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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le lundi 15 décembre 1980 - Vol. 23 N° 17

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 89 - Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille


Journal des débats

 

(Seize heures quinze minutes)

Le Président (M. Lacoste): A l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission permanente de la justice est réunie pour étudier le projet de loi no 89.

Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont: M. Bédard (Chicoutimi), M. Marx (D'Arcy McGee) qui remplace M. Blank (Saint-Louis); M. Desbiens (Dubuc) remplace M. Boucher (Rivière-du-Loup); M. Charbonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent); M. Marcoux (Rimouski) remplace M. Guay (Taschereau); M. Gosselin (Sherbrooke) remplace Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine); M. Marquis (Matapédia).

Les intervenants sont: M. Cordeau (Saint-Hyacinthe); M. Boucher (Rivière-du-Loup) remplace M. Desbiens (Dubuc); M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata); Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) remplace M. Pagé (Portneuf); M. Guay (Taschereau) remplace M. Marcoux (Rimouski).

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ...je vous ai donné une indication qui est peut-être erronée. Il y a une certaine incertitude dans mon esprit. J'ai présumé que M. Blank serait remplacé par M. Marx, mais je crois que M. Blank va être avec nous. Avec votre permission, on pourrait peut-être faire les substitutions, le cas échéant, parce qu'il y a un certain flottement.

Le Président (M. Lacoste): D'accord, je pense qu'on aura le consentement de la commission pour...

M. Bédard: Pas de problème.

Le Président (M. Lacoste): D'accord. M. le ministre.

De l'obligation alimentaire

M. Bédard: Nous en étions rendus, M. le Président, au titre quatrième qui traite de l'obligation alimentaire. Quelques considérations générales: Au titre de l'obligation alimentaire, le projet de loi vient modifier plusieurs règles du droit actuel. Ainsi, en prenant en considération le fait que le cercle familial est aujourd'hui plus restreint, le projet de loi réduit l'obligation alimentaire aux époux et aux seuls parents en ligne directe. En outre, le projet introduit une nouvelle règle permettant à une personne placée dans des circonstances qui faisaient qu'elle ne pouvait agir en demande de requérir des aliments pour des besoins qui existaient avant la demande.

Le projet de loi vient aussi, dans le but de favoriser l'égalité des personnes et leur prise en charge, préciser la règle actuelle d'attribution des aliments en y indiquant que les aliments sont accordés en tenant compte non seulement des besoins et des facultés des parties, mais aussi du temps nécessaire au créancier pour acquérir une autonomie suffisante.

Le projet de loi vient, sur plusieurs points, préciser le droit actuel ou y ajouter. Ainsi, il précise les personnes qui peuvent exercer les recours alimentaires de l'enfant mineur et le fait que les aliments peuvent être payés au moyen d'une somme forfaitaire. Il ajoute aux pouvoirs du tribunal en lui permettant d'ordonner au débiteur d'aliments de fournir une sûreté additionnelle à l'hypothèque judiciaire. Cette mesure trouvera son application surtout dans les cas où l'immeuble sur lequel s'exerce l'hypothèque judiciaire est de peu de valeur, alors que, par ailleurs, la fortune mobilière du débiteur représente une certaine valeur.

Enfin, je dépose quelques amendements qui ont pour but de préciser le texte ou de le compléter, conformément aux règles adoptées en juin dernier relativement à l'indexation des pensions alimentaires. Ce sont les quelques remarques que j'avais à faire, M. le Président.

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: À ce moment-ci, M. le Président, je n'ai pas de remarques de caractère général.

Le Président (M. Lacoste): D'accord. J'appelle donc l'article 626.

M. Bédard: Comme je l'ai fait remarquer tout à l'heure, cet article restreint le cercle des bénéficiaires de l'obligation alimentaire. Une telle réforme, selon l'Office de révision du Code civil, reflète l'évolution de la société et plus particulièrement celle de la famille qui est passée de la famille au sens large à la famillle dite nucléaire. Je réfère à l'office. Ainsi, l'obligation alimentaire n'atteint plus les alliés.

Les articles 439, 556 et 557 prennent soin, de manière différente de celle proposée par l'Office de révision du Code civil, des aliments entre époux divorcés ou personnes dont le mariage a été annulé. L'obligation alimentaire entre concubins, proposée par l'Office de révision du Code civil dans l'article 338 de son rapport, n'a pas été retenue; nous avons eu l'occasion de dire en deuxième lecture pourquoi.

M. Forget: M. le Président, je m'interroge quant au sens du mot "parents" dans cet article; je crois que le mot "parents", dans cet article n'a pas nécessairement la même signification que le mot "parents" utilisé ailleurs, dans d'autres articles du Code civil. Il semblerait que ce qu'il veut dire, dans d'autres articles du Code civil, ce sont le père et la mère vis-à-vis des enfants. Or, le mot "parents" est utilisé ici avec une idée de réciprocité, dans le sens où les enfants sont apparentés aux parents et donc leur doivent des obligations alimentaires. Je me demande si cette utilisation dans le Code civil du mot "parents" dans deux sens complètement différents ne pourrait pas être une source de difficultés. On pourrait voir là une raison de repousser justement la réciprocité d'obligations alimentaires.

Le Président (M. Lacoste): M. le ministre.

M. Bédard: C'est exact que cela vise non seulement une obligation alimentaire entre enfant et père et mère, mais également entre autres ascendants incluant, notamment, les grands- parents, ce qui est très rare, semble-t-il, en jurisprudence, des grands-parents poursuivis pour aliments.

Une voix: Cela peut arriver.

M. Bédard: Je ne sais pas si cela pose certaines difficultés d'interprétation en droit civil parce que ce qui qualifie principalement ici le mot "parents", c'est la ligne directe, donc le fait qu'on soit dans une ligne descendante ou ascendante étant peut-être, en le disant, le concept de parents aux grands-parents, sans que cela pose de problème d'interprétation; je vous donne très simplement ce que j'en pourrais dire.

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je pense que la réponse attire l'attention sur une autre dimension à laquelle je n'avais pas vraiment fait allusion moi-même, c'est-à-dire le fait qu'on vise autre chose que simplement la relation entre le père, la mère et les enfants, mais aussi les grands-parents et les petits-enfants. Je pensais particulièrement à la relation de réciprocité, c'est-à-dire que l'obligation alimentaire est due en ligne ascendante comme en ligne descendante, alors que normalement, quand on parle de parenté, on a à l'idée la notion d'une relation en ligne descendante. C'est à ce sujet qu'il me semble que le mot "parents" ailleurs... Quand on parle d'autorité parentale, par exemple, on ne parle que de l'autorité des parents sur les enfants, on ne parle pas de l'autorité des enfants sur les parents, quoique ce soit peut-être une réalité sociologique, mais on n'en parle pas au sens du Code civil au moins, alors qu'ici, on parle de "parents" et on vise une relation dans les deux sens. Je pense que cela devrait être clair. L'utilisation du mot "parents", encore une fois, pourrait peut-être jeter un certain doute là-dessus. Je ne sais pas si ça vaut la peine qu'on s'en assure.

Je remarque que, de toute manière, l'Office de révision du Code civil, à sa recommandation 336, utilisait également la même expression, "entre parents en ligne directe".

M. Bédard: Ce sont les mots "ligne directe" qui, d'une certaine façon, qualifient le lien de parenté.

M. Forget: Et on dit "se doivent"; donc, on insiste sur la relation de réciprocité.

M. Bédard: Ascendant, descendant. Je n'ai pas d'autres remarques, M. le Président.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 626 est adopté?

M. Bédard: Adopté. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Adopté. Article 627.

M. Bédard: Article 627. Le premier alinéa de cet article, comme on peut le constater, est de droit nouveau. En effet, il va dans le sens d'une jurisprudence récente qui a permis à la mère, du moins à la mère légitime, d'exercer une action en vue

d'obtenir une pension alimentaire pour son enfant sans qu'elle ait été préalablement nommée tutrice de celui-ci. À cet égard, il est bon de souligner que le rapport de l'Office de révision du Code civil propose que les père et mère deviennent de plein droit les représentants d'office et tuteurs légaux de leurs enfants.

Le deuxième alinéa reprend, dans le cas des aliments accordés aux enfants, le principe de l'article 212 du Code civil voulant que ces aliments puissent être déclarés payables à un tiers; il n'a pas paru opportun de retenir la proposition de l'Office de révision du Code civil inspirée de la loi du divorce à l'effet de rendre payable à un tiers fiduciaire la pension du conjoint alors même que celui-ci n'a pas été déclaré incapable.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 627 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Adopté. L'article 628.

M. Bédard: Je n'ai pas de remarques. Cet article énonce le principe de base qui s'applique aux époux même séparés de corps et aux parents en ligne directe. Il prend en considération les besoins et les facultés de chacune des parties. En cela il se distingue de l'article 168 du Code civil qui ne prenait en considération que les besoins du créancier et les facultés du débiteur. Il donne ainsi du poids à l'obligation à l'autosuffisance du créancier d'aliments dégagé par la jurisprudence lorsque le créancier peut travailler pour subvenir en totalité ou en partie à ses besoins. La fin du premier alinéa annonce que la pension alimentaire n'est pas toujours due à vie même si le droit ne peut pas être éteint. Les besoins et facultés des époux divorcés ou des personnes dont le mariage a été annulé sont réglés, d'autre part, par - cela ne règle pas tout -les articles 439, 562 et 563.

Le Président (M. Lacoste): L'article 628 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Adopté. L'article 629.

M. Bédard: Je n'ai pas de remarques. Je pense que tout le monde connaît la mesure provisoire. On va y arriver.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 629 est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Article 629, adopté. L'article 630.

M. Bédard: L'article 630 précise que les aliments sont en règle générale payables sous forme de pension. Il complète l'article 212 du Code civil en reconnaissant au tribunal le pouvoir de remplacer ou de compléter cette pension par une somme forfaitaire. Cette avenue peut être fort utile pour permettre aux créanciers d'aliments d'atteindre l'autosuffisance dans les cas qui s'y prêtent. Contrairement à l'article 558, cet article ne limite pas la période de temps pour verser la somme forfaitaire. La situation est en effet différente parce que l'obligation alimentaire ne peut jamais être éteinte dans le cas des bénéficiaires de l'article 626 alors qu'elle peut l'être dans le cas des époux divorcés dans l'article 561.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Article 630, adopté. Article 631, vous avez un amendement, M. le ministre.

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Lacoste): L'amendement qui est de remplacer les mots "selon un indice établi par décret" par ce qui suit: "suivant l'indice annuel des rentes établies conformément à l'article 119 de la Loi sur le régime de rentes du Québec (Chapitre R-9}".

M. Bédard: M. le Président, comme remarque, dans une période inflationniste comme celle que nous traversons, la seule dévaluation de la monnaie amène le créancier alimentaire à saisir le tribunal d'une révision de la pension pour rétablir l'équilibre alors même que les besoins alimentaires du créancier sont restés strictement les mêmes. Il en résulte des coûts, des retards et des encombrements. Cet article vise à contrer ces effets négatifs tout en conservant aux parties le droit de demander une révision chaque fois que les circonstances le justifient. L'amendement vise à assurer la conformité de l'article avec le droit actuel qui avait déjà été adopté.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Lacoste): Mme la députée de l'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je me demande si on pourrait m'expliquer juridiquement ce que veut dire "ordonne, même d'office". Est-ce que cela crée une obligation ou cela n'en crée pas?

M. Bédard: Cela crée une obligation.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais si cela n'en crée pas parce que ordinairement dans les textes de loi on voit "peut" ou... Mais là c'est "ordonne, même d'office". Au plan juridique qu'est-ce que cela veut dire exactement? Est-ce que ça crée véritablement une obligation? Cela ne reste pas facultatif? (16 h 30)

M. Bédard: Non, en fait, l'intention c'est que le tribunal se prononce nécessairement sur la question de l'indexation, soit pour l'accorder ou fixer un indice ou ne pas en fixer.

Mme Lavoie-Roux: Mais ce n'est pas une obligation, alors.

M. Bédard: On veut que ce soit une obligation. On veut que cela en soit une, c'est justement pour répondre à l'interprétation qui a été faite par un jugement. Je pense que vous connaissez ce jugement, sans le nommer.

Mme Lavoie-Roux: Pourquoi?

M. Bédard: Pour faire en sorte qu'une telle interprétation ne soit pas possible.

Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas sûre qu'avec ça... Vous êtes bien certain que cela crée l'obligation, qu'il doit... Quand vous dites: Ordonne, même d'office, ça veut dire "doit"?

M. Bédard: C'est une formule impérative, certainement.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... comme un jugement a été rendu tout récemment, est-ce qu'on pourrait nous expliquer si cela a été rendu sur la loi telle que modifiée cette année et si le jugement a été rendu sur un libellé de l'article qui est identique à celui qu'on nous propose ici?

Mme Lavoie-Roux: Dans le cas des pensions alimentaires, on dit: "Ordonne même d'office", je pense.

M. Bédard: Le texte de l'article 631 est exactement celui de l'article 169.1 du Code civil actuel qui a été adopté en juin dernier, et les jugements ont évidemment eu lieu sur ce texte-là. Cependant, ils n'ont pas porté sur l'obligation, "ordonne"; c'était une question de savoir s'il était... Le premier jugement du juge Chevalier dans le district de Hull, c'était de savoir s'il était dans le bon chapitre du Code civil, mais il ne s'est pas prononcé, il n'y avait pas obligation pour lui de se prononcer sur la question de l'indexation. Ce qu'il soulevait c'est que c'était au chapitre des droits et obligations entre les époux et que ça ne s'appliquait pas aux époux divorcés ou aux époux entre eux.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais avoir une réponse claire à savoir que lorsqu'on écrit "ordonne, même d'office" ceci crée une obligation pour le juge de décréter une indexation, à moins que la situation des parties ne justifie le contraire ou enfin ne justifie des exceptions.

M. Bédard: Dans tous les textes où l'on attribue des compétences aux tribunaux, on laisse une discrétion. On dit toujours "peut". Il "peut" faire çi, il "peut" faire ça, alors qu'ici, c'est un indicatif impératif...

Mme Lavoie-Roux: Mais parfois on dit "doit" aussi.

M. Bédard: C'est ça, c'est "ordonne", pas "peut ordonner". Si on mettait "peut ordonner", une latitude pourrait être exercée par le juge, mais là c'est: "Le tribunal ordonne..."

Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas sûre que vos experts sont...

M. Bédard: En ce qui me concerne - je ne peux quand même pas parler pour les autres - ça ne fait pas de doute qu'il y a là un impératif, sous réserve de l"'a moins que", évidemment, de la fin de l'article. Il faut s'entendre, d'accord?

Mme Lavoie-Roux: Toujours, d'accord.

M. Bédard: D'autre part, il n'a pas été porté à notre connaissance non plus que cela ait été soulevé devant les tribunaux et rejeté comme interprétation.

Ce qui avait été soulevé par le juge Chevalier c'était que cette obligation était dans le mauvais chapitre, ne s'appliquait pas entre époux parce que c'était contenu dans le chapitre traitant des alliés. Alors, justement, pour qu'il n'y ait plus d'interprétation ou encore...

Mme Lavoie-Roux: C'est la même formulation que ce que vous retrouvez dans la loi 183

M. Bédard: Ce n'est pas au niveau de la formulation, c'est que le juge Chevalier prétendait qu'étant donné que c'était dans un autre chapitre ça ne s'appliquait pas entre époux. Là, une telle interprétation ne sera plus possible.

M. Forget: Est-ce qu'on est absolument

certain qu'une telle interprétation ne sera plus possible?

M. Bédard: Oui, parce qu'il y a un article qui y fait référence. Les époux, de même que les parents... On l'avait justement. Je pense que l'article 564, quand même, en matière de divorce précise que les dispositions du type de l'obligation alimentaire s'appliquent aux aliments accordés en vertu de la présente section. Donc, cet article de renvoi dissipe tout doute possible sur le fait que cette indexation puisse s'appliquer dans le cas des époux divorcés.

M. Forget: M. le Président, toujours sur la question de l'application de l'article 631 aux époux, puisqu'on est en face d'un jugement qui prétend que l'article actuel, qui est identique quant à son libellé, ne s'applique pas aux époux, est-il concevable que relativement aux pensions alimentaires qui seraient accordées subséquemment à l'adoption et à la mise en vigueur de ce chapitre du nouveau Code civil, il n'y ait pas de difficulté, mais que, pour ce qui est des pensions alimentaires antérieures à l'adoption et à la mise en vigueur du nouveau Code civil, le problème qui a été soulevé dans ce jugement demeure entier?

M. Bédard: Ils font requête à ce moment-là. Ce qui était dans la loi, c'est qu'ils doivent faire une requête s'ils veulent obtenir l'indexation et, dès que la requête se fait, le juge ordonne.

M. Forget: Donc, la réponse, c'est oui. Effectivement, cet article ne sera valable que dans la mesure où le nouveau Code civil que nous étudions aujourd'hui sera approuvé et promulgué. Donc, rien n'interdit que d'autres jugements analogues à celui qui vient d'être rendu continuent de recevoir la même suite. Ne faudrait-il pas, en plus de cette nouvelle disposition dans le Code civil pour l'avenir - parce que, dans le fond, il y aura un certain délai avant son application, sa mise en vigueur - pour ce qui est de la période au moins qui s'est écoulée depuis l'adoption de la loi 183 jusqu'à la mise en vigueur du nouveau Code civil, qu'un remède soit trouvé à ce défaut qu'a trouvé le juge Chevalier?

M. Bédard: Actuellement, le jugement du juge Chevalier a été porté en appel par les parties et on attend la décision.

M. Forget: Ce n'est pas le dernier mot dans cette affaire.

M. Bédard: C'est ça. D'autre part aussi, beaucoup d'autres jugements accordés dans d'autres districts ont appliqué aux époux la règle de l'article 169.1. S'il est vrai que, du côté du district de Hull, cela ne s'est peut-être pas fait dans le jugement du juge Chevalier, cela s'est fait par ailleurs fréquemment dans les autres districts judiciaires et l'affaire est en appel. Cela pourrait être déterminant.

M. Forget: Je peux, cependant, obtenir du ministre l'assurance, même si l'Assemblée nationale ne siégera pas au-delà de cette semaine, que l'on suive de près cette affaire, de manière que le ministère de la Justice soit prêt à intervenir législativement si jamais ce jugement, quelque apparemment marginal ou aberrant qu'il apparaisse compte tenu de la pratique généralement observée, devait être confirmé en Cour d'appel.

M. Bédard: D'accord.

Le Président (M. Lacoste): L'amendement est-il adopté?

M. Forget: II y a un autre point, M. le Président, un point de rédaction. Je remarque que dans cet amendement au Code civil - et je sais bien qu'on reproduit le texte de la loi no 183 - on légifère par référence, par renvoi à un texte différent du Code civil. J'aimerais savoir si on doit s'attendre ou si on peut considérer comme normales et pleinement acceptables dans le corps du Code civil des références à des droits statutaires.

M. Bédard: En fait, le Code civil actuel en comporte déjà et je pense que, jusqu'à un certain point, cela va être inévitable, à moins de répéter certaines règles, d'y renvoyer. Ce n'est pas souhaitable, mais peut-être que l'économie générale du Code civil sera moins déparée par certains renvois que par l'introduction massive de règles qui sont souvent assez complexes et qui s'harmonisent assez mal avec les méthodes de rédaction du Code civil.

M. Forget: Oui, je sais que la règle en question, que j'ai eu la responsabilité de faire adopter par l'Assemblée nationale, est constituée par la description d'une opération mathématique dans laquelle on ne peut utiliser aucun symbole mathématique, mais où on doit décrire avec des mots. C'est assez laborieux effectivement, mais ce n'est pas impossible, le cas échéant. Cependant, j'accepte et je trouve totalement appropriée dans ce cas-ci la réponse qui nous a été faite. Je pense qu'il est inévitable de retrouver un certain nombre de renvois, mais je tenais, malgré tout, à le faire préciser pour le journal des Débats, parce qu'il y a un certain nombre de cas où le problème pourrait être soulevé. Je pense qu'il faut être le plus restrictif possible.

M. Bédard: Le moins de référence possible aux lois statutaires qui peuvent être changées assez rapidement.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Adopté. Est-ce que l'article 631 est adopté tel qu'amendé?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Adopté. Article 632.

M. Bédard: À l'article 632, l'article vise à protéger le créancier qui ne bénéficierait pas d'une hypothèque judiciaire parce que le débiteur ne possède pas d'immeuble sur lequel elle pourrait s'exercer ou qui bénéficierait d'une hypothèque judiciaire insuffisante parce que la valeur de l'immeuble sur lequel elle s'exerce est inférieure à la créance alimentaire. Ces autres sûretés peuvent être des titres, des assurances, etc.

Je pense que c'est une sûreté supplémentaire.

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je sais que cet article reprend le premier paragraphe de la recommandation 343 de l'Office de révision du Code civil. Il y a cependant une expression qui n'est pas coutumière dans un texte de droit, "au-delà". Je pense que c'est un terme de lieu, en quelque sorte, pour décrire une idée qui n'a rien à voir avec le lieu. On veut dire en plus. Je pense qu'il y a un des groupes qui nous ont soumis des mémoires qui souligne le fait qu'il serait peut-être plus approprié de dire "au lieu de l'hypothèque judiciaire". Je crois, si ma mémoire est bonne, que l'argument utilisé, c'est que, si l'hypothèque judiciaire est insuffisante, c'est sans doute parce que les biens qui peuvent être grevés d'une telle hypothèque sont insignifiants, étant donné l'importance de la créance alimentaire. Si c'est cela, il serait plus convenable, s'il existe d'autres biens, de les saisir directement, plutôt que d'obliger, en quelque sorte, le créancier à une espèce de procédure préalable qui peut être coûteuse pour lui. Et si les biens immobiliers sont suffisants, à ce moment-là, est-ce qu'il n'est pas un peu odieux d'avoir un double recours puisque, par définition, si les biens sont suffisants, le créancier pourra être satisfait?

Il y a une espèce de double pénalité en quelque sorte, qui peut être fort gênante et qui n'avantage pas en soi le créancier puisque, par hypothèse, dans ce cas, les biens sont effectivement suffisants.

Le Président (M. Lacoste): M. le ministre.

M. Bédard: Je pense que la préoccupation qui est poursuivie, c'est celle de faire en sorte que lorsque les biens à être hypothéqués ne sont pas suffisants, il puisse y avoir la possibilité d'une autre sûreté; dans ce sens-là, peut-être que de préférence à "au lieu de", si on disait "outre l'hypothèque judiciaire, une sûreté pour le paiement des aliments". Il peut arriver des situations où le tribunal en vient à la conclusion qu'il ne doit pas mettre de côté la sûreté que représente l'hypothèque judiciaire, même si le bien est insuffisant, mais, d'autre part, y ajouter aussi une disposition concernant d'autres biens mobiliers, assurances, etc.

En plus, l'article 2036 tel que proposé à l'article 47 couvrirait déjà la possibilité de substituer à une hypothèque une autre sûreté.

M. Forget: Quel article, s'il vous plaît?

M. Bédard: C'est l'article 47.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Bédard: Donc, le cas qui est couvert à l'article 632 est un peu différent. C'est vraiment le cas où on ajoute à l'hypothèque.

M. Forget: Oui, c'est cela. Il y a une idée de substitution dans l'article 2036 actuel.

M. Bédard: Oui.

M. Forget: Et c'est conservé?

M. Bédard: C'est-à-dire qu'on apporte un amendement à l'article 2036 actuel, de façon à prévoir la substitution de la sûreté.

M. Forget: Ah bon!

M. Bédard: C'est l'article 47 du projet, sans doute. (16 h 45)

Le droit actuel ne permet pas de substituer, il permet de déplacer.

En fait, il y a peut-être ce problème de substitution qui peut être fort utile dans certains cas de façon à libérer un immeuble quand, par ailleurs, on peut protéger la créance alimentaire de façon satisfaisante par le moyen d'une autre sûreté. Il peut arriver aussi... C'est peut-être le cas d'un très grand nombre de familles dont le

patrimoine immobilier, comme le patrimoine mobilier sont assez limités en termes de valeur nette de sorte que c'est un peu les deux qui peuvent servir à protéger ou à garantir la créance alimentaire. Ne pas pouvoir utiliser les deux garanties en même temps c'est peut-être se priver d'une protection qui dans certains cas est la seule qui est un peu efficace parce qu'il n'y a pas suffisamment de valeurs mobilières, d'assurances ou autres titres pour protéger la créance. Par ailleurs, l'hypothèque judiciaire arrive en deuxième, troisième, pour ne pas dire quatrième lieu sur l'immeuble, de sorte que, de la conjugaison des deux, il y a peut-être une protection valable. Si on n'avait qu'à prendre l'une ou l'autre, dans les deux cas, cela pourrait être tout à fait insatisfaisant pour la protection de la créance alimentaire. C'est à la discrétion du tribunal qui pourrait, selon la preuve qui sera apportée devant lui et la situation des parties, se décider de façon à ne pas indûment paralyser les deux biens, fournir une double sûreté quand ce n'est pas tellement utile ou nécessaire.

Vous avez raison de dire que le mot "au-delà" n'est pas très courant dans les lois, mais je pense que c'est pour cela que l'office avait choisi le mot "au-delà" pour indiquer cette souplesse. Cela pourrait, dans certains cas, être "en outre", dans certains cas cela va être "à la place de"; à moins de faire une périphrase et de dire "en outre" ou "à la place". Le mot "au-delà" nous semble assez pertinent ici, bien qu'il soit effectivement très peu usuel dans la législation.

M. Forget: Est-ce qu'il est possible d'imaginer, s'il y a deux sûretés, étant donné l'ordre dans lequel elles sont énoncées dans l'article 632, que le créancier devra d'abord se prévaloir de la première même si à sa face même elle semble insuffisante, peut-être même d'intérêt négligeable, avant de pouvoir exercer son recours en vertu de la deuxième? Je prends l'hypothèse de la valeur nette d'un immeuble sur lequel il y a une grosse hypothèque ou une première et deuxième hypothèque, sur lequel il ne reste tout juste que de quoi payer les frais judiciaires, mais on insiste, avant d'accorder le recours en vertu d'une sûreté sur des valeurs mobilières ou sur le salaire du débiteur, pour que ce premier recours soit exercé. À ce moment-là, ce serait loin d'aider le créancier, cela lui complique inutilement la vie. Est-ce que c'est cela que ça produit comme effet?

M. Bédard: Si on reprend l'interprétation qu'en donnait mon collègue, cela ne signifie peut-être pas "au-delà", "en outre" ou "en plus", cela peut signifier "au lieu de" peut-être aussi, de sorte que...

Je pense que le but de l'article 632 n'est pas d'indiquer un ordre dans l'exécution. Je ne pense pas.

M. Forget: Est-ce qu'il ne serait pas plus prudent pour protéger à la fois le débiteur et le créancier, à cause de la situation que je viens d'expliquer et qui semble conforme à ce qui serait effectivement exigé par les tribunaux, c'est-à-dire qu'il y a un ordre dans la réalisation de ces sûretés, de donner quelques critères au tribunal quant à l'utilisation d'une sûreté additionnelle? Si la sûreté immobilière porte sur des biens dont la valeur nette est insuffisante pour garantir le paiement de la pension alimentaire pendant une période donnée - puisqu'il s'agit d'une pension - la valeur accumulée de cette pension pendant un an, à ce moment-là le tribunal pourrait considérer la création d'une sûreté additionnelle mais qu'à défaut de cela on n'aille pas créer cette obligation additionnelle parce que finalement cela crée des difficultés pour les deux parties.

M. Bédard: On peut le suspendre et, d'abord, vérifier jusqu'à quel point cela peut représenter un ordre de priorités au tribunal, si je peux employer l'expression.

Le Président (M. Lacoste): Donc, l'article 632 est suspendu. J'appelle l'article 633.

M. Bédard: II n'y a pas de remarque spéciale. Une seconde. Cet article modifie les articles 171 et 172 du Code civil. En effet, c'est le débiteur qui "offre" de recevoir chez lui et non le tribunal qui le lui ordonne. C'est plus compatible avec la réalité de la vie moderne. Inutile d'insister sur les circonstances puisque le tribunal, comme le précise déjà l'article 449 du projet, doit favoriser la conciliation des parties avant de statuer. Il n'appliquera pas cette règle dans les cas de séparation de corps, de divorce ou autres circonstances incompatibles.

Le Président (M. Lacoste): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Le dernier petit bout de phrase que le ministre vient de prononcer, à savoir que ça ne s'appliquerait pas dans les cas de divorce, séparation de corps, et je ne sais pas ce qu'était le troisième, me rassure un peu. D'abord, cela ne me semble pas très clair dans l'article même; c'est vous qui avez tiré cette conclusion. Si vous enlevez la séparation de corps, le divorce et... quel est l'autre...?

M. Bédard: Les circonstances incompatibles. Le divorce est incompatible;

ils se laissent, ils ne peuvent quand même pas se recevoir.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, il me semblait que vous aviez fait une énumération de trois points. D'abord, je voudrais savoir quelles sont les autres circonstances qui demeurent si vous enlevez ces trois-là et je vois mal comment vous arrivez à cette interprétation.

M. Bédard: On m'en indique deux où c'est vraiment incompatible: la séparation de corps et le divorce. Il peut y en avoir d'autres, mais on ne peut quand même pas les énumérer ou les prévoir toutes. Il y a l'état de santé, me fait-on remarquer. C'est le tribunal qui va l'évaluer.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais tel qu'il est rédigé, comment arrivez-vous aux exceptions que vous nous indiquez?

M. Bédard: Cela va de soi.

Mme Lavoie-Roux: Cela va de soi?

M. Bédard: Le débiteur qui offre de recevoir chez lui son créancier alimentaire...

Les époux en séparation de corps sont déliés de l'obligation de faire vie commune. En divorce, évidemment, ils sont déliés de toute obligation. Ici, recevoir le créancier sous son toit, c'est lui imposer une cohabitation, si je puis dire. Donc, dans les cas de séparation de corps et de divorce ils sont justement, par le tribunal, libérés de cette obligation. Il n'est certainement pas question de les ramener vivre sous le même toit alors qu'ils sont divorcés. C'est dans ce sens-là qu'on peut peut-être dire que ce sont des circonstances nettement incompatibles. Pour ce qui est des autres, certainement que l'état de santé d'une personne, par exemple, pourrait exiger de tels soins que ce n'est pas compatible.

Mme Lavoie-Roux: Quels sont alors les cas où ce serait possible?

M. Bédard: Je ne sais pas, j'en parle en improvisant un peu, mais on pourrait penser qu'un garçon de 20 ans qui désire une pension alimentaire, prendre son appartement et vivre voir tout à fait en dehors du milieu familial pourrait se voir offrir le toit familial pour recevoir l'habitation, les aliments et les autres choses essentielles.

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: II me semble que s'il y a des choses qui vont de soi, elles vont encore mieux de soi,souvent, quand on les dit, c'est-à-dire qu'il y a des choses qui vont de soi sans le dire. Il me semble qu'il serait facile... J'accepte le dernier exemple qu'on nous a donné. C'est sûr que dans le cas du fils de 20 ans qui veut absolument qu'on lui paie un appartement en ville, oui, d'accord, ses parents seraient justifiés de lui offrir de venir vivre à la maison familiale, mais je pense que c'est effectivement le seul exemple, dans la vie contemporaire. Ou alors il y a le cas de vieux parents qui ont la même exigence vis-à-vis de leurs enfants. Si les enfants disent: Venez vivre chez nous, je crois que cela va très bien aussi. Mais si, effectivement, c'est tout ce qu'on a à l'esprit - et je crois que c'est tout ce qu'on a à l'esprit - on devrait le dire. Cela pourrait se faire, à mon avis, très facilement en précisant dans l'article: "Le débiteur en ligne directe qui offre de recevoir chez lui son créancier alimentaire..." ou, si on veut: "Le débiteur qui offre de recevoir chez lui son créancier alimentaire en ligne directe", et on éliminerait les époux. Je ne peux pas concevoir de circonstance où les époux en sont rendus à exiger, éventuellement devant les tribunaux, des aliments et où le fait d'offrir de venir cohabiter constitue une défense suffisante: Je ne peux pas facilement l'imaginer, je pense que c'est même totalement inimaginable.

M. Bédard: Ce sera nécessaire de reprendre la formulation.

M. Forget: Oui.

M. Bédard: Je pense qu'on se comprend.

M. Forget: Suspendu jusqu'à une nouvelle rédaction.

M. Bédard: C'est ça.

Le Président (M. Lacoste): Suspendu. Mme la députée de L'Acadie.

M. Bédard: On va finir la discussion sur l'article, au cas où il y aurait d'autres remarques.

Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec la proposition du député de Saint-Laurent, mais dans l'hypothèse où il y aurait d'autres raisons qui surviendraient, supposons d'ordre moral, qui empêcheraient une jeune fille de 20 ans, par exemple, de retourner vivre au domicile de son père, qu'est-ce qui arriverait dans ce cas?

M. Bédard: Le tribunal va apprécier.

Mme Lavoie-Roux: Le tribunal va apprécier.

M. Forget: Ce n'est pas une présomption irréfragable.

Mme Lavoie-Roux: Ce serait couvert, d'accord.

M. Forget: Dans le cas d'inceste, par exemple.

M. Bédard: Cependant, s'il s'était déjà passé des choses... On avait la même chose à l'idée.

Le Président (M. Lacoste): L'article 633 est suspendu. J'appelle l'article 634. Il y a un amendement; à la deuxième ligne du premier paragraphe ajouter le mot "contre" après le mot "ou", de sorte que le paragraphe, se lirait comme suit: "Le créancier peut exercer son recours contre un de ses débiteurs alimentaires ou contre plusieurs simultanément." C'est bien ça?

M. Bédard: D'accord.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Bédard: Adopté. Je n'ai pas de remarque, je pense que ça parle par soi-même.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 634 est adopté tel qu'amendé?

M. Bédard: Adopté.

M. Forget: M. le Président, juste pour être bien sûr. La dette alimentaire est une dette solidaire en quelque sorte?

M. Bédard: Elle en a les effets principaux, mais non les effets secondaires, pour employer un langage hermétique. Ce n'est pas strictement une solidarité, mais ça permet au créancier alimentaire de la réclamer contre chacun individuellement, évidemment, toujours dans la limite des besoins et des facultés, quitte à ce que celui qui est appelé seul à la payer se retourne vers les autres, qui sont également les débiteurs, pour partager.

Le Président (M. Lacoste): L'article 634 est adopté avec amendement.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Article 635?

M. Bédard: Je n'ai pas de remarque, M. le Président. On prévoit qu'il y a des circonstances; c'est sujet à révision chaque fois que les circonstances le justifient.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ...je ne peux pas résister à la tentation, même s'il s'agit non pas de la loi 183, mais du Code civil, de soulever le problème de la rétroactivité d'application de la mesure. Il reste que la loi 183 a réglé pour le présent et l'avenir - du moins dans la majorité des cas et à moins de se trouver devant les problèmes qu'on a soulevés tout à l'heure - la question de l'indexation. Pour ce qui du passé, la question de la rétroactivité s'entend de bien des façons. Elle pourrait signifier qu'il faut réécrire tous les jugements qui ont été rendus depuis aussi longtemps qu'on puisse l'imaginer où il y a encore des créanciers et des débiteurs de ce monde. Elle pourrait vouloir dire aussi qu'il faut permettre, au moment d'une révision, que l'indexation s'applique pour l'avenir pour un jugement rendu antérieurement à l'application de la loi. Je pense que, dans les deux cas, il n'est pas question de rétroactivité. Un jugement qui a été rendu antérieurement, même s'il fait l'objet d'une révision aujourd'hui, cette révision ne pourra consister qu'en un ajustement une fois pour toutes et non pas dans une indexation pour l'avenir. Est-ce qu'il ne serait pas approprié, dans tous les cas où effectivement quelqu'un se donne la peine de revenir devant le tribunal et fait de nouveau adjuger du bien-fondé de la pension alimentaire et de son montant, que ce jugement, pour l'avenir, même s'il s'agit de la révision d'un jugement sur une cause antérieure à l'adoption du projet de loi 183 ou l'adoption du Code civil, puisse, pour l'avenir, s'appliquer? Rien ne semble le permettre, je pense. (17 heures)

M. Bédard: Nous croyons que c'est là la règle. Le jugement accordant des aliments n'est pas un jugement définitif. Il est sujet à révision et l'effet de l'indexation, l'effet de la loi nouvelle s'applique lors de la révision de ce jugement sans qu'on ne puisse avoir besoin de stipuler de la rétroactivité, parce qu'en réalité, ce n'est pas véritablement de la rétroactivité au sens strict. La rétroactivité consisterait à rouvrir un jugement définitif ou un contrat qui est scellé alors qu'ici, le jugement lui-même étant sujet à révision, la loi nouvelle va s'appliquer lors de la révision, à moins qu'il n'y ait au contraire une disposition pour l'empêcher, mais, s'il n'y a pas de disposition pour l'empêcher, elle va produire son effet immédiatement dans tous les cas qui y sont sujets. En d'autres termes, il ne pourra pas y avoir application rétroactive. C'est lors de la demande de révision que le tribunal pourra accorder l'indexation pour l'avenir; évidemment, sans l'appliquer pour le temps passé. Pour l'avenir, il pourra le faire et cela découle de l'effet immédiat de la loi qu'on laisse porter dans le cas présent.

M. Forget: C'est là une affirmation

qu'on peut faire en toute certitude...

M. Bédard: C'est là une affirmation qu'on peut faire en toute certitude sur la base des études de droit transitoire et des experts de droit transitoire.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 635 est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Adopté. Article 636? M. le ministre a demandé de supprimer l'article 636.

M. Bédard: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Pourquoi?

M. Bédard: C'est déjà prévu.

Le Président (M. Lacoste): Cela va?

M. Bédard: Une seconde.

L'Office de révision du Code civil, en proposant l'article 348, dit que l'article reprend le principe de l'article 553 du Code de procédure civile et que le deuxième alinéa consacre des solutions jurisprudentielles. Il a paru préférable de laisser au Code de procédure civile le soin de régler les cas d'insaisissabilité. C'est là qu'ils sont réglés présentement. En effet, l'article 553 du Code de procédure civile est l'objet de fréquents amendements pour tenir compte de l'évolution du coût de la vie et de diverses situations. On évitera ainsi la confusion. C'est régi par le Code de procédure civile.

Le Président (M. Lacoste): L'article 636 est supprimé. Article 637?

M. Bédard: Cet article tend à mettre fin à la controverse existante à propos de la maxime qui dit que les aliments ne s'arréragent pas. En effet, on pouvait penser que, si une personne ne réclamait pas d'aliments, c'est qu'elle n'en avait pas besoin; en revanche, la règle proposée n'est pas absolue, des circonstances particulières peuvent justifier une demande d'aliments pour des besoins qui existaient dans les douze mois précédant la demande. Quant à la prescription des arrérages, l'article 16 du chapitre 21 des lois de 1980 a modifié le Code civil pour y ajouter l'article 2260b établissant à trois ans la prescription des arrérages d'une pension alimentaire accordée par jugement.

Mme Lavoie-Roux: Qu'entendez-vous par "circonstances particulières"?

M. Bédard: II est bien sûr qu'il faudra établir les besoins et les facultés. C'est la règle générale. Les circonstances particulières, il faudrait peut-être se demander pourquoi ces aliments n'ont pas été réclamés si vraiment ils répondaient à des besoins antérieurs à la demande. Pourquoi n'ont-ils pas fait l'objet d'une demande? Peut-être y avait-il impossibilité ou une situation très particulière qui empêchait le créancier d'aliments de pouvoir exercer son droit, mais si c'est simplement une négligence jugée inacceptable, il a laissé courir sans penser d'en demander, sans vouloir en demander, ce n'est peut-être pas une circonstance particulière qui justifierait qu'il puisse en demander pour les douze derniers mois.

En d'autres termes il faudra qu'il explique son inaction, son absence de réclamation. Il y a sûrement des raisons particulières qui peuvent survenir, c'est peut-être un peu difficile à identifier très concrètement, mais on peut penser à une personne qui est dans l'impossibilité d'agir momentanément peut-être parce qu'elle est dans un état de santé qui ne lui a pas permis d'être assez consciente pour exercer tous ses droits.

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Est-ce qu'on n'est pas un peu plus sévère relativement à ce droit qu'on pourrait l'être relativement à d'autres droits dans les obligations de façon générale? Est-ce qu'on ne ferait pas commencer la période pendant laquelle une obligation est due au moins de la mise en demeure plutôt que du moment où une action est intentée en justice? Est-ce que l'on n'invite pas, par cet article-là, à aller devant les tribunaux le plus rapidement possible afin de ne pas perdre un droit? Est-ce qu'il ne serait pas au moins plus raisonnable de dire qu'après tout - on parle de relations entre des gens qui sont proches d'une façon ou d'une autre -dès qu'ils saisiront formellement le débiteur putatif de la pension alimentaire de leur désir de recevoir une telle pension alimentaire et s'ils peuvent faire la preuve de cette demande formelle et catégorique, l'obligation, si elle existe vraiment - les tribunaux auront à se prononcer là-dessus -sera effective au moins à partir de ce moment-là?

Je ne vois pas qu'on ait intérêt à exiger le formalisme d'une action en justice pour faire commencer l'application effective du droit. Il me semble qu'on précipite les gens dans des actions devant les tribunaux alors qu'une lettre, par exemple, ou une déclaration même verbale devant témoin, équivalant à une espèce de mise en demeure, devrait pouvoir faire commencer ce droit-là. Je comprends qu'on veuille éviter, par

ailleurs, que tout à coup les débiteurs de pension alimentaire - ça peut être les parents vis-à-vis de leurs enfants, on parle d'un contexte très général - se voient assommés, voient leur tomber sur la tête une réclamation pour tout un train de vie, des dépenses déjà faites depuis un an. Je comprends que c'est assez difficile, mais au moins, s'il y a une demande formelle, si on fait connaître ses besoins et si on fait connaître son attente de les voir satisfaits par le débiteur, il me semble qu'on devrait admettre ça comme moment d'introduction.

La recommandation de l'Office de révision du Code civil en faisait une règle très catégorique de douze mois. C'est une façon de régler le problème, encore que je ne croie pas que ce soit la plus satisfaisante parce que ça prépare des surprises. Je pense que, dans le droit familial, on doit éviter de créer des situations où une personne, à l'intérieur d'une famille, puisse faire des surprises, parce que dans le fond, ce sont toutes sortes de stratégies, des fois des petites vengeances, etc., qui peuvent s'exercer de cette façon-là, mais, si au moins on n'a pas d'exigence, de formalisme exagérés, à ce moment-là on protège le droit des parties.

M. Bédard: En donnant une explication sur les circonstances particulières, je n'avais pas nécessairement à l'esprit le retard à présenter une demande en justice. C'est une explication à laquelle je faisais allusion. Il est notamment très concevable, en tout cas pour moi, qu'un créancier alimentaire s'adresse d'abord à un éventuel débiteur d'aliments en lui faisant une demande verbale et peut-être par écrit et en répétant sa demande au besoin avant de se pourvoir devant les tribunaux. Il me semble qu'on peut fort bien justifier qu'il y a eu des aliments qui n'ont pas été payés et qui étaient dus depuis déjà plusieurs mois, non pas qu'on a été négligent, parce qu'on en a déjà fait la demande. On fait la preuve de cette demande-là, sauf que le débiteur n'y a pas répondu. Voyant volontiers qu'il y a eu demande, ne serait-ce qu'une demande verbale, établie et prouvée par témoin, cela devrait fournir un fondement au tribunal pour dire : Je comprends que ces aliments peuvent être accordés assez volontiers.

M. Forget: Je pense qu'on vise la même chose, mais je me demande...

M. Bédard: Oui. En même temps, à partir du moment où on s'entendrait sur le fait que c'est à partir d'un écrit ou d'une demande écrite, il ne faudrait pas non plus, devant le refus du créancier de s'exécuter, qu'il y ait un trop long délai...

M. Forget: Non, bien sûr.

M. Bédard: ...par rapport à l'institution d'une demande officielle devant la cour, parce que cela pourrait laisser traîner des choses et avoir l'effet de surprise qu'on ne veut pas obtenir.

M. Forget: Si tout était formulé en termes de demande, sous réserve de l'approbation de la demande, qu'elle soit par écrit ou devant témoins, plutôt qu'en termes d'un délai et plutôt qu'en termes du caractère exceptionnel, le tribunal pourrait évaluer si une demande a été formulée, soit, mais il y a eu tellement de négligence, tellement de retard qu'à un moment donné -c'est une question de fait - on doit conclure que cette soi-disant mise en demeure n'en était pas une, qu'il n'y avait pas d'intention véritable d'affirmer les droits du créancier. Au moins, ceux qui ne sont pas négligents, ceux qui font la demande ne seraient pas précipités dans la nécessité, pour ne pas perdre leurs droits, d'aller tout de suite devant les tribunaux.

Mme Lavoie-Roux: II y en a plusieurs qui, justement, peut-être même dans l'espoir que les choses peuvent se régler, pour ne pas jeter d'huile sur le feu, à cause de tout ce qu'implique une démarche d'un conjoint envers un autre de recourir aux tribunaux -il y a une foule de raisons qui peuvent intervenir - ou croyant au sens des responsabilités du conjoint vis-à-vis des enfants, en tout cas, pour une période donnée, jusqu'à ce que la preuve du contraire leur soit très claire, vont présumer de la bonne foi de l'autre conjoint.

M. Bédard: Nous sommes bien conscients aussi qu'il ne faut pas non plus trop encourager le créancier d'aliments à laisser traîner la situation. Il y a un moment où il faut qu'il se dise: J'ai fait des demandes et manifestement mon débiteur me déçoit. Il faut quand même encourager aussi, au bout d'un certain temps, les gens à agir et à prendre leurs affaires en main. Il y a un équilibre à trouver entre ces deux points de vue qui, je pense, sont légitimes.

Mme Lavoie-Roux: Supposons qu'un conjoint part du foyer et laisse l'autre conjoint avec les enfants à charge, il reste que dans bien des cas, cela arrive comme une surprise. Avant qu'il soit vraiment conscient de la réalité, que la réalité prenne toute la dimension d'une séparation indéfinie, il peut se passer bien des choses. Je pense à des cas particuliers que j'ai vus. Cela vient d'un processus automatique, et même si c'est écrit dans le Code civil, je vous assure qu'avant que les gens en soient conscients, le connaissent et le sachent...

M. Forget: Et l'argumentation - si vous

me le permettez, M. le Président - joue aussi dans le sens inverse. Si rien dans le Code civil n'indique que la demande formelle fait commencer le droit, le débiteur peut se dire: De toute façon, en ne payant pas, en me traînant les pieds, il y a quand même cette espèce de délai maximum de douze mois. Ce que je ne paie pas aujourd'hui, c'est autant de gagné. Il peut toujours espérer - la vie est faite d'espoir - que le tribunal jugera que la situation particulière ou les circonstances particulières ne s'appliquent pas à ce cas. Donc, tout cela devient une question d'interprétation où le débiteur a intérêt à ne pas payer et où le créancier peut être amené aussi à temporiser et à hésiter avant d'aller engager les frais d'une poursuite.

M. Bédard: On peut suspendre, M. le Président. Cela rejoindrait la préoccupation de tous les membres de la commission là-dessus. On indiquait - ce ne sont pas des mots - pour une période d'au moins douze mois à partir d'un avis, d'une demande par écrit à cet effet. Cela pourrait être ainsi et non pas à partir des procédures. Est-ce qu'on s'entend un peu là-dessus?

M. Forget: II faudrait avoir un texte pour... J'ai indiqué que personnellement...

M. Bédard: Non, simplement au niveau de... (17 h 15)

M. Forget: ...À moins que le délai de douze mois ne soit absolument nécessaire, il me semble que le droit des obligations stipule que la mise en demeure enclenche le processus. Dans le cas des obligations en général, tout commence par une mise en demeure, me semble-t-il, du moins.

M. Bédard: La réclamation, mais la mise en demeure n'est pas, d'une façon générale, un indicatif de commencement de prescription. C'est simplement l'évocation d'un droit, d'une obligation et d'une intention de réclamer.

M. Forget: D'une intention ferme de réclamer les droits.

M. Bédard: Les règles de prescription sont souvent...

M. Forget: Pourvu que le débiteur connaisse l'intention ferme de son créancier, que ce soit un mois, que ce soit dix-huit mois, on ne peut pas argumenter qu'il est pris par surprise. Dans le fond, la règle de douze mois, elle se justifie si c'est le seul moyen d'éviter des surprises. On s'imagine que, s'il n'y avait aucune limite, un débiteur, tout à coup, peut se voir présenter une réclamation pour dix ans. Cela n'a pas de bon sens. Si tout ce qu'on avait, c'est de dire que rien ne peut être réclamé au-delà de douze mois avant l'instance, d'accord. Mais, s'il y a une demande formelle, le débiteur est au courant de l'intention de son créancier. Il ne peut pas être pris par surprise. Il doit tenir compte de cela dans tous ses calculs.

M. Bédard: Pour ne pas être pris par surprise, je pense qu'on convient qu'à un moment donné, il faut un délai qui termine. On pourrait imaginer quelqu'un qui fait une demande officielle, par écrit, de pension, laisse traîner cela et ne prend pas de procédures. Le créancier peut demeurer dans l'insécurité assez longtemps, puisque rien ne se précise tant qu'une demande n'est pas faite auprès de la cour.

M. Forget: Est-ce qu'à ce moment-là le débiteur ne peut pas demander à la cour de se prononcer? Si une situation aussi fantaisiste que celle-là se produisait, où il y aurait une mise en demeure, mais aucune poursuite et aucune action prise, en faisant une espèce d'épée de Damoclès qui pèserait indéfiniment sur la tête du débiteur, est-ce que le débiteur ne peut pas demander à la cour de se prononcer sur la pension alimentaire, de son propre chef? C'est assez curieux que le débiteur le fasse, mais dans un cas comme celui-là!

M. Bédard: Oui, c'est assez curieux de courir après une dette.

M. Forget: Mais il y aurait peut-être intérêt à ce que ce soit fait.

M. Bédard: Je comprends les objectifs qu'on veut atteindre. On va demander...

C'est le genre de mécanisme qui, plus il est précisé, plus il devient difficile à formuler. Je pense qu'on peut trouver quelque chose.

Le Président (M. Lacoste): L'article 637 est suspendu. J'appelle l'article 638 qui contient un amendement, M. le ministre. Aux troisième et quatrième lignes du premier alinéa, remplacer l'expression "en tout ou en partie" par celle-ci: "de tout ou partie". Et ajouter l'alinéa suivant: "Cependant, lorsque les arrérages réclamés sont dus depuis plus de six mois, le débiteur ne peut être libéré de leur paiement que s'il démontre qu'il lui a été impossible d'exercer ses recours pour obtenir une révision du jugement fixant la pension alimentaire." Est-ce que les amendements sont adoptés?

M. Forget: Oui, avec grand plaisir, M. le Président. C'est une concordance essentielle.

M. Bédard: D'accord.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 638 est adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Avec les amendements?

M. Forget: Adopté avec amendements. M. Bédard: Surtout avec amendements.

Le Président (M. Lacoste): L'article 638 est adopté avec amendements. Nous sommes rendus au titre cinquième, De l'autorité parentale.

De l'autorité parentale

M. Bédard: Au titre cinquième, M. le Président, je ne crois pas nécessaire une entrée en matière, parce que cela rejoint les dispositions qui ont déjà été adoptées. On peut le voir, le dernier titre qui complète le livre deuxième sur la famille traite de l'autorité parentale. Déjà, en 1977, nous avons procédé à la réforme du droit dans ce domaine en remplaçant la puissance paternelle par l'autorité parentale, la loi mettant ainsi en évidence la responsabilité conjointe des parents dans l'éducation de leur enfant. À ce titre, donc, le projet de loi reprend le droit actuel, mais il le complète, cependant, en prévoyant spécifiquement le droit d'un parent déchu de se voir restituer l'autorité parentale s'il justifie des circonstances nouvelles.

Afin de rendre concordantes les règles sur l'autorité parentale et celles de l'adoption, je dépose un amendement qui aura pour effet d'ouvrir le recours en déchéance contre toute personne qui exerce l'autorité parentale, que ce soit de plein droit ou à la suite d'une décision judiciaire. En outre, afin d'assurer une plus grande cohérence entre les dispositions de ce titre et celles de la Loi sur la protection de la jeunesse, je dépose un autre amendement qui permettra au tribunal saisi d'une demande en déchéance de désigner un nouveau titulaire de l'autorité parentale. Également, afin d'assurer une plus grande implication des membres de la famille à ce processus, cet amendement prévoira la possibilité pour le tribunal de prendre avis du conseil de famille tant pour désigner le nouveau titulaire de l'autorité parentale qu'un tuteur, si les circonstances le requièrent.

Enfin, plusieurs personnes se sont étonnées du maintien au Code civil d'une règle spécifique sur le droit de correction modérée et raisonnable. Elles y voient une forme d'encouragement du législateur à l'utilisation d'une certaine "violence" dans les rapports entre les membres d'une même famille. Je pense qu'il n'est même pas nécessaire de dire que ce n'est certes pas le but de l'article proposé, qui visait plutôt à indiquer les limites d'exercice d'un droit lié aux droits et aux devoirs de surveillance des parents sur leur enfant et à la responsabilité qui en découle. J'indiquais que je n'avais pas d'objection à le retirer. D'un autre côté, je préfère qu'on ait une discussion au niveau de la commission, à partir du moment où on précise bien nos intentions que c'est loin d'être un encouragement à quelque forme de violence que ce soit, mais que cela s'inscrit simplement dans la ligne de certaines responsabilités qu'on donne à des parents, si on veut.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce qu'il y a des commentaires généraux ou bien si on appelle immédiatement...

M. Forget: Non, je n'ai pas de commentaires généraux sur ce chapitre, M. le Président.

Le Président (M. Lacoste): D'accord, j'appelle donc l'article 639.

M. Bédard: Je pense que cela va de soi. "L'enfant, à tout âge, doit respect à ses père et mère".

Mme Lavoie-Roux: II faudrait avoir des enfants de l'autre côté de la table. Nous autres, on est là. On adopte cela le coeur léger.

M. Forget: Je pense bien, M. le Président, que personne ne revendiquerait le droit à l'irrespect. Mais est-ce que c'est un terme qui a un contenu juridique quelconque ou s'il est là pour faire bonne figure?

M. Bédard: C'est traditionnel.

M. Forget: II est traditionnel. Il n'y a pas d'interprétation judiciaire de ce terme?

Mme Lavoie-Roux: Cela vient de "Père et mère, tu honoreras..."

M. Bédard: C'est dans la charte-Certains auteurs ont pensé que ce droit au respect de la part des père et mère à l'égard de leurs enfants pouvait impliquer des dommages et intérêts plus forts, dans certains cas de responsabilités entre parents et enfants. Mais c'est une affirmation purement doctrinale. Il n'y a jamais eu de sanctions clairement exprimées à cet article.

M. Forget: C'est le seul article, en plus de celui que nous venons de voir relativement à la pension alimentaire, qui crée pour l'enfant une obligation vis-à-vis de

son ou de ses parents, le respect, quelle qu'en soit la signification juridique, et l'obligation alimentaire. Pas d'objection, M. le Président.

Le Président (M. Lacoste): Article 639, adopté. Article 640.

M. Bédard: Article 640: "L'enfant reste sous l'autorité de ses père et mère jusqu'à sa majorité ou son émancipation."

Le Président (M. Lacoste): L'article 640 est adopté?

M. Bédard: Ce sont des règles générales.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Article 640, adopté. Article 641.

M. Bédard: Article 641, pas de commentaires.

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'aurais des observations sur l'article 641. L'article 641 formule les obligations parentales à l'égard de l'enfant. C'est formulé de façon très modeste et très concise, certainement. Je me demande s'il n'y aurait pas intérêt à ce que certaines concordances soient établies entre cet article et un article de la Loi sur la protection de la jeunesse qui énonce les motifs ou les circonstances dans lesquelles le développement ou la sécurité de l'enfant sont menacés. Cette concordance pourrait revêtir la forme suivante. Les parents ou "ils", puisqu'on les a déjà mentionnés, doivent s'abstenir de tout acte ou éviter toute omission qui aurait pour effet de mettre en danger le développement ou la sécurité de l'enfant.

Il y a, dans cette loi, une obligation beaucoup plus largement définie et beaucoup plus concrète que celle contenue au Code civil et qui donne un sens à l'expression "développement et sécurité de l'enfant". Il me semble que cela va bien au-delà de la surveillance, de la garde, de la nourriture et de l'entretien. Je pense que l'effort le plus explicite qui a été fait se retrouve dans la Loi sur la protection de la jeunesse à cet égard.

M. Bédard: La suggestion est bonne. Peut-être y aurait-il lieu de le suspendre pour le moment.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, ce n'est pas très compliqué.

Le Président (M. Lacoste): Donc, l'article 641 est suspendu?

M. Bédard: II est suspendu.

Le Président (M. Lacoste): D'accord, l'article 641 est suspendu. J'appelle l'article 642. Il y a un petit amendement à la première ligne du deuxième alinéa.

M. Bédard: C'est cela.

Le Président (M. Lacoste): Remplacer le mot "deux" par le suivant "d'eux". Est-ce adopté?

M. Forget: Oui, cet amendement est adopté. Il est grammaticalement correct.

M. Bédard: C'est le principe qui découle de l'égalité du père et de la mère.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 642 est adopté avec l'amendement?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): L'article 642 est adopté tel qu'amendé. Article 643.

M. Forget: Ici, M. le Président...

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... nous avons une situation qui, je pense, mérite au moins des précisions. On dit: Le titulaire. Bien sûr, par le titulaire, on veut dire les titulaires. C'est-à-dire qu'il n'y a pas qu'un seul titulaire. L'article est un peu rédigé comme s'il n'y avait qu'un seul titulaire. La question qui se pose est: Dans quelle mesure, dans une famille, l'un des deux titulaires de l'autorité parentale peut-il ou doit-il être présumé, sans contestation possible, apte à déléguer à une tierce personne, qui n'est pas l'autre titulaire de l'autorité parentale, sa part dans cette autorité?

Est-ce qu'on doit envisager des circonstances où l'autre conjoint pourrait mettre en doute cette délégation à un tiers comme étant abusive, insultante, en quelque sorte? On pourrait à la limite, mais je pense qu'il ne faut pas aller jusque-là, dire que, tant qu'il y a deux conjoints survivants et qui vivent ensemble, un d'entre eux ne devrait pouvoir déléguer qu'à l'autre conjoint l'autorité parentale. Mais on peut évidemment envisager certaines situations, par exemple, maladie d'un des conjoints, problèmes de santé mentale, etc., ou celui des deux conjoints qui est sain peut avoir besoin de s'absenter pour un long voyage, etc. Je pense qu'on ne peut pas interdire, même lorsqu'il y a un conjoint qui survit, qui

continue de faire partie de la famille et de s'occuper des enfants, qu'on ne pourrait pas, en aucune circonstance, déléguer à une tierce personne l'autorité parentale. Mais on peut imaginer des circonstances, encore une fois, où cette délégation à un tiers pourrait être un sujet de litige entre les deux parents.

Je n'ai pas de solution toute faite, mais l'attribution d'un pouvoir absolu a chacun des deux parents de déléguer à n'importe qui sa part de l'autorité parentale est peut-être aussi un peu trop absolu. Je me demande si on a bien réfléchi aux circonstances que ça pourrait engendrer. (17 h 30)

M. Bédard: II y a peut-être un problème qui découle du fait de l'utilisation du temps au singulier. Je pense que si on reprend la disposition principale de l'article 642, le principe paraît assez absolu: les père et mère exercent ensemble l'autorité parentale. Donc, il n'est pas question qu'ils l'exercent autrement qu'ensemble. En d'autres termes, ce n'est pas un père qui l'exerce avec un tiers à qui elle serait déléguée, ou la mère qui l'exerce avec un tiers; ce sont les deux parents qui l'exercent ensemble.

Par ailleurs, il est évident que le deuxième alinéa prévoit les situations un peu exceptionnelles où l'un d'eux ne le peut pas. Disons qu'à ce moment-là c'est l'autre qui l'exerce seul. De sorte que, quand on arrive à l'article 643... Je voudrais dire avant cela sur l'utilisation du singulier, que c'est vrai que, la plupart du temps, quand les deux parents seront là, ils pourront exercer l'autorité parentale. Ce sont les deux ensemble qui l'exerceront dans une sorte de pluriel, mais il peut arriver, par l'application du deuxième alinée de l'article 242, qu'un seul l'exerce, donc c'est un singulier. Il peut arriver aussi que les deux parents soient déchus de l'autorité parentale et que le tribunal ait nommé un tuteur ou un tiers pour l'exercer, de sorte que ce n'est pas toujours deux personnes qui exercent l'autorité parentale; ça peut être parfois une personne, mais le principe, quand c'est le père et la mère, c'est que ce sont les deux ensemble. Dans d'autres cas, c'est un tiers ou, dans certaines circonstances, c'est l'un ou l'autre. Quand on arrive à la délégation de l'article 643 peut-être n'est-ce pas évident ou tout à fait clair, mais il me semble qu'on arriverait difficilement à une interprétation qui viserait à permettre à l'un des parents de déléguer en faveur d'un tiers pour qu'il l'exerce ensuite avec l'autre parent, en raison du principe même de l'exercice de l'autorité parentale. Je vous donne très spontanément ce que j'en retiens.

Vous disiez également tout à l'heure qu'il n'y avait pas de solution facile en cas de litige. Je crois que les tribunaux n'en ont pas non plus. Il y a eu un certain nombre de litiges portant notamment sur le choix de l'école, en rapport, entre autres, avec la religion, lorsque les deux époux n'avaient pas la même religion. Dans ces cas les tribunaux sont devant des situations de fait, qu'ils jugent comme telles. Il est impossible de tracer à l'avance une règle. Nous avons l'article 647 qui dit: "En cas de différend relatif à l'exercice de l'autorité parentale, le père ou la mère peut saisir le tribunal qui statuera dans l'intérêt de l'enfant, après avoir tenté de concilier les parties." Je crois qu'il est extrêmement difficile de dire autre chose que cela.

M. Forget: II y a malgré tout des difficultés. L'article 643, tel qu'il est rédigé, d'une part - et c'est une difficulté autre que celle que je viens de souligner - parce qu'il est au singulier, semble suggérer que même si le père et la mère, pour des raisons quelconques, s'entendent pour conjointement déléguer à une tierce personne l'autorité parentale, ils ne le peuvent pas, parce qu'on semble suggérer que c'est le titulaire unique qui le peut, lorsqu'il est veuf ou veuve. S'ils sont tous les deux ensemble, ils ne le pourraient pas. D'autre part, quant à la possibilité de déléguer à un tiers, je pense qu'on pourrait peut-être donner un exemple de ce que ça pourrait être. On a, à l'époque moderne - et on dirait que c'est un phénomène en croissance - la naissance de toutes sortes de sectes. On pourrait imaginer qu'un des parents devient membre d'une secte religieuse ou parareligieuse et décide de confier sa portion de l'autorité parentale au chef de la secte. Je devrais peut-être dire que ce que je dis là n'est inspiré par aucune circonstance de faits, de lieux ou de personnes actuels qui ont fait l'objet de litige devant les tribunaux. C'est peut-être choisi au hasard, mais pas totalement, comme on s'en doute. Si c'était le cas, et ça peut très bien être le cas, est-ce que le parent qui n'est pas membre de la secte pourrait contester cette délégation? Ce n'est pas apparent, d'après la rédaction de l'article, qu'il pourrait la contester; on semble en faire un droit absolu.

M. Bédard: À l'article 647, c'est "tout différend relatif à l'exercice..." Il y aura certainement un problème d'exercice de l'autorité parentale, compte tenu de l'article 642, premier alinéa. Il me semble que l'article 647 a peut-être assez d'ouverture pour permettre de saisir le tribunal dans une hypothèse qui pourrait être celle évoquée.

M. Forget: Est-ce que les deux peuvent déléguer ensemble?

M. Bédard: Je pense que c'est ce que vise l'article 643, lorsque les deux l'exercent

ensemble, qu'ils puissent la déléguer ensemble. Cela prévoit aussi le cas d'un tiers qui l'exerce seul, évidemment, parce qu'elle lui est attribuée et qui aussi voudrait la déléguer à son tour à quelqu'un d'autre.

M. Forget: Dans l'article 356 de l'Office de révision du Code civil, le pluriel était utilisé. Cela se lisait comme suit: "Les père et mère peuvent confier à d'autres la garde, l'éducation ou la surveillance de leur enfant, sauf leur droit de le reprendre en tout temps." Ce qu'on semblait déléguer ici, c'est la garde, l'éducation ou la surveillance, mais non pas l'autorité parentale. Donc, il y a double différence. On délègue ici l'autorité parentale, mais non pas son exercice et les deux parents le faisaient conjointement, alors qu'un seul semble pouvoir le faire.

M. Bédard: On ne délègue pas l'autorité. Ce sont les mêmes choses qu'on délègue que dans l'article 356 de l'Office de révision du Code civil, soit la garde, la surveillance, l'éducation. C'est simplement la formulation du début.

M. Forget: Ah oui! On ne délègue pas l'autorité.

M. Bédard: On ne délègue pas l'autorité parentale, à tel point qu'on peut la reprendre n'importe quand.

M. Forget: Vous avez raison. Je m'excuse.

M. Bédard: D'accord?

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Est-ce qu'il ne serait pas plus simple, finalement, de le mettre au pluriel et d'ajouter: " et, le cas échéant, le titulaire..."

M. Bédard: Je pense qu'on peut le revoir.

M. Charbonneau: Parce qu'en plus de ça ça peut porter à interprétation. J'ai l'impression que ça maintient une attitude traditionaliste où on laisserait entendre que...

M. Bédard: Ce n'est pas dans le sens de la tradition.

M. Charbonneau: Non, mais ce n'est pas clair.

M. Bédard: Non, c'est clair si on lit l'article 642. Avant, c'était le père qui était le titulaire de l'autorité parentale, c'était clair. Maintenant, ce qui est aussi clair que ça...

M. Charbonneau: Là, ce sont les deux.

M. Bédard: ... c'est que ce sont les deux.

M. Charbonneau: Bon, si ce sont les deux, ce sont les titulaires.

M. Bédard: Non, pas nécessairement. Ils le sont tous les deux solidairement. Même si ce sont les deux, ça devient: "Les père et mère exercent ensemble". La somme des deux, c'est le titulaire. Le père et la mère ensemble - c'est ça la règle - c'est le titulaire.

M. Charbonneau: Cela forme une personne morale, c'est comme une compagnie.

M. Blank: On pourrait faire référence à l'article 642 dans l'article 643.

M. Bédard: Le titulaire... C'est que là on ne peut pas y faire nécessairement référence, parce que ça peut être une autre personne. Non seulement ça peut être une autre personne, un tiers, mais, dans certains cas, ce n'est qu'un des deux parents, parce qu'il y en a un qui est déchu. Donc, l'autre l'exerce seul et c'est un singulier parce qu'il y en a un qui est déchu.

M. Blank: Mais l'article 642 fait mention des deux ou une.

M. Bédard: Oui.

M. Charbonneau: Pourquoi ne dirait-on pas simplement: Les parents ou, le cas échéant, un des parents ou un titulaire délégué? Il me semble que cela se dit en français.

M. Bédard: Je ne suis pas un spécialiste, mais ça peut être un des parents ou les deux parents ou le tuteur qui pourrait être nommé et qui peut temporairement avoir l'autorité parentale ou une autre personne qui peut l'avoir, temporairement octroyée par le tribunal qui peut la déléguer. À ce moment-là, on en est à une énumération qui est quand même assez lourde alors que la manière de tout prévoir, c'est de dire le titulaire. À partir du moment où les père et mère représentent un titulaire, il n'y a pas deux tuteurs, il n'y a pas deux autres personnes à qui peut être déléguée l'autorité parentale.

Il y a la technique d'interprétation aussi, enfin il y a une brillante interprétation fondamentale qui veut que le singulier comprenne le pluriel à moins que le contexte n'impose une autre interprétation. Je pense qu'ici nous sommes en plein contexte. Si les deux parents sont là, l'article 642, alinéa

premier, fournit le contexte de l'exercice conjoint de l'autorité parentale. Je ne vois pas beaucoup de difficultés pratiques. C'est déjà pomme ça dans le Code civil. Dans le Code civil, 245, le titulaire de l'autorité parentale.

M. Blank: En anglais, on dit "the person". Est-ce que "la personne" comprend les deux? Je ne sais pas. Je ne suis pas certain. Je pense qu'on va regarder.

Le Président (M. Lacoste): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne sais pas si ma question est tout à fait pertinente à l'article 643. Il y a certainement une association. A-t-on examiné le respect de la volonté des parents qui, par testament, demandent que telle personne agisse comme tuteur de leurs enfants? Evidemment, il s'agit d'enfants mineurs, mais il n'y aura pas de concordance avec cela.

M. Bédard: Cela va venir dans la réforme des successions, à ce moment-là, s'ils jugent à propos que cela doit se traduire...

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que cela présente des... Parfois, il y a d'autres personnes qui interviennent.

M. Bédard: Parce que cela entraîne des droits.

Mme Lavoie-Roux: Normalement, les gens sont de bonne foi et respectent les volontés des pères et mères, mais il y a des cas aussi où il peut y avoir des manipulations ou des manoeuvres pour, justement... Et surtout quand il s'agit de l'enfant en bas de dix ans, souvent les parents sont les meilleurs juges, je pense, à moins, évidemment, que les circonstances ne changent suivant leur décès.

M. Bédard: Je pense que vous avez raison, mais c'est là que ça viendra. C'est l'une des recommandations de l'Office de révision du Code civil, dans son livre III sur les successions, de prévoir une tutelle testamentaire. Évidemment, c'est déjà un élément de la réforme de la tutelle qu'il faudra apprécier dans une certaine vision d'ensemble pour ce qui est de la représentation du mineur par le moyen de la tutelle.

M. Forget: Dans les cas, si vous me le permettez, M. le Président...

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ...où il pourrait y avoir tutelle testamentaire, comme désormais l'autorité parentale est détenue par deux personnes, ne faut-il pas prévoir aussi que ce n'est pas une vraie tutelle, mais que cela peut être la délégation par testament de l'apport de l'un des conjoints dans l'autorité parentale? Un des conjoints peut souhaiter, par exemple, que son frère ou sa soeur avec le conjoint survivant continuent d'exercer l'autorité parentale. Est-ce que ce n'est pas possible?

M. Bédard: Ce n'est pas ce qui est proposé, si ma mémoire est bonne. Ce qui est proposé - parce qu'il y a un bout de temps que j'ai lu cela dans le chapitre de l'Office de révision du Code civil - cette tutelle testamentaire n'est possible que lorsque le dernier conjoint décède à son tour et non pas... C'est-à-dire, lorsque l'un des conjoints est déjà décédé, la tutelle testamentaire n'est permise que dans le cas où le dernier des conjoints décède parce que, autrement, on se retrouverait un peu dans la situation que vous avez évoquée tantôt, celle d'un parent qui, avec un tiers ou, en tout cas, peut-être un oncle, une tante ou un beau-frère, exercent l'autorité parentale et cela n'était pas voulu. Dès qu'il y a un seul des parents parce que l'autre est décédé, c'est toujours celui-là qui exercent seul et en totalité l'autorité parentale sur les enfants. Donc, ce n'était possible que lorsque celui qui décède est déjà seul ou veuf.

M. Blank: Je veux seulement répéter qu'on doit changer la version anglaise parce que le mot "person" veut dire une personne seule, c'est-à-dire que ce n'est pas cela exactement. Le titulaire peut inclure les deux personnes, mais le mot "person" inclut seulement une personne.

M. Bédard: Nous allons le prendre en note. Je pense que vous avez raison. D'accord.

Le Président (M. Lacoste): L'article 643 est-il adopté?

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ...à l'article 643, je dois dire que le libellé et les implications ne nous semblent pas totalement satisfaisants. On peut bien l'adopter sur division, mais, quant à nous, il y a un certain nombre de problèmes qui n'apparaissent pas être résolus de la façon optimale.

Le Président (M. Lacoste): Donc, l'article 643 est adopté sur division.

(17 h 45)

M. Bédard: Quitte à revenir avec des explications supplémentaires par rapport aux préoccupations...

Le Président (M. Lacoste): Adopté sur division. Article 644.

M. Bédard: II parle par lui-même. "Le mineur non émancipé ne peut, sans le consentement du titulaire de l'autorité parentale, quitter la demeure familiale".

M. Blank: On se répète encore.

M. Bédard: Nous l'avons pris en note concernant la version anglaise. Il y a une logique.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 644 sera adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Article 644, M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: II y a des cas concrets qui se produisent qui font que, par exemple, le DPJ peut recommander à un jeune de quitter le foyer familial. Je connais des cas de jeunes qui m'ont été référés, pour lesquels la situation familiale était devenue intenable à cause de problèmes familiaux très intenses, de parents qui étaient en instance de divorce ou de séparation. Le milieu familial devenant invivable, l'enfant se réfugie chez sa soeur ou son frère. Souvent ces jugements vont être entérinés par le directeur de la protection de la jeunesse par la suite.

Je m'interroge simplement sur la portée de cet article. Un mineur non émancipé ne peut, sans le consentement du titulaire de l'autorité parentale, quitter la demeure familiale. Je me demande s'il n'y aurait pas un ajout, un "sauf", qui pourrait inclure les possibilités pour un jeune de quitter la demeure familiale quand la situation devient intenable, et alors que le consentement des parents n'est pas toujours possible, dans le meilleur bien de l'enfant.

M. Bédard: Les dispositions de l'article 644 peuvent compléter la Loi sur la protection de la jeunesse. Le directeur de la protection de la jeunesse agit toujours en fonction des pouvoirs que la loi lui donne. La loi lui donne le pouvoir de retirer l'enfant du lieu où il se trouve si sa sécurité ou son développement est compromis et qu'il doit agir d'une manière urgente. À ce moment, cette disposition-là devient spécifique par rapport à celle-ci. Les deux se complètent.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 644 est adopté?

M. Bédard: Adopté. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Adopté. À l'article 645, M. le ministre, vous demandez de supprimer l'article.

M. Bédard: Je voulais qu'on en discute. J'ai indiqué que je n'étais pas opposé à l'enlever.

Le Président (M. Lacoste): Je reste à votre disposition.

M. Bédard: S'il y a des pressions pour le conserver qui nous convainquent du contraire, peut-être que...

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Verchères. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Cet article, je l'avais interprété dans le sens du ministre dans le document qu'il nous a donné. Cela visait plutôt à indiquer les limites d'exercice d'un droit, liées au droit et au devoir de surveillance de parents sur leur enfant et à la responsabilité qui en découle.

Par contre, l'autre soir, on m'a dit non, s'il n'y a aucune limite, cela n'a pas d'inconvénient. Il me semble que cela tempère les réprimandes, les abus que les parents pourraient commettre.

D'un autre côté, je trouve un peu irréaliste de penser - et je ne me sens pas honteuse de m'accuser publiquement...

M. Bédard: Comme mère de famille.

Mme Lavoie-Roux: ... d'avoir de temps en temps corrigé - cela va être dans le journal des Débats - physiquement mes enfants. J'espère que ce fut d'une façon modérée. Mais je trouve que cela protège autant les uns que les autres, autant les parents que les enfants, de conserver ceci. C'est modéré à l'égard des enfants et à l'égard...

M. Bédard: II est évident que, si la correction est hors de proportion, il y a toujours...

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je n'ai pas le texte, mais j'aimerais bien savoir ce qu'il y avait avant dans le cas de discipline.

M. Bédard: Si vous me permettez. Dans le sens de ce que vous dites, c'était une représentation qui avait été faite, parce qu'on avait l'impression que cet article-là, tel que libellé, pouvait protéger les parents,

qui corrigeaient de façon abusive leur enfant. Pour être bien clair, cela ne donne en aucune façon le droit à des parents d'être abusifs.

Mme Lavoie-Roux: Mais si vous l'enlevez.

M. Bédard: J'ai l'impression qu'on est en train de discuter un petit peu sur la même ligne de pensée.

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je voudrais savoir ce qu'il y avait avant. C'est le même qu'il y avait avant?

M. Bédard: C'est le même article qui avait été adopté en 1977 et qui est simplement reproduit. Tout ce chapitre sur l'autorité parentale se rapproche substantiellement de la loi de 1977, sauf qu'il y a certaines précisions qui paraissaient utiles, nécessaires même.

Le Président (M. Lacoste): M. le député de Taschereau.

M. Guay: Personnellement, M. le Président, si on modifiait la rédaction pour viser vraiment ce qui est voulu et dire simplement: que le titulaire de l'autorité parentale n'a sur l'enfant qu'un droit de correction modérée et raisonnable, est-ce que cela ne restreindrait pas justement...

Mme Lavoie-Roux: Cela regarde la correction.

M. Guay: Oui, bien sûr.

Mme Lavoie-Roux: Cela regarde la correction.

M. Bédard: II y a un droit de correction...

Le "que" s'adresserait à la modération ou au caractère raisonnable de l'intervention. Cela ne serait "que raisonnable"... Ce ne serait pas...

M. Guay: II a un droit de correction, mais ce droit de correction n'est que modéré. C'est le droit qu'il a.

M. Charbonneau: Depuis 1977, est-ce qu'il y a eu de la jurisprudence, dans certaines causes, pour établir ce qui était raisonnable et modéré?

M. Bédard: II y a une jurisprudence qui s'établit lorsque ce n'est pas raisonnable ... ...il n'y a pas de multiples jugements, mais il y a eu un jugement de la Cour provinciale rendu assez récemment sur l'interprétation de cet article. Le tribunal s'est interrogé, à savoir si dans l'ensemble des faits qui étaient devant lui, la correction - dans ce cas, c'était un instituteur - était d'abord raisonnable et, si elle avait été raisonnable, si elle était modérée. Dans ce cas, il avait jugé qu'elle ne l'était pas et il y a accordé certains dommages.

M. Blank: ...une plainte de voies de fait, cela ne serait pas en défense? Si quelqu'un porte plainte de voies de fait simples ou graves contre un parent, un tuteur ou...

M. Bédard: C'est le même article que tantôt.

M. Blank: Oui, mais est-ce que cela ne va pas en défense?

M. Bédard: C'est au Code criminel. Là, on est au Code civil.

Si les corrections des parents devenaient déraisonnables, cela pourrait entraîner une déchéance de l'autorité parentale, éventuellement, si c'était assez grave.

M. Blank: Dans le Code criminel, pour un assaut simple, on n'a même pas besoin de toucher personne. Il suffit de faire une menace qu'on peut ne pas compléter. Cela est suffisant pour une condamnation de voies de fait simples. Mais, c'est...

M. Bédard: Si on s'entend bien sur l'esprit de base de la disposition, cela va.

Le Président (M. Lacoste): Mme la députée de L'Acadie, vous avez demandé la parole tantôt. Cela va?

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse.

Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 645 est adopté?

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Lacoste): L'article 645 est adopté. Article 646. Il y a un amendement pour remplacer l'article 646 par le suivant: "À l'égard des tiers de bonne foi, le père ou la mère qui accomplit seul un acte d'autorité à l'égard de l'enfant est présumé agir avec l'accord de l'autre." Est-ce que le nouvel article 646 est adopté?

M. Forget: On n'a pas changé le sens. On n'a fait qu'améliorer la rédaction?

M. Bédard: C'est cela. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Article 646, adopté. Article 647?

M. Bédard: Cet article 647 reprend substantiellement l'article 245d du Code civil et le complète pour tenir compte d'une demande conjointe des époux et du fait que ce n'est pas tant le juge qui tentera de concilier les époux, mais les services de conciliation auxquels il pourra les référer.

Le Président (M. Lacoste): Vous avez aussi un amendement, M. le ministre, à 647. Dans la deuxième ligne, remplacer les mots "le père ou la mère peut" par les suivants "les père et mère ou l'un d'eux peuvent".

M. Bédard: C'est cela.

Le Président (M. Lacoste): Dans la troisième ligne, remplacer les mots "tenté de concilier les" par les suivants: "favoriser la conciliation des". Est-ce que les amendements sont adoptés?

Une voix: Adopté.

M. Forget: M. le Président, l'amendement rend l'article assez lourd. Etant donné qu'on a dit à un endroit que les deux partagent l'autorité parentale, je me demande si on doit rédiger tous les articles de la même façon.

M. Bédard: Cela me semble nécessaire parce qu'on est dans le cas d'un différend entre les deux qui solidairement exercent cette autorité parentale. C'est une modification à caractère un peu procédural, cela voulait indiquer le fait que les père et mère peuvent saisir le tribunal d'une manière conjointe, par une demande qui est conjointe, et aussi indiquer le recours aux services auxiliaires qui pourraient être institués auprès du tribunal pour favoriser la conciliation.

Mme Lavoie-Roux: On l'avait mis ailleurs.

M. Bédard: On l'a fait è trois ou quatre endroits jusqu'ici. On l'a déjà fait.

Mme Lavoie-Roux: C'est ce que je dis.

M. Forget: Autrement, une requête conjointe serait rejetée par le tribunal?

M. Bédard: Pas nécessairement si le Code de procédure civile l'indiquait clairement, mais il y aurait quand même un certain hiatus entre les deux codes à ce moment-là.

M. Forget: Bon. Pas d'objection.

Le Président (M. Lacoste): Les amendements sont adoptés?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Les amendements sont adoptés. Est-ce que l'article 647 est adopté tel qu'amendé?

M. Forget: M. le Président, un instant. Le Président (M. Lacoste): D'accord.

M. Bédard: J'avais compris sur division, parce qu'il y a peut-être des explications supplémentaires qu'on peut donner.

M. Forget: Ce droit d'intervenir relativement à l'exercice de l'autorité parentale est réservé au père et à la mère séparément ou conjointement. On n'envisage pas d'autres circonstances. Par exemple, un tiers ne peut pas intervenir. Est-ce qu'un tiers peut intervenir en vertu d'autres articles ou d'un autre article? Est-ce que cet article permet de soumettre à l'autorité du tribunal l'exercice de l'autorité parentale? Est-ce que nous sommes en face du seul article qui permet de saisir le tribunal d'un problème relatif à l'exercice de l'autorité parentale?

M. Bédard: C'est le seul, oui. C'est le seul en cas de différend entre les deux détenteurs de l'autorité parentale.

M. Forget: Est-ce que le protecteur de la jeunesse ne pourrait pas dans certains cas - j'ai des exemples à l'esprit - intervenir auprès du tribunal même dans les cas où il ne demande pas la déchéance de l'autorité parentale? Est-ce que le seul remède du directeur de la protection de la jeunesse, c'est la déchéance de l'autorité parentale ou est-ce qu'il ne pourrait pas dans certains cas, sans aller jusque-là, obtenir une révision de l'exercice? Un des exemples que j'ai à l'esprit, c'est le consentement à l'adoption. Si le consentement à l'adoption est refusé de manière abusive, est-ce que le directeur de la protection de la jeunesse a comme seul remède de faire prononcer la déchéance de l'autorité parentale ou est-ce qu'il pourrait demander, relativement à cette décision qui est la dernière, au tribunal de substituer sa décision à celle du parent? (18 heures)

M. Bédard: Cela ne semblerait pas être le cas, tel que libellé, à moins qu'on n'élargisse.

Le Président (M. Lacoste): D'une façon ou d'une autre, M. le ministre...

M. Bédard: Pourrait-on le suspendre?

Le Président (M. Lacoste): Vous le suspendez. Donc, l'article 647 est suspendu. Il est exactement 18 heures, nous suspendons les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise de la séance à 20 h 20)

Le Président (M. Laberge): Mesdames et messieurs, la commission parlementaire de la justice reprend ses travaux concernant le projet de loi no 89. Les membres de la commission pour ce soir, évidemment, sont les mêmes que ceux de cet après-midi, ils ont déjà été mentionnés.

À la suspension, nous en étions à l'étude de l'article 647 pour lequel deux amendements ont déjà été adoptés. Est-ce que l'article 647 amendé sera adopté?

M. Forget: Un instant, M. le Président. M. Bédard: Une seconde.

Mme Lavoie-Roux: Un instant, il me semblait qu'il était suspendu.

M. Forget: II était suspendu, me semble-t-il.

Le Président (M. Laberge): C'est possible, oui. J'appelle donc l'article 648.

M. Bédard: C'est le principe...

Le Président (M. Laberge): À l'article 648, on a porté à mon attention deux amendements. Ajouter, après le mot "prononcer", dans la deuxième ligne de l'article, l'expression suivante: "à la demande de tout intéressé". Est-ce que cet amendement sera adopté?

M. Bédard: Je n'ai pas de remarque spéciale à faire. C'est le principe...

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'amendement est adopté. Le deuxième amendement suggéré est le suivant: Remplacer, dans la troisième ligne de l'article, l'expression "du père ou de la mère ou des deux" par celle-ci: "des père et mère, de l'un d'eux ou du tiers à qui elle aurait été attribuée". Est-ce que cet amendement sera adopté?

M. Forget: Cela va. M. Bédard: Oui.

M. Forget: M. le Président, on va adopter l'amendement.

Le Président (M. Laberge): L'amendement est adopté. Donc, retour sur l'article 648 amendé. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: On dit ici "pour un motif grave". Est-ce qu'on a une indication quelconque ailleurs? Il me semble que, dans le chapitre de l'adoption, nous avions... Non, c'est à la déclaration d'adoptabilité où il y a une énumération de motifs. Ici, dans la déchéance de l'autorité parentale, il n'y a pas d'énumération de motifs.

M. Bédard: Comme dans le Code civil où il n'y en a pas non plus. Ce sont les tribunaux qui, à un moment donné... Une seconde. Dans le Code civil: "Le tribunal peut sur requête, pour motif grave et dans l'intérêt de l'enfant..."

M. Forget: Je vois. Dans la recommandation 360 de l'Office de révision du Code civil, on prévoit que le ministre de la Justice peut intervenir. Est-ce que je dois comprendre, par l'inscription "tout intéressé", que le ministre de la Justice est couvert...

M. Bédard: II peut être un de ceux-là. M. Forget: ... par cette expression? M. Bédard: C'est cela.

M. Forget: L'enfant lui-même, bien sûr, et toute autre personne?

M. Bédard: C'est cela.

M. Forget: Le deuxième alinéa de la recommandation 360 de l'Office de révision du Code civil se retrouvera, j'imagine... Il indique qu'elle doit être signifiée au père et à la mère. Cela se retrouvera au Code de procédure civile.

M. Bédard: C'est exact.

M. Forget: II va y avoir tout un travail de concordance.

M. Bédard: II est déjà commencé.

M. Forget: Et je présume de ces réponses que, dans l'esprit du ministère de la Justice, tout cela devra venir en application en même temps, je suppose. Les modifications au Code de procédure viendront en même temps que la promulgation du nouveau Code civil.

M. Bédard: II y a des articles qui ont besoin nécessairement d'une concordance. On ne peut faire autrement que d'attendre que ces concordances soient effectives. Seul, on n'en a pas besoin et ce n'est pas l'ensemble

de tous les articles qui peuvent être mis en vigueur.

M. Forget: C'est dire que les articles pourraient être mis en application sélectivement?

M. Bédard: Par rapport à l'autorité parentale, il faut peut-être dire que le rapport de l'office que nous avons là, c'est sur la base de ce rapport de l'office qu'en 1977 le Code civil a été modifié de sorte que c'est déjà en application pour cette partie.

Il y a peut-être des précisions additionnelles qu'il faut apporter, mais les amendements de 1977 s'appuyaient justement sur le rapport de l'office qui arrive après que...

M. Forget: Ce qui ne veut pas dire pour autant que le Code de procédure civile, par exemple, dans ce cas que j'ai soulevé, a été modifié.

M. Bédard: II faudra faire la concordance, la modification.

Cela va pour l'article 648?

Le Président (M. Laberge): Cela va pour 648?

M. Forget: Cela va.

Le Président (M. Laberge): L'article 648 est adopté avec amendement. J'appelle l'article 649. On nous demande, à l'article 649, de remplacer l'article au complet par le suivant: "Le tribunal peut, au moment où il prononce la déchéance, désigner la personne qui exercera l'autorité parentale, ou décider de prendre l'avis du conseil de famille avant de procéder à cette désignation, ou, si l'intérêt de l'enfant l'exige, à la nomination d'un tuteur."

M. Bédard: Le remplacement de l'article 649 est proposé pour deux raisons. D'une part, l'article 649 est pris partiellement en charge par un amendement apporté à l'article 648 établissant que la demande de déchéance peut être présentée par tout intéressé. Quant à la signification elle est reportée au Code de procédure civile où elle y trouve plus normalement sa place. D'autre part, ni le Code civil du Bas-Canada, ni la Loi sur la protection de la jeunesse, ni le projet de loi ne prévoyaient expressément la désignation du titulaire de l'autorité parentale dans le cas de déchéance des deux parents ou d'un tiers. Pourtant le tribunal procédera généralement à cette désignation au moment où il prononcera la déchéance, mais il peut aussi juger important de prendre l'avis du conseil de famille, soit en vue de la désignation du nouveau titulaire de l'autorité parentale, soit en vue de la nomination d'un tuteur, compte tenu de l'intérêt de l'enfant.

Le nouvel article complète l'article 72 sur la Loi sur la protection de la jeunesse qui attribue d'office la tutelle au directeur de la protection de la jeunesse, en l'absence d'un autre tuteur, mais ne lui attribue pas nécessairement l'autorité parentale.

Le Président (M. Laberge): Etes-vous certain que la rédaction est conforme? Il me semble que après "ou, si l'intérêt" il y a quelque chose qui manque avant "la nomination d'un tuteur".

M. Bédard: Avant de procéder à cette désignation ou à la nomination d'un tuteur, si on enlève notre incidente...

Le Président (M. Laberge): Bon, parfait.

M. Bédard: C'est procéder à cette désignation ou procéder à la nomination d'un tuteur.

Le Président (M. Laberge): Alors, les deux se rapportent à "procéder".

M. Bédard: Les deux se rapportent à "procéder".

Le Président (M. Laberge): Parfait. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: II y a l'expression "conseil de famille". Est-ce que, dans le nouveau Code civil, cette expression sera définie?

M. Bédard: Dans l'état du droit actuel, ça veut dire quelque chose que tout le monde sait le conseil de famille; dans la réforme proposée du livre premier, cette expression "conseil de famille" comme telle disparaît, enfin toute l'institution du conseil de famille disparaît.

M. Forget: C'est l'impression que j'avais que l'expression disparaissait.

M. Bédard: Si la proposition de l'office était retenue, il faudrait revenir faire des amendements de concordance, si vous voulez, dans le projet de la famille. Mais comme il faut fonctionner, il faut rendre ça opérationnel dans le système actuel, il nous faut vraiment procéder plus conformément en disant: Après avoir pris l'avis du conseil de famille.

M. Forget: Je vois.

M. Bédard: C'est un peu provisoirement.

M. Forget: C'est provisoirement, d'accord, ça clarifie ce point.

Le Président (M. Laberge): L'article 649 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté.

M. Forget: Tel que modifié.

Le Président (M. Laberge): Oui, nouvel article 649 adopté. J'appelle 650.

M. Bédard: L'article reprend essentiellement le deuxième alinéa de l'article 245 du Code civil qui dit, textuellement: "... s'étend à tous les enfants mineurs déjà nés au moment du jugement, à moins que le tribunal n'en décide autrement."

Le Président (M. Laberge): L'article 650 sera-t-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 650 est adopté. J'appelle l'article 651. (20 h 30)

M. Bédard: Cet article reprend, en l'assouplissant, le premier alinéa de l'article 245f du Code civil. En effet, l'article ne distingue pas entre les diverses situations qui peuvent entraîner la déchéance de l'autorité parentale. Pourtant, les unes peuvent tenir à l'incapacité mentale, par exemple, et les autres à des actes criminels, sans compter que l'obligation alimentaire n'a pas son fondement dans l'autorité parentale. C'est pourquoi l'article 651 laisse à la discrétion du tribunal, sur la base de circonstances exceptionnelles, la décision en cette matière.

Le Président (M. Laberge): L'article 651 sera-t-il adopté? M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'aimerais être bien sûr que je comprends l'explication qui nous a été donnée. On nous dit, si je comprends bien que certains parents peuvent se voir retirer leur autorité parentale, par exemple, parce qu'ils sont des malades psychiatriques...

M. Bédard: Ils n'ont pas la capacité mentale ou encore...

M. Forget: ... qui n'ont pas la capacité, mais, dans ces circonstances, rien n'empêche qu'ils conservent leur créance alimentaire vis-à-vis de leurs enfants. Est-ce qu'on a cité un autre cas aussi?

M. Bédard: Lorsque les parents sont coupables d'actes criminels, des gens qui sont condamnés pour très longtemps, par exemple.

M. Forget: Est-ce que cela entraînerait la déchéance de l'autorité parentale? Si les crimes sont faits vis-à-vis des enfants, je pense qu'à ce moment-là...

M. Bédard: Oui, des motifs graves.

M. Forget: ... ça entraînerait non seulement la déchéance de l'autorité parentale, mais que ça pourrait aussi justifier le retrait de l'obligation alimentaire. Mais si les crimes sont commis vis-à-vis de tiers, est-ce qu'il n'y a pas quelque chose d'un peu odieux d'imposer une double pénalité dans le fond?

M. Bédard: C'est peut-être pour ça que l'article, somme toute, dit "...si des circonstances exceptionnelles le justifient...", de façon que ce ne soit pas automatique. Il faudrait peut-être un examen un peu nuancé.

Je ne prendrai pas de nom, mais disons que quelqu'un n'a pas tué un de ses enfants mais a tué peut-être deux ou trois jeunes, ce n'est peut-être pas l'homme indiqué, ce n'est peut-être pas si odieux que ça de penser qu'il n'est pas capable d'exercer l'autorité parentale avec sécurité pour l'enfant. Ce sont des cas extrêmes, avec discrétion...

M. Forget: D'accord, on peut voir que la souplesse introduite est souhaitable. Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): L'article 651 est adopté. J'appelle l'article 652.

M. Bédard: Cet article donne au tribunal le pouvoir de rétablir le parent dans ses droits si ce dernier se montre capable de les exercer dans l'intérêt de l'enfant. Il est toutefois évident que si le processus d'adoption est engagé par une ordonnance de placement, il n'est plus question de rétablir le parent d'origine dans ses droits.

La possibilité de rétablir quelqu'un dans ses droits n'était pas prévue auparavant, afin qu'il puisse recouvrer son autorité parentale.

M. Forget: M. le Président, avant d'adopter cet article, je remarque qu'il y a un article, au moins, dans les recommandations de l'Office de révision du Code civil, qui est omis. Je pense en particulier au paragraphe 358 du rapport de l'office. Je le mentionne particulièrement parce que le Barreau a suggéré de l'inscrire dans le Code civil. C'est celui où l'on dit que "le père et la mère ne peuvent sans motifs graves faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents". Que ce soit cette disposition ou d'autres s'il en est, j'apprécierais que le ministre nous explique pourquoi certaines de ces recommandations de l'office n'ont pas été retenues.

M. Bédard: Le raisonnement qui a été fait est le suivant: si les parents s'entendent pour que les enfants aient des relations avec leurs grands-parents, il n'y a pas de

problème qui se pose. S'ils ne s'entendent pas, qui doit l'emporter?

M. Forget: Non, mais c'est le cas où les deux s'entendent pour bloquer ces relations. L'office prévoyait d'éliminer ces pouvoirs.

M. Bédard: Si on regarde cela sur un plan concret, cela paraît souhaitable, évidemment, que les petits-enfants aient des relations avec les grands-parents. Je pense que cela va de soi, sauf que s'il y a des circonstances particulières où les parents empêchent leurs enfants de rencontrer leurs grands-parents, je ne sais pas comment le tribunal va régler ce problème. Il peut bien accepter de donner aux grands-parents le droit de voir leurs petits-enfants, mais il y a des relations qui sont en train d'être sérieusement perturbées entre les enfants, les parents et les grands-parents. Je ne sais pas si c'est un jugement du tribunal qui va rétablir une situation qui, somme toute, échappe au droit pour l'essentiel.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne sais pas si c'est formulé tel quel par le Barreau, mais c'est certainement une recommandation sur laquelle cela vaudrait la peine, je pense, de se pencher davantage. Je vois que le tribunal, dans un cas de dispute sur le choix de l'école - c'est l'exemple qu'on nous a apporté cet après-midi pouvait trancher. On a parlé de l'école religieuse, etc. Il peut arriver aussi que les père et mère ne s'entendent pas - ou quand il y a un nouveau parent dans le tableau - et que, souvent, des relations avec les grands-parents soient nuisibles aux enfants, comme elles peuvent aussi être extrêmement positives et peut-être le lien le plus permanent qu'ils aient connu. On a vu, des situations abusives où, pour un cas, peut-être un motif conscient ou inconscient, le parent qui a pris un nouveau conjoint ne voudra pas que ses enfants continuent d'entretenir des relations avec les grands-parents de l'ancien conjoint. Je pense que cela peut être au détriment des enfants. Je me dis: Formulez-le comme vous voudrez, mais il me semble qu'il faut au moins laisser une porte ouverte pour que ce ne soit pas laissé simplement à la discrétion de parents qui, parfois, peuvent agir pour des motifs qui sont au détriment de l'enfant.

M. Bédard: II n'y a pas de relation de droit avec les grands-parents, si ce n'est des droits alimentaires jusqu'à maintenant.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais s'il y a des droits alimentaires, les grands-parents pourraient être tenus responsables d'alimenter leurs petits-enfants. N'a-t-on pas vu cela il y a quelque temps? Je trouve que de la même façon, à l'inverse, on doit adopter d'autres...

M. Bédard: Oui, mais vous voudriez quoi? Quand les parents sont d'accord, on le sait, cela ne pose pas de problème, mais...

Mme Lavoie-Roux: Non, cela ne pose pas de problème.

M. Bédard: ...quand les deux parents ne sont pas d'accord pour une telle visite, par exemple, le genre de relations X avec les grands-parents, quelle autorité doit trancher?

Mme Lavoie-Roux: II faudrait qu'ils fassent valoir un motif raisonnable.

M. Bédard: Vous voudriez que ce soit le tribunal qui puisse être appelé à trancher une telle situation?

M. Forget: M. le Président, si on me permet peut-être moins de répondre que d'essayer de situer la nature de notre interrogation dans un contexte, je comprends. Le ministre l'a dit au début de l'étude de ce chapitre sur l'autorité parentale qu'on est amené à redéfinir la famille sur la base de la famille nucléaire, c'est-à-dire le père, la mère et les enfants. C'est sans aucun doute une réalité sociale quoiqu'elle ne soit, comme toute réalité, jamais absolue. Il faut dire que la famille elle-même ne fonctionne pas dans un vide non plus. Elle est entourée d'une société plus large. La Loi sur la protection de la jeunesse prévoit d'intervenir dans les relations entre les parents et les enfants quand il en va de l'intérêt de l'enfant. Est-ce qu'on doit nécessairement placer le problème dans le dilemme où la famille, le parent intervient et s'acquitte de ses responsabilités de manière impeccable, sinon on va nécessairement au palier social, si l'on veut, au palier de l'ensemble de la société et, à ce moment-là, c'est le directeur de la protection de la jeunesse qui intervient? Il me semble que la préoccupation de ma collègue de L'Acadie, c'est que, bien sûr, c'est une réalité, la famille nucléaire, mais la plupart des familles s'étendent un peu plus que cela, malgré tout. On le reconnaît, d'ailleurs, en confirmant l'existence d'une obligation alimentaire en ligne directe, indéfiniment. En pratique, bien sûr, au deuxième degré, dans un sens comme dans l'autre, il n'y a pas beaucoup de possibilités biologiques de faire autre chose.

On reconnaît donc que les grands-parents sont là. Est-ce qu'il est raisonnable de dire que les grands-parents ont une obligation et une créance alimentaire, mais rien d'autre? Je pense que la réponse à cela devrait être non. Si on pense qu'il ne devrait y avoir aucune autre relation que l'obligation alimentaire, je pense qu'il faudrait faire

tomber l'obligation alimentaire parce que dans le fond, l'obligation alimentaire est le symbole d'un lien réel. On nie l'existence du lien réel dans toutes les autres circonstances, même quand l'intérêt de l'enfant est en jeu, quand on dit: Si l'intérêt de l'enfant est en jeu à ce point, c'est le directeur de la protection de la jeunesse qui va intervenir. Non, ce n'est pas tout à fait cela. On n'en est pas tout à fait au cas de l'enfant battu ou maltraité. On est dans une situation qui est en deçà de l'enfant battu et maltraité, mais malgré tout, ou est dans un contexte où les parents, ou un des parents, se laissent emporter par des considérations plutôt égoïstes, des conflits non résolus entre générations, qui font qu'ils disent: Si c'est comme cela, mes parents ne verront pas leurs petits-enfants. Point. Je pense qu'à ce moment-là un tribunal pourrait s'insérer. Évidemment, il y a une question de le faire avec mesure, une question de le faire pour des raisons sérieuses. Mais on peut se poser la question: Est-ce qu'on ne devrait pas leur reconnaître l'ouverture plus explicitement?

M. Bédard: Je pense qu'on est d'accord sur le fond. Il n'y a aucun doute là-dedans.

M. Forget: L'Office de révision avait, d'ailleurs, formulé un début, plus qu'un début, une recommandation à cet effet qui pourrait être améliorée.

M. Bédard: Mais il faut se poser des questions. Cela va être quoi, l'ordre du tribunal? Je l'ai sous les yeux, l'amendement fait par le Barreau. Si ce n'était que cela, je serais prêt à l'inclure tout de suite. Il faut aller un peu plus loin que cela. Qu'est-ce qui va être décidé par le tribunal? Est-ce une injonction qui va être émise pour que les enfants puissent voir...

M. Forget: Comme on prévoit les droits de visite ou de correspondance, par exemple. C'est comme une ordonnance. Cela a un peu l'allure d'une injonction. Je pense bien que cela n'irait pas jusqu'au mépris de cour et à l'emprisonnement. Mais il reste que ce n'est pas la seule disposition dans le chapitre de la famille où on indique le droit sans nécessairement se préoccuper de savoir si on peut emprisonner les gens s'ils y échappent.

Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, est-ce que le tribunal, dans le moment, en certaines occasions, ne statue pas, par exemple, que les petits-enfants ne doivent pas voir les grands-parents? Il y a des cas qui ont été portés à mon attention où on défend aux grands-parents, pour des raisons qui peuvent être fort valables, je n'en discute pas, de voir leurs petits-enfants. Il doit y avoir quelqu'un quelque part qui statue là-dessus. Je ne sais pas si c'est le tribunal ou le directeur de la protection de la jeunesse, ou un autre.

M. Bédard: C'est en vertu de la Loi sur le divorce actuelle. Le juge dispose de pouvoirs extrêmement importants sur les modalités du droit de visite. Il peut donc mettre des restrictions diverses au droit de visite. C'est en vertu de la Loi sur le divorce fédérale. Je pense que le tribunal a de très larges pouvoirs qui peuvent aller jusqu'à dire: La femme, par exemple, aura droit de visite ou l'homme, selon le cas. Néanmoins, elle ne pourra pas permettre à l'enfant de voir telle ou telle personne. La Loi sur le divorce est ainsi faite. Elle est très large. Ce n'est pas en vertu du Code civil.

On est d'accord sur le fond. On verra ce que cela donnera en termes de décision de tribunal et tout cela. Mais je pense que l'idée est bonne et la formulation me semble correcte. Alors, ajoutons-le. Ce serait l'article 653. C'est le dernier. (20 h 45)

M. Forget: M. le Président, dans la même veine de choses qui sont différentes, j'aimerais souligner que...

M. Bédard: Est-ce qu'on pourrait l'adopter? Cela va?

M. Forget: Ah, bien oui, si vous êtes prêt à l'adopter tout de suite. D'accord.

M. Bédard: II n'y a pas de problème.

Mme Lavoie-Roux: Vous ne gardez pas le troisième paragraphe de la révision du Code civil? Juste les deux premiers?

M. Bédard: ...signaler que la disposition de l'office était entièrement reproduite de la loi française de 1970 et que le troisième paragraphe va peut-être trop loin.

M. Forget: Peut-être, oui. C'est ce que suggérait la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: ...parce qu'à ce moment-là...

Le Président (M. Lacoste): Est-ce qu'on va adopter l'article 653 avant l'article 652?

M. Bédard: L'article 653.

M. Forget: M. le Président, j'aimerais soulever les autres éléments du rapport de l'Office du Code civil qui sont omis. Je suis bien prêt à adopter les autres, pourvu que le ministre n'ait pas d'objection à ce qu'on discute pendant un certain temps de ces autres éléments, parce qu'il y en a quatre ou cinq qui sont soulevés et qui ne sont pas repris.

Le Président (M. Lacoste): Ici, on va commencer, si vous voulez, par formuler un article qui portera le numéro 653 et qui se lit comme suit: "Les père et mère ne peuvent pas, sans motif grave, faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses grand-parents." Paragraphe. "À défaut d'accord entre les parties, les modalités de ces relations sont réglées par le tribunal". Est-ce que cet article 653 sera adopté?

M. Bédard: C'est "ne peuvent".

Le Président (M. Lacoste): "ne peuvent". D'accord, "ne peuvent, sans motif grave". Alors, le "pas" est enlevé. Est-ce gue cet article 653 nouveau sera adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Lacoste): Adopté. Je reviens donc à l'article 652. Est-ce que l'article 652 sera adopté?

M. Forget: Sous la réserve que j'indiquais.

Le Président (M. Lacoste): Sous les réserves que vous avez indiquées.

M. Forget: D'accord, adopté.

Le Président (M. Lacoste): Article 652, adopté. Quant aux autres articles en suspens, on y reviendra plus tard.

M. Forget: J'aimerais y revenir tout de suite, si c'était possible.

M. Bédard: En suspens, si je me comprends bien, il y a un article. Je pensais que c'était un en suspens.

M. Forget: Je veux dire que ce à quoi le président se référait comme des articles en suspens, ce sont les recommandations de même nature qui ont été faites par la Commission de révision du Code civil et qui ne sont pas reprises dans le projet de loi no 89. Je pense que nous arrivons à un ensemble d'articles ou de recommandations de l'Office de révision du Code civil qui sont une bonne illustration de l'idée qu'on a débattue précédemment ici, quant à l'inscription au Code civil, comme principe général, du plus grand nombre de dispositions conciliables avec le Code civil et qui se retrouvent actuellement dans le droit statutaire. C'est évidemment l'opération à laquelle nous nous sommes livrés vendredi soir relativement à l'adoption. À ce moment-là, j'ai souligné que j'étais absolument favorable à l'idée de faire du Code civil un code qui soit complet par lui-même, dans toute la mesure du possible. Voici qu'aux recommandations 359, 365, 367, 368, 369 et 370 de l'Office de révision du Code civil nous avons une série d'énoncés de droit qui sont inspirés directement sur la Loi sur la protection de la jeunesse. La question qui se pose est la suivante: Dans quelle mesure le ministre ne croit-il pas qu'il soit souhaitable, justement dans le chapitre qui traite dans le Code civil de l'autorité parentale, d'insérer ces dispositions substantives de la loi? Il y a beaucoup de dispositions de procédure dans la Loi sur la protection de la jeunesse, toute la partie sur le recours judiciaire, il y a des dispositions semi-administratives, la description des mesures provisoires, des mesures volontaires, etc., qui essentiellement s'adressent à des établissements de services sociaux. Tout le chapitre sur les droits de l'enfant qui est le premier chapitre de la loi, tout le chapitre qui énonce les occasions d'enclenchement du processus de la protection de la jeunesse, auquel j'ai eu l'occasion de fait référence quand nous avons débattu l'article 641, sont tout à fait de la nature des dispositions qui sont intégrables dans leur esprit et même dans leur libellé le plus souvent presque sans changement dans le corps du Code civil. C'est d'ailleurs ce que l'Office de révision du Code civil suggérait par ces articles, le langage d'ailleurs est copié mot pour mot dans certains cas de la Loi sur la protection de la jeunesse. Évidemment, on peut me dire: Cela existe déjà. C'est vrai. Cela existe dans la Loi sur la protection de la jeunesse...

M. Bédard: C'est probablement ce que je vais vous dire.

M. Forget: Oui. Encore une fois, le but n'est pas tellement de savoir si cela existe ou si cela n'existe pas, mais dans quelle mesure le Code civil ne devrait pas être un droit complet. On pourrait même imaginer d'intégrer dans le chapitre du droit relatif à la famille la Loi sur la protection de la jeunesse de la même façon qu'on a intégré l'adoption, sauf les dispositions de procédure qui pourraient aller dans le Code de procédure civile. Je n'y verrais certainement aucun inconvénient et ce serait certainement plus complet parce qu'il faut bien dire, et cela m'a frappé quand on a regardé l'article 641, mais c'est vrai pour autre chose aussi, que, malgré le désir de renouveler le Code civil dans le titre cinquième sur l'autorité parentale, il reste que presque toutes ces dispositions, sauf le fait d'avoir étendu aux deux conjoints l'autorité parentale, sont une transposition des dispositions qu'on peut déjà retrouver dans le Code civil à peu de chose près. Il n'y aurait que l'intégration de la Loi sur la protection de la jeunesse qui constituerait une véritable rénovation de toute cette partie du droit.

M. Bédard: Vous avez pas mal deviné

ma réponse. En ce qui a trait à 67, 68 et 69 c'est presque repris textuellement dans la Loi sur la protection de la jeunesse. Concernant la déchéance, on l'a repris dans 648. À partir du moment où il y avait la Loi sur la protection de la jeunesse avec l'ampleur que nous lui connaissons, on n'a pas cru bon de reprendre cela au niveau du Code civil.

M. Forget: Je pense qu'au niveau du principe on s'entendait la semaine dernière du moins à l'effet, que si on faisait un nouveau Code civil, il fallait autant que possible qu'il soit complet par lui-même.

M. Bédard: Avec des exceptions.

M. Forget: Oui, mais cela en est une grosse.

M. Bédard: Comme cet après-midi, on s'est entendu qu'il faut référer le moins possible à des lois statutaires. Il arrive que dans certains cas, on l'a vu dans le chapitre concernant les aliments, il est préférable d'y référer.

Il faudrait peut-être indiquer le rapport de l'office pour les articles - surtout 367, 368 et 369 qui ne sont pas repris dans le projet de loi 89 - qui apparaissent souvent sous une forme assez semblable, en tout cas, dans la Loi sur la protection de la jeunesse. Cette loi a été sanctionnée le 19 décembre 1977; donc, elle est venue après que les dispositions de l'Office de révision du Code civil aient été rendues publiques par la voie des rapports préliminaires. Elle a certainement servi d'inspiration, pour ne pas dire davantage, à la préparation de certaines des dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse.

M. Forget: C'est plutôt l'inverse, à mon avis, parce que ces textes sont trop semblables à ce qui était contenu dans les projets qui circulaient bien avant que la loi ne soit adoptée.

M. Bédard: Oui, c'est ce que je dis; peut-être qu'on s'est mal compris. J'ai dit que l'office les a faits avant.

M. Forget: Non, l'office les a faits après. Même si la loi a été adoptée en 1977, ces textes existaient bien avant qu'ils ne soient adoptés. Je sais de façon certaine que l'office s'est inspiré de textes, d'avant-projets de textes de la Loi sur la protection de la jeunesse plutôt que l'inverse.

M. Bédard: Ma deuxième observation est...

Une voix: Cela, c'est de la petite histoire.

M. Bédard: Oui, c'est peut-être de la petite histoire.

M. Forget: C'est de la petite histoire, si vous voulez.

M. Bédard: C'est une intégration bien partielle de la Loi sur la protection de la jeunesse, deux ou trois articles. C'est peut-être un examen à faire, mais c'est un gros examen. Seulement, ces trois articles, je ne suis pas certain si cela prend soin de tout ce qui devrait être intégré souhaitablement, disons, dans le projet de Code civil. Est-ce que, dans la Loi sur la protection de la jeunesse, il y a ces trois articles seulement? C'est peut-être davantage, il faudrait peut-être élaborer un plan d'intégration plus poussé de ces articles. Je vous dis que tout cela est assez récent.

Mme Lavoie-Roux: Les articles ont trait aux relations parentales. Il y a un tas d'articles, dans la Loi sur la protection de la jeunesse, qui touchent le développement...

M. Bédard: On inscrit les grands principes généraux.

Mme Lavoie-Roux: ... physique, émotif et toutes les mesures qui doivent être mises à la disposition des enfants qui ont droit à ceci et à cela, mais ces trois articles sont davantage reliés, je pense, aux relations parentales que bien d'autres articles de la loi 24.

M. Bédard: Oui, mais il y a des principes de la loi 24 que vous allez retrouver. Par exemple, un peu plus loin, en tournant la page, dans les dispositions relatives aux enfants, on dit: "L'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits doivent être les motifs déterminants des décisions prises à son sujet."

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Forget: C'est justement un exemple d'intégration du premier chapitre de la Loi sur la protection de la jeunesse dans le Code civil. Ce qui est un peu étonnant, c'est qu'on en intègre des bouts et on n'intègre pas le reste. Il me semble, qu'on aurait pu s'attendre à ce que l'intégration soit aussi complète qu'elle l'a été au chapitre de l'adoption.

M. Bédard: Oui, mais on s'en tient quand même aux grands principes, ils y sont. On ne va pas dans le détail, en termes d'intégration, je suis bien d'accord, mais il me semble que cela aurait été quand même assez...

Mais l'office non plus n'est pas allé très loin dans son rapport pour ce qui est de

l'intégration de la Loi sur la protection de la jeunesse.

M. Forget: II est évident que sur ce point le ministre et nous mêmes ne voyons pas les choses, tout à fait du même oeil. Une révision du Code civil, qui est censée être une révision d'ensemble et une occasion, justement, d'éviter l'espèce d'émiettement ou d'érosion graduelle du Code civil comme pierre d'assise de notre droit privé dans un très grand nombre de secteurs, devrait nous donner l'occasion de faire ces intégrations. Le ministre le fait parfois, il ne le fait pas à d'autres moments. Je ne sais pas si cela dépend de la date de l'adoption des lois. Finalement, j'ai un peu l'impression, malgré tout, que c'est de cela que ça dépend. Je pense que c'est malheureux, mais je n'ai pas l'intention de m'attarder davantage que pour souligner ce fait qu'il y a ici une inconséquence dans la façon dont on rédige le projet d'un nouveau Code civil.

Il y a également d'autres points que j'aimerais souligner, qui ne sont pas repris et qui ont une certaine importance. Ces points ne sont pas des points qu'on retrouve dans la Loi sur la protection de la jeunesse, ils sont propres aux recommandations de l'Office de révision du Code civil. Par exemple, l'Office de révision du Code civil envisage un retrait partiel de l'autorité parentale, de certains attributs soit à l'égard des attributs de l'autorité parentale, soit à l'égard des enfants auxquels ils s'appliquent. On vient d'adopter un article qui prévoit que tous les enfants sont visés par le jugement en déchéance, c'est l'article 650. L'office prévoyait la déchéance à l'égard d'un enfant ou à l'égard de certains attributs, ce sont les articles 359, quant à certains attributs, 364, relativement à d'autres attributs, ainsi que 363 qui est pertinent. (21 heures)

Alors, cette notion de retrait partiel a été écartée, c'est du tout ou rien. Une famille a trois enfants, le jugement, à moins que le tribunal n'en décide autrement, vise tous les enfants, mais, ça, c'est pour ce qui est de la couverture quant au nombre d'enfants. Quant aux attributs, là, c'est vraiment du tout ou rien, la loi ne prévoit pas que le jugement peut être sélectif.

M. Bédard: Peut-être, à 648. "Le tribunal peut, pour un motif grave et dans l'intérêt de l'enfant, prononcer la déchéance totale ou partielle de l'autorité parentale à l'égard du père ou de la mère."

M. Forget: Oui, vous avez raison, mais je ne sais pas si c'est une expression plus heureuse, parce que la déchéance partielle peut viser bien des choses: ça peut être pour un temps ou pour certains attributs, ou les deux sont visés.

M. Bédard: Je vous ferai remarquer que c'est ce qui avait été adopté en 1977.

M. Forget: Oui, mais on n'est pas lié plus par l'article, vous savez.

M. Bédard: Non, d'ailleurs c'est pour ça qu'on reprend et qu'on fait des corrections à l'autorité parentale, on y a même ajouté des dispositions qui manquaient.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on retrouve l'article 365 de l'Office de révision du Code civil quelque part?

M. Bédard: En ce qui a trait à l'article 365, il nous apparaissait évident que l'enfant ne peut pas perdre ses droits alimentaires à l'égard de son père et de sa mère du seul fait que les parents font l'objet d'une déchéance de l'autorité parentale. Le droit aux aliments n'est pas fondé sur l'autorité parentale, il est fondé sur la filiation et cette déchéance ne change rien à la filiation, sauf que ça enlève aux parents le droit de l'exercer comme telle.

Donc, on ne voit pas comment les droits de l'enfant pourraient être menacés ou perdus de ce seul fait. C'est évident que ces droits sont conservés et même, pour ce qui est des parents déchus, il a fallu l'article pour dire qu'ils les perdaient. Si l'article n'était pas venu dire qu'ils peuvent perdre les droits alimentaires, je crois qu'ils ne les perdaient pas effectivement, ils les conservaient. Je crois que c'est un peu la raison de l'article qui dit qu'ils peuvent, si les circonstances le justifient ou dans certaines circonstances exceptionnelles, perdre les droits alimentaires même quand eux sont déchus. Mais, pour les enfants, nous sommes tout à fait d'accord avec cette proposition de l'office sur le fond, mais nous croyons que de ne pas l'énoncer n'enlève rien aux droits des enfants.

M. Forget: Un dernier point, M. le Président. Comme nous avons suspendu l'article 641, j'aimerais faire la suggestion au ministre que la réponse à notre interrogation se trouve peut-être à l'article 359 de l'Office de révision. Il semble qu'on ait, dans cet article 359, une indication des cas. Remarquez que c'est très limitatif, ce n'est pas nécessairement la définition la plus heureuse, mais c'est peut-être un début de réponse à l'interrogation que nous avons soulevée vis-à-vis de 641.

M. Bédard: Je m'excuse, mais je ne suis pas sûr de comprendre. C'est à la suite de 641...

M. Forget: À 641, que nous avons suspendu, j'avais soulevé...

M. Bédard: On avait convenu d'y ajouter...

M. Forget: Une référence... M. Bédard: ... une référence...

M. Forget: ... où la santé, la sécurité ou le développement de l'enfant est en danger.

M. Bédard: C'est ça. Ça répondrait à ... D'accord.

M. Forget: Mais l'article 359 est une indication qui va dans le même sens. L'article 367 aussi, mais là, ça nous fait entrer aussi dans toute la question de la protection de la jeunesse. Que le langage soit le même dans le Code civil et dans la Loi sur la protection de la jeunesse pour désigner le caractère des obligations, ce n'est pas mauvais. Même si le ministre n'a pas le désir de tout intégrer, qu'il y ait une concordance dans le langage, ça peut être une bonne chose.

M. Bédard: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Alors l'article reste ouvert pour le moment. Ce sont des réflexions...

M. Bédard: Oui, ça termine l'étude de ce chapitre.

Le Président (M. Laberge): Ayant terminé l'étude de ces chapitres concernant le nouveau Code civil, de l'article 1 de notre projet de loi nous passons à l'article 2.

M. Bédard: M. le Président, je pense que nous nous étions entendus qu'une fois ce dernier article adopté, nous en reviendrons au chapitre premier concernant la filiation qu'on me dit sans aucune difficulté. Après la filiation, on pourra continuer avec "dispositions relatives aux enfants". Jusqu'à l'article 51 ça ne pose aucun problème. À partir de l'article 51 ce sont des amendements qui font référence à la résidence familiale, à la séparation de corps, au divorce. Ce sont des concordances pour la plupart, mais il faudra adopter ces articles avant d'aller aux concordances. Mais on peut aller jusqu'à l'article 51.

M. Forget: II faudra avoir fini tout le reste.

M. Bédard: On pourrait faire la filiation et ensuite on fera les articles jusqu'à 51 concernant les intérêts de l'enfant.

De la filiation

Le Président (M. Laberge): Nous revenons donc au titre troisième de la filiation. Le chapitre premier concerne la filiation par le sang.

M. Bédard: Par le rang.

Le Président (M. Laberge): Par le sang, c'est bien ça? La section I parle des preuves de la filiation. La section II, des actions relatives à la filiation, et la section III, des effets. Donc, j'appelle d'abord l'article 569.

M. Bédard: Quelques commentaires, M. le Président. La réforme en matière de filiation vise à donner aux enfants les mêmes droits et les mêmes obligations, quelles que soient les circonstances de leur naissance. Pour atteindre cet objectif, le projet de loi propose d'étendre à tous les enfants la règle fondamentale de preuve de la filiation légitime que nous retrouvons aujourd'hui aux articles 228 et 229 du Code civil du Bas-Canada. C'est dire que la filiation de tout enfant, quelles que soient les circonstances de sa naissance, se prouvera donc par son acte de naissance et, à défaut de ce titre, par la possession constante d'état établi à partir d'une réunion de faits qui indique les rapports de filiation entre l'enfant et les personnes dont on le dit issu. Dans tous les cas où la filiation mentionnée à l'acte sera conforme à celle établie par les faits, la filiation de l'enfant sera à tous égards incontestable, à moins qu'il n'y ait eu désaveu ou contestation de paternité dans les délais prescrits. Aujourd'hui, la filiation est fondée principalement sur la légitimité, c'est-à-dire sur une présomption absolue que l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari. Or, le projet de loi, s'il conserve cette présomption de paternité liée au fait que l'enfant naît pendant le mariage, lui enlève néanmoins son caractère absolu. Cette présomption ne constituera désormais qu'un mode de preuve qui viendra, dans la majorité des cas, renforcer le titre de naissance ou la possession d'état conforme à ce titre, mais cela demeurera une preuve insuffisante pour détruire une filiation prouvée par un titre ou une possession d'état conforme au titre.

En regard des règles de la légitimité qui existent actuellement, seul le père peut avoir intérêt à contester sa paternité, ce qu'il doit faire alors dans un court délai. Or, dans le contexte proposé, il a paru important, dans l'intérêt de l'enfant, d'ouvrir les recours possibles en contestation ou en réclamation d'état et que la filiation véritable de l'enfant puisse être établie. C'est pourquoi le projet de loi propose que la mère puisse, dans l'année qui suit la naissance de l'enfant, contester la paternité du père présumé.

Le projet de loi rompt, à l'instar

d'autres pays dont la France, avec la tradition d'imprescriptibilité des actions d'État en en fixant le délai à 30 ans. Ce qui ajoute au temps que dure la minorité où la prescription ne court pas a paru nettement satisfaisant pour préserver les droits des uns et des autres sans remettre tout en question 100 ans après la naissance de l'enfant. Ce sont quelques remarques.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ...ce qui saute aux yeux dans ce chapitre c'est, comme le ministre l'a indiqué, le désir, auquel nous souscrivons, bien sûr, avec enthousiasme, de supprimer toute espèce de distinction entre les enfants quant à ce qui est des circonstances entourant leur naissance. Je dois dire que c'est une chose qui s'impose depuis longtemps, qui a été tentée, mais imparfaitement, dans les révisions antérieures du Code civil un peu peut-être parce que, justement, il s'agissait de réformes partielles et aussi parce que ces tentatives se faisaient en privilégiant l'état d'enfants légitimes, en faisant en sorte que tout le monde était réputé être un enfant légitime, quelles que soient les circonstances qui parfois contredisaient nettement cette prétention. Dans le nouveau code, c'est la notion d'enfant légitime lui-même, en quelque sorte, qui est mise de côté ou du moins sur laquelle on insiste moins. Je pense qu'il est souhaitable d'agir ainsi puisqu'on obtient dans l'ensemble des situations et des états sur le plan du droit qui sont plus conformes à la réalité et qui ne sont pas discriminatoires.

L'examen des mémoires qui nous ont été soumis sur le sujet fait ressortir cependant, quant à la rédaction des différents articles, certains problèmes qui ne sont pas insurmontables, mais qui ont trait à l'ordre de préséance des différentes preuves de filiation. Je pense qu'on pourrait dire que parmi ceux qui sont intervenus sur le sujet, il y en a qui aimeraient faire de la simple reconnaissance le principe suprême et considérer tous les autres moyens d'établir la filiation comme des moyens subsidiaires ou secondaires, alors que d'autres prennent le contre-pied de cette position et veulent faire de l'acte de l'état civil qui consacre ou qui confirme la naissance la preuve principale, et qui font des autres des preuves subsidiaires à défaut de la preuve première.

Mais je pense que si nous allons au-delà des premières affirmations, on se rend compte qu'il y a un point commun à la plupart des interventions et même à celles qui sont les plus extrêmes sur le sujet. Il me semble qu'on peut effectivement les concilier en adoptant une distinction relativement à la façon dont l'acte de l'état civil, l'acte de naissance constate la reconnaissance ou se borne à décrire la filiation. C'est ainsi que les recommandations, en particulier celles formulées par le barreau, quoiqu'elles semblent inspirées par le désir de faire de l'acte de l'état civil comme tel la preuve irréfragable, insistent cependant beaucoup sur la signature par les parents de l'acte de l'état civil comme une des conditions qui feraient de cet acte la preuve irréfragable de la filiation. Si une filiation est décrite dans l'acte de l'état civil et qu'elle met en jeu un parent qui n'a pas signé mais dont on allègue qu'il est effectivement le parent de l'enfant, on décrit simplement la filiation et cette preuve perd son caractère absolu. Il est possible de la contredire, à ce moment-là, ce qui n'est pas le cas lorsque l'acte est signé, bien sûr.

Il me semble que si on fait ces distinctions, on obtient ce que chacun cherche, c'est-à-dire une preuve documentaire absolue de l'état civil, mais aussi une preuve qui repose sur la reconnaissance, parce que la signature implique reconnaissance.

D'un autre côté, lorsque l'acte se borne à décrire une filiation alors que la signature des parents n'apparaît pas, il apparaît difficile de donner à l'acte d'état civil le même caractère, parce que justement dans le contexte d'une liberté des moeurs plus considérable, dans le contexte de faire cesser toute espèce de discrimination entre enfant naturel et enfant légitime et dans le souci d'éliminer un certain nombre des présomptions de paternité qui existaient dans l'ancien Code civil, on est placé devant une situation, par exemple, la filiation paternelle qui est décrite à l'acte, à moins qu'elle ne soit reconnue par la signature du père qui est déclaré, on se trouve dans une situation difficile qui donnerait ouverture à des contestations.

Je pense que cette distinction que suggère le Barreau permet de concilier toutes les préoccupations: faire baser la filiation sur la reconnaissance, mais la reconnaissance dans la mesure où elle est consignée dans l'acte d'état civil. Autrement, je pense qu'on aura des problèmes à ordonnancer correctement les différents modes de preuve. Si on donne à l'acte signé l'importance la plus grande, je pense qu'il serait utile de dire: À défaut, les présomptions jouent; à défaut des présomptions, la reconnaissance joue. Il y a une gradation qu'il serait nécessaire d'observer, me semble-t-il.

Ce sont les remarques que je voulais faire au début, parce qu'elles peuvent plus difficilement être faites à l'occasion de l'étude d'un seul article, étant donné que l'étude des articles est reliée les uns aux autres.

M. Bédard: Sur cette recommandation du Barreau qui, à première vue, semble très acceptable parce qu'elle est faite dans le but d'éviter d'une certaine façon la faute possible d'un déclarant, il reste que ce n'est peut-être pas si simple que cela. En acceptant la proposition du Barreau, on peut risquer de créer un préjudice grave à l'enfant dont un parent est dans l'impossibilité de signer.

Comme c'est très technique, nous avons ici ce soir M. Bisson, qui est notre spécialiste en la matière. Je lui demanderais d'épiloguer un peu sur ce point fondamental. Pour le reste, selon ce qu'on décide...

C'est toujours inquiétant d'être présenté comme un spécialiste d'une matière. Ce que je répondrais à la proposition du Barreau, c'est la chose suivante: II est dangereux, à mon avis, et très dangereux, de tirer une présomption irréfragable de filiation, de la concordance entre ce qui est énoncé à l'acte d'état civil et la signature qui y serait effectivement mise.

Il peut y avoir des déclarations, des signatures mensongères. Il peut y avoir des signatures erronées, c'est-à-dire que quelqu'un, se croyant le père, ait effectivement signé. Et il peut y avoir également ce qu'on appelle des reconnaissances de complaisance; enfin, mensongères ou complaisance, c'est la même chose.

Il me paraît extrêmement dangereux ici de vouloir tout ramasser dans le titre. Il y a quand même quelque chose de remarquable, c'est que depuis, je dirais, presque des millénaires qu'existe le droit de la filiation, on n'a jamais pu faire du titre comme tel, fût-il signé, ou ne fût-il pas signé, la seule preuve de la filiation. Je pense que tout le droit de la filiation - et je reconnais que c'est un droit extrêmement complexe, extrêmement technique - a pu reposer sur l'idée suivante: qu'il fallait qu'il y ait concordance entre le titre et les faits, c'est-à-dire le comportement général des parents ou des présumés parents à l'égard de l'enfant. De ce côté-là, la proposition du Barreau, tout en étant séduisante à première vue, présente d'extrêmes dangers, parce qu'on ramasse une question où les faits sont extrêmement importants et on la projette entièrement dans une question de titre. Je pense que, de point de vue là, la proposition du Barreau présente de très sérieux dangers.

Il faut bien voir ici qu'il est vrai que, apparemment, on donne une importance très considérable au titre, lors même qu'il ne serait pas signé, c'est-à-dire par la pure déclaration. Il ne faut pas oublier que c'est un peu ce qui se passe déjà actuellement dans notre pratique. On peut déclarer dans les actes de l'état civil tout ce que l'on veut et, en matière de filiation légitime, lors même que les parents n'auraient pas signé, il est certain que le titre est déjà en soi une preuve importante. Mais cette preuve ne devient absolument décisive que lorsque les faits, c'est-à-dire la possession d'état, pour l'appeler par son nom, vient corroborer.

Alors, nous sommes devant deux systèmes: un système qui me paraît beaucoup plus réaliste, parce qu'il porte sur une concordance entre le titre et les faits, alors que l'autre est entièrement orienté sur le titre, ce que me paraît être une vision extrêmement juridique, peut-être beaucoup trop juridique, en l'occurrence, des choses. C'est le premier commentaire général que j'aurais à faire en réponse aux commentaires généraux que vous venez de faire. C'est certain qu'il y a une question de philosophie fondamentale du mécanisme de la filiation ici, mais cela me paraît très dangereux de tout vouloir ramener au titre, parce que c'est là que les mensonges se font, beaucoup plus que dans les faits où les gens agissent beaucoup plus en vertu de leurs convictions personnelles et des réalités.

M. Forget: Oui, il est...

M. Bédard: En réalité, nous n'avons rien changé, même si nous avons un peu bouleversé l'ordre des sections, à la philosophie fondamentale de l'office. Nous n'avons fait que la mettre en lumière. Lorsqu'on lisait le rapport de l'office, on y mettait la présomption de paternité en tête, ce qui me paraissait un peu malheureux eu égard aux objectifs qui étaient visés. Mais si on regarde le rapport de l'office en détail, on s'aperçoit que, finalement, le titre et la possession d'état sont les mécanismes fondamentaux sur lesquels repose leur projet.

M. Forget: Les dangers sur lesquels on vient d'attirer notre attention sont sans aucun doute réels. D'autre part, il me semble qu'il y a un danger inverse. La description de filiation que contient l'état civil, dans le contexte pour lequel, semble-t-il, ce nouveau Code civil est rédigé, permet d'y faire des inscriptions qui vont créer une relation de filiation, alors que ce ne sera pas dans tous les cas que cette relation de filiation pourra s'appuyer nécessairement sur une possession d'état, étant donné le divorce que l'on établit entre la notion de légitimité et la filiation. Ceci est fait à juste titre pour les objectifs sur lesquels nous sommes tous d'accord. Il reste que la grande présomption de fond qui aidait le législateur dans les siècles passés à rédiger ces chapitres, c'est que nous étions de façon universelle, pour ne pas dire de façon absolue, dans la situation où la relation de filiation se faisait dans le cadre de la légitimité. Alors, tout allait bien: les faits, les présomptions, le droit, tout tirait dans le même sens. Sans aucun doute,

ce sera toujours la majorité des cas qui satisferont a ces conditions, mais nous devons envisager des situations où la description de la filiation faite dans l'acte de naissance ne correspondra pas nécessairement à une possession d'état. Je pense à des liens hors mariage, à des filiations, même pour le cas d'un couple marié, où on déclare que le père est une tierce personne.

On a donc là une contradiction, au départ, entre la possession d'état, que ce soit mère célibataire ou une liaison qui donne lieu à une naissance et on déclare explicitement que tel est le cas. On crée des situations assez extraordinaires, mais malgré tout assez embarrassantes. Le fait qu'on puisse par la simple description de la filiation consacrer aux yeux de la société que cette filiation existe et qu'il faut la contester en quelque sorte par les mécanismes décrits après, constitue un risque nouveau et différent du risque, me semble-t-il du moins, sur lequel on a attiré notre attention tout à l'heure.

M. Bédard: Ce n'est pas nouveau. Je pense que déjà aujourd'hui, même si, en matière de filiation naturelle, il est vrai que les auteurs enseignent que la reconnaissance est l'acte essentiel qui fonde la filiation, dès lors que quelqu'un est inscrit sur l'acte de l'état civil, même s'il n'est pas le père parce que c'est cela l'hypothèse pratique, il en résulte quand même une indication qu'il va falloir combattre; c'est au moins un commencement de preuve par écrit, au sens le plus large du terme, je ne le prends pas en son sens technique étroit qu'on a en matière de preuve. Je ne suis pas sûr qu'on se soit tellement éloigné finalement du droit actuel. Les choses sont poussées à un point de précision plus fort qu'en droit actuel, ce qui, à première vue, est plus inquiétant, mais ce qui, à seconde vue, ne l'est pas parce qu'il faut bien voir que l'indication qui est dans l'acte de l'état civil est une indication extrêmement fragile parce qu'elle va pouvoir être contestée par tout moyen. C'est un autre aspect du projet, c'est cette facilité nouvelle de preuve et de contestation que la filiation soit dite légitime à l'ancienne ou qu'elle soit naturelle; il y a une facilité de preuve contraire qui est très forte dans le projet.

M. Forget: D'où le désir du Barreau, semble-t-il, de protéger les liens de filiation qui ont été décrits et admis au moment de la naissance. Enfin, M. le Président, je pense qu'étant averti de ces difficultés, on peut laisser cela là et commencer l'étude article par article.

Le Président (M. Laberge): J'appelle l'article 569 et vous demande si cet article sera adopté.

Est-ce qu'il y a des projets d'amendements? Ce sont les amendements?

M. Bédard: Oui, on avait des amendements.

Le Président (M. Laberge): II y en a deux, je pense.

M. Forget: Le seul article qui est amendé par le ministre dans cette section, c'est 586.

Le Président (M. Laberge): On nous donne 586, je crois. Des mots changés et y ajouter un article. Article 569 tel quel.

M. Bédard: C'est l'article de principe qui étend à tous les enfants nés en mariage ou hors mariage les dispositions des articles 228 et 229 du Code civil. C'est là une application de principe de l'égalité juridique des enfants que le projet de loi met de l'avant et que j'ai évoqué tout à l'heure.

M. Forget: L'expression "quelles que soient les circonstances de la naissance de l'enfant" attire précisément l'attention, qu'il s'agisse d'un enfant dit légitime ou non.

M. Bédard: Naturel ou illégitime, cela n'existe plus.

Le Président (M. Laberge): Article 569, adopté. J'appelle l'article 570.

M. Forget: Adopté.

M. Bédard: Cet article reprend l'article 230 du Code civil en en modifiant la rédaction. L'expression "entre l'enfant et les personnes dont on le dit issu" a été préférée à celle de l'Office de révision du Code civil puisqu'elle marque mieux le rapport de fait qu'on veut établir et qui est plus lié à la notoriété qu'à un simple rapport biologique.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 570, adopté. J'appelle l'article 571.

M. Bédard: Cet article établit uniquement une présomption de paternité. Il ne fait plus référence à la légitimité parce que tous les enfants sont égaux, qu'ils naissent de parents mariés ou non. La naissance dans le mariage et non la conception constitue maintenant le point de départ de la présomption de paternité. Cette règle favorise l'enfant, mais en revanche le mari peut invoquer tout moyen de preuve pour repousser la présomption. Le délai de 180 jours prévu par l'article 218 du Code civil a été abandonné parce que dépassé par

les dernières découvertes de la médecine. Quant à la présomption proposée par l'Office de révision du code civil à l'encontre du concubin, elle n'a pas été retenue. Elle engendrait, en outre, de nombreux conflits de présomption dans les cas de concubinage adultérin ou de concubinage dans les 300 jours de l'annulation ou de la dissolution du mariage. (21 h 30)

M. Forget: M. le Président, nous sommes d'accord avec l'omission du deuxième paragraphe de la recommandation 266 de l'Office de révision du Code civil. Je voudrais bien cependant souligner ici que, même si on veut s'écarter du juridisme le plus strict relativement à la force probante de l'acte de naissance, la préoccupation du Barreau relativement à l'ordre de priorité des preuves ne demeure-t-elle pas pertinente? Relativement à cet article, le Barreau suggère qu'il soit précédé par une phrase à l'effet que si la paternité ne peut pas être déterminée par les articles qui précèdent, c'est-à-dire ceux qui parlent de l'acte joint à la possession d'état, seulement en ces cas on recourt à des présomptions.

Évidemment, j'anticipe la réponse qui me sera faite. Comme l'acte lui-même n'est pas une preuve irréfragable, on pourra se servir de la présomption pour écarter l'acte de l'état civil. Je pense que cela démontre un problème d'ensemble, tout cela.

M. Bédard: Oui.

M. Forget: Je ne peux faire autrement que de revenir à la charge. Si, au moins dans les cas où nous avons une filiation décrite et acceptée dans un acte, on pouvait éliminer un certain nombre de litiges possibles, est-ce que cela ne serait pas malgré tout préférable? Je comprends qu'effectivement il peut y avoir de fausses déclarations, etc., mais c'est une argumentation qui pourrait être faite dans le cas de tout acte par écrit. Pourtant, on s'en contente bien dans la plupart des cas. On ouvre plus large la porte à la contestation dans un contexte qui, effectivement, peut s'y prêter davantage. Il me semble encore qu'il y a peut-être là une règle de prudence d'éviter de vouloir tout remettre en cause même quand on sait que les personnes impliquées ont concouru à dresser un acte.

Le Président (M. Laberge): Y a-t-il d'autres commentaires sur l'article 571? L'article 571 est-il adopté?

M. Bédard: On revient au même problème.

M. Forget: Le ministre, simplement, nous renvoie à ses remarques antérieures.

Le Président (M. Laberge): L'article 571 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté sur division, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Adopté sur division. J'appelle l'article 572.

M. Bédard: II s'agit d'un article de droit nouveau, il s'écarte de la jurisprudence actuelle en ne faisant pas jouer la présomption en cas de séparation de corps. Toutefois, la reprise volontaire de la vie commune avant la naissance fait revivre la présomption parce que cette reprise met fin à la séparation de corps.

M. Forget: Je suis d'accord avec le principe, mais je ne sais pas comment tout cela va se prouver. Je pense que cela part d'un bon naturel, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): L'article 572 sera-t-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

M. Blank: Dans cet article, au sujet du mot "volontaire", supposons que le mari reprend sa femme par la force, l'oblige d'habiter avec lui deux ou trois mois, si un enfant est conçu à ce moment-là, qu'est-ce qui va se passer? Pourquoi le mot "volontaire"? N'est-il pas suffisant d'avoir la cohabitation, sans avoir le mot "volontaire"?

M. Forget: C'est cela, le degré de consentement affecte la filiation.

M. Blank: Oui, mais ... Même dans les cas de viol, il y a un père.

Une voix: II y a une mère aussi.

M. Blank: Mais, pour la mère, on est certain.

Mme Lavoie-Roux: C'est aux hommes qu'on ne peut pas se fier.

M. Bédard: Quand il y a eu reprise volontaire, à ce moment-là, renaît la présomption. S'il y a une reprise forcée et qu'il y a preuve de viol...

M. Blank: Non, mais la question ici est...

M. Bédard: Non, mais ce que vous oubliez, c'est que la conception a eu lieu avant la reprise.

M. Blank: Non, après la reprise.

M. Bédard: Non, la conception a eu lieu

avant la reprise, avant qu'ils ne...

M. Blank: Non, ce n'est pas ça...

M. Bédard: Oui, avant qu'il ne s'effectue une séparation, volontairement ils se retrouvent et l'enfant naît après.

M. Forget: Pas nécessairement, M. le Président. Il y a une séparation, il s'écoule plus de 300 jours après le jugement, il peut s'écouler deux ans. Donc, après la séparation, il y a eu naissance. On affirme, à ce moment, ordinairement, que s'il y a naissance après un jugement de séparation, il n'y a pas de présomption de paternité, mais s'il y a eu, à un moment quelconque, "reprise volontaire de la vie commune avant la naissance" - ça peut être un mois avant la naissance - la présomption de paternité est restée, mais pas à toutes les conditions, seulement si la reprise de la vie commune est volontaire. Or, comme mon collègue l'indiquait, que la reprise de vie commune soit volontaire ou non, si on parle de présomption de paternité, de toute façon, ça n'a rien à voir.

M. Bédard: De toute façon, nous sommes dans le domaine des présomptions, donc des fictions, ici, il faut bien le voir. À ce moment, nous en arrivons à la conclusion que s'il y a une reprise volontaire de la vie commune avant la naissance, il y a peut-être eu d'autres relations entre les époux avant la naissance. Nous sommes ici, comme dans tout le domaine de la présomption de paternité - que ce soit en vertu du droit actuel ou en vertu de ce que nous proposons - dans le domaine des fictions.

Mme Lavoie-Roux: Alors, messieurs les députés, cherchez vos pères!

M. Bédard: C'est le gros bon sens.

M. Forget: Evidemment, il s'agit d'une présomption que le tribunal pourrait écarter, selon le genre de preuve qui lui est soumise.

M. Bédard: II ne faut jamais perdre de vue qu'elle peut toujours être repoussée.

M. Forget: II faudrait éclairer, un jugement de la cour.

M. Bédard: II faudrait éclairer la lanterne, c'est le cas de le dire!

Le Président (M. Laberge): L'article 572 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle l'article 573.

M. Bédard: Cet article de droit nouveau vise à régler un conflit de présomption de paternité à l'encontre de maris successifs.

M. Forget: Oui, ça, c'est une mesure excellente, M. le Président!

M. Bédard: Je n'ai rien dit! Celui qui, en qualité de mari, au moment de la naissance, a été préféré, de façon à mieux intégrer l'enfant dans la nouvelle famille et à limiter les actions en désaveu qui autrement seraient venues du mari précédant. C'est un choix...

M. Forget: C'est une excellente recommandation de l'Office de révision du Code civil.

Le Président (M. Laberge): L'article 573 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

M. Bédard: Nous y avons donné suite avec plaisir.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle l'article 574.

M. Bédard: Cet article de droit nouveau produit les mêmes effets à l'égard de tous les enfants, mais il s'agit là cependant d'un mode de preuve subsidiaire admissible seulement à défaut de titre, de possession d'état ou de présomption de paternité. La reconnaissance volontaire est admissible pour établir tant la maternité que la paternité. Évidemment, la reconnaissance, dans le cas de la maternité, sera d'application peu fréquente en raison du fait même de l'accouchement.

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Deux questions. D'abord, une question de rédaction. On emploie un mot, ici, "encore". Tout à l'heure c'était "au-delà", c'était un terme de lieu; maintenant, on emploie le mot "encore" qui est une connotation temporelle. Est-ce qu'il ne voudrait pas mieux dire "aussi" plutôt qu'"encore", parce que ça donne l'impression qu'on ne peut le faire qu'après ou pendant un certain temps, alors que ça ne s'explique pas par le reste de l'article. La filiation de l'enfant peut aussi être établie par reconnaissance volontaire.

M. Bédard: Le mot "encore" laisse entendre que si on ne le peut pas par les moyens précédents, si c'est impossible, donc ça peut encore être reconnu par la

reconnaissance volontaire. C'est encore un mode de preuve supplémentaire qui s'ajoute aux autres.

M. Forget: On veut donner une indication de l'ordre de priorité, mais je soumets humblement, M. le Président, qu'encore...

M. Bédard: Ça rejoint un peu votre préoccupation de tout à l'heure.

M. Forget: Oui, ça la rejoint, bien sûr, mais encore je ne me souviens pas d'avoir vu cela employé dans ce sens-là. Si on veut dire que la présomption a préséance sur la reconnaissance, il me semble qu'on devrait le dire parce que je suis loin d'être sûr que le mot "encore" soit interprété de cette façon-là.

M. Bédard: ... peut, à ce moment-là... M. Forget: À moins qu'on n'ait...

M. Bédard: ... ou peut, dans les circonstances, être établie...

M. Forget: On peut dire: À défaut que la maternité ou la paternité soit déterminée par application des articles précédents. Est-ce que ce n'est pas une idée de le faire, si les autres règles ne nous donnent pas de réponse?

M. Bédard: C'est ça. Si les autres règles ne donnent pas de réponse, la reconnaissance peut intervenir. Je pense que la suggestion que vous faisiez tout à l'heure, le "aussi", serait conforme à notre intention. "Aussi" au lieu de "encore".

Le Président (M. Laberge): En changeant le mot. À l'article 574, on modifie à la troisième ligne, en substituant ou mot "encore" le mot "aussi".

M. Fontaine: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): Substituer le mot "aussi" au mot "encore".

M. Fontaine: ... pourquoi est-ce que...

M. Bédard: Si vous me permettez une réflexion, le Barreau avait demandé de faire ressortir le caractère décroissant des preuves.

M. Forget: Oui, c'est ce que je dis depuis le début, mais...

M. Bédard: D'accord, mais j'en profite pour dire qu'on répond aux préocupations du Barreau.

M. Forget: Vous êtes d'accord.

M. Bédard: Bien oui. Non seulement on est d'accord avec le Barreau, mais ce n'est pas nécessaire de le dire comme tel, textuellement. On répond à la préoccupation du Barreau simplement par les différents moyens de reconnaissance, où on voit carrément qu'il y en a qui ont préséance par rapport aux autres en termes de qualité de preuve. Autrement dit, la recommandation du Barreau...

M. Blank: ... mais vous changez le mot "encore" par le mot "aussi". Si on élimine les mots "encore" ou "aussi", comment le sens de ce paragraphe-là sera-t-il changé? Ce mot-là n'est pas nécessaire.

M. Bédard: C'est dans le sens de la gradation, il me semble. Tout de même...

M. Blank: Ça peut créer des problèmes d'interprétation. Si...

M. Bédard: ... il faut bien voir que la plupart des enfants ont un titre et une possession d'état conformes. C'est ça là situation normale. Beaucoup d'autres voient venir s'ajouter pour eux; dans la mesure où ils sont nés dans le mariage, une présomption de paternité. Ensuite, le cas le plus exceptionnel, c'est quand même la reconnaissance.

M. Blank: Mais vous avez le mot "si" en avant.

M. Forget: Oui, c'est ça. Si non "a", alors "b". C'est ce que l'article dit. Si ce n'est pas "a", alors c'est "b". Et si on enlève les mots "aussi" ou "encore", c'est encore: Si ce n'est pas "a", c'est "b".

Une voix: Je suis un bon professeur de français.

M. Blank: Le mot "yet" ne s'épelle pas comme ça non plus en anglais. Ce n'est même pas le bon mot non plus.

M. Bédard: C'est la situation quand même la moins normale, qu'on soit obligé de procéder par reconnaissance.

M. Blank: "May still be" ou "may also be" ou "may be".

M. Bédard: Bon, laissons le mot "aussi".

Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'on laisse le mot "aussi"?

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Laberge): On le laisse.

M. Bédard: II semble qu'ils préfèrent...

M. Forget: J'ai un deuxième point, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Le mot "encore" est remplacé par le mot "aussi". Cette modification est-elle adoptée?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent. (21 h 45)

M. Forget: Je ne suis pas sûr qu'il y ait un problème, mais au moins pour le journal des Débats je voudrais que le ministre nous explique... Dans la recommandation 269 de l'Office de révision du Code civil, nous avons à peu près le même texte, d'ailleurs, sans le mot "aussi" ou sans "encore"; la filiation paternelle de l'enfant peut être établie par une reconnaissance volontaire de paternité ou par jugement. Je ne m'explique pas bien la raison de la différence entre les deux textes. On semble suggérer que sans un jugement, la reconnaissance volontaire équivaut à titre. Quelle forme cela pourrait-il prendre? Simplement une déclaration sous seing privé disant: Un tel est mon fils, une telle est ma fille?

M. Bédard: Non. Une reconnaissance volontaire n'est soumise à aucune forme. Elle ne l'est pas dans le droit actuel et elle ne le serait pas non plus...

M. Forget: Elle pourrait tre valable à l'égard des tiers. Évidemment, c'est dans le cas où il n'y a ni acte d'état civil ni présomption.

M. Bédard: Oui, ni acte... Si on ne peut pas le faire... C'est ça. Il reste que le moyen de reconnaissance privilégié, évidemment, c'est celui qu'on fait dans l'acte de l'état civil lui-même par la signature.

M. Forget: L'élimination de jugement dans ce texte...

M. Bédard: Quant au jugement, il nous a semblé préférable de laisser cela à la partie des actions relatives à la filiation parce que là, cela veut dire qu'il y a eu une recherche de paternité tandis qu'ici, des preuves de la filiation, ce sont des preuves qui peuvent intervenir éventuellement en l'absence de toute contestation quant à la filiation. À l'occasion d'une action de responsabilité, on demande, par exemple, à quelqu'un: Prouvez-moi votre filiation. Il peut le faire par le titre et la possession d'état, ce qui est évidemment la preuve souveraine.

Il peut le faire par présomption de paternité. Il peut dire: J'ai fait l'objet d'une reconnaissance. Donc, nous avons reporté l'aspect contentieux des choses dans la section sur les actions.

M. Forget: Exact. Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 574, adopté avec amendements. Article 575.

M. Bédard: II parle par lui-même. La reconnaissance...

M. Forget: Deux définitions.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: ...peut-être qu'il y a une réponse dans la section des actions relatives à la filiation. Si tel est le cas, il n'y a pas de problème, mais quand vous dites: "La reconnaissance de la maternité résulte de la déclaration faite par une femme qu'elle est la mère de l'enfant," je pense que dans les cas de désaveu, il y a quand même des délais qui sont prévus, si quelqu'un veut contester la maternité ou la paternité. Le cas auquel je pense, c'est la mère célibataire qui, sous l'effet d'influences ou d'une forme d'intimidation morale...

M. Bédard: Ou sociale.

Mme Lavoie-Roux: ...abandonne son enfant. Même si on dit que l'adoption privée n'est plus valable, il reste que cela se passe encore et que cela va continuer de se passer. Quels sont les droits de recours et quel est le délai pour cette mère célibataire qui veut contester la maternité d'un enfant?

M. Bédard: Pouvez-vous reformuler votre question.

Mme Lavoie-Roux: Dans le cas d'une mère... Quelqu'un reconnaît... "La reconnaissance de la maternité résulte de la déclaration faite par une femme qu'elle est la mère de l'enfant." Cela dit ce que cela dit.

M. Bédard: Oui, c'est clair.

Mme Lavoie-Roux: Mais on sait qu'il y a des femmes qui peuvent procéder de cette façon alors que l'enfant n'est pas né d'elles, qu'elles l'ont obtenu par une forme d'intimidation morale, sociale, psychologique ou ce que vous voudrez. Quel est le recours? Est-ce un fait définitif? S'il y a un recours, quel est le délai pour le recours de la mère célibataire?

M. Bédard: Nous retombons dans les actions relatives à la filiation. La contestation de la maternité pourra se faire selon les règles des articles 584 et suivants.

Mme Lavoie-Roux: Y a-t-il un délai? M. Bédard: Et là, vous avez 30 ans.

Mme Lavoie-Roux: Alors, 30 ans de délai.

M. Bédard: II y a 30 ans, à l'article 589. C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: C'était cela, ma question, à savoir si c'était prévu ailleurs. D'accord.

Le Président (M. Laberge): L'article 575 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté. M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 576.

M. Bédard: L'article 576 - je vais faire quelques remarques - ...

Le Président (M. Laberge): Allez-y.

M. Bédard: ... reprend le principe du deuxième alinéa de l'article 241 du Code civil quant à l'effet relatif de la seule reconnaissance, mais si la reconnaissance est jointe à d'autres éléments, son effet peut être alors étendu aux tiers. Le tribunal en jugera. On rejoint ainsi indirectement les circonstances de l'article 273 de l'Office de révision du Code civil, sans l'inconvénient d'en restreindre le nombre. D'ailleurs, le premier alinéa de cet article 273 ne fait que renforcer le titre ou la possession d'état.

Quant au deuxième alinéa de l'article 273, il réfère principalement aux éléments de la réforme des actes de l'état civil qui n'est pas encore faite. C'est pourquoi l'article 273 de l'Office de révision du Code civil n'a pas été repris comme tel dans le projet de loi.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je pense maintenant au côté pratique. L'article 576, dit: "La seule reconnaissance de maternité ou de paternité ne lie que son auteur." On a adopté l'article 569 qui dit: "La filiation tant paternelle que maternelle se prouve par l'acte de naissance, etc."

J'ai déjà vu, souvent, des actes de naissance signés par une des deux personnes et mentionnant le nom des deux. Cela veut dire qu'avec l'article 569 ils sont tous deux responsables de l'enfant. Avec l'article 576, il n'y a que la personne qui a signé.

M. Bédard: Le cas de la mère qui, lorsqu'elle déclare sa maternité...

M. Blank: Oui, un enfant hors mariage.

M. Bédard: ... tient, même en dépit de l'objection du père...

M. Blank: ... tient à mettre le nom du père. Même, le père ne le sait pas. Le père n'est même pas au courant.

M. Bédard: ... à indiquer le nom. C'est ce que je vous dis. Même en dépit de son objection.

M. Blank: J'ai vu cela souvent, très souvent, dans ma pratique.

M. Bédard: Dans un cas, vous avez une reconnaissance puisqu'il y a eu signature de l'acte.

M. Blank: Par la femme seulement.

M. Bédard: Par la femme seulement. Donc, vous avez une reconnaissance à laquelle s'ajoute la mention de son nom à l'acte de l'état civil. Donc, cela fait acte de l'état civil, plus la reconnaissance. S'il n'y a pas de possession d'état, cela demeure contestable, mais cela commence déjà à créer quelque chose d'assez fort, cette concordance entre la reconnaissance et l'acte de l'état civil. Dans l'autre cas, vous n'avez qu'une mention à l'acte de l'état civil, ce qui fait une preuve, disons, prima facie, mais extrêmement faible, contestable.

M. Blank: Jusqu'à ce qu'il y ait une contestation, cet enfant peut utiliser le nom de son père.

M. Bédard: Jusqu'à contestation, il y a au moins...

M. Blank: Le nom du père dont la mère a dit que c'était le père. Ce n'est pas nécessairement le père.

M. Bédard: Mais le père indiqué va pouvoir contester par tous moyens.

M. Blank: S'il est au courant.

Mme Lavoie-Roux: S'il n'est pas au courant, ça ne lui fait pas mal.

M. Bédard: II y a un délai à partir du moment où il est au courant. Il y a un délai d'un an.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ...si j'ai bien compris ce que le ministre a dit, c'est au tribunal d'apprécier si la reconnaissance doit valoir vis-à-vis les tiers. La reconnaissance seule ne lie que son auteur.

M. Bédard: C'est cela.

M. Forget: Et afin de lui permettre de lier les tiers, il faut qu'elle soit entérinée par le tribunal qui apprécie toutes les circonstances.

M. Bédard: Oui.

M. Forget: Oui. Évidemment, c'est un moyen. Encore une fois, l'autre moyen, c'est de permettre à la reconnaissance de figurer par la signature sur l'acte de l'état civil. À ce moment-là, on n'a pas besoin d'un recours judiciaire.

M. Bédard: C'est encore contestable, mais cela commence à être plus difficile.

M. Forget: Cela commence à être plus difficile. C'était la solution que favorisait, par exemple, la Commission des services juridiques.

M. Bédard: Mais nous ne l'interdisons pas.

M. Forget; Nous ne l'interdisons pas?

M. Bédard: Non, bien sûr. Dans beaucoup de cas, elle va se réaliser, dans un certain nombre de cas.

M. Forget: Les formules utilisées pour l'état civil, c'est une dimension', mais ce n'est pas sans intérêt non plus. J'imagine qu'il y a une formule réglementaire pour l'inscription des actes de naissance à l'état civil qu'il prévoit un espace pour la signature des parents.

M. Bédard: II y a un constat d'accouchement, d'abord, qui est joint à une déclaration faite et la déclaration prévoit un certain contenu.

M- Forget: Y compris la signature des parents?

M. Bédard: Pas nécessairement. De celui qui fait la déclaration, mais pas nécessairement systématiquement du père et de la mère. Elle prévoit la signature du déclarant qui n'est pas nécessairement le père ou la mère. C'est sûr que, dans la pratique, dans bien des cas, ce sont les père et mère qui signeront. Mais ce n'est pas spécialement prévu que cette déclaration soit faite exclusivement par eux.

M. Forget: Ne serait-il pas prudent, au moins, que la formule utilisée invite les parents à signer?

M. Bédard: On dit bien à l'article 85: "Le père, la mère ou, à défaut, toute personne qui a la garde de l'enfant est tenu d'en déclarer la naissance au directeur dans les huit jours." C'est un peu dans le sens...

M. Forget: Mais pourvu que l'un des deux le fasse, alors l'obligation est satisfaite.

M. Bédard: Pourvu que l'un des deux le fasse ou, à la limite, une autre personne qui a la garde de l'enfant, ce sera recevable pour permettre l'inscription de la déclaration dans les registres.

Le Président (M. Laberge): Cela va? Article 576, adopté. J'appelle l'article 577.

M. Bédard: Article 577. Cet article est de droit nouveau. Il tend à éviter des reconnaissances multiples et des conflits de filiation. Celui qui entend réclamer pour sien un enfant dont la filiation est déjà établie devra le faire en justice, dans la mesure où l'y autorisera l'article 584 et aux conditions de l'article 587, que nous allons voir plus loin.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 578.

M. Bédard: C'est le pouvoir du mari de désavouer l'enfant de sa femme qui est déjà inscrit dans les articles 219 et suivants du Code civil, mais il est sérieusement limité par les nombreuses circonstances que le mari ne peut invoquer. L'article 578 généralise, sans restriction, le pouvoir de désaveu du mari. Cette libéralisation du désaveu peut s'expliquer, d'une part, par le fait que la présomption de paternité n'est plus source exclusive de légitimité de l'enfant et, d'autre part, par le fait que l'on applique dorénavant la présomption de paternité à tout enfant né dans le mariage, sans égard au moment de la conception. Il y a là un certain souci de vérité biologique.

L'article 578 étend aussi le délai du désaveu à un an de la connaissance de la naissance par le mari. Le délai de deux mois prévu par l'article 223 du Code civil a paru un peu court, notamment en prenant en considération le nouveau rôle de la présomption de paternité et des circonstances nouvelles dans lesquelles elles s'appliquent. La présomption de paternité proposée par

l'Office de révision du Code civil à l'encontre du concubin n'ayant pas été retenue, le calcul du délai pour le concubin ne se pose pas.

M. Forget: II faut peut-être en conclure que les gens au XIXe siècle réagissaient plus vite à ces choses-là que nous ne réagissons maintenant!

M. Bédard: Oui, c'est cela!

Le Président (M. Laberge): Article 578...

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): ...adopté. Article 579.

M. Bédard: C'est un article de droit nouveau.

M. Forget: Excusez-moi, M. le Président. Sur l'article 578...

Le Président (M. Laberge): Un retour à l'article 578.

M. Bédard: Oui, je vous en prie.

M. Forget: II y aurait une suggestion de ma collègue de L'Acadie. Peut-être qu'elle peut la formuler elle-même.

Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment un travail d'équipe! Tout à l'heure, mon collègue de Saint-Louis faisait mention d'un homme qui était déclaré père par la mère, sans nécessairement être le père. Ici, vous parlez d'un délai d'un an, à compter du moment où le père a connaissance de la naissance. Mais quand il a connaissance d'une déclaration -ce n'est plus d'une naissance - comme quoi il est le père, est-ce que c'est encore le même délai qui court? C'est-à-dire, est-ce qu'il est couvert? C'est plutôt ma question, puisque là, il ne s'agit que de la naissance.

M. Bédard: À l'article 585.

Mme Lavoie-Roux: À l'article 585.

M. Bédard: "Toute personne intéressée, y compris le père ou la mère, peut, à tout moment, contester par tous moyens la filiation de celui qui n'a pas une possession d'état conforme à son acte de naissance." Cela serait 30 ans aussi. Adopté.

Le Président (M. Laberge): C'est l'article 578. L'article 579 est rappelé.

M. Bédard: Cet article est de droit nouveau. Il répond, selon l'Office de révision du Code civil, à la situation juridique nouvelle qui serait faite à l'enfant. Étant donné que tous les enfants jouiraient des mêmes droits, il n'est plus nécessaire de préserver, au prix de la vérité, un statut d'enfant d'illégitime qui serait supérieur aux autres statuts. Il a donc été jugé utile de permettre à la mère de démontrer que l'enfant n'est pas celui de son mari, action d'autant plus nécessaire que l'enfant pourra ainsi bénéficier éventuellement de son véritable foyer. Cette solution s'inspire de la réforme de la loi française et existe ailleurs dans d'autres législations , notamment en droit polonais. (22 heures)

Le Président (M. Laberge): L'article 579...

M. Forget: C'est une référence qui est à propos dans les temps qui courent, apparemment, M. le ministre.

M. Bédard: Oui. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 580.

M. Bédard: Cet article reprend le principe de l'article 225 du Code civil, mais en précisant que l'autre parent est partie à l'action, compte tenu de son intérêt dans la contestation de la filiation de l'enfant.

Dans tous les cas, l'enfant est représenté par un tuteur et non par ses parents en raison du conflit d'intérêts.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... j'ai lu attentivement cet article et je l'ai comparé au texte de la recommandation 278 de l'Office de révision du Code civil. Je présume qu'il s'agit de la même intention et j'ai l'impression que la rédaction de l'office, dans ce cas-ci - ce n'est pas toujours le cas - est plus claire, plus lisible que celle qui nous est proposée. Je me demande s'il y a véritablement des arguments autres que de forme - c'est peut-être une question subjective - qu'on peut alléguer à l'appui de la rédaction qu'on nous propose. L'article 278 de l'office de révision dit: "Le recours est dirigé contre l'enfant et, selon le cas, contre la mère ou le père présumé. L'enfant mineur est représenté par un tuteur ad hoc désigné par le tribunal saisi de la demande." Alors qu'on a essayé, dans la rédaction qu'on nous propose, de mettre tout cela dans une même phrase avec une incidente et ça fait une rédaction un peu difficile à lire.

M. Bédard: La seule question à préciser, il y a le tuteur ad hoc que l'office prévoyait, mais il pourrait arriver aussi que l'enfant ait déjà un tuteur, ce n'est pas impensable; sous réserve de cette précision, s'il y a lieu.

M. Forget: Oui, s'il y a lieu.

M. Bédard: Ce serait peut-être dirigé contre le tuteur ou le tuteur ad hoc, selon que...

Parce que, dans le rapport de l'office, les parents auraient, dans la réforme du droit des personnes à venir, la tutelle légale de leurs enfants. Alors il est évident que, à ce moment, la situation normale c'est que, les parents étant déjà tuteurs, ça ne peut pas être le tuteur qui représente l'enfant.

Donc, je pense qu'il faudrait maintenir cette précision.

M. Forget: M. le Président, il y a un autre point, celui-là, de substance. Si on essaie de faire le lien entre 578 et 579, d'une part, et 580, d'autre part, je me demande s'il y a compatibilité entre ces deux premiers articles et 580, étant donné le délai d'un an. On parle d'un délai d'un an qui suit la naissance. Je comprends que c'est la connaissance de la naissance, mais on peut difficilement s'imaginer que ça se prolonge pendant 25 ans et on dit "si l'enfant est mineur" dans un des cas. Il semble qu'il y a bien peu de cas où l'enfant ne sera pas mineur.

Enfin, je veux bien qu'on prévoie toutes les éventualités, mais il semble acquis d'avance que ce sera toujours un enfant mineur.

M. Bédard: On peut imaginer des hypothèses où le père présumé prend connaissance de la naissance vraiment très tard. C'est vraiment une sécurité, j'avoue...

M. Forget: Oui, après la majorité de l'enfant il reçoit la visite de son fils ou de sa fille.

M. Bédard: .... que c'est peut-être une mesure excessive, mais enfin je pense qu'on peut la prévoir.

M. Forget: Je vois que parfois on va très loin pour prévoir toutes les possibilités. D'accord.

Le Président (M. Laberge): À l'article 580, est-ce que vous gardez le texte original?

M. Bédard: Alors, prenons celui de l'Office de révision du Code civil.

Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'on pourrait en avoir une copie pour en prendre connaissance?

M. Bédard: Oui. C'est relié à "l'enfant est représenté par son tuteur..." "L'enfant mineur est représenté par son tuteur".

Le Président (M. Laberge): On remplace l'article 580 par un nouvel article qui se lit comme suit: "Le recours est dirigé contre l'enfant et, selon le cas, contre la mère ou le père présumé." Au paragraphe suivant: "L'enfant mineur est représenté par un tuteur ou un tuteur ad hoc, le cas échéant, désigné par le tribunal saisi de la demande."

M. Bédard: Nous avions précisé le recours en désaveu ou en contestation de paternité pour être bien sûr que l'article 580 s'appliquait aux deux articles précédents.

Je me demande si on n'est pas mieux avec l'autre?

C'est peut-être prudent de laisser cela.

On pourrait dire: "Le recours en désaveu ou en contestation de paternité dirigé contre l'enfant et, selon le cas, contre la mère ou le père présumé", de façon à être bien sûr que cette règle de représentation s'applique aux deux articles qui précèdent et non pas au dernier.

Le Président (M. Laberge): II faudrait ajouter "en désaveu". Je regrette.

M. Bédard: "Le recours en désaveu ou en contestation de paternité."

Le Président (M. Laberge): Je vais l'écrire.

M. Bédard: Si on n'arrête pas de faire des amendements, notre texte va être meilleur que celui de l'Office de la révision du Code civil...

Le Président (M. Laberge): Je vais le relire. Article 580: "Le recours en désaveu ou en contestation de paternité est dirigé contre l'enfant et, selon le cas, contre la mère ou le père présumé. "L'enfant mineur est représenté par -est-ce qu'on dirait ici "le tuteur", "un tuteur" ou "son tuteur" - son tuteur ou un tuteur ad hoc le cas échéant désigné par le tribunal saisi de la demande."

Est-ce que cela rejoint tous vos...

M. Bédard: C'est très clair, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): ...désirs?

M. Bédard: Est-ce que "cas échéant" est nécessaire? Pouvons-nous nous passer de "cas échéant"?

M. Forget: Bien sûr. Il n'y en aura qu'un de toute façon?

M. Bédard: Oui. C'est cela.

Le Président (M. Laberge): C'est son tuteur ou un tuteur ad hoc.

M. Bédard: L'autre aura déjà été nommé par le tribunal. C'est cela.

Le Président (M. Laberge): La rédaction finale du deuxième paragraphe se lit comme suit: "L'enfant mineur est représenté par son tuteur ou un tuteur ad hoc désigné par le tribunal saisi de la demande." Est-ce que ce nouvel article 580...

Une voix: Est-ce que vous avez besoin de votre texte, vous?

Le Président (M. Laberge): J'en ai besoin pour les registres, mais je peux en faire faire une copie si vous voulez.

M. Bédard: Faites-en faire une copie.

Le Président (M. Laberge): J'en ferai faire une copie. La nouvelle rédaction de l'acticle 580 est est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): J'appelle l'article 581.

M. Bédard: Je n'ai pas de remarques spéciales. Cet article reprend le principe de la transmissibilité du droit de désaveu du père présumé à ses héritiers. Il l'étend au droit de contestation de la mère. Toutefois le délai pendant lequel les héritiers pourront intenter l'action a été strictement limité à six mois du décès de leur auteur alors que le délai de deux mois prévu par l'article 224 du Code civil est calculé à partir de circonstances qui peuvent survenir longtemps après le décès.

M. Forget: Tout compte fait, je pense que c'est une sage disposition, mais ce n'est pas sans une certaine hésitation qu'on doit permettre la survie de ce droit de contestation. Comme il peut y avoir des situations ou des intérêts patrimoniaux très considérables d'impliqués, je pense qu'il serait irresponsable d'un autre côté d'en éliminer la possibilité. On est un peu embêté parce que s'il y a des occasions pour que le droit soit exercé, le délai de six mois est certainement un délai très bref. Je m'y rallie, mais il reste que pour les héritiers qui sont mis en face d'une situation comme celle-là, étant donné les problèmes que cela pose, la nécessité dans laquelle ils sont d'évaluer, etc., c'est un délai, malgré tout, très rigoureux.

M. Bédard: Nous n'avons pas d'objection à dire un an.

M. Forget: Oui. Comme il y a d'autres délais d'un an, peut-être...

Le Président (M. Laberge): On remplacerait, dans le deuxième paragraphe, le mot "six" par "douze".

M. Bédard: C'est dans des cas très particuliers.

Le Président (M. Laberge): Vous remplacez le mot "six" par "douze".

M. Bédard: On pourrait dire "dans l'année du décès".

Mme Lavoie-Roux: Et s'il est mort au mois de novembre 1979?

M. Forget: Dans l'année qui suit le décès.

Mme Lavoie-Roux: Qui suit le décès, parce que ça ne peut faire que deux mois parfois.

M. Bédard: Oui. Bon, dans l'année qui suit le décès.

Le Président- (M. Laberge): Un instant. Je vais l'inscrire ici même. Au deuxième paragraphe de l'article 581, on remplace les mots "les six mois du décès" par "l'année qui suit le décès". Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Bédard: Adopté. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 581 amendé est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement. Article 582.

M. Bédard: À l'article 582, je n'ai pas de remarque, M. le Président. Je pense que la preuve doit être acceptée à l'effet de prouver que le mari n'est pas le père de l'enfant.

M. Blank: Ce n'est pas le contraire? Est-ce qu'il ne faut pas prouver que le mari est le père? Non, c'est le mari. Très bien, le mari est présumé être le père.

M. Bédard: D'accord.

Le Président (M. Laberge): L'article 582 est-il adopté? M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je pense qu'il faut au moins saluer au passage l'expiration de pas moins de quatre articles du Code civil actuel...

M. Bédard: Oui, en les remerciant d'avoir existé.

M. Forget: ...qui méritent bien d'être salués au passage, au moment où on les abroge. Si on veut, en une seule page, donner un exemple de ce que signifie a l'occasion la mise à jour du droit civil, je pense que c'est le plus bel exemple qu'on puisse trouver puisqu'il y a là toutes sortes de notions héritées probablement du droit romain ou quelque chose d'analogue, au point de vue de la conception de la société qu'elles expriment, et qui prennent presque une page complète. C'est remplacé exactement par une ligne et demie de texte donnant ouverture à toutes les contestations possibles de paternité par tous les moyens possibles. Je crois que comme changement, c'est assez considérable.

On me permettra de passer encore une fois ce message, cela situe dans un climat très nouveau toute la question des preuves de la filiation. On peut, pour l'instant, se montrer optimiste. L'avenir dira si cette ouverture très large n'engendre pas des difficultés qui ne sont pas suffisamment mesurées, à l'heure actuelle. À tout événement, je pense que c'est là le noeud du problème, s'il y a un problème. Peut-être que finalement l'expérience va démontrer que le problème n'est pas tellement considérable. On n'a pas eu l'habitude de tellement de contestations dans ces domaines, mais c'était très circonscrit et il faut espérer que l'habitude se continue même si le droit a changé.

Le Président (M. Laberge): L'article 582 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 583.

M. Bédard: Pas de remarque. Cet article reprend la règle de l'article 231 du Code civil en réservant toutefois le droit du père présumé de désavouer l'enfant et celui de la mère de contester la paternité de son mari dans les délais prévus.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je suis d'accord, bien sûr, avec cet article qui nous permet, en droit civil, de s'ajuster sur les réalités de la science médicale contemporaine. Il reste que l'Office de révision du Code civil avait prévu une autre mesure complémentaire qui visait à empêcher la réclamation ou la reconnaissance de paternité par un tiers. C'était le texte de la recommandation 280. Lorsque l'insémination artificielle a lieu des oeuvres d'un tiers, ce dernier ne peut, en aucun cas, revendiquer la paternité de l'enfant. Le raisonnement de l'Office de révision du Code civil était, dans ce cas là, que le caractère confidentiel de cette opération, puisque médicalement parlant il s'agit d'une opération, qui devait être renforcée par une prohibition légale relativement à la reconnaissance d'une paternité dans ce cas. (22 h 15)

M. Bédard: En fait, la proposition de l'article 281 de l'office n'a pas été retenue, enfin, n'avait pas été reproduite parce qu'on pensait que si jamais l'occasion se présentait et qu'il pouvait quand même être dans l'intérêt d'un enfant, s'il n'y avait pas d'autre filiation d'établie, que celle-là puisse s'établir si, par hypothèse, il y avait une connaissance.

M. Forget: Donc, on ouvre effectivement la porte à une reconnaissance basée sur l'insémination artificielle. Est-ce qu'on peut nous donner des indications si le droit étranger là-dessus dit quoi que ce soit?

M. Blank: ... si ce n'est pas le mari? Une voix: S'il y a consentement.

M. Blank: Même avec consentement. Je pense qu'il y a eu une cause à la Cour suprême, il y a une quinzaine d'années, ou peut-être 20 ans, selon laquelle l'insémination artificielle, même avec consentement, c'est adultère. C'était un cas de divorce.

M. Bédard: M. le député de Nicolet-Yamaska...

M. Blank: ... Cela penche du côté de la femme.

M. Bédard: En général, le souci de donner un père à l'enfant l'a emporté sur le souci de la vérité biologique. Cela peut donner ouverture accidentellement à des cas de consanguinité en fonction de l'avenir, mais il faudrait que ce soit encadré.

On a prévu quand même, à l'article "585, que celui qui aurait donné la semence ne peut pas, pour ce seul motif, venir contester la filiation de l'enfant si, par ailleurs, il y a des éléments qui font soit titre de possession d'état ou présomption. Je veux dire que c'est vraiment le cas où il n'y

aurait aucune autre filiation d'établie que cet article, en fait, que l'absence de la prohibition de l'office pourrait peut-être permettre d'établir une filiation.

Nous avons un autre article aussi qui dit que lorsqu'il y a réclamation d'état, il faut joindre à sa réclamation une contestation de l'état déjà établi. Je pense que les portes sont assez largement fermées, de toute façon, à ce genre de revendication.

M. Forget: Le seul cas qui n'est pas éliminé par l'article 583, c'est le cas où il n'y a pas eu consentement des deux époux. Il doit évidemment y avoir consentement de la femme, puisqu'il s'agit d'une opération. Si le mari n'a pas consenti, la présomption ne joue pas à son égard et n'importe qui peut contester la présomption de paternité. C'est-à-dire la présomption de paternité a lieu, la contestation est ouverte s'il n'y a pas consentement. Ma question relativement à l'état du droit étranger, on n'a pas de réponse, je pense bien.

M. Bédard: De ce qu'on a pu voir, d'abord ni l'office ne nous réfère vraiment à du droit étranger, et nous avons nous-mêmes jeté un certain coup d'oeil dans le droit de la France. Par exemple, au point de vue du droit civil, c'est très peu développé. On en est encore à réfléchir, à préparer un cadre de réglementation administrative lorsqu'il y a des problèmes que cela peut soulever, notamment aux États-Unis, par exemple, où il nous a été donné de faire une petite incursion, il y a certains problèmes. On craint certains risques de consanguinité accidentelle par le jeu de la banque, étant donné que le donneur peut donner plusieurs fois. Si l'insémination se fait dans une même population à partir de donneurs qui aient toute la même localité, il peut y avoir certains risques. Donc, il y a de la réglementation qui est en train de s'élaborer, mais cela ne semble pas très avancé, surtout au point de vue du droit civil.

M. Forget: M. le Président, plaçons-nous en dehors de la question juridique. Lorsque ces interventions-là ont lieu, nous nous trouvons ordinairement en présence d'un couple qui a un problème de fertilité et pour qui ce problème de fertilité représente une source d'angoisse, de déception considérable. On veut absolument avoir un enfant. Il me semble que tout ce que le législateur peut faire pour assurer à ce couple que le geste qu'il a décidé de poser ne donnera pas ouverture à des surprises désagréables, il devrait le faire.

Plaçons-nous du côté du couple qui, justement, veut avoir recours à ce moyen. Le texte parle de l'auteur des oeuvres. C'est, d'ailleurs, une expression inexacte à ce moment-là; je ne sais pas laquelle on pourrait lui substituer; de toute façon, là n'est pas le problème. Si on peut les assurer que l'auteur des oeuvres, selon le Code civil, ne pourra pas leur faire la surprise de réclamer la paternité, je pense que nous devrions leur donner cette assurance. Indépendamment des problèmes juridiques, je pense qu'il y a là un problème humain et psychologique indubitable et, dans le fond, c'est un surcroît d'assurance que nous pouvons donner par le Code civil, qui ne nous coûte rien et qui leur donne, je pense, beaucoup plus que les questions d'héritage de l'enfant.

M. Bédard: II semble qu'on donne cette assurance-là par la combinaison de l'article 585...

M. Forget: Le consentement des époux.

M. Bédard: Non, vous l'avez par la combinaison de l'article 585 et de l'article 587. On y arrivera tout à l'heure et on pourra voir si ça ferme hermétiquement la porte. Celui qui réclame un état doit obligatoirement joindre une action en contestation de l'état ainsi établi et, d'autre part, à l'article 585, on ne peut pas "contester la filiation d'une personne pour le motif qu'elle a été conçue par insémination artificielle". Je crois que les portes sont bien closes.

M. Forget: Les portes sont bien closes.

M. Blank: J'ai une question. Le ministre a mentionné le deuxième alinéa de l'article 585 qui dit qu'aucune personne ne peut contester la filiation d'une personne qui a été conçue par insémination artificielle. Qu'est-ce que l'article 583 ajoute au deuxième alinéa de l'article 585?

M. Bédard: II vient empêcher le recours en désaveu et en contestation de paternité qui serait pris soit par le père ou par la mère.

M. Blank: Mais le mot "filiation" ne comprend pas tout?

M. Bédard: Si je comprends bien, le paragraphe 1 est uniquement consacré au désaveu ou à la contestation de paternité exercée par le père ou la mère. C'est seulement dans le paragraphe 2 que les tiers peuvent intervenir.

M. Blank: Oui, mais quand vous dites "aucune personne", ça inclut le père et la mère aussi.

M. Bédard: Oui. M. Lalonde: Nul.

M. Blank: Nulle personne. Je lis l'anglais et je fais la traduction.

M. Lalonde: Oui, nul.

M. Blank: Cela inclut aussi le père et la mère.

M. Bédard: L'article 583 est au sujet du consentement et c'est assez important ici. On dit: Quand il y a eu consentement des époux à l'insémination artificielle, il n'y a pas de désaveu possible.

M. Blank: L'article 585 dit la même chose, mais il ne mentionne même pas s'il y a consentement ou non. On dit: Du moment que l'enfant est né par insémination artificielle, aucune contestation. Les règles normales s'appliquent, les 300 jours, l'année, etc.

M. Bédard: C'est pour ce seul motif, mais il reste quand même, il me semble, que l'article 583, en fermant la porte au désaveu, vient renforcer la possibilité qu'il y ait une présomption de paternité qui va s'établir directement. Il vient renforcer aussi un peu le titre et la possession qui vont s'établir en faveur de cet enfant-là. Or, il semble que ça renforce sa preuve de filiation.

M. Blank: Vous avez d'autres articles qui disent ça. Alors, pourquoi celui-ci?

M. Bédard: Autrement, il est sujet à ne pas être contesté, mais sans que son titre soit aussi fort.

M. Blank: Comme avocat pratiquant, je n'aime pas voir deux articles dont un n'est pas nécessaire; ça va ouvrir la porte à d'autres interprétations. Moins on utilise de mots dans la loi, mieux c'est pour les parties concernées. Si c'est couvert par les deux lignes de l'article 585, je ne vois pas pourquoi on aurait un autre paragraphe.

M. Lalonde: Je pense que la question est quand même assez sérieuse.

M. Bédard: Oui. Le député de Marguerite-Bourgeoys embarque.

M. Lalonde: Mais, réellement, comment concilier 583 avec le deuxième alinéa de 585? Seulement, l'article 583 est un peu plus spécifique. On parle d'un recours en désaveu ou en contestation de paternité et on spécifie que c'est du consentement des époux, mais le test fondamental, c'est l'insémination artificielle, alors que, dans le deuxième alinéa de l'article 585, on dit: "Nul ne peut contester la filiation d'une personne pour le motif qu'elle a été conçue par insémination artificielle." Il me semble que le deuxième alinéa de l'article 585 rend un peu caduc le contenu de l'article 583. J'aimerais que le ministre nous fasse une démonstration éclairée des deux articles.

M. Bédard: II a toujours des demandes brillantes à des heures pareilles!

M. Lalonde: Si le ministre préfère ajourner la séance pour y penser, c'est à sa guise.

M. Bédard: Voyons, M. le député de

Marguerite-Bourgeoys! Je sais qu'il y a une règle d'or qui dit que le législateur ne légifère pas pour rien dire.

M. Lalonde: C'est justement pour cette raison qu'on vous pose la question.

M. Bédard: Exactement. Le seul fait qu'ils sont dans des chapitres différents, est-ce qu'il y a une connotation particulière? Je ne suis quand même pas l'expert.

En fait, il y a quand même une certaine différence. Le recours en désaveu peut être ouvert alors même qu'il y a un titre et une possession d'état qui est en train de s'établir, alors qu'à l'article 585, on parle d'une situation où le titre n'est pas conforme à la possession et là, on vient dire: Vous ne contesterez pas pour ce seul motif.

M. Lalonde: J'aimerais beaucoup vous croire, mais, lorsqu'on lit le deuxième alinéa de l'article 585, on ne qualifie pas cet alinéa en fonction de la possession d'état.

M. Bédard: Mais il suit le premier.

Tout se lit en fonction de l'article 584. La réclamation, la contestation d'état en dehors des cas prévus pour le désaveu de la contestation de paternité ne sont possibles que s'il n'y a pas de conformité entre le titre et la possession d'état, ce qui est une circonstance particulière qui ouvre, évidemment, la porte à la contestation et à la réclamation d'état. Ce sont deux situations différentes, alors que, dans le paragraphe premier - c'est pour cette raison qu'a été maintenu le désaveu de la contestation de paternité - déjà a pu se créer une possession d'état conforme au titre. Nous sommes, devant deux situations différentes, je reconnais que c'est assez technique, c'est assez subtil, mais on est obligé de distinguer ces situations où une possession d'état a pu déjà venir confirmer le titre, et à ce moment-là on donne aux époux le privilège de pouvoir désavouer ou de contester la paternité, et le cas où cette conformité entre le titre et la possession d'état ne s'est pas créée et où néanmoins on vient fermer quand même la porte à une contestation qui, normalement, devrait avoir

lieu parce qu'il n'y a pas cette conformité entre le titre et la possession d'état.

M. Lalonde: Mais, tout en tenant compte de cette circonstance, à savoir que le deuxième alinéa de l'article 585 se trouve dans une section différente du chapitre, ne trouvez-vous pas que le principe qui est affirmé dans le deuxième alinéa peut contredire le principe qu'on trouve à l'article 583?

M. Bédard: Non, parce que ce qui est visé à l'alinéa 2 de l'article 585, c'est la contestation par un tiers. Essentiellement, c'est cela, alors que ce qui est visé à l'article 583, c'est la contestation par les époux eux-mêmes avec les possibilités de preuve qu'ils ont.

M. Lalonde: J'aimerais beaucoup vous croire, mais, quand on dit: "nul ne peut contester", on ne dit pas "un tiers". On dit: "nul ne peut contester", alors qu'à l'article 583, de toute évidence, cela concerne le père ou celui qu'on a désigné comme étant le père. Mais l'article 585, deuxième alinéa, n'a pas cette nuance. Il comprend tout le monde. Nul, cela comprend le père. (22 h 30)

M. Blank: Dans le premier paragraphe de l'article 585, on parle de la mère aussi. Toute personne intéressée, y compris le père et la mère.

M. Bédard: Cela veut dire à ce moment-là que, passé le délai d'un an dans lequel ils pouvaient agir en désaveu ou en contestation de paternité, même les parents ne peuvent plus venir contester la filiation de l'enfant qui aurait été conçu par voie d'insémination artificielle.

On peut le suspendre pour étude, mais je pense que...

M. Blank: Je ne vois pas comment on ne peut pas dire que l'article 583 n'est pas inclus dans l'article 585.

M. Bédard: Trop fort casse pas. Ce n'est pas contradictoire, en tout cas. Il y avait trois articles du même genre dans le rapport de l'Office de révision du Code civil. On voulait être sûr de fermer toutes les portes.

M. Blank: Oui, c'est pour cela qu'on essaie d'éliminer des articles qui sont là, qui n'ajoutent rien.

M. Forget: M. le Président, je pense, comme c'est le cas de mes collègues, que, si on lit simultanément - à supposer qu'une telle chose soit possible - les trois articles en question, on doit conclure que les époux, s'ils n'ont pas consenti à l'insémination artificielle et si l'enfant n'est pas en possession d'état, peuvent contester ou désavouer la paternité. Je pense que c'est la conclusion qui s'impose à la lecture simultanée des trois articles. S'il n'y a pas possession d'état et s'il n'y a pas eu consentement des conjoints, les conjoints peuvent contester la paternité.

M. Bédard: On va suspendre l'article 583 pour être sûr. En adoptant l'article 585, on verra s'il y a lieu quand même de garder l'article 583. Ce ne sera sûrement pas une longue discussion. On n'aura pas besoin de le reprendre.

M. Forget: C'est un peu technique, mais il reste que, comme c'est technique et s'il n'y a jamais de contestation, les gens vont s'accrocher aux technicités. D'accord.

M. Bédard: Ouvert sur l'angle...

Le Président (M. Laberge): Oui, sur l'angle de... L'article 583 est ouvert pour le moment, est en suspens. J'appelle l'article 584. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Bédard: Cela va de soi. C'est le principe, l'article 584. Adopté?

Le Président (M. Laberge): L'article 584 est-il adopté?

M. Bédard: C'est le principe.

Le Président (M. Laberge): Cela va. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Bédard: La filiation est...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Marguerite-Bourgeoys est d'accord sur l'article 584. Adopté? Vous adoptez les principes?

M. Lalonde: Écoutez, M. le Président, j'ai eu une distraction ici, à ma droite...

M. Bédard: S'il vous plaît, M. le Président, ne le faites pas parler.

M. Lalonde: J'ai eu une distraction à ma droite, ici.

L'article 584 ne présente aucun problème. Mais, lorsque vous aborderez l'article 585, je pense qu'il faudra le suspendre comme l'article 583.

Le Président (M. Laberge): Je vous rappellerai.

M. Forget: M. le Président, je m'excuse, j'ai eu un moment de distraction. Je voudrais quand même revenir à des

considérations...

Le Président (M. Laberge): Sérieuses.

M. Forget: ... plus pertinentes, ou peut-être pas plus pertinentes, mais plus sérieuses, pour souligner que c'est à cet article 584 que le Barreau suggère que cette distinction soit faite entre la filiation qui est reconnue à l'acte, en étant dûment signé, et la filiation qui est simplement décrite à l'acte, sans en porter reconnaissance.

Je voulais le souligner ici parce que nous en avons déjà débattu et c'est à ce moment-ci que cette distinction deviendrait pertinente. C'est au moment de la réclamation ou de la contestation d'état.

Pour le reste, M. le Président, je suis bien prêt à l'adopter.

Le Président (M. Laberge): L'article 584 est adopté. Article 585.

M. Lalonde: Je pense qu'on devrait suspendre l'article 585 comme l'article 583, parce que c'est là qu'on trouve la contradiction apparente entre l'article 583 et l'article 585.

M. Bédard: Je préférerais qu'on adopte l'article 585 et on verra. On dit: Nul ne peut contester. Il s'agit simplement de savoir si l'article 583 est encore nécessaire. Alors, on a gardé l'article 583 ouvert.

M. Lalonde: Écoutez, je ne sais pas si je peux faire appel à la sagesse proverbiale du ministre et à sa...

M. Bédard: Vous me prenez par mon point sensible!

M. Lalonde: Remarquez que la discussion ne sera pas plus longue si on suspend les articles 583 et 585, mais si on adoptait l'article 585 et qu'on s'apercevait que ce n'est pas l'article 583 qui fait problème, mais que c'est l'article 585, à ce moment, ça forcerait le ministre à demander le consentement.

Mme Lavoie-Roux: II le donne facilement, le consentement.

M. Lalonde: Oui?

Le Président (M. Laberge): Jusqu'à maintenant, la présidence l'a obtenu.

M. Bédard: Ici, ça fonctionne assez bien.

M. Lalonde: C'était avant que je n'arrive?

M. Bédard: Oui! On ne peut rien vous cacher!

M. Lalonde: Alors, ça va, adopté, ce coup-là.

M. Forget: C'est ce qu'on appelle un argument ad hominem, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Article 585, adopté. J'appelle l'article 586.

Mme Lavoie-Roux: Après, M. le Président, il faudra que le ministre fasse preuve de bonne foi, si on doit retourner en arrière!

M. Bédard: Comme toujours, madame! Il n'y a qu'un argument qui m'aurait suspris, c'est si le député de Marguerite-Bourgeoys avait dit qu'il voulait argumenter longuement, alors là, j'aurais...

M. Lalonde: Pas du tout, jamais! J'ai simplement contribué!

Le Président (M. Laberge): J'ai appelé l'article 586, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, et on nous suggère, à l'article 586, deux amendements. Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa on nous demande de remplacer les mots "dès lors constants" par les mots "déjà clairement établis". C'est à l'avant-dernière ligne, après les mots "résultant de faits"; on enlève les mots "dès lors constants" pour les remplacer par "déjà clairement établis".

M. Lalonde: Pourquoi "clairement"? Est-ce que c'est possible qu'il y ait des faits qui ne soient pas clairement établis?

M. Bédard: Pour ne pas mettre "confusément établis".

M. Lalonde: Non, mais "des faits établis".

M. Bédard: Non, "clairement établis", on veut que ce soit clair.

M. Lalonde: Alors, les faits qui sont établis, mais pas clairement, ce serait une objection?

M. Bédard: II faut peut-être donner l'explication technique. Les faits qui sont visés ici, ce sont des faits qui donnent ouverture à la présomption par témoins. C'est ce qu'on appelle, dans le jargon, "des adminicules de preuve" qui, une fois qu'ils sont prouvés, autorisent la présentation de la preuve par témoins. Il faut que ce soient des faits qui ne donnent pas lieu à enquête. Autrement dit, dès qu'on les présente au juge, qu'il n'ait pas à faire témoigner des gens sur la véracité des faits en question.

Un exemple simple, qui fait sourire parce qu'on le croit souvent peu pratique, alors qu'en réalité il est souvent utilisé dans les procès de filiation, c'est la ressemblance de l'enfant avec, par exemple, le père prétendu. C'est assez souvent utilisé dans les procès de filiation, contrairement à ce qu'on pourrait croire. Évidemment, cela ne demande pas de témoignage, c'est un fait clairement établi. Maintenant, le jeu des ressemblances, je le reconnais, est un jeu assez suspect, quelque fois, mais si l'enfant est relativement âgé, il peut y avoir déjà des traits du visage qui sont suffisamment prononcés pour que la chose apparaisse clairement au juge. C'est pour cela que le mot "clairement", ici, me paraît important parce qu'il faut que ce soit un fait qui ne prête pas à enquête.

M. Forget: M. le Président, j'aimerais poser une...

M. Bédard: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le ministre, si vous voulez...

M. Forget: J'avais une question, mais je ne sais pas si on y répondra. Je peux la formuler, cependant, c'est très court.

En changeant les mots "dès lors constants" pour "déjà clairement établis", on se trouve à écarter une expression qui est déjà au Code civil depuis 1866. Est-ce qu'on écarte de la même façon une jurisprudence qui se serait fixée sur ces mots?

M. Bédard: Cela peut avoir une certaine influence. Vous avez un arrêt de la Cour d'appel des années quarante, autant que je m'en souvienne, qui avait dit: "Peu importe que les adminicules de preuve soient présentés avant ou après les témoignages, il suffit qu'à un moment ou l'autre de l'enquête le juge puisse constater la présence de ces faits dès lors constants". En disant "déjà clairement établis" il est probable qu'on va obliger les juges à constater d'abord la présence de ces faits clairement établis avant d'admettre les témoignages. Je me demande si, du point de vue procédural, ce n'est pas une modification assez sage de la jurisprudence actuelle, parce que si le juge entend d'abord les témoignages et qu'ensuite il accepte la présentation des faits qui auraient rendu ces témoignages admissibles, il est possible qu'il se montre un peu plus souple et, dans certains cas, trop souple. Je reconnais qu'on modifierait ici sans doute une jurisprudence de la Cour d'appel. Je crois qu'elle s'est montrée un peu trop généreuse dans l'appréciation des faits dès lors constants.

M. Forget: Excellent. Le ministre avait des explications.

Le Président (M. Laberge): C'est sur l'article général.

M. Forget: Ah bon.

Le Président (M. Laberge): On va adopter l'amendement si vous voulez.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Cet amendement qui remplace certains mots par les mots déjà clairement établis. Oui, c'est cela.

Cet amendement est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Les commentaires du ministre sur l'article 586.

M. Bédard: Article 586? Article 587, M. le Président?

Le Président (M. Laberge): Non. Article 586 encore. À moins que vous ne vouliez passer au suivant.

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laberge): II faudrait adopter l'article 586 tel qu'amendé. J'ai un article 586.1 à ajouter. Il n'y a rien d'autre sur 586?

M. Forget: Non, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 586 tel qu'amendé est adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté tel qu'amendé. On nous suggère après l'article 586 d'ajouter un article 586.1 qui se lit comme suit: "Le commencement de preuve par écrit résulte des titres de famille, des registres et papiers domestiques ainsi que de tous autres écrits publics ou privés émanés d'une partie engagée dans la contestation ou qui y aurait intérêt si elle était vivante."

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalonde: Est-ce qu'on pourrait avoir une copie de cette amendement?

Le Président (M. Laberge): II y a eu quelques copies distribuées, je crois. Je ne sais pas s'il y en a pour tout le monde.

Article 586.1 que j'ai porté à votre attention.

M. Lalonde: Pourquoi réduire le concept du commencement de preuve par écrit à des écrits, alors qu'on sait très bien que le commencement de preuve par écrit peut

résulter de faits, de circonstances, d'après la loi de la preuve actuelle?

M. Bédard: Je pense que c'est parce que cela vient de la rédaction même de l'article 586 où les faits et circonstances dont vous parlez sont déjà prévus par les présomptions et indices résultant de faits déjà clairement établis.

M. Lalonde: Cela peut être clairement établi autrement que par des titres de famille, des registres et des papiers domestiques parce que vous vous référez, dans l'article 586.1, à des documents alors que vous savez très bien qu'un commencement de preuve par écrit peut résulter de circonstances, de témoignages, peut résulter d'autre chose que d'un écrit.

M. Bédard: Oui, mais les témoignages sont radicalement exclus.

M. Forget: Pourquoi?

M. Bédard: Parce qu'en matière de filiation on n'admet traditionnellement les témoignages qu'à partir du moment où déjà on a un commencement de preuve par écrit spécifiquement défini ou des faits déjà clairement établis.

On craint un peu - le mot est peut-être un peu trop fort - la subornation de témoins dans ce domaine et on a toujours voulu être extrêmement prudent dans l'admission des témoignages. Je pense qu'il faut écarter certaines notions jurisprudentielles libérales du commencement de preuve par écrit.

M. Forget: Est-ce qu'il n'y a pas, M. le Président, un risque qu'on se retrouve dans une espèce de vide juridique ou d'absence d'état? Si je comprends bien, l'article 586, renforcé par 586.1, restreint les possibilités d'établir la filiation même lorsque cette filiation qu'on conteste n'est pas établie par un titre ou une possession d'état conforme. On a déjà une situation qui est douteuse puisqu'il n'y a pas simultanément titre et possession d'état conforme, il y a un titre et il n'y a pas possession d'état conforme. Même là, on limite la possibilité d'établir positivement une filiation. Cependant, l'article suivant 587 énonce le principe que, avant de pouvoir affirmer une nouvelle filiation, il faut réussir dans une action jointe de contestation de l'état précédent; à moins que les deux ne veuillent dire la même chose, qu'on conteste une filiation en en établissant positivement une deuxième. Il me semble que si on réussit à contester avec succès la filiation courante jusque-là, présumée jusque-là ou apparemment établie jusque là et qu'une fois qu'on est rendu à mi-chemin il y a des restrictions quant à la façon de faire la preuve positivement, on est effectivement très restrictif. (22 h 45)

Est-ce qu'il n'y aurait pas des situations où on réussirait la première partie, c'est-à-dire qu'on réussirait à contester de façon croyable la première filiation, celle qui a été présumée exister jusque-là, mais qu'on ne réussirait pas à faire la deuxième? On se trouverait dans la situation où on n'a plus de filiation du tout parce qu'il n'y a pas un début de preuve par écrit, même si les témoignages abondent, il n'y a aucun commencement de preuve par écrit. On ne peut pas procéder, la preuve est irrecevable. À ce moment-là, la reconnaissance ne vaut que pour celui qui la fait, elle n'a pas d'effet à l'égard des tiers; donc, tout le monde est paralysé, le tribunal aussi.

M. Bédard: C'est certain qu'il y a là une objection assez sérieuse, mais si nous avons maintenu - l'office l'a fait de la même façon - le droit existant, c'est que ce genre de choses ne s'était pas présenté dans la pratique. Est-ce qu'on doit faire confiance à une pratique séculaire pour dire que finalement elle fonctionnera également dans l'avenir? Autrement dit, je ne connais pas de cas, dans la jurisprudence, où, ayant détruit une filiation, on n'a jamais réussi à en établir une autre. Peut-être parce que les choses sont assez intimement liées.

M. Forget: Mais il y avait d'abord énormément de restrictions à la possibilité de contester la filiation. On vient de voir les quatre ou cinq articles du Code civil qu'on fait sauter. Tous les moyens de preuve sont admis sans restriction quant à la possibilité de contester la filiation, ce qui veut dire que relativement à l'oeuvre de destruction nécessaire d'une filiation pour en établir une autre, cela va quand même assez bien avec les nouvelles propositions. On détruit la filiation, on la rend incroyable, invraisemblable, mais la même liberté ne se retrouve pas pour le travail de reconstruction.

Je pense que l'article 586 qui, effectivement, reprend dans une large mesure l'article 232 du Code civil actuel, est, lui, une inspiration de cette espèce de faveur qu'on faisait à la filiation qui paraissait légitime à sa face même et on limitait la possibilité, bien sûr, non seulement de la contester, mais aussi de construire une preuve concurrente, une filiation concurrente, de prouver une filiation concurrente. Il me semble que si on fait l'un et qu'on ne fait pas l'autre, on risque de se retrouver assis entre deux chaises, figurativement parlant.

M. Bédard: Tout ce que nous pouvons dire, c'est que nous avons été plus larges que l'office ici parce que, par la définition

que nous proposons des commencements de preuve par écrit, nous sommes plus larges que l'office qui, lui, se référait à une définition assez étroite. C'est l'article 68 du chapitre de la preuve où il définissait son commencement de preuve par écrit: Un commencement de preuve par écrit peut résulter d'un écrit émanant de la partie adverse ou de son témoignage.

M. Forget: Oui, effectivement, c'est beaucoup plus large.

M. Bédard: Donc, cela restreint au départ. Il peut également résulter d'un fait dont l'existence a clairement été démontrée. On revient ici avec les faits; dès lors, pour l'instant, les faits déjà clairement établis.

C'est un élargissement sur la proposition de l'Office de révision du Code civil.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que ce nouvel article 586.1 sera adopté?

M. Forget: Vous demandez si on adopte l'article 586.1. Oui, M. le Président, on l'adopte.

Le Président (M. Laberge): Alors, article 586.1, adopté. J'appelle l'article 587 où je n'ai pas d'amendement.

M. Bédard: Cet article 587 est de droit nouveau, naturellement.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Oui, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Sur 586.1, vous dites: Cela élargit par rapport à ce que l'Office de la révision proposait, ce commencement de preuve par écrit. C'est ce que mon collègue de Saint-Laurent a développé, c'est ce que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a évoqué aussi. Est-ce qu'il n'existe pas des cas où finalement cela se fait verbalement plutôt que d'une façon écrite? Vous savez, les preuves écrites ici, au Québec, peut-être moins aujourd'hui, il n'y a pas si longtemps, ce n'était pas une chose fréquente. Cela ne s'est pas présenté peut-être parce qu'à ce moment il y avait une certaine honte à se faire passer pour quelqu'un qui n'aurait pas été un enfant légitime, etc. Les circonstances sociales étaient ainsi. Aujourd'hui, un enfant ou même un jeune adulte ou un adulte a beaucoup moins de réticence à aller devant une cour faire reconnaître sa paternité. On recherche même ses parents naturels, ce qu'on ne faisait pas autrefois. Je pense que les moeurs et les coutumes ont changé.

M. Bédard: Peut-être les moeurs et coutumes iraient-elles dans le sens qu'il y aurait plus d'écrits qu'il n'y en avait même dans le passé.

Mme Lavoie-Roux: Oui. C'est pour cela que je vous dis qu'aujourd'hui il y aurait probablement plus d'écrits qu'autrefois, mais il n'y a pas si longtemps - justement c'est à une génération près ou deux dans bien des cas - les gens n'écrivaient même pas.

M. Blank: S'il veut avoir les allocations familiales et le bien-être social, il faut quelque chose d'écrit immédiatement.

Mme Lavoie-Roux: Oui, cela est correct, mais celui qui a besoin d'une preuve par écrit surtout dans les milieux plus défavorisés, il y a encore moins de chances qu'il y ait ce type de preuve. C'est souvent parce que quelqu'un dit: Tu sais, tu n'es pas la fille de ton père, c'est souvent à partir d'affirmations verbales comme celle-là qu'à un moment donné quelqu'un se met à chercher.

M. Bédard: Vous savez, les commencements de preuve par écrit, c'est quand même une notion très large. On a admis comme commencement de preuve par écrit des photographies avec des dédicaces compromettantes. On a admis des fiches d'hôtel. On a admis des admissions dans des instances judiciaires antérieures. C'est une notion extrêmement large, tout au moins telle que nous l'avons définie dans le nouvel article 586.1, parce que dans la définition que donnait l'office qui limitait cela à des écrits émanés de la partie adverse, c'était très limitatif. Vous savez, un commencement de preuve par écrit, cela pourrait être vraiment un bout de papier contenant un indice, mais qui ne suppose pas, n'est-ce pas, que celui qui l'avait en sa possession était incapable d'écrire. Ce n'est qu'un commencement. C'est très large comme notion.

Mme Lavoie-Roux: Ma seule préoccupation, c'est que personne ne soit lésé. Dans le fond, vous voulez le permettre. Peut-être qu'il n'y a pas eu de cas, mais je pense que cela peut se présenter très différemment aujourd'hui que cela se présentait il y a peut-être dix ou quinze ans.

M. Bédard: On a même admis comme commencement de preuve par écrit la demande que quelqu'un avait faite dans une formule d'allocations familiales; c'était considéré comme étant un commencement de preuve par écrit. Évidemment, ce sont des choses un peu effrayantes dans leur habit technique, mais qui dans la réalité sont des choses assez simples de la vie courante.

Le Président (M. Laberge): Article 586.1, adopté. J'appelle l'article 587.

M. Bédard: C'est un article de droit nouveau. Il importe, en effet, de contester d'abord l'état établi avant d'en réclamer un autre pour éviter de se retrouver dans un conflit de filiation non résolu. Cela va de soi. C'est un peu comme le mariage; il faut en terminer un pour en entreprendre un autre.

M. Forget: On ne peut pas avoir deux filiations contradictoires. M. le Président, dans le texte anglais, l'article 587 n'est pas rédigé de la même façon qu'il l'est en français et semble contradictoire dans sa rédaction anglaise avec l'article 584. Je crois qu'on a omis "either or" dans les deux premières lignes: "if the child already has another filiation established, either by an act of birth or by the possession of status", alors que là, on a seulement deux virgules. Il y a le "or" qui suit à la fin, mais je ne suis pas sûr que ce soit clair.

M. Bédard: Nous allons le vérifier.

M. Forget: Vous allez vérifier? D'accord.

Le Président (M. Laberge): Cet article 587 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle l'article 588.

M. Bédard: L'article proposé reprend l'article 234 du Code civil en le généralisant et consacre les solutions jurisprudentielles. L'article 289 de l'Office de révision du Code civil n'a pas été retenu; cet article, selon l'Office de révision du Code civil, reconnaît, comme la jurisprudence, qu'il est impossible, par respect pour l'inviolabilité de la personne humaine, de forcer une personne à se soumettre à un prélèvement sanguin. Le refus de se soumettre à un examen sanguin pouvant tenir à de multiples causes, on voit mal en effet comment on peut en tirer une présomption de paternité dans tous les cas.

M. Forget: Oui, d'ailleurs, M. le Président, on ne pourrait pas établir la paternité contre une personne qui la nie à l'aide d'un test sanguin. Tout ce qu'on peut faire, c'est prouver l'incompatibilité d'une relation de filiation entre deux personnes, si elles appartiennent à des groupes sanguins différents ou incompatibles; c'est une preuve négative qu'on peut faire avec ça et non pas une preuve positive.

Alors, elle ne pourrait être invoquée que par la personne qui s'oppose à l'affirmation d'une filiation.

M. Bédard: Mais pas quelqu'un qui réclame.

Le Président (M. Laberge): L'article 588 est-il adopté?

M. Bédard: Adopté. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle l'article 589.

M. Bédard: Le premier alinéa de 589 rompt avec la tradition d'imprescriptibilité des actions d'état et limite à trente ans, contrairement à la recommandation de l'Office de révision du Code civil, le délai de prescription des actions relatives à la filiation, à moins qu'elles ne soient déjà enfermées par la loi dans des délais plus courts. En cela, le Québec s'inspire du Code civil français.

Le deuxième alinéa modifie, à la recommandation de l'Office de révision du Code civil, la règle de l'article 236 du Code civil; il limite en effet à trois ans le délai pendant lequel les héritiers peuvent décider de réclamer une filiation que l'enfant aurait négligé de réclamer lui-même, tout en leur permettant d'agir, quel que soit l'âge auquel l'enfant est décédé. Il a semblé que les héritiers pouvaient avoir intérêt à réclamer une filiation, même si le de cujus avait plus de 23 ans au moment de son décès.

Le Président (M. Laberge): Avez-vous des commentaires?

M. Forget: Non, M. le Président. Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 589 est adopté. J'appelle l'article 590.

M. Bédard: II parle par lui-même. Tous les enfants dont la filiation est établie ont les mêmes droits et les mêmes obligations, quelles que soient les circonstances de leur naissance.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 590, adopté.

Maintenant, à quel chapitre voulez-vous passer?

M. Bédard: Je ne sais pas si on pourrait passer "De la résidence familiale" dans une heure?

M. Forget: C'est un chapitre que nous avons déjà examiné, M. le Président. Étant

donné que nous avons déjà eu une discussion sur le sujet, discussion à laquelle j'aimerais pouvoir me référer, je me demande s'il ne serait pas possible au ministre de nous déposer les modifications qu'il veut faire; nous pourrions les examiner et y revenir demain au cours de la journée.

M. Bédard: Oui, alors on pourrait aller à l'article 2, page 43 du projet, on pourrait aller jusqu'à...

Le Président (M. Laberge): Les changements au Code civil du Bas-Canada.

M. Bédard: C'est ça.

M. Forget: M. le Président, pourrait-on suspendre la séance pendant quelques minutes? Cela nous donnera le temps d'aller chercher le dossier relativement à cette partie.

Le Président (M. Laberge): La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 23 heures)

(Reprise de la séance à 23 h 16)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et messieursl

De la célébration du mariage

Nous avons suspendu l'étude de l'article 1 du projet de loi 89 et on nous demande ici, à la suite de cet article 1, d'ajouter un article numéroté 1.1 entre l'article 1 et l'article 2, qui se lirait comme suit: "Le Code civil du Bas-Canada est modifié en ajoutant, après l'article 7, le suivant: "7.1. Le mariage célébré hors du Québec entre deux personnes sujettes à ses lois, ou dont l'une seulement y est soumise, est valable, s'il est célébré dans les formes usitées au lieu de la célébration, pourvu que les parties n'y soient pas allées dans le dessein de faire fraude à la loi."

Est-ce qu'il y a des explications, M. le ministre?

M. Forget: Est-ce qu'on pourrait avoir une copie de l'amendement?

M. Bédard: II s'agit effectivement, quant au texte, de l'article 420 du projet de loi 89, qui est déplacé au Code civil, si vous vous souvenez, lorsque nous sommes passés là. Il devient l'article 7.1 du Code civil du Bas-Canada. C'est l'article 420 du projet de loi.

Le Président (M. Laberge): L'article 420 qui se trouvait à la page 10 de notre projet de loi.

Mme Lavoie-Roux: On l'a adopté, celui-là.

Le Président (M. Laberge): Non. L'article 420 du projet de loi à la page 10...

Mme Lavoie-Roux: II avait été laissé en suspens.

Le Président (M. Laberge): II a été supprimé à ce moment-là. L'article 419 a été remplacé par un papillon qu'on a adopté. L'article 420 a été supprimé pour être replacé ailleurs. L'effet, à ce qu'on m'explique, est le suivant: Au lieu d'être un nouvel article dans le Code civil du Québec, ce sera un amendement au Code civil du Bas-Canada actuel.

M. Forget: M. le Président, je voudrais soulever, à ce moment-ci, un point de règlement.

Je n'ai pas d'objection à procéder à la bonne franquette et avec le maximum de collaboration. Je comprends qu'on nous fait faire des renvois dans le corps du texte, mais si le ministre veut introduire une motion qui prend la forme d'un nouvel article, même si le texte de cet article est vrai, qu'on peut le retrouver dans le corps du projet de loi, il demeure que nous devrions avoir à ce moment-ci un texte en bonne et due forme, une motion d'amendement en bonne et due forme du projet de loi et que ce texte devrait être distribué.

Je ne soulève pas ce point-là de manière isolée. Avant la suspension, le ministre nous annonçait que nous étudierions l'article 2, qui se situe à la page 43, ainsi que les amendements qui s'ensuivent. Nous avons tenté d'obtenir une photocopie de documents de travail qui seraient nécessaires à mes collègues et à moi-même pour suivre le déroulement des travaux de la commission. Alors qu'il est convenu que le service de photocopie reste ouvert tant et aussi longtemps que l'Assemblée nationale ou ses commissions siègent, le service de photocopie est fermé.

M. le Président, II y a eu quatre jours de séance, où on nous fait siéger jusqu'à minuit nous n'avons fait aucune espèce d'objection ou d'empêchement pour collaborer à l'adoption du projet de loi en dépit d'une fatigue qui est normale, dont je ne me plains pas, nous sommes payés pour cela. Mais il reste que la fatigue se fait ressentir également sur la qualité de notre travail. Je pense que quand on est rendu à couper les coins et à couper les budgets - peut-être, je ne sais pas - de l'Assemblée nationale, contrairement aux pratiques et aux convenances - on nous a même empêchés de

faire des photocopies de documents de travail dont nous avons besoin - il est temps que nous cessions de tout accepter sans discuter et que nous soulevions ce point de règlement, de manière que le fonctionnement normal des commissions n'en prenne pas trop pour son rhume.

Malgré l'empressement du gouvernement, que je peux comprendre, à voir à approuver et adopter rapidement les amendements au Code civil, il reste que le feu n'est pas dans la demeure. Nous sommes devant un rapport qui a été déposé devant l'Assemblée nationale en 1978. Il y a deux ans et demi que le gouvernement le considère au rythme qui fait son affaire, en prenant tout le temps qui lui est nécessaire pour l'étudier, le polir et le repolir sans cesse, selon le conseil de Boileau. Le temps qui lui a été nécessaire s'évalue en mois et en années. Voici qu'il nous le soumet, comme il est obligé de le faire, et que nous, le temps nous est mesuré en heures, tout au plus en jours et qu'en plus de cela on ajoute des difficultés sur le plan du fonctionnement des services de l'Assemblée nationale.

Je pense, M. le Président, que la patience a des limites, que même la meilleure volonté de collaboration ne doit pas être mise à trop rude épreuve. Je n'ai pas abusé, M. le Président. C'est le premier point de règlement que nous soulevons en 40 heures de délibérations, ou quelque chose qui s'en rapproche, jusqu'à maintenant. Ce n'est donc pas pour faire de la procédure, mais je pense qu'à un moment donné il faut savoir se faire respecter comme membres de cette Assemblée et ne pas accepter d'être bousculés pour des convenances... Rien de tout cela ne semblait pressant, il y a un an, ni il y a six mois, ni il y a trois mois. Mais on se trouve, comme par hasard, dans la période de fin de session et on vient de découvrir qu'il y a un Code civil à amender, quand les règles nous permettent de siéger quatorze heures par jour. Une grande découverte qu'on a faite du côté gouvernemental: c'est devenu urgent, un Code civil.

Vous me permettrez de rire un peu de cette urgence, M. le Président. Il y a quand même des limitesl On aurait pu le faire au mois de décembre 1978, en décembre 1979. Voici que, tout à coup, ce serait l'Opposition qui empêche d'adopter le Code civil...

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président.

M. Forget: C'est absolument intolérable, cette attitude. Je pense qu'on aurait dû avoir la décence du côté du gouvernement - c'est la première fois que j'en fais état et le ministre va me laisser parler; quand j'aurai fini, il pourra faire son intervention, comme il lui semblera approprié il me semble, de ne pas imposer à l'Assemblée nationale d'adopter...

M. Bédard: J'ai une question de règlement.

M. Forget: ...une modification au Code civil au rythme de dix heures par jour, jour après jour, jusqu'à épuisement.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent, le ministre soulève une question de règlement, j'aimerais l'entendre.

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président, parce que je crois que la collaboration a été dans les deux sens. Je ne comprends pas...

M. Forget: Quel article le ministre invoque-t-il pour me couper la parole, M. le Président?

M. Bédard: Parce que vous évoquez...

M. Forget: En vertu de quel article du règlement le ministre prend-il la parole, alors que j'ai encore le droit de parler?

M. Bédard: Je demande...

M. Forget: En vertu de quel article, M. le Président? Est-ce qu'il y a quelque chose qui vous permet dans mes remarques... L'article 96 vous permet d'intervenir après que j'aurai fini de parler.

M. Bédard: M. le Président...

M. Forget: Est-ce que ce que je dis au ministre actuellement est tellement vrai qu'il ne veut pas tolérer de l'entendre?

M. Bédard: Ce n'est pas vrai. Franchement:

Le Président (M. Laberge): Je voudrais juste savoir en vertu de quoi il intervient.

M. Blank: C'est très différent, parler sur une question de règlement. Ce qui peut permettre d'interrompre, c'est une question de privilège. Or, les questions de privilège n'existent pas ici. Je dois dire que sa question de règlement doit être finie avant que la question de règlement du ministre commence. C'est élémentaire.

Le Président (M. Laberge): À moins que le ministre veuille intervenir sur un article du règlement très spécifique qu'il voudrait mentionner.

M. Blank: Même pas cela. Il a une question de règlement. Ce n'est pas un discours qu'il fait. C'est une question de

règlement.

M. Bédard: C'est une question de règlement basée sur une situation qui n'existe pas. On ne veut pas bousculer...

M. Blank: II a le droit de s'expliquer. Si vous voulez répondre, vous avez le droit de répondre après qu'il aura fini.

M. Bédard: On nous a dit que l'Opposition n'était pas prête. Je répondrai après, M. le Président, pour ne pas compliquer la situation.

Le Président (M. Laberge): C'est en vertu de l'article 96. En vertu de l'article 96, le ministre pourra donner une explication sur les faits. La parole est remise au député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. J'exprimais mon étonnement et même un peu mon indignation devant la précipitation qu'on met à nous faire étudier ce projet à toute vapeur. Je pourrais ajouter aux sources d'étonnement et d'indignation que nous éprouvons de ce côté-ci de la commission parlementaire les raisons additionnelles que peuvent avoir un certain nombre de groupes qui, de points de vue divergents ou différents, ont cherché à collaborer à l'édification d'un nouveau Droit civil pour le Québec. Ce sont des groupes qui ne sont pas tous constitués par des personnes qui sont payées à plein temps, contrairement aux députés de l'Assemblée nationale, pour étudier le Code civil. Ils l'ont fait à titre bénévole. Ils ont employé à cela de nombreuses heures, et voici qu'après les avoir invités à préparer des mémoires et à venir les débattre ou en débattre avec les membres de l'Assemblée nationale, il y a de cela au-delà d'un an et demi, le gouvernement ne s'est pas autrement soucié de débattre du projet précis qu'il soumet à l'Assemblée nationale avec ces groupes, en dépit de leur désir, désir qu'ils ont exprimé d'ailleurs, de participer plus activement qu'ils ne pourront jamais le faire s'ils attendent que les journaux leur fassent rapport de nos délibérations.

Je ne sais pas, M. le Président, si vous avez examiné les journaux depuis quelques jours. Ils sont éloquents par leur indifférence à la réforme du Code civil. Donc, des citoyens intéressés doivent soit se résigner à ne rien savoir parce qu'il semble que nos travaux ne sont pas assez spectaculaires, du moins jusqu'à maintenant, et apprendre, après coup, quel est le sort qu'on a fait à leurs objections, à leurs réserves et à leur désir de voir modifier, dans un sens ou dans l'autre, certaines dispositions du Code civil. Ou alors ils doivent prendre sur eux de quitter leur emploi, de tout laisser, de tout abandonner, une semaine avant Noël, pour venir siéger ici. Grâce au ciel, il y a un ou deux représentants qui le font de façon assidue. Mais ce n'est pas suffisant de les voir assis là. Il faudrait peut-être aussi, à l'occasion, leur donner la chance de participer, de réagir et de leur permettre de dire ce qu'ils pensent de ce que nous faisons.

Je pense qu'on serait malvenu de procéder en entier à tout ce travail sans, au moins une fois, faire allusion aux absents malgré eux.

Si la commission parlementaire se déroulait dans un cadre différent, si à tous les jours, par un hasard miraculeux, on pouvait trouver dans la page consacrée aux affaires judiciaires ou à la vie parlementaire un compte rendu des questions qui font l'objet d'amendements de la part du ministre, d'objections ou d'interrogations, les articles suspendus, ceux qui sont adoptés - au moins les principaux - si on avait une façon de communiquer avec la population à laquelle s'adressent ces amendements, je me dirais: Mon Dieu, on va pouvoir nous faire signe si jamais on se met, sans le vouloir et sans y penser, les pieds dans les plats. Mais pas du tout, M. le Président. Le public sera informé quand tout cela sera devenu de l'histoire ancienne. On pourra dire: Si on avait su, on aurait dit ceci ou cela, mais on le saura quand il sera trop tard pour intervenir.

M. le Président, ajoutant à cette décision du gouvernement de procéder comme cela, la veille de Noël, au rythme de quatorze heures par jour - dix heures si on soustrait l'heure des repas, dix heures de travail par jour - à l'adoption de modifications au Code civil comme si c'était une question de vie ou de mort, alors que ça fait 22 ans que tout ceci est en préparation, que ça fait quatre ans et quelques jours que le gouvernement actuel est en place, que ça fait deux ans et demi qu'il a reçu le rapport de l'Office de révision du Code civil et que cela fait un an et demi qu'il y a eu des audiences publiques pour en discuter avec la population ou, du moins, un certain nombre de groupes dans la population qui s'intéressent à ces choses-là, qu'on ne vienne pas me dire qu'il faut, toute affaire cessante, adopter rapidement toutes les dispositions du Code civil qui nous sont proposées sans même qu'on ait le temps parfois de souffler. Quand, en plus de cela, on ajoute le retrait de certains services parlementaires! On a dit: Bon, on vient de décider parce qu'on est peut-être allé un peu trop vite, je ne le sais pas, on va nous confiner à l'étude de telle ou telle section. Je veux bien. Notre premier mouvement en a été un de collaboration; mais je pense que le vase a débordé quand on a appris que les services de photocopie étaient fermés. On ne s'était pas préparé pour cela, on s'excuse. On ne peut pas se préparer pour tous les

chapitres sans savoir. (23 h 30)

On avait convenu qu'il y aurait la filiation, on l'a fait; qu'on parlerait des pensions alimentaires; on l'a fait. On a convenu de faire un certain nombre de choses, on les a faites, mais on ne pouvait pas tous se préparer pour tout faire le même soir. Je m'excuse! On n'est peut-être pas assez prévoyant, mais il y a des choses dans la vie comme cela qu'on ne peut pas prévoir. On dit: D'accord, on va faire un effort, même si on ne s'est pas préparé, on va faire le mieux possible dans les circonstances. Déjà, probablement que nous manquons à nos devoirs, M. le Président, d'accepter si facilement de faire porter notre attention sur une chose ou sur une autre même si on n'est pas préparé. En plus de cela, on a dit: Est-ce qu'on peut au moins distribuer les feuilles de travail qui nous permettent de façon parallèle d'étudier les textes les uns par rapport aux autres? Est-ce qu'on peut au moins avoir les photocopies pour que mes collègues et moi-même puissions examiner de quoi il est question? Le service de photocopie est fermé. Belle affairel

M. le Président, c'est à ce moment-là que j'ai décidé que nous allions peut-être obtenir, en protestant, un peu plus de respect pour les droits de l'Opposition et les droits de la population dans la réforme d'une partie de notre droit qui est si importante et à laquelle nous croyons, à laquelle nous voulons contribuer. Nous n'avons suscité aucune espèce d'objection, soit sur le plan des principes ou sur le plan du règlement, qui puisse le moindrement être accusée d'irresponsabilité.

Je pense, au moins, que le ministre et tous les collègues de l'Assemblée nationale pourront nous rendre cet hommage. Nous avons fait un travail sérieux en nous servant de nos faibles lumières, en allant souvent avec les ressources du bord, M. le Président, et ce que nous pouvons tirer des mémoires, alors que parfois les mémoires portent sur des articles rédigés différemment de ceux qu'on a finalement à étudier et à approuver. Nous avons essayé de collaborer positivement. Je pense qu'à ce moment-ci nous sommes arrivés au bout du rouleau. À moins qu'on se resaisisse, du côté ministériel, parce qu'il y a, je pense, un petit peu d'abus qui est fait, et afin de bien souligner que nous avons l'intention que toutes ces choses soient prises au sérieux, je vais faire une motion à l'effet que la Commission parlementaire de la justice suspende ses travaux jusqu'au mardi 16 décembre, soit demain.

M. Bédard: M. le Président, il ne sera peut-être même pas nécessaire de faire une motion. Il me semble qu'il aurait été facile pour l'Opposition d'exprimer son point de vue sans mettre en doute l'esprit de collaboration que nous avons affiché, nous aussi, tout au long de l'étude du projet de loi jusqu'à maintenant. Je ne suis pas là pour faire des reproches à l'Opposition de ne pas être prête à aborder l'étude des articles que nous nous proposions d'aborder. Je conçois que ce n'est pas toujours facile pour l'Opposition d'avoir tous les moyens à portée de la main, d'obtenir la préparation nécessaire pour procéder à l'étude d'un chapitre indistinctement par rapport à un autre au niveau du Code civil, d'autant plus que s'est ajoutée, nous devons le reconnaître, une difficulté qui résulte du fait que les services de photocopie ne fonctionnent pas. Ils ne fonctionnent pas pour nous non plus et nous en sommes déçus parce que nous avions des amendements préparés. Je conçois que le seul fait de les remettre à l'Opposition, à un des membres de l'Opposition, cela ne résout pas le problème, puisque tous les membres veulent étudier ces projets d'amendements. C'est la même chose aussi pour l'Opposition qui a à travailler en équipe et qui ne me semble pas pouvoir, comme nous, avoir la photocopie de projets d'amendements ou encore d'instruments de travail qui permettent de fonctionner plus efficacement. Je pense que le député de Saint-Laurent a fait état de la collaboration de l'Opposition et j'en suis. Je pense qu'il doit convenir aussi que, du point de vue gouvernemental, nous avons aussi essayé d'y mettre le plus de célérité possible au niveau de cette collaboration. Je ne veux pas - il reste une demi-heure - faire en sorte qu'on ait l'impression de bousculer l'Opposition. Je ne voudrais pas, par exemple, que ce soit mis sur le compte des membres du gouvernement. Je pense que le député de Saint-Laurent reconnaîtra ça. Je crois que, du point de vue gouvernemental, nous avons essayé de faire en sorte que les services que nous avons à notre disposition soient aussi au service de l'Opposition. Nous avons remis ce soir les amendements que nous nous proposions de faire concernant certains chapitres. J'ai également remis, la semaine dernière, d'autres amendements concernant le chapitre traitant de la séparation de corps et du divorce. J'ai également remis ces amendements-là au député de Saint-Laurent pour le profit de l'Opposition.

Je conçois que ce soir ça peut prendre par surprise, le fait que nous entreprenions tout de suite l'étude de l'article 2 du projet de loi. Si cela a un effet de surprise, on peut tout simplement remettre cela à demain. Je n'ai pas plus d'objection que cela parce que je conçois que, de part et d'autre, on doit être le mieux préparé possible pour faire l'étude la plus correcte possible du projet de loi, en ayant toujours à l'esprit l'intérêt de l'ensemble non seulement des groupes, mais des citoyens qui sont concernés

au premier titre par ce projet de Code civil. Je serais prêt à proposer que nous remettions cela à demain, sans que nous ayons à faire la discussion. Étant donné que les énergies sont déjà pas mal épuisées de part et d'autre, on va s'éviter des paroles qui n'amèneraient absolument rien de positif dans le débat que nous avons fait jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Laberge): Vos remarques ont, d'ailleurs, été entendues par la présidence et seront rapportées à qui de droit concernant les services connexes. Là-dessus, la commission de la justice ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 38)

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