-être plus que cela. Alors, il perd ses acquêts. L'autre qui
n'a pas pris de risques, qui a tout placé sur des obligations qui sont
sûres, il retrouve tout son capital avec des intérêts
accrus, évidemment, il augmente. Il y a toutes sortes de situations. Il
y a celui qui les dépense. C'est la liberté d'administrer que la
liberté de dépenser.
M. Forget: ...joue au cartes et l'autre qui les investit
prudemment... Celui qui les a jouées partage éventuellement les
économies de l'autre qui ne les a pas jouées. C'est
agaçant.
Mme Lavoie-Roux: On ne pourrait pas y introduire un
élément de preuve de responsabilités?
M. Bédard: Ils ne nous ont recommandé rien de
particulier. Le projet a fait l'objet d'une réforme importante en 1969.
Les experts du temps, qui étaient vraiment des experts, ont
analysé, j'imagine, assez profondément ce régime, n'ont
rien trouvé de plus et nous n'avons rien trouvé de plus. Je
lisais les commentaires de M. Caparros, qui est quand même un professeur
qui, en matière de régimes matrimoniaux, connaît fort bien
cette matière. Il ne semble pas facile de trouver une réponse du
type de celle qu'on recherche et qu'on souhaiterait dans ce domaine. Cela
existe peut-être, mais ce n'est pas trouvé par les juristes.
M. Forget: Nous n'avons pas de suggestions avec un libellé
précis, mais nous allons certainement y réfléchir.
Le Président (M. Laberge): Article 491, adopté.
Article 492.
M. Bédard: Sur l'idée générale, on
verra. Je pense qu'on peut continuer la réflexion. Je crois qu'on est
animé de la même façon...
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Bédard: ...comme bien d'autres avant nous.
Le Président (M. Laberge): À l'article 492, on nous
recommande, au deuxième
alinéa, de changer le mot "cet" devant le mot "acte" par "un
tel". Est-ce que cet amendement est adopté? C'est afin de dire:
"à passer seul un tel acte", etc. Adopté.
M. Bédard: Je ne crois pas que cela pose un
problème.
Le Président (M. Laberge): Non, c'est pour
préciser.
M. Bédard: C'est une première barrière
à la préoccupation que nous évoquions tout à
l'heure: au moins que ce soit très clair qu'il ne puisse en disposer
à titre gratuit, avec l'effet de surprise que cela représente.
D'accord?
Une voix: Adopté.
Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qui arrive s'il en dispose?
M. Bédard: C'est la nullité. Mme Lavoie-Roux:
La nullité.
M. Bédard: Opposable de façon absolue aux
tiers.
M. Forget: Parce que c'est à titre gratuit.
M. Bédard: Parce que c'est à titre gratuit et que
les tiers ici doivent être prudents quand il s'agit de titres gratuits.
Il n'y a pas de contre-prestation, il n'y a pas de remise en état, il
n'y a pas de risque; ils reçoivent. Ils peuvent être
appelés à remettre ce qu'ils ont reçu.
Mme Lavoie-Roux: Et si cela a été
dissipé?
M. Bédard: Cela n'a pas d'importance. Ils doivent
rendre...
Mme Lavoie-Roux: Ils doivent le rendre.
M. Bédard: ...l'équivalent en
dommages-intérêts. En équivalent.
M. Forget: C'est un cas où il faut regarder un cheval
donné.
M. Bédard: II faut regarder la bride.
M. Forget: II faut regarder la bride du cheval donné dans
ce cas.
Mais s'il y a insolvabilité...
Mme Lavoie-Roux: Quand on reçoit un cadeau, il faut
s'informer s'il est en société d'acquêts.
Le Président (M. Laberge): Article 492 adopté tel
qu'amendé. Article 493?
M. Bédard: II y a des corrections de forme.
M. Forget: C'est la même correction qui intervient
partout.
M. Bédard: C'est cela. Subsidiaire au lieu de
subrogé.
M. Forget: Au risque d'exposer notre ignorance, j'aimerais qu'on
nous explique cette substitution une fois parce...
Mme Lavoie-Roux: Pour moi, en tout cas.
M. Forget: ...que je ne suis pas sûr de la saisir.
Mme Lavoie-Roux: Cela me fait plaisir que tu en parles.
M. Bédard: La subsidiarité c'est ce qui vient en
deuxième lieu, enfin qui vient en un lieu après. Alors, on a
déjà un propriétaire de la police qui peut dire
qu'à son décès il veut que le propriétaire de la
police en soit un autre. De même, quand on est bénéficiaire
désigné, on peut établir des bénéficiaires
successifs; donc, sur la tête d'un premier et sur la tête d'un
deuxième. Quand on arrive au deuxième, c'est par
subsidiarité simplement. En d'autres termes, c'est à
défaut du premier que le deuxième simplement peut
bénéficier.
M. Forget: C'est le deuxième par le fait même.
M. Bédard: II n'y a pas de subrogation. L'expression
"subrogé" qui avait été, dans le temps, utilisée
paraît assez incorrecte en droit parce que la subrogation personnelle ou
la subrogation réelle réfère à des notions en droit
qui sont différentes de celle que voulait exprimer l'idée de
subsidiarité dans l'assurance. Cela va?
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Laberge): La correction au mot
"subsidiaire" est adoptée.
À la troisième ligne du premier alinéa, on nous
demande d'ajouter une virgule après le mot "personnes" et de supprimer
les mots "ou comme bénéficiaire". Je vais voir s'il y a d'autres
corrections. On enlève "ou comme bénéficiaire". À
la deuxième ligne du deuxième alinéa, il s'agit de
remplacer les mots "à même" par le mot "avec". C'est tout pour
cela.
L'article 493 se lira comme suit: "L'article 492 ne limite pas le droit
d'un époux de désigner un tiers comme
bénéficiaire ou propriétaire subsidiaire d'une
assurance de personnes, d'une pension de retraite ou autre rente. Aucune
récompense n'est due en raison des sommes ou primes payées avec
les acquêts si la désignation est en faveur du conjoint ou des
enfants de l'époux ou du conjoint." Est-ce que l'article 493 est
adopté avec les trois amendements que j'ai
énumérés?
M. Bédard: M. le Président, il s'agit d'amendements
de concordance comme on peut le voir. L'article reprend essentiellement
l'article 1266p du Code civil.
Le Président (M. Laberge): Adopté tel
qu'amendé. Article 494? Au deuxième alinéa de l'article
494, on nous demande de remplacer les chiffres "446 et 447" par "447 et
448".
M. Forget: Cela va être un éclaircissement au
Barreau.
Le Président (M. Laberge): La correction est
apportée et adoptée. Est-ce qu'il y a des commentaires sur
l'article?
M. Bédard: Je n'ai pas d'autres commentaires.
Le Président (M. Laberge): Adopté tel
qu'amendé.
M. Forget: Non. Pas trop vite.
Le Président (M. Laberge): Un moment. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Le premier paragraphe ne pose pas de
difficultés. On dit que "chacun des époux est tenu, tant sur ses
biens propres que sur ses acquêts, des dettes nées de son chef
avant ou pendant le mariage." Evidemment, on introduit la réserve dans
le deuxième alinéa qu'il n'est pas tenu des dettes nées du
chef de son conjoint, ce qui est le corollaire, sauf dans la mesure où
le conjoint encourt des dettes pour subvenir aux besoins courants du
ménage selon les articles 447 et 448. (15 h 30)
Cet article, même s'il n'en parle pas spécifiquement, peut
donner ouverture une nouvelle fois. J'y ai réfléchi à
nouveau et, à la suite de notre discussion d'hier, il y a tout le
problème, me semble-t-il, de l'entreprise professionnelle, commerciale
ou industrielle et de la façon qu'elle intervient dans la
communauté d'acquêts. Cet article, qui parle des dettes
nées du chef d'un des conjoints, donne ouverture, évidemment,
à poser la question que, parmi ces dettes, il y a les dettes
d'entreprise. Les dépenses qu'un individu fait peuvent se diviser - pour
les fins de la discussion, en gros, si vous voulez - en deux grandes masses: la
catégorie des dépenses personnelles et la catégorie de
dépenses qu'il encourt à titre d'entrepreneur ou de professionnel
ou de commerçant.
Ce qu'on dit dans le premier alinéa, c'est que ces dettes sont
ses dettes à lui, mais, dans une certaine mesure, dans la mesure
où ce sont les dettes de ses acquêts, ce sont aussi, d'une
façon indirecte, les dettes de son conjoint. Dans le cas des
dépenses personnelles, je pense que cela fait partie de la notion de
communauté, mais on peut se demander s'il est juste et raisonnable que
la communauté, que les charges de la communauté et les charges
des acquêts s'étendent aux dettes engendrées pour des
activités professionnelles, commerciales, industrielles,
professionnelles ou autres non incorporées, bien sûr.
Il semblerait - je reviens à la charge là-dessus - plus
approprié que les activités commerciales: À moins qu'elles
ne soient elles-mêmes des activités de communauté ou du
ménage, si les deux ont une entreprise non incorporée qu'ils
administrent indivisément, de façon indivise, là, c'est
autre chose. La communauté s'élargit, elle prend une dimension
commerciale, industrielle ou professionnelle. Mais si ce n'est pas le cas, il
semble déraisonnable, en grevant les acquêts d'un des conjoints,
de grever la communauté.
J'ai eu beau regarder l'ensemble des articles sur l'administration des
biens et la responsabilité des dettes, dans le fond, je pense qu'il faut
conclure, de la lecture de tous ces articles - c'est l'impression que j'ai
toujours eue d'ailleurs de la communauté d'acquêts - ce n'est pas
tellement qu'elle règle le problème de façon discutable,
mais elle semble laisser ce problème de côté. Cela produit
peut-être des situations un peu paradoxales: si cette entreprise non
incorporée verse un salaire au deuxième conjoint, ce salaire du
deuxième conjoint est considéré comme une dépense
des acquêts du premier et un revenu des acquêts du second. C'est
une façon bien indirecte de traiter du problème et
peut-être aussi est-elle un peu imparfaite. Encore là, ou c'est
une entreprise qui est véritablement indivise, et on doit
considérer la totalité des dépenses et des recettes de
cette entreprise comme faisant partie des acquêts, et la question du
salaire peut avoir une importance sur le plan fiscal, mais évidemment,
dans ce contexte et dans le contexte d'une communauté, cela perd sa
signification, ou alors, c'est une activité qui est propre à un
seul des deux conjoints et il me semble qu'à la fois les recettes brutes
et les dépenses afférentes à cette activité
devraient être propres et seulement le revenu net, au sens des
règles habituelles de la comptabilité et du droit fiscal, devrait
être un acquêt. Autrement, à cause du mariage, on fait de
l'autre conjoint une espèce d'associé involontaire dans tous les
risques que comporte une entreprise sans qu'il en tire manifestement ou
nécessairement des avantages. On accroît d'autant plus les
charges à ce moment-là. C'est une des façons par
lesquelles l'administration illimitée, le pouvoir d'administrer
illimité d'un des conjoints face à ses acquêts peut, en
plus de la donation à titre gratuit, porter préjudice au
deuxième conjoint. Evidemment, c'est complexe. Il y a plusieurs
dispositions qui ont probablement un certain impact sur la question et, comme
le problème n'a jamais été posé, on n'a pas eu,
dans les mémoires, une considération systématique des
problèmes de l'entreprise non incorporée. Mais je ne suis pas
sûr que les solutions qu'on a au détour de certains articles, qui
sont conçus pour autre chose, soient satisfaisantes.
M. Bédard: II y a peut-être un élément
important de réponse énoncé en termes de principe. A
l'article 508, il y a une ventilation qui est faite des dettes. On y dit...
M. Forget: ... relativement à cela.
M. Bédard: Oui, et ça me paraît, en partie du
moins, reprendre ce que vous venez de toucher. Aucune récompense n'est
due en raison d'impenses n'ayant servi qu'à l'administration ou à
la conservation des biens.
Donc, il semble que, dans ce régime de société
d'acquêts, quant aux dettes, il y ait lieu de faire une distinction quant
aux dettes - là, la ligne n'est pas toujours simple à tirer, je
le reconnais - qui servent à l'entretien et à la conservation des
biens. Jusqu'où le concept d'entretien et conservation des biens va?
ça peut aller assez loin, mais aussi, c'est limité, ce n'est pas
toute dette.
Dans les autres cas, en d'autres termes, on peut arriver à dire:
C'est une dette qui n'est pas liée à la conservation ou à
l'entretien des biens, donc elle est sujette à récompense.
Certaines des dettes qui sont en relation avec l'entreprise privée,
personnelle ou propre de l'un des époux donnerait lieu à
récompense, par application de 508. Certaines autres dettes,
payées relativement aux biens propres, ne donneraient pas lieu à
récompense. C'est le critère de l'entretien ou de la conservation
que le régime permettrait de retenir.
Maintenant, je...
M. Forget: Je pense que vous avez raison, c'est comme ça
que j'ai compris 508 aussi; mais on doit faire reposer tellement
d'interprétation sur ces deux maigres lignes que le problème
demeure parce qu'on ne peut pas être sûr - je n'ai pas eu le temps
de faire des recherches de jurisprudence -que cette interprétation nous
donnerait le résultat voulu, il me semble qu'on ne peut pas être
sûr de ça.
M. Bédard: Certaines personnes trouvent que c'est
peut-être onéreux que de faire supporter par les acquêts
même les dette relatives à l'entretien et à la conservation
des biens propres. Mais l'explication qui est donnée par les experts de
ce régime est la suivante: Si on n'entretient pas et on ne conserve pas
les propres qui sont productifs de revenus au profit des acquêts, on se
trouve à priver les acquêts d'une source d'enrichissement.
C'est évident que, si vous avez un immeuble qui rapporte des
fruits, des logements, des revenus et que vous le laissez à l'abandon,
il va cesser d'être productif au profit des acquêts. Si vous
l'entretenez de façon courante, c'est sûrement mettre à
contribution les acquêts, mais, en retour, vous avez les fruits, de sorte
qu'il y a dans cette philosophie une sorte de compensation entre les fruits,
les dépenses, etc., il y a un certain équilibre. Mais c'est assez
jurisprudentiel maintenant de savoir... Les auteurs, à la lumière
de la jurisprudence... C'est trop court, dix ans, dans le temps comme
échelle pour avoir vraiment une jurisprudence importante
là-dessus. Peut-être les gens ont-ils trouvé un terrain
d'entente là-dessus sans saisir le tribunal de ce genre de question
toujours un peu difficile.
M. Forget: Relativement à l'entretien des biens,
l'argumentation de Me Guy est impeccable quand les biens sont bien
administrés et qu'ils produisent effectivement des revenus. Mais, dans
le fond, si celui qui administre ses propres peut grever la communauté
pour les entretenir, mais que ce sont des biens qui ne valent pas les sommes
qu'on dépense pour les entretenir... Tout dépend de la
qualité de l'administration et c'est une autre façon par laquelle
non seulement l'administration des acquêts mais même
l'administration des propres peut grever la communauté.
Si la règle était une règle de revenus nets, la
communauté en bénéficierait quand cela produit des revenus
nets et, quand c'est malheureusement mal administré, ce serait dans le
fond la valeur capitale des propres qui subirait la totalité de la
perte. La société d'acquêts devient une espèce de
société d'assurance tous risques dans cette
interprétation. C'est ce qui rend, pour des gens qui ont des actifs ou
qui ont des entreprises, la chose très avantageuse. Évidemment,
si quelqu'un à l'esprit très entreprenant épouse un
conjoint qui n'est pas entreprenant mais qui a de gros actifs, c'est parfait.
Cela devient une société d'assurance tous risques. C'est
peut-être ce qui fait que pour des gens qui regardent le régime,
il y a un certain mouvement de doute ou de recul.
M. Bédard: II y a l'autre pendant où les
investissements sont bien faits et rapportent.
M. Forget: Si c'est le revenu net qui est imputé à
l'acquêt plutôt que le revenu sans autre précision, il n'y a
aucune espèce de difficulté.
M. Bédard: J'ai l'impression que le problème auquel
la société a fait face il y a dix ans, quand s'est posé le
problème de la réforme des régimes matrimoniaux et de la
désuétude très avancée de la communauté de
biens par rapport à la séparation de biens, c'est qu'on en
était rendu à plus de 75% des Québécois qui se
mariaient et qui choisissaient le régime de séparation,
peut-être même 80%. Il a semblé qu'à l'époque
-en tout cas, en relisant certains documents -ce que les gens voulaient, somme
toute, de façon importante, c'était la libre administration par
chacun de ses biens, comme on le trouvait dans la séparation de biens.
Évidemment, c'est devenu un élément majeur de la
réforme du régime de société d'acquêts. Cet
article qu'on vient d'examiner, l'article 491, qui énonce comme une
sorte de dogme l'administration, la jouissance et la libre disposition, je
pense que c'est ce qui était réclamé. Il y a un prix
à payer pour cela. C'est que chacun n'est pas aussi bon administrateur,
enfin, n'est pas administrateur, n'a pas même qualité
d'administration à offrir. C'est peut-être le prix de ce
principe.
M. Forget: L'alternative serait de poursuivre la réflexion
pendant un petit peu de temps avec cette préoccupation de l'entreprise
familiale, qui est un phénomène quand même important. Seule
une discussion avec des experts et une étude approfondie pourraient nous
dire s'il vaut la peine de se préoccuper de l'entreprise non
incorporée. Malgré tout, je pense que oui puisque, dans le cas
des professionnels, cela demeure la règle dans plusieurs professions. Il
est assez rare que les deux conjoints soient membres de la même
profession et puissent exercer conjointement. Cela existe, mais c'est quand des
cas très rares. Dans la plupart des cas, s'il y a une
société d'acquêts, mon Dieu, à ce moment, la
société d'acquêts garantit en quelque sorte le bureau
professionnel.
M. Bédard: Le problème est peut-être quand
même un peu minimisé par rapport à celui qu'on a eu hier
sur lequel aujourd'hui nous revenons avec un peu plus de précision. Si
on pense à l'essence qui sert aux camions pour gagner des sous, je crois
qu'il ne s'agit pas, dans le sens de l'article 508, on peut peut-être le
dire maintenant, d'une dépense de conservation ou d'entretien. Il s'agit
vraiment d'une dépense de fonctionnement ou d'exploitation d'une
entreprise en vue d'obtenir des revenus. Donc, cette dette d'essence, si elle
est payée avec les acquêts, appellerait une récompense
à la dissolution. Comme on le verra plus loin, la règle des
récompenses est maintenant proportionnelle de sorte que s'il y a
inflation on en bénéficie au chapitre de la récompense
aussi. On ne peut pas dire qu'il y a privation ou perte du patrimoine des
acquêts au profit des propres.
Il reste la ligne... Encore une fois, c'est quand même...
L'article 508, c'est l'entretien et la conservation. En jurisprudence, ces deux
concepts ne pourraient certainement pas aller jusqu'à couvrir,
peut-être contrairement à ce que nous avions aperçu hier,
les dépenses d'essence, les dépenses d'autoroute, les
dépenses de remplacement de pneus, les dépenses courantes, de
l'entretien du camion qui ne sont pas tellement liées à la
conservation de la chose, mais plutôt à l'exploitation de
l'entreprise. (15 h 45)
En fait, il n'y a jamais de régime parfait. J'ai l'impression
que, comme l'a évoqué tout à l'heure Me Guy, il y a un
prix à payer pour le principe qui était demandé et qui se
retrouve à l'article 491, à savoir que chacun ait
l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens. C'est ce
qui se dégageait de l'achalandage qu'il y avait pour le régime de
la séparation de biens. Il y a certaines barrières, celle de
l'article 492 concernant les donations à titre gratuit. Il y a
également l'article 519 qui permet à l'un ou l'autre des
époux de changer de régime lorsqu'il sent que ses
intérêts ne sont pas bien préversés dans celui qu'il
a adopté, chose qui est possible depuis 1969. Je pense que c'est une
très bonne chose, parce que, quand on pense qu'avant il y avait le
régime de la communauté de biens et que c'était d'une
façon indéfinie, il n'y avait pas grand moyen de se
prémunir contre un mari qui dissipait complètement les biens de
la communauté. Je crois que, tout compte fait, il y a une confiance
à faire à chacun des conjoints, mais aussi, je pense, au
régime, parce que c'est de beaucoup préférable à
celui de la communauté où le mari pouvait y aller
allègrement au niveau de l'administration des biens, sans que
l'épouse puisse y faire tellement grand-chose.
M. Forget: Nous sommes convaincus, M. le Président, qu'un
régime parfait est, évidemment, impossible à atteindre,
mais tout le problème est de savoir, si on a atteint le point minimum
des désavantages.
Le Président (M. Laberge): L'article 494 amendé
est-il adopté?
M. Forget: Adopté.
De la dissolution et de la liquidation du
régime
Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement.
Article 495. On nous suggère, à l'article 495, de remplacer, dans
la troisième ligne du dernier alinéa, le mot "reporte" par "fasse
remonter". C'est en haut de la page. L'amendement est adopté sans
objections?
M. Bédard: C'est de la forme.
Le Président (M. Laberge): C'est de la forme.
Adopté.
M. Bédard: L'article reprend substantiellement l'article
1266r du Code civil, sous réserve de deux modifications;
premièrement, il précise que la nullité de mariage
entraîne aussi la dissolution du régime présumé dans
certains cas. Il étend au divorce, à la séparation de
corps et à la nullité de mariage la règle applicable en
séparation judiciaire de biens voulant qu'entre les époux la
dissolution du régime remonte, en principe, au jour de la demande. Cette
règle évite le recours aux mesures conservatoires pendant
l'instance pour la protection des biens partageables. On l'a d'ailleurs
évoqué.
Le Président (M. Laberge): Cet article 495 est
adopté avec amendement. Article 496, remplacer les mots "seront
reportés" dans la troisième ligne, par les mots "remonteront".
C'est adopté. Y a-t-il d'autres commentaires?
M. Forget: II s'agit d'un article nouveau, me semble-t-il.
M. Bédard: Cette règle s'inspire des articles 262.1
et 302 du Code civil français applicables en matière de divorce
et de séparation. L'article 262.1 se lisait comme suit: "Le jugement de
divorce prend effet dans les rapports entre époux en ce qui concerne
leurs biens dès la date d'assignation. L'un des époux peut
demander que l'effet du jugement soit avancé à la date où,
par la faute de l'autre, leur cohabitation ou leur collaboration a
cessé." L'article 302 du Code civil français s'exprime ainsi: "La
séparation de corps entraîne toujours séparation de biens;
en ce qui concerne les biens, la date à laquelle la séparation de
corps produit ses effets est déterminée conformément
à d'autres dispositions."
Le fondement de cette rétroactivité dont il est question
des effets de la dissolution entre les époux est la protection des
droits de chacun d'eux dans le partage éventuel des acquêts. En
effet, il peut arriver qu'un époux se livre à la dissipation de
ses acquêts dès la cessation de la vie commune alors que l'autre
continue de les accroître. L'équilibre du régime est alors
mis en péril, de sorte que, si cet état se poursuit pendant
plusieurs années avant que n'intervienne la dissolution du
régime, l'un des époux peut en subir préjudice. Je pense
que ça rejoint essentiellement la préoccupation que nous avions
évoquée tout à l'heure. Ce sont toutes des petites
parties. S'il y a d'autres solutions miracles qui peuvent tout régler,
je suis...
Mme Lavoie-Roux: II peut y en avoir possiblement de
disssipés avant qu'on en fasse la demande.
M. Bédard: S'il y a des solutions miracles qui peuvent
tout régler, je serai bien heureux de les accueillir. Compte tenu des
multiples situations qui peuvent se produire, une discrétion a
été donnée au tribunal pour appliquer la règle, ce
qui permet quand même aussi une intervention assez rapide avant qu'on ne
puisse procéder, pour ne pas permettre la dissipation des biens.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ... j'ai un peu de difficulté à lire
ensemble les articles 495 et 496. À l'article 495 on dit - parce que
l'article 495 énumère cinq causes de dissolution du régime
de société d'acquêts: Dans le cas des paragraphes 3 et 5, -
donc, dans deux sur cinq des causes de dissolution - les effets entrent en
vigueur entre les époux au jour de la demande, à moins que le
tribunal ne les reporte à une date antérieure par application de
l'article qui suit, 496.
À l'article 496 on emploie non plus un langage spécifique
aux paragraphes 3 et 5, mais on semble pouvoir le lire en disant que dans tous
les cas de dissolution... Je ne sais pas si on doit le lire comme ça ou
si on doit le lire avec 495. Dans le cas des paragraphes 3 et 5 de l'article
595, le tribunal peut faire remonter l'effet de la dissolution à la date
où ils ont cessé de faire vie commune.
Deux questions se posent à ce moment-là dans
l'interprétation simultanée des deux articles.
Premièrement, est-ce que dans d'autres cas de dissolution le tribunal
jouit du même pouvoir? Ça semblerait être possible en vertu
de l'article 496 lu isolément, mais impossible en vertu de l'article
495, dernier alinéa, puisqu'on le restreint aux paragraphes 3 et 5.
Comme, par exemple, en cas d'absence, s'il y a un jugement d'absence tel que
prévu dans le rapport de l'Office de révision, on ne pourrait
pas, semble-t-il, rendre la dissolution
effective à la date de la disparition du conjoint. Mais
là, ce n'est pas clair.
La deuxième question est: Est-ce qu'il faut comprendre l'article
496 comme limitant effectivement la rétroactivité possible
à la date de la cessation de vie commune ou si, dans certaines
circonstances, la rétroactivité pourrait aller au-delà de
ça, jusqu'à certains événements dont on fait la
preuve? Par exemple le début d'une administration catastrophique.
M. Bédard: Oui, je crois que c'est une bonne
interprétation de l'article 496 de penser qu'il s'applique à tous
les cas de l'article 495, notamment quand on parle d'ayants droit, donc, on
parle de décès et on voit que l'une des causes de dissolution est
celle du décès. En tout cas la volonté est claire,
ça s'applique à tous les cas de l'article 495.
Au point de vue de la rédaction, peut-être avez-vous raison
quand on paraît attacher la référence à l'article
496 seulement aux paragraphes 3 et 5. C'est peut-être dans la
manière de rédiger. A la suite de vos observations, on pourrait
faire une réflexion et apporter une correction.
Pour ce qui est de savoir si les effets peuvent remonter au-delà
de la cessation de la vie commune, je crois que l'article 496 -peut-être
que mon collègue, M. Bisson, pourra ajouter quelque chose
là-dessus - me paraît vraiment fixer la limite dans le temps et on
ne pourrait pas remonter au-delà. Est-ce exact?
Oui, parce que, s'il y a des dissipations de biens avant la cessation de
la vie commune, je pense que cela relève d'un autre article, l'article
519, qui comporte des mesures de sauvegarde du régime. La
séparation de biens peut être poursuivie par l'un ou l'autre des
époux lorsque l'application des règles du régime
matrimonial se révèle contraire à ses
intérêts ou à ceux de la famille. Je pense qu'à ce
moment-là, c'est à l'époux, lors de la vie commune, d'agir
s'il sent que ses intérêts sont en péril vu la mauvaise
administration de l'autre conjoint.
Il s'agirait de faire un amendement.
M. Forget: Je m'excuse, M. le Président. Pour donner suite
à la réponse qu'on vient de nous donner, il reste que l'article
520 qui suit l'article 519 fait référence à son tour
à l'article 496, ce qui voudrait dire que, même dans le cas
d'administration catastrophique des biens, on ne pourrait jamais retourner en
arrière plus loin que le moment de la cessation de vie commune et, dans
le cas plus large de l'article 519, il n'est même pas question de
cessation de vie commune. La vie commune a pu continuer pendant tout ce
temps-là, ce qui veut dire que, dans le cas d'administration
catastrophique des biens, la date la plus tôt dans le temps, c'est le
moment de la demande. S'il y a un délai quelconque entre le début
d'une administration "dissipatoire" et la demande, c'est le conjoint qui a fait
défaut de faire la demande qui en subit le préjudice et il n'y a
pas de remède pour ça.
M. Bédard: Autre que celui d'invoquer l'article 519 en
demandant la séparation, encore une fois.
M. Forget: Mais qui ne peut pas être efficace...
M. Bédard: Non.
M. Forget: ...rétroactivement au moment de la demande, de
toute manière.
M. Bédard: Non. Ce serait peut-être, en pratique,
assez complexe parce qu'en définitive, quelqu'un peut faire des
placements tellement imprudents qu'on peut les considérer comme de
l'administration imprudente, en tout cas. Il est possible que le conjoint
décide de ne pas s'en plaindre pour autant et que, cinq ans, plusieurs
années après, il décide de s'en plaindre; remonter
jusqu'à cet acte-là, ce serait peut-être difficile
d'application pratique. Il y a même des placements qui, dans un premier
temps, peuvent avoir l'air très avantageux et se révéler
catastrophiques après et d'autres, catastrophiques au départ.
M. Forget: Si je comprends bien, vous suspendez plutôt
l'article 495 pour revoir la rédaction.
M. Bédard: Oui, c'est ça.
Une voix: L'article 495 est suspendu.
M. Bédard: Ils sont interreliés.
Le Président (M. Laberge): Ils sont
interreliés.
Une voix: D'accord.
L'article 495 est ouvert et suspendu. L'article 496 demeure suspendu.
Article 497.
M. Bédard: M. le Président...
Mme Lavoie-Roux: ...coupe le chauffage en même temps.
M. Forget: C'est ça. Ce sont des économies
d'énergie.
M. Bédard: Cela doit faire partie des restrictions
budgétaires.
Le Président (M. Laberge): Article 497, adopté.
Article 498.
M. Bédard: Je n'ai pas de remarques, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent?
M. Forget: Non plus.
Le Président (M. Laberge): Non plus? Article 498,
adopté. Article 499.
M. Bédard: Pas de remarques non plus. Cela reprend
substantiellement l'article 1266 u du Code civil, en tenant compte que le
domicile conjugal entendu dans le sens de domicile légal de la femme
mariée est abrogé. En effet, les époux ont un domicile
commun ou encore ils vivent séparés. (16 heures}
M. Forget: D'accord. M. le Président, à l'article
499, il y a une remarque que le Barreau fait qui semble bien raisonnable. Le
Barreau suggère que la présomption soit renversée et le
deuxième alinéa, à ce moment-là, se lirait comme
suit: "L'époux qui n'a pas accepté dans un délai d'un an
à compter du jour de la dissolution est réputé avoir
renoncé."
La justification de ce renversement de présomption, c'est que, si
celui qui ne fait rien est réputé avoir accepté. Le
conjoint négligent qui refuse de se manifester peut geler, pendant un
certain nombre d'années, le règlement de toute affaire, alors que
si on présume que le fardeau de la négligence tombe sur les
épaules de celui qui est négligent, on a une situation qui est
peut-être un peu plus normale. Autrement, un des conjoints qui refuse de
se prononcer est réputé avoir accepté, et s'il a
accepté, sa participation est nécessaire pour les étapes
ultérieures. Mais s'il continue d'être négligent, le
problème n'en finit plus.
M. Bédard: II ne s'agit pas de vouloir récompenser,
d'une certaine façon, la négligence...
M. Forget: ... la négligence, la turpitude.
M. Bédard: Au départ, je trouvais que
c'était un raisonnement qui se tient très bien. Je sais que Me
Guy a certaines réserves. J'aimerais bien qu'il les exprime.
M. Forget: S'il nous en fait part, on pourra les partager
M. Bédard: II y a d'abord un problème
général de philosophie du régime. Les acquêts sont
là pour le bénéfice des époux et l'acceptation est
un acte qu'on veut bien voir se produire en supposant que c'est
intéressant pour les époux d'accepter. Je comprends qu'on ne
puisse pas rester dans l'indécision pendant de nombreuses années,
parce qu'il faut quand même, en ce qui concerne le patrimoine, poser
certains gestes.
Il nous semblait que l'époux qui n'avait pas fait savoir qu'il
renonçait ou refusait les acquêts - et cela dans un délai
d'un an -étant devenu acceptant et étant acceptant des
acquêts, il n'y a plus d'incertitude qui subsiste après une
année, puisqu'il n'y a pas de renonciation. Et comme c'est une
renonciation qui est formaliste, qui doit être faite par acte
notarié en minutes, dont une déclaration judiciaire doit
être enregistrée au bureau d'enregistrement, etc. - c'est un acte
public- il est facile de voir s'il y a eu une renonciation. S'il n'y a pas de
renonciation, il a accepté. Cela paraît, pour la protection de
l'époux, préférable que de le priver éventuellement
des acquêts simplement parce qu'il a négligé de faire son
acte d'acceptation. Actuellement, c'est plutôt implicite. Il accepte, il
est présumé accepter après un an. Si, pour des raisons
quelconque, qui tiennent peut-être à un brin de négligence,
il a oublié de produire, dans le sens du Barreau, son acceptation, il se
trouve à perdre les bénéfices de son régime. Et
peut-être que les bénéfices de son régime sont assez
importants. Il nous paraissait qu'il valait mieux ne pas priver le conjoint qui
avait justement adopté la société d'acquêts en vue
d'aller chercher la moitié des acquêts de son conjoint, ne pas lui
faire perdre c'e bénéfice simplement parce qu'il y a eu
négligence. Mais c'est le même délai d'un an qui est
proposé de sorte qu'au bout d'un an, on est fixé dans l'un ou
l'autre des deux systèmes. La seule différence avec le Barreau,
c'est que celui-ci prive le conjoint de ses acquêts alors que cette
formule-ci, au moins, permettrait au conjoint de bénéficier des
acquêts. Il a été négligent, pas
nécessairement parce que les acquêts ne sont pas
intéressants. Il y a toutes sortes de raisons qui tiennent à des
contacts à établir, à des réflexions à
faire, à des négligences aussi, j'en conviens. Mais il serait
regrettable de voir partir les acquêts par une renonciation
présumée, alors qu'on sait qu'ils valent peut-être pas mal
d'argent.
Il arrive qu'un patrimoine, à part cela -pour avoir eu un peu
d'expérience de règlement de successions - ne se
révèle pas dans toute la capacité de son actif dans les
premiers mois. Parfois, on finit par découvrir l'importance de la
succession plusieurs mois après et, au bout d'un an, c'est une sorte
d'épée de Damoclès qui priverait le conjoint. C'est un peu
pour cela, M. le ministre, que j'ai des réserves.
Je voulais que vous les exprimiez.
M. Forget: M. le Président, je trouve que les
réserves sont valables. Je serais porté à voter avec Me
Guy, mais avec une réserve, cependant. Si on soulève le
problème, c'est peut-être qu'il y a eu des
difficultés pratiques. Est-ce qu'il y a un recours pour le conjoint qui,
lui, a manifesté son intention? Je ne parle pas des problèmes de
délais inévitables, etc. Il y a des difficultés. On n'a
pas liquidé les acquêts, on ne sait pas exactement de quoi il est
question, s'il y a un passif ou un actif net ou quoi. Mais à supposer un
cas de négligence, d'absence ou de départ, que faudrait-il faire
pour éviter qu'on reste dans un état d'animation suspendue
pendant plusieurs années? Surtout s'il y avait des
éléments d'indivision ou de propriété indivise dans
les acquêts, etc., j'imagine qu'il pourrait y avoir des
difficultés à administrer ces biens.
M. Bédard: S'il y a des biens indivis, ce n'est pas
à cause du régime, parce que le régime de
société d'acquêts, comme tel, ne produit pas d'indivision.
Le conjoint qui doit payer la moitié des acquêts peut toujours le
faire en consignant au bureau général des dépôts de
la province, après certaines procédures, bien sûr, l'argent
qu'il doit, somme toute, au titre des acquêts à son conjoint et,
ainsi, ne pas être gêné dans l'administration même de
son patrimoine. Par ailleurs, s'il a acheté une maison en
copropriété, ce n'est pas par application des règles du
régime. C'est par décision. Actuellement, les jeunes couples
achètent de plus en plus, paraît-il, en copropriété
indivise les résidences. Ils sont exposés à des
problèmes d'indivision peut-être encore plus profonds.
M. Forget: Est-ce qu'il y a une procédure judiciaire
à laquelle le conjoint peut avoir recours pour mettre en demeure, en
quelque sorte, le conjoint qui temporise à se prononcer dans un sens ou
dans un autre?
M. Bédard: Dans le cas de l'article, ici, il y aura
acceptation présumée, absolue, automatique après une
année, sans qu'on soit obligé de poser un acte positif. Donc,
dès qu'il y aura une année d'écoulée, il y aura
présomption d'acceptation. C'est un an à compter du jour de la
dissolution. Donc, dès qu'une année sera passée, il y aura
acceptation automatique ou présumée; présumée de
façon absolue, évidemment.
Il restera le problème d'avoir certaines relations de droit ou
juridiques avec quelqu'un qui est peut-être absent, comme vous l'avez
mentionné, ou quelqu'un qui est négligent. Mais cela, c'est de
pratique quotidienne dans les relations créanciers-débiteurs dans
notre système de rapports privés. Le Code de procédure
civile, sans avoir à invoquer des articles trop
déterminés, nous permet de dire comment on assigne dans ces
cas-là, comment on procède quand on a un absent.
M. Forget: Ce que je ne comprends pas dans le rapport du Barreau,
c'est qu'on fait une affirmation et c'est probablement cette
affirmation-là, enfin, je suis sûr que c'est cette affirmation qui
m'a persuadé. On dit: Cet époux qui ne réclame pas sa part
des acquêts de son conjoint gèle les actifs de son conjoint
pendant des années et même indéfiniment. Qu'est-ce que le
Barreau peut bien vouloir dire par cela? Parce que l'explication que vous me
donnez et que j'accepte comme étant très conséquente avec
ce qu'on a vu du régime des acquêts ne semblerait pas pouvoir
geler quoi que ce soit, sauf des actifs acquis de façon indivise. Mais
cela peut être des propres aussi, alors, le problème n'est pas
réglé.
M. Bédard: II n'y a pas d'indivision. Souvent, l'erreur
que l'on commet dans la société d'acquêts, c'est de penser
qu'on est en copropriété un peu comme en communauté de
biens. Mais ce n'est pas cela, parce que dans le partage des acquêts, on
les fait en nature, si on veut. Mais on les fait en valeurs ou en argent, si
vous voulez, selon la décision de chacun des époux, de sorte
qu'il n'y a pas de copropriété qui découle de
l'application des règles du régime. Parfois, en tout cas,
j'entends pas mal de gens qui font des confusions entre les patrimoines de
communauté et les patrimoines d'acquêts.
Mme Lavoie-Roux: On ne peut pas le leur reprocher.
M. Bédard: Non, je ne le leur reproche pas.
M. Forget: II y a un certain nombre d'avocats...
M. Bédard: Nous parlions de juriste à juriste.
Mme Lavoie-Roux: On est en train de se demander si on ne vous
décernera pas chacun un doctorat à la fin de l'étude!
M. Bédard: Non, je ne voudrais pas par mes propos
induire...
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais savoir quand le cours va
être terminé.
M. Bédard: Si vous n'avez pas de doctorat, vous allez
être bien placé pour en avoir un!
Mme Lavoie-Roux: On va vous décerner des doctorats
honorifiques!
M. Bédard: Cela peut attendre.
Mme LeBlanc-Bantey: Si on est encore
là pour les décerner!
Mme Lavoie-Roux: On s'en occupera.
Le Président (M. Laberge): L'article 499 est-il
adopté?
M. Forget: Oui, il est adopté. Je me rends, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): À bout d'arguments.
M. Bédard: Cela m'a permis de voir si le
député de Saint-Laurent serait plus résistant que moi,
parce que Me Guy m'en avait entretenu
Le Président (M. Laberge): Article 500?
M. Bédard: Article 500. C'est vraiment une reprise de
l'article 1266b avec des modifications de corrections.
Le Président (M. Laberge): Article 500 adopté.
Article 501?
M. Bédard: Je n'ai pas de remarques.
Le Président (M. Laberge): Article 501, adopté.
Article 502?
M. Bédard: Article 502, adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 502, adopté.
Article 503?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 504?
M. Forget: M. le Président, vous êtes un article en
avant de moi. Je vais essayer de vous rattraper.
M. Bédard: Cela va pour l'article 503? M. Forget:
Article 503, oui, adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 503, adopté.
J'appelle l'article 504?
M. Bédard: Article 504.
M. Forget: En cas de décès. Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 504, adopté.
Article 505?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 505, adopté.
Article 506?
M. Forget: À l'article 506, on revoit la notion
d'enrichissement. C'est bien toujours la même notion algébrique de
positif et négatif?
C'est un enrichissement non pas arthmétique, mais
algébrique. Cela comprend même l'enrichissement
négatif.
M. Bédard: Dont on a discuté la... Mme
Lavoie-Roux: ...
M. Forget: II s'agit de calculer l'enrichissement non pas sur la
valeur historique des biens, mais...
Mme Lavoie-Roux: Non. Je comprends cela, mais
algébrique.
M. Forget: C'est cela. ...par rapport à la valeur
conceptuelle que les biens auraient eue dans d'autres circonstances. Cela peut
être un enrichissement, même si c'est moins élevé que
c'était.
M. Bédard: Conformément aux explications qu'on
avait données à 458.
M. Forget: M. Guy pourrait peut-être ajouter quelque
chose.
M. Bédard: Je n'ai pas pu me coucher hier soir et
m'endormir sans vérifier une dernière fois mes avancés
d'hier. Je me suis senti en bonne compagnie ce matin avec le professeur
Jean-Louis Beaudoin de l'Université de Montréal et le professeur
Maurice Tasselin de l'Université Laval à Québec qui tous
deux ont traité des obligations. Je vous cite ce court paragraphe du
professeur Beaudoin: "Cet accroissement -en parlant de l'accroissement de
l'actif -peut provenir d'un enrichissement positif ou négatif selon
qu'il s'agit d'un gain direct ayant augmenté le patrimoine de l'enrichi
ou d'une perte ou dépense évitée." Cela m'a
rassuré, j'ai fait une bonne nuit, je l'en remercie.
M. Forget: Je l'en remercie moi aussi. Le Président (M.
Laberge): Article 506? Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 507?
M. Bédard: Je vais en envoyer une copie au
député de Nicolet-Yamaska. Article 506 adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 506, adopté.
J'appelle l'article 507.
M. Forget: M. le Président, pour revenir à 506, je
remarque qu'on a changé le
libellé. Je me demande si vous souhaitez expliquer le sens du
changement de libellé. Ce serait peut-être important parce que,
comme il s'agit de règles de droit qui vont être utilisées
dans les calculs pour la liquidation, il serait peut-être bien de faire
sentir ce qui a motivé le changement de vocabulaire.
M. Bédard: L'article reprend substantiellement le premier
alinéa de l'article 1267 dont on a modifié la rédaction,
mais il ne retient pas le deuxième alinéa de l'article 1267 du
Code civil, l'idée d'un plafond des récompenses lorsque
l'enrichissement est supérieur à la dépense effective. En
effet, s'il est logique et équitable d'adopter la règle de la
proportionnalité lorsque l'enrichissement est inférieur à
la dépense effective, on ne voit pas pourquoi la règle cesserait
d'être équitable lorsque l'enrichissement est supérieur
à la dépenses effective. D'autre part, l'Office de
révision du Code civil, qui a suivi le même raisonnement,
suggère d'établir un plancher plutôt qu'un plafond. On ne
saisit pas bien le sens de ce nouveau plancher puisque le bien acquis à
charge de récompense est susceptible de périr en totalité
ou en partie aussi bien dans la masse des acquêts que dans celle des
propres. En effet, l'époux administrateur des deux masses est le
même. C'est pourquoi la règle la meilleure en matière de
récompense a paru être celle de la proportionnalité, que la
valeur du bien acquis soit augmenté ou diminué. (16 h 15)
Je pense que, pour les fins du journal des Débats et pour ceux
qui auront à le lire, il est important de donner l'explication.
Il y aurait peut-être un petit supplément d'explication. La
disposition actuelle du Code civil, qui a été
dénoncée par les auteurs, fixait un plafond de sorte que, dans
une période d'inflation comme celle qui sévit
présentement, cela pouvait avoir quelque chose d'inquiétant pour
l'équilibre du régime. En effet, quand on utilise, disons, $5000
ou $10,000 d'acquêts pour compléter les paiements d'une maison qui
est déjà un bien propre entre les mains d'un conjoint, à
la dissolution du régime, qui peut survenir 15 ans, 20 ans, 30 ans et
plus après, la masse des propres n'était débitrice que de
la somme effectivement versée, soit $10,000; mais on sait que les
$10,000, 30 ans plus tard, ne valaient peut-être par grand-chose.
Par ailleurs, l'immeuble propre lui, à cause de l'inflation,
avait pu doubler ou tripler sa valeur. Donc, les acquêts servaient
à enrichir les propres à cause du plafond fixé par le code
actuel et ne bénéficiaient pas, eux aussi, de l'inflation. Le
fait de déplafonner, à tous égards, à la hausse et
à la baisse, évidemment, parce que cela joue toujours dans les
deux sens, s'il y a une période d'inflation, les $10,000 qui ont
été investis dans l'immeuble propre, s'ils représentent
50% de la valeur du propre au temps où ils ont été
investis, où ils ont été affectés, si l'immeuble
vaut $100,000 plus tard, cela fera $50,000 à chacun des patrimoines.
C'est cela, la proportionnalité. On fera le compte des acquêts
utilisés pour l'achat de l'immeuble par rapport au compte des propres
utilisés et, si on arrive à deux sommes égales, si dans
les deux cas, en d'autres termes, on a mis $10,000 de propres et $10,000
d'acquêts pour acheter l'immeuble et que l'immeuble vaut $100,000
plusieurs années après, à ce moment-là, le partage
ou la récompense sera de $50,000 aux acquêts, l'immeuble ayant
été acquis à 50-50, somme toute.
Mme Lavoie-Roux: II y en a un qui aura 75 et l'autre 25.
M. Bédard: Dans l'hypothèse où vous achetez
un immeuble qui vaut $20,000, vous avez $10,000 d'acquêts et $10,000 de
propres; donc, par rapport aux deux masses de biens mis à contribution,
il y a une égalité.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Bédard: Si, 30 ans plus tard, votre immeuble vaut
$100,000, les acquêts bénéficieront de $50,000 alors que,
dans la règle actuelle, ce serait limité à $10,000 et les
propres auraient pris $90,000, ce qui paraît une disproportion
dénoncée par tous. L'office a d'ailleurs proposé aussi
qu'on enlève le plafond. Il a maintenu le plancher, mais le plancher
aussi est dans une période où tout dégringole. C'est
pénible, mais c'est normal aussi que les patrimoines subissent les
risques.
Ça va?
Le Président (M. Laberge): C'était un commentaire
sur l'article 506. L'article 507 est appelé.
M. Bédard: À l'article 507, je n'ai pas de
remarque.
Le Président (M. Laberge): L'article 507 est
adopté. À l'article 508, il y a un amendement; on nous demande de
remplacer l'article tel que rédigé par un nouvel article qui se
lit comme suit: "Aucune récompense n'est due en raison d'impenses
n'ayant servi qu'à l'entretien, à la conservation ou à
l'assurance des biens."
M. Bédard: ...à l'article 481, pour ce qui est de
l'assurance des choses qu'on a retenue hier.
M. Forget: Comme on fait, dans l'ensemble du nouveau code, un
effort d'ailleurs inspiré par l'Office de révision du Code civil
pour un meilleur français, est-ce que l'expression "impenses"
plutôt que "dépenses" est véritablement importante?
M. Bédard: Je ne puis pas répondre à votre
question, l'Office de la langue française ne nous ayant fait aucune
observation sur ce mot après avoir étudié l'article -
après nous en avoir fait beaucoup sur d'autres, sauf sur celui-là
- et, ne nous en ayant pas proposé d'autre, je dois avouer que nous n'en
avons pas cherché d'autre non plus.
M. Forget: Cela veut dire "dépenses" en langage
ordinaire.
M. Bédard: Sur ce genre de concept juridique fort ancien,
il me faudrait, avant de dire que c'est équivalent purement et
simplement aux dépenses, au moins faire faire une recherche, si vous le
souhaitez.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ça ne vaudrait pas la peine,
quand, parfois, vous pouvez en faire sauter un que le monde ordinaire ne
comprend pas, de...
M. Bédard: On en a fait sauter pas mal.
Mme Lavoie-Roux: Vous savez, j'ai bien pensé que ça
voulait dire "dépenses" par le sens de la phrase, mais pourquoi faut-il
garder ça toujours si hermétique qu'il n'y ait que les juristes
qui puissent le comprendre?
M. Forget: Pour être juste, il faut dire que le nouveau
code est plus lisible de loin que l'ancien, mais il peut rester des vestiges
malgré tout. Je ne peux pas imaginer qu'"impenses" puisse vouloir dire
autre chose, mais, moi non plus je ne peux le prouver. Non, je ne me risquerai
pas à ajouter quoi que ce soit sur le sujet.
Mme Lavoie-Roux: Vous pouvez peut-être l'examiner.
M. Bédard: II y a eu beaucoup d'efforts de faits dans
l'ensemble du projet, je pense que nos collègues le reconnaissent.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais des termes qui vous apparaissent tout
à fait d'usage courant...
M. Bédard: De tels termes ont une sorte de tradition,
comme le dit Me Guy...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais ceux qui peuvent être
changés.
M. Bédard: Pour que vous ne vous fâchiez pas, ceux
qui peuvent être changés ont été changés.
Comme nous le dit Me Guy, mais il n'a pas fait une analyse en profondeur, il
est à remarquer que le Code civil veut garder le même mot,
également l'Office de révision du Code civil qui avait fait un
effort tout à fait particulier.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une preuve, ça.
M. Bédard: Disons que ça ne veut rien dire, puisque
vous le dites!
Mme Lavoie-Roux: Non, pas parce que je le dis, mais enfin...
M. Forget: Ces mots frappent moins l'oreille et l'oeil d'un
juriste qui les a vus souvent. Moi, ça ne m'a pas frappé, mais
quand ma collègue de L'Acadie m'a demandé: Qu'est-ce que c'est?
j'ai dit: Ce sont des dépenses, mais effectivement...
Le Président (M. Laberge): Nouvel article 508,
adopté maintenant le mot "impenses".
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Bédard: On l'a adopté...
Mme Lavoie-Roux: Non, il n'était pas encore
adopté.
M. Bédard: Vous avez le bénéfice du
doute.
M. Forget: Avec la dissidence de la députée de
L'Acadie.
Le Président (M. Laberge): Pour l'article 508?
M. Forget: Nous plaisantons, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Parfait! À l'article
509, à la troisième ligne, on nous demande de remplacer les mots
"à même" par "avec", ce qui a déjà été
fait.
M. Bédard: Pour simplifier la rédaction de
l'article 1267.
M. Forget: C'est l'Office de la langue française?
M. Bédard: C'est ça.
Le Président (M. Laberge): Cette correction est
adoptée. Y a-t-il autre chose à l'article 509?
Une voix: Non.
Le Président (M. Laberge): L'article 509 est
adopté. Article 510.
A l'article 510 on nous dit, à la première ligne, de
remplacer l'expression "aux dépens des" par "avec les".
Une Voix: D'accord.
Le Président (M. Laberge): Correction apportée.
Article 510, adopté avec amendement. A l'article 511, c'est
encore...
M. Bédard: C'est plus facilement
compréhensible.
Le Président (M. Laberge): ... "à même", aux
troisième et quatrième lignes.
M. Forget: Les gens de l'office ont osé s'y attaquer parce
qu'ils comprenaient l'original. Cela arrive souvent. Quand ils voient un mot
comme "impenses" ils disent: On ne peut pas toucher à ça, c'est
sûrement un mot technique!
Mme Lavoie-Roux: C'est ça, je suis convaincue de
ça, parce que "à même", c'est...
M. Forget: L'intimidation du jargon!
Le Président (M. Laberge): A l'article 512, il n'y a pas
de correction. Vous n'avez pas de commentaire?
Article 512, adopté. Article 513.
M. Forget: À l'article 513 il y a une
représentation. Est-ce qu'on est rendu là, M. le
Président?
Le Président (M. Laberge): Oui, à l'article
513.
M. Forget: II y a une représentation de l'AFEAS au sujet
de l'expression du Code civil actuel, la référence aux
établissements industriels, agricoles et commerciaux de caractère
familial. On remplace ça par "tout autre bien de caractère
familial".
M. Bédard: Cet article reprend essentiellement le
deuxième alinéa de l'article 1267c du Code civil sous
réserve que la soulté puisse être payable par versements et
non seulement au comptant. Dans ce cas, à défaut d'accord, le
tribunal en fixe les modalités de garantie et de paiement. Il faut lire
cet article en liaison avec les nouveaux articles 457 et suivants. Il les
recoupe et les complète. Dans le cas où il les recoupe, le
conjoint choisira selon les circonstances. Ainsi, si les meubles sont des
acquêts faisant partie de la masse à partager, le conjoint pourra
les inclure dans son lot moyennant, s'il y a lieu, une soulte. Il pourra, s'il
le préfère, se les faire attribuer par le tribunal en vertu de
l'article 457.
M. Forget: Cette inquiétude, je pense, part d'un bon
naturel et je pense qu'il est important qu'on en fasse mention et qu'on y
réponde. Mais je dois vous avouer que, personnellement, je pense que
l'expression "tout autre bien de caractère familial" englobe
nécessairement les entreprises de caractère familial. Je pense
que, si cela va sans le dire, cela va encore mieux quand on le dit ici, pour le
bénéfice du journal des Débats.
M. Bédard: On l'a précisé pour ceux et
celles qui avaient cette préoccupation.
Le Président (M. Laberge): Article 513, adopté.
Article 514. Pas de commentaires?
M. Bédard: S'ils ne s'entendent pas sur l'estimation des
biens, l'estimation est faite par des experts qui sont désignés
par les parties ou par le tribunal.
M. Forget: Entre parenthèses, je voudrais féliciter
les rédacteurs du projet 89 dans des occasions comme celle-ci parce que
je crois que le regroupement des concepts est plus heureux même que celui
qu'on voit dans le rapport de l'Office de révision du Code civil. Je ne
sais pas si le compliment s'adresse à Me Guy, mais je pense qu'on a
peut-être regroupé les choses plus logiquement. Ce n'est pas le
seul endroit où je l'ai remarqué, mais cela en est un.
Le Président (M. Laberge): La remarque est
enregistrée. L'article 514 est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 515?
M. Bédard: Article 515, adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 516?
M. Forget: On change de section. De la séparation de
biens
Le Président (M. Laberge): Oui, nous tombons dans la
section III, De la séparation de biens, qui est divisée en deux
parties: séparation conventionnelle de biens et, un peu plus loin,
séparation judiciaire de biens.
M. Bédard: L'article 516 exprime le principe, la
manière de faire. Je pense qu'il est complet en soi.
Le Président (M. Laberge): Oui.
L'article 516 est-il adopté?
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): Vous avez des commentaires, M.
le député de Saint-Laurent.
M. Forget: ...je m'en voudrais, d'autant plus que leur
représentante est ici, de ne pas me faire l'écho des
représentations du RAIF relativement à la séparation de
biens comme régime matrimonial. Je le fais parce que dans le
mémoire du RAIF on exprime ce que je pourrais, je pense bien, sans
exagération, appeler une violente opposition au régime de
séparation de biens. Je pense que c'est au moment où on aborde
cette section qu'il est opportun d'en parler, de manière à donner
au ministre l'occasion de livrer son raisonnement face à cette
objection. Le RAIF - je ne reproduirai pas ici tout au long le contenu de son
mémoire puisqu'il a été rendu public de toute
manière - juge qu'il s'agit d'un régime qui est plein de
surprises et d'embûches pour les femmes mariées sous son empire et
suggère, pour le moins, que le Code civil adopte à son
égard des dispositions restrictives qui le rendent moins attrayant,
moins général et aillent même jusqu'à restreindre
son application aux trois premières années du mariage, ce
régime devant, après ces trois premières années,
être remplacé par le régime d'acquêts ou par un
régime conventionnel peut-être, mais qui serait mieux circonscrit
dans l'optique toujours du RAIF.
Je pense qu'à ce moment-ci, étant donné que nous
n'avons pas eu l'occasion dans des audiences publiques d'entendre cette
position par ses auteurs, on peut, malgré tout, donner l'occasion au
ministre de faire quelques commentaires sur l'opportunité, à son
point de vue, d'une telle mesure.
M. Bédard: Mes commentaires seront probablement aussi
brefs que ceux du député de Saint-Laurent. J'aurais aimé
connaître les siens également. Je pense qu'une des suggestions,
entre autres, celle de faire en sorte qu'après trois ans de mariage, la
société d'acquêts devienne automatiquement le seul
régime matrimonial en vigueur, est difficilement acceptable au nom du
principe même du projet de loi, à savoir la liberté des
époux de décider de l'organisation de leur vie familiale et de
l'ensemble de l'administration de leurs biens.
J'aurais l'impression, même si j'en étais convaincu, ce qui
n'est pas le cas, j'aurais d'énormes réticences à y aller
d'une telle disposition, parce que j'aurais vraiment l'impression d'une
intrusion très impérative de l'État dans la vie du couple,
des conjoints qui ont à évaluer eux-mêmes jusqu'à
quel point et pendant combien de temps ils veulent se prévaloir d'un
certain régime matrimonial, celui de la séparation de biens dont
il est fait état, d'autant plus que le code prévoit qu'il est
toujours possible pour les époux, pour les conjoints, d'opter pour un
autre régime. Là-dessus, je crois qu'on a non seulement
simplifié les coûts pour permettre à des conjoints de s'en
prévaloir, si telle est leur volonté, mais on a diminué
aussi les complications au niveau du formalisme; je pense, entre autres,
à l'homologation, etc.
Je sais fort bien, connaissant la représentante principale du
RAIF, que toutes ces représentations partent d'un sentiment très
noble, je peux le dire, d'une personne qui s'est toujours
intéressée à essayer d'améliorer la situation de la
vie du couple. Mais je ne crois pas, non seulement je ne crois pas, mais je me
vois dans l'impossibilité de donner suite à cette recommandation,
parce que, pour tout résumer, il me semble que ce serait une intrusion
impérative de l'État dans les décisions que doivent
prendre les conjoints. Ce serait également aller à l'encontre du
principe même du projet de loi qui est la liberté des conjoints de
décider de l'organisation de leur vie familiale.
Le Président (M. Laberge): Article 516. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voulais
seulement...
M. Bédard: Je ne sais pas si le député de
Forget...
M. Forget: Je n'ai pas encore de comté à mon
nom.
M. Bédard: Moi non plus.
M. Forget: J'espère que ça ne viendra pas de
sitôt, parce qu'on sait quel est l'événement qui doit
précéder...
M. Bédard: Cela prend peut-être un
événement malheureux comme celui que nous vivons aujourd'hui
à l'Assemblée Nationale.
Mme Lavoie-Roux: II y a exception pour les anciens premiers
ministres.
M. Bédard: J'imagine...
Mme Lavoie-Roux: Parce qu'il y a un comté de Lesage; il
n'y a pas de comté?
Des voix: Non, il n'y en a pas.
Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas de comté.
Des voix: II y en aura peut-être un aux prochaines
élections.
M. Bédard: Lesage et Lévesque.
Mme Lavoie-Roux: Voulez-vous faire mourir votre premier ministre
tout de suite?
M. Bédard: Ce n'est pas nécessaire d'être
mort pour...
Mme Lavoie-Roux: Normalement c'est plus décent.
M. le Président, l'autre jour j'ai demandé des
statistiques. Me Guy m'a dit: C'est dans une proportion d'à peu
près 45% et 55%, la société d'acquêts par rapport
à la séparation de biens. Du point de vue de l'évolution,
est-ce que... Évidemment la société d'acquêts a
monté rapidement parce qu'elle a été substituée,
pas officiellement, mais elle a été substituée à la
communauté légale de biens. Quand vous regardez la
séparation de biens, cela a évolué de quelle
façon?
M. Bédard: L'étude de statistiques que nous avons
pu mener à partir des registres indique que depuis dix ans, donc, depuis
l'adoption du nouveau régime, et ça de façon stable, il y
a bien quelques petites nuances, mais c'est de façon vraiment stable,
c'est fixé présentement à 55% de gens qui choisissent la
séparation de biens et à 45% de gens qui choisissent la
société d'acquêts. Pour les choix qui sont faits depuis
l'adoption du régime de la société d'acquêts mis en
vigueur le 1er juillet 1970. Donc, pour ce qui est des communautés,
quand on dit que c'est moins de 1%, je pourrais même préciser que
c'est moins de 0,2% de façon très précise. Il y en a
encore quelques-uns qui sont des communautés conventionnelles, donc, un
peu faites sur mesure à l'intérieur du contrat de mariage. Pour
ce qui est du nombre de personnes mariées sous le régime de la
communauté de biens, donc, qui ont adopté un régime
légal avant 1970, on sait que le régime de la communauté
de biens était en désuétude de façon importante en
1970. Je crois que c'est autour de 20% à 25% de couples qui se mariaient
en communauté de biens. Donc, il y en a sûrement un certain nombre
dans la société, mais ce n'est pas dénombré parce
qu'il s'agissait du régime légal et au surplus, à
l'époque, il n'y avait pas de registre pour les noter non plus. Alors
nous n'avons pas là-dessus de statistiques sur le nombre de personnes
qui restent encore mariés sous ce régime. Il y a eu aussi
certains changements mais ce n'est peut-être pas très
important.
Mme Lavoie-Roux: Ma question n'était peut-être pas
assez précise. On a vu une évolution à partir de 0% vers
45% du régime de la société d'acquêts, mais il reste
que dans mon esprit, généralement, si on se replace à 25
ans en arrière, il semblait que le régime légal le plus en
usage - en tout cas c'est l'impression que j'ai - était la
séparation de biens.
M. Bédard: Depuis les années trente, un peu avant
aussi mais de façon plus importante depuis les années trente, que
le régime de la séparation de biens s'implante, si vous voulez,
de plus en plus dans notre société jusqu'à devenir... Il
était dans les années trente peut-être à 20% ou 25%,
je donne ces statistiques sous toute réserve pour monter jusqu'à
75% en l'année 1970, disons.
Mme Lavoie-Roux: Donc, il y aurait une régression en
fait...
M. Bédard: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ... du régime de séparation de
biens.
M. Bédard: Une régression en raison de
l'arrivée de ce nouveau régime de la société
d'acquêts qui a pris largement la relève de la communauté
de biens. C'est peut-être un peu fixé, mais il y a
peut-être...
Mme Lavoie-Roux: Mais là, c'est à peu près
stable.
M. Bédard: C'est à peu près stable, mais
c'est difficile d'évaluer les raisons pour lesquelles c'est ainsi dans
la société. Mais nous sommes entourés d'un monde qui
adopte généralement le régime de la séparation de
biens et pour qui le concept de séparation de biens a peut-être
une sorte de résonance aussi, une sorte de valeur sur le plan social, le
plan économique, enfin c'est assez difficile à mesurer.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ...le ministre a dit que je me bornais à lui
demander son opinion sans exprimer la mienne; ce n'était pas du tout mon
intention, mais il est normal de demander d'abord au gouvernement de
préciser ses intentions. Je dois dire que même si...
M. Bédard: II n'y avait pas un soupçon de reproche
dans mes propos.
M. Forget: Non, j'en suis sûr.
M. Bédard: C'était simplement l'observation d'une
pression modérée.
Mme Lavoie-Roux: ...juste créer un peu de
culpabilité au cas où il ne l'aurait pas
dit.
M. Bédard: Je n'ai pas compris votre raisonnement à
vous.
M. Forget: Si je me suis fait un devoir de mentionner cette
argumentation du RAIF sur la séparation de corps, - parce que c'est le
seul mémoire qui en a fait une question de principe et je remercie le
ministre de s'en être expliqué - il demeure que je l'ai
citée sans l'endosser parce que je crois que même s'il y a un
certain nombre de mesures d'ordre public dans les chapitres du droit de la
famille que nous étudions et qui sont d'ailleurs
spécifiées comme telles, tout ne peut pas et ne doit pas
être d'ordre public. Il doit y avoir dans le droit de la famille une
place quand même assez large pour permettre aux conjoints de
déterminer selon leurs opinions et leur échelle de valeurs la
nature des relations qui doivent les lier, même si, en ce faisant, ils
adoptent des attitudes et des pratiques que des observateurs de
l'extérieur, bien intentionnés, bien sûr, jugent
déraisonnables ou imprudentes. Je pense que c'est le signe d'une
société libre que de permettre à ses membres de faire des
choses que d'autres jugent déraisonnables et imprudentes, pourvu, bien
sûr, qu'en ce faisant ils ne mettent pas en péril l'ensemble de la
société. Je pense que c'est ce à quoi nous assistons dans
le domaine des régimes matrimoniaux. Ce n'est pas seulement pour des
raisons théoriques, qu'il faut favoriser l'expression de la
liberté et du libre arbitre des citoyens mais parce qu'en fait, en
pratique, ils utilisent abondamment cette liberté. On vient d'en donner
une indication très éloquente.
Ceci étant dit, je dois répéter l'interrogation qui
se pose en mon esprit quant à la signification réelle de la
distinction du régime d'acquêts et du régime de
séparation de biens. Dans la majorité des cas au moins,
étant donné les innovations qu'on introduit dans le Code civil...
Après tout, on parle de patrimoine, mais, pour la plupart des gens, un
patrimoine ça se résume, dans le fond, à bien peu de
choses. On ne vit pas dans une société où les grandes
fortunes sont courantes. Comme un de mes collègues l'a dit il y a deux
jours, je pense, ce que la plupart des gens ont comme patrimoine, c'est une
voiture, une maison et une police d'assurance. Point. Étant donné
les dispositions sur la résidence familiale, étant donné
le mandat légal de représentation réciproque pour les
besoins courants du ménage, étant donné l'obligation que
fait désormais le Code civil aux deux conjoints de contribuer
proportionnellement à leurs ressources aux besoins du ménage et
la reconnaissance explicite que l'on fait de la contribution de la femme au
foyer comme devant être prise en compte dans l'exécution de ces
obligations, je crois qu'on a une situation où, en termes de
distribution de l'actif advenant une dissolution, qu'on soit en régime
de société d'acquêts ou en régime de
séparation de biens, la différence ne sera pas faramineuse dans
la plupart des cas, encore que, évidemment, l'exercice...
Une voix: Sauf au décès.
M. Forget: Sauf au décès, mais le problème
du décès, c'est un autre problème entièrement. Je
pense que c'est le problème du droit successoral. Il n'y a rien qu'on
puisse faire, je pense, aux régimes matrimoniaux qui va signifier qu'on
a la liberté absolue de tester. Je pense qu'il faudra y venir le plus
rapidement possible parce que le droit familial, tant qu'on ne touche pas au
droit successoral, n'est pas complet, dans le fond. Je parlais de la
dissolution par divorce, par séparation, par absence ou des choses dans
ce genre, mais quand c'est par décès, c'est sûr qu'on n'a
pas de solution dans le cadre de ce qu'on étudie. Il faudra attendre le
droit successoral.
(16 h 45)
Je pense qu'on se dirige tous, au moins mentalement, vers une situation
où la liberté absolue de tester va être sérieusement
restreinte. Il faudra attendre ce chapitre pour en parler, mais dans le cadre
que nous avons, je ne pense pas qu'on parle d'un contraste. Ce n'est pas le
jour et la nuit, la société d'acquêts et la
séparation de biens, il y a des tempéraments importants qui sont
apportés. Je ne suis pas en mesure d'en évaluer l'impact. Il est
possible qu'il y ait des différences significatives qui demeurent, bien
sûr. Mais il sera peut-être important -et je me permets de le
suggérer au ministre de la Justice - dans l'effort d'information qui
devra suivre l'adoption d'un nouveau Code civil sur le chapitre de la famille,
de fournir des moyens aux gens de juger, avec des exemples concrets, des
implications respectives des deux régimes. Je regrette presque qu'on
n'ait pas un document de travail de ce genre qui nous aurait permis de saisir
de quoi on parle de façon concrète.
J'ai l'impression que le choix pour la séparation de biens risque
de devenir beaucoup moins fréquent après l'adoption de l'ensemble
de ces mesures, parce que, finalement, cela engendre des coûts de
notaire, etc. Le résultat net, avec le chapitre sur la résidence
familiale et les autres chapitres qui ont une incidence patrimoniale, pour la
plupart des gens - je ne parle pas des gens qui ont des fortunes, parce que
encore une fois, c'est 5% ou 10% de la population - ce ne sera pas une
considération majeure. C'est ce qui me permet de conclure que,
même si je n'épouse pas les revendications du RAIF sur ce
chapitre-là, je pense que les inquiétudes que ce groupe
exprime trouvent une partie de leur réponse dans d'autres
éléments du projet de réforme.
Le Président (M. Laberge): L'article 5.16 est-il
adopté?
Une voix: Oui, adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 516, adopté.
Article 517?
M. Bédard: Je pourrais simplement mentionner qu'à
d'autres articles du projet de loi le RAIF et sa principale
représentante y sont allés de recommandations constructives. Je
pense, entre autres, à l'article 417, je crois, où on a
exprimé déjà l'intention de donner suite, en bonne partie,
à la recommandation faite par le RAIF.
L'article 516 est adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 516 est
adopté. Article 517? M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 518?
M. Bédard: Cela rejoint nos... M. Forget:
Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 519. Il
n'y a rien de spécial à l'article 519?
M. Bédard: Non, rien de spécial, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): L'article 519 est
adopté. À l'article 520, on a une correction à
apporter.
M. Forget; Excusez-moi, M. le Président, à
l'article 519...
M. Bédard: Est-ce qu'on nous permettrait une petite
suspension de quelques minutes?
M. Forget: Oui, bien sûr.
Le Président (M. Laberge): La séance est suspendue
pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 48)
(Reprise de la séance à 17 h 11)
M. Bédard: Je voudrais déposer deux amendements, un
à l'article 495 et l'autre à l'article 496, à l'attention
de l'Opposition. Nous savons que le but poursuivi était de bien
clarifier la portée de l'article 495 et surtout de l'article 496. Alors,
je vous en remets une copie. Est-ce qu'il est nécessaire de les lire, M.
le Président?
Le Président (M. Laberge): Oui, je vais le faire. À
l'article 495 que nous avions ouvert, nous allons oublier la recommandation qui
nous a été faite de mettre les mots "fassent remonter". Cela
devient caduc. Nous remplaçons le deuxième alinéa par le
suivant: "Les effets de la dissolution se produisent immédiatement, sauf
dans les cas des paragraphes 3 et 5, où ils remontent, entre les
époux, au jour de la demande." Est-ce que cet amendement,
remplaçant le deuxième alinéa, sera adopté?
M. Forget: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Amendement adopté.
L'article 495, amendé, est adopté. À l'article 496, on
nous demande de remplacer les mots "le tribunal peut" par "dans tous les cas de
dissolution prévus à l'article précédent, le
tribunal peut toutefois, à la demande de..." Est-ce que cet amendement
est adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 496,
amendé, est adopté. Nous retournons à l'article 520.
À l'article 520, y a-t-il quelques commentaires?
M. Bédard: Cela précise les effets de la
séparation de biens entre époux et la date où elle
s'applique. Le deuxième alinéa de l'article 1442 du Code civil a
été supprimé, parce qu'il n'a pas semblé utile,
selon l'explication qui a été fournie par l'Office de
révision du Code civil sous l'article 231.
Le Président (M. Laberge): Article 520, adopté.
Article 521.
M. Bédard: Je n'ai pas de remarque spéciale, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): Article 521 adopté.
Article 522.
M. Forget: L'article 520 a été adopté avec
une modification, n'est-ce pas?
Le Président (M. Laberge): Excusez! J'ai oublié.
J'ai omis, à l'article 520... Alors, l'article 520 est ouvert pour
remplacer, à la deuxième ligne du deuxième alinéa,
le mot "reporte" par "ne les fasse remonter". Il ne faudrait pas seulement
remplacer le mot "reporte". Si on change "reporte", on remplace par "fasse
remonter". Donc, l'article 520, adopté avec amendement.
Je vous remercie de me l'avoir fait
remarquer. (17 h 15)
Article 522? Il n'y a rien de spécial.
M. Forget: L'article 521 a été adopté, M. le
Président?
Le Président (M. Laberge): L'article 521, oui. Article
522? Je n'ai pas de papillon.
M. Forget: Adopté. Le Président (M. Laberge):
Pardon? Mme LeBlanc-Bantey: J'ai une question. Le
Président (M. Laberge): Excusez!
Mme LeBlanc-Bantey: J'aimerais encore une fois savoir la
nécessité du "sauf stipulation contraire" dans le contrat de
mariage. Cela me fatigue toujours les "sauf stipulation contraire" parce que
j'ai toujours l'impression que, d'un côté, on veut
protéger, rendre service ou faire les choses équitablement et
que, de l'autre côté, par des stipulations contraires on veut
défaire ce qu'on a fait. J'aimerais comprendre la signification de
l'article.
M. Bédard: Ce n'est que pour informer que
légalement les époux peuvent convenir du contraire. Je ne pense
pas qu'il faille le voir dans le sens d'un encouragement à y aller d'une
stipulation contraire.
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais simplement vous demander de
m'expliquer ce que signifie cet article. J'ai perdu de grands bouts de votre
cours de droit depuis deux jours. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de
l'expliquer. Que signifie cet article?
M. Bédard: Les droits de survie sont des droits qui ne
prennent effet qu'au décès et comme le nom le dit, de survie,
donc ils prennent effet en faveur du conjoint survivant, donc à la suite
du décès de son conjoint. Une séparation judiciaire de
biens peut intervenir parce que, le mari dans l'administration de la
communauté n'est pas un bon administrateur ou encore parce que dans la
société d'acquêts, les administrateurs sont
considérés comme n'administrant pas dans l'intérêt
de la famille. On demande une séparation de biens, mais cela n'a pas
pour effet d'ouvrir les droits de survie parce que ce n'est pas un
décès. Vous pourriez dire: Cela va de soi. Pourquoi le dire?
Là aussi, il y a toutes sortes de raisons.
Mme LeBlanc-Bantey: Si je comprends bien le "sauf stipulation
contraire" dans le contrat de mariage serait là cette fois-ci pour
rendre service?
M. Bédard: Cela pourrait rendre service si dans le contrat
de mariage... Remarquez que je ne suis pas prêt à dire que c'est
d'application courante ou fréquente, mais en disant qu'à la suite
d'une séparation judiciaire de biens des droits de survie peuvent
être ouverts en faveur de l'un ou l'autre des conjoints, cela pourrait
leur être favorable.
Mme LeBlanc-Bantey: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 522, adopté.
Nous changeons de chapitre. Chapitre huitième.
M. Bédard: M. le Président, je pense que nous
pourrions ajourner jusqu'à 20 heures, avec consentement.
Le Président (M. Laberge): De consentement. Les membres de
la commission me demandent de suspendre les travaux. Ceux-ci sont suspendus
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 15)
(Reprise de la séance à 20 h 19)
Le Président (M. Laberge): La commission parlementaire de
la justice, qui étudie présentement le projet de loi no 89,
reprend ses travaux. Les membres de la commission seront les mêmes pour
toute la séance.
Avant de suspendre pour le lunch, nous avons adopté l'article 522
et, après entente entre les membres de la commission, nous reviendrons
sur les chapitres suspendus et passons maintenant au titre troisième, De
la filiation.
M. Bédard: C'est cela, M. le Président.
Après entente, également, nous avons convenu que nous
entreprendrions l'étude article par article du chapitre deuxième
traitant de l'adoption.
De l'adoption
Le Président (M. Laberge): Cette entente nous fait passer
à la page 35 du projet de loi, chapitre deuxième, De
l'adoption.
M. Bédard: Peut-être un commentaire
général, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Oui, M. le ministre.
M. Bédard: Vous avez référé au titre
De la filiation. Ce titre traite de la filiation des enfants dans un esprit
d'égalité entre eux, que leur filiation soit établie par
le
sang ou par l'adoption, qu'ils soient nés de parents
mariés ou non.
Mme Lavoie-Roux: On a adopté tout cela.
M. Bédard: S'il vous plaît, à l'ordre!
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: Ce titre traite de la filiation des enfants
dans un esprit d'égalité entre eux, que leur filiation soit
établie par le sang ou par l'adoption, qu'ils soient nés de
parents mariés ou non. C'est là l'une des réformes les
plus fondamentales du droit de la famille que propose le projet de loi, celle
de l'abolition de toute distinction entre les enfants dits légitimes ou
naturels. Les différences de traitement juridique entre les membres
d'une famille ont souvent conduit à des injustices dont les enfants ont
été les seuls à porter le poids; ceci n'est plus
acceptable aujourd'hui.
Une deuxième réforme importante tient au fait que nous
proposons d'inclure au Code civil les dispositions de droit substantiel
relatives à l'adoption. L'adoption constitue, en effet, un moyen pour
intégrer l'enfant à une nouvelle famille et lui assurer les
mêmes droits qu'à un enfant dont la filiation est établie
par le sang. C'est donc dans la perspective d'une réforme
complète et cohérente du droit de la famille, comme je le
mentionnais lors de mon discours de deuxième lecture, que nous proposons
cette intégration des règles de droit substantiel, étant
certains que ces règles seront complétées par d'autres
lois en ce qui concerne les aspects les plus administratifs et la
procédure civile relative à l'adoption.
Concernant l'adoption d'une façon particulière, la
filiation adoptive constitue le deuxième volet du titre De la filiation
et le projet de loi propose, par rapport aux règles actuelles, deux
réformes majeures, soit la déclaration d'adoptabilité et
l'ordonnance de placement. En effet, il nous a paru important, dans le but de
faciliter l'adoption des enfants abandonnés ou sans filiation et
d'assurer ainsi leur intégration dans une famille, de permettre, sur
preuve de certains faits, qu'un tribunal puisse déclarer un enfant
adoptable.
Par ailleurs, il nous a paru aussi qu'il était dans
l'intérêt de l'enfant que sa situation juridique par rapport
à ses parents biologiques soit réglée rapidement. C'est
pourquoi le projet de loi propose que le placement s'effectue par une
ordonnance du tribunal plutôt que par la simple remise de l'enfant aux
adoptants. C'est, en effet, avant qu'il y ait ordonnance de placement que le
tribunal sera appelé à vérifier la
régularité des consentements et la qualité des adoptants.
S'il en vient à la conclusion que le placement est dans
l'intérêt de l'enfant, son ordonnance empêchera toute
restitution de l'enfant aux parents ou à un tuteur ou
l'établissement d'une filiation par le sang. Ceci, croyons-nous,
favorisera la stabilité des liens affectifs entre l'enfant et les
adoptants en mettant ceux-ci à l'abri de demandes de restitution - ce
qui arrive assez souvent aujourd'hui - qui peuvent survenir à tout
moment avant l'adoption, tout en préservant suffisamment les droits des
parents biologiques.
Également, le projet de loi vise à faciliter le
rétablissement possible de liens entre les adoptés majeurs et
leurs parents biologiques, si tous y ont préalablement consenti. Il n'a
pas paru opportun, afin d'éviter des traumatismes à l'enfant, de
permettre le rétablissement de telles relations pendant la
minorité de l'adopté.
Dans le but de faciliter le déroulement du processus d'adoption,
je propose certains amendements à ce chapitre afin de réduire les
contestations sur la régularité ou la qualité des
consentements donnés par les parents, tuteurs ou enfants. Je propose que
les consentements requis soient toujours donnés devant eux et devant
témoins. C'est l'essentiel des propos d'ouverture.
En ce qui regarde la déclaration d'adoptabilité, il
paraît opportun que le Code civil détermine, comme il le fait par
ailleurs, les personnes qui peuvent exercer ce recours. Aussi, je propose un
amendement pour préciser ce point. En outre, plusieurs personnes m'ont
souligné les difficultés de preuve que pourrait susciter
l'application de l'article 607, car, suivant le texte du projet de loi, les
requérants seraient dans l'obligation non seulement de prouver que les
père, mère ou tuteur ont effectivement abandonné l'enfant,
mais aussi qu'il est improbable qu'ils en assument de nouveau le soin,
l'entretien ou l'éducation. Afin d'éviter ces difficultés,
je propose, en amendement, que cette improbabilité soit
présumée dès que l'abandon est prouvé. M. le
Président, j'ai déposé les amendements.
Le Président (M. Laberge): Le premier s'applique à
l'article 596. Merci pour vos commentaires, M. le ministre, ou vos remarques
préliminaires.
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais dire, avant
de commencer l'étude article par article de ce chapitre sur l'adoption,
que ceci constitue pour moi ou presque l'aboutissement d'un assez long
cheminement qui, à certains moments, a semblé ne jamais devoir
déboucher sur quoi que ce soit. Si je peux me permettre quelques
remarques d'intérêt historique ou personnel, ou les deux, je me
souviens que
cette préoccupation de l'adoption que j'ai eue dès mon
arrivée comme ministre des Affaires sociales, il y a déjà
de cela plusieurs années, s'est heurtée à l'époque
à toutes sortes d'obstacles que je n'ai jamais compris vraiment. Par
exemple, il y a eu, après quelques mois de demandes pour que les
fonctionnaires de mon ministère, à l'époque, me produisent
quelques recommandations afin de résoudre des problèmes qui
étaient aigus pour les familles et les enfants qui ont à y faire
face, les délais incroyables et les réticences évidentes
que j'ai senties chez un certain nombre de fonctionnaires qui étaient
charqés de ces dossiers. Ces réticences ont éventuellement
été surmontées devant l'intérêt
évident et la persistance que j'apportais à vouloir traiter du
sujet.
Ceci a été suivi d'une difficulté nouvelle lorsque,
demandant aux centres de services sociaux de nous éclairer sur leur
expérience, les centres de services sociaux étant les successeurs
des sociétés de placement auxquelles fait allusion le Code civil,
nous nous sommes heurtés auprès des centres de services sociaux
à un refus de collaboration, un refus de nous communiquer toute
espèce de renseignements, de nature globale et pas bien sûr de
caractère individuel, nous permettant d'évaluer l'importance
relative des problèmes, les raisons pour lesquelles certaines
difficultés semblaient ne jamais vouloir se résoudre,
l'expérience heureuse ou malheureuse de certains adoptants ou de
certains parents qui conservaient leurs enfants, dans le cas des mères
célibataires, etc., de manière à pouvoir formuler,
malgré tout, des recommandations basées sur l'observation du
réel.
Cet obstacle n'a jamais été surmonté, si bien qu'il
a fallu utiliser les expériences étrangères telles qu'on
les retrouve dans des écrits pour pouvoir en déduire, par
analogie, que certains problèmes devaient se reproduire au Québec
de la même façon que soit en France, aux États-Unis, en
Grande-Bretagne, ou Dieu sait où. Aussitôt qu'on a pu finalement
mettre ensemble un certain nombre de recommandations, les aléas de la
politique ont fait que je n'ai plus été en mesure d'en suivre le
déroulement.
Cependant, je dois dire que cette question de l'adoption, je ne voudrais
pas donner l'impression que j'étais le seul au Québec à
m'y intéresser, bien loin de là, c'est seulement les
circonstances qui ont voulu que j'aie des responsabilités à
exercer. Dans les mois et les années qui ont suivi, des organismes ont
fait connaître leurs réactions au livre blanc qui avait
été publié à la fin de 1976, en particulier le
Conseil des affaires sociales et de la famille. Je dois dire que le texte qui
est devant nous à l'Assemblée nationale, de ce temps-ci, les
reprend dans une très large mesure. Je ne le dis pas par désir de
revendiquer la paternité de quoi que ce soit, je pense qu'il y a
là un certain nombre d'idées qui sont devenues un patrimoine
commun et je pense que c'est heureux qu'on puisse légiférer
après tout ce processus de réflexion.
Il y a des idées que le ministre a mentionnées qui sont
fort importantes et sur lesquelles nous reviendrons, bien sûr. La
déclaration de l'adoptabilité, en particulier, qui est un nouvel
élément de notre droit substantif qui est extrêmement
important. Il y a aussi cette mesure qui est l'ordonnance de placement sur
laquelle j'aurai passablement de choses à dire, mais qui est une des
mesures à laquelle j'attache énormément d'importance,
pourvu qu'elle soit bien conçue et bien appliquée, afin de
favoriser l'intérêt de l'enfant. (20 h 30)
Avant d'en venir, encore une fois, à des choses plus
particulières, j'aimerais dire aussi que je pense qu'il est symbolique
de l'importance égale que l'on veut attacher aux liens d'adoption par
rapport aux liens de filiation biologique que d'incorporer, dans le Code civil,
les disposition substantielles de l'adoption. Il est assez paradoxal que la
filiation biologique et naturelle soit inscrite et se traduise juridiquement
par des dispositions du Code civil et que le reflet juridique de l'adoption ne
se traduise que dans du droit statutaire. Je pense que ce reflet, dans deux
types de lois, avec un statut bien différent dans notre système
juridique, reflétait justement le statut très différent
des liens en question, dans l'un et dans l'autre cas.
Je note avec plaisir que le ministre est conscient qu'il y a une
nécessité qui persiste pour que certaines mesures administratives
existent dans une loi statutaire ou dans des codes de procédure,
où que ce soit, mais c'est bien sûr qu'on ne peut pas tout mettre
dans le Code civil, il y a certains détails administratifs ou
procéduriers qui devront être traités ailleurs.
M. le Président, nous allons examiner un chapitre où on va
avoir énormément recours à la notion de
l'intérêt des enfants. J'ai constaté, à travers
toutes ces discussions et toutes les réflexions que j'ai faites
relativement à l'adoption, que c'est un principe auquel tout le monde
souscrit très facilement. Évidemment, c'est un principe un peu
comme celui de la maternité; pour employer l'expression
célèbre, tout le monde est aussi en faveur des enfants, sauf que,
dans le concret, les implications de ce principe sont souvent ignorées.
Les deux implications les plus sensibles d'une ignorance pratique de
l'intérêt de l'enfant, dans le chapitre de l'adoption - je dois
dire qu'on y apporte des remèdes significatifs - se trouvent du
côté de l'adoption des enfants
légitimes.
Évidemment, tout le contexte mental, moral et légal dans
lequel le droit de l'adoption s'est certainement élaboré dans le
Code civil du Bas-Canada, et encore plus récemment, était que ces
pauvres enfants illégitimes devaient être l'objet d'un acte de
bienfaisance qui constituait l'essentiel du problème qu'avaient à
résoudre les lois de l'adoption. Mais, dans notre monde d'aujourd'hui,
les enfants qui ont le plus besoin d'être adoptés... Non, ce n'est
peut-être pas ça, mais le plus grand nombre d'enfants qui ont
besoin d'être adoptés sont des enfants légitimes. C'est
véritablement un scandale de constater que notre droit, notre
système juridique était complètement aveugle à
cette réalité et plaçait des conditions telles pour
permettre l'adoption de ces enfants qu'effectivement, ils se retrouvent
littéralement par dizaine de milliers dans des institutions - on
n'appelle plus ça des orphelinats, mais ça n'a de
différent des orphelinats que le nom - qui restent là pendant des
années, parce qu'en cours de route, on a oublié qu'ils avaient
encore des parents légitimes et, même si on le savait, de toute
façon, la procédure par laquelle les parents légitimes
peuvent renoncer à leur droit de propriété, puisque c'est
presque ça, sur les enfants et leur permettre un placement et une
adoption, est tellement compliquée, tellement mal définie ou
peut-être même inexistante que cela ne s'est pas fait.
Je pense que c'est l'exemple par excellence où
l'intérêt des enfants que tout le monde proclamait était
joyeusement ignoré, en pratique.
Un autre domaine où on a ignoré le droit des enfants,
c'est dans les façons dont le droit relatif à l'adoption peut,
dans le souci d'ailleurs légitime de protéger le droit des
parents, prévoir tellement de possibilités de
rétrocession, de révocation de consentement, d'appel et de
recours parce qu'on traite l'enfant comme un "chattel", une
propriété. Si jamais les parents ont le malheur de changer
d'idée un jour, par fantaisie peut-être ou autrement, on a
toujours voulu du côté du législateur, favoriser
l'expression de ces velléités sans se demander ce que ça
faisait à l'enfant qui lui, peut-être depuis des années ou
des mois, s'est retrouvé dans une famille qu'il considère comme
sa famille. On a encore ce problème-là. Bien sûr on ne peut
jamais le trancher de façon absolue, mais je pense qu'il va falloir
regarder un certain nombre de dispositions d'un oeil très
sévère parce que, lorsque le problème de l'adoption se
pose finalement, je pense que le droit des parents est très secondaire
à l'intérêt de l'enfant. Quand le problème de
l'adoption se pose, c'est qu'il y a une carence sérieuse du
côté des parents. Il y a presque une présomption que le
droit qu'ils auraient normalement, ils ont le fardeau de la preuve de
démontrer qu'ils peuvent l'assumer et ils doivent le faire très
rapidement pour ne pas créer une situation d'insécurité
sur le plan émotif entre l'enfant adopté ou placé pour
adoption et sa nouvelle famille.
Ces situations-là sont extrêmement difficiles et
pénibles à vivre pour les parents adoptants et tout ce que le
législateur peut faire pour les récompenser dans le fond de
l'immense service qu'ils font à la société de s'occuper
d'un enfant et de lui donner un vrai foyer en supprimant toute cette
insécurité, tous ces recours, toutes ces tracasseries, je pense
qu'il faut le faire avec assez de sévérité
vis-à-vis des parents naturels.
En terminant, M. le Président, je pense que j'ai
déjà souligné deux des objectifs importants qu'il faut
surmonter pour véritablement donner un sens concret à
l'expression "l'intérêt des enfants". Il y a certains autres
obstacles administratifs ou bureaucratiques ou soi-disant professionnels qui
s'expriment dans ce secteur-là et pour lesquels il faut également
être très éveillés. J'en citerai quatre mais il y en
a peut-être d'autres: Le premier c'est celui que l'on retrouve dans la
situation actuelle. Je pense que dans une certaine mesure le projet qu'on a
devant nous le règle, mais je ne suis pas absolument certain. Il serait
peut-être possible de faire des améliorations. Il s'agit de cette
espèce de présomption de culpabilité qui n'est
évidemment pas dans la Loi sur l'adoption, mais qui se dégage de
son fonctionnement et qui résulte de la période de probation des
parents adoptants. Avec l'ordonnance de placement, je pense qu'on est en mesure
de renverser cette présomption-là. On ne le fait peut-être
pas suffisamment clairement, mais le sens d'une ordonnance de placement c'est
d'anticiper le jugement sur la qualité de la famille adoptante ou
adoptive et sur la validité des consentements, etc. La période de
probation de six mois qui suit, même si le livre blanc que j'avais
publié suggérait de l'éliminer totalement - je pense que
cela a fait l'objet de beaucoup de commentaires - peut-être ne doit-on
pas effectivement l'éliminer. Il y a quand même peut-être
une dernière sauvegarde qu'il est important de conserver, mais je pense
que le sens de cette période de probation serait beaucoup plus sain si,
au lieu d'être une période pendant laquelle les parents adoptifs
doivent continuer à montrer patte blanche et à faire positivement
la preuve de leur qualification, ce soit une période pendant laquelle on
laisse en suspens la qualité définitive de parents adoptifs, mais
où, malgré tout, le fardeau de la preuve repose sur quelqu'un qui
pourrait s'opposer à ce que l'adoption devienne définitive.
Je pense que, si on le formulait de
cette façon-là, la famille adoptive ne serait pas dans une
situation extrêmement difficile à l'heure actuelle où elle
a l'impression d'être sous le regard attentif et jaloux de toutes sortes
d'organismes et où elle doit faire la preuve positivement qu'elle
constitue une bonne famille. Pour nous qui avons des enfants qui ne sont pas
adoptés, on se demande comment on aurait pu honorer une telle obligation
vis-à-vis de nos propres enfants face à des tiers parce que
personne ne nous a jamais dit ce que c'est que d'être des bons parents;
on le fait du mieux possible, mais s'il fallait toujours se justifier aux yeux
des tiers, en fonction de critères que personne n'a jamais
précisés et qui peuvent dépendre de la bonne humeur ou de
la mauvaise humeur de l'individu qui observe, je crois que ce serait une
situation qu'on jugerait absolument abusive et intolérable.
Je pense que si on renverse la présomption, on protège
l'enfant et on fait cesser cette espèce d'état policier.
J'exagère un peu, mais pas tellement; on m'a raconté suffisamment
d'anecdotes assez hallucinantes pour qu'on puisse presque utiliser cette
expression.
Une deuxième difficulté administrative vient du fait que
certains parents, certaines familles reçoivent des enfants à
titre de familles d'accueil. Pour des raisons le plus souvent
économiques, parfois autres mais légitimes - on ne peut pas, en
général, présumer de leur illégitimité -
elles ne se sentent pas capables d'assumer toute la responsabilité de
l'adoption. Malgré tout, plusieurs centaines, plusieurs milliers
d'enfants vivent dans des familles d'accueil et il n'existe aucun lien de droit
entre la famille d'accueil et l'enfant placé. Aucun lien de droit. Ce
placement dépend d'une discrétion administrative et
professionnelle, bien sûr, mais il a un aspect administratif, de sorte
que, parfois pour des raisons de convenances administratives, pour des raisons
qui sont absolument inconnues et indéchiffrables, des enfants sont
déplacés d'une famille à une autre, alors que des liens
affectifs ont été créés. Il n'y a pas de
remède. La famille d'accueil et l'enfant lui-même n'ont aucun
recours.
Le livre blanc que j'ai publié en 1976 suggérait
l'institution de la tutelle familiale. C'est une expression comme une autre qui
désigne un certain nombre de droits, les droits de l'autorité
parentale, sauf celui de consentir à l'adoption. On pourrait les
définir en tenant compte d'autres préoccupations qui
permettraient à la famille d'accueil d'avoir un certain sentiment de
sécurité et de continuité et où, pour obtenir un
déplacement, il faudrait l'intervention du tribunal et une preuve du
caractère approprié ou nécessaire d'un tel
déplacement. C'est une proposition, je ne le cache pas, qui a
été l'objet de certaines controverses. Cette suggestion ne fait
pas l'unanimité. Je ne la présente pas comme étant une
vérité absolue, mais il reste qu'on n'a rien
suggéré d'autre qu'une formule qui a été même
incorporée dans la loi, l'adoption subventionnée et qui, je crois
savoir, n'est pas heureuse, n'a pas réussi et soulève des
problèmes encore pires que tout ce qui pourrait être
soulevé par la tutelle familiale.
C'est un problème, l'absence de liens juridiques entre les
familles d'accueil et les enfants qui leur sont confiés. Je ne
suggère pas que la tutelle familiale existe dans tous les cas de
placement, bien sûr, mais dans un certain nombre de cas, là
où on peut envisager, où on doit se résoudre à
envisager la durée. Par exemple, un certain nombre d'enfants avec
handicaps sont placés en familles d'accueil. Il est parfois très
difficile d'obtenir leur adoption. Pourquoi? Parce que l'existence même
du handicap crée la perspective d'une responsabilité
financière très lourde. Une famille peut hésiter à
aller aussi loin que cela; malgré tout, tant qu'elle le peut, et tant
qu'elle peut bénéficier de l'aide de l'État, elle peut
être en mesure de continuer cette relation. Ce n'est qu'un exemple, mais
je pense que c'est un exemple qui s'applique dans bien des cas. (20 h 45)
II y a un troisième problème administratif qu'il faut
surmonter. Je pense que, dans l'ensemble, le projet qui est devant nous y
correspond; c'est le problème du monopole professionnel des centres de
services sociaux. J'ai été agréablement
impressionné par le fait que le Code civil ne contient aucune
disposition, me semble-t-il, qui doive être interprétée
comme conférant un monopole ou un pouvoir exclusif aux centres de
services sociaux. Je pense qu'il doit en être ainsi. On ne doit pas, dans
le Code civil, se lier à des institutions qui n'existaient pas il y a
dix ans et qui peut-être, dans dix ans, n'existeront pas, du moins sous
la même forme. Je pense qu'il faut, non seulement en vertu de cette
raison, mais en vertu du fait que, même si ces structures devaient
être éternelles, je crois qu'il faut envisager un régime
plus ouvert que celui-là et qui permet à une expertise
professionnelle, même si elle ne correspond pas strictement à des
normes technocratiques ou bureaucratiques précises, d'assister le
tribunal dans les décisions qu'il doit prendre, en dehors de toute
espèce de cadre étroitement défini pour des raisons et des
fins administratives.
Un dernier point, M. le Président, les obstacles ou les
difficultés dont il faut tenir compte plus explicitement, c'est dans le
mécanisme de placement pour adoption, à la fois dans les
délais et dans les exigences qui sont impliqués. Je crois qu'il
faut faire une distinction entre différentes sortes d'adoption. Les
adoptions entre consanguins, par exemple, ne posent pas les mêmes
problèmes de sélection, de preuve, de compatibilité
ou d'acceptabilité des parents adoptifs que celles entre
étrangers. Il n'est peut-être pas nécessaire, à ce
moment-là, qu'on présume que la preuve et la façon de
produire la requête, les délais, encore une fois, soient les
mêmes.
Une autre catégorie qui est différente de l'adoption entre
étrangers, l'adoption, en quelque sorte, aveugle qui se fait par une
agence, etc., c'est ce que le Conseil des affaires sociales et de la famille
appelle les adoptions ouvertes, c'est-à-dire des adoptions de
consentement mutuel entre familles naturelles et familles adoptives, la famille
naturelle pouvant se résumer à une seule personne, bien
sûr. Mais on soulève dans le rapport une chose qui
m'apparaît souhaitable. Par exemple, une mère célibataire
qui a un bébé et qui ne souhaite pas procéder par le
mécanisme anonyme et impersonnel d'une agence de placement, mais qui,
malgré tout, veut placer son enfant pour adoption et qui
préfère le faire à une famille qu'elle connaît,
cette famille désirant, par ailleurs, adopter.
Il y a là, à mon avis, une situation qui n'exige pas le
même genre d'intervention, d'expertise et de délai que celui que
l'on retrouve dans une situation où une agence intervient comme
intermédiaire entre parents naturels et parents adoptifs qui ne se
connaissent ni d'Ève ni d'Adam. C'est une autre distinction, un peu
comme celle entre consanguins, où un degré plus grand de
souplesse serait nécessaire, l'avantage de tout ceci étant de
réduire les délais et la période de tâtonnement ou
de flottement que ces délais font nécessairement subir à
tout le monde, les enfants étant les premiers concernés.
M. le Président, ce sont les remarques préliminaires que
je voulais faire. Mais je voudrais terminer en disant que, dans l'ensemble, je
pense qu'on va probablement passser un certain temps là-dessus, parce
que c'est très intéressant et très important. Il y a
peut-être quelques améliorations qu'on pourra faire à
l'occasion. Mais je voudrais féliciter le ministre pour un projet qui,
même dans son état actuel, est un progrès très
substantiel sur la législation existante.
Le Président (M. Laberge): Merci, M. le
député de Saint-Laurent.
Mme la député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'ai juste quelques remarques à ajouter
à celles que vient de faire le député de Saint-Laurent.
Si, sur une grande partie de ses remarques, je suis d'accord, il y en a
d'autres sur lesquelles je ne suis pas autant d'accord. Je ne sais pas ce que
cela va donner comme résultat si c'est l'Opposition qui est
partagée dans ses opinions. Hein? Cela nous arrive. Cela nous
arrive.
Le premier principe que mon collègue de Saint-Laurent a fait
valoir était que l'adoption soit à l'intérieur du Code
civil. En effet, si vraiment dans les faits on ne veut plus faire de
différence entre enfant illégitime et légitime, etc., et
qu'on veut que tous soient considérés sur le même pied au
point de vue civil, je trouve qu'il est bon que ce soit à
l'intérieur du Code civil. Il y a la question que mon collègue a
soulevée sur la période de probation. Moi, je ne suis pas
opposée à ce que, au lieu que la période de probation
porte sur les parents, ce soit plutôt dans l'intérêt de
l'enfant, mais il faut qu'il y ait une période de probation. Il y a
peut-être des cas particuliers dont le député de
Saint-Laurent a parlé tout à l'heure. Il reste qu'il ne faut pas
oublier le temps pas si lointain où les adoptions se faisaient d'une
façon assez scandaleuse, un peu à la va comme je te pousse et au
hasard des circonstances parce qu'à ce moment-là il y avait
beaucoup d'enfants à adopter et, ensuite, tout le monde faisait de
l'adoption à droite et à gauche. S'il est vrai que mon
collègue a pu rencontrer des cas où il y a eu abus des
professionnels et autres, je pense quand même que la qualité de
l'adoption s'est améliorée. Il s'est quand même
développé une expertise. Je pense bien que personne ne peut
professionnellement en prendre tout le mérite ou déclarer en
avoir le monopole, mais il reste que cela s'est fait à
l'intérieur des agences de service social. C'est un point sur lequel je
diffère un petit peu d'opinion avec mon collègue,
c'est-à-dire que j'aimerais le voir un petit peu moins absolu dans ce
type d'affirmation.
Il reste que ma question fondamentale à cet égard est: De
quelle façon va-t-on procéder pour ce qui constitue quand
même des mesures administratives - je pense que ce n'est pas uniquement
de nature administrative, mais plutôt de nature humaine aussi - pour
assurer la qualité de l'adoption? Je répète que je suis
d'accord que ce soit dans le Code civil, mais je pense qu'il faut aussi avoir
des préoccupations au point de vue du fonctionnement et de la
façon dont les adoptions vont se faire.
La suggestion que mon collègue de Saint-Laurent faisait sur les
familles d'accueil, je crois qu'elle est fondée et on avait eu
l'occasion d'en parler au moment de la loi 13. C'est ce qu'il appelle la
tutelle familiale, sans penser qu'il ne puisse pas y avoir un meilleur titre.
Cette formule qui créerait des liens juridiques entre la famille
d'accueil et un enfant qui est placé pour un grand nombre
d'années me semblerait beaucoup plus satisfaisante que ce qu'on a
tenté de faire de bonne foi l'an dernier en passant l'adoption
subventionnée. J'ai eu des informations de centres de services sociaux
et d'agences de service social où on s'occupe
d'adoption. Il ne semble pas que cela ait fonctionné dans les
faits. J'avais exprimé beaucoup de doutes à ce moment-là.
En tout cas, ce n'est pas une chose qui semble pouvoir se
généraliser dans le cas des familles d'accueil qui ont eu une
permanence pour les enfants qu'ils ont.
Je ne sais pas si c'est ici qu'il faut soulever le problème ou si
c'est à propos de la filiation, quoique ici on parle du consentement de
l'adopté. J'ai connu quelques cas personnellement et il y en a d'autres
qui m'ont été rapportés. Combien de fois un enfant peut-il
être adopté? Cela a l'air d'une question un peu surprenante, mais
vous avez un enfant qui est légitime, dans le sens où on l'entend
et, avec la succession des divorces, je connais une adolescente qui a
maintenant 13 ans, qui a changé trois fois de nom et les trois sont
légaux. Elle a eu le premier à sa naissance, le deuxième
lorsqu'elle a été adoptée la première fois et le
troisième lorsqu'elle a été adoptée une
deuxième fois. Quand on parle de la préoccupation qu'on veut
avoir pour l'enfant et qui, je pense, nous anime tous, je n'ai pas de
suggestion à faire, mais je me demande de quelle façon on
pourrait... Est-ce qu'il y a des limites ou des restrictions quelconques? Qu'un
enfant se fasse adopter successivement ou change de nom quand il a 1, 3, 4 ou 5
ans, dès qu'il est entré à l'école -
peut-être même avant, mais disons à l'école - je
pense que votre identité devient encore plus importante parce que vous
vous appelez Tremblay, Bédard ou autrement. Je ne pense pas qu'on puisse
permettre... Dans le moment, c'est ce qui arrive, des enfants qui peuvent .
changer successivement... J'espère que c'est son dernier, rendu au
troisième.
M. Bédard: II y a peut-être un problème
d'affectivité.
Mme Lavoie-Roux: C'est peut-être un problème un peu
particulier, mais je pense qu'il a sa place ici, dans la filiation ou dans
l'adoption, je ne sais pas où. La première question est qu'il
resterait une période de probation, si on veut, sauf que ce n'est plus
en fonction des parents, mais en fonction du bien de l'enfant, de
l'intérêt de l'enfant. Je ne m'oppose pas à ce que le
fardeau change d'endroit, je suis tout à fait d'accord. Je voudrais
quand même que le ministre nous donne aussi... J'ai vu, dans
l'introduction, dans le préambule ou dans les notes
préliminaires, les notes explicatives, que la Loi sur l'adoption semble
disparaître, si je ne me trompe pas. Alors, qu'est-ce qu'on mettra en
place? On peut parler de loi statutaire, je ne sais trop ce dont on peut
parler, mais qu'est-ce qui la remplace quant aux dispositions administratives,
sociales ou autres? Ce sont les deux points principaux que je voulais faire
valoir.
Le Président (M. Laberge): Merci, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme LeBlanc-Bantey: J'imagine que nous en sommes aux questions
d'ordre général. Honnêtement, je n'ai pas
étudié toute la loi. À la suite des réflexions
qu'ont faites et le député de Saint-Laurent et la
députée de L'Acadie sur l'espèce de monopole que
détiennent les centres de services sociaux, je vous avoue que je partage
plutôt l'opinion de la députée de L'Acadie, mais je me
demande s'il existe une procédure d'appel justement pour éviter
les cas d'injustice auxquels aurait pu faire allusion le député
de Saint-Laurent pour les parents qui se seraient vu refuser une adoption parce
que telle personne, quelque part, aurait décidé arbitrairement
que ce n'étaient pas de bons parents.
M. Bédard: Non, il n'y a pas...
Mme Lavoie-Roux: Je pense que le député de
Saint-Laurent pensait plutôt qu'il y a des parents qui ont
peut-être déjà deux enfants fort bien élevés
ou enfin selon les normes générales, si on peut dire, dont on
prenait bien soin; ils en adoptent un autre et ils se sentent peut-être
dans une position difficile de voir que tout à coup ils sont mis un peu
sous tutelle pour le troisième. Même s'ils n'en ont pas, il a pu
se produire des cas comme ceux-là.
Par contre, si on faisait l'équilibre entre le nombre d'enfants
qui ont été protégés par cette formule et d'autres
parents qui ont été "abusés"...
Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'il y aurait une procédure
d'appel quelconque? Je soulève le point parce que j'ai connu des parents
qui ont tenté d'adopter des enfants. C'étaient, ce qu'on appelle
aux îles, des gens de l'extérieur qui viennent vivre quelques
années là-bas sur le plan professionnel; ils ont pris deux
enfants en famille d'accueil, ils ont voulu les adopter et semble-t-il qu'on
aurait décidé - je ne suis pas au courant du cas, j'en ai
vaguement entendu parler dernièrement - que, puisqu'ils quittaient les
îles, on ne pouvait leur céder les enfants en famille d'accueil
parce qu'on les arrachait de leur milieu originel, si vous voulez.
M. Bédard: Disons qu'il n'y a pas de mécanisme qui
existe à l'heure actuelle, mais je puis vous dire qu'au moment où
on se parle, il y a déjà...
Mme LeBlanc-Bantey: Ils voulaient les adopter et, semble-t-il, on
aurait refusé tout simplement parce que les enfants seraient
transplantés hors de leur milieu alors que cela faisait quand
même des années que les gens s'en occupaient.
M. Forget: Ce genre de critère ne donne ouverture à
aucun appel. Encore une fois, tout ce que le parent peut faire, c'est prouver
qu'il est un parent exemplaire. Si, pour une raison quelconque, on
décide qu'il ne peut pas adopter, il ne le peut pas et c'est fini.
Mme LeBlanc-Bantey: II y a un autre cas que ma secrétaire
m'a rapporté cette semaine.
M. Bédard: C'est pour cela... (21 heures)
Mme LeBlanc-Bantey: Je m'excuse, je vais terminer. Cela rejoint
un autre problème déjà soulevé. C'est au sujet de
l'office de placement, je ne sais pas comment vous l'appelez. Une dame enceinte
avait déjà choisi une famille pour son enfant et, semble-t-il, on
lui aurait dit qu'il n'en était pas question, que ce serait le centre de
placement qui déciderait où l'enfant irait. Dans de petites
régions rurales - peut-être qu'en ville c'est nécessaire
pour justement éviter le commerce d'enfants ou autres choses - dans des
régions où tout le monde se connaît, ça paraît
un peu exagéré comme prudence.
Mme Lavoie-Roux: Je dirais que les normes se sont
modifiées parce que, autrefois, justement dans un petit village, la
jeune femme aurait pris soin de l'envoyer ailleurs, alors que, aujourd'hui,
l'adoption évolue, de ça il n'y a pas de doute.
Mme LeBlanc-Bantey: De le cacher. Ce sont même très
souvent des gens de la famille ou des amis qui adoptent dans ce temps.
Mme Lavoie-Roux: C'est ça.
Mme LeBlanc-Bantey: C'étaient juste les remarques
générales qui me venaient à l'esprit.
M. Bédard: À votre question a savoir s'il y a une
procédure d'appel; je dis non, il n'y en a pas. Maintenant, à
l'heure actuelle - c'est déjà rendu devant le comité
tripartite - il y a plus qu'une étude, nous en sommes rendus presque
à l'aboutissement au niveau d'amendements au Code de procédure
qui, à ce moment, prévoiraient des possibilités
d'appel.
M. Forget: Oui, mais il reste...
M. Bédard: Je pense que ces genres de décisions se
doivent d'être évaluées, c'est assez surprenant qu'il n'y
ait pas d'appel lorsqu'il s'agit de sujets aussi importants qui concernent, au
premier chef, l'intérêt de l'enfant et non l'intérêt
des organismes ou de tous ceux qui essaient de bonne foi...
Mme Lavoie-Roux: Dans tous les autres cas de pratique
professionnelle, les gens ont des droits d'appel, il aurait dû y en avoir
dans celui-là comme dans les autres, mais ça n'a pas toujours
intéressé beaucoup de monde l'adoption non plus, sauf pour... Il
y en avait trop, on ne savait plus quoi en faire.
M. Bédard: D'ailleurs, je voulais effectivement... Je
pense que le député de Saint-Laurent, dans ses propos
d'introduction, avait raison de parler de l'intérêt qu'il a
toujours manifesté pour l'ensemble du sujet que nous allons
étudier ce soir. Effectivement, tous ses efforts avaient
débouché sur un livre blanc; il nous a indiqué les
difficultés qu'il avait pu rencontrer au niveau de certaines
instances.
Je puis lui dire que nous avons probablement
bénéficié du travail qu'il avait fait pour abattre
certaines barrières qui se dressaient sur son chemin à ce moment,
de telle façon que nous avons pu bénéficier de l'ensemble
du travail et nous avons pu compter sur la collaboration, au niveau
gouvernemental, de l'ensemble de l'appareil.
Je ne vous cacherai pas que certaines réticences sont
peut-être demeurées très efficaces à certains
niveaux, mais en tenant compte de tout ça, je pense, que la meilleure
manière de répondre à toutes les interrogations que Mme la
députée de L'Acadie et les autres membres de la commission se
sont posées, ce serait de passer à l'étude du projet
article par article. S'il y a des améliorations - il y en a
déjà en perspective, je ne dis pas qu'on a toutes les solutions
ni même qu'on a pensé à tout - je pense que le terrain est
propice pour travailler en toute confiance. Je le dis et ça me fait
plaisir d'avoir à étudier - j'ai eu à discuter longuement
avec Me Guy - à faire ce travail avec le député de
Saint-Laurent qui, on le sait, durant pas mal de temps, s'y est attardé
d'une façon spéciale. Je crois que, pour l'ensemble du travail
que nous avons à faire, ça ne peut être que productif au
bout de la ligne.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il y a quand même
une question pratique que j'ai posée et que peut-être on
n'abordera pas ici, parce qu'elle déborde ceci. Quelles sont les
mesures... Évidemment, ce code ne sera pas en vigueur demain matin, mais
il reste quand même que c'est une question à se poser, parce que,
quand il sera en vigueur, il faudra avoir prévu des mesures de
substitution à la Loi sur l'adoption actuelle, c'est-à-dire
qu'une large partie est couverte dans ceci,
les principes, mais il y a une partie qui doit être couverte par
d'autres.
M. Bédard: En fait, actuellement, dans l'état des
travaux de prévision, il est certainement possible qu'il y ait une loi
pour faciliter l'application de ce code, parce que, évidemment,
ça ne couvre pas l'ensemble des matières, enfin la
procédure et l'administration qui en découlent.
Effectivement, il y a en préparation un projet sur la
procédure civile. Il y a un projet aussi qui est en préparation
principalement aux Affaires sociales - et en discussion sur les modes
administratifs de l'adoption, par exemple, au niveau de l'organisation des
services de placement, de l'organisation des critères pour les
adoptants, et tout. Cela va se faire comme mode d'application. Cela ne pourra
pas déroger quand même aux principes qui ont été
posés au code.
Mme Lavoie-Roux: Évidemment, cela entre dans les mesures
administratives toute la question de... Il y avait l'adoption internationale
qu'on avait discutée l'an dernier. L'adoption subventionnée,
peut-être disparaîtra-t-elle. Je ne sais pas ce qui va lui arriver.
L'adoption privée devrait être...
M. Bédard: C'est là-dedans.
Mme Lavoie-Roux: C'est là-dedans.
Le Président (M. Laberge): Si vous voulez entreprendre
l'étude des articles, article par article, j'appelle l'article 591.
L'article 591 est-il adopté?
M. Bédard: L'article proposé reprend, en en
modifiant la forme, l'article 2 de la Loi de l'adoption. Il applique à
l'adoption la règle plus générale de l'article 2 du
présent projet de loi. Ce chapitre a été
complètement réaménagé de façon à
regrouper les dispositions générales et à rendre plus
accessibles les conditions de l'adoption en les articulant autour du
consentement de l'adopté, du consentement des parents ou du tuteur et de
la déclaration d'adoptabilité. C'est le principe
général.
Le Président (M. Laberge): Article 591, adopté.
J'appelle l'article 592.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 593.
M. Bédard: L'article 593, au premier alinéa,
reprend, en en modifiant la forme, l'article 8 de la Loi de l'adoption. Le
deuxième alinéa est de droit nouveau. Il reconnaît une
discrétion au tribunal de passer outre à cette exigence dans
l'intérêt de l'adopté.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 593, adopté.
Article 594. Sur l'article 593, Mme la députée?
Mme Lavoie-Roux: Ça va, d'accord. Le Président (M.
Laberge): Ça va.
M. Gosselin: De fait, d'après ce qui a été
dit tout à l'heure, c'est par des précisions aux lois existantes
du ministère des Affaires sociales que toutes les procédures
d'adoption seront précisées. À propos de l'adotion des
personnes majeures, je sais qu'il y a des procédures assez
compliquées qui s'interposent. On pourrait penser, par exemple, qu'un
enfant naturel qui est âgé de 24 ans pourrait être
adopté très spontanément par une famille amie qui,
à un moment donné voudrait se prévaloir de la
possibilité de léguer l'héritage familial à cette
personne et de la reconnaître comme l'enfant de la famille. Je sais que
c'est compliqué actuellement. Il faut passer par le tribunal. Cela
suppose des frais assez onéreux. Disons que c'est une demande
d'explicitation. Cela m'a été rapporté à quelques
reprises. La situation me semblait relativement odieuse parce qu'une famille
ouvrière qui était désireuse d'adopter comme ça une
amie de la famille majeure avait à suivre des procédures
judiciaires assez compliquées. Ce n'est pas dans ces articles que ce
sera précisé, évidemment.
M. Bédard: De toute façon, il faut que cela passe
par le tribunal via une requête d'adoption.
M. Gosselin: Pourquoi cela ne pourrait-il pas être une
simple déclaration devant un juge de paix? Cela ne peut pas être
plus simple que cela?
M. Bédard: Ce n'est quand même pas d'un simple
contrat dont on parle. À partir du moment où l'adoption a lieu ce
sont tous les droits qui en découlent: filiation, droits de succession,
etc. Je pense que c'est assez normal que ce soit entouré de ce qui est
déjà prévu, à savoir une requête en adoption
devant le tribunal qui a l'occasion ...
Le Président (M. Laberge): L'article 593 est
adopté. Je rappelle l'article 594.
M. Bédard: Cet article s'écarte des articles 3 et 5
de la Loi sur l'adoption en ne précisant pas dans le Code civil les
critères auxquels doivent répondre les personnes
majeures qui désirent adopter un enfant. Le Code civil cherche
plutôt a régler le problème du choix des adoptants par le
biais de l'intérêt de l'enfant et du respect de ses droits qui
doivent être les motifs déterminants des décisions prises
à son sujet.
C'est pourquoi on précisera qu'il doit être tenu compte
notamment de l'âge, du sexe, de la religion, de la langue, du
caractère de l'enfant, de son milieu familial et des autres
circonstances dans lesquelles il se trouve avant de décider à son
sujet en particulier de son adoption.
Cette méthode plus souple permettra sans doute de tenir compte
davantage de l'évolution des situations. Ainsi il ne devrait plus se
produire des anomalies comme celle contenue dans l'article 3 de la Loi sur
l'adoption en vertu duquel une personne séparée de corps ou de
fait ne peut jamais adopter seule un enfant alors qu'une personne
divorcée, étant assimilée à une personne non
mariée, peut le faire. Cet article est plutôt conforme à la
proposition de l'Office de révision du Code civil en reconnaissant que
toute personne majeure a le droit de demander d'adopter un enfant. Il en
diffère toutefois en ne restreignant pas le droit d'adopter des
époux comme le propose l'Office de révision du Code civil.
Le Président (M. Laberge): Cet article 594 sera-t-il
adopté?
M. Forget: II faut probablement noter au passage l'innovation
qu'il implique relativement aux limites quant à la différence de
sexe etc., qui cesse d'être une exigence. C'est probablement au niveau de
la qualification des adoptants la chose la plus significative...
M. Bédard: ... la question se pose. M. Forget:
C'est ça, c'est ça.
Le Président (M. Laberge): L'article 594 est
adopté. J'appelle l'article 595.
M. Bédard: 595. L'adoptant doit avoir au moins 18 ans de
plus que l'adopté, sauf si ce dernier est l'enfant de son conjoint.
Ça parle ...
Le Président (M. Laberge): L'article 595 est
adopté. J'appelle l'article 596.
M. Bédard: Cet article...
M. Forget: II y a deux amendements, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Merci. À l'article 596,
au premier alinéa, remplacer l'expression " à moins qu'ils ne
soient donnés devant le tribunal" par les mots "devant deux
témoins."
Mme LeBlanc-Bantey: ...
Le Président (M. Laberge): "Devant deux témoins"
pour remplacer les mots - un instant que je me retrouve, au premier
alinéa -...
Mme Lavoie-Roux: "Les consentements prévus au
présent chapitre peuvent être donnés par écrit
devant deux témoins." Pourquoi est-ce jugé meilleur?
M. Bédard: ...
Mme Lavoie-Roux: Pourquoi faites-vous le remplacement?
Le Président (M. Laberge): " Par écrit devant deux
témoins."
M. Bédard: Une seconde!
Le Président (M. Laberge): L'article 596 se lira donc...
Au deuxième alinéa on nous demande aussi de biffer le pluriel
dans les mots "leurs rétractations". Donc, ça devient: "Les
consentements prévus au présent chapitre doivent être
donnés par écrit devant deux témoins." "Il en est de
même de leur rétractation." (21 h 15)
M. Bédard: Comme commentaires, M. le Président,
l'article reprend la règle de l'écrit pour l'expression du
consentement en matière d'adoption et précise qu'il doit
être donné devant deux témoins. Dans le cas de l'adoption
ouverte, le directeur de la protection de la jeunesse agira comme l'un des
témoins. La présence des témoins vise à assurer la
protection du consentement et à permettre au tribunal d'en
contrôler plus efficacement la qualité. C'est ce qui nous
motive.
Mme Lavoie-Roux: Ce qui m'inquiétait, c'est que ça
peut se faire dans ma cuisine avec mes deux voisines. Là, vous
spécifiez qui ça va être. Il va y avoir le...
M. Bédard: Quant à la validité du
consentement donné par... C'est concernant le mineur.
M. Forget: Je me demande, M. le Président, si
l'élimination du consentement par écrit est sage.
M. Bédard: Par écrit, mais devant deux
témoins.
M. Forget: Ah, ce n'est pas "à moins qu'ils ne soient
donnés devant deux témoins"?
M. Bédard: Non, non. M. Forget: Excusez-moi.
M. Bédard: C'est "donnés par écrit devant
deux témoins".
M. Forget: On supprime toute la phrase et pas seulement "le
tribunal".
M. Bédard: C'est ça.
M. Forget: D'accord. Devant deux témoins. L'écrit
est...
M. Bédard: Demeure nécessaire.
M. Forget: ...une bonne preuve devant le tribunal...
M. Bédard: C'est ça.
M. Forget: ...pourvu que les deux témoins aient
contresigné.
M. Bédard: Et on y ajoute deux témoins.
Mme Lavoie-Roux: L'un d'eux étant le directeur de la
protection...
M. Bédard: Pas toujours. Dans le cas de l'adoption
ouverte, ça prend le directeur de la protection. Si l'enfant est
adopté par un parent, alors que c'est possible, le directeur de la
protection n'est pas là et le consentement n'a pas à être
donné d'abord et obligatoirement devant lui. Deux autres témoins
pourront être interrogés par le tribunal s'il y a lieu de
vérifier et de s'assurer des consentements, mais le directeur ne sera
pas nécessairement un de ceux-là. Dans le cas où l'enfant,
par voie de la déclaration judiciaire d'adoptabilité, sera entre
les mains du DPJ, il faudra son consentement.
Le Président (M. Laberge): Les amendements à
l'article 596 seront adoptés, "devant deux témoins" et le
singulier. L'article 596 amendé est-il adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté avec
amendements.
Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi, je reviens à l'article 595,
si vous me le permettez, même s'il est adopté.
Le Président (M. Laberge): Oui, pour une question,
ça va.
Mme Lavoie-Roux: Je veux être bien sûre. Supposons
qu'il s'agit d'une adoption privée, je comprends pourquoi le directeur
de la protection de la jeunesse n'est pas là dans ces circonstances.
C'est le tribunal qui va vérifier la qualité des
témoins.
M. Bédard: C'est ça.
Mme Lavoie-Roux: Ce sera vérifié.
M. Bédard: Oui.
M. Forget: Si le tribunal n'est pas satisfait.
M. Bédard: C'est justement pour assurer la protection du
consentement qu'on prévoit deux témoins. Cela va permettre au
tribunal de mieux évaluer. Je pense que ça répond à
votre préoccupation.
Mme Lavoie-Roux: Les témoins ne seront pas
nécessairement appelés.
M. Bédard: Non, pas nécessairement appelés,
mais le tribunal peut mieux contrôler.
Il va s'assurer de la qualité du consentement. Dans certaines
circonstances, ça peut aller... D'abord, le DPJ va aussi être mis
en cause. En vertu du projet de Code de procédure civile, étant
mis en cause, il pourra tout de même faire des représentations
s'il estime que les consentements ont peut-être été
extorqués ou obtenus d'une façon non libre.
Mme Lavoie-Roux: Dans le cas de l'adopté - je vais plus
loin, mais c'est parce qu'il y a un lien quand même - qui a plus de dix
ans, au moment de l'adoption, cet enfant ira-t-il devant le tribunal?
M. Bédard: Je dirais pas nécessairement.
Mme Lavoie-Roux: Je passe à 597, mais c'est parce
que...
M. Bédard: On dit qu'il doit être
consulté.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Bédard: Entre dix et quatorze ans, par principe, on va
l'aviser sauf qu'il reste une certaine discrétion au tribunal compte
tenu des circonstances dans lesquelles peut être placé
l'enfant.
Mme Lavoie-Roux: Je n'ai peut-être pas une très
bonne foi en la nature humaine, mais je trouve qu'on ne prend pas trop de
précautions quand il s'agit d'adoption. Je m'excuse encore une fois de
joindre les articles 595 et 597 - c'est la même chose un peu - ceux qui
veulent adopter se présentent
devant le tribunal avec les témoins, la signature des deux
témoins...
M. Forget: II y a plus que simplement le consentement à
prouver. Le consentement, c'est un élément, si l'enfant peut
être adopté.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Forget: Cela ne décide pas.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Et l'enfant adopté, de dix à
quatorze ans, on va demander son consentement au tribunal.
M. Bédard: Consentement, pour ce qui est du mineur, un peu
plus loin, a l'article 597, on va parler du consentement du mineur.
Mme Lavoie-Roux: II ira aussi devant le tribunal.
M. Bédard: Deux consentements, celui de l'enfant, à
597, comme celui des parents...
Mme Lavoie-Roux: Ils iront devant le tribunal.
M. Bédard: ... seront vérifiés par le
tribunal quant à leur authenticité sans doute, pour
vérifier s'ils ont été obtenus ou s'ils n'ont pas
été extorqués, s'ils ont été donnés
librement, dans des circonstances qui sont telles que... Et comme le tribunal
doit rendre toute décision dans l'intérêt même de
l'enfant, c'est évident qu'il va être obligé de prendre des
précautions particulières en ce qui concerne les consentements,
surtout celui de l'enfant, parce qu'il a une importance assez grande en ce qui
concerne l'enfant de quatorze ans, à tout le moins.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Laberge): L'article 597 est-il
adopté?
M. Bédard: L'article 597.
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on n'a pas adopté l'article
596.
Le Président (M. Laberge): L'article 596, on l'a
adopté avec deux amendements.
Vous êtes revenue à l'article 595 avec l'article 597.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Excusez-moi.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, à l'article 597, deux
observations.
M. Bédard: Cela reprend l'article 9 de la Loi sur
l'adoption.
M. Forget: II avait été suggéré de
modifier l'article 9 pour élargir un peu la question du consentement de
l'enfant. L'élimination de toute consultation de l'enfant de moins de
dix ans... Bien sûr, on peut dire qu'en bas de dix ans, l'enfant ne sait
pas ce qu'il fait. On ne dispose pas d'immeuble appartenant à l'enfant,
ce n'est pas une question patrimoniale, c'est une question qui l'implique au
premier chef et où la qualité de sa relation avec l'adoptant
-dans certains cas, cela peut être pertinent parce qu'il peut
déjà être dans une situation de placement, il peut
déjà être là depuis longtemps - il devrait
être consulté, semble-t-il, sans autre exigence. Mais le tribunal
devrait s'enquérir de ce que l'enfant pense de cela, lui-même ou
par personne interposée. Mais je pense que c'est une
considération qui n'est pas impertinente que de se demander si l'enfant
de neuf ans et demi, par exemple...
Mme Lavoie-Roux: Même plus jeune que cela.
M. Forget: C'est parce que la limite de dix ans est arbitraire.
À neuf ans et demi, ce n'est pas différent de dix ans et quart.
Pourtant, la loi fait un contraste très marqué.
M. Bédard: Est-ce que je pourrais rappeler, à cet
effet, en allant à la page 43 du projet de loi 89, l'article 2 qui
comporte les articles 30 et 31 du Code civil?
On y dit, à l'article 31 du Code civil -il y a un titre pour les
enfants - que le tribunal peut, chaque fois qu'il est saisi d'une demande
mettant en jeu l'intérêt d'un enfant, consulter ce dernier, de
sorte qu'ici, c'est peu importe le niveau d'âge. Chaque fois qu'il est
saisi, le tribunal pourra le consulter. Évidemment, il y a une
discrétion, de façon à éviter que l'enfant,
à partir de l'âge du discernement, ne parade
nécessairement, obligatoirement devant le tribunal, mais le tribunal
pourrait, dans le cas que vous avez souligné, de neuf ans, huit ans,
peut-être le consulter.
Mme LeBlanc-Bantey: II pourrait, mais il n'est pas obligé
de le faire.
M. Bédard: Non. Mais on dit bien si son
intérêt est en jeu.
Mme LeBlanc-Bantey: Comme l'enfant n'a pas à être
consulté, comme on présume au départ, qu'il est d'accord,
le tribunal n'a
pas de raison de penser que son intérêt est en jeu. Je ne
sais pas si je me fais bien comprendre. Il faudrait qu'il y ait tout un
débat autour de l'adoption.
M. Forget: II faut que des adultes disent que
l'intérêt de l'enfant est en jeu. Mais même l'enfant de neuf
ans et demi n'est pas en mesure de dire que son intérêt est en
jeu, à moins qu'on veuille bien le consulter. Je comprends qu'une
disposition de caractère général dans le Code civil,
puisqu'on parle de questions patrimoniales, etc., doit s'exprimer en termes de
"peut", parce que dans certains cas, ce n'est pas approprié. Mais, dans
le cas de l'adoption, je me demande si la disposition ne pourrait pas
être renforcée.
M. Bédard: Le texte qui est rédigé
permettrait au tribunal de considérer lui-même que
l'intérêt de l'enfant est en jeu, sans que ce soit plaidé
par un tiers. Cela lui donne l'autorisation...
M. Forget: ...propre mouvement, mais il n'et pas tenu de le
faire.
M. Bédard: Non, il ne sera pas tenu de le faire.
Mme LeBlanc-Bantey: Ce qui arrive, c'est que des enfants,
à partir six, sept, huit ou neuf ans peuvent développer des
antipathies, des types de comportement ou des relations qui vont les marquer
longtemps. Ce n'est pas parce qu'ils ont...
Mme Lavoie-Roux: ...il y avait quelque chose de vrai à
l'âge de raison, à sept ans. Un enfant de sept ans est capable
de...
Mme LeBlanc-Bantey: C'est cela. Quand il décide qu'il
n'aime pas quelqu'un, il ne l'aime pas.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Quand il décide qu'il n'aime
pas quelqu'un, il ne l'aime pas.
M. Bédard: Le tribunal en tient compte si, là, il
s'agit de faire une obligation ou pas. Mais j'ai l'impression qu'à un
moment donné il faut trancher. On parle de dix ans, mais quand on est
à neuf et demi... De sept à neuf ans, j'ai l'impression que le
tribunal exerce sa discrétion, quand même. Il sait qu'un enfant de
cet âge est capable d'exprimer, sinon un consentement, suffisamment
d'éléments qui puissent dégager s'il y a consentement ou
si c'est vraiment son intérêt qui est servi par la demande qui est
faite.
Mme LeBlanc-Bantey: ...normalement, sont assez vigilants.
M. Bédard: ...le fait d'adopter au Code civil les articles
30 et 31, dans la mesure où on les retiendra, cela constituera une sorte
d'invitation au tribunal à consulter chaque fois que
l'intérêt de l'enfant est concerné au premier chef et que
les circonstances sont telles qu'il sent qu'il doit le faire. L'absence de
texte, évidemment, n'invite pas le tribunal à le faire, mais
l'appui d'un texte, il me semble, le peut.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que...
M. Forget: J'essaie de trouver la recommandation du Conseil des
affaires sociales...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ...qui a débattu cette question. Il me semble
qu'il prévoyait une... Et, d'ailleurs, dans le livre blanc aussi.
Mme Lavoie-Roux: Dans la loi 24, il y a une disposition pour les
enfants plus jeunes. On avait introduit... C'est vague, dans mon esprit, mais
je pense que c'est la loi 24 qui pourrait être examinée
pour...
M. Forget: Je ne peux pas trouver la recommandation. Il me
semble, M. le Président, enfin, je ne sais pas, peut-être qu'on
veut y réfléchir davantage, mais...
Mme Lavoie-Roux: On peut peut-être le suspendre. Ce n'est
pas sur le fond. Entre-temps, si quelqu'un trouvait...
M. Forget: II y a un deuxième point, d'ailleurs, que
j'aimerais soulever relativement à cet article et sur lequel, dans le
fond, une certaine interrogation s'impose. C'est au premier alinéa, la
restriction: "sauf s'il ignore son adoption". On parle d'un enfant de plus de
dix ans. Il doit avoir son consentement, sauf s'il ignore son adoption de fait
et si son comportement habituel à l'égard de l'adoptant peut
être interprété par le tribunal comme un consentement
tacite.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Forget: Je comprends que, dans les cas où la famille
adoptante n'a jamais révélé que l'enfant a
été adopté, on ne veut pas forcer une crise familiale en
obligeant à saisir l'enfant d'un fait qui lui a été
caché jusqu'à maintenant. D'un autre côté, on
l'adopte pour lui donner une vraie famille. Toute cette notion que cela doit
être caché semble un peu anachronique. (21 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Dans l'évolution des mentalités
concernant les pratiques d'adoption, tôt ou tard il faut que...
M. Bédard: Je ne sais pas, quand on fait le compte des
avantages et des inconvénients... Le député de
Saint-Laurent évoque le cas d'un enfant de dix ans...
Mme Lavoie-Roux: C'est le cas dont il s'agit ici.
M. Bédard: ...qui ne s'est jamais posé de questions
de ce côté-là...
M. Forget: C'est vrai pour un jeune enfant.
M. Bédard: Non, mais...
M. Forget: Prenons l'exemple d'un enfant de 14 ou 15 ans qui
apprend plus tard qu'on l'a adopté sans le lui dire. À mon avis,
ce n'est pas une pratique qui est d'ordre public au point où le Code
civil devrait la sanctionner de cette façon. Peut-être qu'entre 10
et 14 ans... Je ne le sais pas. Encore une fois, j'ai lu cela, je vois
l'intention, je ne peux pas dire qu'elle origine d'un mauvais naturel, mais je
suis embarrassé de voir dans le Code civil qu'on reconnaît une
cachette face à une personne. C'est une personne, un sujet de droit, qui
est la principale impliquée dans la procédure. Je trouve cela
presque immoral. Je ne veux pas exagérer, mais il y a quand
même... Nulle part ailleurs dans le Code civil on cache quelque chose au
principal intéressé.
M. Bédard: Pas au nom de l'immoralité.
Mme LeBlanc-Bantey: Je connais des cas personnels d'enfants
adoptés qui l'ont appris sur le tard, au moment de leur adolescence et
même plus tard. Cela a créé des drames personnels terribles
pour ces gens.
Mme Lavoie-Roux: Cela me semble aller en arrière par
rapport à...
M. Gosselin: II y a quand même le cas des enfants
handicapés mentaux. Une famille peut décider d'adopter un enfant
dont on sait très bien que l'état de conscience ne lui permet pas
d'exprimer son consentement devant le tribunal. C'est matière à
interprétation à ce moment-là. Je pense que cet article
couvre aussi cette possibilité.
Mme LeBlanc-Bantey: II a été prévu que
nonobstant le refus de consentement le tribunal peut prononcer l'adoption.
M. Gosselin: Dans le cas d'un enfant handicapé mental
qu'une famille décide d'adopter, un enfant mongolien, par exemple, il
est très possible que l'enfant ne puisse pas exprimer son consentement
à l'adoption devant le tribunal. Le tribunal aura à porter
interprétation sur le consentement tacite qui peut être. Il me
semble que cet article permet, entre autres, ce type d'adoption.
M. Forget: C'est improuvable cela. On met là un
critère qui n'a aucun sens. Qui va se donner la peine ou qui va pouvoir
faire la preuve devant le tribunal que le comportement de l'enfant est
équivalent à un consentement à l'adoption?
Mme Lavoie-Roux: Cela va être une exhibition des enfants
vis-à-vis des parents.
M. Forget: À moins qu'il ne proteste ouvertement en
disant: Si jamais vous voulez m'adopter, je m'y opposerai. Il n'y a rien qu'un
enfant puisse faire pour dire que ce n'est pas vrai. C'est une clause
échappatoire large comme une porte de grange. Tout le monde qui veut
passer à travers va trouver le moyen de passer à travers sans que
le juge puisse dire: Non, c'est un comportement incompatible avec son
acceptation à l'adoption alors qu'il ne sait même pas qu'il est
adopté. Ce n'est pas possible.
M. Bédard: Je sais qu'au départ on fait des
distinctions entre avant dix ans et au-dessus de dix ans. On pourrait
peut-être le laisser ouvert.
Mme Lavoie-Roux: Le regarder sous deux aspects, de toute
façon.
M. Bédard: Je ne suis pas rébarbatif...
Mme Lavoie-Roux: Les enfants plus jeunes et sous cet
aspect-là.
M. Bédard: ...à l'idée de... En fait, si je
comprends bien l'essentiel d'une de vos remarques, elle est que l'adoption ne
peut avoir lieu qu'avec le consentement de l'enfant s'il est âgé
d'au moins dix ans. C'est cela?
Mme Lavoie-Roux: Dans le cas des enfants plus jeunes...
M. Forget: L'enfant doit être consulté dans tous les
cas où il est capable de manifester son avis. Evidemment, il ne sert
à rien de consulter un enfant d'un, deux ou trois ans. C'est une
question de fait de savoir si l'enfant est capable de manifester une
opinion.
Mme Lavoie-Roux: C'est ça.
M. Bédard: On en fait une obligation conditionnelle. C'est
peut-être une question...
M. Forget: Peut-être qu'on y revient de cette façon,
oui.
M. Bédard: À notre article 31, on y
revient peut-être indirectement, le tribunal jugeant, dans
certains cas, que l'enfant peut être consulté et la
discrétion s'exerçant en tenant compte peut-être des
circonstances dans lesquelles se trouve l'enfant.
M. Forget: Oui, peut-être.
M. Bédard: Est-ce que ça irait si on faisait
disparaître le "sauf"? C'est là-dessus qu'est le...
Une voix: Pourquoi ne pas le suspendre?
M- Bédard: Oui, c'est ça et on
réfléchirait.
M. Forget: Oui.
Le Président (M. Laberge): L'article 597 est suspendu.
M. Bédard: II n'y a pas d'autre question concernant cet
article?
M. Forget: Cet article? Non. Mme Lavoie-Roux: Non. M.
Bédard: Cela irait? M. Forget: Cela va.
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous
plaîtl Ne parlez pas plus fort que moi.
M. Bédard: M. le Président, on peut ne pas le
retenir, on serait d'accord. Je pense que l'argumentation est quand même
assez claire pour mettre un point après "dix ans".
Mme Lavoie-Roux: Les gens suivront le processus pour arriver, si
ça leur prend six mois de plus...
Le Président (M. Laberge): Vous biffez tout ce qui suit
"dix ans".
M. Bédard: C'est ça.
Le Président (M. Laberge): "L'adoption ne peut avoir lieu
qu'avec le consentement de l'enfant, s'il est âgé d'au moins dix
ans." Le reste du paragraphe est biffé.
M. Bédard: C'est ça.
Mme LeBlanc-Bantey: ...les enfants plus jeunes.
Mme Lavoie-Roux: Oui, les plus jeunes, on ne les a pas.
M. Bédard: Ils sont réglés par
l'article.
M. Forget: Lors de mon argumentation, j'ai exprimé une
réserve voulant que l'enfant de moins de dix ans, dans certains cas, ne
pourrait pas manifester son consentement.
La réponse qui m'a été faite, c'est qu'en disant
"... peut être consulté...", on tient compte de cette
incapacité physique de manifester le consentement des enfants de moins
de dix ans.
Il est bien clair qu'il n'y a pas une équivalence parfaite parce
que, même pour les enfants qui peuvent manifester leur consentement et
qui ont moins de dix ans, le tribunal conserve la discrétion. Il faut
peut-être espérer, étant donné que ces articles sont
placés au tout début d'un chapitre qui attire l'attention sur le
droit des enfants, que le tribunal va y accorder une importance
particulière et que la jurisprudence va être
interprétée, que la pratique des tribunaux va être de
consulter, dans tous les cas où c'est physiquement possible d'obtenir
des consentements.
M. Gosselin: J'aimerais être éclairé sur un
seul point. Qu'arrive-t-il à un enfant naturel placé dans un
foyer nourricier, chez un parent, qui effectivement en arrive à
être l'enfant de cette famille au point où, passé le cap
des dix ans, l'enfant sera effectivement adopté... Ces parents ont
toutes les intentions de faire de cet enfant le légataire des biens de
la famille, l'héritier, et, alors que l'enfant n'a que huit ans et qu'il
n'est pas adopté, les parents décèdent. Est-ce que cet
enfant a droit à l'héritage?
M. Forget: Non.
Mme Lavoie-Roux: II n'a pas été adopté.
M. Bédard: Non, s'il n'a pas été
adopté. C'est pour cela que je vous disais, tout à l'heure, que
c'est un geste assez important pour qu'on le pose avec beaucoup de
précaution.
Mme LeBlanc-Bantey: J'ai un autre commentaire là-dessus,
si vous permettez. On est tannante, mais je pense que ce sont nos instincts de
mère de famille qui nous portent à un excès de
prudence.
Si, au lieu de dire "... s'il est âgé d'au moins dix ans",
on disait: "...s'il a l'âge de raison". L'âge de raison, c'est un
âge reconnu. J'imagine qu'il y a des cas dans la jurisprudence qui nous
permettent de le déterminer.
M. Bédard: Non, je préfère qu'on prenne la
responsabilité que de devoir déterminer...
Mme Lavoie-Roux: J'ai fait allusion à
l'âge de raison pas dans le sens... En voulant l'inclure, c'est
que je voulais démontrer qu'on l'avait peut-être.
Mme LeBlanc-Bantey: Je ne vois pas pourquoi on ne prend
même pas la peine d'en discuter, parce qu'il se pourrait qu'en
réalité ce soit la solution. Je ne réagis pas comme un
juriste qui va avoir à discuter de l'âge de raison devant un
tribunal.
M. Forget: Je pense que c'est créer une obligation qui
dépend de la précession subjective de celui auquel elle
s'adresse. Finalement, c'est une obligation qui n'en est pas une.
M. Bédard: C'est ça, on ne peut pas permettre
à quelqu'un de dire: On ne l'a pas consulté parce que, même
s'il a tel âge, on pense qu'il n'avait pas l'âge de raison.
M. Forget: C'est ça, ça ne veut rien dire.
M. Bédard: II vaut mieux de ne pas laisser de
discrétion à ceux qui auront à examiner.
Mme LeBlanc-Bantey: Dans une certaine mesure j'aime mieux la
discrétion que l'arbitraire, parce que je trouve ça moins injuste
que...
M. Forget: Oui, mais on l'a déjà la
discrétion en disant qu'on peut consulter, ça ne change pas
grand-chose.
Mme LeBlanc-Bantey: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Tous les mots qui suivent "dix
ans" sont biffés; cette correction est adoptée et l'article 597,
tel qu'amendé, est adopté.
Article 598.
M- Forget: L'Association des centres de services sociaux nous
suggère que ce soit "de 14 ans et plus". C'est peut-être ce que
cela veut dire, mais cela fait une lecture curieuse. L'enfant de 14 ans...
M. Bédard: Et plus. Je ne vois pas pourquoi.
M. Forget: ...fait obstacle à l'adoption par son refus,
mais l'enfant de 15 ans, lui, est-ce qu'il est concerné?
M. Bédard: C'est une interprétation de civiliste:
quand on a le pouvoir a 14 ans, on ne l'a pas perdu à 15 ans,
habituellement. On ne se pose pas de question sur cela.
Mme Lavoie-Roux: Cela ne coûte pas plus cher de
l'inscrire.
M. Bédard: C'est inutile, là. Mme Lavoie-Roux:
C'est inutile?
M. Bédard: C'est cela. Cela encombre peut-être
l'article. Il est certain que, si vous avez la capacité à 14 ans,
vous ne l'avez pas perdue à 15 ans, à moins qu'on n'en fasse la
preuve.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais le problème n'est pas tellement
là. Si l'enfant de 12 ans s'est objecté à l'adoption, n'y
a pas consenti - parce qu'on l'a consulté après 10 ans, de 10 ans
à 14 ans, on l'a consulté -est-ce qu'on en déduit que cela
ne fera pas obstacle à l'adoption?
M. Forget: Je ne suis pas sûr de te comprendre.
Mme Lavoie-Roux: Le refus de l'enfant de 14 ans fait obstacle
à l'adoption.
M. Bédard: "Toutefois, lorsque l'enfant de moins de 14 ans
refuse son consentement, le tribunal peut différer son jugement pour la
période de temps qu'il indique ou, nonobstant le refus, prononcer
l'adoption."
Mme Lavoie-Roux: C'est où, cela?
M. Bédard: C'est dans celui qu'on vient d'adopter.
Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi.
Le Président (M. Laberge): Cela va?
Mme Lavoie-Roux: D'accord, je ne l'avais pas lu.
Le Président (M. Laberge): L'article 598 est-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. M. le
député de Sherbrooke.
M. Gosselin: Je m'excuse de revenir en arrière, mais j'ai
posé une question au sujet de l'enfant handicapé mental
avancé. Est-ce qu'une famille ne peut pas adopter un enfant
handicapé mental ayant 10 ans et plus sans que le consentement de
l'enfant puisse être exprimé de manière normale? Est-ce
qu'il ne faudrait pas prévoir un ajout à l'article 597 qu'on a
adopté tout à l'heure, pour permettre ce type d'adoption? Est-ce
que l'article n'est pas restrictif à des possibilités d'adoption
d'enfants handicapés mentaux qui ne pourraient pas exprimer leur
consentement au sens de la loi? Je ne suis pas juriste, je ne connais pas trop
cela, mais je voudrais être certain que cela ne les exclut pas.
M. Bédard: Je dirais que c'est une bonne question
technique pour juristes. C'est une très bonne question et si vous le
voulez, nous allons la noter.
M. Gosselin: Oui.
Le Président (M. Laberge): La question est notée.
Article 598?
M. Bédard: II est adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle
l'article 599.
M. Bédard: Article 599.
Le Président (M. Laberge): La prochaine série
d'articles concerne le consentement des parents.
M. Bédard: C'est cela. L'article s'inspire des articles
6a, 7b et 7c de la Loi sur l'adoption et il tend à assurer le
sérieux du consentement des parents lorsque la filiation est
établie à leur égard. Il serait donc impossible de passer
outre à leur refus de consentir à l'adoption sauf dans les cas
où la déclaration d'adoptabilité est permise.
M. Forget: D'accord, ça va. M. Bédard: Cela
va.
Le Président (M. Laberge): L'article 599 est
adopté; J'appelle l'article 600.
M. Bédard: Cet article complète l'article 599 en
précisant les circonstances dans lesquelles le consentement d'un seul
parent à l'adoption suffira. Cet article est également en
corrélation avec l'article 642 du projet de loi. C'est le chapitre de
l'autorité parentale où on stipule que les père et
mère exercent ensemble l'autorité parentale. Lorsqu'il y a
déchéance, il suffit alors du consentement d'un seul, par la
force des choses. D'accord?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 600 est
adopté. J'appelle l'article 601. (21 h 45)
M. Bédard: II y a un amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): Oui. À l'article 601,
remplacer les mots "s'il en est un" par les suivants: "le cas
échéant". C'était à la troisième ligne entre
virgules.
M. Bédard: Pour améliorer la forme.
Le Président (M. Laberge): Les mots sont remplacés
par "le cas échéant".
M. Bédard: L'article s'inspire de l'article 10 de la Loi
sur l'adoption et tient compte de la réforme de l'autorité
parentale. Il a paru souhaitable de préciser les circonstances dans
lesquelles le tuteur, le cas échéant, doit consentir à
l'adoption plutôt que de retenir une formule aussi générale
et aussi ambiguë à la fois que celle proposée par l'Office
de révision du Code civil qui s'exprimait ainsi: À défaut
de parents en état de le faire. C'était assez
général.
Le Président (M. Laberge): L'article 601 amendé
est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement.
Article 602. À l'article 602, il n'y a pas de correction. Mme la
députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce que cela concerne la jeune fille de 17
ans, par exemple, qui a un bébé? Est-ce qu'elle est
obligée de l'adopter?
M. Bédard: L'adoption ne sera plus nécessaire pour
légitimer l'enfant et lui donner tous ses droits de toute
façon.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est pour viser qui?
M. Bédard: L'article vise possiblement une jeune fille
mineure, mais on veut dire qu'elle peut consentir valablement sans avoir
l'autorisation d'un tuteur ou d'un titulaire d'autorité parentale.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela veut dire que l'adoption demeure
toujours nécessaire pour la jeune fille mineure qui a un enfant.
M. Bédard: Non.
Mme LeBlanc-Bantey: Non?
Le Président (M. Laberge): Nous aimerions...
Mme LeBlanc-Bantey: Je me posais la question. Je n'ai pas vu le
chapitre sur les... Est-ce que, effectivement, la jeune fille de 17 ans qui a
un bébé est obligée de passer par le processus de
l'adoption?
M. Forget: Elle n'est pas obligée. Si elle veut que son
enfant soit adopté par une tierce personne, oui.
M. Bédard: Elle peut donner son consentement.
Le Président (M. Laberge): Consentement valable. Article
602, adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 603.
M. Bédard: L'article 603 est de droit nouveau. Il
délègue l'autorité parentale à la personne qui
recueille l'enfant en vue du placement, soit le directeur de la protection de
la jeunesse dans le cas d'adoption ouverte, soit un parent dans le cas
d'adoption fermée. Quand interviendra l'ordonnance de placement, le
tribunal attribuera l'autorité parentale au requérant. Cette
délégation légale est donc rendue nécessaire pour
couvrir l'intervalle qui sépare le moment du consentement à
l'adoption de celui de l'ordonnance de placement. Il ne faudrait pas que,
pendant cette période, personne ne puisse réellement exercer
l'autorité parentale.
M. Forget: J'ai l'impression, M. le Président, si vous me
permettez-Le Président (M. Laberge): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Forget: Le libellé de cet article est peut-être
un peu étroit. Est-on bien sûr que l'enfant est toujours remis
à une personne en vue du placement pour adoption, en ce sens qu'il
semble que, si on lit cela à la lumière des articles
subséquents, il s'agit de la personne à qui s'adresse
l'ordonnance de placement pour adoption? Or, eSt-on sûr que le placement
peut toujours se faire directement du parent naturel à une autre
personne qui s'est vu décerner une ordonnance de placement pour
adoption. Je ne pense pas. Il y a un hiatus entre les deux et s'il y a un
hiatus entre les deux, il y a une période pendant laquelle il n'y a
personne qui a l'autorité parentale; il me semble que c'est cette
expression "remis en vue du placement pour adoption". Je pense qu'on peut
évidemment en trouver une explication. C'est que c'est la personne,
cette personne, c'est une personne morale qui va s'occuper du placement. Mais
c'est une interprétation qui est tirée d'un contexte
administratif et social, mais qui n'a rien à voir avec les mots qui sont
utilisés là parce que les mots portent à confusion.
Je pense qu'on pourrait imaginer qu'on l'exprime différemment.
Par exemple, que l'autorité parentale est déléguée
à la personne à qui l'enfant est confié en attendant
d'être placé pour adoption ou à la personne qui est
désignée dans le consentement pour un placement en vue d'une
adoption. Je pense que c'est un des cas où il faut peut-être
ouvrir la porte au placement ouvert, c'est-à-dire au cas où le
consentement à l'adoption du parent naturel est conditionnel en quelque
sorte à la désignation à ce moment-là du
bénéficiaire du placement et éventuellement de
l'adoption.
Il me semble que, si on ne donne pas à celui ou à celle
qui donne le consentement la possibilité de désigner la personne,
on la prive d'un droit qui devrait être le sien à ce
moment-là si elle veut l'exercer.
M. Bédard: C'était, je pense, dans notre esprit,
peut-être le même objectif que celui que vous avez indiqué.
Si l'enfant est confié pour adoption à un parent, ce futur
adoptant parent, disons, a été choisi par le père ou la
mère ou les deux qui sont les parents de l'enfant. En le remettant
effectivement à ce parent pour fins d'adoption, on voulait que ces
nouveaux parents exercent l'autorité parentale en attendant qu'ils
puissent placer une ordonnance de placement, se faire reconnaître par le
tribunal comme remplissant les conditions prévues pour devenir les
adoptants.
Dans d'autres cas, les parents qui consentent à l'adoption n'ont
pas dans leur parenté ou ne désirent pas placer l'enfant dans
leur parenté. Ils peuvent aller le remettre au DPJ, je m'en sers un peu
comme d'une désignation générale de tous les organismes
habilités à le recevoir en attendant le placement. Donc, le DPJ
qui reçoit l'enfant pourrait de cette manière exercer
l'autorité parentale par rapport à l'enfant jusqu'à ce
qu'il trouve un couple ou une personne pour obtenir une ordonnance de
placement.
C'est peut-être la formulation de l'article qui vous paraît
imprécise par rapport aux mêmes objectifs qu'on poursuit. Il y a
peut-être aussi, à ce que j'ai compris, une précision si
vous me permettez de la demander, M. le Président. Dans le projet, ceux
qui peuvent adopter sont les mêmes personnes que celles
énumérés dans la loi 13. Donc, c'est un cercle
limité de parents. Dans le texte...
M. Forget: La loi 13 c'est...
M. Bédard: La loi 13 qui, dans son article...
M. Forget: La loi 13, de quelle loi s'agit-il? Excusez-moi.
M. Bédard: C'est la Loi modifiant la Loi sur l'adoption.
On dit: Le requérant peut être un ascendant, un parent en ligne
collatérale jusqu'au troisième degré de l'adopté ou
le conjoint de cet ascendant ou parent, de même que le conjoint du
père ou de la mère de l'adopté. Donc, ces personnes qui
forment un cercle familial de personnes qui peuvent adopter un enfant sans
qu'on passe nécessairement par le DPJ ou les centres.
Si l'enfant est remis à l'une ou l'autre de ces personnes, elles
exerceront par voie de délégation l'autorité parentale
jusqu'à ce que l'ordonnance de placement intervienne et si l'enfant est
effectivement remis au DPJ il exercera l'autorité parentale
jusqu'à ce qu'une ordonnance de placement intervienne en faveur des
futurs parents adoptifs.
M. Forget: C'est bien à ces gens-là que je
pensais...
M. Bédard: C'est à ceux-là que vous
pensiez.
M. Forget: Mais effectivement il y a plus que simplement
l'énumération des possibilités. N'y a-t-il pas - et je
pense que la réponse est affirmative - intérêt à ce
que dans le cas où, effectivement, le requérant est un ascendant,
un parent en ligne collatérale jusqu'au troisième degré de
l'adopté, ou le conjoint de cet ascendant ou parent, le consentement
puisse faire état de cette personne? Dans le fond, ce que l'article 603
dit, c'est que le consentement à l'adoption, qui n'est que ça, un
consentement à l'adoption, a pour effet de conférer
l'autorité parentale à une personne qui, par ailleurs, est
déterminée par la loi, par le tribunal ou d'une autre
façon. Le point que je soulève, c'est que, d'abord, le
libellé devrait être fait de manière à ne pas
laisser croire qu'il s'agit nécessairement et seulement du cas d'une
personne à qui cette autorité est conférée par une
ordonnance de placement, mais aussi par d'autres mécanismes. La
considération de substance plutôt que de forme vise à
permettre un consentement dirigé, si vous voulez, qui n'est valide que
dans la mesure où le placement ira à cette personne. C'est une
notion un peu nouvelle d'un consentement spécifique plutôt que
d'un consentement général à l'adoption. Cela peut
être déterminant pour rendre acceptable aux parents le
consentement à l'adoption en disant: Je ne veux pas consentir à
ce que mon enfant soit adopté par n'importe qui ou que la
décision soit prise par n'importe qui, mais pourvu que ce soit un tel
qui reçoive le placement pour adoption et qu'il exerce l'autorité
parentale, j'y consens.
M. Bédard: On pourrait le garder ouvert en tenant pour
acquis qu'on s'est bien compris au niveau de la discussion. Il s'agira de
trouver l'amendement. Je pense qu'on est également d'accord sur ce qui a
été évoqué.
Le Président (M. Laberge): Sans intervenir dans le
débat, à chaque fois que vous avez employé les lettres
"DPJ", pour la compréhension du journal des Débats, vous vouliez
dire le directeur de la protection de la jeunesse..
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Laberge): ...nommé en vertu de la
loi no 24.
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Laberge): C'est pour les
générations qui liront le journal des Débats.
M. Bédard: Vous avez raison et je m'en excuse.
Le Président (M. Laberge): C'était très
hermétique.
L'article 603 reste en suspens.
M. Bédard: C'est ça, pour précision.
Le Président (M. Laberge): L'article 604 est-il discutable
immédiatement?
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Laberge): Article 604.
M. Forget: Avez-vous des explications? Je ne veux pas vous
couper, mais...
M. Bédard: Peut-être. C'est un délai de
réflexion minimum pendant lequel une ordonnance de placement ne peut
être prononcée. Ce délai est accordé en raison de la
gravité de la décision et des circonstances qui peuvent influer
sur le consentement. La rétractation d'un seul parent suffit à
empêcher l'adoption. Il paraît inutile à ce stade d'entourer
la remise de l'enfant de formalités. Si cette remise était
différée sans droit, il pourrait y avoir le droit à
l'habeas corpus. C'est le délai minimum que nous avons cru
raisonnable.
M. Forget: C'est ça. J'ai plusieurs remarques à
formuler. Il y en a quelques-unes qui vont empiéter un peu sur l'article
605. C'est la question de la durée du délai. Comme je l'ai
indiqué au début de notre étude du chapitre sur
l'adoption, je crois qu'il est très important que le délai de
rétractation soit un délai court. Or, il est court, 30 jours,
c'est la durée que le livre blanc suggérait et qui a
été d'ailleurs appuyée par presque tous les commentateurs.
C'est un délai beaucoup plus court que celui qui existe maintenant. Cela
va très bien.
Je pense que non seulement il faut qu'il soit court, mais il faut que ce
soit un délai strict emportant déchéance. C'est ce qui
m'amenait à dire que ça me force à déborder un peu
sur l'article 605 parce qu'il n'emporte pas déchéance. Ce n'est
pas un délai strict puisque celui qui n'a pas rétracté son
consentement dans les 30 jours peut à tout moment, avant l'ordonnance
de
placement, s'adresser au tribunal en vue d'obtenir la restitution de
l'enfant. Je suis d'accord avec cela, mais il faut presque faire la discussion
à l'envers. Tout dépendra comment on pourra terminer la question
de l'ordonnance et des distinctions qui s'imposent à ce
moment-là.
M. Bédard: Si cela se fait avec
célérité.
M. Forget: C'est ça. La raison pour laquelle je vois une
difficulté, c'est qu'il me semble qu'il y aurait lieu, dans tous les
cas, à une ordonnance de placement, mais que, dans certains cas, il n'y
aurait pas lieu au même délai. Je suis un peu embêté
parce que je ne veux pas discuter un article qui vient 20 articles plus loin,
incidemment, que celui-là. Dans l'état actuel de la
rédaction, je suis d'accord, parce que s'il n'y a pas vraiment de
placement, l'enfant est en quelque sorte dans une crèche ou en attente,
et la rétractation ne lui cause aucun préjudice. Ce qui lui cause
un préjudice, c'est qu'il soit en attente. Je pense qu'il faut penser,
au moment des ordonnances de placement, à réduire au minimum les
circonstances qui font que l'enfant est juste en "stand-by", en quelque sorte,
en attendant que certains délais courent et que des procédures se
fassent. (22 heures)
Mais à supposer qu'on puisse régler ce problème
ailleurs, il n'y aura pas d'enfants qui seront en attente ou il y en aura
très peu, ou cette attente sera très courte. À ce
moment-là, le délai n'est plus de 30 jours; il est de 32 jours,
ou de 33 jours. Il devient alors un délai strict, emportant
déchéance. Je pense que cela me satisfait et que l'objectif est
atteint.
M. Bédard: Ce sera à l'ordonnance, lorsque...
M. Forget: Ce sera à l'ordonnance qu'on pourra
véritablement voir à ce que cette possibilité ne soit pas
abusive. Je suis d'accord, mais je tenais à le mentionner ici parce que,
si on ne pouvait pas trouver une façon d'éliminer certaines
formalités, je pense qu'il faudrait revenir ici pour resserrer à
ce moment-là.
J'avais une autre préoccupation. J'en avais une et l'amendement
du ministre l'a réglée. C'était sur la forme du
consentement, la question des témoins en particulier. Ceci étant
réglé, il reste la possibilité de faire le consentement
devant témoins; on ne requiert pas la présence devant le
tribunal, mais on exige des témoins, je pense.Est-ce qu'on exige des
témoins? Le consentement doit être fait par écrit devant
deux témoins, nécessairement.
M. Bédard: Oui. Dans une disposition un peu omnibus ou
générale, on a visé tous les consentements, à
quelque moment qu'ils s'expriment pendant le processus d'adoption ou de
rétractation.
M. Forget: D'accord. À ce moment-là, la seule
question qui reste, dont on peut discuter à l'article 604, c'est la
qualité de ce consentement. Ce n'est même pas tout à fait
pertinent à l'article 604, mais il n'y a pas d'article qui en parle. Les
autres, c'est qui peut donner le consentement. Tout de suite après, on
tombe sur des questions de délai de rétractation. Je pense que,
quelque part entre les deux, il y a le problème de savoir si on donne
à la cour la possibilité de s'informer sur la qualité du
consentement ou si la cour ne fait que constater. La préoccupation que
j'ai à l'esprit, c'est un peu celle qu'a exprimée ma
collègue.
M. Bédard: Pourriez-vous répéter? Est-ce que
la cour...
M. Forget: Est-ce que la cour a une discrétion pour
constater la qualité, pour vérifier ou analyser la qualité
du consentement?
M. Bédard: Oui, vous l'avez à l'article 611. Elle
doit s'assurer, "notamment, que les consentements requis ont été
valablement donnés."
M. Forget: D'accord. C'est "valablement donnés" quant aux
procédures et aux exigences formelles ou "valablement donnés"
quant aux motivations, à l'information disponible à la personne,
etc?
M. Bédard: Je pensais que c'était vraiment une
validité générale qui est substantielle et qui peut
être aussi formelle dans la mesure où l'écrit, par exemple,
est un élément de formalité essentiel, mais il y a la
qualité du consentement lui-même aussi. Il doit être
donné en toute liberté et non pas extorqué. C'est une
qualité substantielle. On visait certainement plus ...
M. Forget: Plus que simplement le formalisme.
M. Bédard: Oui, plus que le formalisme, parce qu'au fond
les témoins étaient là pour s'assurer ...
M. Forget: Évidemment, on ne spécifie pas plus que
cela. On se fie sur le tribunal pour donner un contenu complet à cela, y
compris le degré d'information. Par exemple, on pense aux mères
célibataires; jusqu'à quel point sont-elles au courant de l'aide
financière dont elles peuvent bénéficier, si elles
souhaitent garder l'enfant? On pourrait
imaginer que, dans le cas de mères célibataires, on veut
s'assurer que le consentement a été donné, après
qu'une telle information leur a été communiquée. Je ne
suis pas sûr que l'expression "un consentement valable" réponde
à ce test.
M. Bédard: Je ne sais si l'explication que je pourrais
ajouter répondrait à l'inquiétude. Je pense qu'il y va
là d'un acte juridique, puisqu'on consent à une adoption et,
étant un acte juridique, les règles du consentement relatives aux
actes juridiques précisent déjà que ces consentements
doivent être libres, éclairés, ne doivent pas être
obtenus... Enfin, il y a toutes les qualités du consentement des actes
juridiques dans le chapitre des obligations, en particulier. Peut-être
pourrions-nous appliquer - je pense que cela s'applique - les dispositions
générales, quant à la qualité du consentement. Il
me semble qu'on échapperait difficilement à ces exigences de
qualité des consentements qui s'expriment. C'est valable en
matière contractuelle, mais on sait que c'est applicable
également à tout acte juridique, qu'il s'agisse du testament ou,
dans un cas comme celui-ci, d'un consentement donné à l'adoption,
par exemple. C'est déjà tellement important.
M. Forget: Dans le chapitre du consentement au mariage, par
exemple...
M. Bédard: Oui.
M. Forget: ...si on fait une analogie, on a très bien
précisé quels étaient les effets d'une erreur sur la
personne et on a pris un grand soin à dire - parce que là aussi
les règles générales du consentement s'appliquent - quels
étaient les vices de consentement qui entraînaient la
nullité. Ici, ce ne sera qu'un élément
d'appréciation parmi d'autres.
M. Bédard: Oui, sauf que vous évoquiez tout
à l'heure un ou deux critères concernant l'information qui
pourraient être donnés. Mais, c'est à partir du moment
où on essaie d'établir une liste de critères de ce que
pourrait être, dans les circonstances, un consentement valablement
donné qu'on risque peut-être de rétrécir, même
sans le savoir, l'ensemble des circonstances sur lesquelles un juge peut...
M. Forget: Et de vicier des consentements pour des raisons, dans
le fond, qui n'en sont peut-être pas.
M. Bédard: Oui, et pas nécessairement fermer la
porte, mais enlever l'obligation ou la préoccupation d'un juge ou d'une
personne d'aller même au-delà des critères qu'on pourrait
fixer. D'accord?
M. Forget: Bon, adopté, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Article 604, adopté.
J'appelle l'article 605.
M. Bédard: Je pense que l'article 605 est adopté.
On verra à l'ordonnance.
M. Forget: Oui, adopté, sous les réserves que j'ai
indiquées tout à l'heure.
Le Président (M. Laberge): Article 605, adopté.
J'appelle l'article 606 où on nous propose une modification. Remplacer,
à la fin du paragraphe 1 de l'article, les mots "n'est établi"
par les suivants: "ne sont établies". Alors, c'est une question... la
filiation paternelle ni la filiation maternelle "ne sont..."
M. Bédard: L'article semble nouveau, M. le
Président, mais il s'inspire toutefois des articles 6 et 7 de la Loi sur
l'adoption. Il ne distingue pas entre les enfants naturels ou légitimes.
En raison de la nouvelle philosophie du Code civil, compte tenu de la
portée du paragraphe 2 de l'article 606 et des dispositions de la
nouvelle Loi sur la protection de la jeunesse qui permettent au directeur de la
protection de la jeunesse d'intervenir, il n'a pas paru utile de retenir
l'hypothèse du paragraphe 4 de l'article 307 de l'Office de
révision du Code civil. On a pondéré les paragraphes 3 et
4 de l'article 606, pour tenir compte du consentement du tuteur exigé en
vertu de l'article 601.
Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'il y a des questions
sur l'article 606, M. le député de Saint-Laurent?
M. Forget: Oui, il y a des questions, si je peux les formuler.
Aux paragraphes 3 et 4, la restriction "s'il n'est pas pourvu d'un tuteur". Je
lis au long. Par exemple, le paragraphe 3: "L'enfant dont les père et
mère sont déchus de l'autorité parentale s'il n'est pas
pourvu d'un tuteur." Je comprends que, dans le cas où il y a un tuteur,
on puisse dire que cet enfant n'est pas abandonné en quelque sorte;
quelqu'un s'en occupe. Il faut aussi regarder l'envers de la médaille.
Lorsqu'un enfant est dans la situation où son père et sa
mère sont déchus de l'autorité parentale ou est autrement
abandonné, maltraité, etc., et que c'est sans espoir de
correction, si on lui donne un tuteur, on rend son adoption plus difficile. Le
tuteur qui est là pour l'aider devient un empêchement à
l'évolution heureuse de son état civil. Je me demande s'il est
pertinent qu'il ait un tuteur ou qu'il n'ait pas de tuteur. Je pense que
personne ne prétend qu'un tuteur est un substitut adéquat
à des
parents qui assument envers l'enfant toutes les responsabilités
des parents. Qu'il ait un tuteur ou qu'il n'ait pas de tuteur, s'il n'y a pas
espoir que ses parents s'en occupent un jour et s'il apparaît opportun de
solliciter une requête d'adoptabilité, pourquoi cela serait-il une
objection?
M. Bédard: II y a beaucoup d'aspects à cette
question. Je vais essayer d'en identifier quelques-uns. J'avoue que c'est
complexe et que c'est même lié à un autre amendement qui
sera peut-être déposé à propos de l'autorité
parentale.
Quand on regarde les choses très concrètement par rapport
à la déchéance de l'autorité parentale...
Restons-en au principe en oubliant des articles à formuler ou pas...
Lorsque intervient une déchéance d'autorité parentale
à l'égard des père et mère, si c'est à
l'égard du père ou d'un seul des parents, si c'est l'autre qui
l'assume, il n'y a pas de problème. Mais si cela arrive à
l'égard des deux, il' faudra bien que le tribunal - c'est ce qui est
prévu - désigne qui va exercer l'autorité parentale. On ne
voit pas pourquoi... Je ne sais pas si on peut faire état...
On peut en faire état de toute façon on va le voir plus
tard. ...d'un projet d'article qui sera déposé à propos de
l'autorité parentale. Je vous le lis et ensuite je vous fournirai
quelques explications: "Le tribunal peut, au moment où il prononce la
déchéance, désigner la personne qui exercera
l'autorité parentale ou décider de prendre l'avis du conseil de
famille avant de procéder à cette désignation ou si
l'intérêt de l'enfant l'exige, à la nomination d'un
tuteur." On est dans une famille, somme toute; le tribunal ne sait pas, dans le
cas d'une double déchéance d'autorité parentale, qui
désigner si personne ne lui suggère un nom. On croit qu'il serait
peut-être utile dans certains cas qu'il puisse prendre l'avis des parents
de cet enfant, convoquer un conseil de famille pour se faire
éclairer.Peut-être y a-t-il un oncle, comme c'est l'habitude ou la
pratique actuellement, qui est prêt à être nommé
tuteur, donc avoir la garde de la personne, administrer le patrimoine s'il en a
- il n'y a pas fréquemment de patrimoines pour les mineurs - mais faire
tout cela sans rompre les liens de filiation avec la famille déchue. Il
peut vouloir respecter les liens de filiation. Comme on l'a vu
fréquemment dans le passé, des enfants, à la suite du
décès du père et de la mère, étaient
élevés par les oncles qui étaient leur tuteur. Ces enfants
n'ont pas besoin d'être adoptés, encore moins faire l'objet d'une
déclaration d'adoptabilité et être remis au directeur de la
protection de la jeunesse pour autant en vue d'une adoption. Ils restent dans
la famille sans pour autant, encore une fois, qu'on modifie la filiation. Il me
semble que c'est une des mesures qui paraissent souhaitables dans
l'intérêt de l'enfant. C'est un peu pour cela que l'amendement
sera déposé ici. Nous disons: Si l'enfant a un tuteur qui a
été choisi par des parents ou des amis, sur avis du conseil de
famille, comme c'est la procédure présente, il nous semble que,
si l'intérêt de l'enfant est bien servi dans ces circonstances,
cela préférable à une déclaration
d'adoptabilité à tout prix. Autrement,à notre article 3,
si on n'indique pas qu'il n'est pas pourvu d'un tuteur, se retrouve dans la
situation de dire que quand les parents d'un enfant sont déchus,
déjà la déclaration d'adoptabilité est la seule
ressource, et c'est encore une fois le directeur de la protection de la
jeunesse, une fois qu'il y a déclaration d'adoptabilité.
C'était pour assouplir et permettre, encore une fois - ce qui s'est fait
dans le passé - à des parents ou à des amis, parfois,
d'être des tuteurs responsables, exerçant l'autorité
parentale vis-à-vis des enfants; ils sont très souvent des
parents ou des amis. (22 h 15)
M. Forget: Oui.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je suis d'accord sur une moitié de ce
raisonnement, mais pas sur l'autre moitié. Je suis d'accord sur
l'argument selon lequel quand un enfant est abandonné de ses parents,
pas nécessairement au sens légal, mais dans les faits, alors que
ses parents ne s'en occupent plus, il y aurait occasion pour une double
déchéance. Je suis d'accord pour que dans ces cas on ait le
choix, que la société ait le choix des moyens. S'il paraît
approprié qu'un tuteur soit nommé sans que la filiation ne soit
brisée, que ce soit la solution préférée. Si, par
contre, l'adoption semble mieux adaptée aux circonstances, que cela
aussi soit possible. Donc, je suis tout à fait d'accord sur
l'argumentation que vous avez présentée quant à sa
première partie: plus de souplesse, deux moyens plutôt qu'un pour
régler un problème puisqu'on ne peut affirmer qu'un seul moyen
serait suffisant ou serait le meilleur dans toutes les circonstances.
Ce sur quoi je ne suis pas d'accord, c'est que selon la formulation de
l'article 606, troisième et quatrième paragraphes, un des moyens,
pour un enfant en particulier, exclut nécessairement l'autre. Je ne vois
pas qu'il soit absolument nécessaire de faire une exclusion comme
celle-là. C'est-à-dire que si, au moment où la
déchéance est prononcée, on juge que pour l'instant il est
suffisant ou commode et désirable qu'un tuteur soit nommé, que
ceci en quelque sorte préjuge de la question de l'adoptabilité.
Autrement dit,
la nomination d'un tuteur peut être une mesure transitoire
très appropriée, mais pas nécessairement une mesure
permanente.
M. Bédard: Qui peut même devenir une mesure
permanente...
M. Forget: C'est cela.
M. Bédard: ... mais qui ne doit pas nécessairement
l'être.
M. Forget: Si elle devient une mesure permanente et que tout le
monde juge que c'est bon, c'est parfait. Le problème de
l'adoptabilité ne se pose pas. Mais si on le fait dans le but d'adopter
une mesure transitoire, on nomme un tuteur parce qu'il faut bien que quelqu'un
s'occupe de cet enfant aujourd'hui et demain, mais, après-demain, on se
dit que la solution préférable serait véritablement une
adoption parce que l'oncle en question est très âgé et que,
de toute façon, étant donné l'âge de l'enfant et
l'âge de l'oncle, on ne peut absolument pas présumer qu'il pourra
s'en occuper pendant plus qu'une période de temps limitée. Donc,
il faudra que cet enfant soit adopté, mais, précisément
parce qu'on lui a donné un tuteur pour régler un problème
transitoire, on ne peut plus faire une requête d'adoptabilité.
M. Bédard: C'est possible avec le consentement du tuteur.
À l'article 601, on disait qu'il faut le consentement. Quand il a un
tuteur, l'enfant, pour être adopté, doit avoir le consentement du
tuteur. En d'autres termes, le tuteur, étant un peu comme les
père et mère, peut consentir à l'adoption de l'enfant
qu'il a sous tutelle. Finalement, il y a une très grande
complexité dans tout cela parce que j'ai l'impression qu'il y a beaucoup
de situations. C'est peut-être là...
Si le tuteur se présente comme étant un obstacle à
l'adoption, il y a toujours le conseil de famille qui peut effectivement entrer
en action.
M. Forget: Le tuteur a ce pouvoir de consentir à
l'adoption, oui, je me souviens que cela a été mentionné
avant. Disons que c'est un pouvoir du tuteur qui, spontanément, ne vient
pas à l'esprit parce qu'on dit que le tuteur doit respecter le lien de
filiation. C'est pour cela qu'on l'a nommé. Mais s'il juge qu'il y va de
l'intérêt de l'enfant, il a même le pouvoir de sacrifier
cela.
M. Bédard: On peut être tuteur et, l'état de
santé changeant, les circonstances changeant, l'intérêt de
l'enfant étant concerné, le tuteur peut dire qu'il serait bon
maintenant que l'enfant soit adopté. Il est possible que son rôle
soit temporaire parce qu'il ne peut pas l'accomplir de façon plus
permanente.
M. Forget: D'accord, j'admets ce raisonnement. Cela suscite tout
de suite à l'esprit une interrogation vu l'article 607, puisqu'il y a
une exigence, dans le fond; le tribunal, avant de déclarer
l'adoptabilité, doit se faire une opinion quant à la
volonté et à la capacité des parents naturels d'assumer
leurs responsabilités. Si un tribunal croit qu'il ne peut pas porter ce
jugement, il peut se décharger de cette responsabilité sur le
tuteur qui la prendra à sa place effectivement et tout sera
régulier. C'est peut-être bien ainsi, mais il reste que c'est un
résultat peut-être insoupçonné du jeu de ces
articles.
M. Bédard: L'article 607 étant
complété d'un amendement, d'une présomption - on en
discutera tantôt - va faciliter cette preuve. Mais il est possible aussi,
pour ajouter des problèmes, que le tuteur lui-même abandonne
l'enfant et, à ce moment, on retombe dans la déclaration
d'adoptabilité aussi. En d'autres termes, dans certains cas, le tuteur
sera mieux placé; dans d'autres cas, en l'absence d'une personne
agissant comme tutrice, là, on n'aura pas le choix, il faudra bien
procéder par la voie de l'adoption en dernier ressort.
M. Forget: D'accord, M. le Président, adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 606, avec amendements
- les amendements étant "ne sont établies", au pluriel - est
adopté.
M. Bédard: A 607, M. le Président, il y a un
amendement.
Le Président (M. Laberge): Oui, j'ai autre chose avant. Ce
ne sera pas long, mais, vu les circonstances exceptionnelles que nous vivons
présentement, on a porté à ma connaissance un
communiqué de presse qu'on me demande de lire à la commission
pour que ça devienne officiel. Il se lit comme suit: "Le leader du
gouvernement, M. Claude Charron, désire faire part à la
population du Québec des modifications apportées au calendrier
des travaux parlementaires du lundi 15 décembre 1980."
M. Bédard: On n'est pas obligé de se mettre debout
pour ça!
Le Président (M. Laberge): "Ces modifications ont
été rendues nécessaires vu les funérailles
officielles de M. Jean Lesage, ancien premier ministre du Québec. La
Chambre se réunira lundi, à quatorze heures, pour ajourner ses
travaux à mardi matin, dix heures.
"Le lundi, 15 décembre 1980, les commissions parlementaires
siégeront aux heures suivantes: à 81-A, affaires municipales, de
16 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures; à 91,
consommateurs, coopératives et institutions financières, de 16
heures à 18 heures; à 91, dans le même édifice "A",
énergie et ressources siégera de 20 heures à 24 heures et,
au salon rouge, la commission de la justice siégera de 16 heures
à 18 heures et de 20 heures à 24 heures."
Ceci m'a été demandé par la vice-présidente
de la Chambre, à cause des circonstances exceptionnelles.
Après l'article 606, on nous demande d'ajouter un article 606.1,
qui se lit comme suit: "La demande en déclaration d'adoptabilité
ne peut être présentée que par un ascendant de l'enfant, un
parent en ligne collatérale jusqu'au troisième degré, le
conjoint de cet ascendant ou parent ou par un directeur de la protection de la
jeunesse."
M. Bédard: C'est par concordance.
M. Forget: Je remarque que l'enfant lui-même ne peut pas
présenter une requête pour son adoptabilité, même
s'il a plus de quatorze ans. Cela pourrait ne jamais se présenter, mais
si ça ne se présentait qu'une fois en 100 ans?
M. Bédard: On considère la possibilité d'un
amendement aux environs de 613 ou 614, justement, pour voir la
possibilité que l'enfant qui a été placé, quand
tout le monde traîne pour son adoption, puisse lui-même saisir le
tribunal. Peut-être que ça pourrait se considérer à
ce niveau.
Le Président (M. Laberge): L'article 606.1 est-il
adopté?
M. Forget: Cela pourrait être intégré dans
une autre disposition?
M. Bédard: Dans l'autre disposition, c'est un autre cas
où on réserve certains droits à l'enfant de quatorze ans
de saisir le tribunal s'il n'y a pas eu demande d'adoption à la suite de
son placement...
M. Forget: Oui.
M. Bédard: ...pour éviter qu'il ne soit dans une
situation trop incertaine quant à son statut.
M. Forget: Par analogie, on pourrait peut-être dire que
l'enfant, qui est placé en famille d'accueil, etc., et dont personne ne
s'occupe - parce que, administrativement, son cas est classé - pourrait
un jour dire...
M. Bédard: On prévoit qu'il puisse demander son
placement, c'est-à-dire demander à être
déclaré adoptable. Je ne sais pas si cela lui procure des
avantages parce que là, demander à être adoptable... S'il
relève déjà du...
M. Forget: C'est dans le sens de la procédure d'adoption
et c'est dans son intérêt parce, que dans bien des cas, c'est dans
son intérêt, si personne ne veut le faire pour lui et s'il est
persuadé que c'est sa planche de salut. Il y a des jeunes à qui
c'est arrivé de vouloir intensément être adoptés,
mais il n'y avait pas d'avenue légale très facile; ils s'en
seraient sûrement occupés eux-mêmes s'ils avaient pu.
M. Bédard: Cela ne peut pas se rédiger sur le bord
d'une table, mais on pourra y penser.
M. Forget: Pour réflexion. Quant au reste, il n'y a pas de
problème quant à cet article.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous laissez
l'article 606.1 ouvert?
M. Bédard: Non, on va l'adopter.
M. Forget: Peut-être suspendu parce qu'autrement on risque
d'oublier ces points. Ce ne sera pas long.
Le Président (M. Laberge): L'article 606.1 est
suspendu.
M. Bédard: C'est cela.
Le Président (M. Laberge): J'appelle l'article 607.
À l'article 607, il y a déjà des amendements auxquels on
va procéder. À la troisième ligne, remplacer le mot
"assurera" par "assumera". Cela va pour ça. Et, à la fin, la
phrase suivante: "Cette improbabilité est présumée." C'est
parfait.
M. Bédard: Je n'ai pas de remarques particulières
parce que cela crée une obligation qui me semble nécessaire.
M. Forget: Je suis entièrement d'accord avec l'esprit de
cet amendement parce que autrement, l'article tel que rédigé
avait pour effet de rendre improbable toute déclaration
d'adoptabilité. Au point de vue de la rédaction, je comprends que
c'est plus simple de rédiger l'amendement comme cela, mais on dit: Le
tribunal doit s'assurer qu'il est improbable et, après cela, on dit que,
dans le fond, il n'a pas besoin de s'en assurer parce que cette
improbabilité est présumée. Ce que l'on veut dire c'est
que le fardeau de la preuve est renversé et que c'est aux parents
à prouver leurs intentions de
reprendre l'enfant. Est-ce que ce ne serait pas plus intelligible de le
rédiger dans la forme positive en plaçant la
responsabilité carrément sur les parents de faire la preuve, de
venir prouver devant le tribunal, non seulement s'opposer, mais justifier leur
opposition à leur propre déchéance d'autorité
parentale et de responsabilité? Enfin, au moins dans la mesure où
c'est une déclaration d'adoptabilité, en venant faire des
protestations et des démonstrations d'intention ferme parce que c'est
avec cela que la présomption sera renversée, j'imagine.
M. Bédard: Je pense que c'est lié à la
procédure de mise en application de l'article 607. Si le tribunal doit
s'assurer qu'il est improbable avant de déclarer l'enfant adoptable, il
faudra qu'on avise d'une manière ou d'une autre les parents qu'on
procède à l'adoption de l'enfant. Il leur donne donc l'occasion
de venir eux-mêmes établir devant le tribunal qu'ils sont en
mesure de reprendre l'enfant, que les circonstances ont changé. Mais
s'ils ne réussissent pas à relever ce fardeau de la preuve, le
tribunal pourra quand même rendre son jugement en disant:
L'improbabilité est présumée parce que vous n'avez pas
relevé le fardeau de la preuve. Quand on voulait dire: S'assurer qu'il
est improbable, somme toute, cela vise peut-être autant qu'il en soit
saisi.
M. Forgets Remarquez, je suis tout à fait d'accord, mais
il me semble que, quand on fait l'obligation à un tribunal de s'assurer
qu'il est improbable qu'une chose se produira et après, dans le prochain
souffle, on dit que de toute façon cette preuve est
présumée, c'est un grand circuit pour dire que la requête
est accordée d'office à moins que les parents ne viennent
démontrer leur intention et établir les circonstances nouvelles
sur lesquelles s'appuieraient leurs capacités à assumer leurs
obligations.
M. Bédard: On a eu du mal à trouver; on a
examiné beaucoup de formules, on a celle-là, mais on peut
peut-être faire un effort ultime...
Le Président (M. Laberge): L'article 607...
M. Bédard: ... pour améliorer la
rédaction.
Le Président (M. Laberge): ... est suspendu. J'appelle
l'article 608. Il n'y a pas de modifications à suggérer pour le
moment.
M. Bédard: L'article 608 ça va de soi. "Lorsqu'il
déclare l'enfant adoptable, le tribunal désigne la personne qui
exercera l'autorité parentale à son égard."
M. Forget: Jusqu'à l'ordonnance de placement. Je pense que
cette précision-là serait nécessaire car autrement, il y a
conflit entre deux mesures.
M. Bédard: L'article 612 le prévoit comme
complément." L'ordonnance de placement confère l'autorité
parentale à l'adoptant".
M. Forget: Oui, je comprends, elle le confère à
nouveau à quelqu'un d'autre ou à la même personne.
M. Bédard: Oui.
M. Forget: Oui, ce n'est pas susceptible de créer des
conflits qu'on confère...
M. Bédard: II nous paraissait utile de l'inscrire dans la
section sur l'ordonnance parce que c'était quand même important
que l'ordonnance précise...
M. Forget: Oui.
M. Bédard: ... et ça nous paraissait utile de le
faire et en le faisant dans cette section-là...
M. Forget: Cela rend caduque la première attribution de
responsabilité.
M. Bédard: Cela rendait caduque la première,
à moins d'être assez répétitif pour la même
idée.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 608 est
adopté. J'appelle l'article 609. Section II. De l'ordonnance de
placement et du jugement d'adoption. Est-ce qu'il y a des remarques à
l'article 609, M. le ministre?
M. Bédard: La grande innovation de cet article consiste
dans le fait que l'enfant ne peut être placé en vue de son
adoption que sur ordonnance du tribunal, qu'il s'agisse d'adoption ouverte ou
d'adoption fermée. Ainsi, le tribunal pourra contrôler dès
le premier moment de l'adoption les conditions de l'adoption. Article 611. Il
ne restera à la fin du processus qu'à vérifier
l'adaptation de l'enfant à son nouveau milieu. Article 615. Cette
disposition est dans l'intérêt de l'enfant et aussi dans celui des
adoptants.
M. Forget: Comme je l'ai indiqué au début, je suis
entièrement d'accord avec la notion de faire porter sur le placement
plutôt que sur le jugement d'adoption le fardeau d'établir que
tout va bien parce que, si on laisse se créer une relation et qu'on
intervienne après six mois, neuf mois ou un
an pour porter des jugements, à mon avis on a été
soit irresponsable au départ ou alors on va créer de très
grandes difficultés...
M. Bédard: Des traumatismes.
M. Forget: ... à la deuxième occasion. Je dois
souligner là-dessus que je ne suis pas du tout d'accord avec
l'Association des centres de services sociaux qui veut continuer d'en faire une
prérogative purement professionnelle. Je pense qu'il y a là un
acte extrêmement important qui doit revêtir une certaine
solennité puisque c'est à ce moment-là que la relation se
crée. Si les choses sont bien faites à ce moment-là, on
peut présumer que le jugement d'adoption n'est qu'une formalité
qui vient rendre définitive la première décision.
Là-dessus je suis complètement d'accord et je pense que cette
ordonnance de placement doit venir consacrer l'adoption ouverte, l'adoption
entre consanguins parce qu'il faut bien sûr vérifier la
consanguinité, il faut vérifier qu'il y a un échange de
consentement entre la famille d'origine et la famille adoptive dans le cas
d'adoption ouverte. Donc, il faut l'intervention du tribunal.
Je ne sais pas, mais - oui, c'est ici que je dois le mentionner - le
problème vient des six mois. La durée de la période de
probation. Je pense que six mois, dans le cas d'adoption où l'enfant
était étranger à la famille adoptive, c'est une
période raisonnable, ni trop courte ni trop longue. Si on ne peut pas
porter un jugement en six mois, je pense qu'on ne pourra jamais le porter.
C'est une amélioration sur la pratique actuelle où je pense qu'on
spécifie un an, ma foi. Enfin, peu importe...
M. Bédard: Six mois.
M. Forget: Oui, six mois. Mais là où le
délai de six mois n'est peut-être pas aussi impératif,
c'est le cas, par exemple, où on a une adoption entre consanguins ou une
adoption par une famille d'accueil, une famille qui a déjà
effectivement la garde de l'enfant depuis longtemps. Ce n'est peut-être
pas terriblement important, parce que, dans ce cas, la relation est
assurée depuis longtemps. Dans la mesure où le deuxième
jugement est un jugement où le fardeau de la preuve est renversé
- on verra cela plus tard - je pense que c'est à peu près la
perception unanime autour de cette table, c'est peut-être moins
nécessaire, mais on pourrait imaginer plus de souplesse, du moins dans
le cas de ces situations, puisque la relation est déjà
établie et qu'on peut donc en constater la qualité presque
immédiatement.
M. Bédard: Oui, sauf... C'est justement en
considérant que la relation étant déjà
établie, le délai devient moins important, parce qu'on ne peut
pas concevoir...
M. Forget: II devient moins important, mais de toutes les
façons, bien sûr.
M. Bédard: Oui.
M. Forget: Parce que la probabilité qu'il sera
renversé au moment du jugement d'adoption est très faible
à ce moment. Donc, l'insécurité que cela peut créer
est...
M. Bédard: Cela prendrait des circonstances tout à
fait spéciales qui, à ce moment, devraient, de toute
façon, être considérées.
M. Forget: D'un autre côté, il faut rappeler que le
jugement d'adoption est le seul qui crée des effets juridiques et que
des droits patrimoniaux peuvent être perdus pendant que le délai
court. C'est pour cela qu'on ne peut pas être totalement
catégorique là-dessus. Je me demande, dans le cas d'adoptions
entre consanguins, les adoptions qui sont mentionnées - disons que
l'expression "courte" est bien compréhensible - et d'adoptions dans une
famille d'accueil où l'enfant est là depuis longtemps et
où on a peut-être recours à l'adoption, dans le fond, dans
la perspective d'une maladie qu'on sait terminale et pour faire
bénéficier l'enfant de droits patrimoniaux, si le délai de
six mois ne peut pas porter un préjudice très grave. Si on avait
une certaine souplesse au niveau du tribunal, dans ces cas, on ne ferait que
rendre service à l'enfant, sans vraiment se priver de quelque
possibilité de contrôle de la qualité de la relation que ce
soit.
M. Bédard: La forme que cela pourrait prendre dans votre
esprit, c'est un délai plus court ou une appréciation par le
tribunal?
M. Forget: Une appréciation par le tribunal, parce que
c'est dans le cas d'adoption entre consanguins et d'adoption par une famille
qui a déjà la garde effective de l'enfant, avant l'ordonnance,
où le délai peut commencer à courir, dans le fond, avant
l'ordonnance; que cela peut se faire, si c'est dans l'intérêt de
l'enfant.
M. Bédard: Je pense qu'on a pas mal couvert tous les
angles. Est-ce que, dans ces cas-là, la précaution des six
mois... On pourrait apporter d'autres exemples du fait que peut-être,
même dans ces circonstances, les six mois seraient simplement une
précaution, tandis que...
M. Forget: Oui, mais n'oublions pas une chose très
importante et qui...
M. Bédard: Je suis sensible au fait que
cela peut même amener la perte de droits.
M. Forget: N'oublions pas que le délai de six mois, cette
probation existait dans un régime de droit où il n'y avait pas de
déchéance de l'autorité parentale ni de déclaration
d'adoptabilité. Mais si cela se fait une fois, cela peut se faire une
deuxième fois, n'est-ce pas? Dans le fond, on pourrait même
imaginer un régime où - là, je réfléchis
tout haut, M. le Président, si on me le permet, pendant deux secondes -
la seule décision qui est prise est une décision du tribunal de
placement et d'adoption immédiate. C'est peut-être trop radical
dans tous les cas, mais cela pourrait se faire dans certains cas entre
consanguins, là où il y a une relation déjà
établie, parce que maintenant il y a un remède. Le remède
n'est pas tellement différent, dans le fond. C'est un recours devant le
tribunal, soit pour obtenir un jugement d'adoption, soit pour faire
déclarer que les parents adoptifs de l'enfant ne s'en occupent pas. Le
même jugement qu'on peut porter à l'égard des parents
naturels, on peut le porter à l'égard des parents adoptifs.
Quelle est la différence, dans le fond? On a des exemples abondants que
les parents naturels maltraitent leurs propres enfants et on n'a pas un
système de probation de toutes les familles. C'est seulement quand il y
a une plainte et qu'on se rend compte qu'il y a quelque chose qui ne va pas
qu'on dit: Ces parents-là n'ont pas la capacité de s'occuper de
leurs enfants. On les leur retire d'une façon ou d'une autre. Dans le
fond, si on veut vraiment traiter les enfants adoptifs comme les enfants
naturels, on pourrait très bien prétendre que, pourvu qu'on ait
le plus soigneusement possible choisi les parents adoptifs ou qu'ils soient
dans la parenté, etc., on n'a pas à avoir à leur
égard des exigences supérieures à celles qu'on exige des
parents naturels. De toute façon, dans les deux cas, il y a
désormais un remède qui est la déchéance de
l'autorité parentale, la déclaration d'adoptabilité,
l'intervention de la protection de la jeunesse pour les enfants battus. Les
probabilités que les enfants adoptés soient battus ou
maltraités, d'une certaine façon, sont peut-être plus
faibles que chez les parents naturels. Cela peut se prouver parce que c'est un
choix, c'est une élection, c'est vraiment une parenté
élective. Il est bien rare que des gens vont adopter un enfant pour le
battre, mais ils vont battre l'enfant qu'ils ont eu parce que peut-être
ils ne le voulaient pas vraiment. J'avais toute cette question de la
césure entre le placement et le jugement d'adoption. Il ne faut pas lui
faire porter un fardeau trop grand, et dans tous les cas, où on peut le
réduire, je pense qu'on devrait le faire.
M. Bédard: II y a peut-être un espace- temps, quand
même, qui est utile dans le cas où l'enfant n'a pas
déjà été dans la famille, est placé dans
cette famille, même si ce sont des consanguins, même si c'est un
oncle ou une tante. Il faudrait une certaine période minimale pour
permettre de vérifier si l'enfant, somme toute, s'adapte bien dans ce
milieu et dans cette nouvelle relation et peut-être aussi pour savoir si
les parents adoptifs s'adaptent bien à un enfant. Parfois, on pense
qu'on va bien s'adapter à un enfant et on se rend compte qu'on n'a pas
les nerfs pour cela, qu'on n'a pas les aptitudes, après coup, et cela
permet de mettre fin au placement de la part des parents qui ont fait
l'expérience dans un temps minimum. Je pense qu'il y a un espace- temps,
quand même, qu'il faudrait réserver ou préserver.
Dans le journal des Débats, je vais avoir l'air de me parler.
M. Forget: Cela arrive dans les meilleures familles qu'on se
parle à soi-même.
M. Bédard: II n'y a rien là! C'est exactement la
question que je me posais parce que je suis sensible à ce que dit le
député de Saint-Laurent et je suis même d'accord. Mais en
fonction de rédiger un amendement, il faudrait, quand même,
prévoir peut-être un an quand un enfant est déjà...
On ne peut pas parler de foyer d'accueil, etc., tout cela.
M. Forget: Oui, oui, mais je pense que le délai de six
mois...
M. Bédard: Oui, peut-être un an dans ce
cas-là.
M. Forget: Oui, le délai de six mois est bon, mais, dans
le cas où l'enfant adoptif et sa nouvelle famille se connaissent
déjà depuis des années, on n'a pas besoin de faire courir
le calcul...
M. Bédard: Oui, mais un minimum.
M. Forget: ...à partir du jugement de l'ordonnance de
placement. Ce délai pourrait se compter...
M. Bédard: II faudrait le faire courir avant.
M. Forget: ...à partir du moment où, effectivement,
il y a eu contact.
M. Bédard: Mais ce serait quoi, ce délai
raisonnable? Il faut en prévoir un, un minimum d'un an ou six mois?
M. Forget: Oui, le même délai de six mois, mais il
commence à compter au moment où ils ont effectivement
été en
contact. Dans le cas d'une famille d'accueil où l'enfant est
placé depuis quatre ans, évidemment, ils ont satisfait à
l'exigence de six mois le lendemain de l'ordonnance de placement. Dans le cas
d'un oncle et de son neveu, alors qu'il s'en occupe peut-être depuis des
années parce que les parents sont malades ou absents, la même
chose va valoir. C'est un jugement de fait.
M. Bédard: II faudrait inscrire sauf discrétion du
juge, dans le cas où un enfant a déjà été
six mois... On verra comment le rédiger.
Par ailleurs, je voudrais bien qu'on saisisse que l'ordonnance de
placement dans la philosophie du projet ne modifie pas la filiation. Seul le
jugement le fera, de sorte que les droits successoraux, par exemple, les droits
alimentaires continuent de pouvoir s'exercer à l'égard des
parents d'origine, par exemple. Il n'y a pas d'intervalle où l'enfant a
perdu des droits, sauf qu'il n'est plus en relation d'autorité parentale
avec ses parents.
On va suspendre l'article 609. (22 h 45)
M. Forget: Juste pour terminer, une autre idée
là-dessus qui est complémentaire; c'est que, si on voulait
vraiment faire dépendre la durée du délai sur la
difficulté d'adaptation de la famille à l'enfant, il faudrait se
baser sur l'âge de l'enfant au moment de son placement. Les statistiques
de plusieurs pays nous démontrent que le succès est très
élevé quand on place pour adoption de jeunes enfants et il est
beaucoup moindre, quoiqu'il soit encore très élevé, quand
on place des enfants de cinq ans et plus.
La vraie distinction, au point de vue du délai, cela devrait
être l'âge de l'enfant. Je n'en fais pas une suggestion. Je pense
que c'est l'idée qui est vraiment la plus pertinente.
Le Président (M. Laberge): L'article 609 est suspendu.
J'appelle l'article 610.
Une voix: Cela va.
Le Président (M. Laberge): L'article 610 est
adopté. J'appelle l'article 611.
M. Forget: Ce n'est pas reproduit dans le journal des
Débats?
Le Président (M. Laberge): Non, plus maintenant.
M. Bédard: II n'y a pas de remarque à l'article
611. L'article est assez clair.
M. Forget: Cet article est l'article où on peut se poser
la question du fardeau de la preuve. Est-ce que, avant de prononcer
l'ordonnance de placement... Il n'y a pas de problème, s'assurer que les
conditions de l'adoption ont été remplies, que les consentements
requis ont été valablement donnés; évidemment, cela
doit être fait et "valablement" donné est vraiment le mot qui a
été interprété tout à l'heure.
Quant à ce qui est des qualités et des aptitudes de
l'adoptant, sur un plan philosophique et plus que cela, même sur un plan
pratique, je serais porté à dire que des citoyens qui veulent
adopter devraient, comme des citoyens qui se marient et qui ont des enfants,
être présumés capables d'être parents. Il me semble
que seulement la manifestation du désir d'assumer des
responsabilités parentales, c'est déjà un début de
preuve qu'on est des bons parents. Finalement, qu'est-ce que c'est
qu'être un bon parent? Ce n'est pas avoir un diplôme, c'est vouloir
s'occuper d'un enfant. Une fois qu'on a dit cela, on a fait un bon bout de
chemin. Et des gens qui se marient et qui vont avoir des enfants n'ont pas
besoin d'un certificat de parenté avant d'avoir des enfants. On
présume qu'ils sont capables et que, dans l'ensemble et en moyenne, ils
vont s'acquitter de leurs responsabilités convenablement.
Ce que je dis, c'est que bien sûr il y a une certaine preuve qui
doit être faite, mais tout est de savoir: Est-ce que les parents qui
adoptent partent de zéro? Est-ce qu'ils ont à faire la
démonstration, à assumer le fardeau de la preuve qu'ils sont de
bons parents? Ou si ce sont plutôt les experts, les psychologues, les
travailleurs sociaux qui apparaissent devant la cour - et qui doivent
apparaître devant la cour - qui devraient être chargés de
démontrer que, selon eux, monsieur et madame X qui veulent adopter ne
peuvent pas être de bons parents pour telle et telle raison?
Il me semble que c'est presque un droit fondamental que la
capacité de chacun de vivre ce rôle parental ne soit pas l'objet
d'une vérification administrative, à moins d'être interdit
ou quelque chose dans ce genre-là. Il me semble que quelqu'un qui veut
nous dire qu'on ne peut pas adopter devrait avoir le fardeau de faire une
démonstration, soit parce que la santé mentale de la personne est
telle qu'il est évident qu'elle ne peut pas assumer ce rôle ou
peut-être même la santé physique, etc. Mais faire une preuve
quelconque de comportement, de style vie, démontrer quelque chose.
Et là, la seule difficulté que cela pose, c'est bien
sûr le fait que les renseignements confidentiels reçus par des
professionnels devraient être dévoilés à l'encontre
de ceux qui ont donné le renseignement alors qu'autrement, comme ils
sont obligés de faire la preuve, on leur impose la
nécessité
de dévoiler tout ce qui est à leur avantage.
M. Bédard: Je pense qu'on ne l'impose pas par
méfiance vis-à-vis des adoptants, mais peut-être plus par
souci de l'intérêt de l'enfant.
M. Forget: C'était perçu comme cela.
M. Bédard: On en est au niveau de la perception. Mais
l'intérêt de l'enfant exige -je le pense - cette précaution
de vérification des qualités et des aptitudes de l'adoptant. II
ne faudrait pas que cela devienne un procès tel...
M. Forget: II faut presque faire une preuve négative. Pour
prouver qu'on est apte, il faut presque prouver que les raisons qui feraient
qu'on n'est pas apte n'existent pas. C'est très difficile de faire une
preuve rigoureuse, parce que ce n'est pas une aptitude mesurable en quoi que ce
soit. C'est simplement que les empêchements sont absents. C'est une
preuve négative.
M. Bédard: Cela se vérifie peut-être par la
présomption qu'on fait que les adoptants... L'enfant n'étant
souvent pas capable de faire cette appréciation, la présomption
est en faveur de l'enfant et on doit faire cette clarification-là. Mais,
comme vous le dites, peut-être que la perception donne l'impression que
c'est un procès en règle qu'on fait à des parents.
M. Forget: Certains procédés utilisés
donnent plus que l'impression...
M. Bédard: Je le sais. C'est peut-être là
que-Mais il y a un examen qui paraît utile et nécessaire et qui
doit être fait par le tribunal. Pensons aux deux cheminements qu'on a. Le
tribunal pourra être saisi par des requérants en vue de l'adoption
qui auront été choisis, disons, par le directeur de la protection
de la jeunesse - prenons un exemple - parce que l'enfant est déjà
sous sa responsabilité, et on trouve une famille qui est prête
à l'adopter et ils font une demande en vue du placement. On peut penser,
à ce moment, que les services concernés pourront déposer
dans le dossier toutes sortes de témoignages disant qu'ils ont
vérifié les conditions de ces personnes et qu'elles paraissent
aptes à pouvoir accueillir un enfant pour fins d'adoption.
Dans le cas où l'adoption va se faire entre les consanguins dont
on parle, la requête va être acheminée directement par le
consanguin demandant à recevoir en placement l'enfant. Il me semble,
quand même, sans lui imposer le fardeau d'établir qu'il a les
qualités morales, enfin, toutes les qualités et les aptitudes et
de penser en termes d'un gros procès, qu'il est important de savoir au
moins certaines choses. Si cette personne qui demande à adopter un autre
enfant en a déjà quinze ou six, c'est déjà
différent. Est-elle dans certaines conditions économiques et
déjà dans des conditions de logement et d'habitation
données? Il me semble que l'intérêt de l'enfant exige qu'on
ne le place pas dans une condition de vie qui soit inacceptable. Je ne sais
pas...
M. Forget: Le débat n'est pas sur le fond.
M. Bédard: Je suis d'accord avec vous.
M. Forget: Je ne dis pas que les enfants doivent être
placés dans des familles où ils seront dans des situations
inacceptables. Entendons-nous bien. Le débat porte complètement
à faux dans le moment. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Mais si vous
donnez à quelqu'un qui apparaît comme l'expert devant le tribunal
la mission de dire si ces requérants ont l'aptitude ou non, à ce
moment, le tribunal se prive de presque tout moyen de contrevérifier le
genre de critères et d'évaluation. Je vais donner un exemple;
cela va aider à comprendre. Certains centres de services sociaux font
une exigence - cela m'a été dit de très bonne source,
alors, ce n'est pas un exemple tiré d'un article de journal - qu'un
parent accepte de suivre des cours et de se plier à une certaine
série de séances soi-disant de formation, etc. Selon les milieux
socio-économiques auxquels on s'adresse, cela peut jouer un rôle
formidable ou cela peut être une perte de temps monumentale.
Malgré tout, les familles qui sentent qu'elles perdent
littéralement leur temps et qu'on les fait tourner en rond n'osent pas
faire quoi que ce soit; elles se plient à toutes sortes de caprices
invraisemblables. Il y en a des caprices dans ce milieu, croyez-moi. J'ai
été familier avec cela; je l'ai observé de près. Il
y a toutes sortes de caprices. Comme on dépend, non pas du juge et de
critères qui sont dans la loi, mais de l'opinion de ces experts qui
décident collectivement, d'ailleurs, d'une façon assez difficile
à déterminer, où il n'y a pas de responsabilité
professionnelle parce que ce sont des comités, où on ne peut
jamais mettre quelqu'un en face de sa responsabilité professionnelle, on
se plie à toutes ces histoires. Cela dure parfois des mois et des
années et on évite surtout de déplaire à qui que ce
soit. On reçoit des visites à tout moment du jour ou de la nuit;
tout cela ce sont des vexations. Finalement on traite les gens comme des
coupables et on les force à passer par un mécanisme pour prouver
leur innocence. C'est indigne parce que ce sont des gens qui veulent s'occuper
d'enfants abandonnés. Le voisin, lui, qui est marié qui a des
enfants et qui les bat, il
arrive que le même organisme qui fait faire ces simagrées
à ceux qui veulent s'en occuper ne s'occupe pas de ceux qui battent les
enfants qu'ils ont eus pas voie biologique. À un moment donné, on
se dit: Si on perd du temps à faire des preuves de ce genre, il vaudrait
peut-être mieux réorganiser les priorités et si on avait
seulement l'exigence de démontrer que quelqu'un n'est pas capable, on
serait en face de critères que la cour peut contrôler. Il faudra
dire à la cour: Nous avons observé des comportements qu'on soumet
à la cour ou des observations cliniques qui sont telles qu'il y a
manifestement incapacité d'assumer ces responsabilités. La
qualité de la relation serait inversée.
M. Bédard: La seule question que je me pose, c'est de
savoir comment on peut corriger ce malaise. Jusqu'à quel point on peut
corriger ce malaise qui est beaucoup plus administratif qu'autre chose par une
rédaction différente.
M. Forget: C'est très délicat. Comment
définir le fardeau de prouver que l'intérêt de l'enfant
sera bien protégé?
M. Bédard: Je crois que mon collègue est d'accord
qu'il y va de l'intérêt de l'enfant que le tribunal vérifie
les aptitudes, les capacités et les qualités de ceux qui veulent
se porter comme parents adoptifs. Je pense que c'est normal.
M. Gosselin: On ne pourrait pas formuler cela de la
manière suivante...
M. Bédard: On a tous la même préoccupation
à savoir que cela ne devienne pas un procès devant le tribunal et
surtout pas avant même d'arriver devant l'organisme qu'on met en place
pour évaluer objectivement...
M. Forget: C'est pour cela que je ne fais que poser le
problème. C'est celui qui est ressenti, croyez-moi, le plus
intensément par ceux qui ont vécu cette expérience. Si on
pouvait apporter le quart d'une solution, on aura fait beaucoup.
M. Bédard: Avec cette préoccupation, est-ce qu'on
pourrait le garder ouvert, mais en s'entendant sur le fait que la discussion
est faite et que c'est là-dessus qu'on...
Le Président (M. Laberge): Je pense que M. le
député de Sherbrooke a une observation.
M. Gosselin: Je veux juste suggérer de vérifier
s'il n'y a pas d'inaptitude patente de la part de l'adoptant, ou en tout cas
quelque chose du genre, mais qui met moins d'insistance...
M. Bédard: Je ne voudrais pas qu'à un moment
donné l'ensemble de notre réflexion se porte sur le tribunal et
donne des critères qui peuvent être limitatifs et même
desservir l'objectif qu'on veut atteindre. Il me semble que le tribunal,
à partir des gens qu'il peut convoquer, des moyens qui sont à sa
disposition, il faut présumer qu'il veut faire le travail correctement.
Il en est capable sans critères précis. Il est même
préférable qu'il n'y en ait pas. Faire l'évaluation qu'on
demande des aptitudes et des qualités, une évaluation
sérieuse, je crois que là-dessus, il faut demeurer
général. (23 heures)
M. Forget: II est essentiel que le tribunal puisse aller
au-delà du témoignage de l'expert.
M. Bédard: C'est cela.
M. Forget: ...et qu'il puisse exercer un certain contrôle
sur le caractère raisonnable et approprié des faits sur lesquels
l'expert se base.
M. Bédard: Une suggestion est peut-être de souligner
que le tribunal peut demander toute personne qu'il juge opportun
d'entendre...
M. Forget: C'est une excellente suggestion.
Le Président (M. Laberge): On va le laisser en suspens
pour rédaction.
M. Bédard: ...plutôt que de limiter cela à un
cercle fermé, ce qui fait qu'il n'y a pas d'autre éclairage.
D'accord. Ce serait dans ce sens si on présente un amendement.
Le Président (M. Laberge): L'article 611 est suspendu pour
correction possible. J'appelle l'article 612.
M. Forget: Non. Qu'est-ce qui arrive? Est-ce qu'on a
abrogé l'article 610?
Le Président (M. Laberge): On a adopté l'article
610 et on a laissé en suspens l'article 609.
M. Forget: Je m'excuse, M. le Président, mais, dans mon
cahier, ils sont intervertis et je ne m'en suis pas rendu compte. Avec votre
permission, si on peut revenir quelques instants sur l'article 610. Il y a un
problème dans le placement. Je ne me souviens pas qui a
dénoncé cette difficulté, mais l'ordonnance de placement
qui ne peut être prononcée que tant de jours après le
consentement - il me semble que
c'est l'Association des centres de services sociaux qui en a
parlé - crée un délai de trente jours entre le
consentement et le placement. Où sont les enfants pendant ces trente
jours? Ils ne sont pas dans leur famille adoptive et ils ne sont plus chez
leurs parents naturels. Sont-ils dans une crèche?
M. Bédard: Ce délai de trente jours est en accord
avec l'article 604 où on prévoyait la possibilité de
rétractation. Pendant ce délai, évidemment, l'enfant a
été confié possiblement soit a une personne qui a
été désignée ou à un directeur de la
protection de la jeunesse et temporairement, effectivement, il est placé
quelque part. Il pourrait même être placé aussi dans une
famille qui voudrait l'adopter.
M. Forget: Préalablement à l'ordonnance de
placement.
M. Bédard: Préalablement à l'ordonnance de
placement, mais pour un délai très court.
M. Forget; Je pense que là on touche du doigt un cas
où le désir de préserver le droit du parent à la
rétractation, dans le fond, porte préjudice à l'enfant. On
fait ces changements dans l'ordonnance de placement vis-à-vis du
jugement d'adoption de manière que le moment important et le moment
décisif soit le placement. Là, s'il faut placer sans- ordonnance,
cela veut dire qu'on a le même problème de placer et de
déplacer éventuellement. On ne peut pas présumer que,
lorsque le tribunal va faire connaître son ordpnnance, il va dans tous
les cas confirmer le placement initial. Dans le fond, on maintient ces trente
jours pour une seule raison: la possibilité que la personne, l'adulte
qui a donné son consentement devant témoins - un consentement
éclairé, etc., puisque autrement l'ordonnance de placement ne
pourrait pas intervenir - veuille changer d'idée. J'aimerais beaucoup
mieux que la révocation ne soit pas possible après...
M. Bédard: On a considéré qu'il pouvait
aussi être dans l'intérêt de l'enfant, parce qu'il s'agit
d'une adoption par consentement, que le parent qui aurait peut-être agi
rapidement puisse rétracter son consentement et obtenir de nouveau la
garde de l'enfant. Évidemment, on se retrouve un peu coincé entre
un double intérêt possible.
M. Forget: L'article 609 est impératif: "Le placement d'un
mineur ne peut avoir lieu que sur ordonnance du tribunal", donc on interdit
à la famille adoptive de prendre la garde de l'enfant et on dit "... de
toute manière l'ordonnance ne peut pas avoir effet avant 30 jours",
donc, pendant 30 jours, l'enfant doit être placé ailleurs, et
même dans le cas où l'enfant est déjà dans une
famille d'accueil.
M. Bédard: Si on pense en fonction de
l'intérêt de l'enfant, il n'y a rien qui empêche que
l'enfant, s'il était dans une famille d'accueil, le demeure.
M. Forget: Les premiers mots de 609 disent: "Le placement d'un
mineur ne peut avoir lieu...", ce n'est pas un acte juridique, c'est un fait,
l'enfant ne peut pas être placé à moins qu'il n'y ait une
ordonnance du tribunal, seulement sur ordonnance du tribunal, donc, pendant ces
30 jours, il n'est pas placé, il est tout simplement confié
à une famille d'accueil, dans un orphelinat - il faudra en rouvrir pour
les accueillir -l'article 609 est impératif.
M. Bédard: Si l'adoption intervient entre parents, il est
sans doute entre les mains du parent qui va demander le placement, parce que
les parents qui vont consentir à l'adoption de leur enfant, comme vous
l'avez peut-être mentionné tantôt, vous souhaitiez une
précision de la personne à qui ils vont le confier en vue de
l'adoption; donc, c'est sans doute cette personne qui a recueilli l'enfant et
qui maintenant désire l'adopter qui va présenter la
requête, mais, entre temps, il est sous la garde, la surveillance, etc.,
de cette personne.
M. Forget: Mais il n'est pas techniquement placé.
M. Bédard: Mais il n'est pas techniquement placé,
comme vous le dites.
Par ailleurs, dans le cas d'un enfant qui est confié à une
société d'adoption ou qui est confié au directeur de la
protection de la jeunesse, cela crée un problème; jusqu'à
ce qu'une famille adopte l'enfant, on doit lui trouver une famille d'accueil ou
une institution qui accueille l'enfant pendant un certain délai.
Je me demande si ce problème du caractère impératif
de 609 ne sera pas réglé dans la mesure où on ouvrirait la
possibilité qu'on a mentionnée tout à l'heure, celle que
le placement antérieur à l'ordonnance puisse être
compté dans les six mois; autrement, on serait obligé de
régler ce cas.
M. Forget: Dans les catégories où ce serait
possible; je pense qu'il faudrait peut-être aller au-delà de
ça pour permettre, si on n'appelle pas ça un placement, que la
famille adoptive serve de famille d'accueil, en quelque sorte, pendant les
premiers 30 jours...
M. Bédard: Cela allait quand même, dans le cas
où ça se fait entre parents,
cette adoption, jusqu'à la délégation de
l'autorité parentale, donc ça comprenait la garde, etc. Dans le
cas où l'enfant est confié pour adoption à une
société, même si on veut compter les cas de garde
antérieure, ce n'est pas dans tous les cas non plus qu'il y en aura.
M. Forget: II n'y en a pas toujours.
M. Bédard: II n'y en a pas toujours, donc il y a un
intervalle.
Mais je me demande si, de toute façon, dans la pratique actuelle
des choses, il n'y a pas aussi toujours un intervalle; en d'autres termes, dans
l'état actuel des choses, quand des parents consentent à
l'adoption de leur enfant et qu'ils le confient à une
société d'adoption, qu'est-ce qui arrive avant qu'on trouve une
famille, où reste-t-il?
M. Forget: C'est que les familles sont toutes
trouvées.
M. Bédard: À l'avance. Si elles sont
trouvées à l'avance, est-ce qu'on ne pourrait pas, à
l'heure actuelle aussi... J'imagine qu'il y aura une liste d'attente dans les
centres, il y a beaucoup de personnes qui demandent...
M. Forget: Le problème n'est pas un problème
physique - c'est le problème que je soulevais - c'est une
incapacité juridique de confier l'enfant a la famille adoptive - dans le
cas d'adoption entre étrangers - parce que le placement ne peut pas
avoir lieu à moins qu'il y ait une ordonnance, l'ordonnance ne peut pas
être délivrée avant 30 jours et cela crée un
problème alors que le problème n'existe pas en fait.
M. Bédard: Le délai de 30 jours c'est pour tenir
compte de la possibilité qu'un parent rétracte son consentement
et peut-être qu'il est prudent de faire... En tout cas, le souci c'est
que, lorsque l'enfant, à un moment donné, est confié, ce
soit définitif; autrement dit, il y a l'autre danger qui peut arriver.
C'est que, si on ne met pas ce délai, cela va vouloir dire que le
placement va se faire tout de suite chez la famille d'adoption. Là il va
y avoir un délai d'incertitude de 30 jours. S'il se présentait
une rétractation du consentement, à ce moment, jusqu'à
quel point on aurait aidé l'enfant qu'on aurait confié durant 30
jours à une famille et qu'on retirerait à un moment donné
de ce milieu? Je suis convaincu que cela pourrait occasionner un traumatisme
qui n'a pas sa raison d'être parce qu'on aurait l'impression de prendre
le risque de jouer avec un enfant, de le placer durant un mois de temps dans
une famille et, sans qu'il y comprenne grand-chose, être obligé de
lui dire: C'est bien de valeur, cela ne va pas parce que le consentement qui a
été donné a été rétracté.
M. Forget: C'est exceptionnel les cas de rétractation. Il
ne faut pas avoir une solution qui est faite en fonction strictement de ce cas
exceptionnel. D'autant plus que l'autorité parentale est
déléguée immédiatement au moment du consentement
à l'adoption. Quand le consentement à l'adoption est "at large"
en quelque sorte à une société d'adoption ou à un
centre de services sociaux, il n'y a pas trop de problèmes. Mais si le
consentement à l'adoption, suivant ce qu'on a dit, peut être fait
expressément entre consanguins ou en vertu de l'adoption ouverte
à une famille qui a été choisie par le parent, à ce
moment, cela deviendrait embêtant parce que ceux qui auraient
l'autorité parentale n'auraient pas la garde.
M. Bédard: Je pense qu'à l'article 609, en tout
cas, c'est peut-être une précision à apporter. Il
s'agissait de dire le placement qui compte, si je puis dire, pour les fins
d'adoption, c'est peut-être...
M. Forget: Ce n'est pas la présence physique de l'enfant
dans la famille.
M. Bédard: Non, ce n'est pas cette remise effective en
attendant que les adoptants fassent une demande au tribunal. Il y a
peut-être moyen de revoir notre formulation parce que de toute
façon pour ce qui est de l'autre problème, à savoir s'il y
a une famille qui accueille l'enfant pendant cet intervalle, il y en a toujours
une. Dans l'état actuel du droit de toute façon c'est comme cela
que les choses se passent avec encore un peu plus de dommages à mon avis
parce que tant que l'adoption n'est pas prononcée, et cela doit durer
pendant six mois, les parents pouvant rétracter leur consentement durant
les six mois, on se trouve dans une incertitude, une insécurité
peut-être assez grande.
M. Forget: C'est exceptionnel. Je pense que l'idéal qu'il
faut viser c'est que, par exemple, l'enfant qui est né d'une mère
célibataire, qui est à l'hôpital, à la
pouponnière, je pense que ce qu'il faut viser c'est que lorsqu'il quitte
la pouponnière il y ait un foyer adoptif qui l'accueille et qu'il ne
soit pas envoyé dans une famille d'accueil pendant deux mois ou 30 jours
ou 45 jours en attendant qu'il y ait une formalité juridique ou qu'un
délai juridique ait couru. Je pense qu'on n'a pas besoin de
régler toutes ces situations en mettant en quelque sorte la situation
sur la glace pour le 0,5% de ces cas où il y aura rétractation.
Je crois que la situation actuelle permet le placement de la pouponnière
à la famille adoptive. II faudrait s'assurer qu'on ne l'interdit
pas.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que cela
nécessite de rouvrir l'article 610?
M. Bédard: Je pense que l'économie de nos
discussions a toujours fait qu'on peut revenir sur un article et je pense que
si on s'entend... (23 h 15)
Le Président (M. Laberge): Oui, ça va...
M. Forget: On peut peut-être y réfléchir.
M. Bédard: La discussion est terminée; on essaie de
voir au niveau de la solution.
Le Président (M. Laberge): Alors nous passons à
l'article 612. J'appelle l'article 612.
M. Bédard: L'article 611...
Le Président (M. Laberge): II avait été
suspendu.
M. Forget: L'article 612 est adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 612 est
adopté. J'appelle l'article 613.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 613 est
adopté. J'appelle l'article 614.
M. Bédard: II y a un amendement.
Le Président (M. Laberge): À l'article 614, je vous
en donne lecture. Dans la deuxième ligne de l'article, après le
mot "demande" et avant l'expression "tout intéressé", on nous
demande d'ajouter l'expression suivante... Ce qui veut dire: "à la
demande de l'enfant lui-même, s'il est âgé de quatorze ans,
ou de tout intéressé..."
M. Bédard: Je pense que ça répond...
M. Forget: C'est-à-dire que la concordance pourrait
être faite pour présenter la requête.
Le Président (M. Laberge): L'amendement est adopté.
L'article 614 amendé est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement.
J'appelle l'article 615.
M. Bédard: L'article 614.1.
Le Président (M. Laberge): Ah oui! Excusez-moi. Parfait,
merci. L'article 614.1 est introduit entre les deux articles. J'en donne
lecture. L'article 614.1 se lit comme suit "Dans les cas prévus par les
articles 613 et 614, le tribunal désigne, même d'office, la
personne qui exercera l'autorité parentale à l'égard de
l'enfant."
M. Bédard: L'ordonnance avait conféré
l'autorité parentale. Si le placement cesse pour une quelconque raison
il faut de nouveau désigner qui va exercer l'autorité parentale.
Autrement il y a un intervalle.
Le Président (M. Laberge): L'article 614.1 est
adopté. J'appelle l'article 615.
M. Forget: À l'article 615...
M. Bédard: ... toute autre preuve qu'il estime
nécessaire.
M. Forget: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu ici d'établir
une présomption cependant?
M. Bédard: Une présomption d'adaptation?
M. Forget: Oui. Que le tribunal prononce l'adoption au bout du
délai à moins qu'on n'établisse qu'il n'est pas dans
l'intérêt de l'enfant que l'adoption soit confirmée.
Le directeur de la protection de la jeunesse a la responsabilité
de faire cette preuve s'il connaît des faits et il a la
responsabilité de surveiller, de veiller à ce que les enfants
soient protégés. Mais ça indiquerait l'esprit dans lequel
ça se fait. Normalement ça va être donné, à
moins qu'on ne fasse la preuve qu'il n'est pas dans l'intérêt de
l'enfant de le faire. Dans le fond, qu'est-ce qui ne sera pas dans
l'intérêt de l'enfant? Par analogie on pourra citer l'article de
la Loi sur la protection de la jeunesse qui dit dans quelles
circonstances...
M. Bédard: Cela est déjà
déterminé.
M. Forget: ...le développement ou la
sécurité d'un enfant est en danger. À ce moment-là
on dit: qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant
d'accorder...
M. Bédard: Avant d'établir une présomption,
je préférerais peut-être y réfléchir.
M. Forget: C'est ce qu'on veut dire dans le fond par cet article.
On a déjà dit que les parents, après une étude, des
entrevues, etc., sont des personnes qui semblent avoir toutes les
qualités nécessaires pour être de bons parents, on les a
choisis, on les a triés sur le volet...
M. Bédard: En fait, vous voudriez que ce soit: "Le
tribunal prononce l'adoption, à moins qu'il n'y ait réception
d'un rapport, etc."
M. Forget: C'est ça. À moins qu'on ne
démontre ou que le directeur de la protection de la jeunesse ne
démontre que... ou d'autres sources.
M. Bédard: Oui, six mois et...
M. Forget: Parce que, s'ils l'ont bien traité, on n'a pas
besoin de faire des démonstrations, dans le sens qu'on n'a pas besoin de
présenter des preuves superfétatoires devant un tribunal. On n'a
pas besoin de prouver qu'ils ont bien traité l'enfant. Je comprends que
la preuve puisse se limiter à une seule phrase: M. le juge, je suis
satisfait que l'enfant a été bien traité. C'est une
preuve, si on veut, mais...
M. Bédard: Dans l'esprit de ce contrôle qui a
été fait au moment du placement, on peut présumer que
ça s'est continué pendant six mois - c'est un peu ça, si
je comprends votre point de vue - à moins qu'on n'ait des indications
contraires qui viennent d'un rapport que le directeur de la protection
ferait.
M. Forget: De toute façon, le tribunal ne prendra jamais
l'initiative d'aller voir. Il faut que la preuve lui soit faite. Donc, la
preuve va lui être faite par le directeur de la protection de la jeunesse
ou par quelqu'un qui s'intéresse à l'enfant et qui va dire au
tribunal avec un affidavit: Ecoutez, c'est effrayant, ce qui se passe
là. Vous ne pouvez pas donner l'adoption.
M. Bédard: Cela me semble logique.
Le Président (M. Laberge): On le laisse ouvert pour leur
permettre de le rédiger en conséquence. L'article 615 est
suspendu.
M. Bédard: Je me demande jusqu'à quel point on
établit des présomptions là. Il y a une logique qui me
semble normale.
M. Forget: Ce n'est pas vraiment une présomption. C'est
une façon de formuler l'exigence de preuve, si vous voulez.
M. Bédard: C'est une formulation de l'article.
Étant donné toutes les précautions dont on entoure le
début du processus, à un moment donné, il va falloir que
ça devienne moins compliqué.
M. Forget: Cela indique l'esprit dans lequel l'ordonnance de
placement est introduite.
M. Bédard: Peut-être que ça incitera à
y mettre même plus d'attention au début du processus; une fois la
décision rendue au début du processus, cela va sûrement
engager à surveiller...
M. Forget: Le moment de la décision importante est
déplacé dans le temps. Au lieu de la faire à la fin, elle
est faite au début et elle est contrôlée à la
fin.
M. Bédard: On va le suspendre pour rédaction.
Le Président (M. Laberge): L'article 615 est suspendu.
J'appelle l'article 616.
M. Bédard: Je tiens pour acquis que, si on arrive avec une
rédaction dans le sens demandé, on n'a pas à reprendre la
discussion.
M. Forget: On ne recommencera pas deux fois toute l'affaire de
cinq jours, de 10 heures à 24 heures, je vous le promets.
M. Bédard: Oui, j'en ai l'impression. Le seul danger qui
arrive là-dedans, c'est qu'à un moment donné il y a
membres précis de la commission parlementaire qui font la discussion et
qui fournissent l'effort nécessaire, mais arrivent des forces
nouvelles.
Une voix: Non.
M. Bédard: Non, non, autant d'un côté que de
l'autre, remarquez.
M. Forget: Si on avait voulu jouer ce jeu-là, avec 265
articles, on ne serait pas arrivé au dixième, M. le ministre.
M. Bédard: J'en conviens très facilement.
M. Forget: C'est ça.
M. Bédard: Ce n'est pas ce que je voulais laisser
entendre.
Le Président (M. Laberge): Article 616?
M. Forget: Le nouvel... Ah, non, ce n'est pas le nouvel article.
C'est 616.1.
Le Président (M. Laberge): Oui. À l'article 616, il
n'y a pas de changement.
M. Bédard: Non, il n'y a pas de changement.
M. Forget: Adopté pour 616.
Le Président (M. Laberge): L'article 616
est adopté. J'appelle donc l'article 616.1...
M. Bédard: C'est la technique administrative.
Le Président (M. Laberge): ...qui se lit comme suit: "Le
tribunal attribue à l'adopté les prénom et nom
patronymique choisis par l'adoptant, à moins qu'il ne décide,
à la demande de l'adoptant ou de l'adopté, de lui laisser ses
prénom ou nom d'origine."
M. Bédard: M. le Président, ce n'est pas un article
nouveau. Il existait déjà. C'est simplement qu'il était
dans la mauvaise section. On l'a ramené. Il est rapporté
là où on traite des actes de l'état civil.
M. Forget: Oui, il me semblait que je l'avais vu aussi, mais
j'étais trop paresseux pour aller chercher où.
M. Bédard: II avait glissé dans une autre
section.
M. Forget: Bon! Cela me fait penser...
Le Président (M. Laberge): Dans l'article, on dit,
à la première ligne, "les prénoms et noms" et, à la
dernière ligne, on dit "ses prénoms ou noms". Est-ce que c'est
volontaire? C'est l'un ou l'autre ou l'un et l'autre.
M. Bédard: De lui laisser ses prénoms ou noms
d'origine.
Le Président (M. Laberge): L'article 616.1,
adopté?
M. Forget: Pas trop vite, M. le Président. Ma
collègue de L'Acadie a soulevé un cas de changement de nom
multiple, d'adoptions successives. Je comprends qu'on se couvre, dans une
certaine mesure, en disant "au choix de l'adoptant". L'enfant qui est
impliqué dans un troisième divorce ou un deuxième divorce,
donc une troisième famille, va être rendu à un âge
où il peut exprimer un consentement. Est-ce qu'il veut vraiment changer
de nom encore une fois? Et sur le choix du nom, on ne mentionne pas le
consentement de l'adoptant ou de l'adopté.
Une voix: II a le droit de demander de conserver son nom
d'origine.
M. Forget: Oui.
M. Bédard: II pourrait, surtout s'il a 14 ou 15 ans et
qu'il désire garder ce nom...
M. Forget: II est déjà connu à
l'école, par ses amis, sous tel nom, il désire garder son
nom.
M. Bédard: Ici, on n'a pas mis d'âge, de
façon que cela puisse être apprécié.
M. Forget: D'accord, l'adopter et consulter. Cela va.
Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 616.1 est
adopté. J'appelle l'article 617.
M. Bédard: L'article 617 est technique.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que cela va à
l'article 617?
M. Forget: Cela va.
Le Président (M. Laberge): L'article 617 est
adopté. Article 618. On remplace l'article 618 par le suivant: "618.
L'adoption prononcée en faveur d'adoptants dont l'un est
décédé après la présentation de la demande
d'adoption produit ses effets à compter de la demande."
M. Forget: Ce n'est pas la demande de placement. C'est la demande
de la requête pour le jugement en adoption.
M. Bédard: II peut arriver que les requérants ont
présenté leur requête et qu'il y a un décès.
Les délais sont très courts. La requête sera
accordée peut-être trois semaines ou un mois après. Il y a
une certaine rétroactivité qui est faite dans le jugement, c'est
évident. Mais il faut dire que les adoptants avaient posé le
geste ultime qui était la requête d'adoption.
M. Forget: D'accord.
Le Président (M. Laberge): L'article 618, nouvelle
rédaction, adopté. On nous demande de supprimer l'article
619.
M. Bédard: Parce qu'on vient, comme on le sait, de le
replacer ailleurs.
M. Forget: De le replacer ailleurs.
Le Président (M. Laberge): L'article 619 est biffé.
J'appelle l'article 620.
M. Bédard: Ce sont les effets de l'adoption.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 620 est
adopté. J'appelle l'article 621.
M. Bédard: Cela va.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 622.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 622 est
adopté. J'appelle l'article 623.
M. Bédard: Oui.
M. Forget: Je ne suis pas sûr de comprendre cet
article.
M. Bédard: De toute façon, la formulation de cet
article est très ardue. Nous avions du mal à comprendre celle
proposée par l'Office de révision. Nous avons cherché
à y apporter une amélioration. On nous a dit que cela l'avait
amélioré, mais que cela le rendait encore un peu difficile de
lecture. Il arrive assez fréquemment, dans le cas d'un remariage, que le
nouveau conjoint adopte les enfants de l'autre.
Il adopte les siens.
Non, pas les siens. D'accord, les siens. (23 h 30)
À ce moment-là, comme on a donné l'effet, à
l'adoption, que cela rompait les liens de filiation, il ne faut quand
même pas que cette adoption rompe les liens de filiation en ce qui
concerne le conjoint qui a déjà une filiation consanguine avec
ses enfants pour une filiation adoptive. C'est un cas classique actuellement et
qui est d'application fréquente.
M. Forget: C'est ce que je croyais comprendre, mais, comme il y
avait une différence entre la recommandation 328 de l'office de
révision et celle-ci, je me suis demandé s'il y avait un
désir de...
M. Bédard: Uniquement dans la formulation.
M. Forget: Je dois vous confesser, sans vouloir vous faire de
peine, que la formulation de l'office de révision m'apparaît plus
claire, parce que "ce conjoint et son enfant", les derniers mots dans le texte
de loi, on ne sait plus trop bien à qui cela se réfère,
alors que, dans la résolution de l'Office de révision du Code
civil, la relation entre l'adopté et le parent dont l'adoptant est le
conjoint, cela le désigne assez clairement.
M. Bédard: On n'est pas là pour faire une...
M. Forget: Enfin, je ne veux pas m'ériger en "virguliste".
Ce n'est qu'une impression.
M. Bédard: J'avoue que j'ai de la difficulté
à m'ériger en juge. Nos experts...
Le Président (M. Laberge): L'article 623 est-il
adopté?
M. Bédard: Le contenu est là.
M. Forget: II est adopté, M. le Président. Si
jamais on a des remords...
M. Bédard: Voulez-vous le regarder une dernière
fois?
M. Forget: C'est cela, je vais regarder une dernière
fois.
M. Bédard: Une révision objective de la
formulation. Un dernier regard.
Le Président (M. Laberge): Ici, on nous suggère un
amendement au titre de la section IV. Remplacer dans l'intitulé de la
section IV du chapitre 2, du troisième titre, les mots "De la
confidentialité" par les suivants: "Du caractère
confidentiel".
M. Forget: Oui, en effet. C'est plus français.
"Confidentialité", ce n'est pas français.
Le Président (M. Laberge): Alors, ici "Du caractère
confidentiel".
M. Bédard: C'est intéressant, quand même,
cette amélioration de la langue française.
Le Président (M. Laberge): À la section IV, le
titre se lira: Du caractère confidentiel des dossiers d'adoption. La
correction est apportée et c'est adopté comme correction.
J'appelle l'article 624, où il y a un amendement de proposé.
Remplacer à la deuxième ligne du deuxième alinéa le
mot "pour" par les mots "à des fins". Alors, "pour fins d'étude",
c'est plutôt "à des fins". Ce n'est pas juste le mot "pour".
M. Bédard: Cela doit être Jacques-Yvan Morin!
Le Président (M. Laberge): Cette correction étant
apportée, elle est adoptée. Je vous livre l'article 624.
M. Bédard: La "confidentialité" des dossiers
d'adoption est de la plus haute importance, car il s'agit d'empêcher
notamment que la famille adoptive ne soit troublée par des
réclamations intempestives de la part de la famille d'origine qui
risqueraient de compromettre gravement l'équilibre de l'enfant. C'est la
raison pour laquelle l'autorisation préalable du tribunal est requise
pour la consultation des dossiers à des fins d'étude,
d'enseignement, de
recherche ou d'enquête publique.
Le Président (M. Laberge): Article 624, adopté.
L'article 625.
M. Forget: C'est du droit nouveau. C'est fort intéressant
et je l'approuve, bien sûr. Je l'avais recommandé et je suis tout
à fait d'accord avec cela.
Le Président (M. Laberge): Article 625, adopté.
M. Bédard: C'est agréable d'être logique.
M. Gosselin: J'aurais une question pour la compréhension.
"Si ces derniers y ont préalablement consenti". À quel moment
veut-on qu'on y ait préalablement consenti? Est-ce qu'il n'y a pas une
ambiguïté dans la formulation? "L'adopté majeur a le droit
d'obtenir les renseignements lui permettant de retrouver ses parents, si ces
derniers y ont préalablement consenti."
M. Bédard: Si ses parents ont obtenu les renseignements
qui vont permettre d'établir le lien avec les parents d'origine ou avec
l'adopté. En d'autres termes, ce qui est recherché par la
règle, c'est que les personnes qui veulent établir un lien avec
l'enfant qu'elles ont confié pour adoption, ou les adoptés avec
leurs parents d'origine, doivent déposer un consentement à cette
fin. Sur la base de ces consentements déjà déposés,
les liens pourront être faits pour permettre le contact ou établir
le lien entre les deux.
M. Gosselin: Pour que la personne qui veut retrouver sa
mère puisse effectivement avoir accès à des
renseignements, il faudrait que sa mère ait posé le même
geste.
M. Bédard: Ait posé le même geste.
M. Gosselin: Pour tous les cas d'enfants et de parents qui se
cherchent - il y a un problème assez dramatique qui se
révèle à un certain âge et qui est de plus en plus
fréquent d'enfants qui cherchent leurs parents - n'y aurait-il pas lieu
d'avoir un processus d'information pour que les gens soient informés
qu'ils peuvent faire un dépôt? Je suppose qu'il pourrait y avoir
une offensive dans ce sens. Ils pourraient faire un dépôt aux CSS
à un moment, leur permettant de s'indentifer comme étant en
quête de leur enfant.
M. Bédard: Je pense qu'il le faudra, et le jour où
cette information sera faite, les gens qui le veulent iront déposer leur
consentement et ensuite les contacts pourront s'établir.
M. Gosselin: Je trouve cela très intéressant,
très important.
Le Président (M. Laberge): L'article 625 étant
adopté, du consentement unanime des membres, la commission parlementaire
de la justice, qui étudie le projet de loi no 89, ajourne ses travaux
à lundi, 16 heures, au salon rouge.
Cette commission ajourne ses travaux.
(Fin de la séance à 23 h 37)