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(Seize heures quinze minutes)
Le Président (M. Lacoste): A l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission permanente de la justice est réunie pour
étudier le projet de loi no 89.
Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont:
M. Bédard (Chicoutimi), M. Marx (D'Arcy McGee) qui remplace M. Blank
(Saint-Louis); M. Desbiens (Dubuc) remplace M. Boucher
(Rivière-du-Loup); M. Charbonneau (Verchères), M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent); M. Marcoux (Rimouski) remplace M.
Guay (Taschereau); M. Gosselin (Sherbrooke) remplace Mme LeBlanc-Bantey
(Îles-de-la-Madeleine); M. Marquis (Matapédia).
Les intervenants sont: M. Cordeau (Saint-Hyacinthe); M. Boucher
(Rivière-du-Loup) remplace M. Desbiens (Dubuc); M. Laberge
(Jeanne-Mance), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata); Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) remplace M.
Pagé (Portneuf); M. Guay (Taschereau) remplace M. Marcoux
(Rimouski).
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ...je vous ai donné une indication qui est
peut-être erronée. Il y a une certaine incertitude dans mon
esprit. J'ai présumé que M. Blank serait remplacé par M.
Marx, mais je crois que M. Blank va être avec nous. Avec votre
permission, on pourrait peut-être faire les substitutions, le cas
échéant, parce qu'il y a un certain flottement.
Le Président (M. Lacoste): D'accord, je pense qu'on aura
le consentement de la commission pour...
M. Bédard: Pas de problème.
Le Président (M. Lacoste): D'accord. M. le ministre.
De l'obligation alimentaire
M. Bédard: Nous en étions rendus, M. le
Président, au titre quatrième qui traite de l'obligation
alimentaire. Quelques considérations générales: Au titre
de l'obligation alimentaire, le projet de loi vient modifier plusieurs
règles du droit actuel. Ainsi, en prenant en considération le
fait que le cercle familial est aujourd'hui plus restreint, le projet de loi
réduit l'obligation alimentaire aux époux et aux seuls parents en
ligne directe. En outre, le projet introduit une nouvelle règle
permettant à une personne placée dans des circonstances qui
faisaient qu'elle ne pouvait agir en demande de requérir des aliments
pour des besoins qui existaient avant la demande.
Le projet de loi vient aussi, dans le but de favoriser
l'égalité des personnes et leur prise en charge, préciser
la règle actuelle d'attribution des aliments en y indiquant que les
aliments sont accordés en tenant compte non seulement des besoins et des
facultés des parties, mais aussi du temps nécessaire au
créancier pour acquérir une autonomie suffisante.
Le projet de loi vient, sur plusieurs points, préciser le droit
actuel ou y ajouter. Ainsi, il précise les personnes qui peuvent exercer
les recours alimentaires de l'enfant mineur et le fait que les aliments peuvent
être payés au moyen d'une somme forfaitaire. Il ajoute aux
pouvoirs du tribunal en lui permettant d'ordonner au débiteur d'aliments
de fournir une sûreté additionnelle à l'hypothèque
judiciaire. Cette mesure trouvera son application surtout dans les cas
où l'immeuble sur lequel s'exerce l'hypothèque judiciaire est de
peu de valeur, alors que, par ailleurs, la fortune mobilière du
débiteur représente une certaine valeur.
Enfin, je dépose quelques amendements qui ont pour but de
préciser le texte ou de le compléter, conformément aux
règles adoptées en juin dernier relativement à
l'indexation des pensions alimentaires. Ce sont les quelques remarques que
j'avais à faire, M. le Président.
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: À ce moment-ci, M. le Président, je n'ai
pas de remarques de caractère général.
Le Président (M. Lacoste): D'accord. J'appelle donc
l'article 626.
M. Bédard: Comme je l'ai fait remarquer tout à
l'heure, cet article restreint le cercle des bénéficiaires de
l'obligation alimentaire. Une telle réforme, selon l'Office de
révision du Code civil, reflète l'évolution de la
société et plus particulièrement celle de la famille qui
est passée de la famille au sens large à la famillle dite
nucléaire. Je réfère à l'office. Ainsi,
l'obligation alimentaire n'atteint plus les alliés.
Les articles 439, 556 et 557 prennent soin, de manière
différente de celle proposée par l'Office de révision du
Code civil, des aliments entre époux divorcés ou personnes dont
le mariage a été annulé. L'obligation alimentaire entre
concubins, proposée par l'Office de révision du Code civil dans
l'article 338 de son rapport, n'a pas été retenue; nous avons eu
l'occasion de dire en deuxième lecture pourquoi.
M. Forget: M. le Président, je m'interroge quant au sens
du mot "parents" dans cet article; je crois que le mot "parents", dans cet
article n'a pas nécessairement la même signification que le mot
"parents" utilisé ailleurs, dans d'autres articles du Code civil. Il
semblerait que ce qu'il veut dire, dans d'autres articles du Code civil, ce
sont le père et la mère vis-à-vis des enfants. Or, le mot
"parents" est utilisé ici avec une idée de
réciprocité, dans le sens où les enfants sont
apparentés aux parents et donc leur doivent des obligations
alimentaires. Je me demande si cette utilisation dans le Code civil du mot
"parents" dans deux sens complètement différents ne pourrait pas
être une source de difficultés. On pourrait voir là une
raison de repousser justement la réciprocité d'obligations
alimentaires.
Le Président (M. Lacoste): M. le ministre.
M. Bédard: C'est exact que cela vise non seulement une
obligation alimentaire entre enfant et père et mère, mais
également entre autres ascendants incluant, notamment, les grands-
parents, ce qui est très rare, semble-t-il, en jurisprudence, des
grands-parents poursuivis pour aliments.
Une voix: Cela peut arriver.
M. Bédard: Je ne sais pas si cela pose certaines
difficultés d'interprétation en droit civil parce que ce qui
qualifie principalement ici le mot "parents", c'est la ligne directe, donc le
fait qu'on soit dans une ligne descendante ou ascendante étant
peut-être, en le disant, le concept de parents aux grands-parents, sans
que cela pose de problème d'interprétation; je vous donne
très simplement ce que j'en pourrais dire.
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je pense que la réponse attire l'attention sur
une autre dimension à laquelle je n'avais pas vraiment fait allusion
moi-même, c'est-à-dire le fait qu'on vise autre chose que
simplement la relation entre le père, la mère et les enfants,
mais aussi les grands-parents et les petits-enfants. Je pensais
particulièrement à la relation de réciprocité,
c'est-à-dire que l'obligation alimentaire est due en ligne ascendante
comme en ligne descendante, alors que normalement, quand on parle de
parenté, on a à l'idée la notion d'une relation en ligne
descendante. C'est à ce sujet qu'il me semble que le mot "parents"
ailleurs... Quand on parle d'autorité parentale, par exemple, on ne
parle que de l'autorité des parents sur les enfants, on ne parle pas de
l'autorité des enfants sur les parents, quoique ce soit peut-être
une réalité sociologique, mais on n'en parle pas au sens du Code
civil au moins, alors qu'ici, on parle de "parents" et on vise une relation
dans les deux sens. Je pense que cela devrait être clair. L'utilisation
du mot "parents", encore une fois, pourrait peut-être jeter un certain
doute là-dessus. Je ne sais pas si ça vaut la peine qu'on s'en
assure.
Je remarque que, de toute manière, l'Office de révision du
Code civil, à sa recommandation 336, utilisait également la
même expression, "entre parents en ligne directe".
M. Bédard: Ce sont les mots "ligne directe" qui, d'une
certaine façon, qualifient le lien de parenté.
M. Forget: Et on dit "se doivent"; donc, on insiste sur la
relation de réciprocité.
M. Bédard: Ascendant, descendant. Je n'ai pas d'autres
remarques, M. le Président.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 626 est
adopté?
M. Bédard: Adopté. M. Forget:
Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Adopté. Article 627.
M. Bédard: Article 627. Le premier alinéa de cet
article, comme on peut le constater, est de droit nouveau. En effet, il va dans
le sens d'une jurisprudence récente qui a permis à la
mère, du moins à la mère légitime, d'exercer une
action en vue
d'obtenir une pension alimentaire pour son enfant sans qu'elle ait
été préalablement nommée tutrice de celui-ci.
À cet égard, il est bon de souligner que le rapport de l'Office
de révision du Code civil propose que les père et mère
deviennent de plein droit les représentants d'office et tuteurs
légaux de leurs enfants.
Le deuxième alinéa reprend, dans le cas des aliments
accordés aux enfants, le principe de l'article 212 du Code civil voulant
que ces aliments puissent être déclarés payables à
un tiers; il n'a pas paru opportun de retenir la proposition de l'Office de
révision du Code civil inspirée de la loi du divorce à
l'effet de rendre payable à un tiers fiduciaire la pension du conjoint
alors même que celui-ci n'a pas été déclaré
incapable.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 627 est
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Adopté. L'article
628.
M. Bédard: Je n'ai pas de remarques. Cet article
énonce le principe de base qui s'applique aux époux même
séparés de corps et aux parents en ligne directe. Il prend en
considération les besoins et les facultés de chacune des parties.
En cela il se distingue de l'article 168 du Code civil qui ne prenait en
considération que les besoins du créancier et les facultés
du débiteur. Il donne ainsi du poids à l'obligation à
l'autosuffisance du créancier d'aliments dégagé par la
jurisprudence lorsque le créancier peut travailler pour subvenir en
totalité ou en partie à ses besoins. La fin du premier
alinéa annonce que la pension alimentaire n'est pas toujours due
à vie même si le droit ne peut pas être éteint. Les
besoins et facultés des époux divorcés ou des personnes
dont le mariage a été annulé sont réglés,
d'autre part, par - cela ne règle pas tout -les articles 439, 562 et
563.
Le Président (M. Lacoste): L'article 628 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Adopté. L'article
629.
M. Bédard: Je n'ai pas de remarques. Je pense que tout le
monde connaît la mesure provisoire. On va y arriver.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 629 est
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Article 629, adopté.
L'article 630.
M. Bédard: L'article 630 précise que les aliments
sont en règle générale payables sous forme de pension. Il
complète l'article 212 du Code civil en reconnaissant au tribunal le
pouvoir de remplacer ou de compléter cette pension par une somme
forfaitaire. Cette avenue peut être fort utile pour permettre aux
créanciers d'aliments d'atteindre l'autosuffisance dans les cas qui s'y
prêtent. Contrairement à l'article 558, cet article ne limite pas
la période de temps pour verser la somme forfaitaire. La situation est
en effet différente parce que l'obligation alimentaire ne peut jamais
être éteinte dans le cas des bénéficiaires de
l'article 626 alors qu'elle peut l'être dans le cas des époux
divorcés dans l'article 561.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Article 630, adopté.
Article 631, vous avez un amendement, M. le ministre.
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Lacoste): L'amendement qui est de
remplacer les mots "selon un indice établi par décret" par ce qui
suit: "suivant l'indice annuel des rentes établies conformément
à l'article 119 de la Loi sur le régime de rentes du
Québec (Chapitre R-9}".
M. Bédard: M. le Président, comme remarque, dans
une période inflationniste comme celle que nous traversons, la seule
dévaluation de la monnaie amène le créancier alimentaire
à saisir le tribunal d'une révision de la pension pour
rétablir l'équilibre alors même que les besoins
alimentaires du créancier sont restés strictement les
mêmes. Il en résulte des coûts, des retards et des
encombrements. Cet article vise à contrer ces effets négatifs
tout en conservant aux parties le droit de demander une révision chaque
fois que les circonstances le justifient. L'amendement vise à assurer la
conformité de l'article avec le droit actuel qui avait
déjà été adopté.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Lacoste): Mme la députée de
l'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je me demande si on pourrait m'expliquer
juridiquement ce que veut dire "ordonne, même d'office". Est-ce que cela
crée une obligation ou cela n'en crée pas?
M. Bédard: Cela crée une obligation.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais si cela n'en crée pas parce que
ordinairement dans les textes de loi on voit "peut" ou... Mais là c'est
"ordonne, même d'office". Au plan juridique qu'est-ce que cela veut dire
exactement? Est-ce que ça crée véritablement une
obligation? Cela ne reste pas facultatif? (16 h 30)
M. Bédard: Non, en fait, l'intention c'est que le tribunal
se prononce nécessairement sur la question de l'indexation, soit pour
l'accorder ou fixer un indice ou ne pas en fixer.
Mme Lavoie-Roux: Mais ce n'est pas une obligation, alors.
M. Bédard: On veut que ce soit une obligation. On veut que
cela en soit une, c'est justement pour répondre à
l'interprétation qui a été faite par un jugement. Je pense
que vous connaissez ce jugement, sans le nommer.
Mme Lavoie-Roux: Pourquoi?
M. Bédard: Pour faire en sorte qu'une telle
interprétation ne soit pas possible.
Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas sûre qu'avec ça...
Vous êtes bien certain que cela crée l'obligation, qu'il doit...
Quand vous dites: Ordonne, même d'office, ça veut dire "doit"?
M. Bédard: C'est une formule impérative,
certainement.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ... comme un jugement a été rendu tout
récemment, est-ce qu'on pourrait nous expliquer si cela a
été rendu sur la loi telle que modifiée cette année
et si le jugement a été rendu sur un libellé de l'article
qui est identique à celui qu'on nous propose ici?
Mme Lavoie-Roux: Dans le cas des pensions alimentaires, on dit:
"Ordonne même d'office", je pense.
M. Bédard: Le texte de l'article 631 est exactement celui
de l'article 169.1 du Code civil actuel qui a été adopté
en juin dernier, et les jugements ont évidemment eu lieu sur ce
texte-là. Cependant, ils n'ont pas porté sur l'obligation,
"ordonne"; c'était une question de savoir s'il était... Le
premier jugement du juge Chevalier dans le district de Hull, c'était de
savoir s'il était dans le bon chapitre du Code civil, mais il ne s'est
pas prononcé, il n'y avait pas obligation pour lui de se prononcer sur
la question de l'indexation. Ce qu'il soulevait c'est que c'était au
chapitre des droits et obligations entre les époux et que ça ne
s'appliquait pas aux époux divorcés ou aux époux entre
eux.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais avoir une réponse claire
à savoir que lorsqu'on écrit "ordonne, même d'office" ceci
crée une obligation pour le juge de décréter une
indexation, à moins que la situation des parties ne justifie le
contraire ou enfin ne justifie des exceptions.
M. Bédard: Dans tous les textes où l'on attribue
des compétences aux tribunaux, on laisse une discrétion. On dit
toujours "peut". Il "peut" faire çi, il "peut" faire ça, alors
qu'ici, c'est un indicatif impératif...
Mme Lavoie-Roux: Mais parfois on dit "doit" aussi.
M. Bédard: C'est ça, c'est "ordonne", pas "peut
ordonner". Si on mettait "peut ordonner", une latitude pourrait être
exercée par le juge, mais là c'est: "Le tribunal ordonne..."
Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas sûre que vos experts
sont...
M. Bédard: En ce qui me concerne - je ne peux quand
même pas parler pour les autres - ça ne fait pas de doute qu'il y
a là un impératif, sous réserve de l"'a moins que",
évidemment, de la fin de l'article. Il faut s'entendre, d'accord?
Mme Lavoie-Roux: Toujours, d'accord.
M. Bédard: D'autre part, il n'a pas été
porté à notre connaissance non plus que cela ait
été soulevé devant les tribunaux et rejeté comme
interprétation.
Ce qui avait été soulevé par le juge Chevalier
c'était que cette obligation était dans le mauvais chapitre, ne
s'appliquait pas entre époux parce que c'était contenu dans le
chapitre traitant des alliés. Alors, justement, pour qu'il n'y ait plus
d'interprétation ou encore...
Mme Lavoie-Roux: C'est la même formulation que ce que vous
retrouvez dans la loi 183
M. Bédard: Ce n'est pas au niveau de la formulation, c'est
que le juge Chevalier prétendait qu'étant donné que
c'était dans un autre chapitre ça ne s'appliquait pas entre
époux. Là, une telle interprétation ne sera plus
possible.
M. Forget: Est-ce qu'on est absolument
certain qu'une telle interprétation ne sera plus possible?
M. Bédard: Oui, parce qu'il y a un article qui y fait
référence. Les époux, de même que les parents... On
l'avait justement. Je pense que l'article 564, quand même, en
matière de divorce précise que les dispositions du type de
l'obligation alimentaire s'appliquent aux aliments accordés en vertu de
la présente section. Donc, cet article de renvoi dissipe tout doute
possible sur le fait que cette indexation puisse s'appliquer dans le cas des
époux divorcés.
M. Forget: M. le Président, toujours sur la question de
l'application de l'article 631 aux époux, puisqu'on est en face d'un
jugement qui prétend que l'article actuel, qui est identique quant
à son libellé, ne s'applique pas aux époux, est-il
concevable que relativement aux pensions alimentaires qui seraient
accordées subséquemment à l'adoption et à la mise
en vigueur de ce chapitre du nouveau Code civil, il n'y ait pas de
difficulté, mais que, pour ce qui est des pensions alimentaires
antérieures à l'adoption et à la mise en vigueur du
nouveau Code civil, le problème qui a été soulevé
dans ce jugement demeure entier?
M. Bédard: Ils font requête à ce
moment-là. Ce qui était dans la loi, c'est qu'ils doivent faire
une requête s'ils veulent obtenir l'indexation et, dès que la
requête se fait, le juge ordonne.
M. Forget: Donc, la réponse, c'est oui. Effectivement, cet
article ne sera valable que dans la mesure où le nouveau Code civil que
nous étudions aujourd'hui sera approuvé et promulgué.
Donc, rien n'interdit que d'autres jugements analogues à celui qui vient
d'être rendu continuent de recevoir la même suite. Ne faudrait-il
pas, en plus de cette nouvelle disposition dans le Code civil pour l'avenir -
parce que, dans le fond, il y aura un certain délai avant son
application, sa mise en vigueur - pour ce qui est de la période au moins
qui s'est écoulée depuis l'adoption de la loi 183 jusqu'à
la mise en vigueur du nouveau Code civil, qu'un remède soit
trouvé à ce défaut qu'a trouvé le juge
Chevalier?
M. Bédard: Actuellement, le jugement du juge Chevalier a
été porté en appel par les parties et on attend la
décision.
M. Forget: Ce n'est pas le dernier mot dans cette affaire.
M. Bédard: C'est ça. D'autre part aussi, beaucoup
d'autres jugements accordés dans d'autres districts ont appliqué
aux époux la règle de l'article 169.1. S'il est vrai que, du
côté du district de Hull, cela ne s'est peut-être pas fait
dans le jugement du juge Chevalier, cela s'est fait par ailleurs
fréquemment dans les autres districts judiciaires et l'affaire est en
appel. Cela pourrait être déterminant.
M. Forget: Je peux, cependant, obtenir du ministre l'assurance,
même si l'Assemblée nationale ne siégera pas au-delà
de cette semaine, que l'on suive de près cette affaire, de
manière que le ministère de la Justice soit prêt à
intervenir législativement si jamais ce jugement, quelque apparemment
marginal ou aberrant qu'il apparaisse compte tenu de la pratique
généralement observée, devait être confirmé
en Cour d'appel.
M. Bédard: D'accord.
Le Président (M. Lacoste): L'amendement est-il
adopté?
M. Forget: II y a un autre point, M. le Président, un
point de rédaction. Je remarque que dans cet amendement au Code civil -
et je sais bien qu'on reproduit le texte de la loi no 183 - on
légifère par référence, par renvoi à un
texte différent du Code civil. J'aimerais savoir si on doit s'attendre
ou si on peut considérer comme normales et pleinement acceptables dans
le corps du Code civil des références à des droits
statutaires.
M. Bédard: En fait, le Code civil actuel en comporte
déjà et je pense que, jusqu'à un certain point, cela va
être inévitable, à moins de répéter certaines
règles, d'y renvoyer. Ce n'est pas souhaitable, mais peut-être que
l'économie générale du Code civil sera moins
déparée par certains renvois que par l'introduction massive de
règles qui sont souvent assez complexes et qui s'harmonisent assez mal
avec les méthodes de rédaction du Code civil.
M. Forget: Oui, je sais que la règle en question, que j'ai
eu la responsabilité de faire adopter par l'Assemblée nationale,
est constituée par la description d'une opération
mathématique dans laquelle on ne peut utiliser aucun symbole
mathématique, mais où on doit décrire avec des mots. C'est
assez laborieux effectivement, mais ce n'est pas impossible, le cas
échéant. Cependant, j'accepte et je trouve totalement
appropriée dans ce cas-ci la réponse qui nous a été
faite. Je pense qu'il est inévitable de retrouver un certain nombre de
renvois, mais je tenais, malgré tout, à le faire préciser
pour le journal des Débats, parce qu'il y a un certain nombre de cas
où le problème pourrait être soulevé. Je pense qu'il
faut être le plus restrictif possible.
M. Bédard: Le moins de référence possible
aux lois statutaires qui peuvent être changées assez
rapidement.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'amendement est
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Adopté. Est-ce que
l'article 631 est adopté tel qu'amendé?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Adopté. Article 632.
M. Bédard: À l'article 632, l'article vise à
protéger le créancier qui ne bénéficierait pas
d'une hypothèque judiciaire parce que le débiteur ne
possède pas d'immeuble sur lequel elle pourrait s'exercer ou qui
bénéficierait d'une hypothèque judiciaire insuffisante
parce que la valeur de l'immeuble sur lequel elle s'exerce est
inférieure à la créance alimentaire. Ces autres
sûretés peuvent être des titres, des assurances, etc.
Je pense que c'est une sûreté supplémentaire.
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je sais que cet article reprend le premier paragraphe
de la recommandation 343 de l'Office de révision du Code civil. Il y a
cependant une expression qui n'est pas coutumière dans un texte de
droit, "au-delà". Je pense que c'est un terme de lieu, en quelque sorte,
pour décrire une idée qui n'a rien à voir avec le lieu. On
veut dire en plus. Je pense qu'il y a un des groupes qui nous ont soumis des
mémoires qui souligne le fait qu'il serait peut-être plus
approprié de dire "au lieu de l'hypothèque judiciaire". Je crois,
si ma mémoire est bonne, que l'argument utilisé, c'est que, si
l'hypothèque judiciaire est insuffisante, c'est sans doute parce que les
biens qui peuvent être grevés d'une telle hypothèque sont
insignifiants, étant donné l'importance de la créance
alimentaire. Si c'est cela, il serait plus convenable, s'il existe d'autres
biens, de les saisir directement, plutôt que d'obliger, en quelque sorte,
le créancier à une espèce de procédure
préalable qui peut être coûteuse pour lui. Et si les biens
immobiliers sont suffisants, à ce moment-là, est-ce qu'il n'est
pas un peu odieux d'avoir un double recours puisque, par définition, si
les biens sont suffisants, le créancier pourra être satisfait?
Il y a une espèce de double pénalité en quelque
sorte, qui peut être fort gênante et qui n'avantage pas en soi le
créancier puisque, par hypothèse, dans ce cas, les biens sont
effectivement suffisants.
Le Président (M. Lacoste): M. le ministre.
M. Bédard: Je pense que la préoccupation qui est
poursuivie, c'est celle de faire en sorte que lorsque les biens à
être hypothéqués ne sont pas suffisants, il puisse y avoir
la possibilité d'une autre sûreté; dans ce sens-là,
peut-être que de préférence à "au lieu de", si on
disait "outre l'hypothèque judiciaire, une sûreté pour le
paiement des aliments". Il peut arriver des situations où le tribunal en
vient à la conclusion qu'il ne doit pas mettre de côté la
sûreté que représente l'hypothèque judiciaire,
même si le bien est insuffisant, mais, d'autre part, y ajouter aussi une
disposition concernant d'autres biens mobiliers, assurances, etc.
En plus, l'article 2036 tel que proposé à l'article 47
couvrirait déjà la possibilité de substituer à une
hypothèque une autre sûreté.
M. Forget: Quel article, s'il vous plaît?
M. Bédard: C'est l'article 47.
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Bédard: Donc, le cas qui est couvert à l'article
632 est un peu différent. C'est vraiment le cas où on ajoute
à l'hypothèque.
M. Forget: Oui, c'est cela. Il y a une idée de
substitution dans l'article 2036 actuel.
M. Bédard: Oui.
M. Forget: Et c'est conservé?
M. Bédard: C'est-à-dire qu'on apporte un amendement
à l'article 2036 actuel, de façon à prévoir la
substitution de la sûreté.
M. Forget: Ah bon!
M. Bédard: C'est l'article 47 du projet, sans doute. (16 h
45)
Le droit actuel ne permet pas de substituer, il permet de
déplacer.
En fait, il y a peut-être ce problème de substitution qui
peut être fort utile dans certains cas de façon à
libérer un immeuble quand, par ailleurs, on peut protéger la
créance alimentaire de façon satisfaisante par le moyen d'une
autre sûreté. Il peut arriver aussi... C'est peut-être le
cas d'un très grand nombre de familles dont le
patrimoine immobilier, comme le patrimoine mobilier sont assez
limités en termes de valeur nette de sorte que c'est un peu les deux qui
peuvent servir à protéger ou à garantir la créance
alimentaire. Ne pas pouvoir utiliser les deux garanties en même temps
c'est peut-être se priver d'une protection qui dans certains cas est la
seule qui est un peu efficace parce qu'il n'y a pas suffisamment de valeurs
mobilières, d'assurances ou autres titres pour protéger la
créance. Par ailleurs, l'hypothèque judiciaire arrive en
deuxième, troisième, pour ne pas dire quatrième lieu sur
l'immeuble, de sorte que, de la conjugaison des deux, il y a peut-être
une protection valable. Si on n'avait qu'à prendre l'une ou l'autre,
dans les deux cas, cela pourrait être tout à fait insatisfaisant
pour la protection de la créance alimentaire. C'est à la
discrétion du tribunal qui pourrait, selon la preuve qui sera
apportée devant lui et la situation des parties, se décider de
façon à ne pas indûment paralyser les deux biens, fournir
une double sûreté quand ce n'est pas tellement utile ou
nécessaire.
Vous avez raison de dire que le mot "au-delà" n'est pas
très courant dans les lois, mais je pense que c'est pour cela que
l'office avait choisi le mot "au-delà" pour indiquer cette souplesse.
Cela pourrait, dans certains cas, être "en outre", dans certains cas cela
va être "à la place de"; à moins de faire une
périphrase et de dire "en outre" ou "à la place". Le mot
"au-delà" nous semble assez pertinent ici, bien qu'il soit effectivement
très peu usuel dans la législation.
M. Forget: Est-ce qu'il est possible d'imaginer, s'il y a deux
sûretés, étant donné l'ordre dans lequel elles sont
énoncées dans l'article 632, que le créancier devra
d'abord se prévaloir de la première même si à sa
face même elle semble insuffisante, peut-être même
d'intérêt négligeable, avant de pouvoir exercer son recours
en vertu de la deuxième? Je prends l'hypothèse de la valeur nette
d'un immeuble sur lequel il y a une grosse hypothèque ou une
première et deuxième hypothèque, sur lequel il ne reste
tout juste que de quoi payer les frais judiciaires, mais on insiste, avant
d'accorder le recours en vertu d'une sûreté sur des valeurs
mobilières ou sur le salaire du débiteur, pour que ce premier
recours soit exercé. À ce moment-là, ce serait loin
d'aider le créancier, cela lui complique inutilement la vie. Est-ce que
c'est cela que ça produit comme effet?
M. Bédard: Si on reprend l'interprétation qu'en
donnait mon collègue, cela ne signifie peut-être pas
"au-delà", "en outre" ou "en plus", cela peut signifier "au lieu de"
peut-être aussi, de sorte que...
Je pense que le but de l'article 632 n'est pas d'indiquer un ordre dans
l'exécution. Je ne pense pas.
M. Forget: Est-ce qu'il ne serait pas plus prudent pour
protéger à la fois le débiteur et le créancier,
à cause de la situation que je viens d'expliquer et qui semble conforme
à ce qui serait effectivement exigé par les tribunaux,
c'est-à-dire qu'il y a un ordre dans la réalisation de ces
sûretés, de donner quelques critères au tribunal quant
à l'utilisation d'une sûreté additionnelle? Si la
sûreté immobilière porte sur des biens dont la valeur nette
est insuffisante pour garantir le paiement de la pension alimentaire pendant
une période donnée - puisqu'il s'agit d'une pension - la valeur
accumulée de cette pension pendant un an, à ce moment-là
le tribunal pourrait considérer la création d'une
sûreté additionnelle mais qu'à défaut de cela on
n'aille pas créer cette obligation additionnelle parce que finalement
cela crée des difficultés pour les deux parties.
M. Bédard: On peut le suspendre et, d'abord,
vérifier jusqu'à quel point cela peut représenter un ordre
de priorités au tribunal, si je peux employer l'expression.
Le Président (M. Lacoste): Donc, l'article 632 est
suspendu. J'appelle l'article 633.
M. Bédard: II n'y a pas de remarque spéciale. Une
seconde. Cet article modifie les articles 171 et 172 du Code civil. En effet,
c'est le débiteur qui "offre" de recevoir chez lui et non le tribunal
qui le lui ordonne. C'est plus compatible avec la réalité de la
vie moderne. Inutile d'insister sur les circonstances puisque le tribunal,
comme le précise déjà l'article 449 du projet, doit
favoriser la conciliation des parties avant de statuer. Il n'appliquera pas
cette règle dans les cas de séparation de corps, de divorce ou
autres circonstances incompatibles.
Le Président (M. Lacoste): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Le dernier petit bout de phrase que le ministre
vient de prononcer, à savoir que ça ne s'appliquerait pas dans
les cas de divorce, séparation de corps, et je ne sais pas ce
qu'était le troisième, me rassure un peu. D'abord, cela ne me
semble pas très clair dans l'article même; c'est vous qui avez
tiré cette conclusion. Si vous enlevez la séparation de corps, le
divorce et... quel est l'autre...?
M. Bédard: Les circonstances incompatibles. Le divorce est
incompatible;
ils se laissent, ils ne peuvent quand même pas se recevoir.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, il me semblait que vous aviez fait une
énumération de trois points. D'abord, je voudrais savoir quelles
sont les autres circonstances qui demeurent si vous enlevez ces trois-là
et je vois mal comment vous arrivez à cette interprétation.
M. Bédard: On m'en indique deux où c'est vraiment
incompatible: la séparation de corps et le divorce. Il peut y en avoir
d'autres, mais on ne peut quand même pas les énumérer ou
les prévoir toutes. Il y a l'état de santé, me fait-on
remarquer. C'est le tribunal qui va l'évaluer.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais tel qu'il est rédigé,
comment arrivez-vous aux exceptions que vous nous indiquez?
M. Bédard: Cela va de soi.
Mme Lavoie-Roux: Cela va de soi?
M. Bédard: Le débiteur qui offre de recevoir chez
lui son créancier alimentaire...
Les époux en séparation de corps sont déliés
de l'obligation de faire vie commune. En divorce, évidemment, ils sont
déliés de toute obligation. Ici, recevoir le créancier
sous son toit, c'est lui imposer une cohabitation, si je puis dire. Donc, dans
les cas de séparation de corps et de divorce ils sont justement, par le
tribunal, libérés de cette obligation. Il n'est certainement pas
question de les ramener vivre sous le même toit alors qu'ils sont
divorcés. C'est dans ce sens-là qu'on peut peut-être dire
que ce sont des circonstances nettement incompatibles. Pour ce qui est des
autres, certainement que l'état de santé d'une personne, par
exemple, pourrait exiger de tels soins que ce n'est pas compatible.
Mme Lavoie-Roux: Quels sont alors les cas où ce serait
possible?
M. Bédard: Je ne sais pas, j'en parle en improvisant un
peu, mais on pourrait penser qu'un garçon de 20 ans qui désire
une pension alimentaire, prendre son appartement et vivre voir tout à
fait en dehors du milieu familial pourrait se voir offrir le toit familial pour
recevoir l'habitation, les aliments et les autres choses essentielles.
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: II me semble que s'il y a des choses qui vont de soi,
elles vont encore mieux de soi,souvent, quand on les dit, c'est-à-dire
qu'il y a des choses qui vont de soi sans le dire. Il me semble qu'il serait
facile... J'accepte le dernier exemple qu'on nous a donné. C'est
sûr que dans le cas du fils de 20 ans qui veut absolument qu'on lui paie
un appartement en ville, oui, d'accord, ses parents seraient justifiés
de lui offrir de venir vivre à la maison familiale, mais je pense que
c'est effectivement le seul exemple, dans la vie contemporaire. Ou alors il y a
le cas de vieux parents qui ont la même exigence vis-à-vis de
leurs enfants. Si les enfants disent: Venez vivre chez nous, je crois que cela
va très bien aussi. Mais si, effectivement, c'est tout ce qu'on a
à l'esprit - et je crois que c'est tout ce qu'on a à l'esprit -
on devrait le dire. Cela pourrait se faire, à mon avis, très
facilement en précisant dans l'article: "Le débiteur en ligne
directe qui offre de recevoir chez lui son créancier alimentaire..." ou,
si on veut: "Le débiteur qui offre de recevoir chez lui son
créancier alimentaire en ligne directe", et on éliminerait les
époux. Je ne peux pas concevoir de circonstance où les
époux en sont rendus à exiger, éventuellement devant les
tribunaux, des aliments et où le fait d'offrir de venir cohabiter
constitue une défense suffisante: Je ne peux pas facilement l'imaginer,
je pense que c'est même totalement inimaginable.
M. Bédard: Ce sera nécessaire de reprendre la
formulation.
M. Forget: Oui.
M. Bédard: Je pense qu'on se comprend.
M. Forget: Suspendu jusqu'à une nouvelle
rédaction.
M. Bédard: C'est ça.
Le Président (M. Lacoste): Suspendu. Mme la
députée de L'Acadie.
M. Bédard: On va finir la discussion sur l'article, au cas
où il y aurait d'autres remarques.
Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec la proposition du
député de Saint-Laurent, mais dans l'hypothèse où
il y aurait d'autres raisons qui surviendraient, supposons d'ordre moral, qui
empêcheraient une jeune fille de 20 ans, par exemple, de retourner vivre
au domicile de son père, qu'est-ce qui arriverait dans ce cas?
M. Bédard: Le tribunal va apprécier.
Mme Lavoie-Roux: Le tribunal va apprécier.
M. Forget: Ce n'est pas une présomption
irréfragable.
Mme Lavoie-Roux: Ce serait couvert, d'accord.
M. Forget: Dans le cas d'inceste, par exemple.
M. Bédard: Cependant, s'il s'était
déjà passé des choses... On avait la même chose
à l'idée.
Le Président (M. Lacoste): L'article 633 est suspendu.
J'appelle l'article 634. Il y a un amendement; à la deuxième
ligne du premier paragraphe ajouter le mot "contre" après le mot "ou",
de sorte que le paragraphe, se lirait comme suit: "Le créancier peut
exercer son recours contre un de ses débiteurs alimentaires ou contre
plusieurs simultanément." C'est bien ça?
M. Bédard: D'accord.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'amendement est
adopté?
M. Bédard: Adopté. Je n'ai pas de remarque, je
pense que ça parle par soi-même.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 634 est
adopté tel qu'amendé?
M. Bédard: Adopté.
M. Forget: M. le Président, juste pour être bien
sûr. La dette alimentaire est une dette solidaire en quelque sorte?
M. Bédard: Elle en a les effets principaux, mais non les
effets secondaires, pour employer un langage hermétique. Ce n'est pas
strictement une solidarité, mais ça permet au créancier
alimentaire de la réclamer contre chacun individuellement,
évidemment, toujours dans la limite des besoins et des facultés,
quitte à ce que celui qui est appelé seul à la payer se
retourne vers les autres, qui sont également les débiteurs, pour
partager.
Le Président (M. Lacoste): L'article 634 est adopté
avec amendement.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Article 635?
M. Bédard: Je n'ai pas de remarque, M. le
Président. On prévoit qu'il y a des circonstances; c'est sujet
à révision chaque fois que les circonstances le justifient.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ...je ne peux pas résister à la
tentation, même s'il s'agit non pas de la loi 183, mais du Code civil, de
soulever le problème de la rétroactivité d'application de
la mesure. Il reste que la loi 183 a réglé pour le présent
et l'avenir - du moins dans la majorité des cas et à moins de se
trouver devant les problèmes qu'on a soulevés tout à
l'heure - la question de l'indexation. Pour ce qui du passé, la question
de la rétroactivité s'entend de bien des façons. Elle
pourrait signifier qu'il faut réécrire tous les jugements qui ont
été rendus depuis aussi longtemps qu'on puisse l'imaginer
où il y a encore des créanciers et des débiteurs de ce
monde. Elle pourrait vouloir dire aussi qu'il faut permettre, au moment d'une
révision, que l'indexation s'applique pour l'avenir pour un jugement
rendu antérieurement à l'application de la loi. Je pense que,
dans les deux cas, il n'est pas question de rétroactivité. Un
jugement qui a été rendu antérieurement, même s'il
fait l'objet d'une révision aujourd'hui, cette révision ne pourra
consister qu'en un ajustement une fois pour toutes et non pas dans une
indexation pour l'avenir. Est-ce qu'il ne serait pas approprié, dans
tous les cas où effectivement quelqu'un se donne la peine de revenir
devant le tribunal et fait de nouveau adjuger du bien-fondé de la
pension alimentaire et de son montant, que ce jugement, pour l'avenir,
même s'il s'agit de la révision d'un jugement sur une cause
antérieure à l'adoption du projet de loi 183 ou l'adoption du
Code civil, puisse, pour l'avenir, s'appliquer? Rien ne semble le permettre, je
pense. (17 heures)
M. Bédard: Nous croyons que c'est là la
règle. Le jugement accordant des aliments n'est pas un jugement
définitif. Il est sujet à révision et l'effet de
l'indexation, l'effet de la loi nouvelle s'applique lors de la révision
de ce jugement sans qu'on ne puisse avoir besoin de stipuler de la
rétroactivité, parce qu'en réalité, ce n'est pas
véritablement de la rétroactivité au sens strict. La
rétroactivité consisterait à rouvrir un jugement
définitif ou un contrat qui est scellé alors qu'ici, le jugement
lui-même étant sujet à révision, la loi nouvelle va
s'appliquer lors de la révision, à moins qu'il n'y ait au
contraire une disposition pour l'empêcher, mais, s'il n'y a pas de
disposition pour l'empêcher, elle va produire son effet
immédiatement dans tous les cas qui y sont sujets. En d'autres termes,
il ne pourra pas y avoir application rétroactive. C'est lors de la
demande de révision que le tribunal pourra accorder l'indexation pour
l'avenir; évidemment, sans l'appliquer pour le temps passé. Pour
l'avenir, il pourra le faire et cela découle de l'effet immédiat
de la loi qu'on laisse porter dans le cas présent.
M. Forget: C'est là une affirmation
qu'on peut faire en toute certitude...
M. Bédard: C'est là une affirmation qu'on peut
faire en toute certitude sur la base des études de droit transitoire et
des experts de droit transitoire.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 635 est
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Adopté. Article 636? M.
le ministre a demandé de supprimer l'article 636.
M. Bédard: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Pourquoi?
M. Bédard: C'est déjà prévu.
Le Président (M. Lacoste): Cela va?
M. Bédard: Une seconde.
L'Office de révision du Code civil, en proposant l'article 348,
dit que l'article reprend le principe de l'article 553 du Code de
procédure civile et que le deuxième alinéa consacre des
solutions jurisprudentielles. Il a paru préférable de laisser au
Code de procédure civile le soin de régler les cas
d'insaisissabilité. C'est là qu'ils sont réglés
présentement. En effet, l'article 553 du Code de procédure civile
est l'objet de fréquents amendements pour tenir compte de
l'évolution du coût de la vie et de diverses situations. On
évitera ainsi la confusion. C'est régi par le Code de
procédure civile.
Le Président (M. Lacoste): L'article 636 est
supprimé. Article 637?
M. Bédard: Cet article tend à mettre fin à
la controverse existante à propos de la maxime qui dit que les aliments
ne s'arréragent pas. En effet, on pouvait penser que, si une personne ne
réclamait pas d'aliments, c'est qu'elle n'en avait pas besoin; en
revanche, la règle proposée n'est pas absolue, des circonstances
particulières peuvent justifier une demande d'aliments pour des besoins
qui existaient dans les douze mois précédant la demande. Quant
à la prescription des arrérages, l'article 16 du chapitre 21 des
lois de 1980 a modifié le Code civil pour y ajouter l'article 2260b
établissant à trois ans la prescription des arrérages
d'une pension alimentaire accordée par jugement.
Mme Lavoie-Roux: Qu'entendez-vous par "circonstances
particulières"?
M. Bédard: II est bien sûr qu'il faudra
établir les besoins et les facultés. C'est la règle
générale. Les circonstances particulières, il faudrait
peut-être se demander pourquoi ces aliments n'ont pas été
réclamés si vraiment ils répondaient à des besoins
antérieurs à la demande. Pourquoi n'ont-ils pas fait l'objet
d'une demande? Peut-être y avait-il impossibilité ou une situation
très particulière qui empêchait le créancier
d'aliments de pouvoir exercer son droit, mais si c'est simplement une
négligence jugée inacceptable, il a laissé courir sans
penser d'en demander, sans vouloir en demander, ce n'est peut-être pas
une circonstance particulière qui justifierait qu'il puisse en demander
pour les douze derniers mois.
En d'autres termes il faudra qu'il explique son inaction, son absence de
réclamation. Il y a sûrement des raisons particulières qui
peuvent survenir, c'est peut-être un peu difficile à identifier
très concrètement, mais on peut penser à une personne qui
est dans l'impossibilité d'agir momentanément peut-être
parce qu'elle est dans un état de santé qui ne lui a pas permis
d'être assez consciente pour exercer tous ses droits.
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Est-ce qu'on n'est pas un peu plus
sévère relativement à ce droit qu'on pourrait l'être
relativement à d'autres droits dans les obligations de façon
générale? Est-ce qu'on ne ferait pas commencer la période
pendant laquelle une obligation est due au moins de la mise en demeure
plutôt que du moment où une action est intentée en justice?
Est-ce que l'on n'invite pas, par cet article-là, à aller devant
les tribunaux le plus rapidement possible afin de ne pas perdre un droit?
Est-ce qu'il ne serait pas au moins plus raisonnable de dire qu'après
tout - on parle de relations entre des gens qui sont proches d'une façon
ou d'une autre -dès qu'ils saisiront formellement le débiteur
putatif de la pension alimentaire de leur désir de recevoir une telle
pension alimentaire et s'ils peuvent faire la preuve de cette demande formelle
et catégorique, l'obligation, si elle existe vraiment - les tribunaux
auront à se prononcer là-dessus -sera effective au moins à
partir de ce moment-là?
Je ne vois pas qu'on ait intérêt à exiger le
formalisme d'une action en justice pour faire commencer l'application effective
du droit. Il me semble qu'on précipite les gens dans des actions devant
les tribunaux alors qu'une lettre, par exemple, ou une déclaration
même verbale devant témoin, équivalant à une
espèce de mise en demeure, devrait pouvoir faire commencer ce
droit-là. Je comprends qu'on veuille éviter, par
ailleurs, que tout à coup les débiteurs de pension
alimentaire - ça peut être les parents vis-à-vis de leurs
enfants, on parle d'un contexte très général - se voient
assommés, voient leur tomber sur la tête une réclamation
pour tout un train de vie, des dépenses déjà faites depuis
un an. Je comprends que c'est assez difficile, mais au moins, s'il y a une
demande formelle, si on fait connaître ses besoins et si on fait
connaître son attente de les voir satisfaits par le débiteur, il
me semble qu'on devrait admettre ça comme moment d'introduction.
La recommandation de l'Office de révision du Code civil en
faisait une règle très catégorique de douze mois. C'est
une façon de régler le problème, encore que je ne croie
pas que ce soit la plus satisfaisante parce que ça prépare des
surprises. Je pense que, dans le droit familial, on doit éviter de
créer des situations où une personne, à l'intérieur
d'une famille, puisse faire des surprises, parce que dans le fond, ce sont
toutes sortes de stratégies, des fois des petites vengeances, etc., qui
peuvent s'exercer de cette façon-là, mais, si au moins on n'a pas
d'exigence, de formalisme exagérés, à ce moment-là
on protège le droit des parties.
M. Bédard: En donnant une explication sur les
circonstances particulières, je n'avais pas nécessairement
à l'esprit le retard à présenter une demande en justice.
C'est une explication à laquelle je faisais allusion. Il est notamment
très concevable, en tout cas pour moi, qu'un créancier
alimentaire s'adresse d'abord à un éventuel débiteur
d'aliments en lui faisant une demande verbale et peut-être par
écrit et en répétant sa demande au besoin avant de se
pourvoir devant les tribunaux. Il me semble qu'on peut fort bien justifier
qu'il y a eu des aliments qui n'ont pas été payés et qui
étaient dus depuis déjà plusieurs mois, non pas qu'on a
été négligent, parce qu'on en a déjà fait la
demande. On fait la preuve de cette demande-là, sauf que le
débiteur n'y a pas répondu. Voyant volontiers qu'il y a eu
demande, ne serait-ce qu'une demande verbale, établie et prouvée
par témoin, cela devrait fournir un fondement au tribunal pour dire : Je
comprends que ces aliments peuvent être accordés assez
volontiers.
M. Forget: Je pense qu'on vise la même chose, mais je me
demande...
M. Bédard: Oui. En même temps, à partir du
moment où on s'entendrait sur le fait que c'est à partir d'un
écrit ou d'une demande écrite, il ne faudrait pas non plus,
devant le refus du créancier de s'exécuter, qu'il y ait un trop
long délai...
M. Forget: Non, bien sûr.
M. Bédard: ...par rapport à l'institution d'une
demande officielle devant la cour, parce que cela pourrait laisser
traîner des choses et avoir l'effet de surprise qu'on ne veut pas
obtenir.
M. Forget: Si tout était formulé en termes de
demande, sous réserve de l'approbation de la demande, qu'elle soit par
écrit ou devant témoins, plutôt qu'en termes d'un
délai et plutôt qu'en termes du caractère exceptionnel, le
tribunal pourrait évaluer si une demande a été
formulée, soit, mais il y a eu tellement de négligence, tellement
de retard qu'à un moment donné -c'est une question de fait - on
doit conclure que cette soi-disant mise en demeure n'en était pas une,
qu'il n'y avait pas d'intention véritable d'affirmer les droits du
créancier. Au moins, ceux qui ne sont pas négligents, ceux qui
font la demande ne seraient pas précipités dans la
nécessité, pour ne pas perdre leurs droits, d'aller tout de suite
devant les tribunaux.
Mme Lavoie-Roux: II y en a plusieurs qui, justement,
peut-être même dans l'espoir que les choses peuvent se
régler, pour ne pas jeter d'huile sur le feu, à cause de tout ce
qu'implique une démarche d'un conjoint envers un autre de recourir aux
tribunaux -il y a une foule de raisons qui peuvent intervenir - ou croyant au
sens des responsabilités du conjoint vis-à-vis des enfants, en
tout cas, pour une période donnée, jusqu'à ce que la
preuve du contraire leur soit très claire, vont présumer de la
bonne foi de l'autre conjoint.
M. Bédard: Nous sommes bien conscients aussi qu'il ne faut
pas non plus trop encourager le créancier d'aliments à laisser
traîner la situation. Il y a un moment où il faut qu'il se dise:
J'ai fait des demandes et manifestement mon débiteur me
déçoit. Il faut quand même encourager aussi, au bout d'un
certain temps, les gens à agir et à prendre leurs affaires en
main. Il y a un équilibre à trouver entre ces deux points de vue
qui, je pense, sont légitimes.
Mme Lavoie-Roux: Supposons qu'un conjoint part du foyer et laisse
l'autre conjoint avec les enfants à charge, il reste que dans bien des
cas, cela arrive comme une surprise. Avant qu'il soit vraiment conscient de la
réalité, que la réalité prenne toute la dimension
d'une séparation indéfinie, il peut se passer bien des choses. Je
pense à des cas particuliers que j'ai vus. Cela vient d'un processus
automatique, et même si c'est écrit dans le Code civil, je vous
assure qu'avant que les gens en soient conscients, le connaissent et le
sachent...
M. Forget: Et l'argumentation - si vous
me le permettez, M. le Président - joue aussi dans le sens
inverse. Si rien dans le Code civil n'indique que la demande formelle fait
commencer le droit, le débiteur peut se dire: De toute façon, en
ne payant pas, en me traînant les pieds, il y a quand même cette
espèce de délai maximum de douze mois. Ce que je ne paie pas
aujourd'hui, c'est autant de gagné. Il peut toujours espérer - la
vie est faite d'espoir - que le tribunal jugera que la situation
particulière ou les circonstances particulières ne s'appliquent
pas à ce cas. Donc, tout cela devient une question
d'interprétation où le débiteur a intérêt
à ne pas payer et où le créancier peut être
amené aussi à temporiser et à hésiter avant d'aller
engager les frais d'une poursuite.
M. Bédard: On peut suspendre, M. le Président. Cela
rejoindrait la préoccupation de tous les membres de la commission
là-dessus. On indiquait - ce ne sont pas des mots - pour une
période d'au moins douze mois à partir d'un avis, d'une demande
par écrit à cet effet. Cela pourrait être ainsi et non pas
à partir des procédures. Est-ce qu'on s'entend un peu
là-dessus?
M. Forget: II faudrait avoir un texte pour... J'ai indiqué
que personnellement...
M. Bédard: Non, simplement au niveau de... (17 h 15)
M. Forget: ...À moins que le délai de douze mois ne
soit absolument nécessaire, il me semble que le droit des obligations
stipule que la mise en demeure enclenche le processus. Dans le cas des
obligations en général, tout commence par une mise en demeure, me
semble-t-il, du moins.
M. Bédard: La réclamation, mais la mise en demeure
n'est pas, d'une façon générale, un indicatif de
commencement de prescription. C'est simplement l'évocation d'un droit,
d'une obligation et d'une intention de réclamer.
M. Forget: D'une intention ferme de réclamer les
droits.
M. Bédard: Les règles de prescription sont
souvent...
M. Forget: Pourvu que le débiteur connaisse l'intention
ferme de son créancier, que ce soit un mois, que ce soit dix-huit mois,
on ne peut pas argumenter qu'il est pris par surprise. Dans le fond, la
règle de douze mois, elle se justifie si c'est le seul moyen
d'éviter des surprises. On s'imagine que, s'il n'y avait aucune limite,
un débiteur, tout à coup, peut se voir présenter une
réclamation pour dix ans. Cela n'a pas de bon sens. Si tout ce qu'on
avait, c'est de dire que rien ne peut être réclamé
au-delà de douze mois avant l'instance, d'accord. Mais, s'il y a une
demande formelle, le débiteur est au courant de l'intention de son
créancier. Il ne peut pas être pris par surprise. Il doit tenir
compte de cela dans tous ses calculs.
M. Bédard: Pour ne pas être pris par surprise, je
pense qu'on convient qu'à un moment donné, il faut un
délai qui termine. On pourrait imaginer quelqu'un qui fait une demande
officielle, par écrit, de pension, laisse traîner cela et ne prend
pas de procédures. Le créancier peut demeurer dans
l'insécurité assez longtemps, puisque rien ne se précise
tant qu'une demande n'est pas faite auprès de la cour.
M. Forget: Est-ce qu'à ce moment-là le
débiteur ne peut pas demander à la cour de se prononcer? Si une
situation aussi fantaisiste que celle-là se produisait, où il y
aurait une mise en demeure, mais aucune poursuite et aucune action prise, en
faisant une espèce d'épée de Damoclès qui
pèserait indéfiniment sur la tête du débiteur,
est-ce que le débiteur ne peut pas demander à la cour de se
prononcer sur la pension alimentaire, de son propre chef? C'est assez curieux
que le débiteur le fasse, mais dans un cas comme celui-là!
M. Bédard: Oui, c'est assez curieux de courir après
une dette.
M. Forget: Mais il y aurait peut-être intérêt
à ce que ce soit fait.
M. Bédard: Je comprends les objectifs qu'on veut
atteindre. On va demander...
C'est le genre de mécanisme qui, plus il est
précisé, plus il devient difficile à formuler. Je pense
qu'on peut trouver quelque chose.
Le Président (M. Lacoste): L'article 637 est suspendu.
J'appelle l'article 638 qui contient un amendement, M. le ministre. Aux
troisième et quatrième lignes du premier alinéa, remplacer
l'expression "en tout ou en partie" par celle-ci: "de tout ou partie". Et
ajouter l'alinéa suivant: "Cependant, lorsque les arrérages
réclamés sont dus depuis plus de six mois, le débiteur ne
peut être libéré de leur paiement que s'il démontre
qu'il lui a été impossible d'exercer ses recours pour obtenir une
révision du jugement fixant la pension alimentaire." Est-ce que les
amendements sont adoptés?
M. Forget: Oui, avec grand plaisir, M. le Président. C'est
une concordance essentielle.
M. Bédard: D'accord.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 638 est
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Avec les amendements?
M. Forget: Adopté avec amendements. M. Bédard:
Surtout avec amendements.
Le Président (M. Lacoste): L'article 638 est adopté
avec amendements. Nous sommes rendus au titre cinquième, De
l'autorité parentale.
De l'autorité parentale
M. Bédard: Au titre cinquième, M. le
Président, je ne crois pas nécessaire une entrée en
matière, parce que cela rejoint les dispositions qui ont
déjà été adoptées. On peut le voir, le
dernier titre qui complète le livre deuxième sur la famille
traite de l'autorité parentale. Déjà, en 1977, nous avons
procédé à la réforme du droit dans ce domaine en
remplaçant la puissance paternelle par l'autorité parentale, la
loi mettant ainsi en évidence la responsabilité conjointe des
parents dans l'éducation de leur enfant. À ce titre, donc, le
projet de loi reprend le droit actuel, mais il le complète, cependant,
en prévoyant spécifiquement le droit d'un parent déchu de
se voir restituer l'autorité parentale s'il justifie des circonstances
nouvelles.
Afin de rendre concordantes les règles sur l'autorité
parentale et celles de l'adoption, je dépose un amendement qui aura pour
effet d'ouvrir le recours en déchéance contre toute personne qui
exerce l'autorité parentale, que ce soit de plein droit ou à la
suite d'une décision judiciaire. En outre, afin d'assurer une plus
grande cohérence entre les dispositions de ce titre et celles de la Loi
sur la protection de la jeunesse, je dépose un autre amendement qui
permettra au tribunal saisi d'une demande en déchéance de
désigner un nouveau titulaire de l'autorité parentale.
Également, afin d'assurer une plus grande implication des membres de la
famille à ce processus, cet amendement prévoira la
possibilité pour le tribunal de prendre avis du conseil de famille tant
pour désigner le nouveau titulaire de l'autorité parentale qu'un
tuteur, si les circonstances le requièrent.
Enfin, plusieurs personnes se sont étonnées du maintien au
Code civil d'une règle spécifique sur le droit de correction
modérée et raisonnable. Elles y voient une forme d'encouragement
du législateur à l'utilisation d'une certaine "violence" dans les
rapports entre les membres d'une même famille. Je pense qu'il n'est
même pas nécessaire de dire que ce n'est certes pas le but de
l'article proposé, qui visait plutôt à indiquer les limites
d'exercice d'un droit lié aux droits et aux devoirs de surveillance des
parents sur leur enfant et à la responsabilité qui en
découle. J'indiquais que je n'avais pas d'objection à le retirer.
D'un autre côté, je préfère qu'on ait une discussion
au niveau de la commission, à partir du moment où on
précise bien nos intentions que c'est loin d'être un encouragement
à quelque forme de violence que ce soit, mais que cela s'inscrit
simplement dans la ligne de certaines responsabilités qu'on donne
à des parents, si on veut.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce qu'il y a des
commentaires généraux ou bien si on appelle
immédiatement...
M. Forget: Non, je n'ai pas de commentaires
généraux sur ce chapitre, M. le Président.
Le Président (M. Lacoste): D'accord, j'appelle donc
l'article 639.
M. Bédard: Je pense que cela va de soi. "L'enfant,
à tout âge, doit respect à ses père et
mère".
Mme Lavoie-Roux: II faudrait avoir des enfants de l'autre
côté de la table. Nous autres, on est là. On adopte cela le
coeur léger.
M. Forget: Je pense bien, M. le Président, que personne ne
revendiquerait le droit à l'irrespect. Mais est-ce que c'est un terme
qui a un contenu juridique quelconque ou s'il est là pour faire bonne
figure?
M. Bédard: C'est traditionnel.
M. Forget: II est traditionnel. Il n'y a pas
d'interprétation judiciaire de ce terme?
Mme Lavoie-Roux: Cela vient de "Père et mère, tu
honoreras..."
M. Bédard: C'est dans la charte-Certains auteurs ont
pensé que ce droit au respect de la part des père et mère
à l'égard de leurs enfants pouvait impliquer des dommages et
intérêts plus forts, dans certains cas de responsabilités
entre parents et enfants. Mais c'est une affirmation purement doctrinale. Il
n'y a jamais eu de sanctions clairement exprimées à cet
article.
M. Forget: C'est le seul article, en plus de celui que nous
venons de voir relativement à la pension alimentaire, qui crée
pour l'enfant une obligation vis-à-vis de
son ou de ses parents, le respect, quelle qu'en soit la signification
juridique, et l'obligation alimentaire. Pas d'objection, M. le
Président.
Le Président (M. Lacoste): Article 639, adopté.
Article 640.
M. Bédard: Article 640: "L'enfant reste sous
l'autorité de ses père et mère jusqu'à sa
majorité ou son émancipation."
Le Président (M. Lacoste): L'article 640 est
adopté?
M. Bédard: Ce sont des règles
générales.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Article 640, adopté.
Article 641.
M. Bédard: Article 641, pas de commentaires.
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'aurais des observations sur
l'article 641. L'article 641 formule les obligations parentales à
l'égard de l'enfant. C'est formulé de façon très
modeste et très concise, certainement. Je me demande s'il n'y aurait pas
intérêt à ce que certaines concordances soient
établies entre cet article et un article de la Loi sur la protection de
la jeunesse qui énonce les motifs ou les circonstances dans lesquelles
le développement ou la sécurité de l'enfant sont
menacés. Cette concordance pourrait revêtir la forme suivante. Les
parents ou "ils", puisqu'on les a déjà mentionnés, doivent
s'abstenir de tout acte ou éviter toute omission qui aurait pour effet
de mettre en danger le développement ou la sécurité de
l'enfant.
Il y a, dans cette loi, une obligation beaucoup plus largement
définie et beaucoup plus concrète que celle contenue au Code
civil et qui donne un sens à l'expression "développement et
sécurité de l'enfant". Il me semble que cela va bien
au-delà de la surveillance, de la garde, de la nourriture et de
l'entretien. Je pense que l'effort le plus explicite qui a été
fait se retrouve dans la Loi sur la protection de la jeunesse à cet
égard.
M. Bédard: La suggestion est bonne. Peut-être y
aurait-il lieu de le suspendre pour le moment.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, ce n'est pas très
compliqué.
Le Président (M. Lacoste): Donc, l'article 641 est
suspendu?
M. Bédard: II est suspendu.
Le Président (M. Lacoste): D'accord, l'article 641 est
suspendu. J'appelle l'article 642. Il y a un petit amendement à la
première ligne du deuxième alinéa.
M. Bédard: C'est cela.
Le Président (M. Lacoste): Remplacer le mot "deux" par le
suivant "d'eux". Est-ce adopté?
M. Forget: Oui, cet amendement est adopté. Il est
grammaticalement correct.
M. Bédard: C'est le principe qui découle de
l'égalité du père et de la mère.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 642 est
adopté avec l'amendement?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): L'article 642 est adopté
tel qu'amendé. Article 643.
M. Forget: Ici, M. le Président...
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ... nous avons une situation qui, je pense,
mérite au moins des précisions. On dit: Le titulaire. Bien
sûr, par le titulaire, on veut dire les titulaires. C'est-à-dire
qu'il n'y a pas qu'un seul titulaire. L'article est un peu rédigé
comme s'il n'y avait qu'un seul titulaire. La question qui se pose est: Dans
quelle mesure, dans une famille, l'un des deux titulaires de l'autorité
parentale peut-il ou doit-il être présumé, sans
contestation possible, apte à déléguer à une tierce
personne, qui n'est pas l'autre titulaire de l'autorité parentale, sa
part dans cette autorité?
Est-ce qu'on doit envisager des circonstances où l'autre conjoint
pourrait mettre en doute cette délégation à un tiers comme
étant abusive, insultante, en quelque sorte? On pourrait à la
limite, mais je pense qu'il ne faut pas aller jusque-là, dire que, tant
qu'il y a deux conjoints survivants et qui vivent ensemble, un d'entre eux ne
devrait pouvoir déléguer qu'à l'autre conjoint
l'autorité parentale. Mais on peut évidemment envisager certaines
situations, par exemple, maladie d'un des conjoints, problèmes de
santé mentale, etc., ou celui des deux conjoints qui est sain peut avoir
besoin de s'absenter pour un long voyage, etc. Je pense qu'on ne peut pas
interdire, même lorsqu'il y a un conjoint qui survit, qui
continue de faire partie de la famille et de s'occuper des enfants,
qu'on ne pourrait pas, en aucune circonstance, déléguer à
une tierce personne l'autorité parentale. Mais on peut imaginer des
circonstances, encore une fois, où cette délégation
à un tiers pourrait être un sujet de litige entre les deux
parents.
Je n'ai pas de solution toute faite, mais l'attribution d'un pouvoir
absolu a chacun des deux parents de déléguer à n'importe
qui sa part de l'autorité parentale est peut-être aussi un peu
trop absolu. Je me demande si on a bien réfléchi aux
circonstances que ça pourrait engendrer. (17 h 30)
M. Bédard: II y a peut-être un problème qui
découle du fait de l'utilisation du temps au singulier. Je pense que si
on reprend la disposition principale de l'article 642, le principe paraît
assez absolu: les père et mère exercent ensemble
l'autorité parentale. Donc, il n'est pas question qu'ils l'exercent
autrement qu'ensemble. En d'autres termes, ce n'est pas un père qui
l'exerce avec un tiers à qui elle serait déléguée,
ou la mère qui l'exerce avec un tiers; ce sont les deux parents qui
l'exercent ensemble.
Par ailleurs, il est évident que le deuxième alinéa
prévoit les situations un peu exceptionnelles où l'un d'eux ne le
peut pas. Disons qu'à ce moment-là c'est l'autre qui l'exerce
seul. De sorte que, quand on arrive à l'article 643... Je voudrais dire
avant cela sur l'utilisation du singulier, que c'est vrai que, la plupart du
temps, quand les deux parents seront là, ils pourront exercer
l'autorité parentale. Ce sont les deux ensemble qui l'exerceront dans
une sorte de pluriel, mais il peut arriver, par l'application du
deuxième alinée de l'article 242, qu'un seul l'exerce, donc c'est
un singulier. Il peut arriver aussi que les deux parents soient déchus
de l'autorité parentale et que le tribunal ait nommé un tuteur ou
un tiers pour l'exercer, de sorte que ce n'est pas toujours deux personnes qui
exercent l'autorité parentale; ça peut être parfois une
personne, mais le principe, quand c'est le père et la mère, c'est
que ce sont les deux ensemble. Dans d'autres cas, c'est un tiers ou, dans
certaines circonstances, c'est l'un ou l'autre. Quand on arrive à la
délégation de l'article 643 peut-être n'est-ce pas
évident ou tout à fait clair, mais il me semble qu'on arriverait
difficilement à une interprétation qui viserait à
permettre à l'un des parents de déléguer en faveur d'un
tiers pour qu'il l'exerce ensuite avec l'autre parent, en raison du principe
même de l'exercice de l'autorité parentale. Je vous donne
très spontanément ce que j'en retiens.
Vous disiez également tout à l'heure qu'il n'y avait pas
de solution facile en cas de litige. Je crois que les tribunaux n'en ont pas
non plus. Il y a eu un certain nombre de litiges portant notamment sur le choix
de l'école, en rapport, entre autres, avec la religion, lorsque les deux
époux n'avaient pas la même religion. Dans ces cas les tribunaux
sont devant des situations de fait, qu'ils jugent comme telles. Il est
impossible de tracer à l'avance une règle. Nous avons l'article
647 qui dit: "En cas de différend relatif à l'exercice de
l'autorité parentale, le père ou la mère peut saisir le
tribunal qui statuera dans l'intérêt de l'enfant, après
avoir tenté de concilier les parties." Je crois qu'il est
extrêmement difficile de dire autre chose que cela.
M. Forget: II y a malgré tout des difficultés.
L'article 643, tel qu'il est rédigé, d'une part - et c'est une
difficulté autre que celle que je viens de souligner - parce qu'il est
au singulier, semble suggérer que même si le père et la
mère, pour des raisons quelconques, s'entendent pour conjointement
déléguer à une tierce personne l'autorité
parentale, ils ne le peuvent pas, parce qu'on semble suggérer que c'est
le titulaire unique qui le peut, lorsqu'il est veuf ou veuve. S'ils sont tous
les deux ensemble, ils ne le pourraient pas. D'autre part, quant à la
possibilité de déléguer à un tiers, je pense qu'on
pourrait peut-être donner un exemple de ce que ça pourrait
être. On a, à l'époque moderne - et on dirait que c'est un
phénomène en croissance - la naissance de toutes sortes de
sectes. On pourrait imaginer qu'un des parents devient membre d'une secte
religieuse ou parareligieuse et décide de confier sa portion de
l'autorité parentale au chef de la secte. Je devrais peut-être
dire que ce que je dis là n'est inspiré par aucune circonstance
de faits, de lieux ou de personnes actuels qui ont fait l'objet de litige
devant les tribunaux. C'est peut-être choisi au hasard, mais pas
totalement, comme on s'en doute. Si c'était le cas, et ça peut
très bien être le cas, est-ce que le parent qui n'est pas membre
de la secte pourrait contester cette délégation? Ce n'est pas
apparent, d'après la rédaction de l'article, qu'il pourrait la
contester; on semble en faire un droit absolu.
M. Bédard: À l'article 647, c'est "tout
différend relatif à l'exercice..." Il y aura certainement un
problème d'exercice de l'autorité parentale, compte tenu de
l'article 642, premier alinéa. Il me semble que l'article 647 a
peut-être assez d'ouverture pour permettre de saisir le tribunal dans une
hypothèse qui pourrait être celle évoquée.
M. Forget: Est-ce que les deux peuvent déléguer
ensemble?
M. Bédard: Je pense que c'est ce que vise l'article 643,
lorsque les deux l'exercent
ensemble, qu'ils puissent la déléguer ensemble. Cela
prévoit aussi le cas d'un tiers qui l'exerce seul, évidemment,
parce qu'elle lui est attribuée et qui aussi voudrait la
déléguer à son tour à quelqu'un d'autre.
M. Forget: Dans l'article 356 de l'Office de révision du
Code civil, le pluriel était utilisé. Cela se lisait comme suit:
"Les père et mère peuvent confier à d'autres la garde,
l'éducation ou la surveillance de leur enfant, sauf leur droit de le
reprendre en tout temps." Ce qu'on semblait déléguer ici, c'est
la garde, l'éducation ou la surveillance, mais non pas l'autorité
parentale. Donc, il y a double différence. On délègue ici
l'autorité parentale, mais non pas son exercice et les deux parents le
faisaient conjointement, alors qu'un seul semble pouvoir le faire.
M. Bédard: On ne délègue pas
l'autorité. Ce sont les mêmes choses qu'on délègue
que dans l'article 356 de l'Office de révision du Code civil, soit la
garde, la surveillance, l'éducation. C'est simplement la formulation du
début.
M. Forget: Ah oui! On ne délègue pas
l'autorité.
M. Bédard: On ne délègue pas
l'autorité parentale, à tel point qu'on peut la reprendre
n'importe quand.
M. Forget: Vous avez raison. Je m'excuse.
M. Bédard: D'accord?
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Est-ce qu'il ne serait pas plus simple,
finalement, de le mettre au pluriel et d'ajouter: " et, le cas
échéant, le titulaire..."
M. Bédard: Je pense qu'on peut le revoir.
M. Charbonneau: Parce qu'en plus de ça ça peut
porter à interprétation. J'ai l'impression que ça
maintient une attitude traditionaliste où on laisserait entendre
que...
M. Bédard: Ce n'est pas dans le sens de la tradition.
M. Charbonneau: Non, mais ce n'est pas clair.
M. Bédard: Non, c'est clair si on lit l'article 642.
Avant, c'était le père qui était le titulaire de
l'autorité parentale, c'était clair. Maintenant, ce qui est aussi
clair que ça...
M. Charbonneau: Là, ce sont les deux.
M. Bédard: ... c'est que ce sont les deux.
M. Charbonneau: Bon, si ce sont les deux, ce sont les
titulaires.
M. Bédard: Non, pas nécessairement. Ils le sont
tous les deux solidairement. Même si ce sont les deux, ça devient:
"Les père et mère exercent ensemble". La somme des deux, c'est le
titulaire. Le père et la mère ensemble - c'est ça la
règle - c'est le titulaire.
M. Charbonneau: Cela forme une personne morale, c'est comme une
compagnie.
M. Blank: On pourrait faire référence à
l'article 642 dans l'article 643.
M. Bédard: Le titulaire... C'est que là on ne peut
pas y faire nécessairement référence, parce que ça
peut être une autre personne. Non seulement ça peut être une
autre personne, un tiers, mais, dans certains cas, ce n'est qu'un des deux
parents, parce qu'il y en a un qui est déchu. Donc, l'autre l'exerce
seul et c'est un singulier parce qu'il y en a un qui est déchu.
M. Blank: Mais l'article 642 fait mention des deux ou une.
M. Bédard: Oui.
M. Charbonneau: Pourquoi ne dirait-on pas simplement: Les parents
ou, le cas échéant, un des parents ou un titulaire
délégué? Il me semble que cela se dit en
français.
M. Bédard: Je ne suis pas un spécialiste, mais
ça peut être un des parents ou les deux parents ou le tuteur qui
pourrait être nommé et qui peut temporairement avoir
l'autorité parentale ou une autre personne qui peut l'avoir,
temporairement octroyée par le tribunal qui peut la
déléguer. À ce moment-là, on en est à une
énumération qui est quand même assez lourde alors que la
manière de tout prévoir, c'est de dire le titulaire. À
partir du moment où les père et mère représentent
un titulaire, il n'y a pas deux tuteurs, il n'y a pas deux autres personnes
à qui peut être déléguée l'autorité
parentale.
Il y a la technique d'interprétation aussi, enfin il y a une
brillante interprétation fondamentale qui veut que le singulier
comprenne le pluriel à moins que le contexte n'impose une autre
interprétation. Je pense qu'ici nous sommes en plein contexte. Si les
deux parents sont là, l'article 642, alinéa
premier, fournit le contexte de l'exercice conjoint de l'autorité
parentale. Je ne vois pas beaucoup de difficultés pratiques. C'est
déjà pomme ça dans le Code civil. Dans le Code civil, 245,
le titulaire de l'autorité parentale.
M. Blank: En anglais, on dit "the person". Est-ce que "la
personne" comprend les deux? Je ne sais pas. Je ne suis pas certain. Je pense
qu'on va regarder.
Le Président (M. Lacoste): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne sais pas si ma
question est tout à fait pertinente à l'article 643. Il y a
certainement une association. A-t-on examiné le respect de la
volonté des parents qui, par testament, demandent que telle personne
agisse comme tuteur de leurs enfants? Evidemment, il s'agit d'enfants mineurs,
mais il n'y aura pas de concordance avec cela.
M. Bédard: Cela va venir dans la réforme des
successions, à ce moment-là, s'ils jugent à propos que
cela doit se traduire...
Mme Lavoie-Roux: C'est parce que cela présente des...
Parfois, il y a d'autres personnes qui interviennent.
M. Bédard: Parce que cela entraîne des droits.
Mme Lavoie-Roux: Normalement, les gens sont de bonne foi et
respectent les volontés des pères et mères, mais il y a
des cas aussi où il peut y avoir des manipulations ou des manoeuvres
pour, justement... Et surtout quand il s'agit de l'enfant en bas de dix ans,
souvent les parents sont les meilleurs juges, je pense, à moins,
évidemment, que les circonstances ne changent suivant leur
décès.
M. Bédard: Je pense que vous avez raison, mais c'est
là que ça viendra. C'est l'une des recommandations de l'Office de
révision du Code civil, dans son livre III sur les successions, de
prévoir une tutelle testamentaire. Évidemment, c'est
déjà un élément de la réforme de la tutelle
qu'il faudra apprécier dans une certaine vision d'ensemble pour ce qui
est de la représentation du mineur par le moyen de la tutelle.
M. Forget: Dans les cas, si vous me le permettez, M. le
Président...
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ...où il pourrait y avoir tutelle
testamentaire, comme désormais l'autorité parentale est
détenue par deux personnes, ne faut-il pas prévoir aussi que ce
n'est pas une vraie tutelle, mais que cela peut être la
délégation par testament de l'apport de l'un des conjoints dans
l'autorité parentale? Un des conjoints peut souhaiter, par exemple, que
son frère ou sa soeur avec le conjoint survivant continuent d'exercer
l'autorité parentale. Est-ce que ce n'est pas possible?
M. Bédard: Ce n'est pas ce qui est proposé, si ma
mémoire est bonne. Ce qui est proposé - parce qu'il y a un bout
de temps que j'ai lu cela dans le chapitre de l'Office de révision du
Code civil - cette tutelle testamentaire n'est possible que lorsque le dernier
conjoint décède à son tour et non pas...
C'est-à-dire, lorsque l'un des conjoints est déjà
décédé, la tutelle testamentaire n'est permise que dans le
cas où le dernier des conjoints décède parce que,
autrement, on se retrouverait un peu dans la situation que vous avez
évoquée tantôt, celle d'un parent qui, avec un tiers ou, en
tout cas, peut-être un oncle, une tante ou un beau-frère, exercent
l'autorité parentale et cela n'était pas voulu. Dès qu'il
y a un seul des parents parce que l'autre est décédé,
c'est toujours celui-là qui exercent seul et en totalité
l'autorité parentale sur les enfants. Donc, ce n'était possible
que lorsque celui qui décède est déjà seul ou
veuf.
M. Blank: Je veux seulement répéter qu'on doit
changer la version anglaise parce que le mot "person" veut dire une personne
seule, c'est-à-dire que ce n'est pas cela exactement. Le titulaire peut
inclure les deux personnes, mais le mot "person" inclut seulement une
personne.
M. Bédard: Nous allons le prendre en note. Je pense que
vous avez raison. D'accord.
Le Président (M. Lacoste): L'article 643 est-il
adopté?
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ...à l'article 643, je dois dire que le
libellé et les implications ne nous semblent pas totalement
satisfaisants. On peut bien l'adopter sur division, mais, quant à nous,
il y a un certain nombre de problèmes qui n'apparaissent pas être
résolus de la façon optimale.
Le Président (M. Lacoste): Donc, l'article 643 est
adopté sur division.
(17 h 45)
M. Bédard: Quitte à revenir avec des explications
supplémentaires par rapport aux préoccupations...
Le Président (M. Lacoste): Adopté sur division.
Article 644.
M. Bédard: II parle par lui-même. "Le mineur non
émancipé ne peut, sans le consentement du titulaire de
l'autorité parentale, quitter la demeure familiale".
M. Blank: On se répète encore.
M. Bédard: Nous l'avons pris en note concernant la version
anglaise. Il y a une logique.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 644 sera
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Article 644, M. le
député de Sherbrooke.
M. Gosselin: II y a des cas concrets qui se produisent qui font
que, par exemple, le DPJ peut recommander à un jeune de quitter le foyer
familial. Je connais des cas de jeunes qui m'ont été
référés, pour lesquels la situation familiale était
devenue intenable à cause de problèmes familiaux très
intenses, de parents qui étaient en instance de divorce ou de
séparation. Le milieu familial devenant invivable, l'enfant se
réfugie chez sa soeur ou son frère. Souvent ces jugements vont
être entérinés par le directeur de la protection de la
jeunesse par la suite.
Je m'interroge simplement sur la portée de cet article. Un mineur
non émancipé ne peut, sans le consentement du titulaire de
l'autorité parentale, quitter la demeure familiale. Je me demande s'il
n'y aurait pas un ajout, un "sauf", qui pourrait inclure les
possibilités pour un jeune de quitter la demeure familiale quand la
situation devient intenable, et alors que le consentement des parents n'est pas
toujours possible, dans le meilleur bien de l'enfant.
M. Bédard: Les dispositions de l'article 644 peuvent
compléter la Loi sur la protection de la jeunesse. Le directeur de la
protection de la jeunesse agit toujours en fonction des pouvoirs que la loi lui
donne. La loi lui donne le pouvoir de retirer l'enfant du lieu où il se
trouve si sa sécurité ou son développement est compromis
et qu'il doit agir d'une manière urgente. À ce moment, cette
disposition-là devient spécifique par rapport à celle-ci.
Les deux se complètent.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 644 est
adopté?
M. Bédard: Adopté. M. Forget:
Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Adopté. À
l'article 645, M. le ministre, vous demandez de supprimer l'article.
M. Bédard: Je voulais qu'on en discute. J'ai
indiqué que je n'étais pas opposé à l'enlever.
Le Président (M. Lacoste): Je reste à votre
disposition.
M. Bédard: S'il y a des pressions pour le conserver qui
nous convainquent du contraire, peut-être que...
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Verchères. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Cet article, je l'avais interprété
dans le sens du ministre dans le document qu'il nous a donné. Cela
visait plutôt à indiquer les limites d'exercice d'un droit,
liées au droit et au devoir de surveillance de parents sur leur enfant
et à la responsabilité qui en découle.
Par contre, l'autre soir, on m'a dit non, s'il n'y a aucune limite, cela
n'a pas d'inconvénient. Il me semble que cela tempère les
réprimandes, les abus que les parents pourraient commettre.
D'un autre côté, je trouve un peu irréaliste de
penser - et je ne me sens pas honteuse de m'accuser publiquement...
M. Bédard: Comme mère de famille.
Mme Lavoie-Roux: ... d'avoir de temps en temps corrigé -
cela va être dans le journal des Débats - physiquement mes
enfants. J'espère que ce fut d'une façon modérée.
Mais je trouve que cela protège autant les uns que les autres, autant
les parents que les enfants, de conserver ceci. C'est modéré
à l'égard des enfants et à l'égard...
M. Bédard: II est évident que, si la correction est
hors de proportion, il y a toujours...
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Je n'ai pas le texte, mais j'aimerais bien savoir
ce qu'il y avait avant dans le cas de discipline.
M. Bédard: Si vous me permettez. Dans le sens de ce que
vous dites, c'était une représentation qui avait
été faite, parce qu'on avait l'impression que cet
article-là, tel que libellé, pouvait protéger les
parents,
qui corrigeaient de façon abusive leur enfant. Pour être
bien clair, cela ne donne en aucune façon le droit à des parents
d'être abusifs.
Mme Lavoie-Roux: Mais si vous l'enlevez.
M. Bédard: J'ai l'impression qu'on est en train de
discuter un petit peu sur la même ligne de pensée.
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Je voudrais savoir ce qu'il y avait avant. C'est
le même qu'il y avait avant?
M. Bédard: C'est le même article qui avait
été adopté en 1977 et qui est simplement reproduit. Tout
ce chapitre sur l'autorité parentale se rapproche substantiellement de
la loi de 1977, sauf qu'il y a certaines précisions qui paraissaient
utiles, nécessaires même.
Le Président (M. Lacoste): M. le député de
Taschereau.
M. Guay: Personnellement, M. le Président, si on modifiait
la rédaction pour viser vraiment ce qui est voulu et dire simplement:
que le titulaire de l'autorité parentale n'a sur l'enfant qu'un droit de
correction modérée et raisonnable, est-ce que cela ne
restreindrait pas justement...
Mme Lavoie-Roux: Cela regarde la correction.
M. Guay: Oui, bien sûr.
Mme Lavoie-Roux: Cela regarde la correction.
M. Bédard: II y a un droit de correction...
Le "que" s'adresserait à la modération ou au
caractère raisonnable de l'intervention. Cela ne serait "que
raisonnable"... Ce ne serait pas...
M. Guay: II a un droit de correction, mais ce droit de correction
n'est que modéré. C'est le droit qu'il a.
M. Charbonneau: Depuis 1977, est-ce qu'il y a eu de la
jurisprudence, dans certaines causes, pour établir ce qui était
raisonnable et modéré?
M. Bédard: II y a une jurisprudence qui s'établit
lorsque ce n'est pas raisonnable ... ...il n'y a pas de multiples jugements,
mais il y a eu un jugement de la Cour provinciale rendu assez récemment
sur l'interprétation de cet article. Le tribunal s'est interrogé,
à savoir si dans l'ensemble des faits qui étaient devant lui, la
correction - dans ce cas, c'était un instituteur - était d'abord
raisonnable et, si elle avait été raisonnable, si elle
était modérée. Dans ce cas, il avait jugé qu'elle
ne l'était pas et il y a accordé certains dommages.
M. Blank: ...une plainte de voies de fait, cela ne serait pas en
défense? Si quelqu'un porte plainte de voies de fait simples ou graves
contre un parent, un tuteur ou...
M. Bédard: C'est le même article que
tantôt.
M. Blank: Oui, mais est-ce que cela ne va pas en
défense?
M. Bédard: C'est au Code criminel. Là, on est au
Code civil.
Si les corrections des parents devenaient déraisonnables, cela
pourrait entraîner une déchéance de l'autorité
parentale, éventuellement, si c'était assez grave.
M. Blank: Dans le Code criminel, pour un assaut simple, on n'a
même pas besoin de toucher personne. Il suffit de faire une menace qu'on
peut ne pas compléter. Cela est suffisant pour une condamnation de voies
de fait simples. Mais, c'est...
M. Bédard: Si on s'entend bien sur l'esprit de base de la
disposition, cela va.
Le Président (M. Lacoste): Mme la députée de
L'Acadie, vous avez demandé la parole tantôt. Cela va?
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse.
Le Président (M. Lacoste): Est-ce que l'article 645 est
adopté?
M. Forget: Oui.
Le Président (M. Lacoste): L'article 645 est
adopté. Article 646. Il y a un amendement pour remplacer l'article 646
par le suivant: "À l'égard des tiers de bonne foi, le père
ou la mère qui accomplit seul un acte d'autorité à
l'égard de l'enfant est présumé agir avec l'accord de
l'autre." Est-ce que le nouvel article 646 est adopté?
M. Forget: On n'a pas changé le sens. On n'a fait
qu'améliorer la rédaction?
M. Bédard: C'est cela. M. Forget:
Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Article 646, adopté.
Article 647?
M. Bédard: Cet article 647 reprend substantiellement
l'article 245d du Code civil et le complète pour tenir compte d'une
demande conjointe des époux et du fait que ce n'est pas tant le juge qui
tentera de concilier les époux, mais les services de conciliation
auxquels il pourra les référer.
Le Président (M. Lacoste): Vous avez aussi un amendement,
M. le ministre, à 647. Dans la deuxième ligne, remplacer les mots
"le père ou la mère peut" par les suivants "les père et
mère ou l'un d'eux peuvent".
M. Bédard: C'est cela.
Le Président (M. Lacoste): Dans la troisième ligne,
remplacer les mots "tenté de concilier les" par les suivants: "favoriser
la conciliation des". Est-ce que les amendements sont adoptés?
Une voix: Adopté.
M. Forget: M. le Président, l'amendement rend l'article
assez lourd. Etant donné qu'on a dit à un endroit que les deux
partagent l'autorité parentale, je me demande si on doit rédiger
tous les articles de la même façon.
M. Bédard: Cela me semble nécessaire parce qu'on
est dans le cas d'un différend entre les deux qui solidairement exercent
cette autorité parentale. C'est une modification à
caractère un peu procédural, cela voulait indiquer le fait que
les père et mère peuvent saisir le tribunal d'une manière
conjointe, par une demande qui est conjointe, et aussi indiquer le recours aux
services auxiliaires qui pourraient être institués auprès
du tribunal pour favoriser la conciliation.
Mme Lavoie-Roux: On l'avait mis ailleurs.
M. Bédard: On l'a fait è trois ou quatre endroits
jusqu'ici. On l'a déjà fait.
Mme Lavoie-Roux: C'est ce que je dis.
M. Forget: Autrement, une requête conjointe serait
rejetée par le tribunal?
M. Bédard: Pas nécessairement si le Code de
procédure civile l'indiquait clairement, mais il y aurait quand
même un certain hiatus entre les deux codes à ce
moment-là.
M. Forget: Bon. Pas d'objection.
Le Président (M. Lacoste): Les amendements sont
adoptés?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Les amendements sont
adoptés. Est-ce que l'article 647 est adopté tel
qu'amendé?
M. Forget: M. le Président, un instant. Le
Président (M. Lacoste): D'accord.
M. Bédard: J'avais compris sur division, parce qu'il y a
peut-être des explications supplémentaires qu'on peut donner.
M. Forget: Ce droit d'intervenir relativement à l'exercice
de l'autorité parentale est réservé au père et
à la mère séparément ou conjointement. On
n'envisage pas d'autres circonstances. Par exemple, un tiers ne peut pas
intervenir. Est-ce qu'un tiers peut intervenir en vertu d'autres articles ou
d'un autre article? Est-ce que cet article permet de soumettre à
l'autorité du tribunal l'exercice de l'autorité parentale? Est-ce
que nous sommes en face du seul article qui permet de saisir le tribunal d'un
problème relatif à l'exercice de l'autorité parentale?
M. Bédard: C'est le seul, oui. C'est le seul en cas de
différend entre les deux détenteurs de l'autorité
parentale.
M. Forget: Est-ce que le protecteur de la jeunesse ne pourrait
pas dans certains cas - j'ai des exemples à l'esprit - intervenir
auprès du tribunal même dans les cas où il ne demande pas
la déchéance de l'autorité parentale? Est-ce que le seul
remède du directeur de la protection de la jeunesse, c'est la
déchéance de l'autorité parentale ou est-ce qu'il ne
pourrait pas dans certains cas, sans aller jusque-là, obtenir une
révision de l'exercice? Un des exemples que j'ai à l'esprit,
c'est le consentement à l'adoption. Si le consentement à
l'adoption est refusé de manière abusive, est-ce que le directeur
de la protection de la jeunesse a comme seul remède de faire prononcer
la déchéance de l'autorité parentale ou est-ce qu'il
pourrait demander, relativement à cette décision qui est la
dernière, au tribunal de substituer sa décision à celle du
parent? (18 heures)
M. Bédard: Cela ne semblerait pas être le cas, tel
que libellé, à moins qu'on n'élargisse.
Le Président (M. Lacoste): D'une façon ou d'une
autre, M. le ministre...
M. Bédard: Pourrait-on le suspendre?
Le Président (M. Lacoste): Vous le suspendez. Donc,
l'article 647 est suspendu. Il est exactement 18 heures, nous suspendons les
travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise de la séance à 20 h 20)
Le Président (M. Laberge): Mesdames et messieurs, la
commission parlementaire de la justice reprend ses travaux concernant le projet
de loi no 89. Les membres de la commission pour ce soir, évidemment,
sont les mêmes que ceux de cet après-midi, ils ont
déjà été mentionnés.
À la suspension, nous en étions à l'étude de
l'article 647 pour lequel deux amendements ont déjà
été adoptés. Est-ce que l'article 647 amendé sera
adopté?
M. Forget: Un instant, M. le Président. M.
Bédard: Une seconde.
Mme Lavoie-Roux: Un instant, il me semblait qu'il était
suspendu.
M. Forget: II était suspendu, me semble-t-il.
Le Président (M. Laberge): C'est possible, oui. J'appelle
donc l'article 648.
M. Bédard: C'est le principe...
Le Président (M. Laberge): À l'article 648, on a
porté à mon attention deux amendements. Ajouter, après le
mot "prononcer", dans la deuxième ligne de l'article, l'expression
suivante: "à la demande de tout intéressé". Est-ce que cet
amendement sera adopté?
M. Bédard: Je n'ai pas de remarque spéciale
à faire. C'est le principe...
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'amendement est adopté.
Le deuxième amendement suggéré est le suivant: Remplacer,
dans la troisième ligne de l'article, l'expression "du père ou de
la mère ou des deux" par celle-ci: "des père et mère, de
l'un d'eux ou du tiers à qui elle aurait été
attribuée". Est-ce que cet amendement sera adopté?
M. Forget: Cela va. M. Bédard: Oui.
M. Forget: M. le Président, on va adopter
l'amendement.
Le Président (M. Laberge): L'amendement est adopté.
Donc, retour sur l'article 648 amendé. M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: On dit ici "pour un motif grave". Est-ce qu'on a une
indication quelconque ailleurs? Il me semble que, dans le chapitre de
l'adoption, nous avions... Non, c'est à la déclaration
d'adoptabilité où il y a une énumération de motifs.
Ici, dans la déchéance de l'autorité parentale, il n'y a
pas d'énumération de motifs.
M. Bédard: Comme dans le Code civil où il n'y en a
pas non plus. Ce sont les tribunaux qui, à un moment donné... Une
seconde. Dans le Code civil: "Le tribunal peut sur requête, pour motif
grave et dans l'intérêt de l'enfant..."
M. Forget: Je vois. Dans la recommandation 360 de l'Office de
révision du Code civil, on prévoit que le ministre de la Justice
peut intervenir. Est-ce que je dois comprendre, par l'inscription "tout
intéressé", que le ministre de la Justice est couvert...
M. Bédard: II peut être un de ceux-là. M.
Forget: ... par cette expression? M. Bédard: C'est cela.
M. Forget: L'enfant lui-même, bien sûr, et toute
autre personne?
M. Bédard: C'est cela.
M. Forget: Le deuxième alinéa de la recommandation
360 de l'Office de révision du Code civil se retrouvera, j'imagine... Il
indique qu'elle doit être signifiée au père et à la
mère. Cela se retrouvera au Code de procédure civile.
M. Bédard: C'est exact.
M. Forget: II va y avoir tout un travail de concordance.
M. Bédard: II est déjà commencé.
M. Forget: Et je présume de ces réponses que, dans
l'esprit du ministère de la Justice, tout cela devra venir en
application en même temps, je suppose. Les modifications au Code de
procédure viendront en même temps que la promulgation du nouveau
Code civil.
M. Bédard: II y a des articles qui ont besoin
nécessairement d'une concordance. On ne peut faire autrement que
d'attendre que ces concordances soient effectives. Seul, on n'en a pas besoin
et ce n'est pas l'ensemble
de tous les articles qui peuvent être mis en vigueur.
M. Forget: C'est dire que les articles pourraient être mis
en application sélectivement?
M. Bédard: Par rapport à l'autorité
parentale, il faut peut-être dire que le rapport de l'office que nous
avons là, c'est sur la base de ce rapport de l'office qu'en 1977 le Code
civil a été modifié de sorte que c'est déjà
en application pour cette partie.
Il y a peut-être des précisions additionnelles qu'il faut
apporter, mais les amendements de 1977 s'appuyaient justement sur le rapport de
l'office qui arrive après que...
M. Forget: Ce qui ne veut pas dire pour autant que le Code de
procédure civile, par exemple, dans ce cas que j'ai soulevé, a
été modifié.
M. Bédard: II faudra faire la concordance, la
modification.
Cela va pour l'article 648?
Le Président (M. Laberge): Cela va pour 648?
M. Forget: Cela va.
Le Président (M. Laberge): L'article 648 est adopté
avec amendement. J'appelle l'article 649. On nous demande, à l'article
649, de remplacer l'article au complet par le suivant: "Le tribunal peut, au
moment où il prononce la déchéance, désigner la
personne qui exercera l'autorité parentale, ou décider de prendre
l'avis du conseil de famille avant de procéder à cette
désignation, ou, si l'intérêt de l'enfant l'exige, à
la nomination d'un tuteur."
M. Bédard: Le remplacement de l'article 649 est
proposé pour deux raisons. D'une part, l'article 649 est pris
partiellement en charge par un amendement apporté à l'article 648
établissant que la demande de déchéance peut être
présentée par tout intéressé. Quant à la
signification elle est reportée au Code de procédure civile
où elle y trouve plus normalement sa place. D'autre part, ni le Code
civil du Bas-Canada, ni la Loi sur la protection de la jeunesse, ni le projet
de loi ne prévoyaient expressément la désignation du
titulaire de l'autorité parentale dans le cas de déchéance
des deux parents ou d'un tiers. Pourtant le tribunal procédera
généralement à cette désignation au moment
où il prononcera la déchéance, mais il peut aussi juger
important de prendre l'avis du conseil de famille, soit en vue de la
désignation du nouveau titulaire de l'autorité parentale, soit en
vue de la nomination d'un tuteur, compte tenu de l'intérêt de
l'enfant.
Le nouvel article complète l'article 72 sur la Loi sur la
protection de la jeunesse qui attribue d'office la tutelle au directeur de la
protection de la jeunesse, en l'absence d'un autre tuteur, mais ne lui attribue
pas nécessairement l'autorité parentale.
Le Président (M. Laberge): Etes-vous certain que la
rédaction est conforme? Il me semble que après "ou, si
l'intérêt" il y a quelque chose qui manque avant "la nomination
d'un tuteur".
M. Bédard: Avant de procéder à cette
désignation ou à la nomination d'un tuteur, si on enlève
notre incidente...
Le Président (M. Laberge): Bon, parfait.
M. Bédard: C'est procéder à cette
désignation ou procéder à la nomination d'un tuteur.
Le Président (M. Laberge): Alors, les deux se rapportent
à "procéder".
M. Bédard: Les deux se rapportent à
"procéder".
Le Président (M. Laberge): Parfait. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: II y a l'expression "conseil de famille". Est-ce que,
dans le nouveau Code civil, cette expression sera définie?
M. Bédard: Dans l'état du droit actuel, ça
veut dire quelque chose que tout le monde sait le conseil de famille; dans la
réforme proposée du livre premier, cette expression "conseil de
famille" comme telle disparaît, enfin toute l'institution du conseil de
famille disparaît.
M. Forget: C'est l'impression que j'avais que l'expression
disparaissait.
M. Bédard: Si la proposition de l'office était
retenue, il faudrait revenir faire des amendements de concordance, si vous
voulez, dans le projet de la famille. Mais comme il faut fonctionner, il faut
rendre ça opérationnel dans le système actuel, il nous
faut vraiment procéder plus conformément en disant: Après
avoir pris l'avis du conseil de famille.
M. Forget: Je vois.
M. Bédard: C'est un peu provisoirement.
M. Forget: C'est provisoirement, d'accord, ça clarifie ce
point.
Le Président (M. Laberge): L'article 649 est-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté.
M. Forget: Tel que modifié.
Le Président (M. Laberge): Oui, nouvel article 649
adopté. J'appelle 650.
M. Bédard: L'article reprend essentiellement le
deuxième alinéa de l'article 245 du Code civil qui dit,
textuellement: "... s'étend à tous les enfants mineurs
déjà nés au moment du jugement, à moins que le
tribunal n'en décide autrement."
Le Président (M. Laberge): L'article 650 sera-t-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 650 est
adopté. J'appelle l'article 651. (20 h 30)
M. Bédard: Cet article reprend, en l'assouplissant, le
premier alinéa de l'article 245f du Code civil. En effet, l'article ne
distingue pas entre les diverses situations qui peuvent entraîner la
déchéance de l'autorité parentale. Pourtant, les unes
peuvent tenir à l'incapacité mentale, par exemple, et les autres
à des actes criminels, sans compter que l'obligation alimentaire n'a pas
son fondement dans l'autorité parentale. C'est pourquoi l'article 651
laisse à la discrétion du tribunal, sur la base de circonstances
exceptionnelles, la décision en cette matière.
Le Président (M. Laberge): L'article 651 sera-t-il
adopté? M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: J'aimerais être bien sûr que je comprends
l'explication qui nous a été donnée. On nous dit, si je
comprends bien que certains parents peuvent se voir retirer leur
autorité parentale, par exemple, parce qu'ils sont des malades
psychiatriques...
M. Bédard: Ils n'ont pas la capacité mentale ou
encore...
M. Forget: ... qui n'ont pas la capacité, mais, dans ces
circonstances, rien n'empêche qu'ils conservent leur créance
alimentaire vis-à-vis de leurs enfants. Est-ce qu'on a cité un
autre cas aussi?
M. Bédard: Lorsque les parents sont coupables d'actes
criminels, des gens qui sont condamnés pour très longtemps, par
exemple.
M. Forget: Est-ce que cela entraînerait la
déchéance de l'autorité parentale? Si les crimes sont
faits vis-à-vis des enfants, je pense qu'à ce
moment-là...
M. Bédard: Oui, des motifs graves.
M. Forget: ... ça entraînerait non seulement la
déchéance de l'autorité parentale, mais que ça
pourrait aussi justifier le retrait de l'obligation alimentaire. Mais si les
crimes sont commis vis-à-vis de tiers, est-ce qu'il n'y a pas quelque
chose d'un peu odieux d'imposer une double pénalité dans le
fond?
M. Bédard: C'est peut-être pour ça que
l'article, somme toute, dit "...si des circonstances exceptionnelles le
justifient...", de façon que ce ne soit pas automatique. Il faudrait
peut-être un examen un peu nuancé.
Je ne prendrai pas de nom, mais disons que quelqu'un n'a pas tué
un de ses enfants mais a tué peut-être deux ou trois jeunes, ce
n'est peut-être pas l'homme indiqué, ce n'est peut-être pas
si odieux que ça de penser qu'il n'est pas capable d'exercer
l'autorité parentale avec sécurité pour l'enfant. Ce sont
des cas extrêmes, avec discrétion...
M. Forget: D'accord, on peut voir que la souplesse introduite est
souhaitable. Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): L'article 651 est
adopté. J'appelle l'article 652.
M. Bédard: Cet article donne au tribunal le pouvoir de
rétablir le parent dans ses droits si ce dernier se montre capable de
les exercer dans l'intérêt de l'enfant. Il est toutefois
évident que si le processus d'adoption est engagé par une
ordonnance de placement, il n'est plus question de rétablir le parent
d'origine dans ses droits.
La possibilité de rétablir quelqu'un dans ses droits
n'était pas prévue auparavant, afin qu'il puisse recouvrer son
autorité parentale.
M. Forget: M. le Président, avant d'adopter cet article,
je remarque qu'il y a un article, au moins, dans les recommandations de
l'Office de révision du Code civil, qui est omis. Je pense en
particulier au paragraphe 358 du rapport de l'office. Je le mentionne
particulièrement parce que le Barreau a suggéré de
l'inscrire dans le Code civil. C'est celui où l'on dit que "le
père et la mère ne peuvent sans motifs graves faire obstacle aux
relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents". Que ce soit cette
disposition ou d'autres s'il en est, j'apprécierais que le ministre nous
explique pourquoi certaines de ces recommandations de l'office n'ont pas
été retenues.
M. Bédard: Le raisonnement qui a été fait
est le suivant: si les parents s'entendent pour que les enfants aient des
relations avec leurs grands-parents, il n'y a pas de
problème qui se pose. S'ils ne s'entendent pas, qui doit
l'emporter?
M. Forget: Non, mais c'est le cas où les deux s'entendent
pour bloquer ces relations. L'office prévoyait d'éliminer ces
pouvoirs.
M. Bédard: Si on regarde cela sur un plan concret, cela
paraît souhaitable, évidemment, que les petits-enfants aient des
relations avec les grands-parents. Je pense que cela va de soi, sauf que s'il y
a des circonstances particulières où les parents empêchent
leurs enfants de rencontrer leurs grands-parents, je ne sais pas comment le
tribunal va régler ce problème. Il peut bien accepter de donner
aux grands-parents le droit de voir leurs petits-enfants, mais il y a des
relations qui sont en train d'être sérieusement perturbées
entre les enfants, les parents et les grands-parents. Je ne sais pas si c'est
un jugement du tribunal qui va rétablir une situation qui, somme toute,
échappe au droit pour l'essentiel.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne sais pas si c'est
formulé tel quel par le Barreau, mais c'est certainement une
recommandation sur laquelle cela vaudrait la peine, je pense, de se pencher
davantage. Je vois que le tribunal, dans un cas de dispute sur le choix de
l'école - c'est l'exemple qu'on nous a apporté cet
après-midi pouvait trancher. On a parlé de l'école
religieuse, etc. Il peut arriver aussi que les père et mère ne
s'entendent pas - ou quand il y a un nouveau parent dans le tableau - et que,
souvent, des relations avec les grands-parents soient nuisibles aux enfants,
comme elles peuvent aussi être extrêmement positives et
peut-être le lien le plus permanent qu'ils aient connu. On a vu, des
situations abusives où, pour un cas, peut-être un motif conscient
ou inconscient, le parent qui a pris un nouveau conjoint ne voudra pas que ses
enfants continuent d'entretenir des relations avec les grands-parents de
l'ancien conjoint. Je pense que cela peut être au détriment des
enfants. Je me dis: Formulez-le comme vous voudrez, mais il me semble qu'il
faut au moins laisser une porte ouverte pour que ce ne soit pas laissé
simplement à la discrétion de parents qui, parfois, peuvent agir
pour des motifs qui sont au détriment de l'enfant.
M. Bédard: II n'y a pas de relation de droit avec les
grands-parents, si ce n'est des droits alimentaires jusqu'à
maintenant.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais s'il y a des droits alimentaires, les
grands-parents pourraient être tenus responsables d'alimenter leurs
petits-enfants. N'a-t-on pas vu cela il y a quelque temps? Je trouve que de la
même façon, à l'inverse, on doit adopter d'autres...
M. Bédard: Oui, mais vous voudriez quoi? Quand les parents
sont d'accord, on le sait, cela ne pose pas de problème, mais...
Mme Lavoie-Roux: Non, cela ne pose pas de problème.
M. Bédard: ...quand les deux parents ne sont pas d'accord
pour une telle visite, par exemple, le genre de relations X avec les
grands-parents, quelle autorité doit trancher?
Mme Lavoie-Roux: II faudrait qu'ils fassent valoir un motif
raisonnable.
M. Bédard: Vous voudriez que ce soit le tribunal qui
puisse être appelé à trancher une telle situation?
M. Forget: M. le Président, si on me permet
peut-être moins de répondre que d'essayer de situer la nature de
notre interrogation dans un contexte, je comprends. Le ministre l'a dit au
début de l'étude de ce chapitre sur l'autorité parentale
qu'on est amené à redéfinir la famille sur la base de la
famille nucléaire, c'est-à-dire le père, la mère et
les enfants. C'est sans aucun doute une réalité sociale
quoiqu'elle ne soit, comme toute réalité, jamais absolue. Il faut
dire que la famille elle-même ne fonctionne pas dans un vide non plus.
Elle est entourée d'une société plus large. La Loi sur la
protection de la jeunesse prévoit d'intervenir dans les relations entre
les parents et les enfants quand il en va de l'intérêt de
l'enfant. Est-ce qu'on doit nécessairement placer le problème
dans le dilemme où la famille, le parent intervient et s'acquitte de ses
responsabilités de manière impeccable, sinon on va
nécessairement au palier social, si l'on veut, au palier de l'ensemble
de la société et, à ce moment-là, c'est le
directeur de la protection de la jeunesse qui intervient? Il me semble que la
préoccupation de ma collègue de L'Acadie, c'est que, bien
sûr, c'est une réalité, la famille nucléaire, mais
la plupart des familles s'étendent un peu plus que cela, malgré
tout. On le reconnaît, d'ailleurs, en confirmant l'existence d'une
obligation alimentaire en ligne directe, indéfiniment. En pratique, bien
sûr, au deuxième degré, dans un sens comme dans l'autre, il
n'y a pas beaucoup de possibilités biologiques de faire autre chose.
On reconnaît donc que les grands-parents sont là. Est-ce
qu'il est raisonnable de dire que les grands-parents ont une obligation et une
créance alimentaire, mais rien d'autre? Je pense que la réponse
à cela devrait être non. Si on pense qu'il ne devrait y avoir
aucune autre relation que l'obligation alimentaire, je pense qu'il faudrait
faire
tomber l'obligation alimentaire parce que dans le fond, l'obligation
alimentaire est le symbole d'un lien réel. On nie l'existence du lien
réel dans toutes les autres circonstances, même quand
l'intérêt de l'enfant est en jeu, quand on dit: Si
l'intérêt de l'enfant est en jeu à ce point, c'est le
directeur de la protection de la jeunesse qui va intervenir. Non, ce n'est pas
tout à fait cela. On n'en est pas tout à fait au cas de l'enfant
battu ou maltraité. On est dans une situation qui est en
deçà de l'enfant battu et maltraité, mais malgré
tout, ou est dans un contexte où les parents, ou un des parents, se
laissent emporter par des considérations plutôt
égoïstes, des conflits non résolus entre
générations, qui font qu'ils disent: Si c'est comme cela, mes
parents ne verront pas leurs petits-enfants. Point. Je pense qu'à ce
moment-là un tribunal pourrait s'insérer. Évidemment, il y
a une question de le faire avec mesure, une question de le faire pour des
raisons sérieuses. Mais on peut se poser la question: Est-ce qu'on ne
devrait pas leur reconnaître l'ouverture plus explicitement?
M. Bédard: Je pense qu'on est d'accord sur le fond. Il n'y
a aucun doute là-dedans.
M. Forget: L'Office de révision avait, d'ailleurs,
formulé un début, plus qu'un début, une recommandation
à cet effet qui pourrait être améliorée.
M. Bédard: Mais il faut se poser des questions. Cela va
être quoi, l'ordre du tribunal? Je l'ai sous les yeux, l'amendement fait
par le Barreau. Si ce n'était que cela, je serais prêt à
l'inclure tout de suite. Il faut aller un peu plus loin que cela. Qu'est-ce qui
va être décidé par le tribunal? Est-ce une injonction qui
va être émise pour que les enfants puissent voir...
M. Forget: Comme on prévoit les droits de visite ou de
correspondance, par exemple. C'est comme une ordonnance. Cela a un peu l'allure
d'une injonction. Je pense bien que cela n'irait pas jusqu'au mépris de
cour et à l'emprisonnement. Mais il reste que ce n'est pas la seule
disposition dans le chapitre de la famille où on indique le droit sans
nécessairement se préoccuper de savoir si on peut emprisonner les
gens s'ils y échappent.
Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, est-ce que le tribunal, dans le
moment, en certaines occasions, ne statue pas, par exemple, que les
petits-enfants ne doivent pas voir les grands-parents? Il y a des cas qui ont
été portés à mon attention où on
défend aux grands-parents, pour des raisons qui peuvent être fort
valables, je n'en discute pas, de voir leurs petits-enfants. Il doit y avoir
quelqu'un quelque part qui statue là-dessus. Je ne sais pas si c'est le
tribunal ou le directeur de la protection de la jeunesse, ou un autre.
M. Bédard: C'est en vertu de la Loi sur le divorce
actuelle. Le juge dispose de pouvoirs extrêmement importants sur les
modalités du droit de visite. Il peut donc mettre des restrictions
diverses au droit de visite. C'est en vertu de la Loi sur le divorce
fédérale. Je pense que le tribunal a de très larges
pouvoirs qui peuvent aller jusqu'à dire: La femme, par exemple, aura
droit de visite ou l'homme, selon le cas. Néanmoins, elle ne pourra pas
permettre à l'enfant de voir telle ou telle personne. La Loi sur le
divorce est ainsi faite. Elle est très large. Ce n'est pas en vertu du
Code civil.
On est d'accord sur le fond. On verra ce que cela donnera en termes de
décision de tribunal et tout cela. Mais je pense que l'idée est
bonne et la formulation me semble correcte. Alors, ajoutons-le. Ce serait
l'article 653. C'est le dernier. (20 h 45)
M. Forget: M. le Président, dans la même veine de
choses qui sont différentes, j'aimerais souligner que...
M. Bédard: Est-ce qu'on pourrait l'adopter? Cela va?
M. Forget: Ah, bien oui, si vous êtes prêt à
l'adopter tout de suite. D'accord.
M. Bédard: II n'y a pas de problème.
Mme Lavoie-Roux: Vous ne gardez pas le troisième
paragraphe de la révision du Code civil? Juste les deux premiers?
M. Bédard: ...signaler que la disposition de l'office
était entièrement reproduite de la loi française de 1970
et que le troisième paragraphe va peut-être trop loin.
M. Forget: Peut-être, oui. C'est ce que suggérait la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: ...parce qu'à ce moment-là...
Le Président (M. Lacoste): Est-ce qu'on va adopter
l'article 653 avant l'article 652?
M. Bédard: L'article 653.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais soulever les autres
éléments du rapport de l'Office du Code civil qui sont omis. Je
suis bien prêt à adopter les autres, pourvu que le ministre n'ait
pas d'objection à ce qu'on discute pendant un certain temps de ces
autres éléments, parce qu'il y en a quatre ou cinq qui sont
soulevés et qui ne sont pas repris.
Le Président (M. Lacoste): Ici, on va commencer, si vous
voulez, par formuler un article qui portera le numéro 653 et qui se lit
comme suit: "Les père et mère ne peuvent pas, sans motif grave,
faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses grand-parents."
Paragraphe. "À défaut d'accord entre les parties, les
modalités de ces relations sont réglées par le tribunal".
Est-ce que cet article 653 sera adopté?
M. Bédard: C'est "ne peuvent".
Le Président (M. Lacoste): "ne peuvent". D'accord, "ne
peuvent, sans motif grave". Alors, le "pas" est enlevé. Est-ce gue cet
article 653 nouveau sera adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Lacoste): Adopté. Je reviens donc
à l'article 652. Est-ce que l'article 652 sera adopté?
M. Forget: Sous la réserve que j'indiquais.
Le Président (M. Lacoste): Sous les réserves que
vous avez indiquées.
M. Forget: D'accord, adopté.
Le Président (M. Lacoste): Article 652, adopté.
Quant aux autres articles en suspens, on y reviendra plus tard.
M. Forget: J'aimerais y revenir tout de suite, si c'était
possible.
M. Bédard: En suspens, si je me comprends bien, il y a un
article. Je pensais que c'était un en suspens.
M. Forget: Je veux dire que ce à quoi le président
se référait comme des articles en suspens, ce sont les
recommandations de même nature qui ont été faites par la
Commission de révision du Code civil et qui ne sont pas reprises dans le
projet de loi no 89. Je pense que nous arrivons à un ensemble d'articles
ou de recommandations de l'Office de révision du Code civil qui sont une
bonne illustration de l'idée qu'on a débattue
précédemment ici, quant à l'inscription au Code civil,
comme principe général, du plus grand nombre de dispositions
conciliables avec le Code civil et qui se retrouvent actuellement dans le droit
statutaire. C'est évidemment l'opération à laquelle nous
nous sommes livrés vendredi soir relativement à l'adoption.
À ce moment-là, j'ai souligné que j'étais
absolument favorable à l'idée de faire du Code civil un code qui
soit complet par lui-même, dans toute la mesure du possible. Voici qu'aux
recommandations 359, 365, 367, 368, 369 et 370 de l'Office de révision
du Code civil nous avons une série d'énoncés de droit qui
sont inspirés directement sur la Loi sur la protection de la jeunesse.
La question qui se pose est la suivante: Dans quelle mesure le ministre ne
croit-il pas qu'il soit souhaitable, justement dans le chapitre qui traite dans
le Code civil de l'autorité parentale, d'insérer ces dispositions
substantives de la loi? Il y a beaucoup de dispositions de procédure
dans la Loi sur la protection de la jeunesse, toute la partie sur le recours
judiciaire, il y a des dispositions semi-administratives, la description des
mesures provisoires, des mesures volontaires, etc., qui essentiellement
s'adressent à des établissements de services sociaux. Tout le
chapitre sur les droits de l'enfant qui est le premier chapitre de la loi, tout
le chapitre qui énonce les occasions d'enclenchement du processus de la
protection de la jeunesse, auquel j'ai eu l'occasion de fait
référence quand nous avons débattu l'article 641, sont
tout à fait de la nature des dispositions qui sont intégrables
dans leur esprit et même dans leur libellé le plus souvent presque
sans changement dans le corps du Code civil. C'est d'ailleurs ce que l'Office
de révision du Code civil suggérait par ces articles, le langage
d'ailleurs est copié mot pour mot dans certains cas de la Loi sur la
protection de la jeunesse. Évidemment, on peut me dire: Cela existe
déjà. C'est vrai. Cela existe dans la Loi sur la protection de la
jeunesse...
M. Bédard: C'est probablement ce que je vais vous
dire.
M. Forget: Oui. Encore une fois, le but n'est pas tellement de
savoir si cela existe ou si cela n'existe pas, mais dans quelle mesure le Code
civil ne devrait pas être un droit complet. On pourrait même
imaginer d'intégrer dans le chapitre du droit relatif à la
famille la Loi sur la protection de la jeunesse de la même façon
qu'on a intégré l'adoption, sauf les dispositions de
procédure qui pourraient aller dans le Code de procédure civile.
Je n'y verrais certainement aucun inconvénient et ce serait certainement
plus complet parce qu'il faut bien dire, et cela m'a frappé quand on a
regardé l'article 641, mais c'est vrai pour autre chose aussi, que,
malgré le désir de renouveler le Code civil dans le titre
cinquième sur l'autorité parentale, il reste que presque toutes
ces dispositions, sauf le fait d'avoir étendu aux deux conjoints
l'autorité parentale, sont une transposition des dispositions qu'on peut
déjà retrouver dans le Code civil à peu de chose
près. Il n'y aurait que l'intégration de la Loi sur la protection
de la jeunesse qui constituerait une véritable rénovation de
toute cette partie du droit.
M. Bédard: Vous avez pas mal deviné
ma réponse. En ce qui a trait à 67, 68 et 69 c'est presque
repris textuellement dans la Loi sur la protection de la jeunesse. Concernant
la déchéance, on l'a repris dans 648. À partir du moment
où il y avait la Loi sur la protection de la jeunesse avec l'ampleur que
nous lui connaissons, on n'a pas cru bon de reprendre cela au niveau du Code
civil.
M. Forget: Je pense qu'au niveau du principe on s'entendait la
semaine dernière du moins à l'effet, que si on faisait un nouveau
Code civil, il fallait autant que possible qu'il soit complet par
lui-même.
M. Bédard: Avec des exceptions.
M. Forget: Oui, mais cela en est une grosse.
M. Bédard: Comme cet après-midi, on s'est entendu
qu'il faut référer le moins possible à des lois
statutaires. Il arrive que dans certains cas, on l'a vu dans le chapitre
concernant les aliments, il est préférable d'y
référer.
Il faudrait peut-être indiquer le rapport de l'office pour les
articles - surtout 367, 368 et 369 qui ne sont pas repris dans le projet de loi
89 - qui apparaissent souvent sous une forme assez semblable, en tout cas, dans
la Loi sur la protection de la jeunesse. Cette loi a été
sanctionnée le 19 décembre 1977; donc, elle est venue
après que les dispositions de l'Office de révision du Code civil
aient été rendues publiques par la voie des rapports
préliminaires. Elle a certainement servi d'inspiration, pour ne pas dire
davantage, à la préparation de certaines des dispositions de la
Loi sur la protection de la jeunesse.
M. Forget: C'est plutôt l'inverse, à mon avis, parce
que ces textes sont trop semblables à ce qui était contenu dans
les projets qui circulaient bien avant que la loi ne soit adoptée.
M. Bédard: Oui, c'est ce que je dis; peut-être qu'on
s'est mal compris. J'ai dit que l'office les a faits avant.
M. Forget: Non, l'office les a faits après. Même si
la loi a été adoptée en 1977, ces textes existaient bien
avant qu'ils ne soient adoptés. Je sais de façon certaine que
l'office s'est inspiré de textes, d'avant-projets de textes de la Loi
sur la protection de la jeunesse plutôt que l'inverse.
M. Bédard: Ma deuxième observation est...
Une voix: Cela, c'est de la petite histoire.
M. Bédard: Oui, c'est peut-être de la petite
histoire.
M. Forget: C'est de la petite histoire, si vous voulez.
M. Bédard: C'est une intégration bien partielle de
la Loi sur la protection de la jeunesse, deux ou trois articles. C'est
peut-être un examen à faire, mais c'est un gros examen. Seulement,
ces trois articles, je ne suis pas certain si cela prend soin de tout ce qui
devrait être intégré souhaitablement, disons, dans le
projet de Code civil. Est-ce que, dans la Loi sur la protection de la jeunesse,
il y a ces trois articles seulement? C'est peut-être davantage, il
faudrait peut-être élaborer un plan d'intégration plus
poussé de ces articles. Je vous dis que tout cela est assez
récent.
Mme Lavoie-Roux: Les articles ont trait aux relations parentales.
Il y a un tas d'articles, dans la Loi sur la protection de la jeunesse, qui
touchent le développement...
M. Bédard: On inscrit les grands principes
généraux.
Mme Lavoie-Roux: ... physique, émotif et toutes les
mesures qui doivent être mises à la disposition des enfants qui
ont droit à ceci et à cela, mais ces trois articles sont
davantage reliés, je pense, aux relations parentales que bien d'autres
articles de la loi 24.
M. Bédard: Oui, mais il y a des principes de la loi 24 que
vous allez retrouver. Par exemple, un peu plus loin, en tournant la page, dans
les dispositions relatives aux enfants, on dit: "L'intérêt de
l'enfant et le respect de ses droits doivent être les motifs
déterminants des décisions prises à son sujet."
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Forget: C'est justement un exemple d'intégration du
premier chapitre de la Loi sur la protection de la jeunesse dans le Code civil.
Ce qui est un peu étonnant, c'est qu'on en intègre des bouts et
on n'intègre pas le reste. Il me semble, qu'on aurait pu s'attendre
à ce que l'intégration soit aussi complète qu'elle l'a
été au chapitre de l'adoption.
M. Bédard: Oui, mais on s'en tient quand même aux
grands principes, ils y sont. On ne va pas dans le détail, en termes
d'intégration, je suis bien d'accord, mais il me semble que cela aurait
été quand même assez...
Mais l'office non plus n'est pas allé très loin dans son
rapport pour ce qui est de
l'intégration de la Loi sur la protection de la jeunesse.
M. Forget: II est évident que sur ce point le ministre et
nous mêmes ne voyons pas les choses, tout à fait du même
oeil. Une révision du Code civil, qui est censée être une
révision d'ensemble et une occasion, justement, d'éviter
l'espèce d'émiettement ou d'érosion graduelle du Code
civil comme pierre d'assise de notre droit privé dans un très
grand nombre de secteurs, devrait nous donner l'occasion de faire ces
intégrations. Le ministre le fait parfois, il ne le fait pas à
d'autres moments. Je ne sais pas si cela dépend de la date de l'adoption
des lois. Finalement, j'ai un peu l'impression, malgré tout, que c'est
de cela que ça dépend. Je pense que c'est malheureux, mais je
n'ai pas l'intention de m'attarder davantage que pour souligner ce fait qu'il y
a ici une inconséquence dans la façon dont on rédige le
projet d'un nouveau Code civil.
Il y a également d'autres points que j'aimerais souligner, qui ne
sont pas repris et qui ont une certaine importance. Ces points ne sont pas des
points qu'on retrouve dans la Loi sur la protection de la jeunesse, ils sont
propres aux recommandations de l'Office de révision du Code civil. Par
exemple, l'Office de révision du Code civil envisage un retrait partiel
de l'autorité parentale, de certains attributs soit à
l'égard des attributs de l'autorité parentale, soit à
l'égard des enfants auxquels ils s'appliquent. On vient d'adopter un
article qui prévoit que tous les enfants sont visés par le
jugement en déchéance, c'est l'article 650. L'office
prévoyait la déchéance à l'égard d'un enfant
ou à l'égard de certains attributs, ce sont les articles 359,
quant à certains attributs, 364, relativement à d'autres
attributs, ainsi que 363 qui est pertinent. (21 heures)
Alors, cette notion de retrait partiel a été
écartée, c'est du tout ou rien. Une famille a trois enfants, le
jugement, à moins que le tribunal n'en décide autrement, vise
tous les enfants, mais, ça, c'est pour ce qui est de la couverture quant
au nombre d'enfants. Quant aux attributs, là, c'est vraiment du tout ou
rien, la loi ne prévoit pas que le jugement peut être
sélectif.
M. Bédard: Peut-être, à 648. "Le tribunal
peut, pour un motif grave et dans l'intérêt de l'enfant, prononcer
la déchéance totale ou partielle de l'autorité parentale
à l'égard du père ou de la mère."
M. Forget: Oui, vous avez raison, mais je ne sais pas si c'est
une expression plus heureuse, parce que la déchéance partielle
peut viser bien des choses: ça peut être pour un temps ou pour
certains attributs, ou les deux sont visés.
M. Bédard: Je vous ferai remarquer que c'est ce qui avait
été adopté en 1977.
M. Forget: Oui, mais on n'est pas lié plus par l'article,
vous savez.
M. Bédard: Non, d'ailleurs c'est pour ça qu'on
reprend et qu'on fait des corrections à l'autorité parentale, on
y a même ajouté des dispositions qui manquaient.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on retrouve l'article 365 de l'Office
de révision du Code civil quelque part?
M. Bédard: En ce qui a trait à l'article 365, il
nous apparaissait évident que l'enfant ne peut pas perdre ses droits
alimentaires à l'égard de son père et de sa mère du
seul fait que les parents font l'objet d'une déchéance de
l'autorité parentale. Le droit aux aliments n'est pas fondé sur
l'autorité parentale, il est fondé sur la filiation et cette
déchéance ne change rien à la filiation, sauf que
ça enlève aux parents le droit de l'exercer comme telle.
Donc, on ne voit pas comment les droits de l'enfant pourraient
être menacés ou perdus de ce seul fait. C'est évident que
ces droits sont conservés et même, pour ce qui est des parents
déchus, il a fallu l'article pour dire qu'ils les perdaient. Si
l'article n'était pas venu dire qu'ils peuvent perdre les droits
alimentaires, je crois qu'ils ne les perdaient pas effectivement, ils les
conservaient. Je crois que c'est un peu la raison de l'article qui dit qu'ils
peuvent, si les circonstances le justifient ou dans certaines circonstances
exceptionnelles, perdre les droits alimentaires même quand eux sont
déchus. Mais, pour les enfants, nous sommes tout à fait d'accord
avec cette proposition de l'office sur le fond, mais nous croyons que de ne pas
l'énoncer n'enlève rien aux droits des enfants.
M. Forget: Un dernier point, M. le Président. Comme nous
avons suspendu l'article 641, j'aimerais faire la suggestion au ministre que la
réponse à notre interrogation se trouve peut-être à
l'article 359 de l'Office de révision. Il semble qu'on ait, dans cet
article 359, une indication des cas. Remarquez que c'est très limitatif,
ce n'est pas nécessairement la définition la plus heureuse, mais
c'est peut-être un début de réponse à
l'interrogation que nous avons soulevée vis-à-vis de 641.
M. Bédard: Je m'excuse, mais je ne suis pas sûr de
comprendre. C'est à la suite de 641...
M. Forget: À 641, que nous avons suspendu, j'avais
soulevé...
M. Bédard: On avait convenu d'y ajouter...
M. Forget: Une référence... M. Bédard:
... une référence...
M. Forget: ... où la santé, la
sécurité ou le développement de l'enfant est en
danger.
M. Bédard: C'est ça. Ça répondrait
à ... D'accord.
M. Forget: Mais l'article 359 est une indication qui va dans le
même sens. L'article 367 aussi, mais là, ça nous fait
entrer aussi dans toute la question de la protection de la jeunesse. Que le
langage soit le même dans le Code civil et dans la Loi sur la protection
de la jeunesse pour désigner le caractère des obligations, ce
n'est pas mauvais. Même si le ministre n'a pas le désir de tout
intégrer, qu'il y ait une concordance dans le langage, ça peut
être une bonne chose.
M. Bédard: D'accord.
Le Président (M. Laberge): Alors l'article reste ouvert
pour le moment. Ce sont des réflexions...
M. Bédard: Oui, ça termine l'étude de ce
chapitre.
Le Président (M. Laberge): Ayant terminé
l'étude de ces chapitres concernant le nouveau Code civil, de l'article
1 de notre projet de loi nous passons à l'article 2.
M. Bédard: M. le Président, je pense que nous nous
étions entendus qu'une fois ce dernier article adopté, nous en
reviendrons au chapitre premier concernant la filiation qu'on me dit sans
aucune difficulté. Après la filiation, on pourra continuer avec
"dispositions relatives aux enfants". Jusqu'à l'article 51 ça ne
pose aucun problème. À partir de l'article 51 ce sont des
amendements qui font référence à la résidence
familiale, à la séparation de corps, au divorce. Ce sont des
concordances pour la plupart, mais il faudra adopter ces articles avant d'aller
aux concordances. Mais on peut aller jusqu'à l'article 51.
M. Forget: II faudra avoir fini tout le reste.
M. Bédard: On pourrait faire la filiation et ensuite on
fera les articles jusqu'à 51 concernant les intérêts de
l'enfant.
De la filiation
Le Président (M. Laberge): Nous revenons donc au titre
troisième de la filiation. Le chapitre premier concerne la filiation par
le sang.
M. Bédard: Par le rang.
Le Président (M. Laberge): Par le sang, c'est bien
ça? La section I parle des preuves de la filiation. La section II, des
actions relatives à la filiation, et la section III, des effets. Donc,
j'appelle d'abord l'article 569.
M. Bédard: Quelques commentaires, M. le Président.
La réforme en matière de filiation vise à donner aux
enfants les mêmes droits et les mêmes obligations, quelles que
soient les circonstances de leur naissance. Pour atteindre cet objectif, le
projet de loi propose d'étendre à tous les enfants la
règle fondamentale de preuve de la filiation légitime que nous
retrouvons aujourd'hui aux articles 228 et 229 du Code civil du Bas-Canada.
C'est dire que la filiation de tout enfant, quelles que soient les
circonstances de sa naissance, se prouvera donc par son acte de naissance et,
à défaut de ce titre, par la possession constante d'état
établi à partir d'une réunion de faits qui indique les
rapports de filiation entre l'enfant et les personnes dont on le dit issu. Dans
tous les cas où la filiation mentionnée à l'acte sera
conforme à celle établie par les faits, la filiation de l'enfant
sera à tous égards incontestable, à moins qu'il n'y ait eu
désaveu ou contestation de paternité dans les délais
prescrits. Aujourd'hui, la filiation est fondée principalement sur la
légitimité, c'est-à-dire sur une présomption
absolue que l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le
mari. Or, le projet de loi, s'il conserve cette présomption de
paternité liée au fait que l'enfant naît pendant le
mariage, lui enlève néanmoins son caractère absolu. Cette
présomption ne constituera désormais qu'un mode de preuve qui
viendra, dans la majorité des cas, renforcer le titre de naissance ou la
possession d'état conforme à ce titre, mais cela demeurera une
preuve insuffisante pour détruire une filiation prouvée par un
titre ou une possession d'état conforme au titre.
En regard des règles de la légitimité qui existent
actuellement, seul le père peut avoir intérêt à
contester sa paternité, ce qu'il doit faire alors dans un court
délai. Or, dans le contexte proposé, il a paru important, dans
l'intérêt de l'enfant, d'ouvrir les recours possibles en
contestation ou en réclamation d'état et que la filiation
véritable de l'enfant puisse être établie. C'est pourquoi
le projet de loi propose que la mère puisse, dans l'année qui
suit la naissance de l'enfant, contester la paternité du père
présumé.
Le projet de loi rompt, à l'instar
d'autres pays dont la France, avec la tradition
d'imprescriptibilité des actions d'État en en fixant le
délai à 30 ans. Ce qui ajoute au temps que dure la
minorité où la prescription ne court pas a paru nettement
satisfaisant pour préserver les droits des uns et des autres sans
remettre tout en question 100 ans après la naissance de l'enfant. Ce
sont quelques remarques.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ...ce qui saute aux yeux dans ce chapitre c'est, comme
le ministre l'a indiqué, le désir, auquel nous souscrivons, bien
sûr, avec enthousiasme, de supprimer toute espèce de distinction
entre les enfants quant à ce qui est des circonstances entourant leur
naissance. Je dois dire que c'est une chose qui s'impose depuis longtemps, qui
a été tentée, mais imparfaitement, dans les
révisions antérieures du Code civil un peu peut-être parce
que, justement, il s'agissait de réformes partielles et aussi parce que
ces tentatives se faisaient en privilégiant l'état d'enfants
légitimes, en faisant en sorte que tout le monde était
réputé être un enfant légitime, quelles que soient
les circonstances qui parfois contredisaient nettement cette prétention.
Dans le nouveau code, c'est la notion d'enfant légitime lui-même,
en quelque sorte, qui est mise de côté ou du moins sur laquelle on
insiste moins. Je pense qu'il est souhaitable d'agir ainsi puisqu'on obtient
dans l'ensemble des situations et des états sur le plan du droit qui
sont plus conformes à la réalité et qui ne sont pas
discriminatoires.
L'examen des mémoires qui nous ont été soumis sur
le sujet fait ressortir cependant, quant à la rédaction des
différents articles, certains problèmes qui ne sont pas
insurmontables, mais qui ont trait à l'ordre de préséance
des différentes preuves de filiation. Je pense qu'on pourrait dire que
parmi ceux qui sont intervenus sur le sujet, il y en a qui aimeraient faire de
la simple reconnaissance le principe suprême et considérer tous
les autres moyens d'établir la filiation comme des moyens subsidiaires
ou secondaires, alors que d'autres prennent le contre-pied de cette position et
veulent faire de l'acte de l'état civil qui consacre ou qui confirme la
naissance la preuve principale, et qui font des autres des preuves subsidiaires
à défaut de la preuve première.
Mais je pense que si nous allons au-delà des premières
affirmations, on se rend compte qu'il y a un point commun à la plupart
des interventions et même à celles qui sont les plus
extrêmes sur le sujet. Il me semble qu'on peut effectivement les
concilier en adoptant une distinction relativement à la façon
dont l'acte de l'état civil, l'acte de naissance constate la
reconnaissance ou se borne à décrire la filiation. C'est ainsi
que les recommandations, en particulier celles formulées par le barreau,
quoiqu'elles semblent inspirées par le désir de faire de l'acte
de l'état civil comme tel la preuve irréfragable, insistent
cependant beaucoup sur la signature par les parents de l'acte de l'état
civil comme une des conditions qui feraient de cet acte la preuve
irréfragable de la filiation. Si une filiation est décrite dans
l'acte de l'état civil et qu'elle met en jeu un parent qui n'a pas
signé mais dont on allègue qu'il est effectivement le parent de
l'enfant, on décrit simplement la filiation et cette preuve perd son
caractère absolu. Il est possible de la contredire, à ce
moment-là, ce qui n'est pas le cas lorsque l'acte est signé, bien
sûr.
Il me semble que si on fait ces distinctions, on obtient ce que chacun
cherche, c'est-à-dire une preuve documentaire absolue de l'état
civil, mais aussi une preuve qui repose sur la reconnaissance, parce que la
signature implique reconnaissance.
D'un autre côté, lorsque l'acte se borne à
décrire une filiation alors que la signature des parents
n'apparaît pas, il apparaît difficile de donner à l'acte
d'état civil le même caractère, parce que justement dans le
contexte d'une liberté des moeurs plus considérable, dans le
contexte de faire cesser toute espèce de discrimination entre enfant
naturel et enfant légitime et dans le souci d'éliminer un certain
nombre des présomptions de paternité qui existaient dans l'ancien
Code civil, on est placé devant une situation, par exemple, la filiation
paternelle qui est décrite à l'acte, à moins qu'elle ne
soit reconnue par la signature du père qui est déclaré, on
se trouve dans une situation difficile qui donnerait ouverture à des
contestations.
Je pense que cette distinction que suggère le Barreau permet de
concilier toutes les préoccupations: faire baser la filiation sur la
reconnaissance, mais la reconnaissance dans la mesure où elle est
consignée dans l'acte d'état civil. Autrement, je pense qu'on
aura des problèmes à ordonnancer correctement les
différents modes de preuve. Si on donne à l'acte signé
l'importance la plus grande, je pense qu'il serait utile de dire: À
défaut, les présomptions jouent; à défaut des
présomptions, la reconnaissance joue. Il y a une gradation qu'il serait
nécessaire d'observer, me semble-t-il.
Ce sont les remarques que je voulais faire au début, parce
qu'elles peuvent plus difficilement être faites à l'occasion de
l'étude d'un seul article, étant donné que l'étude
des articles est reliée les uns aux autres.
M. Bédard: Sur cette recommandation du Barreau qui,
à première vue, semble très acceptable parce qu'elle est
faite dans le but d'éviter d'une certaine façon la faute possible
d'un déclarant, il reste que ce n'est peut-être pas si simple que
cela. En acceptant la proposition du Barreau, on peut risquer de créer
un préjudice grave à l'enfant dont un parent est dans
l'impossibilité de signer.
Comme c'est très technique, nous avons ici ce soir M. Bisson, qui
est notre spécialiste en la matière. Je lui demanderais
d'épiloguer un peu sur ce point fondamental. Pour le reste, selon ce
qu'on décide...
C'est toujours inquiétant d'être présenté
comme un spécialiste d'une matière. Ce que je répondrais
à la proposition du Barreau, c'est la chose suivante: II est dangereux,
à mon avis, et très dangereux, de tirer une présomption
irréfragable de filiation, de la concordance entre ce qui est
énoncé à l'acte d'état civil et la signature qui y
serait effectivement mise.
Il peut y avoir des déclarations, des signatures
mensongères. Il peut y avoir des signatures erronées,
c'est-à-dire que quelqu'un, se croyant le père, ait effectivement
signé. Et il peut y avoir également ce qu'on appelle des
reconnaissances de complaisance; enfin, mensongères ou complaisance,
c'est la même chose.
Il me paraît extrêmement dangereux ici de vouloir tout
ramasser dans le titre. Il y a quand même quelque chose de remarquable,
c'est que depuis, je dirais, presque des millénaires qu'existe le droit
de la filiation, on n'a jamais pu faire du titre comme tel, fût-il
signé, ou ne fût-il pas signé, la seule preuve de la
filiation. Je pense que tout le droit de la filiation - et je reconnais que
c'est un droit extrêmement complexe, extrêmement technique - a pu
reposer sur l'idée suivante: qu'il fallait qu'il y ait concordance entre
le titre et les faits, c'est-à-dire le comportement
général des parents ou des présumés parents
à l'égard de l'enfant. De ce côté-là, la
proposition du Barreau, tout en étant séduisante à
première vue, présente d'extrêmes dangers, parce qu'on
ramasse une question où les faits sont extrêmement importants et
on la projette entièrement dans une question de titre. Je pense que, de
point de vue là, la proposition du Barreau présente de
très sérieux dangers.
Il faut bien voir ici qu'il est vrai que, apparemment, on donne une
importance très considérable au titre, lors même qu'il ne
serait pas signé, c'est-à-dire par la pure déclaration. Il
ne faut pas oublier que c'est un peu ce qui se passe déjà
actuellement dans notre pratique. On peut déclarer dans les actes de
l'état civil tout ce que l'on veut et, en matière de filiation
légitime, lors même que les parents n'auraient pas signé,
il est certain que le titre est déjà en soi une preuve
importante. Mais cette preuve ne devient absolument décisive que lorsque
les faits, c'est-à-dire la possession d'état, pour l'appeler par
son nom, vient corroborer.
Alors, nous sommes devant deux systèmes: un système qui me
paraît beaucoup plus réaliste, parce qu'il porte sur une
concordance entre le titre et les faits, alors que l'autre est
entièrement orienté sur le titre, ce que me paraît
être une vision extrêmement juridique, peut-être beaucoup
trop juridique, en l'occurrence, des choses. C'est le premier commentaire
général que j'aurais à faire en réponse aux
commentaires généraux que vous venez de faire. C'est certain
qu'il y a une question de philosophie fondamentale du mécanisme de la
filiation ici, mais cela me paraît très dangereux de tout vouloir
ramener au titre, parce que c'est là que les mensonges se font, beaucoup
plus que dans les faits où les gens agissent beaucoup plus en vertu de
leurs convictions personnelles et des réalités.
M. Forget: Oui, il est...
M. Bédard: En réalité, nous n'avons rien
changé, même si nous avons un peu bouleversé l'ordre des
sections, à la philosophie fondamentale de l'office. Nous n'avons fait
que la mettre en lumière. Lorsqu'on lisait le rapport de l'office, on y
mettait la présomption de paternité en tête, ce qui me
paraissait un peu malheureux eu égard aux objectifs qui étaient
visés. Mais si on regarde le rapport de l'office en détail, on
s'aperçoit que, finalement, le titre et la possession d'état sont
les mécanismes fondamentaux sur lesquels repose leur projet.
M. Forget: Les dangers sur lesquels on vient d'attirer notre
attention sont sans aucun doute réels. D'autre part, il me semble qu'il
y a un danger inverse. La description de filiation que contient l'état
civil, dans le contexte pour lequel, semble-t-il, ce nouveau Code civil est
rédigé, permet d'y faire des inscriptions qui vont créer
une relation de filiation, alors que ce ne sera pas dans tous les cas que cette
relation de filiation pourra s'appuyer nécessairement sur une possession
d'état, étant donné le divorce que l'on établit
entre la notion de légitimité et la filiation. Ceci est fait
à juste titre pour les objectifs sur lesquels nous sommes tous d'accord.
Il reste que la grande présomption de fond qui aidait le
législateur dans les siècles passés à
rédiger ces chapitres, c'est que nous étions de façon
universelle, pour ne pas dire de façon absolue, dans la situation
où la relation de filiation se faisait dans le cadre de la
légitimité. Alors, tout allait bien: les faits, les
présomptions, le droit, tout tirait dans le même sens. Sans aucun
doute,
ce sera toujours la majorité des cas qui satisferont a ces
conditions, mais nous devons envisager des situations où la description
de la filiation faite dans l'acte de naissance ne correspondra pas
nécessairement à une possession d'état. Je pense à
des liens hors mariage, à des filiations, même pour le cas d'un
couple marié, où on déclare que le père est une
tierce personne.
On a donc là une contradiction, au départ, entre la
possession d'état, que ce soit mère célibataire ou une
liaison qui donne lieu à une naissance et on déclare
explicitement que tel est le cas. On crée des situations assez
extraordinaires, mais malgré tout assez embarrassantes. Le fait qu'on
puisse par la simple description de la filiation consacrer aux yeux de la
société que cette filiation existe et qu'il faut la contester en
quelque sorte par les mécanismes décrits après, constitue
un risque nouveau et différent du risque, me semble-t-il du moins, sur
lequel on a attiré notre attention tout à l'heure.
M. Bédard: Ce n'est pas nouveau. Je pense que
déjà aujourd'hui, même si, en matière de filiation
naturelle, il est vrai que les auteurs enseignent que la reconnaissance est
l'acte essentiel qui fonde la filiation, dès lors que quelqu'un est
inscrit sur l'acte de l'état civil, même s'il n'est pas le
père parce que c'est cela l'hypothèse pratique, il en
résulte quand même une indication qu'il va falloir combattre;
c'est au moins un commencement de preuve par écrit, au sens le plus
large du terme, je ne le prends pas en son sens technique étroit qu'on a
en matière de preuve. Je ne suis pas sûr qu'on se soit tellement
éloigné finalement du droit actuel. Les choses sont
poussées à un point de précision plus fort qu'en droit
actuel, ce qui, à première vue, est plus inquiétant, mais
ce qui, à seconde vue, ne l'est pas parce qu'il faut bien voir que
l'indication qui est dans l'acte de l'état civil est une indication
extrêmement fragile parce qu'elle va pouvoir être contestée
par tout moyen. C'est un autre aspect du projet, c'est cette facilité
nouvelle de preuve et de contestation que la filiation soit dite
légitime à l'ancienne ou qu'elle soit naturelle; il y a une
facilité de preuve contraire qui est très forte dans le
projet.
M. Forget: D'où le désir du Barreau, semble-t-il,
de protéger les liens de filiation qui ont été
décrits et admis au moment de la naissance. Enfin, M. le
Président, je pense qu'étant averti de ces difficultés, on
peut laisser cela là et commencer l'étude article par
article.
Le Président (M. Laberge): J'appelle l'article 569 et vous
demande si cet article sera adopté.
Est-ce qu'il y a des projets d'amendements? Ce sont les amendements?
M. Bédard: Oui, on avait des amendements.
Le Président (M. Laberge): II y en a deux, je pense.
M. Forget: Le seul article qui est amendé par le ministre
dans cette section, c'est 586.
Le Président (M. Laberge): On nous donne 586, je crois.
Des mots changés et y ajouter un article. Article 569 tel quel.
M. Bédard: C'est l'article de principe qui étend
à tous les enfants nés en mariage ou hors mariage les
dispositions des articles 228 et 229 du Code civil. C'est là une
application de principe de l'égalité juridique des enfants que le
projet de loi met de l'avant et que j'ai évoqué tout à
l'heure.
M. Forget: L'expression "quelles que soient les circonstances de
la naissance de l'enfant" attire précisément l'attention, qu'il
s'agisse d'un enfant dit légitime ou non.
M. Bédard: Naturel ou illégitime, cela n'existe
plus.
Le Président (M. Laberge): Article 569, adopté.
J'appelle l'article 570.
M. Forget: Adopté.
M. Bédard: Cet article reprend l'article 230 du Code civil
en en modifiant la rédaction. L'expression "entre l'enfant et les
personnes dont on le dit issu" a été
préférée à celle de l'Office de révision du
Code civil puisqu'elle marque mieux le rapport de fait qu'on veut
établir et qui est plus lié à la notoriété
qu'à un simple rapport biologique.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 570, adopté.
J'appelle l'article 571.
M. Bédard: Cet article établit uniquement une
présomption de paternité. Il ne fait plus référence
à la légitimité parce que tous les enfants sont
égaux, qu'ils naissent de parents mariés ou non. La naissance
dans le mariage et non la conception constitue maintenant le point de
départ de la présomption de paternité. Cette règle
favorise l'enfant, mais en revanche le mari peut invoquer tout moyen de preuve
pour repousser la présomption. Le délai de 180 jours prévu
par l'article 218 du Code civil a été abandonné parce que
dépassé par
les dernières découvertes de la médecine. Quant
à la présomption proposée par l'Office de révision
du code civil à l'encontre du concubin, elle n'a pas été
retenue. Elle engendrait, en outre, de nombreux conflits de présomption
dans les cas de concubinage adultérin ou de concubinage dans les 300
jours de l'annulation ou de la dissolution du mariage. (21 h 30)
M. Forget: M. le Président, nous sommes d'accord avec
l'omission du deuxième paragraphe de la recommandation 266 de l'Office
de révision du Code civil. Je voudrais bien cependant souligner ici que,
même si on veut s'écarter du juridisme le plus strict relativement
à la force probante de l'acte de naissance, la préoccupation du
Barreau relativement à l'ordre de priorité des preuves ne
demeure-t-elle pas pertinente? Relativement à cet article, le Barreau
suggère qu'il soit précédé par une phrase à
l'effet que si la paternité ne peut pas être
déterminée par les articles qui précèdent,
c'est-à-dire ceux qui parlent de l'acte joint à la possession
d'état, seulement en ces cas on recourt à des
présomptions.
Évidemment, j'anticipe la réponse qui me sera faite. Comme
l'acte lui-même n'est pas une preuve irréfragable, on pourra se
servir de la présomption pour écarter l'acte de l'état
civil. Je pense que cela démontre un problème d'ensemble, tout
cela.
M. Bédard: Oui.
M. Forget: Je ne peux faire autrement que de revenir à la
charge. Si, au moins dans les cas où nous avons une filiation
décrite et acceptée dans un acte, on pouvait éliminer un
certain nombre de litiges possibles, est-ce que cela ne serait pas
malgré tout préférable? Je comprends qu'effectivement il
peut y avoir de fausses déclarations, etc., mais c'est une argumentation
qui pourrait être faite dans le cas de tout acte par écrit.
Pourtant, on s'en contente bien dans la plupart des cas. On ouvre plus large la
porte à la contestation dans un contexte qui, effectivement, peut s'y
prêter davantage. Il me semble encore qu'il y a peut-être là
une règle de prudence d'éviter de vouloir tout remettre en cause
même quand on sait que les personnes impliquées ont concouru
à dresser un acte.
Le Président (M. Laberge): Y a-t-il d'autres commentaires
sur l'article 571? L'article 571 est-il adopté?
M. Bédard: On revient au même problème.
M. Forget: Le ministre, simplement, nous renvoie à ses
remarques antérieures.
Le Président (M. Laberge): L'article 571 sera-t-il
adopté?
M. Forget: Adopté sur division, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): Adopté sur division.
J'appelle l'article 572.
M. Bédard: II s'agit d'un article de droit nouveau, il
s'écarte de la jurisprudence actuelle en ne faisant pas jouer la
présomption en cas de séparation de corps. Toutefois, la reprise
volontaire de la vie commune avant la naissance fait revivre la
présomption parce que cette reprise met fin à la
séparation de corps.
M. Forget: Je suis d'accord avec le principe, mais je ne sais pas
comment tout cela va se prouver. Je pense que cela part d'un bon naturel, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): L'article 572 sera-t-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
M. Blank: Dans cet article, au sujet du mot "volontaire",
supposons que le mari reprend sa femme par la force, l'oblige d'habiter avec
lui deux ou trois mois, si un enfant est conçu à ce
moment-là, qu'est-ce qui va se passer? Pourquoi le mot "volontaire"?
N'est-il pas suffisant d'avoir la cohabitation, sans avoir le mot
"volontaire"?
M. Forget: C'est cela, le degré de consentement affecte la
filiation.
M. Blank: Oui, mais ... Même dans les cas de viol, il y a
un père.
Une voix: II y a une mère aussi.
M. Blank: Mais, pour la mère, on est certain.
Mme Lavoie-Roux: C'est aux hommes qu'on ne peut pas se fier.
M. Bédard: Quand il y a eu reprise volontaire, à ce
moment-là, renaît la présomption. S'il y a une reprise
forcée et qu'il y a preuve de viol...
M. Blank: Non, mais la question ici est...
M. Bédard: Non, mais ce que vous oubliez, c'est que la
conception a eu lieu avant la reprise.
M. Blank: Non, après la reprise.
M. Bédard: Non, la conception a eu lieu
avant la reprise, avant qu'ils ne...
M. Blank: Non, ce n'est pas ça...
M. Bédard: Oui, avant qu'il ne s'effectue une
séparation, volontairement ils se retrouvent et l'enfant naît
après.
M. Forget: Pas nécessairement, M. le Président. Il
y a une séparation, il s'écoule plus de 300 jours après le
jugement, il peut s'écouler deux ans. Donc, après la
séparation, il y a eu naissance. On affirme, à ce moment,
ordinairement, que s'il y a naissance après un jugement de
séparation, il n'y a pas de présomption de paternité, mais
s'il y a eu, à un moment quelconque, "reprise volontaire de la vie
commune avant la naissance" - ça peut être un mois avant la
naissance - la présomption de paternité est restée, mais
pas à toutes les conditions, seulement si la reprise de la vie commune
est volontaire. Or, comme mon collègue l'indiquait, que la reprise de
vie commune soit volontaire ou non, si on parle de présomption de
paternité, de toute façon, ça n'a rien à voir.
M. Bédard: De toute façon, nous sommes dans le
domaine des présomptions, donc des fictions, ici, il faut bien le voir.
À ce moment, nous en arrivons à la conclusion que s'il y a une
reprise volontaire de la vie commune avant la naissance, il y a peut-être
eu d'autres relations entre les époux avant la naissance. Nous sommes
ici, comme dans tout le domaine de la présomption de paternité -
que ce soit en vertu du droit actuel ou en vertu de ce que nous proposons -
dans le domaine des fictions.
Mme Lavoie-Roux: Alors, messieurs les députés,
cherchez vos pères!
M. Bédard: C'est le gros bon sens.
M. Forget: Evidemment, il s'agit d'une présomption que le
tribunal pourrait écarter, selon le genre de preuve qui lui est
soumise.
M. Bédard: II ne faut jamais perdre de vue qu'elle peut
toujours être repoussée.
M. Forget: II faudrait éclairer, un jugement de la
cour.
M. Bédard: II faudrait éclairer la lanterne, c'est
le cas de le dire!
Le Président (M. Laberge): L'article 572 est-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle
l'article 573.
M. Bédard: Cet article de droit nouveau vise à
régler un conflit de présomption de paternité à
l'encontre de maris successifs.
M. Forget: Oui, ça, c'est une mesure excellente, M. le
Président!
M. Bédard: Je n'ai rien dit! Celui qui, en qualité
de mari, au moment de la naissance, a été
préféré, de façon à mieux intégrer
l'enfant dans la nouvelle famille et à limiter les actions en
désaveu qui autrement seraient venues du mari précédant.
C'est un choix...
M. Forget: C'est une excellente recommandation de l'Office de
révision du Code civil.
Le Président (M. Laberge): L'article 573 sera-t-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
M. Bédard: Nous y avons donné suite avec
plaisir.
Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle
l'article 574.
M. Bédard: Cet article de droit nouveau produit les
mêmes effets à l'égard de tous les enfants, mais il s'agit
là cependant d'un mode de preuve subsidiaire admissible seulement
à défaut de titre, de possession d'état ou de
présomption de paternité. La reconnaissance volontaire est
admissible pour établir tant la maternité que la
paternité. Évidemment, la reconnaissance, dans le cas de la
maternité, sera d'application peu fréquente en raison du fait
même de l'accouchement.
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Deux questions. D'abord, une question de
rédaction. On emploie un mot, ici, "encore". Tout à l'heure
c'était "au-delà", c'était un terme de lieu; maintenant,
on emploie le mot "encore" qui est une connotation temporelle. Est-ce qu'il ne
voudrait pas mieux dire "aussi" plutôt qu'"encore", parce que ça
donne l'impression qu'on ne peut le faire qu'après ou pendant un certain
temps, alors que ça ne s'explique pas par le reste de l'article. La
filiation de l'enfant peut aussi être établie par reconnaissance
volontaire.
M. Bédard: Le mot "encore" laisse entendre que si on ne le
peut pas par les moyens précédents, si c'est impossible, donc
ça peut encore être reconnu par la
reconnaissance volontaire. C'est encore un mode de preuve
supplémentaire qui s'ajoute aux autres.
M. Forget: On veut donner une indication de l'ordre de
priorité, mais je soumets humblement, M. le Président,
qu'encore...
M. Bédard: Ça rejoint un peu votre
préoccupation de tout à l'heure.
M. Forget: Oui, ça la rejoint, bien sûr, mais encore
je ne me souviens pas d'avoir vu cela employé dans ce sens-là. Si
on veut dire que la présomption a préséance sur la
reconnaissance, il me semble qu'on devrait le dire parce que je suis loin
d'être sûr que le mot "encore" soit interprété de
cette façon-là.
M. Bédard: ... peut, à ce moment-là... M.
Forget: À moins qu'on n'ait...
M. Bédard: ... ou peut, dans les circonstances, être
établie...
M. Forget: On peut dire: À défaut que la
maternité ou la paternité soit déterminée par
application des articles précédents. Est-ce que ce n'est pas une
idée de le faire, si les autres règles ne nous donnent pas de
réponse?
M. Bédard: C'est ça. Si les autres règles ne
donnent pas de réponse, la reconnaissance peut intervenir. Je pense que
la suggestion que vous faisiez tout à l'heure, le "aussi", serait
conforme à notre intention. "Aussi" au lieu de "encore".
Le Président (M. Laberge): En changeant le mot. À
l'article 574, on modifie à la troisième ligne, en substituant ou
mot "encore" le mot "aussi".
M. Fontaine: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): Substituer le mot "aussi" au
mot "encore".
M. Fontaine: ... pourquoi est-ce que...
M. Bédard: Si vous me permettez une réflexion, le
Barreau avait demandé de faire ressortir le caractère
décroissant des preuves.
M. Forget: Oui, c'est ce que je dis depuis le début,
mais...
M. Bédard: D'accord, mais j'en profite pour dire qu'on
répond aux préocupations du Barreau.
M. Forget: Vous êtes d'accord.
M. Bédard: Bien oui. Non seulement on est d'accord avec le
Barreau, mais ce n'est pas nécessaire de le dire comme tel,
textuellement. On répond à la préoccupation du Barreau
simplement par les différents moyens de reconnaissance, où on
voit carrément qu'il y en a qui ont préséance par rapport
aux autres en termes de qualité de preuve. Autrement dit, la
recommandation du Barreau...
M. Blank: ... mais vous changez le mot "encore" par le mot
"aussi". Si on élimine les mots "encore" ou "aussi", comment le sens de
ce paragraphe-là sera-t-il changé? Ce mot-là n'est pas
nécessaire.
M. Bédard: C'est dans le sens de la gradation, il me
semble. Tout de même...
M. Blank: Ça peut créer des problèmes
d'interprétation. Si...
M. Bédard: ... il faut bien voir que la plupart des
enfants ont un titre et une possession d'état conformes. C'est ça
là situation normale. Beaucoup d'autres voient venir s'ajouter pour eux;
dans la mesure où ils sont nés dans le mariage, une
présomption de paternité. Ensuite, le cas le plus exceptionnel,
c'est quand même la reconnaissance.
M. Blank: Mais vous avez le mot "si" en avant.
M. Forget: Oui, c'est ça. Si non "a", alors "b". C'est ce
que l'article dit. Si ce n'est pas "a", alors c'est "b". Et si on enlève
les mots "aussi" ou "encore", c'est encore: Si ce n'est pas "a", c'est "b".
Une voix: Je suis un bon professeur de français.
M. Blank: Le mot "yet" ne s'épelle pas comme ça non
plus en anglais. Ce n'est même pas le bon mot non plus.
M. Bédard: C'est la situation quand même la moins
normale, qu'on soit obligé de procéder par reconnaissance.
M. Blank: "May still be" ou "may also be" ou "may be".
M. Bédard: Bon, laissons le mot "aussi".
Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'on laisse le mot
"aussi"?
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Laberge): On le laisse.
M. Bédard: II semble qu'ils préfèrent...
M. Forget: J'ai un deuxième point, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): Le mot "encore" est
remplacé par le mot "aussi". Cette modification est-elle
adoptée?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent. (21 h 45)
M. Forget: Je ne suis pas sûr qu'il y ait un
problème, mais au moins pour le journal des Débats je voudrais
que le ministre nous explique... Dans la recommandation 269 de l'Office de
révision du Code civil, nous avons à peu près le
même texte, d'ailleurs, sans le mot "aussi" ou sans "encore"; la
filiation paternelle de l'enfant peut être établie par une
reconnaissance volontaire de paternité ou par jugement. Je ne m'explique
pas bien la raison de la différence entre les deux textes. On semble
suggérer que sans un jugement, la reconnaissance volontaire
équivaut à titre. Quelle forme cela pourrait-il prendre?
Simplement une déclaration sous seing privé disant: Un tel est
mon fils, une telle est ma fille?
M. Bédard: Non. Une reconnaissance volontaire n'est
soumise à aucune forme. Elle ne l'est pas dans le droit actuel et elle
ne le serait pas non plus...
M. Forget: Elle pourrait tre valable à l'égard des
tiers. Évidemment, c'est dans le cas où il n'y a ni acte
d'état civil ni présomption.
M. Bédard: Oui, ni acte... Si on ne peut pas le faire...
C'est ça. Il reste que le moyen de reconnaissance
privilégié, évidemment, c'est celui qu'on fait dans l'acte
de l'état civil lui-même par la signature.
M. Forget: L'élimination de jugement dans ce texte...
M. Bédard: Quant au jugement, il nous a semblé
préférable de laisser cela à la partie des actions
relatives à la filiation parce que là, cela veut dire qu'il y a
eu une recherche de paternité tandis qu'ici, des preuves de la
filiation, ce sont des preuves qui peuvent intervenir éventuellement en
l'absence de toute contestation quant à la filiation. À
l'occasion d'une action de responsabilité, on demande, par exemple,
à quelqu'un: Prouvez-moi votre filiation. Il peut le faire par le titre
et la possession d'état, ce qui est évidemment la preuve
souveraine.
Il peut le faire par présomption de paternité. Il peut
dire: J'ai fait l'objet d'une reconnaissance. Donc, nous avons reporté
l'aspect contentieux des choses dans la section sur les actions.
M. Forget: Exact. Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 574, adopté avec
amendements. Article 575.
M. Bédard: II parle par lui-même. La
reconnaissance...
M. Forget: Deux définitions.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: ...peut-être qu'il y a une réponse
dans la section des actions relatives à la filiation. Si tel est le cas,
il n'y a pas de problème, mais quand vous dites: "La reconnaissance de
la maternité résulte de la déclaration faite par une femme
qu'elle est la mère de l'enfant," je pense que dans les cas de
désaveu, il y a quand même des délais qui sont
prévus, si quelqu'un veut contester la maternité ou la
paternité. Le cas auquel je pense, c'est la mère
célibataire qui, sous l'effet d'influences ou d'une forme d'intimidation
morale...
M. Bédard: Ou sociale.
Mme Lavoie-Roux: ...abandonne son enfant. Même si on dit
que l'adoption privée n'est plus valable, il reste que cela se passe
encore et que cela va continuer de se passer. Quels sont les droits de recours
et quel est le délai pour cette mère célibataire qui veut
contester la maternité d'un enfant?
M. Bédard: Pouvez-vous reformuler votre question.
Mme Lavoie-Roux: Dans le cas d'une mère... Quelqu'un
reconnaît... "La reconnaissance de la maternité résulte de
la déclaration faite par une femme qu'elle est la mère de
l'enfant." Cela dit ce que cela dit.
M. Bédard: Oui, c'est clair.
Mme Lavoie-Roux: Mais on sait qu'il y a des femmes qui peuvent
procéder de cette façon alors que l'enfant n'est pas né
d'elles, qu'elles l'ont obtenu par une forme d'intimidation morale, sociale,
psychologique ou ce que vous voudrez. Quel est le recours? Est-ce un fait
définitif? S'il y a un recours, quel est le délai pour le recours
de la mère célibataire?
M. Bédard: Nous retombons dans les actions relatives
à la filiation. La contestation de la maternité pourra se faire
selon les règles des articles 584 et suivants.
Mme Lavoie-Roux: Y a-t-il un délai? M. Bédard:
Et là, vous avez 30 ans.
Mme Lavoie-Roux: Alors, 30 ans de délai.
M. Bédard: II y a 30 ans, à l'article 589. C'est
cela.
Mme Lavoie-Roux: C'était cela, ma question, à
savoir si c'était prévu ailleurs. D'accord.
Le Président (M. Laberge): L'article 575 sera-t-il
adopté?
M. Forget: Adopté. M. Bédard:
Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 576.
M. Bédard: L'article 576 - je vais faire quelques
remarques - ...
Le Président (M. Laberge): Allez-y.
M. Bédard: ... reprend le principe du deuxième
alinéa de l'article 241 du Code civil quant à l'effet relatif de
la seule reconnaissance, mais si la reconnaissance est jointe à d'autres
éléments, son effet peut être alors étendu aux
tiers. Le tribunal en jugera. On rejoint ainsi indirectement les circonstances
de l'article 273 de l'Office de révision du Code civil, sans
l'inconvénient d'en restreindre le nombre. D'ailleurs, le premier
alinéa de cet article 273 ne fait que renforcer le titre ou la
possession d'état.
Quant au deuxième alinéa de l'article 273, il
réfère principalement aux éléments de la
réforme des actes de l'état civil qui n'est pas encore faite.
C'est pourquoi l'article 273 de l'Office de révision du Code civil n'a
pas été repris comme tel dans le projet de loi.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Je pense maintenant au côté pratique.
L'article 576, dit: "La seule reconnaissance de maternité ou de
paternité ne lie que son auteur." On a adopté l'article 569 qui
dit: "La filiation tant paternelle que maternelle se prouve par l'acte de
naissance, etc."
J'ai déjà vu, souvent, des actes de naissance
signés par une des deux personnes et mentionnant le nom des deux. Cela
veut dire qu'avec l'article 569 ils sont tous deux responsables de l'enfant.
Avec l'article 576, il n'y a que la personne qui a signé.
M. Bédard: Le cas de la mère qui, lorsqu'elle
déclare sa maternité...
M. Blank: Oui, un enfant hors mariage.
M. Bédard: ... tient, même en dépit de
l'objection du père...
M. Blank: ... tient à mettre le nom du père.
Même, le père ne le sait pas. Le père n'est même pas
au courant.
M. Bédard: ... à indiquer le nom. C'est ce que je
vous dis. Même en dépit de son objection.
M. Blank: J'ai vu cela souvent, très souvent, dans ma
pratique.
M. Bédard: Dans un cas, vous avez une reconnaissance
puisqu'il y a eu signature de l'acte.
M. Blank: Par la femme seulement.
M. Bédard: Par la femme seulement. Donc, vous avez une
reconnaissance à laquelle s'ajoute la mention de son nom à l'acte
de l'état civil. Donc, cela fait acte de l'état civil, plus la
reconnaissance. S'il n'y a pas de possession d'état, cela demeure
contestable, mais cela commence déjà à créer
quelque chose d'assez fort, cette concordance entre la reconnaissance et l'acte
de l'état civil. Dans l'autre cas, vous n'avez qu'une mention à
l'acte de l'état civil, ce qui fait une preuve, disons, prima facie,
mais extrêmement faible, contestable.
M. Blank: Jusqu'à ce qu'il y ait une contestation, cet
enfant peut utiliser le nom de son père.
M. Bédard: Jusqu'à contestation, il y a au
moins...
M. Blank: Le nom du père dont la mère a dit que
c'était le père. Ce n'est pas nécessairement le
père.
M. Bédard: Mais le père indiqué va pouvoir
contester par tous moyens.
M. Blank: S'il est au courant.
Mme Lavoie-Roux: S'il n'est pas au courant, ça ne lui fait
pas mal.
M. Bédard: II y a un délai à partir du
moment où il est au courant. Il y a un délai d'un an.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ...si j'ai bien compris ce que le ministre a dit,
c'est au tribunal d'apprécier si la reconnaissance doit valoir
vis-à-vis les tiers. La reconnaissance seule ne lie que son auteur.
M. Bédard: C'est cela.
M. Forget: Et afin de lui permettre de lier les tiers, il faut
qu'elle soit entérinée par le tribunal qui apprécie toutes
les circonstances.
M. Bédard: Oui.
M. Forget: Oui. Évidemment, c'est un moyen. Encore une
fois, l'autre moyen, c'est de permettre à la reconnaissance de figurer
par la signature sur l'acte de l'état civil. À ce
moment-là, on n'a pas besoin d'un recours judiciaire.
M. Bédard: C'est encore contestable, mais cela commence
à être plus difficile.
M. Forget: Cela commence à être plus difficile.
C'était la solution que favorisait, par exemple, la Commission des
services juridiques.
M. Bédard: Mais nous ne l'interdisons pas.
M. Forget; Nous ne l'interdisons pas?
M. Bédard: Non, bien sûr. Dans beaucoup de cas, elle
va se réaliser, dans un certain nombre de cas.
M. Forget: Les formules utilisées pour l'état
civil, c'est une dimension', mais ce n'est pas sans intérêt non
plus. J'imagine qu'il y a une formule réglementaire pour l'inscription
des actes de naissance à l'état civil qu'il prévoit un
espace pour la signature des parents.
M. Bédard: II y a un constat d'accouchement, d'abord, qui
est joint à une déclaration faite et la déclaration
prévoit un certain contenu.
M- Forget: Y compris la signature des parents?
M. Bédard: Pas nécessairement. De celui qui fait la
déclaration, mais pas nécessairement systématiquement du
père et de la mère. Elle prévoit la signature du
déclarant qui n'est pas nécessairement le père ou la
mère. C'est sûr que, dans la pratique, dans bien des cas, ce sont
les père et mère qui signeront. Mais ce n'est pas
spécialement prévu que cette déclaration soit faite
exclusivement par eux.
M. Forget: Ne serait-il pas prudent, au moins, que la formule
utilisée invite les parents à signer?
M. Bédard: On dit bien à l'article 85: "Le
père, la mère ou, à défaut, toute personne qui a la
garde de l'enfant est tenu d'en déclarer la naissance au directeur dans
les huit jours." C'est un peu dans le sens...
M. Forget: Mais pourvu que l'un des deux le fasse, alors
l'obligation est satisfaite.
M. Bédard: Pourvu que l'un des deux le fasse ou, à
la limite, une autre personne qui a la garde de l'enfant, ce sera recevable
pour permettre l'inscription de la déclaration dans les registres.
Le Président (M. Laberge): Cela va? Article 576,
adopté. J'appelle l'article 577.
M. Bédard: Article 577. Cet article est de droit nouveau.
Il tend à éviter des reconnaissances multiples et des conflits de
filiation. Celui qui entend réclamer pour sien un enfant dont la
filiation est déjà établie devra le faire en justice, dans
la mesure où l'y autorisera l'article 584 et aux conditions de l'article
587, que nous allons voir plus loin.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 578.
M. Bédard: C'est le pouvoir du mari de désavouer
l'enfant de sa femme qui est déjà inscrit dans les articles 219
et suivants du Code civil, mais il est sérieusement limité par
les nombreuses circonstances que le mari ne peut invoquer. L'article 578
généralise, sans restriction, le pouvoir de désaveu du
mari. Cette libéralisation du désaveu peut s'expliquer, d'une
part, par le fait que la présomption de paternité n'est plus
source exclusive de légitimité de l'enfant et, d'autre part, par
le fait que l'on applique dorénavant la présomption de
paternité à tout enfant né dans le mariage, sans
égard au moment de la conception. Il y a là un certain souci de
vérité biologique.
L'article 578 étend aussi le délai du désaveu
à un an de la connaissance de la naissance par le mari. Le délai
de deux mois prévu par l'article 223 du Code civil a paru un peu court,
notamment en prenant en considération le nouveau rôle de la
présomption de paternité et des circonstances nouvelles dans
lesquelles elles s'appliquent. La présomption de paternité
proposée par
l'Office de révision du Code civil à l'encontre du
concubin n'ayant pas été retenue, le calcul du délai pour
le concubin ne se pose pas.
M. Forget: II faut peut-être en conclure que les gens au
XIXe siècle réagissaient plus vite à ces choses-là
que nous ne réagissons maintenant!
M. Bédard: Oui, c'est cela!
Le Président (M. Laberge): Article 578...
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): ...adopté. Article
579.
M. Bédard: C'est un article de droit nouveau.
M. Forget: Excusez-moi, M. le Président. Sur l'article
578...
Le Président (M. Laberge): Un retour à l'article
578.
M. Bédard: Oui, je vous en prie.
M. Forget: II y aurait une suggestion de ma collègue de
L'Acadie. Peut-être qu'elle peut la formuler elle-même.
Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment un travail d'équipe! Tout
à l'heure, mon collègue de Saint-Louis faisait mention d'un homme
qui était déclaré père par la mère, sans
nécessairement être le père. Ici, vous parlez d'un
délai d'un an, à compter du moment où le père a
connaissance de la naissance. Mais quand il a connaissance d'une
déclaration -ce n'est plus d'une naissance - comme quoi il est le
père, est-ce que c'est encore le même délai qui court?
C'est-à-dire, est-ce qu'il est couvert? C'est plutôt ma question,
puisque là, il ne s'agit que de la naissance.
M. Bédard: À l'article 585.
Mme Lavoie-Roux: À l'article 585.
M. Bédard: "Toute personne intéressée, y
compris le père ou la mère, peut, à tout moment, contester
par tous moyens la filiation de celui qui n'a pas une possession d'état
conforme à son acte de naissance." Cela serait 30 ans aussi.
Adopté.
Le Président (M. Laberge): C'est l'article 578. L'article
579 est rappelé.
M. Bédard: Cet article est de droit nouveau. Il
répond, selon l'Office de révision du Code civil, à la
situation juridique nouvelle qui serait faite à l'enfant. Étant
donné que tous les enfants jouiraient des mêmes droits, il n'est
plus nécessaire de préserver, au prix de la vérité,
un statut d'enfant d'illégitime qui serait supérieur aux autres
statuts. Il a donc été jugé utile de permettre à la
mère de démontrer que l'enfant n'est pas celui de son mari,
action d'autant plus nécessaire que l'enfant pourra ainsi
bénéficier éventuellement de son véritable foyer.
Cette solution s'inspire de la réforme de la loi française et
existe ailleurs dans d'autres législations , notamment en droit
polonais. (22 heures)
Le Président (M. Laberge): L'article 579...
M. Forget: C'est une référence qui est à
propos dans les temps qui courent, apparemment, M. le ministre.
M. Bédard: Oui. M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 580.
M. Bédard: Cet article reprend le principe de l'article
225 du Code civil, mais en précisant que l'autre parent est partie
à l'action, compte tenu de son intérêt dans la contestation
de la filiation de l'enfant.
Dans tous les cas, l'enfant est représenté par un tuteur
et non par ses parents en raison du conflit d'intérêts.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ... j'ai lu attentivement cet article et je l'ai
comparé au texte de la recommandation 278 de l'Office de révision
du Code civil. Je présume qu'il s'agit de la même intention et
j'ai l'impression que la rédaction de l'office, dans ce cas-ci - ce
n'est pas toujours le cas - est plus claire, plus lisible que celle qui nous
est proposée. Je me demande s'il y a véritablement des arguments
autres que de forme - c'est peut-être une question subjective - qu'on
peut alléguer à l'appui de la rédaction qu'on nous
propose. L'article 278 de l'office de révision dit: "Le recours est
dirigé contre l'enfant et, selon le cas, contre la mère ou le
père présumé. L'enfant mineur est représenté
par un tuteur ad hoc désigné par le tribunal saisi de la
demande." Alors qu'on a essayé, dans la rédaction qu'on nous
propose, de mettre tout cela dans une même phrase avec une incidente et
ça fait une rédaction un peu difficile à lire.
M. Bédard: La seule question à préciser, il
y a le tuteur ad hoc que l'office prévoyait, mais il pourrait arriver
aussi que l'enfant ait déjà un tuteur, ce n'est pas impensable;
sous réserve de cette précision, s'il y a lieu.
M. Forget: Oui, s'il y a lieu.
M. Bédard: Ce serait peut-être dirigé contre
le tuteur ou le tuteur ad hoc, selon que...
Parce que, dans le rapport de l'office, les parents auraient, dans la
réforme du droit des personnes à venir, la tutelle légale
de leurs enfants. Alors il est évident que, à ce moment, la
situation normale c'est que, les parents étant déjà
tuteurs, ça ne peut pas être le tuteur qui représente
l'enfant.
Donc, je pense qu'il faudrait maintenir cette précision.
M. Forget: M. le Président, il y a un autre point,
celui-là, de substance. Si on essaie de faire le lien entre 578 et 579,
d'une part, et 580, d'autre part, je me demande s'il y a compatibilité
entre ces deux premiers articles et 580, étant donné le
délai d'un an. On parle d'un délai d'un an qui suit la naissance.
Je comprends que c'est la connaissance de la naissance, mais on peut
difficilement s'imaginer que ça se prolonge pendant 25 ans et on dit "si
l'enfant est mineur" dans un des cas. Il semble qu'il y a bien peu de cas
où l'enfant ne sera pas mineur.
Enfin, je veux bien qu'on prévoie toutes les
éventualités, mais il semble acquis d'avance que ce sera toujours
un enfant mineur.
M. Bédard: On peut imaginer des hypothèses
où le père présumé prend connaissance de la
naissance vraiment très tard. C'est vraiment une sécurité,
j'avoue...
M. Forget: Oui, après la majorité de l'enfant il
reçoit la visite de son fils ou de sa fille.
M. Bédard: .... que c'est peut-être une mesure
excessive, mais enfin je pense qu'on peut la prévoir.
M. Forget: Je vois que parfois on va très loin pour
prévoir toutes les possibilités. D'accord.
Le Président (M. Laberge): À l'article 580, est-ce
que vous gardez le texte original?
M. Bédard: Alors, prenons celui de l'Office de
révision du Code civil.
Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'on pourrait en avoir
une copie pour en prendre connaissance?
M. Bédard: Oui. C'est relié à "l'enfant est
représenté par son tuteur..." "L'enfant mineur est
représenté par son tuteur".
Le Président (M. Laberge): On remplace l'article 580 par
un nouvel article qui se lit comme suit: "Le recours est dirigé contre
l'enfant et, selon le cas, contre la mère ou le père
présumé." Au paragraphe suivant: "L'enfant mineur est
représenté par un tuteur ou un tuteur ad hoc, le cas
échéant, désigné par le tribunal saisi de la
demande."
M. Bédard: Nous avions précisé le recours en
désaveu ou en contestation de paternité pour être bien
sûr que l'article 580 s'appliquait aux deux articles
précédents.
Je me demande si on n'est pas mieux avec l'autre?
C'est peut-être prudent de laisser cela.
On pourrait dire: "Le recours en désaveu ou en contestation de
paternité dirigé contre l'enfant et, selon le cas, contre la
mère ou le père présumé", de façon à
être bien sûr que cette règle de représentation
s'applique aux deux articles qui précèdent et non pas au
dernier.
Le Président (M. Laberge): II faudrait ajouter "en
désaveu". Je regrette.
M. Bédard: "Le recours en désaveu ou en
contestation de paternité."
Le Président (M. Laberge): Je vais l'écrire.
M. Bédard: Si on n'arrête pas de faire des
amendements, notre texte va être meilleur que celui de l'Office de la
révision du Code civil...
Le Président (M. Laberge): Je vais le relire. Article 580:
"Le recours en désaveu ou en contestation de paternité est
dirigé contre l'enfant et, selon le cas, contre la mère ou le
père présumé. "L'enfant mineur est
représenté par -est-ce qu'on dirait ici "le tuteur", "un tuteur"
ou "son tuteur" - son tuteur ou un tuteur ad hoc le cas échéant
désigné par le tribunal saisi de la demande."
Est-ce que cela rejoint tous vos...
M. Bédard: C'est très clair, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): ...désirs?
M. Bédard: Est-ce que "cas échéant" est
nécessaire? Pouvons-nous nous passer de "cas échéant"?
M. Forget: Bien sûr. Il n'y en aura qu'un de toute
façon?
M. Bédard: Oui. C'est cela.
Le Président (M. Laberge): C'est son tuteur ou un tuteur
ad hoc.
M. Bédard: L'autre aura déjà
été nommé par le tribunal. C'est cela.
Le Président (M. Laberge): La rédaction finale du
deuxième paragraphe se lit comme suit: "L'enfant mineur est
représenté par son tuteur ou un tuteur ad hoc
désigné par le tribunal saisi de la demande." Est-ce que ce
nouvel article 580...
Une voix: Est-ce que vous avez besoin de votre texte, vous?
Le Président (M. Laberge): J'en ai besoin pour les
registres, mais je peux en faire faire une copie si vous voulez.
M. Bédard: Faites-en faire une copie.
Le Président (M. Laberge): J'en ferai faire une copie. La
nouvelle rédaction de l'acticle 580 est est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): J'appelle l'article 581.
M. Bédard: Je n'ai pas de remarques spéciales. Cet
article reprend le principe de la transmissibilité du droit de
désaveu du père présumé à ses
héritiers. Il l'étend au droit de contestation de la mère.
Toutefois le délai pendant lequel les héritiers pourront intenter
l'action a été strictement limité à six mois du
décès de leur auteur alors que le délai de deux mois
prévu par l'article 224 du Code civil est calculé à partir
de circonstances qui peuvent survenir longtemps après le
décès.
M. Forget: Tout compte fait, je pense que c'est une sage
disposition, mais ce n'est pas sans une certaine hésitation qu'on doit
permettre la survie de ce droit de contestation. Comme il peut y avoir des
situations ou des intérêts patrimoniaux très
considérables d'impliqués, je pense qu'il serait irresponsable
d'un autre côté d'en éliminer la possibilité. On est
un peu embêté parce que s'il y a des occasions pour que le droit
soit exercé, le délai de six mois est certainement un
délai très bref. Je m'y rallie, mais il reste que pour les
héritiers qui sont mis en face d'une situation comme celle-là,
étant donné les problèmes que cela pose, la
nécessité dans laquelle ils sont d'évaluer, etc., c'est un
délai, malgré tout, très rigoureux.
M. Bédard: Nous n'avons pas d'objection à dire un
an.
M. Forget: Oui. Comme il y a d'autres délais d'un an,
peut-être...
Le Président (M. Laberge): On remplacerait, dans le
deuxième paragraphe, le mot "six" par "douze".
M. Bédard: C'est dans des cas très
particuliers.
Le Président (M. Laberge): Vous remplacez le mot "six" par
"douze".
M. Bédard: On pourrait dire "dans l'année du
décès".
Mme Lavoie-Roux: Et s'il est mort au mois de novembre 1979?
M. Forget: Dans l'année qui suit le
décès.
Mme Lavoie-Roux: Qui suit le décès, parce que
ça ne peut faire que deux mois parfois.
M. Bédard: Oui. Bon, dans l'année qui suit le
décès.
Le Président- (M. Laberge): Un instant. Je vais l'inscrire
ici même. Au deuxième paragraphe de l'article 581, on remplace les
mots "les six mois du décès" par "l'année qui suit le
décès". Est-ce que cet amendement est adopté?
M. Bédard: Adopté. M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 581
amendé est-il adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement.
Article 582.
M. Bédard: À l'article 582, je n'ai pas de
remarque, M. le Président. Je pense que la preuve doit être
acceptée à l'effet de prouver que le mari n'est pas le
père de l'enfant.
M. Blank: Ce n'est pas le contraire? Est-ce qu'il ne faut pas
prouver que le mari est le père? Non, c'est le mari. Très bien,
le mari est présumé être le père.
M. Bédard: D'accord.
Le Président (M. Laberge): L'article 582 est-il
adopté? M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Je pense qu'il faut au moins saluer au passage
l'expiration de pas moins de quatre articles du Code civil actuel...
M. Bédard: Oui, en les remerciant d'avoir
existé.
M. Forget: ...qui méritent bien d'être salués
au passage, au moment où on les abroge. Si on veut, en une seule page,
donner un exemple de ce que signifie a l'occasion la mise à jour du
droit civil, je pense que c'est le plus bel exemple qu'on puisse trouver
puisqu'il y a là toutes sortes de notions héritées
probablement du droit romain ou quelque chose d'analogue, au point de vue de la
conception de la société qu'elles expriment, et qui prennent
presque une page complète. C'est remplacé exactement par une
ligne et demie de texte donnant ouverture à toutes les contestations
possibles de paternité par tous les moyens possibles. Je crois que comme
changement, c'est assez considérable.
On me permettra de passer encore une fois ce message, cela situe dans un
climat très nouveau toute la question des preuves de la filiation. On
peut, pour l'instant, se montrer optimiste. L'avenir dira si cette ouverture
très large n'engendre pas des difficultés qui ne sont pas
suffisamment mesurées, à l'heure actuelle. À tout
événement, je pense que c'est là le noeud du
problème, s'il y a un problème. Peut-être que finalement
l'expérience va démontrer que le problème n'est pas
tellement considérable. On n'a pas eu l'habitude de tellement de
contestations dans ces domaines, mais c'était très circonscrit et
il faut espérer que l'habitude se continue même si le droit a
changé.
Le Président (M. Laberge): L'article 582 sera-t-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 583.
M. Bédard: Pas de remarque. Cet article reprend la
règle de l'article 231 du Code civil en réservant toutefois le
droit du père présumé de désavouer l'enfant et
celui de la mère de contester la paternité de son mari dans les
délais prévus.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je suis d'accord, bien sûr, avec cet article qui
nous permet, en droit civil, de s'ajuster sur les réalités de la
science médicale contemporaine. Il reste que l'Office de révision
du Code civil avait prévu une autre mesure complémentaire qui
visait à empêcher la réclamation ou la reconnaissance de
paternité par un tiers. C'était le texte de la recommandation
280. Lorsque l'insémination artificielle a lieu des oeuvres d'un tiers,
ce dernier ne peut, en aucun cas, revendiquer la paternité de l'enfant.
Le raisonnement de l'Office de révision du Code civil était, dans
ce cas là, que le caractère confidentiel de cette
opération, puisque médicalement parlant il s'agit d'une
opération, qui devait être renforcée par une prohibition
légale relativement à la reconnaissance d'une paternité
dans ce cas. (22 h 15)
M. Bédard: En fait, la proposition de l'article 281 de
l'office n'a pas été retenue, enfin, n'avait pas
été reproduite parce qu'on pensait que si jamais l'occasion se
présentait et qu'il pouvait quand même être dans
l'intérêt d'un enfant, s'il n'y avait pas d'autre filiation
d'établie, que celle-là puisse s'établir si, par
hypothèse, il y avait une connaissance.
M. Forget: Donc, on ouvre effectivement la porte à une
reconnaissance basée sur l'insémination artificielle. Est-ce
qu'on peut nous donner des indications si le droit étranger
là-dessus dit quoi que ce soit?
M. Blank: ... si ce n'est pas le mari? Une voix: S'il y a
consentement.
M. Blank: Même avec consentement. Je pense qu'il y a eu une
cause à la Cour suprême, il y a une quinzaine d'années, ou
peut-être 20 ans, selon laquelle l'insémination artificielle,
même avec consentement, c'est adultère. C'était un cas de
divorce.
M. Bédard: M. le député de
Nicolet-Yamaska...
M. Blank: ... Cela penche du côté de la femme.
M. Bédard: En général, le souci de donner un
père à l'enfant l'a emporté sur le souci de la
vérité biologique. Cela peut donner ouverture accidentellement
à des cas de consanguinité en fonction de l'avenir, mais il
faudrait que ce soit encadré.
On a prévu quand même, à l'article "585, que celui
qui aurait donné la semence ne peut pas, pour ce seul motif, venir
contester la filiation de l'enfant si, par ailleurs, il y a des
éléments qui font soit titre de possession d'état ou
présomption. Je veux dire que c'est vraiment le cas où il n'y
aurait aucune autre filiation d'établie que cet article, en fait,
que l'absence de la prohibition de l'office pourrait peut-être permettre
d'établir une filiation.
Nous avons un autre article aussi qui dit que lorsqu'il y a
réclamation d'état, il faut joindre à sa
réclamation une contestation de l'état déjà
établi. Je pense que les portes sont assez largement fermées, de
toute façon, à ce genre de revendication.
M. Forget: Le seul cas qui n'est pas éliminé par
l'article 583, c'est le cas où il n'y a pas eu consentement des deux
époux. Il doit évidemment y avoir consentement de la femme,
puisqu'il s'agit d'une opération. Si le mari n'a pas consenti, la
présomption ne joue pas à son égard et n'importe qui peut
contester la présomption de paternité. C'est-à-dire la
présomption de paternité a lieu, la contestation est ouverte s'il
n'y a pas consentement. Ma question relativement à l'état du
droit étranger, on n'a pas de réponse, je pense bien.
M. Bédard: De ce qu'on a pu voir, d'abord ni l'office ne
nous réfère vraiment à du droit étranger, et nous
avons nous-mêmes jeté un certain coup d'oeil dans le droit de la
France. Par exemple, au point de vue du droit civil, c'est très peu
développé. On en est encore à réfléchir,
à préparer un cadre de réglementation administrative
lorsqu'il y a des problèmes que cela peut soulever, notamment aux
États-Unis, par exemple, où il nous a été
donné de faire une petite incursion, il y a certains problèmes.
On craint certains risques de consanguinité accidentelle par le jeu de
la banque, étant donné que le donneur peut donner plusieurs fois.
Si l'insémination se fait dans une même population à partir
de donneurs qui aient toute la même localité, il peut y avoir
certains risques. Donc, il y a de la réglementation qui est en train de
s'élaborer, mais cela ne semble pas très avancé, surtout
au point de vue du droit civil.
M. Forget: M. le Président, plaçons-nous en dehors
de la question juridique. Lorsque ces interventions-là ont lieu, nous
nous trouvons ordinairement en présence d'un couple qui a un
problème de fertilité et pour qui ce problème de
fertilité représente une source d'angoisse, de déception
considérable. On veut absolument avoir un enfant. Il me semble que tout
ce que le législateur peut faire pour assurer à ce couple que le
geste qu'il a décidé de poser ne donnera pas ouverture à
des surprises désagréables, il devrait le faire.
Plaçons-nous du côté du couple qui, justement, veut
avoir recours à ce moyen. Le texte parle de l'auteur des oeuvres. C'est,
d'ailleurs, une expression inexacte à ce moment-là; je ne sais
pas laquelle on pourrait lui substituer; de toute façon, là n'est
pas le problème. Si on peut les assurer que l'auteur des oeuvres, selon
le Code civil, ne pourra pas leur faire la surprise de réclamer la
paternité, je pense que nous devrions leur donner cette assurance.
Indépendamment des problèmes juridiques, je pense qu'il y a
là un problème humain et psychologique indubitable et, dans le
fond, c'est un surcroît d'assurance que nous pouvons donner par le Code
civil, qui ne nous coûte rien et qui leur donne, je pense, beaucoup plus
que les questions d'héritage de l'enfant.
M. Bédard: II semble qu'on donne cette assurance-là
par la combinaison de l'article 585...
M. Forget: Le consentement des époux.
M. Bédard: Non, vous l'avez par la combinaison de
l'article 585 et de l'article 587. On y arrivera tout à l'heure et on
pourra voir si ça ferme hermétiquement la porte. Celui qui
réclame un état doit obligatoirement joindre une action en
contestation de l'état ainsi établi et, d'autre part, à
l'article 585, on ne peut pas "contester la filiation d'une personne pour le
motif qu'elle a été conçue par insémination
artificielle". Je crois que les portes sont bien closes.
M. Forget: Les portes sont bien closes.
M. Blank: J'ai une question. Le ministre a mentionné le
deuxième alinéa de l'article 585 qui dit qu'aucune personne ne
peut contester la filiation d'une personne qui a été
conçue par insémination artificielle. Qu'est-ce que l'article 583
ajoute au deuxième alinéa de l'article 585?
M. Bédard: II vient empêcher le recours en
désaveu et en contestation de paternité qui serait pris soit par
le père ou par la mère.
M. Blank: Mais le mot "filiation" ne comprend pas tout?
M. Bédard: Si je comprends bien, le paragraphe 1 est
uniquement consacré au désaveu ou à la contestation de
paternité exercée par le père ou la mère. C'est
seulement dans le paragraphe 2 que les tiers peuvent intervenir.
M. Blank: Oui, mais quand vous dites "aucune personne", ça
inclut le père et la mère aussi.
M. Bédard: Oui. M. Lalonde: Nul.
M. Blank: Nulle personne. Je lis l'anglais et je fais la
traduction.
M. Lalonde: Oui, nul.
M. Blank: Cela inclut aussi le père et la mère.
M. Bédard: L'article 583 est au sujet du consentement et
c'est assez important ici. On dit: Quand il y a eu consentement des
époux à l'insémination artificielle, il n'y a pas de
désaveu possible.
M. Blank: L'article 585 dit la même chose, mais il ne
mentionne même pas s'il y a consentement ou non. On dit: Du moment que
l'enfant est né par insémination artificielle, aucune
contestation. Les règles normales s'appliquent, les 300 jours,
l'année, etc.
M. Bédard: C'est pour ce seul motif, mais il reste quand
même, il me semble, que l'article 583, en fermant la porte au
désaveu, vient renforcer la possibilité qu'il y ait une
présomption de paternité qui va s'établir directement. Il
vient renforcer aussi un peu le titre et la possession qui vont
s'établir en faveur de cet enfant-là. Or, il semble que ça
renforce sa preuve de filiation.
M. Blank: Vous avez d'autres articles qui disent ça.
Alors, pourquoi celui-ci?
M. Bédard: Autrement, il est sujet à ne pas
être contesté, mais sans que son titre soit aussi fort.
M. Blank: Comme avocat pratiquant, je n'aime pas voir deux
articles dont un n'est pas nécessaire; ça va ouvrir la porte
à d'autres interprétations. Moins on utilise de mots dans la loi,
mieux c'est pour les parties concernées. Si c'est couvert par les deux
lignes de l'article 585, je ne vois pas pourquoi on aurait un autre
paragraphe.
M. Lalonde: Je pense que la question est quand même assez
sérieuse.
M. Bédard: Oui. Le député de
Marguerite-Bourgeoys embarque.
M. Lalonde: Mais, réellement, comment concilier 583 avec
le deuxième alinéa de 585? Seulement, l'article 583 est un peu
plus spécifique. On parle d'un recours en désaveu ou en
contestation de paternité et on spécifie que c'est du
consentement des époux, mais le test fondamental, c'est
l'insémination artificielle, alors que, dans le deuxième
alinéa de l'article 585, on dit: "Nul ne peut contester la filiation
d'une personne pour le motif qu'elle a été conçue par
insémination artificielle." Il me semble que le deuxième
alinéa de l'article 585 rend un peu caduc le contenu de l'article 583.
J'aimerais que le ministre nous fasse une démonstration
éclairée des deux articles.
M. Bédard: II a toujours des demandes brillantes à
des heures pareilles!
M. Lalonde: Si le ministre préfère ajourner la
séance pour y penser, c'est à sa guise.
M. Bédard: Voyons, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys! Je sais qu'il y a une règle d'or qui dit
que le législateur ne légifère pas pour rien dire.
M. Lalonde: C'est justement pour cette raison qu'on vous pose la
question.
M. Bédard: Exactement. Le seul fait qu'ils sont dans des
chapitres différents, est-ce qu'il y a une connotation
particulière? Je ne suis quand même pas l'expert.
En fait, il y a quand même une certaine différence. Le
recours en désaveu peut être ouvert alors même qu'il y a un
titre et une possession d'état qui est en train de s'établir,
alors qu'à l'article 585, on parle d'une situation où le titre
n'est pas conforme à la possession et là, on vient dire: Vous ne
contesterez pas pour ce seul motif.
M. Lalonde: J'aimerais beaucoup vous croire, mais, lorsqu'on lit
le deuxième alinéa de l'article 585, on ne qualifie pas cet
alinéa en fonction de la possession d'état.
M. Bédard: Mais il suit le premier.
Tout se lit en fonction de l'article 584. La réclamation, la
contestation d'état en dehors des cas prévus pour le
désaveu de la contestation de paternité ne sont possibles que
s'il n'y a pas de conformité entre le titre et la possession
d'état, ce qui est une circonstance particulière qui ouvre,
évidemment, la porte à la contestation et à la
réclamation d'état. Ce sont deux situations différentes,
alors que, dans le paragraphe premier - c'est pour cette raison qu'a
été maintenu le désaveu de la contestation de
paternité - déjà a pu se créer une possession
d'état conforme au titre. Nous sommes, devant deux situations
différentes, je reconnais que c'est assez technique, c'est assez subtil,
mais on est obligé de distinguer ces situations où une possession
d'état a pu déjà venir confirmer le titre, et à ce
moment-là on donne aux époux le privilège de pouvoir
désavouer ou de contester la paternité, et le cas où cette
conformité entre le titre et la possession d'état ne s'est pas
créée et où néanmoins on vient fermer quand
même la porte à une contestation qui, normalement, devrait
avoir
lieu parce qu'il n'y a pas cette conformité entre le titre et la
possession d'état.
M. Lalonde: Mais, tout en tenant compte de cette circonstance,
à savoir que le deuxième alinéa de l'article 585 se trouve
dans une section différente du chapitre, ne trouvez-vous pas que le
principe qui est affirmé dans le deuxième alinéa peut
contredire le principe qu'on trouve à l'article 583?
M. Bédard: Non, parce que ce qui est visé à
l'alinéa 2 de l'article 585, c'est la contestation par un tiers.
Essentiellement, c'est cela, alors que ce qui est visé à
l'article 583, c'est la contestation par les époux eux-mêmes avec
les possibilités de preuve qu'ils ont.
M. Lalonde: J'aimerais beaucoup vous croire, mais, quand on dit:
"nul ne peut contester", on ne dit pas "un tiers". On dit: "nul ne peut
contester", alors qu'à l'article 583, de toute évidence, cela
concerne le père ou celui qu'on a désigné comme
étant le père. Mais l'article 585, deuxième alinéa,
n'a pas cette nuance. Il comprend tout le monde. Nul, cela comprend le
père. (22 h 30)
M. Blank: Dans le premier paragraphe de l'article 585, on parle
de la mère aussi. Toute personne intéressée, y compris le
père et la mère.
M. Bédard: Cela veut dire à ce moment-là
que, passé le délai d'un an dans lequel ils pouvaient agir en
désaveu ou en contestation de paternité, même les parents
ne peuvent plus venir contester la filiation de l'enfant qui aurait
été conçu par voie d'insémination artificielle.
On peut le suspendre pour étude, mais je pense que...
M. Blank: Je ne vois pas comment on ne peut pas dire que
l'article 583 n'est pas inclus dans l'article 585.
M. Bédard: Trop fort casse pas. Ce n'est pas
contradictoire, en tout cas. Il y avait trois articles du même genre dans
le rapport de l'Office de révision du Code civil. On voulait être
sûr de fermer toutes les portes.
M. Blank: Oui, c'est pour cela qu'on essaie d'éliminer des
articles qui sont là, qui n'ajoutent rien.
M. Forget: M. le Président, je pense, comme c'est le cas
de mes collègues, que, si on lit simultanément - à
supposer qu'une telle chose soit possible - les trois articles en question, on
doit conclure que les époux, s'ils n'ont pas consenti à
l'insémination artificielle et si l'enfant n'est pas en possession
d'état, peuvent contester ou désavouer la paternité. Je
pense que c'est la conclusion qui s'impose à la lecture
simultanée des trois articles. S'il n'y a pas possession d'état
et s'il n'y a pas eu consentement des conjoints, les conjoints peuvent
contester la paternité.
M. Bédard: On va suspendre l'article 583 pour être
sûr. En adoptant l'article 585, on verra s'il y a lieu quand même
de garder l'article 583. Ce ne sera sûrement pas une longue discussion.
On n'aura pas besoin de le reprendre.
M. Forget: C'est un peu technique, mais il reste que, comme c'est
technique et s'il n'y a jamais de contestation, les gens vont s'accrocher aux
technicités. D'accord.
M. Bédard: Ouvert sur l'angle...
Le Président (M. Laberge): Oui, sur l'angle de...
L'article 583 est ouvert pour le moment, est en suspens. J'appelle l'article
584. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Bédard: Cela va de soi. C'est le principe, l'article
584. Adopté?
Le Président (M. Laberge): L'article 584 est-il
adopté?
M. Bédard: C'est le principe.
Le Président (M. Laberge): Cela va. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Bédard: La filiation est...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys est d'accord sur l'article 584. Adopté? Vous
adoptez les principes?
M. Lalonde: Écoutez, M. le Président, j'ai eu une
distraction ici, à ma droite...
M. Bédard: S'il vous plaît, M. le Président,
ne le faites pas parler.
M. Lalonde: J'ai eu une distraction à ma droite, ici.
L'article 584 ne présente aucun problème. Mais, lorsque
vous aborderez l'article 585, je pense qu'il faudra le suspendre comme
l'article 583.
Le Président (M. Laberge): Je vous rappellerai.
M. Forget: M. le Président, je m'excuse, j'ai eu un moment
de distraction. Je voudrais quand même revenir à des
considérations...
Le Président (M. Laberge): Sérieuses.
M. Forget: ... plus pertinentes, ou peut-être pas plus
pertinentes, mais plus sérieuses, pour souligner que c'est à cet
article 584 que le Barreau suggère que cette distinction soit faite
entre la filiation qui est reconnue à l'acte, en étant
dûment signé, et la filiation qui est simplement décrite
à l'acte, sans en porter reconnaissance.
Je voulais le souligner ici parce que nous en avons déjà
débattu et c'est à ce moment-ci que cette distinction deviendrait
pertinente. C'est au moment de la réclamation ou de la contestation
d'état.
Pour le reste, M. le Président, je suis bien prêt à
l'adopter.
Le Président (M. Laberge): L'article 584 est
adopté. Article 585.
M. Lalonde: Je pense qu'on devrait suspendre l'article 585 comme
l'article 583, parce que c'est là qu'on trouve la contradiction
apparente entre l'article 583 et l'article 585.
M. Bédard: Je préférerais qu'on adopte
l'article 585 et on verra. On dit: Nul ne peut contester. Il s'agit simplement
de savoir si l'article 583 est encore nécessaire. Alors, on a
gardé l'article 583 ouvert.
M. Lalonde: Écoutez, je ne sais pas si je peux faire appel
à la sagesse proverbiale du ministre et à sa...
M. Bédard: Vous me prenez par mon point sensible!
M. Lalonde: Remarquez que la discussion ne sera pas plus longue
si on suspend les articles 583 et 585, mais si on adoptait l'article 585 et
qu'on s'apercevait que ce n'est pas l'article 583 qui fait problème,
mais que c'est l'article 585, à ce moment, ça forcerait le
ministre à demander le consentement.
Mme Lavoie-Roux: II le donne facilement, le consentement.
M. Lalonde: Oui?
Le Président (M. Laberge): Jusqu'à maintenant, la
présidence l'a obtenu.
M. Bédard: Ici, ça fonctionne assez bien.
M. Lalonde: C'était avant que je n'arrive?
M. Bédard: Oui! On ne peut rien vous cacher!
M. Lalonde: Alors, ça va, adopté, ce
coup-là.
M. Forget: C'est ce qu'on appelle un argument ad hominem, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): Article 585, adopté.
J'appelle l'article 586.
Mme Lavoie-Roux: Après, M. le Président, il faudra
que le ministre fasse preuve de bonne foi, si on doit retourner en
arrière!
M. Bédard: Comme toujours, madame! Il n'y a qu'un argument
qui m'aurait suspris, c'est si le député de Marguerite-Bourgeoys
avait dit qu'il voulait argumenter longuement, alors là, j'aurais...
M. Lalonde: Pas du tout, jamais! J'ai simplement
contribué!
Le Président (M. Laberge): J'ai appelé l'article
586, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, et on nous
suggère, à l'article 586, deux amendements. Dans la
deuxième phrase du deuxième alinéa on nous demande de
remplacer les mots "dès lors constants" par les mots "déjà
clairement établis". C'est à l'avant-dernière ligne,
après les mots "résultant de faits"; on enlève les mots
"dès lors constants" pour les remplacer par "déjà
clairement établis".
M. Lalonde: Pourquoi "clairement"? Est-ce que c'est possible
qu'il y ait des faits qui ne soient pas clairement établis?
M. Bédard: Pour ne pas mettre "confusément
établis".
M. Lalonde: Non, mais "des faits établis".
M. Bédard: Non, "clairement établis", on veut que
ce soit clair.
M. Lalonde: Alors, les faits qui sont établis, mais pas
clairement, ce serait une objection?
M. Bédard: II faut peut-être donner l'explication
technique. Les faits qui sont visés ici, ce sont des faits qui donnent
ouverture à la présomption par témoins. C'est ce qu'on
appelle, dans le jargon, "des adminicules de preuve" qui, une fois qu'ils sont
prouvés, autorisent la présentation de la preuve par
témoins. Il faut que ce soient des faits qui ne donnent pas lieu
à enquête. Autrement dit, dès qu'on les présente au
juge, qu'il n'ait pas à faire témoigner des gens sur la
véracité des faits en question.
Un exemple simple, qui fait sourire parce qu'on le croit souvent peu
pratique, alors qu'en réalité il est souvent utilisé dans
les procès de filiation, c'est la ressemblance de l'enfant avec, par
exemple, le père prétendu. C'est assez souvent utilisé
dans les procès de filiation, contrairement à ce qu'on pourrait
croire. Évidemment, cela ne demande pas de témoignage, c'est un
fait clairement établi. Maintenant, le jeu des ressemblances, je le
reconnais, est un jeu assez suspect, quelque fois, mais si l'enfant est
relativement âgé, il peut y avoir déjà des traits du
visage qui sont suffisamment prononcés pour que la chose apparaisse
clairement au juge. C'est pour cela que le mot "clairement", ici, me
paraît important parce qu'il faut que ce soit un fait qui ne prête
pas à enquête.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais poser une...
M. Bédard: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le ministre, si vous
voulez...
M. Forget: J'avais une question, mais je ne sais pas si on y
répondra. Je peux la formuler, cependant, c'est très court.
En changeant les mots "dès lors constants" pour
"déjà clairement établis", on se trouve à
écarter une expression qui est déjà au Code civil depuis
1866. Est-ce qu'on écarte de la même façon une
jurisprudence qui se serait fixée sur ces mots?
M. Bédard: Cela peut avoir une certaine influence. Vous
avez un arrêt de la Cour d'appel des années quarante, autant que
je m'en souvienne, qui avait dit: "Peu importe que les adminicules de preuve
soient présentés avant ou après les témoignages, il
suffit qu'à un moment ou l'autre de l'enquête le juge puisse
constater la présence de ces faits dès lors constants". En disant
"déjà clairement établis" il est probable qu'on va obliger
les juges à constater d'abord la présence de ces faits clairement
établis avant d'admettre les témoignages. Je me demande si, du
point de vue procédural, ce n'est pas une modification assez sage de la
jurisprudence actuelle, parce que si le juge entend d'abord les
témoignages et qu'ensuite il accepte la présentation des faits
qui auraient rendu ces témoignages admissibles, il est possible qu'il se
montre un peu plus souple et, dans certains cas, trop souple. Je reconnais
qu'on modifierait ici sans doute une jurisprudence de la Cour d'appel. Je crois
qu'elle s'est montrée un peu trop généreuse dans
l'appréciation des faits dès lors constants.
M. Forget: Excellent. Le ministre avait des explications.
Le Président (M. Laberge): C'est sur l'article
général.
M. Forget: Ah bon.
Le Président (M. Laberge): On va adopter l'amendement si
vous voulez.
M. Forget: D'accord.
Le Président (M. Laberge): Cet amendement qui remplace
certains mots par les mots déjà clairement établis. Oui,
c'est cela.
Cet amendement est-il adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Les commentaires du ministre
sur l'article 586.
M. Bédard: Article 586? Article 587, M. le
Président?
Le Président (M. Laberge): Non. Article 586 encore.
À moins que vous ne vouliez passer au suivant.
M. Forget: Oui.
Le Président (M. Laberge): II faudrait adopter l'article
586 tel qu'amendé. J'ai un article 586.1 à ajouter. Il n'y a rien
d'autre sur 586?
M. Forget: Non, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 586 tel
qu'amendé est adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté tel
qu'amendé. On nous suggère après l'article 586 d'ajouter
un article 586.1 qui se lit comme suit: "Le commencement de preuve par
écrit résulte des titres de famille, des registres et papiers
domestiques ainsi que de tous autres écrits publics ou privés
émanés d'une partie engagée dans la contestation ou qui y
aurait intérêt si elle était vivante."
M. Bédard: C'est cela.
M. Lalonde: Est-ce qu'on pourrait avoir une copie de cette
amendement?
Le Président (M. Laberge): II y a eu quelques copies
distribuées, je crois. Je ne sais pas s'il y en a pour tout le
monde.
Article 586.1 que j'ai porté à votre attention.
M. Lalonde: Pourquoi réduire le concept du commencement de
preuve par écrit à des écrits, alors qu'on sait
très bien que le commencement de preuve par écrit peut
résulter de faits, de circonstances, d'après la loi de la
preuve actuelle?
M. Bédard: Je pense que c'est parce que cela vient de la
rédaction même de l'article 586 où les faits et
circonstances dont vous parlez sont déjà prévus par les
présomptions et indices résultant de faits déjà
clairement établis.
M. Lalonde: Cela peut être clairement établi
autrement que par des titres de famille, des registres et des papiers
domestiques parce que vous vous référez, dans l'article 586.1,
à des documents alors que vous savez très bien qu'un commencement
de preuve par écrit peut résulter de circonstances, de
témoignages, peut résulter d'autre chose que d'un
écrit.
M. Bédard: Oui, mais les témoignages sont
radicalement exclus.
M. Forget: Pourquoi?
M. Bédard: Parce qu'en matière de filiation on
n'admet traditionnellement les témoignages qu'à partir du moment
où déjà on a un commencement de preuve par écrit
spécifiquement défini ou des faits déjà clairement
établis.
On craint un peu - le mot est peut-être un peu trop fort - la
subornation de témoins dans ce domaine et on a toujours voulu être
extrêmement prudent dans l'admission des témoignages. Je pense
qu'il faut écarter certaines notions jurisprudentielles libérales
du commencement de preuve par écrit.
M. Forget: Est-ce qu'il n'y a pas, M. le Président, un
risque qu'on se retrouve dans une espèce de vide juridique ou d'absence
d'état? Si je comprends bien, l'article 586, renforcé par 586.1,
restreint les possibilités d'établir la filiation même
lorsque cette filiation qu'on conteste n'est pas établie par un titre ou
une possession d'état conforme. On a déjà une situation
qui est douteuse puisqu'il n'y a pas simultanément titre et possession
d'état conforme, il y a un titre et il n'y a pas possession
d'état conforme. Même là, on limite la possibilité
d'établir positivement une filiation. Cependant, l'article suivant 587
énonce le principe que, avant de pouvoir affirmer une nouvelle
filiation, il faut réussir dans une action jointe de contestation de
l'état précédent; à moins que les deux ne veuillent
dire la même chose, qu'on conteste une filiation en en établissant
positivement une deuxième. Il me semble que si on réussit
à contester avec succès la filiation courante jusque-là,
présumée jusque-là ou apparemment établie jusque
là et qu'une fois qu'on est rendu à mi-chemin il y a des
restrictions quant à la façon de faire la preuve positivement, on
est effectivement très restrictif. (22 h 45)
Est-ce qu'il n'y aurait pas des situations où on
réussirait la première partie, c'est-à-dire qu'on
réussirait à contester de façon croyable la
première filiation, celle qui a été présumée
exister jusque-là, mais qu'on ne réussirait pas à faire la
deuxième? On se trouverait dans la situation où on n'a plus de
filiation du tout parce qu'il n'y a pas un début de preuve par
écrit, même si les témoignages abondent, il n'y a aucun
commencement de preuve par écrit. On ne peut pas procéder, la
preuve est irrecevable. À ce moment-là, la reconnaissance ne vaut
que pour celui qui la fait, elle n'a pas d'effet à l'égard des
tiers; donc, tout le monde est paralysé, le tribunal aussi.
M. Bédard: C'est certain qu'il y a là une objection
assez sérieuse, mais si nous avons maintenu - l'office l'a fait de la
même façon - le droit existant, c'est que ce genre de choses ne
s'était pas présenté dans la pratique. Est-ce qu'on doit
faire confiance à une pratique séculaire pour dire que finalement
elle fonctionnera également dans l'avenir? Autrement dit, je ne connais
pas de cas, dans la jurisprudence, où, ayant détruit une
filiation, on n'a jamais réussi à en établir une autre.
Peut-être parce que les choses sont assez intimement liées.
M. Forget: Mais il y avait d'abord énormément de
restrictions à la possibilité de contester la filiation. On vient
de voir les quatre ou cinq articles du Code civil qu'on fait sauter. Tous les
moyens de preuve sont admis sans restriction quant à la
possibilité de contester la filiation, ce qui veut dire que relativement
à l'oeuvre de destruction nécessaire d'une filiation pour en
établir une autre, cela va quand même assez bien avec les
nouvelles propositions. On détruit la filiation, on la rend incroyable,
invraisemblable, mais la même liberté ne se retrouve pas pour le
travail de reconstruction.
Je pense que l'article 586 qui, effectivement, reprend dans une large
mesure l'article 232 du Code civil actuel, est, lui, une inspiration de cette
espèce de faveur qu'on faisait à la filiation qui paraissait
légitime à sa face même et on limitait la
possibilité, bien sûr, non seulement de la contester, mais aussi
de construire une preuve concurrente, une filiation concurrente, de prouver une
filiation concurrente. Il me semble que si on fait l'un et qu'on ne fait pas
l'autre, on risque de se retrouver assis entre deux chaises, figurativement
parlant.
M. Bédard: Tout ce que nous pouvons dire, c'est que nous
avons été plus larges que l'office ici parce que, par la
définition
que nous proposons des commencements de preuve par écrit, nous
sommes plus larges que l'office qui, lui, se référait à
une définition assez étroite. C'est l'article 68 du chapitre de
la preuve où il définissait son commencement de preuve par
écrit: Un commencement de preuve par écrit peut résulter
d'un écrit émanant de la partie adverse ou de son
témoignage.
M. Forget: Oui, effectivement, c'est beaucoup plus large.
M. Bédard: Donc, cela restreint au départ. Il peut
également résulter d'un fait dont l'existence a clairement
été démontrée. On revient ici avec les faits;
dès lors, pour l'instant, les faits déjà clairement
établis.
C'est un élargissement sur la proposition de l'Office de
révision du Code civil.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que ce nouvel article
586.1 sera adopté?
M. Forget: Vous demandez si on adopte l'article 586.1. Oui, M. le
Président, on l'adopte.
Le Président (M. Laberge): Alors, article 586.1,
adopté. J'appelle l'article 587 où je n'ai pas d'amendement.
M. Bédard: Cet article 587 est de droit nouveau,
naturellement.
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Oui, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Sur 586.1, vous dites: Cela élargit par
rapport à ce que l'Office de la révision proposait, ce
commencement de preuve par écrit. C'est ce que mon collègue de
Saint-Laurent a développé, c'est ce que mon collègue de
Marguerite-Bourgeoys a évoqué aussi. Est-ce qu'il n'existe pas
des cas où finalement cela se fait verbalement plutôt que d'une
façon écrite? Vous savez, les preuves écrites ici, au
Québec, peut-être moins aujourd'hui, il n'y a pas si longtemps, ce
n'était pas une chose fréquente. Cela ne s'est pas
présenté peut-être parce qu'à ce moment il y avait
une certaine honte à se faire passer pour quelqu'un qui n'aurait pas
été un enfant légitime, etc. Les circonstances sociales
étaient ainsi. Aujourd'hui, un enfant ou même un jeune adulte ou
un adulte a beaucoup moins de réticence à aller devant une cour
faire reconnaître sa paternité. On recherche même ses
parents naturels, ce qu'on ne faisait pas autrefois. Je pense que les moeurs et
les coutumes ont changé.
M. Bédard: Peut-être les moeurs et coutumes
iraient-elles dans le sens qu'il y aurait plus d'écrits qu'il n'y en
avait même dans le passé.
Mme Lavoie-Roux: Oui. C'est pour cela que je vous dis
qu'aujourd'hui il y aurait probablement plus d'écrits qu'autrefois, mais
il n'y a pas si longtemps - justement c'est à une
génération près ou deux dans bien des cas - les gens
n'écrivaient même pas.
M. Blank: S'il veut avoir les allocations familiales et le
bien-être social, il faut quelque chose d'écrit
immédiatement.
Mme Lavoie-Roux: Oui, cela est correct, mais celui qui a besoin
d'une preuve par écrit surtout dans les milieux plus
défavorisés, il y a encore moins de chances qu'il y ait ce type
de preuve. C'est souvent parce que quelqu'un dit: Tu sais, tu n'es pas la fille
de ton père, c'est souvent à partir d'affirmations verbales comme
celle-là qu'à un moment donné quelqu'un se met à
chercher.
M. Bédard: Vous savez, les commencements de preuve par
écrit, c'est quand même une notion très large. On a admis
comme commencement de preuve par écrit des photographies avec des
dédicaces compromettantes. On a admis des fiches d'hôtel. On a
admis des admissions dans des instances judiciaires antérieures. C'est
une notion extrêmement large, tout au moins telle que nous l'avons
définie dans le nouvel article 586.1, parce que dans la
définition que donnait l'office qui limitait cela à des
écrits émanés de la partie adverse, c'était
très limitatif. Vous savez, un commencement de preuve par écrit,
cela pourrait être vraiment un bout de papier contenant un indice, mais
qui ne suppose pas, n'est-ce pas, que celui qui l'avait en sa possession
était incapable d'écrire. Ce n'est qu'un commencement. C'est
très large comme notion.
Mme Lavoie-Roux: Ma seule préoccupation, c'est que
personne ne soit lésé. Dans le fond, vous voulez le permettre.
Peut-être qu'il n'y a pas eu de cas, mais je pense que cela peut se
présenter très différemment aujourd'hui que cela se
présentait il y a peut-être dix ou quinze ans.
M. Bédard: On a même admis comme commencement de
preuve par écrit la demande que quelqu'un avait faite dans une formule
d'allocations familiales; c'était considéré comme
étant un commencement de preuve par écrit. Évidemment, ce
sont des choses un peu effrayantes dans leur habit technique, mais qui dans la
réalité sont des choses assez simples de la vie courante.
Le Président (M. Laberge): Article 586.1, adopté.
J'appelle l'article 587.
M. Bédard: C'est un article de droit nouveau. Il importe,
en effet, de contester d'abord l'état établi avant d'en
réclamer un autre pour éviter de se retrouver dans un conflit de
filiation non résolu. Cela va de soi. C'est un peu comme le mariage; il
faut en terminer un pour en entreprendre un autre.
M. Forget: On ne peut pas avoir deux filiations contradictoires.
M. le Président, dans le texte anglais, l'article 587 n'est pas
rédigé de la même façon qu'il l'est en
français et semble contradictoire dans sa rédaction anglaise avec
l'article 584. Je crois qu'on a omis "either or" dans les deux premières
lignes: "if the child already has another filiation established, either by an
act of birth or by the possession of status", alors que là, on a
seulement deux virgules. Il y a le "or" qui suit à la fin, mais je ne
suis pas sûr que ce soit clair.
M. Bédard: Nous allons le vérifier.
M. Forget: Vous allez vérifier? D'accord.
Le Président (M. Laberge): Cet article 587 est-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle
l'article 588.
M. Bédard: L'article proposé reprend l'article 234
du Code civil en le généralisant et consacre les solutions
jurisprudentielles. L'article 289 de l'Office de révision du Code civil
n'a pas été retenu; cet article, selon l'Office de
révision du Code civil, reconnaît, comme la jurisprudence, qu'il
est impossible, par respect pour l'inviolabilité de la personne humaine,
de forcer une personne à se soumettre à un
prélèvement sanguin. Le refus de se soumettre à un examen
sanguin pouvant tenir à de multiples causes, on voit mal en effet
comment on peut en tirer une présomption de paternité dans tous
les cas.
M. Forget: Oui, d'ailleurs, M. le Président, on ne
pourrait pas établir la paternité contre une personne qui la nie
à l'aide d'un test sanguin. Tout ce qu'on peut faire, c'est prouver
l'incompatibilité d'une relation de filiation entre deux personnes, si
elles appartiennent à des groupes sanguins différents ou
incompatibles; c'est une preuve négative qu'on peut faire avec ça
et non pas une preuve positive.
Alors, elle ne pourrait être invoquée que par la personne
qui s'oppose à l'affirmation d'une filiation.
M. Bédard: Mais pas quelqu'un qui réclame.
Le Président (M. Laberge): L'article 588 est-il
adopté?
M. Bédard: Adopté. M. Forget:
Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle
l'article 589.
M. Bédard: Le premier alinéa de 589 rompt avec la
tradition d'imprescriptibilité des actions d'état et limite
à trente ans, contrairement à la recommandation de l'Office de
révision du Code civil, le délai de prescription des actions
relatives à la filiation, à moins qu'elles ne soient
déjà enfermées par la loi dans des délais plus
courts. En cela, le Québec s'inspire du Code civil français.
Le deuxième alinéa modifie, à la recommandation de
l'Office de révision du Code civil, la règle de l'article 236 du
Code civil; il limite en effet à trois ans le délai pendant
lequel les héritiers peuvent décider de réclamer une
filiation que l'enfant aurait négligé de réclamer
lui-même, tout en leur permettant d'agir, quel que soit l'âge
auquel l'enfant est décédé. Il a semblé que les
héritiers pouvaient avoir intérêt à réclamer
une filiation, même si le de cujus avait plus de 23 ans au moment de son
décès.
Le Président (M. Laberge): Avez-vous des commentaires?
M. Forget: Non, M. le Président. Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 589 est
adopté. J'appelle l'article 590.
M. Bédard: II parle par lui-même. Tous les enfants
dont la filiation est établie ont les mêmes droits et les
mêmes obligations, quelles que soient les circonstances de leur
naissance.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 590, adopté.
Maintenant, à quel chapitre voulez-vous passer?
M. Bédard: Je ne sais pas si on pourrait passer "De la
résidence familiale" dans une heure?
M. Forget: C'est un chapitre que nous avons déjà
examiné, M. le Président. Étant
donné que nous avons déjà eu une discussion sur le
sujet, discussion à laquelle j'aimerais pouvoir me
référer, je me demande s'il ne serait pas possible au ministre de
nous déposer les modifications qu'il veut faire; nous pourrions les
examiner et y revenir demain au cours de la journée.
M. Bédard: Oui, alors on pourrait aller à l'article
2, page 43 du projet, on pourrait aller jusqu'à...
Le Président (M. Laberge): Les changements au Code civil
du Bas-Canada.
M. Bédard: C'est ça.
M. Forget: M. le Président, pourrait-on suspendre la
séance pendant quelques minutes? Cela nous donnera le temps d'aller
chercher le dossier relativement à cette partie.
Le Président (M. Laberge): La commission suspend ses
travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 23 heures)
(Reprise de la séance à 23 h 16)
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et
messieursl
De la célébration du mariage
Nous avons suspendu l'étude de l'article 1 du projet de loi 89 et
on nous demande ici, à la suite de cet article 1, d'ajouter un article
numéroté 1.1 entre l'article 1 et l'article 2, qui se lirait
comme suit: "Le Code civil du Bas-Canada est modifié en ajoutant,
après l'article 7, le suivant: "7.1. Le mariage
célébré hors du Québec entre deux personnes
sujettes à ses lois, ou dont l'une seulement y est soumise, est valable,
s'il est célébré dans les formes usitées au lieu de
la célébration, pourvu que les parties n'y soient pas
allées dans le dessein de faire fraude à la loi."
Est-ce qu'il y a des explications, M. le ministre?
M. Forget: Est-ce qu'on pourrait avoir une copie de
l'amendement?
M. Bédard: II s'agit effectivement, quant au texte, de
l'article 420 du projet de loi 89, qui est déplacé au Code civil,
si vous vous souvenez, lorsque nous sommes passés là. Il devient
l'article 7.1 du Code civil du Bas-Canada. C'est l'article 420 du projet de
loi.
Le Président (M. Laberge): L'article 420 qui se trouvait
à la page 10 de notre projet de loi.
Mme Lavoie-Roux: On l'a adopté, celui-là.
Le Président (M. Laberge): Non. L'article 420 du projet de
loi à la page 10...
Mme Lavoie-Roux: II avait été laissé en
suspens.
Le Président (M. Laberge): II a été
supprimé à ce moment-là. L'article 419 a été
remplacé par un papillon qu'on a adopté. L'article 420 a
été supprimé pour être replacé ailleurs.
L'effet, à ce qu'on m'explique, est le suivant: Au lieu d'être un
nouvel article dans le Code civil du Québec, ce sera un amendement au
Code civil du Bas-Canada actuel.
M. Forget: M. le Président, je voudrais soulever, à
ce moment-ci, un point de règlement.
Je n'ai pas d'objection à procéder à la bonne
franquette et avec le maximum de collaboration. Je comprends qu'on nous fait
faire des renvois dans le corps du texte, mais si le ministre veut introduire
une motion qui prend la forme d'un nouvel article, même si le texte de
cet article est vrai, qu'on peut le retrouver dans le corps du projet de loi,
il demeure que nous devrions avoir à ce moment-ci un texte en bonne et
due forme, une motion d'amendement en bonne et due forme du projet de loi et
que ce texte devrait être distribué.
Je ne soulève pas ce point-là de manière
isolée. Avant la suspension, le ministre nous annonçait que nous
étudierions l'article 2, qui se situe à la page 43, ainsi que les
amendements qui s'ensuivent. Nous avons tenté d'obtenir une photocopie
de documents de travail qui seraient nécessaires à mes
collègues et à moi-même pour suivre le déroulement
des travaux de la commission. Alors qu'il est convenu que le service de
photocopie reste ouvert tant et aussi longtemps que l'Assemblée
nationale ou ses commissions siègent, le service de photocopie est
fermé.
M. le Président, II y a eu quatre jours de séance,
où on nous fait siéger jusqu'à minuit nous n'avons fait
aucune espèce d'objection ou d'empêchement pour collaborer
à l'adoption du projet de loi en dépit d'une fatigue qui est
normale, dont je ne me plains pas, nous sommes payés pour cela. Mais il
reste que la fatigue se fait ressentir également sur la qualité
de notre travail. Je pense que quand on est rendu à couper les coins et
à couper les budgets - peut-être, je ne sais pas - de
l'Assemblée nationale, contrairement aux pratiques et aux convenances -
on nous a même empêchés de
faire des photocopies de documents de travail dont nous avons besoin -
il est temps que nous cessions de tout accepter sans discuter et que nous
soulevions ce point de règlement, de manière que le
fonctionnement normal des commissions n'en prenne pas trop pour son rhume.
Malgré l'empressement du gouvernement, que je peux comprendre,
à voir à approuver et adopter rapidement les amendements au Code
civil, il reste que le feu n'est pas dans la demeure. Nous sommes devant un
rapport qui a été déposé devant l'Assemblée
nationale en 1978. Il y a deux ans et demi que le gouvernement le
considère au rythme qui fait son affaire, en prenant tout le temps qui
lui est nécessaire pour l'étudier, le polir et le repolir sans
cesse, selon le conseil de Boileau. Le temps qui lui a été
nécessaire s'évalue en mois et en années. Voici qu'il nous
le soumet, comme il est obligé de le faire, et que nous, le temps nous
est mesuré en heures, tout au plus en jours et qu'en plus de cela on
ajoute des difficultés sur le plan du fonctionnement des services de
l'Assemblée nationale.
Je pense, M. le Président, que la patience a des limites, que
même la meilleure volonté de collaboration ne doit pas être
mise à trop rude épreuve. Je n'ai pas abusé, M. le
Président. C'est le premier point de règlement que nous soulevons
en 40 heures de délibérations, ou quelque chose qui s'en
rapproche, jusqu'à maintenant. Ce n'est donc pas pour faire de la
procédure, mais je pense qu'à un moment donné il faut
savoir se faire respecter comme membres de cette Assemblée et ne pas
accepter d'être bousculés pour des convenances... Rien de tout
cela ne semblait pressant, il y a un an, ni il y a six mois, ni il y a trois
mois. Mais on se trouve, comme par hasard, dans la période de fin de
session et on vient de découvrir qu'il y a un Code civil à
amender, quand les règles nous permettent de siéger quatorze
heures par jour. Une grande découverte qu'on a faite du
côté gouvernemental: c'est devenu urgent, un Code civil.
Vous me permettrez de rire un peu de cette urgence, M. le
Président. Il y a quand même des limitesl On aurait pu le faire au
mois de décembre 1978, en décembre 1979. Voici que, tout à
coup, ce serait l'Opposition qui empêche d'adopter le Code civil...
M. Bédard: Question de règlement, M. le
Président.
M. Forget: C'est absolument intolérable, cette attitude.
Je pense qu'on aurait dû avoir la décence du côté du
gouvernement - c'est la première fois que j'en fais état et le
ministre va me laisser parler; quand j'aurai fini, il pourra faire son
intervention, comme il lui semblera approprié il me semble, de ne pas
imposer à l'Assemblée nationale d'adopter...
M. Bédard: J'ai une question de règlement.
M. Forget: ...une modification au Code civil au rythme de dix
heures par jour, jour après jour, jusqu'à épuisement.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent, le ministre soulève une question de règlement,
j'aimerais l'entendre.
M. Bédard: Question de règlement, M. le
Président, parce que je crois que la collaboration a été
dans les deux sens. Je ne comprends pas...
M. Forget: Quel article le ministre invoque-t-il pour me couper
la parole, M. le Président?
M. Bédard: Parce que vous évoquez...
M. Forget: En vertu de quel article du règlement le
ministre prend-il la parole, alors que j'ai encore le droit de parler?
M. Bédard: Je demande...
M. Forget: En vertu de quel article, M. le Président?
Est-ce qu'il y a quelque chose qui vous permet dans mes remarques... L'article
96 vous permet d'intervenir après que j'aurai fini de parler.
M. Bédard: M. le Président...
M. Forget: Est-ce que ce que je dis au ministre actuellement est
tellement vrai qu'il ne veut pas tolérer de l'entendre?
M. Bédard: Ce n'est pas vrai. Franchement:
Le Président (M. Laberge): Je voudrais juste savoir en
vertu de quoi il intervient.
M. Blank: C'est très différent, parler sur une
question de règlement. Ce qui peut permettre d'interrompre, c'est une
question de privilège. Or, les questions de privilège n'existent
pas ici. Je dois dire que sa question de règlement doit être finie
avant que la question de règlement du ministre commence. C'est
élémentaire.
Le Président (M. Laberge): À moins que le ministre
veuille intervenir sur un article du règlement très
spécifique qu'il voudrait mentionner.
M. Blank: Même pas cela. Il a une question de
règlement. Ce n'est pas un discours qu'il fait. C'est une question
de
règlement.
M. Bédard: C'est une question de règlement
basée sur une situation qui n'existe pas. On ne veut pas
bousculer...
M. Blank: II a le droit de s'expliquer. Si vous voulez
répondre, vous avez le droit de répondre après qu'il aura
fini.
M. Bédard: On nous a dit que l'Opposition n'était
pas prête. Je répondrai après, M. le Président, pour
ne pas compliquer la situation.
Le Président (M. Laberge): C'est en vertu de l'article 96.
En vertu de l'article 96, le ministre pourra donner une explication sur les
faits. La parole est remise au député de Saint-Laurent.
M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. J'exprimais
mon étonnement et même un peu mon indignation devant la
précipitation qu'on met à nous faire étudier ce projet
à toute vapeur. Je pourrais ajouter aux sources d'étonnement et
d'indignation que nous éprouvons de ce côté-ci de la
commission parlementaire les raisons additionnelles que peuvent avoir un
certain nombre de groupes qui, de points de vue divergents ou
différents, ont cherché à collaborer à
l'édification d'un nouveau Droit civil pour le Québec. Ce sont
des groupes qui ne sont pas tous constitués par des personnes qui sont
payées à plein temps, contrairement aux députés de
l'Assemblée nationale, pour étudier le Code civil. Ils l'ont fait
à titre bénévole. Ils ont employé à cela de
nombreuses heures, et voici qu'après les avoir invités à
préparer des mémoires et à venir les débattre ou en
débattre avec les membres de l'Assemblée nationale, il y a de
cela au-delà d'un an et demi, le gouvernement ne s'est pas autrement
soucié de débattre du projet précis qu'il soumet à
l'Assemblée nationale avec ces groupes, en dépit de leur
désir, désir qu'ils ont exprimé d'ailleurs, de participer
plus activement qu'ils ne pourront jamais le faire s'ils attendent que les
journaux leur fassent rapport de nos délibérations.
Je ne sais pas, M. le Président, si vous avez examiné les
journaux depuis quelques jours. Ils sont éloquents par leur
indifférence à la réforme du Code civil. Donc, des
citoyens intéressés doivent soit se résigner à ne
rien savoir parce qu'il semble que nos travaux ne sont pas assez
spectaculaires, du moins jusqu'à maintenant, et apprendre, après
coup, quel est le sort qu'on a fait à leurs objections, à leurs
réserves et à leur désir de voir modifier, dans un sens ou
dans l'autre, certaines dispositions du Code civil. Ou alors ils doivent
prendre sur eux de quitter leur emploi, de tout laisser, de tout abandonner,
une semaine avant Noël, pour venir siéger ici. Grâce au ciel,
il y a un ou deux représentants qui le font de façon assidue.
Mais ce n'est pas suffisant de les voir assis là. Il faudrait
peut-être aussi, à l'occasion, leur donner la chance de
participer, de réagir et de leur permettre de dire ce qu'ils pensent de
ce que nous faisons.
Je pense qu'on serait malvenu de procéder en entier à tout
ce travail sans, au moins une fois, faire allusion aux absents malgré
eux.
Si la commission parlementaire se déroulait dans un cadre
différent, si à tous les jours, par un hasard miraculeux, on
pouvait trouver dans la page consacrée aux affaires judiciaires ou
à la vie parlementaire un compte rendu des questions qui font l'objet
d'amendements de la part du ministre, d'objections ou d'interrogations, les
articles suspendus, ceux qui sont adoptés - au moins les principaux - si
on avait une façon de communiquer avec la population à laquelle
s'adressent ces amendements, je me dirais: Mon Dieu, on va pouvoir nous faire
signe si jamais on se met, sans le vouloir et sans y penser, les pieds dans les
plats. Mais pas du tout, M. le Président. Le public sera informé
quand tout cela sera devenu de l'histoire ancienne. On pourra dire: Si on avait
su, on aurait dit ceci ou cela, mais on le saura quand il sera trop tard pour
intervenir.
M. le Président, ajoutant à cette décision du
gouvernement de procéder comme cela, la veille de Noël, au rythme
de quatorze heures par jour - dix heures si on soustrait l'heure des repas, dix
heures de travail par jour - à l'adoption de modifications au Code civil
comme si c'était une question de vie ou de mort, alors que ça
fait 22 ans que tout ceci est en préparation, que ça fait quatre
ans et quelques jours que le gouvernement actuel est en place, que ça
fait deux ans et demi qu'il a reçu le rapport de l'Office de
révision du Code civil et que cela fait un an et demi qu'il y a eu des
audiences publiques pour en discuter avec la population ou, du moins, un
certain nombre de groupes dans la population qui s'intéressent à
ces choses-là, qu'on ne vienne pas me dire qu'il faut, toute affaire
cessante, adopter rapidement toutes les dispositions du Code civil qui nous
sont proposées sans même qu'on ait le temps parfois de souffler.
Quand, en plus de cela, on ajoute le retrait de certains services
parlementaires! On a dit: Bon, on vient de décider parce qu'on est
peut-être allé un peu trop vite, je ne le sais pas, on va nous
confiner à l'étude de telle ou telle section. Je veux bien. Notre
premier mouvement en a été un de collaboration; mais je pense que
le vase a débordé quand on a appris que les services de
photocopie étaient fermés. On ne s'était pas
préparé pour cela, on s'excuse. On ne peut pas se préparer
pour tous les
chapitres sans savoir. (23 h 30)
On avait convenu qu'il y aurait la filiation, on l'a fait; qu'on
parlerait des pensions alimentaires; on l'a fait. On a convenu de faire un
certain nombre de choses, on les a faites, mais on ne pouvait pas tous se
préparer pour tout faire le même soir. Je m'excuse! On n'est
peut-être pas assez prévoyant, mais il y a des choses dans la vie
comme cela qu'on ne peut pas prévoir. On dit: D'accord, on va faire un
effort, même si on ne s'est pas préparé, on va faire le
mieux possible dans les circonstances. Déjà, probablement que
nous manquons à nos devoirs, M. le Président, d'accepter si
facilement de faire porter notre attention sur une chose ou sur une autre
même si on n'est pas préparé. En plus de cela, on a dit:
Est-ce qu'on peut au moins distribuer les feuilles de travail qui nous
permettent de façon parallèle d'étudier les textes les uns
par rapport aux autres? Est-ce qu'on peut au moins avoir les photocopies pour
que mes collègues et moi-même puissions examiner de quoi il est
question? Le service de photocopie est fermé. Belle affairel
M. le Président, c'est à ce moment-là que j'ai
décidé que nous allions peut-être obtenir, en protestant,
un peu plus de respect pour les droits de l'Opposition et les droits de la
population dans la réforme d'une partie de notre droit qui est si
importante et à laquelle nous croyons, à laquelle nous voulons
contribuer. Nous n'avons suscité aucune espèce d'objection, soit
sur le plan des principes ou sur le plan du règlement, qui puisse le
moindrement être accusée d'irresponsabilité.
Je pense, au moins, que le ministre et tous les collègues de
l'Assemblée nationale pourront nous rendre cet hommage. Nous avons fait
un travail sérieux en nous servant de nos faibles lumières, en
allant souvent avec les ressources du bord, M. le Président, et ce que
nous pouvons tirer des mémoires, alors que parfois les mémoires
portent sur des articles rédigés différemment de ceux
qu'on a finalement à étudier et à approuver. Nous avons
essayé de collaborer positivement. Je pense qu'à ce moment-ci
nous sommes arrivés au bout du rouleau. À moins qu'on se
resaisisse, du côté ministériel, parce qu'il y a, je pense,
un petit peu d'abus qui est fait, et afin de bien souligner que nous avons
l'intention que toutes ces choses soient prises au sérieux, je vais
faire une motion à l'effet que la Commission parlementaire de la justice
suspende ses travaux jusqu'au mardi 16 décembre, soit demain.
M. Bédard: M. le Président, il ne sera
peut-être même pas nécessaire de faire une motion. Il me
semble qu'il aurait été facile pour l'Opposition d'exprimer son
point de vue sans mettre en doute l'esprit de collaboration que nous avons
affiché, nous aussi, tout au long de l'étude du projet de loi
jusqu'à maintenant. Je ne suis pas là pour faire des reproches
à l'Opposition de ne pas être prête à aborder
l'étude des articles que nous nous proposions d'aborder. Je
conçois que ce n'est pas toujours facile pour l'Opposition d'avoir tous
les moyens à portée de la main, d'obtenir la préparation
nécessaire pour procéder à l'étude d'un chapitre
indistinctement par rapport à un autre au niveau du Code civil, d'autant
plus que s'est ajoutée, nous devons le reconnaître, une
difficulté qui résulte du fait que les services de photocopie ne
fonctionnent pas. Ils ne fonctionnent pas pour nous non plus et nous en sommes
déçus parce que nous avions des amendements
préparés. Je conçois que le seul fait de les remettre
à l'Opposition, à un des membres de l'Opposition, cela ne
résout pas le problème, puisque tous les membres veulent
étudier ces projets d'amendements. C'est la même chose aussi pour
l'Opposition qui a à travailler en équipe et qui ne me semble pas
pouvoir, comme nous, avoir la photocopie de projets d'amendements ou encore
d'instruments de travail qui permettent de fonctionner plus efficacement. Je
pense que le député de Saint-Laurent a fait état de la
collaboration de l'Opposition et j'en suis. Je pense qu'il doit convenir aussi
que, du point de vue gouvernemental, nous avons aussi essayé d'y mettre
le plus de célérité possible au niveau de cette
collaboration. Je ne veux pas - il reste une demi-heure - faire en sorte qu'on
ait l'impression de bousculer l'Opposition. Je ne voudrais pas, par exemple,
que ce soit mis sur le compte des membres du gouvernement. Je pense que le
député de Saint-Laurent reconnaîtra ça. Je crois
que, du point de vue gouvernemental, nous avons essayé de faire en sorte
que les services que nous avons à notre disposition soient aussi au
service de l'Opposition. Nous avons remis ce soir les amendements que nous nous
proposions de faire concernant certains chapitres. J'ai également remis,
la semaine dernière, d'autres amendements concernant le chapitre
traitant de la séparation de corps et du divorce. J'ai également
remis ces amendements-là au député de Saint-Laurent pour
le profit de l'Opposition.
Je conçois que ce soir ça peut prendre par surprise, le
fait que nous entreprenions tout de suite l'étude de l'article 2 du
projet de loi. Si cela a un effet de surprise, on peut tout simplement remettre
cela à demain. Je n'ai pas plus d'objection que cela parce que je
conçois que, de part et d'autre, on doit être le mieux
préparé possible pour faire l'étude la plus correcte
possible du projet de loi, en ayant toujours à l'esprit
l'intérêt de l'ensemble non seulement des groupes, mais des
citoyens qui sont concernés
au premier titre par ce projet de Code civil. Je serais prêt
à proposer que nous remettions cela à demain, sans que nous ayons
à faire la discussion. Étant donné que les énergies
sont déjà pas mal épuisées de part et d'autre, on
va s'éviter des paroles qui n'amèneraient absolument rien de
positif dans le débat que nous avons fait jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Laberge): Vos remarques ont, d'ailleurs,
été entendues par la présidence et seront
rapportées à qui de droit concernant les services connexes.
Là-dessus, la commission de la justice ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 38)